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Françoise Barret, conteuse, comédienne et auteure

Constat : pose problème présence femme dans la reproduction et les hommes dans la production

Françoise Barret revient tout d’abord sur la prise de conscience qui a permis d’engager une
activité militante dans le domaine de la Culture. Elle naît d’un travail d’expertise mené entre 2006
et 2009 par Reine Prat, inspectrice générale mandatée par le Ministère de la Culture pour étudier
les inégalités de genre dans les milieux du spectacle et du divertissement. Son rapport fait « l’effet
d’une bombe » : paru en juillet 2006, il fait l’objet d’un article dans Le Monde, au moment même
où se tient le festival d’Avignon. Pour Françoise Barret, le rapport est à l’origine d’un
« électrochoc » dans la profession, d’autant que le monde de la Culture est perçu comme très
féminisé : la pratique amateur du théâtre est majoritairement féminine, les femmes représentent
70 % du public du théâtre vivant. En réalité, dès lors que l’on s’intéresse aux fonctions de
production, aux postes de direction, on s’aperçoit que les femmes sont peu présentes. Il s’agissait
d’un phénomène que les professionnelles du monde du spectacle avait déjà bien constaté, ne
serait-ce qu’en rencontrant des difficultés à se faire programmer. De fait, 90 % des mises en scène
programmées par les théâtres sont encore réalisées par des hommes.

Cette question d’une inégalité dans l’accès aux postes de décision et à la programmation fait
l’objet d’un tabou, d’autant plus fort qu’on se situe dans le cadre artistique : « L’art n’a pas de
genre ». Il y a une vingtaine d’années il était impossible d’aborder ces questions : le problème
même de l’organisation du travail pour les femmes, des horaires des répétitions qui pouvaient
entrer en contradiction avec la vie familiale… tout cela était battu en brèche par un même
argument : « L’art passe avant tout ». Les rapports Reine Prat vont susciter une réelle prise de
conscience qui va gagner les institutions qui vont tenter de réfléchir à une manière d’intégrer les
femmes aux processus de décisions. H/F va naître d’une rencontre organisée ainsi par le directeur
de la DRAC en Rhône-Alpes, au cours de laquelle des professionnel.le.s du spectacle vivant vont
convenir de la nécessité d’une action collective et concrète.

Selon Géraldine Bénichou, il était essentiel d’engager une prise de conscience au niveau des
régions en menant une étude permettant d’avoir les chiffres de la représentation féminine dans les
milieux de la culture en Rhône-Alpes. C’est ce travail militant qui est à l’origine de la création de
H/F en 2008, mouvement en partie fédéré par Reine Prat elle-même. C’est ainsi que le meilleur
parti des rapports de Reine Prat a pu être tiré, tout en permettant à l’inspectrice générale
d’entrevoir des solutions concrètes aux inégalités qu’elle avait étudiées, face aux idées
développées par les militant.e.s. Le dialogue entre l’association et les institutions a été fructueux
et a permis au mouvement d’essaimer, puisqu’en 2009 H/F Ile de France est créée dans le sillage
de l’association en Rhône-Alpes.

S’est ensuite posé la question des modalités d’action : François Barret revient sur la première
année du mouvement, qui a consisté à diffuser les éléments de la prise de conscience que devaient
susciter les études précises et chiffrées sur lesquelles Reine Prat et la DRAC avaient travaillé. Il
s’agissait d’aller voir les représentants politiques pour leur rappeler les lois, en leur faisant
remarquer qu’il existait une distribution inégalitaire des subventions et que l’on nommait encore
très majoritairement des hommes aux postes de direction. Ces revendications ont été mieux
entendues grâce aux lois sur la parité des élections qui ont logiquement rendu les institutions plus
sensibles aux questions des inégalités femmes-hommes.

Cela a permis également à H/F de faire valoir une position légaliste : puisque la question des
inégalités femmes-hommes est désormais prise en charge par le débat public et que des lois sont
écrites pour favoriser une distribution égalitaire des subventions et des postes, pourquoi ne sont-
elles pas appliquées ? Géraldine Bénichou insiste sur cette dimension légaliste de la lutte, tout en
rappelant la difficulté qu’il y a à faire valoir cet argument dans le monde de la Culture, qui «  se
pense au-dessus des lois » : « La question du talent échapperait à une interrogation sur les critères
d’attribution des subventions et de l’argent public ».

Cinq ans après la création de l’association, H/F a essaimé dans d’autres régions  : aujourd’hui, il
existe quatorze collectifs en France. Le lancement des Saisons Egalité a permis à l’association de
gagner en visibilité et de diffuser les réflexions des militant.e.s. A partir d’une idée de Reine Prat,
H/F a mis en valeur et accompagné, pendant ces Saisons, les lieux culturels qui proposaient les
programmations les plus égalitaires. Les lieux qui se sont engagés dans ces Saisons se réclament
par la suite d’H/F et doivent respecter les éléments d’une charte. Les Saisons Egalité ont pour but
de mobiliser le milieu professionnel autour de trois domaines – la gouvernance, la
programmation, les enjeux de communication – et d’établir des bilans sur la représentation des
femmes dans les milieux de la Culture et du divertissement. Les Saisons Egalité se tiennent
aujourd’hui dans environ 120 structures en France et les membres d’H/F aimeraient qu’elles
puissent constituer de réels supports de réflexion en vue des politiques publiques.

Les progrès n’ont pas été les mêmes en fonction des institutions. Reine Prat était missionnée sur
ce seul rapport : après son départ, les associations n’avaient plus de réel interlocuteur, d’autant
plus qu’il n’y a pas de référent égalité au Ministère de la Culture (alors que c’est le cas dans les
autres ministères). « Parité » demeure un mot tabou dans le domaine de la Culture, et il est
impossible d’imposer un programme à un directeur de théâtre. La notion de talent demeure un
argument facile pour évacuer les questions posées par une représentation extrêmement inégalitaire
des femmes dans le milieu de la Culture  : dans les centres dramatiques, seulement 15  % des
spectacles sont mis en scène par des femmes et ce, avec 8  % des subventions. Les femmes font
donc moins avec moins de moyens.

Récemment, de nouvelles perspectives ont semblé se dessiner en faveur de l’égalité femmes-


hommes dans les milieux de la Culture. Après la rédaction d’un manifeste en 2011 diffusé
pendant le festival d’Avignon qui invitait le maximum de professionnel.le.s de la Culture et de la
politique à réfléchir à ces questions, le changement de gouvernement en 2012 permet de retrouver
une meilleure écoute sur le plan politique. La réouverture d’un Ministère des Droits des femmes,
notamment, ne peut manquer de jouer en la faveur des professionnelles de la culture. De fait, dès
septembre 2012, une feuille de route du Ministère de la Culture paraît, qui reprend les grandes
lignes du manifeste de H/F. La difficulté pour H/F était désormais de se positionner à l’égard des
politiques publiques et de demeurer malgré tout un outil de vigilance. Car, il est toujours
extrêmement difficile de faire évoluer les mentalités : en 2013, le Ministère a insisté pour que des
femmes soient nommées à la tête de certains lieux culturels et cela a provoqué un tollé. On a
évoqué une « marée féministe », des nominations qui ne tenaient pas compte des compétences. La
réception très violente des ABCD de l’Egalité a rendu les pouvoirs publics de plus en plus frileux
sur le sujet. Par ailleurs, l’engagement militant des artistes peut jouer en leur défaveur sur le plan
professionnel, ce qui ne va pas sans poser de nombreux problèmes pour la visibilité de ces
questions.

La sensibilisation des professionnel.le.s du milieu et du public devient donc un enjeu essentiel et


c’est pourquoi H/F a mis en place un module expérimental destiné aux lieux de formation des
professionnels du spectacle ; l’association organise également des débats à destination du public.

http://www.hfrhonealpes.fr/

Intervention de Farida Boudaoud, Vice-présidente du conseil régional, déléguée à la Culture


et à la lutte contre les discriminations.
La question de la représentation des femmes dans les milieux de la Culture renvoie en fait au
problème plus général des quotas. Farida Boudaoud y a toujours été favorable, car il s’agissait du
seul moyen pour arriver à la parité. Le monde politique a changé grâce à cela, même si de
nombreux postes à responsabilité sont encore tenus par hommes : il n’y a actuellement que deux
femmes présidentes de région ce qui prouve que sur la question de l’égalité, beaucoup de choses
restent à faire, d’autant plus que jusqu’ici la France a beaucoup travaillé à partir des injonctions
européennes. Dans le cadre d’une réflexion plus générale sur le modèle républicain et sa
pérennité, la question des inégalités femmes-hommes doit continuer à être posée.

En ce qui concerne précisément le domaine de la Culture, Farida Boudaoud remarque que les
choses ont évolué « du bas vers le haut » : c’est à partir d’une association, ancrée en région, qu’on
a pu obtenir des directives nationales. Le monde politique a besoin, en règle générale, de
dialoguer avec les associations et le monde la Recherche, afin de mener des actions concrètes.
Dans ce processus, la région constitue un relais essentiel : elle travaille à partir d’un certain
nombre d’axes, comme la formation et la direction des lieux culturels, afin de faire évoluer un
milieu qui demeure paradoxalement très inégalitaire.

Thérèse Rabatel, adjointe au maire de la ville de Lyon, déléguée à l’égalité femmes-hommes,


et aux personnes en situation de handicap.

Thérèse Rabatel travaille sur la question de l’égalité femmes-hommes depuis son précédent
mandat, à partir d’un plan de 65 actions en faveur de l’égalité. A Lyon de grandes institutions sont
dirigées par des femmes : le théâtre des Célestins (adhérent de H/F), le Musée des Beaux-Arts, le
Musée Gadagne, le Centre d’Histoire de la Déportation, la Maison de la Danse… Seuls l’Opéra,
l’Institut Lumière et le MAC sont dirigés par des hommes. Il existe des manifestations culturelles
originales dédiées à la création féminine : par exemple, Lady Bug, festival de musique
numérique . Ils n’attirent toutefois pas encore un public assez large, et un réel travail reste à
effectuer pour faire évoluer les mentalités.

Afin d’y parvenir, la ville de Lyon tente de favoriser les réflexions sur l’égalité : au travers
d’études sur le milieu professionnel et les modalités du recrutement par exemple ; en changeant le
nom des rues, pour favoriser la visibilité des femmes dans l’espace public ; en féminisant la
langue. En ce qui concerne précisément le milieu de la Culture, la ville a crée un Pass culture qui
devait, par la diversité des manifestations auxquelles il donnait accès, permettre un accès
égalitaire à la Culture, intéresser autant les femmes que les hommes. Un fonds dédié au Genre a
été crée à la Bibliothèque Municipale de Lyon, le Point G. La ville subventionne également une
association comme H/F. Thérèse Rabatel remarque que si le budget alloué à l’égalité femmes-
hommes est de 115000 euros, il se trouve largement complété par les sommes alloués à cette
question dans tous les autres domaines. La volonté politique est donc là, mais il faut qu’elle puisse
être relayée à l’échelle des quartiers.

14h00 : Margaret Maruani, sociologie, CNRS, directrice de la revue Travail, genre et Sociétés et
directrice du groupe de recherche MAGE.

« Travail et genre : l’égalité n’est pas au rendez-vous »

Margaret Maruani propose un panorama sur le travail des femmes et ses évolutions, qui permet de
voir que l’égalité n’est pas au rendez-vous. L’intérêt d’une étude sur le travail des femmes tient à
la centralité de l’activité professionnelle dès lors que l’on s’intéresse à la situation de femmes
dans la société. Le travail touche à des enjeux économiques, sociaux, politiques et idéologiques
essentiels ; il touche aussi aux représentations, aux pratiques, aux rapports sociaux de sexe dans la
sphère familiale. La place des femmes dans la société se lit dans l’accès à l’emploi et les
conditions d’exercice de leur activité professionnelle. Le travail est donc un fait social total à
partir duquel se dessine la condition des femmes.

D’autant plus que depuis les années 60, le monde du travail a connu une mutation majeure   la
féminisation du salariat. La croissance de l’activité féminine a agi comme une lame de fond que
rien n’a arrêté, ni la baisse de la croissance, ni l’augmentation du chômage. Et pourtant, si la
parité est là en termes arithmétiques, la féminisation du salariat n’a pas débouché pas sur l’égalité.
Il y a plus de femmes actives, salariées, instruites et, paradoxalement, plus de femmes chômeuses
et en situation précaires, avec des carrières discontinues.

Cela paraît d’autant plus étonnant que depuis 50 ans le renouvellement des forces travail s’est
opéré du fait de la croissance du travail féminin. Dans les années 60, les femmes représentaient
30 % de la population active européenne ; aujourd’hui, c’est 45 %. La part des femmes dans la
population active a donc beaucoup augmenté, et particulièrement en France où elle est aujourd’hui
de 48 %. A l’échelle du XXe siècle, la population active féminine française est passée de 7
millions en 1901, à 14 millions en 2008, elle a donc doublé. Au-delà du saut quantitatif, on a
assisté à un réel rééquilibrage des sexes dans le domaine du travail.

Cette croissance du travail féminin est sous-tendues par deux évolutions sociologiques :
– d’une part la salarisation de la main-d’œuvre, processus qui a été plus rapide pour les femmes
que pour les hommes ; elles sont aujourd’hui plus salariées que les hommes ;

– d’autre part, l’évolution des trajectoires professionnelles des femmes : en France, la majorité des
femmes cumulent aujourd’hui activité professionnelle et vie familiale. Alors que dans les années
60, le taux d’activité des femmes en âge d’avoir des enfants était de 40 %, aujourd’hui il est de
85 %. On observe donc une transformation du rapport des femmes à l’emploi, celui-ci n’entrant
plus nécessairement en contradiction avec les projets familiaux. La trajectoire professionnelle des
femmes n’est plus aussi discontinue, ce qui participe d’une homogénéisation des comportements
d’activité des femmes et des hommes. Ce phénomène n’est pas observable dans tous les pays
européens.

L’évolution du travail des femmes tient aussi à l’évolution de la place comparée des hommes et
des femmes dans le système de formation. Depuis les années 70, les femmes ont rattrapé les
hommes en termes de formation et aujourd’hui, il y a plus de femmes que d’homme dans les
formations universitaires. Au niveau européen, il en va de même, la majorité des étudiants sont
des étudiantes. Toutefois, les filières d’enseignement restent très sexuées, même si là encore on
observe des évolutions importantes : par exemple, les femmes sont majoritaires en médecine. La
place actuelle des femmes dans le système de formation constitue une vraie brèche, une vraie
victoire.

Une fois constatées ces évolutions positives, doit-on encore considérer que le travail demeure le
miroir des inégalités et des discriminations qui touchent les femmes ? En réalité, la situation des
femmes dans le monde du travail demeure très difficile. Plus instruites, ayant un meilleur accès à
l’emploi, elles sont pourtant moins payées, ont des carrières discontinues, et sont touchées par la
ségrégation de l’emploi. De fait, le phénomène de concentration des activités féminines s’est
aggravé récemment : en 1983, six catégories professionnelles concentraient 52 % des femmes
actives ; au début des années 2000, c’est 61 %. Ce phénomène se retrouve partout en Europe,
même dans les pays scandinaves.

Un autre phénomène caractérise la situation contradictoire des femmes face à l’emploi : la


bipolarisation des conditions professionnelles. D’un côté, certaines femmes avec un bon niveau
universitaire accèdent à des professions prestigieuses et bien rémunérées – tout emploi qui se
féminise n’ayant pas pour destin d’être dévalorisé. De l’autre, il y a un afflux de femmes dans les
emplois non-qualifiés et peu valorisés du tertiaire. Cette bipolarisation témoigne de l’accès très
différencié des femmes à l’emploi, et donc d’une progression du travail féminin qui demeure
inégalitaire.

Par ailleurs, la question des écarts de salaire entre hommes et femmes pose encore un sérieux
problème. Malgré des directives et des lois en faveur de la régularisation d’une telle
discrimination, le salaire égal n’existe nulle part en Europe. Dans certains pays, l’écart s’est même
creusé ces dernières années. Cet écart est d’ailleurs difficile à quantifier, tout dépend de la base de
calcul et de ce qu’on inclut dans celui-ci, et tout dépend également de ce qu’on cherche à évaluer.
La situation est résumable en 4 chiffres : pour la France

– l’écart de salaire entre hommes et femmes, pour tous les temps de travail confondus est de
27 %;

– si l’on soustrait le temps partiel, il est de 19 %;

– si l’on calcule sur la base du salaire horaire il est de 13 %;

– si l’on prend toutes choses égales par ailleurs (pour un homme et une femme ayant le même
emploi, dans une même entreprise, avec le même âge, la même formation et la même expérience)
il est de 10 %.

A partir de ces résultats, on peut proposer deux registres d’analyse :

1° on peut considérer que l’écart de 10 % constitue la « boîte noir » où se niche la discrimination ;

2° pour certains sociologues, on ne peut pas raisonner toutes choses égales par ailleurs, sachant
qu’à l’intérieur de ces critères, il existe des inégalités. Il faut donc chercher des éléments
d’explication dans la non-mixité des emplois.

En réalité, ces deux schémas explicatifs se complètent, car il mettent au jour l’action de deux
tendances qui se superposent : la ségrégation des emplois entres hommes et femme et la
discrimination salariale entre les sexes.

Par ailleurs, ce qui explique encore les inégalités entre hommes et femmes dans le monde du
travail est la prégnance du temps partiel chez les femmes. Il concerne 31 % des femmes actives
contre 6 % des hommes actifs. Le temps partiel recoupe des réalités sociales très diverses ; il peut
relever d’une réduction du temps de travail volontaire, mais constitue aujourd’hui en réalité le fait
d’une croissance massive des offres de travail à temps partiel. Actuellement, en Europe, plus de
80 % des salariés à temps partiel sont des femmes, et ces emplois ne sont pas concentrés sur des
femmes en âge d’avoir des enfants : le temps partiel est le plus occupé par des femmes de plus de
50 ans. Le temps partiel participe de l’infériorisation des femmes dans la société : peu qualifié,
mal payé, concentré dans quelques catégories professionnelles (la grande distribution, les activités
d’entretien, la restauration), il s’effectue dans des conditions difficiles et précaires. On arguera
que dans certains pays, le temps partiel a permis à certaines femmes d’entrer sur le marché du
travail, mais la forme du temps partiel, sa plus ou moins grande régulation révèle la place réelle
du travail féminin dans la société. Le temps partiel est l’emblème de la division sexuée du travail
et de la pauvreté laborieuse, qui naît du sous-emploi : en France en 2012, 1 350 000 personnes
étaient en situation de sous-emploi, dont 950 000 femmes. Le temps partiel fait donc bien le lit de
la paupérisation des femmes et pèse sur l’évolution des bas et très bas salaires : en 2006, 17 %
salariés touchent un bas salaire (moins de 958 euros) et deux tiers sont des femmes à temps
partiel. En considérant les conditions réelles du temps partiel, on ne peut donc conclure à un choix
des femmes pour concilier vie professionnelle et vie familiale.

Enfin, sur la question du chômage, les inégalités sont encore présentes, même si récemment la
situation est apparue plus complexe. Entre 1975 et 2008 les femmes sont statistiquement plus au
chômage que les hommes ; en 2009 les courbes se croisent, les hommes pâtissant plus de la crise
de l’emploi industriel que les femmes dans le tertiaire. Cela augure-t-il un renversement de
tendances, les femmes ayant finalement acquis une sécurité professionnelle ? Ou est-ce juste une
parenthèse ? Pour l’instant, nous n’avons pas assez de recul pour le savoir. En tous les cas, les
effets du sur-chômage féminin se retrouvent à la retraite, qui est un véritable décalque des
conditions dans lesquelles se sont déroulées les carrières. Actuellement les retraites des femmes
représentent 40 % de celles des hommes : la pension moyenne pour les femmes équivaut à 932
euros alors qu’elle atteint 1603 euros pour les hommes.

En conclusion, les femmes ont beau être plus instruites et plus qualifiées, elles demeurent moins
payées, ont des carrières plus discontinues et sont plus pauvres à la retraite. La persistance de ces
inégalités semblent bien prouver qu’il n’existe pas de pente naturelle vers l’égalité.

Sylvie Schweitzer, histoire, Université Lyon II, « Le genre de la fonction publique, une approche
méthodologique. L’exemple des inspectrices du travail, 1884-1974″
Genre et arts

Près d’un demi-siècle après Mai 68 et la décennie 70 -révolution sexuelle, politique mais aussi
culturelle- pendant laquelle des artistes de toutes disciplines se sont attelés à jouer sur les tabous et
à les mettre au grand jour, que nous reste-t-il de cet héritage qui fonde notre modernité artistique ?
Comment les artistes contemporains s’emparent-ils du corps physique, social et culturel et des
questions qui l’accompagnent : « l’anormalité », le bizarre, le queer. Que disent les plasticiens, les
performeurs, les cinéastes, les danseurs… de la place du corps, de la sexualité, du désir
aujourd’hui ; que racontent-ils et comment ?

Nous proposons de penser le domaine de l’art comme un espace politique où les rapports de
domination se rejouent, et peuvent potentiellement être dénoués. Nous entendons nous interroger
sur cette prise de parole par des artistes se faisant la voix de groupes minorisés, marginalisés,
travaillant à écrire leur propre « histoire », individuelle et collective, contre une confiscation
principalement mâle, blanche et hétérosexuelle.

GenERe vous propose de venir échanger autour de ces questions lors de conférences et tables
rondes, mercredi 23 et jeudi 24 à l’ENS de Lyon et vendredi 25 à la médiathèque de Bachut.

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