ALIGNER LE ROLE DES INGENIEURS CONSEILS A LA VISION
DU DEVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE
Sous-thème 1 : Contribution de l'ingénierie africaine dans la
réalisation des infrastructures (Bâtiments, eau, énergie, transport, mines) intelligentes et résilientes au changement climatique
Communication : Modélisation des phénomènes hydrologiques en
milieu urbain : quels modèles choisir et comment faire face à la pénurie des données ? Retour d’expérience d’un Ingénieur-conseil
Auteur : Imed Eddine Nouri – D.G. de CONCEPT Group (Tunisie)
i.nouri@concept.com.tn
1. En Afrique : la population urbaine d’habitats salubres et bénéficiant
s’accroit très vite, mais d’infrastructures urbaines l’infrastructure urbaine ne suit pas ! conventionnelles. De grandes parties Quelque 400 millions d’Africains vivent des zones urbaines se trouvent en aujourd’hui en ville, soit près de 39 % particulier démunies d’assainissement de la population, contre 3 % il y a un des eaux pluviales et exposées aux siècle. En 2030, le continent comptera risques périodiques d’inondations par environ 760 millions de citadins (soit les eaux de ruissellement. plus que la population de l’ensemble de l’Europe) et 1,2 milliard en 2050, 2. L’impact des changements soit plus de la moitié de sa climatiques sur le risque population. L’Afrique subsaharienne d’inondation devance toutes les autres régions du monde sur le plan de la croissance de Avec les changements climatiques qui la population urbaine : 4,1% par an en frappent de plein fouet l’Afrique 2016 contre 2% à l’échelle du monde. subsaharienne, la fréquence des Sur les dix pays où le taux phénomènes hydrologiques d’urbanisation est le plus élevé dans le catastrophiques dans les villes va en monde, six se trouvent en Afrique augmentant. Pour la zone sahélienne, subsaharienne. Mais au sud du à titre d’exemple, des études Sahara, 62 % des citadins vivent dans académiques récentes ont tenté un logement précaire (contre 36 % d'appliquer divers modèles climatiques dans l’ensemble des pays en régionaux à la prédiction des variations développement), soit 165 millions de du champ de pluies jusqu’à 2050 1. personnes. Le plus souvent, cette Parmi les consensus qui se dégagent explosion de l’urbanisation a en effet 1 Boubacar Ibrahim. Caractérisation des saisons de pluies pris de court les pouvoirs publics dans au Burkina Faso dans un contexte de changement climatique et évaluation des impacts hydrologiques sur le la planification et la réalisation bassin du Nakanbé. Hydrologie. Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2012. parmi les modèles utilisés : une baisse hydrologique. Les valeurs d’autres de la fréquence des faibles pluies (0.1 paramètres, qui traduisent certaines à 5 mm/jr), mais aussi une propriétés des sols des bassins augmentation des intensités de fortes versants urbanisés, ne sont pas non pluies (>50 mm/jr), facteur déterminant plus disponibles, vu le nombre limité dans l’occurrence de crues des cours d’études ayant intéressé cet aspect d’eau. dans les zones urbaines.
et pénurie de données l’hydrologie urbaine ? En hydrologie, le ruissellement est le Les modèles informatiques ou produit de la réponse du bassin mathématiques Pluie-Débit (ou versant d’un cours d’eau à des « Rainfall-Runoff » en anglais, traduit précipitations. La fiabilité de plus judicieusement par « Pluie- l’estimation des débits et volumes Ruissellement ») sont nombreux et ruisselés suite à un événement existent depuis plus de quarante ans, pluvieux ou averse dépend beaucoup période concomitante au de la fiabilité de la représentation que développement important de fait l’hydrologue à la fois de l’averse et l’informatique. Ils sont chacun basés du bassin versant qui la convertit en sur une approche bien déterminée du débit. La résolution des problèmes phénomène hydrologique de hydrologiques se faisant de plus en conversion des précipitations en plus par recours aux modèles ruissellement. Il y’a autant d’approches mathématiques informatiques, la que d’écoles ou d’hydrologues, modélisation des événements averse- chacune privilégiant des processus ruissellement passera donc par une physiques plutôt que d’autres parmi modélisation de l’averse du projet et l’ensemble des processus qui par une modélisation du bassin concourent à la production du versant. Dans un cas comme dans ruissellement de surface. Par ailleurs, l’autre, dans le contexte africain, chacune des parties du processus l’hydrologue devra faire face à une hydrologique est expliquée pénurie de données nécessaires à une différemment selon les auteurs, à modélisation fiable des phénomènes l’instar de l’infiltration qui est modélisée hydrologiques en milieu urbain. Malgré par plus d’une équation : Horton, la fréquence des pluies diluviennes Green-Ampt, Holtan, etc. Les modèles affectant les villes sub-sahariennes hydrologiques optent pour une causant des inondations avec même approche ou du moins pour un nombre mort d’hommes, il n’y a pas limité parmi ces approches. Chacune d’enregistrement sur les canaux et des équations mathématiques qui drains parcourant les zones urbaines, traduisent une partie du processus ni de débits ni de niveaux d’eau2. Ce hydrologique comporte des paramètres qui rend impossible le recours à de tels en plus ou moins grand nombre et de enregistrements pour procéder au détermination plus ou moins aisée. calage des paramètres d’un modèle Plus l’approche adoptée pour expliquer le processus hydrologique est 2 Ceci n’est pas spécifique à l’Afrique sub-saharienne. exhaustive, plus le nombre de En général l’hydrologie urbaine est très peu paramètres est grand. Mais en même développée même dans les pays avancés, les services hydrologiques se focalisent davantage sur l’hydrologie temps, la détermination de ces des grandes rivières dont l’observation régulière paramètres devient ardue, car elle absorbe la quasi-totalité de leurs moyens. nécessite des travaux préparatoires, données. Pour ce faire, l’hydrologue a voire des mesures de terrain pas eu recours à plusieurs artifices et toujours disponibles, ni aisées à analogies permis par la science réaliser, ni même possibles. Plus le hydrologique afin de combler les nombre de paramètres est grand, plus lacunes des données provenant de l’erreur globale de la simulation du mesures et observations de terrain. processus hydrologique est élevée, car Il est d’abord expliqué la manière ayant elle est la résultante des erreurs servi à l’établissement de la Pluie du partielles commises sur la projet. Pour la modélisation Pluie- détermination de chaque paramètre. Ruissellement, ce sont les intensités Les questions qui se posent à des averses déduites des l’hydrologue amené à choisir un enregistrements pluviographiques qui modèle hydrologique Pluie- intéressent et non pas les cumuls Ruissellement sont alors les journaliers relevés aux postes suivantes : pluviométriques. Or, il se trouve que l’unique pluviographe encore en Quelles approches expliquent le fonctionnement dans tout Abidjan est mieux le phénomène celui de l’Aéroport, situé en dehors de hydrologique étudié ? l’aire d’étude. L’hétérogénéité de la Parmi ces approches, quelles pluviométrie dans la région des sont celles qui recourent à un Lagunes ayant été rappelée, il est nombre de paramètres justifié le recours aux enregistrements raisonnablement limité et dont la de pluviographie effectuées à détermination s’effectue par un Adiopoudomé, plus proche de la zone effort et des moyens adéquats du projet. Ceux-ci, même de courte avec les contraintes de l’étude durée, permettent d’obtenir une courbe en cours ? IDF plus représentative de la Le modèle choisi devrait en toute distribution fréquentielle des intensités logique se baser sur une approche de pluie dans la zone d’étude. Mais la traduisant convenablement le forme de l’averse du projet sera elle processus hydrologique objet de puisée d’une analyse fréquentielle des l’étude, comme il devrait offrir des averses extrêmes enregistrées à routines utilisant des paramètres dont l’Aéroport pendant 30 années. la détermination est possible dans le La modélisation hydrologique des cadre de l’étude en question. bassins versants est abordée dans la suite. Après une justification du choix du modèle HEC-HMS –moins 5. Retour d’expérience : étude du « gourmand » que d’autres en drainage des eaux de ruissellement données nécessaires au calage de ses à Abidjan paramètres-, celui-ci est décrit du point En 2015, a été confié à un groupement de vue de son aptitude à reproduire les animé par CONCEPT l’étude phénomènes de ruissellement dans un d’amélioration des systèmes de contexte tel que celui d’Abidjan. Le drainage des eaux de pluie dans la choix parmi les options qu’offre ce partie d’Abidjan au nord de la lagune modèle est aussi expliqué puis Ebrié. Ce qui a constitué un cas l’explication des paramètres utilisés édifiant où l’ingénieur-conseil a pu dans les calculs aboutissant à la procéder à une modélisation complète détermination des débits aux différents des phénomènes hydrologiques dans nœuds de calcul. En l’absence un contexte de relative pénurie de d’enregistrements de débits en zone urbaine, le calage et la validation de le vu des photographies prises lors des HEC-HMS seront effectués par la suite visites des cours d’eau. Toutefois, « indirectement » par le biais des cette manière de procéder ne donne simulations par HEC-RAS des pas des valeurs indiscutables pour n et hauteurs d’eau produites par des le calage a consisté donc à les ajuster débits reproduits par HEC-HMS en par « essais et erreurs » sur le cours réponse à des événements pluvieux d’eau de M’pouto et d’utiliser les historiques dûment enregistrés. observations effectuées sur d’autres HEC-RAS est l’outil qui a servi de cours d’eau pour « valider » les valeurs modèle hydraulique du système de de n déduites du calage sur M’pouto. drainage des bassins étudiés. Après Les premières simulations par le avoir procédé au descriptif de ses modèle ainsi calé ont servi au fonctionnalités et évalué son diagnostic du fonctionnement des adéquation avec la problématique du systèmes de drainage existants sur les drainage des eaux de ruissellement à bassins versants d’Abidjan. Des cartes Abidjan, est décrite la procédure du d’inondabilité ont été établies pour trois calage des paramètres du modèle. Le périodes de retour 10 ans, 50 ans et calage des paramètres du modèle se 100 ans. Pour les mêmes périodes de fait en comparant, pour des retour furent déterminés au droit de événements pluviométriques connus, chacun des ouvrages hydrauliques, la ligne d’eau calculée avec celle notamment à la traversée de routes et observée via les traces de niveaux voies, les hauteurs de submersion et le d’eau relevées sur le terrain au droit de régime d’écoulement (en charge ou à sections de contrôle bien déterminées. surface libre). Les simulations La chronique pluvieuse de début juin effectuées lors de l’étape ultérieure ont 2015, au cours de laquelle furent quant à elles permis d’évaluer l’impact relevées les laisses de crue, a servi à des nouveaux ouvrages projetés sur cette fin. La géométrie des cours d’eau l’amélioration du drainage et ce pour la étant supposée bien définie par les période de retour 50 ans. Plusieurs supports topographiques utilisés, le variantes de réaménagement et/ou de paramètre qui a servi au calage du renforcement du système ont été modèle est le coefficient de Manning évaluées par le biais des résultats des « n ». La rugosité des lits des cours simulations visualisées sur les profils d’eau avait été définie dans une en long et en travers de la ligne d’eau première étape en recourant aux « sorties » de HEC-RAS. valeurs tabulées dans la littérature, sur