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Chapitre 7 p.

206 à 235

Groupes et réseaux sociaux

I. PRÉSENTATION

Ce chapitre constitue l’une des nouveautés du programme par rapport à l’ancien. Il vise à initier les élèves
à la théorie des groupes et à la sociologie des réseaux.
• La théorie des groupes est particulièrement utile pour identifier l’existence de groupes différenciés
(« Comment les individus s’associent-ils pour constituer des groupes sociaux ? », dossier1) – ce qui
constituera une base pour étudier les classes sociales en Terminale (d’où une référence aux classes sociales
dans le « Vers le bac » p. 234) – et pour expliquer comportements individuels et dynamiques de groupes.
• Il ne s’agit pas, en effet, de se contenter d’une présentation simple des « petits groupes », mais bien
d’aborder le rôle de ceux-ci dans la mobilisation et la dynamique sociale (« Comment la taille des groupes
influe-t-elle sur leur mode de fonctionnement et leur capacité d’action ? », dossier 2).
• Le dernier dossier (« Comment les réseaux sociaux fonctionnent-ils ? », dossier 3) traite des
réseaux sociaux : ceux-ci, en sociologie, ne renvoient pas à ce que l’on appelle aujourd’hui les « réseaux
sociaux numériques » (Facebook, MySpace, LinkedIn, etc.) mais à une théorie qui vise à expliquer les
comportements et les phénomènes sociaux par l’étude des relations qui se tissent entre les individus et la
façon dont ces relations s’organisent. Il s’agit particulièrement ici de montrer aux élèves comment cette
approche permet une meilleure compréhension du fonctionnement du marché du travail (le programme
fait en effet référence à la « force des liens faibles » de Mark Granovetter qui concerne cette problématique).
Cette sociologie permet de construire un regard critique sur de nombreux phénomènes économiques.

II. RÉPONSES AUX QUESTIONS

Pages d’ouverture du chapitre p. 206-207

L’objectif de ces deux pages est de faire prendre conscience aux élèves de la diversité des façons de s’associer :
groupes, catégories, agrégats physiques comme le fait d’attendre ensemble le bus, etc.
La référence aux « réseaux sociaux comme Facebook » doit bien être comprise dans ce sens : la question
vise à s’interroger sur les formes de sociabilité. La conception sociologique des réseaux sociaux ne se limite
pas à cette forme particulière de sociabilité : en sociologie, les réseaux sociaux sont une manière de voir et
d’expliquer les comportements et les phénomènes sociaux, et non pas un objet particulier.
• Deux personnes forment-elles un groupe ?
Pour deux personnes, on parlera de relation : un groupe commence réellement à partir de trois individus, car
les relations peuvent alors se structurer de façons différentes.
• Suffit-il d’être plusieurs pour constituer un groupe ?
Il ne suffit pas d’être plusieurs pour former un groupe : la foule d’un grand magasin ne constitue pas un
groupe, mais un simple agrégat physique. Il lui manque les relations qui permettraient aux individus d’agir
en fonction de ce groupe.
• Dans un réseau social comme Facebook, les relations sont-elles les mêmes qu’ailleurs ?
Les relations sont différentes sur les réseaux sociaux numériques : elles peuvent être plus éloignées, plus
distantes, moins intimes. Cela souligne qu’il y a plusieurs formes de sociabilité.

chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux 113


Dossier 1. Comment les individus s’associent-ils pour constituer des groupes ? p. 208-214

➜ Mise en œuvre dans le manuel


Le programme officiel
2.1. Comment les individus s’associent-ils pour Ce premier dossier vise à présenter les éléments clés de
constituer des groupes sociaux ? la théorie des groupes et leur utilité pour l’étude de la
On distinguera les groupes sociaux, caractérisés par société contemporaine. Le verbe « associer » utilisé dans
l’existence d’interactions (directes ou indirectes) entre le titre ne signifie pas que l’on s’intéresse seulement à
leurs membres et la conscience d’une appartenance l’association volontaire entre les individus (de type contrats,
commune (familles, collectifs de travail, associations…), associations, etc.) : dans une perspective initiée aussi bien
des simples agrégats physiques (par exemple une file par Durkheim que par Simmel, il s’agit d’étudier comment
d’attente ou le public d’un spectacle) ou de catégories les individus en viennent à être « associés », c’est-à-dire
statistiques (PCS, groupes d’âge…). On montrera que se trouvent, parfois involontairement, liés entre eux
les groupes sociaux se différencient en fonction de leur (A. Groupes et catégories sociales).
taille, de leur rôle, de leur mode de fonctionnement et La diversité des groupes a une influence sur leur mode
de leur degré de cohésion. On évoquera les situations de fonctionnement (B. La diversité des groupes : groupes
où les individus prennent comme référence un autre primaires, groupes secondaires) et l’individu peut appartenir à
groupe que celui auquel ils appartiennent. plusieurs groupes (C. L’individu appartient à plusieurs groupes).
Ce dossier invite aussi à souligner l’intérêt des outils d’enquête
Notions clés : • groupes primaire / secondaire auprès des élèves : d’où son point de départ par une petite
• groupes d’appartenance / de référence enquête portant sur la classe. On peut le compléter par
le TD « Comment un groupe social se forme-t-il ? » axé sur
l’enquête de terrain.

Page découverte : « Ma classe : • Représentez les réponses des élèves sous forme de
schéma.
enquête au cœur d’un groupe social » p. 208
On pourra construire un schéma de ce type :

Cet exercice vise d’abord à amener les élèves à s’interroger


sur la façon de mener une enquête : il n’est pas forcément
utile que celle-ci ait effectivement lieu, c’est la démarche
préalable qui est ici intéressante. L’essentiel est que les élèves
formulent des catégories de classement (« Qui est là ? »), des
groupes (« Qui est avec qui ? ») et qu’ils s’interrogent sur la
façon dont les groupes interviennent dans le comportement
des individus (« Moi et le groupe »). C’est cette énigme que
le chapitre va permettre de résoudre.

• Quelles questions allez-vous poser ? On y voit clairement apparaître deux groupes où tous les
On pourra poser des questions du type : « Êtes-vous un individus se sont nommés entre eux (on parle de « cliques »
homme ou une femme ? », « Quel âge avez-vous ? », « Quelle dans le langage des réseaux).
est la profession de vos parents ? », « Où habitez-vous ? », etc.
Toute question qui permet d’approcher l’identité sociale • Comment la classe où vous vous trouvez peut-elle
des personnes. affecter votre comportement dans différents domaines :
scolaire, vestimentaire, loisirs, etc. ?
• Quelles catégories allez-vous utiliser ? La classe peut affecter le comportement d’un individu de
Les critères que l’on peut utiliser sont ceux qui définissent le différentes manières : notamment par le contrôle qu’elle
plus couramment les identités dans les sociétés contempo- exerce (par exemple en matière vestimentaire), les opportu-
raines : la profession (des parents), l’âge, le sexe / genre, etc. nités auxquelles elle donne accès (par exemple la possibilité
d’être aidé dans telle ou telle matière).
• Quelles questions pourriez-vous poser aux élèves pour
mesurer ces affinités et ces groupes ?
Pour savoir « Qui est avec qui ? », il faut poser des questions
de type « générateur de nom » : « Qui sont tes deux meilleurs A. Groupes et catégories sociales p. 209-210
amis ? », « Choisis deux personnes à côté de qui tu aimerais
être assis en cours », « Cite deux personnes que tu vois Document 1 : Qu’est-ce qu’un groupe social ?
au moins une fois par semaine en dehors du lycée », etc. 1. Observation des trois photographies :
Ces questions permettent de mesurer les relations entre – Les individus rassemblés sur le quai ont en commun
individus et de reconstituer leurs réseaux sociaux. d’attendre le tram.

114 chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux


– Les punks ont en commun un même goût et une même donc le conflit qui crée et permet à un groupe plus impor-
pratique musicale et vestimentaire (et donc des codes tant d’avoir une existence réelle.
communs voire une culture commune). 3. On peut penser aux « unions sacrées » pendant les guerres.
– Les membres de l’entreprise sont, eux, liés par un but
commun et des règles extérieures (celles de l’entreprise).
FAIRE LE POINT
2. Le premier se différencie des deux autres par l’absence de
• Une bande d’amis : c’est un groupe, les individus étant en
relations. C’est un agrégat physique et non un groupe. Les
relation entre eux et s’identifiant comme tels.
punks présentent un groupe qui n’a pas de but particulier,
• Les personnes qui portent des lunettes : c’est une catégorie,
tandis que les membres de l’entreprise sont liés par un but
une simple collection d’individus.
commun.
• Les ouvriers : c’est à la fois une catégorie (utilisée pour
des fins statistiques par exemple) et un groupe qui peut
Document 2 : Comment définir les groupes sociaux ?
se mobiliser à certains moments parce que les ouvriers se
1. C’est possible, mais ce n’est ni une condition suffisante
vivent comme tels.
ni même une condition nécessaire : deux groupes peuvent • Les femmes : c’est à la fois une catégorie statistique et un
se représenter comme très différents alors qu’ils ne le sont groupe puisque les femmes peuvent se sentir des points
pas ; des individus peuvent aussi avoir des caractéristiques communs vis-à-vis de leur condition par rapport à celle des
différentes mais ne pas en tenir compte pour former des hommes.
groupes.
2. La phrase a un double sens. D’une part, sur un plan so-
ciologique, on peut considérer qu’il y a deux groupes parce
que chacun se considère comme différent de l’autre : c’est B. La diversité des groupes :
donc en fonction de cette appartenance que les indivi- groupes primaires,
dus vont orienter leur comportement et leur relation (par groupes secondaires p. 211-212
exemple, en considérant qu’il faut s’adresser aux membres
de l’autre groupe d’une façon particulière). D’autre part,
les différences effectives entre les groupes vont naître et se Document 5 : La taille des groupes
maintenir parce que les groupes eux-mêmes vont les pro- 1. Les groupes restreints et les grands groupes se distinguent
duire et les défendre, en évitant par exemple les relations et à la fois par le nombre d’individus qu’ils impliquent et la
les mariages « mixtes ». Les différences entre les groupes vont façon dont les relations s’organisent en leur sein.
donc naître de la différenciation préalable dans les esprits. 2. Les rapports dans un groupe d’amis ne sont pas les mêmes
3. L’existence des groupes va reposer sur leur intériorisation qu’entre l’ensemble des élèves du lycée : elles peuvent être
par les individus : autrement dit, si celle-ci fait partie de leur intimes dans le premier cas, tandis qu’elles se feront avec
socialisation. beaucoup plus de distance à l’échelle du groupe plus large.
3. Entre le juge, l’avocat, l’accusé et le procureur, il se joue
Document 3 : De la catégorie au groupe : des relations qui sont plus de l’ordre de l’intime, c’est-à-
quand nommer c’est créer dire où les individus en présence comptent. Le juge ne fait
1. À l’origine, les cadres ne formaient qu’une catégorie pas qu’appliquer froidement les règles du droit : il peut être
statistique parce qu’ils n’étaient qu’une collection d’indivi- influencé par la façon de parler de l’avocat ou l’attitude
dus regroupés par l’INSEE : ils ne se reconnaissaient pas de l’accusé. On a donc des phénomènes plus proches des
comme membres d’un même ensemble. groupes restreints qui se jouent entre des individus dont
2. Si, aujourd’hui, les cadres forment un groupe social, on pourrait penser qu’ils ne font qu’appartenir à un grand
c’est précisément parce que les individus se reconnaissent groupe (celui de la justice).
désormais comme cadres et se définissent eux-mêmes
comme tels. Document 6 : Groupes primaires
3. La première condition d’apparition du groupe a été que et groupes secondaires
celui-ci ait un nom, qui est venu des statistiques produites 1. Les groupes sont distingués en fonction de la forme de
par l’INSEE. Il y a ensuite eu un « travail symbolique » leurs relations (directes, indirectes, intimes, impersonnelles)
par les syndicats, la presse et les écoles : ceux-ci ont utilisé et de leur orientation (but précis ou non).
le terme, l’ont attribué à certains individus et l’ont donc 2. Ces groupes n’ont pas la même taille : les groupes
diffusé et rendu évident pour tous. primaires sont nécessairement de petite taille, sans quoi
4. « Quand nommer, c’est créer » : le document souligne il est difficile que toutes les relations y soient directes et
que l’élément essentiel qui a pu déclencher l’émergence fortement intimes. De même, ce seront des groupes plus
des cadres comme groupe social est le fait qu’ils aient été durables que ceux qui s’appuient sur des relations indirectes
nommés comme tel. et faiblement intimes, plus fragiles (on peut échapper plus
facilement à un club sportif ou à une entreprise qu’à une
Document 4 : Les relations entre les groupes famille).
1. Sur la photo, on voit apparaître différents syndicats : 3. Un groupe primaire se caractérise par des relations
CFDT, CFTC, CGT, FO, FSU, etc. On trouve donc des intimes et l’absence de but précis : il sera le plus souvent de
salariés du privé et du public. Tous s’identifient au groupe petite taille et assez durable. Un groupe secondaire connaîtra
général des salariés. au contraire des relations impersonnelles et faiblement
2. Ces syndicats et groupes s’unissent pour faire face à un intimes, souvent définies par des règles extérieures. Sa taille
adversaire commun : les « responsables » de la « crise ». C’est pourra être plus grande que pour un groupe primaire.

chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux 115


4. Les groupes primaires sont : une famille, un groupe Document 10 : Groupes d’appartenance et de référence
d’amis. Les groupes secondaires sont : un club de sport, 1. Le groupe d’appartenance des élèves est bien sûr celui des
une classe dans un lycée, les membres d’une église ou d’une « élèves » ou du « lycée ». Ce n’est pas forcément l’identité,
communauté religieuse, les Français. ou la seule identité, qu’ils se donnent : ils peuvent se dire
garçon ou fille, jeune, etc.
Document 7 : Des relations directes ou indirectes 2. Un individu peut avoir un groupe de référence différent
1. Il existe entre Marie-Ange et Nicolas des liens d’abord du groupe d’appartenance parce qu’il appartient toujours à
économiques : par ses dépenses, Marie-Ange contribue au plusieurs groupes : en fonction des moments, il peut passer
salaire de la concubine de Nicolas, elle profite également de l’un à l’autre. Cela devient visible lorsqu’il souhaite
du service d’éducation fourni par l’emploi de Nicolas. À rejoindre un groupe plus valorisé que celui dans lequel il se
ces liens se rajoutent des liens organisés par la solidarité trouve actuellement.
nationale : cotisations, assurances, etc. 3. Le groupe d’appartenance est celui qui règle à un moment
2. On peut avancer que Marie-Ange et Nicolas appartien- donné le rôle de l’individu, c’est-à-dire le comportement
nent à un groupe secondaire qui est celui des Français. attendu par les autres. Le groupe de référence est celui sur
3. Le partage d’une culture et de références communes lequel l’individu cale effectivement son comportement, de
pourrait amener ces individus à se sentir appartenir au façon subjective.
même groupe. 4. La frustration relative se définit comme le sentiment de
tension qui émerge lorsque le groupe d’appartenance est
Document 8 : Nous et les autres durablement différent de celui de référence.
1. Les groupes sociaux servent à organiser la perception que
l’on a du monde : ils nous confèrent une identité (« nous ») Document 11 : Les scénarios de la frustration relative
et nous donnent des repères sur les « autres ». Ces repères 1. Sur le graphique, l’augmentation de la frustration peut
peuvent cependant être très erronés. s’expliquer par l’élévation des attentes du groupe d’une part
2. Certains des groupes cités renvoient à des dimensions
et par la dégradation de sa situation d’autre part.
professionnelles, d’autres à des dimensions ethniques ou 2. Dans les deux cas, il peut y avoir frustration : si les
nationales. attentes du groupe restent les mêmes, il suffit que sa
3. D’après le texte, on peut se voir attribuer par les autres
situation se dégrade ; si sa situation reste la même, il suffit
une étiquette, c’est-à-dire une appartenance à un groupe que ses attentes s’élèvent.
que l’on n’a pas choisi et qui nous est imposé par les
comportements des autres.

FAIRE LE POINT « Valeur » que se prête


le groupe
1. a. Faux ; b. Faux ; c. Faux ; d. Vrai
2. On peut faire partie du même groupe qu’une personne
pe
que l’on n’a jamais rencontrée si celle-ci se sent appartenir du grou
Attente Frustration
au même groupe que nous : tous les « gothiques » ne se pe
rçue pa r le grou
connaissent pas, mais ils se sentent tous appartenir au Situation pe
même groupe, ce qui facilite leurs relations s’ils viennent
à se rencontrer. 0
Évolution dans le temps

C. L’individu appartient
« Valeur » que se prête
à plusieurs groupes p. 213-214 le groupe

Document 9 : La diversité des appartenances Attente du groupe Frustration


1. Noureddine s’identifie à la fois au groupe des Français et
à celui des Marocains. Les deux ne sont pas contradictoires : Situation perçue par le groupe
on appartient toujours à plusieurs groupes.
0
2. Le sentiment d’appartenance à la France découle de Évolution dans le temps
sa vie en France, de son passage par l’école, etc. Le fait
qu’il se considère également comme Marocain provient
visiblement de son expérience quotidienne en France 3. Les jeunes de « Génération précaire » s’identifient au
puisqu’il dit « ne pas avoir une tête de Français » et semble groupe des salariés et des travailleurs. Or ils n’ont pas le
opposer « musulman » et « français » : on peut donc penser sentiment d’être traités comme tels (l’expression « sans
que cela provient à la fois de représentations politiques contrat, sans salaire, sans droit » dénonce la situation des
et médiatiques qui tracent de telles frontières et d’une stagiaires et des jeunes sur le marché du travail). Cette
expérience plus quotidienne du questionnement quant à situation de frustration relative naît de la dégradation de la
ses origines (« Tu viens d’où ? »). situation des jeunes sur le marché du travail.

116 chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux


4. Les jeunes émeutiers sont également en situation de à tenir. Il peut cependant arriver que le comportement de
frustration relative : ils désirent une meilleure situation que l’individu soit guidé par un autre groupe que celui dans
celle de leurs parents ouvriers et immigrés et ne peuvent lequel il se trouve, s’il s’identifie à un autre groupe : c’est
l’obtenir. L’élévation de leurs attentes jointe à une situation le cas du lycéen qui, se rêvant chanteur de rock, va agir
économique difficile crée des tensions qui se manifestent comme tel. Groupe de référence et groupe d’appartenance
dans la violence. ne coïncident pas toujours. Si une telle situation est subie,
c’est-à-dire si l’individu n’occupe pas la place à laquelle il
FAIRE LE POINT estime avoir droit, la frustration relative peut le conduire à
Un individu agit généralement en fonction du groupe la mobilisation, voire à la violence.
auquel il appartient : celui-ci lui indique en effet un rôle

Dossier 2. Comment la taille des groupes influe-t-elle sur leur mode


de fonctionnement et leur capacité d’action ? p. 215-220

➜ Mise en œuvre dans le manuel


Le programme officiel
Ce second dossier invite à aborder la sociologie de la
2.2. Comment la taille des groupes influe-t-elle sur leur
mobilisation et des mouvements sociaux. La question est
mode de fonctionnement et leur capacité d’action ?
la suivante : la mobilisation d’un petit groupe ne pose
On montrera que les modes de relations interpersonnelles
généralement pas de problèmes majeurs (du fait des
au sein d’un groupe de petite taille sont fondamentalement
relations fortes et de la surveillance de tous sur chacun), mais
différents des modes de relations impersonnelles dans les
celle de grands groupes est a priori plus difficile ; pourtant
grands groupes.
elle a lieu. Alors comment l’expliquer ? C’est le choix qui a
On s’interrogera sur les effets d’une augmentation de la
été fait ici de se concentrer sur les grands groupes. Après un
taille d’un groupe sur son mode d’organisation et sa capa-
exercice de sensibilisation proche des élèves, les documents
cité à se mobiliser pour promouvoir les intérêts de ses
portent sur divers exemples concrets d’action collective
membres (associations, syndicats, partis politiques).
(A. L’action collective), de mobilisation (B. La mobilisation),
qu’il s’agit d’étudier à l’aide des outils nouveaux et
Notions clés : • groupe d’intérêt • passager clandestin
précédemment acquis. Le dossier se termine sur la question
• incitations sélectives
des coalisations (C. Les coalitions : deux contre un).

Page découverte : plus une confrontation à deux, mais à trois. De ce fait,


l’objectif n’est plus de convaincre l’adversaire mais de rallier
« La fièvre du samedi soir » p. 215
le troisième à sa cause.
La petite histoire racontée dans cette introduction doit servir • Qu’allez-vous faire pour parvenir à imposer votre avis ?
aux élèves à formuler la question suivante : quels problèmes Pour parvenir à imposer son avis, il faut soit réussir à s’allier
la mobilisation de grands groupes pose-t-elle ? On met ici avec la majorité du groupe, soit obtenir une position de
l’accent sur les difficultés de coordination, de définition leader, ce qui implique d’occuper une position suffisamment
d’un objectif, d’organisation, etc. La suite du dossier visera centrale pour faire le lien entre les différentes parties.
à reformuler ces problèmes dans le cadre d’une analyse de
l’action collective et de la mobilisation. On pourra donc
faire référence à cette première expérience au fur et à mesure
pour amener les élèves à mobiliser les notions qu’ils auront A. L’action collective p. 216
acquises (comme « passagers clandestins » ou « incitations
sélectives ») sur cette situation particulière. Document 1 : Agir ensemble : l’exemple des « mondes
de l’art »
• Comment allez-vous vous décider ?
1. Pour produire un film, il a fallu inventer les techniques
À deux, l’accord peut se faire simplement par la discussion :
de capture d’images, fabriquer les caméras, les décors, les
il faut, de toutes façons, qu’il y en ait un qui « cède ».
costumes, rassembler des investisseurs, un réalisateur, des
• Comment allez-vous vous décider ? Qu’est-ce qui a acteurs, du personnel technique, transporter hommes et
changé par rapport à la situation précédente ? machines sur les lieux de tournage, pour lesquels il aura
Chacun va probablement essayer de convaincre Riton de peut-être fallu obtenir des autorisations… Il faudra aussi
se joindre à son avis pour faire triompher son point de vue. assurer la promotion du film, sa distribution, la vente des
Ce qui a changé, c’est le type de confrontation : ce n’est billets… Et il faudra qu’il y ait un public disposé à rester

chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux 117


pendant deux heures dans le noir à regarder ce qui se passe tableau que le gain d’un passager clandestin est toujours
sur l’écran. supérieur au gain réel.
2. Le public doit accepter la forme musicale qui lui est 2. Si tous les individus suivent leur intérêt individuel, ils
offerte : si on compose un morceau de rock qui dure adoptent tous le comportement du passager clandestin :
3 heures, il y a peu de chances que le public y adhère (ne aucun ne se mobilise. La mobilisation n’a pas lieu.
serait-ce que parce que les radios ne peuvent pas le passer). 3. On parle de « paradoxe de l’action collective » pour
Pour la musique classique, il faut qu’il y ait un public désigner le fait que bien que celle-ci ne soit pas rationnelle
disposé à écouter ce type de musique-là. Autrement dit, sur le plan individuel, elle a tout de même lieu.
le public participe directement à la possibilité d’existence
d’une œuvre d’art. Document 4 : Les incitations sélectives
3. Toute œuvre d’art, même la plus simple, doit mettre en 1. Dans un petit groupe, le fait de ne pas participer à une
relation un artiste, du personnel qui permette de la réaliser mobilisation est plus visible : la surveillance de tous sur
(ne serait-ce que l’imprimeur qui assure l’impression d’un chacun est plus forte, les pressions sont plus directes. C’est
poème… ou le fabricant de l’imprimante) et un public qui pour cela qu’il est plus facile de mobiliser un petit groupe
reçoit cette œuvre et la comprend dans un certain sens. qu’un grand groupe, où la surveillance est moins forte.
Tous participent à la création de l’œuvre : pas de concert 2. Un piquet de grève permet de surveiller les individus qui
sans salle de spectacle, pas de film sans affiches… Du moins font grève et ceux qui ne le font pas : ceux-ci s’exposent à la
ne s’agirait-il pas tout à fait des mêmes œuvres. réprobation du groupe voire à des menaces physiques. Cela
augmente donc le coût de la non-participation.
Document 2 : Action collective et intérêt commun 3. En fournissant un bien ou un service à ceux qui
1. Par effet pervers, on désigne des processus qui naissent participent à une mobilisation (par exemple, en réservant
de la combinaison involontaire de l’action de différents les hausses de salaires obtenues dans une grève aux seuls
individus : lorsque plusieurs individus agissent, la somme grévistes), on rend la participation à la mobilisation plus
de leur comportement peut donner un résultat inattendu. intéressante pour chaque individu.
C’est le cas de l’embouteillage : personne ne souhaite qu’il 4. Les incitations sélectives servent à modifier le calcul des
ait lieu, mais l’action de chacun y conduit. individus pour rendre la mobilisation possible.
2. L’embouteillage ne peut pas être considéré comme
l’action d’un groupe social : il n’est pas intentionnel, ce n’est Document 5 : Mobiliser : le rôle des « entrepreneurs
pas un groupe qui s’est mobilisé pour y parvenir, mais des en protestation »
individus qui ont pris des décisions isolées. En revanche, 1. Les sans-abris et les mal-logés ne se mobilisent pas par
l’opération escargot est bien le résultat d’une action eux-mêmes parce qu’ils forment un groupe de trop grande
intentionnelle de la part d’individus s’étant coordonnés. taille où chaque individu n’a que très peu de ressources. Le
3. Ces phénomènes sont appelés « effets émergents » parce manque de relations entre eux joue également.
qu’ils « émergent » de l’action des individus sans être recher- 2. L’abbé Pierre n’a pas seulement joué un rôle de
chés par ceux-ci. On les dit « effets pervers » lorsque leurs représentation : il a surtout été capable de faire le lien entre
conséquences sont contraires aux intentions individuelles : des individus, des groupes et des institutions différentes.
l’embouteillage est un effet pervers. Comme le suggèrent les photos, il était en mesure de
4. L’action collective se définit comme une activité organi- s’adresser aussi bien aux hommes politiques qu’aux sans-
sée visant un but précis et accomplie par différents indivi- abri, et aussi au « grand public ».
dus en commun. 3. Comme un entrepreneur, l’abbé Pierre a géré une entre­
5. Mai 68 était une action collective : c’est la volonté de prise de mobilisation : il a collecté des ressources, mis
participer à une action orientée vers un but commun (un des personnes en mouvement, fait le lien entre différents
changement dans la société) qui a conduit les individus à mondes sociaux, organisé la mobilisation, etc. C’est pour
se mobiliser. cela que l’on parle d’« entrepreneurs en protestation ».

FAIRE LE POINT Document 6 : Intérêt latent, intérêt manifeste


a. Pour organiser une vente de gâteaux, il faudra mobiliser 1. Les deux groupes de jeunes sur les photographies ont un
des élèves, des clients, l’administration et les enseignants, intérêt commun à de meilleures politiques vis-à-vis de la
mais aussi les commerçants fournissant la matière première. jeunesse et particulièrement de l’emploi des jeunes.
b. Ici, les différents groupes peuvent être liés par un intérêt 2. L’intérêt de ces deux groupes peut devenir manifeste si
commun (la réalisation du voyage) ou par un sentiment de ces groupes sont confrontés à un ennemi commun (par
solidarité et d’appartenance (en particulier pour les clients, exemple, une politique qui les toucherait tous).
du même groupe que les élèves réalisant la vente).
FAIRE LE POINT
a. La situation décrite peut faire apparaître des « passagers
clandestins » : puisque la note sera collective, chacun aura
B. La mobilisation p. 217-218
intérêt à en faire le moins possible et à laisser la charge de
travail aux autres.
Document 3 : Le paradoxe de l’action collective b. La surveillance du petit groupe est une première solution.
1. Du point de vue individuel, c’est la stratégie du passager On pourrait aussi rendre la note individuelle, ou mettre en
clandestin qui est la plus rentable : elle permet de maximiser place des formes de contrainte (celui qui ne fait rien perd
les gains tout en minimisant les coûts. On voit dans le l’amitié des deux autres, etc.).

118 chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux


C. Les coalitions : deux contre un p. 219-220 Document 9 : Rechercher le soutien des jeunes
1. C’est le parti d’opposition (ici, le Parti Socialiste) qui
recherche le soutien des jeunes, afin de former une coalition
Document 7 : Que se passe-t-il quand on est un de plus ? suffisamment forte pour mettre en difficulté son adversaire
1. À partir de trois, des coalitions peuvent se mettre en (le parti au pouvoir).
place : une nouvelle stratégie apparaît, celle qui consiste à 2. Les jeunes apparaissent comme un enjeu des luttes
séduire ou à convaincre un autre de s’allier à soi. politiques à cause de leur capacité à s’allier avec les autres
2. Si A, B et C sont de force égale, alors deux d’entre eux groupes. Les jeunes, même mineurs et sans droit de vote,
ont intérêt à s’allier contre le troisième. Mais toutes les coa- n’en jouent pas moins un rôle d’arbitre important. L’enjeu
litions sont possibles. Si B et C sont de force égale mais in- est aussi de les amener lorsqu’ils seront majeurs à s’inscrire
dividuellement supérieure à celle de A, alors A peut s’allier sur les listes électorales et à voter.
avec B ou C contre le troisième (ceux-ci ont plus intérêt à
cette solution car ils pourront plus facilement triompher
de A que de B ou C et donc obtenir de lui des concessions FAIRE LE POINT
plus importantes) comme le montrent les deux schémas 1. a. Un album de musique, outre les membres du groupe,
suivants. rassemble aussi des ingénieurs du son, des producteurs,
des musiciens supplémentaires, des photographes ou des
A illustrateurs, etc. On trouve facilement une trentaine de
nom sur la pochette. Auxquels on peut rajouter, s’il s’agit
d’un CD, ceux qui ont fabriqué l’objet, l’ont conditionné,
l’ont distribué et l’ont finalement vendu !
b. Ce qui permet de rassembler tout ce monde, c’est le
partage d’un objectif commun en accord avec des objectifs
B C particuliers (l’ingénieur du son se soucie de son salaire
et de sa réputation : c’est cela qui le conduit à chercher
A à faire le meilleur travail possible avec le groupe). C’est
aussi la réputation et le nom du groupe (il est plus facile
de rassembler un grand nombre de personnes autour d’un
groupe connu que d’un groupe inconnu), le partage d’un
langage commun (la notation musicale pour expliquer à
chacun ce qu’il doit jouer).
B C Les différents individus ayant participé à la production d’un
album de musique ont pu se rassembler grâce à l’activité
3. Plus le groupe est grand, plus celui-ci risque de se diviser d’un petit nombre d’entre eux (artistes, producteurs) ainsi
en coalitions internes diverses de taille plus modeste en que par le partage de certaines façons de faire et de travailler
fonction des forces respectives de ses membres. Il devient communes à tous.
alors difficile à mobiliser. 2. Pour qu’une action collective ait lieu, sont nécessaires :
un intérêt commun, des incitations sélectives, des organisa-
Document 8 : La force des coalitions : teurs, un groupe social.
inquiétude au ministère de l’Éducation nationale 3. La réussite d’une action collective dépend de plusieurs
1. L’entrée des lycéens et des étudiants dans la protestation facteurs. En premier lieu, il faut tenir compte des capacités de
inquiète le ministère de l’Éducation nationale et l’Élysée mobilisation du groupe en question. S’il s’agit d’un grand
parce qu’il s’agit d’une nouvelle force dans la coalition groupe, celles-ci dépendent de l’action d’entrepreneurs
contre eux. De plus, les jeunes sont susceptibles d’amener en protestation qui doivent notamment rendre manifeste
avec eux d’autres alliés : ils peuvent bénéficier du soutien de l’intérêt de se mobiliser pour l’ensemble des individus. Il
leurs parents, d’une sympathie dans les médias, etc. faut aussi tenir compte de l’équilibre des forces en présence :
2. Les jeunes peuvent se mobiliser rapidement grâce un affrontement à trois est très différent d’un affrontement
aux nombreux liens qui les unissent du fait qu’ils sont à deux. En fait, plus grand est le nombre de groupes qui
rassemblés dans des lycées et des universités de grande s’allient contre un autre, plus il est difficile pour celui-ci
taille, à un âge où la densité des liens est forte. Ce sont les de triompher. La variété des groupes en présence a autant
partis d’opposition qui pourraient le plus en profiter s’ils d’importance que le nombre de protestataires.
parvenaient à s’allier avec les jeunes.

chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux 119


Dossier 3. Comment les réseaux sociaux fonctionnent-ils ? p. 221-227

➜ Mise en œuvre dans le manuel


Le programme officiel
Ce dernier dossier constitue l’une des innovations les plus importantes du
2.3. Comment les réseaux sociaux
programme, puisqu’il s’agit d’introduire la sociologie des réseaux, laquelle est
fonctionnent-ils ?
aujourd’hui au cœur de nombreux travaux en sociologie. Ses principes sont
On montrera que les réseaux sociaux
relativement simples : comprendre l’action d’un individu ne peut se faire ni en le
constituent une forme spécifique de
considérant comme isolé des autres (ce que fait l’économie), ni en le considérant
coordination entre acteurs et de socia-
entièrement déterminé par des normes et une socialisation (ce que faisait une
bilité (réseaux Internet, associations
certaine sociologie parsonienne), mais en regardant les relations que les individus
d’anciens élèves…).
entretiennent avec les autres. Celles-ci peuvent à la fois l’influencer et lui donner
On pourra présenter quelques exem­
ou lui interdire certaines opportunités.
ples très simples de structuration de
Les réseaux sociaux, compris ici comme un outil sociologique et non comme un objet
réseaux sans entrer dans la théorie des
à étudier, permettent ainsi d’expliquer certaines formes de pouvoir (c’est le cas des
graphes.
« trous structuraux » présentés dans le dossier) ou d’inégalités (comme l’exclusion des
On s’intéressera surtout au rôle des
femmes de certains marchés du travail, également abordée dans le dossier). Il s’agit
réseaux en matière de recherche d’em-
donc d’un outil critique puissant que l’on met à la disposition des élèves.
ploi en discutant plus particulièrement
Après avoir sensibilisé les élèves à ce qu’est un réseau en sociologie par la page
la thèse de « la force des liens faibles ».
découverte (« Ilt’s a Small World »), on étudie d’abord la sociabilité (A. Les individus
Notions clés : • capital social sont encastrés dans des réseaux sociaux) puis le rôle des réseaux sur le marché
• formes de sociabilité du travail par le biais du point B (B. La force des liens faibles). Le dernier point
concerne le capital social (C. Le capital social).

Page découverte : que toute relation n’est pas mobilisable, et qu’il faut se
demander quelles sont celles qui sont pertinentes.
« Il’s a Small World » p. 221
2. Les élèves répondront sans doute qu’ils s’adressent
d’abord à leurs amis ou à leurs parents, et que ce sont aussi
L’objectif de cette ouverture est de faire prendre conscience ceux qu’ils écoutent. On peut remarquer qu’il s’agit de
aux élèves des liens qui unissent les individus entre eux, et personnes proches, de « liens forts ».
de la façon dont on peut les utiliser comme une variable 3. Tous les liens que l’on entretient avec les autres n’ont
sociologique permettant de comprendre les comportements pas a priori autant d’importance : on peut penser que les
humains. Les questions visent donc à poser la question des connaissances éloignées ont peu d’importance. La suite du
liens pertinents pour comprendre la façon dont agit un dossier montrera qu’il faut relativiser ce point.
individu ou un groupe d’individus.

• Combien de personnes vous séparent de votre chanteur


ou chanteuse préférée ? de la présentatrice du JT ? du A. Les individus sont encastrés
président de la République française ? du Président des dans des réseaux sociaux p. 222-223
États-Unis ?
Les chemins entre les élèves et les personnages peuvent être
plus ou moins compliqués, mais ils ne seront jamais très Document 1 : Quelques résultats d’enquête sur la sociabilité
longs : il suffit juste de trouver la bonne trajectoire. Il suffit 1. Sur 100 enquêtés interrogés en 2003 par l’INSEE, 44,1
en fait de connaître quelqu’un qui connaît un journaliste et déclarent voir les membres de leur famille au moins une fois
on peut assez facilement remonter à la présentatrice du JT, par semaine.
puis au chanteur ou au Président des États-Unis. 2. Ces indicateurs mesurent la fréquence, le nombre et la
nature des liens sociaux d’un individu. La sociabilité se
• Essayez de citer toutes les personnes que vous connais- définit donc comme l’ensemble des relations entretenues
sez ou que vous avez connues : cela vous semble-t-il par un individu ou au sein d’un groupe d’individus compte
beaucoup ? tenu de ces différentes caractéristiques.
Les listes peuvent être très importantes : si on le fait sérieu­ 3. On peut distinguer une sociabilité assignée (la famille)
sement, elles peuvent même atteindre le millier ! Il faut d’une sociabilité élective (les amis), des liens forts (ceux
compter tous les membres de sa famille, tous les camarades que l’on voit souvent) des liens faibles, des liens au sein du
de classe, les enseignants, les amis des parents, les copains de ménage et en dehors du ménage.
sport ou de vacances, etc.
Document 2 : Sociabilité formelle et informelle
Questions : 1. C’est le degré de formalisation qui distingue la sociabilité
1. Il est évident que l’on ne peut pas demander facilement entre lycéens et celle avec le personnel éducatif. On distingue
un coup de main au Président des États-Unis : cela signifie ainsi une sociabilité formelle et une sociabilité informelle.

120 chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux


2. Dans l’exemple décrit, c’est la sociabilité informelle embauche sur trois. Dans les deux cas, c’est le second mode
qui est le plus susceptible de fournir une explication aux d’obtention d’un emploi. On peut également tenir compte
comportements vestimentaires des individus. des réembauches, qui s’appuient sur le lien entre le candidat
et l’entreprise.
Document 3 : L’encastrement social des individus 2. Les liens forts sont les personnes que l’on voit souvent et
1. Les relations amicales ou familiales peuvent permettre de avec qui la relation est fortement investie : ce sont souvent
transmettre l’information concernant un emploi vacant ou des individus proches de soi et semblables. Les liens faibles
de donner une recommandation pour obtenir directement désignent au contraire des « connaissances », des personnes
un emploi. que l’on connaît mais qui sont plus éloignées de nous.
2. Les relations qui interviennent sur un marché ne se 3. La force des liens faibles décrits par Mark Granovetter
limitent pas à la relation entre les deux personnes qui permet de comprendre l’importance des relations dans
échangent : il faut y inclure toutes les relations amicales, l’obtention d’un emploi : par le biais de celles-ci, on peut
familiales, formelles qui lient les individus entre eux et acquérir une information sur des emplois plus rares et plus
les obligent à certains comportements. Par exemple, on satisfaisants.
préférera acheter son pain dans telle boulangerie parce que 4. Les économistes ne considèrent que les relations qui
l’on en connaît le propriétaire. passent par le marché : ils négligent donc l’importance de
3. L’encastrement social de l’individu peut se définir comme la sociabilité informelle et surtout celle de la diversité des
la façon dont l’appartenance à un réseau de relations vient modes d’obtention d’un emploi.
contraindre son comportement.
4. Les relations sociales interviennent dans tous les Document 6 : L’impact du recrutement par réseau
comportements, économiques ou non. Le choix du 1. Si les femmes apparaissent désavantagées sur le marché
conjoint, par exemple, ne peut se comprendre que si l’on du travail, c’est en partie parce qu’elles sont moins intégrées
tient compte de l’inscription des individus dans certains aux réseaux professionnels : la charge du travail domestique
réseaux de relations. L’application de toute norme nécessite et les interruptions de carrière liées à la famille les empêchent
que l’on comprenne les relations qui lui permettent de de tisser des relations utiles pour leur carrière.
s’imposer. 2. Les liens faibles peuvent également conduire les individus
à s’enfermer dans des réseaux particuliers, des niches du
Document 4 : Un exemple d’encastrement : marché du travail.
le divorce comme effet de réseau
1. La situation du couple ne suffit pas à expliquer le divorce : Document 7 : Le rôle des réseaux dans l’économie
à situation égale, des couples différents ne divorceront 1. « Les connaissances tacites se transmettent par la sociabilité
pas. Les réseaux permettent de mieux comprendre ce qui informelle » : dans toutes professions, il y a des connais-
se passe : il semble bien que les relations qu’entretiennent sances difficiles à formaliser (l’utilisation de tel « truc » pour
les individus avec d’autres jouent un rôle dans le choix de faire fonctionner une machine, les attitudes face à telle per-
divorcer. sonne, etc.) : celles-ci se transmettent dans la sociabilité in-
2. La phrase soulignée indique que c’est bien de la sociabi- formelle au sein de l’entreprise.
lité dont il s’agit : ce sont les liens forts, c’est-à-dire que l’on « Les réseaux limitent la recherche de candidats aux proches :
investit personnellement, qui permettent de mieux expli- ils gênent la découverte de nouvelles compétences » : pour l’em-
quer le divorce. ployeur, passer par ses relations, c’est prendre le risque de se
3. Il semble que le divorce des proches fasse, d’une part, priver de personnes éloignées, différentes et qui pourraient
circuler de l’information (quelles démarches, quels risques, apporter quelque chose de nouveau à l’entreprise.
quels gains, etc.) et, d’autre part, abaisse l’obligation de 2. Les individus peuvent utiliser leurs réseaux pour trouver
se conformer à la norme du mariage. On voit bien que un emploi soit par la circulation de l’information soit par
l’application des normes dépend des réseaux où elles les recommandations.
prennent place. 3. Les effets positifs des réseaux proviennent du fait qu’ils
facilitent la circulation de l’information.
FAIRE LE POINT 4. Les effets négatifs proviennent du fait qu’ils empêchent
a. Faux (voir définition dans le lexique, p. 378). le renouvellement et l’information nouvelle.
b. Faux : les liens faibles et les liens indirects ont aussi une
influence. Document 8 : Force des liens faibles ou des liens forts ?
c. Faux : il inclut également les relations de et entre ces 1. Les liens faibles peuvent jouer sur la mobilisation d’un
contacts. groupe en faisant circuler l’information autour de celui-ci.
2. Les liens forts donnent des motivations plus profondes et
décident les individus à se mobiliser.
B. La force des liens faibles p. 224-225
FAIRE LE POINT
Document 5 : Comment trouve-t-on son emploi ? a. Faux : les liens faibles permettent d’obtenir une informa-
1. Les relations jouent un rôle non négligeable dans tion nouvelle et différente.
l’obtention d’un emploi : elles concernent près d’un b. Faux : elles peuvent aussi gêner leur fonctionnement.
emploi sur cinq en général (un peu moins chez les femmes, c. Vrai : rien n’empêche les discriminations en fonction de
un peu plus chez les hommes), et près d’une première l’origine, du nom, du sexe, etc.

chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux 121


C. Le capital social p. 226-227 2. Le capital social peut permettre d’acquérir richesse, pou-
voir et réputation : lorsqu’il est mobilisé par un individu
pour obtenir un meilleur emploi, un poste plus intéres-
Document 9 : Capital social et confiance sant, etc. Il peut également contribuer à l’amélioration de
1. Les liens entre les individus contribuent à la confiance en la santé, de la satisfaction personnelle, du bonheur lorsqu’il
garantissant la surveillance de tous par tous : autrement, ils est utilisé comme ressource collective : il permet en effet un
garantissent l’application des normes. Les diamantaires ne meilleur fonctionnement des relations économiques, favo-
peuvent pas adopter un comportement opportuniste du fait rables à l’amélioration de la situation de tous.
des enjeux de réputation, lesquels sont rendus particulière- 3. Si la mobilisation des ressources demande un acte
ment importants non seulement par les liens d’un individu individuel, on voit également que le capital social joue à
particulier mais aussi par les liens entre tous les individus du partir du moment où il rend les ressources accessibles
groupe – lesquels sont ici particulièrement denses. à tous : par la confiance, par la densité des réseaux. Par
2. Ces liens bénéficient à tous dans la mesure où ils per- exemple, un haut niveau de confiance entre les individus
mettent l’accomplissement des activités économiques (ici, donne plus de chances d’être aidé si l’on a un malaise dans
l’achat et la vente de pierres précieuses). Ils ont donc toutes la rue, ou facilite les échanges économiques parce que l’on
les caractéristiques d’un bien commun, d’un capital social. ne craint pas d’être trahi par celui avec qui on fait affaire.

Document 10 : Le capital social comme ressource individuelle


1. Graig Roberts peut mobiliser ses relations pour obtenir
un emploi, de l’aide, de l’information : c’est bien un capital FAIRE LE POINT
dont il peut retirer des gains. Comment l’a-t-il obtenu ? En 1. L’expression « capital social » peut avoir deux significa-
travaillant à l’accumulation de ces relations, donc par un tions. Il peut s’agir d’une ressource individuelle : le fait
investissement. C’est en cela que l’on peut considérer ces d’être en relation avec d’autres personnes peut permettre
relations comme un capital. à un individu d’avoir accès à des ressources qu’il n’aurait
2. Les réseaux sociaux numériques sont en fait des outils pas obtenues autrement. C’est ce qu’illustrent les annuaires
qui permettent de gérer et d’entretenir son capital social. des grandes écoles ou l’utilisation des sites Internet de « ré-
3. Les deux, quantité et qualité, jouent : connaître beau- seau social ». Mais le capital social peut aussi être considéré à
coup de monde est un avantage, mais connaître les bonnes l’échelle d’une communauté, voire d’un pays. Il s’agit alors
personnes, même si elles sont moins nombreuses, est égale- de la confiance qui permet aux activités de se dérouler de
ment important. C’est le cas de Graig Roberts. façon satisfaisante. Celle-ci s’appuie sur les relations entre
les individus qui permettent de contrôler les différents com-
Document 11 : Les trous structuraux portements et donc assurent l’application des normes.
1. Les deux réseaux ne sont pas comparables : Jules n’a accès 2. On peut s’inspirer du graphe du document 11 :
qu’à un seul groupe de personnes qui se connaissent entre
elles, tandis que Jim a accès à trois groupes différents. Au-
trement dit, son capital social contient plus de trous struc-
turaux.
2. Le réseau de Jim lui donnera accès à plus de ressources.
En effet, toute information acquise par un individu du
réseau de Jules sera rapidement répandu dans tout le
groupe, tandis qu’une information acquise par un individu
du groupe de Jim devra obligatoirement passer par lui pour
aller vers un plus grand nombre de personnes.
3. Les liens faibles permettent justement d’avoir accès à des
réseaux différents : ils ont plus de chances de constituer des
« trous structuraux ».
Les liens forts sont en gras. On voit que le pont entre les
Document 12 : Source et gains du capital social deux sous-groupes est un lien faible : la « force des liens
1. La confiance et les normes facilitent les relations entre les faibles » indique que c’est toujours le cas. Un pont est
individus et permettent donc de mobiliser plus facilement forcément un lien faible (même si tous les liens faibles ne
ses relations. sont pas des ponts)

122 chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux


Travaux dirigés. Comment un groupe se forme-t-il ? p. 230-231

Ce TD vise à profiter du thème sur les groupes sociaux pour 2. Exploitez les résultats
faire réaliser une enquête par les élèves. L’objectif est de Tout dépendra de ce que les élèves auront découvert sur
sensibiliser ceux-ci au travail sociologique et à sa démarche leurs terrains : il faudra les conduire à relire leur travail et à
propre. Il s’agit particulièrement de leur permettre de en classer des extraits dans le tableau proposé. Par la suite,
comprendre que la sociologie, loin d’être une discipline ils pourront faire le rapprochement entre ces différents
dissertative, est avant tout une discipline d’enquête, où le extraits jusqu’à faire apparaître un nombre limité d’idées.
travail empirique joue un rôle central dans la démonstration
et la capacité à faire des propositions scientifiquement Facteurs favorables   Facteurs défavorables  
valides. à la formation du groupe à la formation du groupe
L’enquête elle-même est volontairement modeste : il ne • L’existence préalable de • Des vues divergentes sur
s’agit pas de lancer les élèves sur un travail de long terme ou normes (par exemple : les la finalité de l’activité (jouer
sur la réalisation d’une enquête sociologique de A à Z. On règles du football). pour s’amuser ou jouer pour
leur indique donc une problématique et on leur propose d’y • Des relations fortes ou s’entraîner).
apporter une réponse par un travail de terrain bien balisé. faibles entre participants voire • Un déséquilibre entre deux
Ce TD peut être fait en début de chapitre, car il ne demande l’identification à un même groupes au sein de l’activité
que peu de notions préalables ou peut, au contraire, être un groupe (par ex. : le fait de ne considérée (par exemple,
bon support pour en acquérir certaines (particulièrement choisir ses partenaires de jeu de deux quartiers différents
celle de groupe social). que parmi les « jeunes » ou autour d’un match de foot).
les « gens du quartier »). • La rupture de normes
1. Allez sur le terrain • La mise en place de tacites.
Pour qu’un tel travail puisse être mené de façon satisfaisante, négociation des règles.
il doit faire l’objet d’une préparation préalable en classe : il • L’existence d’un espace et Évidemment, d’autres
s’agira de laisser les élèves former des groupes, choisir leur d’un temps réservés pour éléments peuvent apparaître
terrain (étape 1), préparer leurs entretiens et observations l’activité (on se rend à tel en fonction du travail des
(étape 2). Une séance de TD d’une heure minimum semble endroit et à tel moment élèves.
nécessaire pour cela. parce que l’on sait que l’on
Une deuxième séance pourra être consacrée à l’exploitation rencontrera des partenaires).
des résultats. Il faudra pour cela que les élèves aient déjà • La récurrence des relations
quelques résultats empiriques (notes d’entretiens ou autour de l’activité choisie (des
d’observation). Il n’est pas nécessaire que cette deuxième personnes qui jouent souvent
séance ait lieu la semaine suivant la première : on peut ensemble sans se fréquenter
laisser un temps plus important aux élèves. par ailleurs).
Enfin, une troisième séance peut être utilisée pour aider
les élèves à la rédaction du rapport d’enquête final. Il sera Pour la synthèse, on peut indiquer aux élèves de suivre
en effet sans doute utile de leur faire des recommandations un plan simple (du type « facteurs favorables /  facteurs
pour la rédaction et l’organisation des idées. En particulier, défavorables ») et de s’efforcer de mêler leur écriture à leur
on pourra leur indiquer qu’ils doivent s’efforcer de mêler matériel empirique. Par exemple, ils pourront écrire : « Une
extraits d’entretiens et remarques théoriques répondant à la des conditions apparemment nécessaires à la mise en place d’un
problématique. match informel de football est que celui-ci prenne place dans
un lieu réservé. Ainsi, un de nos enquêtés nous explique “quand
je veux jouer au foot, je me rends toujours au bas des immeubles
vers 18 h, y’a toujours une bande de gars qui traînent, on se
connaît un peu, on s’dit bonjour, voilà, machin, comment on
fait les équipes, et hop, c’est parti”. » (On en profitera pour
souligner qu’à partir du moment où ils restituent la parole
des enquêtés, ils peuvent conserver le langage parlé.)

Exercices p. 232-233

Exercice 1, p. 232 c. Vrai : il est plus difficile de communiquer pour prendre


1. b ; 2. a, b et c ; 3. c ; 4. c ; 5. c ; 6. a ; 7. b ; 8. c. conscience de ses intérêts et les grands groupes sont plus
susceptibles de connaître des phénomènes de passagers
Exercice 2, p. 232 clandestins.
a. Faux : ils doivent également avoir conscience de ces d. Vrai : un groupe peut se former pour faire face à un
intérêts communs, lesquels peuvent être latents. adversaire commun.
b. Vrai : ils le facilitent en faisant circuler l’information, e. Vrai : voir doc. 5, p. 224.
mais ils peuvent aussi le gêner, par exemple en ne permettant f. Vrai : il facilite la confiance et l’application des normes.
pas des échanges avec des personnes hors d’un groupe.

chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux 123


Exercice 3, p. 232 intérêt à ce que ce soit quelqu’un d’autre qui assure la charge
1. Les individus ne sont pas forcément conscients des façons de son entretien et de son approvisionnement. Comme
de reconnaître l’autisme : il faut donc que les critères et les tests chacun fait ce calcul, la mobilisation autour de ce projet
à effectuer leur parviennent. Cette information circule par les commun n’a pas lieu.
réseaux sociaux : la fréquentation de parents d’enfants recon- 2. On peut imaginer mettre en place un système de tour,
nus comme autistes facilite donc les démarches en ce sens. avec des réprobations pour celui qui ne jouerait pas le jeu,
2. Il n’y a pas plus d’autistes qu’auparavant : la maladie est ou l’interdiction simple d’utiliser la machine.
plus souvent dépistée et reconnue comme telle, du fait de la 3. Avec un groupe de grande taille, la surveillance du
diffusion de l’information. comportement de chacun devient extrêmement difficile :
une telle organisation serait compliquée.
Exercice 4, p. 233
Les jeunes décrits dans cet extrait s’identifient visiblement à Exercice 6, p. 233
un groupe particulier : celui des jeunes de « banlieue », qui ne 1. Dans le premier réseau, l’information peut passer directe-
se résume pas à des jeunes vivant à la périphérie des grandes ment de A à D, sans intermédiaire. Dans le second réseau,
villes. Ce groupe lie entre eux, au plan symbolique, non seu- l’information doit passer au minimum par deux personnes
lement les différentes « banlieues françaises », mais aussi les (C et F) avant de parvenir à H.
« quartiers chauds » américains. Ainsi, le groupe de référence 2. Pour le premier, il est clair qu’il s’agit bien d’un groupe
de ces jeunes est sensiblement différent de leur groupe d’ap- social puisqu’il y a des interrelations entre tous ses membres.
partenance, c’est-à-dire à la seule scène nationale. Pour le second, c’est possible, mais il faudrait en savoir plus
sur les représentations des individus.
Exercice 5, p. 233 3. Le segment CF est un pont entre deux sous-réseaux : il
1. Cette situation peut s’expliquer par un phénomène de marque donc l’existence d’un « trou structural », qui donne
passager clandestin : tout le monde a intérêt à ce que la un pouvoir particulier à C et à F. On peut y appliquer un
machine à café fonctionne, mais tout le monde a également raisonnement du type de celui de la « force des liens faibles ».

VERS LE BAC p. 234-235

▶ 1. Notions et mécanismes 5. Cette question s’appuie sur une conception marxiste


des classes sociales : elle met en avant la question de la
1. Chez Marx, les classes sociales sont caractérisées par une
conscience de classe.
position particulière dans le système économique (proprié-
taire ou non des moyens de production), à laquelle s’ajoute
une conscience éventuelle de cette position. Chez Weber, la ▶ 3. Question de synthèse
classe sociale est une collection d’individus pour lesquels le
chercheur identifie des caractéristiques communes concer- Sujet : Les émeutes urbaines sont-elles le signe
nant les conditions d’existence. de l’émergence d’un groupe social ?
2. Chez Marx, les classes sociales peuvent être considérées
comme des groupes sociaux à partir du moment où elles 1. Définir les termes du sujet :
ont conscience d’elles-mêmes. Chez Weber, il est moins • « Émeutes urbaines » : forme de violence collective, non-
probable que les classes sociales soient des groupes sociaux, organisée, prenant place généralement dans certaines zones
puisqu’elles sont construites par le chercheur. bien particulières des villes (ici, parmi les plus défavorisées
des villes françaises, victimes de ségrégation).
• « Émergence » : le terme fait référence à l’apparition d’un
▶ 2. Savoir-faire groupe social et à sa construction : la question est donc de
1. Sur 100 enquêtés interrogés en 2003 par l’INSEE dans le savoir si ces émeutes urbaines sont la manifestation de l’exis-
cadre de l’enquête Histoire de vie, 47,7 ont déclaré avoir le tence d’un groupe encore peu organisé et peu conscient de
sentiment d’appartenir à une classe sociale. sa propre existence, et si, éventuellement, elles ne partici-
2. (1 420 + 128)  /  4  014 = 38,56. La réponse est donc : pent pas à la construction de ce groupe.
38,56 % des personnes ayant déclaré se sentir appartenir • « Groupe social » : il faut souligner la différence avec « ca-
à une classe sociale désignent celle-ci comme « moyenne ». tégorie sociale » ; c’est la reconnaissance par les membres et
3. On a posé une question ouverte afin de laisser les par les autres qui fait le groupe social. La question est donc
individus décrire à leur façon leur classe sociale : en effet, de savoir si les participants aux émeutes s’identifient eux-
en posant une question fermée, les réponses auraient pu mêmes comme groupe et s’ils sont identifiés ainsi par les
être interprétées de façon différente. « Classe moyenne » ne autres.
désigne pas la même chose pour tous. Avec une question Cette question doit permettre de mieux problématiser :
ouverte, on peut essayer de mieux comprendre à quels il s’agit de savoir si on peut identifier un groupe social en
groupes se réfèrent les individus. construction au cœur de ces émeutes.
4. Cela permet de savoir quelles sont les représentations les 2. Le contexte : Ce sujet fait référence à une série d’émeutes
plus courantes des individus. ayant eu lieu en France en novembre 2005 (doc. 1).

124 chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux


3. Les différentes causes : II. L’émergence d’un sentiment d’appartenance et d’une
• Ce qui relève de causes accidentelles : la mort des trois identité collective
jeunes hommes au cours d’une course-poursuite avec la Ces différents éléments ne sont cependant pas suffisants
police (doc. 1). C’est le point de départ, mais il ne suffit pour que tous ces jeunes puissent « receler un potentiel
pas à expliquer les émeutes. Il manifeste en revanche une de violence et de révolte » (doc. 3). Il faut y ajouter une
forme de solidarité entre les émeutiers et les victimes de cet identification subjective à un groupe.
incident, qui manifeste donc que les premiers se considèrent A. L’expérience commune des inégalités
comme appartenant au même groupe que les autres. Si ces jeunes sont « issus de l’immigration », on pourrait
• Ce qui relève de causes sociales : le chômage et la pauvreté en dire autant d’une part importante de la population
économique (doc. 2), la ségrégation urbaine et sociale française. Or, eux seuls sont identifiés et s’identifient ainsi.
(doc. 2), les aspirations à une promotion sociale (doc. 3). On peut ici rappeler que tout groupe, même « ethnique »,
Tout cela forme la structure favorable aux émeutes est une construction sociale et s’identifie donc moins
par des traits communs que par une reconnaissance, à la
4. Proposition de corrigé : fois par ses membres et par les autres. D’après le texte 2,
En novembre 2005, une série de violences dans les quartiers le déclencheur de cette reconnaissance se trouve dans la
défavorisés des grandes villes a rapidement reçu le nom ségrégation urbaine et sociale que connaissent ces jeunes,
d’« émeutes urbaines ». Pendant à peu près trois semaines, c’est-à-dire le fait qu’ils se trouvent concentrés dans certains
des jeunes vont perpétrer différents types de violences : quartiers à la périphérie des grandes villes. Cela se traduit
dégradations diverses du mobilier public, incendies de par « l’impression d’être des citoyens de seconde zone, d’être
voitures ou de bâtiments publics, heurts avec la police ou méprisés » (doc. 2).
d’autres représentations de l’État. On peut se demander
B. Une même aspiration contrariée
ce qu’ont en commun ces jeunes qui ont participé à ces
Les jeunes de ces quartiers difficiles partagent également
événements, ce qui a pu motiver des personnes ne s’étant
une même aspiration : celle d’échapper à la condition
jamais rencontrées, habitant souvent dans des villes
ouvrière, réalisant ainsi le projet migratoire de leurs parents
différentes, à se joindre ainsi à une action qui, bien que
(doc. 3). On peut dire qu’ils ont intégré l’aspiration à une
très peu, voire pas du tout organisée, n’en est pas moins
égalité des chances promise par la socialisation scolaire.
collective. En un mot, ces émeutes ne témoignent-elles
Mais la prise de conscience de l’inégalité réelle fait naître
par de l’émergence d’un groupe social particulier chez la
un processus de frustration relative qui les conduit à la
jeunesse ?
violence. Ils sont ainsi susceptibles de prendre conscience
Après avoir montré que ces jeunes partagent certains traits
de leur appartenance commune par le conflit qui les
objectifs en commun, nous essayerons de souligner que
oppose au reste de la société : c’est cette opposition et leurs
ceux-ci se doublent d’un certain sentiment d’appartenance
revendications qui les fait exister en tant que groupe social.
qui autorise à parler véritablement de groupe social.

I. Des traits communs aux participants aux émeutes


A. Des conditions économiques particulières
Comme le souligne le doc. 2, les quartiers où ont eu lieu les
émeutes partagent un certain nombre de traits communs :
non seulement ils présentent un type d’habitat relativement
identique (ce sont des « zones urbaines sensibles »), mais
ils concentrent des catégories sociales assez homogènes, à
savoir les plus défavorisées. Ces émeutes doivent donc tout
d’abord être rapportées au groupe des classes populaires.
S’y ajoute l’existence d’un fort taux de chômage – et donc
d’une pauvreté certaine – particulièrement chez les jeunes.
On peut ainsi dire qu’ils appartiennent tous aux mêmes
catégories sociales. Bibliographie
B. Une même trajectoire – Robert K. Merton, Éléments de méthode et de théorie sociologique,
Les émeutiers semblent cependant partager plus que des Plon, 1965.
conditions économiques semblables. Comme le notent – Henri Mendras, Éléments de sociologie, Armand Colin, coll. « U »,
les textes 2 et 3, les quartiers concernés concentraient 2001.
en outre les populations d’origine immigrée. C’est donc – Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, La Découverte,
une population française mais marquée par la trajectoire coll. « Repères », 2005.
migratoire des parents (doc. 3) qui s’est mise en mouvement. – Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, La Découverte, coll.
On peut d’ailleurs souligner qu’il s’agit des jeunes et non « Repères », 2004.
de leurs parents : ce n’est donc pas la migration qui est – Sophie Ponthieux, Le Capital social, La Découverte, coll. « Repères »,
importante (certains de ces jeunes sont nés en France et 2007.
sont de nationalité française), mais bien l’ensemble de la – Emmanuelle Marchal, Géraldine Rieucau, Le Recrutement, La
trajectoire individuelle, à savoir le fait d’être un « jeune issu Découverte, coll. « Repères », 2010.
de l’immigration ».

chapitre 7 • groupes et réseaux sociaux 125

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