Vous êtes sur la page 1sur 8

ISSN 1662 – 4599 27 septembre 2010

Horizons et débats
Horizons et débats
10e année
Case postale 729, CH-8044 Zurich No 37
Tél.: +41 44 350 65 50
Fax: +41 44 350 65 51
E-mail: hd@zeit-fragen.ch AZA
www.horizons-et-debats.ch
CCP 87-748485-6
8044 Zurich

Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité


pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
Edition française du journal Zeit-Fragen

Le loup n’a pas sa place en Suisse


par Roberto Schmidt, conseiller national (PCS/PDC)
Le loup préoccupe beaucoup de monde, non vent-ils payer si cher pour protéger 12 à 15
seulement les éleveurs qui craignent pour leur loups? Ce serait disproportionné. En outre,
moutons, leurs chèvres et leurs génisses, les récemment, dans l’Entlebuch, des loups ont
écologistes, qui souhaitent une libre propa- attaqué des troupeaux qui étaient pourtant
gation du prédateur en Suisse mais aussi les protégés par des chiens. Et finalement, il ne
autorités fédérales et cantonales qui, lorsque faut pas négliger le danger que représentent
les loups sévissent, doivent prendre des me- ces chiens pour les promeneurs, les touristes
sures rapides. Et finalement, nous autres po- et les amateurs de cristaux de roche ou de
liticiens sommes appelés, au Parlement, à dé- champignons. Les chiens ont une mission de
cider s’il faut continuer à considérer le loup protection et lorsque des hommes se trouvent
comme un animal «strictement protégé», sur leur chemin et se comportent de maniè-
comme le prévoit la Convention de Berne de re maladroite, ils peuvent à leur tour devenir
1979 bien que dans le monde, il ne soit plus des «loups».
menacé d’extinction. Le loup a sa place quelque part, mais pas
Depuis cet été, le loup est devenu un sujet dans la Suisse qui est très peuplée et où, con-
âprement débattu dans toute la Suisse. De trairement à d’autres pays, on exploite des al-
nombreux Alémaniques comprennent mal pages et des pâturages jusqu’à 3000 mètres
qu’une bête ait été tuée en Valais le 11 août d’altitude. C’est pourquoi on ne peut absolu-
après qu’elle eut attaqué quinze moutons et ment pas comparer notre situation avec celle
deux génisses – prétendent certains médias. de l’Italie, de la Hongrie et de la Russie. Sait-
On considère les Valaisans comme des cri- on quelles seraient les conséquences d’alpa-
minels et, au-delà du Lötschberg, on réclame ges non exploités? Ceux qui critiquent nos
le dépôt d’une plainte contre les Valaisans in- bergers et nos éleveurs seraient-ils disposés
soumis et des défenseurs fanatiques des ani- à effectuer le même travail dans les mêmes
maux adressent des menaces de mort aux ad- conditions difficiles?
versaires des loups. Le loup a besoin de grands espaces sau-
Certes, les émotions sont fortes dans les vages qu’il ne trouve pas chez nous. Ici il
deux camps, mais nous autres Valaisans n’en Prière matinale avant le départ. 12 bergers vont accomplir une mission pleine de risques. Un mil- perd visiblement ses craintes et s’attaque aux
sommes pas pour autant des criminels. Nous lier de moutons qui estivaient au pied du glacier d’Aletsch doivent être reconduits dans la vallée. moutons et aux bovins et même, en hiver, à
ne faisons que défendre nos animaux domes- Les dangers sont nombreux et ces hommes en sont conscients. nos poules. Lorsque, récemment, après une
tiques et nos animaux d’élevage. Et tous les Photo tirée de l’ouvrage illustré intitulé «embrüf, embri – die Heimkehr der Schafe». Vous en trou- attaque de loups, j’ai osé lancer le slogan
autres cantons feraient de même s’ils étaient verez un compte rendu en page 8 de la présente édition. (photo Thomas Schuppisser) «Aujourd’hui les génisses, demain les en-
victimes d’autant d’attaques de loups. Je vou- fants», je me suis rendu compte que je n’étais
drais bien savoir comment ils réagiraient si s’attaquait à leurs chiens ou à leurs chats? tion des loups, ils prétendent que l’on peut pas si éloigné de la réalité, vu les expériences
les loups faisaient autant de ravages chez eux. Nous voulons que l’on protège les animaux protéger les quelque 250 000 animaux estivés faites par d’autres pays.
Ce n’est pas en Valais que l’on a tué des ours domestiques et les animaux d’élevage et non avec des chiens, des ânes et des bergers. Cer- Le fait de tirer tel ou tel loup ne suffit pas
et des lynx! Il vaudrait la peine de tenter l’ex- les prédateurs. Pourquoi devrait-on protéger tes, la protection des troupeaux telle qu’el- à résoudre le problème. Quand les loups se
périence consistant à introduire un ou deux le loup davantage que l’ours ou le lynx? Les le est prévue dans le Plan loup peut être une seront accouplés en Suisse, nous ne pourrons
loups sur l’Uetliberg zurichois ou le Gütsch amis des loups devraient voir de leurs pro- mesure valable dans certains alpages, mais plus maîtriser les meutes. J’espère que lors
lucernois pour voir si les «citadins» les chou- pres yeux les carnages qu’ils causent: le loup elle échoue face à des meutes et lors d’atta- de la session d’automne, le Parlement fédé-
chouteraient encore. arrache les pattes et d’autres parties du corps ques de gros bétail. Dans les régions de mon- ral abordera enfin les interventions en sus-
Certains «défenseurs des animaux» sem- de l’animal vivant et dévore ses viscères. Par- tagne, il y a de nombreux alpages où, pour pens concernant le problème des loups. Elles
blent oublier que les moutons, les chèvres et fois les victimes vivent encore plusieurs heu- des raisons topographiques, les mesures de demandent notamment la suppression du sta-
les génisses sont des animaux domestiques res avant de crever dans d’atroces douleurs ou protection sont impossibles ou, dans le cas de tut de protection absolue, davantage de com-
au même titre que les chiens ou les chats. La d’être abattues. Il s’agit là de la pire cruauté petits troupeaux, extrêmement chères. Pour pétences des cantons pour la régulation pré-
protection des animaux ne vaut-elle pas pour envers des animaux. le seul canton du Valais, une protection tota- ventive et l’élimination des loups des alpages
les animaux domestiques? Que diraient les Lorsque les associations écologistes n’ont le des troupeaux coûterait entre 7 et 14 mil- que l’on ne peut pas protéger. •
partisans des loups si un de ces prédateurs plus d’arguments en faveur de la réintroduc- lions de francs. Les contribuables suisses doi- (Traduction Horizons et débats)

Ce qui se cache derrière l’introduction du loup


La dénonciation de la Convention de Berne préparerait le terrain pour une solution raisonnable
Le 30 septembre, plus de 10 interventions thk. Dans tous les pays très peuplés, la réin- fraîche. Cela signifie pour les victimes une ils pas au bien-être de toutes les bêtes? Lors
parlementaires (motions et interpellations) troduction du loup, qu’elle soit naturelle ou le mort cruelle qui ne devrait laisser insensible d’un débat, l’un d’eux a déclaré que les loups
consacrées à la problématique du loup sont résultat d’un programme encouragé en cou- aucun défenseur des animaux. Or il n’en est avait peur des hommes et que rares sont ceux
à l’ordre du jour du Conseil national et un lisses par les autorités, pose des problèmes rien. Les organisations de défense des ani- qui en avaient vu. Mais alors pour qui ces pré-
débat de plusieurs heures aura lieu sur l’ave- importants. Qu’il s’agisse de la France, de maux se taisent. Elles ont manifestement des dateurs doivent-ils être réintroduits en Suis-
nir du loup dans notre pays, avant tout sur l’Allemagne, de l’Espagne ou de la Slovaquie, intentions cachées. se? Apparemment, certains poursuivent des
l’avenir de l’élevage et de l’estivage dans les les habitants des régions concernées doivent objectifs cachés; sinon on pourrait enfermer
alpages. Il s’agit notamment de la question y faire face. Les dégâts causés aux animaux Le loup est une arme… les loups dans de vastes enclos, comme cela
de savoir quelle importance nous accordons d’élevage sont trop importants et les éventuel- L’argument selon lequel le loup vivait autre- se fait par exemple à Feldkirch, en Autriche,
à notre agriculture et donc également à l’ave- les mesures de protection, qui ne sont finale- fois en Suisse et qu’il est simplement revenu et les personnes intéressées auraient la possi-
nir du pays. ment pas sûres, sont trop coûteuses. La fable n’est pas valable. Lorsque nos ancêtres ont li- bilité de les observer de près sans qu’aucun
Les interventions étaient devenues né- de la propagation naturelle ne convainc guère béré le pays des loups au prix de grands ef- autre être vivant ne soit en danger.
cessaires après que, l’année dernière, la car le loup a besoin d’un vaste terrain de chas- forts, il comptait trois fois moins d’habitants Le loup complique surtout la vie des gens
multiplication des loups eut causé des se et est capable de parcourir sans problème qu’aujourd’hui. Il y avait plus d’espace vital de la campagne. Les citadins, animés d’une
problèmes considérables aux éleveurs de en une nuit 50 kilomètres à la recherche de et pourtant le loup était un corps étranger vision romantique du loup, n’ont aucune idée
moutons et de chèvres et que les person- proies. En Suisse, c’est impossible, car le pays qui menaçait les hommes et les bêtes, si bien des dégâts qu’il peut causer.
nes concernées eurent protesté contre une est trop peuplé et, avant d’avoir parcouru 50 qu’on a voulu s’en débarrasser.
mauvaise politique. Même le Département kilomètres, il sera tombé sur un village ou Quand nous voyons aujourd’hui les dégâts …servant à attaquer la démocratie
de Leuenberger a dû reconnaître que plus un hameau et donc vraisemblablement sur un causés par les loups dans des régions très Sans la population des campagnes, la Suis-
de 300 moutons et chèvres avaient été at- troupeau de moutons ou une basse-cour où il peuplées et que l’on constate que c’est cou- se, avec sa démocratie directe, n’existerait
taqués par des loups. Ces carnages sont va assouvir sa faim. Et ce n’est pas tout. La vert par les politiques, on se demande à quoi pas. C’est précisément la population paysan-
le résultat d’«un amour des animaux» ur- plupart du temps, le loup s’attaque à davanta- sert cette réintroduction. Les principales vic- ne qui, dès le XIXe siècle, a exigé la participa-
bain de défenseurs idéologiques des ani- ge d’animaux qu’il lui en faut pour survivre times sont les éleveurs et les paysans. Pour- tion politique de tous non seulement dans les
maux et d’organisations politiques ainsi quand il tombe sur un troupeau en liberté ou quoi faut-il réintroduire le loup en Suisse par communes et les cantons, mais également au
que d’une politique tout à fait erronée du une bergerie. Il est donc tout à fait possible tous les moyens? Cela fait-il partie d’une stra- niveau fédéral et s’est prononcée contre une
Département de Leuenberger. Or on pour- qu’il attaque jusqu’à dix animaux, les blesse tégie visant à transformer le pays ou s’agit-il démocratie uniquement parlementaire, c’est-
rait améliorer la situation si le Conseil na- grièvement, la plupart du temps aux pattes, simplement d’amis des animaux qui se font à-dire représentative. Il y eut de sérieux con-
tional décidait de dénoncer la Convention et les laisse en vie pour revenir plusieurs fois une idée irréaliste des loups? Mais pourquoi
de Berne. les jours suivants s’approvisionner en viande les défenseurs des animaux ne s’intéressent- Suite page 2
page 2 Horizons et débats No 37, 27 septembre 2010

«Ce qui se cache …»


suite de la page 1 de l’aménagement du territoire et de
l’énergie (CEATE) de réduire le chep-
flits – dans certains cas, cela a conduit tel des animaux d’élevage pour des rai-
à des scissions cantonales – jusqu’à ce sons environnementales prend une tout
que cette idée s’impose peu à peu. C’est autre signification. Et ici, on espère sans
dans les cantons de montagne comme doute que le loup pourrait rendre ser-
les Grisons ou le Valais que l’on trouve vice.
très tôt des preuves de l’existence d’une
participation démocratique dans les dif- Conservons notre liberté
férentes communes ou lors de Landsge- décisionnelle
meinden au plan cantonal. Ces expé- Mais qu’il ne se réjouisse pas trop tôt.
riences positives ont encouragé les gens L’esprit authentiquement démocratique
à obtenir la participation au niveau fédé- de la population des cantons et commu-
ral, ce qui a finalement été réalisé. nes concernés a entraîné de vives pro-
testations contre le loup car les dégâts
Obtenir par la ruse qu’il cause sont trop importants et cet
l’adhésion à l’UE? animal anachronique est trop étranger
Jusqu’à aujourd’hui, la population majo- au pays. Les éleveurs sont conscients
ritairement campagnarde a eu un rapport qu’on ne va pas en rester à quelques
naturel aux valeurs fondamentales de la loups isolés et que nous allons bientôt
Suisse et à la démocratie directe. Grâce être confrontés à des meutes entières.
à ce rapport à la campagne et à ceux qui Les conséquences pour nos élevages se-
y vivent, ils sont moins enclins à vouloir ront dévastatrices. Ce ne sera plus un
sacrifier les libertés acquises au cours loup unique qui s’attaquera à une gé-
de l’histoire au profit d’une adhésion à Le chemin descendant dans la vallée est difficile et exige beaucoup des hommes comme des bêtes. Les habitants de nisse mais une meute de quinze préda-
l’UE, censée apporter des avantages éco- la commune de Naters l’ont taillé dans le roc exprès pour le retour des moutons. (photo Thomas Schuppisser) teurs. Propager l’idée d’une protection
nomiques, et à admettre une dissolution raisonnable des troupeaux comme anti-
progressive du pays. Ici, certains milieux po- des réserves pour les loups, des terrains de la protection du paysage, la «mort» lente de dote est tout simplement absurde. Seule une
litiques qui ont de tout autres intentions, ren- manœuvres pour les troupes de l’OTAN dans l’agriculture des régions de montagne et, last importante meute de chiens dressés pourrait
contrent une opposition justifiée. On ne peut le cadre du Partenariat pour la Paix et cons- but not least, les Protocoles d’exécution de la apporter une protection à peu près satisfai-
pas leur faire prendre des vessies pour des truire des superstructures destinées au touris- Convention alpine, qui réduisent considéra- sante, mais elle représenterait du même coup
lanternes et il a fallu imaginer d’autres straté- me de luxe. blement, voire, dans certains endroits, suppri- un danger pour les hommes qui se trouve-
gies pour atteindre quand même, par des voies Ainsi, à plusieurs niveaux, on essaie de ment totalement, par des accords internatio- raient sur son chemin.
détournées, l’objectif de la dissolution de la s’attaquer à l’indépendance de la Suisse et à naux, la liberté de mouvement et de décision L’opposition de la population a incité les
Suisse dans un Etat européen. Et c’est ici que aligner de plus en plus le pays, politiquement des habitants vivant dans les cantons concer- politiques à déposer à Berne des interven-
le Plan loup du Département fédéral de l’en- et structurellement, sur l’UE. L’ambassadeur nés, tout cela relève d’une stratégie de con- tions parlementaires. Il est surtout question
vironnement, des transports, de l’énergie et de de l’UE Michael Reiterer, le Bureau fédéral centration métropolitaine et de perte progres- ici de dénoncer la Convention de Berne (mo-
la communication (DETEC) joue un rôle non de l’intégration et le Nouveau Mouvement sive de souveraineté étatique. tion Freysinger) qui déclare le loup «stricte-
négligeable. Le loup n’est qu’un instrument européen suisse, en association avec l’inter- On vise une régionalisation qui va au-delà ment protégé» bien qu’il ne soit absolument
servant à dépeupler les vallées alpines, à pro- nationalisme social-démocrate, ne se conten- des frontières cantonales et nationales. Là- plus menacé d’extinction. Il s’agit de se reti-
voquer l’exode rural et par conséquent à ins- tent pas d’inspirer cette évolution, ils se font derrière se cache le projet de l’UE de faire rer de la Convention puis d’y adhérer à nou-
taurer des «espaces métropolitains», nouvelles les acteurs de l’adhésion. disparaître peu à peu les frontières nationales veau après avoir formulé une réserve con-
unités administratives euro-compatibles très et de créer de nouvelles régions. Face à la pé- cernant les grands prédateurs. Cette réserve
éloignées des structures démocratiques de la Pas de régionalisation nurie mondiale de ressources vitales en eau a déjà été formulée par différents Etats lors
Suisse. Le think tank Avenir Suisse, qui vou- à la sauce européenne qui se prépare, la Suisse, château d’eau de de la signature de la Convention et ils peu-
drait tant introduire la Suisse dans l’UE, parle Les fermetures de bureaux de poste dans les l’Europe, va être encore davantage visée par vent réguler en conséquence la population de
de dépeupler 60 vallées des Alpes et du Jura régions de montagne ou périphériques, de les autres puissances. Il est plus facile d’ex- loups chez eux. C’est la seule solution pour
parce qu’elles ne sont pas rentables, cela sans même que la suppression de lignes de cars ploiter des vallées désertées. notre pays; sinon, ce sont des étrangers qui
consulter le peuple. Que va-t-on faire, selon postaux, la mort des petits magasins de vil- Dans ce contexte, la demande d’un mem- prendront des décisions importantes pour la
ces agitateurs, dans ces vallées? On va créer lages qui en résulte, les exigences accrues de bre de la Commission de l’environnement, Suisse. •

Dénonciation de la Convention de Berne


Motion déposée par le conseiller national Oskar Freysinger

Texte déposé qu‘ils chassent en meute, les loups com-


Le Conseil fédéral est chargé de notifier mettent souvent un carnage au désespoir
au secrétaire général du Conseil de l‘Eu- des propriétaires des moutons. Dans leur
rope la dénonciation par la Suisse de la folie meurtrière, ils ne prennent en effet
Convention de Berne. même pas le temps de dévorer leurs victi-
mes et la plupart d‘entre elles agonisent
Développement de longues heures suite aux blessures qui
Le Conseil fédéral et le Parlement ont leur ont été infligées.
omis, lors de la ratification de la Con- Le loup n‘est pas menacé d‘extinction.
vention de Berne, en 1982, d‘émettre à A preuve les dizaines de milliers de meu-
l‘article 22 alinéa 1 une réserve excluant tes qui vivent notamment dans les vastes
la protection des grands prédateurs en territoires du Canada, de l‘Alaska, de la
Suisse, alors que tout de même 12 des 27 Sibérie et du Kazakhstan.
Etats contractants l‘ont faite lors de la si- Or force est de constater qu‘il n‘exis-
gnature de la convention. te pas, en Suisse, de région suffisam-
Sachant que toutes les modifications ment étendue pour offrir au loup un es-
proposées depuis son entrée en vigueur pace vital répondant à ses besoins. Sur
ont été rejetées faute d‘avoir obtenu la un territoire aussi peuplé que le nôtre,
majorité des deux tiers des parties con- comment les loups pourraient-ils trouver
tractantes qui composent le comité per- en effet un espace approprié pour qu‘ils
manent du Conseil de l‘Europe, il ne reste puissent élever leur descendance sans
pas d‘autre choix que de recourir à l‘ar- être dérangés par l‘homme?
ticle 23 alinéa 1: «Toute partie contrac- Par ailleurs, il ne faut pas oublier le
tante peut, à tout moment, dénoncer la tourisme dans nos régions de monta-
présente Convention en adressant une gne. Les randonneurs ne tiennent pas
notification au secrétaire général du Con- forcément à se trouver face à une louve
seil de l‘Europe.» et ses petits ou à être terrorisés voire
Le loup ne connaît pas de repos. Ses dé- attaqués par des chiens de garde de
placements le conduisent jusque dans les troupeaux. Enfin, on a constaté avec le
régions habitées et le terrain de chasse temps qu‘il est pour ainsi dire inutile de
d‘une meute peut s‘étendre sur 1000 ki- mettre en place une protection à grands
lomètres carrés. Il est capable de parcou- frais, à l‘aide de chiens, d‘ânes ou de
rir quotidiennement 20 kilomètres pour clôtures, car cela ne permet pas de pro-
trouver une proie. téger le troupeau ne serait-ce que con-
Il ne va pas fournir tant d‘efforts s‘il tre un seul loup et a fortiori contre une
trouve un troupeau de moutons, tous meute (difficulté de poser une clôture
plus appétissants les uns que les autres, dans des pentes abruptes, brouillard,
concentrés au même endroit. Et lors- etc.).
No 37, 27 septembre 2010 Horizons et débats page 3

Allons-nous priver 60 % de notre territoire


de la prise de décisions démocratiques?
A propos du vote du Conseil national sur les «Protocoles d’exécution de la Convention alpine»
Cette semaine, le Conseil na- aménagement du territoire, dé-
tional va voter sur l’applica- veloppement durable, agricul-
tion des Protocoles d’exécu- ture de montagne, protection
tion de la Convention alpine. de l’environnement, gestion du
Il s’agit avant tout de savoir paysage, tourisme, protection
si la Suisse va se soumettre à du sol, forêts de montagne,
des accords internationaux qui énergie, transports et règle-
empêchent le peuple, les par- ment des litiges, on a ajouté
lements communaux et canto- des Protocoles d’exécution qui
naux, et donc le peuple, de se définissent des mesures d’ap-
prononcer contre l’élaboration plication. Ces Protocoles éla-
juridique et le développement borés dans des commissions
ultérieur de ces protocoles ad- internationales contraignent
ditionnels. les Etats signataires à respec-
L’espace alpin revêt pour la ter les directives qu’ils contien-
Suisse une importance essen- nent. Le conseiller aux Etats
tielle. En effet, plus de 60% René Imoberdorf, du PDC va-
du territoire suisse sont situés laisan, a déclaré: «Les Proto-
dans cet espace et il est inad- coles d’exécution ne sont pas
missible qu’on le soumette à n’importe quelles conventions,
un contrôle international et ce sont des accords relevant du
qu’on prive ses habitants de droit international.» (Procès-
leur participation démocrati- verbal de la séance du 2 juin,
que. Une évolution est ici en www. admin.ch). En juin, le
cours que nous ne pouvons pas Conseil des Etats a approuvé
approuver. trois de ces Protocoles (trans-
ports, aménagement du ter-
thk. Après que le Conseil na- ritoire et développement du-
tional, en décembre 2009, se rable). Le projet revient devant
fut opposé par 97 voix contre le Conseil national qui doit
93 à l’entrée en matière sur le se prononcer à son tour. Si le
projet de Protocoles d’exécu- Conseil national accepte ces
tion de la Convention alpi- Protocoles, à en croire le con-
Mémorial de Morgarten. (photo thb)
ne, la question fut renvoyée seiller national Imoberdorf, le
au Conseil des Etats. Celui-ci approuva le souveraineté. Il s’agit d’empêcher cela lors gramme-cadre. Cet accord formule à l’inten- droit international primera sur le droit na-
projet qui revint devant le Conseil natio- du vote. tion des pays concernés, soit la Slovénie, l’Ita- tional. Cela signifie que la Suisse devra ap-
nal, lequel doit maintenant se prononcer à lie, l’Autriche, le Liechtenstein, l’Allemagne, pliquer les décisions déjà prises et celles qui
nouveau. S’il décidait d’entrer en matière, Perte de souveraineté la Suisse, Monaco et la France des recom-
l’acceptation des Protocoles risquerait de Il y a quelques années, les deux Chambres ont mandations sur la protection et l’exploitation
causer à la Suisse une perte impor tante de déjà adopté la Convention alpine, son pro- de l’espace alpin. Aux domaines suivants: Suite page 4

On ne saurait être plus dictatorial Pas de juges étrangers!


Interview du conseiller national Werner Messmer, PLR (TG) par Oskar Freysinger,
conseiller national UDC (VS)
Horizons et débats: Plus de 60% de notre territoire y seraient saurait procéder de manière plus antidémo- Si la Suisse signe
Qu’est-ce qui s’op- soumis. Les protocoles représentent une con- cratique. C’est incompatible avec notre con- les protocoles ad-
pose à l’accepta- ception très unilatérale de la protection de ception de la démocratie. ditionnels de la
tion des protocoles l’environnement et négligent les intérêts éco- Convention des
d’exécution? nomiques de la population de nos montagnes. Comment organiser la collaboration avec les Alpes concernant
Werner Messmer: Les recours vont se multiplier car les requé- autres pays alpins de manière plus satisfai- les transports et
Si nous ratifions ces rants pourront s’appuyer sur les protocoles et sante? l’agriculture, elle
protocoles, ils se- les arguments de la population indigène vo- La Suisse compte parmi les pays exemplaires ne pourra plus
ront contraignants leront en éclats. en matière de protection du territoire alpin. prendre de dé-
au regard du droit La Convention suffit comme ligne directrice cisions autono-
(photo thk) international. Cela Comment est composé le tribunal arbitral et d’une collaboration raisonnable qui nous mes dans ces do-
(photo thk)
signifie que leurs quelles sont ses compétences? évite de nous soumettre à des dispositions maines et perdra
dispositions prime- En cas de différend concernant l’interpréta- étrangères. beaucoup de li-
ront sur notre droit national. C’est pourquoi tion ou les applications de la Convention ou de berté d’action. Cela s’est déjà produit dans
il suffit que nous ayons approuvé le fonde- ses protocoles, c’est, conformément au 9e proto- Quel objectif politique se cache derrière la d’autres domaines, par exemple avec la Con-
ment, c’est-à-dire la Convention alpine C’est cole d’exécution, un tribunal arbitral interna- Convention des Alpes? vention de Berne qui empêche les prises de
une bonne base de coopération entre les pays tional qui se prononcerait et cela sans que les Il s’agit pour les organisations de défense décisions de démocratie directe. Le véritable
alpins. Nous n’avons pas besoin d’autre chose. Parlements nationaux aient leur mot à dire. de l’environnement d’avoir davantage d’in- objectif de ce genre de convention n’est pas
Ce tribunal n’est pas un organisme élu dé- fluence. Les protocoles d’exécution seraient de protéger l’environnement et la population
Qu’arriverait-il si la Suisse acceptait ces pro- mocratiquement et ses décisions sont défini- un précieux instrument leur permettant d’im- – chaque pays peut le faire – mais de met-
tocoles? tives, sans possibilité de faire appel. On ne poser leur idéologie. • tre sous tutelle les parties concernées et de
saper leurs processus démocratiques.
Ce mécanisme, parallèlement aux autres
Oui à la Convention alpine, non aux Protocoles mesures de globalisation, ont pour but
Interview de Roberto Schmidt, conseiller national PDC (VS) de miner peu à peu la démocratie directe
et, finalement, même la démocratie parle-
Dans quelle mesu- ce risque lors des délibérations du Parlement. ici, le diable se cache dans les détails, c’est-à- mentaire.
re perdrions-nous Et il n’est pas admissible qu’en cas de con- dire dans les Protocoles d’exécution qui pré- Ici, avec des conventions et des accords
de notre souverai- flit ni le Conseil fédéral, ni le Parlement, ni voient de nombreuses mesures que je ne peux interétatiques qui paraissent inoffensifs, nous
neté si le Parle- le peuple ne puissent se prononcer. Ainsi, les pas approuver. En Suisse, nous voulons dé- obtenons ce que les pères fondateurs de la
ment ratifiait les citoyens de l’espace alpin perdraient beau- cider nous-mêmes des mesures à prendre le Suisse voulaient éviter en 1291: nous nous
Protocoles d’exé- coup de leurs droits de participation aux dé- moment venu pour appliquer les objectifs de soumettons à des baillis et à des juges étran-
cution de la Con- cisions politiques. Nous n’avons besoin ni la Convention alpine. Celle-ci, en tant qu’en- gers et retreignons nos libertés au point que
vention alpine? de juges ni d’organismes étrangers. La perte semble de recommandations en vue d’une notre destin ne sera plus entre nos mains mais
Le caractère obli- de moyens de participation démocratique, et protection raisonnable de l’espace alpin, est déterminé à l’étranger.
gatoire au regard donc de souveraineté de l’Etat, ne doit pas certainement justifiée, mais uniquement en C’est pourquoi il faut absolument refu-
du droit internatio- s’aggraver. tant que recommandations et non pas en tant ser ces protocoles. Sinon, bientôt aucun hé-
(photo thk) nal peut une fois de qu’instrument supranational auquel nous de- licoptère ne pourra plus voler en Valais, plus
plus porter atteinte Pourquoi êtes-vous opposé aux Protocoles? vons nous soumettre sans que ni le Parlement aucun touriste ne pourra circuler en voiture
à notre souveraineté. Il faut bien comprendre Parce que je ne veux pas que la Suisse se ni le peuple n’aient leur mot à dire. dans nos vallées de montagne et l’agriculture
que si un conflit surgit lors d’un projet, par lie encore plus à l’UE. Nous avons ratifié la En outre, je critique le fait que les Proto- sera rendue si difficile que très rapidement le
exemple une route transalpine, un tribunal Convention alpine conclue entre 8 pays al- coles soient centrés unilatéralement sur dernier paysan de montagne devra abandon-
arbitral international rendra un arrêt contrai- pins et l’UE. Ça suffit. Les objectifs de pro- la protection de l’environnement et qu’ils ner ses alpages pour céder la place aux meu-
gnant même si la Suisse n’a pas signé le Pro- tection des Alpes qu’elle contient sont for- ne tiennent pas compte des facteurs écono- tes de loups que l’on vient de réintroduire.
tocole sur le règlement des litiges. Le con- mulés de manière générale et constituent la Perspective inquiétante: que l’on se rappelle
seiller fédéral Leuenberger n’a pas pu écarter base d’une collaboration internationale. Mais Suite page 4 une certaine Wolfschanze! •
page 4 Horizons et débats No 37, 27 septembre 2010

«Les Protocoles que nous sommes cen- transports, nous dépendrons de déci- «Nous avons un peu de peine à croire rêts et de montagnes. Ce n’est pas le
sés accepter sont des accords relevant sions étrangères. Mais il y a d’autres rai- qu’il s’agit de protection des Alpes cas en Suisse. Peut-être aurait-on pu,
du droit international et auront un ca- sons de s’opposer à la ratification. Con- lorsqu’on parle de l’aéroport de Lu- dans les négociations, diviser la Suisse
ractère obligatoire pour la Suisse en cas trairement à la plupart des autres pays, gano. C’est un problème que pose autrement, mais on ne l’a pas fait. La
de ratification. Dans les domaines con- les Protocoles concernent, en Suisse, cette Convention qui impose à 60% Convention alpine en tant que telle,
cernés – par exemple l’aménagement une région importante, c’est-à-dire plus du territoire suisse une chape de me- on l’a dit, est bonne. Elle a été rati-
du territoire, la protection du sol et les de 60% de notre territoire. Ensuite les sures de protection. En effet, on veut fiée et notre législation correspond à
transports – la Suisse possède déjà des Protocoles sont axés de manière assez ignorer que la Suisse est différente la lettre et à l’esprit de cette Conven-
réglementations importantes. Comme unilatérale sur la protection de l’envi-
des autres pays, qu’elle est très peu- tion. Les objectifs sont donc atteints.
on ne pourra guère éviter des contra- ronnement. Or la région alpine repré-
plée également dans les régions al- Nous l’appliquons déjà dans notre lé-
dictions entre nos lois et les Protocoles sente pour la population qui y vit éga-
pines et qu’elle est fédéraliste. Cela gislation. Mais pourquoi signer en plus
d’exécution, il y aura constamment des lement un espace vital et économique.
insécurités juridiques. En cas de diffé- Cela engendrerait de nouveaux conflits
veut dire qu’elle respecte ses cantons, des Protocoles contraignants qui nous
rend, nous devrons nous soumettre aux inutiles au moment de l’application des tous ses cantons, même ceux des ré- mettraient en difficulté? Nous n’avons
arrêts définitifs et sans appel d’un tri- Protocoles.» gions de montagne, qu’elle voudrait pas besoin de pressions supplémen-
bunal arbitral international. Cela veut Hans Rutschmann,
leur donner les mêmes possibilités de taires de l’étranger pour réaliser nos
dire que sur des questions importan- Conseiller national (UDC/ZH) développement, d’épanouissement, objectifs environnementaux. Nous
tes d’aménagement du territoire ou de (Procès-verbal du 11/12/09) comme il se doit. C’est ce qui la diffé- n’avons pas besoin de juges étrangers
rencie d’autres pays. L’Italie, la France ni de pressions politiques ou juridi-
et l’Allemagne peuvent bien ratifier ques d’autres pays pour y parvenir.»
«Je souhaite que l’on pratique ici vrai- faire une politique en faveur des régions la Convention: elle ne concerne que Filippo Lombardi,
ment une politique qui s’oppose au dé- de montagne, on doit faire davantage 4% de leur territoire et ce sont proba- Conseiller aux Etats (PDC/T)
blement des régions marginales de fo- (Procès-verbal du 2/6/10)
peuplement et à l’appauvrissement des confiance à leur population. Il faut lui fa-
régions de montagne, j’y insiste. Si nous ciliter l’innovation et le dynamisme car
ne le faisons pas, on en restera à une ré- ceux qui sont le mieux à même de dé-
glementation incroyable. Lisez les Proto- velopper les régions de montagne sont
«Une brève remarque à propos du Pro- trer que le Protocole ‹transports› se li-
coles en entier. Evidemment, vous pour- leurs habitants. C’est pourquoi je suis
tocole ‹transports›: Les articles 9 à 13 mite au maintien des infrastruc tures
riez dire, nous ne faisons rien dans les très sceptique vis-à-vis de la Convention
sont pour moi une raison suffisante existantes. Autre exemple: l’article 12
lois, mais à chaque arrêt du tribunal, on alpine.»
de s’opposer à la ratification. On pri- rend pratiquement impossible l’utili-
dira que la Convention alpine a fixé le Christoffel Brändli,
principe X. Pour chaque autorisation, on Conseiller aux Etats
vilégie les transports publics par rap- sation des hélicoptères. L’application
invoquera ces dispositions. Et là j’ai des (UDC/VS) port aux transports privés. L’article 11- stricte de cet article forcerait les socié-
doutes. Je crois que lorsque l’on veut (Procès-verbal du 2/6/10) 2 commence ainsi: ‹Des projets routiers tés d’héliportage à renoncer au trans-
à grand débit pour le trafic intra-alpin port de personnes et de matériel.»
peuvent être réalisés, si ...›. Suivent
«Allons-nous priver 60% de notre…» luviales. Qu’avons-nous besoin de plus dans quatre conditions importantes qui ren-
Suite de page 3 nos montagnes?» draient impossible la réalisation de tels René Imoberdorf,
projets. En outre, que signifie ‹à grand Conseiller aux Etats (PCS/VS)
seront prises à l’avenir, donc également l’évo- Ambitions personnelles débit›? Cette disposition suffit à mon- (Procès-verbal du 2/6/10)
lution du droit. Nous sommes tous d’accord que les Alpes doi-
vent être protégées, mais il n’est guère dans
C’est un tribunal arbitral international l’intérêt de leur population, et donc de la du droit suisse, ou du moins appliqué de- présence du projet à long terme de nous rap-
qui réglera les différends Suisse, que l’on édicte des règles particulières puis longtemps. L’argument de Leuenberger procher toujours plus de l’UE par le biais d’ac-
L’instauration d’un tribunal arbitral interna- pour 60% du territoire du pays et qu’on les lie selon lequel la Suisse pourrait alors exercer cords et de conventions. A différents niveaux,
tional pour régler les différends est particu- à des lois internationales destinées à des pays une influence sur d’autres pays et les ame- on ne cesse d’essayer de saper les structures
lièrement problématique. A la question de sa- qui, dans leur législation et leur application des ner à l’imiter a naturellement l’air séduisant historiques de notre pays. On prévoit la créa-
voir quelles étaient les conséquences de ce lois, sont à mille lieues des normes suisses. mais, dans le contexte européen, il témoigne tion de «régions métropolitaines» qui dépas-
tribunal pour la Suisse, le conseiller fédé- Plus on étudie la question, plus on a l’im- d’une considérable surestimation de soi de la sent non seulement les frontières cantonales
ral Leuenberger, responsable de ce dossier, pression que, comme dans tant de dossiers in- part de Leuenberger. Il suffit de penser aux mais même les frontières nationales. Ainsi,
a évité de répondre clairement en disant que ternationaux, on ne joue pas cartes sur table. solutions auxquelles nous sommes parve- le concept Interreg financé à 50 % par l’UE,
ses arrêts n’étaient pas contraignants, qu’il n’y Le Département de Leuenberger parle de re- nus dans le conflit qui nous oppose à l’Alle- doit permettre de créer des projets suprana-
avait «pas de règles contraignantes». commandations des Protocoles non contrai- magne en ce qui concerne le bruit des avions. tionaux qui conduisent à effacer de plus en
Mais alors pourquoi a-t-on besoin d’un tel gnantes. En revanche, le message du Conseil Et l’Allemagne serait de nouveau un parte- plus les frontières des pays. Ce faisant, on
tribunal? Le contenu de la Convention alpi- fédéral précise qu’en cas de différend, le tri- naire de négociations. ne tient pas compte des droits populaires des
ne est déjà couvert par le droit suisse. Dans bunal arbitral international prononce un arrêt Pour Leuenberger, le fait que la Suisse Suisses et tout se passe au niveau de l’exécu-
aucun des autres pays alpins on prend autant contraignant. «La sentence est définitive et doive prendre l’année prochaine la présidence tif, comme dans l’UE. Le professeur suisse de
soin de l’environnement. Aujourd’hui déjà, obligatoire pour les Parties au différend. Il de l’organisation de la Convention alpine sciences politiques Kübler prône déjà l’ère de
on impose aux projets de construction des n’y a donc pas de moyen de recours, et les est un argument en faveur de la ratification la «démocratie postparlementaire» dans la-
obligations importantes. A ce sujet, le con- Parties sont tenues d’appliquer la sentence du des trois Protocoles. «Non, ce n’est évidem- quelle le Parlement n’a plus que des missions
seiller aux Etats Hans Hess (PLR, canton tribunal arbitral sans délai.» (art. 12) ment pas la raison principale mais c’en est de communication, où est renforcé le pouvoir
d’Obwald) a déclaré: «Je ne vais pas faire Si l’on n’est pas d’accord avec un dévelop- une aussi. Il est déjà prévu que la Suisse ac- de l’exécutif et où l’acquis, essentiel pour une
la différence entre les lois et les ordonnan- pement juridique d’un des Protocoles ou que cepte la présidence. Comment le pourrait- démocratie, de la séparation des pouvoirs doit
ces, je dirai simplement de quoi il faut déjà l’on n’accepte pas un arrêt du tribunal arbi- elle si nous disons non maintenant? Nous de- être aboli! De telles idées s’inscrivent dans le
tenir compte: protection du paysage, de la tral, on n’aura pas d’autre solution que de se vrions alors y renoncer.» (Procès-verbal du cerveau d’individus qui ont totalement perdu
nature, des plantes, des objets naturels, de la retirer de l’ensemble des Protocoles et de la 12/11/2009, www.admin.ch) le contact avec le peuple et poursuivent des
haute montagne, de la chasse, des zones de Convention. objectifs stratégiques ou idéologiques per-
passage de gibier, des sites archéologiques, Le contenu des Protocoles et la procédure Une adhésion à l’UE sonnels. Heureusement, il existe des citoyens
des nappes phréatiques, des prairies et pâtu- politique sont incompréhensibles et loin de par des voies détournées sensés qui voient clair dans ce petit jeu mi-
rages secs, des sites de reproduction des ba- toute argumentation logique. Il est absurde Il est ahurissant de voir avec quels arguments nable et s’opposent à ce que l’on abandonne
traciens, des zones de protection des sources, que la Suisse se lie à un accord international la Suisse est amenée à perdre une nouvelle les droits souverains du peuple suisse pour de
des zones de karst, des zones humides et al- dont le cadre juridique est en partie en-deçà fois de sa souveraineté. Nous sommes ici en l’argent ou du pouvoir. •

«Oui à la convention alpine …»


Suite de la page 3
tons possèdent un haut degré de codécision
et de cogestion. Il faut qu’il en soit ainsi éga-
nos voisins sans accords relevant du droit in-
ternational. Ainsi, le Parlement a déjà conféré
Horizons et débats
Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante,
lement en matière de protection des Alpes. au Conseil fédéral la compétence de négocier l’éthique et la responsabilité
Aujourd’hui, la protection de l’environnement avec l’étranger l’introduction d’une Bourse du pour le respect et la promotion du droit international,
miques. Sur bien des points, les intérêts de la dans les Alpes est suffisamment réglementée transit alpin. du droit humanitaire et des droits humains
population vivant et travaillant dans les can- par les dispositions nationales. De nouvelles Le Protocole sur les transports contient Editeur
tons de montagne sont ignorés. Nous vou- prescriptions internationales ne nous appor- de nombreux obstacles qui pourraient nous Coopérative Zeit-Fragen
lons être économiquement actifs dans l’espa- teront aucun avantage. Ce sont la Confédéra- être néfastes. Je pense par exemple à l’utili- Rédacteur en chef
ce alpin et permettre qu’il se développe de tion, les cantons et les communes qui doivent sation des hélicoptères. La Suisse s’engage- Jean-Paul Vuilleumier
manière saine. Je suis opposé à l’idée d’une décider ensemble des mesures de protection rait à limiter, voire à interdire leur atterris- Rédaction et administration
Case postale 729, CH-8044 Zurich
«réserve d’Indiens». des Alpes suisses. Et les projets de traversée sage ailleurs que sur les aérodromes. Cela Tél. +41 44 350 65 50
Et finalement, nous n’avons pas besoin des des Alpes peuvent très bien être négociés par rendrait impossible beaucoup d’interven- Fax +41 44 350 65 51
Protocoles. Lorsque le Conseil fédéral expli- la Confédération avec nos voisins selon la tions, notamment le transport de personnes E-Mail: hd@zeit-fragen.ch
que que le droit suisse répond déjà aux obli- bonne recette suisse. et de marchandises. Nous ne pouvons pas Internet: www.horizons-et-debats.ch
gations des Protocoles et que rien ne change, l’accepter. CCP 87-748485-6
c’est la meilleure preuve que nous pouvons Que représente le Protocole d’exécution Nous ne devons pas non plus oublier que IBAN: CH64 0900 0000 8774 8485 6
BIC: POFICHBEXXX
nous en passer. «transports» pour le Valais et les autres can- dans les régions de montagne, nous avons
Imprimerie
tons de montagne? besoin des transports individuels parce que Nüssli, Mellingen
Comment organiser la collaboration avec les La Convention alpine promeut le ferroutage, nous ne pouvons pas financer la desserte de
Abonnement annuel 198.– frs / 108.– €
autres Etats et quel rôle devraient jouer les ce qui est en principe une bonne chose. Il nos villages par des transports en commun.
communes et les cantons? faut créer les infrastructures nécessaires et Le Conseil fédéral veut ratifier les Protocoles ISSN 1662 – 4599

La collaboration avec les autres Etats est évi- les incitations conformes aux conditions du et supprimer en même temps des lignes de © 2010 Editions Zeit-Fragen pour tous les textes et les illustrations.
Reproduction d’illustrations, de textes entiers et d’extraits importants
demment très importante. Mais il faut que les marché afin que le trafic (des marchandises) cars postaux. Ce n’est pas logique. Les con- uniquement avec la permission de la rédaction; reproduction d’ex-
Etats désirent collaborer. Il faut pour chaque dans et à travers les Alpes soit transféré de la séquences sont évidentes: le dépeuplement traits courts et de citations avec indication de la source «Horizons
et débats, Zurich».
projet tenir compte des particularités de cha- route au rail. C’est tout à fait judicieux mais progressif des régions de montagne… avec
que Etat. En Suisse, les communes et les can- nous pouvons réaliser la collaboration avec l’aide des loups. •
No 37, 27 septembre 2010 Horizons et débats page 5

«Toute personne a le droit d’être traitée par les organes de l’Etat


sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi»
par Marianne Wüthrich, Zurich
Dans le dernier numéro d’Horizons et débats tution fédérale) ainsi qu’à la volonté déjà plu-
(no 36 du 20/9/10), quatre candidats au Con- sieurs fois exprimée clairement par le peuple:
seil fédéral ont été interrogés sur leur point Non à l’adhésion à l’EEE et à l’UE.
de vue politique. Tous les quatre (Johann
Schneider-Ammann et Karin Keller-Suter Le Conseil fédéral
(PRD), Brigit Wyss (Verts), et Jean-François viole le principe de neutralité
Rime (UDC) se sont exprimés en faveur du Une deuxième violation non moins grave de
modèle suisse, une Suisse indépendante, sou- la protection de la confiance consiste dans le
veraine, fédérale et attachée à la démocratie fait de traiter à la légère le principe de neu-
directe. Tous les quatre soutiennent le prin- tralité armée perpétuelle qui est très salutaire
cipe de la neutralité suisse liée à la mission à la Suisse depuis 200 ans. Le Conseil fédé-
humanitaire du pays en tant qu’Etat déposi- ral viole depuis des années son devoir cons-
taire des Conventions de Genève et à celle titutionnel.
des bons offices. Tous les quatre se sont pro-
noncés en faveur de la souveraineté et de la Art. 185-1 de la Constitution fédérale:
sécurité alimentaire. Les deux candidates du Le Conseil fédéral prend des mesures pour
PS n’ont pas pu ou pas voulu répondre aux préserver la sécurité extérieure, l’indépen-
questions d’Horizons et débats. dance et la neutralité de la Suisse.
Des futurs conseillers fédéraux on doit
pouvoir attendre la même chose que de toutes Le Conseil fédéral ferait bien de se rappe-
les autorités: qu’ils remplissent les tâches qui ler la recommandation toujours valables de
leur sont confiées par le peuple en veillant Nicolas de Flue «de ne pas trop élargir la
honnêtement et sérieusement à sauvegarder clôture» et de revenir au rôle modeste mais
ce modèle suisse original en constante coo- Salle du Conseil national à Berne. (photo thk) nécessaire du petit Etat neutre gardien des
pération ouverte avec la population, sachant Conventions de Genève et d’offrir son aide
que la démocratie directe est fondée sur la seillers» étrangers, certains exécutifs s’arro- rités avant une votation populaire dans le but humanitaire et ses bons offices. Or le Conseil
ferme volonté du citoyen de participer acti- gent aux trois niveaux de l’Etat, en contour- d’influencer le vote des citoyens doivent être fédéral viole depuis des années, contre la
vement au développement de la collectivité, nant le peuple et en partie les parlements, de considérés comme des infractions éviden- ferme volonté d’une majorité du peuple, le
pour leur commune, leur canton, leur pays et plus en plus de pouvoirs en créant en dehors tes contre la bonne foi, que les informations principe de neutralité et prétend délibéré-
les hommes du monde entier. de l’organisation de l’Etat réglée par la loi, fausses aient été données de mauvaise foi ou ment que presque tout sauf l’adhésion à part
de nouvelles institutions sur l’exemple de non. La répétition d’affirmations fausses pen- entière à l’OTAN a sa place dans la neutralité
«En dernière analyse, la démocratie n’est l’UE, comme la Conférence des gouverne- dant une longue période enfreint également dans sa version suisse.
pas une question de forme de l’Etat mais ments cantonaux, des associations d’agglo- l’article 9. La liste des actions contre la neutralité et
de convictions populaires.», écrivait l’histo- mérations et des conférences régionales ou, les fausses informations des citoyens est lon-
rien suisse Adolf Gasser en 1947 («L’auto- dernièrement, des conférences métropolitai- Dommage immatériel pour le modèle gue: Ainsi, le Conseil fédéral a signé, der-
nomie communale et la reconstruction de nes. La Suisse est inondée de ces créations de démocratie directe de la Suisse rière le dos du peuple, l’accord du Partena-
l’Europe: principes d’une interprétation bizarres, étrangères à notre notion de l’Etat Mais le dommage atteint une ampleur bien riat pour la paix (PpP) avec l’OTAN, a fait
éthique de l’histoire»). Aujourd’hui, plus qui incluent en partie aussi des institutions plus grande que le simple fait que le citoyen de notre armée de milice défensive conforme
de 60 ans après, la plupart des Suisses por- en dehors de nos frontières et se présentent individuel aurait voté autrement s’il avait été à la Constitution une troupe compatible avec
tent toujours ces convictions dans leur cœur apparemment de manière inoffensive comme bien informé. Matériellement, il est à craindre l’OTAN constituée de soldats en service long
mais elles sont menacées de l’extérieur: La des associations de droit privé sans pouvoir que bon nombre de votations populaires des et de soldats professionnels; il a fait passer
démocratie directe de la Suisse souveraine, décisionnel. Toutefois nos conseillers d’Etat dernières années auraient eu d’autres résultats de justesse dans une votation populaire la loi
fédérale, neutre, organisée en petites struc- et conseillers communaux ainsi que de nom- si l’exécutif avait informé correctement les ci- sur les engagements à l’étranger en faisant
tures dérange la bureaucratie centraliste et breux fonctionnaires de l’administration élus toyens. Si c’était le cas d’une seule votation, croire au peuple qu’il s’agissait d’engage-
antidémocratique de l’UE à Bruxelles. De- par nous pour accomplir leurs missions cons- ce serait déjà assez grave. Mais le dommage ments pour la paix. De plus, le Conseil fédé-
puis des années, des politiques de l’UE es- titutionnelles se retrouvent dans ces grou- immatériel serait encore plus grave pour la ral a prétendu faussement que même un siège
saient d’éliminer ce petit mais important élé- pements avec des «experts professionnels» démocratie directe en tant que telle et pour suisse au Conseil de sécurité de l’ONU, ins-
ment perturbateur dans le marché intérieur payés avec l’argent de nos impôts et présen- l’éthique des citoyens. Pour Adolf Gasser, une trument de pouvoir par excellence, n’était pas
des multinationales. Et ils ne se gênent pas tent finalement – dans le meilleur des cas! des caractéristiques essentielles d’une démo- contraire à la neutralité. Même l’adhésion de
d’embrigader des politiciens suisses pour – aux parlements et au peuple les résultats cratie saine est qu’elle dispose «d’un système la Suisse à l’UE ne serait pas, aux dires ré-
servir leurs objectifs. Et malheureusement de leur «travaux d’experts» de plusieurs an- d’autodétermination ancien et très solide de pétés mais toujours faux du Conseil fédé-
il y en a qui participent à ce petit jeu, soit nées pour qu’ils les adoptent. Souvent on ne ses associations communales et régionales»; ral, contraire au principe de la neutralité bien
par re cherche du pouvoir personnel, soit peut même pas voter parce qu’il ne s’agit il appelle cela «la dimension éthique de la qu’on puisse lire dans tous les journaux que
par manque de connaissances. Il est grand pas de «décisions» mais «d’échanges infor- démocratie». (cf. Horizons et débats no 35/fé- l’UE, avec sa Politique européenne de sécu-
temps de rappeler à bien des politiques et mels». Aucune de ces structures étranges vrier 2006). C’est une particularité de la dé- rité et de défense (PESD), fait la guerre en
des membres de l’administration leurs de- n’a été crée par le peuple, aucun de nos po- mocratie directe que les citoyens se sentent plusieurs endroits du monde. Il y a une année,
voirs et les fondements de l’Etat de droit liticiens de l’exécutif n’a été élu pour de ce responsables de leur communauté et qu’ils le Conseil fédéral voulait même faire entrer
qu’ils ont juré de respecter lors de leur pres- genre d’activités. gagnent en qualité de vie grâce à leur par- la Suisse dans cette alliance en participant à
tation de serment. En effet, la libre forma- ticipation active et émotionnelle. C’est pour- la «lutte contre la piraterie» dans le golfe de
tion de l’opinion des citoyens et les décisions Le principe juridique de la «bonne foi» quoi il faut que tous les citoyens participent Somalie (opération Atalante), ce à quoi, heu-
démocratiques indépendantes qui en décou- «Ce qui s’avère lourd de conséquences, c’est ensemble de manière constructive à la sauve- reusement, le Conseil national s’est opposé.
lent lors des votations populaires supposent que les mensonges publics de nos ‹élites› ont garde du modèle suisse. Le Conseil fédéral doit enfin mener une
que la population puisse se fier au respect de plus en plus détruit la confiance et que le politique de neutralité qui mérite ce nom.
des lois et à l’honnêteté des autorités. principe juridique classique de la bonne foi Violation de la bonne foi:
qui fonde la vie en société et la collaboration relation de la Suisse avec l’UE Retour
L’Etat de droit et repose sur la condition que les gens agis- Un exemple déjà classique sont les affir- aux valeurs éthiques du modèle suisse
«Au centre de l’idée d’Etat de droit se trou- sent honnêtement et sérieusement, est remis mations contradictoires et le comportement Aux candidats au Conseil fédéral qui ont af-
ve la limitation du pouvoir de l’Etat au profit en question.» (Thomas Huber dans Horizons opaque du Conseil fédéral en ce qui con- firmé, dans l’interview d’Horizons et débats,
de la liberté de l’individu.»1 La base de l’Etat et débats no 36 du 20/9/10). cerne la relation de la Suisse avec l’UE. Le vouloir s’engager en faveur de la sauvegarde
de droit est le principe de légalité, c’est-à- Dans l’Etat de droit, toutes les autorités 19 août 2010, la présidente de la Confédé- de la Suisse neutre souveraine, fédérale et at-
dire le respect du droit par tous les orga- sont tenues par la Constitution de sauvegar- ration Doris Leuthard a déclaré dans les tachée à la démocratie directe, nous souhai-
nes de l’Etat. La séparation des pouvoirs est der le principe juridique de la bonne foi. Dans médias que le Conseil fédéral, après avoir tons beaucoup d’optimisme et de force dans
issue du principe de légalité. Le but de l’Etat la Constitution fédérale de 1999, ce principe louvoyé pendant des années, avait trouvé fi- l’exécution de cette tâche.
de droit est «la sauvegarde de la dignité hu- est cité explicitement. Auparavant il n’était nalement que la voie bilatérale était encore Pour finir, rappelons les déclarations de-
maine et de la liberté individuelle». En con- qu’implicite. la meilleure solution pour la Suisse. Mais le vant le Conseil national, en 1963, de Friedrich
séquence, l’Etat de droit protège l’individu Conseil fédéral refuse obstinément de reti- Traugott Wahlen, grand conseiller fédéral qui
«contre les abus et l’arbitraire des organes Article 9 de la Constitution fédérale: rer la demande d’adhésion déposée en 1992 devrait servir d’exemple à l’exécutif actuel:
de l’Etat». Protection contre l’arbitraire et à Bruxelles et tout le monde sait que des ser- «La confrontation de notre pays au pro-
Le principe de légalité implique par protection de la bonne foi vices entiers de l’administration fédérale se cessus d’intégration européenne a forcé notre
exemple que le Conseil communal (l’exécu- Toute personne a le droit d’être traitée par consacrent uniquement à la transposition du peuple à réfléchir de nouveau plus intensé-
tif) ne doit confier ses compétences, détermi- les organes de l’Etat sans arbitraire et con- droit communautaire dans le droit suisse, de ment aux valeurs suprêmes. Le résultat de
nées par le règlement communal, ni à un bu- formément aux règles de la bonne foi. leur propre autorité et sans nécessité exté- cette réflexion est réjouissant. Des couches
reau de développement organisationnel ni à rieure. De même, le Conseil fédéral continue importantes de la population se sont rendu
un «groupe de pilotage», mais qu’il doit exé- D’après la doctrine du droit public, l’article 9 à poursuivre ses diverses «options de politi- compte clairement de la valeur de nos ins-
cuter ses missions légales lui-même et en as- de la Constitution fédérale protège la con- que européenne», qu’il s’agisse d’un accord titutions politiques, du fédéralisme et de la
sumer la responsabilité. fiance des particuliers dans les assurances cadre visant à reprendre automatiquement le démocratie directe. Elles sentent instinctive-
Le principe de séparation des pouvoirs, et les renseignements donnés par les autori- droit communautaire ou de l’adhésion de la ment combien le maintien de ces institutions
c’est-à-dire la répartition du pouvoir de tés. Il interdit également des actions contra- Suisse à l’EEE ou à l’UE. Nous exigeons du dépend d’une poursuite rigoureuse de notre
l’Etat entre le législatif, l’exécutif et le ju- dictoires des autorités. Les citoyens qui ont Conseil fédéral et surtout des deux nouveaux politique de neutralité.» •
diciaire, doit aujourd’hui être soigneuse- pris des dispositions irrévocables sur la base élus qu’ils mettent un terme à un tel compor-
ment surveillé par les citoyens. Le pouvoir d’informations fausses ont le droit d’inten- tement préjudiciable à la confiance et qu’ils
suprême en démocratie c’est le législatif, ter une action juridique (cours de W. Kälin, s’en tiennent dès maintenant à la mission 1
Walter Haller/Alfred Kölz, Allgemeines
donc dans la démocratie directe suisse, le printemps 2010). Il est évident que de faus- constitutionnelle de protection de l’indépen- Staatsrecht, Zusammenfassung, Dübendorf,
peuple souverain. Sous l’influence de «con- ses assurances ou renseignements des auto- dance de la Suisse (Art. 185-1 de la Consti- 2002/2003, p. 27sqq.
page 6 Horizons et débats No 37, 27 septembre 2010

Pour une économie de marché civilisée


Contre l’«aveuglement économiste»
par Peter Ulrich
Depuis des millénaires, l’homme, en raison Ludwig Erhard, le père du «miracle écono- de toute urgence. Le «désenchantement du
de ses besoins et de ses aptitudes qui se sont mique» allemand de l’après-guerre.1 Cepen- monde» – c’est ainsi que Max Weber qua-
diversement développées au cours de l’his- dant le «miracle» du dynamisme de l’écono- lifiait le processus de modernisation et de
toire, est un être économique qui essaie de mie de marché qui est censée apporter aux rationalisation de la culture et de la société
vivre rationnellement avec des ressources li- membres de la société une amélioration de – devra encore être mis en lumière, dans le
mitées. Mais en tant qu’être de culture, il est leur situation s’affaiblit à vue d’œil et fait domaine de la pensée économique, même si
davantage qu’un homo oeconomicus. L’activi- place à une nouvelle aggravation des antago- la doctrine admirable des effets salutaires du
té économique n’est pas un but en soi mais un nismes sociaux entre les gagnants et les per- marché (mondial) «libre» a perdu beaucoup
moyen de vivre bien. Celui qui pratique l’éco- dants de la concurrence, entre les riches et les de son éclat, en tout cas depuis la récente
nomie de manière rationnelle ne se laisse pas pauvres. Même dans les pays «les plus avan- crise financière et économique. De nom-
diriger par la logique de l’économie (de mar- cés», on assiste à une nouvelle précarisation breux milieux ne croient plus au marché et
ché) mais obéit à des objectifs pratiques: vie du monde du travail qui touche maintenant la crise financière débouche inévitablement
culturelle et conception d’une société dans la- des couches de population tout à fait quali- sur une crise de l’éthique économique.
quelle il fait bon vivre. fiées: emplois souvent à durée limitée, travail Les crises sont des périodes de bouleverse-
En quoi consiste pratiquement l’économie mal rémunéré, prestations sociales insuffisan- ments dans lesquelles des changements por-
rationnelle? Nous connaissons la réponse tra- tes. Même si la prospérité générale augmente, teurs d’avenir, voire historiques, sont néces- (photo mad)
ditionnelle: la société industrielle moderne a elle se répartit de manière de plus en plus iné- saires. Après la perte des évidences des temps
concentré presque toute son énergie sur une gale. Il n’est donc pas étonnant que la situa- «normaux», on assiste régulièrement d’une Peter Ulrich, professeur émérite de sciences po-
«rationalisation» toujours accrue de la pro- tion d’une grande majorité des citoyens soit part à des tentatives de rétablir l’ordre an- litiques, a été le premier titulaire de la chaire
duction afin d’augmenter le volume des ressentie comme injuste.2 cien pour retrouver le plus rapidement pos- d’éthique économique de l’Université de Saint-
biens disponibles et par conséquent la pros- Chaque fois que le message de l’utili- sible le business as usual. D’autre part appa- Gall et le fondateur et directeur de son Institut
d’éthique économique. La 4 e édition, profon-
périté. L’augmentation de la productivité et té automatique, pour l’intérêt général, de la raissent des réflexions tournées vers l’avenir dément remaniée, de son ouvrage de référence,
la croissance économique sont donc considé- valorisation du capital de l’économie privée et concernant des critères justifiés par la rai- «Integrative Wirtschaftsethik. Grundlagen einer
rées comme les critères fondamentaux d’une a menacé de perdre sa force pour la majo- son qui nous permettent d’orienter notre lebensdienlichen Ökonomie», a paru en 2008
politique économique «rationnelle», sa re- rité de la population, la doctrine économi- pensée et notre action et éventuellement de (Haupt Verlag, Berne). Les traductions en an-
cette générale étant: davantage de marché et que libérale – et il s’agit ici du second argu- réorganiser notre vie sociale. La tâche cen- glais (Cambridge University Press) et en espa-
davantage de concurrence. Depuis plus de ment – a insisté sur les contraintes imposées trale de l’éthique moderne est de rendre ef- gnol (Abya-Yala, Quito, Equateur) ont paru la
200 ans, c’est le concept central du libéra- par la concurrence. Ceux qui sont intéres- ficaces ces critères en vue de la critique et même année.
lisme économique. Bien qu’il ait, politique- sés par une dérégulation accrue des forces de la nouvelle orientation de la situation qui
ment, fallu lutter péniblement pour l’établir, du marché évoquent aujourd’hui la «con- n’est manifestement pas encore particulière- téralement d’une économie de marché civi-
il impose, par poussées successives, dans un currence internationale des sites économi- ment rationnelle. L’affirmation du philosophe lisée.5
nombre toujours plus grand de pays, une dé- ques» comme un argument à valeur univer- Manfred Riedel, selon laquelle l’éthique en Quelque étrange qu’elles puissent paraître
régulation («libéralisation») progressive des selle. Et on s’empresse d’insister sur le fait tant que critique des idéologies et des inté- à ceux qui croient à la doctrine jusqu’ici do-
forces du marché, les soustrayant au contrôle que la globalisation est un phénomène dont rêts qui se cachent derrière les crises, «appa- minante des contraintes du marché, les ques-
de la société et du pouvoir politique. les conséquences pour notre vie courante raît comme une réflexion sur les crises»4, est tions fondamentales, lorsqu’on est en quête
Ces trente dernières années, la globalisa- doivent, si l’on est rationnel, être acceptées plus actuelle que jamais. d’une économie de marché civilisée, sont les
tion des marchés a constitué une de ces pous- comme aussi inévitables que les change- Afin d’éviter un malentendu, précisons que suivantes: Quelle économie voulons-nous?
sées. Le moteur en sont principalement les ments du temps. la critique éthique ne vise pas une économie Comment voulons-nous, citoyens d’une so-
puissants intérêts du capital à la recherche de Mais est-ce rationnel? Dans le présent de marché productive mais le fait qu’elle de- ciété démocratique libérale, organiser notre
nouveaux marchés et de sites de production livre, nous développons un autre point de vienne une société de marché totale qui sou- vie économique publique et privée? Quelle
meilleur marché. Dans les sociétés modernes, vue: Ne sont rationnels ni l’argument cou- met tout, notre vie tout entière et également importance accordons-nous à l’augmenta-
libérales et démocratiques, la suprématie de rant des contraintes, qui veut nous faire croi- la politique, à la «logique» du marché. Il tion constante du niveau de consommation
ces intérêts a besoin de se justifier aux yeux re à une évolution économique manifeste- s’agit plus raisonnablement de subordonner dans notre projet de bonne vie? Dans quelle
des citoyens. A cette fin, le libéralisme éco- ment «tout à fait arbitraire» que personne ne l’économie de marché à des concepts prio- mesure sommes-nous prêts, dans le monde
nomique a toujours avancé deux arguments peut contrôler, ni la confiance aveugle dans ritaires comme la bonne vie et la vie de ci- du travail, à payer le prix d’une obligation
qui se complètent: l’intérêt général et la force le marché «libre» censé faire en sorte de lui- toyens libres et égaux dans une société juste. de rendement toujours accrue et d’une lutte
des choses. même que les choses aillent bien pour tout Dans une société vraiment moderne, la liber- pour la vie de plus en plus dure? Quelle atti-
Tout d’abord et avant tout, la bonne nou- le monde. Il s’agit là plutôt d’idées d’une té générale des citoyens prime sur le marché tude allons-nous adopter face à ceux qui ne
velle est que le marché promet la «prospéri- ancienne métaphysique du marché qu’il «libre» (le libéralisme républicain prime sur supportent pas cette pression? Quel degré de
té pour tous». Tel est le titre d’un ouvrage de faut, dans une société moderne, démythifier le libéralisme économique). Il s’agit donc lit- justice sociale et de solidarité convient à la
société dans laquelle nous voudrions vivre?
Dans quelle mesure sommes-nous respon-
sables de notre approche économique de la
Importance de l’éthique pour notre survie nature vis-à-vis des générations futures?
km. Lorsque les chefs d’Etats et de gou- Quiconque lit les pages des grands On sait qu’il existe en Suisse des gens Il est temps de ne plus axer notre économie
vernements se rencontreront à New-York quotidiens consacrées à l’économie et qui voudraient participer à ces combines uniquement sur l’augmentation des moyens
du 20 au 22 septembre lors de l’Assem- aux finances est plongé entre autres dans et faire croire à leurs concitoyens que mais davantage sur des objectifs raisonnables
blée générale des Nations Unies pour les pronostics relatifs à la conjoncture, les c’est dans leur intérêt. et les principes légitimes du développement
tirer un bilan intermédiaire concernant débats sur la croissance économique, les Cependant, on ne peut pas annon- économique. C’est de cela qu’il s’agit essen-
les Objectifs du millénaire pour le déve- fluctuations monétaires, les cours bour- cer que les stratèges et les dirigeants tiellement dans la réorientation historique de
loppement, le bilan, s’il est honnête, ne siers, etc. Mais on ne parle presque pas des grandes puissances et des puissances notre pensée économique si, en tant que ci-
pourra pas être très positif. des hommes. montantes se soient rencontrés pour re- toyens responsables d’une société démocra-
Tandis que chaque année on dépense Conséquence de la crise financière et noncer à la politique de suprématie et tique, nous voulons trouver des solutions
plus d’un billion de dollars pour les économique mondiale, le nombre des défendre le droit. viables aux défis auxquels nous avons fait al-
guerres et l’armement dans le monde, gens souffrant de la faim dans le monde a Quel bienfait de lire un ouvrage lusion.
tandis que dans les pays riches égale- augmenté, atteignant plus d’un milliard. comme celui de Peter Ulrich. Sous le titre Mais que signifie «s’orienter dans la pen-
ment, la redistribution continue de fa- Pourtant certains gouvernements se tar- «Zivilisierte Marktwirtschaft» («Econo- sée»? Cette question célèbre vient d’Emma-
voriser les plus riches et que les con- guent d’avoir bien surmonté la crise. mie de marché civilisée»), il s’agit là de la nuel Kant.6 C’est par elle qu’il a introduit
frontations augmentent aussi dans nos Y a-t-il encore de la chaleur humai- réédition complètement remaniée, mise dans la philosophie pratique moderne le con-
sociétés, tandis que les grands établis- ne dans un monde où les puissants d’un à jour et considérablement enrichie d’un cept d’orientation dans la pensée en tant que
sements fi nanciers, bien qu’on sache pays peuvent considérer comme parfaite- ouvrage paru pour la première fois en concept central de la conduite rationnelle de
qu’ils ont des cadavres dans le placard ment normal d’aspirer à leur propre bien- 2005. Il incite à réfléchir sur tout ce qui la pensée et de la vie. L’homme, être non dé-
provenant de leurs spéculations, font être en ignorant celui d’autres hommes? doit encore être civilisé dans ce monde. terminé par la nature et capable de prendre
de nouveau des milliards de profits, on Quelle froideur de sentiment il faut pour Ulrich se réfère à Emmanuel Kant et à des décisions et d’agir selon la raison, se
ne fait presque rien pour aider les plus pouvoir regarder passivement la souf- son invitation à s’orienter dans la pensée: trouve souvent dans des situations où il doit
pauvres de ce monde à sortir de leur france d’autrui! «Qui est-ce que je veux être en tant que et peut choisir entre plusieurs actions pos-
misère. Que s’est-il passé pour que la cons- personne et à qui est-ce que je me sens sibles. Il s’agit alors pour lui, en fonction des
Au contraire, les gouvernements des cience morale des hommes s’éveille de lié? Où suis-je et où vais-je? Selon quels défis auxquels il est confronté, de réfléchir
pays riches «font des économies» et sup- manière si peu perceptible et qu’ils pré- principes vais-je mener ma vie de maniè- plus ou moins «profondément» à des ques-
priment des programmes d’aide. Selon fèrent minimiser le mal ou le passer sous re que cela me comble personnellement tions comme celles-ci: Qui veux-je être en
des chiffres de la section allemande de silence? et soit justifiable vis-à-vis de la société?» tant que personne? (identité) A qui est-ce que
Caritas, le ministère allemand des Af- On a appris que les stratèges et les «di- Pour Ulrich ce sont des questions essen- je me sens lié? (relations humaines) Où suis-
faires étrangères réduit de 20% cette rigeants» des grandes puissances et des tiellement éthiques. Et elles ne se posent je (position) et où vais-je? (intention). A quels
année sa contribution à l’aide humani- pays émergents s’étaient rencontrés à pas seulement lorsqu’il s’agit d’organi- principes suis-je attaché et comment vais-je
taire dans le monde après l’avoir déjà ré- Genève et à Riga et avaient débattu de la ser notre vie économique, elles sont dans conduire ma vie (projet de vie) pour être per-
duite de 6,2% l’année dernière. question de savoir si à l’avenir le monde une certaine mesure universelles. sonnellement comblé (horizon de sens) et so-
Le ministère allemand du Développe- serait unipolaire ou multipolaire et où et L’éthique est la volonté de trouver ce cialement acceptable (légitimité)?
ment soumet toujours plus ses aides à la par qui il devait être dominé? qui est juste et d’en attester. Dans un Ce sont essentiellement des questions
condition que les pays qui les sollicitent On a aussi appris que, au sein de l’UE, monde où il existe de nombreuses in- éthiques. La tentative de s’orienter rationnel-
ouvrent leurs marchés – pour servir les in- cela va assez mal et que presque per- justices et où l’on en prépare d’autres, lement dans la pensée économique est fonda-
térêts de l’Allemagne, champion des ex- sonne ne discerne vraiment qui trempe l’éthique devient indispensable à notre mentalement un projet d’orientation d’éthique
portations. dans diverses magouilles. survie, dans tous les domaines.
Suite page 7
No 37, 27 septembre 2010 Horizons et débats page 7

La rééducation des Européens


par Bruno Bandulet
hd. Dans son dernier ouvrage «Die letzten 40’000 fonctionnaires et à leurs propagandis-
Jahre des Euro», [Les dernières années de tes de décider qui est un bon et qui un mau-
l’euro], Bruno Bandulet ne se contente pas vais Européen».
d’expliquer pourquoi l’euro n’a pas d’ave- Comme ces 40’000 fonctionnaires ne cons-
nir. Il traite aussi des raisons idéologiques truisent pas de routes, n’entretiennent pas
de la mauvaise politique de suprématie de d’écoles, ne se préoccupent pas de la sécuri-
l’UE dès le début, idéologie et structure de té ni intérieure ni extérieure et ne produisent
pouvoir qui ne correspondent pas aux tra- rien, il faut bien les occuper autrement. Ils ré-
ditions européennes. L’extrait du chapitre 6 partissent de l’argent et produisent une mon-
de son livre que nous publions ci-dessous est tagne de décisions, de prescriptions et de di-
précédé par un sous-chapitre intitulée «La rectives qui remplissent actuellement plus de
structure de pouvoir de l’Union européen- 150’000 pages. «Ils n’estiment en aucun cas
ne». Bandulet s’y réfère à un article de jour- que nous soyons capables de décider nous-
nal de Roman Herzog, ancien juge à la Cour mêmes ce qui est bon pour nous; à leurs yeux
constitutionnelle fédérale et ancien président nous sommes trop démunis et manquons de
de la République fédérale, publié en 2008, maturité. C’est pourquoi il faut s’occuper de
dans lequel il critique vertement certaines nous et nous rééduquer.»
décisions de la Cour de justice des Commu- Comme tout se passe dans une conception
nautés européennes (CJCE), notamment en d’«égalité» on harmonise, on centralise et on
ce qui concerne l’interdiction de la discrimi- redistribue. On comprend mieux pourquoi il
nation, estimant que: «Les cas évoqués dé- n’était pas possible de laisser libre cours à
montrent que la CJCE ignore consciemment (photo caro) différentes monnaies en Europe. On ne peut
et systématiquement les principes fondamen- toutefois en rendre responsables individuel-
taux de l’interprétation occidentale du droit lement les commissaires et les fonctionnai-
par les juges, qu’elle justifie de façon équivo- En plus du «Traité sur l’Union européenne» mination qui à fait ses preuves. Il serait ce- res de Bruxelles. Car ce qu’ils font est voulu
que certaines décisions, qu’elle ne tient pas on trouve un «Traité sur le fonctionnement de pendant bon de connaître les bases juridiques et toléré par la classe politique des capitales
compte de la volonté du législateur, ou prend l’Union européenne». Dans celui-ci l’obses- d’après lesquelles nous sommes gouvernés. européennes. •
des arrêts qui lui sont contraires. De plus, sion d’égalité et la volonté de rééduquer les Il faut être conscient que depuis un certain
Extraits de: Bandulet, Bruno. Die letzten Jahre des
elle invente des principes juridiques qu’elle Européens pour en faire des êtres asexués et temps Bruxelles a imposé un mandat d’ar- Euro. Ein Bericht über das Geld, das die Deut-
applique lors de décisions ultérieures. C’est débarrassés de leurs racines est encore mieux rêt européen qui permet l’extradition d’un schen nicht wollten.
une démonstration du fait que la CJCE vide illustrée. Selon l’article 8, l’Union européen- citoyen à un autre pays lorsqu’il s’agit, par
de tout sens les attributions des Etats mem- ne cherche «dans toutes ses activités» à «éli- exemple, de l’expression d’une opinion mal-
bres, même dans leurs compétences nationa- miner» les inégalités – alors que ces dernières venue, alors même que ce manquement ne
les principales.» L’extrait ci-dessous concer- font précisément le charme de l’Europe, et tombe pas sous la loi dans son propre pays.
ne ce sujet. donne à la vie un certain piment. Selon deux Il vaut la peine de prendre connaissance de
articles (10 et 19) les «discriminations» (tou- l’article 66 du Traité sur le fonctionnement de
Il est à relever que deux des exemples pré- jours ce même mot-clé!) doivent être combat- l’Union européenne selon lequel le «Conseil»,
sentés par Roman Herzog concernaient aussi tues pour des raisons d’«orientations sexuel- soit le Conseil des ministres compétent, peut
l’interdiction de la discrimination de l’Union les». L’UE renonce à séparer le droit de la décréter des «mesures de protection» contre
européenne. Le Traité de Lisbonne, entré morale, elle rompt d’avec l’héritage culturel des «mouvements de capitaux» en provenan-
en vigueur en 2009, était initialement conçu de l’Europe pour s’engager vers un nouveau ce ou en direction de pays tiers, sur proposi-
comme une constitution européenne. Dans totalitarisme. tion de la Commission après avoir «consulté»
les articles 2 et 3, il est encore possible de On peut estimer que le Traité de Lisbonne, la Banque centrale européenne. De ce fait il
repérer les curieuses conceptions des valeurs sorte de Constitution européenne, recèle pro- est possible de supprimer la liberté de la cir-
des élites de l’UE. bablement des intentions cachées, ou – inter- culation des capitaux lors de graves crises mo-
Contrairement à la Loi fondamentale, il prétation plus anodine – que c’est un docu- nétaires, notamment aussi des payements en
n’est nullement question de Dieu. Cette no- ment purement absurde. directions de la Suisse. Ce qui ferait alors des
tion est remplacée par un succédané de re- D’après Hans Magnus Enzensbeger s’ex- citoyens et des investisseurs des prisonniers de
ligion, enrobé de notions vagues telles que primant lors d’une remise de prix à Copen- la zone UE. Le fait que ces mesures soient li-
pluralisme, non-discrimination, tolérance et hague le 2 février 2010, aucun citoyen des mitées à 6 mois au plus n’est qu’un leurre. Car
solidarité. pays européens, mis à part les experts qui elles peuvent être prolongées.
L’UE s’engage dans l’article 3 à «éliminer la l’ont rédigé, n’aurait étudié ce Traité de Lis- Cette UE n’est pas l’Europe dont nous rê-
pauvreté», non seulement en Europe, mais dans bonne. Selon lui «cela se comprend facile- vions. Et c’est mentir que de prétendre qu’il
le monde entier (on se demande comment) et ment, car ce texte est comme un réseau de fils n’y a pas d’alternative. On veut empêcher
elle «combat marginalisation sociale et discri- de fer barbelés. Je pense que c’est tout à fait toute réflexion.
minations». Elle met explicitement l’accent sur dans le sens des concepteurs.» Lors de sa conférence à Copenhague En-
«l’égalité entre hommes et femmes», et non Le désintérêt général est regrettable, car le zensberger estima que «c’est une conception
seulement sur l’égalité des droits. manque de transparence est un moyen de do- assez absurde que de vouloir laisser le soin au ISBN 978-3-942016-35-3

«Pour une économie de marché civilisée» nomie. Les citoyens économiques ne disso- dans notre rapport à l’argent et à la consom- à notre faculté de nous orienter en matière
suite de la page 6 cient pas leur sens des affaires de leur sens mation – et également dans les opinions que d’éthique économique. Etant donné les consi-
civique, de leur identité de «bon citoyen». La nous défendons en tant que citoyens dans les dérables bouleversements socioéconomiques
économique. Aussi la science de référence mission de l’éthique économique concerne débats publics sur les questions économiques actuels qui touchent le monde entier, prati-
principale n’est-elle pas la théorie écono- tous les rôles que nous exerçons dans notre et sociales. Le dynamisme inouï de l’écono- quement tout est remis en question. •
mique, qui explique le fonctionnement du vie économique – dans le monde du travail, mie contemporaine lance de sérieux défis 1
Ludwig Erhard, La prospérité pour tous, Plon,
système d’économie de marché sans émettre 1959. Notons qu’Erhard ne défendait pas un pur li-
de jugements de valeur mais l’éthique éco- «Pour notre tentative d’orientation dé- béralisme économique mais le concept ordolibéral
nomique considérée aujourd’hui comme une taillée, nous avons choisi six perspec- d’économie sociale de marché.
éthique rationnelle. Le concept d’orientation tives d’importance comparable qui se 2
Les preuves empiriques du renforcement de ce sen-
que nous défendons ici repose sur l’«éthique complètent systématiquement: Dans la timent d’injustice se manifestaient déjà clairement
économique intégrative», approche dévelop- première partie du livre, nous réfléchis- avant la crise financière et économique. Pour l’Al-
lemagne, p. ex. dans l’étude de Robert B. Vehr-
pée par l’auteur.7 sons d’abord sur trois idées dominantes et
kamp/Andreas Kleinsteuber: Soziale Gerechtigkeit
Qui a besoin de connaissances en éthique fondamentales de l’activité économique 2007. Ergebnisse einer repräsentativen Bürgerum-
économique? Ne sont-elles pas plutôt desti- moderne, et cela au moyen des notions de frage, Gütersloh, 2007.
nées aux spécialistes? Non, absolument pas. raison économique (chapitre 1), de pro- 3
Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du ca-
Nous sommes tous dans une certaine mesu- grès raisonnable (chapitre 2) et de liber- pitalisme, Paris, Flammarion, 2008 (première pu-
re impliqués dans les phénomènes de l’éco- té bien comprise (chapitre 3). Dans la se- blication en allemand: 1904-5).
nomie de marché. Ainsi, en tant qu’indivi- conde partie, nous étudions trois «lieux» 4
Manfred Riedel: Norm und Werturteil, Stuttgart,
dus doués de raison, nous devons porter des spécifiques de responsabilité en matière 1979, p. 8.
jugements de valeur justifiables à propos de d’éthique économique dans une société
5
J’ai formulé pour la première fois le postulat de la
l’importance relative de valeurs conflictuelles bien ordonnée de citoyens libres et égaux «civilisation du marché» dans mon ouvrage Inte-
grative Wirtschaftsethik, 1997 (cf. remarque 7).
dans la vie économique, améliorer notre fa- en droit, c’est-à-dire l’activité des divers Exactement au même moment et sans avoir con-
culté de jugement dans ce domaine et devenir acteurs économiques (chapitre 4), les en- naissance de mon livre, Marion Dönhoff exprimait
capables d’argumenter contre les doctrines treprises (chapitre 5) et la réglementation cette idée dans Zivilisiert den Kapitalismus, Stutt-
économiques idéologiques de toutes origines. cadre que le pouvoir politique doit impo- gart, 1997, p. 35.
Sinon comment pourrions-nous mener une ser au marché national et global (chapi- 6
Emmanuel Kant, Vers la paix perpétuelle; Que si-
vie indépendante et cultivée? Comment pour- tre 6). Ces six perspec tives transmettent gnifie s’orienter dans la pensée?; Qu’est-ce que les
lumières? et autres textes, GF Flammarion, 1998
rions-nous, en tant que citoyens, prendre part les fondements d’une citoyenneté écono-
de manière responsable à la détermination mique moderne. On pourrait peut-être
7
Peter Ulrich: Integrative Wirtschaftsethik. Grund-
lagen einer lebensdienlichen Ökonomie, 4., voll-
démocratique des règles du jeu sociales et à parler de leçons de base d’un enseigne- ständig neu bearb. Aufl., Bern/Stuttgart/Wien 2008
une intégration judicieuse de l’économie de ment économique intégratif destiné aux Peter Ulrich. «Zivilisierte Marktwirtschaft. Eine (1. Aufl. 1997).
marché dans la société? citoyens des Etats et du monde ou, plus wirtschaftsethische Orientierung.» Aktualisierte
Par conséquent, nos réflexions et nos ac- succinctement, d’un abrégé d’instruction und erweiterte Neuauflage. Haupt Verlag Bern/ Le présent texte correspond à l’introduction de
tions de citoyens économiques responsables civique portant sur l’économie.» Stuttgart/Wien 2010. ISBN 978-3-258-07604-1 l’ouvrage de Peter Ulrich «Zivilisierte Marktwirt-
sont au centre de l’approche éthique de l’éco- schaft. Eine wirtschaftsethische Orientierung.»
page 8 Horizons et débats No 37, 27 septembre 2010

«embrüf, embri: Die Heimkehr der Schafe»


Les moutons de Naters dans l’Inner Aletschji
par Alois Grichting, Glis VS
Thomas Schuppisser et Michael T. Ganz pu-
blient aux éditions «hier + jetzt» de Baden un
ouvrage de 143 pages sur le retour à Belalp,
au pied du grand glacier d’Aletsch, de quelque
1200 moutons de Naters (Inner Aletschji, VS).
Ce livre intéressant évoque le retour des
troupeaux de moutons de Naters sur les che-
mins étroits et escarpés qui ont été en par-
tie taillés dans le roc. Les «rassembleurs de
moutons» («Sanner») accomplissent un tra-
vail important, en général du jeudi au samedi
et passent la nuit dans une cabane de l’Inner
Aletschji. Il s’agit de rassembler en automne
les moutons d’un alpage de 5 kilomètres sur 2
et d’environ 1000 mètres de dénivellation situé
au pied du glacier d’Aletsch et de les mener
jusqu’au samedi à Belalp. C’est là que cha-
que éleveur récupère ses bêtes, souvent mar-
quées en couleur, pour les saisons d’automne
et d’hiver et qu’a lieu, le dimanche, une fête
des moutons et des bergers («Schafscheid»).
Les auteurs ne décrivent pas seulement
en détail ce retour des moutons. Le début du
titre, «embrüf, embri», qui signifie en dialec-
te du Haut-Valais «en haut, en bas», peut no-
tamment symboliser la montée et le retour
des moutons. L’ouvrage évoque, dans des
textes très évocateurs illustrés de splendides
photos, les nuits passées par les bergers dans
la cabane de Driest et le long retour des mou-
tons sur des sentiers étroits, le passage diffi-
cile des ruisseaux – il faut souvent porter les
bêtes – puis la reconstitution des troupeaux
individuels, etc. Les auteurs mettent en valeur
le savoir-faire des bergers cités nommément
Au bout de trois jours, les quelque 1200 moutons sont arrivés à Belalp. C’est maintenant que commence le «Schafscheid»: les différents troupeaux sont
et leur amour pour les animaux.
reconstitués et menés dans les enclos où leurs propriétaires peuvent venir les prendre. Les bêtes ont de la peine à se séparer de leurs congénères avec les-
La fête du dimanche comprend une messe quels elles ont passé les derniers mois en toute liberté. (photo Thomas Schuppisser)
dite par un prêtre. Pour ces gens, les moutons
n’ont pour ainsi dire survécu à l’été passé en
haute montagne que grâce à la protection de Nez Noir du Valais
Dieu. Cette attitude des bergers de l’Inner Mouton de montagne de grand format,
Aletschji explique qu’ils s’opposent à la pra- harmonieux, affi chant de bonnes apti-
tique officielle voulant que l’on ne puisse tirer tudes maternelles et des performances lai-
un loup que lorsque trente bêtes sont mortes tière et carnée élevées, résistant, et pré-
de façon atroce après avoir été attaquées et sentant des membres solides. Le port de
à moitié dévorées par un ou plusieurs loups. cornes ainsi que les caractéristiques de
Ce livre est donc également une protestation couleurs font la typicité du mouton Nez
contre une pratique insensée incompatible Noir du Valais.
avec toute idée de protection des animaux et Historique de la race: La race Nez Noir
contre le fanatisme absurde de certains défen- du Valais a été mentionnée pour la pre-
seurs des prédateurs aujourd’hui. mière fois au XVe siècle. Ses caractéris-
D’une manière générale, il s’agit là d’un tiques acquises au fil des siècles, comme la
capacité d’adaptation au climat rude des
des plus beaux livres jamais parus sur l’éle-
montagnes, l’utilisation du fourrage, la
vage des moutons en Valais. Il ne devrait pas
fécondité, la frugalité et la fidélité à l’em-
figurer seulement dans la bibliothèque des placement en font une race sans pareil.
bergers valaisans mais dans celle de tous les
Source: www.szv.caprovis.ch
amis du monde animal et du Valais. • (photo Thomas Schuppisser)

Horizons et débats
Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international,
du droit humanitaire et des droits humains
Abonnez-vous à Horizons et débats – journal publié par une coopérative indépendante
L hebdomadaire Horizons et débats est édité par la coopérative Zeit-Fragen qui tient à son indépendance
L’
politique et financière. Tous les collaborateurs de la rédaction et de l’administration s’engagent
bénévolement pendant leur temps libre. LL’impression et la distribution sont financées uniquement par
les abonnements et des dons. La coopérative publie aussi l’hebdomadaire Zeit-Fragen en allemand et le
mensuel Current Concerns en anglais.

Je commande un abonnement annuel au prix de 198.– frs / 108.– €


Je commande un abonnement annuel au prix d’étudiants de 99.– frs / 54.– €
Je commande un abonnement de 6 mois au prix de 105.– frs / 58.– €
Je commande un abonnement de 2 ans au prix de 295.– frs / 185.– €
Je commande à l’essai les six prochains numéros gratuitement.
V
Veuillez nous envoyer _____ exemplaires gratuits d’Horizons et débats no _____ pour les
remettre à des personnes intéressées.

Nom / Prénom:

Rue / No:

NPA / Localité:

Téléphone:

Date / Signature:
Signa

A retourner à: Horizons et débats, case postale 729, CH-8044 Zurich, Fax +41-44-350 65 51
CCP 87-748485-6, Horizons et débats, 8044 Zurich
ISBN 978-3-03919-161-1

Vous aimerez peut-être aussi