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L'espace périurbain :
un univers pour les classes moyennes
Marie-Christine Jaillet*
L'invention du périurbain
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L'espace périurbain : un univers pour les classes moyennes
des années 1970, sous l'effet d'une politique du logement qui a favo
risé l'accession à la propriété privée d'un pavillon, de nouveaux tis
sus gagnés sur l'espace rural, où sont massivement construites des
maisons individuelles. Cette périurbanisation a donné naissance à ce
que l'on nomme aujourd'hui le périurbain. À regarder ce que sont
devenues les villes ces trente dernières années - l'Insee parle d'ail
leurs d'« aires urbaines » pour en souligner la dilatation -, on consta
te que leur développement doit beaucoup à cette périurbanisation
pavillonnaire : autour de la ville compacte (associant, dans ce que
l'Insee appelle le « pôle urbain », la ville-centre et des tissus denses),
s'étendent des tissus moins denses, de plus en plus lâches à mesure
que l'on s'éloigne du cœur de l'aire urbaine, abritant des maisons
individuelles de tout type et forme, isolées, en bandes, en lotisse
ments, sur de grands terrains ou de plus petits... les ordonnant par
fois selon un principe de continuité ou les disséminant ailleurs dans
un espace qui préserve alors son caractère rural. C'est « la couronne
périurbaine » de l'Insee. Vue d'avion, cette vaste « nappe » pavillon
naire, discontinue, parcourue de voies de communication, incorpore
des noyaux villageois. Elle intègre toujours plus de services et d'équi
pements, voire d'autres activités économiques dans des zones indus
trielles ou artisanales traditionnelles ou dans des « parcs technolo
giques » et, pour ses segments les plus anciens, des immeubles qui
viennent diversifier un peu un habitat bien uniforme.
C'est de cette périurbanisation indissociable de la facilité de
déplacement automobile dont il sera question ici, de ses caractéris
tiques, du rôle que jouent les espaces et la société qu'elle a produits
dans le système urbain contemporain, de sa fonctionnalité sociale et
des interrogations que celle-ci soulève.
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qu'en la matière, les travaux conduits au début des années 1980 sous
l'égide de la Datar par C. Bidou, J.-P. Laborie et J.-F. Langumier mon
traient aussi l'existence d'un phénomène de desserrement des activi
tés économiques, certaines entreprises quittant la ville pour s'instal
ler dans des zones d'activité périphériques, soit pour s'y étendre, soit
parce que les prix des baux locatifs y étaient moins chers. L'espace
péri urbain n'était donc pas seulement un espace « dortoir ».
Décrits à l'époque comme des espaces réceptacles d'une fonction
résidentielle renouvelée par la maison individuelle, ils n'étaient pas
considérés cependant comme « de la ville ». Ils n'en avaient aucune
des qualités requises et suscitaient déjà l'ire d'urbanistes attelés à
lutter contre le « mitage » de l'espace, jusqu'à l'apparition sur la
scène publique d'une expression venant leur donner une nouvelle
légitimité, celle de la « ville émergente ». Sans reprendre à notre
compte la dimension idéologique ou apologétique que certains ont pu
lui donner, cette formule a au moins eu le mérite « heuristique » de
conduire à porter sur ces tissus urbains un autre regard, à les consi
dérer ni comme des sous-espaces urbains ni comme des espaces sous
urbanisés, mais comme des espaces urbains « à part entière » et par
tie prenante de la ville contemporaine. Et ce, d'autant que ces tissus
périurbains se sont progressivement diversifiés, associant pour les
plus anciens, à leur vocation résidentielle originelle, d'autres fonc
tions, commerciales, avec l'installation en périphérie, et à proximité
des nœuds de circulation, des supermarchés et hypermarchés attirant
à leur pourtour d'autres commerces jusqu'à constituer de véritables
complexes, lesquels intègrent galeries et « rues » marchandes, restau
rants, cinémas et autres équipements de loisirs... Mais, malgré cette
diversification, les urbanistes ne se sont pas pour autant
« réconciliés » avec le périurbain qui reste largement disqualifié. La
loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU, août 2003) a ajouté, à la
critique urbanistique ou architecturale classique, d'autres niveaux
d'argumentation stigmatisant un peu plus « l'étalement urbain » : il
ne répondrait pas à la nécessité d'un développement « durable » de la
ville parce qu'il ne serait pas un mode d'urbanisation économe des
« ressources ». Et il ferait courir un risque de désolidarisation aux
sociétés urbaines, en fragilisant leur cohésion par une dilatation qui
étire et disperse.
Si le mouvement de périurbanisation se poursuit aux marges des
aires urbaines incorporant par métissage de nouveaux espaces
ruraux, les espaces périurbains plus anciennement urbanisés se sont
équipés, structurés, sous l'effet des politiques locales, acquérant des
qualités et aménités qui rendent leurs habitants de moins en moins
dépendants d'un recours obligé à la ville-centre. Et ce, d'autant qu'en
se poursuivant la périurbanisation finit par englober dans ses tissus
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très riches, pas davantage de très pauvres, pas plus que de familles
très nombreuses ou, à l'inverse, de familles monoparentales. Il
« reçoit » donc essentiellement des ménages appartenant aux couches
intermédiaires, lorsque ceux-ci sont en activité et vivent en famille.
Ils y réalisent une accession à la propriété en maison individuelle
déclenchée le plus souvent par l'arrivée d'un nouvel enfant ou, plus
généralement, l'envie de disposer d'un logement plus grand pour y
installer leur famille.
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1. Travaux de Martine Berger sur les espaces périurbains d'île-de-France parus dans la
revue Strates, dans les Annales de la recherche urbaine (n° 50, avril 1991), ou encore dans Villes
en parallèle, n° 19, juin 1992. Se reporter aussi aux travaux de Catherine Rhein et d'Edmond
Preteceille sur la ségrégation en Île-de-France.
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L'espace périurbain : un univers pour les classes moyennes
Le périurbain,
terre de conquête politique pour les classes moyennes
Quelques travaux conduits dans les années 1980 sur les espaces
périurbains avaient analysé le processus qui conduisait les classes
moyennes à occuper la scène politique locale. Ils avaient alors mis
l'accent sur le rôle joué, dans un premier temps de ce parcours vers le
politique, par l'implication dans un certain nombre d'associations.
C'est dans ce cadre qu'elles ont ainsi fait leur apprentissage poli
tique. Il était alors logique qu'elles revendiquent, pour elles-mêmes
et dans la continuité de cet investissement, l'exercice d'un pouvoir
local qu'elles jugeaient mal assumé au regard des enjeux posés par
l'urbanisation nouvelle et la satisfaction de leurs besoins. Les élec
tions municipales de 1977 comme celles de 1983 ont attesté ce bas
culement sociologique des élus des communes pavillonnaires situées
en périphérie des grandes villes, des anciens notables ruraux vers ces
néo-rurbains. La prise de contrôle de l'appareil municipal par la nou
velle petite bourgeoisie urbaine s'est alors traduite par la mise en
œuvre de nouvelles politiques. Celles-ci ont porté sur l'équipement
de ces communes, en matière scolaire, sportive et culturelle d'une
part, et d'autre part sur un effort de planification visant à organiser,
voire à freiner, l'expansion d'une urbanisation qui pouvait finir, sans
encadrement, par attenter à la qualité de leur cadre de vie.
À bonne distance désormais de ces années, on peut considérer que
les espaces périurbains ont constitué pour les classes moyennes un
terrain d'expérimentation de leur capacité à la fois à gouverner le
local (au sens d'une compétence autant sociale que « technique ») et
à y organiser un espace de vie conforme à leurs attentes et modes de
vie. Sans doute cette implication n'a-t-elle pas valu de manière uni
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les offres les plus opportunes et sont insérées dans des réseaux
sociaux qui n'ont rien de local. Ces fractions des classes moyennes ne
manifestent aucune attente ou revendication vis-à-vis du pouvoir
municipal pour que soit fait un effort d'équipement, pas plus qu'elles
n'ont envie de s'investir dans la vie locale ou de fabriquer sur place
de la société. Discrètes, elles se tiennent en retrait. Vivant en
quelque sorte « hors sol », au-delà de la localité et de son territoire,
elles n'en sont pas moins « aux aguets ». En effet, elles sont capables
de réagir vigoureusement, mais ponctuellement, en jouant de leurs
influences et en mobilisant alors leurs compétences et ressources
sociales, si un projet ou une décision vient, de leur point de vue, per
turber leur environnement, qu'il s'agisse d'un programme immobilier,
ou d'une voirie, ou d'un équipement « surdimensionné » venant
« blesser » le paysage. Ces préoccupations tout autant « égologi
ques » qu'écologiques présentent des caractéristiques identiques au
phénomène du NlMBY (Not in my back yard) observé aux États
Unis. L'intérêt particulier prime alors sur un intérêt général dont
l'utilité peut toujours être contestée. À cette première manière de se
tenir hors du territoire local et de sa société, il faut en ajouter une
seconde dont les ressorts sont bien différents.
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jet est censé receler. Arrivés par le hasard du prix foncier dans une
commune qu'ils n'ont pas choisie, ils habitent des maisons qui sont
loin d'être en rapport avec le rêve pavillonnaire. Petites, construites à
la hâte, pas toujours finies, dans des sites sans aucune qualité paysa
gère, elles sont entassées les unes sur les autres sans offrir à leurs
occupants la possibilité de maintenir à distance respectable le voisin
qui dès lors devient intrusif et « ressemble » à s'y méprendre à celui
du Hlm quitté. Ou, au contraire, elles sont implantées dans un coin
reculé de la campagne, isolées de toute proximité rassurante. Forte
ment endettés, ne disposant pas de la même compétence de mobilité
que les autres périurbains, ces ménages ne peuvent profiter pleine
ment d'un « genre de vie » auquel ils ont cependant cru accéder.
Devant tout à la fois « compter » et limiter leurs déplacements, ils
sont presque « assignés » à résidence dans leur pavillon et la com
mune où ils résident, en tout cas au moins autant que nombre de loca
taires des cités Hlm qui, eux, bénéficient au moins des transports en
commun. Ils se sont le plus souvent éloignés de leurs relations
sociales et ont du mal, à cette distance, à les maintenir. Ils vivent une
vie qui s'est « rétrécie » alors que, comme les autres, ils en espéraient
un épanouissement.
2. Lionel Rougé, thèse en cours sur « Les captifs du périurbain », ClRUS-Cieu, université de
Toulouse-Le Mirail. Voir aussi Olivier Coutard, Gabriel Dupuy et Sylvie Fol, « La pauvreté péri
urbaine : dépendance locale ou dépendance automobile », Espaces et sociétés, n° 108-109, 2002.
3. Se reporter à l'article et aux cartes de Jacques Lévy publiés dans Libération au lendemain
des élections présidentielles de 2002.
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L'espace périurbain : un univers pour les classes moyennes
* Cet article s'appuie sur un ensemble de travaux de terrain et d'enquêtes menés au sein du
ClRUS-Cieu sur l'évolution des modes d'habiter en maison individuelle et des modes de vie péri
urbains par une équipe composée de Joëlle Jacquin, Christiane Thouzellier, Lydiane Brévard,
Lionel Rougé, Mohamed Zendjebil, Marie-Christine Jaillet et les étudiants du ÖESS « Habitat ».
Certains de ces travaux se sont inscrits dans des programmes de recherche du PUCA. Ils font
écho à d'autres recherches : outre les travaux de référence de Nicole Haumont et Antoine Hau
mont sur l'habitat pavillonnaire, citons, parmi les plus récents, ceux de Daniel Pinson et Sandra
Thomanin sur les territoires de la maison en périurbain et ceux d'Éric Charmes sur les rapports
à autrui dans les tissus périurbains.
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