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R É V É L AT I O N S

Covid-19 : l'OMS accusée


d'avoir conspiré avec
l'Italie pour supprimer
un rapport accablant
Par Marlène Thomas(https://www.liberation.fr/auteur/18006-marlene-
thomas) — 12 décembre 2020 à 16:49

Dans une unité de soins intensifs d'un hôpital de Brescia, une des villes d'Italie les plus
touchées par l'épidémie de coronavirus, le 17 mars. Photo Piero Cruciatti. AFP
Selon les informations du «Guardian» et du
«Financial Times», ce document révélait notamment
que le plan de crise italien en cas de pandémie n'avait
pas été mis à jour depuis 2006.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est accusée d’avoir «conspiré»


avec le ministère italien de la Santé pour retirer de son site un rapport
révélant la mauvaise gestion de l’épidémie de Covid-19 en Italie lors de la
première vague, selon le
Guardian(https://www.theguardian.com/world/2020/dec/11/who-
accused-conspiring-italy-remove-damning-covid-report) et le Financial
Times(https://www.ft.com/content/7c8633ea-87b3-4aa1-90b6-
a15a089bc1c2). Ce rapport «accablant», publié le 13 mai sur le site de
l’OMS, avant d’être supprimé le lendemain sans explications, a été réalisé
par le scientifique de l’OMS Francesco Zambon appuyé par dix autres
collègues européens. En analysant la gestion épidémique du premier pays
européen durement frappé par la première
vague(https://www.liberation.fr/planete/2020/03/19/en-italie-les-gens-
meurent-comme-des-chiens_1782413), il avait pour but de fournir des
informations aux Etats qui n’avaient pas encore été touchés.

Le texte intitulé «Un challenge sans précédent : la première réponse


italienne au Covid-19» montre que le pays n’était pas préparé. Le document
révèle notamment que le plan italien de crise en cas de pandémie n’avait pas
été mis à jour depuis 2006. La conséquence ? La réponse initiale des
hôpitaux était «improvisée, chaotique et créative» alors qu’il a fallu un
certain temps pour que soient actées les premières directives officielles.

Le document aurait été retiré du site à la demande de Ranieri Guerra,


directeur général adjoint de l’OMS pour les initiatives stratégiques et ancien
directeur général de la santé préventive au ministère italien de la Santé
entre 2014 et 2017. Il était donc «responsable de la mise à jour du plan de
crise en cas de pandémie». Ranieri Guerra fait également partie des
scientifiques du groupe de travail Covid-19 du gouvernement italien.
«Inexactitudes et incohérences»
Ce plan de crise est au cœur des investigations menées en Lombardie, la
région la plus touchée par la première
vague(https://www.liberation.fr/planete/2020/07/16/covid-19-a-bergame-
une-generation-a-disparu_1794466), sur une possible négligence des
autorités. Les enquêteurs s’appuient également sur un rapport réalisé après
la première vague par un ancien général de l’armée à la retraite, Pier Paolo
Lunelli, où il conclut que près de 10 000 morts liés au Covid-19 pourraient
être imputables à l’absence de protocoles suffisants pour lutter contre la
pandémie. «Si les procureurs de Bergame constatent que l’Italie n’a pas
mis à jour son plan de lutte contre la pandémie, tous les ministres de la
Santé et Premiers ministres depuis 2013 risquent d’être jugés», note le
Guardian.

Toujours selon le quotidien, seul Ranieri Guerra a été entendu par les
procureurs. L’OMS aurait «insisté» pour que Francesco Zambon et les
autres chercheurs impliqués dans la rédaction du rapport soient dispensés
de témoigner. Le scientifique de l’OMS assure pourtant qu’il y était prêt
mais qu’on le lui a déconseillé. Il soutient aussi avoir été menacé de
licenciement par Ranieri Guerra s’il ne modifiait pas la partie du texte
faisant référence au plan obsolète. Malgré ses signalements, aucune enquête
interne n’a été menée selon lui. «Pour préserver son objectivité et son
indépendance, l’OMS ne s’implique normalement pas dans les questions
juridiques au niveau national», a déclaré l’OMS au Financial Times.

Dans un communiqué envoyé la semaine dernière, l’organisation justifie la


suppression du texte par la présence «d’inexactitudes et d’incohérences». Ce
que le chercheur Francesco Zambon conteste auprès du Financial Times :
«Jamais en neuf mois on ne m’a dit que ce rapport contenait des
inexactitudes et des incohérences.» Il rappelle que pour le moindre petit
article publié sur le site de l'OMS, plusieurs approbations sont nécessaires.

«Pacte conclu avec le ministère italien de la Santé»


Un mois avant la publication, Francesco Zambon avait envoyé un aperçu des
résultats à Ranieri Guerra qui l’avait ensuite partagé au ministre de la Santé,
Roberto Speranza. Le Guardian affirme avoir eu accès à des mails envoyés à
Francesco Zambon par Ranieri Guerra et le directeur de l’OMS Europe,
Hans Kluge, qui semblent «refléter un pacte conclu avec le ministère italien
de la Santé pour garder le rapport secret».

Le ministère de la Santé italien nie, lui, toute implication. Le rapport «n’a


jamais été envoyé au ministre de la Santé, qui ne l’a donc jamais examiné
ni commenté», a-t-il déclaré dans un communiqué cité par le
Guardian. Francesco Zambon affirme avoir tenté d’alerter en vain de hauts
fonctionnaires sur les conséquences du blocage de ce rapport. Les
informations qu'il contenait auraient, selon lui, pu sauver des vies dans des
pays en retard sur la courbe épidémique. L’Italie a totalisé samedi le plus
grand nombre de morts du nouveau coronavirus en Europe depuis le début
de l’épidémie - soit 64 036 -, prenant la place du Royaume-Uni.

Marlène Thomas (https://www.liberation.fr/auteur/18006-marlene-thomas)

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