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Caire Guy. Des relations industrielles comme objet théorique. In: Sociologie du travail, 33ᵉ année n°3, Juillet-septembre 1991.
pp. 375-401;
doi : https://doi.org/10.3406/sotra.1991.2563
https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1991_num_33_3_2563
Résumé
Un grand nombre de travaux théoriques sont actuellement consacrés aux relations industrielles. En les
interrogeant la présente contribution s'efforce de répondre à trois questions. Peut-on considérer qu'il y
a là un domaine autonome ? La constitution de la discipline aux Etats-Unis et le repérage statistique
des travaux qui lui sont consacrés permettent d'en baliser le champ. Autour de quels concepts
organisateurs la discipline se constitue-t-elle ? C'est finalement autour du concept de conflit et du
traitement qui en est fait que paraît se constituer le corpus disciplinaire. L'auteur distingue l'approche
systémique qui néglige le conflit en s'intéressant essentiellement à l'établissement des règles,
l'approche behavioriste qui assume le conflit en mettant surtout l'accent sur les processus qui
conduisent à l'élaboration des règles, l'approche marxiste pour laquelle le conflit est central et permet
seul d'expliquer la nature des règles et leur transformation au cours du temps.
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I. - CHAMPS
Baliser un terrain est pour toute discipline qui se cherche une absolue
nécessité. Les relations industrielles n'y échappent pas, au point qu'on a pu
écrire qu'«en Grande-Bretagne la théorie semble davantage un exercice de
délimitation de frontières que l'élection d'hypothèses». (Strauss et Feuille
1978, p. 276). Effectuer le bornage de ce pré carré peut se faire de deux
manières complémentaires, en se livrant tout d'abord à une brève enquête
historique, en essayant ensuite de voir de manière plus didactique ce qu'il en
est actuellement de la nature de la discipline, privilégiant pour ce faire son
pays d'élection, les Etats-Unis.
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Des relations industrielles comme objet théorique
histoire en trois étapes qui peuvent être identifiées à trois universités successi¬
ves (dont les affinités électives avec le mouvement ouvrier sont sans doute de
plus en plus distantes), étapes que l'on peut baptiser avec G. Strauss et P.
Feuille (1978) comme étant celles des «premiers jours» ( early days), de «l'âge
d'or» (golden age) et du «cafard» (dolrums ), les auteurs ajoutant qu'on peut
peut-être espérer voir surgir une quatrième période qui serait celle de la
« renaissance ».
C'est avec J.R. Commons (1923) étudiant, à l'aide des concepts clés
d'équité, négociation, comportement raisonnable, pragmatisme, institutionna-
lisme le « gouvernement constitutionnel dans l'industrie », dans une perspec¬
tive associant «des moyens conservateurs pour atteindre des buts radicaux»
(Barbash, 1989) et S. Perlman (1928), tentant de montrer dans une interpréta¬
tion concurrente avec celle de Lénine, comment les syndicats, conscients de
la rareté des emplois, s'efforcent d'en assurer le partage entre leurs adhérents,
que l'université du Wisconsin va s'affirmer. A cette première vague s'associe¬
ront d'autres auteurs, R.F. Hoxie, E. Wite ou P. Taft par exemple, et d'autres
universités comme celle de Baltimore, l'université John Hopkins. Ce qui
caractérise ces premiers travaux c'est d'une part une révolte contre la stérilité
de la théorie économique classique pour traiter des problèmes du travail
(aussi ces auteurs vont-ils attribuer un rôle essentiel aux forces extérieures au
marché dans l'explication de l'allocation et du prix du travail, d'où le nom
d'institutionnalistes qui leur sera attribué), d'autre part une volonté réforma¬
trice s'efforçant de légitimer le syndicalisme et de proposer un certain nombre
de réformes sociales, mais aussi le désir d'édifier une théorie du mouvement
ouvrier alternative à celle du marxisme.
La conception de ces auteurs a bien été décrite par A. Rees (1976, p. 53) :
«L'approche institutionnaliste, écrit-il, plonge ses racines méthodologiques
dans l'histoire, la sociologie et le droit plus que dans la théorie économique.
En vérité les économistes passés, institutionnalistes du marché du travail,
indiquent clairement que, selon eux, le corpus fondamental de la théorie
économique apporte peu à la compréhension des problèmes du travail. En
termes de champ, les institutionnalistes portent leur attention essentiellement
aux questions du syndicalisme et de la négociation collective, de droit du
travail, d'assurances sociales et de gestion du personnel ».
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économistes qui avaient occupé des fonctions dans le War Labor Board et
dont on va retrouver plusieurs d'entre eux à l'université de Californie, vont
s'efforcer d'aborder, avec la panoplie des outils de l'économiste, l'ensemble
des problèmes du travail. Ce recours accru à l'économie les fera qualifier
de post-institutionnalistes (Segal, 1986) s'attachant particulièrement à des
questions telles que l'analyse de la mobilité du travail et le processus de
recherche d'emploi, l'explication des politiques syndicales, l'évaluation de
l'impact de la négociation collective, l'étude des facteurs affectant la structure
interne des salaires et contribuant à l'émergence des marchés internes, l'ana¬
lyse des mécanismes de détermination des salaires.
Ainsi J. Dunlop (1944) va élaborer une approche «économique» du syndi¬
calisme considéré comme agent maximisateur du revenu de ses adhérents. A.
Ross (1948) nous proposera pour sa part une approche «politique», chaque
leader syndical soucieux de maintenir la puissance de son organisation s'effor¬
cera d'obtenir des augmentations de salaires semblables à celles obtenues
dans des secteurs voisins {orbits of coercitive comparisons). C. Kerr (1948)
suggérera une synthèse entre les deux approches, considérant les syndicats
comme une institution de fixation des salaires, jouant du modèle du monopole
économique, de celui de la concurrence politique et du modèle de la bureau¬
cratie politique, ce dernier qui est le plus répandu fait des syndicats des
«bureaucraties quasi gouvernementales», intervenant par ailleurs sur des
marchés « balkanisés » (guild pour les qualifiés, manorial pour les non quali¬
fiés). N. Chamberlain (1951) fera la théorie de la négociation collective conçue
comme moyen de contrat salarial, forme de gouvernement industriel, modalité
de management (ce qui correspond aux théories dites du marketing, gouverne¬
mentale et managériale) (Kuhn et ail., 1983). Dans cette période la négociation
collective est vue comme un outil destiné à maintenir la paix sociale et
l'équilibre des forces du marché et des influences institutionnelles. S'inspirant
du travail de conceptualisation de Dunlop (1958) un grand projet comparatif
international interacadémique s'inscrira dans le cadre tracé par Kerr, Dunlop,
Myers et Harbison (1960).
L'école institutionnaliste (ou post-institutionnaliste) américaine a son pen¬
dant en Grande-Bretagne mais l'« école oxfordienne» sera moins dominée
par les économistes, plus ouverte aux sociologues, voire plus réceptive aux
propos marxistes. Flanders (1965), Bain et Clegg (1974) à l'université Warwick
concevront les relations industrielles comme l'étude des institutions de job
regulation ce qui est finalement assez proche du web of rules de Dunlop avec
cependant un effort «pour éviter les ambiguïtés des théories des systèmes et
donner un poids égal, lorsque nécessaire, aux processus de relations indus¬
trielles aussi bien qu'à leurs structures, à la genèse des conflits aussi bien
qu'à leur résolution, aux variables de comportement comme à celles de nature
behavioriste.
structurelle» (Winchester 1983, p. 101) ce qui les rapprochera de l'école
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Une discipline peut se définir par son objet et par ses méthodes. C'est de
ces deux points de vue successifs que nous allons tour à tour nous placer.
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Pour ce qui est de la méthode, le bref rappel historique plus haut établi
nous montre, variable au gré des auteurs, le caractère nécessairement interdis¬
ciplinaire de ce champ d'analyse. Cette interdisciplinarité peut d'ailleurs faire
l'objet d'une quantification. C'est ainsi qu'à partir du dépouillement des
programmes d'un certain nombre d'institutions d'enseignement en relations
industrielles aux États-Unis, Rehmus (1988) a pu estimer qu'on avait 25 à
30 % de cours concernant l'économie des marchés du travail, 25 % concernant
la psychologie des relations humaines et interpersonnelles, 15 à 25 % la
sociologie des relations de travail, 10 à 20 % l'histoire du mouvement ouvrier
et du syndicalisme, 10 % le droit de la sécurité sociale et 5 % la législation
du travail. De même on peut ventiler les thèses de doctorat soutenues dans
notre domaine pour montrer la part respective des différents centres d'intérêt
et leur évolution au fil du temps (Dunlop 1955, p. 96).
Margerison (1969, p. 275), prenant simultanément en compte les types de
relations intervenant dans les relations industrielles et les disciplines académi¬
ques concernées, nous fournit un tableau croisé des objets et des méthodes
du champ couvert par la discipline.
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II. - PARADIGMES
1 . Critères paradigmatiques
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Illustrations paradigmatiques
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venue de Marx qui considère que les relations capital-travail sont fondamenta¬
lement politiques et antagonistes, école admettant également des variétés
réformatrices dont les fabiens pourraient, suivant l'auteur, être l'illustration;
l'école du management avec Taylor comme père fondateur qu'enrichiront les
travaux de Mayo découvrant que les motivations de l'homme au travail
peuvent être plus complexes que les seules raisons économiques imaginées
par Taylor, école qui peut à son tour se subdiviser en s'intéressant plus
particulièrement aux organisations, aux comportements, etc.; l'école institu¬
tionnelle à l'approche plus inductive que déductive chez Commons ou les
Webb qui étaient des « découvreurs des faits à la recherche d'une théorie plus
que des théoriciens à la recherche des faits» (p. 516) et qui, plutôt que de
construire une théorie positive, réagissaient aux écoles concurrentes en en
montrant les apories; l'école systémique de « professionnels
pluridisciplinaires» mais avec peu d'intégration théorique réelle malgré la
tentative méritoire de Dunlop.
b) Construction paradigmatique
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2. Typologie proposée
La diversité des points de vue ci-dessus présentés nous incite à trouver nos
propres référents et à en tirer les conséquences nécessaires.
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b ) Conséquences
S'il est exact que "les phénomènes propres au domaine d'études des relations
industrielles tournent autour du concept-couple conflits collectifs-négociation
collective" (Weiss 1973, p. 15), dès lors un clivage fondamental peut être établi
entre les différents travaux consacrés aux relations industrielles : Dunlop, qui
fait de l'établissement des règles et donc du contrat le cœur des systèmes de
relations professionnelles, se situe à un pôle; à un autre pôle se trouve Marx
pour qui le contrat ou les règles ne sont jamais que des armistices sociaux
dans un affrontement hégélien entre classes sociales qui constitue le moteur
du développement historique. Si l'on voulait faire image, on dirait qu'il s'agit
là de traditions analytiques aussi opposées que peuvent l'être une vision à la
Walras et une vision à la Clausewitz du fonctionnement des systèmes sociaux.
Cette attitude à l'égard du conflit est bien mise en lumière par F.A. Kochan
(1982) dans la réponse apportée aux différents commentaires faits sur son
livre Collective Bargaining in industrial relations, par des auteur aussi différents
que O. Ashenfelter, C.C. Commings, M. Derber, C. Kerr, G. Strauss et R.
Hyman. Selon lui, pour le marxisme, le conflit est inhérent au système
capitaliste et de caractère fondamental, pour les pluralistes le conflit existe
mais simplement au même titre que la coopération et il n'est pas lié à des
oppositions de classes mais simplement à des intérêts catégoriels; pour les
behavioristes le conflit est de nature interpersonnelle et l'entreprise peut le
réguler; pour les néoclassiques, les décisions prises par les acteurs dans le
cadre du calcul économique qui les guide sont présumées converger vers une
solution efficace pour chacun.
De cette opposition des visions découlent des conséquences méthodologi¬
ques relatives aussi bien à la manière de traiter les problèmes en question
que, beaucoup plus fondamentalement, à la reconnaissance d'un champ
spécifique d'étude constitué en objet théorique. «La tradition anglo-améri¬
caine, c'est évident, est à la fois complexe et différenciée, écrit R. Hyman
(1979, pp. 421-422). Il est toutefois possible de distinguer un paradigme sous-
jacent qui comporte trois postulats fondamentaux : une conception naturaliste
des intérêts, une conception empirique du pouvoir, une vue ethnocentrique
de la nature et des buts des syndicats. Ces trois postulats conduisent sans
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III. - SYSTÈMES
Si c'est le conflit dont les origines peuvent être localisées dans la formule
PEEP (prix, effort, équité, pouvoir) proposée de façon synthétique mais sans
doute d'une manière excessivement simplifiée par Barbash (1964) qui peut
nous servir de guide pour établir une typologie des systèmes de relations
industrielles, encore faut-il voir comment, de ce point de vue, les approches
retenues se distinguent. Les considérations ci-dessus nous ont déjà permis
d'opposer le systémisme et le marxisme; nous croyons utile de faire intervenir
entre les deux une approche intermédiaire, plus proche sans doute de la
première que de la seconde mais néanmoins distincte. Si «la négociation est
une relation ponctuée de coopération et de conflits» (Boivin, 1987, p. 1982)
on peut en effet dire que là où Dunlop met l'accent sur la première, les
behavioristes mettent l'accent sur les seconds sans toutefois leur attribuer la
place décisive qu'ils ont dans la construction marxiste. Or, « on ne peut parler
de relations industrielles qu'à deux conditions : que soit reconnue l'existence
d'intérêts divergents ou conflictuels entre les parties; que leur négociation
vise à établir des règles et des procédures de traitement des différents ou des
revendications individuelles ou bien collectives» (Touraine 1970, p. 979).
En d'autres termes si, au prix d'une formule sans doute excessive mais
permettant de faire image, il nous fallait caractériser ces différentes construc¬
tions, nous dirions que dans l'approche systémique le conflit est négligé, que
dans l'approche behavioriste il est assumé, que dans l'approche marxiste il
est consacré.
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1. Approche systémique
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r = f(b) (2)
ou :
r = f (c) (3)
Appréciation
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Ces critiques sont de divers ordres, les unes présentant un caractère plus
méthodologique, les autres mettant davantage l'accent sur le finalisme impli¬
cite de la construction. On peut tenter de remédier aux premières en amendant
la construction de Dunlop. Par exemple Craig (1974) inclura les valeurs dans
le système. Hameed (1975) renforcera son aspect pluridisciplinaire et essaiera
de ne pas privilégier la seule stabilité en introduisant à côté de l'analyse des
règles celle des processus à l'œuvre. Roche (1986) observera que c'est sans
doute une ironie de l'histoire que les lecteurs n'aient retenu que l'aspect
formel des premiers chapitres de l'ouvrage de Dunlop de 1958 qu'il estime
quant à lui de faible apport théorique, alors que le chapitre 8 développe une
théorie beaucoup plus dynamique, ce qui est réintroduire, en lui attribuant
un poids décisif, le rôle de l'histoire. La seconde catégorie de critiques nous
paraît beaucoup plus fondamentale. C'est sans doute la référence explicite à
Parsons qui conçoit la société comme autorégulée et autoreproduite {self
regulating and self maintening) qui est responsable du statisme de l'approche
dunlopienne, de son caractère conservateur, de la faible attention portée aux
conflits alors que, comme le remarque Elridge (1968), conflit et coopération,
stabilité et instabilité méritent tout autant d'attention les uns que les autres.
C'est essentiellement pour réagir contre ce statisme que vont se développer
les travaux de l'école behavioriste.
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2. Approche behavioriste
Couvrant des domaines variés qui vont des attitudes des travailleurs à
l'égard de leurs syndicats, aux structures, comportements et influence exercée
par ceux-ci, aux stratégies des entrepreneurs, à la dynamique de la négociation
(Lewin et Feuille 1983), les spécialistes de relations industrielles rangés sous
cette banière, parfois encore appelée interactionnisme ou analyse stratégique
voire néo-institutionnalisme (Reshef et Murray 1988) ne constituent pas un
groupe homogène; ils semblent cependant avoir en commun de «concevoir
la régulation normative du travail industriel comme un processus soumis à
des influences sociales (Schienstock 1981, p. 174). Si l'on accepte cette idée
selon laquelle les acteurs ont un rôle actif et pas seulement réactif, on peut
alors tenter de reconstituer rapidement la formation de ce courant de pensée
et présenter les hypothèses qu'il fait siennes.
b) Hypothèses constitutives
C'est sans doute C.J. Margerison (1969) qui a le mieux précisé la nature
de cette approche des relations industrielles qui, selon G. Strauss et P.
Feuille (1978) s'est considérablement développée après 1960 aux Etats-Unis au
moment où l'approche systémique ou institutionnaliste commençait à perdre
un peu de son mordant. Partant du postulat que le conflit est une chose
inévitable dans les sociétés industrielles, Margerison défend l'idée qu'il est
nécessaire de le réguler à travers un corps de règles, ce qui n'est pas en
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3. Approche marxiste
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que ceux qui font l'objet d'une négociation et aussi avec les autres formes
institutionnellles que peuvent prendre les compromis sociaux à un certain
moment.
Mais cette «revue des troupes» nous permet en même temps de cerner
les orientations que devrait prendre la recherche et qui sont celles mêmes
qu'esquissait, il y a une vingtaine d'années, Cox (1968, pp. 6-7) lorsqu'il
écrivait : « Du point de vue historique, il existe deux sources à partir desquelles
il paraît possible d'élaborer une théorie : le marxisme et le fonctionnalisme.
Appliqué aux relations professionnelles, le marxisme attire l'attention sur le
conflit en tant que moteur du changement. Le fonctionnalisme souligne le
consensus ou le contenu normatif des systèmes sociaux qui en assurent la
cohésion et le maintien. Le grand avantage de la théorie marxiste réside dans
l'explication qu'elle fournit de l'évolution historique. Sa faiblesse tient souvent
à ce qu'elle limite étroitement les variables indépendantes aux variables de
caractère économique. Le fonctionnalisme, par la conception du système
social qui lui est propre, est à même de prendre en considération un certain
nombre de variables interdépendantes, mais peut aisément pécher par excès de
conservatisme en se concentrant par trop sur les mécanismes homéostatiques
tendant à maintenir l'équilibre, et il est, ce qui est logique, dans l'incapacité
d'expliquer, l'évolution historique. Pour être utile aujourd'hui, il faudrait
qu'une théorie générale des relations professionnelles puisse expliquer de
manière satisfaisante à la fois le conflit et le consensus et puisse aussi rendre
compte de l'évolution, et il faudrait qu'elle soit une théorie du développement
et soit susceptible de dégager dans leurs grandes lignes les perspectives
d'avenir possibles et de concentrer l'attention sur les problèmes qui viendront
à se poser».
GUY CAIRE
CRESST;
Université de Paris-Sud -
CNRS - Paris (*)
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