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MOOC « Les fondamentaux de la

procédure pénale »

L’extinction de l’action publique du fait de l’écoulement du temps :


la prescription de l’action publique

Marc RIVET
Juge d’instruction

La prescription de l'action publique peut se définir comme un « mode d’extinction de l’action


publique résultant du non exercice de celle-ci avant l’expiration du délai fixé par la loi, dont la
survenance résulte du seul écoulement du temps ». La justification de cette règle,
difficilement compréhensible pour les victimes, tient au fait que le trouble que l'infraction a
pu occasionner à l'ordre public s'est apaisé avec le temps et qu'il serait éventuellement
ravivé par des poursuites tardives rendant en outre l'administration de la preuve très
complexe. Par exemple, rapporter la preuve d'un viol de nombreuses années après que celui
ait été commis est particulièrement malaisé. L'allongement des délais de prescription est
pourtant une tentation permanente du Législateur, parfois poussé par des considérations
démagogiques.

Les règles régissant la prescription de l'action publique ont été réformées par une loi du 27
février 2017.

Les lois relatives à la prescription sont des lois de procédure immédiatement applicables aux
faits antérieurs non prescrits.

La loi du 27 février 2017 a doublé les délais de prescription de droit commun, consacré les
règles jurisprudentielles relatives aux causes d'interruption et de suspension de la
prescription, et maintenu les règles dérogatoires de prescription fondées sur la nature de
l'infraction (terrorisme, infraction sexuelle) ou sur la minorité de la victime.

La prescription doit être relevée d'office par le juge. Elle peut l'être à tous les stades de la
procédure (y compris pour la première fois devant la Cour de cassation).

Nous allons examiner les règles relatives à la durée du délai de prescription (I) et celles
intéressant le calcul de ce délai (II).

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I - La durée du délai de prescription

Cette durée varie en fonction de la nature de l'infraction et du trouble causé à l'ordre public.

En matière criminelle, la loi du 27 février 2017 a porté de 10 à 20 ans le délai de prescription


de droit commun de l’action publique et a rendu les crimes de guerre et les crimes contre
l’humanité imprescriptibles.

En matière délictuelle, la loi a porté de 3 à 6 ans le délai de prescription de droit commun de


l’action publique.

Elle a maintenu à 1 an le délai de prescription des contraventions.

II - Le calcul du délai de prescription

Nous allons examiner la manière dont est déterminé le point de départ du délai de
prescription (A) puis les causes d'allongement (B), de suspension (C) et d'interruption (D) de
ce délai.

A - Point de départ de la prescription

La prescription de l’action publique court à compter du jour où l’infraction a été commise, ce


jour (dies ad quo) n’étant pas compté dans le délai, tandis que le dernier jour (dies ad quem)
l'est.

L'article du CPP qui prévoit la prorogation des délais de procédure qui expirent un samedi,
un dimanche ou un jour férié, n'est pas applicable au délai de prescription de l'action
publique.

S'agissant des infractions continues (comme le recel, c'est-à-dire la détention de mauvaise


foi d'un bien dont le détenteur connaît l'origine frauduleuse), le point de départ se situe au
moment où l'état délictueux a cessé.

B - Cause d'allongement de la prescription

De manière générale le délai de prescription des infractions dissimulées, c'est-à-dire celles


dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre tendant à en empêcher la
découverte, court à compter du jour où ces infractions sont apparues et ont pu être

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constatées « dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action


publique ».

Le Parlement a toutefois encadré le report du point de départ de la prescription par des


délais butoirs. Ces délais butoirs courent à compter de la commission de l’infraction. Ainsi, le
délai de prescription des infractions dissimulées ne peut pas dépasser trente ans en matière
criminelle et douze ans en matière délictuelle. Il résulte de ces délais butoirs que si, avant
l’expiration d’un délai de douze ou trente ans à compter de sa commission, un délit ou un
crime occulte ou dissimulé n’a pas été découvert et n’a pas fait l’objet d’un acte interruptif
de prescription, ces faits seront définitivement prescrits et ne pourront plus donner lieu à
poursuite. Si un acte interruptif est intervenu avant l’expiration de ces délais butoirs,
s’appliquent alors les nouveaux délais de droit commun de 20 ans et 6 ans.

C - Causes de suspension de la prescription

La suspension de la prescription a pour effet d'arrêter provisoirement le cours de la


prescription, lequel recommence lorsque la cause de la suspension a cessé, au point ou il en
était resté lorsque la suspension est intervenue. Les causes de suspension sont constituées
par «tout obstacle de droit, prévu par la loi » ou « tout obstacle de fait insurmontable et
assimilable à la force majeure », rendant impossible la mise en mouvement de l’action
publique. Constituent notamment des obstacles de droit (résultant de la loi elle-même)
l’obstacle statutaire (tel que le statut du Président de la République ou des parlementaires),
le recueil préalable d’un avis conditionnant la mise en œuvre de l’action publique, la
consultation d’une autorité administrative, la mise en œuvre d’une mesure alternative aux
poursuites, le pourvoi en cassation en matière d’infractions de presse. En ce qui concerne la
suspension résultant d’un obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure,
les débats parlementaires ont évoqué les hypothèses certes exceptionnelles d’invasion du
territoire par une armée ennemie et les cas de catastrophe naturelle.

D - Causes d'interruption de la prescription

Les actes interruptifs sont assez précisément déterminés. Ils sont constitués par :

1° tout acte émanant du ministère public ou de la partie civile tendant à la mise


en mouvement de l’action publique (réquisitoire introductif ou supplétif, toute
plainte avec constitution de partie civile, tout acte de saisine de la juridiction
répressive.

2° tout acte d’enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé


par un officier de police judiciaire ou par un agent habilité exerçant des pouvoirs

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de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des


auteurs d’une infraction

3° tout acte d’instruction accompli par un juge d’instruction, une chambre de


l’instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués
tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ;

4° tout jugement ou arrêt, même non définitif, s’il n’est pas entaché de nullité.

Quels sont les effets de l'interruption de la prescription ?

 l'acte interruptif renouvelle la prescription (pour une durée égale au délai initial).
 l'acte interruptif vaut pour tous les auteurs ou complices.
 l'acte interruptif vaut pour toutes les infractions connexes (vol et recel, faux et usage,
etc …) sauf si la prescription de l'infraction connexe était déjà acquise.

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