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I.

Définitions
Les termes d'instruction et d'éducation sont bien distincts.

L'instruction désigne, à l'origine, "un ordre donné à quelqu'un" (vers 1500), puis le "savoir de l'homme instruit" (Montaigne, 1580).
Le mot a, ensuite, évolué et est entré dans le vocabulaire du droit ("juge d'instruction").
Il a désigné, au XVIIe siècle, une leçon de morale, un précepte.
Après la Révolution, il sera employé pour "l'organisation de l'instruction de la jeunesse" (1791, instruction politique) et l'ensemble
des connaissances d'une discipline (Condorcet, 1794).

L'éducation renvoie, elle, à un état particulier d'élévation par rapport à un état initial. En latin, "ex-ducere" ou "educare" renvoyant
à l'idée de "conduire hors de", l'éducation désigne alors "la mise en oeuvre des moyens propres à former et à développer un
être humain" voire même à "apprendre à quelqu'un les usages de la société" (fin XIXe siècle).

Ces deux termes sont associés soit à l'adjectif "civique" soit à l'adjectif "morale".

Le terme civique est l'adjectif associé au citoyen et à la cité.


Dans un sens général, il désigne la caractéristique du comportement d'une personne vivant dans un espace limité selon des règles
acceptées et construites par l'ensemble des personnes qui vivent dans cet espace, la cité antique élargie.

L'association de cet adjectif au terme instruction conduit au savoir permettant un comportement répondant aux exigences d'une vie
dans un espace limité.

L'association de civique à éducation permet d'envisager la mise en oeuvre des moyens pour que l'individu devienne membre à part
entière de cette société, non seulement par le savoir mais aussi par des facultés, des comportements, des attitudes, des pratiques,
des usages propres à la vie dans une société définie.

L'adjectif moral (relatif aux moeurs) qualifie, dès l'époque classique, ce qui "est conforme aux bonnes moeurs et propre à les
favoriser".
Il renvoie donc aux règles de conduite admises inconditionnellement (Pascal, 1658), ou à l'obligation et au devoir (Kant), ou à la "règle
de conduite sanctionnée"(Durkheim).

Associé aux termes d'instruction et d'éducation, l'adjectif moral leur donne un sens précis :
- l'instruction morale est l'enseignement du savoir relatif aux comportements acceptés par l'usage dans une société donnée. Cette
instruction peut prendre l'aspect d'adages appris et sus, ayant pour sujet les coutumes d'une société donnée, coutumes que cette
société souhaiterait voir perpétrées.

- l'éducation morale serait alors la mise en oeuvre des moyens qui conduirait à l'application des usages acceptés dans une société
donnée. Elle passe par la connaissance des usages ou bonnes moeurs mais aussi par la connaissance des comportements qui y
conduisent.

Du sens d'une instruction civique et morale

Si l'on reprend les termes donnés en 2008, par les instructions officielles, il faut comprendre l'instruction civique et morale comme
des savoirs civiques et moraux à donner à connaître aux élèves de l'école primaire, subordonnant alors que l'instruction entraînera
l'éducation.
En effet, le professeur donne une instruction civique et enseigne la morale par les savoirs.
Le but visé est une meilleure intégration dans la société.

Le programme officiel ajoute dans son préambule : "Elle le conduit à réfléchir sur les problèmes concrets posés par sa vie
d'écolier et, par là même, de prendre conscience de manière plus explicite des fondements mêmes de la morale".

Les instructions sont donc claires, les moyens pour parvenir aux savoirs sont des exemples pris dans la vie de la classe : la prise de
conscience des faits vécus, leurs observations, les réflexions qui en découlent amènent à des savoirs culturels et sociaux propres à la
société dans laquelle les élèves vivent.

De plus, les liens entre l'individu et la société sont clairement présentés.

Il s'agit de contraintes, de respect, de valeurs partagées se traduisant par :


- la politesse c'est-à-dire la manière la plus conforme de se comporter au sein de la société dans laquelle l'élève vit,
- la responsabilité c'est-à-dire la nécessité d'assumer les conséquences des actes commis,
- le respect des autres membres de la société, c'est-à-dire la reconnaissance du droit à l'existence des autres au même titre que
soi.

Vivi - CRPE 2013 -1- Instruction et éducation civiques et morales


II. L'estime de soi
1. Définitions

L'estime de soi, quand "soi" renvoie à l'enfant puis à l'élève, est un sentiment qui peut paraître désuet dans une société où l'enfant
semble être au coeur des préoccupations sociétales, marchandes et familiales.
L'enfant se trouve dans l'adoration des objets de consommation et son culte est assouvi par l'obtention.

L'estime de soi est une appréciation positive de soi-même, une évaluation et un jugement effectués avec lucidité et probité. Elle
conduit alors au respect de soi.

L'estime de soi peut-être, alors, travaillé et proposée au sein de l'école durant les temps d'instruction civique et morale. Dès 1998,
l'éducation à la santé englobe, d'ailleurs, l'estime de soi dans les attitudes à développer au sein de l'école.

2. L'estime de soi : individualité et socialisation

L'estime de soi a été introduite récemment à l'école par le biais de la psychologie parce qu'elle permet une meilleure socialisation.
Elle se construit par l'intermédiaire des relations affectives dressées entre l'enfant et ses parents, par le biais d'une identification
claire de soi différent de toute autre personne, par l'usage du langage, un des vecteurs des relations humaines, et par la capacité de
surmonter ses difficultés momentanées.

Cette estime de soi est alors mesurée par des compétences psychosociales que l'OMS a relevées :
- avoir conscience de soi et de l'empathie envers les autres,
- savoir gérer son stress et ses émotions,
- savoir résoudre des problèmes et prendre des décisions,
- avoir une pensée créative et critique,
- savoir communique et échanger.

On comprend bien que ces compétences sont de deux sortes : les unes fondées sur le propre regard que l'on porte sur soi, les
autres sont liées aux relations que l'on tisse avec autrui.
Pour se connaître, il faut comprendre les sentiments qui sont propres à son individualité, qui peuvent être révélateurs de sa
personnalité (comme la jalousie, la culpabilité, l'amour, la haine ...) et les émotions qui sont épisodiques et temporaires (tristesse,
dégoût, peur ...).

Le socle commun évoque un certain nombre de compétences révélatrices d'une certaine estime de soi :
- avoir conscience de la dignité de la personne humaine et en tirer les conséquences au quotidien,
- comprendre les notions de droits et de devoirs, les accepter et les mettre en application,
- prendre part à un dialogue : prendre la parole devant les autres, écouter autrui, formuler et justifier un point de vue,
- montrer une certaine persévérance dans toutes les activités,
- s'impliquer dans un projet individuel ou collectif,
- se respecter en respectant les principales règles d'hygiène de vie, accomplir les gestes quotidiens sans risquer de se faire mal.

3. L'estime de soi : les apprentissages scolaires

On prête à l'estime de soi, un rôle dans l'apprentissage scolaire parce qu'elle rassure quant aux compétences, capacités et
connaissances.
La maîtrise du stress lié aux obstacles, aux difficultés est, grâce à elle, effective car l'individu n'est pas la somme de ses réussites
ni celles de ses échecs : son identité va au-delà.
L'échec ou la peur de l'échec ne conduiront pas à la dépréciation, à la fuite voire à la mort.

On comprend alors que les pédagogies différenciées, les évaluations diagnostiques, les représentations initiales et mentales sont
des procédés qui permettent à l'élève de s'identifier et d'identifier ce qu'il sait.
Ils participent à l'estime de soi, les jugements de valeur en étant absents.
Par contre, les notes, mauvaises en l'occurrence et à répétition peuvent aboutir à une mésestime de soi et enfermer l'élève dans
un sentiment négatif de lui-même et dans une spirale de l'échec, s'il n'y a pas eu en amont la création du sentiment d'appréciation de
soi-même.

Des activités de connaissances de soi peuvent, alors être proposées : présentation de soi par l'intermédiaire de jeux type : "qui suis-
je?", ou l'énonciation de "ce que j'aime ou n'aime pas", ce que "l'autre aime ou n'aime pas"...
Dans le cadre de projets, il est possible de faire dessiner, de dire les émotions et les sentiments que l'on se reconnaît avoir eus lors
de situations précises (lecture de livres, jeux de cour de récréation ...) voire même de mimer des sentiments ou des émotions ...

Il en est de même en ce qui concerne la reconnaissance de l'autre :


- jeu de photos à piocher pour dire le prénom des élèves de la classe afin de les reconnaître dans leur individualité,
- jeu de reconnaissances des élèves par l'intermédiaire d'appels pour la constitution de groupes choisis,
- élaboration de projets pour aboutir à une production finale commune (type oeuvre d'art à élaborer par parties puis à rassembler).

La connaissance de soi est essentielle pour démarrer une vie sociale mais la reconnaissance de l'autre est également un pan de la vie
sociale.

Vivi - CRPE 2013 -2- Instruction et éducation civiques et morales


III. Le respect de l'intégrité des personnes
1. Définitions

Le respect de l'intégrité de l'autre et de soi amène deux notions complexes.


D'un côté, il y a le respect, dont l'acceptation la plus courante renvoie à "prendre en considération" l'autre. L'idée de prendre son
temps pour considérer l'autre tel qu'il est, est plaisante et entraîne le répit, le "regard en arrière" de l'étymologie latine (Le Robert,
1978). On s'attarde alors à regarder l'autre, à l'observer, ce qui amène à le comprendre puis à lui "accorder [...] une considération
admirative en raison de la valeur qu'on lui reconnaît".

Le respect entraîne alors une attitude bien particulière envers l'autre : celle de la "retenue", de la "réserve" par une "contrainte
acceptée" (Le Robert, 1978). Le sujet ou l'objet de respect est donc à la mesure des craintes qu'il nous inspire.
Peut-il alors être mis en relation avec l'estime de soi ?
Emmanuel Kant en a fait un accompagnant du "bien moral". C'est la notion de "respect de l'humanité de l'autre" à mettre en relation
avec le respect de la loi (c'est parce qu'il y a respect de la personne qu'il y a respect de la loi).

L'intégrité diffère au respect et présente l'état "vierge" d'une personne, d'un lieu.
Puis, c'est la totalité d'une personne prise dans son ensemble et considérée comme ne pouvant être transformée, modifiée ou divisée
en parties.

2. Respect de l'intégrité des personnes : le programme officiel

Il s'agit de distinguer l'autre et de se distinguer soi-même dans son intégralité, sa totalité puis de le/se respecter. Cette distinction
s'opère par l'admission de l'individualité de chacun, de sa valeur, de celle de ses sentiments, émotions et de ses approches
intelligentes des choses.
Les textes officiels proposent des entrées précises pour que la reconnaissance des individualités s'opère.

Il s'agit de connaître, admettre ou de pratiquer :


- les principales règles de politesse et de civilité,
- les contraintes de la vie collective,
- les règles de sécurité et l'interdiction de jeux dangereux,
- les gestes de premiers secours, les règles élémentaires de sécurité routière,
- la connaissance des risques liés à l'usage de l'Internet,
- l'interdiction absolue des atteintes à la personne d'autrui.

Le respect des autres, le principe de l'égalité fille - garçon, la conscience de la dignité de la personne humaine pour en tirer des
conséquences dans la vie au quotidien, le respect des règles de vie collective, la prise de parole devant autrui, l'écoute, la
coopération, la notion de danger, les gestes de premiers secours sont autant de sentiments et d'états qui conduisent à la vie
sociale.

De même, le respect de consignes en autonomie, la persévérance, l'auto-évaluation, l'implication dans les projets, le respect de
soi et des autres en suivant des règles d'hygiène, la prise de risques, la prise en compte du contexte spatial pour se déplacer sont
autant de comportements qui répondent aux attentes des capacités d'autonomie et d'initiative.

3. Respect de l'intégrité de la personne et séquences d'apprentissages scolaires

Chaque moment de classe repose sur l'écoute, le respect de l'autre, la possibilité de s'exprimer, de donner son point de vue.
A chaque instant, l'élève doit agir avec esprit d'initiative et autonomie (dans son travail, par son attitude) répondant alors aux
attentes de l'adulte enseignant et de la société toute entière.
Son regard sur autrui, sa volonté de s'associer aux autres et d'associer les autres dans les projets de groupe ou de classe amènent
des compétences sociales.

De même, les thèmes présentés dans les documents officiels sont porteurs d'activités permettant l'acquisition de capacités et de
comportements "sociaux".
Il s'agit des séquences d'éducation physique (jeux collectifs ...), des séquences d'instruction civique et morale travaillant les gestes
de premiers secours (jeu de rôles avec situations à risques mimés, gestes attendues pour sauver une vie par l'intermédiaire de
numéros d'appel d'urgence, de référence à des adultes responsables) ou les règles de sécurité routière (connaissance de panneaux
routiers, déplacements virtuels ou physiques dans l'espace public ...).

La cour de récréation peut également être un lieu d'applications de la prise en compte de la notion de mise en danger de soi ou
d'autrui (cour filmée après accord parental, discussion autour des gestes déplacés ou dangereux, responsabilisation ...).

IV. L'importance de la règle de droit dans l'organisation des relations


sociales
L'école est le lieu par excellence de l'apprentissage des règles de l'organisation sociale. Avant l'école, la famille donne des
règles particulières. Les milieux familial puis social offrent une appréciation des règles de vie qui peuvent être différentes de
celles de la société, définies en fonction du droit.

Vivi - CRPE 2013 -3- Instruction et éducation civiques et morales


L'école doit donc donner à voir l'importance du droit dans l'organisation des relations sociales afin que celles-ci apparaissent comme
cadrées, objectivées et admises selon des principes irréfutables.
Cette règle de droit crée la citoyenneté que l'on qualifiera, ici, de sociale.

Le droit et les relations sociales dans la société française : essai de définition de leurs liens

Nos relations sociales sont intimement liées au droit, lui-même défini par les lois votées par nos représentants.

Le droit est apparu très tôt dans nos sociétés, qu'elles soient démocratiques ou non, comme étant l'application des lois ou de la
volonté généralement admise (celle du souverain, des oligarques ou d'une aristocratie ...).
Le Robert historique rappelle que "dès 1080 [le terme de droit] est également employé couramment au singulier comme au pluriel à
propos de ce qui est permis ou exigible selon les principes d'une morale ou d'une législation." Ainsi, on perçoit bien le lien entre
droit et relations sociales : celles-ci sont codifiées par le droit donné par les lois de notre République, elle-même issue des principes
moraux, c'est-à-dire ce que l'on considère comme devant être "bien".

Les lois s'appuyant sur la déclaration des droits de l'homme, elles sont dominées par des principes d'égalité, de solidarité et de
liberté. C'est donc un savant dosage de ces principes qui régit nos relations sociales avec des valeurs de respect et de laïcité. Tout
en dépend.

Les relations sociales reposent sur des règles issues du droit commun le ciment de notre société. Elles en sont tributaires et s'y
réfèrent. Il en va de notre cohésion sociale, c'est notre "vivre ensemble" qui dépend des règles de droit.
Il s'agit donc de construire une citoyenneté sociale.
Rousseau, dans le Contrat Social propose des principes constitutifs de l'ordre social. "Mais l'ordre social est un droit sacré qui sert
de base à tous les autres. Cependant ce droit ne vient point de la nature; il est donc fondé sur des conventions", indique-t-il dans son
ouvrage, se proposant alors de présenter certaines de ces conventions, telles que l'importance de la famille et son utilité, ou bien le
droit du plus fort établi en principe, ou encore la liberté avec le fameux "renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme,
aux droits de l'humanité, même à ses devoirs".

La citoyenneté sociale est l'état d'un individu ayant conscience de ses responsabilités et du sens de ses devoirs à l'intérieur de la
société dans laquelle il évolue.

Les règles de droit et les relations sociales dans les programmes scolaires

Les règles de droit sont à travailler en faisant référence à quelques "adages juridiques", comme le précisent les instructions
officielles de 2008.

Synonyme de proverbe, un adage fait référence à toute "forme figée" et, comme le confirme le Dictionnaire historique de la langue
française, ce terme "s'est spécialisé, désignant, depuis le XVIIe siècle, une formule analogue à la sentence, à la maxime, contenant
souvent un principe juridique", c'est-à-dire de droit.

Ainsi, "nul n'est censé ignorer la loi" fait clairement référence aux textes de lois; "on ne peut être juge et partie" définit davantage
les règles sociales dans un contexte de séparations des pouvoirs.

D'autres encore, comme "à l'impossible, nul n'est tenu", sont plus des maximes permettant des liens sociaux fondés sur le bon sens
plus que sur le droit.
Enfin, certains, comme "A d'autres temps, d'autres moeurs" ou "A beau mentir qui vient de loin" relativisent les règles de droit aux
contextes spatial ou social.

Le droit et les relations sociales au sein de la classe dans les séquences d'apprentissage

Les adages doivent permettre de connaître le droit et son importance dans nos relations sociales. Leur étude devrait permettre leur
connaissance, connaissance partagée par tous les écoliers et véritable culture commune à "retenir". Elle devrait permettre aussi leur
compréhension et la transformation des relations sociales qui reposeraient alors sur le droit et les principes qui l'ont élaboré.

De même, on remarque, dans les classes, l'élaboration de règles de vie, associées aux droits et devoirs de chacun, devoirs pris dans
le sens d'obligation.

Ici, le droit de l'élaboration d'une citoyenneté sociale, caractéristique de la citoyenneté du XXe siècle.

Cette citoyenneté est même scolaire car elle s'établit pour et dans un cadre donné où l'adulte référent fixe le cadre de la journée,
les textes officiels, les programmes, et la municipalité, le cadre spatial.

On s'aperçoit que l'on se place, de plus en plus, dans ce que l'on a désigné comme étant l'instruction civique car l'instruction morale
de l'individu s'inscrit dans un contexte social lui-même défini par des règles élaborées par des représentants issus des institutions
républicaines.

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