LES YEUX FERTILES

un manifeste

Le film sur l'art n'est pas de l'art. L'artiste est le créateur, pas le support d'une création
du réalisateur.

Le film sur l'art n'est pas un reliquaire. L'artiste n'est ni une sibylle, ni un shaman, et
le film ne doit pas recueillir avec dévotion ses propos les plus anodins.

Le film sur l'art refuse l'ésotérisme. Il doit favoriser une approche modeste. Si la
création ne ressortit pas au mystère, elle est néanmoins complexe, et le propos est
d'aborder cette complexité sans verser dans la simplification.

Le film sur l'art n'est pas une tribune pour la rhétorique des experts. Outre que le nom
desdits experts risquent de ne rien dire pour le spectateur futur, il faut éviter les
questions souvent pesantes pour privilégier une approche directe.

Le film sur l'art ne doit pas diffuser de faux savoir. Toutes les informations diffusées
par le film doivent être soumises à une vérification rigoureuse des faits, y compris
dans les propos de l'artiste.

Le film sur l'art doit s'efforcer de ne pas filmer les reproductions des oeuvres mais les
oeuvres elles-mêmes.

Le film sur l'art est un travail scientifique. Comme tel, il repose sur l'ensemble des
connaissances sur le sujet et il doit aussi apporter une contribution originale à
l'histoire de l'art en tant que source primaire.

Pierre Aubry et Rachel Stella

Paris, 1996