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FACULTE DE THEOLOGIE
LA COMMUNICATION DE L’ETRE
OU POURQUOI LES CREATURES NE PEUVENT PAS CREER
D’APRES SAINT THOMAS D’AQUIN
Novembre 2018
R EM ER C IE M E N TS
Barcelone, le 15 novembre
Saint Albert le Grand
I N TR O D UC TIO N
À la question : Dieu seul peut-il être dit créateur ? La réponse semble simple et
claire : « Si la création est comprise au sens strict, il est clair qu’elle ne peut convenir
qu’au premier agent »1, à savoir Dieu. Mais, outre le fait que de nombreux philosophes
et théologiens ont défendu la possibilité et le fait d’un créateur créé, le nier ne signifie
pas encore le justifier.
Pour atteindre notre objectif, nous procéderons en trois étapes. Dans un premier cha-
pitre, nous aborderons directement le problème d’un créateur créé dans le contexte his-
torico-doctrinal de la question. L’objectif de cette première partie, plus positive que
systématique, est de présenter une série de problèmes en guise d’introduction pour pré-
parer la solution de l’Aquinate. Le deuxième chapitre exposera la pensée de notre domi-
nicain à partir de ses textes des textes, suivant une méthodode génétique. En commen-
1
THOMAS D’AQUIN, De Potentia q. 3, a. 4, in c [Marietti II, 46] : « si igitur sic stricte creatio
accipitur, constat quod creatio non potest nisi primo agente convenire ».
2
DH 3624.
çant par ceux de la période de bachelier sententiaire (1252) jusqu’à la période de la ma-
turité (1272), nous analyserons directement les endroits de son œuvre où nos problèmes
sont explicitement traités.
Le troisième chapitre, le plus important dans ce mémoire, se veut une réponse systé-
matique à la question « pourquoi une créature ne peut-elle pas créer ? » ou plus préci-
sément « dans quel sens une créature ne peut-elle pas créer ? » La façon d’arriver à la
solution est de préciser ce que nous entendons par création active et quelles sont les
exigences d’une telle causalité. A la lumière de ces réponses, nous pouvons faire un
dernier pas et non seulement justifier pourquoi l’étant fini ne peut jamais créer, mais
aussi expliquer comment la vraie causalité de la créature n’a de sens qu’à l’intérieur de
la cause première.
Nous avons essayé dans ces pages d’offrir des principes de solution pour un pro-
blème beaucoup complexe mais décisif. Une conviction nous a guidé tout au long de
notre recherche : si c’est seulement à Dieu qu’appartient la causalité de l’esse per se
primo, « il a voulu communiquer aux choses une telle ressemblance avec lui que non
seulement elles sont, mais elles sont encore causes des autres [choses] »3.
3
THOMAS D’AQUIN, SCG III, c. 70 [Marietti n. 2464] : « per quam su similitudinem rebus
communicare voluit non solum quantum ad hoc quod essent, sed etiam quantum ad hoc quod
essent, sed etiam quantum ad hoc quod aliorum causae essent ».
2
C HAP I TR E 1
LE C O N TE X TE H IS TO R I C O - D OC TR IN A L
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1,1). Le tout premier verset
de la Bible nous parle de la tout-puissance de Dieu et de sa souveraineté sur le monde :
tout ce qui existe a pour cause Dieu. Telle a été la conviction fondamentale de la pensée
chrétienne et occidentale, car c’est le point qui nous permet d’établir la distinction onto-
logique entre le Créateur et la créature. En fait, l’action créatrice est le point de départ
pour une compréhension correcte des rapports entre Dieu et nous. Pour nous, plus préci-
sément, c’est le cadre dans lequel se déroulera notre recherche : comprendre ce qui ap-
partient à Dieu et ce qui est propre à l’étant fini. Le problème apparaît quand on voit que
les réponses qui ont été proposées pour expliquer la nature de l’action créatrice et quelle
est sa portée sont loin d’être unanimes. Nous pouvons même trouver des solutions con-
tradictoires parmi des penseurs qui partagent des prémisses communes
Puisque l’intention ultime de ce travail n’est pas de rapporter toutes les solutions qui
ont été offertes au problème d’un créateur crée, mais d’en présenter de manière géné-
tique et systématique la pensée thomasienne, dans ce premier chapitre nous ferons un
bref aperçu historique des principaux auteurs qui marquent le contexte prochain dans
lequel saint Thomas développera sa propre position. A cette fin, nous étudierons
d’abord le système émanatiste d’Avicenne, en raison de l’influence qu’il a exercé (en
tant qu’objection) sur les théologiens médiévaux du XIII siècle. Dans un second mo-
ment, nous analyserons les Sentences de Pierre Lombard et les présupposés à partir des-
quels, il construit sa solution particulière au problème. Finalement, nous nous arrêterons
sur quelques maîtres parisiens qui marquent le contexte immédiat dans lequel
l’Aquinate développera sa propre pensée.
1.1.L’Avicena Latinus
En ce qui concerne le sujet traité, puisque l’objectif de notre travail n’est pas
l’analyse détaillée de la pensée avicennienne, pour présenter sa position nous nous réfé-
rerons principalement à sa Métaphysique dans sa version latine, ou plus correctement,
au Liber de Philosophia Prima sive Scientia Divina (dans sa traduction apparue après
1150), parce qu’il fut le texte auquel les théologiens médiévaux avaient accès 2. Néan-
moins, nous utiliserons aussi des études de divers spécialistes qui argumentent en utili-
sant d’autres œuvres du philosophe, y compris les versions originales en arabe.
Afin de procéder de manière ordonnée, nous allons examiner trois points du sys-
tème : tout d’abord, ce qu’il entend par création. Ce point est peut-être le plus métaphy-
sique et nous verrons certaines de ses contributions reflétées dans la pensée de saint
Thomas. Deuxièmement, en lien direct avec le problème de la médiation dans la créa-
tion, nous présenterons la raison pour laquelle Avicenne a été forcé de l’accepter. Pour
finir, nous examinerons un problème particulier de son ontologie dans lequel se mani-
festent les implications des deux présupposés discutés ci-dessus.
Pour Avicenne, la création est d’abord et avant tout une notion métaphysique qui re-
garde directement la production des choses selon toute leur substance3. C’est l’arrivée à
1
Cf. John F. WIPPEL, « The Latin Avicenna as a source for Thomas Aquinas’s metaphys-
ics », dans : ID. Metaphysical themes in Thomas Aquinas II, Washington D.C., The Catholic
University of America Press, 2007 [1990], p. 31-64 [32.50-64] ; Rahim ACAR, Talking about
God and talking about creation. Avicenna’s and Thomas Aquinas positions, Leiden-Boston,
Brill, 2005, p. 131-168 ; Georges C. ANAWATI, « Saint Thomas d’Aquin et la Métaphysique
d’Avicenne”, dans : Armand MAURER (éd.), Saint Thomas Aquinas 1274-1974. Commemorative
Studies, Toronto, 1974, p. 449-465 ; Aimé FOREST, La structure métaphysique du concret selon
saint Thomas d'Aquin, Paris, Vrin, 21956, p. 331-360.
2
Cf. Marie-Thérèse D’ALVERNY, « Avicenna Latinus », AHDLMA 28 (1961) 285 ; Amélie-
Marie GOICHON, « L’influence d’Avicenne en occident », Revue de l’Institut des Belles Lettres
Arabes 14 (1951), p. 374-375.
3
Cf. Rahim ACAR, « Creation: Avicenna’s metaphysical account », dans : David B. BUR-
RELL – Carlo COGLIATI – Janet M. SOSKICE – William R. STOEGER (éds.), Creation and the
God of Abraham, New York, Cambridge University Press, 2010, p. 77-90 ; Ghassan FINIANOS,
De l’existence à la Nécessaire Existence chez Avicenne, Bordeaux, Presses Universitaires de
Bordeaux, 2007, p. 179-203 ; Gérard VERBEKE, « Introduction Doctrinale: une nouvelle théolo-
4
l’être du non-être absolu par une causalité créative qui suscite son admiration. Il n’est
donc pas étrange qu’en énonçant déjà le thème de la causalité efficace dans le libre VI de
sa Métaphysique, il distingue clairement entre la causalité relative au devenir et la cau-
salité qui est le principe de l’être ou du subsister des choses : « les philosophes divins ne
comprennent pas seulement par agent le principe du mouvement, comme le font les
[philosophes] naturels, mais le principe de l’être et son donneur, en tant que créateur du
monde »4. Lorsque nous parlons de la création au sens propre, il ne s’agit donc plus seu-
lement de devenir ceci ou cela (c’est-à-dire que nous ne nous situons pas au niveau de la
génération), mais du don de l’existence des choses qui vient après une non-existence
absolue. Mais cette idée de création nous oblige à répondre à deux questions étroitement
liées : d’abord, comment comprendre le devenir après le non-être ? Autrement dit,
comment comprend Avicenne cette postérité essentielle ? Deuxièmement, quel est le
rapport entre la cause et le causé ?
C’est ce que les sages appellent création : donner l’être à la chose après le non-être abso-
lu. Parce qu’il correspond au causé considéré en soi-même qu’il ne soit pas, par contre par
rapport à sa cause, qu’il soit. Alors, dans notre intellect, ce qu’une chose a en soi est anté-
rieur en essence et non pas temporellement à ce qu’elle a grâce à quelque chose d’autre
qu’elle-même. Par conséquent, tout ce qui est causé [=crée] est quelque chose qui existe
après la non-existence, avec une postérité essentielle5.
gie philosophique », dans : Simone VAN RIET (éd.), Avicena Latinus. Liber de Philosophia Pri-
ma sive Scientia Divina V-X, Louvain-Leiden, Peeters/Brill, 1980, p. 51*-68*.
4
Simone VAN RIET (éd.), Avicena Latinus, p. 292, 20-22 [ci-après Metaphysica VI, 1] :
« Divini philosophi non intelligunt per agentem principium motionis tantum, sicut intelligunt
natural, sicut intelligunt principium essendi et datorem eius, sicut creator mundi ».
5
Metaphysica VI, 1 (p. 304, 68-74) : « Et haec est intentio quae apud sapientes vocatur crea-
tio, quod est dare rei esse post non esse absolute. Causatum enim quantum est in se, est ut sit ut
5
Cette approche repose sur l’idée que seul le premier principe existe nécessairement,
alors que tout le reste de lui a reçu son existence et sa nécessité (l’étant fini est radica-
lement possible). En effet, à l’origine de l’approche se trouve la notion de Dieu comme
la nécessaire existence, et donc que lui seul possède l’être par lui-même6. Par consé-
quent, tout ce dont l’essence n’est pas son être, aura l’être comme quelque chose de reçu
et avec postérité essentielle, c’est-à-dire, il sera causalement dépendant. Ainsi, toute la
création doit se référer à Dieu comme sa source, parce que seul ce qui existe nécessai-
rement peut être la cause de l’existence (esse) de toutes les autres choses.
Or, cette simultanéité n’est pas considérée par Avicenne comme un principe pure-
ment factuel (une cause n’est telle que dans la mesure où elle exerce sa causalité), mais
comme une relation nécessaire : la cause n’existe qu’en causant son effet. Qu’implique
sit non, quantum vero ad causam suam suam suam est ei ut sit sit. Quod autem est rei ex seipsa
apud intellectum prius prius est per essentiam, non tempore, eo quod est ei ex alio a se ; igitur
omne causatum est ens post non ens, posterioritate essentiae ».
6
Rahim ACAR, Talking about God and talking about creation, p. 176 : « Things that are
possible to exist are effects and need a cause to make them exist. For Avicenna, necessity is
almost interchangeable with existence as far as it concerns things, not propositions. Saying that
a cause makes its effect exist is equivalent to saying that a cause necessitates its effect. All ex-
istent things can be divided into two groups: (1) necessary to exist by itself and (2) possible to
exist, if considered by itself alone. The thing that is possible to exist, if considered by itself,
cannot be impossible in itself. Otherwise it could not exist at all. There cannot be more than one
being that is necessary to exist, if considered by itself ».
7
Metaphysica VI, 1 (p. 300, 95-99) : « De hoc quod putatur filius remanere post patrem, et
fabrica post fabricatorem, et calefactio post ignem, occasio fuit ignorantia quae sit vera causa :
fabricator enim et pater et ignis non sunt verae causae existentiae secundi quod dicitur opposi-
tum ei nec etiam sunt causae sui esse ».
6
cette affirmation ? Que lorsque la cause existe, il existe aussi l’effet ; en d’autres termes,
que Dieu et l’univers coexistent nécessairement. Avicenne est conscient de ce qu’une
telle déclaration implique et conclut donc (avec une logique implacable) que le monde
existe nécessairement et éternellement, bien qu’il ait de Dieu (en raison de sa priorité
entitative) sa nécessité et son éternité. C’est-à-dire que les étants créés restent toujours
en eux-mêmes comme possibles, même si de la cause première íls reçoivent la nécessi-
té, parce qu’elle les amène et les soutient dans l’être.
Bien que nous ne puissions pas le développer largement, dans la pensée de notre phi-
losophe, cette position ne signifie pas nier le caractère volontaire de la création,
puisqu’elle provient de l’abondance du premier principe qui, en s’aimant lui-même,
veut nécessairement communiquer sa bonté dans l’acte créateur. La création est donc
concomitante avec la bonté du premier principe, mais elle ne lui est pas imposée de
l’extérieur8.
8
Cf. Rahim ACAR, Talking about God and talking about creation, p. 147 : « The universe is
God’s necessary concomitant. God cannot have a freedom such that he could choose to create or
not to create. For Avicenna, one may not even consider that God could have not created, be-
cause God is necessary in all respects. And saying that God could not have created assumes a
possibility which is laid out ahead before God. The idea that the universe is a necessary con-
comitant of God does not simply take into account God’s perfections, willing and goodness in
this case, but also God’s formal features, namely simplicity and necessity. Avicenna’s insistence
on the necessity of the universe and this universe is closely connected to his position regarding
theological language, not because he likens divine creative action to natural actions of inanimate
beings. Thus, the universe is necessary, because God is necessary in all respects » ; Ghassan
FINIANOS, De l’existence à la Nécessaire Existence chez Avicenne, p. 205-208 ; Gérard
VERBEKE, « Introduction Doctrinale : une nouvelle théologie philosophique », p. 52*.
9
Metaphysica IX, 4 (p. 479, 92-94) : « ea quae primo sunt ab eo -et haec sunt creata-, non
possunt esse multa nec numero nec divisione in materiam et formam, quoniam id quod sequitur
ex eo, est ab eius essentia, non ab alio aliquo ».
7
est la cause de l’être de toutes les choses, il convient maintenant de nous occuper de la
façon dont les choses ont émané à partir de la source créatrice.
Avicenne suit ici un schéma d’influence néoplatonicienne, bien qu’avec ses propres
nuances qui lui confèrent une certaine originalité. Le point de départ est l’idée que
« penser signifie créer » et que, par conséquent, à l’origine de la multiplicité se trouve
l’intellection que l’Un a de soi-même. En fait, cette connaissance que la Nécessaire
Existence a d’elle-même est la première émanation qui n’introduit pas une multiplicité
dans le principe, mais une dualité par l’apparition de la première intelligence. Mais con-
trairement au modèle néoplatonicien classique, dans Avicenne, cette première émana-
tion n’est pas simple, mais implique la production ternaire d’une intelligence, d’une
âme et d’une sphère céleste :
Le premier causé contemple son Principe, la Nécessaire existence, et de cet acte de pen-
sée procède l’essence de la deuxième intelligence séparée. Il se contemple lui-même en tant
que sa relation avec la Nécessaire Existence rend nécessaire sa propre existence, et de cette
pensée par laquelle il se pense lui-même comme nécessaire par son principe, procède la pre-
mière Âme, motrice du premier ciel ou Sphère des sphères qui englobent toutes les autres.
Enfin, il se contemple lui-même, dans ce qu’il a par lui-même, c’est-à-dire qu’il contemple
son essence en tant que possible dont l’existence n’est rendue nécessaire que par la Néces-
saire Existence, et de cette pensée impliquant son virtuel non-être procède la matière de la
Sphère des sphères, ou la Sphère la plus éloignée10.
10
Ghassan FINIANOS, De l’existence à la Nécessaire Existence chez Avicenne, p. 192. Saint
Thomas était conscient des nuances propres de la théorie avicennienne et il l’expose avec une
remarquable clarté et précision. Cf. De Potentia q. 3, a. 16, in c [Marietti II, 88] : « Alii plurali-
tatem rerum et modos diversos earum ex necessitate causae efficientis ponebant, sicut Avicenna,
et eius sequaces. Posuit enim, quod primum ens, in quantum intelligit se ipsum, producit unum
tantum causatum, quod est intelligentia prima, quam necesse erat a simplicitate primi entis defi-
cere, utpote in quantum potentialitas incepit admisceri actui, in quantum esse recipiens ab alio
non est suum esse, sed quodammodo potentia ad illud. Et sic in quantum intelligit primum ens,
procedit ab ea alia intelligentia ea inferior, in quantum vero intelligit potentiam suam procedit
ab ea corpus caeli, quod movet ; in quantum vero intelligit actum suum, procedit ab ea anima
caeli primi ; et sic consequenter multiplicantur per multa media res diversae ».
8
pas de sphères célestes inférieures à la sphère lunaire, de manière conséquente
l’émanation aura comme terme celui qui lui correspond (l’intellect agent, le corps de la
sphère qui es la lune et son âme11).
Tout ce modèle est pensé par Avicenne pour justifier comment la multiplicité est in-
troduite dans l’univers, son principe étant absolument simple et unique. Puisque la pro-
duction du multiple ne peut pas être attribuée à la Nécessaire Existence, le philosophe
perse est obligé de postuler des médiateurs dans la création qui, recevant sa vertu causa-
tive du premier principe, produisent néanmoins quelque chose d’eux-mêmes indépen-
damment du Créateur. Il est important de noter que ces médiateurs ne créent pas de ma-
nière instrumentale, parce que la multiplicité est au-delà de l’intention de la cause pre-
mière, mais ils sont vraiment « causes premières » dans leur ordre correspondant ;
même s’ils ont reçu leur puissance créatrice de Dieu. Dans ce schéma, donc, tout peut se
référer à la Nécessaire Existence comme source ou support de l’univers, sans luis attri-
buer une causalité propre de tous les singuliers.
Cette compréhension de ce que Dieu fait et de ce que la créature peut faire implique
une division causale qui rend difficile l’articulation des deux et qui finit facilement par
tomber dans un certain « occasionalisme ontologique » : la causalité de la créature se
situe au niveau catégorique ou limité, mais il correspondra finalement à la cause pre-
mière de leur donne la nécessité. Il convient de noter, en ce sens, que le sujet d’un créa-
teur créé ne se présente pas à Avicenne comme un problème lié à la possibilité qu’une
créature reçoive un pouvoir infini, parce que la causalité de l’être reste toujours exclu-
sive à Dieu.
11
Cf. Metaphysica IX, 4 (p. 484, 97-99) : « Similiter est dispositio in intelligentia et intelli-
gentia, et in caelo et caelo, quousque pervenitur ad intelligentiam agentem quae gubernat nos-
tras animas ».
12
Cf. Rahim ACAR, « Reconsidering Avicenna’s position on god’s knowledge of particu-
lars », dans : Jonh MCGINNIS (éd.), Interpreting Avicenna: science and philosophy in medieval
Islam, Leiden, Brill, 2004, p. 142-156 ; Michael E. MARMURA, « Divine omniscience and Fu-
9
tive, comment saint Thomas, malgré la similitude des approches, utilise un autre modèle
ontologique pour explique la création et sa relation avec le Créateur.
En bref, il y a deux idées qui nous intéressent pour la présente étude : premièrement,
Dieu comme cause de l’être des choses, et deuxièmement, le besoin d’un médiateur
dans la création pour expliquer la diversité. Ces deux points sont étroitement liés, car le
premier fait apparaître la radicalité de la causalité divine dans une perspective métaphy-
sique, tandis que le second nous montre que, dans la pensée d’Avicenne, cette causalité
ne doit pas être comprise comme une action directe sur la totalité, mais plutôt comme
un principe ultime qui soutient la structure de l’univers tout entier.
ture Contingents in Alfarabi and Avicenna », dans : Tamar RUDAVSKY (éd.), Divine Omnisci-
ence and Omnipotence in Medieval Philosophy, Islamic, Jewish and Christian Perspectives,
Dordrech, Springer Science+Business Media, 1985, p. 81-94.
13
Cf. Metaphysica VIII, 6 (p. 418-419, 91-98) : « Sed necesse esse non intelligit quicquid
est, nisi universaliter, et tamen cum hoc non deest ei aliquod singulare, et ideo non deest ei
idquod minimum est in caelis et in terra, et hoc est de mirabilibus quod non potest imaginare
nisi qui fuerit subtilis ingenii. Sed quomodo sit hoc, ratio haec est : quia enim ipse seipsum in-
telligit et quod ipse est principium omnis quod est, utique intelligit principia eorum quae sunt ab
eo et quicquid nascitur ab eis, et quod quicquid est ex rebus omnino est necessarium esse prop-
ter eum ».
10
1.2.Un problème soulevé par le Lombard
Bien que les Sentences (1154-1158 environ) de Pierre Lombard aient joui d’une
grande autorité dès leur parution, ce n’est que dans le premier quart du siècle suivant
qu’elles sont devenues un texte de référence obligatoire pour tous les bacheliers senten-
tiaires. Une grande partie de l’institutionnalisation du texte est due à l’utilisation qui en
a été faite par Alexandre de Halès. A partir de ce point, il n’est pas excessif de parler
d’une influence déterminante des Sentences sur la pensée médiévale postérieure. Il suffit
de dire que cette œuvre a occupé une place privilégiée dans l’enseignement de la théo-
logie du début du XIIIe siècle jusqu’au début de la Renaissance ; même le premier accès
à la pensée de l’Aquinate durant cette période a été « médiatisé » par son Scriptum su-
per Sententias. Il n’est donc pas surprenant que le problème auquel nous sommes con-
frontés nous oblige à étudier la particulière position de l’évêque de Paris14.
1.2.1. La création
14
Cf. Marcia L. COLISH, Peter Lombard, Leiden, Brill, 1994, p. 303-334 ; Philipp W.
ROSEMANN, Peter Lombard, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 94-95 ; ID., The Story of
a Great Medieval Book: Peter Lombard’s Sentences, Ontario, Broadview, 2007, p. 60-62. Pour
une approche synthétique aux Sentences et la figure du Lombard, cf. Joseph DE GHELLINICK,
« Pierre Lombard », dans : DTC 12, 2 (1935) col. 1941-2019.
15
Cf. Michel LEMOINE, Théologie et cosmologie au XIIème siècle. L’école de Chartres
(Bernard De Chartres, Clarembaud D’arras, Guillaume De Conches, Thierry De Chartres),
Paris, Les Belles Lettres, 2004 ; Marie-Dominique CHENU, La Théologie au douzième siècle,
Paris, Vrin, 1966, p. 108-141.
11
peut produire des choses ex nihilo. L’intention première du maître (dans ce chapitre) est
de réfuter l’idée, présente dans certains environnements par l’influence du Timée, selon
laquelle il y aurait trois principes éternels et non créés. Ce premier contexte controversé
doit être pris en compte : le problème devant lui n’est pas l’émanatisme néoplatonicien
popularisé au XIII siècle par les écrits d’Avicenne, mais un platonisme médiéval qui met
en cause l’éternité exclusive de Dieu. Le problème n’est donc pas tant de savoir si la
production des choses se fait selon une graduation causale, mais si la cause première est
vraiment celle qui a tout produit.
Dans ce premier moment, il propose une réponse brève et simple qui consiste à dis-
tinguer deux actions hétérogènes : créer (creare) et faire (facere)16. La première im-
plique la production d’une chose selon sa totalité et ne présuppose aucune matière anté-
rieure ; la seconde, en revanche, est une action sur quelque chose afin de produire une
autre chose nouvelle. Alors, l’Écriture Sainte affirme qu’« au commencement, Dieu créa
le ciel et la terre », de sorte que son action créatrice ne peut pas être réduite à un simple
faire, comme disent ceux qui pensent la création comme l’ordination d’une matière in-
forme. Par conséquent, bien que la seconde action puisse aussi être attribuée à la créa-
ture (mais pas dans le même sens qu’à Dieu), la première ne peut être dite que de Dieu,
parce que lui seul a tout fait à partir de rien.
Notons que l’argumentation est strictement théologique. Pas seulement parce qu’il
soutient sa position sur des autorités (Moïse, Augustin ou Beda dans ce cas), mais aussi
parce que son intention est de justifier ce que la révélation nous enseigne de facto. En ce
sens, le problème est clairement défini : puisqu’en fait aucune créature n’a créé, il ne se
pose pas de manière abstraite la question de la possibilité pour la créature d’avoir un
rôle ministériel dans la création. Par conséquent, la lecture de ce chapitre ne doit pas
nous amener à la conclusion que seul Dieu peut créer, mais tout simplement que lui seul
a créé. Cette formalité théologique dans l’argumentation est importante, car elle nous
aidera à comprendre après pourquoi la postulation d’un créateur créé est forcée par une
problématique « compétemment étrangère » à notre question.
16
PIERRE LOMBARD, Sententiae in IV libris distinctiae. Tomus I (editio tertia ad fidem
codicum antiquorum restituta), Grottaferrata (Romae), Collegi s. Bonaventurae ad Claras Aquas
(Quaracchi),1971, p. 330 [Sent., lib. II, dist. 1, cap. 2] : « creator enim est, qui de nihilo aliqua
facit, et creare proprie est de nihilo aliquid facere; facere vero, non modo de nihilo aliquid
operari, sed etiam de materia ». Cf. Paul PEARSON, Creation through intermediaries in Peter
Lombard and the Parisian masters prior to St. Thomas, Licentiate thesis, Toronto, Pontifical
Institute of Medieval Studies, 1986 (inédit), p. 9-19.
12
1.2.2. Causalité instrumentale : baptême et création
Jusqu’à présent, il n’y a pas de conflit avec ce qu’il a dit plus tôt au sujet de la créa-
tion. Le problème est que saint Augustin, dans son commentaire sur l’Evangile de saint
Jean, avait affirmé que le Christ conférait le ministère (ministerium) à ses apôtres, mais
qu’il s’était réservé le pouvoir (potestas) que, s’il le souhaitait, il aurait aussi pu leur
donner. Cette position modifiait le modèle causal « classique » que le Lombard avait
assumé ; et la Glossa ordinaria, compliquant davantage le problème, avait ajouté que
« si cette puissance pouvait être donnée à quelconque, il pourrait aussi être donné aux
créatures de créer, car ceci n’est pas une puissance plus grande que cela »18. Pour com-
17
Cf. Reginald M. LYNCH, The cleansing of the heart. The sacraments as instrumental caus-
es in the Thomistic tradition, Washington D.C., The Catholic University Press, 2017, p. 18-35.
18
PIERRE LOMBARD, Sententiae in IV libris distinctiae. Tomus II (editio tertia ad fidem co-
dicum antiquorum restituta), Grottaferrata (Romae), Collegi s. Bonaventurae ad Claras Aquas,
1981, p. 266.267 [Sent, lib. IV, dist. 5, cap. 2] : « Ministerium enim dedit Christus servis, sed
potestatem sibi retinuit. Quam, si vellet, poterat servis dare, ut servus daret baptismum suum
13
prendre cette note de la Glossa, il faut garder à l’esprit que l’œuvre de la création était
vue en parallèle strict avec l’œuvre de la rédemption (re-création), et puisque la pre-
mière avait été réalisée comme une production ex nihilo, ainsi de même pour la deu-
xième. En d’autres termes, l’apparition d’une qualité surnaturelle (la grâce) semblait
toujours impliquer une action proprement créative. C’est pourquoi est hypothétiquement
établie la possibilité qu’à la créature soit communiquée la puissance créatrice, puisqu’il
a été accepté que la communication du pouvoir sanctificateur peut lui être donné.
Ainsi, Dieu pourrait aussi créer par (per) quelqu’un une chose. Non pas par lui comme
auteur, mais comme ministre avec qui et dans qui il travaille, tout comme dans nos bonnes
œuvres il travaille et nous aussi. Non seulement lui, ni nous seuls, mais lui avec nous ; et
pourtant, dans ces œuvres nous sommes ses ministres, pas des auteurs19.
Forcé par cet argument d’autorité, le maître doit élargir son schéma causal. Ce qui
était communément accepté était de considérer l’agent principal divin comme la cause
qui donne la perfection ultime et l’agent secondaire comme une sorte d’avant-garde qui
arrange le terrain pour que le premier puisse agir (sans nécessairement introduire une
succession temporelle) ; la nouveauté qu’il introduit comme une simple possibilité est
une causalité qui fonctionne au sein de l’agent divin dans la causalité de quelque chose
qui la surpasse. Non pas qu’elle produise l’effet, mais qu’avec Dieu et en Dieu elle par-
ticipe directement à la production finale de la forme (et la comparaison avec la produc-
tion des bonnes œuvres est éloquente). Un étant fini ne peut jamais être auteur indépen-
tamquam vice sua […]. Si hanc potentiam alicui dare potuit, potuit ei dare creare creaturas, quia
non est hoc maioris potentiae quam illud ».
19
PIERRE LOMBARD, Sent, lib. IV, dist. 5, cap. 3 (p. 267) : « Ita etiam posset Deus per ali-
quem creare aliqua : non per eum tanquam auctorem, sed ministrum, um quo et in quo operare-
tur ; sicut bonis operibus nostris ipse operatur et nos : nec ipse tantum, nec nos tantum, sed ipse
nobiscum et in nobis ; et tamen in illis agendis ministri eius sumus, non sumus auctores ».
14
dant dans la production de quelque chose qui dépasse ses capacités, mais elle peut exer-
cer un certain ministère sanctifiant ou créatif, comme subordonné au pouvoir de Dieu.
Comme schéma, nous pourrions ainsi présenter la causalité efficace telle qu’elle est
conçue par le Lombard :
potestas auctoritatis
causa
efficiens attingit
effectum
ministerium
dispositive
Pour conclure cette présentation du problème chez Pierre Lombard, il faut noter deux
choses : premièrement, que l’évêque de Paris a accepté la possibilité d’une causalité
ministérielle qui participe à la production de la sanctification ou de la création, mais il
est loin de penser qu’en fait elle ait eu lieu. Il est clair que son argument se situe au ni-
veau théologique et que s’il a admis une telle possibilité, ce qui est exclusivement dû à
l’autorité d’Augustin. En fait, il termine de manière éloquente ce chapitre en disant : si
quis hoc melius aperire poterit, non invideo.
20
Cf. John GALLAGHER, Significando Causant. A study of sacramental efficiency, Fribourg,
The University Press, 1965, p. 137-145 ; Réginald GARRIGOU-LAGRANGE, De gratia. Commen-
tarius in Summam Theologicam s. Thomae Iª-IIae, q. 109-114, Torino, Berruti, 1947, p. 90-95.
15
1.3.Les maîtres parisiens
21
Cf. James A. WEISHEIPL, Friar Thomas d’Aquino. His life, thought and work, New York,
Doubleday & co., 1974, p. 74-75 ; Thimothy NOONE, « The originality of St. Thomas’s position
on the philosophers and creation », The Thomist 60/2 (1996), p. 275-300 ; Claire ANGOTTI,
« Les listes des opiniones Magistri Sententiarum quae communiter non tenentur : forme et us-
age dans la lectio des Sentences », dans : Philipp W. ROSEMANN (éd.), Mediaeval Commen-
taries on the Sentences of Peter Lombard 3, Leiden, Brill, 2015, p. 79-144.
22
BONAVENTURE, Opera Omnia 2: Commentaria in quatuor libros Sententiarum Magistri
Petri Lombardi: in secundum librum Sententiarum, Florentiae, Ad Claras Aquas (Quaracchi),
1885, p. 1016 [In II Sent., dubia circa literam Magistri 3] : « Aliud est de potestate baptizandi
interius, quam dixit; quod Deus potuit alii dare, et qnod creatura potuit suscipere; et similiter,
quod Deus potest potestatem creandi communicare et creare per creaturam tanquam per min-
istrum; et hoc dicit distinctione quinta ».
16
En effet, comme nous l’avons vu, il avait écrit principalement contre les postitions de
l’école de Chartres, « contaminées » par la lecture du Timée. Ce qui y était en jeu,
c’était le caractère unique du premier principe dont toutes les choses proviennent. C’est
pourquoi le maître introduit comme clé décisive pour répondre la distinction entre pro-
duire à partir de rien (creare) et de quelque chose de préexistant (facere). Mais au XIIIe
Bien que ce changement de perspective puisse déjà être vu chez des auteurs tels que
Guillaume d’Auxerre, Guillaume d’Auvergne et Alexandre de Hales23, chez saint Albert
le Grand (vers 1245-1249) nous pouvons trouver explicitement formulée l’opinion
commune des maîtres parisiens de l’époque contre ce qu’ils ont identifié avec la position
de Pierre Lombard : l’acte créatif n’appartient qu’à Dieu, car il s’identifie avec lui et,
par conséquent, ne peut jamais être communiqué aux créatures.
23
Cf. Paul PEARSON, Creation through intermediaries in Peter Lombard and the Parisian
masters prior to St. Thomas, p. 20-34.
17
le contexte théologique parisien il a pris une valeur indépendante, son traitement est
transféré à l’intérieur de la première distinction du livre II, où le thème de la création est
proprement abordé. De cette façon, la question est correctement placée dans son con-
texte naturel, sans éliminer la référence à celle-ci lorsqu’on parle du ministre du bap-
tême.
Dans cette ligne, la question que saint Albert se pose directement est : la création est-
elle communicable ? En faveur d’une réponse positive, il présente trois opinions24. La
première est d’ordre théologique (la même qui avait forcé une réponse atypique dans le
système causal du Lombard) ; la seconde, la même autorité du Lombard ; et la troisième
(et ici on découvre la nouveauté par rapport au Maître des Sentences), est l’opinion de
certains philosophes qui postulaient des créateurs créés. Il est très significatif que la
question de la justification en tant qu’œuvre majeure que la création reste à l’intérieur
du problème, parce que cette idée conditionnera en partie les modèles causaux
qu’Albert utilisera pour penser les solutions. Comme on peut le constater, le commen-
taire va au-delà du texte commenté en raison d’une éventuelle lecture néoplatonicienne
de celui-ci.
La réponse à la question est claire : la création n’appartient qu’à Dieu et saint Albert
offre deux raisons pour justifier son refus (que l’on trouvera chez d’autres maîtres pari-
siens et même dans la pensée de saint Thomas). Primo, tout étant qui n’est pas totale-
ment en acte ne peut produire que la forme dans le composé, c’est-à-dire, en supposant
une matière antérieure. Mais comme la création est une production ex nihilo, aucune
créature ne peut y participer. Secundo, et c’est un argument récurrent dans la polémique
anti-émanatiste, il montre la nécessité d’une puissance infinie pour surmonter la dis-
tance entre l’être et le néant. Mais comme aucune créature ne peut posséder une puis-
sance infinie, aucune créature ne peut causer quoi que ce soit en la produisant ex nihilo.
Dans ces deux arguments, nous ne trouvons pas une nouveauté argumentative radicale
par rapport à celle du Lombard ; en fait, le premier peut nous ramener à la distinction
entre créer et faire, et le second à l’identification que fait le Maître entre l’action divine
et l’essence divine.
24
Cf. ALBERT LE GRAND, Opera Omnia 27 : Comentarii in II Sententiarum, Paris, Vives,
1894, p. 20-21 [In II Sent., dist. 1, A, art. 8].
18
quoi ne peut-on pas lui communiquer la puissance créatrice ? Face à cette objection,
Pierre Lombard (dans son schéma causal élargi) admet la possibilité d’un créateur créé
(abusivement ainsi nommé), tandis que saint Albert le rejette simplement pour la con-
cession émanatiste qu’il impliquerait. Mais pour résoudre l’objection soulevée par la
Glossa, le théologien dominicain est obligé de préciser son modèle causal. Comme nous
l’avons souligné dans le point précédent (→1.2.2), le principe qui avait donné force à
cette objection était la conviction que la grâce était quelque chose de créée directement
par Dieu à partir de rien : « l’impie n’est fait pieux que par une créature créée ex nihilo,
à savoir, la grâce »25. Mais comme aucune créature ne peut rien produire ex nihilo, elle
ne peut pas non plus participer à la régénération intérieure des impies.
Il faut dire qu’une telle objection semble prouver que la capacité de justifier aurait pu être
communiquée à l´homme, mais ce n’est pas vrai : il aurait pu lui être communiqué que, grâce
à une activité de son pouvoir spirituel, il dispose pour la justification, tout comme les sacre-
25
ALBERT LE GRAND, Opera Omnia 29 : Comentarii in IV Sententiarum, Paris, Vives, 1894,
p. 109 [In IV Sent., dist., 5, B, art. 4 obj. 2] : « Non fit impius pius nisi aliqua creatura de nihilo
creata, scilicet gratia : cum igitur actus omnipotentiæ sit creare, ut in principio libri II Senten-
tiarum probatum est, non potuit hoc convenire alicui creaturæ : ergo non potuit communicare
potestatem illam ».
19
ments disposent [à la grâce]. Ainsi, il faut dire que le Maître dans les Sentences comprend
[qu’il s’agit] d’une coopération de disposition26.
Comme nous l’avons déjà indiqué, le Docteur séraphique (vers 1248) est très cons-
cient que dans le problème de la communicabilité du pouvoir créatif à une créature, il
s’écarte de l’enseignement du Lombard. Dans une ligne qui rappelle celle d’Alexandre
de Halès et avec des arguments similaires à ceux présentés par saint Albert (témoignage
qu’ils répondent à un problème commun), il nie simplement que la puissance créatrice
aurait pu être communiquée. Comme le théologien dominicain, saint Bonaventure veut
répondre aux postulats philosophiques propres à l’émanatisme néoplatonicien, mais il
est aussi conscient que le problème de la communication de la grâce sacramentelle a
offert un soutien à cette interprétation dès la concession du Maître. Sa réponse se situera
donc à deux niveaux différents. Lorsqu’il parle de la création dans le commentaire du
livre II, il abordera in recto l’unicité du premier principe et l’impossibilité d’un média-
teur dans la création. Nous avons vu que ce n’était pas l’intention première des Sen-
tences, mais la communis opinio avait fait de ce lieu la plateforme adéquate pour réfuter
l’émanatisme. Mais comme est encore présente « l’objection augustinienne », dans la
section sur le ministre des sacrements, il devra offrir un schéma causal qui satisfasse les
affirmations de l’évêque d’Hippone sans ouvrir la porte à l’erreur néoplatonienne.
Saint Bonaventure est très clair en affirmant que « prétendre que Dieu a produit des
choses par un agent est contraire à la vérité et à la foi » ; et peu après il ajoute que
« c’est tout à fait contraire à la raison, dans la mesure où l’on ne peut pas comprendre
comment un agent de puissance finie peut produire quelque chose à partir de rien, et je
ne crois pas non plus qu’aucun des philosophes ne soutiendrait cela »27. C’est pourquoi
il réfute l’erreur néoplatonicienne en l’assimilant à l’erreur du Timée, c’est-à-dire, qu’il
pense que les philosophes qui ont introduit des intermédiaires dans la création ne postu-
lent pas des médiateurs qui aient la puissance créatrice de manière absolue, mais qu’ils
26
Ibid., ad 1 (p. 110) : « Dicendum quod prima objecta videntur probare, quod potuit con-
ferre homini ut justificaret : et hoc non est verum : sed potuit conferre, ut operatione aliqua
potestatis spiritualis disponeret ad justificationem, sicut sacramentum operatur disponendo.
Unde dicendum ad prirnum, quod Magister in Littera intelligit de cooperatione dispositionis ».
27
BONAVENTURE, In II Sent., dist. 1, art. 1, q. 2 c (p. 29) : « Quod Deus produxerit res per
aliud agens, est contra veritatem et contra fidem […]. Et ponenti res omnes productas ex nihilo,
omnino est contra rationem, ita ut non possit capi, quomodo agens potentiae finitae aliquid ex
nihilo producat. Nec credo, aliquem philosophorum hoc posuisse ». Cf. Serafino GANGI DINO,
Il concetto di creazione in s. Bonaventura, Kefagrafica, Palermo, 1992, p. 45-59.
20
occupent une place dans la production ordonnée des étants. Pour le franciscain de
Bagnoregio, l’erreur de ces philosophes dépendait de leur conception de Dieu, qui étant
absolument simple, ne pouvait produire qu’une seule intelligence. De cette façon, les
médiateurs devaient recevoir un pouvoir créatif qui n’était pas autonome, mais indépen-
dant pour expliquer la multiplicité et la diversité de l’univers.
Dans la distinction 5 du livre IV, le Docteur séraphique s’interroge sur cette puis-
sance que, selon saint Augustin, Dieu aurait pu communiquer à l’homme, mais qu’il ne
lui a pas communiquée. Sa conclusion exprime l’essentiel de sa pensée : « le pouvoir
dont parle Augustin est un pouvoir de coopération, afin que l’homme puisse obtenir la
21
grâce pour le baptisé, non en la produisant, mais par son intercession »28. Suivant les
traces d’Alexandre de Hales, il distingue jusqu’à six pouvoirs différents : le premier ne
pouvait en aucun cas être communiqué a l’homme (potestas auctoritatis), quatre pou-
vaient lui être donnés, mais ne l’étaient pas (cooperationes, excellentiae, invocationis et
institutionis) et seul le dernier en fait lui a été communiqué (potestas ministerii). Outre
les nuances que chacun introduit, celui qui nous intéresse est le pouvoir de coopération,
puisqu’il semble refléter la causalité instrumentale dont parlait le Lombard :
Sur le pouvoir de coopération, il y a une controverse, parce que le Maître dit que cela
pouvait être donné, et pourtant, cette position est communément niée. Mais il semble
qu’Augustin dit la même chose, et il faut donc noter que l’on peut coopérer de deux ma-
nières : soit par la vraie efficacité, comme la nature coopère avec Dieu dans la production du
naturel et le libre arbitre avec la grâce [coopère] dans l’accomplissement de l’œuvre méri-
toire, soit par la disposition, comme l’homme coopère avec Dieu en ce qui concerne la grâce,
parce qu’il se dispose à elle. La première façon, quoi que dise le Maître, Dieu ne pouvait pas
la donner, parce que la créature n’en est pas capable, et Augustin ne doit pas non plus être
compris de cette manière, car, comme il a été traité ailleurs, donner la grâce est d’une puis-
sance infinie et d’une puissance supérieure à l’esprit humain, qui se trouve immédiatement
en Dieu. La seconde voie pourrait être donnée pour que l’homme puisse obtenir la grâce
pour le baptisé selon un acte intérieur ; non pas en produisant la grâce, mais en la deman-
dant29.
Le choix des exemples n’est pas une coïncidence : la coopération par mode
d’efficacité est possible tant qu’il y a une proportion entre l’effet et la cause immédiate.
En ce sens, la cause intramondaine produit réellement son effet, mais toujours en dé-
28
BONAVENTURE, Opera Omnia 4 : Commentaria in quatuor libros Sententiarum Magistri
Petri Lombardi: in quartum librum Sententiarum, Ad Claras Aquas, Quaracchi, 1889, p. 128 [In
IV Sent., dist. 5, art. 3, q. 1, c] : « Potestas de qua loquitur Augustinus est potestas cooperationis
talis, ut homo non efficiendo, sed impetrando baptizato gratiam obtineat ».
29
BONAVENTURE, In IV Sent., dist. 5, art. 3, q. 1, c (p. 128) : « De potestate vero
cooperationis controversia est, quia Magister dicit, quod illam dare potuit ; hoc tamen
communiter negatur. Se quia Augustinus videtur hoc dicere, propter hoc notandum, quod
cooperari alii est dupliciter : vel per modum vere efficientis, sicut natura cooperatur Deo in
productione naturalium, et liberum arbitrium gratiae in faciendo opus meritorium; secundo vero
per modum disponentis, sicut cooperatur homo Deo quantum ad gratiam, quia se disponit.
Primo modo, quidquid videatur dicere Magiser, Deus dare non potuit, quia creatura capaz non
fuit ; nechoc modo intellexit Augustinus. Sicut enim t[r]actum fuit in primo libro, distinctione
decima quarta, et per obiectiones ostensum, dare gratiam est potentiae infinitae et potentiae
supra mentem humana, quae immediate est in Deum. Secundo vero modo dare potuit, ut homo
secundum actum interiorem baptizato gratiam obtineret, non gratiam efficiendo, sed ipsam
impetrando ». (Nous soulignons).
22
pendance de la cause première. Mais lorsque l’effet est au-delà de la causalité finie
(produire la grâce ou produire un étant ex nihilo), alors la causalité de la créature ne
peut pas participer à la causalité divine, car elle la dépasse infiniment. Pourtant, saint
Bonaventure accepte une coopération dans la production, mais c’est une coopération
purement dispositive, et en cela il est explicite en indiquant qu’elle doit rester comme la
seule coopération possible en dépit de ce que Pierre Lombard aurait pu défendre.
Mais à la fin de cette analyse, nous pouvons nous demander : la lecture des maîtres
parisiens correspond-elle à ce qui est enseigné dans le texte des Sentences ? Leur rejet
de la participation dans la causalité créative dépend de l’identification qu’ils font entre
un créateur créé et un instrument créateur. Cette identification, cependant, n’est pas
exacte dans la pensée du Lombard. La nouveauté et le problème qu’il avait introduit
dans les Sentences consistait en une causalité qui, recevant toute son efficacité de la
cause première, participait cependant à la production finale d’une forme qui dépassait sa
capacité. Plus précisément, le Maître postulait comme possibilité que la créature soit
vraiment efficace dans l’ordre de la grâce, de sorte que son action ministérielle ne soit
pas réduite à la pure disposition du sujet. Le problème est que cela impliquait
l’acceptation d’une position insoutenable pour la foi et la raison : la créature serait aussi
capable de produire un étant à partir de rien.
Cette seconde implication, sans rapport avec le problème posé par saint Augustin, fut
ce qui conditionnait la lecture parisienne du Lombard : son élargissement causal devait
être rejeté si on le considérait formellement, parce que la créature ne pouvait jamais
produire quoi que ce soit au-delà de sa limite, bien qu’on puisse l’interpréter correcte-
ment (et donc l’accepter), si on le lisait à partir du schéma de la causalité dispositive-
23
perfective. Mais cette solution soulève à son tour d’autres difficultés dans la théorie
sacramentelle : si la causalité du ministre est purement dispositive, dans quel sens peut-
on dire que les sacrements causent la grâce ? Bien qu’elle ne fasse pas partie de
l’objectif premier de ce travail, cette question théologique joue un rôle important dans la
compréhension de la causalité des créatures, et en fait ce sera l’occasion pour saint
Thomas de préciser comment l’activité divine et l’activité créée sont combinées dans la
production d’effets au-delà des capacités de l’étant fini.
En fin de compte, ce qui a généré la divergence des positions, c’est l’hypothèse in-
contestée que la production de la grâce est parallèle à la création d’un étant. Mais une
telle identification est-elle valide ? En d’autres termes, si la communication de la grâce
diffère de la communication de l’être, qu’est-ce qui nous empêche de penser une colla-
boration dans le premier cas sans l’accepter dans le second ? Ce qui est intéressant de
noter à la fin de cette brève étude des maîtres parisiens en relation avec le Lombard,
c’est que chez saint Thomas nous verrons les contributions des deux autres médiévaux
d’une manière synthétique : du premier il tirera son « intuition » à propos la causalité
sacramentelle qui, dans sa maturité, lui permettra de la postuler comme un cas différent
de la causalité créatrice. Et des seconds auteurs il tirera des arguments contre la possibi-
lité pour la créature de recevoir un pouvoir de créer. A la fin, l’enjeu de ce double thème
est de savoir comment comprendre la causalité divine, comment comprendre la causalité
de la créature et comment (et dans quelle mesure) cette dernière peut être élevée par
l’action de Dieu.
24
pique de l’époque : la production de la grâce et de la création n’appartient qu’à la causa-
lité exclusive de Dieu.
Sur un plan spéculatif, il y a plusieurs problèmes qui apparaissent dans cette brève
récapitulation. Nous aimerions en signaler deux qui seront présents dans la solution de
saint Thomas (bien que pour cet essai nous ne sommes directement concernés que par le
second). En premier lieu, avant même d’entrer dans le problème de la causalité créa-
trice, apparaît la relation de Dieu avec la création ou comment elle peut émaner de lui
sans être confondue avec l’essence divine : il est difficile de justifier la multiplicité et la
différence dans un système où le premier principe est essentiellement la cause des autres
choses. Deuxièmement, il y a le problème que nous aborderons directement dans ce
travail, qui consiste à la participation de la créature à la causalité divine ; un problème
difficile à résoudre si les notions de grâce ou d’objet propres à la création ne sont pas
préalablement clarifiées. En effet, tant chez les maîtres parisiens comme chez le Lom-
bard, c’est le manque de précision des termes qui a conditionné leur solution : si la créa-
tion est comparable à la production de la grâce, soit les sacrements ne sont pas vraiment
des causes, soit la créature peut participer à la création. Saint Thomas, comme nous le
verrons, devra clarifier la notion de création, la relation entre la cause première et la
seconde, et celle de cause principale et de cause instrumentale.
25
B IB LIO GR AP H IE
THOMAS D’AQUIN, Summa Contra Gentiles. Opera omnia iussu impensaque Leonis
XIII edita t. 13, Roma, Typographia Poliglotta S.C. de Propaganda Fide, 1918. Dans les
citations est également mis la référence du Liber de Veritate Catholicae Fidei contra
errores infidelium seu “Summa contra Gentiles”, C. PERA (éd.), t. II-III, Turin, Mariet-
ti, 1961. [SCG]
THOMAS D’AQUIN, Summa Theologiae. Opera omnia iussu impensaque Leonis XIII
P. M. edita t. 4-5, Romae, Typographia Poliglotta S.C. de Propaganda Fide, 1888.1889.
[Sum. theol. ; I = Prima pars…]
THOMAS D’AQUIN, Super librum De Causis expositio, Henri D. SAFFREY (éd.), Fri-
bourg [Suisse]-Louvain, Société Philosophique-Nauwelaerts, 1954.
En plus des travaux mentionnés ici, nous avons utilisé les traductions de la page doc-
teurangelique.free.fr, bien que nous ayons librement modifié les traductions lorsque
nous l’avons jugé nécessaire.
THOMAS D’AQUIN, Somme contre les Gentiles. Livre sur la vérité de la foi catholique
contre les erreurs des infidèles, Traduction inédite, avec introductions, notes et index
par V. Aubin, C. Michon, D. Moreau, 4 vols., Paris, Garnier-Flamarion, 1999.
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T AB LE U DE M A TIE R ES
I NT R O D U C T I O N .............................................................................. 1
C H A PI T R E 1 : L E C O N T E XT E HI S T O RI C O - DO CT RI N AL ........................ 3
C H A PI T R E 2 : A N A L Y S E D E S T E XT E S ............................................... 27
C O NC L U S I ON .............................................................................. 103
B I B L I OG R A P HI E .......................................................................... 107
126