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Mor Bakhoum
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Mor BAKHOUM1
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1. Docteur en droit, LL.M (Lausanne/Chicago-Kent), Senior research fellow, Max Planck Institute for
Intellectual Property and Competition Law, Munich, Allemagne. E-mail: mor.bakhoum@ip.mpg.de.
1 Introduction
2 Cohérence institutionnelle et effectivité de la politique de la concurrence de l’UEMOA:
les limites d’un système centralisé
2.1 Les incohérences au niveau communautaire
2.2 Les incohérences au niveau national : la problématique de la collaboration
des structures nationales de la concurrence
2.2.1 L’ineffectivité des réformes institutionnelles au niveau des États membres
2.2.1.1 Centralisation des compétences et recul de l’initiative nationale ?
2.2.1.2 Centralisation des compétences et réformes des droits nationaux de
la concurrence
2.2.2 L’ineffectivité de la collaboration des structures nationales de la concurrence
2.2.2.1 La résistance des structures nationales de la concurrence à la
centralisation du pouvoir de décision
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1 INTRODUCTION
Le processus d’intégration économique dans les pays en développement s’est
accompagné d’un mouvement parallèle et concomitant de régionalisation de leurs
politiques de la concurrence. Le foisonnement d’organisations d’intégration écono-
mique liant le national au global est une réalité de la structuration des économies
dans un contexte de globalisation. En effet, avec le processus de « recomposition
de l’environnement juridique mondial sous les auspices des lois du marché »2, on
assiste à une émergence de nouveaux paysages normatifs qui « semble[nt] s’orienter
vers une gestion communautaire des intérêts nationaux »3.
La création d’un marché commun, d’une union douanière ou d’un espace de
libre-échange, du fait de son effet d’ouverture des frontières économiques nationales,
va de pair avec la nécessité de protéger la libre concurrence dans les « espaces éco-
nomiques communs » nouvellement créés4. En effet, si la concurrence sur le marché
transcende les espaces économiques nationaux pour s’opérer au niveau régional,
l’approche législative doit suivre avec la régulation transversale de la concurrence
au niveau régional. Aussi, dans les pays en développement, la création d’espaces
économiques régionaux est-elle allée de pair avec la régionalisation des politiques
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7. Voir sur cet aspect: E. Fox, « Competition, Development and Regional Integration : In Search of a
Competition Law Fit for Developing Countries », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E.
Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4).
8. M. Gal discute, dans un article à paraître, les obstacles à l’effectivité des politiques régionales de la
concurrence. Voir M. Gal et I. Faibish Wassmer, « Regional Agreements of Developing Jurisdictions:
Unleashing the Potential », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional
Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4). Disponible également
sur le lien suivant: http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1920290. Ces obstacles sont
entre autres liés à la conception des institutions et à la problématique des rapports entre le niveau
régional et le niveau national.
9. Ibid.
10. Le traité de l’UEMOA est disponible à l’adresse suivante : http://www.uemoa.int/Documents/
TraitReviseUEMOA.pdf.
Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine 309
14. Les modalités de l’obligation de réforme sont définies par la Directive 2/2002/UEMOA, op. cit.
(note 11).
15. Avis de 3/2000/CJ/UEMOA, inédit.
16. Rapport 2002-2003 de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal qui a rendu des Avis
sur l’approche communautaire. La Commission nationale de la concurrence du Sénégal n’était pas
favorable à une centralisation du pouvoir de décision.
17. On pense aux développements du professeur Abdoulaye Sakho, ancien vice-président de la Com-
mission nationale de la concurrence, sur la question. Nous avions aussi émis des réserves sur la
centralisation du pouvoir de décision. Voir M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire
et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
(UEMOA), op. cit. (note 12), pp. 228-243.
Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine 311
20. On pense aux affaires CIBA contre FFSA et SARL Micro Doses technologies. Ces affaires sont
disponibles dans le rapport 2002-2003 de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal.
21. Ibid.
22. Voir D. P. Weick, « Competition Law and Policy in Senegal: A Cautionary Tale for Regional Integra-
tion? », World Competition, 33, 2010, p. 521.
23. Ces contraintes sont liées à la disponibilité des ressources aussi bien matérielles qu’humaines. Voir
sur ces aspects le rapport 2002-2003 de la Commission nationale de la concurrence. La Commission
n’a pas de locaux propres et son personnel n’est pas permanent.
314 Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
à sa disposition et elle a eu à rendre pas moins de 30 Avis24. C’est suite à une crise
sociopolitique que son activité a été ralentie.
Il faut noter qu’en général les structures nationales de la concurrence se sont
conformées à leur obligation d’abstention : celle de ne pas connaître du contentieux
concurrentiel suite à l’entrée en vigueur du droit communautaire. Certes, on peut
soutenir que le droit communautaire a eu un impact négatif sur la culture de la
concurrence dans les États membres et le développement potentiel d’une expertise
nationale pour les structures nationales de la concurrence. Toutefois, il est douteux
de soutenir que l’entrée en vigueur du droit communautaire a entraîné un recul de
l’expertise nationale. À part le Sénégal et la Côte d’Ivoire, cette expertise était déjà
limitée dans la plupart des États membres.
24. Voir les différents rapports produits en 1994, 1998 et 2001 par la Commission nationale de la
concurrence de la Côte d’Ivoire. Disponible auprès de l’auteur.
25. Voir sur cet aspect, J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing
Countries », op. cit. (note 4).
Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine 315
26. Voir article 1, Ordonnance n° 99-043 du 30 septembre 1999 régissant les télécommunications en
république du Mali. « La présente Ordonnance régit toutes les activités de télécommunications
exercées sur le territoire de la République du Mali y compris l’attribution ou l’assignation de fré-
quences, peu importe que celles-ci soient à des fins de services de télécommunications ou autres.
Elle s’applique sans préjudice de l’application des dispositions générales relatives au droit de la
concurrence (souligné par nous) ».
27. Voir article 5 du Code des télécommunications qui interdit les ententes et les abus de position
dominante. Le Code des télécommunications est disponible sur le lien suivant : http://www.gouv.
sn/IMG/pdf/document_Telechargez_le_code_des_Telecoms_6.pdf.
28. Voir article 5 in fine du Code des télécommunications.
316 Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
29. Voir M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence
dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), op. cit. (note 12), p. 229 et suiv.
30. C’est le cas de la collaboration de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal avec la
Commission de l’UEMOA. C’est plutôt avec la Direction du Commerce Intérieur (DCI) que la
Commission travaille lors de ses enquêtes sur le terrain.
Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine 317
31. Voir, sur les législations de la concurrence des différents États membres, supra (note 13).
318 Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
commissaire du gouvernement qui est en réalité l’œil de l’Exécutif. Elle lui fournit du
personnel et lui garantit, à sa discrétion, ses moyens de fonctionnement en termes de
dotation budgétaire. Ces caractéristiques sont visibles au Sénégal, au Burkina Faso
et en Côte d’Ivoire. Dans les cas du Sénégal, du Bénin et du Mali, les enquêteurs
des Commissions de la concurrence sont des agents de la Direction du Commerce
Intérieur (DCI). Dans le cas de la Côte d’Ivoire, la Commission de la concurrence n’a
pas en réalité de pouvoir de décision. Elle ne peut que rendre des Avis contentieux
qui sont ensuite confirmés ou infirmés, à sa guise, par le ministre du Commerce.
Par une récente décision de 2010, la Décision invitant l’État du Sénégal à retirer
la norme NS 03-07234, la Commission a invité l’État du Sénégal à retirer une norme
sur l’huile de palme qui avait pour conséquence de bloquer l’entrée sur le marché
sénégalais de quantités importantes d’huile d’origine communautaire, affectant ainsi
le commerce entre États membres.
Ces trois affaires qui impliquent directement un État membre montrent que les
États membres sont encore actifs sur le marché soit par leur œuvre législative, soit
par les aides qu’ils accordent en violation du droit communautaire. Elles démontrent
également qu’une action au niveau communautaire est plus efficace pour amener
un État à se conformer à ses obligations qu’une action d’une structure nationale de
la concurrence.
Les affaires en cours devant la Commission confirment cette tendance de la
focalisation du contentieux concurrentiel sur les restrictions de concurrence initiées
par les États membres.
Une affaire concernant des exonérations de TVA appliquées par le Burkina Faso,
la Côte d’Ivoire et le Mali sur les intrants et emballages destinés à la fabrication et
au conditionnement de produits phytosanitaires est en cours devant la Commission
de l’UEMOA.
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34. Ibid.
320 Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
36. Voir J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit.
(note 4).
322 Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
37. Voir G. Mamhare, « Southern African Development Community (SADC) Regional Competition
Policy », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Com-
petition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4). Également, K. Moodaliyar, « Competition
Policy in SADC: A South African Perspective », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E.
Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4).
Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine 323
échanges entre États membres seront également limités. Par voie de conséquence,
les pratiques anticoncurrentielles seraient plus fréquentes dans les États membres.
Dans la plupart des expériences d’intégration économique dans les pays en
développement, la création théorique d’un marché commun n’est pas une garantie
de la fluidité des échanges entre États membres. En Afrique de l’Ouest par exemple,
pour des raisons historiques, le commerce avec le Nord est plus développé que le
commerce entre États de la sous-région.
Si les échanges sont fluides dans le cadre d’une organisation d’intégration éco-
nomique, il faut privilégier le contrôle communautaire. Si par contre l’essentiel de
l’activité économique est limité aux marchés nationaux, un contrôle de proximité par
les structures nationales de la concurrence serait plus adéquat. Le caractère limité
des échanges entre États membres est également lié à un aspect temporel. En effet,
dans le processus de construction du marché commun, il est essentiel de faire en
sorte que la dynamique communautaire ne soit pas limitée par les actions des États
membres dans le marché. On a vu dans le cadre de l’UEMOA qu’il est essentiel
d’aménager l’approche institutionnelle de manière à garantir un contrôle efficace
de l’intervention des États dans le marché. Ce contrôle n’est possible qu’avec une
intervention communautaire en cas de distorsion de la concurrence de la part d’un
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38. Voir Gerber sur cet aspect : D. Gerber, « Regionalization, Development and Competition Law :
Exploring the Political Dimension », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds),
Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4).
39. Ibid.
326 Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
40. Voir J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit.
(note 4).
41. Ibid.
328 Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
matériel serait plus adaptée aux expériences différenciées des États membres.
L’harmonisation passe par l’exigence de certains principes directeurs que les droits
nationaux de la concurrence doivent inclure dans leurs législations. Ces principes
pourraient concerner l’obligation d’interdire les pratiques anticoncurrentielles, de
ne pas opérer de discriminations entre les entreprises publiques et les autres entre-
prises dans l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles et l’octroi d’exemption.
Le droit communautaire peut également limiter les exemptions contenues dans les
législations nationales et limiter les interventions étatiques dans le marché. On a
constaté que, dans l’UEMOA, les États membres ont aménagé dans leurs législations
nationales de la concurrence des réserves d’intervention qui leur permettent de fixer
unilatéralement les prix de certains biens et services et d’accorder des exemptions
à certains secteurs42. Cette intervention étatique dans le marché doit être régulée
par des principes fixés au niveau communautaire. Comme on l’a soutenu dans la
doctrine, contrairement au droit de l’UE, dans les pays en développement, le droit
communautaire devrait se préoccuper de la qualité du droit matériel appliqué dans
les États membres43.
Contrairement à l’option d’unification des compétences matérielles, la recon-
naissance aux États membres d’une compétence pour adopter des législations natio-
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42. Ces exemptions et exceptions sont contenues dans les législations de la concurrence des différents
pays membres de l’UEMOA.
43. J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4).
Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine 329
44. Pour dire Ouagadougou, capitale du Burkina Faso où la Commission a son siège.
330 Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
45. Voir M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence
dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), op. cit. (note 12), p. 248 et suiv.
46. Cette approche est soutenue dans la doctrine. J. Drexl, « Economic Integration and Competition
Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4). L’auteur souligne : « Centralization of the stan-
dards of competition law should not exclude decentralization of enforcement. »
47. Ibid.
Le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine 331
At the outset, this centralized institutional framework has been criticized by Member
States as not being efficient enough to dealing with pure national anticompetitive
practices. Deprived of their decision making power which they used to enjoy before
the entry into force of the regional law, member States have opposed a kind of
resistance to the centralized approach. They have not undertaken the reforms of
their national laws in order to put them in conformity with the community law. In
addition, the national competition authorities do not support, as they are required
by the regional law, the Commission when it conducts search or inquiries at the
national level.
At the regional level, some flaws have also been identified in the functioning of the
regional office which faces some administrative burdens that undermine the efficacy
of its intervention in the market. The regional office is understaffed which makes its
intervention in the market ineffective.
The combined resistance of the national competition authorities to the centralized
approach and the challenges that the regional office face have resulted to a limited
effectivity of the regional law, as evidenced by the regional case law.
This paper builds on WAEMU’s eight years experience of enforcement as well as
other regional integration experiences and identifies a certain number of criteria that
we have termed “competition constraints” that one has to take into account when
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