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fee ceeceaees cS La Renaissance italienne ES ETINCELLES DE LA LIBERTE alumiére, inévitablement, créeTombre, et Cest le casa Rome, aux ‘musées du Vatican. Vers la fn du parcours, dans une aile consacrée ala collection moderne d'art religieux, on découvte des vitraux de Leger, un «Nazareth de Rouault, une colombe de Buffet, un pape de Bacon, une sPietae de Chagall, une chasuble de Matisse..Ces tableaux offerts au Saint Siege par des maltres du XX" siécle ou des collectionneurs paraissent pout tant fades Est-ce en raison dela fatigue qui, 4 ce moment-1a dela visite, frappe ?La qualité de Faccrochage ? Le caractére hetéroclite de 'assemblage ? Sans doute Mais "eclipse nait aussi de Féclat provoqué quelques instants auparavant et a quelques: dizaines de metres, parla chapelleSixtine ou les Chambres de Raphael, ébloulssantes. Botticell, Raphael, Michel-Ange, Vinci. Pourquoi, cing siécles aprés leurs heures de gloie, les formes quiont inventées ces artistes continuent-elles de symboliser pour nous les canons de Vélégance ? Pourquoi la Renaissance italienne fut-elle Pune des périodes les plus fécondes de Fart occidental ? Pour répondre a ces questions, nous avons choisi de revenir a Florence, épicentre duu mouvement, ot fon verra que Fillu- ‘mination naquit certes du génie, mais un genie noursi par argent, lul-méme au ser vice d'une idée maitresse:Findividuau centre du monde. Lhomme, acteur de son destin. Lat, libre dexprimer des sentiments, y compris Vala laideur : notte joumnaliste Anne Cantin nous explique, démonstration & fappul, les nouvelles regles que les peintres de la Renaissance ont posées. Volker Sau, Iu, explore les traits de caractere d'un artiste. peu ideal. Michel-Ange, le maestro de la Sixtine, se révele étre un personnage cupide et austere «ll Divinos, comme souvent les génies, renvoyait les papes 2 leurs chapelles et accumulait les heures de travail Jusquau déséquilibre, le burn-out, dirait-on aujourd hu. Exposer et éclairer les ceuvres. Cet article et le dépliant qui Taccompagne illustrent rune des missions de GEO Art deja remplies dans notre numero consacré a Tim- pressionnisme (mai 2012), étre aussi beau qu/un musée, aussi intéressant et diver tissant qu'un magazine. Ici, nousavons fait sortir des dessins cles réserves du Louvre et rassemblé Fceuvre peint de Léonard. Nous présentons enfin des énigmes qui agitent Ie monde de Tart: sous ce Vasari, un Vinel se cache-t-il ? Sous les traits de Ja Venus de Botticelliy avait-l une femme réclle ?La Renaissance continue de pro- Jeter ses ombres et sa humiere . [ERIC MEYER REDACTEUR EN CHEF GbOART 3 SOMMAIR © estes phares LES CANONS DE LA BEAUTE ONT EXPLOSE, Quine ches tonue comments pour comprencre cont cinquane ans de création, eta quete dun ata NCIEUX ALLIE DU POUVOIR ‘Dans une tale mige pars intngues et ks vals, peintures, statues, pals et eases servient aussi lo poltique BA vecmansnne EN CE JOUR DE 1415 A FLORENCE, quoiaves bbodauds se poustent du coude sul place du Déme,Devent ux Filppo Grunelesch tent une drle dexpérence, Rect OA vemaestro ET L'ARTISTE SE FIT HOMME-ORCHESTRE ‘Comment cehs qui av Moyen Age tat considré comme lun artison devin, a Renasance, un create pat ene ‘TOUS LES VINCI DU MONDE ‘A sine deux dizaines dceuvres ont imposé Léonard comme eal incontestable del patie occidentale 42 va moaie MICHEL-ANGE, LE DIVIN ACARIATRE Tortur, nte le sculbtee, pointe et acitecte ican mex cae tot aur, a figure de Fartsteabsolu née avec Raisance, GG cos dessins MAGISTRALE SIXTINE Cette resaue ft, pour Michel-Ange, un chant ttanesaue. La vol code pour vous een déplant. dans toute sa solendeur [Le thome récurrent LES TRESORS INSOUPGONNES DU LOUVRE ‘Stlecton des plus remerauabiesefuiles» parm les 150 000 que protege, dans Ses eserves, institution parisinne, 1144 Larochorene LE TEMPS DES ANNONCIATIONS LLepsode des Everails 0 Fange append & Marie ave porters le Fie ce Deu a donne aux artistes Foceasion de raleer audace. Les musées CES ENIGMES QUI NOUS PASSIONNENT ‘ws non signées, reeques disparvs, commanditares inconnu.La Renazance a encore se zones dombre. UN TOUR DU MONDE DES CHEFS-D'GUVRE Florence, Rom Min, Pars, cin, New York, Sant-Petersbour, Ce qui faudra pas manquer lors dun prochain voyage GEO ART S| Anat Mantegna «Sart Sébastien, ta ere a mori arr Lesidéesphares BT LS CANON JK LA BEAUTE ONT EXPLOSE QUINZE EUVRES POUR COMPRENDRE COMMENT LES ARTISTES DELA RENAISSANCE SE SONT MIS EN QUETE DE L’ART IDEAL Les xV¢ et Xvi siécles ont vu 'épanouissement de l'une des périodes les plus fécondes de histoire de art occidental. Aprés les épidémies ravageuses, les famines et la guerre de Cent Ans, souvre en Italie une nouvelle ére nourrie par ls redécouverte de la civilisation gréco-romaine. Cest la «re-naissancen : Ihomme et son destin sont remis au centre du monde, un vent de liberté et de volupté souffie sur fart. Unnombre incroyable de génies - les Botticelli, Leonard, Michel-Ange ou encore Raphaél - se donnent pour mission de bouleverser les canons de la beauté. Et, d'un bout 8 autre de la péninsule ils y parviennent chacun a leur maniére, comme le montrent les chefs-d'ceuvre commentés dens les pages qui suivent. AR ANNE CANTIN opoaRT 7 Les idées phares On s ‘inspire de l’Antiquité pour créer un monde nouveau Govan Ca ‘Shapl Sn Seehen Steno nae (Alper Comme souvent la Renassance, un tableau peut en cacher un aul Conte toute apparence, le suet dea peintur de rote nest as sant Sehastion, Avec ses pactoraux Cathie, son bust patage ar une mene parfitementrectilgne et son leger déhanché le coms dumarty a tou dune statue de dieu re. Etcest dans cate plastque dale 8 Tonpase de cele si tee des Sant, Sdoastiens du Moyen Age (-oe5S0uF, qui aut chercher une cle le faseinent. ‘Au couvent Saint-Marc, les figures de Fra Angelica, sur les, fresques des cellules, sont si pures, si vivantes, i tendres, ‘quiAlbertl se demancle & son tour sie peintre est allé aut Patadis trouver ses modeles I ne cesse pas admirer le David» en bronze, que vient d'achever Donatella, ce nu insolemment grandeur nature. Le mystere dans le sourite, adolescence impertinente de la sculpture, la liberté exe ccution de artiste qui est deja aftranchi des canons de TAntique le retiennent pendant des heures Mais pourquol, se demande Alberti, les peintres de Europe entiere et de Ttalie viennent ils & Florence ? Pourquol se sont-ils tous ‘convertis. ce style tellement nouveau au regard des codes, du sgothique international» qut ttiomphe partout ailleurs” con Battista Alberti apprend vite que derriére cette passion de pelndreet Jde construire, ily a un nom : Gosme de Médicis (1389 1464). Er que Cosme de Medicis: avait une ambition : Florence. De retour dans sa cité en 1434 apres nan dexilaulieudesdixauxquels Tayalt condamne son pulssant rival Albizzi ilaliait decider de radical: ser encore davantage sa prise de ppouvolr. Ce qu'il fera Insidieuse ‘ment. Ses armes: le mécenat, ses Jeux d'influences, sa puissance ‘inanciere et une demagogie eft- ‘ace et attentive. A peine revenu. ‘ce petit fils de paysans descendus de Ia vallée du Mugello, ‘qui collectionnait les antiques et les pierres précieuses, amateur art et fin lettre, ft emprisonner son ennemi personnel, AlbizzL 1! contraignit 3 Texil Palla Strozz, son rival, la plus grosse fortune de la ville: Thome s'etait acquis le coeur des Florentins en leur offrant la premiere bibliotheque publique dale Et pulsquestrozz!avaittenn, ‘en 1425, a promouvoir Gentile de Fabriana le maitre du _gothique international, Cosme dcida de prendre le contre- pied, IL invita les peintres a créer un style qui soit exclusif 8 Flotence, et qui porte loin dans le monde la marque et Tesprit des eux. Une subtle stoscanitae ctoscanite») qu'il ‘opposait& ce «gothique international, riche d'or et de ‘couleurs, tout en profusion de personnages et de chatole ‘ments, dont Fun des maitres était Pisanello. Cosme de Medicis leur en donna les moyens. avait intuit lateci- Pace de Seigneur le ePerséen, de Calin (1559, cnbrone brn vetonouseret oie e Mee nique dela peinture a hulle, til avalt encourage art sobre ‘’etrigoureux initié, un siéce plus tb, par Glotta.Ce peintre ravatt-ll pas été le premier a donner a Yhomme, dans ses ‘vues la place centrale de Punivers? La facture inspiree ide Giotto gagnait en puissance ce quelle perdait en luxe, Elle répondait aux désirs de Cosme de Médicis puisqu'elle Salliaitala morale de sobrieté dela tes public», alors que le gothique intemational état Tapanage des cours princieres La perspective possédalt aussi, aux yeux duu mécene, un atout inestimable ~ elle renforcat la position privilégige ‘que Giotto avatt donne a Thomme. Avec elle, individ, ait au centre de tout. CCeque Gime de Médicis, Pere dela patie» pourle peuple et prince munificent pour son entourage, avait compris, était la dimension «intellectuelle- de la perspective, qu ne se contente pas de montrer de facon différente, depuis Je seul ceil d'un seul individu, mais qut invite le spectateur ‘aconsidereretableaurcomme une scene de theatre qui seritlemonde, ‘un monde enfin ouvert aux actions ‘etauxintéréts deThomme,etdont Ccelu-ct peut construire une vision ‘deson point de vue propre-La repre: sentation modeme état née. Pour autant, elle rfavait pas surgi de la seule invention de la perspective par Brunelleschi et de sa théorisa ‘ton par Albert. Une série @évene- ‘ments, providentiels pour Cosme de Medicis allalt procurer autres armesa Florence dans saconqueéte des ans et des esprits. Is feraient elle le berceau de la Renaissance. Pour étendre son hegemonie et installer sa famille comme future et pour qu! il inventa le mot de Renaissance, cont nhiueront le prodige de nous éclainer en nous éblouissant Cest quils portent avec eux cette «toscanitae sichere 2 Cosme de Medicis qui nous bouleverse parce qrelle porte enelle amour que homme avec Fart, déclare la vie. ‘CHRISTIANE RANCE GkOART 41 Le prodige CHE -ANGE LE DIVIN ACARIATRE Ses ceuvres intimidaient. Sa force créatrice n’avait d’égal que sa soif de perfection. II refusait les compromissions, tenait méme téte au pape. Et se meéfiait de tout le monde ou presque. Torturé, entier, le sculoteur, peintre et architecte incarna, mieux que tout autre, la figure de lartiste absolu née avec la Renaissance. ‘a missive, pleine de miel, dt sacré ment surprendre les autorites de Florence, quila ecurenten ce mois. de aller 1506 Le sculpteur Michel Ange, qui nousa quittés sans raison etsurun coup de téte,craint,c'apres ce que nous pouvons comprendze, de revenir. Nous 1favons rien lu reprocher, carnous connaissons Fhumeur des hommes decette rempe. Pourtant, pour qu'il abandonne tout soupgon, nous aisons Appel aux bons sentiments que vous nous portez, pour que vous vouliez bien Iu promettre, de notre prt, que, evient, {ne sera ni mortifie nl injurié par nous Lauteur de cette requéte 1etait pas connu pour sa patience et ses bonnes ‘manieres. II sagissait de Jules i, le pape qui avait mis au pasle terrifant César Borgia, bouteraplustard les Francais hors tale et restaurerala grandeur dela Rome pontiicale. ‘Celi que Fon surnommait le pape soldate avait fait venir ‘4 Rome le florentin Michelangelo di Lodovieo Buonarroti ‘Simon, 30 ans. pour qu'il ease son futur tombeau. Le Jeune culpteur devait preparer une ceuvre grandiose, digne de son commanditaire. Mats aprés quelques mois, le sou verain pontife, pris par ses obligations, marqua un certain ‘désintérét pour Ie projet, et refusa meme daccorder audience a artiste vent lui demander une rllonge finan ‘lere. Vexe, Michel-Ange décida donc de regagner sa chere Florence, non sansavolr lance dans un courrier rageur Je fais saoira Votre Sainteté que, orénavant,si lle me veut, Elle devra me faire chercher partout ailleurs qu'a Rome I fallut plusleus lettres offcielles de la papaute et une ‘menace de brouillediplomatique entre les deus cites pour ‘quill mette fin a sa bouderie, et retourne faire allégeance & Jules I, Ce dernier, at eu de blamer Finsolent, ha passa anouvelle commande dune statue son effigie pour hono- rer a ville de Bologne quil venait de conquerit. Deux ans plus tard, i fu confia une autre mission, homeérique cette {ois : decorer la vote de la chapelle Sixtine ‘Tenirtéteau pape ? La hose étata époque impensable, surtout pour les artistes, encore largement consid ‘comme des exécutants de huxe au service des puissants. Mais, sans doute Jules it Tavat-il sent ce sculpteur qui, des adolescence. avait tape dans Peel avert de Laurent de “Medicis et dont les ceuvres suscitaient deja uneadmiration ‘unanime, était bien plus qu'un habile tallleur de plerre ‘Cetait un artiste d'un genre nouveau, virtuose certes opOART 43 Le prodige evis Je vis heureux de mon malheureux sort. Quiconque ne sait vivre dangoisse et de mort, qu'il entre dans le feu qui me bridle et me dévore ‘ra esr ce scmets spar Mcheb Age ene 5 547 pour Tanase Covalre jaune nce rama Gore toro amour es e603, ‘see mais aust invest corps et ame dansson oeuvre, unique ‘objet de sa vie et de son ambition. Une sorte de Picasso du scinquecentos (le XVF siécle), dont on retiendrait le nom au méme titre qu‘un rot ou qu'un pape. «ly eut autres titans ala Renaissance : Gotta, Masaccio, Donatello Man tegna, puis Léonard de Vinci et Raphael, explique Paul Joannides, historien de Fart spécialiste de la Renaissance Jtalienne 4 Tuniversité de Cambridge. Mais de tous, Miche Ange fut probablement le plus dramatique et herotque, dot de la vision la plus unifieet la plus personnelle» Quand il entra au service de Jules Hi, son nom était deja ‘connu danstouslesateiers et les cours tale Une polgnée ceuvtes et un monceau daudace avaient suff a Tenfant de Caprese (village toscan ot son pere officialt comme ppodestat) pour imprimer sa marque sur Tart de son époque. Premier coup déclat vers 13 ans, dans Fateier du peintre florentin Ghirlandaia. Lorsque ce demier découvrit que ce ‘vulgare apprenti avait un coup de crayon qui depassait le sien, le grand maitre en fut profondément humllié Michel ‘Ange déclencha la méme stupefaction 2 17 ans, quand, ddevenu Tun des protégés de Laurent de Médicis, maltre tout-putssant de Florence, subjugua les esthetes dela cour parson bas-relief du-Combat des centaurese, Lequel égalait les meilleures sculptures de FAntiquite, considerees a Tepoque comme les references ultimes du bon godt. Mieux, ‘quelques années plus tard ilsculptaun «Cupidon endormi> ‘quill parvintjustementa faire passer pour une ceuvreantique aupres d'un riche collectionneur de Rome, le carnal Ria rio La supercherie fu révelée mals devant le coup de cseau. ‘tle culot du sculpteur, le dignitalre ne put que sincliner. Et est ainsi que Fartist souvrt pour premiere foisles portes dela cite des papes lly cisela tne «Peta pour le ‘compte «Tun cardinal francais, qui étendit sa renommée. Puis, sa ville Florence, Iu! offtit la conséeration en 1504, 2 29 ans La statue du berger David quilavat passé trois ans ‘extrare dun bloc de marbre fut choisle comme nouvel ‘embleme de la Republique florentine. Grace 3 sa malrise de Tanatomie, acquise au prix d'innombrables séances de ‘dessin devant des ceuvres antiques oudes modeles humains de me mourir et, a vrai dire, (y compris des cadavres, endiés en secret dansun hospice), Michel Ange avait donne vied la pierre Son «David> fut erige sur la piazza della Signoria le centre dea vie politique de la cite, ‘enlieuet place dela Judith sculptée par Donatella le maitredu siecle pré- ‘cédent et jusauialorsincontesté. Et il ne se contenta pas d'etre reconnu comme lex maestro de la sculpture Dessinateur prodige i mar ‘qua aussi Thistoiredeta peinture sous Ja vonte de la chapelle Stine, dont il fut chargé de la décoration alors ‘quilnavait encore ason acifquane petite brassée de tableaux et aucune fresque Plustard, on lesoliita aussi pou des projets archi fecttraux qui allaient changer Ia face de Rome, comme le dome de Saint Pierre. Eton le requit méme comme ingenieur militaire pour la défense de Florence. Pourquol un tel succes ?La perfection technique de son. ‘eure rtait pasa seule explication ly avait aussi ce que som art dégageait. «Il taitcapable de transmettreavec plus ‘intenstté que importe qul autre la tendresse, amour, Pherotsme et la profonde spiritualit, juge Paul Joannides [AU XIX° siecle, le peinte Jean -Francols Millet disalt qu'un seul des dessins de Michel-Ange pouwait content le bien, ‘et le mal de toute Phumanité» Cette Intensité,Fartiste y aspirat : petri de fol chretienne et de philosophie néopla- tonicienne, qui faisait dela beaute le signe dela splendeur divine, i vivait son art comme un élan démesuré vers un deal Cesthetique de grandeur, de perfection. envisageatt, son role artiste comme celui d'un démiurge. ETRE SOLITAIRE, IL POUVAIT SENFERMER PENDANT DES MOIS FACE A UNE CEUVRE ‘Une telle ambition ne soutratt pas de compromts. Cela! ‘qufon sumommait «1 Divino. (le Divin) était en mission. “lnvestissait toute sa personnedans son art, estime Domt- nique Cordellier, conservateut et spécialiste de la Renais- sanceitallenne au musée du Louvre, Cela commencait par defendre'sa propre vision artiste Tine voulait pas s'inscrire ‘dansla tradition dea -bottega, atelier employant plethore ‘apprentis pour alimenter la clientele en ceuvres. Je ral Jamais ete petntre nl sculpteur comme quelqu’un qul en fait commercee, écrivit- 1a son neveu Léonard, Une afi ‘mation peut étretn peu categorique. Cependant, bien qui vvécit de commandes. il ne fit pas fceuvres qu! allaient & Fencontre de ses preferences: paysages detalles Ia fla- ‘mande ou portraits dindividus snormaux, loin de son idéal de beauté. Peindre Feffigie d'un pape, par exemple, ne le tentalt guere. Les Seuls portraits qu'il voulut bien dresser furent ceux de personnes proches tele sa muse et cont dente la marquise et femme de lettres Vittoria Colonna.eee ILAIMATT StEXHIBER ENHOMME TORTURE Eo arr 48 Le prodige faire ce travail, | mest venu un goitre, (..] et par force mon ventre pointe vers mon menton, ma barbe rebrousse vers le ciel mon crane s‘appuie sur ma bosse et ma poitrine est devenue semblable a celle d'une harpie ‘rat du podre (manus on page de crate) cores ae pertreaos qui vale {lend dela hapa Sti perc Surunehafucge bern ig mas de has ‘ese Et ui quidisait la main obeita Fintellect» savati ser ses cholx 2 ses commanditalres. Lorsque Jules it le :issionna pout la cécoration de la voate de la chapelle Sixtine Fartste jugea que le theme des douze apéires pro. ppos¢ parle pape était stop pauvres. Le Saint Pere, raconta: ‘il parla suite lu! conceda alors la liberté de faire selon son bon vouloir. Le sujet retenu, celut de la Genese. bien plus ambitieux, fut sans doute élaboré avec les théologiens ‘duSaint Siege. Maisson traitement, hl, estentierement dd A Tartiste, Bt quand, a la fin da chantier, le pape voutut rajouter un peu dor a la fresque, Miche!-Ange repliqua. Saint Pere, les hommes que fa peints ne portaient point ‘or dans leur temps ; ce ne furent point des ches, mals, de saints personages qui méprisaient les richesses.» Un autre épisode raconte comment le chef du gouvernement florentin Pier Soderin! lu suggéra, pendant le chantier du Davide, de raccourcir le nez de la statue. Michel-Ange zamassa alors dscrétement de a poussiere de marbve, fit ‘mine de donner un coup de ciseau sur le ez et ais sen voler la poutte.. sans avoir modifié son chef-dceuvre. Dans sa quete de perfection, le Divin etait aussi pret payer de son corps «Ce nat pas un chef datelierau sens, ‘de Raphael, gu, hu, savaitcanaliser et orchestrerles talents des autres, explique Dominique Cordellie 11 pelgnatt ou ‘reusait le marbre de sa propre main.» Michel-Ange eut certesdes eeves et des collaborateurs et délégualt certalnes ‘operations a des artistes quil apprécialt. Mais son travall restait assez solitaire. 1 pouvait senfermer pendant des ‘mois face a une ceuvre,trimant jusqu'a vingt heures par Jour, dormant a peine, parfois tout habllé a méme le sol, ‘oubiiant de manger. setait meme confectionné un cha ‘peau muni une bougle, pour pouvoir travallerla mult Les ‘quatre années passées a peindre a fresque le plafond dela Sistine, entre 1508 et 1512, urentains! une épreuve de force. Perche sur un «pont échafaudages 4 pres de vingt metres ‘dusol la téte renversée, la peinture coulant sur son visage, Je travailleurinfatigable ralisa seul Ja majeure partie du traval. 1 conge- dia les peintres experimentes qui avait fait venir de Florence pour Yasslster, et les remplaca par des petites mains cantonnéesaux tiches techniques (preparer les couleurs, ‘poser Fenduit. transposer le dessin preparatoire..) ou employees peindre des zones secondaires Dans Tun deses poemes, il décrvit ce chan- ther dantesqueavecironie:+Ma barbe rebrousse vers le ciel, mon crane appuie sarmabosse /etimapoitrine ‘estdevente semblable a celle ane ‘happie /cependant que mon pinceau, ségouttant surma figure Ta couvert un somptueux carrelage.» Accu: ‘mulant les commandes, ce bouli- ‘mique ne sarrétalt jamais Entre 1501 et 1505, pendant quil sculptait Fimposante statue de David, avait aussi sur le fea: un autre «David» en bronze. eLa Madone de Bruges», tun Saint Mathieu, trois tondi (oeuvres circulates) dont ‘deux en sculpture et un en peinture, et des statues pour la ‘cathédale de Slenne. Meme frenesie dans es années 1540. [A 60 ans passes Il sest vu confler par le pape Paul It la ‘decoration de lachapelle Pauline, alors qu‘en tant quiarchi tecte du Saint Siege i devait aussi ravailleraupalals Famese dde Rome, 11a place di Capitole et auchantier dela basilique Saint-Pierre. Sans oublier le tombeau de Jules 1, qui, racheva jamais Car malgrésa force de travail tsa apidité hors dui commun, remplir tous ces contrats hl etait impos: sible. Des douze statues fapdtres que hui commanda en. 1503 FArte della Lana, la corporation florentine de a laine, seule celle du saint Mathieu fut ebauchée. Si Michel-Ange ‘estresté dans Fhistolre commeTinventeur du «non fini, cette esthétique de Tinacheve reprise plus tard par Rodin, ‘cola nest pas que par genie artistique. IL VIVAIT DANS DES CONDITIONS AUSTERES, PARFOIS A LA LIMITE DE LA SURVIE Cette flevre créatrce lassait peu de place aux plaisirs terrestres. Décrit comme cupie votre vare, le sculpteur massa beaucoup argent durant sa ve-M investt dans des ‘masons et propriets,reversa des sommes a son pare et 2 sesfréres Maisil ne profitat ere hi-méme de ces richesses, aia contraire de certains de ses confreres menant grandtrain, tel Raphael. vivait dans des conditions austeres,parfois Ja limite de Ia survie. A Rome, il mourut en 1564 dans la ‘modeste maison quion lulavalt misea disposition cinquante ans plus t0t pour travailler au tombeau de Jules 1. 11 n'y posséalt pas grand:-chose..hrmis uncoffre gamide ducats ‘dont hetta son neveu Léonard portat toujours les memes _vétementssombreset uséx Son hygiene était déplorable.eee c ‘agoze -ieuegee + [lee 1 cee oan F “oner da le rae eon pevista hn Forza lator » api [ote lnk on dlait-o CL dara alone eMamznoria: low rar anno Selle Longnie jo elpete, aa |/mexemeros cet ff pin, tua ne ace tri pow 0 ih eostraté amish ella prec °Fe debent _p tong fengere pri is rg ieee anand ane ch tomer sal Mies lachermecto— ? Se mw dest dhe axtane Fyoltc ce scrane \ ye fe Gas @- lamcte pore * 3 tA PEt, EMER [ooame: Cor Patipwrtone on 8 sal spew 2 Core ee! Aah teencwslnorse eT NOON \ é oa lama #' deat ‘ovaries vit Achevee A? poy bi Jody err gienann * elania enere { nme pes ae ; ; ‘efecto ne ae [tls Tag tO tie wether! Sarees 0 conn @ Sceen comme c Seeeisies : « ae ‘LETEMPS DES RIVALITES, XT OUSOUFFRANCELLWRATSE ETATS AME DANS OE FOUCUEUX POEMES cr ‘Grand acmiateur des pobtes du xv scl Dante et Petras, MichelAnge composa save soto Oss ‘Siname aes cotanes geomet curt cesepuer omar ou Fons cet aes on {its tne frmcaternne icrraone seu asl clu aa aco SeSalereu arte tstusre eens sutanes eae: pour ponds oie deta capete Pia Roma tenn Sate eta toc on rcs engage deg) Rests ne eon vot et deacae ses pobresne fret ples aou hv sce pa son el-neveu au pit son au, seca Raa patiage rinse ex ube puta mosaic on gant ence seat i iment, Pea (ela copele Sure Le prodige cormir mest cher et plus encore o’étre de pierre. Aussi longtemps P que injure et la honte durent, ce mest un grand bonheur de ne rien voir, ne rien sentir Ne va point m’éveiller, de grace parle bas ‘ata compose pou state ul cafe fe tombao de len de Mi (de Laren Teognian) mort 3 ge de 37 ans jst ares Sere man aor ee noma ce ‘eee etileutde nombreuses maladies dela gouttea Puleere ‘estomac, tout en refusant de se Inisser approcher par un _meédecin. Ce qui ne Fempécha pas de vivre jusqu'a 89 ans. Socialement et sentimentalement, cen ¢tait guére mieux. “Sa devorante énergie le separa presque entlerement de toute societé humaine-, gerivitavee emphase son disciple cetblographe Condivi Michel-Ange rféait pas misanthrope, ‘maisil fuyait les mondanites etchoisissait ses amities Ses mous talent tortueuses, sa sexualité apparemment sans ‘cla. Sa passion dévorante pour Tomas de Cavaliere, le Jeune et beau romain dont il sprit a pres de 60 ans, et auquel il dédia de merveillewx dessins, est elle allée plus Join qu'une «amitlé amoureuse» ? «Michel-Ange n’étalt probablement pas trés actif sexuellement, indique Paul Joannides. 1 etait principalement homosexuel, meme West pas impossible qui alt eu des relations sexuelles avec des prosttuées» Mais la compagnie des humains sem. biait preférer celle de ses signudle, ces éphebesa la beauté sculprurale dont ila peuple a chapellesixtine, comme si sublimait par Tart ces joulssances auxquelles il renonealt. Quant a ses relations avec les autres artistes, elles pot vaientére carrément conflictueles Comme sicethomme ‘dedefis se stimula dans Tadversite. La bagarre qui Topposa, ‘enfant au sculpteur Petro Torigian, lui valant de trainer toute sa vie un nez tord, ne fut que la premiere dune longue sére de rivalites Jeune, Michel-Ange n'hésita pas sefrotter a Leonard de Vincl. De vingt-trolsans son alnéet son exact opposé ~ élégant, detache, bon vivant -,Fautre ‘genie florentin avait aussi le malheur de considerer lascalp- ture comme un art mineur. Un jour, rapporte un texte dua XVF siecle, leboulllant Buonarott cherchaa vexer Léonard. En pleine ue a Florence, lui rappela devant témoins qui avait échoue a couler dans le bronze une statue équestre ‘du duc de Milan. En 1504, les deux maestros se livrérent ‘meme un duel artistique, encourage par les autoritesflo- rentines. Une fresque fut commandée a chacun pour la le du grand consel! du palazz0 Vecchia Léonard réalisa «La Batalle ‘CAnghiarisinachevée),Michel-Ange La Bataille de Cascina® (qui resta 2 Tetat de carton préparatoire) Diautres de ses animosites AS SIINCONGRU (Qu sont cos douze Porsonnages menumontaux sss sur oes trOnes au Pourlour dela voite Les f9pt hommes ne doanont as dans ce haut lieu Chien ce sont des prophetes de ancien Testament. Les formes, oles, intrguent davartage, Ces stoyles (ci celle de Denes, la ps aomitee,oretrosses aivinatoires de tigi, Sont des figures pafennes Or, pour Miche-Ange, cles étaient ndcessares. Leu présence incarne la Dhlosophie dela Renaissance au jetait des pont entre lesmondes gréco-romain et chiétien (leurs préictions ‘taont reintororotees comme es annonces dela venue {hu Christ) On peut y décoler aussi un autre object dela fresque :c@lébrer Ia lore de Jules I le pape qui entendat restaurer, sous a bannere Ge a chron, a granciour passée de la Rome antique 11 JONAS ACCUEILLE LE VISITEUR ET LUIINDIQUE COMMENT LIRE LA FRESQUE ‘Aujourdh, on note dans la chapolle Stine cote auto. Dy tomes de MicheL-Ange, entrée état fopposé On voyat alors ce personnage en ‘premier: le prophéte Jonas. Sa postures ambes danse vide, le bust tla toto en arrive dans un mpressionnant effet ce raccourcréert ciembide une ison despoce Son corps déert un are convene, alors que a vote est au contri concave. Quant son regard, tou vars Teflace des scones dela Genése, en nique le sens oe lecture. Jonas est accompagne d'un ros posson, dans le votre duqvel i passa trois ows pou avor d6s0b6:& Dou. Ces trois jours préfigurent ceux ave le Christ passere dans sa tombe avant a Résurecton, 1BLASCENE LA PLUS SPECTACULAIRE : CELLE OU DIEU INSUFFLE LA VIE A ADAM Cesta partellus célebre de la fresque. On y voit Dieu créer le premier homme, Clu, avec son anatomie parfite et son expression intnse, est un coup de maite artistique. Son regard est teinté de melancole, comme sil pressetait {que cetta harmone abeolve avec son eréateur sat doting & dtr brisé, Dieu i latte Gane le irs, envelopps dun ‘rap, entouré danges sans ales, dont le traits moins nets eréent une impression de profondeur La Forme Gu dap rtient Tattention un anayste fa méme comoarée un cerveau, rappelant que Michel-Ange, pour comprendre la morphologie humaine, avat esseque des cadavres. Letncale de ve que Deu done a Adam serait alors cele de inteligence Shustpnat stow desea Leta ee, tera aeons Laser de oe LUNE DEFERLANTE DIMAGES TRES ORDONNEE La fresque ce a chapele Sbtne suit wn pan organisé selon une strict logique gsometique, Enchassdes dans un immense rectangle, au centre plafond, Se succédent neuf scénes de a Genase (en gras ¢-dessus) Aviourni es vsteurs les découvrent denver, en remontant le temps, de liresse de Now jusau la Séparation dela humiee et des tanebres. Cette colonne vertebrae est ong e doux bandes paralives, scandées par es vostans trangulares. Chacun ‘accuee des ancttres ou Christ et. entre, rénent des proohétes et des soles ‘monumentaux Enfin aux deux extrémits, on voit les prenbetes Zacharse et Jonas, {t,dans les angles, quatre moments miraculevx qui enti salt du pevele ju 1 Les couLeuRS SoNT PLUS VIVES DANS LES ‘ZONES EXCENTREES Larestauration doa resou, achowte en 1989, 0 parmis e redécouvrir un aspect de [a pelnture de Micno-ange ses couleurs Temies au fides ‘Séces par Ges retouches ta fumde des bougies. eles cont trou un éc.at quia chamboulé Iie de wpeintre sombres que on avait do Iu Lars, qui utisat des pigments pus, sist ie 3 es experiences audacieuses, J) jurtaposant des couleurs contrasts pour éveqver Fombre et a mire, et mieux {ao resort les masses (On observe par exemple ces ‘oppositions dans los sebnes ‘aux coins dela voste (ic, Sura robe blanche de Justh Fombre est vert au Feu de (F). La techniauererforce Feet de volume efit appari os gure avec force au spectateur au ‘pe Foublons pas, est stué 8 Vingt metres de cistance, 1B CENULASCF ‘ACHOQUE, MAIS NE FUT PAS CENSURE Le pape Adrien Vicompara ce plafond 8 une «stuf ignuals, un soain pubic pen dhommes nuts Dans son vieur:vingt éphibes assis aux coins (es scenes cenrales. Sages aU niveau de «Livresse 1 Noés, ol Michel-Ange ‘a commence sa fresaue, lg so déchainent ensuite déborcantjoyeusement e leur siege. Ces bres peints ressemblent aces scuptures Leu ole dans ia composition est de riser i regulate e Farchtecture painte t tabi un on avec le spectateur Leu présence Inconvenante a denne ou 8 aiverses lectures, Y comprs sous Fangie Ge Phomosenuaité de Micheange. Heureusement, sont échappé au sort des nus dea fescue voisine (Le Jugement derier) ont Fintimité até masause LES PREMIERS COUPS DE PINCEAU FUREN Le Déluges fut lp ART, PRECIEUX ALLIE DU POUVOIR Les artistes ne créaient pas pour le simple plaisir des yeux Dans une Italie minée par les intrigues et les rivalités, peintures, statues, palais, églises servaient aussi a la propagande et ala glorification d'ambitieux autocrates. par vouxer saux 1495, le marauis de Francois If Gonzague, commanda ‘son peintre de cour Andrea Man- tegna tne Vierge a TEnfant d'un genre particulier. Assise sous une pergola uxuriante la Madone était entouree d'une assern: blee belliqueuse: saint Georges avec sa lance brisée, saint Longin casque et armé, saint Michel tenant son epee, et le aoetaeaey ‘commanditaire Iui-méme, portant sa plus belle armure, 2 ‘veto coasoment es ‘genoux devant la Vierge et FEnfant Jesus. Pourquoi ces eee guerriers dans un si pieux portrait ? Cette ‘Vierge de la Bape be boca Fromcue. pos Victoire» devaitservir 'ex-voto pour remercier Dieu avoir MlensessPongosn _donnéa Francois Gotzague a victoite su le olde France orange cher ‘Charles Vin, 8 labataillede Fomoue (en ale dt Nord). La memencton ne Vietoire, cest un bien grand mot.. A Fornoue, le violent Eitenbuctoferite combat entrees troupes de a ligne de Venise, mendes iepisnomes ‘Gonzague, etceles deChares vi, quibattaienten retraite deemed depuis Naples donna plat ewe sorte de match nt Cites cetgerne «Alls, les deux camps purent se revendiquer vaingueurs iesonour ecco Lebut dutableaude Mantegna ctalt done de ixer dans w boaRT 6 Le contexte A Florence ARTISTE ET SON ‘see 1a mémoire collective Tidée d'un _MECENEETAIENTDES AMIS, onde leur tour des dynasties, scellées au triomphe, alors que ce n'en était pas vai [eahoasbeesh besoin par Tachat dun ttre ronflant. Les ment un, explique Florence Alazard, his so Pretomoss, GGonzague de Mantove, qui dominalent leur torienne auCentredetudessupéricuresde sla Nassarcede Venus», _yille depuis 1328, acquirent un siécle apres Ja Renaissance de Tuniversité de Tours. Et, cUAdoraton des Mogess.. Je titre de marquis, contre 12 000 florins, par la méme occasion, de permettre au ‘marquis de Mantoue, grosse bourgade de Ia plaine dP ce bomber le torse face a ses ‘Puissantsvoisins Milan et Venise. Voila com. ‘ment Tun des plus beaux tableaux de ce ‘grandartist italien du XV" siecle es, enflt, 1né rune mystification politique stolre de cette -Vierge» est embléma tique. La Renaissance Htalienne fut une revolution dans Fart, mais aussi dans la ‘maniete fen tirer profit. A la fonction reli sleuse des ceuvres, dominante au Moyen ‘Age, sen ajoutait désormas une autre, plus terrestre: servir les intéréts de nouveaux commandlitaires, des hommes de pouvoir et argent soucieux de diffuser Jeur propagande, de faire reluire leur blason et 'étendre Jeur influence. La Renaissance "Elle se décrypre aussi une ‘ate de Malle la main, pout faire rimer génie artistique ‘et geopolitique. Difficile de trouver, dans l'Europe du XV" siecle, temitoire plus morcelé quell Botte puzzle dune ‘quinzaine c'Etats aux stauts differents, imbriqués les uns dans les autres, Au sud, leroyaume de Naples, ott régnaient Jes Anjou, puis les rois Aragon. Au centre, Rome et les, tats pontificaux, placés sous Fautorité du pape. Au nord ‘enfin de la Toscane aux Alpes, une myriade de cites: Etats, densément peuplées et économiquement dynamiques, tirant profit une position chamtere entre le continent et Ja Méditerranée. Venise, Milan et Florence étaient les trois principales La premiere était independante. Les auttes,en ‘théori intégrées au Saint Empire romain germanique. mais, ‘dans les fits largement autonomes. Au dela des differences, dans ces vlles libres le pouvoir stait & force de crises et ‘instabilites, concentré dans les mains hommes forts Jescondoitieres ces chefs d'armée mercenaires qui fasten J guerre pourle compte autral, ou encore de iches mar- cchands, comme les Medicis & Florence. Ceux-ci avaient Les tableux ls plus clebres ‘e Sancro Botta furent commands par des membres 10 [afar Mocicis cu porlour curtizans. Ave leur beaut isalsée, eur ‘mélange do sacré ot do Profane, ces cores symbolent ge dor du méeénatHrentn, do 1470 | 80, sous erene de Lourent deMedies tle Mognifaue, ui considerate peinre comme un ami ste, verses a fempereur germanique. “Tout ce petit monde, gorge ambition, ne tenait guere en place. Depais Fepoque des guelfes et des gibelins factions rivales qui Saffrontalent dans Titalle des XII" et ‘iV slgcls) la stabiité tat il un vain mot. ‘Au nord, en particulier, ce rétait qu'un invraisemblable festival de luttes de ter toes et de batalles ego associations changeantes, de mariages arranges et de complots sanglants. Une cite avait trop ambition ? Les autres Salient contre elle Elle était op faible Une voisine plus puissante risquait de Favaler, tlle ise prise par Florence ‘en 1406. Ily avait certes des periodes de calme relatif, ‘comme apres la paix de Lod, signée en 1454 entre Venise ‘et Milan. Mais tout equilibrerestait precalre:¥ compris att sein des villes,ol es ones étalentejectables Les Medicis de Florence en surent quelque chose, Eux qui prtent le pouvoir a famille rale Albizt en 1434 fallrent le perdre ‘en 1478 ors de a conjuration des Pazzi, avant détre chas s€sseize ans plus tard parle moine Savonarole. et dereve- niren force au siecle apres. Dans cette forét de couteaux tirés, les armes et les manoeuvres diplomatiques ne sufisalent pas a garder ses positions Cette Malle modeme et urbaine, a Yelite riche et cultvee, ptr de nouvelles valeurs humanistes se conque- rait aussi par Fimage. Pour asseoir leur lgitimite es now- ‘veaux seigneurs devaient exhiber leur puissance, chez eux ‘comme hors de leurs frontieres tls devaient célebrer leur personne, leurs afeux et leur descendance, éaler leurs, ‘exploits et leurs vertus morales ~ réelles ou imaginalres Is ‘devaient auss! lier 3 jamais leur destin a celui de leu ville, cet leur gloire 8 celle de Dieu ~ en se faisant peindre par exemple, tel le marquis de Mantoue, en pleine «conversation, sacrées avec la Vierge Lat permettait cela. Lilée lest pas UN GENIE A TOUT FAIRE ge avec ce remuant et ambitieux -quattro: ccentos le Xv*siele).-Le mécénat artistique ait dja une pratique répandue en Tale a Jafin du Moyen Age rappelle Thierry Crepin- Leblond, directeur du musee national de la Renaissance & Ecouen. Giotto di Bondone, Jemaltrede la pré- Renaissance, décora des chapelles pour des bangulers & Padoue et ‘a Florence, et travalla a Naples pour le roi Robert Anjou. Mais au XV" siele la chose pritun tourplussystématiqueet personnalise Florence, ville marchande et lettée of, Je mecénat etait deja bien implamte. une famille de bangulers les Medici en fit un allie indispensable de Faction politique. Cosme, le patrarche, son fils Piere, dit le Goutteux, et son petit-fs Laurent le Magni- fique se servitent de art pour ¢imposer, <@autant plus quis étaient des «princes sans courenne= ils régnalent sans titre officiel, sous couvert institutions republicaines. Pour Cosme, la fortune ql onsacrat aux arts devait étre immense, Fimage de son emprise sur la cite. Tout etait bon pour faire briller Florence, et a travers elle le nom des Medicis: construction et renovation céd- fices cvils et religieux (le palais familial, Ie couvent San Marco.) entretien dune écurle dartstes parm lesquels le sculpteur Donatello et Farchitecte Brunelleschi, mais aussi mise en scene du clan dans des aeuvres, dont cette fastuetse fresque ci ~Cortege des Mages», peinte vers 1460 par Benoz2o Gozzoll au palais Medicis. Aux cOtés de Cosme et de Pierre sur leurs chevaux, on y voit Laurent, alors a peineadolescent, ainsi que autres Medicis des dignitaires proches de la famille et des hotes illustres du puissant Dbanguier. En une peinture, le pattiarche célébrat son impor: tance publique, flattait ses soutiens et annongait Favene _ment de sa dynastie latte dela vile ‘Les Medicis furent donc les premiers faire du mécenat ‘un outil indispensable de leur politique. Mais ils étaient loin détre les seuls a entretenit ces liens troubles entre fastes de Fartetsoif de domination. Les doges et es contre res de Venise, les ols de Naples surent mobilise leur POUR LEGITINER UN NOUVEAU VENU ‘Alain du x" sce, Ludove ‘Sforza dt le More ul ava. prise powoira Mian par une uceesson do hasaras et demandeuvres, deve asec ‘sa leatimte iui fale pour ‘cela ua homme-orcheste, au trou ena personne ds loentn Leonard de vnc Tarchtoetre, rbansme, ‘xganisation de fetes, ‘machines rltaires,pertats (e cour. Pena inst ans sonar mit zon corey se celamboyant méctne profitletalent des artistes Les dues dean uss, notamment les Sforza, qu ¥en ser virent pour se forger une légitimite Simples chefs de guerre, ils arrivaient au pouvoir apres les Viscontl, une famille noble qu avait régné 170 ans suraville Les nouveaux venus prolongerent ainsi des chantiers amorcés par le clan précédent, comme la cathesrale de Milan et la chartreuse de Pave. Danscette deriere, une fresque du peintre BBergognone montre méme le patriarche Gian Galeazzo Visconti et des Sforza offrant Ja chartreuse la Vierge dans un étan com: mun completement artificiel : Fannée de Jamort de Gian Galeazz0 (1402), le premier des Sforza qui devrait régner plus tard sur Milan ravait alors que lan Les seigneurs des petites villes nétalent pas en reste. Le plus frenétique etait sans doute Frederic Il de Montefeltra, ducde la modeste Urbina «De tous les mécenes ilsien est Je mieux sort, 11 etait bien conselle eta fait des choix Judicieux en tout, dans la peinture architecture, la céra _miques, Juge Thierry Crepin-Leblond, du musee dEcouen, Ce condoitiere feroce, defiguré suite a un tournol, saffi- ‘chait a Ia ville comme un homme d'une grande culture, sage et vertueux. Amateur de livres ala téte une immense bibliotheque: i se ft batirun pals grandiose et posa pour des dizaines de portraits, dont le plus célebre est celui de Piero della Francesca, son artiste ftiche. Au recta le seigneur ‘etsa femme la Milanaise Batista Sforza, Au verso les deux. ‘epoux entrant dans Urbino bord de chars, accompagnes par diversesallégories dela Victoire, dela Pureté. de la Fo ‘Une image idéalisce pour cet homme qui etait a caricature ‘du prince de la Renaissance, expert en renversements alliances, complots et combines matrimonials ! Mais. ‘pour Iai, comme pour les autres selgneurs de second rang ‘(es Gonzague qui dirigeaient Mantoue, les Este Ferrare.), Investir dans Fart était crucial. Question de prestige. «Les sommes quils allouatent aux ceuvres étaient demesurées par rapport leur poids éopoltique, qulse imitalt souvent ‘Ades eux tactiques ou leurs talents militares, constate GEO ART 6 Le contexte A Urbino LUN GRAND PEINTRE POUR MAGNIFIER LA GLOIRE DUN PETIT DUC. Florence Alazard. Les dépenses artis: tiques 1’ étaient pas somptuaires 2 leurs ‘yeux Elles étalent prioritaies Leur mécé nat Saffichait ferement, avec parfois un sens afte dela communication. «A Ferrare, Alphonse d'Rste entretenait un groupe de ‘chanteuses tres douses,raconte encore ris torienne. Iles entourait de secret et ne les présentait gu’a des invites prestigieux, des princes ou des ambassadeurs Malsivellat aust en parler partout I fallatt ue cela sesache « Dans presque toute Italie, donc, Jes ceuvres dart étaient devenues des ins truments de puissance, au méme ttre que Jes succursales bancaites les canons ot les diplomates. Certaines étaient conues pour {mpressionner, intimider méme. Tronant sur la place principale de Florence, la Judith sculptée par Donatello et le «Davide, de Michel ‘Ange, etaient ceres des pieces magnifiques, mals également ‘des avertissements aux ennemis dea cite toscane La plus petite des grandes villes de la peninsule saurait toujours vainecre parle courage et la ruse, tlle la jeune Judith déca pitant le sanguinaire general Holopherne apres favor ent ‘re, ou le fréle berger David abattant le géant Goliath. Et Jorsqu Milan, le duc Ludovic Sforza commanda a Leonard de Vinei une statue équestre cle son pére Francesca ilétait ‘entendu quelle devaitdepasseren taille celles de chefs de _guerterivaux (ell resta cependant a Tétat de projet ‘Outre ces fanfaronnades de bonne guerre, Tart servalt aussi marquer un terrtore. Lorsque Venise la maritime ‘decida,a partirduxV« slece. des etendre surla terre ferme, CestA-dire le nord de Talie, les artistes furent dela partie Larchitecte venitien Pietro Lombardo fut appelé a Trevise, Padoue ou encore Ravenne, it ilexécuta pourla piazza del Popolo deux colonnes fort semblables a celles dela place Salnt-Marc. «Au XVF siécle, Farchitecte Sansoving, conn pour es travaux a Venise,intervint lui aussi dans des villes ‘ducontinent,ajoute Florence Alazard, Venise devait let timer sa domination sur ces nouvelles 2ones. Cela passait parla construction de batiments symbolisant leur ratta- our fae exstor ia pote cto Urbina sua carte de tle Te du Feri de Monteftro Fésigea en centre ‘ntllectuel et aristiqe, Ccocnet de guerre feroce tut uss un mectne act, atrant lee talents, interessant ‘vers domaines lies, topisere, orcntectu. Sonate fticne ett an pint toscan rant prise ‘es cours talonne, Pro della Francesca Prowe e ce en privée, le eitre dei Son premer tits {e perspective son mécene chement a sire vénitienne.- Dans un genre plus brutal, lorsqu'il prt Bologne en 1506, Je pape Jules i (Giulio, en italien) fit rea liser une statue en bronze a son elfgie par Michel-Ange. Pus il la fit troner face a la basilique de la ville conguise Maisla statue fut renversée peu apres. Le due de Ferrare, ennemi du Saint Pere, en racheta les mor ‘eax, garda la téte comme trophée et ft onde le corps en un canon qui baptisa par deriston-la Giulia ‘A contrario, quand les relations étaient apaisées, les euvres offertes en présents, aldaient mettre de Fhuile dans les rouages politiques. Les Medicis, fins diplomates, savalent se montrer génereux. Dans la fou- Je dela palx de Lodi en 1454, qui marqua Je debut dune accalmie globale, Jean, fils ‘de Cosme de Médicis, demanda au moine peintre Filippo Lippiun tiptyque pour le pieux oi de Naples Alphonse V «Aragon, une «Adoration» représentant Enfant Jésus ‘entoure de saint Michel et saint Antoine Fable, les saints patrons du monarque. Les artistes eux-mémes powvaient servir de cadeaux. En 1479, le Venitien Gentile Bellini partit 8 Constantinople sur ordre des autorites dela Séré- nissime pour peindte le sultan Mehmet Il, comme gage de détente entre les deux métropoles. Lidée de ces gestes ‘etait pas seulement de fatter le destinataire on prouvalt, ‘au passage, la superiorité artistique de sa ville. Ce cimat «emulation etait 'autant plus intense qu'aucun empereur ‘ou monarque absolu rfimposait son godt a tous. Les :meécones s'observaient, se copiatent, guettalent Ia nou- veauté. Lorsque Ludovic Sforza voulut commander un retable pourla chartreuse de Pavie,ilenvoya un émissaire {Florence pour repérer le meilleur peintre du moment. A Rome, perche sur son échafaudage de a chapelle Sixtine, Michel-Ange recut la visite du due de Ferrare, qu profitalt, «un passage dans la cité papale pour admirer cette mer veille en gestation dont tout le monde parlait. «Quant & Isabelle Este, pouse du marquis de Mantoue, sa corres- pondance montre qu‘elle envoyait de nombreuses lettres LUN SURDOUE, PARM! ‘TANT DALTRES, DANS sitec us aia Specie! N son impulsion que Rome fut propulsée au ‘a courant des innovations» raconte Thierry UEC DU PARE xvirsidele capitale de la «haute Renais Grepin-Leblond, dumusée d'Ecouen, Lita. _Lepapeuesiivoulit—_sances, Avec les papes, Fart etat-llreventt Iiedu-quattrocentos éaitainsi un mercato de peintres, de sculpteurs et architectes, ui passaient dune région a Tautre au gré de leurs missions. Parm! les grands voya ours: Donatello le tes demand¢ Pérugin ‘ou encore Piero della Francesca, qui tra lla & Florence, Ferrare, Ancéne, Rimini, Arezza Rome, Perouse..Lesrichesmeécenes Jouatent un role clé dans cette circulation. Is pouvalent appeler un artiste, comme Louisit Gonzague, pressant Mantegna pen- dant trols ans de rejoindre Mantoue. Le recommander a leurs voisins: Laurent de Medicis état un promoteur assidu de ses poulains (Verrocchio, Ghirlandaia, Botti cell... Ou Fentralner dans leurs deboires tel Ludovic Sforza, dont la chute obligea Bramante et Léonard de Vinci ‘a quitter Milan. Ce mouvement incessant partiipait la sloire des villes «exportatrices» dartistes, commencer par Florence, vivier incontournable pour qui voulait etre ala pointe du style au XV" siécle Il créa ausst un brassage cesentiel ala diffusion des ides de la Renaissance. ‘Les mécenes les plus gourmands en artistes «de Texte eur furent les papes de Rome. Apres la fn de la papaute «Avignon et du Grand Schisme (de 1378 41417), lacité du ‘Tbre etait redevenue la capitale de TEglise catholique Mais, elle était pauvre, en uine et sa sceneartistique insignifiante Les papes durent done recruter hors de leurs murs pour restaurerson éclat et ne pas reser en marge du renouveau artistique qui animait la peninsule. Des le XV" siecle, Nico lasv Gttravailler Albert, eminent théoricien de Tarchitee ture Renaissance. Sixte IV convia des peintres comme Botticelli, Ghirlandaio et le Perugin pour décorer les murs de sa chapelle Stine. Mais est surtout fles i, eu en 1503, {qui bailiaen engageant Michel-Ange, Raphaél et Bramante pour des projets grandioses, comme la vodte dela Sixtine, Ja décoration du Vatican la basiique Saint-Pierre-de-Rome, sans oublier importants travaux durbanisme est sous restore la granceur cde Rome Un sel art powvatsutfro ion fala une profusen de tyes ves embaucna cone Michekange Brarante ct Raphael Sani, une june ‘ole montante. Ente 508 ‘S24, ce deri, suit ss loves, décorrent Ge tresqves une partie es appartments portifcaux ‘vatican Les sChambees ‘de Raphatereegnvent rapidement fe panthéon des ceuves de la Renassance. {des préoccupations plus spirituelles ? Nexagérons rien. Jules Il etait certes un eur éclairé Masi faisait également le ‘mécene comme il menalt ses conquétes territoriales, pour défendtre le prestige de son Etat et de son propre nom. Le trone de saint Pierre était devenu le leu de pouvoir convoite par toutes les srandes families Kali : les Borgia, les Medics, les Farnese ou encore les Della Rovere, dont était isu le pape Jules IL. Le chene, Fembleme des Della Rovere. gure ailleurs en bonne place sur la voste de la chapelle Sistine de méme quill surmonte le faramineux tombeau commande par le pape a Michel-Ange afin d'assurer sa posterite. Méme inachevé, celui-ci reste Tun des plus imposants de la Renaissance. Cette boulimie de commandes avait aussi pour but de défendre "glise. «La papauté commencait & ‘etre remise en cause pat la Reforme, pointe Florence Alazard. Cet age or dua jusqu/au sac de la ville en 1527, par les troupes de Charles Quint.» Lempereur du Saint Empire somain germanique, en guerre avec ses pulssants voisins (dont Francois *) pour la suprématie en Europe, importait alors une nouvelle fois leconflit en Italie. Ger: _maniques, Francais et Espagnols se mélerent au jeu pol: tique dela peninsule jusqu'a le dominer, mals découvtitent ‘egalement les splendeurs de ses villes et le talent de ses. anistes, ont es carrgres devinrent alors «internationales» Frangois 1" installa Léonard de Vinci au Clos-Lce, pres <@Amboise, en 1516, et transporta a Fontainebleau tableaux cet artistes itaiens. Charles Quint fit faire son portrait par Je Venitien Titien, qui sut comme personne embellix par Je pinceau le disgracieux empereur des Habsbourg. Lart et le pouvoir, ces deux poles a priori opposes, avaient scellé dans Italie renaissante une union @interéts bien ‘compris. Les autres pays d Europe sen Inspirerent. Uart ‘en uta jamais bouleverse. . GEO ART 68 CC LES TRESORS INSOUPCONNES DU LOUVRE: eae Uo CM aa ca Le musée réunit 'une des plus riches collections d'art graphique du monde, Cone Ree eo etc recog fee te i eee ties uae ae A PVcae cares sake Re Rue tatu Re Re ur econ aU) aA eee eel ue mae sean Pe eee a et eee ea ol Oe eee CU ne Melo: (RU ee ee et sculpteurs des XV" et XVI' siécles. Ces dessins sortent parfois des réserves CT Ricci sae e kate tn te Sao C Se mel Ue oc Coll eis Cd LCD DE eae een Mee ood eae Reece eae Cee MMe eRe CMe Me ke Reem Oe A) Cee Mee ue cuore Pe eed pore een remy errerentne Peni Leremey canons est un pore un ey repcereti ea trons een ersten nnd eer erent terre eed erty Taint. Fermaté cots ‘Sate Catherine Pee ee Perea CC Crt eee er Pres eras perenne pene ate peer rt perenne tery Deer cirer rtey poo eet aera irae opm perro res nr pace eared Leeann Les dessins Ree tC) ene ed Pee rarer ae eat Panera eee eter eared Por ero era ee een ny Perera eerie career rast eee eer rte een Ter narra Sete ae ‘cris pour (jeunes apprentis) Sagitent: Tun mélange du rouge cinabre avec du blanc de Florence, Yautre brote du lapis lazuli dans un ‘mortier de bronze, un toistéme fait chaulfer Ia cole tandis ‘que son voisin, ls dents serrées,tente 'achever le pinceau de pols de queue écureuil que le maestro soubaite util ser aujourd ul. Comment diableTemmancher dans cebois de chatalgnler ? Ouest le tamis ? Ou esta cre ? Quia pris Thuile de lin ? Le brouhaha est permanent. Ce fest quvun ‘matin banal dans Fatelier le plus important de Florence. ‘Aucun des apprentis, parm lesquels on compte un nouveats ‘venu, un dénommeé Leonardo fraichement debarqué de sa ‘campagne de Vine, rrest pret arisquer sa place pour une che mal effectuée. On grignote un pain chaud, une pagnottae, on siffle un verre de vernaccia le vin nouveaa. ‘Arriva il maestro, arriva il maestro l= Lavertissement fuse, ‘on Kiche le pain ete vin, Verrocehio entre. UN MEDAILLEUR SIENNOIS EST APPELE A TRAVAILLER SUR LES MURAILLES DE NAPLES. La réallté ne devaitpas etre tres éloignce de cette desciip ‘ton pittoresque. A Florence, at milieu da XV* steele, les ateliers des artistes en vue étaient des PME qui ne connais- saient pas la crise. Le patron etait un homme 2 tout faite, {qui coordonnait Factivité de son équipe sur plusieurs chan- ‘ers simultanes:fresques et tableaux d'aute, sculptureset bas-rellefs en bronze, mals aus coffres de mariage ou simples étendards -La structure des "bottegh¢’, lesatelies, ‘tat pyramidale_explique Claudio Giotgione,conservateut au Museo Vinci a Milan et commissaire de Texposition "Léonard, dessins projets et machines”. ala Cité des sciences ‘deParis Lemareetaitentoure de ses assistants de confiance puis, au niveau inférieur, des “garzont”. Dans cette espace ‘de grande famille, ceux-ct apprenaient sur le tas et étaient progressivement autorises, en fonction de leur talent, 3 Ccontribuer une peinture oa une sculpture, en dessinant tun habit ou en peaufinant un relief» Cest dans cette 92 GroART ambiance que Vinctcroise Botticelli, Ghirlandaio Lorenzo vou drait a present détacher des morceaux de la fresque de ‘Vasa pour nfitrer autres sondes, projet qui ne manquera pas de déclencher de nowvelles polemiques. . CACH. cs vestiges architecturaux, un ciel orageux, une ville dans le lointain, tune femme dénudée qui allaite tun bebe et un jeune homme aff Dlé d'un long baton. Voici en subs tance le décor et les protagonistes de «La Tempetes. Et aus les com. posantes du mystore Giorgione. Car, pendant des stocles, ‘cette eave du peintre vnitien a intrigue, passionné et mis ‘entranse les istoriens art. Des lots encre etdesdizaines, ‘interpretations concurrentes ont en effet submerge le petit tableau exposé au musee de FAccademia de Venise, sans venir a bout de son sujet, Tun des plus énigmatiques, de la Renaissance tallenne. ‘Les iconologues, ces chercheurs experts dans Fetude des mages, ont pourtant déployé des trésors rastucesete'ér- dition devant tant heemetisme lisont ‘suggére qu'il pouvat gir dela famille deTartiste dela nassance de Dionysos, ‘de Moiseretrouve voire non sansextra vagance, de sa fabuleuse copulation du Ciel et de Ia Terres. Mais Faeuvre semblait déjouer toutes les tentatives analyse Corainsallerentjusqu'a sup- poser quielle etait Indéchiffrable, pour Ja bonne raison quill ny avait rien & decrypter. £1978, Salvatore Settis un Jeune professeur darchéologie (qui fait aujourdhul autoité dans le monde de histoire de fart italien), tenta a son tour de percerle secret. Presentée dans un livre (:Inven- tion un tableau, éd. de Minuit), sa version du mystére lavingt neuvigme avoir été proposée, est Tune des plus approfondies et argumentées, Et mmeritea cetitre qu’ons'yatarde. Pour retrouver le sens de Toeuvre, le scien tifique en a recherche d'autres pré- sentant un schema trés proche. Un L'ENQUE! ‘Une madtton sa «LA TEMPETE» DE GIORGIONE AU POINT ‘Mos retrouve? Joseph et Mare? ‘bas-relief réalisé pour une église de Bergame, peu avant a naissance ce Giorgione (en 1477), retnt son attention, Sa structure état absolument semblable & Ia tole de Venise ‘Orce panneau sculpr¢ raconte les deboires Adam et Eve tout juste chassés du Paradis Sura gauche, Adam, howe ‘enmain, sappréte agagnerle pain aa sueur deson front “Tandis qu Eve, qul tient dans sesbras le petit Calm, a -enfanté dans la douleur-.La scenecondense, a fols a malédiction divine - Dieu, au centre, admoneste le couple pécheur — et Texpaision du Paradis. Deslors Tenigme Giorgione semblait ‘étrerésolue. Car, danse tableau, tout correspond la sculp ‘ture. A quelques details pres : Diewnnotamment est remplacé par la foudre (qui est une image de sa toute-puissance) “Meditation sllencieuse sur es paroles divines et sur le destin d'Adam et Eve, sur notre destin, selon les termes, de Sets, le sujet de «La Tempétes semblait enfin dune cat limpide. Mais cette solution, si sedulsante soit-elle n'a pas mis un terme aux exégises Tous escingans, ‘oupresque, un connaisseur en propose ‘une nowvelle, montrant qu‘en histoire de Tart la recherche est un perpetuel recommencement. Ces dernieres années, on a ainsi suggéré quil pour ralt sagirde Marset Venus duneallé porie dela Pauvreté et dela Richesse, ‘ou dune famille de Tziganes. Avec, & chaque fois, la conviction avoir retrouve la clef de lecture égarée Pour Enrico Maria dal Pozzola spécialiste de Giorgione, cette obsession séculaire des historiens dart pour -La Tempéte> est ordre psychologique. Comme {Uteerit dane sa récente monographie (, Michel-Ange alla & la =pescherla» étudier les poissons T'imbrication de leurs par Raphael et La Cte dear, manifest de Fuybanisme renalssant dont la paternite ‘est pa eae Mais, Timtervention Is pus insolte est celle de Boticel Dulsqlla desing les “elicleases manqueteres ‘entompe Feld studiola ‘abinet particulier due Royaume- Uni LONDRES votre. Preuve deFinteet secaaie des imellectuels anglais pout la Renassance tallenne fete collection ext, ‘comparable en alle et ‘en qualité celles des Otces ‘utd Louvre Nee une exllection privée rachetgo part au debut du ax see, Cest surtout SousFimpulsion de st ‘Chaves Hastlske dieeteur ‘a musteapartr de 185s, ‘quele depantement de Fait ‘dela Renatsance vest grand loceupe aujound hat tne vingtaine de slles dont lavisiteestrendueagréable par de haus plafonds un parquet impeccabie et une Iamire entthate sa Vierge sit rocher de Leona. ‘version jumelle de elle dtu Louvre partage cette “demeste hemseune sve ‘Nem Mare alongs ‘oticel, Venus et ‘Cupidons ax contorstons hxurteases(Bronzino) e

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