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Le montage

Le montage est, en audiovisuel, l'action d'assembler bout à bout plusieurs plans pour


former des séquences qui formeront à leur tour un film.
Le montage consiste à choisir les meilleurs plans (prises dites « cerclées ») ou les
meilleurs éléments du tournage, puis les assembler (« monter ») dans un ordre
cohérent, ceci dans le but d'aboutir à un film (documentaire, fiction ou reportage)
présentable au spectateur.
Un raccord consiste à un changement de plan dans un film. C’est le choix du raccord
qui va donner l’intensité du film, et des plans les uns par rapport aux autres. On dit
souvent que le montage est le moment où l’on donne du sens au film, où on
«l’écrit »; le raccord serait alors la ponctuation d’un film.
Les rôles du montage
Le montage a trois rôles essentiels :
- Syntaxique
- Sémantique
- Rythmique

1/ FONCTION SYNTAXIQUE : c'est le montage-découpage. Il s'agit d'articuler les plans les uns par
rapport aux autres pour donner de la continuité, de l'unité. D'où l'utilisation de raccords, par un
geste, un mouvement de caméra, etc. qui amène en douceur le plan suivant. Ces raccords doivent
donc nécessairement être prévus à l'avance. Ce montage-découpage ne crée pas de lecture du
monde, il reste dans l'évidence. Il assure entre les éléments qu'il assemble, des relations
indépendantes du sens du sens qui ne se révèle qu'en examinant le rythme global du film. Les
relations syntaxiques sont essentiellement de trois sortes :
- Effet de liaison : La production d'une liaison formelle entre deux plans successifs, le raccord, qui
renforce la continuité de la représentation elle-même.
- Effet de ponctuation et de démarcation : la figure du fondu enchaîné marque la plupart du temps
un enchaînement entre deux épisodes différents d'un film.
- Effet d'alternance : L'alternance peut être fondée sur la simultanéité temporelle. On parle alors
de montage alterné. L'action peut se dérouler dans un lieu identique (poursuivant / poursuivi) ou
dans des lieux différents (Dans Idle class sont décrits alternativement l'arrivée du vagabond à la gare
et le réveil de riche mari de Edna). Marcel Martin réserve le terme de montage parallèle au
rapprochement symbolique entre deux situations. Ainsi Eisenstein dans la séquence de La
grève, juxtaposant le massacre des ouvriers par l'armée et une scène d'égorgement d'un animal à
l'abattoir.
On a ainsi une première fonction de production de sens dénoté, essentiellement spatio-temporel,
production d'un espace filmique, et de façon générale de l'histoire.
Ce montage que Marcel Martin qualifie de narratif est le plus transparent possible et ne produit
aucun signe en direction du spectateur. Mais chacun de ces trois effets porte en germe une source de
montage expressif : l'effet de liaison peut être perturbé par un faux raccord, l'effet de ponctuation
d'un fondu-enchainé peut entraîner un flash-back
2/ FONCTION SÉMANTIQUE : production de sens connoté, le montage met en rapport deux
éléments différents pour produire des effets de causalité, de parallélisme, de comparaison, etc. La
production de sens connoté est omniprésente dans le montage parallèle dont le but est de

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rapprocher symbolique deux situations. Ainsi Eisenstein dans la séquence de La grève, juxtaposant le
massacre des ouvriers par l'armée et une scène d'égorgement d'un animal à l'abattoir.
Des effets de sens retardés sont à l'œuvre dans des raccords dans l'axe ou des raccords dans l'axe
inversés. Le film « Aprile » (Nanni Moretti – Italie) s'ouvre sur un plan du présentateur de la
télévision. Lui succède un plan plus large révélant le vrai contexte de la scène avec le cadrage de
Giovanni et sa mère commentant ces résultats politique de la soirée du 28 mars 1994.
Le second exemple utilise le raccord dans l'axe inversé. Giovanni, dans son bureau demande à ses
collaborateurs de filmer la campagne électorale de Berlusconi en plans fixes. Il se retrouve lui-même,
seul, face à l'écran. Il se met à prononcer des mots plus extravagants les uns que les autres et qui se
révèlent être - lorsqu'il est filmé au plan suivant, de derrière et dans un cadre plus large découvrant
un kiosque à journaux - des titres de quotidiens ou de magazines.
L'image modifiée : est le nom donné par Gilles Deleuze à un procédé qu'il a repéré dans deux
westerns de John Ford : une image est montrée deux fois, mais la seconde fois, modifiée ou
complétée de manière à faire sentir la différence entre la situation de départ et celle d'arrivée.
Dans Liberty Valance, la fin montre la vrai mort du bandit et le cow-boy qui tire, tandis qu'on avait vu
précédemment l'image coupée à laquelle s'en tiendra la version officielle (c'est le futur sénateur qui
a tué le bandit). Dans Les deux cavaliers, on nous montre la même silhouette de shérif dans la même
attitude mais ce n'est plus le même shérif. Il est vrai qu’entre les deux S et S', il y a beaucoup
d'ambiguïté et d'hypocrisie. Le héros de Liberty Valance tient à se laver du crime pour devenir un
sénateur respectable, tandis que les journalistes tiennent à lui laisser sa légende, sans laquelle il ne
serait rien. Et, comme l'a montré Roy (Pour John Ford, édition du cerf), Les deux cavaliers ont pour
sujet la spirale de l'argent qui, dès le début, mine la communauté et en fera qu'agrandir son empire."
Ce motif de l'image modifiée était déjà présent, magnifiquement, dans La prisonnière du désert.
D'une part avec l'image de Debbie, qu'Ethan élève au dessus de lui au début du film pour marquer la
reconnaissance de sa filiation et à la fin lorsqu'il résout enfin la question du racisme et renonce à la
tuer bien que "souillée" par sa vie avec un indien. L'autre image modifiée est celle de l'embrasure de
la porte, signe d'espoir d'intégration au début, signe du retour à la vie solitaire à la fin.
Au début de Citizen Kane la caméra monte au dessus d'une grille sur laquelle figure "No trespassing"
et transgresse l'espace personnel de Kane au moment de sa mort, moment intime par excellence. A
partir du dernier mot prononcé, "Rosebud" va s'enclencher une enquête, une chasse comme celle de
Ethan dans La prisonnière du désert. Seul le spectateur apprendra ce que signifie ce mot car
l'enquête menée dans le film échoue. Dans les milliards de caisses laissées à la mort de Kane, des
ouvriers viennent faire du vide et jettent des caisses au feu : sous une luge, sur laquelle jouait Kane
enfant on distingue le mot "Rosebud". La luge est brûlée et l'on suit le parcours des flammes et la
fumée qui s'échappe. Se clôt ainsi la vie d'un homme et l'on repasse à l'extérieur du domaine. On ne
peut deviner la vie d'un homme qu’en essayant de mieux connaître son intimité. Seul l'art permet de
l'approcher.
Dans La nuit du chasseur , on a bien la même scène au début et à la fin. Le père, le vrai puis celui qui
a incarné le mal en pourchassant les enfants, est arrêté par les flics. Cette arrestation est filmée les
deux fois dans les mêmes conditions : sur une pelouse où le père est jeté à terre par les flics. A
chaque fois, l'enfant se donne un coup de poing sur le ventre. Ainsi selon Bill Khron : à la place du
serment monstrueux, accepté par le fils au début du film de ne pas révéler où se trouve l'agent,
l'enfant, à la fin, éventre la poupée en criant : "No, no, it's too much". Comme libéré du secret, il peut
accéder à l'âge adulte.
3/ FONCTION RYTHMIQUE : rythmes temporels (bande son), ou plastique (répartition dans le cadre
des intensités lumineuses). Gilles Deleuze distingue quatre écoles de montage : la tendance
organique de l'école américaine, la dialectique de l'école russe, la quantitative de l'école française
d'avant-guerre, l'intensive de l'école expressionniste allemande. En reprenant le terme de Vincent
Amiel, on leur ajoutera le montage collage.

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Le montage organique :
Un film de Griffith est conçu comme une grande unité organique. L'organique c'est d'abord une unité
dans le divers, c'est à dire un ensemble de parties différenciées : les hommes et les femmes, les
riches et les pauvres, la ville et la campagne, le Nord et le Sud, les intérieurs et les extérieurs. Ces
parties sont prises dans des rapports binaires qui constituent un montage alterné parallèle, l'image
d'une partie succédant à celle d'une autre suivant un rythme.
Mais il faut aussi que la partie et l'ensemble entrent eux-mêmes en rapport, qu'ils échangent leur
dimension relative. L'insertion du gros plan, en ce sens n'opère pas seulement le grossissement d'un
détail mais entraîne une miniaturisation de l'ensemble, une réduction de la scène à l'échelle d'un
personnage. En montrant la manière dont un personnage vit la scène dont il fait partie, le gros plan
dote l'ensemble objectif d'une subjectivité qui l'égale ou même le dépasse.
Enfin, il faut encore que les parties agissent et réagissent les unes sur les autres, à la fois pour
montrer comment elles entrent en conflit ou restaurent l'unité. De certaines parties émanent des
actions qui opposent le bon et le méchant, mais d'autres parties émanent des actions convergentes
qui viennent secourir le bon : c'est la forme du duel qui se développe à travers toutes ces actions et
passe par différents stades.
En effet il appartient à l'ensemble organique d'être toujours menacé ; ce dont les noirs sont accusés
dans Naissance d'une nation c'est de vouloir briser l'unité récente des Etats-Unis en profitant de la
défaite du Sud. Les actions convergentes tendent vers une même fin, rejoignant le lieu du duel pour
en renverser l'issue, sauver l'innocence ou restaurer l'unité compromise, telle la galopade des
cavaliers qui viennent au secours des assiégés. C'est la troisième figure du montage, montage
convergent, qui fait alterner les moments des deux actions qui vont se rejoindre. Et plus les actions
convergent, plus la jonction approche, plus l'alternance est rapide (montage accéléré)
Le montage dialectique :
La loi du processus quantitatif et du saut qualitatif : le passage d'une qualité à une autre et le
surgissement soudain de la nouvelle qualité. L'un qui devient deux et redonne une nouvelle unité,
réunissant le tout organique et l'intervalle pathétique.
Eisenstein fait un reproche majeur à Griffith : les parties différenciées de l'ensemble sont données
d'elles-mêmes comme des objets indépendants. Il est dès lors forcé que lorsque les représentants de
ces parties s'opposent ce soit sous forme de duels individuels où les motivations collectives
recouvrant des motivations étroitement personnelles (par exemple une histoire d'amour, élément
mélodramatique). Griffith ignore que les riches et les pauvres ne sont pas donnés comme des
phénomènes indépendants, mais dépendent d'une même cause qui est générale qui est
l'exploitation sociale. Ce qu'Eisenstein reproche à Griffith, c'est de s'être fait de l'organique une
conception toute empirique, sans loi de genèse, ni de croissance ; c'est d'en avoir conçu l'unité d'une
manière toute extrinsèque, comme unité de rassemblement, assemblage de parties juxtaposées et
non pas unité de production, cellule qui produit ses propres parties par division, différenciation ; c'est
d'avoir compris l'opposition de manière accidentelle, et non comme la force motrice interne par
laquelle l'unité divisée reforme une unité nouvelle à un autre niveau.
L'organique est une grande spirale conçue scientifiquement en fonction d'une loi de genèse, de
croissance et de développement. La spirale organique trouve sa loi interne dans la section d'or, qui
marque un point césure, et divise l'ensemble en deux grandes parties opposables mais inégales. On a
un montage d'opposition et non plus un montage parallèle.
La composition dialectique ne comporte pas seulement la spirale organique, mais aussi le pathétique
ou le développement. Il n'y a pas seulement unité organique des opposés, lien organique entre deux
instants, mais bond pathétique où le deuxième instant acquiert une nouvelle puissance puisque le
premier est passé en lui. De la tristesse à la colère, du doute à la certitude, de la résignation à la
révolte. Le pathétique est passage d'un terme à l'autre, d'une qualité à une autre, et le surgissement

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soudain de la nouvelle qualité qui naît du passage accompli. Il est à la fois compression et
explosion. La ligne générale divise sa spirale en deux parties opposées, "L'ancien" et "Le nouveau" et
reproduit sa division, répartit ses oppositions d'un côté comme de l'autre : c'est l'organique. Mais,
dans la scène célèbre de l'écrémeuse, on assiste au passage d'un moment à l'autre, de la méfiance et
de l'espoir au triomphe, du tuyau vide à la première goutte, passage qui s'accélère à mesure que
s'approche la qualité nouvelle, la goutte triomphale : c'est le pathétique, le bond ou le saut qualitatif.
Le montage quantitatif :
Dans l'école française d'avant guerre (Abel Gance) on assiste aussi à une rupture avec le principe de
composition organique. Avec un certain cartésianisme, le maximum de mouvements est recherché,
composition mécanique (fête foraine d'Epstein dans Cœur fidèle, Le bal de Marcel L'Herbier dans El
Dorado, les farandoles de Grémillon. Plus que la conception organique des danseurs ou la conception
dialectique de leurs mouvements, on cherche à abstraire un seul corps qui serait le danseur et un
seul mouvement. A la limite, la danse serait une machine dont les pièces seraient les danseurs. Le
type de machine privilégié est l'automate, machine simple ou mécanisme d'horlogerie. Clair
mouvement mécanique comme loi du maximum de mouvement pour un ensemble d'images qui
réunit en les homogénéisant les choses et les vivants, l'animé et l'inanimé. Les pantins, les passants,
les reflets des pantins, les ombres de passants vont rentrer dans des rapports très subtils
d'alternance, de retour périodiques et de réaction en chaîne qui constituent l'ensemble auquel le
mouvement mécanique doit être appliqué (la fugue de L'Atalante, la composition de La règle du jeu,
les abstractions géométriques dans un espace homogène lumineux et gris, sans profondeur de René
Clair, Un chapeau de paille d'Italie, Le million). L'objet concret, l'objet de désir, apparaît comme
moteur ou ressort agissant dans le temps. L'individualisme est partout l'essentiel, il tient le rôle de
ressort ou de moteur développant ses effets dans le temps, fantôme, illusionniste ou savant fou
destiné à s'effacer quand le mouvement qu'il détermine aura atteint son maximum ou l'aura
dépassé. Goût général pour l'eau, la mer ou les rivières permettent de trouver dans l'image liquide
une nouvelle extension de la quantité de mouvement dans son ensemble ; de meilleures conditions
pour passer du concret à l'abstrait, une plus grande possibilité de communiquer aux mouvements
une durée irréversible indépendamment de leurs caractères figuratifs. Pour la lumière, l'école
française substitue l'alternance à l'opposition dialectique et au conflit expressionniste.
Le montage expressionniste :
La force infinie de la lumière s'oppose les ténèbres comme une force également infinie sans laquelle
elle ne pourrait se manifester. La lumière n'a qu'une chute idéale, mais le jour, lui, a une chute
réelle : telle est l'aventure de l'âme individuelle, happée par un trou noir dont l'expressionnisme
donnera des exemples vertigineux (la chute de Marguerite dans le Faust de Murnau, celle du Dernier
des hommes avalé par le trou noir des salles de toilette du grand hôtel, ou chez Pabst celle de Lulu).
La vie non organique des choses, une vie terrible qui ignore la sagesse et les bornes de l'organisme.
Un mur qui vit est quelque chose d'effroyable; mais ce sont aussi les ustensiles, les meubles, les
maisons et leurs toits qui penchent, se serrent guettent ou happent. L'expressionnisme est un
mouvement violent qui ne respecte ni le contour organique, ni les détermination mécaniques de
l'horizontal et du vertical. Worringer, qui a créé le terme expressionnisme, l'a défini par l'opposition
de l'élan vital à la représentation organique, invoquant la ligne décorative " gothique ou
septentrional ": ligne brisée qui ne forme aucun contour où se distingueraient la forme et le fond,
mais passe en zigzag entre les choses, tantôt les entraînant dans un sans fond où elle se perd elle-
même, tantôt les faisant tournoyer dans un sans-forme où elle se retrouve en "convulsion
désordonnée ".
Le montage-collage :
Apparaît à la fin des années 50. Le principe est de laisser les plans voisiner, se heurter dans leurs
formes. Le son jaillit avec l'image mais pas pour assurer la transition. Il y a juxtaposition de contenus,
sans projet prédéterminé. 

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Dans le cinéma, Cassavetes, Godard ou Rozier sont les premiers à initialiser ce procédé, comme
Mallarmé a pu le faire dans la littérature, ou les surréalistes dans la peinture avec le collage. Le
télescopage des hasards est plus beau et plus censé que les plans réfléchis et prémédités.
En cinéma, il y a bien sûr eu aussi des précurseurs. Robert Bresson a élaboré une théorie du montage
à partir du milieu des années 40, avec Le journal d'un curé de campagne. Il associe des réalités qui
n'étaient pas destinées à l'être. En eux-mêmes, les plans n'ont pas d'intérêt, seul leur accolement
leur donne du sens. Les images filmées au tournage doivent être les plus plates possible. En cela,
Bresson est un précurseur radical du montage-collage. Puis, à la fin des années 50, d'autres cinéastes
prennent le relais et donnent de l'importance au montage : Godard, Resnais, Bergman (même si chez
lui les visages restent hermétiques, contrairement à ceux des personnages de Cassavetes).
Certains cinéastes des années 70 comme Martin Scorsese lui accordent ce même intérêt, tout en
essayant de le réconcilier avec la narration classique. L'accent mis sur le montage est également
caractéristique de l'école asiatique depuis une vingtaine d'années. On ne note pas assez souvent et
fortement l'influence que Resnais a eu et conserve en matière de montage. Il suffit pourtant de
regarder les films de Wong Kar-waï ou Gus Van Sant, par exemple, pour s'en persuader.
La correspondance de plans entre eux construit des unités sensibles, comme les listes chez les
surréalistes, les séries de Monet (cathédrales), ou de Rohmer au cinéma. Ce sont des fragments sans
articulation explicite, où les liens sont inouïs.
Wong Kar-waï, Hou Hsiao-hsien, Tsaï Min-liang (Kitano parfois) jouent du montage pour réordonner,
sous le patronage de Resnais pour la liberté de construction.
 

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