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LA CONSERVATION DES GRAINES

suite à l'Atelier d'échange d'expériences du 8


décembre 2016 à Champenoux par L'Or des Graines

Sont repris ici les sujets abordés ce jour-là et une partie des
discussions ayant eu cours lors de l'atelier. Elles sont complétées
par des notes et des extraits d'ouvrages.

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SOMMAIRE

- Contenants hermétiques
- Température
- Rongeurs (p.3)
- Humidité
- Autres conditions
- Durée de vitalité des graines (p.4)
- Bruches (p.5)
- Bibliographie (p.8)

Contenants hermétiques

A condition que les graines soient suffisamment sèches, la


conservation en contenants hermétique ne semble pas poser de
soucis particuliers. Pascale fait des graines depuis 15 ans et n'a pas
eu de désagréments. Etant donné que les graines respirent il faudrait
quand même rester vigilant-e-s au volume d'air rapporté au volume
de graines dans les récipients.

En fonction des personnes, le stockage est réalisé dans des sachets


en papier, des bocaux, des boîtes métalliques, en carton ou en bois.
La condensation dans les récipients en verre ou en métal ne nous a
pas posé de problème ou alors on y place les graines dans des
sachets en papier. Les pièces utilisées par les participant-e-s sont ;
une chaufferie, une grange, une pièce avec murs enduits de terre ou
sol en terre battue (qui évacuent bien l'humidité).

Température

La littérature indique une température maximum pour le séchage


(30°C), des températures idéales de conservation (5°C et 10°C) et
des températures maximum acceptables pour la plupart des espèces
sur quelques années (15-16°C). Existe-t-il une température sous
laquelle ne pas descendre (par exemple pour des espèces originaires
de régions chaudes) ? Certains auteurs signalent qu'en règle
générale, plus l'hygrométrie et les températures sont basses, plus
longue est la conservation des graines.

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Rongeurs

Pour éviter la consommation des graines par un rongeur, on peut


placer les lots de graines dans une boîte en bois ou métallique ou
encore une cage (par exemple fabriquée avec du grillage à maille
fine).

Humidité

Le séchage est important pour évacuer l'excès d'eau mais aussi pour
finir la maturation. Les lieux idéaux de séchage des graines sont secs
et bien ventilés (grenier sec, pièce avec un poêle...) et même dehors
tant que le temps n'est pas trop humide.
Notes :
- la récolte gagne le plus souvent à être effectuée lorsque les graines
sont les plus sèches possibles ; on peut veiller à la date, à la météo
du jour et à l'heure de la journée.
- les graines peuvent demander à être séchées en fines couches et
brassées régiulièrement et les portes-graines suspendus en bouquet
pas trop volumineux.
- pour les porte-graines séchés en bouquets et suspendus la tête en
bas, on peut placer celle-ci dans un sac en kraft (ex : sac de farine)
pour éviter que les graines très mûres ne soient perdus.

Lors du stockage après séchage, certaines parties des plantes sont


plus hydrophiles que les graines, peuvent communiquer leur
humidité à ces dernières : plumeaux de salades, morceaux de
feuilles... Le manque d'air par tassement est également favorisé pour
les lots de graines non triés.
Note : des produits absorbants l'humidité peuvent être placés dans
les contenants de stockage (ex : coton hydrophiles).

Autres conditions

- Les participant-e-s sont globalement attentif à conserver leurs


graines à l'abri de la lumière.
- Les colles aux formaldéhydes, utilisées pour fabriquer le bois
aggloméré et le contreplaqué de certaines étagères sont réputées
germicides.
- Les ondes électromagnétiques, les courants d'air et les vibration
nuiraient également à la bonne conservation des graines.

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Durée de vitalité des graines

Extrait du catalogue de semences potagères Germinance, grainetier


artisanal membre du Réseau semences paysannes :

« La durée de vie des semences varie beaucoup selon les espèces, les
conditions de culture, de récolte, de triage, les conditions météorologiques
et planétaires ; comme pour le vin, il y a des années bonnes (1999) et
d’autres moins bonnes (2001, 2007). Elle varie aussi selon les conditions
de stockage.

Pour les principales espèces de légumes, il existe un taux minimum légal


de germination qui va de 65 % pour l’aubergine, la carotte, la mâche, le
persil, à 80 % pour le concombre, le navet, le pois, le potiron. Pour les
autres espèces, il n’y a pas de norme officielle : c’est la règle de bonne
conduite qui s’applique : la semence doit germer "suffisamment" : 50 à
60 %, selon les espèces, nous semble un minimum.

Personne n’est capable de prédire la durée de vie d’une semence. C’est la


raison pour laquelle les semenciers font régulièrement des tests de
germination. En général, la date indiquée par les semenciers n’est pas la
date limite d’utilisation mais la date jusqu’à laquelle ils s’engagent à
vérifier le taux de germination et à retirer des rayons les sachets dont les
semences ne germent plus suffisamment. Ainsi, pour une semence
récoltée en 2014 et pouvant germer 3 ou 4 ans, donc valable jusqu’en
2017-2018 environ, ils peuvent indiquer sur le sachet 2025 ou même 2030
! Cela ne les engage à rien mais crée la confusion dans l’esprit des clients.
»

A titre très indicatif, donc, la durée de vie de graines d'espèces


potagères couramment cultivées (sur laquelle s'accordent
relativement bien plusieurs ouvrages) :
- 1 an : panais, angélique, cerfeuil musqué
- 2-3 ans : ciboulette, oignon, poireau, pois, persil, maïs doux, la
plupart des fleurs
- 3-4 ans : carotte, haricots, poivron, fenouil, cresson des jardins
- 4-5 ans : choux, navet, radis, laitue, tomate, aubergine, mâche,
potiron
- 5 ans : épinard, bette/betterave, arroche, fève, pourpiers, cresson
alénois
- plus de 5 ans : céleris, chicorées, courges, melon, concombre,
basilic

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Bruches

Les participant-e-s ont connu des dégâts importants dûs aux bruches
dans les gousses de fève ou de pois, mais pas sur les haricots.

Les bruches sont des insectes de l'ordre des Coléoptères proches des
charançons et qui consomment des graines. Ici, les espèces
concernées sont certainement à rechercher parmi la Bruche des
fèves Bruchus rufimanus (plantes-hôtes connues : fève, pois et
haricot) et la Bruche du pois Bruchus pisorum. Le régime alimentaire
de la Bruche du haricot (aussi sur soja et lentille) et de la Bruche des
lentilles les innocenterait.

La littérature entomologique rapporte que :


- Les femelles de ces deux espèces pondent directement à la surface
des gousses sur pied et que ces bruches ne possèdent qu'une seule
génération annuelle. Elles ne pourraient donc pas pondre dans les
lots de graines stockées.
- La larve pénètre rapidement dans la cosse puis dans le grain.
Note : Elle découpe alors une opercule visible qui n'est ôtée que
lorsque l'adulte en sort une fois nymphosé.
- Les adultes peuvent hiverner dans des abris variés s'ils émergent
suffisamment tôt (il faut au moins un mois et demi pour que l'insecte
passe de l'état d'oeuf à celui d'adulte) ou bien dans la graine jusqu'au
printemps suivant.
- La période de vol commence vers fin mai-début juin.
Note : Et s'achève probablement lorsqu'il n'y a plus de gousses sur
lesquelles pondre ou que la météo est trop défavorable et que les
adultes vont hiverner.

- Tom ressème ses graines, qu'elles soient bruchées ou non. Dans


quelle mesure leur germination est-elle réduite et leur
développement freiné ? Les grains bruchés sont-ils toxiques ou d'un
goût difficilement supportable pour les humains ?
Note : S'il s'agit de cultiver pour récolter des jeunes gousses, les
adultes pourront pondre mais les larves n'auront pas vraiment le
temps de débuter leur développement. Celui-ci sera plus avancé en
cas de récolte de graines pour multiplication.
Note : Si on veut empêcher les adultes de bruches issus des lots de
graines d'aller pondre au jardin on devrait éviter de les semer. Pour
casser le cycle de l'insecte, un ouvrage indique qu'il vaut mieux ne
pas jeter les graines bruchées au compost mais plutôt les brûler.

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- Anaïs envisage de protéger ses fèves avec des voiles pour
empêcher les pontes.
- Semer les pois tôt, au 15 février pourrait permettre de limiter les
pontes des bruches.
- Vincent congèle les graines pour briser le cycle de l'insecte (Note :
cela stoppe la consommation du grain) dans des contenants
hermétiques en prenant garde à ce que les graines soient bien sèches
et, à la décongélation, attendre qu'elles soient revenues à
température ambiante pour éviter la condensation et leur
réhumidification. La littérature recommande un minimum de 24h à
une température de -18°C (à ajuster en fonction du volume pour que
le froid pénètre au coeur du lot). Cette méthode est néanmoins mal
adaptée pour les personnes sans congélateur ou avec de gros lots de
graines et un appareil de petite taille.
- Un participant m'a signalé plus tard qu'un grand-père de sa
connaissance recommande d'ajouter des caïeux d'ails (auxquels un
ouvrage conseille de laisser l'enveloppe) dans les contenants de
conservation.
- En plongeant les graines dans l'eau, celles qui sont attaquées
remonteraient à la surface au bout d'un jour ou deux tandis que les
autres resteraient au fond.

Extrait des Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre où il narre


ses observations de la Bruche du pois en Provence :

« Pour nous qui bêchons, sarclons, arrosons, courbaturés de fatigue et


brûlés par le hâle du jour, [la nature] gonfle les cosses du pois ; elle les
gonfle aussi pour la Bruche, qui, étrangère au labeur du jardinage, prélève
tout de même sa part de la récolte à son heure, quand viennent les joies
du renouveau.

Suivons en ses manoeuvres le zélé percepteur de dîmes en pois verts.


Contribuable bénévole, je le laisserai faire : c'est précisément à son
intention que j'ai semé dans l'enclos quelques lignes de la plante aimée.
Sans autre convocation de ma part que ce modeste semis, il m'arrive
ponctuel dans le courant de mai. Il a su qu'en ce terrain de cailloux, rebelle
à la culture maraîchère, pour la première fois des pois fleurissaient. En
toute hâte, agent du fisc entomologique, il est accouru exercer ses droits.

D'où vient-il ? Le dire au juste n'est pas possible. Il est venu d'un abri
quelconque où, dans l'engourdissement, il a passé la mauvaise saison. Le
platane, qui s'écorche de lui-même à l'époque des fortes chaleurs, fournit,
sous ses plaques subéreuses soulevées, d'excellents tabernacles de refuge
pour les indigents sans domicile. En pareil gîte hivernal, j'ai souvent
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rencontré notre exploiteur de pois. Abrité sous le cuir mort du platane, ou
protégé d'autre manière tant qu'a sévi la mauvaise saison, il s'est éveillé
de sa torpeur aux premières caresses d'un soleil clément. L'almanach des
instincts l'a renseigné ; aussi bien que le jardinier, il est au courant de
l'époque où les pois fleurissent, et il vient alors à sa plante, un peu de
partout, trottant menu, mais d'essor leste.

Tête petite, fin museau, costume d'un gris cendré parsemé de brun,
élytres déprimés, deux gros points noirs sur la plaque du croupion, taille
courtaude et ramassée, tel est le sommaire croquis de mon visiteur. Mai
achève sa première quinzaine, et l'avant-garde m'arrive. [...]

La récente éclosion a pour indice un petit ruban sinueux, pâle et


blanchâtre, qui soulève et mortifie l'épiderme de la cosse à proximité de
la dépouille de l'oeuf. C'est là travail du nouveau-né, galerie sous-
épidermique où l'animalcule s'achemine, en recherche d'un point de
pénétration. Ce point trouvé, le vermisseau, mesurant à peine un
millimètre, tout pâle avec casque noir, perfore l'enveloppe et plonge dans
le spacieux étui de légume.

Il atteint les pois, se campe sur le plus rapproché. Je l'observe de la loupe,


explorant son globe, son monde. Il creuse un puits perpendiculaire à la
sphère. J'en vois qui, à demi descendus, agitent l'arrière au dehors pour
se donner élan. En une brève séance, le mineur disparaît, il est chez lui.
L'ouverture d'entrée, subtile, mais à toute époque aisément
reconnaissable par sa coloration brune sur le fond vert pâle ou blond du
pois, n'a pas d'emplacement fixe ; on la voit un peu de partout à la surface
de la graine, exception faite en général de la moitié inférieure, c'est-à-dire
de l'hémisphère ayant pour pôle l'empâtement du cordon suspenseur.
En cette partie se trouve précisément le germe, qui sera respecté lors de
la consommation et restera capable de se développer en plantule, malgré
le large trou dont la semence est forée par l'insecte adulte sortant.
Pourquoi cette région est-elle indemne ? Quels motifs sauvegardent le
germe de la graine exploitée ?
La Bruche, cela va de soi, n'a pas souci du jardinier. Le pois est pour elle,
rien que pour elle. En se refusant quelques bouchées qui entraîneraient la
mort de la semence, elle n'a pas pour but l'atténuation du dégât. Elle
s'abstient pour d'autres motifs.
Remarquons que latéralement les pois se touchent, serrés l'un contre
l'autre ; le ver en recherche du point d'attaque ne peut y circuler à son
aise. Remarquons aussi que le pôle inférieur s'empâte de l'excroissance
ombilicale, présentant au forage des difficultés inconnues dans les parties
que protège le seul épiderme. Peut-être même en cet ombilic,
d'organisation à part, se trouve-t-il des sucs spéciaux, déplaisants à la

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petite larve.
A n'en pas douter, voilà tout le secret des pois exploités par la Bruche, et
se conservant tout de même aptes à germer. Ils sont délabrés, mais non
morts, parce que l'invasion se fait sur l'hémisphère libre, région à la fois
d'accès plus aisé et de vulnérabilité moindre. Comme d'ailleurs la pièce,
en son entier, est trop copieuse pour un seul, la perte de substance se
réduit au morceau préféré du consommateur, et ce morceau n'est pas
l'essentiel de la graine.
Avec des conditions autres, avec des semences de volume très réduit ou
bien exagéré, nous verrions les résultats changer du tout au tout. Dans le
premier cas, sous la dent du ver trop chichement servi, le germe périrait,
rongé comme le reste ; dans le second cas, l'abondante victuaille
permettrait plusieurs convives. Exploitées à défaut du pois, légume de
prédilection, la vesce cultivée et la grosse fève nous renseignent à cet
égard ; la mesquine semence, épuisée jusqu'à la peau, est une ruine dont
on attendrait vainement la germination ; la graine volumineuse, au
contraire, malgré les loges multiples du Charançon, conserve l'aptitude à
lever. »

Bibliographie

- Le plaisir de faire ses graines, J. Goust, De Terran


- Produire ses graines bio, C. Boué, Terre vivante
- Encyclopédie des ravageurs européens, INRA, (www7.inra.fr/hyppz/)
- Souvenirs entomologiques, J.H. Fabre, Série VIII, Série 3

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