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Le nucléaire en France : La CEA et les essais nucléaires

français

La base de la doctrine française est la volonté de conférer à l’arme nucléaire un rôle


fondamentalement politique. Il s’agit « d’empêcher la guerre » : l’arme nucléaire ne saurait être un
moyen de coercition ou une « arme d’emploi », c’est-à-dire une arme utilisable au même titre que
les autres. Mais il s’agit également de pouvoir affirmer, sur la scène internationale, que la France ne
dépend d’aucune autre puissance pour ce qui est de sa survie.
Je vais commencer par un peu d'histoire :
Le commissariat à l'énergie atomique (CEA) est crée le 18 octobre 1945 par Charles de Gaulle. Il
est destiné à poursuivre des recherches scientifiques et techniques en vue de l'utilisation de l'énergie
nucléaire dans les domaines de la science, de l'industrie et de la défense nationale. Les premiers
réacteurs nucléaires apparaissent en France à la fin des années 50. Mais c'est au début des années
70, dans le contexte du premier choc pétrolier, qu'on programme de grand ampleur est lancé. C'est
le « plan Messmer ». Cet programme fait de la France le pays le plus nucléarisé au monde.
Aujourd'hui on compte 58 réacteurs sur le territoire français. Tous sont des réacteurs de deuxième
génération appelé aussi réacteurs à eau pressurisé. Mais des réacteurs de troisième génération
devraient faire prochainement leur apparition.
La CEA est donc généralement présenté comme un organisme ayant été créé pour développer tous
les aspects pacifiques de l'énergie nucléaire. Sa création était en fin de compte l'accomplissement
administratif des déclarations enthousiastes des scientifiques français : l'avenir ne pouvait être que
radieux avec cette énergie « inépuisable », « quasi-gratuite », sans danger, déclarations qui suivirent
la destruction totale d'Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945. L'orientation militaire du CEA
ouvertement affirmée dans les années 50 est apparue alors comme une dérive perverse des buts
assignés au CEA à sa création. Cela donna lieu à de vives protestations pour exiger le retour vers
« l'atome pour la paix ».
L'activité prioritaire du CEA pendant les années qui suivirent sa création fut militaire. Cependant le
développement des recherches pendant cette période pouvait laisser croire à une orientation
différente : la recherche des minerais d'uranium, la purification de l'uranium et des matériaux
nécessaires à l'élaboration d'un combustible nucléaire, la fabrication industrielle de graphite très pur,
la mise au point de techniques physico-chimique de contrôle des matériaux, la neutronique etc.
toutes ces activités pouvaient apparaître comme orientées vers des applications pacifiques. Mais le
CEA menait, en parallèle, une activité plutonium : études sur les propriétés physiques et chimiques
du plutonium afin de mettre au point son extraction à partir des combustibles nucléaires irradié. La
construction de réacteurs nucléaires à Marcoule avait pour motif principal l'obtention rapide de
plutonium pour réaliser la bombe français et placer la France au rang des « grandes » nations, des
nations ayant un potentiel de destruction vraiment moderne ! La production électrique de ces
réacteurs ne pouvait servir qu'à masquer l'orientation fondamentalement militaire des activités
majeurs du CEA qui se concrétisa le 13 février 1960 par l'explosion au Sahara de la première bombe
nucléaire française, une bombe au plutonium. Les réacteurs de Marcoule prenaient là tout leur sens.
Le CEA a été créé par De Gaulle en 1945 afin de produire des bombes atomiques. Il a eu
l'approbation unanime des divers partis politiques, (droite et gauche confondues), et de l'ensemble
de la communauté scientifique, y compris de ceux, qui, comme Joliot, se manifestèrent plus tard
contre la bombe. L' activité civile française pour la réalisation de réacteurs nucléaires de puissance
ne prit réellement place dans les programmes du CEA que lorsque sa mission première fut remplie :
la bombe.
Les essais.
La France a procédé entre 1960 et 1996 à 210 essais nucléaires dont 17 au Sahara, 193 en Polynésie
(167 à Mururoa, 14 à Fangataufa ).
C’est le 13 février 1960 que la France a effectué sa première expérience nucléaire militaire. Cette
explosion nucléaire expérimentale a eu lieu dans le désert de Tenezrouf en Algérie.
A partir de 1966, la France ne pouvant plus poursuivre ses essais dans le désert algérien, choisit un
nouveau site : Mururoa, un atoll du Pacifique.
Une journaliste de l’émission Thalassa a effectué une enquête sur l’impact des radiations sur la
population polynésienne.
En février 1960, une bombe A d’une puissance de 60 à 70 Kt est testée dans le Sahara algérien.
« Hourra pour la France ! câble le général de Gaulle. Depuis ce matin, la France est plus forte et
plus fière ».
Malgré les pressions américaines et l’opposition de l’ONU, de Gaulle ordonne de continuer le
programme nucléaire français.
Après l’indépendance de l’Algérie, le gouvernement algérien proteste en 1963 contre ces essais
nucléaires.
Contrainte de changer de site, la France annonce dès avril 1963 son intention de construire une base
d’essais nucléaires sur l’Atoll polynésien de Mururoa.
En août 1963, un accord entre les Etats-Unis, l’URSS et l’Angleterre est signé à Moscou interdisant
les essais nucléaires. La France refuse de signer cet accord.
Mururoa n’est pas choisi au hasard. Cet atoll, situé à 18 000 km de Paris, est officiellement éloigné
de toute présence humaine.
En réalité, l’île de Tureia n’est située qu’à 120 km et abrite 70 personnes. Si la France ne risque pas
de subir les dégâts des nuages et des particules radioactives, il n’en va pas de même pour cette
population, ni pour la population d’environ 5 000 personnes de ce secteur.
On ne peut pas parler de méconnaissance du problème. En effet, plusieurs mois avant le premier tir
nucléaire, un rapport classé secret défense faisait état des risques encourus par cette population.
L’existence de ce rapport a été révélée par Vincent Jauvert, un journaliste du Nouvel Observateur.
Les autorités françaises savaient donc que cette petite population était particulièrement fragilisée du
fait du nombre important de vieillards et de femmes enceintes ou en âge de procréer.
L’atoll de Mururoa n’est pas le seul concerné par ces essais. 14 tests ont également été effectués à
Fangataufa.
En 1966, lors du premier essai français dans le Pacifique, on avait ordonné aux bateaux et aux
aéronefs d’éviter la zone dangereuse dans un périmètre de 200 km.
Tureia se situait donc bien dans une zone à haut risque. Pourtant, la population n’a pas été déplacée.
Au contraire, chaque tir constituait un spectacle que ces gens admiraient sur la plage sans se douter
que chaque « feu d’artifice » était une bombe mortelle à retardement.
Les militaires distribuaient après chaque spectacle de l’argent et de la nourriture. Pourquoi tant de
sollicitude si nous n’avions rien à nous reprocher ?
Le gouvernement français n’a pris des mesures de prévention qu’une seule fois en 8 ans. Les
habitants ont été évacués en 1968 lors du premier tir thermonucléaire sans qu’aucune explication ne
leur soit fournie.
Les rapports établis par les médecins militaires sur l’état de santé de la population n’ont jamais été
divulgués.
Pourtant, selon les chiffres officiels, 3 500 personnes ont été exposées à des accidents d'irradiation
pendant les tirs de 1966 à 1974. Malgré ces chiffres alarmants, aucun suivi médical n’a été
sérieusement effectué.
Les essais nucléaires souterrains ont débuté à partir de 1974.
En 1995, Jacques Chirac a autorisé l’armée à effectuer les huit derniers essais à Mururoa. C’est en
janvier 1996, qu’il a annoncé sa décision d’arrêter les essais nucléaires.
Le 28 septembre 1983, François Mitterrand a annoncé que la France invitait des scientifiques
étrangers à visiter ses centres d’expérimentation nucléaire.
Cinq savants se sont rendus à Mururoa. Ils ont pu visiter une partie des installations pendant quatre
jours.
Suite à cette visite, ils ont publié un rapport concluant à l’innocuité des essais nucléaires français.
La seule menace reconnue est le risque de fuites de gaz radioactif confiné dans la roche basaltique.
« Il n’y a pas d’indication de fuites à court terme, ont-ils écrit. Si elles devaient se produire, ce serait
dans un délai de 500 à 1 000 ans ».
On ne peut remettre en doute la sincérité de ces scientifiques. Par contre, on peut se demander si
leur étude ne pêche pas par ignorance de certains éléments.

Les conséquences des essais nucléaires


Etant donné l’absence de suivi médical, il est difficile de dresser un bilan exact des maladies et des
décès directement liés aux irradiations.
Cependant, un chercheur de l’Inserm a établi qu’il y a en Polynésie deux fois plus de cancers de la
thyroïde que partout ailleurs dans le Pacifique.
De plus, les irradiations provoquent des cancers de la peau et des leucémies.
Malgré les statistiques de ce chercheur, les autorités françaises défendent le rapport de l’Agence
internationale de l’énergie atomique.
Ce rapport, établi à la fin des essais nucléaires en 1996, affirme qu’il n’y aura aucun effet sur la
santé que ce soit à court ou à long terme.
On peut se demander si ce rapport est objectif. D’autant plus qu’en juin 2005, le tribunal de Brest a
accordé à Michel Cariou, officier de marine à la retraite, une pension d’invalidité.
Le tribunal a ainsi reconnu qu’il y avait un lien entre son exposition aux rayonnements radioactifs à
Mururoa et son cancer de la thyroïde.
Il faut souligner que 200 dossiers identiques sont en attente d’être jugés.
Quel gouvernement français aura le courage de lancer une enquête sur les effets des essais
nucléaires sur la population Polynésienne ?

La France reconnaît enfin sa responsabilité (03.2009)


Enfin, après tant d’années pendant lesquelles les gouvernements français ont réfuté toute
responsabilité concernant les effets des essais nucléaires, un aveu officiel a été publié.
Hervé Morin, ministre de la Défense a déclaré : » Notre pays devait se mettre en paix avec lui-
même. »
On a dénombré au moins 18 maladies provoquées par les essais dont de nombreux cancers. Chaque
victime exposée aux radiations va recevoir une compensation monétaire.
Bien sûr, pour toutes les victimes, cette indemnité ne remplacera jamais ce qu’ils ont perdu, mais au
moins, la France a cessé de nier ses actes en se basant sur de soi-disant rapports d’experts affirmant
que ces essais n’avaient eu aucune conséquence sur les techniciens et la population.

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