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Optimisation multi-objectif du paramétrage de régulateurs du climat

intérieur

Florent BOITHIAS
Université de Lyon – Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat (ENTPE)/DGCB
rue Maurice Audin
69518 Vaulx-en-Velin Cedex
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Mohamed EL MANKIBI
Université de Lyon – Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat (ENTPE)/DGCB
rue Maurice Audin
69518 Vaulx-en-Velin Cedex
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Pierre MICHEL
Université de Lyon – Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat (ENTPE)/DGCB
rue Maurice Audin
69518 Vaulx-en-Velin Cedex
Téléphone: 04 72 04 70 32
Fax: 04 72 04 70 41
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Mots clés : thermique, énergétique, bâtiment, optimisation, multi-objectif, algorithmes


génétiques, contrôle, paramétrage, systèmes thermiques

Nombre de mots : 4 863


1. Introduction
Au cours de la dernière décennie, on a pu observer un besoin croissant d’amélioration du
confort intérieur parallèlement à une diminution de la consommation énergétique. Le confort
est une notion d’autant plus importante que l’homme passe aujourd’hui en moyenne 80 % de
son temps à l’intérieur de bâtiments [1], que ce soit pour son logement, son éducation, son
travail, l’achat de biens de consommation ou encore ses loisirs. De plus, d’après Bergland [2],
une mauvaise ambiance intérieure peut avoir une influence néfaste sur la productivité et la
santé des occupants, ce qui n’est pas sans importance pour la gestion des ambiance intérieures
dans les locaux de travail.
Des études ont montré qu’une réduction de la consommation énergétique pouvait être
atteinte tout en garantissant un haut niveau de confort thermique par l’amélioration de la
manière dont les équipements de chauffage sont régulés [3, 4], sans nécessairement modifier
ou redimensionner les appareils eux-mêmes. Ce résultat est notamment intéressant pour la
rénovation de bâtiments anciens. Des recherches ont jusqu’à présent porté sur l’amélioration
du contrôle des systèmes, mais en utilisant une modélisation physique lourde et en testant les
stratégies de contrôle sur les modèles. Cette démarche est coûteuse en temps et
financièrement. Pour faciliter l’optimisation du contrôle dans des bâtiments de tous types, il
est nécessaire de s’affranchir de cette phase de modélisation.
L’optimisation en temps réel du contrôle est une solution à ce problème. De récentes
études ont montré l’intérêt d’approches dites « en ligne » (« on-line » en anglais) [5]. Des
techniques de contrôle prédictif sont également une forme de méthodes en ligne basées sur
une modélisation simpliste du bâtiment et une optimisation du contrôle à pas de temps
réguliers [6]. L’inconvénient de ces techniques est le fait qu’une phase de calibration « hors
ligne » (« off-line ») du modèle de bâtiment est nécessaire, avant la mise en service du
processus d’optimisation dans le bâtiment.
Une optimisation peut être menée en utilisant différentes méthodes : on distingue les
méthodes énumératives, déterministes et stochastiques [7]. Pour les deux premières
catégories, les fonctions-objectifs (fonctions à minimiser au cours de l’optimisation) doivent
être explicitement connues, continues et dérivables. Les Algorithmes Génétiques (AG) sont
quant à eux des méthodes stochastiques, c’est-à-dire qu’ils ne permettent pas d’atteindre à
coup sûr l’optimum recherché, mais permettent de s’en approcher avec un temps de calcul
raisonnable en utilisant une part de hasard. Les AG sont déjà utilisés pour optimiser le
fonctionnement de systèmes thermiques [8], le dimensionnement de bâtiments [9] et le
contrôle des systèmes [10]. Le problème d’optimisation en ligne du contrôle des systèmes
thermiques auquel se consacre cette étude requiert une méthode d’optimisation stochastique
robuste, telle que les AG, car les fonctions-objectifs ne sont pas connues de manière explicite.
L’objectif de l’étude est de développer une méthode d’optimisation en ligne du
paramétrage de contrôleurs simples et avancés des systèmes thermiques, en évitant toute
modélisation physique lourde. Un compromis doit être trouvé entre les objectifs divergents
que sont le confort intérieur et la consommation énergétique.
Cet article présente d’abord la méthode développée. Il décrit ensuite la manière dont celle-
ci a été mise en œuvre et évaluée. Enfin, il présente les résultats de l’évaluation, ainsi que les
perspectives qu’ils ouvrent.
2. Présentation de la méthode d’optimisation développée
2.1.Description générale de la méthode d’optimisation en ligne
La méthode d’optimisation présentée dans ce chapitre est basée sur l’utilisation des AG. Ces
algorithmes sont capables de réaliser une optimisation multi-objectifs d’un problème donné.
Les solutions possibles au problème d’optimisation sont appelées « individus », en référence à
la théorie évolutionniste de Darwin de laquelle les AG s’inspirent. Une population de N
individus s’adapte à son environnement, génération après génération, en sélectionnant ses
meilleurs individus et en les faisant se reproduire. Un phénomène de mutation de certains
individus est également possible.
Pour cela, chaque individu doit recevoir une note correspondant à chaque objectif de
l’optimisation. Ces notes sont attribuées par les fonctions-objectifs. Dans cette étude, les
individus représentent des paramétrages possibles des contrôleurs de systèmes thermiques, et
les fonctions-objectifs à minimiser sont la consommation énergétique du système de
chauffage et le niveau d’inconfort à l’intérieur du bâtiment. Le temps est décomposé en
périodes et l’optimisation du paramétrage du contrôleur s’effectue au début de chaque période
de temps, de durée fixe. Des durées de 2 et 6 heures ont été testées dans cette étude. Seuls des
bâtiments monozones, c’est-à-dire comportant une unique pièce, ont été considérés.

2.2.Description détaillée de la méthode d’optimisation en ligne


2.2.1. Présentation de l’algorithme d’optimisation NSGA-II
L’algorithme NSGA (« Non-Dominated Sorting in
Genetic Algorithms ») a été développé par
Srinivas et Deb [11] en 1994. C’est un AG basé
sur le principe de non domination. Une nouvelle
version de cet algorithme a été publiée en 2002
[12], afin d’améliorer sa performance dans le
classement des individus. Elle a été appelée
NSGA-II. Son principe est décrit par la Figure 1.
Une population initiale de N individus est tirée
au hasard. Chaque individu est constitué de P
paramètres choisis aléatoirement dans des
intervalles spécifiques qui forment l’univers de
décision. L’univers choisi pour cette étude est
repris dans le Tableau 1. Les individus sont
ensuite classés selon le principe de non
domination et selon leur degré d’éloignement par
rapport aux autres solutions. On dit qu’un individu
domine un autre si la valeur de chacune de ses
fonctions-objectifs est au moins égale à celle de
Figure 1: Processus d’optimisation par l’autre et qu’au moins une d’entre elles est
l’algorithme NSGA-II meilleure. Le classement par non-domination
revient à attribuer à chaque individu un rang, et les
individus du même rang forment un front. Le front des individus de rang 1 est appelé le front
de Pareto. Il contient l’ensemble des individus non dominés. Le front des individus de rang 2
contient les individus dominés uniquement par des individus de rang 1 et ainsi de suite pour
les autres rangs. Le degré d’éloignement (« crowding distance ») par rapport aux autres
solutions est la distance euclidienne calculée entre les individus d’un même front dans
l’espace à deux dimensions correspondant aux deux fonctions-objectifs (voir Figure 2). Plus
le degré d’éloignement est élevé, plus la population est diversifiée. Une fois le classement
réalisé, les meilleurs individus sont sélectionnés par tournoi binaire. Entre deux individus
choisis au hasard, le vainqueur est celui qui a le rang le plus faible, ou le degré d’éloignement
le plus élevé si les rangs sont égaux. Ceci permet de conserver une population diversifiée
même après plusieurs générations, évitant ainsi le risque de convergence vers des optimums
locaux.
La reproduction entre individus Fonction-objectif 1
sélectionnés est basée sur l’opérateur de Degré d’éloignement
faible Degré d’éloignement
Croisement Binaire Simulé (« Simulated
élevé
Binary Crossover ») [13] et sur une
mutation polynomiale. Ces deux
opérateurs sont utilisés selon une Rang 2
Front de Pareto
certaine probabilité. Le croisement Fonction-objectif 2
génère deux individus « enfants » à
partir de deux « parents » selon les Figure 2: Schéma explicatif des différentes notions
utilisées pour analyser le résultat d'une optimisation
équations 1 et 2. βk est donné par les multi-objectif. Les carrés orange représentent les
équations 3 ou 4 selon que le nombre solutions d'un problème d'optimisation.
aléatoire uk (0 ≤ uk ≤ 1) est
respectivement inférieur ou supérieur à 0,5. k est l’indice du paramètre considéré (1 ≤ k ≤ P).
ηc est l’indice de distribution pour le croisement. Il détermine à quel point les enfants seront
différents de leurs parents.

,
1  β ,  1  β 
,  Eq. 1


, 1  β ,  1  β 
,  Eq. 2


β 2   η 
, si uk ≤ 0.5 Eq. 3

β  , si uk > 0.5 Eq. 4

  η
La mutation génère un enfant à partir d’un parent selon l’équation 5. δk est donné par les
équations 6 ou 7 selon que le nombre aléatoire rk (0 ≤ rk ≤ 1) est respectivement inférieur ou
supérieur à 0,5. ηm est l’indice de distribution pour la mutation. Les termes parentksup et
parentkinf sont respectivement les limites supérieures et inférieures des intervalles de variation
associés au paramètre d’indice k.
#$%
   !"   δ Eq. 5

δ 2  η&  1 , si rk < 0.5 Eq. 6

δ 1  2 1    , si rk ≥ 0.5
η& 
Eq. 7
La population enfant est ajoutée à la population parent et l’ensemble des individus est
classé selon les principes de non domination et d’éloignement. La génération suivante est
créée en sélectionnant les N meilleurs individus de cette population. Le même processus est
répété pour engendrer les générations suivantes.
Une modification a été apportée à l’algorithme NSGA-II pour cette étude : le choix
aléatoire d’individus dans l’univers de décision n’est plus seulement restreint par des
intervalles de variation, mais également par des pas de variation spécifiques pour chaque
paramètre (voir Tableau 1). Chaque paramètre choisi aléatoirement est arrondi au plus proche
multiple du pas correspondant. Les nouveaux paramètres obtenus après croisement ou
mutation sont également arrondis de la même manière. Cette modification a été faite pour
mieux contrôler la vitesse de convergence en réduisant le nombre de valeurs possibles sans
modifier les intervalles de variation.
2.2.2. Choix de techniques de contrôle génériques
Comme nous l’avons vu précédemment, l’objectif de l’étude est d’optimiser le paramétrage
de contrôleurs sans recourir à une modélisation physique lourde et sans phase de calibration
propre à chaque bâtiment. Il faut donc que les contrôleurs choisis soient applicables à une
large typologie de bâtiments, sinon à tous les types de bâtiments. Nous appelons ces
contrôleurs des contrôleurs génériques.
Les contrôleurs Tout-Ou-Rien (TOR) sont le moyen le plus simple de contrôler des
systèmes. Ils ne permettent que deux modes de fonctionnement : allumé ou éteint. Cela
correspond à 0 ou 100 % de la puissance nominale d’un appareil de chauffage. Ces
contrôleurs sont applicables à tout type de système mais ne sont pas réputés très performants
en termes de précision [14]. Les contrôleurs Proportionnel-Intégral-Dévirée (PID) sont quant
à eux applicables à tout système à condition qu’il soit du premier ordre. Un bâtiment est
assimilable à un système du premier ordre en première approximation [15]. Les contrôleurs
flous [16] sont connus pour être une technique de contrôle avancée et précise [14]. D’après le
rapport de Master de William Lebret [17], qui a effectué un stage au sein du Département
Génie Civil et Bâtiment de l’ENTPE en 2010, ils sont applicables à un large panel de
bâtiments.
Ces trois techniques de contrôle sont considérées comme génériques dans cette étude.
L’univers de décision pour chacune d’entre elles a été défini après avoir effectué une première
optimisation sur un univers de décision très large et des pas de variation très faibles.
L’observation des fronts de Pareto obtenus après 200 générations a permis de réduire les
intervalles de variation et de choisir les pas. Ceux-ci sont reportés dans le Tableau 1. La
stabilité des équipements de chauffage, qui n’est pas une fonction-objectif dans cette étude, a
été prise en compte en empêchant la bande morte du contrôleur TOR de prendre des valeurs
inférieures à 0,5 °C.
Le contrôleur flou comporte deux entrées et une sortie. Les entrées sont la différence entre
la température intérieure et la consigne et la dérivée de la température intérieure. Le paramètre
θ est le gain en entrée de la dérivée de la température. Le gain de la première entrée est pris
égal à 1. Le paramètre K est le gain en sortie du contrôleur. Ces deux paramètres permettent
d’adapter le contrôleur à des bâtiments d’inerties, de volumes et de puissances nominales de
chauffage très différents.

Tableau 1: Univers de décision pour l’optimisation du paramétrage des contrôleurs TOR, PID et flou
Contrôleur Paramètre Unité Intervalle de variation Pas de variation
TOR Bande morte °C [0.5 ; 3] 0.1
PID Kp % / °C [1 ; 10] 0.1
Ti min [0.1 ; 20] 0.1
Td min [0 ; 5] 0.1
Flou K % [0.1 ; 3] 0.1
θ min [0.5 ; 200] 0.5

2.3.Mise en œuvre et évaluation de la méthode d’optimisation en ligne


2.3.1. Paramétrage de l’algorithme NSGA-II
La méthode d’optimisation en ligne a été appliquée aux trois contrôleurs décrits
précédemment. Elle a été comparée pour chacun d’entre eux à une optimisation hors-ligne,
dont le principe est décrit dans le chapitre suivant. Pour cela, il a fallu fixer les valeurs des
différents paramètres mis en jeu par l’algorithme NSGA-II au cours d’une étude de
sensibilité. Cette étude consiste à tester différentes valeurs des paramètres de l'AG et à
observer le déroulement de l’optimisation. Les valeurs retenues sont celles qui assurent la
convergence de l’algorithme en un minimum de temps. La convergence est supposée atteinte
lorsque le front de Pareto n’est plus significativement modifié d’une génération à l’autre.
Certains des paramètres n’ont pas fait l’objet d’une étude de sensibilité, et ont été fixés à des
valeurs usuelles. Le Tableau 2 reprend les différentes valeurs testées au cours de cette étude
ainsi que la valeur sélectionnée pour chaque paramètre.

Tableau 2: Paramètres retenus pour NSGA-II


Paramètre Valeur retenue Valeurs testées
Taille de population (individus) 200 {100 ; 200}
Nombre de générations 20 [1 ; 200]
Probabilité de croisement 0.9 0.9
Probabilité de mutation 0.7 {0.3 ; 0.5 ; 0.6 ; 0.7 ; 0.8}
Indice de distribution pour le croisement 20 20
Indice de distribution pour la mutation 20 20

2.3.2. Calcul des fonctions-objectifs


L’algorithme NSGA-II fait appel à des fonctions-objectifs caractérisant le niveau d’inconfort
et la consommation énergétique engendrés par chaque paramétrage testé. Dans le cadre de la
méthode d’optimisation en ligne, il est donc nécessaire de prévoir le comportement du
bâtiment pour la période de temps à venir afin de connaître ses performances pour chacun des
paramétrages. Pour cela, nous avons réalisé des simulations sur un modèle numérique de
bâtiment, d’une durée de 2 ou 6 heures, selon la durée de période considérée, et pour chacun
des paramétrages testés. Nous obtenons ainsi le niveau d’inconfort et la consommation réels,
dans la limite de la précision du modèle utilisé. Cette étude s’intègre dans un travail plus large
visant à terme à s’affranchir de l’utilisation d’un modèle numérique, par l’utilisation d’un
réseau de neurones pour la prédiction des performances du bâtiment.

2.3.3. Evaluation de la méthode d’optimisation en ligne


La comparaison entre méthodes en ligne et hors ligne a été réalisée à l’aide du modèle
numérique thermo-aéraulique HYBCELL décrit au chapitre 2.4.2. L’optimisation hors ligne
est basée sur le même algorithme que l’optimisation en ligne. Elle consiste en une unique
optimisation du paramétrage avant le démarrage de la simulation, contrairement à la méthode
en ligne qui nécessite une optimisation au début de chaque période de 2 ou 6 heures. Ainsi, le
paramétrage optimisé retenu par la méthode hors ligne est celui qui aurait été appliqué au
bâtiment s’il avait fait l’objet d’une étude d’optimisation avant mise en service à l’aide d’un
modèle physique. Les performances obtenues par cette méthode ont servi de référence pour
évaluer l’intérêt de la méthode en ligne.
La comparaison a été menée sur une durée de deux jours avec des conditions climatiques
hivernales caractéristiques de la région lyonnaise. La courte durée de l’essai s’explique par
des temps de calcul importants.

2.4.Outils numériques
2.4.1. Logiciel de calcul
Le code de l’algorithme NSGA-II utilisé dans cette étude a été écrit sous le logiciel Matlab
par Seshadri [18]. Matlab est un outil de calcul simple d’utilisation, qui offre une vaste
bibliothèque de fonctions préprogrammées.

2.4.2. Modèle numérique


Le bâtiment modélisé mesure 5,1 m de long sur 3,5 m de large. La hauteur sous plafond est de
2,9 m. Ses dimensions lui permettent d’être considéré comme un bureau ou une petite salle de
réunion. Le planning d’occupation choisi pour la simulation varie entre 1 et 3 personnes. Il est
représenté sur la Figure 3. Chaque occupant est modélisé par l’apport d’une puissance
sensible de 125 W et d’un débit de CO2 de 0,3 L/min. Le bâtiment réel est situé au
Département Génie Civil et Bâtiment de l’ENTPE. Il est équipé de capteurs de température et
d’un convecteur électrique d’une puissance de 2000 W. L’ensemble est relié à un ordinateur
sur lequel une interface a été développée sous le logiciel Labview. Un couplage avec Matlab
permet d’effectuer les calculs d’optimisation du paramétrage. Plus de détails sur cette cellule
expérimentale sont disponibles dans les articles publiés par El Mankibi [19, 20].
Le modèle numérique thermo-aéraulique Hybcell, développé et validé par El Mankibi [20,
21], a été utilisé pour simuler le comportement de ce bâtiment. Il a été programmé sous le
logiciel Matlab/Simulink. Nous avons choisi ce modèle dans le cadre de cette étude parce
qu’il permet un accès direct au code de programmation et une maîtrise totale des différents
paramètres de simulation. Ceci est notamment important pour la gestion du pas de temps de
simulation, et pour la programmation des contrôleurs TOR, PID et flous qui sont appliqués au
bâtiment. Le pas de temps de simulation et le pas de temps de contrôle ont ici été fixés à
150 s. Le couplage avec les fonctions Matlab utilisées pour l’optimisation est également très
aisé.

3. Résultats
Le niveau d’inconfort est calculé en sommant les différences entre la température intérieure et
la température de consigne à chaque pas de temps, multipliées par le pas de temps de
simulation. La consommation énergétique est calculée en faisant la somme des commandes de
chauffage (en %) à chaque pas de temps, multipliées par la puissance nominale du convecteur
et par le pas de temps de simulation.
Les résultats sont obtenus pour un découpage du temps en périodes de 2 et 6 heures, pour
la méthode en ligne. Pour les méthodes en ligne et hors ligne, l’individu sélectionné dans le
front de Pareto après optimisation est celui qui se situe à la plus courte distance par rapport à
l’origine de l’espace des fonctions-objectifs. Ainsi, l’inconfort et la consommation revêtent la
même importance dans le choix de cet individu. Un autre individu pourrait être choisi si un
poids plus important était attribué à l’une ou l’autre des fonctions-objectifs.
Les Tableaux 3 et 4 présentent les résultats obtenus pour l’inconfort et la consommation
énergétique sur l’ensemble de la simulation, ainsi que le gain obtenu par la méthode en ligne
par rapport à la méthode hors ligne. Ce gain permet de conclure quant à l’intérêt de la
méthode en ligne. Les Tableaux 5 et 6 présentent les paramétrages choisis dans le front de
Pareto après chaque optimisation. Ils permettent de conclure quant à la stabilité et la
cohérence de la méthode en ligne.

Tableau 3: Inconfort et consommation pour une simulation sur 2 jours d’hiver et des périodes de 2
heures pour la méthode en ligne
Inconfort [°C.min] Consommation [kWh]
Méthode hors ligne Méthode en ligne Gain Méthode hors ligne Méthode en ligne Gain
TOR 2779.2 2772.8 0.2 % 67.75 68.17 -0.6 %
PID 110.4 111.6 -1.1 % 70.43 70.43 0.0 %
Flou 1461.6 1263.8 13.5 % 69.50 69.55 -0.1 %

Tableau 4 : Inconfort et consommation pour une simulation sur 2 jours d’hiver et des périodes de 6
heures pour la méthode en ligne
Inconfort [°C.min] Consommation [kWh]
Méthode hors ligne Méthode en ligne Gain Méthode hors ligne Méthode en ligne Gain
TOR 2779.2 2982.6 -7.0 % 67.75 67.75 0.0 %
PID 110.4 111.4 -0.9 % 70.43 70.43 0.0 %
Flou 1806.6 1401.8 22.4 % 69.39 70.35 -1.4 %
Tableau 5: Paramétrages sélectionnés dans le front de Pareto après optimisation pour une simulation
sur 2 jours d’hiver et des périodes de 2 heures pour la méthode en ligne
Contrôleur TOR PID Flou
Paramètre Bande morte [°C] Kp [%/°C] Ti [min] Td [min] K [%] θ [min]
Méthode hors ligne 0.5 9.9 20 5 1.7 43.5
Méthode en ligne
Période n°1 0.5 9.7 16.4 5 2.9 3.5
Période n°2 0.5 10 18.3 5 2.8 10.5
Période n°3 0.5 10 20 5 2.6 10.5
Période n°4 1 10 20 5 2.5 10.5
Période n°5 0.5 10 20 5 3 11
Période n°6 0.5 10 19.6 5 2.6 18
Période n°7 0.5 10 20 5 2.7 9.5
Période n°8 0.5 10 20 5 2.9 17
Période n°9 0.6 10 20 5 2.6 10.5
Période n°10 0.9 10 20 5 2.6 10
Période n°11 0.5 10 20 5 2.7 9.5
Période n°12 0.5 10 20 5 2.5 9.5
Période n°13 0.5 10 19.4 5 2.9 8.5
Période n°14 0.5 10 20 5 2.7 10
Période n°15 0.5 10 20 5 2.5 9
Période n°16 0.6 10 20 5 2.5 9
Période n°17 0.5 10 20 5 3 6.5
Période n°18 1 10 19.6 4.8 2.7 11.5
Période n°19 0.5 10 20 5 2.8 10
Période n°20 0.5 10 18.2 5 2.8 7.5
Période n°21 0.6 10 20 5 2.8 6.5
Période n°22 0.5 10 19.8 5 2.5 10.5
Période n°23 0.6 10 18.1 5 2.8 8
Période n°24 0.6 10 20 5 2.7 8

Tableau 6: Paramétrages sélectionnés dans le front de Pareto après optimisation pour une simulation
sur 2 jours d’hiver et des périodes de 2 heures pour la méthode en ligne
Contrôleur TOR PID Flou
Paramètre Bande morte [°C] Kp [%/°C] Ti [min] Td [min] K [%] θ [min]
Méthode hors ligne 0.5 9.9 20 5 2.1 38
Méthode en ligne
Période n°1 1.4 9.7 16.5 5 2.9 4.5
Période n°2 0.5 10 18.3 5 2 37
Période n°3 0.5 10 20 5 2.2 30
Période n°4 0.6 10 20 5 3 7.5
Période n°5 0.6 10 20 5 2.8 8
Période n°6 0.7 10 20 5 2.2 27
Période n°7 0.6 10 20 5 2.2 33.5
Période n°8 0.5 10 19.7 5 2.5 7
25

20

15

10

0
0 6 12 18 24 30 36 42 48
-5

Text (en °C) Tint (en °C) Tconsigne (en °C) Occupation (en personnes)

Figure 3: Evolution des températures intérieures et extérieures sur deux jours pour la méthode en
ligne appliquée à un PID avec un découpage du temps en périodes de 2 heures ; planning d’occupation
(variant de 0 à 3 personnes)

4. Discussion
On remarque tout d’abord que le contrôleur PID permet d’atteindre un niveau de confort bien
supérieur aux deux autres contrôleurs, à consommations quasiment égales. L’inconfort donné
par le PID avec des périodes de 2 heures pour la méthode en ligne représente en effet 4 % de
l’inconfort du TOR et 9 % de l’inconfort du flou. La consommation engendrée par le TOR
représente en revanche 97 % de celle du PID et celle du flou 99 % de celle du PID.
Les pourcentages de gain donnés par les Tableaux 3 et 4 nous informent sur la
performance de la méthode en ligne. Il faut garder à l’esprit que la méthode en ligne est
comparée aux résultats d’un paramétrage fixe, lui-même optimisé par la méthode hors ligne.
C’est donc à un référentiel déjà très performant qu’est comparée la méthode. On observe que
la différence entre les performances des deux méthodes est inférieure à 2 % dans la plupart
des configurations. On constate cependant trois exceptions :
• Le contrôleur flou donne de très bons résultats pour la méthode en ligne, que ce soit
pour des périodes de 2 ou 6 heures, avec respectivement 13,5 et 22,4 % de gain par
rapport à la méthode hors ligne ;
• En revanche, la méthode en ligne appliquée au TOR avec des périodes de 6 heures
engendre une perte de 7 % par rapport à la méthode hors ligne.
On observe enfin que les valeurs retenues pour les paramètres du TOR et du PID sont
proches ou égales aux limites de l’univers de décision. Pour le TOR, cela s’explique par le fait
que les solutions qui se trouvent en dessous de 0,5 °C pour la bande morte offrent davantage
de confort car elles permettent à la température intérieure de se maintenir plus proche de la
consigne. Or, cela induit une forte instabilité du système de chauffage, qui voit sa commande
varier à une fréquence élevée de 0 à 100 %. Ce phénomène est néfaste pour la longévité des
appareils de chauffage, et nous avons décidé de le limiter en n’autorisant pas les valeurs de
bande morte indésirables. Pour le PID, nous avons observé qu’en élargissant davantage les
limites de l’univers de décision, l’optimisation sélectionnait parfois des valeurs irréalistes au
regard des ordres de grandeur donnés par exemple par la méthode de paramétrage de Ziegler
et Nichols [22]. De plus, leurs performances étaient inférieures à celles présentées dans cet
article. Ceci nous a conduits à conserver les intervalles de variation tels qu’ils sont présentés
dans cet article. Le paramétrage du contrôleur flou est le moins stable dans le temps. On
remarque par ailleurs que la valeur de θ retenue par la méthode hors ligne est en moyenne 4 à
5 fois supérieure aux valeurs retenues par la méthode en ligne avec des périodes de 2 heures.
Pour des périodes de 6 heures, les valeurs de θ données par les deux méthodes sont plus
proches.

5. Conclusion
La méthode d’optimisation en ligne présentée dans cet article est une méthode performante.
Comparée à une méthode hors ligne consistant à optimiser le paramétrage une unique fois
avant mise en service sur le bâtiment, elle donne des résultats similaires en termes de
performances, voire meilleurs dans certains cas.
La méthode pourra être améliorée par l’introduction d’un réseau de neurones de prédiction
du niveau d’inconfort dans le bâtiment et de sa consommation énergétique. Ainsi, elle ne fera
plus appel à un modèle physique lourd, ce qui devrait apporter un gain de temps de calcul au
moment des optimisations et dispenser d’une phase de calibration du modèle sur le bâtiment.
Cependant, on peut s’attendre à observer une perte de précision dans la prédiction des
fonctions-objectif par rapport à la simulation sur modèle. Connaissant ses performances avec
le modèle, présentées dans cet article, on pourra quantifier le biais introduit par le réseau de
neurones.
Il serait également intéressant d’étudier les effets que produirait l’introduction d’une
troisième fonction-objectif caractérisant l’instabilité des systèmes de chauffage induite par le
paramétrage appliqué. Ceci permettrait de ne plus considérer l’instabilité comme une
contrainte dans le processus d’optimisation, mais comme un objectif. L’optimum global sur
l’ensemble des trois fonctions-objectifs pourrait être plus pertinent que l’optimum global sur
deux objectifs avec contrainte sur l’univers de décision.
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