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GÉRER LA RÉMUNÉRATION DANS UN CONTEXTE DE MOBILITÉ

INTERNATIONALE : L'ART DE JONGLER AVEC DIFFÉRENTES


PERSPECTIVES

Sylvie St-Onge, Michel Magnan, Corinne Prost, Suzy-Philippe Biouele

HEC Montréal | « Gestion »

2002/1 Vol. 27 | pages 41 à 55


ISSN 0701-0028
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Gérer la rémunération dans


un contexte de mobilité
internationale :
l’art de jongler avec différentes perspectives
Sylvie St-Onge, Michel Magnan, Corinne Prost et Suzy-Philippe Biouele*

Dans le contexte de la mondiali- postes rapidement et la vive concur- ration des expatriés (Reynolds, 1997).
sation des activités des sociétés cana- rence sur le marché de l’emploi ont Une enquête menée en 1999 auprès de
diennes, notamment en raison de amené une augmentation notable des 59 entreprises multinationales locali-
fusions et d’acquisitions transnatio- coûts de la rémunération accordée aux sées au Canada (St-Onge et al., 1998;
nales, la gestion internationale des expatriés. Un deuxième défi consiste à Biouele, 2000) révèle d’ailleurs que trois
ressources humaines devient un enjeu gérer le personnel expatrié de manière des quatre principales stratégies pour
important pour la réussite de leurs à réduire l’incidence des retours pré- attirer des candidats à l’expatriation
opérations internationales. En effet, les maturés. Le taux de retours préma- portent sur la rémunération, soit offrir
projets d’expansion internationale turés varie de 8 % à 28 % des expatriés des salaires équitables et compétitifs
échouent souvent à cause d’une ges- du Royaume-Uni (Forster, 1997) et de sur les plans national et international,
tion inadéquate des ressources 10 % à 20 % des cadres américains des avantages sociaux en fonction des
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humaines, notamment des expatriés, affectés à l’étranger (Black et membres de la famille des expatriés,
dont on avait sous-estimé la Gregersen, 1999). Une récente étude des régimes de rémunération parti-
complexité. Aux fins de cet article, les sur une période de 10 ans (Ekstrom, culiers aux expatriés et enfin des
expatriés correspondent aux employés 1999) indique que sur 350 000 expa- perspectives de carrière intéressantes.
qui sont affectés temporairement triés aux États-Unis, 25 % d’entre eux Paradoxalement, plusieurs auteurs
d’une unité d’affaires d’une organisa- abandonnent et retournent dans leur reconnaissent que la gestion de la

DOSSIER
tion dans leur pays d’origine à une pays d’origine dans les six premiers rémunération reste le thème qui a reçu
autre unité d’affaires au sein de la mois de leur affectation, et cela malgré le moins d’attention parmi les auteurs
même organisation mais localisée dans un coût moyen d’affectation de 49 000 et les chercheurs en matière de gestion
un pays étranger. dollars américains par famille. Un des expatriés (Bonache et Fernández,
Pour optimiser l’efficacité de la troisième défi consiste à retenir les 1997; Gomez-Mejia et Balkin, 1992).
gestion du personnel expatrié, les rapatriés après leur retour au pays Cet article présente une revue de la
organisations canadiennes doivent d’origine. Des enquêtes montrent documentation sur la rémunération
faire face à trois défis. Un premier défi qu’entre 10 % et 50 % des expatriés des employés dans un contexte de
consiste à attirer et à sélectionner des quittent leur employeur dans l’année mobilité internationale. Plus précisé-
employés qui sont motivés et compé- qui suit leur retour au pays, et ce, après ment, il est proposé que la gestion de la
tents pour assumer des postes à avoir terminé une mission à l’étranger rémunération du personnel expatrié
l’étranger. Vu la mondialisation des d’une durée moyenne de deux ans et puisse être considérée selon diverses
marchés, la demande de personnel demi à un coût total pour leur perspectives : technique, psycholo-
expatrié a augmenté de façon signifi- employeur excédant souvent le million gique, financière, politique, symbolique
cative alors que le réservoir de candi- de dollars1. et contingente (voir le tableau 1). Cet
Gestion, volume 27, numéro 1, printemps 2002

dats qualifiés et motivés s’est rétréci en article vise essentiellement à décrire


raison de diverses tendances socio- LA RÉMUNÉRATION DES EXPATRIÉS chacune de ces perspectives.
démographiques telles que l’augmen- OU L’ART DE JONGLER AVEC
tation des couples à deux carrières. Par LA PERSPECTIVE TECHNIQUE
DIFFÉRENTES PERSPECTIVES
ailleurs, la nécessité de combler les
Pour plusieurs dirigeants, la ges- À ce jour, les auteurs ayant traité
* Les auteurs tiennent à remercier le Fonds FCAR et le tion des ressources humaines dans un de la rémunération des expatriés ont
Conseil de la recherche en sciences humaines du Canada contexte international correspond à la presque tous adopté une perspective
pour leur appui financier aux recherches ayant alimenté gestion des expatriés et, plus particu- technique. Cette perspective met
les réflexions développées dans cet article. lièrement, à la gestion de la rémuné- l’accent sur les composantes de la
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TABLEAU 1 – Synthèse des perspectives à considérer en matière de gestion de la rémunération des expatriés

Perspective Objectifs Exemples d’incidences

Technique Choisir et appliquer des méthodes et des • Appliquer des méthodes de gestion de la rémunération (selon le pays
pratiques de gestion qui tiennent compte d’origine, le siège social, le pays d’accueil, etc.)
des contraintes juridiques, fiscales et • Respecter les lois et les règlements
socioéconomiques • Gérer l’aspect fiscal

Psychologique Accorder une rémunération équitable, • Se préoccuper du respect de divers principes d’équité en matière de
motivante et conforme aux valeurs et rémunération : équité interne, équité externe, équité individuelle et
à la culture et gérer de manière juste et équité collective
perçue comme telle la rémunération • Adapter ces façons de faire aux valeurs et à la culture des pays
(le «comment») • Gérer la rémunération en respectant certaines règles de justice :
politique officielle de rémunération claire et précise, communication,
consultation et participation, absence de biais, formation des
intervenants, etc.

Financière Contrôler les coûts de l’expatriation. • Revoir la nature et le montant des composantes ainsi que les
Exercer une gestion en respectant les caractéristiques de leur gestion afin de faire plus à moindres coûts :
principes d’efficacité et d’efficience les primes de service à l’étranger, les primes de mobilité ponctuelles,
les allocations pour une auto, le déménagement et le séjour, les
déductions fiscales, etc.

Politique Prendre en considération le rapport de • Accorder des conditions de rémunération plus avantageuses aux
pouvoir entre les expatriés et la direction et expatriés détenant plus d’expertise, de compétences, d’expérience,
défendre les intérêts des parties en cause dont le rôle est capital pour la réussite de l’organisation (et vice versa)
• Adapter les processus de négociation des conditions de travail au
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contexte de la mondialisation

Symbolique Reconnaître le statut et la contribution • Gérer la rémunération en se préoccupant des messages implicites
particulière des expatriés et communiquer des choix faits à cet égard
les valeurs de l’organisation et ses priorités • Accorder des conditions particulières aux expatriés : primes incitatives
de gestion à l’expatriation, indemnités de coût de la vie, aide sur le plan fiscal, etc.
DOSSIER

Contingente Aligner la gestion de la rémunération • Tenir compte de diverses caractéristiques contextuelles dans
sur les caractéristiques du contexte le domaine de la rémunération et de sa gestion : nombre, profil et
catégories d’expatriés, secteur d’activité, culture de gestion, types
de filiales, objectifs d’affaires, autres activités de gestion des
ressources humaines.

rémunération des expatriés, sur les Les primes


méthodes de gestion de la rémuné-
ration des expatriés ainsi que sur les Les primes de service à l’étranger
Sylvie St-Onge est professeure et directrice lois et les règles fiscales régissant leurs peuvent varier de 10 % à 30 % du
de la recherche à l’École des Hautes Études conditions de travail2. Pensons, par salaire de base selon la durée du séjour
Commerciales de Montréal. exemple, aux différences entre les lois à l’étranger (Solomon, 1995; Martocchio,
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Michel Magnan est professeur et titulaire des pays en matière d’équité en emploi, 1998). Des enquêtes réalisées au
de la chaire de comptabilité Lawrence d’équité salariale, de gestion des avan- Canada et aux États-Unis (Pitts, 1997;
Bloomberg de l’École de gestion John-Molson tages sociaux, de santé et sécurité au Gould, 1999) montrent qu’environ 70 %
à l’Université Concordia. travail, de congédiement, etc. La des entreprises interrogées octroient
conception de contrats de rémunéra- des primes d’incitation à l’expatria-
Corinne Prost est analyste pour tion intégrant de manière optimale ces tion. On accorde aussi des primes de
la Société-conseil Mercer. différentes contraintes juridiques et risque, variant de 5 % à 25 % du salaire,
Suzy-Philippe Biouele est conseillère fiscales devient alors l’objectif premier dans les cas où l’expatrié doit s’ins-
en recrutement chez Asset, une division de l’organisation en matière de rému- taller dans un pays politiquement
de CDI Corporation. nération des expatriés. instable ou dont le niveau de vie est
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très bas (Martocchio, 1998). On peut tion dont les enfants des expatriés tionales aux États-Unis montrent que
également octroyer des primes de bénéficieraient dans leur pays d’ori- l’égalisation des impôts se généralise
difficultés de vie pour compenser un gine. Elles peuvent couvrir l’achat des de plus en plus : en 1998, elle était
plus grand isolement des expatriés ou livres, le transport écolier, la pension, pratiquée par 91 % des employeurs
des conditions climatiques rudes, ou les uniformes, etc. Ces indemnités alors qu’en 1988 ce pourcentage s’éle-
encore, des primes de mobilité outre- peuvent représenter un montant fixe vait à 79 %. Les mêmes enquêtes
mer pour faciliter la mobilité des par enfant ou encore un certain pour- indiquent qu’une moins grande pro-
expatriés d’un pays à l’autre. centage du coût annuel des frais d’édu- portion d’employeurs assument la
cation par enfant. responsabilité de gérer le paiement des
Les indemnités et les allocations impôts des expatriés (9 % en 1988
L’aide fiscale contre 1 % en 1998) et qu’un plus
Les indemnités et les allocations, grand pourcentage d’employeurs pré-
qui représentent souvent une bonne Dans la majorité des pays du fèrent que leurs expatriés soumettent
part de la rémunération totale des monde, l’employeur a l’obligation de leur déclaration à une firme-conseil
expatriés, sont variées. Pour aider le retenir des impôts à la source (à cet (74 % en 1988 contre 92 % en 1998).
personnel expatrié à s’ajuster aux fluc- égard, la France constitue une excep-
tuations des taux de change entre le tion). Pour pallier le problème de la Autres avantages
pays d’origine et le pays d’accueil, les double imposition dans le pays
organisations accordent dans bien des d’origine et dans le pays d’accueil, la Certaines organisations proposent
cas une protection contre les fluctua- plupart des organisations accordent à à leurs expatriés des cours de langue et
tions de la monnaie. On détermine ces leurs expatriés une aide sur le plan une formation interculturelle. D’autres
indemnités de différentiel du coût de la fiscal selon l’une des deux approches entreprises offrent de l’aide aux mem-
vie, qui visent à protéger le pouvoir suivantes. Premièrement, le nivelle- bres de la famille des expatriés sous
d’achat des expatriés, en comparant les ment ou la neutralisation des impôts diverses formes : un programme
indices du coût de la vie du pays d’ori- (ou égalisation fiscale ou péréquation d’adaptation, la recherche d’un emploi
gine avec ceux du pays d’affectation au fiscale) fait payer à l’expatrié pendant pour le conjoint, l’octroi d’un montant
moyen de la collecte de diverses don- tout son séjour à l’étranger un mon- permettant de compenser la perte de
nées (par exemple, les prix en vigueur tant d’impôts équivalent (pas plus ni revenu du conjoint, la recherche d’un
dans les pays en cause, les formules de moins) à celui qu’il payait dans son établissement d’enseignement pour les
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calcul impliquant une pondération pays d’origine avant son départ, et ce, enfants, etc. Un sondage réalisé par la
entre les différents articles du «panier quel que soit le montant qu’il va société Alcan auprès de ses expatriés
de biens représentatifs» ou le taux de gagner à l’étranger. Cette approche est confirme d’ailleurs l’importance pour
change utilisé pour convertir les prix plus fréquente que la seconde et de ceux-ci de questions comme l’éduca-
du pays d’accueil dans la monnaie du plus en plus répandue parce qu’elle tion des enfants et la carrière du
pays d’origine). La politique d’ajuste- facilite les transferts d’employés d’un conjoint (Savoie, 2001). Certaines

DOSSIER
ment du taux de change est particuliè- pays à l’autre et encourage la confor- entreprises offrent des programmes
rement nécessaire quand les expatriés mité sur le plan fiscal. Deuxièmement, d’aide aux rapatriés en ce qui concerne
sont payés en monnaie locale. Les le différentiel d’égalisation (ou protec- notamment la gestion des carrières,
indemnités de logement visent à cou- tion fiscale) fait en sorte que l’expatrié l’installation dans le pays d’origine ou
vrir le coût du logement dans un pays verse le montant d’impôts à payer dans des prêts. Une enquête menée en 1999
d’accueil qui excède le montant le pays d’origine et dans le pays auprès de 59 entreprises multinatio-
dépensé dans le pays d’origine. Fournir d’accueil qui dépasse (la différence) nales localisées au Canada (St-Onge et
et payer un logement à l’expatrié celui qu’il aurait payé au Canada ou est al., 1998; Biouele, 2000) révèle qu’en
constitue une alternative à l’indemnité remboursé pour les impôts payés en plus d’accorder des salaires aux expa-
de logement. Les indemnités de démé- trop par rapport à ceux qu’il aurait dû triés en fonction des responsabilités de
nagement visent à couvrir des frais de payer dans son pays d’origine, ou leur emploi et d’adopter des politiques
déplacement, d’entreposage, de trans- encore reçoit la différence lorsque les de rémunération des expatriés sem-
port des affaires personnelles, etc. impôts dans le pays d’origine et le pays blables à celles de leurs compétiteurs,
Certaines organisations offrent une d’accueil sont plus bas que ceux qu’il les organisations utilisent davantage
aide pour la vente ou la location du aurait payés au Canada. Cette approche les pratiques de rémunération sui-
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domicile des expatriés dans le pays est beaucoup utilisée, en particulier vantes : l’octroi d’allocations pour
d’origine et couvrent toutes les entre le Canada et les États-Unis où qu’ils maintiennent leur niveau de vie
dépenses liées à ces transactions. Les l’on veut inciter les employés à accep- dans le pays d’accueil et d’avantages
indemnités de voyages dans le pays ter une affectation en leur faisant particuliers comme l’usage d’une voi-
d’origine ont pour but de permettre payer des impôts aux États-Unis qui ture, l’adhésion à un club ou l’admis-
aux expatriés de maintenir des liens sont moins élevés qu’au Canada. Plus sibilité à un régime d’assurance vie
avec leurs proches et leur organisation précisément, des résultats d’enquêtes supplémentaire. Dans une perspective
d’origine au cours de l’année. On peut réalisées en 1988 et en 1998 par technique, la plupart des organisations
octroyer des indemnités de scolarité l’Organization Resources Counselors adoptent une méthode standardisée ou
pour maintenir la qualité de l’éduca- (Latta, 1999) auprès de firmes multina- universelle, principalement l’approche
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du pays d’origine (approche bilan), ne soit ni gagnant ni perdant finan- employeur et même dans le cas où
pour gérer la rémunération de tous cièrement comparativement à ses pairs l’employeur défraie d’autres dépenses
leurs expatriés. Toutefois, la concep- du pays d’origine tout en présumant telles que les frais de scolarité des
tion de la rémunération des expatriés qu’il fait les mêmes dépenses à l’étran- enfants dans un établissement privé
peut également être inspirée par ger que dans son pays d’origine. reconnu.
d’autres méthodes3. L’approche bilan se concrétise de deux Finalement, l’approche bilan
L’octroi d’une rémunération équi- façons. D’un côté, la protection du s’avère coûteuse, difficile à administrer
table aux expatriés s’avère également revenu consiste à payer aux expatriés et requiert beaucoup d’informations,
un défi en raison de la particularité de des suppléments en monnaie de leur portant par exemple sur les indices du
plusieurs composantes de la rému- pays d’origine pour compenser le diffé- coût de la vie, les enquêtes salariales et
nération des expatriés et de leurs rentiel de coûts entre le pays d’origine la législation fiscale à l’étranger. De
méthodes de détermination. Les pro- et le pays d’accueil pour diverses caté- plus, certains auteurs (Cerdin, 1999a;
chaines lignes décrivent ces méthodes gories de dépenses. De l’autre côté, Edstrom et Galbraith, 1994) estiment
de gestion de la rémunération. l’égalisation du revenu consiste à payer que cette approche peut avoir un effet
aux expatriés le différentiel des néfaste sur le processus de socialisa-
La méthode du pays d’origine dépenses effectuées dans leur pays tion des expatriés à l’étranger en les
d’accueil et le montant de ces mêmes encourageant à rester «à la surface des
Cette méthode de gestion de la dépenses dans leur pays d’origine, choses» et en les cantonnant dans un
rémunération vise à faciliter l’affecta- l’objectif étant de maintenir leur pou- ghetto doré.
tion à l’étranger ainsi que le retour de voir d’achat. L’approche bilan en En vertu de l’approche du mon-
l’expatrié dans son pays d’origine. Elle matière de rémunération des expatriés tant forfaitaire, l’employeur accorde
comprend quatre pratiques de rému- est la plus fréquente : entre 70 % et un montant forfaitaire aux expatriés
nération que nous décrirons main- 85 % des entreprises américaines l’uti- en plus du salaire de base, montant
tenant. lisent (Gould, 1999; Solomon, 1995). qu’ils peuvent dépenser à leur gré. La
La négociation implique la ges- Certains auteurs avancent que le main- somme offerte aux expatriés peut
tion des salaires des expatriés au cas tien, pour les expatriés, d’un niveau de représenter jusqu’à 30 % de leur salaire
par cas. Quoique cette pratique s’avère vie équivalent à celui qu’ils avaient et son versement peut s’échelonner
simple à administrer et requière peu de dans leur pays d’origine contribue à tout au long de leur séjour à l’étranger.
données, elle risque de créer des ini- réduire les conflits familiaux engen- Même si cette approche est peu exi-
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quités entre les expatriés et d’être drés par un changement du style de geante du point de vue de la gestion, il
coûteuse lorsque le nombre d’expatriés vie. En effet, le maintien du niveau de est difficile de modifier le montant
est élevé. Yvan Dutrisac, de Bell vie permet de parer aux difficultés octroyé, car il n’est pas réparti par
Canada International, précise d’ailleurs qu’amènent certaines destinations et composantes (logement, impôts, etc.),
que «si on embauche un vétéran de d’aider les expatriés et les membres de et de contrôler les coûts parce qu’une
l’international, il faut être doublement leur famille à s’adapter aux change- fois accordé le montant forfaitaire ne
DOSSIER

informé… Il connaît la routine, ce qu’il ments de mode de vie (Harvey, 1993; peut être révisé.
peut aller chercher» (St-Germain, Fish et Wood, 1996). Enfin, selon l’approche cafétéria,
2001). Les organisations qui déter- Toutefois, comme l’explique l’employeur offre, en sus du salaire,
minent les contrats individuels de Oemig (1999), le «maintien du niveau diverses options (assurance vie, adhé-
rémunération des expatriés par des de vie» reste fondamentalement une sion à un club, etc.) parmi lesquelles
processus de négociation ont souvent question de perception. Pour les les expatriés choisissent selon leurs
les caractéristiques suivantes : leurs employeurs, cela signifie généralement besoins jusqu’à concurrence d’une
opérations internationales sont émer- que les composantes de la rémunéra- valeur globale préétablie. Cette
gentes, leur nombre d’employés expa- tion sont accordées de manière que les approche présente plus de flexibilité et
triés est relativement petit et il existe employés n’aient pas l’impression de peut permettre de réduire le coût des
une volonté de gérer la rémunération gagner ou de perdre lorsque l’ensemble impôts des expatriés. Toutefois, elle
des expatriés de manière flexible. de la rémunération est prise en consi- paraît plus appropriée pour les expa-
Selon l’approche bilan, dération. Pour les expatriés, cela signi- triés occupant un poste de haut niveau
l’employeur maintient le pouvoir fie souvent qu’ils ne vont pas dépenser ou qui ont une rémunération impor-
d’achat ou le niveau de vie des expa- plus à l’étranger qu’ils ne le faisaient tante. Par ailleurs, lorsque le nombre
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triés dans le pays d’accueil en accor- dans leur pays d’origine pour des d’options offertes ou de pays en cause
dant un salaire en fonction du pays postes particuliers. Ainsi, si l’expatrié augmente, cette approche devient plus
d’origine et en assumant les coûts qui prend un taxi pour aller mener ses coûteuse à gérer.
excèdent les dépenses qu’ils devraient enfants à l’école, ce qu’il ne faisait pas
normalement défrayer dans leur pays dans son pays d’origine, il considérera La méthode du siège social
d’origine en matière d’impôts, de loge- que cette dépense ne contribue pas au
ment et de biens et de services selon maintien de son niveau de vie car il Selon cette méthode, tous les
l’indice du coût de la vie. L’objectif de n’avait pas à la défrayer auparavant. expatriés, sans égard à leur origine,
cette approche est encourager la mobi- Cette perception persistera si la sont traités comme s’ils arrivaient du
lité en faisant en sorte qu’un expatrié dépense est remboursée par son pays du siège social de l’organisation.
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Comme dans l’approche bilan, diverses enquêtes menées auprès de multina- qu’à son retour sa rémunération rede-
allocations sont octroyées pour per- tionales américaines par Price- vient gérée en fonction de la grille de
mettre à l’expatrié d’atteindre un waterhouseCoopers montrent que rémunération de son pays d’origine.
niveau de vie analogue à celui de ses seulement 7 % des firmes utilisaient L’organisation peut alors opter pour la
pairs qui vivent dans le pays du siège cette méthode en 1992 et que cette méthode internationale dans la mesure
social. Des résultats d’enquêtes réalisées proportion a encore baissé à 1 % en où elle peut offrir à ses expatriés pré-
auprès de multinationales américaines 1999. sentant un grand potentiel un chemi-
par la société PricewaterhouseCoopers nement de carrière à long terme plus
révèlent qu’entre 1992 (n = 356) et 1999 La méthode du meilleur entre le avantageux à plusieurs égards.
(n = 277) la proportion de firmes uti- pays d’origine et le pays d’accueil
lisant cette méthode est restée stable La méthode mixte ou hybride
et importante, soit environ 30 %. En vertu de cette approche,
l’organisation compare les conditions Les différents expatriés d’une
La méthode du pays d’accueil de rémunération offertes selon la organisation peuvent être rémunérés
méthode du pays d’origine et selon selon diverses combinaisons des
Cette méthode consiste à détermi- celle du pays d’accueil et retient celle méthodes précédentes. Ainsi, on peut
ner le salaire des expatriés en fonction qui est la plus favorable pour l’expatrié. retenir des composantes de la méthode
de la structure salariale de l’unité Certaines entreprises de grande taille, du pays d’origine auxquels on ajoute
d’affaires dans laquelle ils sont envoyés Alcan par exemple, continuent d’uti- des composantes de la méthode du
(pays d’accueil). Toutefois, les autres liser une telle approche (Savoie, 2001). pays d’accueil. Par exemple, les expa-
composantes de la rémunération sont Toutefois, des enquêtes réalisées triés ayant de l’expérience peuvent être
souvent déterminées en fonction de ce auprès de multinationales américaines rémunérés en fonction de l’approche
qui est offert dans l’organisation d’ori- par PricewaterhouseCoopers indiquent bilan, alors que les nouveaux expatriés
gine des expatriés. Cette méthode est que seulement 4 % des firmes recou- sont payés selon la structure des
traditionnellement adoptée lorsque les raient à cette méthode en 1992 et que salaires locaux. De telles combinaisons
expatriés s’installent dans des pays où cette proportion a baissé à 3 % en peuvent permettre d’adapter la rému-
l’économie est saine et où les salaires 1999. nération aux différentes catégories
sont élevés. Lorsque le salarié est muté d’expatriés et d’épargner des coûts. En
dans un pays où le niveau de vie est La méthode du pays tiers quelque sorte, cette approche remet en
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inférieur à celui du pays d’origine, il est question l’universalité ou la standar-
souvent nécessaire d’ajouter des Cette méthode consiste à retenir disation de la rémunération des expa-
indemnités pour le logement, le trans- un pays tiers ou un marché régional triés. En contrepartie, cette spécificité
port, l’éducation, etc. Cette méthode comme référence pour déterminer la complexifie la gestion de la rémuné-
est aussi utilisée pour des séjours de rémunération des expatriés. Dans ce ration et risque de susciter des senti-
longue durée où le retour des expatriés dernier cas, chaque région (par ments d’iniquité entre «catégories»

DOSSIER
dans le pays d’origine n’est pas sou- exemple, l’Amérique du Nord, l’Europe, d’expatriés.
haité par l’organisation d’origine. Une l’Asie et l’Amérique du Sud) aura sa
version moins stricte de cette approche propre structure salariale, et les expa- LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE
consiste à verser à l’expatrié une triés occupant un poste dans une
prime, par exemple à la première et à région moins éloignée de leur pays À ce jour, les écrits en matière de
la deuxième année de son séjour à d’origine se verront accorder des rémunération des expatriés ont large-
l’étranger. Cette pratique, qui vise à conditions de rémunération moins ment insisté sur la présentation de
réduire les iniquités entre les expatriés généreuses. Quoique cette approche méthodes et de techniques pour
et les salariés locaux, s’avère simple à permette à l’organisation de réduire résoudre les problèmes de rémunéra-
administrer, peu coûteuse et permet ses coûts, elle complexifie la gestion de tion des expatriés : différences de coûts
d’assurer une parité salariale avec les la rémunération. De plus, elle risque de de la vie, de systèmes fiscaux, etc. Tou-
pairs du pays d’accueil. Pour cette créer de l’insatisfaction parmi les tefois, ces méthodes et ces techniques
raison, elle peut faciliter l’intégration expatriés puisque leur rémunération ne suffisent pas à assurer l’efficacité de
des expatriés au sein de la commu- devient fonction de leur mobilité et du la gestion de la rémunération des expa-
nauté du pays d’accueil. Par contre, elle lieu de leur mutation. triés (Bonache et al., 2001). En effet, au
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ne tient pas compte des caractéris- fil des ans, on continue de constater
tiques culturelles et économiques qui La méthode internationale que les expatriés sont généralement
peuvent influencer la capacité d’adap- insatisfaits de leur rémunération4.
tation des expatriés. Par ailleurs, le Cette méthode consiste à définir Aborder la gestion de la rémunération
versement de primes temporaires un système de rémunération unique selon une perspective psychologique
incite les expatriés à négocier des pour l’ensemble des expatriés qui sont implique que l’on se préoccupe de son
indemnités supplémentaires et ne les mobiles à l’échelle internationale. impact sur la satisfaction et sur la
incite pas à accepter une mutation Lorsqu’il quitte son pays d’origine, motivation au travail, et donc sur les
dans un pays où le niveau de vie est l’expatrié est payé selon une grille comportements au travail. Pour les
inférieur à celui du pays d’origine. Des internationale de rémunération, alors dirigeants d’organisation, le défi
46

consiste à adopter des politiques et des nationale, le respect de ces principes sein de l’organisation en comparant
programmes de rémunération qui d’équité pose un défi particulier, leurs exigences relatives et leur apport
s’adapteront à diverses cultures ou puisque l’organisation doit comparer relatif à la réalisation des objectifs
valeurs. On peut penser, par exemple, la contribution et les rétributions d’affaires. Appliqué à la rémunération
au caractère plus ou moins égalitaire relatives de plusieurs types de référents des expatriés, le principe d’équité
ou individualiste d’une culture qui fait en gérant la rémunération des expa- interne suscite des exigences particu-
que les structures salariales adoptées triés : celles des salariés du pays d’ori- lières. D’abord, il est difficile de décrire
par les firmes d’un pays seront plus ou gine, des expatriés du pays d’origine, les exigences des postes à l’étranger de
moins comprimées ou qui fait que les des expatriés du pays tiers et des sala- manière précise, de tenir à jour les des-
composantes de la rémunération riés du pays d’accueil5. Les sources criptions d’emplois et de revoir leurs
seront plus ou moins importantes ou d’insatisfaction des expatriés portent exigences lorsque leur contenu change.
variées. Cette préoccupation exige des surtout sur des iniquités vis-à-vis de De plus, le respect du principe d’équité
organisations qu’elles aient des sys- ces divers référents ou sur l’écart entre interne nécessite que l’on compare la
tèmes de rémunération relativement les attentes des expatriés et la réalité rémunération offerte aux expatriés à
flexibles qui puissent être adaptés à la de leurs conditions de travail. Nous celle qui est accordée aux salariés du
fois aux règles établies au siège social expliciterons les particularités qui pays d’origine occupant des emplois
et aux conditions particulières des entourent le respect de ces principes semblables. Toutefois, il est tradition-
unités d’affaires localisées dans divers d’équité à l’égard de la rémunération nellement courant d’accorder un diffé-
pays. Selon Perkins (1997), les traits dans un contexte international. rentiel de rémunération favorable aux
culturels les plus susceptibles d’influen- expatriés pour les inciter à accepter les
cer la gestion de la rémunération sont L’équité externe mutations et à rester suffisamment
l’individualisme et le collectivisme, longtemps à l’étranger, la mobilité
l’acceptation de l’échec, la communi- L’équité externe vise à s’assurer internationale étant perçue comme
cation de données sur la situation que l’organisation offre une rémuné- impliquant une contribution supé-
financière, l’acceptation des diffé- ration comparable à celle des autres rieure à l’organisation dans la mesure
rences de rémunération et un recours organisations pour des emplois simi- où l’expatrié doit s’adapter à de nou-
équilibré aux récompenses et aux laires. D’entrée de jeu, il faut constater velles conditions de vie et de travail
punitions. que la conduite des enquêtes de rému- dans le pays d’accueil6. Toutefois, cette
Les principes d’équité à respecter nération à l’international et l’interpré- approche risque de créer un sentiment
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pour la gestion de la rémunération des tation des données colligées s’avèrent d’iniquité entre les salariés mobiles et
expatriés sont fondamentalement les plus complexes, longues et coûteuses les salariés non mobiles, les premiers
mêmes que ceux que l’on applique aux (en raison notamment des devises pouvant être vus comme un groupe de
salariés locaux, car les principes étrangères et des différences de fis- privilégiés par les seconds.
d’équité sur lesquels s’appuient les calité). Appliqué à la rémunération des Par ailleurs, les expatriés de natio-
modèles traditionnels de gestion de la expatriés, le principe d’équité externe nalités différentes compareront égale-
DOSSIER

rémunération s’avèrent tout aussi entraîne des exigences particulières. ment entre eux leur contribution et
pertinents (Milkovich et Newman, Par exemple, la détermination du mar- leurs rétributions respectives. Songeons
1998; Thériault et St-Onge, 2000). Selon ché de référence s’avère plus complexe par exemple, aux expatriés de pays
la perspective psychologique, une ges- lorsque les référents du personnel tiers qui sont envoyés à l’extérieur de
tion efficace de la rémunération doit expatrié sont d’autres expatriés qui leur pays d’origine par une entreprise
essentiellement motiver et satisfaire font un travail plus ou moins similaire étrangère. C’est le cas d’un Européen
des employés qui veulent recevoir une pour une autre entreprise d’un tout qui travaille pour IBM (société amé-
rémunération juste par rapport à ce autre secteur industriel. Ainsi, des ricaine) au Canada et qui est muté au
que les autres organisations paient cadres expatriés d’une multinationale Japon. Il peut alors surgir une iniquité
pour des emplois similaires (équité de l’alimentation en Afrique peuvent en matière de rémunération entre les
externe), à la rémunération accordée comparer leur rémunération à celle expatriés de nationalités différentes.
aux autres emplois dans l’organisation qu’accorde une organisation pétrolière Généralement, il semble que les expa-
(équité interne et méthodes d’évalua- à ses expatriés qui travaillent au même triés qui sont citoyens du pays où est
tion des emplois), à leur contribution endroit. situé le siège social bénéficient de
personnelle comme leur rendement ou meilleures conditions de rémunération
Gestion, volume 27, numéro 1, printemps 2002

leur ancienneté (équité individuelle et L’équité interne que ceux qui sont originaires d’un
régimes de rémunération au mérite, autre pays. En reprenant l’exemple cité
commissions, etc.) et à leur contribu- L’équité interne vise à s’assurer précédemment, il apparaîtrait donc
tion collective au succès de l’entreprise qu’au sein d’une organisation on offre qu’un Européen muté au Japon chez
ou d’une de ses unités (équité collec- une rémunération équivalente pour IBM aurait des conditions de rémuné-
tive et régimes tels que la participation des emplois ayant des exigences sem- ration inférieures à celles d’un Améri-
aux bénéfices ou les gains de produc- blables et une rémunération différente cain expatrié au Japon. Les dirigeants
tivité). pour des emplois de valeur différente. doivent s’attendre à être appelés à jus-
Toutefois, lorsque l’on passe de la Il s’agit ici de mesurer la valeur ou tifier un tel différentiel, puisqu’il risque
sphère nationale à la sphère inter- l’importance relative des emplois au de susciter un sentiment d’iniquité.
47

Enfin, il faut aussi se préoccuper de reconstituées, de parents célibataires, La justice du processus de gestion
l’équité entre la rémunération des de prise en charge de parents âgés, de
expatriés et celle des salariés locaux. garde d’enfants partagée, etc. Des La gestion de la rémunération doit
Comme les expatriés en provenance enquêtes (Gould, 1999) montrent respecter certaines règles de justice
d’un pays ayant un niveau de vie élevé d’ailleurs que les firmes à l’avant-garde (Greenberg, 1990). Ici, la préoccupation
se trouvent souvent surpayés, les sala- en matière de rémunération des expa- n’est pas de savoir si la rémunération
riés locaux tendent à s’estimer sous- triés s’intéressent plus à la famille des est suffisante (le «combien» ou les
payés. expatriés en octroyant au conjoint des résultats), mais plutôt si, aux yeux des
primes pour la perte de revenu, en salariés, les décisions touchant la
L’équité individuelle finançant des visites des lieux pour les rémunération sont prises de manière
membres de la famille avant le juste et si les programmes de rémuné-
L’équité individuelle vise à s’assu- moment de l’affectation, en offrant des ration sont gérés équitablement (le
rer qu’au sein d’une organisation on conditions particulières aux expatriés «comment» ou les moyens). Dans le
offre une rémunération qui tient célibataires, etc. D’autres enquêtes domaine de la rémunération des expa-
compte de la contribution individuelle réalisées par l’Organization Resources triés, il s’agit alors de s’interroger et de
des employés au point de vue de leur Counselors (Latta, 1999) auprès de prendre position sur les aspects sui-
rendement, de leur ancienneté, de firmes multinationales aux États-Unis vants de la gestion : jusqu’à quel point
leurs compétences ou de leur expé- révèlent que le pourcentage la direction communique-t-elle de
rience, le tout guidé par les exigences d’employeurs qui considèrent la perte l’information à ses employés en
rattachées au travail à l’étranger. Une de revenu du conjoint dans la matière de rémunération à l’inter-
enquête menée en 1999 auprès d’entre- détermination de la rémunération de national et lors des rapatriements?
prises multinationales localisées au l’expatrié est passé de 15 % à 26 % Jusqu’à quel point les politiques de
Canada (St-Onge et al., 1998; Biouele, entre 1988 et 1998. Au cours de la même rémunération à l’international et lors
2000) montre qu’à l’égard de la gestion période, la proportion d’employeurs des rapatriements sont-elles gérées de
de la rémunération il s’avère très manière standardisée et officielle?
offrant diverses formes d’aide au
important de prendre en considération Consulte-t-on les expatriés et les rapa-
conjoint des expatriés pour trouver un
les caractéristiques suivantes des expa- triés avant d’effectuer des change-
emploi à l’étranger est passée de 7 % à
triés : leur rendement, leurs compé- ments à l’égard des politiques et des
25 %.
tences, la réalisation des objectifs pratiques de rémunération? Si oui, qui
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d’affaires, leurs besoins et ceux des participe, de quelle façon et jusqu’à
L’équité collective
membres de leur famille de même que quel point? Les employés comprennent-
leur statut sur le plan fiscal. Toutefois, ils comment les différentes compo-
La recherche de l’équité collective
la reconnaissance du rendement indi- santes de leur rémunération sont
consiste à s’assurer que l’organisation
viduel des expatriés pose un défi parce gérées à l’international et lors des
offre une rémunération qui tient
qu’il est difficile de définir ce que rapatriements? Les cadres sont-ils

DOSSIER
compte de la performance des salariés
constitue un bon rendement, de suivre formés pour assumer adéquatement
le rendement des expatriés en cours en tant que groupe, notamment du leurs rôles et leurs responsabilités à
d’année et d’ajuster les attentes de rendement de l’unité, de la division ou l’égard des décisions concernant la
l’organisation à cet égard. Les écrits de l’organisation dans son ensemble rémunération des expatriés et des
confirment d’ailleurs que des systèmes par le biais de régimes de participation rapatriés?
d’évaluation de la performance rigou- aux bénéfices, de partage de gains de Les règles à respecter pour s’assu-
reux et officiels pour les expatriés sont productivité, etc. Dans un contexte rer que le processus officiel de gestion
loin d’être universels (voir, entre autres, international, la mobilisation du per- de la rémunération dans un contexte
Schuler et al., 1991; Gregersen et al., sonnel envers les objectifs globaux de international est juste se résument
1996) et que les différences en matière l’entreprise devient particulièrement comme suit : veiller à ce que le pro-
de méthodes et de critères de gestion importante, puisque le suivi des cessus de gestion soit standardisé ou
du rendement des expatriés à privilé- affaires à l’étranger est plus difficile et uniforme; faire en sorte qu’il ne favo-
gier dépendent du contexte d’affaires qu’il devient alors crucial de s’assurer rise pas les intérêts de certaines per-
et du pays7. de la loyauté et du rendement du sonnes (absence de biais); tâcher de
Le défi de l’équité individuelle personnel expatrié. À titre d’exemple, communiquer et d’expliquer le pro-
Gestion, volume 27, numéro 1, printemps 2002

devient d’autant plus problématique la société multinationale Alcoa a cessus de gestion (transparence); voir à
que les caractéristiques de la nouvelle récemment mis sur pied un régime offrir certains mécanismes d’appel où
génération d’expatriés ont beaucoup d’épargne global qui permet, entre les décisions peuvent être révisées;
changé : scolarisation accrue, redéfi- autres, aux employés de filiales où le faire participer les personnes au pro-
nition de la loyauté, couples à deux contexte économique s’avère difficile cessus de gestion; respecter les lois et
carrières, plus grand nombre d’expa- (dévaluation de la monnaie, hyper- la fiscalité; s’assurer que les personnes
triés occupant des postes autres que de inflation) de protéger leurs épargnes ont la formation et les compétences
cadres supérieurs, présence accrue au moyen de véhicules de placement nécessaires pour exercer leurs rôles et
d’expatriés de sexe féminin et de chefs en dollars américains (Gollihugh et leurs responsabilités en matière de
de famille monoparentaux, de familles Sandhu, 2001). gestion de la rémunération. Tant les
48

organisations que les sociétés-conseils la méthode internationale paraît la – réduction des privilèges et des
auxquelles elles octroient une partie ou plus coûteuse, tandis que celle du pays allocations de biens, de services et
la totalité de la gestion de la rémuné- d’accueil semble considérée comme la autres avantages (notamment les
ration des expatriés doivent appliquer plus économique8. Cela est d’autant avantages liés aux automobiles);
ces principes de justice. Oemig (1999) plus important que la gestion de la – réduction des allocations de
insiste sur l’importance de commu- rémunération à l’international séjour dans le pays d’origine des expa-
niquer, à la fois par écrit et oralement, entraîne des coûts supplémentaires triés et des membres de leur famille;
les politiques de rémunération des particuliers, par exemple ceux qui sont – embauche d’un plus grand
expatriés en se conformant aux cri- liés à l’information additionnelle, aux nombre d’employés locaux;
tères suivants : heures supplémentaires et à l’expertise – recours accru aux affectations
– Être précis et ne pas exprimer nécessaires pour gérer la rémunération de plus courte durée.
de généralités risquant d’être mal des expatriés.
interprétées. Une enquête menée auprès de 260 LA PERSPECTIVE POLITIQUE
– Décrire ce que le programme organisations ayant des opérations
de rémunération accorde et n’accorde internationales indique que plus de la Envisagée selon une perspective
pas aux expatriés et aux membres de moitié d’entre elles ont récemment politique, la rémunération des expa-
leur famille de manière que leurs modifié leurs politiques de rémuné- triés résulte d’un rapport de force entre
attentes soient réalistes. ration des expatriés en vue d’en les expatriés et les dirigeants d’une
– Établir les limites de ce que contrôler davantage les coûts (Rodin, organisation. En fait, dans le contexte
l’organisation offre (salaire, avantages 1997). Par exemple, dans le but de de l’affectation à l’international, la
sociaux compétitifs, aide et conseils, réaliser des économies de frais de rémunération représente le principal
etc.) et préciser ce qu’elle s’attend à main-d’œuvre, la société-conseil élément de négociation des conditions
recevoir des expatriés (capacité à Towers Perrin utilise la méthode du d’emploi. En effet, les expatriés occu-
s’adapter, ouverture sur des croyances pays d’accueil et accorde une prime à pant certains emplois peuvent jouer un
et des coutumes différentes, etc.). la fin du mandat d’expatriation rôle stratégique puisque leurs déci-
– Dans la mesure où l’on com- (Mervosh, 1997). On trouve un recours sions, leurs actions et leur rendement
munique que les affectations à l’inter- accru à l’approche forfaitaire. Par sous-tendent le succès de l’organisa-
national favorisent le développement exemple, au lieu de payer à l’expatrié tion à l’échelle internationale (Balkin
de la carrière, s’assurer que la réalité toutes les dépenses relatives à un et Bannister, 1993; Milkovich, 1988). Le
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appuie ces propos. séjour d’un mois à l’hôtel, l’organisa- pouvoir qu’ont les expatriés d’influen-
tion lui donne un montant forfaitaire cer à leur avantage les décisions en
LA PERSPECTIVE FINANCIÈRE pour un séjour d’un mois que matière de rémunération dépend de
l’employé gère lui-même (choix de caractéristiques telles que la propor-
Selon la perspective financière, la l’hôtel, de la nature des repas, etc.). Le tion relative des expatriés dans la
rémunération correspond au prix tableau 2 liste les principaux résultats main-d’œuvre totale, leur expertise,
DOSSIER

qu’une entreprise paie pour obtenir la d’enquêtes réalisées auprès de firmes leur rôle dans la réalisation de la
quantité nécessaire de travail de la multinationales ayant des activités aux mission de l’entreprise ou la culture de
meilleure qualité possible. Dans le États-Unis. On peut résumer ces gestion de l’entreprise. Par ailleurs, le
contexte de la mobilité internationale, tendances comme suit : pouvoir de la direction de résister aux
il s’avère particulièrement important – réduction de la protection sur demandes des expatriés en matière de
pour les entreprises de mieux contrôler la vente des maisons des expatriés à rémunération découle de caractéris-
la rémunération, puisqu’on estime que leur départ, et ce, quelle que soit la tiques comme l’offre et la demande des
le coût d’un expatrié est environ trois forme (par exemple, achat de la mai- candidats à l’expatriation, leurs autres
fois plus élevé que celui d’un salarié son à la valeur du marché, garantie conditions de travail ou le rôle du per-
local (Dowling et al., 1999). Plusieurs d’une valeur d’évaluation, protection si sonnel expatrié dans la réussite de
facteurs expliquent pourquoi les orga- le prix de vente est inférieur au prix l’entreprise. Traditionnellement, la
nisations tendent de plus en plus à d’achat plus les coûts d’amélioration); gestion de la rémunération du person-
rationaliser les coûts des affectations à – réduction de l’aide pour le nel expatrié avait un caractère davan-
l’international. Ainsi, alors que par le déménagement des biens (notamment tage politique, car elle provenait sou-
passé la plupart des expatriés occu- les automobiles) des expatriés à vent d’un processus individualisé de
Gestion, volume 27, numéro 1, printemps 2002

paient des postes de direction, l’étranger; négociation où intervenait un nombre


aujourd’hui des employés de tous les – réduction des primes de ser- restreint d’expatriés occupant des
niveaux hiérarchiques sont affectés à vice à l’étranger intégrées aux salaires postes de direction et de cadres supé-
l’étranger. Par conséquent, le profil tout au long de la durée de l’expatria- rieurs. Dans plusieurs grandes organi-
démographique et sociologique de tion et recours accru aux primes de sations, les expatriés représentaient
cette nouvelle main-d’œuvre expatriée mobilité «ponctuelles» octroyées une petite caste de personnes privilé-
évolue et sa proportion dans la main- avant, pendant et après l’affectation; giées qu’on traitait, ainsi que les
d’œuvre est plus grande, d’où l’impor- – déductions à la source selon les membres de leur famille (très souvent
tance de revoir le choix des pratiques impôts que l’expatrié aurait payés dans une conjointe sans emploi et deux
et de contrôler les coûts. Par exemple, son pays d’origine; enfants), à grands frais, traitement que
49

TABLEAU 2 – Tendances à l’égard de la rémunération des expatriés : résultats d’enquêtes auprès de firmes multinationales ayant
des activités aux États-Unis

Enquêtes réalisées en 1988 et en 1998


par l’Organization Resources Counselors (Latta, 1999)

Proportion des employeurs offrant un régime de rémunération


Tendance
en 1988 et en 1998

Tendance à accorder moins de primes de service Primes salariales de services pour affectations à l’étranger
à l’étranger intégrées aux salaires durant l’expatriation – 62 % en 1988
et à recourir davantage aux primes de mobilité – 27 % en 1998 (dans le continent) et 35 % (entre les continents)
octroyées avant et après l’expatriation Primes de mobilité pour affectations à l’étranger
– 16 % en 1988
– 23 % en 1998 (dans le continent) et 29 % (entre les continents)
Primes de service ou de mobilité pour affectations à l’étranger
– 86 % en 1988
– 51 % en 1998 (dans le continent) et 68 % (entre les continents)
La majorité des employeurs qui accordent ces primes les calculent selon le salaire
de base, à raison de 15 % en 1988 et de 12,5 % en 1998.

Tendance à moins défrayer les dépenses d’automobile Défraiement du déménagement des automobiles
– 25 % en 1998 vs 46 % en 1988

Tendance à limiter l’aide financière pour Prise en charge de tous les coûts de déménagement
le déménagement d’autres biens personnels – 37 % en 1998 vs 44 % en 1988
Aide jusqu’à un certain montant, sur la base du poids ou du volume
– 63 % en 1998 vs 47 % en 1988
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Tendance à moins offrir une protection sur la vente Protection sur la vente de la maison de l’expatrié
des maisons des expatriés à leur départ – 52 % en 1998 vs 69 % en 1988
Formes de protection
– Achat à la valeur du marché (24 % en 1988, 17 % en 1998)
– Garantie d’évaluation (5,3 % en 1988 et 5,0 % en 1998)

DOSSIER
– Prix d’achat plus les améliorations (5,7 % en 1988 et 8 % en 1998)
Pour les expatriés qui gardent leur maison, la proportion d’employeurs payant
les frais de propriété est passée de 47 % à 54 % entre 1988 et 1998.

Tendance à contrôler les dépenses liées au séjour Paiement des frais de séjour de l’expatrié
dans le pays d’origine – 54 % en 1998 et 26 % en 1988
Paiement des frais de séjour de l’expatrié et de sa famille
– 26 % en 1998 et en 1988
Utilisation d’une indemnité quotidienne pour de tels séjours
– 7 % en 1998 vs 2 % en 1988

Tendance à recourir à divers modes d’affectation En 1998, 22 % des employeurs disent recourir davantage à des affectations de
à l’étranger de courte durée courte durée, c’est-à-dire qui s’étendent sur une période allant de quelques mois
à moins d’une année. Des affectations de courte durée permettent aux employés
d’aller à l’étranger sans être accompagnés des membres de leur famille et, du coup,
Gestion, volume 27, numéro 1, printemps 2002

permettent à l’employeur de réduire les coûts liés à l’expatriation. Les employeurs


disent aussi être à la recherche d’autres formes d’affectations de courte durée, telles
que les voyages d’affaires prolongés où l’employé est loin de la maison pour deux
à six mois, les affectations à l’étranger où l’on permet à l’employé de retourner à
la maison sur une base régulière et des affectations virtuelles qui permettent à
l’employé d’habiter et de travailler à un endroit alors qu’il assume des respon-
sabilités dans un autre endroit qu’il doit visiter régulièrement.
50

TABLEAU 2 – Tendances à l’égard de la rémunération des expatriés : résultats d’enquêtes auprès de firmes multinationales ayant
des activités aux États-Unis (suite)

Enquêtes réalisées par la société PricewaterhouseCoopers (Gould, 1999)

Tendance à revoir à la baisse les incitations et leur mode Parmi les employeurs qui continuent à accorder des incitations aux expatriés,
de versement la plupart ont remplacé la prime traditionnelle de 15 % accordée par période
de paie et intégrée au salaire par une formule visant à accorder des incitations
équivalentes à 10 % du salaire.Toutefois, ces primes seront établies selon la durée
prévue du séjour à l’étranger et seront versées en trois montants forfaitaires :
le premier versement sera accordé avant l’affectation (généralement 30 %),
le deuxième au retour de l’affectation (habituellement 40 %) et le troisième en
fonction de la performance.

Tendance à revoir à la baisse les avantages De moins en moins d’employeurs offrent un logement gratuit et des avantages
particuliers quant aux biens et aux services. Par exemple, au lieu de fournir une
automobile aux expatriés, les employeurs vont accorder une aide financière pour
le transport ou pour l’achat d’une automobile.

Tendance à déduire l’impôt selon le taux du pays d’origine En 1999, 77 % des employeurs retirent des impôts sur la base du taux qui aurait été
effectivement payé par l’expatrié dans son pays d’origine et 43 % des autres
employeurs envisagent d’appliquer cette déduction dans l’avenir.

Enquêtes menées par la firme Runzheimer International (Oemig, 1999)

Moyens de réduire les coûts de la rémunération – Embauche d’un plus grand nombre d’employés locaux (52 %)
des expatriés utilisés par les organisations – Meilleure planification fiscale (38 %)
– Réduction des allocations de biens et de services (25 %)
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– Réduction des incitations (23 %)
– Réduction des privilèges liés aux automobiles de luxe (17 %)
– Affectations de plus courte durée (17 %)
DOSSIER

l’on devait garder secret pour éviter les contexte de la gestion où le succès se du travail des enfants, du travail forcé
réactions d’iniquité parmi le personnel mesure à l’échelle internationale, les direct ou indirect (esclavage) et de la
local. L’augmentation du nombre syndicats doivent constamment revoir discrimination.
d’expatriés occupant des emplois de l’équilibre entre l’ajustement des
professionnels, de techniciens ou de pratiques de rémunération locales et la LA PERSPECTIVE SYMBOLIQUE
cadres de premier niveau a pressé standardisation des pratiques au
certaines organisations de réduire ce niveau international par divers méca- Selon la perspective symbolique,
traitement privilégié qu’on leur nismes plus ou moins développés à ce ce n’est pas tant la valeur économique
accordait. jour (notamment les comparaisons de des composantes de la rémunération
La perspective politique permet négociations collectives, les échéan- qui compte que le prestige et le statut
aussi d’intégrer les enjeux de la mon- ciers de négociation coordonnés, l’éta- qu’elles procurent à court et à long
dialisation dans la négociation des blissement de liens avec les fédérations terme aux yeux des employés. Ainsi,
conventions collectives par les syn- internationales, l’établissement la détention de privilèges devient un
dicats (Dowling et al., 1999). Un de ces d’alliances sociales élargies et le point de référence à partir duquel les
enjeux est l’amélioration de la flexibi- recours à des ententes internationales expatriés jugent leur progrès et leur
Gestion, volume 27, numéro 1, printemps 2002

lité de la gestion et de la compétitivité comme l’ALENA, l’Organisation succès en carrière. La perspective


des firmes au moyen d’amendements internationale du travail et l’Accord symbolique aide à comprendre la
aux conventions collectives. C’est le parallèle quant aux normes du travail). nécessité, pour les expatriés et les
cas, par exemple, de l’adoption plus Dans le contexte de la compétition rapatriés, que l’organisation recon-
poussée des innovations sur le plan de entre les pays, les syndicats doivent naisse mieux leur expérience à
l’organisation du travail et de l’allon- dorénavant défendre le respect de l’international. Elle permet aussi de
gement de la durée des conventions règles du commerce visant à assurer le comprendre la grande importance que
collectives au sein des entreprises bien-être des employés, entre autres peuvent prendre certaines différences
syndiquées soumises à la concurrence celles qui ont trait au droit d’associa- en matière de salaire, de primes ou de
internationale (comme Alcan). Dans le tion, à la démocratie, à l’interdiction privilèges pour les expatriés. De même,
51

elle permet d’expliquer pourquoi peuvent avoir une importance et une l’exportation, qui emploient un petit
certaines personnes sont prêtes à valeur variables aux yeux des nombre d’expatriés dont la nationalité
s’expatrier pour un très faible avantage intervenants. est souvent celle de la société mère,
quant à la rémunération, ou encore à retiennent souvent la méthode de
se battre pour obtenir et conserver des LA PERSPECTIVE CONTINGENTE rémunération selon le pays d’origine.
gratifications qui peuvent paraître Les firmes ayant atteint un stade
ridicules ou non signifiantes pour Les multiples changements en d’entreprise globale, qui emploient un
d’autres personnes. matière de rémunération des expatriés grand nombre d’expatriés et qui les
Selon Black et al. (1992), les expa- au cours des dernières années peuvent
recrutent sur le marché international
triés perçoivent aussi leur rémunéra- donner une impression d’incohérence.
de l’emploi, préfèrent la méthode
tion et l’utilisation de leur expertise à Or, dans le contexte actuel, l’intégra-
internationale. Les entreprises multi-
l’international comme un moyen de tion et la gestion contextuelle sont des
vérifier si les dirigeants de leur organi- concepts à la mode. Les mots clés sont nationales, qui gèrent des expatriés de
sation valorisent l’expatriation. Les «cohérence» et «synergie», particuliè- diverses nationalités alors que les
expatriés peuvent accepter de limiter rement entre les diverses composantes politiques de chaque filiale peuvent
leurs gains à court terme s’ils croient de la gestion des expatriés et les être de type local, peuvent tout aussi
que les expériences internationales diverses caractéristiques de l’organisa- bien retenir la méthode du pays d’ori-
constituent des étapes dans la progres- tion, notamment ses objectifs, ses stra- gine que la méthode mixte ou la
sion de leur carrière et des expériences tégies, sa structure, son secteur indus- méthode du pays d’accueil. Selon
enrichissantes pour les membres de triel, ses valeurs, son environnement, Reynolds (1994), la pratique de la négo-
leur famille. Toutefois, une enquête ses emplois et la gestion de la rémuné- ciation de la rémunération et l’octroi
(Oemig, 1999) menée auprès de 103 ration de ses expatriés (Shenkar, 1995). de montants forfaitaires seraient géné-
directeurs des ressources humaines à Suivant la perspective contingente, il ralement utilisés par les organisations
l’international montre que, lorsqu’ils n’y a pas une seule bonne méthode de qui débutent à l’international et qui
sont interrogés sur la valeur que leur gestion de la rémunération des expa- ont peu d’expatriés, alors que la
organisation accorde aux expériences triés, mais plutôt une méthode opti- méthode de rémunération mixte ou
en matière d’expatriation, seulement male selon le contexte, le moment et hybride serait adoptée par les orga-
15 % répondent «beaucoup de valeur», les autres activités de gestion. Cette
nisations qui ont atteint une maturité
60 % disent «une certaine valeur» alors quête de la cohérence entre la rému-
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dans leurs opérations internationales
que 25 % répondent «peu et aucune nération et le contexte ne doit toute-
et qui comptent un grand nombre
valeur». Soulignons ici que la perte fois pas nuire au succès à long terme
d’incitations et de privilèges financiers de l’organisation en réduisant sa d’expatriés. Finalement, les rôles et les
est ressentie à court terme par l’expa- flexibilité face à l’ajustement aux responsabilités, les niveaux hiérar-
trié comme tangible et bien réelle, changements. De fait, la combinaison chiques, la catégorie (par exemple,
alors que les avantages de l’expatria- d’une orientation stratégique avec une cadres intermédiaires, professionnels,

DOSSIER
tion sur le plan de la carrière sont pratique de rémunération des expa- dirigeants) ainsi que le profil socio-
perçus comme à plus long terme, donc triés particulière ne reste jamais «opti- démographique (par exemple, sexe,
risqués et abstraits. Par conséquent, il male» longtemps et il faut s’assurer nationalité, état civil, nombre
est important de repérer et de renfor- que l’on apporte des modifications d’enfants) du personnel expatrié vont
cer les symboles auxquels se rattachent lorsque les caractéristiques du aussi influencer les décisions à l’égard
les expatriés, notamment au moyen de contexte changent ou que de l’insatis- de leur rémunération.
modes de reconnaissance particuliers. faction est exprimée. La bonne façon
Par ailleurs, il faut clairement commu- de rémunérer le personnel expatrié est Le secteur d’activité économique
niquer et appliquer ces modes de donc celle qui est adaptée au contexte
reconnaissance pour faire en sorte d’affaires propre à chaque firme et qui Certains auteurs (Harvey, 1993;
qu’ils deviennent partie intégrante de évolue au rythme de l’environnement Reynolds, 1994) proposent que le mode
la culture de gestion des expatriés. et de la stratégie d’affaires. Le reste de de gestion de la rémunération des
Selon la perspective symbolique, cette section illustre comment la ges- expatriés varie selon le secteur d’acti-
les modes de rémunération particuliers tion de la rémunération des expatriés
vité économique des firmes. Ainsi, le
octroyés aux expatriés peuvent refléter peut être influencée par certaines
secteur des communications opterait
Gestion, volume 27, numéro 1, printemps 2002

le statut de l’expatrié au sein de l’orga- caractéristiques contextuelles.


pour l’approche locale, le secteur
nisation et la reconnaissance des
efforts liés à la nécessité de s’adapter Le stade du processus manufacturier choisirait l’approche
sur le plan culturel. En outre, il faut d’internationalisation bilan, le secteur R&D retiendrait
prendre garde de ne pas sous-estimer l’approche montant forfaitaire, les
l’importance des gratifications dans Dowling et al. (1999) expliquent secteurs de la finance, des assurances
plusieurs cultures : selon les pays et les l’incidence du stade de l’internatio- et des services privilégieraient
cultures, certaines gratifications nalisation des firmes sur leur méthode l’approche cafétéria alors que le
(stationnement, formation, taille des de rémunération des expatriés comme secteur commercial opterait pour
bureaux, rémunération variable, etc.) ceci. Les firmes se trouvant au stade de l’approche des systèmes régionaux.
52

Le style ou la culture de gestion d’accueil, car elles développent des l’autre au sein d’une entreprise, et
connaissances sans vraiment en même d’un emploi à l’autre. Par
Des auteurs ont aussi commenté importer et embauchent moins d’expa- ailleurs, les objectifs en matière de
l’influence potentielle du style de ges- triés. Les filiales de type «joueurs rémunération peuvent être conflic-
tion sur la rémunération des expa- intégrateurs» rémunéreraient leurs tuels, la réalisation de l’un pouvant
triés9. Ainsi, une maison mère ayant un expatriés selon la méthode interna- empêcher celle d’un autre. Par
style de gestion ethnocentrique qui tionale, puisqu’elles importent et exemple, pour attirer et retenir des
accorde peu d’autonomie aux filiales et exportent leurs connaissances sur le candidats à l’expatriation, une organi-
dont les dirigeants prennent seuls les plan international et embauchent des sation devra améliorer leurs conditions
décisions stratégiques de manière à expatriés de diverses nationalités. de travail, ce qui va à l’encontre de son
optimiser leur contrôle sur les filiales souci de contrôler les coûts. La gestion
tendrait à imposer ses propres salariés Les autres activités de gestion de la rémunération reste donc l’art
à l’étranger et à les rémunérer en des expatriés d’optimiser la réalisation de divers
fonction de la méthode du pays d’ori- objectifs souvent conflictuels. Des
gine, notamment l’approche bilan On s’entend généralement pour entrevues menées auprès d’une dizaine
gérée au siège social pour assurer aux dire que la rémunération des expatriés de spécialistes de la gestion de la
expatriés une certaine équité avec devrait être intégrée aux objectifs des rémunération du personnel expatrié
leurs pairs du pays d’origine. Par filiales et aux autres activités de ges- du Québec (Lebire, 2000) montrent
ailleurs, une maison mère ayant un tion des expatriés telles que la sélec- que les organisations poursuivent cinq
style de gestion géocentrique qui tion, la formation et la gestion des grands objectifs en matière de rémuné-
accorde moins d’importance à la carrières (Bonache et Fernández, ration des expatriés, la réalisation de
nationalité des cadres qu’à leurs 1997). Bonache et al. (2001) insistent chacun d’eux pouvant être facilitée par
compétences sera portée à préférer la sur l’importance de considérer les des pratiques de rémunération parti-
méthode internationale pour rémuné- différentes activités de gestion des culières :
rer le personnel et à décentraliser ses expatriés (sélection, rémunération, – Le contrôle des coûts : la réa-
décisions de gestion des ressources rapatriement, formation, etc.) en
lisation de cet objectif sera influencée
humaines au niveau des filiales. Par tenant compte de la stratégie d’affaires
par les pratiques d’octroi d’incitations
ailleurs, une entreprise qui adopte un à l’international privilégiée par l’orga-
et d’allocations, la formalisation des
style polycentrique en cherchant à nisation. Toutefois, si l’importance
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politiques de gestion de la rémunéra-
considérer chacune de ses filiales d’adopter une perspective stratégique
tion, la connaissance et le respect de la
comme une entité distincte ayant sa à l’égard de la rémunération des autres
fiscalité, la méthode de rémunération
propre autonomie et à décentraliser catégories de personnel est reconnue
et l’impartition de la gestion de la
ses décisions en matière de gestion du depuis plus d’une dizaine d’années
rémunération.
personnel au niveau de ses filiales (Gomez-Mejia et Balkin, 1992), cette
– L’attraction de candidats à
aurait tendance à privilégier la perspective est encore fort peu com-
DOSSIER

méthode du pays d’accueil. Enfin, une mentée dans les écrits sur la rémuné- l’expatriation : la réalisation de cet
entreprise qui adopte un style de ration des expatriés. En fait, les écrits objectif sera conditionnée par l’octroi
gestion régiocentrique en limitant traitant précisément de la gestion d’incitations et d’allocations, les
l’étendue du développement de ses stratégique des expatriés sont récents méthodes de rémunération, l’aide au
affaires à une région et en recrutant les (Bloom et Milkovich, 1999). conjoint, le paiement des heures sup-
cadres de cette région privilégierait la plémentaires, les montants accordés, le
méthode du pays tiers pour rémunérer Les objectifs poursuivis à l’égard contenu du travail à l’étranger et l’aide
ses expatriés. de la gestion de la rémunération à la vente de la maison.
des expatriés – La réduction des retours
Les types de filiales prématurés : la mise en œuvre de cet
La détermination et le rangement objectif sera facilitée par l’octroi de
Selon certains auteurs (Bonache des objectifs de rémunération des primes à la fin de l’affectation, la com-
et Fernández, 1997; Gupta et Govinda- expatriés devraient orienter le choix munication de la rémunération et des
rajan, 1991), le type de filiale influen- des politiques et des pratiques à cet autres conditions de travail, la forma-
cerait le mode de rémunération des égard et constituer des critères pour tion des expatriés et des membres de
Gestion, volume 27, numéro 1, printemps 2002

expatriés. Selon eux, les filiales de type évaluer leur efficacité. Par exemple, si leur famille à la culture du pays d’accueil
«utilisatrices de connaissances» une entreprise veut réduire les retours et l’octroi d’une rémunération avan-
retiendraient la méthode du pays prématurés des expatriés, elle doit tageuse.
d’origine, puisque les expatriés venant mesurer l’impact de ses pratiques de – Le maintien des perceptions
du siège social y sont la source prin- rémunération sur cet indicateur. d’équité : cet objectif sera favorisé par
cipale de connaissances nécessaire au Propre à la perspective contingente, la formalisation des pratiques de
développement des affaires. Les filiales l’importance relative des objectifs de rémunération des expatriés et le choix
de type «innovateurs locaux et glo- rémunération variera d’une organisa- de leur méthode de rémunération.
baux» rémunéreraient davantage les tion à l’autre, d’une unité d’affaires à – L’amélioration de la loyauté :
expatriés selon la méthode du pays l’autre, d’une catégorie de personnel à cet objectif pourra être atteint au
53

moyen de la sécurité d’emploi offerte riser de meilleures possibilités quant à futures devraient nous aider à
aux expatriés. la carrière et des bénéfices que les comprendre les sources d’insatis-
membres de la famille peuvent en faction des expatriés face à leur rému-
La durée des affectations retirer. nération et à faire ressortir les pra-
à l’étranger Compte tenu de la multiplicité des tiques les plus susceptibles d’être
perspectives selon lesquelles on peut perçues comme équitables par les
Les conditions de rémunération l’aborder et de l’ampleur potentielle de expatriés et les rapatriés. Par ailleurs,
accordées aux expatriés sont aussi, ses répercussions sur les attitudes et comme les attentes des expatriés sont
bien entendu, fonction des caractéris- les comportements au travail des expa- au cœur de leurs attitudes et de leurs
tiques de leur affectation. Par exemple, triés, on comprend mieux que la ges- perceptions par rapport à leurs condi-
selon Reynolds (1994), l’approche bilan tion de la rémunération des expatriés tions de travail10, il serait important
serait utilisée pour des mutations de correspond plus à un art qu’à une d’en savoir plus sur ce qui fait en sorte
courte durée alors que l’approche science : l’art d’optimiser la réalisation que les employés développent des
locale serait fréquente pour des séjours de divers objectifs parfois conflictuels
attentes réalistes tant à l’égard de leur
de longue durée. comme la minimisation des coûts et
affectation à l’étranger qu’à l’égard de
l’attraction des meilleurs candidats à
leurs conditions de travail lorsqu’ils
CONCLUSION l’expatriation. Bien sûr, il est utopique
retournent dans leur pays d’origine. À
de s’attendre à ce que tous les employés
ce jour, peu de chercheurs se sont
Cet article a présenté une revue de affectés à l’étranger affirment être
la documentation sur la gestion de la parfaitement heureux de leur rémuné- penchés sur les conditions de succès
rémunération des expatriés. Plus pré- ration. Des enquêtes réalisées en 1988 d’un programme de rapatriement
cisément, il décrit la gestion de la et en 1998 par l’Organization Resources (Brassard, 2001). En ce qui a trait à la
rémunération du personnel expatrié Counselors (Latta, 1999) auprès de perspective contingente, les recherches
sous diverses perspectives, soit les firmes multinationales aux États-Unis futures devraient préciser les pratiques
perspectives technique, psychologique, montrent que, pendant cette période, de rémunération propres à divers
financière, politique, symbolique et les employeurs ont d’ailleurs tenté de contextes d’affaires. Comme l’expli-
contingente. En pratique, aucune de prendre des mesures pour équilibrer quent Bonache et Fernández (1997), si
ces perspectives ne peut remplacer une des considérations liées à différentes le rôle des expatriés varie selon les
autre puisqu’elles sont toutes pré- perspectives, notamment la réduction stratégies d’affaires à l’international,
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sentes et doivent toutes être considé- des coûts du processus d’expatriation des pratiques particulières de rému-
rées. De plus, aucune perspective ne lorsque cela s’avère possible, l’offre nération des expatriés devraient être
permet de maximiser la réalisation des d’une rémunération à la fois efficace mises en avant selon le type de straté-
divers objectifs ou des différents indi- sur le plan des coûts et attrayante pour gie. Les recherches futures devraient
cateurs de succès que poursuivent les les expatriés potentiels et la mise en tenter de relever les pratiques de
entreprises en matière de rémunéra- avant d’une politique standardisée qui rémunération permettant le mieux

DOSSIER
tion des expatriés. Aussi, le fait de ne permet également une certaine flexi- d’atteindre différents objectifs, comme
pas considérer l’une de ces perspectives bilité de manière à permettre des diffé- attirer des candidats à l’expatriation
n’enlève rien à sa pertinence. De fait, rences. En analysant les tendances en ou les mobiliser.
on peut avancer que l’accent mis sur matière de gestion des expatriés au
une perspective, par exemple la pers- cours de la dernière décennie, Schell et Notes
pective financière, empêche d’appré- Solomon (1997) relèvent quatre
cier de manière globale tous les enjeux grandes tensions que les organisations 1. Voir Ekstrom (1999), Latta (1999), Poe (2000), Solomon
rattachés à l’expatriation. Par exemple, doivent contenir : les tensions entre la (1995).
une rémunération non compétitive centralisation et la décentralisation 2. Voir Brown (1995), Harvey (1993), Reynolds (1997).
peut entraîner le départ des expatriés des politiques, entre la planification 3. Voir Barham et Devine (1991), Black et al. (1992),
les plus compétents et une baisse des carrières et l’autodéveloppement, Gould (1999), Cerdin et al. (2000), Reynolds (1994),
d’engagement au travail. L’expatriation entre le contrôle des coûts et l’effica- O’Reilly (1996).
est exigeante pour toutes les personnes cité de la mobilité du personnel et 4. Voir Black (1991), Harvey (1993), Suutari et Tornikoski
en cause. L’expatrié doit s’adapter à un entre la standardisation et la flexibilité (2000).
nouvel environnement de travail et des modes de gestion à leur égard. 5. Voir Biouele (2000), Cerdin (1999a), Cerdin et al.
Gestion, volume 27, numéro 1, printemps 2002

(2000), Prost (1998), St-Onge et al. (1998).


doit s’intégrer aux autres salariés qui Pour terminer, force est de consta-
6. Voir Black et Gregersen (1991), Black et Stephens
appartiennent à une culture différente. ter qu’à ce jour la plupart des écrits sur
(1989), Cerdin (1996, 1999b), Parker et McEvoy (1993).
Une affectation à l’étranger comporte le sujet sont surtout descriptifs et
7. Voir Dowling et al. (1999), Logger et al. (1995), Logger
aussi de nombreux changements pour s’appuient peu sur une base théorique et Vinke (1995).
les membres de la famille d’un expatrié (De Cieri et Dowling, 1999). Plusieurs
8. Voir Myers (1995), O’Reilly (1996), Reynolds (1988).
(emploi du conjoint, école des enfants), questions restent en suspens (Bonache
9. Voir Dowling et al. (1999), Evans et Lorange (1989),
qui doivent eux aussi s’adapter à un et al., 2001) et requièrent l’attention Laurent (1986), Schuler et MacMillan (1984), Saba
nouvel environnement. Par consé- des chercheurs (Sparrow, 1998). Par (2001).
quent, une façon de réduire les coûts exemple, en ce qui concerne la pers- 10. Voir Black et Gregersen (1992), Forster (1997), Solomon
du personnel expatrié consiste à favo- pective psychologique, les recherches (1995), Stroh et Caliguiri (1998),Welch (1994).
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