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DROIT CIVIL OU PROCEDURE CIVILE

LES CONDITIONS DE L’ACTION EN JUSTICE

L’action en justice, en vertu de l’article 30 du nouveau code de procédure civile est


« le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge
la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de
cette prétention ».

En tant que liberté fondamentale, ce droit à l’action suppose que toute personne puisse
soumettre ses prétentions à un juge afin qu’il tranche le litige. En tant que pouvoir légal, il
oblige le juge saisi à statuer sur les prétentions portées devant lui.

Le droit d’agir en justice appartient donc à chacun ; il est libre c’est-à-dire qu’il ne
pourra pas être contraint ni faire l’objet d’une renonciation anticipée surtout si les motifs sont
obscurs. Cette liberté ne doit pas donner lieu à des abus qui seraient sanctionnés par la théorie
de l’abus de droit. Le droit d’agir est aussi facultatif, c’est-à-dire qu’une personne peut tout à
fait, pour des causes qui lui sont propres, choisir une autre voie de règlement du litige
notamment le règlement amiable.

L’action en justice ainsi définie nécessite, pour sa mise en œuvre, la réunion d’un
certain nombre de conditions qui ne sont pas sans lien avec celles de la recevabilité de la
demande en justice dans la mesure où celle-ci permet de concrétiser l’action, pouvoir virtuel.
Ces conditions concerneront d’une part l’existence même de l’action (I), d’autre part
l’exercice de l’action (II).

I - Les conditions d’existence de l’action

Les conditions d’existence de l’action sont au nombre de quatre et vont permettre de


pouvoir l’engager. Certaines sont dites objectives puisqu’elles s’attachent à toutes les
demandes ; d’autres sont dites subjectives dans le sens où elles s’attachent aux personnes qui
agissent en justice.

A - Les conditions objectives

L’existence de l’action implique le respect de certains délais dans lesquels elle est
enfermée mais aussi le respect de la moralité de la demande. Concernant les délais, il peut
s’agir des délais pour exercer des voies de recours : un mois pour l’appel, deux mois pour le
pourvoi en cassation … ; il peut s’agir de délais de prescription à l’issue desquels l’action est
éteinte (prescription trentenaire par exemple) ; mais aussi de délais dans lesquels doivent être
accomplies certaines formalités (par exemple, l’affaire doit faire l’objet d’un enrôlement au
greffe du tribunal saisi dans les deux mois de l’assignation). Ces exigences de délais se
retrouvent tout au long de la procédure et font partie des garanties à un procès équitable.

Quant à l’objet de la demande, il va de soi qu’il doit être compatible avec l’ordre
public et non contraire aux bonnes mœurs. En effet, le juge ne peut statuer que sur des
prétentions, des contestations issues de situations légales.

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D’autres conditions se rattachent directement aux personnes qui agissent en justice.

B - Les conditions subjectives

Ces conditions sont complémentaires des premières et indispensables pour être admis
à engager une action en justice : ce sont l’intérêt et la qualité.

L’intérêt se distingue du préjudice puisqu’il correspond à l’avantage recherché par le


procès. Il se distingue aussi du droit invoqué à l’appui de la prétention dans le sens où
l’existence de ce droit, tout comme celle du préjudice, ne sera examinée que lors du débat au
fond alors que l’intérêt s’apprécie au moment de l’examen de la recevabilité de la demande.
Pour être admis, l’intérêt doit présenter certains caractères : il doit être positif et concret,
juridique et légitime, c’est-à-dire, juridiquement protégé, personnel et direct (sauf exception),
né et actuel (sauf exception pour les cas où la simple menace, bel et bien présente, permettra
d’avoir recours à la justice pour faire valoir un intérêt futur ou éventuel).

Quant à la qualité pour agir en justice, elle est souvent confondue avec l’intérêt
personnel et direct du requérant lorsqu’il agit personnellement. La qualité n’est alors qu’un
aspect de l’intérêt. En revanche, la loi impose parfois, en plus d’un intérêt direct et personnel,
une habilitation spéciale afin de réduire le nombre des personnes ayant un intérêt à agir. On
parle alors d’actions attitrées (par exemple, seuls les époux peuvent demander le divorce).
Enfin, la loi attribue à certaines personnes ou groupements la qualité pour agir alors même
qu’ils n’y ont aucun intérêt personnel ou direct : c’est le cas pour l’action d’un contribuable
par substitution à la commune dans laquelle il réside, de celle d’un syndicat pour défendre
l’intérêt collectif de la profession qu’il représente, ou de l’action d’une association pour la
défense d’une grande cause, ou encore du ministère public quand l’ordre public est intéressé
ou dans l’intérêt de la loi…

Une fois ces conditions réunies, l’action peut être exercée mais là encore dans le
respect de certaines dispositions.

II - Les conditions d’exercice de l’action en justice

Pour être exercée, l’action suppose en la personne du requérant la capacité d’ester en


justice ou le pouvoir de le faire à la place de cette personne, en son nom et pour son compte.
Quant à la mise en œuvre de l’action, elle ne peut se faire que par demande en justice à
laquelle seront opposés les moyens de défense du défendeur.

A - La capacité d’ester en justice ou le pouvoir d’agir

Pour intenter une action en justice, le requérant doit avoir la capacité de le faire, c’est-
à-dire qu’il ne doit pas être frappé d’incapacité comme c’est le cas pour le mineur non-
émancipé ou le majeur placé sous tutelle, sinon il appartiendra aux représentants de
l’incapable d’exercer l’action en vertu d’une habilitation légale (parents, tuteurs, représentants
légaux…).

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En revanche, certaines personnes, tout en disposant de cette capacité, auront recours à
d’autres personnes habilitées à le faire et dans ce cas, on passe insensiblement de la capacité
au pouvoir d’agir au nom de la personne pour laquelle on agit et pour son compte. On parle en
fait de représentation ou de mandat dans lequel le mandant confie le soin au mandataire
d’exercer pour lui l’action qu’il aurait pu exercer lui-même. Quant aux personnes morales,
elles sont généralement représentées par une personne physique habilitée par la loi ou
désignée dans les statuts sociétaires.

L’absence de capacité ou le défaut de pouvoir pourront être invoqués pour déclarer


l’action irrecevable.

Enfin, l’action suppose une intervention, une prétention qui sera matérialisée,
concrétisée par la demande en justice à laquelle le défendeur pourra s’opposer par le biais de
moyens de défense.

B - Les demandes en justice et les défenses du défendeur

La demande en justice est un acte juridique par lequel il sera sollicité du juge l’examen
d’une prétention. Il s’agit d’un acte unilatéral de manifestation de volonté de soumettre cette
prétention au juge en réponse duquel le défendeur soumettra au juge sa volonté de présenter
ses moyens de défense.

La demande est dite introductive d’instance lorsqu’elle ouvre l’instance et crée de ce


fait, un lien juridique d’instance entre le demandeur et le défendeur, la demande est alors
également principale. Certaines demandes pourront intervenir au cours d’une instance déjà
engagée, elles seront dans ce cas incidentes et on en distingue trois sortes : les demandes
additionnelles par lesquelles les parties modifient leurs prétentions originaires en les
diminuant, en les élevant ou en y ajoutant d’autres prétentions ; les demandes
reconventionnelles du défendeur qui entend obtenir un avantage distinct de celui du simple
rejet de la prétention de son adversaire ; et les demandes en intervention forcée ou volontaire
consistant à faire entrer, dans le lien d’instance déjà né entre les parties, un tiers. La demande
est dite principale lorsqu’elle crée un lien juridique d’instance entre deux parties, les
demandes en intervention et les demandes subsidiaires sont donc incidentes mais également
principales sans être introductives d’instance.

Les moyens de défense vont permettre au défendeur de répondre à l’attaque dont il est
l’objet et de faire échouer les prétentions de son adversaire. Hormis la demande
reconventionnelle examinée plus haut, le défendeur pourra invoquer trois moyens de défense :
la défense au fond, l’exception de procédure et la fin de non-recevoir.

Les défenses au fond qui pourront être invoquées en tout état de la procédure, même
en appel, consistent à faire échouer la prétention du demandeur au motif qu’elle est injustifiée
ou mal fondée. C’est la dénégation du droit d’action du demandeur, soit par rapport à la règle
de droit invoquée, soit par rapport aux faits allégués (par exemple, le demandeur agit en
justice pour obtenir le remboursement d’une créance mais le défendeur apporte la preuve que
cette somme a été donnée ou remboursée). La défense au fond entraîne l’échec définitif de la
demande qui ne pourra pas être renouvelée.

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Les exceptions de procédure permettent au défendeur de suspendre temporairement la
poursuite de l’instance au motif que le débat s’est engagé de manière irrégulière, il ne s’agit
donc pas de discuter le fond de la prétention et la procédure pourra être reprise après
régularisation de la situation. On distingue les exceptions de nullité, de connexité, de
litispendance, d’incompétence ou dilatoire ; elles doivent être invoquées ensemble et
simultanément.

Enfin, les fins de non-recevoir ne visent pas le fond de la prétention mais entraînent
l’échec définitif de la prétention qui devient irrecevable. Il peut s’agir d’un défaut de qualité,
d’intérêt, du principe de la chose jugée ou encore de la conciliation des époux dans une
procédure de divorce… Elles peuvent être invoquées en tout état de cause à la différence des
exceptions de procédure qui doivent l’être avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

En conclusion, les actions en justice, aussi diversifiées soient-elles, doivent réunir ces
conditions de valeur générale. En cas d’omission de l’une d’entre elles, les conséquences
quant à la procédure ou au jugement rendu seront considérables (nullité, anéantissement
rétroactif…).

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