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Gérard GRIG
Master 1 Philosophie 14/04/2020
Par une chaîne continue qui va d'Al-Kindī (IXème siècle), « premier philosophe des
Arabes », à Ibn Rushd, dit Averroès (XIIème siècle), les philosophes gréco-arabes ont
œuvré à la transmission de la pensée et de la science de l’Antiquité. Nous trouverons
donc des similitudes entre leurs œuvres et celles des penseurs médiévaux de
l’Occident. Au XIIIème siècle, on le voit chez Thomas d’Aquin, qui a tiré un grand
bénéfice des traductions et des commentaires d’Aristote par Al-Fārābī (IXème-Xème
siècles), en ce qui concerne les notions de loi naturelle et de loi révélée. Il importera
donc de démêler l’intrication de ces deux notions dans la pensée de ce faylasūf
persan de langue arabe, qui avait assimilé l'héritage de la philosophie grecque
d'Alexandrie, la falsafa. Pour Al-Fārābī, qui tentait de concilier Aristote et Platon dans
une synthèse plotinienne incluant le projet d’une Cité Vertueuse, si la religion a la
même fin que la philosophie, alors la loi révélée et la loi naturelle ne sont-elles pas
analogues ? Mais quels seraient les fondements de cette analogie ? Ainsi, pour Al-
Fārābī, la loi révélée, qui dit l’ordre de l’univers, est analogue à la loi naturelle en tant
que loi morale connue par la raison (I). Néanmoins, l’idéal d’un gouvernement
politique dépasse toute forme de loi (II). En vérité, dans la pensée gréco-arabe, il n’y
a pas d’opposition entre la Raison et la Foi (III).
I) Pour Al-Fārābī, la loi révélée, qui dit l’ordre de l’univers, est analogue à
la loi naturelle en tant que loi morale connue par la raison.
Puisque la loi est fondée sur la raison, plus que sur la volonté, Al-
Fārābī lie le souverain bien à un « bien réfléchir » aux fins dernières
de l’homme, à la suite d’Aristote, et comme Thomas d’Aquin.
Pour cela, Al-Fārābī associe la prudence du Livre VI de l’Éthique à
Nicomaque au concept d’intellection des Seconds Analytiques.
Chez Al-Kindī, la foi joue un rôle au moins égal celui de la raison, dans
la progression de l’âme vers le monde supérieur de la connaissance.
Au contraire, pour Al-Fārābī, la raison suffit à connaître la loi
naturelle, sans la révélation, mais celle-ci peut lui servir d’auxiliaire
par le pouvoir de l’imagination.
Avec des degrés divers, dans la falsafa, la Révélation est toujours
soumise au contrôle de la Raison.
Au XIIème siècle, Averroès remettra davantage l’accent sur les
analogies entre les différents ordres de lois. Pour lui, il est permis
d’interpréter et de confirmer la révélation religieuse au moyen de la
philosophie. Inversement, la loi religieuse recommande en principe
l’étude de l’univers au moyen de la raison.
C’est dans cette optique que seront définis les buts et moyens du
gouvernement, qui sont les principes universels de la philosophie
politique. La volonté du législateur intervient donc, mais pour créer
et entretenir un idéal éthico-politique, qui a pour but d’assurer le
salut de l’homme, ici-bas comme au-delà.
Cet idéal inouï transcende aussi bien la loi humaine, qui traduit les
intérêts terrestres de l’homme, que la loi divine, qui concerne les
intérêts de l’homme dans l’au-delà.
L’application des lois naturelles à des cas particuliers produit les lois
humaines du droit positif, mais la théologie scolastique musulmane
du kalām voudrait produire ces mêmes règles de droit civique en
s’appuyant sur la loi révélée, sans suivre la voie de la raison
discursive des falāsifa, mais tout en lui empruntant un mode
d’argumentation intellectuelle.
Ainsi, dans son Court Traité sur les méthodes de raisonnement des
théologiens, Al-Fārābī défend l’utilité de la logique comme
grammaire universelle. Il démontre que les raisonnements mis en
œuvre dans la jurisprudence et la théologie suivent eux aussi une
forme logique.
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Au programme de l’Agrégation de Philosophie de 2020.
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