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âges

RAPPORT DE MINORITE
AU CONSEIL COMMUNAL

Demande d'un crédit d'étude de CHF 200'000.- pour le


projet de construction d'un parking souterrain et
l'aménagement de l'espace public à Entre-Deux-Villes
Rapport de minorité 20/2016 page 1

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,


Le déroulement des deux séances de commission chargée d'étudier le préavis 20/2016 ainsi que la liste
des présents pour la commission, l'administration et la municipalité vous sont connus par le rapport de
majorité. Il est donc possible d'entrer dans le vif du sujet sans plus attendre.

Bien réfléchir avant de se lancer dans un pari sur 40 ans


L'ère du trafic individuel motorisé (TIM pour les intimes) touche à sa fin, en tout cas sous la forme que
nous connaissons. L'épuisement des ressources pétrolières et la nécessité d'utiliser le plus rationnellement
possible l'énergie, seront certainement une des causes de ce changement. Mais admettons un instant
qu'un des rêves des optimistes «technophiles», la voiture automatique, se réalise. Admettons même
qu'elle soit électrique et alimentée par des énergies renouvelables. Pourquoi ces voitures devraient-elles
se parquer - toutes seules - à proximité de la destination de leurs occupants? Et d'ailleurs, pourquoi
devraient-elles se parquer? Ne serait-ce pas plus raisonnable qu'elles aillent charger d'autres occupants
pour d'autres trajets? Dans une telle hypothèse, à quoi serviraient les parkings?
C'est aussi ce que dit Vincent Kaufmann, professeur en sociologie urbaine et d'analyse de la mobilité à
l'EPFL (Interview dans Le Régional N° 806): «On est probablement à l'aube d'une transformation assez
majeure des moyens de déplacement. On a des signes avant-coureurs, comme les nouveaux systèmes de
taxis Uber, le covoiturage, on parle aussi de la voiture qui se conduit toute seule - même si sa mise sur le
marché n'est pas pour demain. Si on additionne toutes ces innovations, on se rend bien compte que dans
20 ou 30 ans on parlera très différemment de l'automobile qu'aujourd'hui. [...] Quand on investit pour
une autoroute, c'est pour 50 ou 60 ans. Donc s'il y a une forte chance pour que dans 20 ans on n'ait
plus besoin de cet investissement, il faut se demandersi l'on n'est pas en train de lancer de l'argent par la
fenêtre... En termes d'allocation des finances publiques, il serait bien de se poser la question. ».
Ce qui vaut pour les autoroutes, vaut pour les parkings. Dans 40 ans - durée du droit de superficie évo
qué dans le préavis - ils risquent de n'être que les ruineux mausolées d'une ère dépassée. Ça ne veut
pas dire qu'il faut immédiatement renoncer à toute construction de parking, mais qu'il faut bien réflé
chir avant de se lancer dans un projet de ce genre, et se demander ce qu'on pourrait en faire
d'autre.

En ville, parcage, mobilité et urbanisme sont indissociables


On ne peut pas discuter du parcage en ville sans discuter d'urbanisme. Le Plan de mobilité et d'urbanisme
(PMU) est le seul document global existant en la matière (même s'il n'est qu'indicatif et n'a pas force
réglementaire). C'est donc la seule référence possible, mais en même temps, ce document n'a été ni
discuté ni approuvé par le Conseil communal. Quand une option prise par le PMU est invoquée à l'appui
d'une proposition concrète de la Municipalité comme dans ce préavis, le Conseil communal n'est pas
engagé par le PMU et peut fort bien discuter cette option.
Il en est ainsi du parcage au centre-ville. Pour favoriser les activités économiques, le PMU prévoit de favo
riser le parking de courte durée et insiste sur un taux de rotation élevé. L'autre face de la médaille, c'est
qu'on génère ainsi de nombreux mouvements de trafic, alors qu'on est dans la zone la plus densément
habitée, et qu'il y a un enjeu de santé publique et de qualité de vie à plutôt diminuer ce trafic.
Arbitrer entre attractivité commerciale et santé publique est une question politique, et le
Conseil communal est habilité à se la poser quand on lui demande un crédit pour un ouvrage
comme ce parking qui aura forcément des conséquences en la matière.

Manque d'une vue globale


Dans le préavis, on ne trouve pas de vue globale des parkings en ville de Vevey et dans la proche région.
La municipalité a remis à la commission un inventaire des projets potentiels ou en cours («Document
explicatif sur la stratégie de parcage et de développement des parkings en ouvrage à Vevey»). Mais là
encore, on ne trouve pas vraiment de priorités. Ce sont plutôt les possibilités de réalisation qui déter
minent les choix que des priorités réfléchies en termes urbanistiques
Contrairement à ce qu'affirme le préavis, ce projet ne découle pas directement du PMU, qui met en
tête des priorités en ce qui concerne le stationnement un parking P+R à Hauteville et le parking der
rière la gare (voir PMU page 81 et annexes). Il est vrai que le PMU mentionne «le parking silo d'Entre-
deux-Villes» destiné aux visiteurs (p. 85). Mais il s'agissait alors d'un projet d'une capacité de l'ordre de
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100 places. En passant à 300 places, on change de dimension et les conséquences en matière de trafic
devraient être étudiées.

Même en tenant compte que l'intention initiale, aussi mentionnée dans le PMU, était d'accroître en paral
lèle la capacité du parking du Panorama, il n'en reste pas moins qu'il y aura dans la zone 200 places de
plus destinées au parcage de courte durée et que chacune de ces 200 places générera chaque jour 4 ou
5 mouvements supplémentaires, voire plus. Comme le projet prévoit que ces parcages de courte durée
seront transférés au Panorama, c'est en plein centre-ville que s'ajoutera ce trafic.

Un emplacement discutable
Sur les plans et orthophotos du préavis, le parking projeté apparaît en marge de la ville, ce qui permet
de le présenter comme un parking de «première couronne», à l'extérieur du centre-ville, pendant Est de
ceux possibles au Nord dans la région du stand et derrière la gare ou à l'Ouest à proximité de la piscine.
Mais il suffit d'être un peu « intercommunal » et de décaler la vision vers l'est pour se rendre compte qu'il
n'y a pas de rupture dans l'urbanisation à Entre-Deux-Villes, et qu'en fait ce parking est au centre de
l'agglomération.
Ce parking a été présenté à la commission comme ayant la vertu d'intercepter les flux de circulation
venant de l'Est. Lesquels? Chacun voit que l'axe du bord du lac est largement desservi par les
transports en commun (CFF et VMCV), et que la mobilité douce y est possible. La mobilité indi
viduelle motorisée doit y être découragée, et non favorisée! Quant à ceux qui viendraient de plus
loin, ou par exemple des hauts de Montreux, c'est l'autoroute qui est l'itinéraire principal, et nous ne
devons pas encourager le transit par La Tour-de-Peilz ou Montreux.
De plus, il faut tenir compte du fait qu'un plan de mobilité visant à limiter les déplacements motorisés a
été négocié avec Nestlé pour ses nouveaux bâtiments d'Entre-Deux-Villes, avec le résultat que le parking
privé de Nestlé n'offre qu'une place pour 3 salarié-e-s. Leur coller sous le nez un parking de 300 places
avec possibilités d'abonnement, c'est réellement «pousser au crime» et saboter de la main droite ce
qu'a fait la main gauche.
Enfin cet emplacement semble choisi pour maximiser les coûts de construction: creuser jusqu'à 18 mètres
dans le terrain, soit au moins 15 mètres sous le niveau du lac, c'est chercher les problèmes. Le prix à la
place mentionné dans le préavis (81'000.-, p. 15) est d'ailleurs largement supérieur aux 70'000-
du projet dit Grisoni (av. de Gilamont)... que la municipalité a jugé excessif.
Finalement, le seul argument qui plaide pour cet emplacement, c'est le fait qu'il n'y a pas besoin de PPA.
C'est un peu faible pour justifier un engagement de 40 ans et plus.
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Autres localisations possibles


Comme dit plus haut, la municipalité a remis à la commission un inventaire des projets potentiels ou en
cours. Elle en relève 16, toutes tailles et statuts (privés ou publics) confondus, mais là encore il faudra
mettre des priorités.
En ce qui concerne le parking derrière Gare, qui fait depuis longtemps l'objet d'un consensus majo
ritaire au sein du Conseil communal, et qui est une des deux priorités du PMU en matière de stationne
ment, «la Municipalité doit maintenant s'investir de manière massive afin de tenter d'obtenir une
solution propre à satisfaire les besoins urbanistiques de la ville», comme elle l'écrit dans le document cité
ci-dessus.

Les études des projets dans la zone du stand, notamment la proposition Imhof, à l'avenue de Blonay
(Villa Gerhard) et dans le secteur de la piscine, qui correspondent tous trois pleinement aux concepts du
PMU, devraient être menées en urgence, pour disposer d'un document présentant les diverses loca
lisations possibles et des priorités. C'est en tout cas ce que demande l'amendement approuvé par votre
commission.

Mais l'administration ne peut pas tout faire à la fois. Continuer à étudier prioritairement le parking
à Entre-Deux-Villes capterait les ressources financières et en temps de travail nécessaires pour étudier ces
autres localisations, mais surtout pour commencer la révision du Plan directeur et du Plan général d'affec
tation, dont l'obsolescence menace de plus en plus l'urbanisme veveysan.

Vinci, choix contraint?


La proposition Vinci prend la plus grande partie du préavis, c'est de loin la plus avancée et la plus précise.
La municipalité maintient que d'autres choix sont possibles (réalisation publique par la commune, créa
tion d'une SA) mais tout indique que l'hypothèse de la concession choisie pour établir l'appel d'offres
est la préférée. Et comme seul Vinci a répondu de façon satisfaisante à cet appel d'offres... De plus,
comme le dit le rapport de majorité, le calendrier de réalisation affiché dans le préavis, permettant une
mise en service pour la fête des Vignerons n'est possible que si l'option Vinci est choisie. Enfin, le coût de
construction (préavis, point 7.2) est celui de l'offre de Vinci, mais, à ce stade, ce devis n'est valable que
dans le cadre d'un «multipack» comprenant la construction du parking et sa future gestion, couplée à
celle du Panorama.

Si nous approuvons maintenant le crédit demandé, coûts et délais vont donc converger pour que
l'option Vinci reste la seule possible quand viendra la demande de crédit de réalisation. Il faut
donc, pour garder notre libre arbitre, renoncer à l'objectif d'une ouverture pour la Fête des Vignerons,
et dès lors accepter que rien ne presse et que nous pouvons attendre d'avoir une vue plus globale pour
décider.

Une étude et un amendement nécessaires, mais pas suffisants


Au terme de deux séances intenses, la commission a constaté que de nombreuses questions restaient
sans réponse, notamment en ce qui concerne les autres localisations possibles. Elle s'est posé la ques
tion d'une étude complémentaire, et d'un amendement permettant de la financer. La municipa
lité a reconnu ces manques et elle a admis l'amendement, d'autant que, selon ses dires, cette étude
serait certainement utile pour la révision du plan directeur.
La commission a donc accepté par huit voix contre 1 l'amendement suivant: «D'accorder à la
Municipalité un crédit de CHF 100'000- pour une étude préliminaire sur le parcage à Vevey, portant
sur l'état actuel; les besoins prévisibles en places de parc en fonction des objectifs du Plan de mobilité et
d'urbanisme; et les diverses réalisations possibles». Puis la majorité de la commission a approuvé par 4
voix contre 3 que cet amendement soit ajouté aux points 1, 2 et 3 des conclusions du préavis.
Cette décision pose un problème de logique: la commission estime qu'elle n'a pas les bases suffisantes
pour pouvoir se prononcer valablement sur le crédit de CHF 200'000 sans ces éléments complémentaires,
mais elle accorde malgré tout dès maintenant ce crédit. La Municipalité s'est certes engagée à informer le
Conseil communal des résultats de l'étude préliminaire, et à renoncer à poursuivre le projet Entre-Deux-
Villes si l'étude préliminaire montrait que d'autres solutions étaient plus favorables. Mais il est tout à
fait possible que la majorité de la municipalité et la majorité du Conseil communal tirent des
conclusions divergentes des informations nouvelles fournies par cette étude. Une telle situation
ne pourrait qu'être cause de frustrations et de tensions.
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Il est donc bien plus logique et clair de n'approuver que l'étude préliminaire sur le parcage à Vevey en
approuvant l'amendement de la commission, et de renoncer à poursuivre pour l'heure le projet Entre-
Deux-Villes, en refusant le point 1 des conclusions du préavis, et en adaptant les points 2 et 3. Dans la
mesure où il ne s'agit pas d'un refus définitif, les points 4 et 5 doivent aussi être supprimés. Telle est la
proposition de la minorité de la commission.

Conclusions
En conclusion, la minorité de la commission vous prie, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, de
bien vouloir prendre les décisions suivantes:
LE CONSEIL COMMUNAL DE VEVEY

VU le préavis N° 20/2016, du 21 avril 2016, concernant «Demande d'un crédit d'étude de CHF
200'000- pour le projet de construction d'un parking souterrain et l'aménagement de l'espace
public à Entre-Deux-Villes»;
VU le rapport de la commission chargée d'étudier cet objet, qui a été porté à l'ordre du jour
DÉCIDE
1a. D'accorder à la Municipalité un crédit de CHF 100'000- pour une étude préliminaire portant sur la
situation actuelle, les besoins prévisibles en place de parc en fonction du PMU et une étude compa
rative sur les réalisations possibles futures;
1. supprimé;
2. De financer cette dépense par la trésorerie courante, par prélèvement sur le compte « Dépense
d'investissement»;
3. D'amortir cette dépense par un prélèvement d'un montant de CHF 100'000- sur le compte de
bilan n° 9282.05 « Fonds de réserve pour la création de places de stationnement»;
4. supprimé;
5. supprimé.

Pour la minorité de la commission:


Alain Gonthie

Isabel Jerbia

Sans adhérer nécessairement à l'ensemble des arguments de ce rapport, le commissaire Vladimir


d'Angelo en soutient les conclusions.

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