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Samedi 15loctobre 2016

13-09-2016 00:00 - Algérie : haro sur la langue arabe à l'école


Le Point - La diffusion de la vidéo d'une
enseignante faisant l'éloge de la langue arabe
dans sa classe ravive un débat violent qui
oppose réformistes et islamo-conservateurs
jusqu'au sommet de l'État.

La scène se déroule le jour de la rentrée, le 6


septembre, dans une école primaire
de Barika, à une centaine de kilomètres au
sud-ouest de la ville de Batna : une
enseignante, Sabah Boudris, en hijab noir
lance : « Quelle est la langue des gens du
paradis ? » « L'arabe », répondent les élèves. 

« Cette année, on ne s'exprimera qu'en langue ? » relance-t-elle. « Qu'en langue arabe »,


répètent les enfants. ! L'auteur de ces trois phrases qui enflamment l'Algérie est bien une
enseignante. Elle a fait répéter à ses élèves chacun de ces mots en chœur, le tout filmé et
diffusé sur Facebook. Depuis, la polémique enfle et vient ternir une année scolaire placée
sous le signe des réformes modernistes. Problème : les islamo-conservateurs y sont
fermement opposés, quitte à jouer sur les divisions de la société.

Les faits

La ministre de l'Éducation nationale Nouria Benghabrit a pris connaissance des images et a


aussitôt annoncé l'ouverture d'une enquête concernant cette enseignante. « Nous venons de
voir à travers Facebook de jeunes enseignantes faisant des selfies et parler avec leurs
élèves », indique Nouria Benghabrit lors d'une conférence de presse. « En leur tournant le
dos ! » précise le wali d'Alger, qui l'accompagnait. 

« En leur tournant le dos, c'est une catastrophe. Il va y avoir une enquête. Si les faits se
vérifient, il y aura une commission de discipline. Nous sommes dans un secteur sensible »,
assure-t-elle. Une condamnation qui ne fait pas l'unanimité. Plusieurs professeurs
soutiennent l'enseignante de Barika, considérée comme « exemplaire ». D'ailleurs, comme
l'explique le site Algérie Focus, « Sabah Boudris n'est pas restée silencieuse face aux
critiques de ses détracteurs. Dans une déclaration à Ennahar TV, elle explique que ses
intentions sont nobles et se défend contre toute accusation d'endoctrinement ».

L'un de ses défenseurs a même diffusé un commentaire de soutien à l'enseignante – « Oh,
Benghabrit, l'institutrice a un peuple qui se solidarise avec elle » – signé « gendarmerie
nationale » et accompagné d'une photo montrant une arme, un grade et des insignes de la
gendarmerie nationale. Il vient d'être arrêté. Deux semaines plus tard, l'affaire fait toujours
grand bruit. Pourquoi ? Depuis le début de la rentrée, plusieurs événements concernant
directement l'école se sont succédé. Un secteur hypersensible enAlgérie. Toujours au
premier jour de la rentrée, des lycéennes ne portant pas le voile ont été interdites d'accès à
un lycée de Sebbala, àAlger. Une affaire qui a suscité l'émoi de nombreux Algériens.

Les enjeux

Simples faits divers ou réels questionnements ? La deuxième option est en train de prendre
le dessus. Plusieurs parents d'élèves, instituteurs, hommes et femmes publics ont réagi et
condamné les propos et la méthode utilisée par la jeune enseignante. Ils estiment qu'elle est,
d'une part, en violation totale de la loi en filmant l'intérieur d'une classe et donc en exposant
les enfants aux dangers ; d'autre part, et c'est ce qui a déclenché la colère de bon nombre
d'Algériens, son message n'est pas loin du militantisme idéologique. Prôner l'amour de la
langue arabe, oui, mais l'associer à des idées religieuses va pour beaucoup à l'encontre de
l'esprit de l'école républicaine prônée par le pays. 

C'est en substance la réponse d'Abdou Semmar, le rédacteur en chef d'Algérie Focus : «


Oui, chère Sabah, l'aspiration au paradis est légitime, mais celle de voir notre pays accéder
au développement l'est d'avantage. Je comprends bien que vous soyez religieuse. Je
respecte votre foi. Mais nos enfants ont besoin de savoir, de sciences, de tolérance,
d'ouverture sur le monde et de qualifications professionnelles pour prendre en main leur
destin », écrit-il, avant d'ajouter : « Nous partageons la même religion. Sauf que, pour moi,
l'école n'est pas une institution religieuse. On y apprend à lire, à écrire et à compter. Les
langues étrangères sont un vecteur vital pour accéder au savoir. Vous n'êtes pas sans
ignorer que toutes les nouvelles découvertes scientifiques contemporaines sont enseignées
dans les langues occidentales. »

La primauté de l'arabe classique remise en cause ?

Au-delà d'un débat entre les pour et les contre, la question de l'usage de l'arabe classique à
l'école est posée depuis cinquante ans enAlgérie. En effet, le darija est la langue algérienne,
un mélange d'arabe, de français et de berbère, mais l'arabe classique lui est préféré pour
l'enseignement dès la primaire. C'est une volonté des conservateurs qui la considèrent
comme langue du Coran, donc seule habilitée à être apprise par les enfants, en particulier
ceux de moins de 6 ans, dans les écoles coraniques. Ils voient donc d'un mauvais œil les
réformes progressistes de la ministre Nouria Benghabrit qui veut renforcer l'enseignement
des langues étrangères comme le français et l'anglais. 

Par Idriss Elram

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Source : Le Point (France)


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