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Abdelaâli Laoukili
ERES | « Connexions »
Bien que le terme anglais management ait été adopté par l’Acadé-
mie française avec une prononciation francisée, l’Office québécois de la
langue française ne recommande pas l’emploi de cet emprunt intégral à
l’anglais qui n’ajoute rien de plus que les mots gestion et administration.
On peut remarquer que cette ambiguïté induisant des désaccords sur
la signification ne manque pas in fine de faire de ce vocable un « mot-
valise » dans lequel on pourrait mettre différentes significations. Ainsi
on peut entendre que le management est « l’ensemble des techniques
d’organisation qui sont mises en œuvre pour l’administration d’une
entité » mais il ne se confond pas avec le simple usage de ces techni-
ques. Il peut signifier le comportement ou la conduite d’un manager
comme quand on dit « tu es manager, tu gères » ou « c’est toi le mana-
ger, c’est à toi d’assurer ». Ici le terme peut être remplacé par « chef »
ou « responsable » mais cela ne suffirait pas ou ferait un peu vieux
jeu. Le management finit par être un « tout » et le manager, un homme
ou une femme à « tout faire », à « tout assurer » de ce qui touche à la
conduite et à la gestion d’une entité, un service ou une équipe.
qui, à défaut d’évaluer des résultats ne pouvant être observés qu’à plus
ou moins moyen ou long terme, devient un contrôle sur les outils et les
conduites des acteurs pour y arriver.
Les collectivités territoriales vivent actuellement une réduction forte
de leurs moyens et se trouvent obligées de faire des choix pas toujours
évidents ni politiquement ni techniquement. À ce besoin de contrôle des
dépenses induit par la réduction des moyens s’ajoutent des contraintes
fortes et des exigences nouvelles de la part des citoyens et de l’État lui-
même (besoins sociaux en augmentation, enjeux du développement dura-
ble, « judiciarisation » croissante dans la société et ses impacts en termes
d’anticipation et de prévention des risques de différente nature…).
Tout cela met les élus et le premier d’entre eux, le maire notamment,
dans une situation inconfortable. Comment tenir les promesses faites
aux citoyens lors des élections sans augmenter les impôts ? Comment
intégrer les besoins et les résultats à court terme visibles et lisibles lors
d’échéances électorales, garder son électorat tout en ayant une vision
prospective de l’évolution d’une collectivité et du territoire ? Comment
concilier le citoyen-administré, le citoyen-usager et le citoyen-contri-
buable ? Comment respecter les valeurs fondatrices du service public
(égalité de traitement, solidarité, économie des deniers publics…) tout
en intégrant certaines réalités économiques de marché et en recherchant
à optimiser les partenariats public-privé ?
Face à ces contradictions structurelles, les collectivités doivent faire
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mais aussi, comme c’est le cas dans le domaine juridique, qu’elle puisse
garantir les droits et les intérêts des différentes parties. Pour ce faire,
chaque procédure doit comporter une phase incontournable d’élabora-
tion et de partage des buts et des conduites attendus à partir d’une vision
commune de ce qui, dans le réel, pose problème ou doit être amélioré.
Il est clair que la vision du « technocrate » (celui qui a une vision tech-
nique du problème) dans sa volonté de maîtrise et de contrôle du réel ne
s’accommode pas facilement avec les nécessités d’engager une délibé-
ration avec les autres acteurs, foncièrement incertaine et « consomma-
trice » de temps. Le contrôle de l’incertitude et le contrôle des coûts se
trouvent ainsi et de manière inconsciente comme des impératifs majeurs
aux yeux de notre technocrate, pas toujours si libre ni si innovant pour
concevoir des dispositifs d’élaboration et de mise en œuvre des déci-
sions adaptés aux enjeux et contraintes de la situation. La conception
implicite à ce type de fonctionnement (voir chapitre sur les structures
d’organisation), est celle d’individus très compétents et capables par
leur intelligence de concevoir des systèmes de décision et d’action
qui englobent les différents aspects d’un problème. De ce fait ils sont
capables de se passer de la concertation et de la logique délibérative, ou
alors seulement de la traiter au travers d’une « phase de consultation »
préalable et sommaire, visant plus à asseoir une logique stratégique
(comment éviter les résistances, c’est ce qui est souvent retenu dans
les cours de management de l’analyse stratégique de Michel Crozier
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ont favorisé l’essor. Ces méthodes assez prisées par nos ingénieurs et
gestionnaires et ayant une certaine pertinence dans le domaine de la
production industrielle ne s’avèrent pas toujours adaptées quand les
problèmes sont complexes ou à plusieurs entrées, comme il est question
souvent dans le monde social et dans une collectivité avec plusieurs
acteurs, cultures, stratégies et enjeux.
Pour Palmade, un problème existe à partir du moment où on ne
connaît pas le but qu’on va poursuivre ni le chemin qui va nous permettre
d’y arriver. On se trouve dans un état initial « insatisfaisant », sans pour
autant connaître suffisamment les raisons de notre « insatisfaction » et
sans savoir ni l’état-but qui nous permettrait de dépasser cette « insatis-
faction » et d’atteindre nos objectifs, ni les moyens ou le chemin pour y
arriver. On se trouve donc obligé de faire une itération entre :
– notre état d’insatisfaction (état initial) : de quoi est-on insatisfait,
pourquoi, comment s’exprime notre insatisfaction, n’est-elle pas liée à
autre chose dont on n’a pas une idée ou une information précise, est-ce
important et urgent pour nous de la traiter maintenant ?
– nos objectifs ou notre représentation de l’état-but dans lequel dispa-
raîtrait l’insatisfaction : quels sont les buts finaux (intransitifs) qu’on
doit se fixer pour sortir de l’état d’insatisfaction, quels sont les buts
intermédiaires (transitifs) qui peuvent nous aider ou par lesquels on
doit passer pour atteindre le but final, poursuit-on un seul objectif ou
est-on obligé d’en avoir plusieurs à la fois, quels sont les liens entre ces
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Conclusion
Bibliographie
ATTALI, J. 2006. Une brève histoire de l’avenir, Paris, Fayard.
CASTORIADIS, C. 1998. Post-scriptum sur l’insignifiance, l’Aube.
COLLECTIF SCIENCES HUMAINES Paris IX Dauphine. 1987. Organisation et mana-
gement en question(s), Paris, L’Harmattan.