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ENQUÊTE

E-commerce

Outil de préparation Bazarchic


©BAZARCHIC

E-COMMERCE

Vers
l’omni-canal
Du e-commerce au multicanal et demain jusqu’à l’omni-canal ? Les
distributeurs marchent sur les plates-bandes des pure players qui
eux-mêmes partent à la découverte des points de distribution
physiques… Pourquoi et comment ?

30 N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014


les distributeurs doivent reconfigurer
leur Supply Chain en la centrant sur le
client. Nous leur conseillons d’établir des Jean-Marc
RTC (Routes to Customers) selon le Soulier,
mode d’achat (en magasin, en ligne, Président
de Metis
etc.), le lieu de stockage et d’expédition Consulting
du produit (entrepôt retail, magasin dis-
tributeur, stock fournisseur, etc.) et le

©M ETIS CONSULTING
mode de livraison choisi (à domicile, en
point relais, en magasin, etc.). L’en-
seigne doit être capable de traiter ces
différentes combinatoires et interactions,
à la fois en termes de flux physiques et

M
ulticanal, cross-canal, de flux d’information, et ce de manière
omni-canal, on l’aura complètement fluide, ‘sans coutures’ ».
compris, l’heure est à
la multiplication des Des pure players en quête de Philippe
canaux de distribution points de distribution physiques Bourriot,
et à leur interaction. « Aujourd’hui dans Depuis plusieurs années déjà, les distri- Directeur du
Développe-
le monde, les grands retailers intègrent buteurs traditionnels (avec historique- ment
complètement le canal e-commerce dans ment un réseau de magasins) se sont de Viapos
leur stratégie et comme un mode de lancés sur le web, notamment pour faire
vente complémentaire des magasins. Le connaître la marque dans des zones où
terme e-commerce est de moins en celle-ci n’était pas physiquement pré-
moins utilisé. Dans le monde anglo- sente, pour augmenter leur assortiment ©VIAPOST

saxon, il est question d’ « online sales ». et donc potentiellement leur chiffre


L’appellation e-commerce subsiste en d’affaires (voir encadré page 34). Plus
France où les investissements en la atypique, certains pure players font leur Logistic). « Le premier pas des pure
matière se font plus tardivement que entrée dans le monde de la distribution players vers une logique de points de
dans les pays anglo-saxons », précise physique, à travers des magasins (voir distribution physiques a été de mettre en
Jean-Marc Soulier, Président de Metis page 37) ou en utilisant des réseaux place une distribution en points relais
Consulting. L’e-commerce, un simple existants de partenaires ou de points leur per- mettant d’offrir un nouveau
canal de distribution ? La révolution du relais (voir page 39). Néanmoins, cer- service aux clients. Certains pure
commerce est-elle en train d’avoir lieu ? tains pure players se sont cassé les dents players ont essayé d’aller plus loin. C’est
Jean-Marc Soulier évoque le concept de en ouvrant des boutiques, comme Pix- le cas par exemple de Cdiscount qui
génération 3W : « 3W pour Whatever, mania. « La frontière entre boutique phy- s’appuie sur les magasins Casino
Whenever, Wherever. Le consommateur sique et boutique virtuelle est tombée », comme points de retrait et bénéficie
souhaite un maximum de choix et avoir affirme Philippe Bourriot, Directeur du ainsi d’une mutualisation du transport.
en face de lui un nombre important Développement de Viapost (filiale logis- Quant aux distributeurs historiques, ils
de possibilités : modes de livraison, tique du Groupe La Poste, qui compte peuvent capitaliser sur leur réseau de
horaires, retours, etc. En conséquence, notamment en son sein Orium et Morin magasins, d’où des coûts de transport

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plus bas et un taux de présence en


magasin plus élevé », explique Mikaël
Pichavant, Partner chez Vinci Consul-
ting Operations.

Du multicanal à l’omni-canal…
Néanmoins, la route est encore longue
avant d’atteindre ce que l’on pourrait
qualifier de distribution omni-canal ou
de « continuité de l’expérience client ».
« La plupart des distributeurs sont
Mikaël encore dans une logique multicanal qui
Pichavant,
Partner est en fait une logique en silos dans
chez Vinci laquelle le canal Internet est séparé du
©VINCI CONSULTING OPERATIONS

Consulting canal magasin en termes de décision et


Operations de stratégie », analyse François Papini,
Directeur Général de C-Log. Le facteur
clef de succès ? Passer de deux canaux

©FEVAD
fonctionnant l’un à côté de l’autre à
deux canaux complètement intégrés. Associé chez Diagma. Il est conseillé en
Certains distributeurs l’ont déjà bien général de mettre en place un stock
compris et s’illustrent en la matière, ce commun plutôt que de le dupliquer.
qui est le cas de Darty, Sephora, la C’est par exemple ce que prévoit de faire
Fnac, Boulanger, Kiabi, etc. « Le textile Toys R Us avec son site de Saint-Far-
a le vent en poupe depuis longtemps geau-Ponthierry (77). Mais, en pratique,
sur Internet. Ce secteur est donc plus beaucoup de distributeurs maintiennent
François avancé sur les questions de distribution deux stocks distincts, comme c’est le
Papini,
Directeur cross-canal. Le High Tech également », cas de Castorama. « Certains ont même
Général déclare Jean-Pierre Gautier, Directeur un prestataire logistique pour le BtoB et
de C-Log des Métiers chez Acsep. « Tous les un autre pour les activités BtoC. On
secteurs sont maintenant concernés. minimise ainsi la possibilité d’augmen-
Lorsque le panier moyen est à marge ter son chiffre d’affaires et cela est
élevée comme pour le High Tech, il est contraire à l’omni-canal. Les entrepôts
©C-LOG

possible de mettre en place des straté- devraient être au contraire omnipotents.


gies logistiques efficaces, la part du Selon moi, la meilleure stratégie consiste
coût logistique étant marginale. Pour à mettre le stock au même endroit avec
des produits à faible marge (alimen- un prestataire capable de gérer les
taire, etc.), le coût de la logistique, en préparations BtoB et BtoC », observe
particulier le coût de la livraison, pèse François Papini.
davantage sur le prix d’achat »,
remarque Philippe Bourriot. Des synergies possibles
François au niveau de la préparation
Rochet,
Directeur Mutualiser le stock ! En revanche, cela ne signifie pas que les
Associé Quelles sont les synergies possibles outils de préparation doivent nécessai-
chez Diagma entre ces différents canaux de distribu- rement être communs. Idéalement, ces
tion ? S’agissant du stock, plusieurs cas opérations de préparation ont lieu sur le
de figure existent. « En dessous de même site mais dans des cellules diffé-
100.000-200.000 commandes, les rentes. Les outils de préparation peuvent
©C.POLGE

entreprises ont intérêt à avoir un stock aussi se trouver sur des sites différents
commun et un picking mutualisé. Entre avec un système de navettes quoti-
200.000 et 1.000.000 de commandes, diennes ou multi-quotidiennes depuis le
les réserves peuvent rester communes stock mutualisé. « Avec certains de nos
mais les pickings séparés de façon à clients, l’entrepôt principal prépare les
mettre en place des processus de prépa- commandes e-commerce comme une
ration plus optimisés partout. Au-delà commande magasin, puis tout le porte-
d’1.000.000 de commandes, on a même feuille de commandes de la journée est
intérêt à dédier une partie des réserves », envoyé sur un autre entrepôt, dans le
détaille François Rochet, Directeur même périmètre géographique, dédié à

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Jean-
Pierre
©FEVAD

Gautier,
Directeur
la préparation BtoC où nous utilisons ce type de préparation. François Papini des Métiers
notre trieur automatisé pour reconsti- prône quant à lui la différenciation chez Acsep
tuer les commandes. Cela permet de retardée : « Lorsqu’on travaille sur le
limiter le stock mais requiert un délai même stock (BtoB et BtoC), nous mas-
d’une journée supplémentaire. Nous sifions la préparation de commandes.
le faisons notamment pour plusieurs Les deux activités bénéficient ainsi du ©ACSEP

sociétés textiles », illustre Benoît Boulet, traitement de masse, ce qui permet de


Directeur Développement Supply Chain
chez Arvato. En général, la préparation
de commandes BtoC requiert à minima
une étape supplémentaire de tri par rap-
port à la préparation de commandes
BtoB. Le tri successif est le mode opéra-
toire le plus couramment utilisé pour

Les Français réclament


plus de service
et plus d’information !
Selon une étude publiée le 14 mars dernier par Get it’lab
(observatoire sur les attentes des consommateurs depuis
le clic jusqu’à la réception de la marchandise) en parte-
nariat avec l’Ifop, le prix de la livraison arrive largement
en tête (66 %), devant le délai (20 %), le lieu (11 %) et
l’heure (3 %). C’est également le prix qui est mis en avant
par les Français, à 61 %, pour passer de l’achat unique-
ment en magasin à l’achat en ligne. L’étude révèle aussi
qu’en tête des services que les Français jugent intéres-
sants, on retrouve le choix de la date et de l’horaire exact
de livraison (90 %), la possibilité de déballer le colis
devant le livreur pour vérifier son contenu (89 %), une
livraison sur rendez-vous dans des créneaux de 2 h (87
%), la livraison en 24 h (86 %) ou l’installation du maté-
riel livré (83 %). Par ailleurs, dans le cas d’une réception
de commande après la date annoncée, 80 % des Français
pourraient acheter de nouveau sur le site concerné s’ils
ont été prévenus du retard mais 62 % boycotteraient le
site à l’avenir si ce retard n’a pas été annoncé. ■

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réduire les coûts. La différenciation est lement sur la possibilité d’internaliser


retardée le plus possible puis les com- les flux BtoC afin de mutualiser le stock
mandes BtoC sont traitées dans des et les outils avec leurs flux BtoB. Néan-
petits ateliers selon les spécificités des moins, je pense que cette tendance s’ac-
commandes ». En général, même si les compagnera d’un autre mouvement, en
activités BtoB et BtoC sont sous le l’occurrence de ré-externaliser la totalité
même toit, les circuits de picking diffè- des flux, lorsque les enseignes réalise-
rent. « Les cadencements et les rythmes ront qu’elles ne disposent pas de toutes
Benoît entre préparation BtoB et BtoC ne sont les compétences nécessaires pour gérer
Boulet,
Directeur pas du tout les mêmes. Tous les matins, la complexité des flux omni-canal (BtoC
Développe- la charge en termes de préparation de et flux boutiques) », analyse Philippe
ment commandes est parfaitement connue Bourriot. S’agissant des pure players, les
Supply Chain pour de la distribution en magasins. « gros », avec les volumes suffisants
chez Arvato
A l’inverse, les portefeuilles de com- pour remplir un entrepôt, gèrent leur
mandes BtoC sont très fluctuants. Cela logistique en interne. C’est le cas d’Ama-
©ARVATO

nécessite pour l’entrepôt d’adapter son zon, dont la logistique est même un
organisation et d’être encore plus flexi- avantage concurrentiel, de Vente-Privée
ble qu’auparavant », développe Jean- et de Cdiscount pour l’essentiel de leurs
Pierre Gautier. flux. S’agissant des pure players de taille
plus modeste, dont la logistique n’est
Des mouvements de balancier pas le cœur de métier, l’externalisation
avec les prestataires est le cas le plus courant. Le transport
« Le premier mouvement des distribu- est souvent un critère clef dans cette
Olivier teurs traditionnels a consisté à exter- décision. « Les transporteurs proposent
Dubouis,
Directeur naliser la logistique BtoC. Lorsque les des tarifs très variables et liés à la quan-
Associé volumes gagnent en importance, la tité transportée. Par ailleurs, la part du
chez Diagma question de la ré-internalisation se pose, transport dans le coût total de la logis-
notamment pour optimiser la gestion tique du e-commerce est conséquente.
des stocks », constate Olivier Dubouis, Mutualiser les volumes, comme le font
Directeur Associé chez Diagma. C’est les prestataires, offre une meilleure
©DIAGMA

pour cela que les réflexions actuelles capacité de négociation », justifie Fran-
sont nombreuses sur la question. « Cer- çois Papini.
tains de nos clients s’interrogent actuel-
Une mise à niveau nécessaire
Le commerce physique à l’ère du digital des WMS
Du côté des systèmes d’information,
Le livre blanc de Mappy (septembre 2013), écrit en partenariat avec Novedia et la distribution omni-canal soulève de
BVA, « Web-to-store : enjeux & opportunités pour le commerce physique à l’ère nombreuses interrogations. « S’agissant
du digital » identifie quatre grands comportements d’achat : de la préparation BtoC, les WMS n’ont
■ Le « ROPO » (Research Online, Purchase Offline) : le consommateur pas tous le même degré de maturité.
s’informe en ligne avant de venir concrétiser son achat en magasin. La Néanmoins, les principaux éditeurs
démarche Web-to-Store permet aux commerçants traditionnels de répondre commencent à intégrer ces réflexions.
au comportement ROPO Cela est fondamental car on traite en
■ Le « Showrooming » : le consommateur explore les magasins, sollicite les général une quantité importante de
vendeurs et achète une fois chez lui, sur Internet ou depuis son smartphone commandes en BtoC. Il y a donc une
■ Le « Full Store » : l’intégralité de l’achat est effectuée en magasin de la phase valeur ajoutée très forte dans l’optimi-
de renseignement à la conclusion sation du regroupement de ces com-
■ Le « Full Digital » : l’intégralité de l’achat est effectuée sur Internet, de la phase mandes », explique Olivier Dubouis.
de renseignement à la conclusion Regrouper les commandes (celles avec
Les réseaux d’enseignes ont été les premiers à se positionner sur Internet, à la un emballage spécifique, celles nécessi-
fois pour bénéficier d’une vitrine mondiale, mais surtout pour aborder la vente tant un calage supplémentaire, etc.)
en ligne comme un canal de vente complémentaire. Ils ont aussi pris conscience pour maintenir de bons niveaux de pro-
que leur valeur ajoutée face aux pure-players du web résidait dans leur implan- ductivité et de rentabilité, telle est donc
tation physique et dans l’expérience client en magasin. Dispositifs in-store, écrans la mission confiée aux WMS ! Pour ce
ou bornes interactives, QR codes, stations de paiement prolongent la cohérence faire, les éditeurs les mettent actuelle-
de l’offre online et offline, proposent une continuité de service au consommateur ment à niveau en intégrant des modules
et gomment la rupture entre les univers physique et virtuel. ■ d’ordonnancement plus élaborés, des
modules de qualification des com-

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même en magasin) afin de communi-
quer au consommateur une information
de disponibilité et, le cas échant, une
date de livraison. Ces outils sont une des
clefs de réussite de la distribution omni-
canal. Il s’agit du gros chantier structu-
rant actuellement mené par de nom-
breux grands retailers dans le monde »,
révèle Jean-Marc Soulier.

Les stocks en temps réel,


le facteur clef du succès
On l’aura compris, la question du temps
réel se pose alors, et plus spécifique-
ment pour les stocks en magasins…
« Souvent, les stocks des boutiques sont
remontés en batch dans l’ERP une fois
par jour. La mise à jour de ces stocks en
©FEVAD

temps réel est un prérequis à la mise en


place d’une réelle distribution cross-
mandes, etc. Autre brique informatique d’information Magasin), dans lesquels canal », précise Mikaël Pichavant. « Les
pointée du doigt par beaucoup : l’OMS on peut mettre des règles de gestion grands distributeurs connaissent leur
(Order Management System). « Le vrai intelligentes et qui est capable de récu- stock en temps réel. C’est pour cela que
point différenciant aujourd’hui concerne pérer en temps réel des informations de certains d’entre eux proposent de faire
les OMS, une couche applicative au- stock et de disponibilité des produits de la pré-réservation en magasin
dessus du WMS et des POS (système (chez le fournisseur, dans l’entrepôt ou (Décathlon, Darty, Boulanger, etc.).

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Mais il peut y avoir des écarts entre quée au consommateur (voir encadré
l’information dans le SI et la réalité « Les Français réclament plus de service
opérationnelle dans le magasin (vols, et plus d’information ! » page 32). « Il y
articles non passés en caisse mais entre a encore beaucoup de progrès à réaliser
les mains d’un client, etc.). Cela peut sur ce point. Le client doit être le plus
être gênant dans le cas où la profon- intégré possible dans le suivi de sa com-
deur de stock en magasin est faible. Un mande. Les distributeurs prennent
de nos clients a d’ailleurs défini comme conscience de l’importance de cette
règle qu’à moins de trois articles indi- question depuis quelques mois et
qués comme disponibles dans le SI, la œuvrent à la faire progresser », com-
référence en question n’est plus dispo- mente François Rochet.
nible pour la vente e-commerce », com-
plète Olivier Dubouis. La réservation en Le Click and Collect
magasins (pendant une heure en géné- a le vent en poupe !
ral) se développe effectivement pour les Certains distributeurs étudient la per-
distributeurs dont les stocks sont inté- tinence de la préparation de com-
grés. Kiabi a par exemple lancé très mandes e-commerce en magasin. « Il
récemment une offre d’e-réservation. Le s’agit d’une solution encore peu déve-
temps réel est également fondamental loppée. Néanmoins, l’un de nos clients
©ARVATO

Entrepôt Arvato
pour fiabiliser l’information communi- a lancé une solution de livraison en
deux heures, à l’occasion de la Saint-
Valentin, permettant aux internautes
de passer leur commande en ligne puis
d’être livrés par un coursier depuis la
boutique la plus proche où la prépa-
ration de la commande a été réalisée.
La boutique est donc utilisée comme
un point logistique », confie Benoît
Boulet. Au-delà de ces services spéci-
fiques, la préparation de commandes
BtoC en magasins se développe outre-
Atlantique chez certaines enseignes
dans le cadre de leur stratégie omni-
canal. Mais gare aux perturbations en
magasin que cela peut générer… Sans
compter le surcoût occasionné. La
livraison des commandes BtoC en
magasin (Click and Collect) quant à
elle explose véritablement. Une belle
illustration de stratégie omni-canal.
La commande retrait magasin repré-
©FEVAD

sente en France entre 30 et 60 % des


ventes Internet des distributeurs. Sa
gratuité n’est pas étrangère à son suc-
cès ! Il s’agit en outre d’une aubaine
pour les distributeurs qui voient ainsi
augmenter la fréquentation en maga-
sin et diminuer la profondeur de leur
offre en boutique. Mais pour transfor-
mer cette hausse du trafic dans les
boutiques en chiffre d’affaires, encore
faut-il intéresser les vendeurs à cette
clientèle e-commerce de passage en
magasin. Ainsi, au-delà du e-com-
merce, c’est bien la question de
l’omni-canal qui se trouve aujourd’hui
au cœur des attentions des distribu-
©FEVAD

teurs ! ■ BRUNO SIGUICHE

36 N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014


Interview de Pascal Cuvelier,
Directeur logistique de Bazarchic
« Nous avons ouvert une boutique Bazarchic
à Velizy en 2012 »
Le très chic e-commerçant Bazarchic ne cache situation. Nous avons par exemple
pas sa volonté de s’appuyer également sur son étendu ces dernières années l’acti-
réseau de magasins. Du BtoC au cross-canal ? vité décoration dans notre offre
Internet. La clientèle de ce type de
Supply Chain Magazine : Quels sont la vision produits est particulièrement sou-
et le modèle de Bazarchic en matière de stra- cieuse de voir en situation ces pro-
tégie multi-canal ? duits (bougie et senteur, etc.). Il est
Pascal Cuvelier : Je préfère utiliser la termino- plus facile de créer une ambiance
logie cross-canal qui signifie que l’expérience et une mise en scène autour de ces
de l’offre produit commence sur un canal puis se produits en boutique plutôt que
poursuit tout ou partie sur un autre. De par les virtuellement.
activités de nos groupes (Bazarchic et NGR),
Bazarchic met en œuvre une stratégie cross- SCMag : Outre le site Internet

©BAZARCHIC
canal. La vente en ligne répond à un besoin des Bazarchic, de combien de maga-
consommateurs. Cependant, nous constatons sins disposez-vous ?
qu’une partie d’entre eux a besoin de voir et de P. C. : Le groupe NGR dispose de trois magasins
toucher le produit. Ils expriment en effet de plus depuis presque 10 ans. Nos ventes en ligne peu-
en plus le souhait de découvrir le produit en vent se prolonger au sein de ces boutiques NGR.
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ENQUÊTE
E-commerce
SUITE DE LA PAGE 37
Par ailleurs, nous avons ouvert une boutique interne. Il correspond parfaitement à notre
Bazarchic à Velizy en 2012. Ouvrir d’autres bou- métier et à notre entreprise.
tiques Bazarchic est une piste envisageable. Mais
avant cela, nous attendons de faire le retour SCMag : Quelles sont les synergies logistiques
d’expérience de la boutique de Velizy. Il ne s’agit possibles entre le réseau BtoB et BtoC ?
pas forcément des mêmes ventes que sur Inter- P. C. : Les stocks à destination des boutiques et des
net. Nous avons une volonté de présenter les clients consommateurs sont mutualisés. Nos pro-
gammes de produits des marques pour lesquelles cessus de préparation en revanche sont distincts.
nous avons une forte représentation ou une En effet, nous disposons d’un outil de mécanisa-
exclusivité. A l’inverse, elle n’a pas pour voca- tion extrêmement élaboré pour le BtoC (colis véhi-
tion de proposer les produits plus banalisés. culé sur une chaîne de convoyage avec des arrêts
en gare, fermeture automatique en bout de ligne et
SCMag : Votre logistique est-elle externalisée ? affranchissement avec l’étiquette du transporteur
P. C. : Nous sommes partisans chez Bazarchic sur ce même colis). Compte tenu des faibles
d’une logistique en propre. Nous estimons que le volumes, le processus des flux BtoB est plus
savoir-faire passe par le référencement des manuel. Il consiste à faire une ramasse. Nous
marques et des gammes que nous offrons à nos avons conservé le même chemin de préparation de
consommateurs mais aussi par les services et la commandes sauf que le contenant n’est pas ache-
prestation logistique. Disposer d’une logistique miné sur le convoyeur. Cela ne nous empêche pas
totalement intégrée nous permet d’avoir une d’ordonnancer ce que nous livrons dans nos bou-
maîtrise complète de nos flux logistiques et tiques de façon à ce que les personnes en charge
d’être ainsi en mesure d’être novateurs en des réassortiments puissent réceptionner les pro-
matière de service au client. Gérer notre logis- duits dans une certaine logique.
tique en interne est notre ADN ! Nous occu-
pons deux sites en France. Le premier regroupe SCMag : Utilisez-vous la boutique de Velizy
majoritairement les produits mode, textile et comme un point de retrait ?
accessoires. Le second abrite les produits de P. C. : Pas encore mais nous pourrions à terme.
décoration ainsi que les vins et spiritueux. Les Les flux de réapprovisionnement BtoB et BtoC
préparations des commandes dédiées au e-com- ont chacun leurs spécificités. Le réapprovision-
merce et aux magasins sont donc traitées sur les nement de nos boutiques suit une logique BtoB
deux sites. Notre WMS a été développé en que l’on peut organiser et séquencer beaucoup
plus aisément qu’un flux BtoC. Utiliser la bou-
tique comme un point de retrait colis requiert
d’intégrer dans ces flux une logique BtoC. Bien
que cela ne soit pas forcément très complexe
à mettre en œuvre, quelques changements
devraient être opérés. Aujourd’hui, nous propo-
sons à nos clients la livraison à domicile ou en
point relais.

SCMag : Selon vous, quels sont les axes de


développement logistique en BtoC ?
P. C. : Je pense que l’ensemble des acteurs du
e-commerce, dont Bazarchic, doivent porter une
attention particulière au service client. Son amé-
lioration suppose par exemple d’offrir plus
d’informations au client et de respecter les enga-
gements pris. Par ailleurs, des solutions de mise
à disposition du produit plus innovantes ou
mieux adaptées à chaque consommateur sont
également un levier majeur (livraison à proxi-
mité du lieu de travail, etc.). Aujourd’hui, un
grand nombre d’acteurs s’orientent vers de la
livraison en 24h. Personnellement, je ne pense
pas qu’il s’agisse d’une attente forte des consom-
mateurs dans notre secteur d’activité de la vente
©BAZARCHIC

événementielle. ■
Entrepôt Bazarchic
PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE

38 N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014


Interview de Christian Boileau,
Directeur Supply Chain de Rue du Commerce
« Rue du Commerce s’inscrit de plus en plus dans
une logique multi-canal en utilisant davantage
les réseaux physiques de distribution »
Rue du Commerce a lancé il y a des distributeurs. Alors qu’auparavant
quelques semaines son concept web il existait une ligne distincte entre le
in store « Ma Boutique Express ». Une monde de la distribution physique et
innovation en matière de distribution celui du e-commerce, la frontière est
multi-canal, qui s’inscrit dans la straté- en train de s’estomper. Le monde phy-
gie du e-commerçant visant à devenir sique se rapproche de plus en plus
le premier centre commercial digital. d’Internet et parallèlement le monde
de l’Internet utilise davantage des
Supply Chain Magazine : Selon vous, moyens de distribution physique. Rue
le développement de la distribution du Commerce a été racheté il y a deux
multi-canal est-il une tendance mar- ans par la foncière immobilière Alta-
quée ? rea-Cogedim (qui dispose de 45 cen-
Christian Boileau : Depuis 12-18 tres commerciaux en Europe) dans le
mois, je constate l’accélération et la but de bénéficier de synergies entre
mise en place réussie d’un grand nom- ces canaux. L’objectif d’Alain Taravella
©DR

bre de solutions multi-canal de la part (Président-Fondateur d’Altarea-Coge-


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AVRIL 2014 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°83 39


ENQUÊTE
E-commerce
SUITE DE LA PAGE 39
dim) est de faire de Rue du Commerce le premier tique à une commande passée sur tablette ou
centre commercial digital. sur PC. Nous ne faisons pas de différence d’un
point de vue logistique. Le client se verra sim-
SCMag : Rue du Commerce a lancé il y a plement proposer une option supplémentaire
quelques semaines son concept web in store consistant à se faire livrer dans le Relay en ques-
baptisé « Ma Boutique Express ». Pourriez- tion. Néanmoins, le process de transport et de
vous nous en dire quelques mots ? livraison reste standard.
C. B. : Ma Boutique Express est un canal inno-
vant qui permet à un client de venir commander SCMag : Quels sont les autres projets de Rue
dans un lieu de passage. Nous avons mis en du Commerce en matière de multi-canal ?
place des bornes digitales tactiles, très faciles C. B. : Nous utilisons toutes les solutions exis-
d’utilisation, dans six magasins Relay des gares tantes de points de proximité. Nous développons
parisiennes de l’Est, Montparnasse, Saint- actuellement de nouveaux services pour nous
Lazare, de Lyon, du Nord et dans celle d’As- rapprocher davantage de nos clients. Nous
nières-sur-Seine. Elles proposent allons mettre en place dans les semaines à venir
une offre de produits des services dédiés aux encombrants pour livrer
différente de l’offre des produits volumineux (réfrigérateur, télévi-
web, ciblée sur des sion, etc.) en points relais spécifiques (XL, drive,
objets connectés, des etc.). Nous ne proposions auparavant qu’un seul
achats d’impulsion système, celui de la livraison à domicile sur ren-
pour un panier dez-vous (au pas de la porte ou à l’étage avec
moyen inférieur à déballage). Cette nouvelle solution est en outre
100 €. Il faut moins de moins coûteuse puisque le client fait l’effort de
5 min depuis la sélec- se déplacer jusqu’au point relais le plus proche.
tion du produit Nous prévoyons d’utiliser aussi ces mêmes
jusqu’à l’étape de points de proximité pour la gestion des retours,
paiement. Une fois le SAV et la D3E [ndlr : déchets d’équipements
la commande passée, électriques et électroniques]. Le site Rue du
le produit peut être Commerce s’inscrit donc de plus en plus dans
livré dans cette bou- une logique multi-canal en utilisant davantage
tique (deux ou trois les réseaux physiques de distribution proposés
jours après), à domi- par des opérateurs tels que Relais Colis ou Mon-
cile ou dans un point dial Relais.
relais. Le déploiement
de ce canal de vente SCMag : Rue du Commerce prévoit-il d’ouvrir
dans d’autres lieux se des magasins ?
fera en fonction des C. B. : A ma connaissance, non. Vous noterez
résultats obtenus par qu’aucun des grands pure players ne le fait. Les
ce pilote. initiatives qui ont vu le jour en France n’ont pas
été couronnées de succès. Notre objectif consiste
SCMag : Quel est l’im- à réduire les écarts entre le monde de la distribu-
pact de Ma Boutique tion physique et celui de la distribution e-com-
Express sur votre merce en mettant le meilleur des deux mondes
organisation logis- au service de nos clients. Nous travaillons acti-
tique ? vement avec notre logisticien (Morin Logistic)
C. B. : Nous essayons de pour réduire le délai de la préparation de com-
mutualiser le plus pos- mandes. Aujourd’hui, toute commande passée
©RUEDUCOMM ERCE

sible ce nouveau flux avec avant 14 h est expédiée le jour même dans le cas
l’organisation logistique, d’une livraison express. L’objectif est de réduire
le stock, la préparation de encore ce délai et d’accélérer la livraison. Par ail-
commandes et les trans- leurs, nous travaillons énormément sur l’amélio-
porteurs des autres flux ration de la qualité du service et de l’information
existants pour que le communiquée au client tout le long du traitement
coût soit moindre et pour de la commande. ■
favoriser la fluidité des PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE
opérations. Une com-
mande passée sur la borne
est traitée de façon iden-

40 N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014

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