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N.

JORGA
Prof esseur a l'Université de Bucarest
Correspondant de l'Institut de France

L'ORNEMENTATION
DU

VIEUX LIVRE ROUMAIN

e.

Extrait des Proces-verbaux et Mdmoires


du Congres international des Bibliothdcaires et des Bibliophiles. Paris, 1923.

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N. JORGA -
Prof esseur a l'Université de Bucarest
. Correspondant de l'Institut de France _

L'ORNEMENTATION
_ DU

VIEUX LIVRE ROUMAIN


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Extrait des Proces-verbaux et Memoires


du Congres international des Bibliothicaires et des Bibliophiles. Paris, 1923.

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JOUVE & c", EDITEURS
15, RUE RACINE, 15

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Congrès international des Bibliothecaires
et des Bibliophiles ; Paris, 1923. Planche VI
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Liturgiaire Slavon. imprime par le rnoine Macarie; 1508.


Frontispice.

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Congrea international des Bibliothecaires
et des Bibliophiles ; Paris, 1923. Planche VII

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Evangeliaire Slavon, irnprirne par le moine Macarie ; 1512.


Fol. 63. titre fréduit de 1/4]

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L'ORNEMENTATION DU VIEUX LIVRE ROUMAIN

.4

Le Livre roumain est pia ancien que.le Livre russe ; dans la péniri-
sure des .Balkans ii n'y a, avant lui, que les quelques impressions
faitcs a Cettigne par un moine Montenegrin, qui avait appris on meiier'
a Venise, ville dont l'influence, sous plus d'un rapport, a été grande
dans ces regions.
. Il est peu connu, &mine du reste tout ee qui concerné les .hou-
mains, qui Font ecartes, n'etant pas.Slaves, du large cercie dcs etudes
cOncernant cette race, et mis de cpté, haiiituellement, dans les preoccu-
pations de la race latine a laquelle ils apparticnnent.
Cependant ies produits des imprimeries valaques et moidaves ne nous
paraissent pas etre nnéprisables.
Ils s'inSpiraient dans l'illustration, souvent tres riche, presque iou-
jours de hon gout, des front ispices et initiales de cet art byzantin qui a
passé aux Slaves du Sud, tout en &ant imite en Arrriénie, on tél
manuscrit de Solgat, aujoUrd'hni dans la ville roumaine de Roman, a
absolument le même caractere décoratif. Venise ajouta des elements
nouveaux appartenant a une autre tradition.
Viendra ensuite, avec le xvire,..sicie, l'influence de Ca- art russe,
ruthene en Galicie, velico-russe a Moscmi, qui est tin peu Maid, parce
que des elements oriéntaux et occidentaux s'y rencontrent sans e can-
fondre et sans créer un type original.
Des lors cependant, un caractere nouveau apparait. II eSt emprunte
cette école d miniaturistes valaques dont l'activité devra etre
minutieweruent etudiee. C'est de IA que viennent, conime aussi dans
tel manuscrit contemporain, ies majuscules .encadrant des figures cié
: saints ou des animaux et des fieurs.
Esquisser dans sés lignes generaies ce chapitre de l'histoire du Livre,
tel est le but de cette communication.
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6 N . JORGA

L'imprimerie roumaine commence dans la principauté de Valachie


en 1508, par des ouvrages religieux, des livres saints en langue slavone,
qui était langue liturgique pour les pays de la rive gauche du Danube
aussi bien que pour ceux de la rive droite.
Son introducteur fut un moine montenegrin, Macarius, devenu plus
tard Métropolite de son pays d'adoption, qui était relié étroitement,
par des souvenirs historiques aussi bien que par des liens dynastiques,
plus anciens ou tout récents,avec la race serbe. Ce slave des Balcans
qui avait vécu dans le pays des Tschrnolévitsch,sur le littoral de l'Adria-
tique, avait, comme beaucoup de ces Schiavoni (Esclavons), passé
quelque temps a Venise, dont M. Horatio Brown a montré le role actif
dans les progres et la diffusion de l'art typographique a cette epoque.
On ne pouvait pas cependant venir de la ville des Bellini sans en raP-
porter des tendances artistiques. Macarius chercha done a donner aux .:
,
produits d'une presse toute simple, dont il était presque le seul ouvrier,
des ornements liminaires. Le Liturgiaire de 1508 (1) en porte plusieurs,
provenant de trois modeles seulement. En plus, les initiales sont ornées.
Oil a-t-il pu en trouver l'inspiration ? Les manuscrits byzantins et
slavo-byzantins avaient, au xvie siecle au moins, des frontispices com-
. poses de lignes entrelacées, que terminaient des fleurs d'acanthe, des
croix, des couronnes, d'un noble style, comportant des variantes infinies
dans son tissu compliqué. D'apres cette tradition artistique,la Molds-
vie avait donne pendant tout le siecle suivant une série entière de splen-
fO
dides manuscrits sur parchemin, avec des en-tetes aux couleurs variées,
melangeant le rouge, le bleu, le vert, l'or. On s'en servit pour les bois
destines a orner les premiers livres imprimes, qu'il fallait, ici comme
ailleurs, rendre semblables, autant que cela se pouvait, aux manus-
, crits dont on avait l'habitude. A cOté de ces frontispices en noir, les
initiales formées de lignes du meme caractere sont imprim ées, comme -
les titres aussi, en rouge clair. En fait d'innovation, il n'y a que les -
armes de la Valachie ou de la Moldavie, intercalées au beau milieu des
entrelacs. Et il y a, aussi des initiales d'une tout autre forme, aux
simples lignes noires, a peine ornées de traits fugitifs. II parait done
I, Voir P LOMB VI.

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Congrès international des Isibliothécaires
et des Bibliophiles ; Paris, 1923. Planche VIII

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Enseignement de la Loi (Indreptarea Legii); Tirgoviste 1652.
Frontispice [rOduit de 113].

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CongrIts international des Bibliothécaires


et des Bibliophiles : Paris, 1923. Planche X s

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Les Apôtres, gray,. de Damascène Gherbest ; Bucarest, 1683


Saint Luc [réduit de 1/3].

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Congrès international des Bibliothécaires
et des Bibliophiles ; Paris, 1923. Planche XI

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Triode; Buzau, 1700


Frontispice [retina de 1/31.

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L'ORNEMENTATION DU VIEUX LIVRE ROUMAIN 7

que, lorsque l manuscrit mode le nxi donnait rien, l'imprimeur recourait


a sa fantaisie propre, beaucoup moins riche.
L'Evangéliaire de 1512 (1) complique ces elements de base. Les lignes
' du frontispice sont parfois d'un mouvement plus rapide, parfois elles
contiennent a l'intérieur meme la fleur caractéristique de la ronce ;
des couronnes qui flanquent le carré, surgit la memo fleur. L'embleme
de la Valachie, le corbeau se dessine en noir, simple et elegant. En --
même temps que les initiales du type connu, on a des bois liminaires
contenant dans un rond d'entrelacs la même couronne. pareille a celle _

que portaient les princes ur les fresques des eglises baties par eux
d'un bout du pays A l'autre. Des frontispices plus simples compris
dans un rectangle allonge, montrent bien leur origine occidentale. Le
double caractere des initiales se maintient.
"., .Ces moyens de decoration, jusqu'au corbeau valaque, se retrouve-
-- ront dans l'Evangeliaire imprimé a Belgrade en 1552. Une tradition
s'était déjà formée, bien qu'encore imprecise, sur certains points. Elle
se développe parallelement au style des manuscrits dont tel, contenant
les Liturgies, présente des figures, comme celle de saint Jean Chrysos-
.. tOme écrivant sur son pupitre, et l'ornementation des frontispices est
prolong& aussi en bas des pages. (2) Il est possible qu'un apprenti de
Macarius soit revenu en pays serbe avec cette récolte d'art eMpruntée
-aux pays roumains.
L'impression des livres d'eglise reprend seulement en 1545, par les
travaux du moine Moise, qui emploie les matrices du serbe Démetre
Lioubavitsch, sur lequel lea renseignements manquent. Mais cette ".
fois l'illustrateur ne donne qu'une imitation gauche, lourde, des tra-
vaux antérieurs. On se demande si Démetre,« neveu de Bojidar A
le serbe éditeur de livres slaves a Venise qui imprime en 1547, n'est
pas le memo que Lioubavitsch. Aucun progres sur l'ouvrage precedent.
On arrivera a des formes totalement dégénérées _et contaminées d'or-
nements roumains, comme dans le livre décrit. par Bianu et Hodos
dans la Bibliografia romdna, I, pages 101-102:
Le frontispice aux armes de la Valachie, de 1512, est rcpris, de même .
:a.
.1 que d'autres themes de l'époque, dans un curieux Triode-Penticos-
taire dont les initiales sont latines et du plus pur vénitien.Cet ouvrage,

1. Voir PLANCHE VII .


2 Collection du P. Parthenie a IlArnnicul-Valcii. Cf. la planohe serbe de l'Album
de Spassoff, L'Ornement Slave et Oriental (Pétersbourg, 1885).

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: 8 N. JORGA

d'environ 1550, cependant les lignes entremêlées, plusieurs lois


rompues, dudit frontispice sont de beaucoup inférieures a celles qu'on
observe dans la publicatiOn parue A Belgrade en 1552; n'a que des s

initiales puremeht vénitiennes.Ce qui le distingue; c'est le grand nombre


de planches représentant des scenes evangeliques. Ii y a dans le mouve-
ment une influence occidentale; mais dans la scene de la Mise au Tom-
beau on ne pourra rien signaler qui ne corresponde aux souvenirs de
l'Orient byzantin, slave ou roumain; le groUpement des figures, leurs
attitudes appartiennent aux formules d'art qui sont exprimées dans les
-
épitaphes de ces payS, au xve siècle.
- Je risquerai une hypothese. Vers 1570-1590, le prince de Valachie,
Mihnea, fils de la _Levantine Catherine, avait a Venise comme repré-
sentante de ses intérêts la nonne Marioara Adorno-Vallarga, veuve
d'un noble génois, laquelle était sceur de cette princesse de Bucarest.
.Elle a fait élever A la mémoire de son neveu un autel dans le petit cou-
. vent de San-Maffio de Murano, oil elle résidait. Ne serait-ce pas a elle
qu'aurait été due l'impression, a Venise méme, avec des bois copies ou
imités sur des publications ou des icemes plus anciennes, de ce Eyre des-
tine a clôte la série des ouvrages dont l'Eglise orientale avait besoin
polit ses services? Ori sait que Mihnea commandait des livres en Tran-
.= sylvanie.
Deja, en _1561, on avait copie plus maladroitement encore le frontis- ,
pice de 1512 dans le premier livre imprimé a KrOnstadt-Brasov, en
Transylvanie, par le diacre Coresi. Celui au corbeau grave en noir revient
dans l'Octoique de 1574; l'autre, A l'oiseau a peihe visible, dans celui
de 1575. Bien n'est ajouté dans cette longue série d'éditions que le
e chrysobulle », les armes de la Valachie,dans une cohronne de lauriers,
l'oiseau heraldique levant une patte pour marcher, geste tout a fait
nouveau (Octoiques de 1574 et 1575). Plus tard s'ajouteront de petits
frontispices allemands, portant d'autres blasOnS, bien entendu, qiie
ceux de la Valachie. On essaiera meme; comme en 1578, d'y intercaler
le corbeau a la patte levee, de petites diniensiOns.Il est visible que ceux .

qui travaillent sont des Ouvriers saxonS n'ayant pas l'intelligence de


cet art. L'Evarigile expliqué de 1581 aura même une grande planche
en style de la Renaissance aux armes du juge de Kronstadt-Brasov,
: tout en conservant les seules lettres ornées.

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Congrès international des Bibliothécaires
et des Bibliophiles ; Paris, 1923. Planche XII

ALEXIS COMNENE, Arsenal dogmatique (IlavoirVa anti.= xii)


gravures du moine Anthime ; Tirgoviste, 1710.
Fol. 1 vo.

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L'ORNEMENTATION DU VIEUX LIVRE ROUMAIN 9

II

L'ornement de la Renaissance devait se combiner avec les normes


byzantines ailleurs : en Ukraine. Il en revint au moment on la muni-
ficence du prince valaque Mathieu Basarab et du prince moldave Basile
Lupu envers toutes les Eglises d'Orient ouvre une nouvelle série de
publications roumaines, a partir du 1636.
II ne s'agit pas cependant d'une simple importation étrangere, car
celui qui realise cette synthese, répandue ensuite dans les pays rou-
mains, n'est autre que Pierre Movila, fils du prince moldave Simeon,
neveu d'un autre prince de la même Moldavie, Jérémie, élève pent-
etre du grand calligraphe roumain Anastase Crimea, Metropolite de
Suceava,ce Pierre qui, devant renoncer au tame, devint hegoumene de
la célèbre communauté de la Pétschersca, a Kiev, puis archeveque de
ce diocese et défenseur de l'orthodoxie contre l'intrusion catholique
polonaise.
Cette fois,par l'oeuvre des imprimeurs russes, si l'on a encore des fenilles
d'acanthe, avec des fruits de grenadier, rappelant vaguement les anciens
frontispices, d'autres en-tete présentent des têtes humaines, des lions,
des dessins vagues. Des chérubins figurent dans les culs-de-lampe de
Transylvanie, oi l'ancien ornement est a peine reconnaissable. Les
armes méme dela Valachie montrent une main étrangere. Des planches
réalistes, comme le fils prodigue au milieu des cochons, le méme devant
le champ labouré, dans l'Evangile expliqué de 1641, ont une note de
réalisme qui n'appartient pas a. la tradition de l'Orient roumain, et on
ne l'acceptera jamais. Ensuite, dans la scene de la Dormition de la
Vierge, j'ai reconnu meme trois lettres latines sur les quatre, qui abregent
le titre de cette fagon : Ad. M. D. (Adormirea Maicii Domnalui). Le
nom de l'archimandrite Jean est donne en lettres latines dans leLitur-
giaire de 1646. On pourrait soupgonner un Transylvain. De meme dans
le nom de la princesse Helene inscrit sur le Penticostaire de 1649. Les . -

esquisses des personnages sont vagues, le groupement incertam. Et en


Moldavie le peintre Elie, qui présente dans la Decollation de saint
Jean Baptiste un exécuteur habillé a la fagon contemporaine et ménage
un arribre-plan pour les spectateurs, est en dehors du développement
de l'art roumain, tel qu'il paralt dans les icônes et les fresques d'eglise.
On a donne aussi un nouveau style,impressionnant, aux frontispices.
Un peintre qui signe S. E. Cz. parait avoir fourth toutes les feuilles de
-

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1.0 - N. JORGA

.
titre, aux colonnes d'un style étranger, soutenant des portraits de
saints. En 1650, la Valachie offrait un autre type, plus riche en elements
divers d'architecture, et aVec des anges, des dauphins et des figures de
fantaisie.
L'exemple moldave sera cependant suivi dans le Code de 1652 (1), qui
porte au-dessus des figures des saints et de prophétes le nom si je
lis bien de Theodore Tistevici (Tyszkiewicz). A l'intérieur, de grands
et belles figures aux inscriptions du même caractere, plutOt latin, ont
un cadre dans lequel ii y a des ornements de la Renaissance et même
des diablotins..Ailleurs, oü ii n'y a que des fleurs autour des saints, la
signature d'un Pierre, dont le nom de famille apparait en-cryptogramme,
est trés visible.
Une nouvelle série de livres, qui s'ouvre par la Cle du sens » (Buca-
(I

rest 1678), a comme illustrateur le russe Ivan Bacov, dont le dessin est
vague et sans caractere. II s'inspire a cette époque de l'école des minia-
turistes, trés développée en Valachie (2). Certaines initiales de ces livres, e

contenant des monstres, des figures d'ornement, des renards a Pant,


ont eette origine. Ivan réapparaltra en 1700 (Triode de Buzau), comme le
moine-Joannice Bacov, avec de nombreux dessins, parfois tres heureux.
Lorsque le Métropolite moldave Dosithée amena des typographes a
Jassy, vers 1680, les dessinateurs des livres d'Eglise étaient encore des
, Russes, influences par l'Occident polonais : dans le Psautier slavon et '
roumain, on voit le combat de David et de Goliath sur une esquisse a
la mode de l'Occident. Les initiales sont tanta de style simple latin,
tantôt composées de figures conjointes, d'un tres mauvais gout.
Mais deja dans le Liturgiaire valaque de 1680 s'affirme un autre
art, tres fin, d'une inspiration manifestement latine (3). Une
belle figure de la Vierge domine un frontispice aux fleurs artistement
enchevetrées. L'Evangile de 1682 et les Ap6tres de 1683 (4) Ont de
grandes planches d'une execution supérieure (les Evangelistes). L'au-
teur est le moine Damascene Gherbest (5). Des initiales a figures
apparaissent ici. On sent l'influence de cet art de la miniature qui

_
1 VOir PLANCHE VIII.
.

a. Voir PLANCHE IX.


3. En Transylvanie, des Saxons donnent en si383 aux eN angelistes la lourde silhouette -
d'un Luther.
4. Voir PLANCHE X .
5. De lui aussi probablement le S. Jean Damascene de l'Octoique de Buzau.

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L'ORNEMENTATION DU VIEUX L1VRE ROUMAIN 1.1

depuis longtemps déjà orne les documents valaques et que nous


espérons faire bientat connaltre par une publication spéciale.
En même temps une école d'imprimeurs roumains se forme en Mol-
davie : Métrophane et ses élèves Paul, Ursu et André, dont le second
donnera des dessins plutot lourds. 11 essaiera en 1704 des figures
d'evangelistes dans le genre de ,Damascene, mais sans avoir ses
-

i
moyens.
Pour les livres grecs et orientaux, un autre dessinateur parait tra-
vailler, un natif de cet Orient, qui esquisse des lignes vagues dans
un cadre de tapis persan (1691). Toutefois Joannice lui-même parait
être familiarise avec ce style. -

III

Mais deja le grand illustrateurdu Livre roumain a la fin du xvne siècle


a paru. Cest le moine ibérien Anthime qui semble apporter avec lui,
dans ses larges feuilles pleines de vie, dans ses grenades ouvertes, dans
ses tulipes, quelque chose de cette decoration persane, qui donnera
aux eglises et aux palais de l'époque les fleurs, res lampes, les oiseaux,
".
les facades triomphantes obtenues sur l'enduit frais par des formes en
bois, comme dans le palais du richissisme prince Constantin Brancoveanu
a Potlogi, dans celui des Cantacuzènes a Filipesti, dans l'eglise de Fun-
denii Doamnei. Les colonnes des frontispices seront désormais, de memo
que les grandes fleurs des bases, correspondantes aux elements qui dis-
. tinguent les batisses de l'epoque. Tout en empruntant aux prédéces-
seurs les anges, les figures humaines, les casques, les têtes de lion, on
donnera la predominance a cet ornement vegetal dont Anthime est
le grand maitre (1). Des feuilles de titre, comme celle du Triode de
Buzau en 1700 (2), avec toute la série des saints qui s'échelonnent a
la manière russe sur les bords, en restent toutes transformées.
Un Grec, Démetre, travailait a côté, des .1698. Une école rou-
maine, en concordance avec les manuscrits, qui ont la même fleur,
.
les mantes lignes, avait commence. Elle devait déchoir a l'époque pha-
nariote du averse siècle, perdant tout ce qui avait constitué ses carac-
teres de noblesse et de grace, mais accompagnant le Livre roumain dans
I. Voir Porno. XII.
2. Voir PLANCHE XI.

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;

12 . N.
N. JORGA.

toute son evolution jusqu'a l'epoque moderne, non sans avoir subi-
ce moment, et surtout en Transylvanie, une influence occidentale,
beaucoup plus f éconde qu'au siècle precedent. L'initiale persiste, rare- .k.

ment intéressante, comme dans tel livre de 1781, oil une figure de saint
debout entre dans la composition du carré rouge (Discours de Theodore
de Studion, Ramnic, 1784). Quelquefois, comme dans la Liturgie de
Minnie (1797), on essaie des frontispices nouveaux,composés de monstres
affrontés. Mais généralement on copie : le passé ou l'etranger. Un
diacre, Constantin de Ramnic, qui signe, réunit harmonieusement dans
une de ces « portes s du livre du xvme siècle toutes les sculptures en
usage dans les églises contemporaines,avec des rinceaux sur les colonnes,
apres avoir, en 1781, mis enseMble les saints, les médaillons des pbilo-
sophes, les anges de la decoration occidentale. Un autre, qui signe D. T.,
s'essaie a des frontispices composes de figures des prophétes : Moise,
David, Salomon. De grandes planches représentent les saints dans
13 Liturgiaire du même Minnie, en 1777.
Un protopope, Michel Strilbitzki, russe d'origine, vers 1790, un
Démetre Kontoléos, de Jassy, chercherent a donner a cet art tradition-
nel un caractere moderne, et les travaux de ce dernier,iclans le u Code »
du prince Scarlate Callimachi, dans telle image du Psalmiste,sont sans
aucun doute remarquables. ,

Imprimerie Jouve et Cie, 15, rue Racine, Paris

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