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La participation citoyenne comme source de légitimité de la gouvernance

Author(s): José M. Ruano de la Fuente


Source: La Revue administrative, 59e Année, No. 353 (septembre 2006), pp. 487-495
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41941630
Accessed: 12-12-2017 15:44 UTC

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Le contrôle interne de constitutionnalité des lois

finances locales, le Conseil refuse d'entendre les argu-


ronnement 36. Ici, le Conseil se défausse sur une disposi-
ments de la saisine en matière d'empiétement du gouver-
tion communautaire pour ne pas répondre à l'argument
nement sur les mesures fiscales locales. Mieux, il semble
environnemental. Il est dès lors très difficile de savoir
reconnaître que la question peut-être posée mais renvoie quelle lecture va être faite de cette disposition et dans
alors « aux pouvoirs publics » la charge « de prendrequels les cas elle sera opposable à un texte législatif. Néan-
mesures correctrices appropriées >» le cas échéant. Dès moins, il serait difficile de rendre le Conseil seul respon-
lors, quel est le rôle du Conseil dans la protection consti-
sable de ce sentiment d'imprévisibilité. Se pose la ques-
tutionnelle de cette libre administration des collectivités
tion de l'effusion de ces droits dits de troisième généra-
territoriale ? La saisine venait demander au juge de censu-
tion. Le caractère très large de la norme impose un travail
rer cette disposition de la loi de finances afin, justement,
d'interprétation du juge qui est loin d'être évident. Il lui
de ne pas laisser la charge aux pouvoirs publics de recti-
est difficile de se prononcer sur une telle disposition sans
fier cet empiétement a posteriori. La question se pose
en mesurer toutes les conséquences et toutes les implica-
dans les mêmes termes au sujet de la subsidiarité. Même
tions pour l'avenir. Il est regrettable que le juge ne donne
si le Conseil a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la
pas plus d'arguments pour rejeter la demande de saisine.
question 35, il refuse encore dans la décision relative à loi
de programmation fixant les orientations de la politique En développant son argumentaire de refus il pourrait
énergétique, d'expliquer en quoi il fait un contrôle de donner des pistes de réflexion sur sa lecture et sur le
cette disposition nouvelle et essentielle au cœur de lapoids qu'il tend à donner à la Charte. Ceci est d'autant
réforme de 2003. Dans chaque hypothèse mettant en jeu plus intéressant que la nature juridique de cette dernière
le choix du niveau de prise de décision, le Conseil va « adossée à la Constitution » - a été particulièrement
-
favoriser une prise en charge centralisatrice semblant commentée en doctrine. Il serait intéressant de savoir

donner très peu d'effet à la disposition constitutionnelle.quelle place lui donne le juge constitutionnel dans l'or-
De plus, il ne justifie que de manière succincte ses choix donnancement juridique. Rien n'empêche le juge d'opé-
et ne guide pas les auteurs de saisines ni la doctrine sur rer
la une monté en puissance de la force contraignante de
lecture qu'il entend donner à ce nouvel article de da cette disposition pour le moins assez large. Nous habi-
constitution. Là encore, la qualité rédactionnelle peut-être
tuant à une rédaction à degrés variables de ses décisions,
remise en cause au sens où il est difficile de connaître
le Conseil ouvre le champ à la critique. En développant
l'entière étendue des nouvelles dispositions constitution-
un argumentaire constant et précis il pourrait prendre une
nelles.
option entre le respect stricto sensu de la norme édictée
Si dans ce domaine, le Conseil tente de justifier depar le constituant ou la prise en charge d'une responsabi-
manière plus ou moins convaincante sa position, lité
le de « création » de la norme par l'interprétation des
recours à l'article 6 de la Charte de l'environnement est textes. Ceci le mettrait dans une position, certes contro-
quant à lui, purement et simplement évincé. versée, mais d'actualité, de membre actif au sein de la
La nouvelle tentative de mise en œuvre de l'article 6 de sphère de représentation, au sens où il participerait à
la Charte de l'environnement l'acte de délibération dans la création d'une norme aussi

Pour la seconde fois, le Conseil est confronté à une sai- importante que la Constitution.
sine faisant référence à l'article 6 de la Charte de l'envi- J.-B. D.

La participation citoyenne comme source de légitimité


de la gouvernance
par José M. Ruano de la Fuente
Professeur de Science Politique Université Complutense de Madrid

Jamais l'histoire de l'humanité n'a connu une telle Ainsi la capacité des mécanismes démocratiques de prise
extension des mécanismes de représentation, évoluant de décision à résoudre les problèmes reste-t-elle toute
conformément au principe de démocratie. Malgré cela, relative. Formalisme, éloignement des représentants par
par rapport au fonctionnement de la démocratie, il existe rapport aux représentés, opacité..., sont les critiques les
toujours une insatisfaction croissante, que Bobbio syn- plus couramment formulées contre le fonctionnement
thétise sous le terme de « promesses non accomplies ». des régimes démocratiques.

35.Voir Chroniques antérieures. Cette revue. 36. Voir Chronique du premier semestre 2005. Même revue.

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Dans les systèmes politiques occidentaux, le Parlement sentative et de ses institutions majeures. Au sein même du
est loin d'être la chambre qui prédomine dans la sphère Parlement, il faut pouvoir trouver l'authentique reflet de
politique. Il a pâtit de l'essor inévitable du pouvoir exécu- l'opinion publique. Les démocraties européennes sont
tif et de l'apparition de 1'« État de partis ». Dans ce sens, les alors condamnées à la réforme.
régimes démocratiques actuels ont fait cohabiter avec Les dangers pour la démocratie représentative viennent
plus ou moins de réussite deux systèmes se superposant : du populisme, du chauvinisme, de la xénophobie, maux
le système juridico-politique, qui dessine et régule l'ordre trouvant leur origine dans la perte de prestige des institu-
constitutionnel en vigueur ; et le système sociopolitique, tions démocratiques. La droite démocratique n'est vérita-
conséquence de la prédominance des partis. Il existe blement démocratique qu'à condition de faire de l'antifas-
de grandes menaces au principe de division des cisme, de l'anti-populisme et de l'anti-xénophobie, des
pouvoirs lorsque le chef d'un parti devient en même principes primordiaux et intangibles. Si au contraire, elle
temps chef du gouvernement : l'initiative législative est disposée dans le but de battre ses adversaires de
revient à l'exécutif et est approuvée par le Parlement gauche, à transiger sur ces valeurs, alors elle finira tôt ou
grâce au jeu des majorités ; et même la faculté du Parle- tard par tomber dans la démagogie (par l'obsession de la
ment de nommer les instances du pouvoir judicaire se sécurité, par exemple) que la droite populiste et xéno-
retrouve de la même manière influencée par la décision phobe agite contre les principes de la démocratie libérale.
du parti-gouvernement ou alors est le résultat des pactes
Cette tentation d'abandonner du terrain aux arguments
entre partis à travers le système de quotas.
des options antisystème, au lieu de les combattre radica-
La question devient encore plus grave si, comme c'est lement comme étant le seul danger pour la paix civile,
le cas dans bon nombre de démocraties occidentales, on c'est la tentation que toutes les droites européennes
a opté pour un style de démocratie fortement représenta- devraient éviter et dont les conséquences peuvent être
tive qui contrôle les modes de participation, en rendant dévastatrices.
impossible l'option de démocratie directe. Il en va aussi La gauche aussi a ses torts. Son vrai problème en
de même si dans le système politique, les partis adoptent
France, en Italie, en Hollande ou en Allemagne, c'est de
une position centrale et qu'ils se montrent hégémoniques
ne pas avoir compris le sens réel de la vague d'antipoli-
au niveau de la représentation, de l'élaboration du suf-
tique (ou plus exactement de la vague d'antipartidocratie)
frage et de la participation.
qui envahit les démocraties européennes depuis
Si l'on observe ces situations réelles, il apparaît que le quelques années, avec chaque fois plus de force. Les
Parlement est actuellement très différent de sa conception gauches ont vu dans ce phénomène un simple danger, et
originale. Au lieu d'être le représentant du peuple, le non un avertissement ou une opportunité. Elles n'ont vu
député s'est converti en porte-parole de son parti, qu'il dans le dégoût de beaucoup de citoyens pour les partis
représente et défend. La discipline de vote annule la traditionnels (qui se manifeste à travers le « flirt » du vote
liberté du député, sauf dans des cas exceptionnels. Les avec des partis minoritaires ou radicaux, ou à travers
débats finissent par n'être plus que le reflet des pactes l'abstention) rien de plus qu'un nouveau poujadisme ou
précédemment conclus entre partis. Même la fondamen- « qualunquisme » (comme on dit en Italie). En résumé,
tale tâche parlementaire de contrôle est devenue un spec- rien qu'une simple indifférence des citoyens par rapport à
tacle soigné en vue des prochaines élections, et générale- la démocratie. Cependant, cette méfiance est plus qu'une
ment sans sanction politique ou juridique. La consé- simple indifférence, voire le contraire d'une indifférence.
quence finale est que le Parlement a cessé d'être le lieu Dans la protestation antipartidocratique se retrouvent de
où se déroulent les discussions, au sens politique, et qu'il légitimes exigences pour une démocratie de plus grande
a été remplacé par les media. qualité, que les partis ont bafouée en devenant des
Face à cette situation, il n'y a plus que deux alter- machines bureaucratiques. En définitive, se sont les partis
natives : une réforme envisageable de la constitution, qui qui ont le plus souvent été la cause même de cette éclipse
de la démocratie. Ils sont dans un état de choc seulement
donnerait aux citoyens un rôle plus important, grâce aux
maintenant avec l'éclat de l'extrême droite, mais se sont
mécanismes de participation directe. Cette option n'offre
que des avantages, en permettant d'éviter ou d'amoindrir eux mêmes qui l'ont alimenté jour après jour, en s'éloi-
les effets du choix de la seconde alternative vers laquelle gnant des citoyens et en méprisant leurs critiques.
se dirigent les systèmes politiques contemporains : le La gauche aurait dû reconnaître la potentialité progres-
recours à la rue. Le nombre de manifestants est désormais siste de cette critique envers les partis, et la politique tra-
comparable au nombre de votants, ce qui présente des ditionnelle aurait dû se rénover radicalement tant dans
risques pour le système. Un recours permanent à la rue, ses formes d'organisations que dans les contenus de sa
caractéristique des organisations anti-système, nuit au propre action. Le vrai défi serait d'empêcher l'éclipsé de
bout du compte à l'image même de la démocratie repré- la démocratie, qui à travers la politique-spectacle et la

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partidodémocratie, ouvre le chemin au populisme met- risée, mais nous somme capables de résoudre les pro-
tant en échec les libertés. blèmes de manière efficace et convaincante.

b) La solution technique. La conception de fond, c'est


II. La démocratie participative comme alternative qu'il faut isoler certains domaines d'intervention considé-
Les critiques au système démocratique sont essen-rés comme « sensibles », des formes traditionnelles de
tielles à ses propres mécanismes internes de perfection-débat et d'intervention publique. Cette solution consiste-
nement. Il s'agit d'améliorer l'existant, sans pour autant
rait à créer des agences et des organismes indépendants
mettre en danger ses paramètres essentiels, c'est-à-direqui légitimeraient leur conduite non pas sur des critères
un pouvoir représentatif élu à travers d'élections concur-
de représentativité populaire, mais sur des critères d'auto-
rentielles entre partis, et un mode de contrôle légitime-
rité professionnelle et technique.
ment constitué.
c) La solution des réformes pour approfondir la démo-
Les critiques les plus fréquentes sont les suivantes 1 cratie.
: Il s'agit de pallier les défauts des systèmes tradi-
tionnels de représentation à travers l'amélioration des
a) Des problèmes dans la composition et la sélection
des élites représentatives. Il n'existe aucun pays en
formes de sélection des candidats, par l'intermédiaire de
Europe où les systèmes électoraux ne font pas l'objet primaires
de ou grâce à des listes ouvertes. D'autres réfor-
débats sur les avantages et les inconvénients d'une mes for-des systèmes électoraux pourraient augmenter la
mule ou d'une autre. Aussi accuse-t-on les systèmescapacité
de d'implication des électeurs dans la sélection des
représentation d'entraîner des niveaux de professionnali-
candidats et accentuer la responsabilité des représentants
face
sation de la vie politique très élevés et de faire primer la aux citoyens.
logique des partis face à la logique sociale. d) La solution de l'amélioration des canaux de commu-
nication/information.
b) Un ritualisme excessif. D'autres critiques surgissent si La nécessité d'améliorer les voies
l'on considère que les actuels modes de représentationde communication entre représentants et représentés a
font obstacle à la participation réelle des citoyens ano-
été récemment prise en considération, même si cela se
nymes à la vie politique, à cause de sa rigidité et defait
sontoujours à partir d'une vision relativement unidirec-
ritualisme. Entre deux élections, il n'y a pas de méca-
tionnelle. On a appris à communiquer, à renforcer les
nismes effectifs qui permettent de rendre des comptes outils propres de l'information, on travaille davantage
aux citoyens. avec des méthodes d'opinion, etc.
c) Le parti est l'acteur politique dominant. On critique e) La solution de l'établissement de domaines de
le rôle de quasi monopole que détiennent les partis dans consultation/concertation avec des groupes et des asso-
le système de représentation. Dans la majorité des pays, il ciations. Il est indéniable que l'extension des domaines
leur est accordé un poids quasi absolu comme catalyseurs des administrations a entraîné la présence d'acteurs tou-
de la participation. jours plus nombreux dans le processus de formulation et
d) Des difficultés pour personnaliser les options. Il est de mise en œuvre des politiques. C'est pourquoi la créa-
rare que les citoyens discutent sur des thèmes de manière tion d'espaces de rencontres et d'échanges d'informations
désagrégée, et expriment des opinions de préférence. On entre institutions et entités ne paraît pas hors de propos.
peut seulement décider entre « paquets » de problèmes/ Des espaces de cogestion sont créés, des problèmes sont
solutions. Cela entraîne un déficit de légitimité et le ren- anticipés, les politiques sont issues du consensus, et les
forcement de la sensation d'éloignement qu'ont les solutions font l'objet de pactes.
citoyens par rapport à la politique. 0 La solution des instruments de démocratie directe ou
Face à cette situation, on peut proposer différentes de participation citoyenne dans les décisions. Cette solu-
voies de solution : tion consiste à mettre en œuvre les instruments qui per-
a) La solution autoritaire. Cela consiste à mettre en mettent aux citoyens de participer directement à un pro-
cessus décisionnel concret.
exergue les aspects « décisionnels » du système, en aug-
mentant le poids des exécutifs, et surtout des présidents. Lorsque l'on fait référence à la participation citoyenne
Dans ce sens, lorsque certains proposent une alternative,dans les domaines publics, on fait d'abord allusion à la
faite de moins de politique pour plus d'esprit d'entrepre- participation au niveau local, là où la proximité physique
narial (Perot, Fujimori, Berlusconi), ils expriment un mes-entre les autorités locales et les citoyens est propice à la
sage simple : la participation ne sera sans doute pas favo- mise en œuvre d'initiatives de renouvellement démocra-

I Subirais, Joan (2001) : « Nuevos mecanismos participativos y


democracia : promesas y amenazas », Font, Joan (coord.) : Ciudada-
nos y decisiones públicas, Ariel, Barcelona.

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tique. Cependant, il convient de souligner que la partici- un élément central de légitimation du pouvoir local et se
pation citoyenne est une option politique, et que les réalise en deux étapes successives à l'intérieur du proces-
mécanismes pour la rendre effective varient profondé- sus complémentaire de décentralisation : dans un premier
ment suivant les cas. Chaque conseil municipal établi ses temps on consolide la représentation politique du maire,
propres critères et laisse plus ou moins la possibilité d'in- en s'adaptant aux logiques de décentralisation ; et dans
tervenir dans les thèmes publics. Même s'il est possible un deuxième temps, on va plutôt dans le sens d'une parti-
d'établir des modèles différents suivant l'orientation poli- cipation directe des citoyens, en s'adaptant aux transfor-
tique - au sens classique du terme - il reste tout à fait mations sociales et politiques.
envisageable qu'un même parti politique choisisse de Un des premiers effets de la décentralisation, c'est
mettre en œuvre des politiques différentes. Par consé- d'avoir placé les responsables politiques locaux dans
quent, il ne semble pas que les partis appliquent vérita- une situation de responsabilité, dans un face à face
blement de critères uniques à l'heure de favoriser la parti- direct avec les électeurs. Cette responsabilité person-
cipation citoyenne. Favoriser la participation citoyenne nelle des maires les amène à maintenir un cordon repré-
signifie aussi que les responsables politiques aillent sur le sentatif visible. Aux représentations simplifiées du local
terrain, écoutent chaque jour les problèmes et les deman- comme instance de second ordre et d'importance
des de leurs voisins, et affrontent leurs critiques. Une telle moindre se sont substituées des images plus complexes
attitude a un coût politique et personnel certain, que prenant en compte les potentialités que présente la ges-
beaucoup ne sont pas prêts à assumer. Cette usure qu'en- tion locale et les possibilités d'y appliquer de nouvelles
traîne l'exercice de fonctions représentatives au niveau formes de représentation. De plus, la réforme décentra-
local n'a rien de comparable avec l'usure que peuvent lisatrice a conduit à valoriser progressivement la partici-
connaître d'autres institutions démocratiques plus éloi- pation citoyenne dans le discours politique et à favoriser
gnées des citoyens, comme les conseils régionaux ou le la mise en œuvre de procédés visant à rendre visibles
gouvernement central. les processus de consensus et de concertation avec les
citoyens ordinaires et les associations.
III. Le lien entre participation citoyenne et décentra- Les exigences insatisfaites des citoyens poussent les
lisation
maires à chercher de toute force de nouveaux moyens de
légitimer
Même si, comme il l'a déjà été dit, le niveau local est leur action. En réponse aux mobilisations
plus propice à l'essor de mesures de participation
citoyennes, les responsables politiques locaux s'efforcent
de faire accepter leurs décisions en expérimentant de
citoyenne, en certaines occasions l'ossature institution-
nouvelles techniques de gouvernement. L'évolution vers
nelle des pouvoirs locaux montre de graves déficiences,
par rapport à un système démocratique de qualité. des C'est
formes de participation directe, plus effective, mais
ainsi que l'on trouve une forte concentration du aussi plus sectorielle et plus individuelle, répond certaine-
pouvoir
en la personne du maire, une absence de séparation ment des
aux nouvelles formes de comportement politique à
pouvoirs entre l'exécutif et l'assemblée délibérantetravers
locale,lesquelles les citoyens ordinaires essaient d'avoir
avec une faible institutionnalisation des pouvoirs une influence plus efficace sur les décisions, sans pour
publics.
Les réformes de décentralisation au niveau local autant
qui onten payer un coût élevé en temps et en énergie, et
eu lieu plus spécialement dans les années quatre-vingtsans se fondre dans les grandes organisations
surtout
dans les pays méditerranéens, et qui indirectement représentatives.
ont Cela correspond aussi à un mouvement
renforcé le pouvoir exécutif, n'ont fait qu'accorderd'adaptation
un rôle plus générale de la démocratie, que les élus
locaux se voient forcés de suivre.
central aux partis tout en excluant les citoyens. La partici-
pation citoyenne et le renforcement des mécanismes de de participation citoyenne semble être vécu
Le style
comme
décentralisation ont été absents des premiers débats une « invention » sociale. Pris dans leur projet
sur la
décentralisation. Il ne faut pas pour autant ignorer le
modernisateur, les élus locaux ont trop tardé à com-
poids des conséquences du profond changement prendre
institu-le sens de l'évolution sociale, à évaluer les effets
tionnel entraîné par la décentralisation. La décentralisa-
de la restructuration du marché du travail et de l'immigra-
tion, et
tion possède ses logiques propres de responsabilité et ont du faire face à des problèmes d'exclusion
d'autonomie, qui ont une incidence sur la démocratie
sociale, de chômage et de dégradation des centres-villes.
Ce nouveau
locale et les techniques de participation citoyenne. Aux genre de démocratie qui apparaît se ressent
évolutions résultant de ce changement institutionnel, se
explicitement comme une façon de réintégrer le citoyen à
sont récemment ajoutées les tentatives d'adaptationla vie au
de la ville, et même comme une sorte ď « éduca-
tion » civique des citoyens, à partir de nouvelles formes
nouveau comportement politique des habitants, principa-
d'action
lement dans l'espace politique local. La participation despublique. Dans certains cas, ce nouveau volonta-
citoyens ordinaires commence à être considérée rismecomme politique, dont la consistance et la direction restent

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La participation citoyenne comme source de légitimité de la gouvernance

actuellement faibles et incertaines, doit être rapproché du pas ignorer non plus que derrière certaines de ces cri-
désir de certains maires d'affirmer leur poids politique tiques, se cachent en fait des craintes et des doutes sur les
dans un univers local caractérisé par une pluralité d'ac- fondements même de la démocratie.
teurs publics et privés, par l'interdépendance entre les dif- Ainsi donc, les deux principaux défis qu'il faut affronter
férents niveaux de gouvernement, par la transformation pour avancer dans la recherche et l'expérimentation de
des échelons territoriaux et la multiplication des réseaux. nouveaux mécanismes de participation comme moyen de
Le terme de « gouvernance » indique bien que le pouvoir consolidation de la démocratie et de sa capacité à
de décision reconnu au maire disparaît facilement face au résoudre des problèmes sont les suivants : démontrer que
poids qu'ont de multiples acteurs dans l'action du conseil participation et efficience ne sont pas des concepts
municipal. contradictoires mais bien complémentaires ; et chercher
Il est certain que ces initiatives ne présentent pas le et expérimenter de nouveaux instruments de participa-
même degré d'unité et d'homogénéité sur tout le terri- tion qui réduisent les risques existant et minimisent les
toire, mais que, globalement, la démocratie qui s'exprime problèmes signalés.
ainsi est le signe du passage progressif de systèmes Les structures administratives et décisionnelles ont été
conçus et dirigés par des leaders politiques, vers des sys- pensées pour d'autres temps et pour d'autres problèmes :
tèmes toujours plus orientés vers les préférences et les elles ne répondent pas aux problèmes sociaux actuels.
actions des citoyens. S'il y a bien une corrélation néces- Les modes de progression viendront de la capacité à par-
saire entre décentralisation et participation citoyenne, il tager les définitions de problèmes, pour obtenir une plus
s'agit bien de deux phénomènes distincts, quoi que grande légitimité des actions menées. Beaucoup de ces
connexes. Si les premières années d'application des poli- décisions difficiles à prendre, et concernant pour la plu-
tiques de décentralisation n'ont aboutit principalement part des problèmes sociaux profondément enracinés,
qu'à rendre les procédures de participation/communica- peuvent compter sur des consensus dans le domaine
tion plus directes, visibles et contrôlés par les maires, technique, mais se retrouveront paralysées si l'on n'élargit
dans la perpétuation logique du modèle traditionnel de pas le débat à l'ensemble de la société et qu'on ne par-
démocratie locale et la consolidation de la démocratie tage pas les coûts et les bénéfices, les alternatives et les
solutions.
représentative au niveau local, l'adaptation plus récente
aux changements sociaux et politiques peut quant à elle A partir de cette perspective, efficience et participation
aboutir à une transformation plus profonde de ce modèle.citoyenne ne sont pas contradictoires, mais absolument
La participation citoyenne constitue une ressource tou- complémentaires. Il apparaît toujours plus nécessaire de
jours plus faible pour les élus locaux ; c'est désormaisréaliser que si l'on n'élargit pas la base du consensus
bien plus une exigence, une norme pragmatique qu'ilsocial de beaucoup de décisions, alors l'érosion des insti-
faut suivre pour être efficace, étant donné que la commu-
tutions représentatives ira en augmentant. Et le nombre
nication est passée d'une portée promotionnelle et per- des partisans de formules décisionnelle ira lui aussi en
sonnelle autour de la personne du maire, à une portée augmentant, malgré les sacrifices démocratiques que cela
collective et partagée, plus en rapport avec le sens origi-
peut comporter.
nel des communitas.
Utiliser la solution technique comme principale res-
source pour générer une efficience implique, par défini-
IV. Les limites à la participation. tion, une exclusion : celle des personnes n'ayant pas
d'habiletés particulières ni de connaissances spécialisées,
En réaction à ces réflexions, on constate un fort courant
et qui méritent aussi d'être écoutées. Ce professionna-
de scepticisme, surtout par rapport à l'opinion qui préco-
lisme excluant a été un principe organisateur de l'admi-
nise l'augmentation de la participation. Les résistances ou
nistration centrale et du secteur privé. Aujourd'hui on
les avertissements face à une augmentation des expé-
reconnaît la nécessité de l'incorporation effective des
riences de participation citoyenne ne sont pas des phéno-
mènes nouveaux.
multiples intérêts qui affectent l'adoption de décisions du
domaine public ou même du domaine privé. Une organi-
Un autre des arguments utilisés contre l'extension sationdes
inclusive obtient des niveaux de performance,
voies de participation est en relation avec les caractéris-d'acceptation et de légitimation plus élevés. Actuellement,
tiques propres de l'ensemble des citoyens appelés à parti-
plus personne ne remet en question le fait que l'adminis-
ciper. Ainsi on trouve une grande liste de doutes sur les
tration ne peut pas agir en solitaire. La tradition bureau-
bienfaits des mécanismes de participation directe des et monopoliste a laissé la place à une croissant
cratique
citoyens, qui présente pour certains l'inconvénientvolonté d'affai-de déléguer, d'externaliser ou de partager des
blir et de délégitimer les voies représentativesactivités que laavec l'ensemble des acteurs de la société civile.
démocratie a traditionnellement empruntées. Il Les ne limites
faut économiques de l'État ont bien sûr favorisé

Revue administrative n° 353 491

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cette évolution, mais c'est aussi dû à la croissante com- quelle entreprise pour maintenir le contact avec les
plexité des services publics qui réclament des prestataires clients, à travers ses représentants de commerce ou ses
plus proches des demandes des citoyens. On part alors agents de vente. Il ne s'agit pas non plus du type de rela-
de l'hypothèse que l'introduction des voies de participa- tion entre l'hôtel de ville et les associations, qui consiste
tion citoyenne améliore l'efficience car cela permet de simplement à ce que l'organisation locale pourvoie celles-
passer d'une position d'isolement à une à vocation de ci en locaux, subventions et infrastructures. Ce genre de
consensus. Les résistances de l'environnement ainsi
chose fait partie des politiques de soutien à ce type d'enti-
réduites, l'efficacité est maximale car les décisions
tés, sont
mais ça ne constitue pas une politique de participa-
tion. Le; fait qu'il existe des associations dans une ville
prises par des acteurs concernés et prêts au consensus
de même le passage d'une organisation hiérarchique à
peut favoriser l'intervention d'un plus grand nombre de
une organisation interactive permet d'améliorer l'effi- dans la gestion publique, mais ça n'est pas en
personnes
cience et l'efficacité ; enfin cela peut aussi contribuer à
soi un facteur de participation. De la même manière,
créer un capital social. quand les citoyens, que ce soit individuellement ou de
façon organisée, collaborent avec l'administration
Il faut néanmoins distinguer les formes de participation.
D'un point de vue général, on peut citer deuxpublique
grandes pour la réalisation d'une activité déterminée,
mais sans àintervenir directement dans son élaboration ou
tendances. Il y a d'une part la tendance qui consiste
sa préparation, on peut certes parler d'un certain type
chercher la meilleure manière de rendre la participation
effective, de faciliter la participation citoyenne à lad'« intervention » citoyenne, mais en aucun cas de partici-
gestion
municipale et d'aider les associations à obtenir pationles
entendu comme l'appropriation et la capacité d'in-
moyens adéquats pour mener leur action tout en fluer sur le résultat final. Par exemple, la collaboration des
conser-
citoyens
vant leur autonomie. Et d'autre part, il y a la tendance quilors d'un événement festif est quelque chose de
envisage la participation citoyenne comme un bien
genredistinct
de de la participation à son organisation. On
considère donc ici qu'il y a participation quand il y a pos-
réseau de relations, dans lequel le représentant municipal
sibilité d'intervenir
est un peu comme un responsable des ressources dans l'élaboration et la mise en œuvre
d'un programme
humaines à l'intérieur d'une entreprise qui maintient des déterminé, ou d'une action ou d'un ser-
vice public.
relations cordiales avec les représentants syndicaux, ou Au contraire, il y a collaboration lorsque les
alors un peu comme un représentant de commerce citoyens
quisoutiennent une initiative publique définie.
essaie de vendre l'action municipale aux dirigeants, Il y a toujours un degré de décision ou au moins une
même s'il doit apporter quelques modificationspossibilité
au pro- d'influer sur les décisions, mais les voies tra-
duit pour éviter un conflit. En adoptant cette perspective
cées pour la participation citoyenne et la réalité du fonc-
on se coupe de la réalité des associations et on permet
tionnementle des gouvernements locaux nous montrent
développement et la consolidation des corporatismes. Par
que la décision finale appartient toujours aux gouverne-
conséquent on n'incite pas à l'évolution interne ments locaux. Les associations décident de la mise en
des asso-
ciations et l'on oublie l'importance de faire deoeuvre
l'action
de leurs propres projets et sont véritablement sou-
politique un outil pédagogique pour faciliter la veraines.
connais-Alors que dans les organes municipaux de parti-
sance de l'action du gouvernement et pour montrer queou dans la coresponsabilité dans la gestion de
cipation
l'hôtel de ville est bien l'ensemble des citoyens. certains équipements et certains programmes, on peut
certes
Par rapport au processus participatif, la nécessité obtenir une grande marge de décision, mais il y a
d'éla-
borer des normes communes de participation est toujours
établie. une décision antérieure du gouvernement pour
Il apparaît ainsi très clairement que les canaux fixer les limites d'une telle participation citoyenne, par
et les
organes de participation ne doivent pas servir pour
rapport à son coût économique au moins. La participation
des entités citoyennes ou des citoyens individuellement
résoudre les conflits, mais au contraire pour les anticiper
et parfois aussi concilier les différentes positions. peut influer ou conditionner le résultat, mais ne sera que
L'information, l'écoute en audience, la pétition,très rarement décisive à la fin. Dans l'analyse des diffé-
la pro-
position, peuvent être proches d'une participation rentes expériences, on trouve des cas où les associations
à la
ont une grande capacité d'action (dans la gestion d'un
gestion du collectif, mais ne constituent pas exactement
des formes de participation dont ils n'ont en tout centre public culturel ou sportif par exemple). Dans ce
cas que
genre de
les caractéristiques formelles bien plus que matérielles. Il cas, des décisions sont prises régulièrement,
sans avoir
n'est pas non plus nécessaire de considérer comme des à s'en remettre à l'hôtel de ville, mais il y a tou-
formes de participation les « relations citoyennes » jours une limite à ces décisions, dans le budget des entités
qui font
partie d'une stratégie établie par le gouvernement gérées par exemple. Il n'est pas rare en outre de voir des
local
pour maintenir un contact régulier et stable avec les asso- associations refusent de prendre des décisions
cas où les
et laissent le gouvernement local s'en charger.
ciations et les citoyens, à l'instar de ce que fait n'importe

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La participation citoyenne comme source de légitimité de la gouvernance

Enfin, il faut insister sur l'idée que la participation VI. Les modèles de participation
citoyenne n'est pas celle qui met en relation des citoyens Quand on parle d'organes de participation, on fait
organisés avec les gouvernements locaux à travers des généralement référence aux associations. Cependant, il
canaux que ceux-ci ont préétablis. La participation faut prendre aussi en compte que dans de nombreux cas,
citoyenne, c'est aussi et surtout la mise en œuvre du pro- dans les organes administratifs de participation, il y bien
jet associatif, le déploiement de toutes les initiatives visant les associations qui interviennent, mais aussi d'autres
à atteindre les objectifs en vue desquels les associations types d'agents comme les syndicats, les organisations
se sont constituées. La réalisation du projet associatif dans entreprenariales, les administrations, les mouvements
l'autonomie et l'indépendance est une façon de participer sociaux. Il faut prendre en compte aussi que la participa-
à la gestion de la chose publique. tion à la gestion d'entreprises municipales est générale-
ment peu fréquente, et que celles-ci, même si elles ont
une forme juridique privée, font aussi partie du secteur
V. Les organes administratifs pour la participation
public et doivent en tant que tel contribuer à la gestion du
citoyenne
public. Dans tous les cas, la meilleure façon d'envisager la
Les municipalités qui ont des organes déconcentrés participation citoyenne dans la gestion des villes est de se
délèguent quelques compétences, généralement de type baser sur l'obligation pour les gouvernements locaux de
administratif, qui parfois ne sont pas attrayantes, si l'on dévoiler des stratégies et des plans d'action clairs et trans-
prend en compte la grande difficulté pour intervenir sur parents, et de faire en sorte que les citoyens et les associa-
des thèmes concrets. Il a déjà été posé que la décentrali- tions qui les représentent puissent, à l'intérieur de leur
sation (et la déconcentration) sont en relation avec la par- champ de compétence, trouver les mécanismes pour réa-
ticipation. Mais dans la pratique de tels organes décentra- liser leur propre projet en cherchant des points de
lisés deviennent des organes d'attention au citoyen indivi- contact avec les gouvernements locaux.
duel. Les vrais centres de débat politique sur la ville et ses
Du point de vue des différentes modalités de participa-
problèmes et solutions sont généralement centralisés et
tion, on peut en distinguer trois : la modalité visant à In-
sont peu perméables à l'intervention citoyenne. Cet état
terrelation entre des communautés organisées ; la moda-
de fait doit cependant être rapproché du manque de lité qui adopte des formats délibératifs ; et la modalité
capacité d'action des associations pour proposer ou offrir recourrant aux instruments de démocratie directe (en
des réponses à des thèmes plus globaux, ce qui provoque
accord avec la classification proposée par Gomà y Font 2).
la méfiance des autorités locales.
En premier lieu on trouve les instruments dont la fina-
Il n'en reste pas moins qu'une organisation municipalelité est d'établir des mécanismes formalisés d'interlocution
pensée pour favoriser la participation citoyenne, ne s'en- et de dialogue avec les représentants de groupes ou de
visage que dans le domaine de la gestion du gouverne-communautés plus ou moins reconnus. L'instrument le
ment local, et non dans le domaine de la ville dans sa glo-plus commun, même si son organisation et son fonction-
balité, c'est-à-dire là où interviennent aussi des gouverne-nement diffèrent selon les pays et le cas concret, est celui
ments de niveau de gouvernement supérieur. En d'autres du conseil ou de la commission, qui compte générale-
termes, il apparaît inutile de favoriser la participationment un représentant municipal d'un genre ou d'un autre,
citoyenne au niveau local dans les questions de santé, et des représentants de collectifs choisis selon des intérêts
sans prendre en compte l'action de gouvernements suprasectoriels ou selon des critères territoriaux. Ces conseils
locaux dans cette même matière.
visent à être des mécanismes stables, et adoptent une
Dans la mesure où les organes de participation naissent composition déterminée, une certaine périodicité des
formellement à l'intérieur de l'appareil administratif, cesréunions et des attributions définies. Il faut principale-
organes se trouvent soumis à une série de conditions quiment distinguer dans ce type d'instrument les conseils qui
peuvent faire obstacle à la participation. Et le caractèrese composent de communautés territoriales ou secto-
administratif marqué de l'activité de ces organes de parti-rielles, c'est-à-dire qui se définissent soit par le partage
cipation n'invite pas à l'intervention. Il existe par consé-d'un territoire, soit par le partage d'intérêts (culture, jeu-
quent une grande différence entre les exigences formellesnesse, femme, etc.).
de fonctionnement des organes et les capacités réelles de La plupart des pays occidentaux ont développé sous
structuration et d'organisation des associations. une forme ou une autre, un genre de « conseil territorial »

2 Gomà, Ricard et Font, Joan (200 1 ) : « La democracia local : un


mapa de experiencias participativas », dans Font, Joan : ob.cit.

Revue administrative n° 353 493

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José M. Ruano de la Fuente

dans les grandes villes. Il en existe au moins en France, de processus de décision. En même temps, les instru-
en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Suède et au ments qui se basent sur la sélection aléatoire de partici-
Royaume-Uni. La diversité des compétences et des res- pants, permettent d'obtenir que ceux-ci soient une fidèle
sources disponibles est elle aussi très grande. Dépassant représentation de la communauté, un petit microcosme
les fonctions consultatives à propos des priorités à déve- qui abrite toutes les sensibilités existantes. Naturelle-
lopper sur le territoire et allant plus loin que le droit à être ment, seule la participation d'une partie représentative
entendus sur les actions municipales prévues, certains des citoyens peut rendre possible le dialogue et la colla-
conseils participent activement à l'attribution de fonds à boration.
des projets concrets et réalisent un suivi détaillé du fonc- Le troisième groupe d'instruments de participation s'ap-
tionnement des services municipaux. Par rapport à leurs puie sur des formes de participation élargie, pour en faire
objectifs, ils agissent tous comme des interlocuteurs privi- bénéficier un nombre maximum de citoyens. Une partie
légiés de la municipalité, mais alors que certains se de ces instruments sert davantage à « démocratiser >» le
contentent de remplir cette fonction, d'autres effectuent processus d'élection des représentants et à le rendre plus
un grand nombre d'activités de leur propre initiative. ouvert à l'influence des citoyens, plutôt qu'à prendre véri-
Il existe un nombre significatif de communautés struc- tablement des décisions. Ces mécanismes de démocratie
turées à partir de critères non territoriaux. Le principal cri- directe sont les suivants : le référendum, l'assemblée, et
tère non territorial dans cet ensemble d'expériences se certains usages possibles de la télédémocratie. Pour que
retrouve dans les expériences qui ont une vocation de de telles assemblées réussissent, il faut une municipalité
permanence ou celles qui travaillent à une réflexion de taille réduite, mais aussi une grande tradition de dia-
concrète dans ce domaine. Cette dernière expérience est logue et de compromis au sein des citoyens. Dans cer-
celle des forums ouverts aux citoyens et aux associations, taines municipalités de Suisse ou de Nouvelle Angleterre,
où l'on parle d'un thème concret pendant un temps déter- cela constitue des mécanismes centraux ou complémen-
miné. Cette forme de conseils constitue le type de méca- taires dans l'adoption des décisions. Les possibilités
nisme le plus utilisé ces dernières années dans notre envi- offertes par les nouvelles technologies constituent un
ronnement, étant donné qu'il est bien plus simple de intérêt certain en tant qu'instruments au service la démo-
consulter des groupes organisés que de toucher les cratie directe. Cependant dans les faits, les possibilités
citoyens anonymes. informatiques ont donné lieu jusqu'à aujourd'hui à de
Alors que les instruments précédents essayaient de tirer grands progrès dans d'autres domaines, mais peu de
profit du capital social, ce qui supposait l'existence d'une choses sont faites pour s'en servir comme instrument
structure associative stable, les mécanismes de délibéra- pour mieux connaître les citoyens. Le référendum est
tion se centrent quant à eux sur la capacité de réflexion et peut être le principal instrument de démocratie directe, et
de dialogue des citoyens, considérés individuellement. Si il est sans doute celui le plus facile d'usage à des échelles
le citoyen moyen n'est généralement pas suffisamment supérieures au niveau local. Son utilisation est très fré-
informé pour décider et penser de manière globale, ces quente au niveau municipal, en Suisse ou aux États-Unis,
mécanismes visent à lui donner l'information et le temps même si son usage est plus généralisé dans des pays où
nécessaires pour qu'il puisse participer en apportant ses le référendum est quasiment ignoré au niveau national.
demandes et l'information à laquelle la municipalité n'a Le référendum peut être ou non reconnu légalement ;
pas accès. naître d'une initiative gouvernementale ou bien
citoyenne ; et il peut être simplement consultatif ou alors
Dans ce second groupe d'instruments, on peut distin-
guer deux grands types de méthodes. La première contraignant pour les autorités politiques. L'application
méthode se base uniquement sur la recherche d'informa-
de ces mécanismes vise à augmenter le nombre de parti-
tion et la délibération des citoyens, alors que dans la cipants potentiels par rapport aux mécanismes des deux
seconde méthode on combine cet objectif avec un tri des groupes antérieures, mais il y a un possible danger de
citoyens, qui les convertis en un échantillon représentatif manque d'information, de frictions avec les mécanismes
de la société. En exemple de la première méthode on traditionnels de représentation et de possibles problèmes
peut citer les cercles d'étude et les forums thématiques, de représentativité si l'usage de ces mécanismes entraîne
relativement fréquents en Suède, au Royaume-Uni et aux une faible participation.
États-Unis. Dans l'exemple de la deuxième méthode on Il existe de plus bien d'autres expériences qui ne cor-
respondent pas exactement aux trois types de participa-
peut mettre les panels de citoyens, les jurys de citoyens,
et les enquêtes délibératives. Dans les deux cas, ces tion décrits. Cependant la plupart du temps il s'agit de
mécanismes de démocratie délibérative essaient de variantes, avec des noms distincts et de petites diffé-
dépasser les problèmes d'information et de rences, débats,mais très proches dans leur forme d'organisation.
comme étant des composantes indispensables à tout Un des domaines dans lequel on a obtenu la plus grande
type

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La participation citoyenne comme source de légitimité de la gouvernance

avancée, c'est la participation citoyenne dans l'évaluation sés. Les causes d'un tel phénomène sont variables. D'une
des services publics. Il s'agit d'écouter la voix des usagers part les gouvernements locaux ont tenu les associations
des services publics et de l'utiliser pour améliorer la qua- pour des interlocuteurs valides dans la représentation des
lité dans la prestation des services. L'utilisation d'instru- intérêts des citoyens ; et d'autre part, il leur est plus facile
ments de plaintes et de suggestions formulées par les usa- de dialoguer avec des groupes organisés qu'avec des
gers a été combinée avec l'utilisation de techniques de citoyens individuels sans capacité de représentation. En
prospection de marchés, tant au niveau quantitatif que outre, les gouvernements locaux ont compris que le
qualitatif. Ainsi l'utilisation d'enquêtes d'opinion et de potentiel conflictuel provient des collectifs organisés,
groupes de discussion est une pratique relativement habi- ayant des intérêts et des expectatives fortes par rapport à
tuelle dans de nombreuses municipalités britanniques, en la conduite du gouvernement et ayant une réelle capacité
tant que mécanismes permettant de progresser dans la d'influence et de mobilisation sur l'opinion publique.
connaissance de la valorisation par les citoyens des ser- Il reste à signaler certaines déficiences du modèle de
vices municipaux. participation citoyenne sur une base associative. Premiè-
Des expériences intéressantes ont aussi été menées rement les entités qui font partie du tissu associatif d'un
dans le domaine de la médiation. Il s'agit alors de ques- territoire ou d'un domaine thématique, n'arrivent pas à
tions où le rôle de l'administration est moins central, et où être toutes représentées dans les organes et les processus
il est fondamental qu'un groupe d'acteurs (publics ou pri- participatifs. Deuxièmement, dans certains cas, on favo-
vés) soient capables de rapprocher leurs positions et de rise les associations les mieux adaptées à la collaboration
se mettre d'accord sur un thème précis, avec l'aide d'un ou les groupes les plus proches idéologiquement. Troisiè-
médiateur externe. mement la capacité des participants à représenter leurs
En plus de lier les citoyens à la planification générale entités est parfois douteuse. Enfin, la faiblesse du tissu
de la municipalité, il y a aussi des expériences qui les associatif est un vrai problème, qui affecte la majorité des
démocraties occidentales avec une intensité variable.
impliquent dans une planification plus concrète, comme
l'est l'élaboration des budgets municipaux par exemple. Au cours des dernières années, suite au déficit de la
participation citoyenne sur une base associative, est appa-
Enfin, il faut insister sur le fait que même s'il ne s'agit pas
au stricte sens du terme d'un instrument de participation, rue une tendance à la recherche de nouvelles formules de
beaucoup de municipalités ont entamé des stratégies de participation, qui donneraient un rôle aux citoyens non
organisés, soit à travers des modèles de participation
décentralisation qui, entre autres choses, visent à faciliter
l'établissement d'espaces participatifs plus importants, à mixte, soit sur une base exclusivement personnelle.
travers le rapprochement de l'administration et des En conclusion, il convient de rappeler que ce n'est
citoyens, et à travers la création d'espaces de dialogue sur qu'en construisant des mécanismes démocratiques per-
une échelle territoriale réduite.
mettant de décider avec rapidité et efficacité, et égale-
Les différentes voies de participation tendent toutes à la ment en impliquant réellement les citoyens, en écoutant
même chose : partager la complexité des décisions leurs opinions et en en tenant compte dans les décisions
publiques entre le maximum possible de citoyens, en uti- à pendre, qu'il sera possible de maintenir la vitalité de
lisant des formules et des règles distinctes. Dans ce sens, certaines institutions démocratiques qui commencent déjà
l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et à montrer des signes de faiblesse. On ne doit pas se can-
de la communication peut se révéler d'une grande utilité. tonner à la défense de certaines institutions et de certains
Il est bien évident que les possibilités sont multiples, mais mécanismes de décisions représentatifs qui s'obstinent à
il n'est pas pareil de les utiliser dans l'optique du maintien ne pas expérimenter de nouvelles voies de participation
sine die des institutions et des mécanismes représentatifs, et de délibération partagée.
que de les utiliser en travaillant dans l'optique de Malgré cela, nous sommes toujours dans une phase où
construire le vieil idéal de démocratie directe. Ainsi, l'utili- la confusion reste prédominante. Mais la conviction que
sation des nouvelles technologies doit être au service des ce n'est qu'en expérimentant que nous ferons avancer la
différentes conceptions de la démocratie. démocratie s'impose peu à peu. Ce n'est qu'ainsi que la
Le modèle de participation dominant a renforcé la par- capacité de la démocratie à résoudre les problèmes que
ticipation dans le processus de gouvernement des pose toute cohabitation sociale ira en se renforçant.
groupes organisés par rapport aux citoyens non organi- J. M. R.

Revue administrative n° 353 495

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