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LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À L'ÉPREUVE DU MANAGEMENT

Abdelaâli Laoukili

ERES | « Connexions »

2009/1 n° 91 | pages 103 à 121


ISSN 0337-3126
ISBN 9782749210780
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-connexions-2009-1-page-103.htm
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Abdelaâli Laoukili
Les collectivités territoriales à l’épreuve
du management

Les collectivités territoriales constituent des institutions fondamen-


tales de la société et un secteur important de l’économie nationale et
solidaire. Elles sont les garantes de l’intérêt général et du lien social sur
un territoire, de même qu’elles entraînent une activité importante dans
le secteur marchand au travers d’appels d’offres et de marchés d’équi-
pements, de biens et de services sur pratiquement tous les secteurs
d’activités (construction et aménagement, équipement et installations,
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développement économique, éducation, santé, culture, loisirs, action
sociale, insertion et formation professionnelle, etc.).
Conçues au départ sur un modèle administratif et bureaucratique,
les collectivités territoriales, sous l’impulsion des différentes réformes,
ont été obligées de « moderniser » leur fonctionnement et d’intégrer de
nouveaux outils et méthodes de gestion issus notamment des entreprises
privées. Ces méthodes, outils et pratiques, regroupés souvent sous le
vocable de « management », ont pour finalité, selon leurs promoteurs,
de rendre plus efficace le service public en prenant exemple sur les
entreprises privées qui « marchent ».
Le présent article se propose d’examiner les conditions dans les-
quelles se passe l’introduction du « management » dans les collectivités
territoriales, ses postulats, résultats et conséquences. Au-delà du mana-
gement, comme de simples outils, il s’agira d’observer les effets sur les
croyances, les comportements et conduites des acteurs et de manière
prospective l’impact de cette nouvelle logique managériale sur le deve-
nir du service public et des collectivités territoriales elles-mêmes.
Les hypothèses qui guident notre analyse sont les suivantes :
– les collectivités territoriales comme structures organisationnelles
fonctionnent rarement sur un modèle démocratique ou coopératif, le
nouveau management ne risque pas d’améliorer la situation car il finit
Abdelaâli Laoukili, psychosociologue ; 1 place de la Levrière, 94000 Creteil.
laoukili@neuf.fr
CONNEXIONS 91/2009-1

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par substituer la rationalité technique ou gestionnaire à l’éthique démo-


cratique ;
– loin de générer l’efficacité attendue, l’introduction des techniques et
logiques managériales accentue le malaise et la tension entre les acteurs
dans les collectivités (élus, agents et citoyens) car le management ne
tient compte ni des valeurs instituantes ni des structures organisation-
nelles (Enriquez, Rouchy). Il n’a aucun effet sur l’évolution des struc-
tures, cultures et modes de fonctionnement des collectivités ;
– le management ne fonctionne pas comme art de la régulation ou de
la médiation (Vincent de Gaulejac, 1989) mais plutôt comme art du
contrôle (Deleuze, dans la revue Manière de voir n° 96, p. 15), de la
réduction simplificatrice de la réalité (Dufour, 2004), de la domination
(Courpasson, 2004) ;
– enfin, l’introduction de la logique managériale et gestionnaire et la
dépolitisation croissante de l’État devenu gestionnaire (Castoriadis,
1998) risquent à terme d’aboutir à une logique de privatisation, déjà en
cours de manière rampante dans les services publics (Attali, 2008).

Le management : d’une résultante historique…

Au niveau étymologique, il n’existe pas une seule définition du mot


« management ». Pour certains auteurs, le verbe manager vient de l’ita-
lien maneggiare (contrôler). Pour d’autres, il viendrait plutôt du terme
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français manège (faire tourner un cheval dans un manège). À cette
notion il faut ajouter celle de « ménage » (gérer les affaires du ménage)
qui consiste à gérer des ressources humaines et des moyens financiers
(le majordome « chef de la maison » avait en charge les équipes ainsi
que les moyens comme les stocks des produits alimentaires). Une autre
notion est souvent évoquée, celle de « ménagement » car on ne peut
réellement manager les équipes et les ressources que si on sait les ména-
ger (qui veut voyager loin ménage sa monture).
C’est vers 1868-1870 que le terme management sera utilisé en
Angleterre pour définir la conduite d’une entreprise, par des ingénieurs
ou des gestionnaires qui n’en étaient pas les propriétaires. Cela peut donc
signifier que le management est « l’art de gérer une affaire (une entre-
prise) pour le compte d’autrui ». Cette fonction de management confiée
à des ingénieurs et gestionnaires formés dans des grandes écoles par des
propriétaires du capital, devenus plus nombreux et plus exigeants sur
la rentabilité (des actionnaires), constitue une étape fondamentale dans
l’évolution du capitalisme, de ses techniques de gestion amis aussi de
son discours de légitimation (voir l’ouvrage de Anne Salmon, Éthique
et ordre économique, une entreprise de séduction, éditions du CNRS).
La plupart des auteurs s’accordent à dire, au-delà de l’origine de
la notion, que son emploi actuel est né aux États-Unis dans les années
1960 et signifie l’action ou l’art de conduire et de gérer une entreprise.

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Bien que le terme anglais management ait été adopté par l’Acadé-
mie française avec une prononciation francisée, l’Office québécois de la
langue française ne recommande pas l’emploi de cet emprunt intégral à
l’anglais qui n’ajoute rien de plus que les mots gestion et administration.
On peut remarquer que cette ambiguïté induisant des désaccords sur
la signification ne manque pas in fine de faire de ce vocable un « mot-
valise » dans lequel on pourrait mettre différentes significations. Ainsi
on peut entendre que le management est « l’ensemble des techniques
d’organisation qui sont mises en œuvre pour l’administration d’une
entité » mais il ne se confond pas avec le simple usage de ces techni-
ques. Il peut signifier le comportement ou la conduite d’un manager
comme quand on dit « tu es manager, tu gères » ou « c’est toi le mana-
ger, c’est à toi d’assurer ». Ici le terme peut être remplacé par « chef »
ou « responsable » mais cela ne suffirait pas ou ferait un peu vieux
jeu. Le management finit par être un « tout » et le manager, un homme
ou une femme à « tout faire », à « tout assurer » de ce qui touche à la
conduite et à la gestion d’une entité, un service ou une équipe.

… à la domination d’une mode :

Coiffé d’une aura positive, d’efficacité et de modernité et même


dirons-nous d’une image « cool et branchée », le management est pré-
senté comme ayant déjà fait ses preuves et gagné ainsi sa légitimité à
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être appliqué partout, dans toutes les organisations et même au-delà,
dans la vie familiale et l’éducation des enfants.
Ces postulats et représentations sur l’efficacité du management ne
correspondent pas à la réalité. Ils servent plutôt à masquer les réalités
conflictuelles et les tensions inhérentes aux contradictions structu-
relles de l’entreprise capitaliste mais aussi de toute organisation. Le
management produit d’une histoire, associant les techniques de ges-
tion les plus sophistiquées aux méthodes psychologiques d’influence
et de persuasion, est souvent présenté comme « le fin du fin » des
modes de « gouvernance » de la même façon que le capitalisme a été
présenté récemment comme la fin de l’histoire économique et sociale
(Fukuyama). Ce qui est en jeu dans les deux cas, selon nous, c’est la
légitimation et l’imposition d’un modèle.
Le management qui n’est pas le seul facteur important dans la
réussite d’un ensemble d’entreprises performantes fonctionne certes
le plus souvent comme un système d’injonctions, de pressions engen-
drant productivité et rentabilité mais aussi malaise, fatigue, maladies et
dépression. Son principal ressort nous semble être plutôt une pression à
la soumission et à la conformité qu’une « servitude librement consen-
tie » ou « servitude volontaire » (voir Viviane Forrester, Une étrange
dictature, et Étienne Rodin, Produisez, consentez !).

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Les caractéristiques du mode de fonctionnement managérial


et son introduction dans les collectivités territoriales

On assiste, depuis une vingtaine d’années, à une introduction forte


du management, de ses procédures et méthodes de gestion, dans les
administrations et associations à « but non lucratif ». Ces procédures et
méthodes visent, comme énoncé souvent, l’introduction d’une logique
d’efficacité et de résultats dans la gestion des moyens, mais aboutissent
souvent à un contrôle sur les comportements et conduites des acteurs et
leur conformité à des modes opératoires définis préalablement. Quelles
sont donc les logiques structurelles et culturelles, systémiques, qui font
du management un mode de fonctionnement de plus en plus dominant,
ayant des effets assez importants, et souvent assez néfastes, sur le rap-
port au travail et les relations de travail ?
Pour comprendre les ressorts et caractéristiques de ce « nouveau »
mode de fonctionnement, nous proposons une grille de lecture cher-
chant à articuler de façon dynamique les liens qui existent entre trois
grands types de variables :
– les valeurs et la logique du système économique et les contraintes
qu’il impose à la sphère sociale de manière générale, au travers notam-
ment du rétrécissement des budgets alloués à l’intervention de l’État
dans la logique libérale ;
– les systèmes d’organisation et de gestion, leur rationalité et la place
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prise par la technique au détriment de la logique « délibérative » et par
conséquent coopérative entre les acteurs ;
– les représentations intériorisées par les acteurs et les processus d’in-
fluence et de pouvoir à l’œuvre dans ces « nouveaux » modes de fonc-
tionnement.
Une prégnance de l’économique sur les autres sphères de la vie sociale

De manière macroéconomique et dans la logique libérale domi-


nante, il existe une pression sur les États nationaux pour réduire leurs
dépenses et se retirer d’un certain nombre de secteurs de la vie écono-
mique au profit du marché et des logiques capitalistiques. Cette pression
« intériorisée » et conçue dans une certaine vision du rôle de l’État
comme agent économique fonctionne comme l’indicateur de la « bonne
gestion ». L’État, converti ainsi à un rôle de « gestionnaire », se retrouve
investi dans une approche comptable et à court terme des politiques
publiques conçues comme sources de « dépenses » et devant générer
des résultats à court terme. L’introduction des logiques d’évaluation
(E. Diet parle de « folie évaluative ») est là pour sommer les différents
acteurs, dans le secteur public notamment, de justifier les ressources et
budgets alloués par des résultats tangibles et visibles dans les champs de
leur responsabilité. La visée procédurale et de contrôle est ainsi réalisée
par le truchement de la logique comptable et de la logique évaluative

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qui, à défaut d’évaluer des résultats ne pouvant être observés qu’à plus
ou moins moyen ou long terme, devient un contrôle sur les outils et les
conduites des acteurs pour y arriver.
Les collectivités territoriales vivent actuellement une réduction forte
de leurs moyens et se trouvent obligées de faire des choix pas toujours
évidents ni politiquement ni techniquement. À ce besoin de contrôle des
dépenses induit par la réduction des moyens s’ajoutent des contraintes
fortes et des exigences nouvelles de la part des citoyens et de l’État lui-
même (besoins sociaux en augmentation, enjeux du développement dura-
ble, « judiciarisation » croissante dans la société et ses impacts en termes
d’anticipation et de prévention des risques de différente nature…).
Tout cela met les élus et le premier d’entre eux, le maire notamment,
dans une situation inconfortable. Comment tenir les promesses faites
aux citoyens lors des élections sans augmenter les impôts ? Comment
intégrer les besoins et les résultats à court terme visibles et lisibles lors
d’échéances électorales, garder son électorat tout en ayant une vision
prospective de l’évolution d’une collectivité et du territoire ? Comment
concilier le citoyen-administré, le citoyen-usager et le citoyen-contri-
buable ? Comment respecter les valeurs fondatrices du service public
(égalité de traitement, solidarité, économie des deniers publics…) tout
en intégrant certaines réalités économiques de marché et en recherchant
à optimiser les partenariats public-privé ?
Face à ces contradictions structurelles, les collectivités doivent faire
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évoluer leur mode de fonctionnement et l’adapter aux nouvelles réalités
économiques et sociales.
Comment orienter et fixer des priorités au travail des agents de
l’administration sans leur imposer une solution toute faite ? Comment
créer une coopération entre les élus chargés des différents secteurs et
délégations, l’administration et les citoyens en acceptant une tension
inhérente à la rencontre entre ces différents acteurs ?
Le fonctionnement ancien sur un modèle bureaucratique semble
limité et le management apparaît aux yeux de certains élus et cadres
supérieurs comme le chemin de modernisation à adopter.
Une place importante prise par la technique et les modes opératoires
(logique instrumentale) au détriment de l’élaboration partagée des buts
et finalités (logique délibérative)

Le management et ses procédures sont souvent présentés, et parfois


à juste titre, comme une recherche d’optimisation et d’efficacité dans la
gestion des moyens. Si cet objectif ne doit pas être contesté en soi, la
vocation d’une procédure est en effet d’aider à aller vite et de favoriser
un meilleur usage des moyens, sa prégnance risque de mettre de côté
les autres buts à atteindre ou conditions à respecter dans la définition
des objectifs et le choix des moyens. En effet pour qu’une procédure
soit juste, il faut qu’elle nous permette d’atteindre les objectifs visés

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mais aussi, comme c’est le cas dans le domaine juridique, qu’elle puisse
garantir les droits et les intérêts des différentes parties. Pour ce faire,
chaque procédure doit comporter une phase incontournable d’élabora-
tion et de partage des buts et des conduites attendus à partir d’une vision
commune de ce qui, dans le réel, pose problème ou doit être amélioré.
Il est clair que la vision du « technocrate » (celui qui a une vision tech-
nique du problème) dans sa volonté de maîtrise et de contrôle du réel ne
s’accommode pas facilement avec les nécessités d’engager une délibé-
ration avec les autres acteurs, foncièrement incertaine et « consomma-
trice » de temps. Le contrôle de l’incertitude et le contrôle des coûts se
trouvent ainsi et de manière inconsciente comme des impératifs majeurs
aux yeux de notre technocrate, pas toujours si libre ni si innovant pour
concevoir des dispositifs d’élaboration et de mise en œuvre des déci-
sions adaptés aux enjeux et contraintes de la situation. La conception
implicite à ce type de fonctionnement (voir chapitre sur les structures
d’organisation), est celle d’individus très compétents et capables par
leur intelligence de concevoir des systèmes de décision et d’action
qui englobent les différents aspects d’un problème. De ce fait ils sont
capables de se passer de la concertation et de la logique délibérative, ou
alors seulement de la traiter au travers d’une « phase de consultation »
préalable et sommaire, visant plus à asseoir une logique stratégique
(comment éviter les résistances, c’est ce qui est souvent retenu dans
les cours de management de l’analyse stratégique de Michel Crozier
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par exemple) qu’à s’engager véritablement dans la prise en compte des
besoins et intérêts des uns et des autres. Les protocoles de certification
et de normalisation qui se sont développés dans les entreprises et plus
récemment dans les collectivités territoriales poursuivent le même but :
objectiver, normaliser tous les processus au travers de critères contrôlés
et supprimer ou réduire à la portion incongrue ce qui ne peut l’être. Dans
une collectivité, où j’ai pu intervenir, des certifications qualité ont été
obtenues et étaient affichées sur les murs des salles de réunions, mais le
fonctionnement est resté terriblement bureaucratique et cloisonné entre
services et niveaux hiérarchiques et on ne pouvait dire que le climat était
de Qualité ! Mais de cela, les qualiticiens n’étaient pas chargés.
Jürgen Habermas (1987) démontre l’importance prise par la techni-
que dans la société moderne. À la suite des auteurs de l’école de Franc-
fort (Adorno, Marcuse, Horkheimer), il se préoccupe des liens entre la
logique des systèmes et la logique du monde vécu. « La technique a
arraisonné la société et l’a soumise à ses raisons » et il existe de plus en
plus une disjonction entre le fonctionnement des systèmes et le monde
vécu. Les impératifs des systèmes économiques (performance, effica-
cité, rentabilité) et bureaucratiques ou néobureaucratiques (contrôle,
risque zéro, impunité zéro, angoisse et incertitude zéro…) menacent
aujourd’hui de « coloniser » totalement la sphère privée et publique
(Voir Roland Gori, L’empire des coachs). « Je fixe des objectifs à mes
enfants », m’avait un jour dit « fièrement » un cadre supérieur d’une

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multinationale informatique, persuadé qu’il était, par la justesse des


principes de management de la société où il travaillait et leur transféra-
bilité, supposée bénéfique, dans sa vie familiale !
Pour sortir de la disjonction entre les systèmes et le monde vécu,
Habermas arrive à distinguer entre une communication stratégique et
une communication d’intercompréhension. Dans la première, caracté-
ristique du fonctionnement actuel des systèmes, la visée reste le succès
ou l’efficacité, c’est-à-dire l’atteinte des objectifs de l’organisation.
L’exigence du pouvoir est grande et il existe une répartition hiérarchisée
des rôles et des fonctions au sein du système. Les relations sont de sujet
à objet et la conviction (l’adhésion, dira-t-on) s’obtient par influence,
séduction, emprise, persuasion/dissuasion ou récompense/punition.
L’environnement ou le champ d’action est objectivé et l’action des par-
tenaires est limitée à leur valeur de moyens (ou ressources) stratégiques
pour atteindre les buts. L’accord est obtenu. Dans la seconde, la visée
est l’entente. L’exigence du pouvoir est faible et celle de la validité est
forte. Les relations sont de sujet à sujet et la conviction est favorisée par
exigence réciproque de validité et de vérité. L’environnement fait l’ob-
jet d’une évaluation multidimensionnelle, objective et subjective, et les
actions des partenaires ont autant d’importance les unes que les autres.
L’accord, à la fin, est partagé. Habermas insiste sur l’ambivalence struc-
turelle entre d’un côté, la logique des systèmes et de l’autre, la logique
du monde vécu. Le dépassement de cette ambivalence ne peut se faire
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qu’au travers d’un accord commun sur deux choses : l’importance du
problème à traiter, c’est-à-dire les valeurs et buts poursuivis, et la visée
démocratique (le mode de participation de tous les acteurs).
Les procédures, pensées souvent sur le registre d’une communi-
cation stratégique et non d’une communication d’intercompréhension,
risquent d’aboutir à de nouvelles formes de domination, qui viendraient
accentuer ou masquer la domination dans le réel. Horkheimer et Adorno
ont montré que le « pouvoir du progrès », entendu comme progrès tech-
nique, entraîne nécessairement « le progrès du pouvoir ». Ils ont mis
en évidence que la rationalité technique et la logique de la domination
ont permis, pendant la Seconde Guerre mondiale, la mort de plusieurs
millions d’hommes dans les camps de concentration.
Les recherches de Guy Palmade (1975) sur l’étude des problèmes
nous permettent d’étayer la même hypothèse, à savoir la domination de
la logique procédurale et opératoire, cherchant l’efficacité immédiate,
sur la logique délibérative et politique entre les différents acteurs. Dans
un travail sur l’étude des problèmes (réalisée pour le service de for-
mation d’EDF et malheureusement non publiée), Palmade présente une
approche qui se distingue assez nettement des TWI (Training Within
Industry) ou de la Qualité. Ces méthodes ont servi dès les années
1980 de modèles à l’ensemble des approches procédurales qui se sont
développées par la suite dans le « nouveau management » et dont les
nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC)

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ont favorisé l’essor. Ces méthodes assez prisées par nos ingénieurs et
gestionnaires et ayant une certaine pertinence dans le domaine de la
production industrielle ne s’avèrent pas toujours adaptées quand les
problèmes sont complexes ou à plusieurs entrées, comme il est question
souvent dans le monde social et dans une collectivité avec plusieurs
acteurs, cultures, stratégies et enjeux.
Pour Palmade, un problème existe à partir du moment où on ne
connaît pas le but qu’on va poursuivre ni le chemin qui va nous permettre
d’y arriver. On se trouve dans un état initial « insatisfaisant », sans pour
autant connaître suffisamment les raisons de notre « insatisfaction » et
sans savoir ni l’état-but qui nous permettrait de dépasser cette « insatis-
faction » et d’atteindre nos objectifs, ni les moyens ou le chemin pour y
arriver. On se trouve donc obligé de faire une itération entre :
– notre état d’insatisfaction (état initial) : de quoi est-on insatisfait,
pourquoi, comment s’exprime notre insatisfaction, n’est-elle pas liée à
autre chose dont on n’a pas une idée ou une information précise, est-ce
important et urgent pour nous de la traiter maintenant ?
– nos objectifs ou notre représentation de l’état-but dans lequel dispa-
raîtrait l’insatisfaction : quels sont les buts finaux (intransitifs) qu’on
doit se fixer pour sortir de l’état d’insatisfaction, quels sont les buts
intermédiaires (transitifs) qui peuvent nous aider ou par lesquels on
doit passer pour atteindre le but final, poursuit-on un seul objectif ou
est-on obligé d’en avoir plusieurs à la fois, quels sont les liens entre ces
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différents objectifs, sont-ils complémentaires, opposés, contradictoires,
quel optimum doit-on pouvoir réaliser sur les objectifs pour que leur
atteinte soit facilitée, existe-t-il des priorités dans l’atteindre des diffé-
rents objectifs, etc. ?
– les variables réductrices (de la distance au but) : il s’agit de l’ensemble
des éléments sur lesquels on peut agir (pour les faire varier ou changer)
et qui vont nous permettre d’arriver à nos buts. Ils peuvent être de plu-
sieurs natures : des moyens ou des ressources techniques, financiers,
humains, autres, des conduites et des comportements des agents concer-
nés par le problème ou qui peuvent intervenir dans la solution ;
– les contraintes : ce sont tous les éléments qui vont agir dans le sens
contraire à la réduction de la distance au but et sur lesquels on ne peut
pas intervenir. Ils peuvent exister comme des données à prendre en
compte dès le départ ou qui vont apparaître au fur et à mesure de notre
avancée vers le but. Ces contraintes peuvent se présenter comme des
caractéristiques du champ sur lequel on veut intervenir, des limites dans
les moyens dont on peut disposer comme nos propres limites ou impos-
sibilités. Notre créativité à contourner ces contraintes peut nous aider à
trouver d’autres moyens pour arriver à nos buts.
Dans cette approche, Palmade fait la distinction entre ce qu’il
appelle des problèmes en extériorité et des problèmes en intériorité : les
premiers renvoient aux questions et aux réalités économiques, techni-
ques, matérielles, en somme tout ce qui peut être extérieur aux agents ;

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les seconds concernent les émotions, affectivité, représentations et moti-


vations des acteurs, ce qui leur est intrinsèquement lié et qui se trouve
vécu ou mobilisé dans leur interaction avec la réalité « extérieure ».
L’auteur insiste sur la nécessité d’éviter deux biais : une approche
technocratique qui considère que tous les problèmes peuvent se trai-
ter au travers d’approches opératoires et par la quantification sur des
variables qui doivent être « objectivées » ou mesurées, ce qui laisserait
de côté tout ce qui ne peut l’être a priori, et une approche « psycho-
logisante » qui a tendance à penser que « tout serait résolu si le pro-
blème des relations humaines était traité ». Il faut donc, selon l’auteur,
éviter le clivage entre ce qui est d’un côté, affectivité, émotions, condui-
tes et motivations individuelles et collectives et de l’autre, institutions,
réalités économiques et technologiques.
L’une des caractéristiques du management dans sa vision techno-
cratique est de faire comme si les problèmes étaient seulement en exté-
riorité ou que l’on pourrait tout « objectiver » et tout rationaliser et qu’il
suffirait aux acteurs d’appliquer la bonne méthode pour y arriver. Dans
cette conception la subjectivité est une dimension qui doit être tenue à
l’écart car elle risque de « fausser » les capacités de jugement, ou alors
les facteurs subjectifs ne sont pas pris en compte car « trop variables »
pour être fiables, pour être « tenus » (contrôlés) dans une équation.
Cette tendance à la maîtrise du réel dans une équation mathématique
est aussi bien une exigence forte du système capitaliste qu’une tournure
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d’esprit des technocrates chargés de le faire fonctionner. L’incertitude,
les aléas de la subjectivité doivent être neutralisés, sinon contrôlés au
maximum.
Le nouveau management vise à façonner les représentations et les conduites
afin de mieux asseoir le pouvoir du contrôle et le contrôle du pouvoir

Max Pagès et ses collaborateurs (1979) ont montré comment le


management en tant que « pouvoir de la science » et « science du pou-
voir » est de moins en moins le champ d’amateurs, il se « scientise »
de plus en plus. Par conséquent le pouvoir n’est plus dans les mains
de chefs « omnipotents » à qui on peut s’opposer ou résister. Il réside
« désormais dans les rouages, les mécanismes et les procédures, l’appa-
reillage, les dispositifs des organisations, plutôt que dans les individus
qui les font fonctionner […]. Ce sont donc les règles, les politiques,
les dispositifs de l’organisation, et non plus les décisions du chef qui
gouvernent la vie quotidienne. Les investissements et les conflits
inconscients majeurs ne sont plus vécus dans le rapport aux chefs mais
à l’organisation. On ne fantasme plus sur le chef, devenu simple agent
de l’organisation, mais sur l’organisation elle-même ».
Les procédures qu’on voit fleurir de plus en plus dans les organisa-
tions, quel que soit leur type, ne sont plus des protocoles ou des règles
élaborés dans un coin par quelques bureaucrates zélés ou en mal de recon-

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112 Abdelaâli Laoukili

naissance, mais le résultat d’un système fonctionnant de manière globale


et aboutissant à des formes plus ou moins totalitaires. L’avènement des
NTIC permet à ce système d’asseoir son contrôle sur les moindres détails
de la vie d’une organisation. Il suffit dorénavant de définir les règles, de
les mettre dans les « tuyaux » (les fameux SI ou systèmes d’information)
et tout le monde se trouve obligé de fonctionner pareillement.
Cette homogénéisation des modes de fonctionnement, caractéris-
tique du management, quels que soient le type d’organisation et les
valeurs qui les instituent est dénoncée par plusieurs auteurs : Rouchy et
Desroches (2004), Le Goff (1999, 2000).
Eugène Enriquez (1976, 1983) avait déjà montré les différences
existantes entre quatre types d’organisation : charismatique, bureaucra-
tique, technocratique, coopérative auxquelles on peut ajouter les struc-
tures en réseau décrites par Franca Manoukian. Ces différences existent
aussi bien au niveau des valeurs instituantes (les valeurs fondatrices)
qu’au niveau de ce qui est institué (les modes d’organisation et de fonc-
tionnement).

Tableau 1 : structures d’organisation et mode de fonctionnement

charismatique bureaucratique technocratique coopérative en réseau


Structure en Modèle méca- Organigramme Flou et fluc- Chaque partie
étoile autour niste. plat, réduction tuant. ou chaque
d’une person- Système pyra- des lignes hiérar- établissement
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nalité charisma- midal et hiérar- chiques. garde sa propre
Organigramme tique chique. Fonctionnement structure.
Structure qui Fonctions défi- par groupes de
reste floue. nies par des travail.
règles et des
normes.
Absence de Division du tra- Autorité de com- Interdépen- Partenariats et
règles et com- vail poussée. pétences. dance et parti- complémentarité
pétition entre Organisation Règles de gestion cipation dans des objectifs.
Principes de collaborateurs. rationnelle. rationnelle. la définition et
fonctionnement Normes de fonc- la réalisation
tionnement. des objectifs.

Dévouement, Critères de qua- Compétence tech- Critères de Choix mutuel en


loyauté et lification. nique. qualification fonction d’inté-
obéissance à Règles qui défi- plus larges. rêts communs
l’égard du chef. nissent la bonne Qualification et/ou de compé-
Critères de choix
occupation du pour une car- tences complé-
des collaborateurs
poste. rière plus que mentaires.
pour un poste
unique.

Non. Non. Marge d’auto- Prise d’ini- Décision col-


Diviser pour Activités régies nomie laissée tiatives quant légiale sur les
mieux régner. par consignes. dans le choix des aux objectifs objectifs com-
Participation Pas de déléga- moyens. à poursuivre, muns.
aux décisions tion explicite. aux moyens et
aux méthodes
à utiliser.

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Les collectivités territoriales à l’épreuve du management 113

Chacun est Cloisonnement Utopie d’un L’autocontrôle Le partenariat


en compéti- des services, savoir univoque nécessite nécessite de fait
tion pour être lourdeur et diffi- et impersonnel une fonction une démarche
reconnu et culté à changer. auquel chacun permanente de confrontation
apprécié par le Intériorisation devrait se sou- d’analyse des des représenta-
chef. par les individus mettre sans inter- processus de tions mutuelles
des préceptes roger les valeurs régulation de et d’évolution
de l’organi- qui le fondent. la conflic- des identités
sation qu’ils Renforce la tualité liée à professionnelles.
vivent comme compétition entre l’interdépen- La question de
interdictrice et ses membres qui dance. l’unité culturelle
Inconvénients/ les surveillant désirent être atta- Utopie se pose.
fonctionnement constamment. chés à l’organi- sous-jacente
sation, la prendre d’une fratrie
comme idéal et se a-conflictuelle
vouer à elle. où existerait
Se défait de ceux l’égalité des
qui ne correspon- compétences
dent pas au profil et des inves-
de la fonction. tissements
personnels.
Un état « d’il-
lusion grou-
pale ».

L’auteur démontre comment, dans tout processus de modernisation


ou de changement des organisations, il est nécessaire de faire attention
à leur structure. Celle-ci ne constitue pas seulement un organigramme
répartissant le pouvoir et le travail, dans une vision mécaniste (structure
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bureaucratique) ou rationnelle (structure technocratique), mais c’est
l’ensemble des valeurs et modes de fonctionnement intériorisés par les
individus qui fait la structure. On ne peut donc agir seulement sur l’un
des paramètres pour produire le changement.
On peut noter avec Jean Claude Rouchy (2004) que les transposi-
tions d’outils et de méthodes d’une structure à une autre ne suffisent
pas pour créer le changement ou l’efficacité attendue. « C’est le cas des
efforts de décideurs ou de consultants dans certaines structures bureau-
cratiques qui pour les rénover ou en accroître l’efficacité, préconisent,
sans le savoir, l’adoption de certaines caractéristiques des structures
technocratiques (management, direction par objectifs, entretiens d’éva-
luation, gestion par les compétences, etc.). Ce sont des instruments et
des techniques isolés de leur contexte d’ensemble et perdant du coup
toute cohérence et tout sens. Un haut degré de confusion est atteint
si l’on conserve une structure pyramidale et une autorité hiérarchique
en préconisant des “outils” correspondant à des structures plates et à
l’autorité de compétence, en instaurant des groupes transversaux par
projet dans une autre logique. Ces groupes de travail inter-services,
mêlant les niveaux hiérarchiques, peuvent à tout moment être contestés
et voir leurs élaborations annulées par une autorité hiérarchique qui peut
se sentir menacée de cette situation paradoxale » (op. cit., p. 40).

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114 Abdelaâli Laoukili

L’introduction du management dans les collectivités territoriales


ne tient pas compte de leurs structures et cultures :

Historiquement, l’usage des procédures a été initié dans les struc-


tures bureaucratiques au moment de la création des grandes adminis-
trations, ce qui a, au niveau des valeurs instituantes, constitué (peut
constituer encore) un réel progrès, la finalité étant en effet de fournir le
même service pour les citoyens, de manière égalitaire et d’éviter toute
discrimination, favoritisme ou népotisme, caractéristiques de la société
traditionnelle et des relations informelles (Les travaux de Max Weber
sur les systèmes d’autorité ont permis l’émergence du modèle bureau-
cratique comme un progrès au début du XXe siècle). Ces procédures se
sont muées, par la suite, en un rituel bureaucratique, en bureaucratie
perdant toute capacité de renouvellement et d’adaptation à une réalité
changeante et de plus en plus complexe. Le résultat en a été une perte
de sens et d’efficacité, qui finit par remettre en cause l’administration
elle-même. Que n’a-t-on pas glosé sur les fonctionnaires « rond-de-
cuir », « fainéants », l’administration incapable de se réformer, et
autres qualificatifs subjectivant ou idéologisant les causes d’une telle
difficulté de changement. En cherchant à imiter l’entreprise privée,
prise comme modèle, en empruntant certains de ces outils et méthodes
de management à « l’anglo-saxonne », les promoteurs de ce type de
changement n’ont pas vu qu’on ne passe pas comme ça d’une structure
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de type bureaucratique à une autre de type technocratique et qu’il fallait
considérer la cohérence d’ensemble d’un système. L’aveuglement a été
parfois idéologique (moins d’État et plus de marché), parfois technique
(il suffit d’utiliser les méthodes de management et les outils des entre-
prises performantes) et parfois les deux à la fois.
L’une des caractéristiques du mode de fonctionnement managé-
rial, comme on vient de le voir, est que ses promoteurs ne tiennent pas
compte du contexte et des structures organisationnelles dans lesquels ils
veulent le mettre en place. Il se passe ainsi comme s’il y avait un mode
de fonctionnement rationnel et efficace, quels que soient les buts et les
valeurs d’une institution et organisation, ou que ce mode de fonction-
nement lui-même n’était pas porteur de valeurs et de logiques d’action
qui lui sont propres. Cette « dépolitisation » (absence d’interrogation
sur les buts et finalités, sur les intérêts des acteurs en présence) est une
caractéristique importante de la logique managériale.
Dans ce cas-là et dans les collectivités territoriales notamment
(c’est aussi le cas des associations), ce sont les secteurs d’activités et
les métiers qui sont les plus éloignés culturellement du modèle mana-
gérial, de sa tendance à la mesure et à la simplification objectivante et
rationnelle, qui subissent de plein fouet les distorsions, disjonctions et
tensions inhérentes à l’écart entre les injonctions managériales et procé-
durales et la réalité de leur travail au quotidien. Ils finissent par devenir

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Les collectivités territoriales à l’épreuve du management 115

les mal-aimés ou les canards boiteux du modèle managérial et rationnel


qu’on voudrait voir triompher.
Dans le cadre du travail social par exemple, secteur important des
collectivités, l’accompagnement par des professionnels repose, comme
le souligne Brigitte Bouquet (2004), « sur trois principes fondamen-
taux : l’action individuelle (chaque individu vit une situation particu-
lière et on doit y répondre de manière personnalisée), l’approche globale
des problèmes d’une même personne et l’action collective. Mais celle-ci
s’est progressivement effacée dans les années 1990, à cause des dispo-
sitifs légaux qui privilégient de plus en plus la réponse ponctuelle, frag-
mentée, et ce malgré le nouveau référentiel du développement social
local (qui reste plus une rhétorique qu’une réalité). C’est cette nouvelle
logique de la prestation de services (contraire à l’accompagnement où
le service est “co-produit” et le résultat reste dépendant aussi du béné-
ficiaire et des tas d’autres facteurs) qui explique la grande souffrance
des travailleurs sociaux ». (Brigitte Bouquet, entretien dans Sciences
humaines n° 159, avril 2005, page 23).

Les contradictions et tensions qui vont apparaître vont se situer sur


différents niveaux : action individuelle/règles et traitement homogènes,
approche globale/morcellement et fragmentation, prise en compte de la
subjectivité et du vécu/objectivité réduite au comportement manifeste,
suivi à moyen et long terme/réponse ponctuelle et évaluation à court
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terme, mobilisation et coproduction par la personne accompagnée/
logique de prestation de service… Il n’est pas nécessaire de continuer
la liste pour s’apercevoir comment le modèle implicite de la logique
procédurale reste le modèle marchand (vente de service), où le besoin
de contrôle amène à l’évaluation des résultats à court terme et où l’ef-
ficacité globale des politiques et dispositifs est tronquée par la simple
observation de la réalisation des actions ou de la mise en œuvre des
moyens (centration sur le faire). On est dès lors autorisé à se poser la
question de l’efficacité du fonctionnement procédural et non seulement
de sa dénonciation morale à cause de la souffrance et des tensions
qu’il suscite. Cette souffrance vient des injonctions paradoxales vécues
par les travailleurs sociaux entre leur professionnalisme (l’art de leur
métier), leur exigence de résultats face aux situations de précarité et des
procédures et des moyens de fonctionnement de plus en plus aliénants
ou inadaptés.
L’interrogation sur l’efficacité et l’efficience du mode de fonc-
tionnement managérial et procédural doit être, à notre avis, au centre
des réflexions sur l’évaluation des politiques publiques. En effet il
ne s’agira pas, comme c’est souvent le cas, de chercher à remettre en
cause les fondements parfois intéressants de certaines politiques mais
les modalités de mise en œuvre et de fonctionnement des organisations
et institutions publiques prises au piège du nouveau management et de
ses procédures, mais sans avoir vraiment dépassé leur fonctionnement

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116 Abdelaâli Laoukili

ancien, resté sur un modèle charismatique ou bureaucratique. Cela


est confirmé par toutes les explorations que nous avons pu avoir avec
d’autres intervenants ou formateurs dans les collectivités territoriales où
les participants déclarent reconnaître le fonctionnement de leur collec-
tivité comme souvent charismatique (le cas des collectivités de petite
taille) ou bureaucratique (collectivités plus importantes) ou un mélange
des trois : charismatique, bureaucratique, technocratique, quand on a
commencé à introduire les techniques managériales. Ils citent rarement
le modèle coopératif alors qu’une collectivité devrait être plus coopé-
rative et démocratique dans son fonctionnement ! Ces professionnels,
aussi bien cadres et non-cadres que les élus eux-mêmes, se trouvent
dans la difficulté de faire évoluer les conduites et attitudes des agents
individuellement et collectivement, en procédant à l’usage de techni-
ques et d’outils du management (projet de service, management par
objectif ou par les compétences, entretien annuel d’évaluation, gestion
individuelle, etc.) sans pouvoir interroger le fonctionnement d’ensem-
ble. On se trouve souvent dans des situations où une collectivité dispose
de toute la panoplie des outils de management et où le fonctionnement
est resté inchangé.

De l’inefficacité du nouveau management


et de la démarche procédurale dans les collectivités territoriales
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Le champ juridique et plus récemment le champ informatique ont
servi de « modèles » de définition et de description de ce que doit conte-
nir une procédure, entendue à la fois comme un processus de traitement
de l’information et de résolution de problèmes et comme un ensemble
de prescriptions destinées à fixer les rôles, droits et devoirs des acteurs.
En effet dans le champ juridique, on trouve des notions d’obligations et
de responsabilités des différents acteurs, alors que dans le champ infor-
matique on retrouve celle de traitement de l’information sous forme
d’algorithmes et de raisonnement binaire en Oui/Non ou présence/
absence.
La visée reste – et c’est là une des sources de la limite des procédu-
res – une « délimitation » des champs des possibles et une anticipation
forte de ce qui peut se passer. Ainsi se trouvent évacuées dans ce raison-
nement, et surtout dans les modalités de sa transposition dans d’autres
champs, les situations contradictoires ou conflictuelles ainsi que les
situations complexes et incertaines. Ces dernières ne peuvent être facile-
ment traitées sans l’intervention des sujets et acteurs de la situation qui
vont leur donner sens et agir en fonction du sens ainsi attribué.
De ce point de vue et comme le note Emmanuel Diet (2004), « les
procédures organisationnelles apparaissent d’emblée comme radicale-
ment différentes aussi bien des procédures juridiques et de leur finalité
de régulation symbolique que des protocoles scientifiques, soumis à
l’interrogation critique et à la vérification, qu’elles miment dans le

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Les collectivités territoriales à l’épreuve du management 117

faire-semblant de l’imposture… La logique du faire fonctionne comme


productrice de l’impossibilité de penser et même de figurer » (p. 15).
On peut ainsi montrer les limites des procédures et donc leur inef-
ficacité sur les différentes fonctions qu’elles cherchent le plus souvent
à satisfaire et qui se trouvent au centre des missions des collectivités
territoriales et de leur fonction de régulation politique, économique et
sociale :
– la fonction politique : il s’agit de la prise en compte de l’intérêt,
des droits et obligations des différents acteurs ainsi que la définition
du champ de responsabilité et de pouvoir des uns et des autres. Une
« bonne procédure » serait, dans ce cas-là, une procédure dans laquelle
l’ensemble des intérêts, droits et obligations seraient pris en compte. On
peut constater, a contrario, que, dans le cas où la procédure est vécue
comme trop contraignante, peu adaptée à la réalité, ou peu mobilisatrice,
en amont de sa mise en œuvre, souvent, il n’y a pas eu suffisamment de
partage et d’élaboration commune autour des objectifs et des finalités
de ladite procédure. La procédure est souvent présentée, dans le cadre
du nouveau management, uniquement sur le registre de la rationalité
instrumentale et de la recherche d’efficacité ou de conformité, comme si
ses promoteurs n’avaient aucun autre objectif (politique, le leur notam-
ment) dans sa réalisation. Pour en sortir, il serait utile et plus efficace
de « repolitiser » la chose et de profiter des débuts de mandats (juste
après les élections) pour mettre en débat les finalités et modalités d’un
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projet de territoire, fixer et suivre la mise en œuvre au travers d’échan-
ges participatifs avec l’ensemble des citoyens. Ces modèles d’action,
privilégiant la participation démocratique et le consensus entre acteurs
à la technicisation, sont déjà appliqués dans un ensemble de collecti-
vités avec plus de succès. Ils gagneraient à être diffusés et développés
car autant les démarches managériales et technocratiques ont montré
leurs limites, autant les démarches participatives sérieuses ne sont pas
évidentes ni à penser ni à organiser, mais il n’est pas interdit d’imaginer
et d’inventer d’autres possibles ;
– la fonction technique : il est question des aspects stratégiques,
techniques et organisationnels contenus dans la mise en œuvre de la
procédure. Si on peut constater que les approches techniques et orga-
nisationnelles ont permis un développement important dans le sens
de la rationalisation et de l’efficacité des processus de traitement de
l’information et, dans une certaine mesure, de la décision (travail en
mode projet ou par objectif, clarification-formalisation de processus de
travail, évaluation…) il n’en demeure pas moins vrai que la centration
sur la rationalisation et la « mise sous contrôle » de certaines variables
d’action définissables a priori a eu pour conséquence de « scotomiser »,
voire de laisser de côté, et en dehors du processus de traitement d’in-
formation d’autres variables, dites parfois irrationnelles car relevant de
la subjectivité des acteurs et ne pouvant être observées qu’a posteriori.
La difficulté du gestionnaire à prendre en compte ce type de variables

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118 Abdelaâli Laoukili

l’amène à les considérer comme « irrationnelles » susceptibles soit


d’être laissées de côté, soit de devoir se conformer à une norme qu’on
peut du coup mieux maîtriser et anticiper, ne serait-ce que dans les
tableaux de bord chiffrés avec des indicateurs présélectionnés et pas
toujours suffisamment pertinents !
– la fonction psychologique : il s’agit du besoin de l’individu d’avoir un
contrôle sur la réalité, angoisse archaïque d’autant plus forte que la réa-
lité devient complexe et chargée d’incertitudes. Ce besoin de contrôle
est d’autant plus satisfait quand la procédure mise en place permet une
certaine efficacité, d’où un renforcement, parfois obsessionnel de la ten-
dance à fabriquer des procédures. Dans le cas où la procédure ne marche
pas, elle risque de susciter encore plus d’angoisses qu’elle n’en permet
d’endiguer, un autre cas décrit par des chercheurs sur la souffrance au
travail qui peut résulter d’un décalage entre ce que la procédure prévoit
comme mode de traitement des problèmes et la réalité vécue par les per-
sonnes en situation. Ce décalage, dans la mesure où il n’est pas reconnu,
par la hiérarchie notamment, va susciter une angoisse et une souffrance
au travail liées à la contradiction entre l’obligation d’appliquer les pro-
cédures et l’impossibilité de cette application, ou à la tension « déniée »
entre la procédure et la réalité vécue par les personnes.

De la nécessité d’autres approches pour faire évoluer


les interactions et les rendre plus efficaces
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Afin de vérifier nos hypothèses concernant l’impact du nouveau
management sur le changement, nous prendrons deux exemples obser-
vés dans deux collectivités différentes : le premier montre les impas-
ses du management quand il ne prend pas en compte la structure et
la culture d’une collectivité pour la faire évoluer ; le second montre,
à l’inverse, les potentialités de changement que permet une approche
psychosociologique centrée sur les interactions.

Cas n° 1 : une démarche Qualité dans une structure restée à dominante


« charismatique et bureaucratique » :
Il s’agit d’une collectivité qui, dans l’objectif d’améliorer l’effica-
cité de ses processus de travail et son fonctionnement, avait introduit
une démarche Qualité avec une certification selon les normes ISO. Cette
démarche avait abouti à la formalisation de tous les processus de travail
selon un modèle bien défini et à la mise en place de processus d’alerte
en cas de non-conformité d’une activité ou d’un processus au modèle.
Une détection d’anomalie était ainsi réalisée, transmise et rendue visi-
ble, via le système d’information, pour tous les agents et notamment
pour la direction qui pouvait ainsi contrôler tout ce qui se passe et procé-
der au repérage des causes et/ou des responsables. Ce système lourd et
contraignant dans sa mise en œuvre générait aussi des tensions entre les
acteurs. Beaucoup d’entre eux se plaignaient du fait qu’ils passaient leur

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Les collectivités territoriales à l’épreuve du management 119

temps à rendre compte de ce qu’ils faisaient et à remonter des anomalies


au lieu de faire leur travail et de traiter les problèmes en question ou de
les réguler entre eux. Ce mode de fonctionnement a renforcé le pouvoir
de la direction et contribué à accentuer le malaise entre les services
et entre les cadres et la direction. Beaucoup d’entre eux se sentaient
contrôlés et ne ressentaient pas suffisamment de possibilités de dialogue
et de communication avec la direction. Cette dernière se plaignait du
manque d’expression des cadres dans les réunions formelles de coordi-
nation.
Il est apparu, après analyse, que le mode de fonctionnement charis-
matique et bureaucratique qui prédominait auparavant (un maire-pré-
sident de communauté d’agglomération qui exerçait une autorité sans
partage et dont l’équipe de direction a fini par intérioriser et reproduire
les mêmes comportements et attitudes) n’avait pas encore évolué, car
intériorisé par les uns et les autres sur une durée suffisamment longue
pour induire en retour des attitudes de soumission, de manque de prise
d’initiative et de révolte silencieuse de la part des cadres et agents. La
démarche Qualité se trouvait limitée dans ses effets de changement car
il n’y a pas eu de travail sur les représentations ni sur la modification
des interactions entre les acteurs.

Cas n° 2 : une démarche d’intervention psychosociologique dans une


structure « charismatique et informelle » :
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C’est une collectivité de petite taille qui était aussi sur le modèle
charismatique mais avec peu de règles et de procédures formelles de
travail (un maire qui décidait de tout avec une confusion des rôles entre
les élus et les cadres). Le directeur général des services (DGS), jeune
cadre nouvellement recruté, se plaignait de la difficulté à situer son rôle
et sa place. Le maire s’adressait individuellement à tous les cadres et
aux agents pour faire avancer les dossiers. Les autres élus l’imitaient et
il n’y avait pas d’espace formel de travail ni entre les élus et les cadres
(seul le DGS assistait aux réunions avec le maire et les élus) ni entre les
cadres eux-mêmes et le DGS. L’intervention a consisté d’abord à créer
un espace de travail en groupe entre les cadres et le DGS avec une double
centration :
– sur le contenu opératoire : le groupe devait à partir d’axes de travail
thématiques et par projet élaborer de nouveaux processus formels de
travail permettant de clarifier les rôles et de se doter d’outils plus per-
formants ;
– sur la dynamique du groupe (intra et inter) et ses liens avec le reste de
l’organisation : tous les membres ont été sensibilisés aux processus de
communication, de travail et de régulation en groupe. Ils ont pu mettre
en pratique ces connaissances dans l’analyse des relations entre eux,
entre eux et les élus et entre eux et les agents.
Ce groupe s’est installé comme un observatoire et un agent du chan-
gement dans l’organisation. Le travail ainsi réalisé a été restitué et par-

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120 Abdelaâli Laoukili

tagé avec le maire qui a pu mesurer l’utilité et la pertinence du dispositif


mis en place. Il a pris conscience à cette occasion des dysfonctionne-
ments de sa collectivité, des possibilités concrètes et peu « coûteuses »
d’amélioration et a exprimé lui-même une demande (à l’intervenant et
au groupe), celle de l’aider à élargir ce dispositif au groupe des élus lui
compris, en constatant qu’ils ne travaillaient pas vraiment en groupe, et
ce malgré les commissions, sous-commissions, bureau municipal, etc.

Conclusion

Nous avons cherché à montrer dans cet article comment la logique


managériale et procédurale est le résultat de trois éléments conjoints : les
contraintes imposées par le système économique (réduction et contrôle
des coûts), les logiques de rationalisation organisationnelle du manage-
ment postmoderne caractérisées par la technicisation et la désubjecti-
vation, enfin les résonances intrapsychiques et les mécanismes de lutte
contre l’angoisse ainsi que la volonté de maîtrise du réel spécifiques à
la « posture procédurale ». Les contradictions entre le fonctionnement
procédural et la complexité des organisations et des collectivités territo-
riales notamment ont pour conséquences l’appauvrissement des possi-
bilités de créativité et d’adaptabilité nécessaires à ces organisations et le
renforcement du malaise ressenti par les agents dans l’exercice de leur
métier. Pour se dégager de ce fonctionnement, les professionnels ainsi
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que les élus doivent refonder leur mode de coopération et de travail. Les
modes de fonctionnement doivent refléter la réalité du terrain dans sa
complexité et valoriser les expériences innovantes.
En place et lieu du nouveau management, ses tendances à la tech-
nicisation, à l’individualisation, au clivage et à la séparation doivent se
mettre en place dans les collectivités des espaces de travail plus coopé-
ratifs et plus ouverts. Le travail en groupe entre les élus, entre eux et
les cadres, entre acteurs de la collectivité et le reste de la société et des
partenaires doit être restauré et dynamisé. Un groupe, une collectivité
qui ne fait pas le point sur son fonctionnement relationnel, ses moda-
lités de coopération, en un mot son fonctionnement démocratique ne
peut pas avancer. La démocratie n’est pas en effet un simple credo, un
mot d’ordre ou des valeurs de référence qui ne doivent s’incarner dans
un fonctionnement concret. C’est plutôt le contraire. En oubliant ce
principe de base, le management et les managers risquent de passer de
mode. Les événements récents sont là pour nous le rappeler.

Bibliographie
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