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Chapitre 15
Champs de vecteurs, équations
différentielles (P. Aimé, 11/2014)
15.1 Vocabulaire et problématiques

15.1.1 Champs de vecteurs autonomes

15.1.1.1 Introduction
Pour un arc paramétré (J, ϕ) de classe C 1 , tracé sur un espace affine E, (ϕ(t), ϕ′ (t))t∈J
est un champ de vecteurs tangents à l’arc.

Un problème à la fois inverse et plus général consiste en la donnée d’un champ de vecteurs
X sur un ouvert de E et la recherche des arcs (J, ϕ) tels qu’en tout point t ∈ J, ϕ′ (t) =
X (ϕ(t)).
Pour les figures ci-dessous, E = R2 , X (x, y) = (y, −x). Les cercles paramétrés par
ϕ (t) = (r sin t, r cos t), t ∈ R, sont des solutions évidentes.

Nous verrons que l’expression de ϕ n’est connue que pour des types très particuliers
de champ X , mais qu’à défaut, il est possible d’obtenir des renseignements géométriques
intéressants sur les solutions.
Cette étude, dite des “systèmes dynamiques à temps continu”, initiée ici et poursuivie
dans les chapitres 15 et 23, est une branche active des mathématiques principalement depuis
Poincaré.
746 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Lorsque E est de dimension 1, en pratique E = R, X est un champ scalaire et le point de


vue géométrique est en général laissé de côté au profit d’un point de vue numérique : il s’agit
de modéliser l’évolution d’une grandeur scalaire x en fonction du temps, les variations sont
supposées dépendre continuement du temps, et respecter une loi qui relie le taux de variation
moyen ∆x ∆t , et la valeur de x, ce qui donne à la limite un taux de variation instantanné (ou
vitesse de variation) de la forme x′ (t) = f (x(t)).
Le cas le plus élémentaire est celui de l’évolution d’un captial à intérêts composés ou
d’une population microbienne ou toute autre grandeur scalaire, dont le taux de variation à
chaque instant est proportionnel à l’effectif à cet instant, c’est à dire x′ (t) = a x(t). Lorsque
ce modèle à taux a constant s’avère trop approxiatif on peut le remplacer par une loi du type
x′ (t) = a(t) x(t) pour une fonction a(t) donnée.
Un exemple vectoriel est le modèle de Lotka et Volterra qui décrit l’évolution dans
le temps d’une population (x(t), y(t)) de deux espèces (proies et prédateurs). Le taux de
variation de la population x(t) des proies est supposé de la forme x′ (t) = kx(t) − ax(t)y(t),
k et a étant des constantes positives. Ceci signifie
- qu’en l’absence de prédateurs, la population des proies varie exponentiellement,
- que le taux d’élimination des proies par l’action des prédateurs, est proportionnel à la
population des uns et des autres.
Interpréter de même la relation y ′ (t) = −ly(t) + bx(t)y(t).
Finalement, pour ce modèle, E = R2 et
X (x, y) = (kx − axy, −ly + bxy) .

15.1.1.2 Vocabulaire
Nous utiliserons les définitions et notations du § 13-4-3. Rappelons en particulier, que si
X est un champ de vecteurs sur un ouvert U d’un espace affine E, il s’agit d’une section du


fibré T U et que l’on écrit par abus X (m) ou Xm le vecteur du champ (élément de E ), au


lieu du vecteur lié X (m) = (m, Xm ) ∈ {m} × E = Tm U .
Pour les représentations ci-dessus, les flèches tracées ont pour origine (x, y) et pour ex-
trémité (x, y) + (y, −x), ce sont des vecteurs liés.
Si X est un champ de vecteurs sur un ouvert U d’un espace affine E de dimension d > 0,
l’expression locale de X dans un système de coordonnées curvilignes (une carte) est
d


X (m) = X i (m)∂i (m) ∈ E .
i=1
Relativement à la carte canonique d’un repère orthonormal (O; (ei )) de E, la base naturelle(∂i (m))
est indépendante de m et égale à (ei ), et selon la dimension d = 1, 2, 3, n, X (m) s’écrit plutôt
X (x), X (x, y), X (x, y, z) ou X (x1 , .., xn ).
La section suivante introduira la notion de “champ dépendant du temps”, c’est pourquoi
l’on dira aussi qu’un champ de vecteurs au sens précédent est un “champ indépendant du
temps” ou “autonome”.
Précisons maintenant la terminologie.

Définition 15.1 Ω est un ouvert (non vide) d’un espace affine E de dimension d > 0, X est
un champ de vecteurs continu sur Ω.
On s’intéresse à l’ensemble des couples (J, ϕ) où J est un intervalle ouvert de R, et
ϕ ∈ C 1 (J, E) une fonction vérifiant les deux conditions :
ϕ(J ) ⊂ Ω
ϕ′ (t) = X (ϕ(t)) ∀t ∈ J
Un couple (J, ϕ) vérifiant les conditions énoncées est un arc paramétré tracé sur Ω,
appelé une trajectoire du champ X , ou solution de l’équation différentielle autonome du
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premier ordre
m′ = X (m).
L’équation est dite scalaire si d = 1, vectorielle si d > 1.
Un couple (t0 , m0 ) ∈ R × U est une donnée de Cauchy pour l’équation différentielle
m′ = X (m).
Une solution (J, ϕ) de cette équation satisfait la donnée de Cauchy (t0 , m0 ) si t0 ∈ J et
ϕ(t0 ) = m0 .
Un problème de Cauchy est la recherche d’une solution qui satisfait une donnée de
Cauchy.
Le support ϕ(J) d’une trajectoire est l’orbite de cette trajectoire et une famille d’orbites
est un portrait de phases de X .
Dans R×U , l’arc paramétré par t −→ (t, ϕ(t)) sur J est une courbe intégrale du champ
X.

Définition 15.2 Un point a ∈ Ω est un point critique de X si X (a) = 0. La trajectoire


constante (R, ϕ(t) = a) est un équilibre. L’orbite d’un équilibre est donc réduite au point
critique.

Il est clair que toute orbite réduite à un point est l’orbite d’un équilibre.

Définition 15.3 Pour un champ autonome X , C 1 sur un ouvert Ω de E, une intégrale


première est une fonction h : Ω → R, de classe C 1 et constante sur chaque trajectoire de X
(cette constante dépend à priori de la trajectoire).

C’est le cas si dx h(X (x)) = 0 pour tout x ∈ Ω.


S’il existe une intégrale première h, toute orbite est donc contenue dans un ensemble de
niveau de h. Plus présisément, l’orbite d’un point m0 est contenue dans l’ensemble h−1 (e),
e = h(m0 ).

2
Exemple 15.1 Avec E = Ω = R, et X (x) = 3x 3 , (R, 0) et R, t3 sont des solutions du
problème de Cauchy x(0) = 0.
Les trajectoires sont les projections sur l’axe des ordonnées des courbes intégrales (t, 0)
et t, t3 .
Les orbites de ces trajectoires sont respectivement un point et la droite réelle.

Exemple 15.2 Avec E = Ω = R, et X (x) = 2 |x|. Pour a réel positif, les arcs (R, ϕa )
0 si t < a
avec ϕa (t) = sont des solutions du problème de Cauchy x(0) = 0.
(t − a)2 si t ≥ a
Distinguer les courbes intégrales, trajectoires, et orbites.

Exemple 15.3 Avec E = U = R, et X (x) = x2 , une solution du problème de Cauchy


x(t0 ) = x0 est −∞, x10 , ϕ(t) = 1−x0x(t−t
0
0)
si x0 > 0, et x10 , +∞, , ϕ(t) = 1−x0x(t−t
0
0)
si x0 < 0.
748 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Exemple 15.4 Avec E = Ω = R2 , et X (x, y) = (y, sin x − y), ce qui correspond à


l’équation
x′ = y
,
y ′ = sin x − y
Un portrait de phases représenté ci-dessous est obtenu par un moyen logiciel, avec un
choix aléatoire de données de Cauchy.

-1

-2

-3
-4 -2 0 2 4 6

Remarque 15.1 Le paramètre t d’une trajectoire est fréquemment appelé le “temps”. Ceci
est très abusif comme nous l’avons vu au chapitre 13.

Proposition 15.1 (Invariance d’une orbite par translation du “temps”).


Si (J, ϕ) est une solution du problème de Cauchy (x′ = X (x), x(t0 ) = x0 ), et τ ∈ R,
notons Jt = {t − τ , t ∈ J} = J − {τ } l’intervalle translaté, et ϕτ : Jτ → E l’arc
défini par ϕτ (t) = ϕ (t + τ ). Alors (Jτ , ϕτ ) est une trajectoire du même champ, vérifiant
ϕτ (t0 − τ ) = x0 , donc une solution du problème de Cauchy (x′ = X (x), x(t0 − τ ) = x0 ).
Les orbites ϕ (J) et ϕτ (Jτ ) sont égales.

En effet, ϕ′τ (t) = ϕ′ (t + τ) = X (ϕ (t + τ )) = X (ϕτ (t)).


En prenant τ = t0 , il apparait que l’on peut exprimer tout problème de Cauchy relatif à
un champ autonome en choisissant t0 = 0.

15.1.2 Champs de vecteurs non autonomes

15.1.2.1 Situations/Modèles
Commençons par quelques exemples abstraits.
Prenons X (t, (x, y)) = 2x + ty + y2 , −tx + y − xy . Pour chaque valeur de t, il s’agit
d’un champ vectoriel sur R2 . La figure ci-dessous représente quelques vecteurs du champ,
en des points choisis indépendemment de t, pour les valeurs indiquées de t.
X est défini sur Ω = R× R2 .
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t =1 t =2 t =3

t =4 t =5 t =6

t =7 t =8 t =9

1
Envisageons maintenant le cas de X (t, x) = x2 −t 2 . Pour chaque valeur de t ∈ R, il

s’agit d’un champ scalaire défini sur un ouvert Ωt caractérisé par x2 = t2 (réunion de trois
intervalles ouverts). X est défini sur l’ouvert Ω de R2 caractérisé par la relation x2 − t2 = 0.

De telles applications seront appelées des champs “non autonomes”. On dit aussi “champ
dépendant du temps”, mais nous avons vu au chapitre précédent qu’il était très abusif d’employer
le terme de temps à propos de n’importe quel paramètre réel.
De plus, si l’on prolonge la notion de trajectoire envisagée précédemment, pour s’intéresser
aux arcs t −→ ϕ (t) tels que ϕ′ (t) = X (t, ϕ(t)), il convient de souligner une hypothèse im-
plicite : le paramètre d’évolution de la trajectoire ϕ est confondu avec la variable temporelle
du champ X .
Pour de tels champs, des situations concrètes montrent qu’il est utile d’envisager deux
types d’ensemble de définition.
Prenons un ballon qui se déforme, lors du gonflage par exemple. La vitesse dans l’espace
de chaque particule de l’enveloppe est une fonction définie sur une partie U de R× R3 , qui
associe à chaque instant t, en chaque point m de l’enveloppe du ballon, le vecteur vitesse de
la particule placée en m à l’instant t. L’ensemble des points m à chaque instant t est fonction
de t, U n’est donc pas le produit d’un intervalle réel par une partie de R3 .
Par contre, si l’on étudie l’évolution d’un gaz dans une enceinte rigide et fixe dans l’espace,
U est de la forme I × Ω, où I est un intervalle de R, Ω ⊂ R3 .
De plus, la différentiabilité d’une fonction définie sur U ne relève pas des chapitres an-
térieurs si U n’est pas une partie ouverte de R4 , on limitera donc les situations en ajoutant
cette hypothèse.

15.1.2.2 Vocabulaire

Définition 15.4 E est un espace affine E de dimension d > 0, Ω un ouvert (non vide) de
R × E, et can : R × E → E la deuxième projection, et canΩ sa restriction à Ω.
Un champ de vecteurs (ou de scalaires si d = 1), continu, non autonome ou dépendant
du temps sur Ω, est une application X ∈ C 1 (Ω, T E) telle que
πE ◦ X = canΩ .
Autrement dit, X est de la forme X (t, m) = (m, h(t, m)).
750 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

En pratique, on confond h(t, m) et X (t, m), ce vecteur étant noté respectivement X (t, x)
ou X (t, x, y) ou X (t, x, y, z) dans les cas d = 1, 2, 3.

TE
X
ր ↓ πE
Ω → E
canΩ

On s’intéresse à l’ensemble des couples (J, ϕ) où J est un intervalle ouvert de R, et


ϕ ∈ C 1 (J, E) une fonction vérifiant les deux conditions :
{(t, ϕ(t)) , t ∈ J } ⊂ Ω

ϕ (t) = X (t, ϕ(t)) ∀t ∈ J
Si Ω = I × U, où I est un intervalle ouvert de R, borné ou non, et U un ouvert de E, la
première condition impose l’inclusion J ⊂ I.

Définition 15.5 Un couple (J, ϕ) vérifiant les conditions énoncées est un arc paramétré de
E appelé une trajectoire du champ f, ou solution de l’équation différentielle du premier
ordre
m′ = X (t, m).
L’équation est dite scalaire si d = 1, vectorielle si d > 1.
Dans R × E, l’arc paramétré par t −→ (t, ϕ(t)) sur J est courbe intégrale du champ
X , et le support ϕ(J) d’une trajectoire est l’orbite de cette trajectoire.
Un couple (t0 , m0 ) ∈ U est une donnée de Cauchy pour l’équation différentielle m′ =
X (t, m).
Une solution (I, ϕ) de cette équation satisfait la donnée de Cauchy (t0 , m0 ) si t0 ∈ I et
ϕ(t0 ) = m0 .
Un problème de Cauchy est la recherche d’une solution qui satisfait une donnée de
Cauchy. On notera (m′ = X (t, m), m(t0 ) = m0 ) un problème de Cauchy.
Une trajectoire (I, ϕ) est simple si l’application ϕ est injective sur I, elle est périodique
si I = R et si l’application ϕ est périodique de période non nulle.


Exemple 15.5 n = 1, X (t, x) = xt . U = R × R∗ , pour tout réel non nul c, R, c + t2

et R, − c + t2 sont des solutions de l’équation x′ = xt .

Représentations de 20 courbes intégrales avec ϕ (0) réel aléatoire compris entre −2 et 2,


t ∈ [−5, 5] est en abscisse. Repérer les trajectoires sur l’axe vertical.
751

-2

-4

t
-4 -2 2 4

Exemple 15.6 n = 2, X (t, x, y) = 2x + ty + y2 , −tx + y − xy , U = R× R2 .

Tracé de 50 trajectoires avec ϕ (0) vecteur aléatoire, de coordonnées comprises entre −1


et 1, t ∈ [−3, 3].

-2

-4

-6
0 5 10 15 20

Définition 15.6 Si U = I × E, et si X est de la forme


X (t, m) = L(t)(− → + g(t)
om)
avec L(t) ∈ L(Rn ) pour tout t ∈ I, l’équation différentielle est dite linéaire et est appelée
équation (linéaire) homogène associée.
Une équation linéaire est dite à cofficients constants si L ne dépend pas de t.

15.1.2.3 Autres situations


Pour ne développer qu’une seule théorie, sauf cas très particuliers les équations de la
forme
x(n) = f (t, x, x′ , ..., x(n−1) ),
f étant une fonction continue donnée, dites scalaires d’ordre n > 1 seront toujours ramenées
à des équations vectorielles d’ordre 1 dans Rn , en les regardant sous la forme
x1 = x, x2 = x′ , ..., xn−1 = x(n−2) , xn = x(n−1)
(x1 , ..., xn )′ = x′ , x”, ..., x(n−1) , f(t, x, x′ , ..., x(n−1) ) ,
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autrement dit, par une équation vectorielle de la forme X ′ = X (t, X).

Pour disposer de théorèmes "déterministes" d’existence et d’unicité des solutions, en un


sens à préciser, on n’envisagera que des équations "résolues en x′ " si elles sont du premier
ordre, et "résolues en x(n) " si elles sont d’ordre n. On entend par là que l’on n’étudiera
pas une équation scalaire de la forme t2 x′ + x + x2 = 0, ni x′3 + x3 − 3xx′ = 0, ni
x′ x” + cos x = 0.163
Il convient de veiller à ne pas remplacer une équation par une équation non équivalente.

Ainsi, la fonction nulle sur R est solution de l’équation x′ = x2 , et non de l’équation xx2 = 1.
Pour les équations scalaires d’ordre deux, le plan dans lequel on regarde l’évolution de la
fonction
ϕ (t) = (x(t), y(t)) = (x(t), x′ (t))
est appelé le plan des phases.
Par exemple, l’équation scalaire d’ordre 2 : x′′ +a(t)x′ +b(t)x = c(t) peut être remplacé
par l’équation vectorielle d’ordre 1 équivalente
x′ 0 1 x 0
= + .
y′ −b −a y c

15.1.3 Premières questions


Les situations précédentes mettent en évidence plusieurs questions, que le champ soit
autonome ou non.
Une première question concerne l’existence d’une solution pour un problème de Cauchy
donné.
La section suivante donne des conditions suffisantes pour qu’il en soit ainsi, dans des
situations de généralité croissante.

Une deuxième question concerne la trajectoire d’une telle solution. Les arcs de R2
représentés ci-dessous sont-ils des trajectoires possibles ?

- Si un arc tel que (1) ou (2) est la trajectoire ϕ d’un champ autonome f , on a t1 < t2
avec ϕ(t1 ) = ϕ(t2 ), donc
ϕ′ (t1 ) = f (ϕ(t1 )) = f (ϕ(t2 )) = ϕ′ (t2 ),
ce qui contredit les données de ces figures concernant les vecteurs tangents (l’on voit qu’un
contact d’ordre 1 n’est pas suffisant).
- Mais il y a plus, les situations des figures (3) et (4) seront considérées comme contraires
aux conclusions du théorème de Cauchy-Lipschitz (§ 14- ).
163 Voir le § 14-2-1 pour quelques exemples particuliers.
753

- Par contre, (1) ou (2) sont possibles avec un champ non autonome, puisque les conditions
t1 < t2 avec ϕ(t1 ) = ϕ(t2 ) n’apportent pas de contraintes pour les vecteurs ϕ′ (t1 ) =
f (t1 , ϕ(t1 )) et ϕ′ (t2 ) = f (t2 , ϕ(t2 )).
C’est le cas pour la courbe représentée ci-dessous, trajectoire du champ X (t, (x, y)) =
(x + y + cos t, −4x − 3y + 1) passant par l’origine à t = 0.

Une troisième question est relative à l’unicité. Le fait qu’une solution soit la donnée d’un
couple (intervalle, fonction) montre la nécessité de préciser ce que l’on cherche. Pour un
champ scalaire tel que X (x) = x, le problème de Cauchy x(0) = 0 admet pour solutions
tous les couples de la forme (J, 0) c’est à dire la fonction nulle sur un intervalle ouvert J. Par
2
contre, pour le même problème de Cauchy et le champ Y(x) = 3x 3 , on a tous les couples de
3
la forme (J, 0) et J, t . On peut aussi prendre la solution dont les restrictions à ]−∞, 0] et
[0, +∞[ sont respectivement 0 et t3 .

Une quatrième question est concerne le concept de solution maximale. Ceci suppose
la donnée préalable d’un champ X (t, m), d’un ensemble E de solutions, et d’une relation
d’ordre sur E.
Rappelons (§ 1- ), qu’un élément M ∈ E est maximal si x M pour tout élément x ∈ E
qui est comparable à M , qu’un plus grand élément de E est un élément maximal qui est
comparable à tous les éléments de E, et qu’un plus grand élément est unique à la fois en tant
que plus grand élément et comme élément maximal.
Trois points de vue sont habituellement adoptés, plus ou moins explicitement distingués.
Les champs X envisagés sont continus.

1- Les prolongements.

Définition 15.7 Avec les données de la définition -, si (J0 , ϕ0 ) et (J1 , ϕ1 ) sont deux solu-
tions d’une équation différentielle m′ = X (t, m), on dit que (J1 , ϕ1 ) prolonge (J0 , ϕ0 ) ou
que (J0 , ϕ0 ) est une restriction de (J1 , ϕ1 ) si J0 ⊂ J1 et si la restriction de ϕ1 à J0 est ϕ0 .

En général, deux solutions, définies sur des intervalles ouverts J1 , J2 ne sont pas néces-
sairement comparables par restriction/prolongement, il suffit que J1 et J2 ne soient pas liés
par une relation d’inclusion.
Pour le champ Y ci-dessus, une relation d’inclusion telle que J1 ⊂ J2 n’entraine pas que
la solution sur J2 prolonge la solution surJ1 .
754 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

La relation (J0 , ϕ0 ) (J1 , ϕ1 ) si J0 ⊂ J1 , et ϕ1 prolonge ϕ0 est une relation d’ordre.

2- On restreint cette relation d’ordre à l’ensemble des prolongements d’une solution don-
née d’un problème de Cauchy.

Proposition 15.2 Dans l’ensemble Eϕ des prolongements d’une solution (I, ϕ) d’un prob-
lème de Cauchy (m′ = X (t, m), m(t0 ) = m0 ), la relation (J1 , ϕ1 ) (J2 , ϕ2 ) si J1 ⊂ J2 ,
et ϕ2 prolonge ϕ1 est une relation d’ordre inductive, donc Eϕ possède un élément maximal
(c.a.d. qui appartient Eϕ à et n’admet pas de prolongement strict dans Eϕ ).

Définition 15.8 Un élément maximal de Eϕ est un prolongement maximal de la solution


(I, ϕ) (ou solution maximale) du problème de Cauchy.

Démonstration
L’ensemble Eϕ est inductif pour la relation de prolongement.
En effet, notons (Iα , ϕα )α∈A une chaine (famille totalement ordonnée) d’éléments de Eϕ .
La réunion I = α∈A Iα est un ouvert connexe de R , c’est donc un intervalle ouvert, et
posons
ϕ(t) = ϕα (t) si t ∈ Iα .
Cette relation définit effectivement une application car, si t ∈ Iα ∩ Iβ , l’une des solutions
ϕα , ϕβ prolonge l’autre donc ϕα (t) = ϕβ (t), et l’on voit facilement que ϕ est une solution
du problème de Cauchy qui prolonge toutes les solutions (Iα , ϕα ), donc aussi (I, ϕ).
Il résulte du Lemme de Zorn (Prop. 1- ) que l’ensemble Eϕ possède un élément maximal.

3- La définition de l’ordre précédent peut être assouplie. L’ensemble envisagé est alors
l’ensemble E des solutions du problème de Cauchy (m′ = X (t, m), m(t0 ) = m0 ), ordonné
par la relation (J1 , ϕ1 ) (J2 , ϕ2 ) si J1 ⊂ J2 . Dans des conditions d’unicité locale telles que
celles du théorème de Cauchy-Lipschitz, comme nous le verrons au § 14- , ϕ2 sera néces-
sairement un prolongement de ϕ1 , et l’existence d’un élément maximal de E sera obtenue
sans utiliser le Lemme de Zorn.

15.2 Résolution d’un problème de Cauchy


La question est traitée en commençant par quelques cas très particuliers suivis d’extensions
progressives.

15.2.1 Résolution d’une équation linéaire scalaire d’ordre un


Il s’agit des équations x′ = a(t) x + b(t), où a et b sont des fonctions réelles continues
sur un intervalle ouvert I. On s’intéresse à priori aux solutions définies sur I entier.
Commençons par le cas homogène (b = 0),′ et notons A une primitive de a.
L’idée est de remplacer x′ = a(t) x par xx = a(t), pour égaler les primitives; mais en

déduire log xx = A(t) + cte est sans fondement (dresser une liste des propriétés que l’on
impose à priori à une solution x(t) pour une telle déduction). Cela peut seulement jouer un
rôle mnémotechnique (que l’on ne peut négliger !) et rendre naturelle la démarche suivante.
Un calcul immédiat prouve en effet qu’une fonction ϕ ∈ C 1 (I, R) est une solution de
l’équation x′ = a(t) x si et seulement si la fonction e−A(t) x(t) est solution de l’équation
x′ = 0.
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 755

On a donc obtenu le résultat suivant :

Proposition 15.3 Soit I un intervalle ouvert de R, et a ∈ C 1 (I, R). L’ensemble des solu-
tions définies sur I de l’équation x′ = a(t)x, autrement-dit l’ensemble des trajectoires sur
la droite réelle du champ de vecteurs f (t, x) = a(t) x, (t, x) ∈ I × R, est un espace vecto-


riel S de dimension 1, engendré par la fonction t −→ eA(t) , t ∈ I, où A est une primitive
quelconque de a. Ce sont les fonctions de la forme k eA(t) , t ∈ I, k ∈ R.
Toute solution (J, ϕ) défnie sur un intervalle ouvert J ⊂ I est une restriction à J d’une
solution sur I.

Notons S l’ensemble des solutions de l’équation x′ = a(t) x + b(t), définies sur I. Il est


clair que la différence de deux éléments de S appartient à S , ce qui donne à S une structure


de droite affine dirigée par S à condition que S ne soit pas vide.
On est ramené au calcul d’une solution particulière de l’équation x′ = a(t) x + b(t).
Il ne faut jamais négliger la possibilité d’obtenir une telle solution sans calcul, par l’obser-
vation ou à partir de l’origine physique de l’équation. Par exemple, x′ + x = sin t + cos t
admet une solution particulière évidente.
Enfin, une méthode dûe à Lagrange, appelée variation de la constante, consiste à recher-
cher une solution à priori sous la forme ϕ(t) = k(t) eA(t) , où k ∈ C 1 (I, R).
La fonction ϕ doit vérifier la relation ϕ′ (t) = a(t) k(t) eA(t) + b(t), soit
k′ (t) eA(t) + a(t) k(t) eA(t) = a(t) k(t) eA(t) + b(t),
donc
k′ (t) = e−A(t) b(t).
−A(t)
Un choix d’une primitive de e b(t) achève la détermination de ϕ.

Remarque 15.2 Le résultat sur la dimension de l’espace des solutions sur I est faux si l’on
oublie qu’une solution doit être définie sur un intervalle. Considérer par exemple, l’ensemble
des solutions de l’équation x′ = 0 sur R∗ ou, moins trivialement, l’ensemble des solutions
de l’équation x′ = 2 xt + t2 sur R∗ . Ce sont les fonctions dont les restrictions à R∗+ et R∗−
sont respectivement de la forme x(t) = t3 + at2 , et x(t) = t3 + bt2 , a et b étant des réels
quelconques). Une telle fonction, prolongée par la valeur 0 à l’origine, définit évidemment
une fonction x C 1 sur R, mais dire que x est solution de x′ = 2 xt + t2 sur R n’a aucun
sens. La fonction x est par contre une solution de l’équation tx′ = 2x + t3 sur R, laquelle
n’est pas une équation linéaire (le résultat sur la dimension de l’espace des solutions serait
contredit).
D’autre part, l’utilité de supposer l’intervalle ouvert n’apparaîtra qu’au § 14-2-5 (remar-
que 14-6).

Remarque 15.3 On adaptera facilement la proposition précédente au cas des fonctions à


valeurs complexes.

cos t
Exemple 15.7 x′ = −2 t x + t . Cette expression conduit à deux équations selon le choix
cos t
de l’intervalle I sur lequel a(t) = −2t et b(t) = t sont continues.


L’espace affine des solutions sur I1 = ]0, +∞[ est la droite D dont l’espace directeur D
est engendré par la fonction t −→ t12 , t ∈ ]0, +∞[.
756 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)



L’espace affine des solutions sur I2 = ]−∞, 0[ est la droite ∆ dont l’espace directeur ∆
est engendré par la fonction t −→ t12 , t ∈ ]−∞, 0[.
La méthode de Lagrange, pour déterminer par exemple une solution particulière (I1 , ϕ),
de l’équation complète, donne k′ (t) = t cos t, et donc (i.p.p), k(t) = cos t + t sin t.
Finalement, les éléments de D s’écrivent ϕk (t) = t12 (cos t + t sin t + k), pour t ∈
]0, +∞[, k ∈ R.
Les fonctions a(t) et b(t) se sont pas prolongeables par continuité à l’origine, rechercher
une solution sur R n’a donc pas de sens pour cette équation.
Par contre, il est intéressant d’observer le comportement de ϕk lorsque t tend vers 0 dans
R+ . Si k = −1, alors limt→0+ ϕk (t) = +∞ ou −∞, si k = −1, un d.l. de cos et de sin en
0 montre que la limite est 12 .

Exemple 15.8 L’équation tx′ +2x = cos t, qui n’est pas équivalente à la précédente, et qui
ne relève pas de la définition 10-3 possède une solution (unique) sur R. En effet, si ϕ est une
fonction C 1 sur R, telle que tϕ′ (t) + 2ϕ(t) = cos t, alors la restriction ϕ1 de ϕ à ]−∞, 0[
est solution de l’équation précédente, donc de la forme ϕ1 (t) = t12 (cos t + t sin t + k1 ),
et la restriction ϕ2 de ϕ à ]0, +∞[ est solution de l’équation précédente, donc de la forme
ϕ2 (t) = t12 (cos t + t sin t + k2 ).
La fonction ϕ être continue sur R et en particulier en 0. Il est donc nécessaire que
1 1
lim (cos t + t sin t + k1 ) = lim+ 2 (cos t + t sin t + k2 ) ,
t→0− t2 t→0 t
ce qui n’est possible que si k1 = k2 = −1 comme on l’a vu précédemment, la limite
commune étant 12 .
Inversement, la fonction ϕ : R → R définie par ϕ(t) = t12 (cos t + t sin t − 1) si t = 0 et
f(0) = 12 est de classe C 1 sur R et solution de tx′ + 2x = cos t, on constate en effet que le
taux de variation de ϕ entre 0 et t = 0 tend vers 0 lorsque t tend vers 0, ϕ est donc dérivable
en 0, avec ϕ′ (0) = 0, enfin limt→0 ϕ′ (t) = ϕ′ (0).
Représentation de l’unique solution sur R de tx′ + 2x = cos t (courbe intégrale avec t
en abscisse).
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 757

0.4

0.2

-20 -10 10 20

-0.2

Exercice
Déterminer, selon l’intervalle choisi, l’espace affine S des solutions de l’équation
t 1
x′ = x+ .
1 − t2 1 − t2

Réponse
Si I = ]−1, 1[, S est l’enemble des fonctions de la forme
k + Arc sin t
x(t) = √ k∈R
1 − t2
Si I = ]−∞, 1[ ou ]1, +∞[, S est l’enemble des fonctions de la forme

k − log t + t2 − 1
x(t) = √ k∈R
t2 − 1
Exercice
f est une fonction C 1 de R dans R. On suppose que limt→+∞ f(t) + f ′ (t) = 0. Que
peut-on dire de limt→+∞ f (t) ?

Réponse
t u
Soit g = f + f ′ . Alors, f(t) = e−t f(0) + 0
e g(u)du , et une majoration facile conduit
à limt→+∞ f(t) = 0.

15.2.2 Oscillateurs scalaires


La terminologie évoque évidemment les origines mécaniques de ces équations, mais il
n’y a aucune raison de se limiter à la mécanique. C’est pourquoi les équations traités dans
cette section sont dégagés de toute origine physique pour donner une méthode neutre vis à
vis des questions de modélisation.

15.2.2.1 Oscillateur harmonique scalaire

Définition 15.9 Un oscillateur harmonique scalaire est une équation scalaire du second
ordre de la forme x′′ + a x = 0, où a est un réel > 0.
Traditionellement, on l’écrit x′′ + ω2 x = 0.
758 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Une famille de solutions évidentes apparaît, il s’agit des fonctions de la forme


ϕ(t) = A cos ωt + B sin ωt, t ∈ R, (A, B) ∈ R2 (1)
2
On peut écrire ϕ(t) = C cos (ωt + ϕ), (C, ϕ) ∈ R .
Le réel non nul ω (que l’on peut choisir positif) est appelé la pulsation de ϕ.


L’ensemble S des solutions réelles de l’équation x′′ + ω 2 x = 0 (ω étant fixé non nul)
est clairement un espace vectoriel (réel), et l’application


R2 → S
(A, B) −→ x

est un morphisme. Il importe de souligner que A = x(0) et B = x ω(0) .
En fait, ce morphisme est bijectif, ce qui permet d’affirmer que l’on a déterminé complète-

→ −

ment S , et que dim S = 2. Nous allons voir plusieurs démonstrations de cette propriété
fondamentale.

Pour toute solution x, la fonction x′2 +ω 2 x2 est évidemment constante. On l’interprétera


en termes d’énergie au chapitre 15. Cela signifie que, dans le plan des phases, les arcs
(x(t), x′ (t)) associés aux solutions sont contenus dans les “courbes” d’équation y 2 + ω2 x2
= cte.

15.2.2.2 Oscillateur amorti


Il s’agit des équations linéaires autonomes scalaires d’ordre deux, qui généralisent les
oscillateurs harmoniques. Ce sont les équations de la forme
x′′ + ax′ + bx = 0 a, b réels donnés (E)


S désignera l’espace vectoriel des solutions définies sur R.

Définition 15.10 Un oscillateur harmonique scalaire amorti est une équation de la forme
x′′ + ax′ + ω 2 x = 0, avec a < 0 et ω = 0.

Un procédé élémentaire de résolution d’une équation x′′ + ax′ + bx = 0 s’obtient en


remarquant ceci. Si l’équation admet une solution de la forme x(t) = eλt , avec λ réel, alors
λ2 + aλ + b = 0. Il en est de même pour x(t) = Re eλt , et λ complexe.
On associe donc à l’équation différentielle x′′ + ax′ + bx = 0 l’équation algébrique
2
X + aX + b = 0, appelée équation caractéristique associée.

Proposition 15.4 a) Soient (λ1 , λ2 ) les solutions (réelles ou complexes conjuguées) de


l’équation caractéristique X 2 + aX + b = 0.
- Si λ1 et λ2 sont réels (a2 − 4b > 0), alors les fonctions eλ1 t et eλ2 t sont deux solutions
indépendantes de (E).
- Si λ est une racine double (a2 − 4b = 0), alors les fonctions eλt et t eλt sont deux
solutions indépendantes de (E).
- Si λ1 = α + iβ et λ2 = α − iβ sont complexes conjugués (a2 − 4b < 0), alors
les fonctions eαt cos βt et eαt sin βt sont deux solutions indépendantes de (E). Les solutions
(combinaisons linéaires) sont donc de la forme ceαt cos (ωt + φ).


b) L’espace vectoriel S des solutions réelles de (E) est de dimension 2, et pour tout réel
t0 , l’application linéaire


S → R2
x −→ (x(t0 ), x′ (t0 ))
est un isomorphisme.
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 759

Démonstration
La vérification de a) est immédiate.
La vérification de b) peut se faire en deux temps. Désignons par la même lettre x1 et x2
les solutions indépendantes dans chacun des cas distingués précédemment.
Dans un premier temps, prenons arbitrairement (t0 , x0 , x′0 ) ∈ R3 . Il existe une solution
(et une seule), de la forme x = Ax1 + Bx2 , telle que x(t0 ) = x0 et x′ (t0 ) = x′0 .
En effet, le couple (A, B) ∈ R2 est solution du système linéaire
x0 = Ax1 (t0 ) + Bx2 (t0 )
x′0 = Ax′1 (t0 ) + Bx′2 (t0 ).
Il est facile de vérifier que le déterminant de ce système est non nul dans chacun des cas
décrit au a).
En imposant à x la forme x = Ax1 + Bx2 , la question de l’unicité reste ouverte.
Dans un deuxième temps, il s’agit donc de prouver que toute solution y de (E) est égale à
la solution x que l’on vient d’obtenir si l’on fait le choix x0 = y(t0 ) et x′0 = y ′ (t0 ).
Pour cela, on remarque que la fonction z(t) = (x − y) (t + t0 ) est une solution vérifiant
z(0) = 0 et z ′ (0) = 0.
D’autre part, y compris lorsque λ1 = λ2 , la fonction ψ = z ′ − λ1 z vérifie la relation
ψ′ − λ2 ψ = z ′′ − (λ1 + λ2 ) z ′ + λ1 λ2 z
= z ′′ + az ′ + bz = 0,
et ψ (0) = 0. Il en résulte que ψ = 0.
Des relations z ′ = λ1 z et z(0) = 0, on déduit de même que z = 0.

Remarque 15.4 Dans le cas a2 − 4b < 0, les solutions ϕ (t) = ceαt cos (ωt + φ) sont
tangentes aux courbes ±ψ(t) = ±ceαt , en des points pour lesquels cos (ωt + φ) = ±1. Le
contact est d’ordre 1 puisqu’en ces points, ϕ′ (t) = ψ′ (t).
Ces points sont distincts des extréma de ϕ, mais dans les deux cas, les abscisses sont
également réparties. C’est la raison pour laquelle T = 2π ω est appelé la pseudo-période de
l’oscillateur.
Pour a < 0, les maxima et ψ sont des fonctions décroissantes de t, l’oscillateur corre-
spondant est un amortissement faible.

1.0

0.5

2 4 6 8 10

- 0.5

- 1.0

15.2.2.3 Oscillateur amorti entrainé

Définition 15.11 Un oscillateur harmonique scalaire amorti entrainé est une équation de
la forme x′′ + ax′ + ω 2 x = f(t), où f est une fonction scalaire continue sur R, a < 0,
ω = 0.
760 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Le cas particulier usuel est le suivant : l’équation homogène est un oscillateur avec amor-
tissement faible de pseudo-période T = 2π ω , et f (qui représente une force d’entrainement en
mécanique) est de la forme f(t) = c cos (ωe t + φe ), avec c, φe , ω e réels et ω e > 0.
Il suffit de déterminer une solution particulière ϕ0 (t) de cette équation. Un procédé
commode est d’écrire ϕ0 (t) = Re ϕ0 (t), où ϕ0 est une solution de l’équation
x′′ + ax′ + ω 2 x = c exp i (ω e t + φe ) ,
et rechercher ϕ0 sous la forme k exp i (ω e t + φe ), k ∈ C.
En reportant, il vient
ω2 − ω 2e + iaω e ϕ0 (t) = c exp i (ω e t + φe ) .
Z = ω 2 − ω2e + iaω e est l’impédance complexe de l’oscillateur, et l’on a, en posant
ω 2 − ω2e aω e
cos θ = et sin θ = ,
(ω2 − ω 2e )2 + (aω e )2 (ω 2 − ω 2e )2 + (aωe )2
ϕ0 (t) = Re Z −1 c exp i (ωe t + φe )
c
= cos (ωe t + φe − θ) .
(ω 2 − ω2e )2 + (aωe )2
Les solutions sont donc de la forme ϕ (t) = ceαt cos (ωt + φ) + ϕ0 (t), et par conséquend,
se comportent progressivement comme ϕ0 (t) lorsque t augmente. Cette solution ϕ0 (t) se dis-
tingue de l’oscillation libre par l’amplitude, dont le coefficient multiplicateur est maximum
lorsque ω e = ω, on parle alors de résonance, et aussi par un déphasage de θ.
1
-
Ha 2we2+ Hw2-we 2L2L 2

2.0

1.5

1.0

0.5

we
1 2 3 4 5

ω = 1, a = 0.5

Plus généralement, pour un oscillateur x′′ + ax′ +ω 2 x = f (t), on recherche une solution
particulière sous la forme ϕ0 (t) = c(t)eαt sin ωt (méthode de Lagrange), ce qui conduit à
une équation linéaire en c′ .

15.2.3 Equations linéaires autonomes, prolongements


d’exponentielles (IV)

15.2.3.1 Problème de Cauchy linéaire




E est un espace affine de dimension d, E est l’espace directeur, o ∈ E est un point
origine fixé.
Il s’agit des champs sur E de la forme X (t, m) = L(−→ où L ∈ L −
om),

E , autrement dit
des équations de la forme
dm
= L(− →
om) (2)
dt
dites autonomes ou à coefficients constants.
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 761



Relativement à une base B de E , la traduction matricielle de l’équation m′ = L(−→
om)
est
dmB
= LB mB (3)
dt
où mB et LB sont des matrices de taille d × 1 et d × d respectivement.
Si l’équation est donnée sous la forme (2), elle admet une expression matricielle (3)
dépendant du choix de la base. En pratique, l’équation est donnée sous la forme (3), et
l’on va rechercher des changements de base intéressants. Il est habituel de passer d’une for-
mulation (3) à une autre à l’aide de la matrice de changement de base. Notons P la matrice
de passage d’une base B à une base B′ , sachant que mB = P mB′ et LB′ = P −1 LB P ,
la relation (3) est équivalente à dm B′
dt = LB′ mB′ , mais ceci n’est qu’une traduction de la
formulation intrinsèque (2), qu’il importe de ne pas oublier.164
La proposition qui suit donne quelques indications sur ce que l’on entend par bases de Rd
“intéressantes”.

−→ −

Proposition 15.5 1) Les solutions maximales de l’équation dm dt = L(om), L ∈ L E ,


sont définies sur R, leur ensemble S est un espace vectoriel de dimension (réelle) d.
2) Si λ est une valeur propre (réelle) de A, et v0 un vecteur propre associé, la fonction
t → eλt v0 , t ∈ R, est une solution de (2) dont la trajectoire est une demi-droite. C’est donc
la solution du problème de Cauchy (m′ = L(− → −
om), → (0) = v ).
om 0


3) S’il existe une décomposition non triviale E = F1 ⊕ F2 de l’espace en somme directe

→ − →
de deux sous-espaces stables par L, et si l’on note S1 , S2 les espaces des solutions respectives
−→ −
→ − → − →
des équations dm dt = Li (om), Li ∈ L (Fi ) étant la restriction de L à Fi , alors S = S1 ⊕ S2 .

1) est le seul points non évident, la démonstration est reportée à la section suivante pour
le cas particulier d = 2, et à la proposition 14- pour le cas général.

15.2.3.2 Cas particulier n = 2


Prenons E = R2 .
Les équations (E) x′′ + ax′ + bx = 0 du §14- s’écrivent
x′ (t) 0 1 x(t)

= .
y (t) −b −a y(t)
On va donc retrouver les solutions données comme cas particuliers de la résolution des
équations
x′ (t) x(t) a c
=A , avec A = ∈ M (2, R) .
y ′ (t) y(t) b d


Déterminer S revient donc à connaître deux solutions indépendantes. Les cas suivants
représentent tous les cas possibles.

a) L est diagonalisable.
Premier cas : L ne possède qu’une valeur propre (homothétie de rapport λ), (e, ε) étant
une base quelconque de R2 , les fonctions ϕ1 (t) = eλt e et ϕ2 (t) = eλt ε forment une base de


S , avec I = R,
Les solutions maximales de dm −→
dt = L(om) sont ainsi les fonctions de la forme
ϕ(t) = eλt (c1 e + c2 ε) , (c1 , c2 ) ∈ R2 ,
les trajectoires sont des demi-droites.
164 La presse titre régulièrement sur le rapprochement du fonctionnement des ordinateurs de celui des humains, cet
exemple illustre le rapprochement en sens inverse.
762 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Deuxième cas : L possède deux valeurs propres distinctes λ, µ, et (e, ε) étant une base de
vecteurs propres associés, les fonctions ϕ1 (t) = eλt e et ϕ2 (t) = eµt ε forment une base de
S.
Les solutions maximales de dm −→
dt = L(om) sont alors les fonctions de la forme
ϕ(t) = c1 eλt e + c2 eµt ε, (c1 , c2 ) ∈ R2 .
L’allure des trajectoires dépend du signe des valeurs propres. Trois cas se présentent,
illustrés par les exemples suivants.

Exemple 15.9 Vérifier les calculs suivants.

x′ = x + y 1 1
,A= , λ1 = 0, λ2 = 2, V1 = (−1, 1), V2 = (1, 1)
y′ = x + y 1 1
x (t) = −C1 + C2 e2t
y (t) = C1 + C2 e2t

x′ = x 1 0
,A= , λ1 = 1, λ2 = 2, V1 = ( 1, −3), V2 = (0, 1)
y ′ = 3x + 2y 3 2
x (t) = C1 et
y (t) = C2 e2t − 3C1 et

x′ = −4x − 3y −4 −3
, A = , λ1 = 2, λ2 = −3, V1 = ( 1, −2), V2 =
y ′ = 2x + 3y 2 3
(−3, 1)
y (t) = −2C1 e2t + C2 e−3t
x (t) = C1 e2t − 3C2 e−3t

b) Si A possède deux valeurs propres complexes conjuguées λ = α ± iβ avec β = 0, on


note Z un vecteur propre associé à l’une d’elles, ce vecteur de C 2 s’écrit Z = U + iV , avec
U ∈ R2 et V ∈ R2 .
On se limitera ici à constater que, les vecteurs U et V sont indépendants, et que les
fonctions
ϕ1 (t) = eαt ((sin βt) U + (cos βt) V )
ϕ2 (t) = eαt ((cos βt) U − (sin βt) V )
forment une base de solutions maximales de l’équation X ′ = L(X ).

Démonstration
D’une part, la relation
L(Z) = L(U ) + iL(V ) = (α + iβ) (U + iV )
donne L(U ) = αU − βV et L(V ) = βU + αV . Si U = 0, alors V = 0, de même V = 0
donne U = 0, les vecteurs U et V sont donc non nuls.
D’autre part, ϕ1 et ϕ2 sont des solutions. Vérifions-le par exemple pour ϕ1 .

L(ϕ1 (t)) = eαt ((sin βt) L(U) + (cos βt) L(V ))


= eαt ((sin βt) (αU − βV ) + (cos βt) (βU + αV ))
= αeαt ((sin βt) U + (cos βt) V ) + βeαt ((cos βt) U − (sin βt) V )
= ϕ′1 (t).
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 763

Si U = kV , avec k réel, il vient


L(U ) = (kα − β) V
= kL(V )
= βk2 + αk V ,
2
et par suite, k = −1, ce qui est exclu.
Enfin, une relation de dépendance entre les solutions s’écrit
∀t ∈ R, aϕ1 (t) + bϕ2 (t) = 0,
avec t = 0 et t = π2 , on voit que a = b = 0.

Les solutions maximales de X ′ = L(X ) sont ainsi les fonctions de la forme


ϕ(t) = eαt W (t), avec
W (t) = (c1 ((sin βt) U + (cos βt) V ) + c2 ((cos βt) U − (sin βt) V ) , (c1 , c2 ) ∈ R2 .
En prenant le produit scalaire de R2 pour lequel la base (U, V ) est orthonormale, on
explique l’allure de spirale des trajectoires.

Exemple 15.10 L’oscillateur harmonique scalaire x′′ + ω 2 x = 0 correspond au choix de


0 1
la matrice A = 2
.
−ω 0
Avec la méthode précédente, on peut choisir λ = iω, Z = (1, iω) = U + iV avec U =
(1, 0) et V = ω(0, 1), ce qui donne la base de solutions réelles ϕ1 (t) = (sin ωt, ω cos ωt),
ϕ2 (t) = (cos ωt, −ω sin ωt).
Les solutions sont de la forme (x(t), y(t)) = Aϕ1 (t) + Bϕ2 (t).
On retrouve ainsi l’expression (1) pour x(t), et y(t) = x′ (t).

Exemple 15.11 Vérifier les calculs suivants.

x′ = x + y 1 1
,A= , λ = 1 ± i , u = (1, 0), v = (0, 1)
y ′ = −x + y −1 1
x (t) = C2 et sin t − C1 et cos t
y (t) = C1 et sin t + C2 et cos t
Dans le cas particulier où les valeurs propres de A sont imaginaires (α = 0), les trajec-
toires sont des ellipses.
x′ = x + 2y 1 2

,A= , λ = ± i. λ = i par exemple donne
y = −x − y −1 −1
Z = (2, i − 1) = u + iv avec u = (2, −1), v = (0, 1).

c) Si A possède une valeur propre double λ, supposons que A ne soit pas une homothétie.
Cela signifie que le sous-espace propre associé à λ est une droite, notons V un vecteur propre.
On choisit arbitrairement un vecteur W non colinéaire à V , et on vérifie que les fonctions
suivantes
ϕ1 (t) = eλt V
ϕ2 (t) = eλt (I + t(L − λI)) (W )
forment une base de solutions.
764 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Démonstration
ϕ2 (t) = eλt (I + t(L − λI)) (W )
donc dtd
ϕ2 (t) = etλ L (W ) + tλetλ L (W ) − tλ2 etλ W .
D’autre part, L(ϕ2 (t)) = eλt L + t(L2 − λL) (W )
et (L − λI)2 = 0 (Théorème de Cayley-Hamilton § 4- ).
donc L(ϕ2 (t)) = eλt L + t(λL − λ2 I) (W ).

x′ = x + y 1 1
Exemple 15.12 ′
, A = , λ = −1, V = (1, −2), par
y = −4x − 3y −4 − 3
exemple W = (1, 0)
x (t) = C1 e−t + C2 e−t (1 + 2t)
y (t) = −2C1 e−t − 4tC2 e−t .

Exercice
Justifier les portraits de phases suivants à partir du calcul des valeurs et vecteurs propres
(certains des exemples ont été traités précédemment).

K O
1 1
1 0
K O
1 1
0 1

-4 -3
1 0 K O
K O 2 3
3 2

1 1
K O 1 2
-1 1
K
-1 -1

15.2.3.3 Expression générale des solutions


Dans les cas particuliers précédents, l’intervention des exponentielles d’endomorphismes
(Cf. Chap. 12) n’est pas explicite. En dimension finie supérieure à 2, cet outil est systéma-
tique. En réalité, la propriété d’unicité a pour conséquence que, quel que soit le procédé de
calcul utilisé, on calcule toujours une exponentielle d’endomorphisme, implicitement ou non
!

Proposition 15.6 Pour toute donnée de Cauchy (t0 , m0 ) ∈ R × E, le problème de Cauchy


dm −→
dt = L(om), m (t0 ) = m0 , admet une solution unique
définie sur R, et donnée par

−→ (t) = (exp (t − t ) L) (−−→) = (t − t0 )n n −−→
om 0 om 0 L (om0 )
n=0
n!
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 765


→ −→
L’ensemble S des solutions définie sur R, de l’équation dm dt = L(om) est un espace
vectoriel de dimension d, et pour tout réel t0 , l’application
−→ −

E → S
v0 = − −→ −→ (exp (t − t ) L) (v )
om 0 0 0
est un isomorphisme.
Il en résulte que les colonnes de la matrice de l’automorphisme exp (t − t0 ) L dans une

→ −

base (quelconque) de E fournissent une base de S .

Démonstration
Prenons t0 = 0 pour simplifier l’écriture, et posons ϕ (t) = (exp tL) (v0 ).
tn n
La relation ϕ (t) = ∞n=0 n! L (v0 ) est connue (Prop. 12- ), en particulier ϕ(0) = v0 .
D’autre part,
∞ n
dϕ d t n
= L (v0 )
dt dt n=0 n!

tn−1
= Ln (v0 ) (Prop. 12- )
n=1
(n − 1)!
= (exp tL) (L(v0 ))
d
= (exp tL) (v0 ) (Prop. 12- )
dt
= L ((exp tL) (v0 )) (Prop. 12- )
= L (ϕ (t)) .

Soit (I, ψ) une solution du même problème de Cauchy, c’est à dire ψ′ (t) = L(ψ (t)) pour
tout t ∈ I et ψ (0) = v0 .
L’application θ (t) = exp (−tL) (ψ (t)) est dérivable sur I et
θ′ (t) = − (exp −tL) (L(ψ (t))) + (exp −tL) ψ′ (t)
= (exp −tL) ψ′ (t) − L(ψ (t))
= 0.
Il en résulte que θ est constante et exp (−tL) (ψ (t)) = v0 , donc ψ (t) = (exp tL) (v0 ).
I étant quelconque, ceci assure l’unicité de la solution maximale du problème de Cauchy,
et le fait que l’application linéaire v0 −→ (exp (t − t0 ) L) (v0 ) soit un isomorphisme.

Exercice (Une autre démonstration de l’unicité de la solution)


ϕ et ψ ont le même sens que dans la démonstration. Posons η = ϕ − ψ.
Justifier la relation
t
η(t) = L η(u) du .
0
t
On pose f (t) = exp (−N(L)t) η(u) du, t ∈ I.
0
En majorant η(t) , prouver que df
dt est négatif, en déduire que la fonction f est nulle,
ainsi que η.

Remarque 15.5 La résolution des équations (1) fait intervenir les exponentielles d’endomorphismes
sous la forme exp (tL), et la relation suivante (Prop. 12- )
d
exp (tL) = L ◦ exp(tL) = (exp(tL)) ◦ L.
dt
Il importe de distinguer la nature des champs (uniformes) X(t, m) = L(− → et Y (t, L) =
om)
L, qui apparaissent ici comme vecteurs tangents aux arcs respectifs t −→ (exp (t − t0 ) L) (v0 )
766 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)


→ −

et t −→ exp (tL). Le premier est tracé sur E , le second est tracé sur le groupe GL E .
Ici, la relation s’établit facilement par l’évaluation du champ, cette facilité provient de ce


que le groupe linéaire est un ouvert de l’algèbre L( E ), et qu’à ce titre l’espace tangent en
d −

chaque point (qui contient dt exp (tL)) est L( E ).
Cette situation n’est pas reproductible pour n’importe quel groupe G de transformations
comme on le verra au chapitre 17, ce qui fournit une nouvelle conception de l’exponentielle165 ,
par ailleurs nécessaire lorsque la définition en termes de série entière n’a plus de sens.

15.2.3.4 Calculs pratiques


En prenant t0 = 0, le problème de Cauchy à résoudre est dm −→
n
dt = L(om), m(0) = v0 .
(t−t0 )
L’usage de sommes partielles de la série ∞ n=0 n! Ln (v0 ) donne évidemment des
approximations des solutions dans tous les cas.
Si l’on recherche des expressions “exactes”, le problème de Cauchy est donné sous la
forme X ′ = AX, X(0) = X0 = (v0 )B dans une base B, et il s’agit de restituer la solution
dans cette base.

1) Supposons que L est diagonalisable, et notons P est la matrice de passage de B à une


base B∗ de vecteurs propres (ε1 , ..., εd ).
Le problème X ′ = AX , X(0) = X0 s’écrit Y ′ = DY , Y (0) = Y0 dans la base B∗ , avec
D = diag (λ1 , .., λd ) = P −1 AP , et X = P Y , donc
Y (t) = (exp tD) (Y0 ) = diag (etλ1 , .., etλd ) (Y0 ) ,
d’où

X(t) = P diag (etλ1 , .., etλd ) (Y0 ) , X0 = P Y0 . (4)


Remarquons que ceci n’exige pas le calcul de P −1 , sous réserve du calcul direct de Y0 .

Une autre démarche est d’écrire que X est combinaison linéaire des solutions de base
ϕk (t) = etλk εk , les coefficients ce cette combinaison étant déterminés par la relation X(0) =
X0 .

Exercice    
x′ x
   
Comparer ces deux démarches pour résoudre le problème  y′  = A  y , A =
z′ z
   
2 −2 1 1
   
 2 −3 2 X =
 0  1 .
,
−1 2 0 1

Solution
λ1 = 1 valeur propre double, ε1 = (1, 0, −1), ε2 = (2, 1, 0), λ2 = −3 valeur propre simple,
ε3 = (1, 2, −1), A est donc diagonalisable.

165 Les “groupes à un paramètres”, c’est à dire les morphismes dérivables de R dans G.
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 767

   
1 2 1 a
   
Il en résulte que P =  0 1 2  et donc, si Y0 =  b ,
−1 0 −1 c
   
a + 2b c
  −3t  
X(t) = P diag (et , et , e−3t (Y0 ) = et  b +e  2c  .
−a −c
X(0) = (1, 1, 1) donne a = −1, b = 1, c = 0 donc
X(t) = et (1, 1, 1) .

Autre écriture,
X(t) = αet ε1 + βet ε2 + γe−3t ε3 ,
et αε1 + βε2 + γε3 = (1, 1, 1), ce qui détermine les coefficients.

2) Si L n’est pas diagonalisable, la matrice de l’automorphisme exp (t − t0 ) L se cal-


cule avec l’une des méthodes indiquées au chapitre 10. On se limite ici à un bref rappel
suivi d’exemples. Les cas ici distingués ne sont pas disjoints, plusieurs méthodes sont donc
possibles.

2-a) Si L ne possède qu’une seule valeur propre λ, la solution du problème de Cauchy


X ′ = AX , X(0) = X0 est
d−1 k
t
X(t) = eλt (A − λId)k (X0 ).
k!
k=0
Exercice        
x′ x −4 1 1 a
       
Résoudre le problème  y′  = A  y , A =  1 −1 −2 , X0 =  b .
z′ z −2 1 −1 c

Solution
λ = −2 est valeur propre triple, donc A est une matrice nilpotente d’ordre 3, et
t2
X(t) = e−2t I + t (A + 2I) + (A + 2I)2 X0
2
 3 2
 
1 − 2t + 2 t t t − 32 t2 a
  
= e−2t  t + 32 t2 1 + t − 2t + 32 t2   b  .
−2t + 32 t2 t 1 + t − 32 t2 c

2-b) Si le polynôme carctéristique de L est scindé, autrement dit, si


p
PL (x) = (x − λi )mi
i=1
avec m1 +...+mp = d, on peut calculer exp tA avec la décomposition de Dunford (Prop.
10- ) ou rechercher une base de solutions en considérant les sous espaces spectraux
Ker(L − λi Id) ⊂ Ker(L − λi Id)2 ⊂ ... ⊂ Ker(L − λi Id)mi
Rd est la somme directe des p sous espaces spectraux Fi = Ker(L − λi Id)mi , de dimen-
sion mi .
Si, pour i ∈ ]1, p], (vi,j )j∈]1,mi ] est une base de Fi , alors la suite de fonctions ϕij
définie par
ϕij (t)
t tmi −1
= eλit Id + (L − λi Id) + ... + (L − λi I)mi −1 vi,j
1! (mi − 1)!
768 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

est une base de l’espace des solutions de l’équation X ′ = L(X).

Exercice       
x′ x 1 0 1 a
 ′       
Résoudre le problème  y  = A  y , A =  2 −1 0 , X0 =  b .
z′ z 1 −1 12 c

Solution
La matrice A de L possède deux valeurs propres : λ1 = −3/2 de multiplicité 1, dont le
sous espace propre est la droite de base u = (−2, 8, 5) et λ2 = 1, de multiplicité 2, dont le
sous espace propre est la droite de base v = (1, 1, 0).
L n’est donc pas diagonalisable, mais Ker(L − Id)2 est un plan, on prend un vecteur w
de ce plan, non colinéaire à v, par exemple w = (1, 0, 2), d’où une base de l’espace vectoriel
des solutions:
3
e− 2 t u et (I + t(A − I)) v et (I + t(A − I)) w.

2-c) S’il existe une base dans laquelle la matrice de L est triangulaire, on peut résoudre
le système échelonné obtenu en changeant de base.

Exercice
Reprendre l’exercice précédent avec cette méthode.

Solution
On détermine les valeurs propres et sous espaces propres, les vecteurs u, v comme précédem-
ment, puis on observe par exemple qu’avec k = (0, 0, 1), (u, v, k) est une base de R3
 3 1

− 2 0 − 10
 
dans laquelle la matrice de L est B =  0 1 45 , avec la matrice de passage
0 0 1
   ′   
−2 1 0 y1 y1
     
P = 8 1 0 . L’équation équivalente  y2′  = B  y2  se résoud de proche
5 0 1 y3′ y3
en proche :
y1 (t) = 5aet
y2 (t) = (4at + b)et
a t
y3 (t) = − et + ce−3 2
    5
x1 (t) y1 (t)
   
et finalement,  x2 (t)  = P  y2 (t) . On observe qu’il n’est pas nécessaire de cal-
x3 (t) y3 (t)
culer P −1 .

Remarque 15.6 La matrice A de L ayant des coefficients réels, on peut considérer que A
est une matrice complexe puis retrouver les solutions réelles soit avec la partie réelle des
solutions, soit en recherchant une base de solutions réelles par combinaison linéaire des
éléments d’une base de solutions complexes.

Exercice
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 769


0 0 1
 
Appliquer cette méthode avec A =  1 0 0 .
0 1 0

Solution
Dans L C3 , les valeurs propres sont 1, j, j 2 , avec la base de vecteurs propres associés v1 =
(1, 1, 1), v2 = (1, j 2 , j), v3 = (1, j, j 2 ), d’où la base de solutions complexes ϕ1 (t) = et v1 ,
2
ϕ2 (t) = ejt v2 , ϕ3 (t) = ej t v3 .
ϕ2 +ϕ3 ϕ2 −ϕ3
Le choix (ψ 1 , ψ 2 , ψ 3 ) = ϕ1 , 2 , 2i donne la base de solutions réelles
ψ1 (t) = et v1
√ √ √
− 2t t 3 t 3 2π t 3 2π
ψ2 (t) = e cos , cos − , cos +
2 2 3 2 3
√ √ √
t t 3 t 3 2π t 3 2π
ψ3 (t) = e− 2 sin , sin − , sin +
2 2 3 2 3
.

15.2.3.5 Problème de Cauchy affine


L’étude précédente se prolonge aux équations “inhomogènes”, c’est à dire aux champs
de la forme X (t, m) = L(− → + B(t), où X est une application continue de I × E dans −
om)

E,

→ 0 −

I intervalle ouvert, L ∈ L E et B ∈ C I, E . B(t) est le “second membre”.


Relativement à une base B de E , la traduction matricielle de l’équation m′ = X (t, m)
est
dmB
= LB mB + B(t)B ,
dt
où mB et B(t)B sont des matrices de taille d × 1, que l’on écrira, en confondant le vecteur B
et sa matrice,
X ′ = A X + B.



Proposition 15.7 E est un espace affine de dimension d, E est l’espace directeur, o ∈ E
est un point origine fixé.
1) Pour toute donnée de Cauchy (t0 , m0 ) ∈ I × E, il existe une solution unique (I, ϕ) du
problème de Cauchy m′ = L(− → + B(t), ϕ (t ) = m , définie sur I.
om) 0 0
2) L’ensemble S des solutions maximales de l’équation m′ = L(− →
om)+B(t) est un espace


affine de dimension d dont l’espace directeur S est l’espace des restrictions à I des solutions
de l’équation homogène associée m′ = L(− →
om).

Démonstration


Identifions E et E , et prenons t0 = 0, pour simplifier les notations.
Il s’agit de déterminer une solution du problème de Cauchy donné sous la forme ϕ (t) =


(exp tL) (v(t)), où v est une fonction C 1 de I dans E .
En dérivant sur I, il vient par bilinéarité,
ϕ′ (t) = (L ◦ exp tL) (v(t)) + (exp tL) (v′ (t))
= (L ◦ exp tL) (v(t)) + B(t),
donc
v′ (t) = (exp −tL) (B(t)) ,
770 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

soit
t
v(t) = (exp −uL) (B(u)) du + cte.
0
D’où la solution
t
ϕ (t) = (exp tL) (exp −uL) (B(u)) du + m0 . (5)
0
Le reste est immédiat.


Connaissant S , la question pratique est dans la détermination d’une solution particulière
de l’équation avec second membre.
En pratique, les méthodes que l’on va proposer ne doivent être mises en oeuvre qu’après
une réflexion sur l’éventualité d’une solution “évidente”.


Par exemple, avec E = R, x(t) = t est solution de x′′ + x = t.


Avec E = R2 , (−t, 2) est solution de
x′ = −y + 1
y′ = x + t.

D’autre part, si le problème est posé dans le cadre des espaces réels, il peut s’avérer
commode de prendre K = C, et ne retenir que la partie réelle des solutions trouvées. Une
justification précise demanderait un développement sur l’insertion d’un espace vectoriel (ou
affine) réel dans un espace complexe. Cette “complexification” ne sera ici mise en oeuvre
que dans le cas particulier E = Rd , que l’on supposera inclus dans Cd .

15.2.3.6 Solution particulière : méthode de Lagrange


Généralisons la méthode de variation des constantes de Lagrange vue au § 15- pour le
cas scalaire.
Il s’agit de rechercher une solution particulière ϕ de l’équation X ′ = A X + B sous la
forme
d
ϕ= ak ϕk
k=1


où (ϕ1 , ..., ϕd ) est une base de S , et (a1 , ..., ad ) des fonctions scalaires à déterminer.
d
On constate que B = k=1 (ak )′ ϕk .


D’autre part, l’isomorphisme de S sur Rd (Prop. 15- ) permet d’affirmer que pour chaque


t ∈ I, la liste (ϕ1 (t) , ..., ϕd (t)) est une base de E , ce qui permet de décomposer B en
fonction de (ϕ1 , ..., ϕd ) sous la forme B(t) = dk=1 bk (t)ϕk (t).
De plus, les fonctions bk ainsi définies sont de classe C 1 sur I. Cela résulte des formules
de Cramer pour le système linéaire d’inconnues bk (t) obtenu en décomposant l’égalité ci-


dessus dans une base B de E ,
detB (ϕ1 (t), .., B(t), .., ϕd (t))
bk (t) = .
detB (ϕ1 (t), .., ϕk (t), .., ϕd (t))
Finalement, pour un choix arbitraire de t0 ∈ I,
d t
ϕ= bk (u) du ϕk . (6)
k=1 t0

L’exemple qui suit complète le § 2-2.

Définition 15.12 Un oscillateur harmonique scalaire forcé est une équation scalaire du
second ordre de la forme x′′ + ω 2 x = f où f est une fonction continue sur R.
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 771

Sous la forme X ′ = A X + B, cette équation s’écrit



x 0 1 x 0
= + .
y −ω2 0 y f


On connait la base ϕ1 (t) = (sin ωt, ω cos ωt), ϕ2 (t) = (cos ωt, −ω sin ωt) de S .
La recherche d’une solution particulière sous la forme
x(t) = a1 (t) sin ωt + a2 (t) cos ωt
y(t) = a1 (t)ω cos ωt − a2 (t)ω sin ωt
donne
a1 (t) = f (t) cos ωt

a2 (t) = − f(t) sin ωt.

Exercice
Résolution de l’équation affine

x 0 ω0 x cos ωt
= + , (ω 0 , ω) ∈ R2 , ω 0 = 0.
y −ω0 0 y 0
Ceci correspond à l’oscillateur x′′ + ω 20 x = −ω sin ωt, mais avec x′ = ω0 y au lieu de

x = y comme précédemment, pour éviter les automatismes !

Solution
Solutions de l’équation homogène. Avec le vecteur propre Z = U + iV , U = (ω 0 , 0), V =
(0, ω0 ), on obtient
x sin ω 0 t cos ω 0 t
=A +B , (A, B) ∈ R2 .
y cos ω 0 t − sin ω 0 t
Recherche d’une solution de l’équation complète avec la méthode de Lagrange, c’est à dire sous la
forme
sin ω 0 t cos ω 0 t
ϕ(t) = A(t) + B(t) .
cos ω 0 t − sin ω0 t
Il vient
1
A′ (t) = sin ω0 t cos ωt = (sin (ω 0 + ω) t + sin (ω0 − ω) t)
2
1
B ′ (t) = cos ω 0 t cos ωt = (cos (ω0 + ω) t + cos (ω 0 − ω) t) ,
2
donc, si la pulsation ω de f est distincte de ±ω,
cos (ω0 + ω) t cos (ω0 − ω) t
2A(t) = − −
ω0 + ω ω0 − ω
sin (ω 0 + ω) t sin (ω0 − ω) t
2B(t) = + ,
ω0 + ω ω0 − ω
et donc
ω ω0
ϕ (t) = 2 sin ωt, 2 cos ωt .
ω2 − ω0 ω − ω 20
Si ω = ω 0 ,
1
A′ (t) = sin 2ωt
2
1
B ′ (t) = (1 + cos 2ωt) ,
2
et par suite
1 t 1 t
ϕ (t) = sin ωt + cos ωt, − cos ωt − sin ωt .
4ω 2 4ω 2
772 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

15.2.3.7 Solution particulière : cas où le second membre est une fonction


quasi-polynômiale



Définition 15.13 Une fonction de R dans E , de la forme
B(t) = eλt u0 + tu1 + .. + td ud


où λ ∈ K et (u0 , .., ud ) ∈ E d+1 , ud = 0, d ∈ N, est dite quasi-polynômiale.


Q(t) = u0 + tu1 + .. + td ud est un “polynôme à coefficients dans E .

Avec ce type de second membre, la méthode consiste à effectuer le changement d’inconnue


Y = eλt Z, c’est à dire que Y ′ = A Y + B est remplacé par
Z ′ = (A − λI) Z + Q.
Deux cas se présentent.
Cas 1. λ n’est pas une valeur propre de A. La matrice A − λI est donc inversible, et l’on
va prouver qu’il existe une solution de la forme
P (t) = v0 + tv1 + .. + td vd ,

→d+1
avec (v0 , .., vd ) ∈ E , vd = 0.
En effet, la relation P ′ (t) = (A − λI) P (t) + Q(t) est équivalente au système
(A − λI) vd = −ud
(A − λI) vd−1 = dvd − ud−1
..
.
(A − λI) v1 = 2v2 − u1
(A − λI) v0 = v1 − u0 .

Cas 2. λ est une valeur propre de A. Notons m son ordre de multiplicité.


Il revient au même de dire que 0 est valeur propre d’ordre m de A − λI.

→ −

Notons E0 le sous-espace caractéristique ker (A − λI)m et F la somme directe des sous-

→ − → − →
espaces caractéristiques des autres valeurs propres. On sait (Prop. 4- ) que E = E0 ⊕ F , et
l’on cherche à appliquer la proposition 14-4-3).
Le polynôme Q se décompose en Q = Q0 + Q1 , Q0 , de degré ≤ d, ayant ses coefficients
−→ −

dans E0 et Q1 , de degré ≤ d, ses coefficients dans F .


Le sous-espace F est stable par A − λI, sur lequel il est inversible, ce qui ramène au cas
1. Il existe une solution particulière de l’équation Z ′ = (A − λI) |→− Z + Q1 , de la forme
F


P1 (t), polynôme à coefficients dans F , de même degré que Q1 .


Le sous-espace E0 est stable par A − λI, sur lequel il est nilpotent. Il existe donc une
solution particulière de l’équation Z ′ = (A − λI) |− → Z + Q0 , de la forme
E0
t
Z0 (t) = (exp (t − u) (A − λI)) (Q0 (u)) du
t0
t m−1
(t − u)k
= (A − λI)k (Q0 (u)) du.
t0 k=0 k!


Ceci prouve que Z0 (t) est un polynôme à coefficients dans E0 , de degré au plus m + d.
En résumé, on a la proposition suivante.

Proposition 15.8 Avec les notations précédentes, l’équation X ′ = AX + eλt Q(t) admet


une solution particulière de la forme eλt P (t) où P est un polynôme à coefficients dans F .
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 773

Si λ n’est pas une valeur propre de A, deg P = deg Q.


Si λ est une valeur propre de A, de multiplicité m, deg P ≤ deg Q + m.

En pratique, P est calculé par identification.

Définition 15.14 Un oscillateur harmonique scalaire amorti forcé est une équation de la
forme x′′ + ax′ + ω 2 x = f.

15.2.4 Equations linéaires, cas non autonome

15.2.4.1 Situations/Modèles

15.2.4.2 Notations


E est un espace affine de dimension d, E est l’espace directeur, o ∈ E est un point
origine fixé.
On envisage les champs sur E de la forme X (t, m) = L(t)(− → + B(t), où L ∈
om)
0 −
→ 0 −

C I, L E , I est un intervalle ouvert de R, et B ∈ C I, E , autrement dit les équa-
tions de la forme
dm
= L (t) (− → + B(t)
om) (7)
dt
0
Si I est un intervalle ouvert de R, une application ϕ : I → E, à priori C , telle que
∀t ∈ I, (t, ϕ(t)) ∈ U est solution du problème de Cauchy m′ = X (t, m), ϕ(t0 ) = m0 si et
t
seulement si ϕ(t) = m0 + t0 X (u, ϕ(u)) du pour tout t ∈ I.
Dans cette section, on sera amené à définir des fonctions ϕ de ce type sur des sous-
intervalles compacts K de I. ˙ La relation ϕ′ (t) = L(t)(− → + B(t) sera vérifiée en tout point
om)
de K, mais il n’est pas recommandé de les appeler “solutions” pour éviter les contradictions
avec la définition 14- et les diverses propriétés des soutions (qui justifient la définition posée).

Ce qui suit s’applique évidemment aux équations linéaires scalaires d’ordre n, c’est à dire
de la forme
an (t)x(n) + ... + a0 (t)x = 0,
en supposant que les fonctions scalaires a0 , .., an sont continues sur I, et que an ne s’annule
pas sur I.  
x0
 . 
Une telle équation est équivalente à X ′ = A(t)X, avec X =  . 
 .  et A =
xn−1
 
0 1 0 ··· 0
 
 0 0 1 ··· 0 
 
 .. .. .. .. 
 . . . . , c’est à dire
 
 
 0 0 1 
− aan0 · · · · · · · · · − an−1
an
x0 = x, x1 = x′ , ..., xn−1 = x(n−1)
a0 an−1 (n−1)
x(n) = − x − ... − − x .
an an
774 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

15.2.4.3 Problème de Cauchy linéaire

Proposition 15.9 Pour toute donnée de Cauchy (t0 , m0 ) ∈ I × E, le problème de Cauchy


dm −→
dt = L(t)(om), m (t0 ) = m0 , admet une solution unique
ϕ(t0 ,m0 ) définie sur I.

→ −→
L’ensemble S des solutions définie sur I, de l’équation dm dt = L(t)(om) est un espace

→ −

vectoriel, et pour tout réel t0 ∈ I, l’application de S dans E qui associe le vecteur v0 =
−−→ à la solution ϕ −

om 0 (t0 ,m0 ) est un isomorphisme linéaire, donc dim S = d;

Démonstration


Pour simplifier les notations, on suppose que E = E .
Etape 1
Le couple (t0 , m0 ) ∈ I × E étant donné, on démontre que pour tout segment K inclus
dans I, et contenant t0 , il existe une application ϕ et une seule, continue sur K, à valeurs
t
dans E, telle que ϕ(t) = m0 + t0 L(u)ϕ(u) du pour tout t ∈ K.
Pour cela, on se place dans l’espace E = C 0 (K, E) qui est complet pour la norme ∞ de
convergence uniforme (Prop. 9- ), et l’on note f application f : E → E définie par f (x) (t)
t
= m0 + t0 L(u) x(u) du.
Il existe un entier p pour lequel l’application itérée f p est contractante. En effet, si est

→ −

une norme dans E , et N la norme subordonnée dans L E , on a
t
f (x) (t) − f (y) (t) = L(u) (y(u) − x(u)) du
t0
t
≤ L(u) (y(u) − x(u)) du
t0
≤ N |t − t0 | y − x ∞ .
Pour un entier p ≥ 2,
t
f p (x) (t) − f p (y) (t) ≤ N f p−1 (y) (u) − f p−1 (x) (u) du
t0
t
≤ N2 |u − t0 | du f p−1 (y) − f p−1 (x) ∞
t0

|t − t0 |2 p−1
= N2 f (y) − f p−1 (x) ∞
2
donc, par récurrence,
|t − t0 |p
f p (x) (t) − f p (y) (t) ≤ N p y−x ∞
p!
d’où, si l est la longueur de K,
lp
f p (x) − f p (y) ∞ ≤ Np y−x ∞,
p!
p
ce qui donne la conclusion sachant que N p lp! < 1 pour p assez grand.

Etape 2
L’application donnée est linéaire et bijective d’après l’étape précédente.
Le corollaire suivant est immédiat, mais utile.

Corollaire 15.10 Avec les hypothèses de la proposition, le réel t0 étant fixé, pour qu’une
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 775


→ −

liste (ϕ1 , .., ϕd ) d’éléments de S soit une base de S , il faut et il suffit que la liste (ϕ1 (t0 ), .., ϕd (t0 ))


soit une base de E .


En particulier, le déterminant detB (ϕ1 (t), .., ϕd (t)), relativement à une base B de E est
non nul quel que soit t ∈ I.

Définition 15.15 Ce déterminant, noté W (t), est appelé Wronskien (ou déterminant de
Wronski) de (ϕ1 , .., ϕd ) dans la base B.

Proposition 15.11 Si (t0 , t) ∈ I 2 , alors


t
W (t) = W (t0 ) exp Tr L(u) du .
t0

Démonstration
Par linéarité,
n

W ′ (t) = det ϕ1 (t), .., ϕi (t), .., ϕd (t)
B
i=1
n
= det (ϕ1 (t), .., L (ϕi (t)) , .., ϕd (t))
B
i=1
= Tr L(t) det (ϕ1 (t), .., ϕd (t)) (§ 2-2-7, Ex. 4).
B
Le résultat s’en suit, en résolvant l’équation scalaire W ′ (t) =Tr L(t) W (t).

Lorsque l’équation est scalaire, de la forme


an (t) x(n) + .. + a0 (t)x = 0,


an ne s’annulant pas sur I. Pour t0 ∈ I, l’isomorphisme de l’espace S des solutions sur Kn
(n−1)
associe à la solution ϕ la liste ϕ (t0 ) , .., ϕ (t0 ) .
L’expression du Wronskien dans la base canonique de Kn est alors
ϕ1 (t0 ) ··· ϕn (t0 )
.. ..
W (t) = . . . (8)
(n−1) (n−1)
ϕ1 (t0 ) · · · ϕn (t0 )
Il s’en suit que
t
an−1 (u)
W (t) = W (t0 ) exp − du . (9)
t0 an (u)

Mis à part les cas particuliers d = 1 ou L (t) constant, il n’existe pas de procédé pratique
de portée générale pour trouver un élément particulier de S. Au cas par cas, on cherche


à obtenir une base de S à l’aide de solutions de type connu telles que polynômiales ou
analytiques (s’il en existe), ou exponentielles. Donnons quelques exemples.

Ex. 1) Lorsque les éléments de la famille (L(t))t∈I commutent deux à deux, le théorème
de réduction simultanée (Prop. 4- ) indique l’existence d’un changement de base indépendant
de t. Lorsque L(t) est diagonalisable, la propriété 2) de la proposition 14- se prolonge ainsi
(vérifier) : Si λ (t) est une valeur propre de L(t), et v0 un vecteur propre associé, indépendant
de t, alors la fonction t → e λ(t) v0 , t ∈ R, est une solution de dm −→
dt = L(t)(om).
776 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)



a) Rechercher une base de S pour le système X ′ = A(t)X, avec E = R3 , A(t) =
 
0 −t t
 
 t 0 −t .
−t t 0
 1 
t + 2t 0 1t − t
 
b) Même question avec A(t) =  t − 1t 3t t − 1t , I = ]0, +∞[.
2 1t − t 0 2t + t

Ex. 2) Pour les équations linéaires scalaires d’ordre n, dont les coefficients sont analy-
tiques, une méthode consiste à rechercher une base de solutions sommes de séries entières
(sans justifier ici la généralité d’une telle méthode).
Rechercher une base de solutions sur I = ]−1, 1[ de l’équation scalaire 4 1 − t2 x′′ (t)−
4tx′ (t) + x(t) = 0.

Ex. 3) a) Dans le cas plus particulier du second ordre, lorsqu’une solution “évidente” ϕ1
apparaît, il peut être utile de rechercher une solution indépendante ϕ2 sous la forme ϕ2 (t) =
λ(t)ϕ1 (t).
Rechercher ainsi une base de solutions de l’équation scalaire 1 + t2 x′′ (t) + tx′ (t) −
x(t) = 0, avec I = R.
b) Une méthode voisine consiste à choisir ϕ2 parmi les solutions du système

 W (t) = W (t0 ) exp − t a1 (u) du
t0 a2 (u)

 ϕ2
= W
.
ϕ1 ϕ21
Retrouver la solution ϕ2 précédemment obtenue.

Solution Ex. 1-a)


3
√ les solutions à valeurs dans C . A(t) est diagonalisable, les
Dans un premier temps, on envisage
valeurs propres sont λ0 = 0, λ1 = it 3, λ2 = λ1 , avec une base de vecteurs propres associée
   1 √  
1 − 2 i 3 − 12
   √  
(Z0 , Z1 , Z2 ) =  1  ,  21 i 3 − 12  , Z1  .
1 1
(Z1 , Z2 ) est une base du plan orthogonal du noyau. √
it2 3
D’où les solutions indépendantes ψ 0 (t) = 1, ψ 1 (t) = e 2 Z1 , ψ2 (t) = ψ1 (t).

On en déduit une base de l’espace des solutions réelles en prenant


ϕ0 (t) = ψ0 (t) = 1
 2
√ √ 2
√ 
− 12 cos t 2 3 + 23 sin t 2 3
ψ1 (t) + ψ2 (t)  2
√ √ 2


ϕ1 (t) = = Re ψ1 (t) =  − 12 cos t 2 3 − 23 sin t 2 3 
2 2

cos t 2 3
 1 2
√ √ 2
√ 
− 2 sin t 2 3 − 23 cos t 2 3
ψ1 (t) − ψ2 (t)  2
√ √ 2


ϕ2 (t) = = Im ψ1 (t) =  − 12 sin t 2 3 + 23 cos t 2 3  .
2i 2

sin t 2 3
Réponse Ex. 1-b)
Valeur propre double 3t, valeur propre 3t , base de vecteurs propres (1, 0, −1), (0, 1, 0), (1, −1, 2),
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 777

base de solutions  
3t2    3 
e 2 0 t
 
ϕ1 (t) =  0  , ϕ2 (t) = 
 e
3t
2
2 
 , ϕ (t) =

 −t3 .

  3
3t2
−e 2 0 2t3
Solution Ex. 2
I étant centré à l’origine, il est cohérent de rechercher s’il existe des solutions de la forme ϕ (t) =
∞ n
n=0 an t , le rayon de convergence de la série étant au moins égal à 1. Dans I , on doit avoir
∞ ∞ ∞
4 1 − t2 n (n − 1) an tn−2 − 4t nan tn−1 + an tn = 0,
n=2 n=1 n=0
c’est à dire
∞ ∞ ∞ ∞
4 (n + 1) (n + 2) an+2 tn − 4 n (n − 1) an tn − 4 nan tn + an tn = 0.
n=0 n=2 n=1 n=0
Pour n ≥ 3, l’annulation du coefficient de tn donne la relation
1
(n + 1) (n + 2) an+2 = n2 − an .
4
A priori, rien n’indique que cette relation se prolonge à n = 0, 1, 2. En fait, c’est le cas sachant que
pour ces valeurs de n, on obtient respectivement 8a2 + a0 = 0, 24a3 − 3a1 = 0, 48a4 − 15a2 = 0.
On a ainsi a2p en fonction de a0 pour p ≥ 1, et a2p+1 en fonction de a1 pour p ≥ 1.

1 1 1 1
a2p = − 1 .. − 2p + 1 a0
2p! 2 2 2
1 1 1 1
a2p+1 = − 1 .. − (2p + 1) + 1 2a1 .
(2p + 1)! 2 2 2
En prenant a0 = 1, a1 = 12 , puis a0 = 1, a1 = − 12 , on reconnait les développements en séries
√ √
entières de 1 + t et 1 − t (rayon 1) qui constituent ainsi une base de solutions.

Solution Ex. 3-a


Sur R, la solution ϕ1 (t) = t est évidente. En posant ϕ2 (t) = t λ(t), on voit qu’il convient de
raisonner séparément sur ]−∞, 0[ et ]0, +∞[.
On doit avoir 1 + t2 tλ′′ (t) + 2 t2 + 1 + t2 λ′ (t) = 0, soit
′ 3t2 + 2 ′
λ′ = − 3 λ.
t +t
2 ′
Or, 3t +2 3 1 2 √k
t3 +t = log t + t + log t − 2 log t + 1 , donc λ = t2 t2 +1 , et par suite

k t2 + 1
λ(t) = − + h, (h, k) ∈ R2 .
√ t √
Finalement, ϕ2 (t) = t2 + 1 est une solution indépendante de ϕ1 , et l’on voit que t, t2 + 1
est une base de solutions sur R.

Solution Ex. 3-b


u
ϕ2 ′ k exp − u2 +1
Les constantes étant arbitraires, on peut écrire t = t2 , ce qui ramène au calcul
précédent.

15.2.4.4 Problème de cauchy affine


La propriété suivante est évidennte.

Proposition 15.12 Avec les hypothèses du § 14- , l’ensemble S des solutions définies sur
−→ −

I de l’équation dm
dt = L (t) (om) + B(t) est un espace affine dont l’espace directeur S est
778 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

donné par la proposition précédente.

Indiquons quelques procédés permettant de calculer une solution particulière de l’équation


affine.
1) La méthode de Lagrange.
Par analogie avec les équations linéaires à coefficients constants, une méthode de recherche
d’une solution particulière ϕ de l’équation X ′ = A X + B consiste à prendre
d
ϕ= ak ϕk
k=1


connaissant une base (ϕ1 , ..., ϕd ) de S , et (a1 , ..., ad ) des fonctions scalaires à déter-
miner.
En dérivant,
d d
ϕ′ = L(t)ϕ + B(t) = a′k ϕk + ak ϕ′k
k=1 k=1
d d
= a′k ϕk + ak L(t)ϕk
k=1 k=1
d
donc B(t) = a′k ϕk .
k=1
d
Connaissant l’expression de B(t) = k=1 bk ϕk en fonction de (ϕ1 , ..., ϕd ), on en dé-
duit, pour un choix arbitraire de t0 ,
d t
ϕ= bk (u) du ϕk .
k=1 t0

Exercice
Déterminer une solution de l’équation
1
4 1 − t2 x′′ (t) − 4tx′ (t) + x(t) = , I = ]−1, 1[
√ √ 1 − t
sachant que 1 − t, 1 + t est une base de l’espace des solutions de l’équation homogène.

Solution √ √
On cherche une solution sur I de la forme ϕ (t) = a(t) 1 − t + b(t) 1 + t.
−1√
En reportant dans l’équation, on trouve après simplification, b′ (t) = 4(1−t) 1−t
, donc par exem-
−1
ple b(t) = √
2 1−t
, et
1
a′ (t) = √ .
4 (1 − t) 1 + t √
Comme d’habitude une primitive s’obtient à l’aide du changement de variable u = 1 + t, ce qui
donne
1 du
a(t) =
2 2 − u2
1 du du
= √ √ + √
4 2 2−u 2+u
√ √
1 2+ 1+t
= √ log √ √ .
4 2 2− 1+t
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 779

15.2.5 Résolution d’un problème de Cauchy-Lipschitz


Revenons sur le problème de Cauchy scalaire x′ = x2 , x(0) = x0 .
Si x0 > 0, et t0 = 0, le raisonnement suivant est licite.
Soit (J, ϕ) une solution, alors par continuité, ϕ(t) ne s’annule pas dans un voisinage J ′
de 0, inclus dans J, donc pour t ∈ J ′ ,
ϕ′ d 1
1= 2 =−
ϕ dt ϕ
et par suite
x0
∀t ∈ J ′ , ϕ(t) = .
1 − tx0
La seule conclusion de ce qui précède est que I = −∞, x10 , ψ(t) = 1−tx x0
0
est une
solution du problème de Cauchy (0, x0 > 0), et pour toute solution (J, ϕ), il existe un voisi-
nage J ′ de 0 inclus dans J, dans lequel ϕ et ψ ont même restriction. Il est clair que J ⊂ I,
mais cela ne prouve pas que J ′ = J, et rien n’a été obtenu sur l’unicité de la solution con-
stante x(t) = 0, t ∈ R, lorsque x0 = 0.
Les résultats de cette section apportent à ces questionses des réponses en termes d’existence
et d’unicité, à défaut d’expressions explicites comparables au cas linéaire autonome.


On prendra E = E = Rd , ce qui revient à fixer un repère de E.

15.2.5.1 Cylindres de confinement


La démonstration du théorème de Cauchy-Lipschitz (Prop. 14-14) repose sur la même
méthode que pour le cas linéaire. Il s’agira d’établir l’existence d’un point fixe pour la trans-
t
formation F (x) = m0 + t0 X (u, x(u)) du. Pour borner la variation de l’intégrale, il ne suffit
pas de limiter la variation de |t − t0 |, une borne de la variation du champ est nécessaire, et
celle-ci doit être uniforme relativement à la variation de l’arc x(t). Pour cela, introduisons
une nouvelle notion.

Définition 15.16 Supposons donnés un ouvert U de R× Rd , d ≥ 1, un champ X ∈


C 0 U, Rd , et (t0 , m0 ) ∈ U . Un cylindre de confinement166 ouvert (resp. fermé) de centre
(t0 , m0 ) est un produit C = I0 × B0 où I0 est un intervalle ouvert (resp. fermé) de centre
t0 , de rayon l > 0, et B0 une boule ouverte (resp. fermée) dans Rn , de centre m0 , de rayon
r > 0, tels que
1) C ⊂ U
2) sup(t,x)∈C X (t, x) < rl .

Remarque 15.7 Avec les notations de la définition, si C = I0 × B0 est un cylindre de


confinement, tout point (t, x) intérieur à C est centre d’un cylindre de confinement (homoth-
étique) contenu dans C.

r′ r
Il suffit en effet de remplacer (r, l) par (r′ , l′ ) avec l′ = l, 0 < l′ < l − |t − t0 |,
0 < r′ < r − x − m0 .

Exemple 15.13 Avec U = R× R, X (t, x) = x2 , et (t0 , m0 ) = (0, 1), pour r = 1, vérifier


que l < 14 convient. Généraliser à r < 1.
166 ou cylindre de sécurité, ou tonneau de sécurité.
780 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Proposition 15.13 Soit X ∈ C 0 (U, Rn ). Supposons qu’il existe une solution (I, ϕ) satis-
faisant à la donnée de Cauchy (t0 , m0 ), et un cylindre de confinement C = I0 × B0 de centre
(t0 , m0 ). Alors le graphe de la restriction de ϕ à I ∩ I0 est inclus dans C.

Démonstration
Supposons qu’il existe t1 ∈ I ∩ I0 tel que ϕ(t) − m0 > r avec, par exemple t1 > t0 .
L’ensemble des réels t vérifiant les conditions
t ≥ t0 , t ∈ I ∩ I0 , ∀u ∈ [t0 , t] , ϕ(t) − m0 < r
est non vide, majoré par t1 , donc possède une borne supérieure tM ∈ [t0 , t1 ], donc tM ∈
I ∩ I0 .
On a d’une part ϕ(tM ) − m0 = r par continuité,
d’autre part, pour t ∈ [t0 , tM ], ϕ′ (t) = X (t, ϕ(t)) < rl , donc
tM
ϕ(tM ) − m0 = X (u, ϕ(u)) du ≤ (tM − t0 ) sup X (t, x) < r,
t0 (t,x)∈C
ce qui est contradictoire.

Pour la suite, convenons que I0 désignera un intervalle ouvert, et B0 une boule ouverte, les
cylindres de confinement fermés seront alors notés I0 × B0 .

Proposition 15.14 Etant donné un ouvert U de R× Rd , n ≥ 1, et un champ X ∈ C 1 U, Rd ,


tout point (t0 , m0 ) ∈ U est centre d’un cylindre de confinement fermé sur lequel X est lip-
schitzienne par rapport à la deuxième variable.

Démonstration
L’application dX est continue de U dans l’espace vectoriel L Rd (sur lequel la norme
est notée N ), et U est localement compact donc dX est localement bornée. Plus précisément,
il existe dans R× Rd une boule fermée A = B((t0 , m0 ) , ρ) contenue dans U sur laquelle
N (dX (t, x)) ≤ N (dX (t0 , m0 )) + 1 = k
Cette boule étant convexe, l’inégalité des accroissements finis donne
∀ (t1 , x1 ) ∈ A, ∀ (t2 , x2 ) ∈ A, X (t1 , x1 ) − X (t2 , x2 ) ≤ k x1 − x2 .
Autrement dit, X est k-lipschitzienne sur A.
On choisit alors l > 0 et r > 0 tels que d’une part
C = I0 × B0 = [t0 − l, t0 + l] × B(m0 , r) ⊂ A
r
et d’autre part, l ≤ M où M = sup(t,x)∈A X (t, x) .
On aura alors sup(t,x)∈C X (t, x) ≤ M < rl .

15.2.5.2 Solutions locales

Proposition 15.15 (Théorème de Cauchy-Lipschitz)167 .


Soit U un ouvert de R× Rd , n ≥ 1, un champ X ∈ C 1 U, Rd , et (t0 , m0 ) ∈ U une
donnée de Cauchy.
Pour tout cylindre de confinement fermé C = I0 × B0 centré en (t0 , m0 ), sur lequel
X est k-lipschitzienne par rapport à la deuxième variable, le sous ensemble C 0 I0 , B0
167 Le théorème reste valide, avec la même démonstration, si l’on suppose seulement que f est continue sur U et
localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable.
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 781

de l’espace vectoriel C 0 I0 , Rn est muni de la distance induite par la norme ∞ de la


convergence uniforme.
C 0 I0 , B0 est alors un espace métrique complet, stable par l’application
F : C 0 I0 , B0 → C 0 I0 , Rn
qui transforme une fonction x en y, définie par
t
y(t) = m0 + X (u, x(u)) du.
t0
De plus, F admet une itérée F p contractante sur C 0 I0 , B0 , donc F possède un point fixe
unique ϕ ∈ C 0 I0 , B0 .
Il en résulte les conséquences suivantes :
1) (I0 , ϕ |I0 ) est une solution168 du problème de Cauchy x′ = X (t, x), x(t0 ) = m0 .
Pour simplifier, on notera ϕ la restriction ϕ |I0 .
2) Si (I0 , η) est une solution du même problème de Cauchy, défnie sur l’intervalle ouvert
I0 , alors η = ϕ.

Démonstration
Le point (t0 , m0 ) ∈ U étant donné, prenons un cylindre de confinement fermé C =
I0 × B0 centré en ce point.
Sachant que C 0 I0 , Rn est un espace de Banach pour la norme de la convergence uni-
forme, C 0 I0 , B0 est complet si et seulements si c’est une partie fermée. Or, pour tout réel
u ∈ I0 , l’application
λu : C 0 I0 , Rn → Rn définie par λu (x) = x(u)
est linéaire, et continue, de norme N (λu ) inférieure à 1 car λu (x) ≤ x ∞ . Chaque
ensemble λ−1 u B0 est une partie fermée de C 0 I0 , Rn , l’intersection de ces fermés lorsque
u ∈ I0 , qui n’est autre que C 0 I0 , B0 est donc fermée.
La stabilité de C 0 I0 , B0 par F résulte de l’inégalité suivante, vérifiée pour tout t ∈ I0
t
x(t) − m0 = X (u, x(u)) du ≤ l sup X (t, x) < r
t0 (t,x)∈C

Enfin, X étant k-lipschitzienne sur C, si x et y appartiennent à C 0 I0 , B0 , on a pour tout


t ∈ I0 ,
t
F x(t) − F y(t) ≤ X (u, x(u)) − X (u, y(u)) du
t0
t
≤ k x(u)) − y(u)) du
t0
≤ k |t − t0 | x − y ∞
et donc
t
F 2 x(t) − F 2 y(t) ≤ k F x(u)) − F y(u)) du
t0

|t − t0 |2
≤ k2 x−y ∞
2!
Une récurrence immédiate donne, pour p entier,
|t − t0 |p
F p x(t) − F p y(t) ≤ kp x−y ∞
p!
lp
≤ kp x−y ∞
p!
168 Suivant les conventions adoptées dans la définition d’un cylindre de sécurité fermé, l’intervalle I0 est supposé
ouvert.
782 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

L’application F p est donc contractante pour p assez grand, et le théorème du point fixe donne
l’existence et l’unicité d’un point x ∈ C 0 I0 , B0 invariant par F .

La conséquence 1) est évidente.


Pour démontrer la conséquence 2), sachant que le graphe de y est inclus dans C, il reste
à prolonger y par continuité à I0 . La boule B0 étant fermée, le graphe de ce prolongement y
sera inclus dans C, et y sera un point fixe de F .
Or, pour t ∈ I0 ,
r
y′ (t) = X (t, y(t)) ≤ sup X (t, x) <
(t,x)∈C l
Il résulte de cette inégalité que l’image d’une suite convergente de points de I0 , dont la limite
est t0 + l ou t0 − l, est de Cauchy donc convergente, d’où le prolongement cherché.

Remarque 15.8 Dans la démonstration précédente, on peut aussi choisir l assez petit pour
que kl < 1, dans ces conditions F est contractante (autrement dit, p = 1).

Corollaire 15.16 Sous les hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz, le résultat suivant


exprime une propriété d’"unicité locale".
Si (I, ϕ) et (J, η) sont deux solutions du même problème de Cauchy x′ = X (t, x), x(t0 ) =
m0 , alors ϕ et η coïncident sur l’intervalle ouvert I ∩ J.

Démonstration
Si (I, ϕ) et (J, η) sont deux solutions du même problème de Cauchy x′ = X (t, x),
x(t0 ) = m0 , alors il existe un intervalle ouvert I0′ contenu dans I ∩ J, sur lequel x et η
ont même restriction.
En effet, (t0 , m0 ) est centre d’un cylindre de confinement fermé C = I0 ×B0 qui contient
les graphes des restrictions à I ∩ J ∩ I0 de ϕ et η. Les intervalles I, J étant ouverts, il existe
l′ ∈ ]0, l] tel que I0′ = [t0 − l′ , t0 + l′ ] soit contenu dans I ∩ J ∩ I0 , et C ′ = I0′ × B0 est un
cylindre de confinement fermé centré en (t0 , m0 ), sur lequel le théorème de Cauchy-Lipschitz
permet d’affirmer que ϕ et η ont même restriction à I0′ .
L’ensemble des points t ∈ I ∩ J sur lesquels les solutions ϕ et η prennent les mêmes
valeurs est non vide, évidemment fermé, et ouvert d’après le raisonnement précédent, il est
donc égal à I ∩ J qui est un ouvert connexe de R.

15.2.5.3 Solutions maximales


Dans les conditions du théorème de Cauchy-Lipschitz, on muni l’ensemble E des solu-
tions d’un problème de Cauchy de la relation d’ordre (I, ϕ) (J, η) si I ⊂ J.
Le corollaire ci-dessus montre que dans ce cas, η est nécessairement un prolongement
de ϕ. Pour cet ordre, deux solutions admettent un minorant (défini sur l’intersection des
intervalles) et un majorant (défini sur la réunion).
Les éléments maximaux de E sont donc les solutions non prolongeables.

Proposition 15.17 Avec les hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz, on a les résultats


suivants :
Pour toute donnée de Cauchy (t0 , m0 ), l’ensemble ordonné (E, ) des solutions du prob-
lème de Cauchy m′ = X (t, m), m(t0 ) = m0 possède un plus grand élément, on le notera
I(t0 ,m0 ) , ϕ(t0 ,m0 ) , et plus simplement Im0 , ϕm0 si t0 = 0.
Section 2 Résolution d’un problème de Cauchy 783

Ce plus grand élément est donc l’unique élément maximal de E.

Définition 15.17 Le plus grand élément de (E, ) est appelé solution maximale du prob-
lème de Cauchy.

Démonstration
E est non vide (Théorème de Cauchy-Lipschitz), et la réunion de tous les intervalles
ouverts sur lesquels sont définies les solutions du problème de Cauchy est un intervalle ouvert
I(t0 ,m0 ) contenant m0 . Si t ∈ I(t0 ,m0 ) , il existe une solution (I, ϕ) du problème de Cauchy
telle que t ∈ I, et en posant ϕ(t0 ,m0 ) (t) = ϕ (t), on définit une solution, indépendante du
choix de ϕ pour chaque valeur de t d’après le corollaire -.
Ce même corollaire prouve que toute solution (J, η) vérifie (J, η) I(t0 ,m0 ) , ϕ(t0 ,m0 )
, enfin pour toute relation d’ordre, un élément maximal est unique s’il existe.

Définition 15.18 Le champ X de classe C 1 sur un ouvert U de R×E est complet si chaque
solution maximale d’un problème de Cauchy est définie sur R. Ceci suppose évidemment que
la première projection de U soit égale à R.

Proposition 15.18 Les courbes intégrales de deux solutions maximales sont disjointes, et
pour un champ autonome, les orbites de solutions maximales sont disjointes ou confondues.

Démonstration
Le premier point est évident.
Soit X un champ de classe C 1 sur un ouvert Ω de E, et (I1 , ϕ1 ), (I2 , ϕ2 ) des solutions
maximales vérifiant respectivement les conditions de Cauchy ϕ1 (0) = m1 , ϕ2 (0) = m2 ,
d’orbites O1 , O2 . S’il existe m ∈ O1 ∩ O2 , on peut écrire m = ϕ1 (t1 ) = ϕ2 (t2 ).
Posons ϕ (t) = ϕ1 (t − t2 + t1 ) pour t ∈ J = {t + t2 − t1 , t ∈ I1 }.
On a ϕ′ (t) = X (ϕ(t)) et ϕ (t2 ) = ϕ1 (t1 ) = m, les solutions (J, ϕ) et (I2 , ϕ2 ) sont donc
égales, et par suite ϕ (J) = ϕ2 (I2 ).
D’autre part, ϕ (J) = ϕ1 (I1 ) en raison de l’invariance par translation du temps (Prop.
14- ), soit O1 = O2 .

15.2.5.4 Equations à variables séparées


Dans les exemples introductifs, on a donné les solutions des équations scalaires non
linéaires x′ = xt , ou x′ = x2 , passant sous silence une quelconque méthode. L’argument
de “l’évidence” n’est pas à rejeter, mais il est subjectif par essence (l’origine physique d’une
équation, l’expérience,..). Comme pour les équations linéaires, un procédé qui reste à jus-
tifier consiste à transformer les équations. Par exemple transformer x′ = xt en xx′ = t et
x′ = x2 en dx 2 dx
dt = x puis x2 = dt et prendre une primitive.
a(t)
Plus généralement, les équations scalaires de la forme x′ = b(x) , dites à variables sé-
parées sont transformées en b(x)dx = a(t)dt, mais en l’absence de justification cette trans-
formation reève de la prestidigitation. Sans anticiper le chapitre suivant consacré aux formes
différentielles, la proposition qui suit donne des renseignements suffisants pour les exemples
usuels.
784 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Proposition 15.19 a et b sont des fonctions réelles, respectivement C 0 sur un intervalle


ouvert I1 et C 1 sur un intervalle ouvert I2 sur lequel b ne s’annule pas. (t0 , x0 ) ∈ I1 × I2 et
x t
f : I1 × I2 → R est la fonction définie par f(t, x) = x0 b(y)dy − t0 a(u)du.
Alors,
1) Γ = f −1 (0) est une courbe régulière de R2 , passant par le point (t0 , x0 ).
a(t)
2) La courbe intégrale (t, ϕ (t)) de la solution maximale du problème de Cauchy x′ = b(x) , x(t0 ) = x0
est contenue dans Γ.

Démonstration
∂f ∂f
1) En tout point de Γ, ∂t , ∂x = (−a(t), b(x)) = (0, 0).
d
2) f (t, ϕ (t)) = 0 pour t = t0 , et f(t, ϕ (t)) est constante sachant que dt f(t, ϕ (t)) =
∂f a(t)
∂t + ϕ′ (t) ∂f
∂x = −a(t) + b(x) b(x) = 0.

1
Exemple 15.14 Pour l’équation scalaire x′ = x3 , a(t) = 1, b(x) = x3 , I1 = R, I2 =
]0, +∞[ (par exemple),
x t
1
f(t, x) = 3
dy − du
x0 y t0
1 1 1
= − 2 + 2 − t + t0 .
2 x x0
1
L’équation implicite de Γ est x2+ 2 t − t0 − 2x12 = 0.
1
" 0#
Pour (t0 , x0 ) = (1, 1), x(t) = √3−2t , t ∈ −∞, 32 .

Exercice
Retrouver les solutions de l’équation scalaire x′ = x2 du § 15- .

15.2.6 Résolution d’un problème de Cauchy-Peano

15.3 Propriétés d’une trajectoire ou d’une orbite


Comme on l’a vu précédemment, la solution d’un problème de Cauchy n’est pas néces-
sairement exprimable à l’aide de primitives des fonctions classiques, y compris dans le cas
des champs linéaires non autonomes. Il est donc important d’obtenir des résultats portant sur
des solutions non exprimées (ou non exprimables).

15.3.1 Durée de vie d’une trajectoire


Sous les hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz, la “durée de vie” d’une trajectoire
maximale est la longueur de l’intervalle I(t0 ,m0 ) de la solution maximale.

Proposition 15.20 (Théorème de “majoration à priori”)


Soit U un ouvert de R×E, n ≥ 1, un champ X ∈ C 1 (U, E), et (]a, b[ , ϕ) une trajectoire
de X (solution de l’équation x′ = X (t, x)).
On suppose que b < +∞, et qu’il existe ε > 0 tel que le graphe {(t, ϕ (t))} de la
restriction de ϕ à l’intervalle ]b − ε, b[ soit inclus dans un compact K ⊂ U .
Section 3 Propriétés d’une trajectoire ou d’une orbite 785

Alors, il existe une trajectoire ψ de X qui prolonge ϕ à un intervalle ]a, c[ avec c > b.

Démonstration
Soit M la borne supérieure de X sur K. L’inégalité
ϕ(t) − ϕ(t′ ) ≤ M |t − t′ |
sur ]b − ε, b[ montre que ϕ admet une limite l lorsque t tend vers b− , de plus (b, l) ∈ K.
Autre argument : l’existence de l résulte aussi de ce que, pour t0 ∈ ]b − ε, b[, on peut
écrire sur [t0 , b[,
t
ϕ(t) = ϕ(t0 ) + X (t, ϕ(t)) dt.
t0
Sachant que pour tout segment J ⊂ ]b − ε, b[, J X (t, ϕ(t)) dt est majoré par Mε,
l’intégrale (Prop. 12- ) et donc ϕ admet une limite l lorsque t tend vers b− , et par suite
(b, l) ∈ K.

Dautre part, la donnée de Cauchy (b, l) admet une solution (]b − α, b + α[ , ϕ).
Envisageons la fonction ψ définie sur ]a, b + α[ par ψ(t) = ϕ(t) si t ∈ ]a, b] et ψ(t) =
ϕ(t) si t ∈ [b, b + α[.
ψ est continue sur ]a, b + α[, dérivable sur ]a, b[ ∪ ]b, b + α[, avec ψ′ (t) = X (t, ϕ(t)) si
t < b et ψ′ (t) = X (t, ϕ(t)) si t > b, et limt→b ψ ′ (t) existe puisque la limite à gauche est
X (b, l) en raison de la continuité du champ, et la limite à droite est X (b, ϕ(b)) = X (b, l). Le
corollaire 11- montre que ψ est C 1 sur ]a, b + α[, et ψ′ (b) = X (b, l) = X (t, ψ(b)).
Il en résulte que ψ est une trajectoire de X qui prolonge ϕ.

La proposition précédente concerne les courbes intégrales. Elle permet d’obtenir une
propriété intéressante des orbites de solutions maximales lorsque U est de la forme I × Ω.

Corollaire 15.21 Soit U = I × Ω, où I est un intervalle ouvert de R, Ω un ouvert de E, et


X ∈ C 1 (U, E).
Si (]a, b[ , ϕ) est une solution maximale de l’équation différentielle x′ (t) = X (t, x(t))
avec a et b finis, alors pour tout compact H ⊂ Ω, et tout ε > 0, il existe t ∈ ]a, b[ ∩ ]b − ε, b[
tel que ϕ(t) ∈ / H.
En particulier, toute solution maximale d’un champ autonome X , C 1 sur un ouvert Ω ⊂
E, dont l’orbite est contenue dans un compact H de Ω, est définie sur R.

S’il existe un compact H ⊂ Ω qui contient ϕ (]a, b[), en prenant K = [a, b] × H, on est
en effet dans les conditions de la proposition, ce qui contredit la maximalité de la solution.

L’hypothèse à vérifier dans la proposition précédente porte sur le graphe {(t, ϕ (t))} d’une
solution à priori inconnue. Il est plus commode d’utiliser une formulation qui se rapporte aux
propriétés du champ.

Proposition 15.22 Avec les hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz, supposons que


U = R × E et que le champ X est borné sur toute partie de U , de la forme [a, b] × E. C’est
le cas d’un champ borné, autonome ou non.
Alors, la solution maximale I(t0 ,m0 ) , ϕ(t0 ,m0 ) d’un problème de Cauchy est définie sur
I(t0 ,m0 ) = R, autrement dit, le champ X est complet.
786 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Corollaire 15.23 Si un champ autonome X , C 1 sur un ouvert U de E, admet une intégrale


première h : U → R telle que h−1 (e) soit vide ou compact pour chaque e ∈ R, alors X est
complet.

Démonstration (exercice).
Rédiger une démonstration de la proposition en reprenant les arguments de la démonstra-
tion précédente.

Exemple 15.15 On envisage l’équation scalaire du premier ordre x′ = sin x, autrement dit
X (t, x) = sin x.
le champ X est donc complet. Les équilibres sont les constantes kπ, k ∈ Z.
L’orbite d’une trajectoire (maximale) (R, ϕ) qui n’est pas d’équilibre est nécessairement
un intervalle (image continue de R), inclus dans un intervalle ]kπ, (k + 1) π[, les orbites
d’un champ autonome étant disjointes.
De plus, la relation ϕ′ (t) = sin ϕ(t) montre que ϕ est strictement monotone; étant
bornée, les limites de ϕ à l’infini existent. Mais il en est de même de ϕ′ . L’égalité des
accroissements finis ϕ (n + 1) − ϕ (n) = ϕ′ (tn ), avec n < tn < n + 1 montre qu’il ex-
iste une suite réelle (tn ) qui tend vers +∞, dont l’image par ϕ′ tend vers 0, de sorte que
limt→+∞ ϕ′ (t) = 0.
Il en résulte que limt→+∞ sin ϕ(t) = 0, donc sin (limt→+∞ ϕ(t)) = 0 et par suite
limt→+∞ ϕ(t) = (k + 1) π.
De même, limt→−∞ ϕ′ (t) = 0 et limt→−∞ ϕ(t) = kπ.
En conclusion, l’orbite de ϕ est égale à l’intervalle ]kπ, (k + 1) π[.

La figure c-idessous représente quelques courbes intégrales.


6

-2

-4

-6
- 10 -5 0 5 10

15.3.2 Trajectoires périodiques des champs autonomes


La relation ϕ′ (t) = X (ϕ(t)) montre que pour les trajectoires d’un champ autonome, on
ne peut envisager une périodicité spatiale sans une périodicité des "vitesses". Cette contrainte
a des conséquences importantes.

Proposition 15.24 Si Ω est un ouvert de E, et X ∈ C 1 (Ω, E), les trajectoires maximales


de X sont simples ou périodiques.

Démonstration
Section 3 Propriétés d’une trajectoire ou d’une orbite 787

Supposons qu’une trajectoire maximale Im0 , ϕm0 ne soit pas un arc simple. Il existe
un point m = ϕm0 (t1 ) = ϕm0 (t2 ), pour t1 et t2 distincts, appartenant à Im0 . Il en résulte
que ϕ′m0 (t1 ) = ϕ′m0 (t2 ).
La fonction définie par ψ(t) = ϕm0 (t + (t1 − t2 )) est une trajectoire de X , définie sur
l’intervalle translaté Im0 − (t1 − t2 ), et ψ(t2 ) = m.
On a ainsi deux trajectoires Im0 , ϕm0 , (Im0 − (t1 − t2 ) , ψ) satisfaisant à la même don-
née de Cauchy (t2 , m). Elles coïncident donc sur l’intersection Im0 ∩ (Im0 − (t1 − t2 )).
D’autre part, la trajectoire maximale ϕ(t2 ,m) pour la donnée de Cauchy (t2 , m) prolonge
à la fois ϕm0 et ψ, elle est définie au moins sur la réunion Im0 ∪ (Im0 − (t1 − t2 )), et
ϕ(t2 ,m) (0) = ϕm0 (0) = m0 .
Si Im0 = R, en échangeant (t1 − t2 ) en (t2 − t1 ) on contredit la maximalité de Im0 , ϕm0 .
Ce qui précède montre également que ϕm0 est périodique.

Corollaire 15.25 L’orbite d’une trajectoire maximale périodique d’un champ autonome est
soit un point (équilibre), soit un arc C 1 fermé simple donc difféomorphe à un cercle.

Démonstration
Chaque réel c > 0 tel que ϕ (t + c) = ϕ (t) pour tout réel t, est une période de ϕ.
L’ensemble des périodes est un sous-groupe fermé de R+ (une limite d’une suite convergente
de périodes est une période), or les sous-groupes fermés de R sont R et les sous-groupes
discrets (§ 9- ) . Il en résulte que, ou bien ϕ est constante (équilibre), ou bien l’ensemble
des périodes est l’ensemble des multiples entiers de la plus petite période T , et la proposition
montre qu’alors la restriction de ϕ à [0, T [ est un arc simple.
La dernière affirmation est une conséquence évidente de la proposition 14- .

Une autre question est de savoir à l’inverse si, la trajectoire d’un champ autonome est
périodique lorsque l’orbite d’un point est compacte. Plus généralement, il s’agit d’énoncer
des propriétés des trajectoires à partir de propriétés des orbites.
Donnons deux résultats en soulignant que ceci est loin d’épuiser le sujet.

Proposition 15.26 Soit Ω un ouvert de E, X ∈ C 1 (Ω, E), et Γ une sous-variété de E,


connexe, de dimension 1 et contenue dans Ω.
On suppose que Γ contient l’orbite169 de chacun de ses points.
Si X ne s’annule pas sur Γ, alors pour tout m ∈ Γ, l’orbite de m est égale à Γ.
En particulier si Γ est compacte, la trajectoire est périodique (donc Γ est difféomorphe à
un cercle d’après le corollaire précédent).

Démonstration
Etant donné m0 ∈ Γ, notons Im0 , ϕm0 la solution maximale du problème de Cauchy
x′ = X (x) et x(0) = m0 .
Cette trajectoire est simple ou périodique. De plus, sachant que ϕ′m0 ne s’annule pas par
hypothèse, si ϕm0 est injective, c’est un C 1 -difféomorphisme de Im0 sur l’orbite Om0 =
ϕm0 (Im0 ) qui est contenue dans Γ (sinon, ce n’est qu’un difféomorphisme local).
Mais, dans tous les cas, Om0 = Γ. En effet, sur Γ, pour la relation d’équivalence y ∼ x
si y ∈ Ox , la classe Ox d’un point x est ouverte d’après ce qui précède, et fermée car le
complémentaire de Ox est une réunion de classes. La connexité de Γ donne la conclusion.
Si Γ est compacte, la trajectoire ϕ est nécessairement périodique car, dans le cas con-
traire, c’est un arc simple défini sur R (puisque l’orbite est contenue dans un compact de
169 Sous entendu : orbite de trajectoire maximale.
788 Chapitre 15 Champs de vecteurs, équations différentielles (P. Aimé, 11/2014)

Ω), donc une bijection C 1 de sur Γ dont la dérivée ne s’annule pas, et par suite ϕ est un
difféomorphisme de R sur un compact, ce qui est impossible.
Le résultat suivant est d’utilisation plus commode, mais sa démonstration est moins élé-
mentaire.

Proposition 15.27 Si l’orbite d’une solution d’un problème de Cauchy autonome est com-
pacte, la trajectoire associée est périodique.

Démonstration

Exemple 15.16 E = R2 et X (m) = (p, − sin q) si m = (q, p). Cela correspond à


2
l’équation d’un pendule ponctuel ddt2q = − sin q (Cf. § 16- ), où q est l’angle avec la verti-
cale descendante et p = dq dt la vitesse angulaire, sous l’action de la pesanteur, en supposant
la masse égale à 1.
2
On pose H(q, p) = p2 − cos q (quelle est la signification physique de H ?). En dérivant
la fonction composée t −→ H (q(t), p(t)), vérifier que chaque orbite est contenue dans un
ensemble de niveau de H, c’est à dire H(q, p) = c, la constante c étant déterminée par les
conditions initiales q(0), p(0).
En déduire que sur chaque trajectoire, X reste bornée, et donc que les solutions maxi-
males sont définies sur R.

15.3.3 Ensembles limites


3

-1

-2

-3
-3 -2 -1 0 1 2 3

15.4 Flot

15.5 Points critiques


Section 4 Flot 789

15.6 Travaux dirigés

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