3,00 € lundi 22 février 2021 LE FIGARO - N° 23 796 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

lefigaro.fr
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

DÉBAT LE FIGARO SANTÉ

AGNÈS VERDIER-MOLINIÉ ET LA GRANDE PEUR DU RÉVEIL
PHILIPPE AGHION : « COMMENT SORTIR PENDANT UNE ANESTHÉSIE
L’ÉCONOMIE DE SON ATONIE » PAGE 18 GÉNÉRALE PAGE 9

L’épargne des Français,

PROCHE-ORIENT
Israël récupère
une orthodoxe

levier décisif de la relance

partie en Syrie
PAGE 6

GAUCHE
Mélenchon veut
gagner la bataille
des idées PAGE 7
Entre 2020 et 2021, les Français auront mis de côté 200 milliards d’euros de plus qu’avant
POLÉMIQUE le Covid. Une manne que le gouvernement veut orienter vers la dépense et les investissements.
À Lyon, la cantine
Privés de magasins, de res- domicile. Selon la Banque de coût de la crise sanitaire pour des investissements d’avenir, è LES FRANÇAIS PRÊTS
sans viande À PRENDRE UN PETIT PEU
taurants, de salles de specta- France, elle devrait se gonfler les finances publiques. Le à commencer par des fonds
passe mal PAGE 7 cles et de voyages, les Fran- de 70 milliards cette année, à gouvernement, qui a lourde- labélisés « France Relance ». PLUS DE RISQUES
çais ont réduit l’an passé leurs cause des fermetures admi- ment investi dans un plan de Le plus difficile est de les AVEC LEUR ÉPARGNE
ÉGLISE dépenses de 130 milliards nistratives persistantes et de relance, compte sur les ci- convaincre de dépenser une è LES MÉNAGES
DEVRAIENT REMPLIR
Les évêques d’euros. Cette manne dort le l’inquiétude des Français toyens pour contribuer à la part importante de ces éco-
ENCORE LEURS BAS
plus souvent sur leur compte pour leur avenir. 200 mil- reprise de l’économie. Il tente nomies pour favoriser une re-
en assemblée courant ou, en espèces, à leur liards d’euros, c’est aussi le d’orienter leur épargne vers prise rapide.
DE LAINE CETTE ANNÉE
PAGES 22, 23 ET L’ÉDITORIAL
spéciale sur
la pédophilie PAGE 8
TENNIS
Le patron, À Nice, le confinement Biélorussie :
c’est bien sur mesure en débat durement
Novak Djokovic
PAGE 14 réprimée,
TOURISME l’opposition
Menace
sur les agences
cherche
de voyages un second
PAGE 26
souffle
HOMMAGES Six mois après le début du
France Mémoire, soulèvement populaire, les
vagues d’arrestations ont
ou l’art de permis au pouvoir biélorusse
commémorer de museler son opposition.
VALERY HACHE/AFP

sans impair PAGE 30 En meilleure posture, l’auto-

crate Alexandre Louka-
chenko va retrouver ce lundi
En Iakoutie,
CHAMPS LIBRES

n
Vladimir Poutine, qui l’avait
voyage au soutenu au plus fort de la
contestation. L’Union euro-
pays du froid La métropole niçoise connaît un taux d’incidence particulièrement élevé. Olivier Véran, le ministre de la Santé, péenne doit, elle, réfléchir à
extrême s’est rendu samedi dans la ville pour rencontrer les élus locaux, notamment Christian Estrosi, et tenter de trouver d’éventuelles nouvelles
n
La Somalie la solution la plus adaptée pour le département. PAGES 2 ET 3 sanctions. PAGES 4 ET 5
est-elle au
bord de la
guerre civile? ÉDITORIAL par Gaëtan de Capèle gdecapele@lefigaro.fr
La chronique
Gare aux vieux démons
n

de Nicolas IMPORTANTS TABLEAUX MODERNES

Baverez

C’
Mercredi 24 mars 2021
n
La tribune est l’un des innombrables vieux démons ressurgissent aussitôt. Les ob-
paradoxes de cette crise à sédés de l’impôt n’ont pas attendu la fin de la Œuvres du XIXe, symbolistes,
de Daniel nulle autre pareille : les Fran- crise pour réclamer que l’on ponctionne ces impressionnistes, cubistes...
Fasquelle çais - qui n’en éprouvent nantis et, pendant que l’on y est, les entrepri-
PAGES 16 À 19 aucunement le sentiment - ses qui l’ont traversée sans dommages.
sont assis sur un tas d’or. Cloîtrés chez eux Étrange idée : a-t-on jamais vu prospérer une
une partie de l’année, privés de restaurants, économie passée au laminoir fiscal ? Pour

@ FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
de sorties et de voyages, mais aussi inquiets
de ce que leur réserve l’avenir, ils épargnent
dans des proportions inédites. On leur pro-
avoir plus qu’à son tour cédé à cette facilité, la

de samedi :
Faut-il envoyer
des hommes sur Mars ?
OUI
48 %
TOTAL DE VOTANTS : 56 510
Votez aujourd’hui
sur lefigaro.fr
3’:HIKKLA=]UXUUW:?k@c@c@m@a";
Les obsédés
France, avec son
chômage de masse,
mettait une réplique de 1929 ? Ils traversent la en paie le prix fort. Il
première grande dépression du XXIe siècle le
de l’impôt faut donner crédit au
moral dans les chaussettes mais le compte en réclament gouvernement
banque bien garni. Aucun miracle à cela : s’ils d’écarter cette voie,
NON survivent ainsi au tsunami économique, c’est déjà des pour en explorer
52 % que l’État-providence prend totalement la ponctions d’autres. Comme in-
facture de la pandémie à sa charge. Jusqu’à citer les Français à
quand, c’est une autre histoire : douze mois réorienter leurs placements vers les entrepri-
de Covid ont entraîné les déficits et la dette de ses, en particulier les PME, qui manquent de
la France dans des territoires inconnus, et le capacités financières. Sans doute de nou-

gouvernement ne pourra tenir des milliers veaux mécanismes sont-ils à inventer pour
Approuvez-vous la
d’entreprises à bout de bras beaucoup plus accélérer ce mouvement, dont on voit bien
décision du maire de Lyon
longtemps. tout l’intérêt : renforcer les entreprises, c’est
d’imposer un menu sans
M 00108 - 222 - F: 3,00 E

Comment, dès lors, faire revenir l’argent ac-
viande dans les écoles ?
cumulé par les Français dans le circuit écono-
mique ? Lorsque l’État impécunieux côtoie
des épargnants prospères, chez nous, les
DESSINS : FABIEN CLAIREFOND
stimuler l’investissement, la croissance,
Rendez-vous à domicile, inventaires,
l’emploi et… les recettes fiscales. Ou com- estimations gracieuses sur photo.
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 lundi 22 février 2021 LE FIGARO
2 L'ÉVÉNEMENT
Depuis
plusieurs
À Nice, le casse-tête des restric
mois, on avait
ce fameux
Le gouvernement cherche à juguler la flambée
plateau épidémique dans les Alpes-Maritimes,
descendant. où il pourrait décréter un confinement local
Depuis deux,
trois jours, pour la première fois dans l’Hexagone.
ça remonte
un peu. LORIS BOICHOT £@lboichot
On prendra
QUELLE NOUVELLE nuance de
toujours confinement pour les Alpes-Ma-
les mesures ritimes ? Tout le week-end, le
gouvernement a tergiversé, hési-
nécessaires, tant entre un couvre-feu durci,
quand voire une assignation à domicile,
le week-end ou la semaine, sur le
elles seront littoral ou dans tout le départe-
nécessaires, ment. Interpellé par des élus lo-
caux inquiets, l’exécutif n’a pas
pour protéger exclu un confinement ciblé inédit
l’hôpital et dans l’Hexagone, afin d’endiguer
»
une épidémie de Covid-19 en
les Français phase d’accélération dans le dé-
GABRIEL ATTAL, partement du Sud-Est.
PORTE-PAROLE En déplacement samedi dans la
DU GOUVERNEMENT cinquième ville de France, sur une
promenade des Anglais bondée à
la faveur des beaux jours, le mi-
nistre de la Santé, Olivier Véran, a
préparé les esprits à ce scénario,
SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
soutenu par le maire (Les Républi-
cains, LR) de Nice, Christian Es-
trosi, face à une « situation sani-
taire catastrophique ».
Au sommet de l’État, l’exécutif
s’inquiète de la saturation des ser-
vices de réanimation dans le dé-
partement, conjugué à un très
haut taux d’incidence du virus -
quelque 600 cas pour 100 000 ha-
bitants, soit près de trois fois la
Si nous moyenne nationale (environ 190).
devions
aller à un Nombre de lits de réanimation occupés à l'hôpital
confinement
partiel ou un peu
pour Covid-19 pour 100 000 habitants
France Alpes-Maritimes
10
plus important
dans les jours 8 Metz
qui viennent
en fonction 6 Paris
de l’évolution
de l’épidémie, je
4 Lyon
les soutiendrais
de la même 1,78
2 Toulon
manière,
1,48
par exemple
0
un confinement 29 septembre 2020
à l’occasion Source : CovidTracker
de chaque
week-end »
CHRISTIAN ESTROSI,
MAIRE LR DE NICE, « La tendance n’est pas à desserrer
les restrictions », selon Gabriel Attal
SAMEDI
« RESSERRER » ou « relâcher »
l’étau ? Emmanuel Macron s’est
donné « huit à dix jours », ven-
dredi, pour juger d’une évolution
des restrictions face à l’épidémie
de Covid-19. Le temps d’examiner
les chiffres de la diffusion du va-
AP-HP
riant britannique, selon le porte-
parole du gouvernement, invité
dimanche du « Grand Jury RTL-Le
Figaro-LCI ». « Dès lors que ce va-
riant sera la souche principale du
L’épidémie virus, assistera-t-on, comme cer-
est hors de tains le pensent, à une augmenta-
tion forte et rapide de l’épidé-
contrôle dans le mie ? », s’interroge Gabriel Attal,
dans l’attente d’une réponse
département, ça « dans les prochains jours ».
veut dire que les Mais, pour l’heure, avec plus de
22 300 nouveaux cas de contami-
mesures prises nations enregistrés samedi, la
depuis quelques « tendance » n’est « pas bonne ».
Elle « n’est malheureusement pas à
semaines ne desserrer les restrictions », re-
suffisent pas (...) grette-t-il, face à l’exemple des
Alpes-Maritimes. « Depuis plu-
si on veut éviter sieurs mois, on avait ce fameux
le débordement plateau descendant. Depuis deux,
des hôpitaux
RÉMI SALOMON,
» trois jours, ça remonte un peu »,
observe-t-il.
Au sommet de l’État, le prési-
PRÉSIDENT dent a fait son deuil de l’objectif
DE LA COMMISSION des 5 000 nouveaux cas quoti-
A
MÉDICALE DE L’AP-HP diens, fixé en novembre dernier
pour son déconfinement par éta-
Des opérations lourdes ont été
déprogrammées au Centre hos-
pitalier universitaire (CHU) de
Nice, et des patients de Cannes
ont été transférés vers Gap (Hau-
tes-Alpes). Si la situation sanitaire
continue de s’aggraver d’ici à
mercredi, Christian Estrosi, te-
nant d’une ligne sanitaire stricte
depuis le début de l’épidémie,
souhaite un confinement étendu à
toute la semaine.
Longues concertations
Sur la Côte d’Azur, les responsa-
bles politiques cherchent la cause
de la flambée épidémique. L’ab-
sence de deuxième confinement à
Monaco, principauté voisine qui
n’a jamais fermé ses restaurants et
n’en a limité l’accès que début
janvier ? L’afflux de touristes ve-
nus de l’étranger pour les fêtes de
fin d’année ?
Objet de longues concertations
avec le préfet durant le week-
end, les nouvelles restrictions, qui
pourraient inclure l’interdiction
des entrées dans le département,
sauf motif impérieux, viseraient à
dissuader les vacanciers de se
rendre sur le littoral. Elles ne font
toutefois pas fait l’unanimité dans
la classe politique locale.
Un confinement représenterait
une mesure « archaïque », « par
Taux d’incidence du Covid-19
dans 10 métropoles
Nombre de cas sur 7 jours
pour 100 000 habitants
Nice
9,63
Marseille
5,01
Toulouse
211
Lille
194
185
Strasbourg
180
20 février 2021
St-Étienne
178
pes. Il n’y a « pas de palier fixé »,
affirme désormais Gabriel Attal ; la
« ligne de conduite » du gouverne-
ment est d’abord de regarder la si-
tuation de l’hôpital. « On prendra
toujours les mesures nécessaires,
quand elles seront nécessaires, pour
protéger l’hôpital et les Français »,
insiste le porte-parole du gouver-
nement.
Le vaccin, une « éclaircie »
D’où son refus « par principe »
d’exclure tout scénario à l’avance.
Un allongement des vacances sco-
laires ? « À ce stade, (elles) se dé-
roulent selon le calendrier prévu. »
Une ouverture des restaurants et
des bars pour Pâques, en avril ?
« On fait tout pour que ça puisse ar-
river le plus rapidement possible. »
Sous couvre-feu depuis le
15 décembre, les Français, « héroï-
ques » dans leurs « efforts », ne
doivent pas céder à la « fatalité »,
car ils « ont réussi à démentir un
certain nombre de projections ces
derniers mois », assure le porte-
parole du gouvernement, en réfé-
rence à l’explosion épidémique
redoutée après Noël. Trois se-
maines après le pari présidentiel
de ne pas reconfiner la population,
l’exécutif tente toujours d’éviter
ce scénario. « La stratégie (est de)
défaut », « parce qu’on n’a pas
donné les moyens hospitaliers et les
moyens de vaccination », s’est ému
dans les colonnes de Nice-Matin le
cardiologue Jean Leonetti, maire
d’Antibes, en écho aux réticences
exprimées au préfet par l’édile de
Cannes, David Lisnard. Le député
Éric Ciotti, conseiller départe-
mental dans le haut pays, a, quant
à lui, poussé pour que l’arrière-
pays, moins touché par la flambée
épidémique, soit écarté par les
nouvelles contraintes.
Si les restrictions décidées ne
visaient que le littoral, elles con-
cerneraient plus de 600 000 habi-
tants, déjà soumis au couvre-feu à
18 heures depuis le 2 janvier, soit
deux semaines avant sa générali-
sation à l’ensemble du territoire.
« On ne peut pas reprocher au
gouvernement un manque de con-
certation », a insisté la députée (La
République en marche, LREM)
Valetta-Ardisson, convaincue
qu’un confinement ciblé « pour-
rait aussi servir de test pour
d’autres territoires. » Jusqu’à
aujourd’hui, seules des communes
de Guyane et de Mayotte ont ex-
périmenté des confinements lo-
caux. Prélude à des restrictions
étendues le 5 février à tout le
département français de l’océan
Indien. ■
La lente et inexorable progres
Maigre lueur d’espoir, les der-
TRISTAN VEY £@veytristan niers chiffres disponibles montrent
741
une chute brutale de 30 points du
LA SITUATION épidémique à Nice taux d’incidence départementale
361
est très préoccupante. Le taux d’in- entre le 15 et le 17 février (passant de
334 cidence (nombre de cas positifs sur
sept jours pour 100 000 habitants) y
598 à 567). Il est néanmoins trop tôt
pour y voir une tendance réelle. Il
248 est largement supérieur à 700. C’est faudra que la descente se poursuive
218 plus de trois fois et demie supérieur dans les prochains jours… Et quand
à la moyenne nationale (190), et bien même ce serait le cas, le dépar-
près de trois fois le taux enregistré à tement reste de toute façon à un ni-
Paris. C’est aussi le double de celui veau de circulation virale près de
enregistré à Metz, en Moselle, autre deux fois plus élevé que les autres
département qui inquiète beaucoup départements métropolitains les
les autorités. Et ce n’est pas le nom- plus touchés : 329 dans les Bouches-
bre de tests réalisés dans le départe- du-Rhône (Marseille), 305 dans le
ment qui gonfle ce chiffre : le taux Pas-de-Calais (Arras), 295 dans le
de positivité y est de 10 %, contre Var (Toulon) ou 292 en Moselle
Infographie 6 % dans le reste du pays… (Metz).
Allemagne-Tché
PIERRE AVRIL £@PierreAvril_
ENVOYÉ SPÉCIAL À ZITTAU ET LIBEREC
maintenir un niveau de contami-
nation maîtrisé (…) pour ne pas QUAND l’Allemagne ferme ses
avoir à reconfiner », appuie Gabriel frontières avec la République tchè-
Attal, assurant que les contrôles que, accusée de ne pas pouvoir en-
des motifs impérieux de sortie diguer l’épidémie, les citoyens alle-
sous couvre-feu seront encore mands râlent, et les Tchèques
« renforcés ». approuvent. Tel est le résultat pa-
Le déploiement de la campagne radoxal des mesures de confine-
de vaccination reste, aux yeux du ment prises depuis le 14 février par
gouvernement, la promesse d’une le gouvernement fédéral, les deux
« éclaircie au bout du tunnel » qui Länder de Saxe et de Bavière, à
pourrait apparaître « dans les pro- l’encontre de leur petit voisin
chains mois ». « On met les bou- oriental. Sur une aire de l’autoroute
chées doubles », « la France est le A 17, qui relie Prague à Dresde,
pays de l’Union européenne dans transformée en camp policier re-
lequel il y a eu le plus » de pre-
Gabriel Attal, dimanche,
sur le plateau tranché, Pascal et Jörg ruminent
mières injections du vaccin, ga- leur agacement au volant de leur
rantit le secrétaire d’État, sou-
du « Grand Jury
voiture. Tous deux attendent de
RTL-Le Figaro-LCI ».
cieux d’éviter les procès en SILVERE GERARD/ devoir passer un test, facturé
lenteur intentés à l’exécutif début 35 euros, avant de rentrer chez eux,
janvier.
AGENCE1827/RTL
en Allemagne, si celui-ci s’avère
Une levée des brevets, défendue négatif.
dans une tribune par une cin- Abondamment tatoué, le premier
quantaine de personnalités - dont habite Iéna. Il vient de Prague, où il
l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon et a visité un parent malade, et y re-
l’ancien chef d’État brésilien tournera le lendemain. Il affirme
Lula - afin de bâtir une « société de qu’aucun mutant du virus ne circu-
l’entraide », ne permettrait pas le en République tchèque et que
d’accélérer la campagne vacci-
nale, répond Gabriel Attal. Selon
lui, il s’agit d’abord d’un « enjeu de
l’objectif caché du gouvernement
est d’interdire à ses concitoyens de
« skier à l’étranger ». Le second, en-
production » - « il n’y a pas suffi- trepreneur, vient d’atterrir à l’aé-
samment de doses » produites roport praguois et ignore pourquoi
« dans le monde » -, plutôt que de il doit passer un test alors qu’il n’est
« propriété intellectuelle ». ■ L. B. jamais sorti de sa voiture. La procé-

tions sur mesure
sion du virus dans les Alpes-Maritimes
Cette flambée épidémique n’a pas
été brutale. La situation se dégrade en
réalité progressivement depuis mi-
décembre. Et c’est à partir de la fin de
l’année que ce regain épidémique a
commencé à se faire ressentir dans
les services de réanimation, avec une
montée en charge très progressive.
Transferts de patients
Le taux d’occupation « théorique »
des services de réanimation (c’est-à-
dire calculé à partir des capacités
pré-épidémiques) a fini par dépasser
début janvier le seuil symbolique des
100 % dans les Alpes-Maritimes, ne
cessant de croître depuis. Il est ac-
tuellement supérieur à 120 %, ce qui
montre la très forte tension qui
quie : « La situation est tellement mauvaise qu’il est justifié de fermer la frontière… »
dure est d’autant moins justifiée que
« le corona est moins dangereux que
la grippe », assène-t-il.
Pour la seconde fois depuis l’ap-
parition du virus, l’Allemagne a ré-
tabli unilatéralement les contrôles à
ses frontières terrestres, au moins
jusqu’à début mars. La Commission
européenne s’en est inquiétée.
S’agissant de la France au prin-
temps 2020, l’initiative, prise sans
concertation avec Paris, avait créé
un psychodrame de part et d’autre
de la Moselle et du Rhin. Mais à
proximité de l’Elbe, une forme de
routine s’est installée. La Républi-
que tchèque fait face à des taux
d’incidence du virus plus de dix fois
supérieurs à ceux de son grand voi-
sin occidental.
Les autorités allemandes ont
d’autant moins de scrupules à bais-
ser les barrières que, lors de la pre-
mière vague, Prague avait procédé
de même sans crier gare. Quant à la
Commission européenne, « elle a
commis assez d’erreurs » comme ça
« et devrait nous soutenir plutôt que
nous mettre des bâtons dans les
roues avec ses conseils », a critiqué
le ministre fédéral de l’Intérieur
Horst Seehofer. Angela Merkel est
restée silencieuse.
Sur l’autoroute A 17, après quel-
ques jours de chaos routier, la pré-
sence policière, composée d’une
centaine d’hommes, semble désor-
mais surdimensionnée. « On a le
s’exerce sur les hôpitaux du dépar-
tement. Des transferts de patients
avaient déjà eu lieu fin janvier, et il
est possible qu’il faille y recourir à
nouveau, a estimé samedi Olivier
Véran, en déplacement à Nice.
Réclamant « un couvre-feu a mini-
ma le week-end », le maire de la ville
Christian Estrosi a affirmé dimanche
sur Twitter que « des professeurs du
CHU de Nice » consultés dimanche
matin faisaient en effet « état plus que
jamais du risque de déprogram-
mations d’interventions chirurgicales
vitales ».
Comment en est-on est arrivé là ?
Ce n’est malheureusement pas très
clair. Christian Estrosi invoque les
vacances de Noël et les vols multi-
sentiment que progressivement les
gens se passent le mot. Ils savent
qu’il y a des contrôles, et on voit
moins de monde », constate Chris-
tian Meinhold, porte-parole régio-
nal de la police fédérale. Plusieurs
vérifications – pas nécessairement
d’ordre sanitaire - se concentrent
sur le trafic en provenance des Bal-
kans, qui emprunte cette route
pour rejoindre l’Allemagne.
À 130 kilomètres à l’est de Dres-
de, la raréfaction du trafic routier
ne fait qu’accentuer l’isolement de
Zittau. Cette ville peu florissante de
l’ex-RDA respire d’ordinaire grâce
à son statut de carrefour commer-
cial et aux allers-retours des fron-
taliers polonais, et surtout tchè-
ques, employés dans son hôpital,
ses maisons de retraite ou ses quel-
ques industries : cette main-
d’œuvre qualifiée composée de
plusieurs centaines de personnes
(sur une population de 25 000 habi-
tants) est devenue indispensable à
l’économie régionale.
Les infirmières et les aides-soi-
gnantes bénéficient de dérogations.
En revanche, l’entreprise textile
BWZ, dont 20 % de l’effectif est
composé de techniciennes tchè-
ques, doit restructurer sa produc-
tion. « Nos employées ont accepté de
rester en Allemagne durant quinze
jours mais on ne sait pas ce qui se va
se passer après », s’inquiète la di-
rectrice, Andrea Schöpfer. La so-
pliés par six à l’aéroport international
de Nice. Le variant anglais circulerait
par ailleurs à plus de 50 % dans la
métropole, selon lui (contre 36 %
dans la région Paca d’après les don-
nées de Santé publique France). C’est
beaucoup, mais d’autres départe-
ments sont dans la même situation
sans présenter de tels chiffres de
contaminations. Certains pointent la
proximité de la frontière italienne et
le relâchement des mesures au-delà
des Alpes. Monaco attirait par ailleurs
de nombreux visiteurs niçois dans ses
restaurants restés ouverts cet hiver.
Depuis janvier, les Français ne sont
plus les bienvenus dans les établisse-
ments de la principauté, réservés aux
salariés et aux résidents. ■
ciété paye leur loyer en espérant
que la région compense les frais
plus tard, à hauteur de 40 euros par
jour.
Dans son bureau de l’hôtel de
ville, Thomas Zenker apparaît dé-
muni. « L’an dernier, tout le monde
disait : “Jamais plus on ne fermera la
frontière”, et voilà le résultat », sou-
pire le maire de Zittau, qui critique
l’imprévoyance des élus des deux
bords. Au début de la seconde va-
gue, le président CDU de la Saxe,
Michael Kretschmer, avait dénoncé
l’« hystérie » des discours sanitaires
avant de se faire l’apôtre d’un tour
de vis.
Côté tchèque, le gouvernement
- à la différence des barons régio-
L'ÉVÉNEMENT
Les Niçois partagés
entre crainte et fatalisme
VINCENT-XAVIER MORVAN
£@vincentxaviermo
NICE
DIMANCHE, sur la promenade des
Anglais inondée de soleil, les Niçois
sont venus nombreux assister au
spectacle offert par la Méditerranée
chahutée par les violentes bourras-
ques. Soulevée la veille, lors de la
visite du ministre de la Santé Olivier
Véran, l’hypothèse d’un recon-
finement imposé chaque week-end
est dans tous les esprits. « S’il le
faut, il le faut. Les gens s’imaginent
que c’est fini, mais c’est pas fini, cet-
te histoire-là, j’ai l’impression que ça
va continuer longtemps », glisse
Carmelle Reynaud, une souriante
retraitée de 77 ans venue s’aérer.
Comme elle, beaucoup sont rési-
gnés : s’il faut en passer par là,
notamment dans l’espoir d’un été
plus serein, autant se confiner tout
de suite.
Pour les actifs, toutefois, cette
perspective est un nouveau motif de
découragement. « Sachant que je
travaille toute la semaine, nous enle-
ver le week-end, c’est aussi retirer le
peu de liberté de bouger qu’on a »,
déplore Johan Lauze, un ingénieur
de 23 ans venu d’Antibes arpenter la
promenade. Même constat pour
René Jeannin, 50 ans, agent d’ac-
cueil à la faculté des sciences de
Valrose. « Il faudrait déjà que les
gestes barrières soient appliqués. Le
port du masque, faites un peu le tour,
vous verrez qu’il n’est pas respecté,
les distanciations non plus. Il faut déjà
respecter ça, on verra après pour le
reste », plaide-t-il. « Je travaille
toute la semaine. Le week-end, fran-
chement, c’est ma seule pause », re-
grette l’employé. « En semaine, je
Dimanche, de nombreux finis à 17 heures, le temps de rentrer
touristes se mêlaient chez moi il est 17 h 35, ma vie s’arrête
aux Niçois,
sur la promenade
des Anglais.
là », ajoute-t-il, inquiet de se voir
privé de sa balade dominicale.
« Mais si on est confiné, je jouerai le
ÉRIC GAILLARD/REUTERS
jeu », conclut-il, néanmoins du-
bitatif quant aux effets d’une telle
mesure.
Un peu plus tôt dans l’après-midi,
Plus de place Masséna où habituellement, en
ce mois de février, le carnaval bat
700Taux d’incidence
(nombre de cas positifs
son plein, les Niçois doivent se
contenter d’un « Carnavalovirus »,
une structure géante en forme de
coronavirus posée sur un globe ter-
restre et surmontée d’une couronne.
sur sept jours Les enfants sont invités à appuyer sur
pour 100 000 habitants) une pédale située à sa base pour lui
à Nice. inoculer le vaccin avec une seringue.
C’est plus de trois fois Venue découvrir l’installation, Chloé
et demie supérieur Chinchon, 25 ans, interne en mé-
à la moyenne nationale decine, pense précisément que la
(190) vaccination est la seule possibilité de
s’en sortir. « Le confinement, c’est
100 km
Berlin
POLOGNE
Berlin
ALLEMAGNE
Leipzig
Zittau
Dresde
Liberec
RÉP. Prague
TCHÈQUE
Le 14 février, un policier naux du pays - commence juste à
fédéral arrête une prendre conscience de la gravité de
voiture, à la frontière la situation. « J’espère que cette si-
germano-tchèque tuation ne durera pas trop longtemps
près de Zinnwald, car elle est extrêmement mauvaise
à 50 km au sud pour notre région », poursuit Tho-
de Dresde, dans l’est
de l’Allemagne. mas Zenker.
ODD ANDERSEN/AFP Zittau est située à l’ouest des ri-
vières Oder et Neisse, qui marquent
la frontière avec la Pologne, lon-
guement disputée après-guerre,
ainsi que des anciens territoires des
Sudètes. Envahis par Hitler en 1938,
ces derniers étaient peuplés d’une
forte minorité allemande depuis la
création de la Tchécoslovaquie, en
1918. Plus récemment, avant la
chute de l’URSS, la forêt qui borde
les deux pays était devenue le point
LE FIGARO lundi 22 février 2021
3
une bonne idée parce que les taux
augmentent pas mal, je suis de garde
aux urgences pédiatriques et on a
beaucoup de monde depuis un mois.
Mais ce ne sera pas suffisant, il faut
surtout avoir des vaccins en plus et que
les gens se fassent vacciner », estime-
t-elle. « Et puis, ce n’est pas tant le
fait de se balader qui pose problème,
ce sont surtout les magasins, les sor-
ties, les gens qui font des soirées et
continuent à se voir entre amis ou en
famille, c’est ça le gros souci, les
rassemblements », avance le jeune
médecin.
Les commerçants, eux, accusent
le coup. Sur le cours Saleya, Hum-
bert Avagnina, 65 ans, horticulteur
à Nice, vend sa production depuis
1978 sur un emplacement du mar-
ché aux fleurs. « Le confinement le
week-end ? C’est un gros problème
car une grande partie de notre
clientèle travaille, ce sont eux qui
nous font vivre en nous achetant nos
fleurs et nos plantes en fin de semai-
ne », s’inquiète-t-il, préférant à
tout prendre qu’« on confine entiè-
rement ». « On essaie de raccom-
moder, c’est tout ce qu’on fait,
“queIl lesfaudrait déjà
gestes barrières
soient appliqués. Le port
du masque, faites un peu
le tour, vous verrez
qu’il n’est pas respecté,
les distanciations
non plus. Il faut déjà
respecter ça, on verra
”
après pour le reste
RENÉ JEANNIN, AGENT D’ACCUEIL
autant confiner tout le monde quinze
jours ou un mois, là d’accord, mais
pas que le week-end », soutient-il.
Léonard Rigano, 50 ans, un collè-
gue de Cagnes-sur-Mer, explique la
difficulté d’être confiné sans préa-
vis dans un métier où il faut tout
prévoir des mois à l’avance. « Les
renoncules, on les plante au mois
d’août pour maintenant, les anémo-
nes aussi, on est obligés d’antici-
per », explique-t-il. « L’an dernier,
on a perdu comme ça pratiquement
toutes nos pivoines », se souvient-il.
Seule solution, ne pas ramasser les
fleurs ou les brader au marché de
gros. « Heureusement, en France, on
est quand même bien aidés, on a eu
les 1 500 euros par mois, et les char-
ges sociales qui ont baissé aussi.
Mais après, ça ne remplace pas le
travail », reconnaît-il en s’abritant
d’un coup de vent qui manque
d’emporter son étal. ■
de ralliement de l’opposition tchè-
que et est-allemande au régime so-
viétique. « Tous ces contacts que
nous avons d’habitude avec les
Tchèques, ils nous manquent, main-
tenant, et ça renforce également la
barrière linguistique », regrette Rai-
ner, un retraité allemand du village
forestier frontalier de Lückendorf.
La Moselle classée
à « haut risque »
Liberec, 100 000 habitants, à seule-
ment quinze minutes de la frontiè-
re, côté tchèque, est épargnée par
ces états d’âme. Les jeunes, en par-
ticulier, se montrent indifférents,
voire ignorants de la décision des
autorités allemandes. « La situation
est tellement mauvaise chez nous
qu’il est justifié de fermer la frontiè-
re, et les conséquences en sont mini-
mes : seuls les personnels soignants
sont affectés », balaie Viktor
Janöcz, un trentenaire croisé dans
le centre-ville.
En dépit des protestations euro-
péennes, certains y voient une for-
me de commodité. Ce week-end, le
Danemark a renforcé ses contrôles
terrestres avec l’Allemagne : un
foyer du variant britannique a
émergé dans un village allemand. À
son tour, lundi, le gouvernement
Merkel devrait classer la Moselle en
zone à « haut risque ». En revanche,
A
la Sarre veut éviter à tout prix de ré-
tablir la frontière avec la France. ■
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

4 INTERNATIONAL
La contestation marque le pas en Biélorus
touchée par la répression tous azimuts du
Six mois après le début du soulèvement, l’opposition tente de rester mobilisée malgré les arrestations, afin d’afficher à

JULIAN COLLING £@juliancllg

MINSK

EUROPE ORIENTALE Tous les

soirs, le même rituel. À 21 heures
tapantes, les lumières des apparte-
ments de Novaya Baravaya s’étei-
gnent. Sveta pointe le nez à la fenê-
tre. Dans la pénombre, des dizaines
d’habitants du quartier font com-
me elle. Et de concert ils se mettent
à crier, à se répondre d’un immeu-
ble à l’autre, d’une cour à l’autre,
« Jivyé Belarus ! » (« Que vive la
Biélorussie »). Leur chant de rallie-
ment est ainsi scandé pendant
quelques minutes. De la rue, le
spectacle polyphonique est saisis-
sant. En cette glaciale soirée de fé-
vrier, c’est le 34e soir d’affilée qu’ils
se donnent rendez-vous.
« Le régime aimerait que nous
nous taisions une fois pour toutes
mais nous, nous ne voulons plus res-
ter silencieux, assure Sveta. Alors
depuis nos fenêtres et nos balcons,
nous hurlons notre ras-le-bol. » La
jeune femme de 36 ans, habillée à
l’européenne, cheveux courts, tra-
vaille dans la filière biélorusse d’un
grand groupe européen d’agroali-
mentaire. Moderne, elle représente
l’électorat type de ce quartier péri-
phérique de l’est de Minsk, récent
et de haut standing.
Ce complexe résidentiel abrite
les classes connectées de la capitale
biélorusse, qu’elles exercent dans
le domaine de « l’IT » (informati-
que, programmation), la fierté na-
tionale, le business ou les secteurs
créatifs. « Dans notre bureau de
vote, plus de 1 000 personnes ont
voté pour Svetlana Tikhanovskaïa (la
candidate malheureuse de l’oppo-
sition le 9 août dernier, NDLR) et
seulement… 80 pour Loukachenko »,
rigole Viktar, un voisin, qui tra-
vaille dans le secteur du bâtiment.
Les deux couples d’amis se sont re- 400 km étaient peu à s’intéresser à la politi- plus risqué, qui pousse les habitants tout espace d’expression. Le mou-
trouvés chez lui pour discuter poli- que, aujourd’hui c’est la grande ma- mobilisés à être plus créatifs, com- vement d’opposition dans son en-
tique. Ce qui ne se serait peut-être jorité. Dans mon entrée, il ne reste me les crieurs de Novaya Baravaya, semble accuse le coup. Le moindre
pas produit encore un an aupara- qu’une seule personne qui soutient qui restent incognito. Certains se rassemblement est désormais ciblé.
vant. « Pendant vingt-cinq ans on EST. encore le pouvoir. Les gens n’en regroupent le long des routes ou Le moindre objet de couleur blan-
nous a répété que la chose publique peuvent tout simplement plus de sur les ponts avec des banderoles ; che et rouge est pourchassé. Le bâ-
ce n’était pas pour nous, qu’il ne fal- Moscou Loukachenko, qui a tout fait pour les automobilistes témoignent de ton du régime frappe désormais
lait pas s’en occuper, continue le LET. s’aliéner la population, fatiguée des leur soutien en klaxonnant. tous azimuts, jusque dans les
père de famille. Or nous avons mensonges et du mépris. Il a perdu foyers. Un flottement est palpable à
montré que tout ça ne nous était plus LIT. Minsk
RUSSIE toute crédibilité. Et pas seulement à Arrestations arbitraires Minsk, où l’ambiance est à la crain-
égal. La société s’est organisée, la cause du Covid-19. » Veranika, elle, conserve encore son te. Les jeunes dans les cafés bran-
solidarité a bondi. » Dans Minsk, chaque soir, grand drapeau blanc et rouge dans chés font grise mine - de nombreux
d’autres marches spontanées l’entrée de son appartement. Mais bars ou business ont été fermés car
Marches spontanées BIÉLORUSSIE émergent de l’obscurité. Le visage elle ne sort plus avec. Depuis deux soupçonnés d’avoir soutenu l’op-
Le réveil politique du pays a crevé POLOGNE caché, les courageux qui se sont semaines, les marches spontanées position.
l’écran aux mois d’août et septem- donné rendez-vous une heure se sont arrêtées à Soukharava. « Ils Il ne faut pas longtemps pour que
bre 2020, dans la foulée de la réé- UKRAINE avant sur Telegram, bravent les ont réussi à arrêter un des coordina- la personne rencontrée confie
lection frauduleuse de l’autocrate - 15 degrés et traversent leur quar- teurs, je ne sais pas comment ils ont connaître quelqu’un qui a été arrêté
Infographie
Alexandre Loukachenko (80 % des tier. Ils posent ensuite pour une fait, un groupe privé a dû être infil- récemment ou a fait de la prison -
voix), au pouvoir depuis 1994. Un photo de groupe, drapeaux à la tré », peste-t-elle. L’homme se souvent 15 jours - depuis le mois
mouvement, qui avait essaimé par- mouvement, qui renvoie à un an- main, avant de vite se disperser. servait d’une radio pour prévenir d’août. On ne compte plus le nom-
tout dans le pays, jusqu’aux petites cien drapeau de la Biélorussie indé- Les photos de ces mini-exploits les autres d’une présence policière, bre d’arrestations arbitraires ou les
villes de province, avec des ras- pendante. sont postées chaque soir sur les ou au contraire assurer que la voie lourdes amendes infligées : ici pour
semblements monstres de plu- Veranika, une éducatrice de principaux canaux Telegram d’op- était libre. avoir participé à une manifestation,
sieurs dizaines, voire centaines de 51 ans, en faisait partie. « Les gens position, Nexta en tête. Malgré ces résistances locales, le là pour un simple post Facebook.
milliers de personnes à Minsk. se sont enfin rencontrés grâce à cet Un jeu du chat et de la souris travail de sape de la répression Selon l’ONG de défense des droits
« Nous assistions à un retour de la épisode », dit-elle. « Avant ils avec les forces de l’ordre de plus en semble grignoter, mètre par mètre, de l’homme Viasna, plus de
fierté nationale, c’était redevenu
“cool” de se dire biélorusse », résu-

Sans illusion, on va reparler sanctions à Bruxelles

me Viktar. Mais face à la brutalité
du régime contre les manifesta-
tions de rue, ce retour des citoyens
vers la politique s’est progressive-
ment retranché dans les quartiers, De fait, la répression n’a fait que majeurs. Elles sont d’autant moins à la poursuite de cette intimidation qui
à plus bas bruit. La société civile ANNE ROVAN £@AnneRovan s’aggraver depuis les élections efficaces que le pouvoir biélorusse a augmenté cette semaine non seule-
CORRESPONDANTE À BRUXELLES
s’est mise en ordre de bataille, no- d’août 2020 et le maintien au pou- peut compter sur le soutien de Mos- ment avec la condamnation de Kata-
tamment via l’outil numéro un de voir d’Alexandre Loukachenko. Et cou que les Européens s’apprêtent rina et Daria mais aussi avec des des-
la contestation en Biélorussie, la « L’EUROPE ne va quand même pas ce, alors même que les Européens – par ailleurs à sanctionner. Quant au centes à domicile et des perquisitions
messagerie sécurisée Telegram. lancer une intervention militaire ils souhaitent voir le pouvoir biélo- « canal de dialogue » avec le pouvoir musclées chez des militants, des
De l’autre côté de Minsk, extré- contre Minsk ! » Cette remarque, russe engager un dialogue avec biélorusse que souhaitaient mainte- membres de la société civile, des dé-
mité ouest, le raïon (subdivision) de émanant de deux diplomates euro- l’opposition et la société civile - ont nir certains États membres, dont la fenseurs de droits de l’homme, des
Soukharava porte un peu moins péens, en dit long sur le sentiment sanctionné à trois reprises le régime France, il est pour l’heure dans une syndicalistes et aussi de nombreux
beau que Novaya Baravaya. C’est d’impuissance de l’UE face à la de Minsk ces derniers mois. En oc- impasse. « Toute la complexité est journalistes, nous condamnons toutes
un quartier cols bleus, à l’allure so- montée de l’oppression en Biélo- tobre, puis en novembre et, encore, d’amener à une transition politique ces attaques contre la presse et les
viétique, fait d’innombrables blocs russie. en décembre derniers. sans que cela apparaisse comme une journalistes en Biélorussie », a réagi le
rectangulaires et de lampadaires à Le dossier sera à l’ordre du jour ingérence extérieure alors même que porte-parole Peter Stano, appelant

la lumière jaune d’un autre temps.
Mais si l’électorat y est moins libé-
ral, il est tout aussi frondeur.
Jusqu’à début février, un soir par
semaine, des petits groupes d’habi-
tants bravaient les interdictions de
se rassembler. Évitant les voitures
de la redoutée militsia, la police
biélorusse, ils défilaient en bas des
immeubles une vingtaine de minu-
A
88
de la réunion des ministres euro-
péens des Affaires étrangères, pro-
grammée ce lundi à Bruxelles. La
rencontre permettra de faire un
personnes point sur la situation et de prendre
ont été sanctionnées la température des États membres
par l’Union européenne sur la perspective d’éventuelles
ces trois derniers mois, nouvelles sanctions. Les Polonais et
dont Alexandre les Baltes, sans surprise, poussent
Loukachenko dans cette voie, tandis que d’autres
Impasse
Ces sanctions concernent désormais
7 entités et 88 individus, y compris
Alexandre Loukachenko et son fils,
mais aussi des personnalités de pre-
mier plan issues de la classe politique
et de l’appareil d’État, dont la prési-
dente de la Chambre haute de l’As-
semblée nationale, le procureur gé-
néral, le président de la compagnie
les Biélorusses ne sont pas antirusses,
contrairement aux Ukrainiens et aux
Géorgiens », analyse un diplomate
européen, ajoutant que le soutien
économique de Moscou « ne sera pas
éternel ».
Bruxelles en est, pour l’heure, ré-
duit à multiplier les mises en garde.
La Commission a dénoncé vendredi
la condamnation à deux ans de pri-
les « autorités » à « arrêter de cibler
les médias » et à « leur permettre de
faire leur travail ».
Dans une interview publiée sa-
medi dans Le Temps, la chef de file
de l’opposition biélorusse, Svetlana
Tikhanovskaïa, en exil en Lituanie,
faisait cet amer constat : « Nous
avons perdu la rue, nous n’avons pas
de moyen de combattre la violence du

tes, habillés de drapeaux blancs et et son fils pays se montrent plus circonspects biélorusse de télévision et de radio son de deux journalistes de la chaîne régime contre les manifestants. Ils
rouges - un autre emblème du sur l’efficacité d’une telle conduite. d’État et des acteurs économiques d’opposition BelSat. « Nous assistons ont les armes, ils ont la force. » ■

sie,
régime
nouveau sa vigueur.
« aimerait
Des activistes
féministes participent
à un flash mob,
le 14 février à Minsk,
devant des photos
de femmes arrêtées
après les manifestations
qui ont suivi l’élection
présidentielle
en août dernier. AFP
1 000 procédures criminelles sont
déjà en cours contre des citoyens.
Elle recense également 220 prison-
niers politiques actuellement dans
les geôles du pouvoir.
Le dernier coup de boutoir du
régime est survenu mardi, le 16 fé-
vrier. Des perquisitions simulta-
nées ont été déclenchées chez
quelque 25 journalistes, militants
des droits de l’homme ou syndica-
listes. Et dans une affaire qui émeut
beaucoup en Biélorussie, deux jeu-
nes femmes reporters pour la télé-
vision indépendante Belsat - Daria
Tchoultsova et Katarina Andreïeva
- ont été condamnées dans la se-
maine à deux années d’emprison-
nement pour avoir fait leur travail.
La répression prend des tours de
plus en plus absurdes. Sergiy
Melyanets, un agent commercial
habitant en grande banlieue de
« sont
Minsk, avait simplement mis à ses
fenêtres des rideaux blancs et rou-
ges. Il a reçu deux fois la visite d’un
policier et se retrouve désormais au
tribunal ! Une décision plus perni-
cieuse a conduit la direction du col-
lège local à faire pression sur ses
enfants, menacés d’expulsion à
cause des « activités politiques » de
leur père. « Ils ont même lancé une
enquête sociale sur notre famille,
gronde-t-il. Cela me met hors de
moi qu’on s’en prenne à des enfants,
mais ça ne m’étonne même plus de ce
régime. Dans notre pays, il n’y a tout
simplement plus de lois. Enfin, si, la
loi du plus fort. »
La brutalité aveugle et les intimi-
dations ont laissé des traces. « Les
gens ont juste besoin de prendre un
temps mort, glisse Veranika. Il faut
que l’on réfléchisse à la suite, à com-
ment s’organiser, car pour l’instant,
ça n’a pas marché. Mais le mouve-
ment ne va pas s’arrêter là. » Com-
me le reconnaissait elle-même
Svetlana Tikhanovskaïa cette se-
maine, l’opposition est touchée,
mais pas forcément coulée.
Convaincus de leur victoire future,
tous disent vouloir continuer le
combat et attendent le retour des
beaux jours pour retourner massi-
vement dans la rue. Un « printemps
biélorusse » n’est pas à exclure. ■
Loukachenko marchande son avenir avec Poutine
ALAIN BARLUET £@abarluet
CORRESPONDANT À MOSCOU
C’EST UN Alexandre Loukachen-
ko largement requinqué qui va
s’entretenir ce lundi avec Vladi-
mir Poutine à Sotchi, sur les bords
de la mer Noire. En septembre
dernier, lors de leur précédente
Le régime rencontre, le président biélorusse
avait laissé transparaître sa situa-
tion politique inconfortable jus-
que nous que dans ses postures, assis sur le
nous taisions bord de son fauteuil et fléchissant
les genoux aux côtés du maître du
une fois pour Kremlin. L’« homme fort » de
toutes mais Minsk semblait alors ébranlé par
nous, nous les manifestations massives dé-
clenchées après la présidentielle
ne voulons émaillée de fraudes du 9 août, et il
plus rester avait impérativement besoin de
silencieux. l’appui de Moscou, qui lui a
d’ailleurs été accordé.
Alors depuis Cinq mois plus tard, celui qui
nos fenêtres dirige son pays depuis vingt-sept
et nos balcons, ans semble avoir redressé la bar-
re. Au moyen d’une répression
nous hurlons sans retenue, d’arrestations
notre massives, dont celles des leaders
ras-le-bol »
SVETA, HABITANTE
de l’opposition, et de condamna-
tions judiciaires à la chaîne, vi-
sant notamment les journalistes,
DE MINSK
Alexandre Loukachenko est par-
venu, sinon à annihiler la
contestation, du moins à l’endi-
guer. Les aveux d’échecs concé-
dés – provisoirement - par la
chef de file de l’opposition, Svet-
lana Tikhanovskaïa font écho au
satisfecit bruyant affiché ces
dernières semaines par le prési-
dent biélorusse. Le 11 février, de-
vant une « Assemblée populaire
pan-biélorusse » faisant ostensi-
blement la claque, il s’était vanté
d’avoir résisté à la vague de
contestation et d’avoir fait échec
à un « blitzkrieg », une guerre
éclair déclenchée, selon lui, par
ces Occidentaux qui voulaient
déstabiliser son régime, et à tra-
vers lui, le grand frère russe.
Selon les analystes, à Moscou et
à Minsk, le soutien de Poutine a
largement permis à Loukachenko
de passer le cap des tempêtes en
envoyant un message à la fois à
ses partisans – appelés à serrer les
rangs - et à ses opposants qui ont
pu craindre une intervention de
l’armée russe. « Cela n’empêche
pas le président biélorusse de
considérer son pays comme le der-
nier allié de la Russie et comme le
principal obstacle sur le chemin des
chars de l’Otan entre l’Europe et
Moscou », souligne l’analyste po-
litique Valeri Karbalevitch. Selon
cet expert, Loukachenko – même
s’il se défend d’être demandeur -,
va réclamer sa dîme au chef du
L’Europe désunie se réengage avec les États-Unis
Les Français
le peuple
DÉCRYPTAGE
Isabelle Lasserre
£@ilasserre
le plus
favorable
ET SI ON assistait au retour du mon-
à la défense de d’avant, mais en pire ? Avec des
européenne. bonnes et des mauvaises nouvelles.
Les idées La bonne, d’abord, c’est « le retour
de l’Amérique », annoncé avec cha-
d’Europe leur par Joe Biden le 19 février pen-
puissance dant le sommet virtuel du G7 et la
sont toujours Conférence sur la sécurité de Mu-
nich, tout aussi virtuelle. Le nou-
venues veau président a défendu la renais-
de France. On sance d’une diplomatie plus
a tout essayé. classique, qui place le Partenariat
transatlantique en son cœur et veut
Mais ça promouvoir le modèle démocrati-
n’a jamais que, défié par les « régimes autocra-
marché… tiques ». Joe Biden, qui voudrait que
l’Amérique regagne auprès de l’Eu-
Et aujourd’hui rope « sa position de leadership fia-
l’Union ble », a multiplié les gestes rassu-
européenne rants vis-à-vis de ses alliés, si
malmenés par son prédécesseur.
s’éloigne Et puis il y a les mauvaises nouvel-
de la vision les, toujours les mêmes, les divisions
française »
NICOLE GNESOTTO,
de l’Union européenne, qui loin de
s’atténuer avec le changement d’Ad-
ministration américaine, pourraient
PROFESSEUR
AU CONSERVATOIRE au contraire reprendre de la vigueur.
NATIONAL DES ARTS Elles s’exposeront sans doute dès
ET MÉTIERS aujourd’hui sur leur terrain de jeu
préféré, celui de la Russie, au menu
d’une réunion à Bruxelles, à laquelle
participera aussi Joe Biden, sur
d’éventuelles nouvelles sanctions
Les présidents biélorusse, Alexandre Loukachenko, et russe, Vladimir Poutine, en septembre dernier à Sotchi.
Kremlin, en l’occurrence un prêt
de 3 milliards de dollars. Avec un
budget dans le rouge, Minsk, par
ailleurs mis au ban de la commu-
nauté internationale, en aurait
diablement besoin. Ce prêt, qui
ferait suite à un autre de 1,5 mil-
liard de dollars accordé en sep-
tembre dernier, aurait fait l’objet
de discussions préliminaires entre
experts gouvernementaux des
deux pays, il y a une dizaine de
jours.
À la veille de se rendre à Sotchi,
Alexandre Loukachenko a fait un
geste significatif à l’égard de Mos-
cou en approuvant un projet
d’accord intergouvernemental
prévoyant le transport et le trans-
bordement des produits pétroliers
par les ports maritimes russes, et
non plus par ceux des Pays baltes.
Une initiative perçue comme une
mesure de rétorsion destinée à
« punir » les pays qui, comme la
Lituanie, n’avaient pas reconnu la
victoire de Loukachenko à la pré-
sidentielle d’août dernier. Les ex-
perts n’excluent pas que le prési-
dent biélorusse ait pu promettre à
Poutine – en contrepartie de son
aide -, la mise en œuvre de cer-
tains autres projets économiques
auparavant bloqués par Minsk,
comme la prise de contrôle d’en-
treprises convoitées par les capi-
taux russes, par exemple dans le
domaine pétrolier ou celui de la
fabrication de tracteurs.
contre le régime, liées à l’affaire Na-
valny. Certes, pour la première fois
l’UE devrait actionner son régime
mondial de sanctions en matière de
droits de l’homme contre le Kremlin.
Mais les discours des uns et des
autres à la conférence de Munich ont
rappelé à quel point les points de vue
divergeaient. Joe Biden a accusé le
Kremlin « d’attaquer » les démocra-
ties, tandis qu’Emmanuel Macron a
insisté sur les vertus d’un dialogue
stratégique avec Moscou. Quant à
Angela Merkel, elle résiste aux pres-
sions pour stopper le gazoduc Nord
Stream 2, qui doit doubler les expor-
tations de gaz russe vers l’Europe.
Pire : Peter Altmaier, le ministre de
l’Économie, envisage une alliance
avec la Russie pour produire à grande
échelle du carburant synthétique. Si
l’on ajoute la Pologne et les Pays bal-
tes qui réclament une politique plus
dure contre la Russie, l’Italie et la
Grèce qui veulent ménager le
Kremlin, le seul accord possible en-
tre vingt-sept pays attachés d’abord
à leurs intérêts particuliers est un
consensus mou autour de sanctions
qui n’ont jamais influencé le com-
portement de Vladimir Poutine.
L’arrivée de Joe Biden à la Maison-
Blanche n’y changera rien.
Elle pourrait en revanche modifier
la trajectoire de l’Europe puissance,
autonome ou stratégique, telle que la
défend la France. Emmanuel Macron
a mis en garde contre l’illusion que
représenterait la tentation d’un re-
INTERNATIONAL
Ces acquisitions de gros actifs
biélorusses, que Moscou pourrait
également considérer comme la
juste rétribution de son aide, ne
vont pas de soi pour Loukachen-
ko, qui s’y est toujours opposé.
Entre les deux partenaires pério-
diquement en désaccord, le jeu de
balancier va vraisemblablement
se poursuivre : lorsqu’il est aux
abois, le président biélorusse se
montre nécessairement plus
“biélorusse
Le président
considère
son pays comme le
dernier allié de la Russie
et comme le principal
obstacle sur le chemin
des chars de l’Otan entre
”
l’Europe et Moscou
VALERI KARBALEVITCH,
ANALYSTE POLITIQUE
conciliant avec son meilleur allié ;
reprenant du poil de la bête, il se
drape dans une souveraineté
sourcilleuse, se crispe, et devient
un interlocuteur difficile. La tran-
sition politique, souhaitée par
Moscou, au nom de la stabilité,
sera l’un des points durs des en-
tretiens de Sotchi, ce lundi. Lou-
kachenko a fait mine de donner
des gages mais continue de tem-
poriser. Certes, le 11 février, il a
tour au vieil ordre américain. Il a
réaffirmé la nécessité pour l’Europe
de dessiner son propre chemin et de
s’affirmer sur le plan de la défense et
de la sécurité. Craignant, avec l’arri-
vée de Biden, que les pays de l’Otan
fassent à nouveau l’autruche, il a
rappelé que ses critiques de 2019
contre l’organisation - en « mort cé-
rébrale » - restaient valides, dénoncé
son inertie et souhaité « une clarifica-
tion de son concept stratégique ».
Intérêts nationaux
Pendant longtemps, c’est la Grande-
Bretagne qui a ralenti les projets
d’autonomie européenne portés par
la France. Depuis le Brexit, les freins
sont plutôt actionnés à Berlin. En re-
fusant de faire de Nord Stream 2 un
levier, l’Allemagne a sapé les efforts
de l’UE pour faire pression sur la
Russie. Pays du statu quo imprégné
de pacifisme, qui préfère la force
économique à la force militaire et qui
n’envisage pas d’action en dehors de
l’Otan, elle a rejeté la semaine der-
nière, par la voix de son Parlement,
la demande française de fournir des
troupes pour des missions de combat
contre les djihadistes au Sahel.
Ces divisions expliquent pourquoi
les dirigeants des institutions
bruxelloises ne peuvent porter en
public autre chose que des compro-
mis insatisfaisants. La dernière
preuve en a été apportée à Moscou
au début du mois par Josep Borrell,
le haut représentant de l’UE, qui, en
LE FIGARO lundi 22 février 2021
5
KREMLIN /LATIN AMERIC
bien évoqué une réforme consti-
tutionnelle soumise à référendum
en 2022. Mais se réservant le droit
d’interrompre le processus si la
contestation se poursuivait…
« Loukachenko avait promis à
Poutine d’engager la transition du
pouvoir et qu’il le ferait dans un
délai assez court, un an ou un an et
demi », relève Valeri Karbale-
vitch. « Mais désormais, il souhai-
te prolonger cette transition sur
une période plus longue, probable-
ment de cinq ans. Et sans doute
même, renoncer à toute transition,
et rester au pouvoir… », ajoute
l’expert. Reste à savoir si Vladimir
Poutine, qui connaît bien « Lou-
ka » et s’en méfie, peut être
convaincu… Mais le président
russe, lui aussi confronté à la
contestation de la rue, ces derniè-
res semaines, pourrait être incité
à ne pas précipiter les choses.
« Difficile d’inciter Loukachenko à
dialoguer avec la société alors que
lui-même a privilégié la force »,
ajoute Valeri Karbalevitch. Sur un
autre sujet clé, l’intégration su-
pranationale – un serpent de mer
mis en avant depuis vingt ans par
Moscou -, Loukanchenko, passa-
blement rasséréné sur son front
intérieur, pourra entonner les
trompettes qu’il affectionne – la
« souveraineté » du pays -, tout
en veillant à ne pas s’aliéner l’in-
dispensable solidarité économi-
que de la Russie. ■
se faisant humilier par Vladimir
Poutine, a infligé une grave blessure
aux ambitions géopolitiques de
l’Europe, révélant au grand jour
toutes ses faiblesses.
Donald Trump avait fait naître
l’espoir que les partenaires euro-
péens allaient suivre les ambitions de
la France et engager l’UE dans une
révolution politique. L’arrivée de Joe
Biden risque au contraire d’encoura-
ger la divergence des intérêts natio-
naux. « Les Français sont le peuple le
plus favorable à la défense européen-
ne. Les idées d’Europe puissance sont
toujours venues de France. On a tout
essayé. Mais ça n’a jamais marché…
Et aujourd’hui l’Union européenne
s’éloigne de la vision française », ex-
plique Nicole Gnesotto, professeur
au Conservatoire national des arts et
métiers (CNAM), dans une confé-
rence à la Chaire grands enjeux stra-
tégiques contemporains de la Sor-
bonne. Les divisions au sein de
l’Europe ne sont pas les seules en
cause. L’Europe s’est construite sur
un savoir-faire économique et com-
mercial, pas sur la politique étrangè-
re et militaire. En décidant souvent
seule et en donnant la priorité à la
souveraineté de la France, Paris a
entretenu un « soupçon permanent »
chez ses partenaires. « Toute propo-
sition française, poursuit la spécialis-
te, est perçue comme une tentative de
Paris d’affaiblir l’Otan. Or, nous som-
A
mes le seul pays à penser que l’Otan,
peut évoluer. » ■
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

6 INTERNATIONAL

Israël récupère une orthodoxe partie en Syrie

Grâce à Poutine, Netanyahou échange une jeune Juive contre deux bergers syriens et du vaccin Spoutnik.

THIERRY OBERLÉ £@ThierryOBERLE

CORRESPONDANT À JÉRUSALEM

PROCHE-ORIENT Une Israélien-

ne, qui s’est égarée voici environ
deux semaines en Syrie, en
échange de deux bergers syriens
et de doses de vaccins Spoutnik V
pour Damas. Frappée du sceau de
la censure militaire, l’histoire a
mobilisé Benyamin Netanyahou,
Vladimir Poutine, et a donné lieu à
un dialogue surprenant entre
Israël et Damas. La jeune femme,
issue d’une famille observante de
Modiin, avait réussi à déjouer les
systèmes de surveillance et à
franchir la frontière entre Israël et
la Syrie. Elle s’est retrouvée dans
un village où elle a été dénoncée et
arrêtée par les services de rensei-
gnement qui l’ont soupçonnée
d’être une espionne. D’étranges
négociations avec de multiples re-
bondissements se sont alors enga-
gées. Le premier ministre Benya-
min Netanyahou a téléphoné à
deux reprises au président russe,
Vladimir Poutine, le « parrain »
de la Syrie, pour qu’il joue le mé-
diateur. Les Syriens ont réclamé
en échange deux druzes du pla-
teau du Golan - il est occupé par
l’État hébreu depuis la guerre de
1967 et annexé. Ces deux druzes -
une femme et un homme - étaient
accusés de collaboration avec le
Hezbollah, le mouvement chiite
libanais. Elle, était en résidence Vue depuis les hauteurs petits pieds qui ont servi de mon- plus folles ont commencé à cir- sitions iraniennes et son allié du tion des variantes du Covid-19.
surveillée, lui, purgeait une lon- du Golan sur la barrière naie pour un troc. Ils ont été remis culer. Et si des corps de soldats Hezbollah en Syrie avec l’accord « Israël a toujours fait et fera tou-
gue peine de prison pour une ten- frontalière aux Syriens au point de passage portés disparus durant des conflits tacite de Moscou. Le pot aux roses, jours tout ce qui est en son pouvoir
tative d’attentat, selon la justice avec le gouvernorat officiel de Quneitra, une ville fan- étaient restitués ? Et si la dépouille ou plus précisément aux vaccins, pour ramener ses citoyens à la mai-
israélienne. Tous deux ont refusé syrien de Quneitra, tôme détruite en 1973 et restée en d’Eli Cohen, l’espion israélien a finalement été découvert. son », a commenté Benyamin
de prendre le chemin de Damas.
où l’échange
l’état. Ils ont pu retrouver leurs Quant à la jeune femme égarée Netanyahou.
des prisonniers a eu lieu.
Les membres de la petite commu- chèvres. La frontière est en prin- en Syrie, âgée de 25 ans, parlant La Russie est l’unique canal de

“et Israël
JALAA MAREY/AFP
nauté druze du Golan souhaitent cipe hermétique avec une barrière a toujours fait arabe, elle n’en était pas à sa pre- discussion entre Israël et le régime
en général conserver leur natio- de protection, le terrain souvent fera toujours mière tentative de fuite hors de syrien. Moscou a servi de média-
nalité syrienne, mais leur allé- miné, mais certaines voies ne sont son milieu orthodoxe et hors d’Is- teur pour le retour de la dépouille
geance ne va pas jusqu’à partir pas impénétrables.
tout ce qui est en son raël. Elle avait déjà essayé de se de Zachary Baumel, un soldat des
pour le pays du président Bachar Puis se sont ajoutés des vaccins. pouvoir pour ramener rendre dans la bande de Gaza diri- forces de défense israéliennes tué
el-Assad. Ils préfèrent rester chez Des Spounik V payés par le gou- ses citoyens gée par le Hamas. En Jordanie lors de la bataille de Sultan Ya-
eux. La femme assignée à domicile vernement israélien. Une tran- aussi. Elle s’est finalement retrou- coub, au Liban, en 1982. Sa dé-

”
a déclaré à une télévision syrienne saction estimée à plus d’un million
à la maison vée à Moscou. Un émissaire de pouille a été transférée de Syrie en
BENYAMIN NETANYAHOU
que la mesure judiciaire à son en- de dollars d’après la presse israé- Benyamin Netanyahou, son Russie quelques jours avant son
contre avait été levée. Le prison- lienne. La décision a été avalisée conseiller à la sécurité nationale, arrivée en Israël, en avril 2019.
nier n’a rien dit. par une réunion extraordinaire du pendu sur une place publique de Meir Ben-Shabbat, est allé la Deux Israéliens sont par ailleurs
C’est finalement deux bergers cabinet classifiée « secret-défen- Damas en 1965, revenait ? Israël et chercher. Un vol spécial a été af- portés disparus à Gaza depuis des
syriens capturés lors d’une intru- se ». Les médias locaux ont essayé la Syrie n’ont jamais mis fin à leurs frété alors que l’unique aéroport années. Les négociations pour les
sion sur le territoire contrôlé par de contourner la censure et ont contentieux et l’armée israélienne international du pays est fermé faire libérer n’ont pas abouti à ce
Tsahal et pris pour des espions aux surtout spéculé. Les rumeurs les bombarde régulièrement des po- pour cause de crainte de propaga- jour. ■

Équateur : les indigénistes arbitres du scrutin
Au second tour de la présidentielle, le leader indigène, éliminé, pourrait favoriser le candidat de droite.
PATRICK BÈLE pbele@lefigaro.fr
AMÉRIQUE LATINE Le suspense a
pris fin en ce dimanche 21 février :
le second tour de l’élection prési-
dentielle équatorienne opposera le
11 avril Andrés Arauz, candidat se
revendiquant du « socialisme du
XXIe siècle », soutenu par l’ancien
président Rafael Correa, à
Guillermo Lasso, ancien banquier
situé à droite. Il a fallu une semai-
ne aux autorités électorales pour
départager Guillermo Lasso et
Yaku Pérez qui se disputaient la
seconde place. Finalement, l’ex-
banquier a été crédité de 19,72 %
des voix et le candidat soutenu par
les mouvements indigènes de
19,39 %.
Mais ce résultat est contesté à la
fois par Pérez et plusieurs person-
nalités, comme le procureur de la
République, qui demande un audit
du système de vote. Une marche
indigène est en cours vers la capi-
tale, Quito, pour rejeter les résul-
tats annoncés. Leurs organisa-
teurs exigent l’ouverture des
urnes et le recomptage des votes
pour « empêcher que se consolide
la fraude électorale ».
Andrés Arauz revendique l’ap-
pui de son parrain politique,
Rafael Correa, qui a été condamné
pour corruption et vit actuelle-
ment en Belgique. À 36 ans,
Andrés Arauz a été conseiller au
ministère de la Politique économi-
A
sance et du Talent humain. Si le
soutien de Rafael Correa a été dé-
cisif pour virer en tête au premier
tour, il pourrait lui être préjudi-
ciable au second, l’autoritarisme
de l’ancien président ayant laissé
de mauvais souvenirs.
En attente de mesures
sociales
Guillermo Lasso, lui, a été prési-
dent de l’une des plus importantes
banques du pays, Banco de
Guayaquil, et gouverneur de la
province la plus riche du pays,
Guayas. Son opposition farouche
et historique à Rafael Correa pour-
rait lui permettre de l’emporter au
second tour. Déjà en 2017, le
même candidat indigéniste, Yaku
Pérez, avait appelé à voter pour
« incarcéré,
lui, estimant qu’il était préférable
de voter « pour un capitaliste plu-
tôt que pour un dictateur ». Si,
pour l’instant, les intentions de
Yaku Pérez ne sont pas connues, il
ne fait aucun doute qu’une partie
non négligeable de son électorat se
reportera sur Lasso, la répression
des mouvements écologistes et in-
digénistes pendant le mandat de
Rafael Correa ayant laissé des tra-
ces profondes.
Aux précédentes présidentiel-
les, Guillermo Lasso a été battu dès
le premier tour en 2013 par Rafael
Maintes fois
Correa et au deuxième tour en
2017 par Lenin Moreno, soutenu à
l’époque par Rafael Correa. Mais
cette fois-ci, ce conservateur de
Yaku Pérez 65 ans, membre de l’Opus Dei,
incarne peut miser sur le score exception-
aujourd’hui une nel du troisième candidat, Yaku
Pérez. Soutenu par la Conai, la
troisième voie puissante fédération d’associa-
entre le tions indigènes, Pérez a réussi à
corréisme et le fédérer un vote à la fois indigène,
anticorréiste et en attente de me-
conservatisme sures sociales.
avec une Cet avocat écologiste s’est fait
représentation connaître en luttant contre la
création de nouvelles mines et si-
importante tes d’exploitations d’hydrocarbu-
au Parlement » res que le gouvernement Correa
favorisait pour financer ses politi-
ques sociales de redistribution. Il
est également devenu l’un des re-
présentants de la lutte des indigè-
nes pour la préservation de leurs
territoires. Maintes fois incarcéré,
il incarne aujourd’hui une troisiè-
me voie entre le corréisme et le
conservatisme avec une représen-
tation importante au Parlement.
Malgré son avance, Andrés
Arauz n’est pas assuré de gagner
au second tour. Guillermo Lasso,
qui n’avait perdu que de deux
points en 2017 contre Lenin Mo-
reno pourrait bien renverser la ta-
ble. Les partisans de Yaku Pérez
sont pour beaucoup farouchement
opposés au corréisme, car ils gar-
dent un souvenir plus que contro-
versé de la période où Rafael Cor-
rea était au pouvoir. À l’époque, la
ZOOM
La Birmanie enterre
la première victime
de la junte
La Birmanie a rendu
hommage dimanche à la
première victime de l’armée,
une jeune épicière devenue
une icône de la résistance
anti-junte, tandis que
les foules ont été encore
nombreuses à manifester
contre le coup d’État malgré
les violences meurtrières de
la veille. Les funérailles de
Mya Thwate Thwate Khaing
ont réuni dans la périphérie
de la capitale, Nay Pyi Taw,
des milliers de personnes.
EN BREF
Libye : le ministre de
l’Intérieur sort indemne
d’un attentat
Le ministre de l’Intérieur
libyen, Fathi Bachagha,
est sorti indemne dimanche
d’une tentative d’assassinat
près de Tripoli, faisant
craindre une reprise des
violences en plein effort
pour une transition politique
dans un pays miné par les
luttes d’influence et le poids
des milices.
Nucléaire : avancée
dans le dossier iranien
« L’Iran et l’AIEA ont eu
des discussions fructueuses
fondées sur le respect mutuel »,
a tweeté Kazem Gharibabadi,
ambassadeur d’Iran auprès

que, directeur de la banque cen- Vendredi à Biblian, Yaku Pérez (au centre) participe à une marche réclamant un recomptage des votes répression contre les mouvements de l’AIEA, le « gendarme »
trale, puis ministre de la Connais- exprimés lors du premier tour de l’élection présidentielle. SANTIAGO ARCOS/REUTERS indigènes avait été féroce. ■ nucléaire de l’ONU.

POLITIQUE
Mélenchon veut gagner
la bataille des idées
Le candidat de La France insoumise à la présidentielle veut
prouver que seules ses idées sont hégémoniques à gauche.
PIERRE LEPELLETIER £@pierrelepel
GAUCHE Ne lui parlez surtout pas de lui.
Pour le début de sa campagne présiden-
tielle, Jean-Luc Mélenchon se la joue
modeste : plutôt que son nom, l’Insou-
mis souhaite surtout que l’on retienne
son programme : « L’Avenir en com-
mun ». « Je fais ce que je peux pour être le
plus possible identifié à un programme.
J’utilise des expressions qui illustrent cet
état d’esprit : “je suis un programme”, “je
suis un bulletin de vote sans face ca-
chée”… », a-t-il expliqué mercredi der-
nier devant les journalistes. Alors que la
gauche apparaît divisée, le candidat In-
soumis à la présidentielle veut prouver
que seules ses idées sont hégémoniques à
gauche, et donc en phase de l’emporter à
la présidentielle.
Les équipes de LFI sont à la tâche pour
le démontrer. Un « comparateur de pro-
grammes » a été lancé la semaine derniè-
re en ligne. Son objectif : mettre en lu-
mière toutes les convergences des autres
forces politiques, mais aussi des associa-
tions et des syndicats avec « L’Avenir en
commun ».
La plateforme démontre, par exemple,
que « 90 % des propositions de la Conven-
tion citoyenne pour le climat étaient com-
patibles » avec le programme de LFI.
Comme un pied de nez à Emmanuel Ma-
cron, qui a fait le choix de tirer au sort 150
citoyens pour plancher sur la question du
réchauffement climatique. Stratège,
Jean-Luc Mélenchon se sert aussi de cet
outil pour mettre en lumière l’absence de
propositions de ses adversaires. Il épingle
ainsi l’écologiste Yannick Jadot, listant
tous les thèmes sur lesquels il ne s’est
- pour l’instant - pas positionné. Parmi
eux : « la laïcité », « les nationalisa-
tions », « la dette, « le nucléaire »…
Sortir de son couloir
Faute de projet, le Parti socialiste n’est
même pas cité. « Je lis des fois qu’il n’est
jamais question du fond, qu’il n’est ques-
tion que de personnes, rapporte Jean-Luc
Mélenchon. Nous, nous sommes disposés
à toute heure du jour et de la nuit à discuter
du fond. Ce n’est pas de notre faute si les
autres n’ont mis en ligne pratiquement
aucun document », souligne le député des
Bouches-du-Rhône.
Régulièrement accusé d’être autocen-
tré sur sa personne et sur son mouve-
ment, le ténor Insoumis veut profiter de
cette période de précampagne pour sortir
de son couloir. Les Insoumis multiplient
les invitations auprès des influentes figu-
res associatives et syndicales de gauche,
les invitant à contribuer à l’élaboration
du projet présidentiel. « Il y a une forte
identification au programme chez les mili-
À Lyon, la cantine sans viande passe mal
Le choix du maire EELV Grégory Doucet d’imposer des menus uniques dans les cantines scolaires,
afin de fluidifier le service sur fond d’épidémie, a provoqué de vives réactions au sommet de l’État.
LORIS BOICHOT £@lboichot
POLÉMIQUE Les maires écologistes
seraient-ils devenus les nouvelles
cibles favorites de l’exécutif ? Cinq
mois après avoir blâmé le refus de
Pierre Hurmic d’installer un sapin,
« arbre mort de Noël », devant sa
mairie de Bordeaux, des membres
du gouvernement se sont élevés
contre une autre décision jugée
« idéologique » : le choix du maire
de Lyon d’imposer temporaire-
ment des menus uniques sans
viande - mais avec œufs et pois-
son - dans les cantines scolaires, à
partir de ce lundi.
Faisant peu de cas de l’objectif af-
fiché par l’élu (Europe Écologie-Les
Verts, EELV) Grégory Doucet
- fluidifier le service sur fond d’épi-
démie de Covid-19, avec un menu
qui « correspond au goût du plus
grand nombre » -, le ministre de
l’Intérieur, Gérald Darmanin, a dé-
noncé samedi une « politique mora-
liste et élitiste » qui « exclut les clas-
« Je fais ce que je peux pour être le plus possible identifié à un programme », affirme
désormais Jean-Luc Mélenchon (ici, le 23 janvier à Paris). THOMAS SAMSON/AFP
tants Insoumis. C’est un atout, mais nous
devons aujourd’hui le désacraliser pour
l’enrichir », explique Clémence Guetté, la
coordinatrice du programme. Les Insou-
mis prévoient notamment de recevoir
leurs invités lors d’émissions diffusées
chaque jeudi soir sur la chaîne YouTube
du mouvement. Après la philosophe Bar-
bara Stiegler, c’est Aurélie Trouvé, por-
te-parole de l’association altermondia-
liste Attac, qui sera reçue jeudi prochain.
Les cadres de LFI veulent par la suite
constituer un « Parlement programma-
tique ». « L’idée est de rassembler tous les
parlementaires, mais aussi les syndicalis-
tes et les membres d’association intéres-
sés par notre campagne présidentielle.
Cela permettra de mettre des avis dans le
pot commun pour faire en sorte que le
programme soit le reflet de nos diversi-
tés », soutient le député LFI Éric Coque-
ses populaires ». « Arrêtons de
mettre de l’idéologie dans l’assiette
de nos enfants ! », a renchéri di-
manche le ministre de l’Agriculture
et de l’Alimentation, Julien Denor-
mandie, qui a saisi le préfet du Rhô-
ne à ce sujet. Une façon de jouer
l’opposition entre une écologie
« pragmatique », que défendraient
les macronistes, et une écologie
« dogmatique », qui serait portée La crise
par les Verts. Plus prudent, le por- sanitaire sert
te-parole du gouvernement, Ga- une nouvelle
briel Attal, veut croire aux motifs
sanitaires invoqués par l’exécutif de fois de
la troisième ville de France. « Il ne prétexte à ces
faut pas que ce soit une décision idéo- idéologues.
logique », a-t-il prévenu dans « Le
Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI ». C’est un
détournement
Le précédent de Collomb
Désireux de clore une polémique
initiée par son opposition de droite,
de pouvoir
ÉTIENNE BLANC,
CHEF DE FILE
le maire de Lyon s’étonne des réac- DE LA DROITE LOCALE
tions provoquées par sa décision,
identique à celle prise au printemps
dernier, après le confinement, par
la municipalité alors dirigée par
rel. Une formule revisitée de la « fédéra-
tion populaire » que rêvait d’incarner
Jean-Luc Mélenchon au lendemain de la
présidentielle, pensée pour mener toute
l’opposition de gauche contre Emma-
nuel Macron.
Plus largement, les Insoumis enten-
dent déjà faire de la pédagogie auprès du
grand public pour réaffirmer le sérieux et
la crédibilité de leur projet - souvent mis
à mal par leurs détracteurs. Quatre re-
vues programmatiques vont ainsi être
mises à la vente dans les librairies et dans
les maisons de presse. À en croire les In-
soumis, le premier numéro, sorti fin jan-
vier, consacré au passage à une VIe Ré-
publique, aurait déjà été réimprimé pour
répondre à une importante demande. Le
deuxième, qui développera l’idée d’une
« planification écologique », est prévu
pour le 11 mars. ■
l’ex-ministre de l’Intérieur Gérard
Collomb.
J.-C. MARMARA/LE FIGARO
« Si la situation sanitaire le per-
met, la ville reviendra aux menus tels
qu’on les connaît, avec deux menus
sans viande par semaine », a pris
soin d’indiquer au Progrès l’ad-
jointe au maire en charge des ques-
tions éducatives. Sans toutefois
apaiser la droite locale, qui prévoit
de batailler contre la majorité de
gauche lundi, à l’occasion du con-
seil municipal.
Élu pour la première fois en juin
dernier, en même temps que son
ami Bruno Bernard, président de la
toute-puissante métropole de
Lyon, Grégory Doucet se voit accu-
sé d’une nouvelle prise de position
polémique. En qualifiant de « ma-
» chiste et polluant » le Tour de Fran-
ce qui devait arriver dans sa ville,
début septembre, il avait déjà pro-
voqué un tollé dans une partie de la
classe politique. Et rompu avec la
modération déployée à son arrivée
au pouvoir, afin de se départir de
l’image de « Khmers verts » acco-
CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard
Un combat idéologique à
assumer par le macronisme
C
omme pour le cholestérol,
il y aurait la bonne et la
mauvaise polémique.
La mauvaise est involontaire
et maladroite ; on parle alors
d’un « couac » et on n’en sort
qu’en reculant. La bonne est
délibérée et vise à briser un tabou ;
on parle alors de « transgression »
et on ne franchit les turbulences
qu’en assumant. À laquelle des deux
catégories appartient la polémique
déclenchée par Frédérique Vidal sur
l’islamo-gauchisme à l’université ?
Si elle tempère son expression,
la ministre de l’Enseignement
supérieur confirme, dans le JDD, sa
volonté de distinguer ce qui s’inscrit
dans le champ de la « recherche
scientifique » et ce qui relève du
« militantisme ». Plus de justesse
dans la forme, mais pas de mea culpa
sur le fond.
Il reste maintenant à l’exécutif
tout entier à aller jusqu’au bout
d’une logique consistant à affronter
la réalité et à ne pas laisser ses
adversaires idéologiques fixer de
manière unilatérale ce qui relève
ou non du « concept scientifique ».
Et, simultanément, à aller jusqu’au
bout d’une clarification de sa ligne
politique.
Au sein de la majorité, en effet,
une petite musique va crescendo
réclamant la fin des signes en
direction de la droite, sur les terrains
économique et régalien, et le retour
à un discours s’adressant à la gauche,
sur les terrains social et culturel.
Avec, en arrière-plan, cette
préoccupation électorale : ne pas
dissuader les sympathisants de cet
hémisphère-là de voter pour
Emmanuel Macron lors d’un
éventuel match retour avec Marine
Le Pen. Or, pour ceux-là, parler
d’islamo-gauchisme, comme
Frédérique Vidal le fait après Jean-
Michel Blanquer, c’est déjà parler
la langue de la droite, sinon de
l’extrême droite. Après que Gérald
Darmanin a pointé la « mollesse »
de la présidente du Rassemblement
national, voilà qui aiguise leurs
craintes.
Il serait pourtant suicidaire pour
le macronisme de se diviser sur ce
débat. D’abord parce qu’il a tout
intérêt à laisser le mistigri de la
division à une gauche dont tous
les partis, LFI, le PS ou EELV,
connaissent une fracture entre les
tenants de l’exigence républicaine -
ce qu’on pourrait appeler
la ligne Valls - et les chantres d’un
néoprogressisme ne regardant la
réalité qu’au prisme d’une grille
racialiste et ne voyant dans la lutte
contre l’islamisme que le paravent
lée aux écologistes par certains
concurrents, pour souligner leur
supposée rigidité idéologique.
Jusque-là, ses opposants avaient
guetté la moindre maladresse, sans
parvenir à provoquer de réaction au
sommet de l’État. À peine dix jours
après sa défaite, fin juin, la droite
locale s’était émue de l’utilisation,
dans la communication municipa-
le, de l’écriture inclusive, revendi-
cation de militants féministes.
Quelques jours plus tard, elle s’était
indignée de l’interdiction du survol
de la ville par la patrouille de Fran-
ce, le 14 Juillet, justifiée par la limi-
tation des rassemblements en plei-
ne épidémie. « La crise sanitaire sert
une nouvelle fois de prétexte à ces
idéologues, avance le chef de file de
la droite locale, Étienne Blanc. C’est
un détournement de pouvoir. »
Malgré la polémique, Grégory
Doucet entend proposer dès l’an-
née prochaine un menu végétarien
au choix tous les jours de la semaine
dans les écoles, l’une de ses pro-
messes de campagne. ■
LE FIGARO lundi 22 février 2021
7
d’une sorte de racisme officiel. S’il
faisait désormais preuve de prudence
ou de soumission sémantique,
l’exécutif découragerait cette gauche
républicaine sans apaiser une
intelligentsia qui, de toute façon,
a juré sa perte.
D’un point de vue tactique,
les indignations suscitées par les
prises de position de la ministre de
l’Enseignement supérieur peuvent
aussi servir de brevet de fermeté
au gouvernement dans sa lutte
contre l’islamisme, toute forme de
complaisance idéologique en
nourrissant le terreau. Dans ce
combat, l’exécutif peut s’appuyer
sur l’opinion qui, majoritairement,
y compris à gauche, rejette les
pressions intellectuelles qui, au cœur
de ce lieu de confrontation par
excellence que devrait être
l’université, veulent imposer une
nouvelle pensée unique. Bien que
ce ne fût pas toujours la sienne,
Frédérique Vidal a rejoint la ligne
Darmanin-Schiappa-Blanquer.
Emmanuel Macron a semblé agacé
par ses maladresses. Mais le chef de
l’État gagnerait, dans son propre
intérêt, à valider une ligne qui a sa
cohérence intellectuelle et une force
politique indéniable. ■
Les
indignations
suscitées par
les prises
de position de
la ministre de
l’Enseignement
supérieur
peuvent aussi
servir de
brevet de
fermeté au
gouvernement
dans sa lutte
»
contre
l’islamisme
EN BREF
Castaner accuse gauche et
droite d’« épargner » le RN
Le président du groupe LREM
à l’Assemblée nationale,
Christophe Castaner, a accusé
dimanche gauche et droite
d’« épargner le Rassemblement
national de Marine Le Pen pour
focaliser ses attaques contre le
parti présidentiel qui, lui, refuse
les tabous ». « Si le RN tente
de se racheter une vertu, c’est
qu’il a externalisé la violence.
Génération identitaire est son
prête-nom agissant », dit-il.
Vallaud-Belkacem :
les régionales doivent être
le « laboratoire de l’union »
Najat Vallaud-Belkacem,
ex-ministre PS, a affirmé que
les régionales devaient être
le « laboratoire de l’union »
de la gauche, dans la perspective
de 2022, sa division actuelle
étant « suicidaire », dans
une interview au Journal
du dimanche. « Notre
responsabilité, c’est de construire
une coalition : un candidat
commun, un programme
commun et un contrat de
gouvernance », a-t-elle ajouté.
A
La division est « la marque d’une
gauche qui s’est embourgeoisée ».
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO
8 SOCIÉTÉ
L’encadrement, grand défi de la police
Des officiers coupés du terrain, un système bureaucratique : le « Beauvau de la sécurité » ressort les dossiers.
JEAN-MARC LECLERC £@leclercjm
SÉCURITÉ Le « Beauvau de la sécu-
rité » s’attaque ce lundi à l’épineuse
question de l’encadrement de la po-
lice. Ce grand remue-méninges, or-
ganisé par le ministre de l’Intérieur,
est né de la volonté d’Emmanuel
Macron de calmer les esprits après
l’électrochoc de l’affaire Zecler, ce
producteur de musique molesté par
une patrouille de police du 17e ar-
rondissement de Paris, le 21 no-
vembre 2020. Des images de bavure
policière qui ont fait le tour du mon-
de, obligeant le chef de l’État à en-
trer dans l’arène. Il avait alors dé-
noncé sur un média en ligne, le
4 décembre, la propension des poli-
ciers, selon lui, à pratiquer le
contrôle au faciès, suscitant un tollé
dans la « grande maison ». Voici
l’heure des explications de fond et
des mots qui apaisent, dans l’espoir
d’aboutir aux réformes.
Lors d’un déplacement en Savoie,
le 15 février, Gérald Darmanin a
voulu tirer une première leçon du
dérapage dont a été victime Michel
Zecler : « Sur les images, il n’y a pas
un chef. Alors qu’un chef de service
est un chef en service. Il faut remettre
le rôle de l’encadrement dans notre
fonctionnement. Si personne n’est
responsable de rien, alors c’est le bor-
del », a-t-il déclaré. Et d’ajouter :
« On peut dire que la justice est laxis-
te, mais la vérité est que nos procédu-
res sont trop souvent mauvaises. »
Le ton est donné. Thierry Clair, le
numéro deux de l’Unsa-police, ré-
sume la situation : « Les fonctionnai-
res les plus jeunes sont affectés dans
les secteurs les plus difficiles, avec le
sentiment d’être livrés à eux-mêmes.
C’est particulièrement vrai en région
parisienne, où sont destinées 90 %
des sorties d’école de police. » À en
croire ce syndicaliste, « le problème,
Pédophilie : les évêques en assemblée spéciale
Ils vont réfléchir à la responsabilité de l’Église et tâcher d’avancer sur l’indemnisation des victimes.
JEAN-MARIE GUÉNOIS
£@jmguenois
RELIGION Sur le dossier pédophilie,
l’Église de France ne recule pas,
mais elle peut donner l’impression
de faire du surplace. À moins que les
trois jours à venir ne soient décisifs.
Jusqu’à mercredi, la centaine
d’évêques de France se réunit en ef-
fet pour une assemblée spéciale, à
distance, dédiée à ce dossier noir.
L’enjeu officiel est double. Avec
des spécialistes et des victimes, il
s’agit pour les évêques d’approfon-
dir la notion de « responsabilité » :
l’Église catholique est certes res-
ponsable des déviances pédophiles
de certains de ses prêtres, mais
qu’est-ce que cela signifie précisé-
ment sur le plan juridique, philoso-
phique, moral, théologique, pasto-
ral, spirituel ? Les évêques vont
débattre de cette responsabilité,
non en son principe, mais en son
application concrète. Par exemple,
qui est responsable cinquante ans
après des faits : le prêtre, l’évêque,
l’institution ? Sur ces sujets, « il y a
des points d’accord, mais aussi des
divergences », reconnaît leur porte-
parole, Vincent Neymon.
Un rapport publié
à l’automne
Second enjeu : avancer sur la pro-
messe annoncée par la conférence
épiscopale en novembre 2019, à
Lourdes, de l’octroi d’une « somme
d’argent, unique et forfaitaire »
pour les victimes. Les trois quarts
des évêques avaient alors voté pour
ce principe. Sans le remettre en
cause, ils sont aujourd’hui embar-
rassés. Leur ambition est freinée
par les difficultés financières des
diocèses liées à la pandémie. Mais
les prélats ont aussi eu le temps de
réaliser que la majorité des fidèles,
écœurés par les scandales en série
A
et la mauvaise gestion épiscopale,
n’entendent pas mettre la main à la
c’est qu’en prenant du galon, les
chefs de contact ont tendance à s’en-
fermer dans les bureaux, accaparés
par les tâches administratives, les
marottes des ministres successifs et
l’obligation de devoir rendre des
comptes à tout le monde. Les pires
travers de la bureaucratie. »
Le secrétaire général du Syndicat
des commissaires de la police natio-
nale (SCPN), David Le Bars, dénon-
ce lui aussi « une police qui se tech-
nocratise ». « Les gradés sont orien-
tés de plus en plus vers des fonctions
de soutien et de bureau, les officiers
ne sont plus toujours en capacité de
reprendre leur place sur le terrain et
les candidats aux vraies fonctions
d’encadrement commencent à faire
cruellement défaut », constate-t-il.
Un exemple ? « Quand j’ai quitté
Saint-Denis en 2017, une ville con-
frontée à une délinquance des plus
dures, il n’y avait plus que deux offi-
ciers pour la voie publique et deux
pour le judiciaire. C’est un souci ré-
current : il n’y a plus de candidats
pour les postes d’encadrement en sé-
curité publique, notamment au servi-
ce général, censé suivre les pa-
trouilles. »
Méthodes de management
mises en cause
Selon le dernier baromètre social de
la police nationale, 65 % des repré-
sentants des corps d’encadrement
et d’application ne sont « pas satis-
faits de leur évolution de carrière ».
Mais c’est sur eux que les réformes
des dernières années s’appuyaient
pour compenser la déflation des
corps de commissaires, passés de
2 200 à 1 600 depuis le début des an-
nées 2000, et des officiers de poli-
ces, réduits, dans le même temps,
de 16 000 à 8 000.
Ils vont « tuer Maigret » et « cou-
per les chefs de police du terrain », en
les transformant en simples admi-
poche pour une responsabilité
qu’ils estiment cléricale.
Déjà reportée en mars 2020,
l’exécution de cette promesse fi-
nancière pour les victimes ne de-
vrait pas attendre éternellement.
Les évêques doivent trancher fin
mars : « Cette assemblée de février
n’est pas décisionnelle, explique
Vincent Neymon. C’est une consul-
tation qui prépare les décisions qui
seront prises lors de l’assemblée de
printemps. » Un groupe spécifique
de travail a été créé au sein de la
conférence sur la question finan-
cière : « Il y aura une juste réparation
pour les victimes, assure le père
Comment fixer le montant des compensations financières
Combien pour les victimes ?
La question est sur toutes
les lèvres mais jamais l’Église
de France ne s’est risquée à
avancer un quelconque chiffre
sur le montant du
dédommagement d’une
personne victime d’un prêtre
pédophile. Un fond spécial
pourrait être dédié à cela.
Partout, en France et dans
le monde, l’Église catholique
insiste pour dire que la
Des policiers nistrateurs de police « moins nom-
anti-émeutes sont breux mais mieux payés », avaient
déployés lors d’une mis en garde, sous Sarkozy, quel-
manifestation contre ques grandes voix de la police, com-
le projet de loi sécurité me les commissaires Foll ou Guérin.
globale, le 30 janvier, Mais l’heure était à la réduction des
à Paris. coûts et des effectifs (la fameuse
CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/
AFP
RGPP), et il fallait faire muer la poli-
ce, pour faciliter (sans le dire) une
hypothétique fusion entre police et
gendarmerie qui n’aboutira jamais.
Le résultat est alarmant. Le syn-
dicat Unité-SGP-FO fait cet aveu,
concernant les gradés et gardiens :
« Il faut reconnaître que les avance-
ments massifs constatés ces derniè-
res années, alliés à un management
Hugues de Woillemont, secrétaire
général de l’épiscopat. Un peu de
patience, le dossier est sur la table. »
Un troisième enjeu - officieux,
celui-là - pourrait expliquer cette
course de lenteur. La Conférence
des évêques attend aussi les conclu-
sions d’une étude qu’elle a confiée
en novembre 2018, avec la Confé-
rence des religieux et religieuses de
France, à une « commission indé-
pendante sur les abus sexuels dans
l’Église », la CIASE. Présidée par
Jean-Marc Sauvé (lire ci-dessous),
cette instance a pour mission d’in-
ventorier, depuis 1950, l’ampleur
du phénomène pédophile dans
Les dossiers l’Église de France. Le rapport final
d’accusation sera publié cet automne. À ce jour,
de l’affaire Preynat la CIASE a recueilli plus de 6 500 té-
lors du procès du prêtre, moignages. Elle estimerait que
en janvier 2020, à Lyon. 10 000 victimes auraient été agres-
NICOLAS LIPONNE/
sées par 3 000 prêtres sur les
HANS LUCAS
100 000 qui ont œuvré dans l’Église
de France en un demi-siècle.
De son côté, l’Église de France
publie régulièrement un rapport sur
la pédophilie. Le dernier porte sur la
période septembre 2018-septembre
2020. En deux ans, 320 victimes se
sont signalées dans 80 diocèses
(sur 100) ; 67 signalements ont été
effectués par les évêques au procu-
reur de la République pour des faits
compensation financière n’est dont le plafond a été fixé
pas l’unique réponse qu’elle à 50 000 euros mais qui peut
entend apporter. En Allemagne, être aussi de 5 000 euros.
les évêques ont décidé en Autre exemple, en
novembre 2020 la mise en place décembre 2020, à Lyon,
d’un protocole financier quatorze victimes de l’ancien
spécifique. Il est appliqué depuis prêtre Bernard Preynat ont été
janvier 2021 et prévoit, pour indemnisées - parce que
la victime, une analyse en cinq les faits étaient prescrits par
étapes par plusieurs experts la justice civile - par un fond
de sa situation, assortie exceptionnel du diocèse de
d’une évaluation collective Lyon abondé à hauteur de
de la compensation financière 169 500 euros. Sept autres ont
parfois infantilisant et souvent direc-
tif, en tout état de cause inadapté, ont
grandement dénaturé la fonction
d’encadrant. » Où est l’épanouisse-
ment espéré ?
Les méthodes de management
sont aussi mises en cause. Le syndi-
cat Unité-SGP-FO l’expose con-
crètement : « Il y a quelques années,
les instructions étaient expliquées
verbalement aux effectifs concernés
qui en comprenaient mieux le sens et
l’intérêt, ce qui facilitait leur applica-
tion. Elles sont aujourd’hui diffusées
régulièrement par mail et parfois
sous forme de SMS… » Selon lui,
« cette pratique totalement déshu-
antérieurs à 2000, 43 signalements
pour des faits postérieurs à l’an
2000 ; sur 208 auteurs vivants
- beaucoup sont morts -, il y a eu
191 mises en cause (une victime dé-
signant un prêtre coupable), 8 mises
en examen, 5 incarcérations (ou
bracelets) ; 4 prêtres ont été libérés
après avoir accompli leur peine. Sur
ces deux années, enfin, 57 clercs ont
été provisoirement suspendus à titre
conservatoire, 13 ont été condamnés
à des peines canoniques, dont le
renvoi de l’état clérical. En 2019,
13 775 prêtres exerçaient en France.
Ces chiffres sont difficiles à inter-
préter, car ils peuvent désigner un
cas récent comme une affaire re-
montant à des décennies. Mais ils
expriment une réalité « systémi-
que », reconnaît l’actuel président
de la Conférence des évêques de
France, Mgr Éric de Moulins-Beau-
fort, celle d’affaires de pédophilie,
dont le paroxysme remonte aux an-
nées 1970 et 1980. Jean-Marc Sauvé,
le président de la CIASE, utilise le
même terme. Ce dernier, vice-pré-
sident honoraire du Conseil d’État,
vient d’être consulté par les instan-
ces gouvernementales dans le
contexte récent des affaires d’inces-
te, car les méthodes et l’expérience
de la CIASE pourraient faire école. ■
aussi été reconnues mais
devraient bénéficier des
compensations prévues par
la justice civile car, pour elles,
les faits ne sont pas prescrits.
C’est donc un total de vingt
et une victimes du père Preynat
(75 ans, condamné en
mars 2020 à cinq ans de prison
ferme), qui ont été reconnues
comme telles par le tribunal
ecclésiastique du diocèse, une
première dans l’Église. J.-M. G.
manisée génère frustration et incom-
préhension, préjudiciables à la bonne
application des consignes. Il est ur-
gent d’y mettre un terme. »
Gérald Darmanin s’attaque à des
questions d’organisation fonda-
mentales. « Il faudrait recruter à
nouveau des officiers, des commis-
saires et les injecter sur le terrain,
pour remettre un peu d’équilibre,
mais qui aura cette audace ? », in-
terroge un grand préfet. Aujour-
d’hui, les officiers rêvent de jouer
les commissaires et les gradés de
prendre la place des officiers. La
confusion règne et les moyens
manquent. ■
EN BREF
Le pape accepte
la démission de Mgr Sarah
Le pape François a accepté
la démission du cardinal
guinéen Robert Sarah, préfet
de la Congrégation pour le culte
divin et la discipline
des sacrements, a annoncé
samedi le Vatican dans un
communiqué. Le prélat avait
présenté sa démission
en juin 2020, à l’occasion
de ses 75 ans, âge officiel de la
retraite au Vatican. Nommé
archevêque de Conakry en 1979
par Jean Paul II, à seulement
34 ans, Mgr Sarah avait été élevé
au rang de cardinal en 2010
par Benoît XVI, puis placé
à la tête de la Congrégation
pour le culte divin et la
discipline des sacrements
en 2014 par le pape François.
Le nom de son successeur
n’a pas été annoncé dans
l’immédiat.
Meurtre au centre d’asile
de Pau : l’agresseur
soudanais mis en examen
et écroué
Le Soudanais de 38 ans, auteur
présumé de l’agression mortelle
vendredi d’un responsable
du centre d’asile de Pau dans
le sud-ouest de la France, a été
mis en examen dimanche
pour assassinat et écroué. Il est
poursuivi pour avoir agressé
vendredi à coups de couteau
- 13 plaies ont été recensées -
le chef de service du Centre
d’accueil pour demandeurs
d’asile (Cada) Isard COS de Pau,
où il avait été pris en charge
il y a quelques années.
Un homme abattu
au fusil d’assaut
dans une cité de Marseille
Un homme âgé d’une trentaine
d’années a été abattu dimanche
à la mi-journée dans une cité
d’un quartier populaire
de Marseille par trois hommes
qui ont pris ensuite la fuite.
La police judiciaire a été saisie
de l’enquête.
 LE FIGARO lundi 22 février 2021

SANTÉ 9

lefigaro.fr/santé

DOSSIER PSYCHO
LES NOUVELLES PROMESSES POURQUOI LES HOMMES
STOCK.ADOBE.COM

DE L’IMMUNOTHÉRAPIE RECHIGNENT À ALLER

PAGES 10 ET 11 CHEZ LE MÉDECIN PAGE 12

Les césariennes

Le réveil
en urgence sont
plus à risque
que les autres
opérations.
Les conséquences sous anesthésie,
une expérience
psychologiques
ne sont pas

traumatisante
anodines.
ANNE PRIGENT £@AnnePrigent1

CHIRURGIE Les réveils intem-

pestifs pendant une anesthésie
générale sont connus des anes-
thésistes-réanimateurs. C’est un
phénomène traumatisant, mais
fort heureusement très rare. En
2014, des chercheurs britanniques
avaient évalué que cet effet indé-
sirable ne surviendrait qu’une fois
sur 19 600. Mais, dans le cas des
césariennes, la fréquence semble
bien plus élevée. Ce cauchemar
bien réel pourrait concerner près
de 1 femme sur 200, selon une

étude publiée sur le site de la re-
vue Anesthesia en janvier. Les
chercheurs, qui ont interrogé
3 000 femmes dans 72 hôpitaux
anglais ont en effet trouvé 12 fem-
mes ayant vécu ces épisodes de
conscience pendant leur césa-
rienne. Près de 60 % d’entre elles
affirmaient avoir vécu une expé-
rience éprouvante, 42 % s’étaient
senties paralysées et deux d’entre
elles (soit 17 %) ont en plus res-
senti de la douleur. Elles ont éga-
lement rapporté d’autres sensa-
tions, comme des tiraillements,
des sentiments de dissociation ou
encore une incapacité à respirer.
« Nous savons que la césarienne
est une situation à risque. En effet,
lorsque nous faisons une anesthésie
générale, c’est que nous sommes en
urgence extrême. Il faut sortir le
bébé extrêmement rapidement.
C’est une situation très favorable à
la mémorisation, car la chirurgie va
arriver le plus vite possible derrière
l’induction de l’anesthésie », expli-
que la Pr Marie-Pierre Bonnet,
anesthésiste à l’hôpital Trousseau
à Paris. Non seulement il faut aller
vite pour sortir le bébé en souf-
france, mais il faut également évi-
ter qu’il soit exposé trop long-
temps aux produits d’anesthésie
pour ne pas être lui-même endor-
SWEETLEMONTEA/STOCK.ADOBE.COM
mi. Toujours pour protéger le profondeur de l’anesthésie, donc tions sont très rares. Mais, même Outre les césariennes, d’autres
Si vous vous bébé, les morphiniques, ces puis- du niveau de perte de conscience, lorsqu’ils sont moins effrayants, situations majorent également les
sants antalgiques qui peuvent les médecins vont donc devoir se les épisodes de conscience avec risques de réveil sous anesthésie.
réveillez entraîner une dépression respira- fier aux signes indirects de réveil mémorisation en cours d’opéra- La chirurgie en urgence est de
lorsque vous toire, ne seront administrés qu’une comme la tachycardie, une tion peuvent avoir des consé- manière générale plus à risque.
êtes curarisé, fois le cordon ombilical clampé montée de la pression artérielle ou quences dramatiques. « Si les fem- « Notamment pour les patients qui
(c’est-à-dire lorsqu’on a posé une encore les mouvements du patient. mes à qui c’est arrivé n’en parlent arrivent avec une pression arté-
comme pince pour interrompre la circu- Des signes loin d’être fiables. pas et ne sont pas psychologique- rielle trop basse, comme les poly-
les muscles lation du sang). De plus, lorsque, pour les be- ment prises en charge, cela peut traumatisés de la route. Une anes-
sont paralysés, soins de la chirurgie ou pour intu- déboucher sur de véritables syn- thésie trop puissante peut entraîner
Des signes indirects ber plus facilement, l’anesthésiste dromes de stress post-traumati- un arrêt cardiaque. Il y a aussi les
il est possible Connaissant ces risques, l’équipe a administré des curares, les que. C’est une situation d’échec patients avec des comorbidités trop
d’avoir médicale a-t-elle des moyens pour mouvements sont impossibles et pour nous », s’inquiète la Pr Hawa importantes qui vont exiger des do-
la sensation de les prévenir ? « Nous avons à notre les médecins ne seront pas aler- Keita-Meyer. Cela concernait un ses minimales. Ou, à l’inverse, les
disposition des outils dérivés de tés. « Si vous vous réveillez lorsque tiers des femmes concernées par patients douloureux chroniques
ne pas pouvoir l’électroencéphalogramme pour vous êtes curarisé, comme les ces réveils dans l’étude britanni- sous morphiniques pour qui il faut
respirer. C’est monitorer la profondeur de l’anes- muscles sont paralysés, il est pos- que. La Pr Hawa Keita-Meyer rap- des doses plus importantes », ex-
une sensation thésie grâce à des petits capteurs sible d’avoir la sensation de ne pas pelle néanmoins que les anesthé- pose le Pr Vincent Minville, anes-
posés. Mais il faut un peu de temps pouvoir respirer. C’est une sensa- sies générales ne représentent que thésiste au CHU de Toulouse, qui
de mort
»
pour les installer », affirme le tion de mort imminente », recon- 5 % des anesthésies pour réaliser conseille à toute personne ayant
imminente Pr Dan Benhamou, anesthésiste à naît la Pr Hawa Keita-Meyer, une césarienne. En effet, la majo- vécu cette expérience traumati-
PR HAWA KEITA-MEYER, l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. En anesthésiste à l’hôpital Necker à rité d’entre elles se font sous sante de ne pas hésiter à en parler
ANESTHÉSISTE l’absence de monitorage de la Paris. Heureusement, ces sensa- anesthésie loco-régionale. aux soignants. ■

COMMUNIQUÉ

Cerveau et alimentation Ces travaux de recherche ont per-

mis au laboratoire de recherche


Les scientiiques sont unanimes : l’alimentation inluence végétale New Nordic de mettre au
point une formule complètement
directement les fonctions cognitives (mémoire, concentration) naturelle à base de plantes et vita-
et les performances intellectuelles. mines pour améliorer les fonctions
cognitives et les performances intel-
La consommation d’aliments riches en L-théanine, ces zones restent inactives lectuelles. Baptisée Cerveau Clair,
antioxydants inluence directement le (en bleu). elle contient des extraits concentrés
fonctionnement cérébral.Les recherches de Thé vert, de Noix, de Pin mari-
convergent notamment sur l’écorce de Un apport suisant en vitamines B est time et de Grenade, associés à des
Pin maritime, qui renferme de grandes également bénéique pour maintenir des vitamines B et de l’Iode pour opti-
fonctions cognitives normales. Disponible en pharmacie
quantités de polyphénols capables de miser les performances cérébrales.
Ces actifs atteignent rapidement le et espace diététique
stimuler la microcirculation sanguine Thé Vert
dans le cerveau, ce qui optimise ses ap- Placebo cerveau, pour une efficacité
L-Théanine en moins d’une heure
heure. Cerveau Clair : TM

ports en glucose et en oxygène. Soutenir les performances mentales

Réservé aux
L’étude de l’activité cérébrale à l’aide de adultes de plus
de 15 ans. Peut
scanners a aussi révélé que la consom- être pris toute
mation de L-théanine issue du hé l’année si besoin.
vert (en rouge) active les zones de la Aussi recommandé en période de révisions
ou d’examens.
mémoire et de la concentration. Sans
Questions ? Les experts
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 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

10 DOSSIER SANTÉ
Les nouvelles promesses de l’immunot
Les traitements permettant de
réactiver le système immunitaire
d’un patient pour combattre
les tumeurs se diversifient.
MARTINE LOCHOUARN
£@MLochouarn
ONCOLOGIE Si les immunothé-
rapies anticancéreuses suscitent un
tel intérêt, c’est qu’elles ont changé
le pronostic de bon nombre de can-
cers métastatiques ou très avancés,
et bouleversé la façon de les traiter.
Le principe est simple, au moins en
apparence. Au lieu de cibler les cel-
lules tumorales comme avec les
chimiothérapies, la radiothérapie
ou les thérapies ciblées - qui gar-
dent tout leur intérêt -, c’est ici le
système immunitaire du malade
dont on lève les freins pour qu’il
puisse combattre efficacement la
maladie. C’est donc un changement
total de paradigme, avec déjà des
applications cliniques dans le méla-
nome, les cancers du poumon, du
rein, de la vessie, certains cancers
du sein…
Certaines cellules immunitaires,
les lymphocytes T cytotoxiques,
peuvent en effet reconnaître les
cellules anormales à leurs mar-
queurs de surface spécifiques et les
éliminer. Mais les tumeurs arrivent
à échapper à cette surveillance et à
rendre le système immunitaire
« tolérant » à leur égard. « Les cellu-
les cancéreuses peuvent par exemple
exprimer des récepteurs PD1 qui se
lient à des molécules de surface PDL1
des lymphocytes et ainsi les piéger et
les endormir, explique le Pr Thierry
André, oncologue digestif (hôpital
Saint-Antoine et UMRS 938, à
Paris). Des anticorps monoclonaux
anti-PD1 ou anti-PDL1 permettent
de casser cette liaison et de libérer les
lymphocytes, qui peuvent alors atta-
quer la tumeur». On les appelle
« inhibiteurs de point de contrôle
immunitaire » ou « ICI ».
Le premier ICI apparu en 2010,
un anti-CTLA4 aux effets compara-
bles, a d’abord fait passer la survie à
5 ans de 8,8 % à 18,2 % dans le mé-
lanome malin métastatique. Appa-
ru en 2012, le premier anti-PD1 a
plus que doublé la survie dans le
cancer du poumon avancé ou mé-
tastatique, et dans le mélanome fait
passer la survie à 5 ans à plus de
40 %. Désormais, ces traitements
sont donnés en première ligne dans
ces deux indications. Aujourd’hui,
tous pays confondus, il existe une
petite dizaine de ces ICI et le spectre
des tumeurs qui y sont plus ou
moins sensibles approche la tren-
taine. Ils font l’objet de milliers
d’essais dans le monde, seuls ou en
association avec d’autres traite-
ments.
Une étude française publiée ré-
cemment dans le New England
Journal of Medicine marque par
exemple un tournant pour le cancer
colorectal métastatique. Deux anti-
PD1 (le pembrolizumab et le nivo-
lumab) ont été testés chez des pa-
tients en échec de traitements. On
s’est aperçu que seul un petit nom-
bre répondaient bien, ceux porteurs
de tumeurs MSI (pour « microsatel-
lites instables ») qui ne représentent
que 5 % des cas. « On peut dire qu’il
y a deux maladies dans le cancer co-
lorectal, estime le Pr André. Un tout
petit nombre de patients MSI, dont le
cancer répond très bien à l’immuno-
thérapie, et sont faciles à repérer en
analysant la tumeur, et le plus grand
nombre qui sauf exception n’en tire
pas bénéfice. »
Des centres
très spécialisés
Ces deux anti-PD1 ont donc été ap-
prouvés aux États-Unis dans les Préparation mais n’explique pas tout… », précise cueillis, manipulés, multipliés et lui Autre arme, locale cette fois, celle
cancers colorectaux métastatiques d’un traitement le Pr Daniel Olive, immuno-onco- sont réinjectés en masse », explique des virus oncolytiques. Injectés di-
MSI en 2017 et 2018. « En France, il d’immunothérapie dans logue (CRCM, Marseille). le Pr Laurence Zitvogel, immuno- rectement dans la tumeur, ils
fallait en plus une étude de phase 3 l’unité de reconstitution Alors que la place des ICI se oncologue (Institut Gustave-Rous- peuvent reconnaître et détruire les
comparant l’anti-PD1 pembrolizu- cytostatique (URC), confirme dans les tumeurs solides sy, Villejuif). Fabriquées sur mesure cellules cancéreuses sans toucher
mab au traitement de référence dans du CHU de Bordeaux, avancées, les cancers du sang pour chaque patient, elles sont gé- aux cellules saines, tout en activant
ces cancers colorectaux métastati-
en septembre 2020. - leucémies B, lymphomes B et nétiquement modifiées pour porter différents effecteurs de l’immunité.
BURGER/PHANIE
ques MSI. Résultat : le pembrolizu- myélomes réfractaires ou en re- un récepteur antigénique artificiel « Cette approche est déjà appliquée
mab double la médiane de survie sans chute - font appel à une autre im- qui va leur faire reconnaître les cel- en combinaison avec un anti-PDL-1
progression chez ces malades (16,5 munothérapie, les CAR-T cells lules tumorales et les détruire. Le dans le mélanome, mais n’est pas
vs 8,2 mois après 32 mois). Chez (Chimeric Antigene Receptor-T). processus prend trois mois et n’est encore autonome seule », explique le
48 % des patients sous anti-PD1, la « C’est un transfert des propres lym- possible que dans des centres très Pr Zitvogel. Plusieurs stratégies en
maladie n’a pas progressé après phocytes T du malade qui sont re- spécialisés. évaluation à un stade plus précoce,
24 mois et ils ont pu arrêter leur trai-
tement », indique le Pr André. Le fonctionnement des immunothérapies anticancéreuses
L’AMM a été accordée la semaine
L’objectif de ces traitements est de réactiver la réaction immunitaire naturelle dirigée contre la tumeur
dernière mais la négociation du prix
est toujours en cours. LES CELLULES TUMORALES SE LIENT
Contrairement au cancer colo- AUX CELLULES IMMUNITAIRES ET LES DÉSACTIVENT Les anticorps anti-PD1 et anti-PDL1
rectal métastatique où l’on dispose CELLULE sont parmi les plus utilisés car
d’un marqueur prédictif d’efficaci- IMMUNITAIRE
Cellule immunitaire inactive ils empêchent une liaison-clé
té, on ne sait pas encore prévoir entre le récepteur PD1 des cellules
dans les autres types de cancers PD1 immunitaire et l’antigène PDL1
quels malades répondront aux ICI
ou non. « L’expression de nombreu- Cellule tumorale des tumeurs.
ses cibles tumorales comme PD1-
PDL1 joue mais n’explique pas tout. PDL1
La richesse en lymphocytes infiltrant OFF
la tumeur joue mais n’explique pas
tout. Sa charge mutationnelle joue
LES IMMUNOTHÉRAPIES EMPÊCHENT LES CELLULES
TUMORALES DE DÉSACTIVER LES CELLULES IMMUNITAIRES

De l’extrême importance Cellule immunitaire active

du microbiote
ANTI-PD1

LE BON ÉQUILIBRE du microbiote
- ces milliards de bactéries com-
mensales qui vivent dans notre tube
digestif - joue un rôle clé dans l’effi-
cacité de notre système immunitai-
re. Il n’est donc pas surprenant qu’il
ait également une grande impor-
tance en immunothérapie. « Dans
le mélanome métastatique, deux étu-
des récentes ont montré qu’on pou-
vait resensibiliser la moitié des mala-
des résistant au traitement par
immunothérapie anti-PD1 et les sau-
ver, en leur transférant la flore fécale
de malades bons répondeurs au
même traitement. Le résultat semble
dépendre plus du donneur que du re-
ceveur », explique la Pr Laurence
Zitvogel, immuno-oncologue (Ins-
titut Gustave-Roussy, Villejuif).
Risque de non-réponse
Son équipe avait montré en 2017
que les antibiotiques sont immuno-
suppresseurs et augmentent le ris-
que de non-réponse à l’immuno-
thérapie. « Cela a été depuis
confirmé par des dizaines d’études.
Nous savons désormais qu’il faut at-
tendre au moins un mois entre le
traitement par antibiotiques et le dé-
but d’une immunothérapie antican-
A
Si des dizaines de facteurs peu-
vent expliquer la résistance de cer-
taines tumeurs aux immunothéra-
pies, l’hôte joue un rôle peut-être
encore plus important. La malbouf-
fe, le stress, un style de vie inadap-
té, le manque de sommeil, les in-
fections diverses… fragilisent le
tube digestif, dont la flore se désé-
quilibre, les mauvaises bactéries
prenant le dessus sur les bonnes.
« Des molécules inflammatoires pas-
sent alors de l’intestin, devenu po-
reux, dans la circulation où ils font le
lit du cancer et de son aggravation.
Nous avons pu, en analysant la flore
intestinale de 360 patients avec un
cancer du poumon, repérer quelles
étaient les “bonnes” bactéries cor-
respondant à une bonne réponse au
traitement et les “mauvaises” fac-
teur de non-réponse. Nous allons
prochainement publier cette liste, in-
dique Laurence Zitvogel. De plus,
nous avons montré qu’en transférant
la flore intestinale d’un malade non
répondeur à l’animal, ce dernier de-
vient non répondeur, et qu’en ajou-
tant à son alimentation les bonnes
bactéries l’animal redevient sensible
à l’immunothérapie. Il y a donc là un
outil pour proposer une correction
ANTI-PDL1 CELLULE
ON Cellule tumorale
TUMORALE
Traitement
Dans les
rechutes En France, un accès parfois difficile à ces in
de lymphome AUX ÉTATS-UNIS, le pembroli- Or l’état de ces malades est discuté en France, où cela concer-
de Hodgkin, zumab, un anti-PD1 (lire l’info- grave. « Sur environ 30 types tu- ne moins de 100 patients par an,
très rares, graphie), a été autorisé en 2017 moraux sensibles aux PD(L)-1, ces juste parce que les critères de la
dès l’obtention de bons résultats médicaments sont autorisés dans Haute Autorité de santé (HAS), qui
le nivolumab, chez l’homme dans les cancers 20 indications aux États-Unis et demande de très gros essais clini-
très efficace, colorectaux métastatiques de sta- 12 sont approuvées par l’Agence ques randomisés, ne sont pas rem-
a son AMM tut « MSI » (tumeurs avec insta- européenne du médicament. En plis dans ces cancers rares. Le
bilité des microsatellites). France, ils ne sont remboursés que problème est le même quand il
européenne. En Europe, compte tenu de la dans 8 indications et bénéficient s’agit d’une nouvelle molécule pour
Or son procédure réglementaire plus d’une autorisation temporaire laquelle les autorités demandent à
remboursement longue et plus contraignante, pour 5 autres », indique le Pr Au- pouvoir évaluer le prix sur un mé-
l’autorisation de mise sur le mar- rélien Marabelle, oncologue (IGR, dicament comparable qui n’existe
n’a même pas ché (AMM) pour cette même in- Villejuif). pas. »
été discuté en dication n’a été obtenue que ces Les malades n’ont donc pas en
France, où cela derniers jours. Comme l’explique Europe le même accès selon le Source d’inégalités
le Pr Thierry André, « jusque-là, il pays, puisqu’un anti-PD1 peut Le prix de ces immunothérapies
concerne moins n’était pas possible de donner ce avoir son AMM mais être indispo- peut être très élevé. « Mais c’est le
de 100 patients traitement aux malades en dehors nible en France faute de rem- prix officiel. Le prix réel payé par
par an »
PR AURÉLIEN
des essais thérapeutiques. Mais il
reste encore à fixer le prix, et ces
négociations, au niveau national,
boursement. Et ce n’est pas tou-
jours parce que le prix demandé
par le laboratoire est élevé, esti-
la Sécurité sociale à l’issue de ses
tractations avec les industriels,
nous ne le connaissons pas. De
MARABELLE, entre le fabricant et les autorités me le médecin. « Dans les rechu- plus, les hôpitaux sont remboursés
ONCOLOGUE (IGR, peuvent encore demander plu- tes de lymphome de Hodgkin, très intégralement par la Sécurité so-
VILLEJUIF) sieurs mois. Ce processus rend très rares, le nivolumab, très efficace, a ciale s’ils respectent ce prix offi-

céreuse. Sinon, on augmente le ris- aux patients non répondeurs à leur difficile l’accès aux médicaments son AMM européenne. Or, son ciel. Cela n’augmente ni leur déficit
que de non-réponse à celle-ci. » traitement. » ■ innovants en France. » remboursement n’a même pas été ni celui de la Sécurité sociale, dont
 LE FIGARO lundi 22 février 2021

SANTÉ SANTÉ DOSSIER 11

thérapie LA PISTE DES Cancer du sein : il existe des

dessinent déjà de nouvelles pers-
pectives. D’autres pistes sont étu-
diées. À moyen terme, les ADC (an-
ticorps-drug conjugates) consti-
tuent une des voies les plus
prometteuses. L’idée : accoupler
une molécule cytotoxique et immu-
nogène à un anticorps qui va cibler
un antigène spécifique à la surface
de la tumeur. On détruit ainsi la
cellule cancéreuse tout en ayant un
effet direct d’immunisation contre
la tumeur. On peut même ajouter
d’autres wagons à ce train molécu-
laire, par exemple un adjuvant pour
booster la réaction immunitaire…
À plus long terme, deux types
cellulaires particuliers semblent in-
téressants. Les cellules Tgamma-
delta sont des lymphocytes T dont
la fonction reste assez mystérieuse.
« Dans les leucémies, plus elles sont
nombreuses, plus la greffe de moelle
osseuse a des chances de réussir. Ces
cellules, retrouvées dans plusieurs
localisations, ont des effets antitu-
moraux in vitro et chez l’animal, et
sont les plus liées à un bon pronostic.
Chez l’homme, plusieurs essais préli-
soins de kinésithérapie adaptés
VACCINS ARN
Mis en lumière grâce
aux succès de Moderna
et Pfizer face au Covid-19,
les vaccins à ARN sont
aussi très prometteurs
pour lutter contre les
cancers. Plusieurs projets
font l’objet d’essai clinique.
C’est notamment le cas
d’un vaccin contre le cancer
de la prostate, développé
par le laboratoire allemand
CureVac. Contrairement
au vaccin contre le Covid, le
but ici n’est pas de stimuler
la présence d’anticorps
mais de cibler la réponse
cellulaire. L’objectif
est d’apprendre au
lymphocyte T, les cellules
tueuses, à se débarrasser
des cellules cancérigènes.
Pour cela, plusieurs
méthodes existent.
On apprend à l’organisme
à reconnaître certaines
protéines propres à la
maladie comme un signal
danger. Dès qu’elles sont
repérées, le système
immunitaire se met
en branle et, en théorie,
élimine les cellules
cancéreuses. Mais pour
la plupart des cancers
ces mécanismes n’existent
pas. Il faut donc prélever
chez le malade des cellules
cancéreuses, en extraire les
informations particulières
et éduquer l’organisme
à les combattre. Il s’agit
ici d’un vaccin curatif
totalement personnalisé.
382 000
nouveaux
cancers
ont été diagnostiqués
en France en 2018, selon l’Institut
national du cancer.
Les hommes sont plus touchés
que les femmes, 54 % contre 46 %.
La même année,
ce sont 157 400 personnes
qui sont mortes
d’un cancer dans notre pays.
AVIS D’EXPERT Actuellement,
en France, le cancer du sein tou-
che une femme sur huit. On parle
souvent des difficultés liées aux
traitements de chimiothérapie et
de radiothérapie, mais on évoque
peu les interventions chirurgica-
les et les mutilations qui en dé-
coulent.
Or chaque femme ayant un dia-
gnostic de cancer du sein doit su-
bir une intervention chirurgicale
dite curative. On parle alors de
mastectomie (ablation d’un sein)
ou de tumorectomie (ablation de
la tumeur), éventuellement ac-
compagnée d’un curage axillaire
(ablation des ganglions lymphati-
ques du creux axillaire). Après les
chirurgies curatives et les traite-
ments vient, pour celles qui le dé-
sirent et pour qui cela est possible,
une route vers la reconstruction,
qui peut représenter entre trois et
sept interventions chirurgicales :
c’est la reconstruction secondaire.
Dans certains cas, elle se fait dans
le même temps opératoire que la
DOROTHÉE mastectomie : c’est la reconstruc-
DELECOUR tion immédiate, qui malgré tout
● Kinésithérapeute nécessite très souvent des inter-
libérale à Bordeaux. ventions supplémentaires pour
Présidente obtenir un résultat harmonieux.
On parle peu de ces corps muti-
du Réseau des
lés, meurtris, affaiblis dans leur
kinésithérapeutes douleur, leur mobilité, leur postu-
du sein (RKS). re… et leur féminité. De ces seins
irradiés, brûlés, dont les tissus
peuvent devenir durs, et adhé-
rents, avec des cicatrices inesthé-
tiques entraînant douleurs et li-
mitation dans le moindre
mouvement, la nuit, le jour… Ces
patientes n’oublient jamais qu’el-
les ont eu un cancer. Leur corps le
leur rappelle sans cesse.
Depuis 1990, la technique du
ganglion sentinelle (qui consiste à
pratiquer alors l’exérèse des pre-
miers ganglions les plus proches
de la tumeur, puis de les analyser
pour n’enlever le reste de la chaî-
ne ganglionnaire que si le cancer a
commencé à s’y propager) a per-
mis de diviser par trois les œdè-
mes du bras. Les femmes ont
moins besoin de drainage lym-
phatique, mais persistent les dou-
leurs, les fibroses, les cicatrices
adhérentes, les lymphocèles, les
œdèmes, les cordes axillaires, les
limitations d’épaule, les problè-
mes de posture et de propriocep-
tion, et la nécessité de retrouver la
confiance dans leur corps de fem-
me. Ces patientes souffrent égale-
ment de fatigue, de douleurs arti-
culaires et neurogènes dues à la
compagnent pendant toutes ces
étapes de la maladie, de la chimio-
thérapie à la chirurgie curative, de
la radiothérapie à la longue tra-
versée vers la reconstruction. Les
femmes peuvent errer des semai-
nes, voire des mois avec leur dou-
leur sans savoir qu’on peut les
aider. Cette kinésithérapie, peu
connue du grand public, du corps
médical, des patientes et même
des kinésithérapeutes, veut et doit
donc se faire connaître et recon-
naître pour le bien des patientes,
et pour les aider à traverser cette
épreuve avec un accompagne-
ment kiné adapté, puisqu’il existe !
Un livret d’exercices
postopératoires
Le Réseau des kinés du sein (RKS)
a précisément pour rôle de facili-
ter le parcours de soins kinés de la
patiente opérée d’un cancer du
sein. Crée par quatre kinésithéra-
peutes libérales, toutes passion-
nées et investies dans cette prise
en charge, accompagnées d’une
patiente, le réseau a vu le jour à
Bordeaux il y a dix mois. Toutes
bénévoles, elles ont su relever un
défi de taille.
Cette association à but non lu-
cratif, chargée de réunir des kiné-
sithérapeutes formés en sénolo-
gie, regroupe à ce jour plus de
600 kinés, tous formés et reçus
sur dossier. Chaque membre signe
une charte, et fait partie d’un
groupe d’échange dans son dé-
partement avec des kinés réfé-
rents chargés de fédérer et de ve-
nir en aide à ceux qui seraient un
peu moins expérimentés. Les ki-
nésithérapeutes du RKS s’enga-
gent à recevoir les patientes indi-
viduellement et pour une séance
d’à peu près 30 minutes. Le RKS,
qui a pour but de réunir mais éga-
lement d’informer tout au long de
l’année, propose des webinaires
tous les mois et demi afin de
continuer à informer les kinés ad-
hérents. Il fait le pari de réunir des
kinés formés qui continuent à
s’investir tout au long de l’année.
Car être formé, c’est bien. Conti-
nuer à s’informer, c’est encore
mieux.
Cet annuaire est disponible sur
simple demande, sur le site inter-
net *. En dix mois, plus de 2 200
patientes ont fait une demande
sur le site. Le besoin était donc
bien présent, les patientes l’ont
bien compris. Le RKS reprend
contact avec elles pour s’assurer
de leur satisfaction sur leur prise
en charge, et se met à disposition
si aucun kiné formé n’est présent
dans leur secteur. Un livret
d’exercices postopératoires est
téléchargeable sur le site, simple
et illustré bénévolement par une
patiente et illustratrice, Marine Le
Mercier. Le livret sera proposé
dans le courant du mois de janvier
en format papier aux centres re-
cevant ces patientes.
Le défi du RKS en 2021 : plus
aucune femme opérée d’un can-
cer du sein sans soins de kiné
adaptés ! ■
* www.reseaudeskinesdusein.fr/

40%
minaires de phase 1 sont en cours chimiothérapie et/ou à l’hormo-
dans les leucémies », indique le nothérapie.
ANDREA/STOCK.ADOBE.COM

Pr Daniel Olive. Autre type cellulai- Certains kinésithérapeutes for-

re porteur d’espoir, les lymphocy-
tes NK, l’un des principaux acteurs
de l’immunité innée. « Ces cellules
ont un intérêt pronostique dans les
leucémies, où ils sont associés à la ré-
ponse à la greffe. Plusieurs essais ré-
cents montrent aussi une certaine ef-
ficacité thérapeutique dans le
contrôle de la maladie. » ■
més spécifiquement sauront pren-
des cancers dre en charge ces patientes opé-
rées, grâce à leur connaissance des
sont liés à des « pratiques différentes chirurgies curatives et
cancérigènes » (tabac, de reconstruction et de leurs
alcoolisme, malbouffe) conséquences, des effets délétères
et seraient de la radiothérapie et de la
donc évitables chimiothérapie. Ils prennent ainsi Les kinésithérapeutes du RKS s’engagent à recevoir les patientes
la patiente dans sa globalité, l’ac- individuellement et pour une séance d’à peu près 30 minutes.

nnovations 1997 LE PLAISIR DES LIVRES

Les leçons d’une année de lutte contre le virus

Autorisation
du rituximab, le premier
la branche médicament n’est pas
anticorps commercialisé
déficitaire. » pour traiter un cancer
Même en France, l’accès aux (un lymphome) impossible : protéger leur population, avec l’Uruguay, par exemple. En dépit de
traitements innovants en cancé- CYRILLE VANLERBERGHE £@CyrilleVan très peu de morts, sans sacrifier leur moyens limités, le pays a réussi à éviter
rologie est source d’inégalités. économie. La Chine aurait pu faire partie la catastrophe qu’a connue la majeure partie
« Si vous êtes traités dans les CHU, « La rareté des pandémies a privé la médecine des bons élèves, avec seulement de l’Amérique du Sud lors du dernier hiver

qui sont des établissements pu-
blics, vous pourrez bénéficier d’une
immunothérapie non remboursée,
qui passe dans leur budget global,
lequel peut être en déficit. Pour les
centres anticancéreux privés com-
me l’Institut Curie ou l’Institut
Gustave-Roussy, qui ont une obli-
gation d’équilibre budgétaire à la
fin de l’exercice fiscal, c’est beau-
coup plus problématique », indi-
que l’oncologue. Selon lui, c’est
donc la complexité de ce système,
son manque de transparence et
parfois la compétence insuffisan-
te des instances chargées d’éva-
luer les médicaments innovants
qui sont responsables des retards
d’accès des patients français à ces
nouveaux traitements. ■ M. L.
590
de spécialistes de tels cataclysmes. Il n’existe
pas de pandémiologues. » Tel est le constat
abrupt dressé par le médecin et
épidémiologiste Antoine Flahault dans le
essais cliniques prologue de son livre Covid, le bal masqué.
en immunothérapie Fondateur et directeur d’un institut de
ou vaccinothérapie santé globale à l’université de Genève,
actuellement en cours l’homme est bien placé pour le savoir.
en France Parmi les très nombreux experts, trop
souvent autoproclamés, qui se sont succédé
sur les plateaux des chaînes de télévision
comme dans les pages des journaux, il est
l’un des rares dont les avis ont parfaitement
résisté à l’épreuve des faits. À ce titre,
son livre mérite d’être lu avec attention.
Plutôt que de s’appesantir sur les
défaillances de la réponse française
à l’épidémie, le spécialiste préfère nous
emmener à l’étranger, dans les pays qui ont
réussi à concilier ce qui nous paraît encore
3 000 morts sur une population de plus
de 1,4 milliard d’habitants, mais Antoine
Flahault est au contraire sévère contre
le régime communiste. Car, en cachant
la gravité de la situation début janvier
à Wuhan, Pékin a laissé le virus se
disséminer, contaminant le reste du monde,
rappelle-t-il. Et les pressions chinoises
sur l’OMS, dont les avis initiaux ont fait
les louanges du confinement
imposé à la province du Hubei,
ont détourné le reste du monde
de l’exemple d’autres pays
voisins, pourtant plus
exemplaires, comme Taïwan,
par exemple. Certains succès sont
déjà bien connus, comme celui
de la Corée du Sud ou de la
Nouvelle-Zélande, mais d’autres
le sont moins. C’est le cas de
austral. Alors que le virus ravageait son
voisin brésilien, l’Uruguay n’a pas cédé
à la facilité d’un confinement et a opté
pour une stratégie ciblée afin d’éviter les
rassemblements les plus à risque. Il a
surtout réussi à surmonter un manque
criant de tests PCR en regroupant les
échantillons, ce que l’on appelle les « tests
poolés », technique bien connue en
médecine vétérinaire, mais dont
les experts sanitaires français n’ont
pas voulu. La première leçon à tirer
de cette crise aurait pourtant dû
consister à « s’inspirer des
champions », note le Pr Flahault.
Il n’est pas trop tard pour le faire.
COVID, LE BAL MASQUÉ
ANTOINE FLAHAULT
DUNOD, 249 P., 18,90 €
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO
12 SANTÉ
Pourquoi
les hommes
rechignent
à aller chez
le médecin
Les raisons profondes sont
probablement à chercher
dans l’éducation et une certaine
vision sociétale de la virilité.
LAURE DASINIÈRES £@LUppsala
PSYCHO « J’ai souvent des cou-
ples qui viennent ensemble à notre
consultation “Covid long” », ra-
conter la Pr Dominique Salmon,
infectiologue à l’Hôtel-Dieu, à Pa-
ris, et présidente du CoreVIH Île-
de-France sud (Comité de la coor-
dination régionale de la lutte
contre les infections sexuellement
transmissibles et le VIH). « L’hom-
me et la femme ont commencé à
être malades le même jour. Lui dé-
clare souvent un léger symptôme
persistant comme une perte de goût
ou d’odorat, alors qu’elle fait part
de 36 signes persistants différents.
Mais, lorsque je fouille un peu et que
j’interroge l’homme, il reconnaît
avoir d’autres symptômes, comme
de la fatigue et des maux de tête.
J’ai l’impression que les hommes
s’écoutent moins, ou qu’ils n’osent
pas se plaindre et minimisent. »
Si l’infectiologue refuse de gé-
néraliser le phénomène, il semble
qu’il soit bien ancré dans la réali-
té. « J’ai tendance à considérer que
les petits soucis de santé que je
Faut-il se faire injecter le vaccin d’AstraZeneca ?
La campagne s’ouvre jeudi aux 50-64 ans souffrant d’une comorbidité. Ils peuvent prendre rendez-vous chez leur médecin.
CÉCILE THIBERT
£@CecileThibss
CONSEIL DE SANTÉ Sensible- participants ont ainsi reçu leur
ment moins efficace que ses concur-
rents à ARN, à l’origine d’effets indé-
sirables fréquents chez les jeunes
(bien que bénins) et a priori moins
protecteur face aux variants, le vac-
cin mis au point par l’université
d’Oxford (Angleterre) et la firme As-
traZeneca n’est apparemment pas le
meilleur produit disponible. Toute-
fois, selon le Pr Alain Fischer, méde-
cin émérite chargé d’organiser
la campagne de vaccina-
60%
tion en France, plutôt
connu pour sa pru-
dence, « ce n’est
pas un vaccin de
seconde zone (…),
c’est un bon vac- Taux d’efficacité
cin », a-t-il as-
suré la semaine minimum
dernière sur Eu- du vaccin d’AstraZeneca,
rope 1. Et, dans le selon le rapport
contexte de pénurie de l’Agence européenne
actuel, il a au moins le du médicament
mérite d’exister… Que
doit-on penser ?
D’après le rapport de l’Agence
européenne du médicament, qui a
analysé en détail les résultats des es-
sais cliniques menés par le laboratoi-
re, l’efficacité de ce vaccin est supé-
rieure à 60 %. Par comparaison, les
vaccins à ARN messager produits par
Pfizer/BioNTech et Moderna affi-
chent un taux d’efficacité supérieur à
90 %. « Le problème essentiel avec ce
vaccin n’est pas tant sa moindre effi-
cacité par rapport aux autres, c’est la
manière dont il a été testé, pointe le
Pr Daniel Floret, vice-président de la
A
commission technique des vaccina-
tions à la Haute Autorité de santé.
pourrais rencontrer ne méritent pas
une dépense de temps et d’argent
pour aller chez le médecin », expli-
que Thomas, la quarantaine.
Même son de cloche chez Pierre,
jeune quinqua : « Je respecte les
check-up et le calendrier de vacci-
nation. Pour le reste, j’ai tendance
à faire confiance à mon système
immunitaire et à me dire “ça va
passer”. J’avoue que cette attitude
ne m’a pas toujours réussi et m’a
valu une pneumonie carabinée,
parce que j’avais trop attendu pour
consulter. »
« Il y a différents déterminants
qui participent à façonner nos atti-
tudes de santé », explique Louis
Braverman, docteur en sociologie
et auteur d’une thèse sur le vécu
du cancer de la prostate. « Le gen-
re, l’âge, le milieu socioprofession-
nel, l’accès aux soins, les discrimi-
nations raciales, l’homophobie…
sont autant de facteurs qui s’imbri-
quent pour déterminer notre rap-
port à la santé, et il est difficile de
les isoler. Cependant, tout porte à
croire que le genre et la masculinité
sont des critères importants pour
penser l’état de santé. » Il constate
D’un centre d’investigation clinique à
un autre, il y a eu des erreurs de dosa-
ge et des intervalles très variables en-
tre les deux injections. » Certains
deuxième injection au bout de 23 se-
maines, contre 12 initialement pré-
vues. « Le développement de ce vaccin
a connu plein d’embûches, il n’a pas
vraiment été fait dans les règles de
l’art, confirme Mathieu Molimard,
chef du service de pharmacologie
médicale du CHU de Bordeaux. Si
nous n’étions pas en pleine pandémie
et en manque de vaccins, le laboratoire
n’aurait sans doute pas obtenu son
autorisation, on lui aurait dit
de revenir avec une étude
bien faite. » « C’est
vrai que la rigueur
habituelle des essais
cliniques a été mal-
menée, reconnaît
Daniel Floret. Mais
on ne peut pas dire
que ce vaccin a ob-
tenu son autorisation
de mise sur le marché
sans qu’il ait démontré
son efficacité et sa sécuri-
té », tempère-t-il.
Ce vaccin a également un autre
défaut : il n’a quasiment pas été testé
chez les plus de 56 ans, en particulier
la catégorie des plus de 75 ans, qui ne
représentent que 2,8 % des partici-
pants. « Cela ne veut pas dire qu’il
n’est pas efficace pour cette tranche
d’âge, simplement que l’on ne dispose
pas de suffisamment de données »,
souligne le Pr Floret. Autorisé à titre
conditionnel dans l’Union euro-
péenne depuis le 29 janvier, ce sérum
est pour le moment réservé en Fran-
ce aux professionnels de santé et du
médico-social de moins de 65 ans.
« Les professionnels de santé sont cer-
que les hommes ont plutôt ten- encourager le garçon à se relever visée amincissante ou hygiénique,
dance à « se percevoir comme rapidement et à reprendre ses jeux, ou encore à refuser les soins de
moins vulnérables que les femmes alors que nous allons davantage support en oncologie. « Ce sont
et comme étant en meilleure santé réconforter la petite fille. » Dès des pratiques vues comme non
qu’elles ». Ainsi, lorsqu’on les in- l’enfance, les petits garçons se- masculines, que les hommes ont
terroge sur leurs maux quotidiens, raient donc conditionnés à moins tendance à exclure de peur d’être
les hommes déclarent sensible- écouter leur corps. « À l’âge adul- contaminés par la sphère du fémi-
ment moins de troubles et de ma- te, ils se demandent s’ils ont le droit nin », explique le psychologue de
CRES PACA
ladies que les femmes et disent de dire qu’ils ont mal, ont peur la santé.
qu’ils ont moins tendance à de- d’exprimer une plainte. Ils ne sont On constate que la santé et le
mander de l’aide. Pourtant, ils ne pas plus résistants à la douleur, soin sont d’ailleurs souvent l’apa-
On attribue sont pas moins malades, et leur mais ils l’expriment moins afin de nage des femmes au sein du cou-
aux hommes espérance de vie est inférieure à se mettre en conformité avec une ple et de la famille. « Il n’y a qu’une
qui expriment celle des femmes… image virile, de dur à cuire, capa- seule période de ma vie d’adulte où
Qu’est-ce qui freine donc les ble de supporter les maux sans se j’ai consulté régulièrement : c’est
une souffrance hommes à aller chez le médecin et plaindre. » lorsque j’étais en couple et que ma
des qualificatifs les pousse à avoir, parfois, des at- conjointe prenait soin de moi et
titudes de retrait face à leurs sou- Sociétés virilistes m’encourageait à faire attention à
féminins et/ou cis de santé pouvant conduire à Souvent, dans nos sociétés virilis- ma santé », explique ainsi Tho-
homophobes des retards de prise en charge et à tes et hétéronormatives, l’homme mas, 41 ans. « On constate souvent
et systémati- des pertes de chances ? Le poids qui a mal ou qui se plaint est natu- que la femme joue un rôle important
quement des représentations genrées et de rellement déprécié, et son identité dans la prévention, confirme Louis
la socialisation n’y est pas étran- de genre est remise en question. Braverman. Elle est attentive à la
dépréciatifs, ger. « Regardez comment nous « On attribue aux hommes qui ex- santé de son conjoint et elle joue un
comme réagissons vis-à-vis d’un enfant priment une souffrance des qualifi- rôle déterminant dans le choix du
« chochotte »
LIONEL DANY,
» qui fait une chute, invite Lionel
Dany, professeur de psychologie
sociale de la santé à Aix-Marseille
catifs féminins et/ou homophobes
et systématiquement dépréciatifs,
comme “chochotte” », signale Lio-
professionnel de santé. » Elle pour-
ra même se montrer un peu en-
vahissante : « En consultation,
PROFESSEUR DE
PSYCHOLOGIE SOCIALE Université. Notre comportement nel Dany. Les hommes auront par s’amuse Lionel Dany, on voit sou-
DE LA SANTÉ À AIX- est différent qu’il s’agisse d’un exemple tendance à se mettre à vent des femmes qui parlent à la
MARSEILLE UNIVERSITÉ garçon ou d’une fille. Nous allons l’écart des régimes alimentaires à place de leur conjoint… » ■
« pour les autres », pour empêcher le
virus de circuler librement.
Qu’en est-il alors des effets indé-
sirables ? Le jeu en vaut-il la chan-
delle ? Dans son dernier rapport de
surveillance, l’Agence française de
sécurité du médicament précise
avoir reçu 149 déclarations « men-
tionnant des syndromes grippaux,
souvent de forte intensité (fièvre éle-
vée, courbatures ou maux de tête) »
dans les quatre jours qui ont suivi le
début de la vaccination des profes-
sionnels de santé, sur 10 000 person-
nes vaccinées. Il s’agissait de soi-
gnants âgés de 34 ans en moyenne.
Les symptômes étaient de courte du-
rée et sans conséquence sur la santé.
Ces effets secondaires ne sont ni
anormaux ni surprenants : le labora-
toire avait même estimé qu’une per-
sonne vaccinée sur dix en ferait l’ex-
périence. Si plusieurs hôpitaux ont
dû suspendre leur campagne de vac-
tes exposés, mais la plupart sont des graves. « Il faut faire très attention à ne Si la protection offerte cination en raison des vagues d’ar-
jeunes et en bonne santé, ils ne sont pas déconsidérer le vaccin d’AstraZe- par le vaccin rêts maladie, le problème vient plu-
pas en première ligne concernant le neca, même s’il est susceptible d’avoir AstraZeneca n’est pas tôt de leur manque d’anticipation : ils
risque de forme grave », justifie Da- une efficacité un peu moindre que les parfaite, elle devrait n’auraient pas dû vacciner autant de
niel Floret. Mais « pour les personnes vaccins à ARN. L’intérêt est de vacci- tout de même personnels en même temps…
à haut risque d’être infectées et de fai- ner le plus vite le plus grand nombre de permettre d’éviter Reste une dernière inconnue : son
re une forme grave, comme c’est le personnes en utilisant tous les vaccins
un grand nombre efficacité vis-à-vis des variants.
de formes graves.
cas de certains professionnels de santé disponibles et en réservant les vaccins à JOHAN NILSSON/AFP
« Compte tenu des données conver-
de plus de 50 ans, il est peut-être pré- ARN pour les plus à risque », souligne gentes dont on dispose, on peut dire
férable d’utiliser les vaccins les plus Daniel Floret. D’après le scientifique, que ce vaccin reste efficace vis-à-vis
efficaces », estime, de son côté, le mieux vaut vacciner de façon très lar- du variant britannique, rapporte le
Pr Molimard. ge avec un vaccin de moindre effica- Pr Floret. Pour ce qui concerne le va-
cité que vacciner une partie restreinte riant sud-africain, encore peu répan-
Des effets secondaires de la population avec un vaccin très du en France, nous sommes plus in-
sans conséquence efficace. « Plus de 60 % d’efficacité, quiets, car une étude récente (non
Et pour les autres ? Le vaccin va être c’est très bien déjà, rappelle le Pr Mo- encore validée par les pairs) menée en
administré chez les médecins géné- limard. C’est mieux que le vaccin Afrique du Sud a montré qu’il n’était
ralistes aux personnes âgés de 50 à contre la grippe certaines années. Cela pas efficace contre les formes modé-
64 ans souffrant d’une comorbidité peut vraiment permettre de casser la rées de l’infection. On ne sait pas en-
au moins à partir de cette semaine. La dynamique de l’épidémie. » En d’autres core ce qu’il en est pour les formes
protection ne sera pas parfaite, mais termes, la protection qu’il offre est graves. » Raison pour laquelle le pays
elle devrait tout de même permettre plus collective qu’individuelle, d’une a décidé, le 7 février, de suspendre
d’éviter un grand nombre de formes certaine façon. On se fait vacciner l’utilisation du vaccin. ■
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 lundi 22 février 2021 LE FIGARO
14 SPORT
Open
d’Australie :
le patron, c’est
bien Djokovic
Titré pour la 9e fois à Melbourne,
le Serbe s’est relancé dans la course
aux records avec Federer et Nadal.
ROMAIN SCHNEIDER
rschneider@lefigaro.fr
TENNIS Le numéro 1 mondial avait
prévenu au micro d’Eurosport : « Ils
(les membres de la nouvelle généra-
tion) ont encore beaucoup de travail à
faire pour prendre la relève. Je ne vais
pas rester là et les laisser faire. Je vais
les obliger à s’arracher pour y parve-
nir. » Plus que jamais assis sur son
trône, le roi de Melbourne a surclas-
sé, l’un de ses plus brillants éléments,
Daniil Medvedev 7-5, 6-2, 6-2 en
moins de deux heures. Neuf finales à
Melbourne et neuvième sacre pour
Djokovic. En Australie, il y a bien lui
et les autres. Statue indéboulonna-
ble. Programmé pour gagner sur la
Rod Laver Arena, le Serbe a réalisé
dimanche son second triplé après
avoir enchaîné les titres 2011, 2012 et
2013. Il est rentré dans le cerveau de
son adversaire et l’a fait déjouer. Il a
confirmé aussi qu’il était probable-
ment le meilleur relanceur de l’his-
toire, mettant au supplice le Russe
breaké 7 fois en 14 jeux de service. De
la parole aux actes, le Serbe a rappelé
à Medvedev et à tous les jeunes loups
qu’il demeurait bien le patron du
tennis mondial. « La prochaine fois
que je jouerai contre Novak en finale, je
ferai certainement des choses diffé-
remment, sur le court et en dehors,
parce que j’aurai cette expérience de
la façon dont il m’a facilement battu.
Ça ne veut pas dire que je le battrai. »
Pourtant, une passation de pou-
voir était dans l’air. Le Russe de
25 ans, qui perd sa deuxième finale
majeure après l’US Open 2019, rou-
lait sur la concurrence et restait sur
20 victoires d’affilée, à cheval entre
2020 et 2021. Mieux, il avait enchaî-
né 12 victoires contre des membres
du top 10 (dont Djokovic). Et si Med-
vedev planait avant la finale, une
pointe d’incertitude entourait le
maître des lieux, qui semblait avoir
une marge plus réduite cette année.
XV de France : ce cluster qui fait peur
Après neuf cas de Covid-19 au sein de l’équipe de France, l’inquiétude grandit avant d’affronter l’Écosse.
ARNAUD COUDRY £@ArnaudCoudry
RUGBY La France mauvaise élève
du Tournoi. Avant de défier le XV
du Chardon dimanche (16 heures) à
l’occasion de la troisième journée
du Tournoi des six nations, la délé-
gation tricolore a été frappée par
neuf cas de Covid-19. Les interro-
gations et les craintes se multiplient.
uUne
contamination galopante
Ça commence à faire beaucoup.
Dimanche, deux nouveaux joueurs
ont été testés positifs : Julien Mar-
chand et Arthur Vincent. On
comptait jusque-là trois autres
joueurs contaminés (Antoine Du-
pont, Gabin Villière et Mohamed
Haouas) et quatre membres du
staff - le sélectionneur Fabien Gal-
thié, l’entraîneur des avants
William Servat, celui de la touche
Karim Ghezal et une autre person-
ne dont l’identité n’a pas été dé-
voilée. La preuve que la bulle sani-
taire mise en place autour des
Bleus - avec des entraînements
avec des joueurs de l’équipe de
France à 7 dont un membre a été
A
testé positif, selon la FFR - n’a pas
fonctionné.
Info ou intox, touché aux abdomi-
naux en plein troisième tour contre
l’Américain Taylor Fritz (qu’il avait
« fois
battu dans la douleur en cinq sets), il
avait même laissé entendre qu’il
était à deux doigts de jeter l’éponge.
Il s’était rassuré par la suite, mais
sans jouer le meilleur tennis de sa
carrière. « Ces deux dernières semai-
nes ont été des montagnes russes pour
moi. (…) C’est sans aucun doute le
Grand Chelem le plus difficile émo-
tionnellement que j’aie jamais vécu »,
reconnaît-il.
Incertitude physique
Entre incertitude physique et la for-
me de son adversaire, contre qui il
avait perdu trois de ses quatre der-
niers duels, il y avait bien l’ombre
d’un doute pour les observateurs.
Naomi Osaka, la voie royale
JEAN-JULIEN EZVAN
£@JeanJulienEzvan
Après sa victoire à
Melbourne, la Japonaise MONICA SELES, Roger Federer et…
Naomi Osaka va Naomi Osaka. Victorieuse de l’Open
s’installer à la place d’Australie, la Japonaise arrache une
de numéro 2 mondiale. parcelle de légende en rejoignant le
cercle des lauréats ayant, durant
PATRICK HAMILTON/AFP
uIsolement
et nouvelles
batteries de tests
Avec autant de cas positifs, la Fé-
dération française de rugby mar-
che sur des œufs. Dimanche, un
nouveau groupe de 31 joueurs (sans
évidemment les cinq joueurs posi-
tifs) a été dévoilé. Ceux qui étaient
là contre l’Irlande ont eu quatre
jours de repos en famille, d’autres
ont joué ce week-end avec leur
club. Tous sont arrivés dimanche à
Marcoussis en ordre dispersé.
Après avoir pris chacun leur pro-
pre taxi, ils ont ensuite été isolés,
un par chambre où on leur a été
servi un plateau-repas. Ils ont pas-
sé dans la soirée de nouveaux tests
PCR avec des résultats attendus
lundi matin. Avec une épée de Da-
moclès au-dessus de la tête…
uUn
mode de fonctionnement
à revoir
Un groupe remodelé et un staff dé-
cimé. Sans Fabien Galthié, William
Servat et Karim Ghezal, les Bleus
vont devoir revoir les méthodes
d’entraînement, travailler diffé-
remment et n’être en contact
qu’avec les membres de l’encadre-
ment négatifs au Covid : Laurent La-
bit (responsable des trois-quarts),
Novak Djokovic a remporté son 9e titre à Melbourne en battant le russe Daniil Medvedev 7-5, 6-2, 6-2 en moins de deux heures.
La prochaine
que je
Pas pour le principal intéressé. En fi-
nale, il a sorti son meilleur tennis et
survolé les débats. À l’instar d’un
Nadal à Roland-Garros, il semble in-
jouerai contre touchable à ce stade de la compéti-
Novak en tion dans un Grand Chelem. Avec les
finale, je ferai problèmes physiques de Federer,
39 ans, on peut parler de « Big Two »,
certainement désormais, Djokovic, 33 ans, et Na-
des choses dal, 34 ans, ayant mis la main sur dix
différemment des onze derniers titres du Grand
Chelem (depuis Roland-Garros
(…) parce que 2018). Seul Dominic Thiem, à l’US
j’aurai cette Open 2020, est parvenu à leur en
expérience de chiper un. Il faut dire que le Serbe
avait été disqualifié en 8es de finale et
la façon dont il que l’Espagnol avait fait l’impasse
m’a facilement sur le Grand Chelem new-yorkais…
battu »
DANIIL MEDVEDEV
Avec 18 majeurs au compteur,
Djokovic est plus que jamais lancé
dans la course aux records. Il revient
l’ère Open, remporté leurs quatre
premières finales de Grand Chelem.
Éloquent. Naomi Osaka a connu le
moment le plus délicat de son tour-
noi en huitième de finale en écartant
deux balles de match contre l’Espa-
gnole Garbine Muguruza, avant
d’éteindre les étoiles américaines (la
légendaire Serena Williams en de-
mi-finale et la surprise Jennifer Bra-
dy, dominée 6-4, 6-3 en finale).
Pour remporter son septième titre
sur le circuit, le quatrième en Grand
Chelem (US Open 2018 et 2020,
Open d’Australie 2019 et 2021).
Avec quatre couronnes majeures,
la Japonaise (23 ans) se situe déjà en
bonne compagnie avec Kim Clijs-
ters, Arantxa Sanchez Vicario et
Hana Mandlikova. Une marche au-
dessus d’Angelique Kerber, Jennifer
Capriati et Lindsay Davenport. Juste
en dessous de Maria Sharapova et
Martina Hingis (5)… « Elle se détache
du peloton. Quelque chose est en train
Shaun Edwards (entraîneur de la
défense) et Thibault Giroud (prépa-
rateur physique). Contraints et for-
cés de s’adapter. Si ces derniers ne
sont pas déclarés positifs à leur tour.
uQuelle
équipe dimanche ?
Avec ces cinq forfaits de joueurs
Titulaires lors des
titulaires lors des deux premiers deux premiers matchs
matchs contre l’Italie et l’Irlande, du tournoi, Mohamed
c’est un tiers du XV de France qui Haouas et Antoine
va devoir être renouvelé. Le plus Dupont (au premier
gros coup dur concerne Antoine plan) ont été testés
Dupont, considéré comme l’un des positifs au Covid-19.
meilleurs mondiaux à son poste. FRANCK FIFE/AFP
Logiquement, ces absences de-
vraient conduire aux titularisa-
tions de Baptiste Serin (Toulon) à la
mêlée, du talonneur Pierre Bour-
garit (La Rochelle), du pilier droit
Demba Bamba (Lyon), de Jonathan
Danty (Stade Français) ou Pierre-
Louis Barassi (Lyon) au centre de
l’attaque et de Teddy Thomas (Ra-
cing 92) sur une aile.
u
En attendant le feu vert
du Comité des six nations
Face à un tel cluster, le match
France-Écosse aura-t-il bien lieu ?
La question commence sérieuse-
ment à se poser… Le Comité des six
nations, organisateur de la compé-
à deux longueurs de celui des titres
du Grand Chelem, codétenu par Ro-
ger Federer et Rafael Nadal. La se-
maine du 8 mars, il sera assuré de
passer la 311e semaine de sa carrière à
la première place mondiale s’empa-
rant ainsi du record jusque-là pro-
priété de Federer (310 semaines).
Mais, s’il affole toujours les statisti-
ques, le « Djoker » n’a pas soigné sa
popularité auprès de certains de ses
collègues. Isolé pendant la quarantai-
ne dans des conditions VIP à Adélaïde
avec le gratin du tennis, il a tenté
d’obtenir une amélioration des
conditions de quarantaine des
72 joueurs en confinement total à
Melbourne. Un flop. Surtout, en sur-
jouant devant les caméras TV sur son
grand balcon à l’air libre, il a beau-
coup agacé ses pairs « enfermés » à
de changer », a résumé Chris Evert
sur ESPN. « C’est la meilleure joueuse
sur dur que nous ayons eue sur le cir-
cuit féminin depuis Serena Williams à
son meilleur niveau. Elle peut gagner
au moins dix Grands Chelems », a
lancé Mats Wilander sur Eurosport.
“joueuse
C’est la meilleure
sur dur
que nous ayons eue
sur le circuit féminin
depuis Serena Williams
”
à son meilleur niveau
MATS WILANDER
« Elle fait ressortir son meilleur dans
les grands moments. Elle a confiance
en elle, en son jeu, en son équipe. Ce
qu’elle fait pour le jeu est incroyable.
J’espère que les jeunes filles regardent
et sont inspirées par ce qu’elle fait », a
tition, se prononcera ce lundi sur la
situation des Bleus. Plusieurs cas de
figure : match perdu sur tapis vert -
dans le pire des cas -, report de la
rencontre ou match maintenu avec
les joueurs négatifs. Lors de la der-
nière Coupe d’automne des na-
tions, les Fidjiens avaient été tou-
chés par une vague massive de cas
positifs. Conséquence : ils avaient
eu match perdu (défaite 28-0)
contre la France, l’Italie et l’Écosse.
Cette année, aucune autre équipe
du Tournoi des six nations n’a eu de
cas positifs. Pour l’instant. ■
KELLY DEFINA/REUTERS
Melbourne. Puis la nature de sa
« blessure », contractée au 3e tour, a
fait polémique : « Je sais qu’il y a eu
beaucoup de spéculations, les gens se
demandent si je suis blessé, comment je
peux me remettre si vite… Chacun a le
droit d’avoir sa propre opinion et le
droit de dire ce qu’il veut. J’ai juste eu
l’impression que c’était un peu injuste
par moments. Mais ce n’est pas la pre-
mière ni la dernière fois. Cette blessure
a été un obstacle et un défi énorme pour
moi. Je n’ai pas pu m’entraîner les
jours entre les matchs. J’ai passé pro-
bablement dix heures sur les quatorze
où j’étais réveillé sur la table de mon
kiné, à faire tout ce que je pouvais.
J’imagine que nous sommes tous diffé-
rents, j’ai probablement une très bonne
faculté de guérison. » Et un don cer-
tain pour gagner, encore et encore. ■
souligné Jennifer Brady au sujet
d’une joueuse qui s’installera à la
place de n° 2 mondiale ce lundi (der-
rière l’Australienne Ashleigh Barty).
Naomi Osaka (23 ans), de mère nip-
pone et de père haïtien, a grandi aux
États-Unis. Elle n’hésite pas à sortir
des limites du court comme elle
l’avait exprimé à propos du mouve-
ment Black Lives Matter.
Naomi Osaka ou l’irrésistible
montée en puissance. Sur la feuille
de route de la Japonaise figure le
désir d’être constante et polyvalen-
te, elle qui n’a jamais franchi le
troisième tour à Roland-Garros ou
Wimbledon. « Il est temps de gran-
dir sur ces surfaces », assure son
entraîneur Wim Fissette. Parmi les
autres défis figurent également les
Jeux olympiques de Tokyo et la pla-
ce de n° 1 mondiale (occupée en
2019). Naomi Osaka s’affiche com-
me la nouvelle figure marquante du
tennis féminin. ■
ZOOM
Ski : fortunes diverses
pour les Bleus
Quentin Fillon Maillet a
terminé sur une bonne note
en prenant la 3e place de la
mass start des Mondiaux de
biathlon remportée à Pokljuka
par le Norvégien Sturla Holm
Lægreid. Déception pour
les Bleus en ski alpin.
Le Norvégien Sebastian Foss
Solevaag a remporté le slalom
de clôture des Mondiaux
à Cortina d’Ampezzo.
Alexis Pinturault s’est classé
7e, Clément Noël 21e.
26E JOURNÉE LIGUE 1
BREST (12) 2-3 LYON (2)
ST.-ÉTIENNE (14) 1-1 REIMS (13)
NANTES (17) 1-1 MARSEILLE (7)
MONTPELLIER (9) 2-1 RENNES (8)
STRASBOURG (15) 0-0 ANGERS (10)
NICE (16) 1-2 METZ (6)
NÎMES (19) 2-0 BORDEAUX (11)
2-1
LENS (5) DIJON (20)
LORIENT (18) 1-4 LILLE (1)
PARIS SG (3) hier MONACO (4)
17E JOURNÉE TOP 14
RACING 92 (2) 23-20 CASTRES (10)
LA ROCHELLE (1) 16-11 ST. FRANÇAIS (8)
PAU (12) 29-33 TOULON (6)
CLERMONT (4) 73-3 BAYONNE (13)
AGEN (14) 19-39 MONTPELLIER (11)
BORDEAUX-B.
BRIVE (9) 25-23
(5)
LYON (7) 31-23 TOULOUSE (3)

LE CARNET DU JOUR
Les annonces sont reçues naissances
avec justification d’identité
du lundi au vendredi
Charlotte et Alexandre
BENAMRAN
ont la joie d'annoncer
de 9h à 13h et de 14h à 18h la naissance de
Macha
(excepté les jours fériés)
et tous les dimanches
le 7 février 2021, à Paris.
de 9h à 13h.
deuils
Elles doivent nous parvenir Fatima Afshar-Maleki,
Mohamad-Kazem Afshar,
ses enfants,
avant 16 h 30 Eskandar Maleki,
pour toutes nos éditions
son gendre,
Kamiar Maleki
et Leila Farshad-Maleki,
Shahriar Maleki
et Suad Garayeva-Maleki,
du lendemain, Roxane Afshar
et Max Trotter Landry,
ses petits-enfants,
avant 13 h les dimanches.
et ses arrière-petits-enfants,
Parvine et Cyrus
Farmanfarmaian,
par courriel sa sœur et son beau-frère,
Shirin Afshar,
carnetdujour@media.figaro.fr sa sœur,
Hessam Khalatbari,
Arash Farmanfarmaian,
par téléphone Ardavan Farmanfarmaian,
Katayoune Farmanfarmaian,
01 56 52 27 27 ses neveux et nièce,
ont l'immense tristesse
sur notre site de faire part du décès,
des suites de la Covid-19,
le 18 février 2021,
carnetdujour.lefigaro.fr à l'âge de 101 ans, à Nice, de
Amir-Aslan AFSHAR
Tarif de la ligne € TTC : diplomate,
député du Parlement iranien,
Du lundi au jeudi ancien ambassadeur d'Iran
en Autriche, aux Etats-Unis,
25 € jusqu'à 25 lignes au Mexique, en Allemagne,
délégué de l'Iran au Comité
économique de l'assemblée
23 € à partir de 26 lignes générale des Nations Unies,
ancien président
Vendredi ou samedi du Conseil des gouverneurs
de l'Agence internationale
28 € jusqu'à 25 lignes de l'énergie atomique à Vienne,
dernier chef de protocole
26 € à partir de 26 lignes de la Cour impériale,
commandeur
Réduction à nos abonnés : de la Légion d'honneur,
médaille de l'ordre
Naissances,
nous consulter
Commémoration,
de la Couronne iranienne,
commandeur de l'ordre
du Dannebrog du Danemark,
commandeur de l'ordre
royal de la Thaïlande,
grand croix d'or
de la République d'Autriche,
Adoptions, Signatures, croix de Mérite
de la République d'Allemagne,
croix de commandeur
Baptêmes, Départsen de l'ordre espagnol
d'Isabelle la Catholique,
médaille de l'Étoile
Fiançailles, retraite,
et de l'indépendance
du royaume de Jordanie,
Mariages, Vœux, médaille du premier ordre
du Sultanat d'Oman,
médaille de l'hôpital
Anniversaires, Deuils, américain Walter Reed.
Centenaires, Condoléances,
Les obsèques auront lieu
dans la plus stricte intimité.
FêtedesMères, Remerciements,
Eternel amoureux
de son pays natal
FêtedesPères, Souvenirs, jusqu'à son dernier souffle.
Saint-Valentin, Messeset
Noces, anniversaires, Boulogne-Billancourt
(Hauts-de-Seine).
Communications Officesreligieux, Mme Michèle Alexandre,
née Spira, son épouse,
diverses, Prised’habit, Bertrand Alexandre,
Marc et Géraldine Alexandre,
ses deux fils et sa belle-fille,
Conférences, Jubilé,
Romain, Amélie, Tristan,
Thèses, Jubilésacerdotal, Jason, Pénélope,
ses petits-enfants,
Ordination, Mme Marianne Schwed,
Portesouvertes,
sa sœur,
Vœux
et ses enfants,
Distinctions,
Laurence et Gérald Bigle,
Nominations, monastiques. sa belle-sœur et son époux,
et leurs enfants
ont la tristesse
de faire part du décès de
Reprise des annonces sur :
Michel ALEXANDRE
carnetdujour.lefigaro.fr chevalier
de la Légion d'honneur,
www.dansnoscoeurs.fr
survenu le 16 février 2021,
à l'âge de 92 ans.
Naissance
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Le Figaro
gracieusement
pendant 3 mois
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Tél. 01 56 52 27 27
carnetdujour@media.figaro.fr
carnetdujour.lefigaro.fr
Sophie Badin,
son épouse,
Baptiste, Raphaël et Timothée,
ses fils,
Henry (†) et Chantal Badin,
ses parents,
Maurice (†) et Brigitte Bergerot,
ses beaux-parents,
Xavier et Emmanuelle Badin,
Brice et Géraldine Badin,
ses frères et belles-sœurs,
Madeleine, Hippolyte, Pia
et Valentin,
ses neveux et nièces,
les familles Badin, Bergerot,
Lagache et Libert
ont la grande émotion
et l'immense tristesse de vous
faire part du rappel à Dieu de
Nicolas BADIN
le 18 février 2021,
à l'âge de 48 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mercredi 24 février, à 10 h 30,
en l'église Saint-Ambroise,
71 bis, boulevard Voltaire,
Paris (11e).
16, rue de la Grange-Batelière,
75009 Paris.
Beaurevoir (Aisne).
Albane Colobert,
son épouse,
Léon et Georges,
ses fils,
Jean-Luc Colobert (†)
et Christine Brisse,
ses parents,
Jérôme (†) et Bénédicte (†)
Frassaint,
ses beaux-parents,
Amélie et Grégoire Durand,
Ingrid et Sylvain Lamisse,
ses sœurs et beaux-frères,
Armand et Juliette Frassaint,
Aurore Frassaint,
Rodrigue et Colombe
Frassaint,
ses beaux-frères
et belles-sœurs,
Baptiste, Adèle, Sixtine,
Bathilde, Marie et Clotaire,
ses neveux et nièces,
ses frères et sœurs de cœur,
ses amis
ont la douleur
de vous faire part du décès de
Edouard COLOBERT
survenu à l'âge de 40 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le jeudi 25 février 2021,
à 10 h 30, en la basilique
de Saint-Quentin (Aisne), suivie
de l'inhumation dans l'intimité.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Martine Dorléac,
son épouse,
Laurène Dorléac,
sa fille,
toute sa famille
et tous ses amis
ont l'immense tristesse
de vous faire part du décès de
Thierry DORLÉAC
le jeudi 18 février 2021.
La cérémonie religieuse
aura lieu le jeudi 25 février,
à 10 h 30,
en l'église Saint-Pierre
de Neuilly-sur-Seine.
Ses neveux et nièces,
Brigitte Houbert,
Monique, Jean Louis
et Anne Marie Ferrein,
Lucienne et Michèle
de Bouvier de Cachard,
parents et alliés
ont la douleur
de vous faire part du décès de
M. Raoul FERREIN
officier
de l'ordre national du Mérite,
sous-directeur honoraire
de la direction centrale
des affaires internationales
du Crédit lyonnais,
conseiller
du commerce extérieur
de la France,
survenu le 16 février 2021,
à Nice, à l'âge de 91 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée le jeudi 25 février,
à 14 h 30, en la basilique
Notre-Dame de Nice.
Isabelle de Gaye,
son épouse,
Gwénaëlle Clauwaert,
sa fille,
Swann et Auden,
ses petits-enfants,
Martine, Sylvie, Hervé
de Gaye,
ses sœurs et son frère,
ainsi que toute la famille
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Gérard de GAYE
le 18 février 2021,
à l'âge de 73 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée le jeudi 25 février,
à 14 h 30, en l'église
de l'Immaculée Conception,
à Boulogne-Billancourt.
Le Coudray-Montceaux
(Essonne).
Zita, Emilie, Louise Honegger
ont la tristesse
de faire part du décès de
M. Gilles HONEGGER
survenu le 18 février 2021.
Xavier et Sophie Larroque,
Anne et Jean-François Ballard,
Sophie et Carl Mirabel,
Béatrice et Pierre Iranmehr,
Claire et Pierre Commere,
Benoît et Anita Larroque,
ses enfants et leurs conjoints,
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Françoise LARROQUE
née Voillaume,
le 18 février 2021,
dans sa 94e année.
Elle rejoint son époux,
Edouard Larroque (1924-2020).
Ils vous invitent à partager
leur peine et leur espérance.
La messe sera célébrée
le vendredi 26 février,
à 10 heures, en l'église
Notre-Dame du Raincy,
83, avenue de la Résistance.
France Le Grand,
son épouse,
Olivier et Aline Le Grand,
Laurence et Hubert Jeanson,
ses enfants,
Kevin, Dimitri,
Aurélie et Pierre,
Delphine et Jérémy,
Julie et Guillaume,
Tiffany et Thibault,
Jérémy,
ses petits-enfants,
ses six arrière-petits-enfants
et toute sa famille
font part du rappel à Dieu de
Max LE GRAND
ancien président de Soflumar
et de Van Ommeren,
officier de la Légion d'honneur,
officier
de l'ordre d'Orange-Nassau,
le 18 février 2021,
à l'âge de 95 ans.
Le service religieux
sera célébré
le vendredi 26 février, à 10 h 30,
en l'église protestante unie
de l'Étoile, Paris (17e).
famillelegrandjeanson@soisay.fr
Marco (†) et Sylvie
Fumagalli-Lefranc,
Henry, Antoine et Emmanuel,
sa famille et ses amis
ont la douleur
de faire part du décès de
Françoise LEFRANC
née L'Herminier,
avocat honoraire,
survenu le 7 février 2021,
dans sa 87e année.
Elle a rejoint son époux,
Henry Lefranc,
décédé le 29 mars 2020.
Une messe sera célébrée
ultérieurement en l'église
de Saint-Georges-d'Aunay
(Calvados).
3, quai Rouget-de-Lisle,
67000 Strasbourg.
Rennes.
Jean-Claude Leroyer,
son époux,
Christophe et Anne-Marie,
ses enfants,
Geneviève et Eric,
Madeleine, Pauline, Louise,
Jeanne et Adrien,
ses petits-enfants,
Sidonie et Alba,
ses arrière-petites-filles,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Nicole LEROYER BARBARAT
avoué honoraire
à la cour d'appel de Rennes,
chevalier
de l'ordre national du Mérite,
survenu le 19 février 2021,
à l'âge de 89 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mardi 23 février, à 14 h 30,
en l'église Saint-Germain
de Rennes, suivie de
l'inhumation dans l'intimité
familiale, au cimetière
de Plélan-le-Grand.
On nous prie
de vous faire part du décès de
Mlle Anne LE TERTRE
survenu le 19 février 2021,
à l'âge de 88 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le jeudi 25 février,
à 15 heures, en l'église
de Cloyes-sur-le-Loir
(Eure-et-Loir),
suivie de l'inhumation au
cimetière de Romilly-sur-Aigre.
lundi 22 février 2021
15
Antoine Perset,
son fils,
Sara Marie Perset,
sa fille,
Laura, sa belle-fille,
Romain, Ymanol, Alba,
Marcos, Luca et Emma,
RECEVEZ
ses petits-enfants,
font part du décès de LE FIGARO
Claude-Henri PERSET
scénographe,
architecte, CHAQUE JOUR
survenu aux Balmelles,
le 18 février 2021,
et rappellent à votre souvenir
Colette Pubellier Perset
ET
son épouse, (†) avril 2013.
SES MAGAZINES
Marie-Rose Robinet
et toute la famille
LE WEEK-END
vous font part du décès de
François ROBINET
survenu le 13 février 2021.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Lubin de Noisy-le-Roi,
le mardi 23 février,
à 14 h 30.
Garches (Hauts-de-Seine).
Mme Nicole Surpas,
son épouse,
Pascale et Bernard Richardson,
Muriel et Dominique
Montandon,
Guenhaëlle et Eric Lemonnier,
Arnaud et Claire Surpas,
ses enfants,
ses petits-enfants,
ses arriere-petits-enfants
et toute sa famille
ont la tristesse
de faire part du décès de
M. Alain SURPAS
survenu le 16 février 2021,
à l'âge de 87 ans, à Suresnes.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Saint-Louis,
2 bis, rue de l'Église,
à Garches,
le jeudi 25 février, à 11 h 30.
6 MOIS 239s
au lieu de 541,39E
164, avenue
du Général-de-Gaulle,
92380 Garches.
condoléances 55% de réduction
sur le prix de vente
Meylan (Isère).
au numéro.
Jeannine, Serge,
Alexis et Grigori Zass
ainsi que
l'ensemble des membres
du conseil de surveillance
de la société
GEA
(Grenobloise d'Électronique
et d'Automatismes)
s'associent à la
douleur des proches de
ABONNEZ-VOUS
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ancien membre
AU FIGARO
du conseil d'administration
et du conseil de surveillance À renvoyer dans une enveloppe affranchie à :
de l'entreprise de 1994 à 2017.
LE FIGARO ABONNEMENT
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Tout au long de ses mandats
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il a fait bénéficier l'entreprise
de son expérience OUI, Je m’abonne à la Formule CLUB pour 239e
et de cette inestimable
clairvoyance qu'il savait au lieu de 541,39e. Je reçois pendant 6 mois
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et sa constante bonne humeur. cahiers thématiques et des magazines du week-end.
J’accède à leurs versions numériques et
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et toute sa famille, Pour accèder aux versions numériques, il est indispensable de compléter
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 lundi 22 février 2021 LE FIGARO
16 CHAMPS LIBRES
ENQUÊTE
En Iakoutie, voyage au pays
du froid extrême
Alain Barluet
abarluet@lefigaro.fr
ENVOYÉ SPÉCIAL À IAKOUTSK
ès l’aéroport, j’ai senti le choc… »
D
C’est comme dans la chanson de
Nougaro, mais en beaucoup, beau-
coup plus froid. Le thermomètre
indique 45 °C sous zéro. Bienvenue
à Iakoutsk - 330 000 habitants -,
considérée comme la grande ville
la plus froide du monde. On suffoque un peu, des
cristaux envahissent instantanément les narines, les
jambes s’engourdissent. À 7 heures du matin, le jour
est loin d’être levé, on le verra à peine avant que la
ville ne replonge dans la nuit, peu après 15 heures.
Parfois, le soleil perce dans le ciel blanc - « un lumi-
gnon blafard dans le congélateur », observait Sylvain
Tesson dans ces colonnes. L’écrivain notait aussi ce
qui frappe d’emblée en débarquant ici, à six fuseaux
horaires de Moscou : « Arbres, fils électriques, lam-
padaires, tout est gainé de gelée blanche. » Brouillard
permanent, épaisses volutes de vapeur blanche dé-
gagées par les voitures, Iakoutsk a des allures de
fournaise glacée, d’étuve polaire… Aux arrêts de bus,
des silhouettes entièrement recouvertes de fourrure
patientent immobiles dans le givre inhumain. Les
transports en commun sont l’un des principaux pro-
blèmes de la ville, confirme le journaliste Vitali Obe-
din. Le novice commettra l’erreur de quitter son hô-
tel à pied pour un rendez-vous, sans les trois couches
réglementaires. Au bout de quinze minutes sur l’in-
terminable avenue Lénine, les cuisses deviennent
aussi insensibles que des bûches… En panique, il faut
de toute urgence trouver refuge dans un magasin, et
se battre les flancs jusqu’à ce que le sang afflue à
nouveau.
Comment donc peut-on être iakoute ? « J’aime
l’hiver », répond Alexandre, notre guide au pays du
froid extrême. Et lorsqu’on lui fait remarquer que,
tout de même, le contexte est un peu rude, il répond
d’un seul mot, en souriant : « Tiplo » - « Il fait
bon… » Allusion aux – 50 °C de la semaine précéden-
te. La température la plus basse observée cette année
a été, jusqu’à présent, de - 58 °C. Alors, - 45 °C, pen-
sez donc… En décembre et en janvier, un bon - 50 °C
s’est durablement installé en Iakoutie, ce qui n’est
plus habituel ces dernières années, nous fait-on
observer.
Un écosystème fragilisé
Car paradoxalement, eu égard à ses conditions ex-
trêmes, cette région vaste comme cinq fois la France
- et dont 40 % se situent en zone arctique -, est l’un
des territoires de la planète où le réchauffement cli-
matique est le plus tangible. « À Paris ou à Rome, il
est parfois difficile de percevoir le réchauffement, tan-
dis que chez nous, les signes sont directement visibles
dans le pergélisol (ou permafrost, NDLR) », explique
Alexandre Fedorov, chercheur à l’Institut du perma-
frost de Iakoutsk. Depuis environ quarante ans, cette
couche terrestre gelée en permanence, hiver comme
A
été, et qui peut atteindre jusqu’à 1 500 mètres
d’épaisseur, a commencé à fondre. « Cette glace
.
En Sibérie du Nord-Est,
où la température peut
chuter sous les – 50 °C,
le réchauffement
climatique est néanmoins
particulièrement
préoccupant et la fonte
du permafrost, le gel
éternel, a déjà des
conséquences importantes
pour la vie
de la population et
l’économie de la région.
Moscou
Khatyryk
Iakoutsk
RUSSIE
Lac Baïkal
Irkoutsk
MONGOLIE
souterraine se situe à une profondeur de deux ou trois
mètres, sous une couche dégelée (appelée « couche
active »). Quand le dégel descend à cette profondeur,
la glace présente dans le permafrost commence à fon-
dre et cela provoque des affaissements de la surface du
sol qui sont la marque du réchauffement global », in-
dique cet expert. Et de nous entraîner dans un « la-
boratoire » quasi unique au monde, situé dans le
sous-sol de l’institut et auquel on accède par un petit
escalier : une cave d’une vingtaine de mètres de pro-
fondeur qui permet d’observer en coupe le pergélisol
et son inéluctable dégradation.
Le réchauffement de l’air est en cause. En 1980, à
Iakoutsk, la température moyenne annuelle était de
- 10,3 °C. En 2020, cette moyenne était de moins
- 5,9 °C, soit environ quatre degrés de plus. Un gouf-
fre, en termes climatiques. Durant le bref été iakoute,
la température peut désormais atteindre + 38 °C, du
jamais-vu pour les anciens. « La surface du perma-
frost représente jusqu’à 60 % du territoire de la Russie
et toute la Iakoutie. Si dans le pays, le thermomètre a
grimpé en moyenne de 1,5 degré ces trente dernières
années, dans le Nord, la hausse a été de deux à trois de-
grés, ce qui est grave », souligne Vladimir Prokopiev,
député au Parlement local, où il dirige la commission
chargée de l’écologie.
La fonte du « gel éternel » a des conséquences in-
commensurables, qui ne vont que s’accentuer avec le
dérèglement d’un écosystème fragilisé : déformation
des sols, érosion du rivage de l’océan Arctique et des
berges fluviales, inondations, incendies. Crevassé par
le dégel, le sol s’effondre, des cratères vérolent les
routes, les champs, les pâturages et les pistes d’aéro-
port. Des dizaines de milliers d’hectares ont été per-
dus dans ce Nord, où une nature impitoyable ne laisse
déjà à une agriculture très particulière que trois mois
« utiles » par an. La faune et la flore sont largement
touchées par la remontée du climat froid vers le nord,
de cinq cents kilomètres en quatre décennies.
Un lycée français au milieu de nulle part
En ville, maisons et immeubles sont construits sur les
piliers enfoncés à huit mètres de profondeur, et sont
surélevés pour éviter que la chaleur des habitations
600 km ne fasse fondre le sol. Mais les trois mètres de la
« couche active » ayant été entamés, les édifices ne
reposent plus que sur des pilotis enfoncés dans seu-
lement cinq mètres de glace. Alors, les murs bou-
gent, vacillent et s’effondrent parfois. À Iakoutsk,
quelque quatre cents immeubles ont ainsi été décla-
rés inutilisables. Parallèlement, la rétractation de la
calotte glaciaire polaire renforce les précipitations et
accroît le manteau neigeux, ce qui empêche l’air gla-
cé de pénétrer dans le sol. Un phénomène qui, avec
le dégel excessif, provoque des inondations catastro-
phiques. Les dépressions « thermokarstiques » du sol
avalent les arbres dont les troncs se tordent - on ap-
pelle cela la « forêt ivre ». Autre calamité, souvent
d’origine humaine, les incendies qui ravagent fré-
quemment la taïga. La lutte contre le réchauffement
climatique passe pourtant par la reforestation. Mais
les budgets manquent et la coupe du bois, à des fins
lucratives, reste excessive. Au total, avec un ré-
chauffement global maintenu à deux degrés, quelque
CHINE
25 % des zones de permafrost auront disparu à l’ho-
rizon 2100, estiment les experts. Mais au rythme ac-
Infographie tuel, ce sont environ 70 % des territoires concernés
En plein jour, dans
une rue de Iakoutsk,
en Sibérie,
le 23 janvier.
ANDREY SOROKIN/
SPUTNIK VIA AFP
par le pergélisol qui auront été rayés de la carte… En
quittant Iakoutsk, la brume soudain se dissipe pour
laisser la place à un ciel bleu acier. C’est le désert
blanc, la steppe enneigée, plus loin la taïga et après la
toundra. Une région-continent, peuplée de moins
d’un million d’habitants, dont plus de la moitié sont
des peuples autochtones - Sakhas, Evenks, Evè-
nes…-, et qui est riche de son sous-sol - diamant, or,
gaz, pétrole…
La voiture japonaise d’Alexandre est équipée de
vitres à double épaisseur. Le moteur tourne du matin
au soir, même au parking. Couper le contact, c’est
prendre le risque de ne jamais repartir… À 130 kilo-
mètres de Iakoutsk, le village de Khamagatta est figé
sous la neige. Un long bâtiment héberge le Lycée
sakha-français, établissement pilote, excellemment
tenu, et parrainé par l’Unesco. Au milieu de nulle
part, deux cents élèves et une trentaine de profes-
seurs cultivent avec passion une plante exotique : la
francophonie. Le visiteur est accueilli par des récita-
tions : Guillaume Apollinaire, Jacques Prévert, Mau-
rice Carême… Ici aussi, on préfère l’hiver. « Parce
qu’on peut toujours se couvrir pour avoir chaud, tandis
qu’en été, comment échapper à la chaleur ? », dit cette
élève. Sans parler des moustiques, cette calamité si-
bérienne de la (brève) saison estivale.
Un peu loin, dans le village de Khatyryk, Alexeï
vous accueille en ranimant son poêle et avec des rites
traditionnels de bienvenue. Il est forgeron, vieille
tradition locale, et ses couteaux sont aiguisés comme
des rasoirs. Indispensables outils pour la chasse et la
pêche, activités qui sont ici dans les gènes de tous.
Alexeï, lui aussi, a noté le réchauffement climatique.
« Tout semble déréglé, une année froide, la suivante
plus chaude », note-t-il. Sous les fenêtres de son ate-
lier, ses chevaux attendent, impavides, leur crinière
blanchie par le givre. Vaillants petits chevaux iakou-
tes que l’on croise partout, sans liens, comme s’ils
étaient à l’état sauvage. Des études scientifiques ont
montré la stupéfiante capacité d’adaptation de leur
organisme, leur permettant de résister au froid
polaire.
La Léna prise dans les glaces est toute proche. Ce
fleuve est un géant, le plus long de Russie, 4 400 km
du Baïkal à l’océan Arctique. En largeur, 12 km. Et
toujours pas de pont, pour désenclaver économique-
ment la ville de Iakoutsk. Vladimir Poutine l’avait
pourtant promis, ce pont, en 2006. Mais les budgets
manquent, l’argent est parti ailleurs, dans des poches
indélicates ou, comme certains l’imaginent, pour
construire le pont de Kertch, en Crimée, politique-
ment plus stratégique… Alors, pour traverser la Léna,
Alexandre emprunte les zimniki (de zimoï, l’hiver en
russe), ces routes ouvertes sur la glace qui recouvre
le fleuve. Mais tout change, là aussi. La glace, qui
pouvait atteindre jusqu’à deux mètres d’épaisseur, a
minci des deux tiers en un demi-siècle. La période
d’ouverture de ces pistes gelées, normalement entre
novembre et avril, s’est déjà réduite de plusieurs se-
maines. Parfois, la couche se fissure et craque. Em-
prunter les zimniki, pour les poids lourds et les voitu-
res, devient périlleux. Chaque année, des véhicules
sont engloutis. Le fameux pont permettrait de régler
le problème. Mais si le chantier a débuté, près de
Iakoutsk, il semble peu actif. Pour pas mal d’années
encore, il faudra s’aventurer sur une couche de glace
de plus en plus fragile pour franchir le grand fleuve. ■

INTERNATIONAL
La Somalie est-elle au
bord de la guerre civile ?
Les élections dans Tanguy Berthemet
ce pays de la Corne
£@tanguyber
de l’Afrique, qui
devaient se tenir
en février, ont été ❙ LEUNPAYS EST-IL DANS
VIDE POLITIQUE ?
Il y a beaucoup d’incertitudes. La Somalie
reportées sine die devait attendre le résultat de ses élections
mais rien ne s’est déroulé comme espéré.
faisant redouter La réunion du 8 février n’a pas permis de
trouver de compromis pour organiser un
le retour des scrutin à la date dite. Un consensus avait
bien été trouvé en septembre dernier sur
oppositions armées. un mode de scrutin, une question extrê-
mement complexe en Somalie et fonda-
mentale car le vote demeure indirect.
L’application du texte, qui avait entraîné
un premier report de l’élection censée
se tenir en novembre, a finalement
achoppé sur les derniers détails et sur
l’opposition entre le gouvernement fédé-
ral siégeant à Mogadiscio, qui a fait montre
d’une réelle mauvaise foi, et ceux des États
régionaux, notamment le Puntland et le
Jubaland autonomes. « Cet échec tient es-
sentiellement au manque de confiance entre
les différentes têtes politiques somalien-
nes », assure Omar Mahmood, chercheur
pour le centre d’analyse International Cri-
sis Group (ICG).
Le mandat du président Mohamed Abdul-
lahi Mohamed, plus connu sous son sur-
nom de Farmaajo, élu en 2016, s’est donc
techniquement terminé le 8 février. De-
puis, les points de vue entre le président et
ses rivaux, comme l’ancien premier mi-
nistre Hassan Ali Khaire et les ex-prési-
dents Hassan Sheikh Mohamud ou Sharif
Sheikh Ahmed, se sont considérablement
éloignés.
Si constitutionnellement le mandat de
Farmaajo est terminé, ce dernier s’estime
en droit d’assurer l’intérim. Au contraire,
les leaders politiques de l’opposition ne re-
connaissent plus sa légitimité et exigent la
formation d’un gouvernement provisoire.
Si l’on ajoute que depuis décembre 2020 le
mandat des parlementaires fédéraux a lui
aussi expiré, la Somalie n’a donc plus de
véritable gouvernement légitime.
LE RISQUE D’UNE REPRISE
❙DU CONFLIT CLANIQUE
EST-IL RÉEL ?
Rien n’est perdu mais la situation est déli-
cate. « Ce n’est pas la première fois que des
élections sont repoussées. Mais jusqu’à pré-
sent, ces dernières années, on avait toujours
conservé une sorte de schéma et des voies de
dialogue. Là, il n’y a rien et le niveau de dé-
fiance entre les acteurs est extrêmement
élevé », résume Omar Mahmood.
Le pays connaît là un recul inquiétant.
Après 1991 et la chute du général Siad Bar-
re, le pays avait sombré dans l’anarchie
avant de très lentement parvenir à rétablir
un gouvernement effectif. Depuis 2012, le
pouvoir se transmettait de manière à peu
près pacifique, après certes des luttes poli-
tiques intenses.
Or, selon un diplomate, « Farmaajo a mis
un terme à ça pour tenter de garder main et
s’assurer un second mandat ». « Farmaajo
et les siens ont conduit une fois de plus la So-
malie au bord d’un effondrement institu-
tionnel et d’un conflit armé », affirme, Matt
Bryden, dans un document pour le Euro-
pean Council on Foreign Relations (ECFR).
Les lignes de fractures claniques, jamais
loin, se ravivent.
Le clan Hawiye, puissant à Mogadiscio et
dont plusieurs opposants sont les repré-
sentants, s’alignant contre le président et
appelant à manifester pour obtenir le dé-
part du chef de l’État. Or, ils disposent
toujours de puissants moyens militaires
dans la capitale, et notamment d’environ
soixante-dix « technicals », ces pick-up
équipés d’armes lourdes qui ont déjà semé
la désolation dans la ville.
La population reste également très armée.
L’armée fédérale pourrait aussi, en cas de
combats, se diviser, encore une fois sur
des lignes communautaires. Mais la frac-
ture clanique n’explique pas tout. Car à
ces forces, l’opposition pourrait en effet
ajouter la pression qu’imprimeraient
alors Puntland et Jubaland, des États ré-
gionaux largement dominés par les Da-
rod, le clan auquel appartient pourtant le
président. Farmaajo apparaît donc extrê-
mement isolé. « Cela ne semble curieuse-
ment pas le pousser à faire des ouvertu-
res », s’étonne le diplomate.
LE FIGARO lundi 22 février 2021
CHAMPS LIBRES 17
1 Une homogénité ethnique contrecarrée
par des divisions claniques...
GROUPES CLANIQUES SOMALIS Golfe d’Aden
DJIBOUTI
Hawiye
Issa Habr Warsangelli
Isaaq GRANDE Toumal Habr Yunis
SOMALIE Habr Awal Toljaala
Darod
(Les Somalis Eidagalla
Dolbohanta
Rahanwayn représentent Habr Yunis
95 % de la pop. ÉTHIOPIE
Dir Majertain
somalienne) Ogadeni
QUEL RÔLE TIENT
❙ LA COMMUNAUTÉ
Issa Sous clans Marehan
Habr Gedir
SOMALIE
AUTRES GROUPES ETHNIQUES
INTERNATIONALE Hawalde
Bantous
DANS CETTE CRISE ? Degodia Murosade
Il ne peut être qu’important tant la Somalie
reste dépendante de l’aide extérieure. Cet
(Gobaweyne, Gosha, Kabole, Makane,
Mushunguli, Oji , Reer Shabelle et Shiidle) Marehan
Argal
Ajuran
Bajuni Ajuran
appui est d’abord sécuritaire. La Mission Mogadiscio
de l’Union africaine (Amisom) compte
près de 20 000 hommes - essentiellement
des Ougandais, Éthiopiens, Burundais et
Eyle
Benadiri
Ogadeni
Digil
OCÉAN INDIEN
Kényans - tandis que les États-Unis, mais
aussi un temps la France et la Grande-Bre-
KENYA
200 km
tagne, apportent un soutien militaire, dans
le domaine de la formation notamment. 2 ... accentuées par la colonisation
L’aide est aussi largement financière.
« La communauté internationale aurait dû
se réveiller. Elle avait la possibilité d’éviter
cette crise en agissant plus tôt », affirme
PUISSANCES COLONIALES
France
DJIBOUTI
1977
Golfe d’Aden
Roland Marchal, spécialiste de la Somalie Royaume-Uni
et chercheur à Sciences Po. Elle aurait pu, Somaliland
Italie 1960
selon plusieurs sources, contraindre Far-
maajo à avancer sur l’objectif de départ Occupation italienne entre 1936 et 1941
de son mandat ; l’application de la ÉTHIOPIE
Constitution, un texte dont l’élaboration LES INDÉPENDANCES Ogaden
qui a coûté par moins de 16 millions de 1960 Date d’indépendance
dollars, payés essentiellement par des Fusion de la Somalie italienne et
bailleurs. de la Somalie britannique le 1er juillet 1960 SOMALIE
Or, le président n’en a rien fait, pas plus 1960
qu’il n’a dissous la commission électorale,
un organe très critiqué, alors qu’il s’est
souvent engagé à la faire. L’Union euro- Le drapeau somalien représente une étoile Mogadiscio
péenne, qui met des sommes importan- à cinq branches symbolisant les cinq territoires
de la « Grande Somalie » où vivent les Somalis ; KENYA
tes, est régulièrement montrée du doigt. OCÉAN INDIEN
Somalie française, Somalie britannique, Somalie 1963
« L’UE devrait cesser de parler de la situa-
tion comme d’une “d’impasse électorale” italienne, Ogaden (Éthiopie) et la province
Nord-orientale (Kenya). 200 km
et la reconnaître pour la grave crise consti-
tutionnelle qu’elle est », s’agace Matt
Bryden.
Les pays voisins sont silencieux. L’Éthio-
3 L’échec de la création d’un véritable État
pie, qui a toujours joué un rôle important,
UNE GUERRE D’EXPANSION QUI SE SOLDE... Golfe d’Aden
est engluée dans sa propre crise tandis que DJIBOUTI
les relations diplomatiques avec le Kenya Pays allié du bloc soviétique (1970-1977)
sont quasiment rompues. Le monde mu- puis du bloc occidental (après 1980)
sulman, très actif, ne pèse pas non plus, Pays allié du bloc occidental (avant 1974)
puis du bloc soviétique (après 1974) SNM
miné par ses rivalités internes.
Mouvements rebelles éthiopiens ÉTHIOPIE
Ainsi, le Qatar et la Turquie, un investis-
seur important en Somalie, continuent à soutenus par la Somalie FLSO
soutenir, à mi-voix, le gouvernement Invasion de l’Éthiopie par la Somalie Ogaden
FLSA
mais sans doute dans le but de contrôler lors de la guerre de l’Ogaden (1977-1978)
Intervention soviéto-cubaine qui Ogadeni
ainsi l’influence des Émirats et de l’Arabie SOMALIE
saoudite, notoirement proches des autori- repousse et défait les forces somaliennes
tés du Puntland et du Jubaland. USC
... PAR UNE GUERRE CIVILE
Restent les États-Unis qui ont longtemps Marehan
Clans sur lesquels se repose le régime
beaucoup pardonné à Farmaajo qu’ils de Siad Barré au pouvoir depuis 1969 Extrême Mogadiscio
considèrent comme un allié. L’homme a la avancée
nationalité américaine. Donald Trump
avait ordonné le retrait des troupes du
pays. Joe Biden y est opposé, mais la nou-
Émergence dans les années 1980
de mouvements anti-Barré
- Congrès de la Somalie unie (USC)
somalienne
en déc. 1977
OCÉAN INDIEN
lié au clan des Hawiye
velle Administration n’a pour l’instant pas - Somali National Movement (SNM) KENYA
dévoilé sa ligne concernant la Somalie. 200 km
4 Des seigneurs de guerre aux islamistes
❙DESAL-CHEBAB
PEUT-IL PROFITER
TENSIONS ? FIN DE LA DICTATURE DE SIAD BARRÉ
DJIBOUTI
Golfe d’Aden
Le groupe djihadiste pourrait être le grand
ET DÉBUT DE LA GUERRE CIVILE
bénéficiaire de la situation. Al-Chebab - Prise de Mogadiscio par l’USC en janvier 1991
Harakat al-Chebab al-Moudjahidin -, Proclamation de l’indépendance unilatérale Somaliland
fondé en 2006 dans l’ombre du régime des du Somaliland par le SNM en mai 1991 Puntland
Tribunaux islamiques et lié à al-Qaida, n’a Intervention militaro-humanitaire
certes plus la force qui était la sienne. de l’ONU en 1992-1993 (Restore Hope) ÉTHIOPIE
Depuis 2011, l’offensive de l’Amisom, ap- Fiasco de la bataille de Mogadiscio en octobre
puyée par des troupes américaines, a ré- 1993 qui entraine le retrait des Américains
duit son influence. Il ne tient plus de ter- 2006 SOMALIE
TRIBUNAUX ISLAMIQUES ET AL-CHEBAB Repères
rain comme un temps, et plusieurs de ses des pirates
principaux leaders ont été tués. Territoires contrôlés en décembre 2006 par somaliens
Mais il conserve une forte capacité d’ac- le mouvement apparu en 2004 de Union Baidoa
des tribunaux islamiques
tion, comme le montrent les deux at- Mogadiscio
Intervention militaire de l’Éthiopie
tentats récents, mi-décembre à Galkayo
puis de l’Union africaine (Amisom) KENYA
(19 morts centre du pays) puis, le 31 jan- 1992
vier, contre l’Hôtel Afrik à Mogadiscio Apparition du mouvement al-Chebab
en 2006 et son offensive de 2008-2009 Kismaayo
(9 morts). Après une baisse début 2020, le
Intervention militaire du Kenya 2011 OCÉAN INDIEN
rythme des attaques augmente nettement,
contre les chebabs
note ICG. 200 km
Une recrudescence liée en partie à la pers-
pective d’élections, un processus « apos-
tat » aux yeux des islamistes, qui ont me-
5 Un État fédéral fictif
nacé tant les candidats que les électeurs.
« Al-Chebab profite car les tensions entre FÉDÉRATION INSTAURÉE EN 2016 DJIBOUTI Golfe d’Aden
les leaders politiques concentrent et détour- Limites des États fédérés
nent l’attention », estime Omar Mahmood.
Les services de renseignements, dont la CONTRÔLE TERRITORIAL (JANVIER 2021) Somaliland
fonction essentielle était la lutte antiter- Somaliland ayant autoproclamé Puntland
roriste, se sont consacrés ces dernières son indépendance mais non reconnu
années à la surveillance des opposants. En par la communauté internationale
ÉTHIOPIE
province, les terroristes ont vu leur popu- Gouvernement somalien
larité revenir en tant qu’ennemis de chefs Puntland revendiquant une large Galmudug
des exécutifs locaux, imposés par Far- autonomie mais toujours dans
maajo et le gouvernement contre la vo- le cadre de l’État somalien SOMALIE
lonté populaire. Al-Chebab a aussi pu ti- Mouvement visant à la création Hirshabelle
rer parti des replacements des troupes d’un État fédéré du Khatumo Sud-
américaines et du départ des forces éthio- Ouest
Al-Chebab affilié à al-Qaida et leurs alliés
piennes, rappelées au pays pour combat- Mogadiscio
tre au Tigré. Présence de l’État islamique Jubaland
Profitant de ces marges de manœuvre, le
groupe a lancé des vagues de recrutements OCÉAN INDIEN
A
Infographie
et formés de combattants, ce qui laisse KENYA
Sources : Wikipedia et I. M. Lewis, Peoples
craindre des nouvelles offensives. ■ of the Horn of Africa : Somali, Afar and Saho 200 km
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO
18 CHAMPS LIBRES
DÉBATS
ENTRETIEN
Les mesures sanitaires
décidées par les
pouvoirs publics aussi
bien que l’endettement
massif du pays placent
l’économie française
dans une situation
de grande incertitude.
Directrice générale
de la Fondation iFrap,
Agnès Verdier-Molinié,
qui publie La France
peut-elle encore tenir
longtemps ?, dialogue
avec l’économiste
Philippe Aghion,
professeur au Collège
de France et coauteur
du Pouvoir de la
destruction créatrice.
Agnès Verdier-Molinié
préconise une politique
libérale vigoureuse,
trop longtemps différée
à ses yeux. Philippe
Aghion esquisse
un « capitalisme
vertueux » qui
associerait l’innovation
propre aux États-Unis
et le souci de protection
caractéristique
du système danois.
Il plaide pour la réforme
des retraites, tout
en concédant que
le système de points
envisagé est trop
complexe et doit être
abandonné.
DESSINS FABIEN CLAIREFOND
A
Agnès Verdier-Molinié - Philippe Aghion :
comment sortir l’économie de l’atonie ?
PROPOS RECUEILLIS PAR
PAUL SUGY £@PaulSugy
LE FIGARO. - Agnès Verdier-Molinié,
combien coûtent à notre pays
les mesures sanitaires actuelles,
et combien de temps pourrons-nous
tenir le « quoi qu’il en coûte » ?
Agnès VERDIER-MOLINIÉ. - D’après les
évaluations que l’iFrap a réalisées, une
semaine de confinement strict, comme
au printemps dernier, coûte 16 milliards
d’euros à la France : 5 milliards de dépen-
se publique supplémentaire et 11 milliards
d’impact sur la richesse nationale du fait
de l’arrêt de certaines activités. Un confi-
nement un peu plus souple, comme celui
du mois de novembre dernier, coûte cer-
tes moins, mais cela reste considérable :
7 milliards par semaine. L’impact sur
l’emploi est énorme : une semaine de
confinement strict menace près de
70 000 emplois et une semaine de confi-
nement plus souple, 30 000. Enfin, la pé-
riode actuelle, avec le couvre-feu à
18 heures et la fermeture des restaurants,
théâtres, salles de musées, remontées
mécaniques, etc., coûte au moins
2,5 milliards au PIB français par semaine
(dont la moitié rien qu’en raison de la fer-
meture des restaurants). Un mois de cou-
vre-feu, c’est donc 10 milliards en
moins : un demi-point de PIB qui s’envo-
le. Les Français doivent avoir ces chiffres
en tête pour comprendre ce qui est en jeu.
Le gouvernement commence à s’en ren-
dre compte, lui aussi, et a opéré un tour-
nant bienvenu en ne reconfinant pas à ce
jour. Mais nous avons perdu trop de
temps. Nous sommes le pays où l’admi-
nistration publique a été fermée le plus
(poste, justice), par exemple.
Avait-on vraiment d’autre choix
que de s’endetter massivement?
A. V.-M. - On peut bien sûr comprendre
qu’en temps de crise sanitaire et de ré-
cession la dette augmente. Le problème,
c’est que, croissance ou pas, cela fait des
années que nous continuons de laisser fi-
ler les déficits et la dette, tandis que, dans
les pays d’Europe du Nord, existent des
systèmes de frein à l’endettement ou
d’équilibrage des comptes publics qui
fonctionnent assez bien : les Pays-Bas, la
Suède, l’Allemagne se sont désendettés
au cours des dernières années, tandis
qu’en France, malgré la croissance, nous
avons continué à nous endetter coûte que
coûte et avons triplé la dette en valeur
entre 2003 et 2022. Le « quoi qu’il en coû-
te » n’est en réalité pas vraiment une
nouveauté !
Souvent, l’excuse est de dire que la Fran-
ce s’endette pour investir. Mais rien n’est
moins vrai. Depuis 1995, nous nous som-
mes endettés de 900 milliards d’euros de
plus pour faire fonctionner nos adminis-
trations publiques et de moins de
700 milliards d’euros pour investir. Si
l’État ne s’était endetté que pour investir,
la France serait au même niveau d’endet-
tement que l’Allemagne, soit entre 70 %
et 80 % du PIB. En 2020, la France a em-
prunté 1 milliard d’euros par jour : c’est
beaucoup trop. Cet argent n’est ni gratuit
ni magique : il faudra payer. On ne pourra
pas annuler la dette et encore moins dire
qu’on ne remboursera pas. Plus personne
ne voudrait nous prêter. Il deviendrait
impossible de financer nos services pu-
blics, les hôpitaux ou les pensions.
Philippe Aghion, peut-on « annuler »
cette dette Covid, comme l’ont suggéré
Thomas Piketty et une centaine
d’économistes ?
Philippe AGHION. - C’est une fausse
bonne idée pour au moins trois raisons.
Tout d’abord, parce que ce n’est pas lors-
que les taux d’intérêt sont négatifs que
l’on doit commencer à se poser la ques-
tion de l’annulation d’une dette. Ensuite,
comme l’a très bien dit Christine Lagar-
de, ce qui est important, c’est d’abord ce
que l’on fait avec l’argent que l’on em-
prunte : il ne faut pas le jeter par la fenêtre France ; un recours à des agences de mis-
«
En France, malgré la croissance, nous
avons triplé la dette en valeur entre
2003 et 2022. Le « quoi qu’il en coûte »
n’est pas une nouveauté !
AGNÈS VERDIER-MOLINIÉ
mais l’investir intelligemment, en parti-
culier dans l’innovation et la réindustria-
lisation pour augmenter notre potentiel
de croissance, car c’est avant tout la
croissance qui va nous permettre de ré-
duire notre dette. Or, comme nous le
montrons dans notre livre, cette crise a
mis en évidence le sous-investissement
dramatique de la France dans l’innova-
tion, avec notre incapacité à générer un
vaccin de conception française. Troisiè-
me raison, enfin, annuler notre dette pu-
blique, c’est annuler une créance de la
Banque de France sur l’État français :
plutôt que de devenir un passif de l’État,
la dette deviendrait un passif de la Ban-
que de France, mais qu’est-ce que cela
change ?
Vous semblez d’accord pour distinguer
la dette d’investissement de celle de
fonctionnement. Mais comment réduire
la seconde ? Où faut-il couper ?
A. V.-M. - Il faut déjà commencer par ne
plus accepter le moindre endettement dû
à des dépenses de fonctionnement de
l’État ou de la Sécurité sociale. Adoptons
une règle en ce sens de toute urgence.
Mettons ensuite en place des systèmes de
frein à l’endettement, comme chez nos
voisins nordiques : on peut s’endetter
lorsque l’on est en récession, mais pas en
période de croissance. Par rapport à nos
voisins européens, en France, État, col-
lectivités locales et Sécurité sociale dé-
pensent 84 milliards d’euros de plus cha-
que année pour produire nos services
publics. Ce surcoût est gigantesque. Il
correspond peu ou prou au déficit de
l’État en 2019. Comment l’expliquer ?
Tout simplement parce que la complexité
de l’organisation publique est incroyable.
On l’a vu pendant la crise : du maire au
préfet en passant par les agences régiona-
les de santé (ARS), les présidents de ré-
gion, le gouvernement, c’était une caco-
phonie permanente. La multiplication
des couches a considérablement ralenti
les décisions. Il faut donc mieux répartir
les pouvoirs entre l’État, les régions, le
bloc communal, la Sécurité sociale. Le
sujet de la décentralisation est malheu-
reusement devenu quasi absent du débat
public. La loi décentralisa-
tion dite « 4D » ne ren-
versera pas la table.
Cela rappelle rer la soutenabilité de nos finances pu-
« CAP 2022 » et
ses mesures de
réformes jamais
assumées.
Ph. A. - J’ai fait partie du programme
« CAP22 », ce comité d’économistes et
d’acteurs publics réunis par Édouard Phi-
lippe pour discuter de la transformation de
l’administration. Je considère que cette
mission est un échec. Le principal problè-
me du « CAP22 » réside dans le fait que
l’on a mis les technocrates en charge de
réformer la technocratie. Quand les Sué-
dois ont réformé l’État, ils ont confié à cinq de l’exécutif. Mais le Parlement n’exerce
personnes indépendantes la tâche de pro-
duire un rapport décapant, et, sur la base
de ce rapport, ils ont procédé à une vérita-
ble réforme de l’État : une décentralisation
où l’échelon central est supprimé lorsque
l’on délègue le pouvoir à un échelon plus
local, ce que nous ne savons pas faire en
sion dotées d’une
véritable autono-
mie de décision
ainsi que budgé-
taire - chez nous, la dette, les dépenses publiques et les
» les administra-
tions publiques
sont en perma-
nence soumises
au veto de Bercy ; et une fonction publique
où les fonctionnaires prestataires de servi-
ces ne sont pas soumis au même régime
que les magistrats. À l’inverse, le
« CAP22 » n’a rien donné. Une réforme de
l’État est indispensable pour améliorer
l’efficacité de la dépense publique.
Mais, comme je le mentionnais plus
haut, c’est surtout la croissance qui va
nous permettre de réduire notre dette, et
c’est donc dans la croissance qu’il nous
faut investir. Dans notre livre, nous tra-
çons les contours d’un capitalisme ver-
tueux, à la fois favorable à l’innovation,
comme le capitalisme américain, et pro-
tecteur, comme le capitalisme danois. La
pandémie a montré les faiblesses du mo-
dèle américain en matière de protection
sociale : 400 000 morts et de nombreux
individus qui, en perdant leur emploi,
ont perdu leur couverture santé ou sont
tombés en situation de pauvreté. Mais,
d’un autre côté, la pandémie a montré la
supériorité américaine en matière d’in-
novation. Ce n’est pas un hasard si la
plupart des vaccins viennent d’Améri-
que : rien qu’en biologie, les Américains
ont la National Science Foundation, le
National Institute of Health. Ils disposent
d’un mécénat très actif. Tout cela
concerne la recherche fondamentale.
Mais, par ailleurs, les Américains dispo-
sent d’un réseau de capital-risqueurs et
d’investisseurs institutionnels beaucoup
plus développé que le nôtre. Et ils ont la
Barda (Biological Advanced Research
Development Agency), qui permet de
passer de la recherche fondamentale
(l’ARN messager) à la production de
vaccins en masse. La Barda est dotée
d’un budget de 12 milliards, trois fois
plus que l’équivalent européen.
« C’est surtout la croissance qui va
nous permettre de réduire notre dette.
Or c’est notre déficit d’innovation
qui explique principalement notre déficit fonctionner.
d’industrialisation et de croissance
PHILIPPE AGHION
Enfin, une réforme sur laquelle il faudra
nous repencher le moment venu, c’est la
réforme des retraites, à la fois pour assu-
bliques et pour ne pas perdre notre cré-
dibilité vis-à-vis de nos partenaires
européens. Je propose d’abandonner, au
moins pour le moment, l’idée des points.
En cela, je me renie moi-même, car j’y
ai cru pendant la campagne électorale ;
mais le passage à un système de points
s’avère une véritable usine à gaz si l’on
veut éviter que l’égalité visée par ce pas-
sage ne devienne inégalité : les ensei-
gnants, par exemple, ont de mauvais sa-
laires et se rattrapent normalement sur
les retraites ; vouloir égaliser leurs re-
traites avec celle des autres professions
constitue donc une injustice, à moins de
complètement refonder le système de
rémunération des enseignants. Faire
une réforme des points acceptable de-
vient donc tellement complexe, compte
tenu du grand nombre de transferts
compensatoires qui doivent être mis en
place, qu’un quinquennat n’y suffirait
pas. Je crois plutôt à une mesure d’âge,
avec une accélération de la réforme de
Touraine, donc une réforme paramétri-
que, mais qui tienne compte de la péni-
bilité et de l’âge d’entrée sur le marché
du travail.
Agnès Verdier-Molinié, dans
votre livre, vous soulignez la médiocrité
du débat politique sur la question
de la réforme de l’État ou de la dette…
A. V.-M. - Oui, et c’est regrettable ! Il
faudrait de vrais débats, contradictoires
et étayés au sein de la représentation na-
tionale. Le Parlement a pour rôle d’éva-
luer les politiques publiques et le travail
pas cette mission ! C’est le gouvernement
qui a créé son propre outil d’évaluation
des politiques publiques. La ministre
Amélie de Montchalin l’a annoncé voilà
quelques jours. Dans quelle démocratie le
gouvernement s’évalue-t-il lui-même ?
À l’heure du « quoi qu’il en coûte », il est
grand temps d’avoir à l’Assemblée et au
Sénat, mais aussi dans les médias, un
vrai débat contradictoire sur la dette (et
sur qui sont ses détenteurs), sur les dé-
penses publiques et sur les impôts. Plus
impôts sont élevés, moins la croissance
est au rendez-vous. Réindustrialiser,
développer nos start-up, les capitaliser,
gagner la bataille de l’emploi ? Tout le
monde le souhaite, mais cela exige
moins de dépenses administratives inu-
tiles, plus de travail avec le report de
l’âge à la retraite et la flexibilité du temps
de travail à la hausse. Les 35 heures, les
taxes de production et les taxes secto-
rielles ont tué notre industrie. Mais si
l’on se réveille maintenant, on peut re-
dresser le cap.
Ph. A. - Le gouvernement, il faut lui en
donner crédit, a tout de même engagé
une baisse des impôts de production, ce
qui nous aidera à endiguer le flux des dé-
localisations. Mais, comme nous l’expli-
quons, et également dans un article ré-
cent avec Élie Cohen, c’est notre déficit
d’innovation qui explique principale-
ment notre déficit d’industrialisation et
de croissance. Pour remonter la pente et
trouver le chemin d’une croissance plus
soutenue, plus verte et plus inclusive, la
clé réside dans le triangle État–entrepri-
ses-société civile. Les entreprises inno-
vent, l’État et la société civile aident à di-
riger l’innovation vers des technologies
plus vertes et vers la création d’emplois
plus qualifiants. Il faut tordre le cou à
l’idée selon laquelle la discussion avec les
partenaires sociaux est une perte de
temps : faute d’avoir su mener ce dialo-
gue, on n’a pas vu venir la crise des « gi-
lets jaunes », et cette crise a bloqué ensui-
te le processus de réforme depuis
l’automne 2018.
A. V.-M. - Si la fiscalité n’est pas au servi-
ce de l’innovation et de l’investissement
en capital, alors l’innovation ne se déve-
loppe pas. Et l’industrie s’essouffle. Le
chômage progresse, ainsi que la pauvreté
et la désespérance. D’où le mouvement
des « gilets jaunes ». La politique fiscale
de la France est aujourd’hui totalement
tournée vers le fi-
nancement des
dépenses expo-
nentielles de nos
administrations.
Cela ne peut pas
» L’État s’endette,
les entreprises
s’endettent, les
ménages s’en-
dettent, les services publics sont de
moins en moins performants et nombre
de nos concitoyens sont au chômage.
C’est cette spirale infernale que nous de-
vons casser en réalisant que taxer le plus
au monde, dépenser le plus au monde et
emprunter le plus au sein de la zone euro
n’apporte pas la prospérité, au contraire.
Ce ne sont pas les timides bonnes mesu-
res sur la fiscalité du capital et les taxes de
production qui vont changer la donne si-
gnificativement. Un autre chemin est
possible. Il faut le tracer. Je montre dans
mon livre comment. ■
■ La France
peut-elle tenir
encore
longtemps ?
d’Agnès Verdier-Molinié
ALBIN MICHEL, 2021, 304 P., 19,90 €.
■ Le Pouvoir
de la destruction
créatrice
de Philippe Aghion,
Céline Antonin
et Simon Bunel
ODILE JACOB, 2020, 448 P., 24,90 €.

CHRONIQUE
Nicolas Baverez
£@NicolasBaverez
@ 100 000 citations
et proverbes sur evene.fr
CLAIREFOND
DANIEL FASQUELLE
Les accords conclus en 2003 entre Paris et Londres dramatique pour
sur la surveillance de leur frontière et le traitement l’ensemble de la
des demandes d’asile ont institué des règles
contraires aux intérêts de la France.
Il faut, enfin, les renégocier, argumente le maire LR système qui a failli,
du Touquet-Paris-Plage*.
Dassault Médias
(actionnaire à plus de 95 %)
14, boulevard Haussmann
75009 Paris
Président-directeur général
Charles Edelstenne
Administrateurs
Olivier Dassault, Thierry
Dassault, Olivier Costa
de Beauregard, Benoît
Habert, Bernard Monassier,
Rudi Roussillon
Plan Biden : quand la relance tue la relance
acquittement
L’
de Donald Trump
à l’issue de son second
procès en destitution
marque le véritable
début de la présidence
de Joe Biden. Après avoir infirmé
les décisions les plus controversées
de son prédécesseur, il doit mettre
en œuvre son programme pour
réconcilier l’Amérique avec elle-même
et avec le monde. Son cœur est formé
par le plan de relance géant
de 1 900 milliards de dollars, dont
la réussite ou l’échec détermineront
le destin de son administration.
S’ajoutant aux 900 milliards
de dollars mobilisés par Donald Trump
en décembre dernier, le plan Biden porte
ENTRE GUILLEMETS
22 février 1943 : trois étudiants allemands membres du réseau
de résistance chrétien La Rose blanche, Hans et Sophie Scholl
ainsi que Christoph Probst, condamnés à mort par le régime nazi,
sont exécutés à Munich. DPA PICTURE-ALLIANCE
Lettre de Sophie Scholl, février 1943
Le seul remède
pour un cœur aride,
c’est la prière, même si
celle-ci est pauvre
et inadéquate»
Pourquoi toute la Côte d'Opale
devient une zone de rétention
l y a dix-huit ans étaient signés
I
les accords du Touquet traitant
de la surveillance de la frontière
entre la France et le Royaume-
Uni. Ce traité s’inscrivait dans
un esprit de solidarité
européenne mais l’entrée en vigueur
du Brexit a bouleversé la donne.
En effet, puisque la Grande-Bretagne
a fait le choix de quitter l’Union
européenne, elle doit, bien
naturellement, en assumer toutes
les conséquences et revenir à une règle
simple : les demandeurs d’asile
pour la Grande-Bretagne doivent être
accueillis en Grande-Bretagne le temps
de l’examen de leur demande et non
pas en France.
Ce qui a été obtenu par le ministre
français de l’Intérieur, le 28 novembre
dernier, est la preuve, soit d’une très
grande naïveté, soit d’un profond
cynisme. Négocier, en effet, auprès
des Britanniques des moyens
supplémentaires pour « rendre
impossibles les traversées de la
Manche » et s’en vanter, c’est à la fois
ignorer les malheurs des migrants
bloqués en France, sous-estimer
les problèmes que cela engendre
localement pour les élus
et les populations
et ne pas prendre
en compte le coût
de cette situation
nation. Il est vrai
que pour remettre
en cause un
encore faut-il avoir
SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions
(société éditrice) Alexis Brézet
14, boulevard Haussmann
75009 Paris
Directeurs adjoints de la rédaction
Président Gaëtan de Capèle (Économie),
Charles Edelstenne Laurence de Charette (directeur
de la rédaction du Figaro.fr),
Anne-Sophie von Claer
Directeur général,
directeur de la publication (Style, Art de vivre, F),
Anne Huet-Wuillème (Édition,
Marc Feuillée
Photo, Révision),
OPINIONS CHAMPS LIBRES
à 14 % du PIB le soutien budgétaire
de l’activité aux États-Unis en 2021, soit
un niveau sans précédent en période
de paix. Il comporte trois grands blocs
de mesures consacrées à la lutte contre
l’épidémie et à la santé, au financement
des États et des municipalités, enfin
et surtout aux ménages sous la forme
d’un chèque de 1 400 dollars pour
chaque Américain et d’un salaire
minimum horaire porté à 15 dollars.
L’objectif est double. Sur le plan
économique, la relance vise à restaurer
le plein-emploi alors que le taux
de chômage, qui était limité à 3,5 %
de la population active fin 2019, atteint
6,3 % officiellement mais serait plus
proche de 10 %, selon Jay Powell,
le président de la Fed.
un minimum de courage et de lucidité.
La renégociation des accords
du Touquet est d’autant plus cruciale
que la question de l’immigration n’a
pas été abordée dans l’accord
du Brexit.
L’augmentation des traversées
illégales de la Manche, quatre fois plus nos capacités de lutte contre
importantes en 2020 qu’en 2019,
suffit à démontrer l’urgence absolue
de permettre aux migrants
de ne pas être retenus en France.
En les empêchant de rejoindre la
Grande-Bretagne et en les contraignant
à se concentrer à sa frontière,
c’est toute la Côte d’Opale que l’on
transforme en zone de rétention. Cette
renégociation, nous la devons à ses
habitants et aux collectivités locales qui
subissent le poids de cette migration,
« Puisque Londres a fait le choix
du Brexit, les migrants qui veulent
demander l’asile en Grande-Bretagne
doivent être accueillis en
Grande-Bretagne le temps de l’examen
de leur demande et non pas en France
mais aussi aux migrants eux-mêmes.
Face à cet enjeu crucial pour
la région mais aussi pour le pays,
le gouvernement a choisi d’adopter une
« logique Shadok ». À savoir : « Il vaut
mieux pomper d’arrache-pied, même
s’il ne se passe rien, que risquer qu’il organisera un colloque autour du Brexit
se passe quelque chose de pire
en ne pompant pas. » Démantèlements
hebdomadaires de camps qui se
reforment, arrestations journalières de à cacher jusqu’à présent.
migrants qui finiront par être relâchés * Ancien député du Pas-de-Calais.
Philippe Gélie (International), Directeur artistique
Pierre Bayle
Étienne de Montety
Rédacteur en chef
(Figaro Littéraire), Frédéric Picard (Web)
Bertrand de Saint-Vincent Directeur délégué
(Culture, Figaroscope, Télévision), du pôle news
Yves Thréard (Enquêtes, Bertrand Gié
Opérations spéciales, Sports, Éditeurs
Sciences), Robert Mergui
Anne Pican
Vincent Trémolet de Villers
(Politique, Société, Débats Opinions)
LE FIGARO lundi 22 février 2021
19
Avec la conviction qu’il faut agir vite et électoral. En troisième lieu, l’efficacité
fort pour éviter les erreurs du Japon, des aides financières directes aux
enfermé dans la stag-déflation depuis ménages est douteuse, puisque 30 %
le début des années 1990, ou de Barack seulement du montant des premiers
Obama, dont le plan de 800 milliards chèques de 1 200 dollars versés par
de dollars en 2009 se révéla insuffisant. l’Administration Trump ont été
Sur le plan politique, l’ambition est dépensés en biens de consommation,
de rendre espoir aux Américains, le reste étant épargné, affecté
de stabiliser la classe moyenne au désendettement, voire consacré
en apportant une réponse concrète à la spéculation, comme l’a montré
aux difficultés des ménages, dont 40 % l’affaire GameStop. Dès lors, le plan de
connaissent des fins de mois difficiles, relance pourrait conforter les inégalités
d’enrayer ainsi l’atomisation et la et les bulles, comme on le constate dans
polarisation de la société et de la nation l’immobilier - en hausse de 10 % - ou
qui ont fait le succès de Donald Trump. sur les marchés financiers, qui alignent
Le plan Biden suscite cependant les records.
de vives critiques au sein même Ultime argument, l’inflation pourrait
du parti des démocrates, exposées renaître. Certes, l’augmentation
publiquement par Larry Summers, des prix est contenue à 1,4 %
ancien secrétaire au Trésor de Barack et la résistance de la mondialisation
Obama. Sa démesure créerait en effet comme la révolution numérique
de sérieux risques pour l’économie exercent des pressions déflationnistes.
américaine.
La première difficulté provient
de l’ampleur du soutien budgétaire,
qui représente 3 à 5 fois le déficit
Mais l’offre de monnaie a progressé
de 75 % dans le monde développé
en 2020 quand la production a diminué
de plus de 5 %, et l’on observe
de production provoqué par l’épidémie une envolée du cours des matières
de Covid-19 et qui s’ajoute aux quelque premières, de l’énergie - notamment
3 000 milliards de dollars injectés par du pétrole - et des produits agricoles
la Fed dans le circuit économique. Ceci (hausse de 25 % des céréales et de 90 %
ne peut manquer de déboucher sur une des huiles végétales en six mois). La
surchauffe de l’activité, notamment réouverture des économies pourrait
lorsque les mesures sanitaires seront entraîner un boom et amorcer une
levées. Et ce d’autant, deuxième
problème, que la priorité est donnée
spirale inflationniste, ce qui obligerait
les banques centrales à relever leurs
à la distribution de pouvoir d’achat
et à la consommation des ménages,
taux d’intérêt au prix d’un krach
obligataire et de défauts en chaîne des
et non pas aux investissements
indispensables pour reconstruire
États et des entreprises surendettés. La
relance, par sa démesure, accoucherait
le système productif : l’éducation, alors d’une violente récession.
les infrastructures et la transition Ces critiques méritent d’autant plus
écologique. Les fonds et le capital d’être entendues que l’échec de la
politique investis dans le plan relance aux États-Unis déstabiliserait
de relance sacrifient ainsi les réformes économiquement mais aussi
fondamentales au clientélisme politiquement toutes les démocraties.
VOX
…
UNIVERSITÉS
« Les discours racialistes
et identitaires deviennent
pour être de nouveau arrêtés. Cette
fermeté dans la politique de lutte institutionnels. J’ai organisé
contre l’immigration illégale est
un vain combat tant qu’elle est à l’université Paris-Diderot
accompagnée de traités qui desservent
les intérêts de la France. une lecture du texte
Plutôt que de renforcer sans cesse
de Charb “Lettre aux
l’immigration illégale, même avec
l’argent des Britanniques, nous escrocs de l’islamophobie
devrions plutôt nous interroger
sur l’origine des difficultés qui font le jeu des racistes”,
rencontrées. L’exécutif doit faire
preuve de fermeté pour traiter
qui a dû se faire sous
des effets réels de ces accords. Il le doit
aux citoyens marqués par
protection policière »,
les problèmes migratoires. Il le doit aux
collectivités locales qui doivent pouvoir
entretien avec Isabelle
avoir les moyens de concentrer leurs
Barbéris, maître
actions sur les besoins des citoyens.
Il doit aussi la de conférences en arts
vérité aux Français
sur le coût
financier
(supérieur
de la scène, auteur
de « L’Art du politiquement
à 2 milliards
correct » (PUF, 2019)
d’euros par an
»
pour la collectivité
…
nationale) d’une
situation à laquelle
nous n’avons pas le droit de nous ITALIE
habituer par lassitude ou par lâcheté.
La vision court-termiste, ne doit
« Le technocrate
plus, ne peut plus, durer. C’est pour
cette raison que le 16 avril prochain,
Mario Draghi peut-il
la ville du Touquet-Paris-Plage devenir un vrai chef
et de ses conséquences. Ce sera de gouvernement ? »,
l’occasion de mettre en évidence
un enjeu que l’on s’est trop employé par Matteo Ghisalberti,
journaliste
FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy
9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 93290 Tremblay-en-France
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Aurore Domont
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> FOCUS
lefigaro.fr/economie LE MARCHÉ
DU BITCOIN À
1 000 MILLIARDS
NETFLIX CFE-CGC DE DOLLARS
UNE STRATÉGIE LE PRÉSIDENT DU SYNDICAT De sommet en sommet, la valeur du
PAYANTE SUR HAUSSE LE TON POUR bitcoin affole les compteurs. Diman-
che, la première des cryptomon-
LES RÉSEAUX PAGE 28 DÉFENDRE LES CADRES PAGE 25 François
Hommeril
naies a atteint un plus haut histori-
que, quelques jours après avoir
franchi le seuil des 50 000 dollars,
en dépassant les 56 500 dollars

Mobiliser l’épargne Covid,

l’unité. Résultat, la valeur de la tota-
lité des bitcoins en circulation (un
peu plus de 18,6 millions créés de-
puis 2009) a dépassé les 1 000 mil-

un défi pour la relance

liards de dollars, selon le site Coin-
marketcap.com.
Le marché est dopé par l’engoue-
ment des particuliers mais aussi,
dernièrement, par l’enthousiasme
Les Français auront mis de côté 200 milliards d’euros en plus de leurs économies affiché de grands groupes notam-
ment financiers. En octobre dernier,
habituelles en 2020 et 2021. Le gouvernement les incite à dépenser et à investir. le géant du paiement en ligne Paypal
a ainsi intégré le bitcoin à son offre.
Puis ce fut le tour, en janvier, de l’un
Privés de magasins, de restau- leur domicile. Selon la Banque de le coût de la crise sanitaire pour investissements d’avenir, à com-
des plus grands fonds d’investisse-
rants, de salles de spectacles et de France, elle devrait se gonfler de les finances publiques. Le gouver- mencer par des fonds labélisés
voyages, les Français ont réduit
ment au monde, BlackRock, suivi
70 milliards cette année, à cause nement, qui a lourdement investi « France Relance ». Le plus diffi-
l’an passé leurs dépenses de des fermetures administratives dans un plan de relance, compte cile est de les convaincre de dé- par la plus vieille banque de Wall
130 milliards d’euros. Cette man- persistantes et de l’inquiétude des sur les citoyens pour contribuer à penser une part importante de ces Street, BNY Mellon.
ne dort le plus souvent sur leur Français pour leur avenir. la reprise de l’économie. Il tente économies pour favoriser une re- Du côté de la tech et de l’industrie,
compte courant ou, en espèces, à 200 milliards d’euros, c’est aussi d’orienter leur épargne vers des prise rapide. les récentes sorties enthousiastes
d’Elon Musk, le fondateur de Tesla,
èLES FRANÇAIS PRÊTS À PRENDRE UN PETIT PEU PLUS DE RISQUES AVEC LEUR ÉPARGNE au sujet de la cryptomonnaie ont
èLES MÉNAGES DEVRAIENT REMPLIR ENCORE LEURS BAS DE LAINE CETTE ANNÉE PAGES 22 ET 23 nourri la spéculation. Le construc-
teur automobile, dont la valorisation
boursière a dépassé celle de tous
ses concurrents, a acquis pour
Un tiers 1,5 milliard de dollars de bitcoins, une
M. MAGNIN/HANS LUCAS VIA AFP, R. LAFARGUE/ABACA, J. PORZYCKI/NURPHOTO, STOCK.ADOBE.COM

cagnotte qui lui rapporte actuelle-

des agences ment davantage que sa propre acti-
vité.
de voyages Depuis le début de l’année, le prix du
bitcoin aura bondi de 89 % et quin-
menacées tuplé en un an. Ce qui fait craindre à
certains observateurs des achats
de faillite frénétiques et irrationnels… et un
retour de bâton d’une forte correc-
Les mesures sanitaires tion, voire l’explosion d’une bulle,
comme cela avait été le cas en 2017.
retardent la reprise Si le marché du bitcoin est considéré
du tourisme. Malgré par ses adeptes comme un réseau
décentralisé permettant de se pré-
le soutien de l’État, munir des actions des banques cen-
les 4 000 agences de trales, il est présenté par ces derniè-
France craignent pour res comme une monnaie privée qui,
échappant au contrôle des États,
leur avenir. Les clients présente de nombreux risques.
adoptent de nouveaux Les analystes de JPMorgan ont
néanmoins prédit que la « capitali-
modes d’achats, et sation » du bitcoin pourrait à terme
le tourisme d’affaires rejoindre celle de l’or, qu’ils évaluent
à 2 600 milliards de dollars…
est durablement A. D.
touché. PAGE 26

le PLUS du L'HISTOIRE Texas : le froid polaire

FIGARO ÉCO
Londres veut taxer l’eau européenne fait flamber les prix
BLOC-NOTES
Le temps
pour mieux défendre ses huîtres de l’électricité
des tulipes Durant toute la semaine der- cité, se dit en revanche finan-
aute de parvenir à un accord européenne eut annoncé que l’interdiction

F
nière, des millions de Texans cièrement épargné, à ce sta-
PAR JACQUES-OLIVIER MARTIN sur le difficile dossier d’exporter des huîtres, des palourdes,
PAGE 27
ont vécu une vague de froid de. « Il est très dur de faire les
de la conchyliculture, des pétoncles et des moules de certaines eaux polaire historique sans élec- comptes dès aujourd’hui, a
la Grande-Bretagne envisagerait britanniques deviendrait permanente en raison tricité. Des éoliennes et, sur- réagi Jean-Bernard Lévy, son
des mesures de rétorsion du nouveau statut du pays. Le gouvernement tout, de nombreuses centrales PDG, en fin de semaine der-
vis-à-vis de l’Union européenne. « Des de Boris Johnson n’a pas réagi à l’article du électriques ont été mises hors nière. Mais pour l’instant,
LIBRES ministres examinent des propositions Telegraph. Il a, en revanche, annoncé dimanche circuit. Comme la demande nous ne voyons pas d’effet
ÉCHANGES intitulées “Guerres de l’eau” qui pourraient son intention d’élargir le soutien financier était dans le même temps très significatif. »
Les Français voir le Royaume-Uni mettre fin à un certain apporté à l’industrie de la pêche et de élevée, les prix du mégawat- La crise texane a aussi fait des
la conchyliculture, qui s’élève actuellement theure (MWh, 1 000 kilowat- gagnants. Certains produc-
ont-ils vocation nombre d’accords de continuité conclus
theures) ont atteint des re- teurs d’électricité ont pu
avec l’UE », a affirmé samedi le quotidien à 23 millions de livres (26,6 millions d’euros).
à devenir livreurs britannique Telegraph. « Des restrictions Les critères d’admissibilité seront élargis cords : 9 000 dollars par MWh continuer à fournir des élec-
à domicile à l’importation d’eau minérale pour les entreprises, notamment celles au lieu de 40 dollars en temps trons à des prix stratosphéri-
normal. ques, comme l’américain Ves-
et en vélo? et de semences qui produisent
L’allemand RWE, dont des tra. Ce dernier a ainsi gagné
PAR JEAN-PIERRE ROBIN de pommes des mollusques
éoliennes texanes ont été mi- entre 50 et 100 millions de dol-
PAGE 27 de terre pourraient et des crustacés, et
ses hors service par le gel in- lars en quelques jours, d’après
être mises qui ont été affectées tense, a indiqué que la situa- les calculs des analystes d’UBS.
en place », poursuit par des problèmes tion pourrait amputer jusqu’à En revanche, nombre de four-
le journal, d’exportation 15 % de son profit opération- nisseurs texans locaux, qui
RÉALITÉS qui se réfère après le Brexit nel pour 2021, soit jusqu’à n’avaient pas acheté en avance
AUGMENTÉES à des sources et par une faible 500 millions d’euros. Comme assez d’électricité pour fournir
Heureux gouvernementales demande pendant il n’a pas pu fournir les élec- leurs clients, pourraient se re-
« bien placées ». la pandémie trons commandés par ses trouver sur la paille après avoir
comme Les discussions ont de Covid-19, clients, il a dû en acheter au dû se fournir aux prix records
un média public commencé plus tôt a déclaré le prix fort. EDF, qui dispose du marché à court terme. La
en temps de Covid ce mois-ci, après gouvernement. ■ aussi de capacités de produc- moitié pourrait faire faillite,
PAR ENGUÉRAND RENAULT que la Commission A. BOH tion au Texas et y exerce des craint le quotidien Houston
A

PAGE 28 activités de trading d’électri- Chronicle. G. G.

 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

22 L'ÉVÉNEMENT
Bercy veut transformer
200
milliards
En deux ans, les Français auront mis de côté 200 milliards

ANNE DE GUIGNÉ £@adeguigne

d’euros POLITIQUE ÉCONOMIQUE Fer-
Montant estimé meture des magasins, des restau-
de l’épargne rants et des salles de spectacle,
supplémentaire couvre-feu à 18 heures, difficul-
en 2020 et 2021, tés de voyager mais aussi peur de
l’avenir… Autant de raisons qui
selon la Banque
incitent les Français à brider leur
de France consommation. Depuis le début
de la crise sanitaire, ils mettent
de côté 276 euros par mois en
moyenne, selon un sondage
d’OpinionWay pour Meilleurpla-
cement.com. Dans ses premiers
calculs, la Banque de France esti-
la seule année 2020. Pendant ces
deux années, le flux d’épargne
des Français a donc doublé par
rapport à l’habitude.
Si les Français ont massive-
ment épargné, c’est que l’État a
artificiellement préservé leurs
revenus : le coût de la crise a été
volontairement réparti entre les
comptes publics, pour les deux
tiers, et les entreprises, pour un
tiers. Le niveau de vie des ména-
ges n’a, de son côté, baissé que
très faiblement. Une minorité de
familles, les plus pauvres, ont
souffert. Les autres se sont plutôt
enrichies dans la période.
mesures d’urgence et pertes de
recettes, pour les finances publi-
ques en 2020. Cela représente
aussi 8 points de produit intérieur
brut (PIB), soit près la totalité des
8,3 points perdus par l’économie
française l’année dernière.
Restaurer la confiance
Pour que l’économie reparte,
que les recettes fiscales rebon-
dissent et que l’État puisse com-
mencer doucement à se désen-
detter, il faudrait que dans les
prochains mois, en bons ci-
toyens, les ménages réinjectent
ces milliards d’euros dans les

276
euros
me que, en 2020 et 2021,
200 milliards d’euros supplé-
mentaires auront été déposés par
les ménages sur leurs comptes en
banque, dont 130 milliards pour
L’exécutif s’intéresse de près à
ce beau magot. 200 milliards
d’euros, c’est un montant astro-
nomique, peu ou prou le coût de
la crise sanitaire, réparti entre
comptes des entreprises. Et ce,
soit en consommant, soit en pla-
çant leur argent dans des pro-
duits financiers qui viendront
consolider les fonds propres des
Montant mensuel
moyen mis de côté
Les taux d'épargne ont battu des records en 2020
par les Français Taux d'épargne des ménages en %
pendant la crise France Allemagne Royaume-Uni Italie Zone euro
30 %

25 %

20 %
Je ne
taxerai pas 15 %
l’épargne
des Français. 10 %
En revanche,
je veux
les inciter
à diversifier
leurs 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
placements
BRUNO LE MAIRE
» Source : HSBC Infographie

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE,
DES FINANCES ET DE LA RELANCE,
LE 30 SEPTEMBRE 2020 SUR LCI
Les Français prêts à prendre un petit peu
plus de risques avec leur épargne
d’investir dans des fonds en unités nouveaux investisseurs sont sou-
DANIÈLE GUINOT £@danieleguinot de compte (UC), plus risqués (ac- vent de jeunes hommes (80 %
AVEC JORGE CARASSO

26,39 £@jorgecarasso ET GUILLAUME

MOLLARET £@Newsdusud
milliards En cette période atypique et anxio-
gène, les Français ont rarement
d’euros autant épargné. Ce n’est pas vrai-
ment surprenant, dans un pays où
Montant déposé
le taux d’épargne est traditionnel-
en 2020 par lement l’un des plus élevés du mon-
les Français sur leur de. Inquiets pour leur avenir, les
livret A, soit deux ménages privilégient la sécurité et
fois plus qu’en 2019 la liquidité, faisant la part belle au
livret A (0,5 % net). En 2020, ils ont
déposé 26,39 milliards d’euros sur
B2345 67 89:27; ce placement bicentenaire, ce qui
ministre de représente la deuxième meilleure
l’Économie, année de son histoire, après 2012.
des Finances « Le livret A a joué son rôle tradition-
et de la Relance. nel de valeur refuge », avance Phi-
tions…), afin d’avoir accès aux
fonds en euros. Les supports en uni-
tés de compte ont toutefois collecté
plus de 40 milliards d’euros l’an
dernier (34 % de la collecte), un re-
cord. « Le précédent record datait de
2000, en pleine bulle internet, avec
40 % de la collecte en unités de
compte », relève Philippe Crevel.
Appétit pour les fonds
au label « France Relance »
De fait, pour la première fois depuis
longtemps, une partie des épar-
gnants sont prêts à prendre un peu
plus de risques pour rémunérer leur
épargne qui ne rapporte plus guère
en raison des taux d’intérêt très bas.
L’an dernier, 400 000 Français ont
d’hommes de 35 ans en moyenne)
investissant dans des actions de
grands groupes. Contrairement aux
Américains, rompus à la Bourse, ils
investissent très peu dans des pro-
duits dérivés risqués.
Nombre d’épargnants ont égale-
ment davantage d’appétit pour
l’investissement dans les entrepri-
ses non cotées. Le fonds Bpifrance
Entreprises 1 investi dans des start-
up et PME françaises, rencontre
ainsi le succès. Depuis octobre, il a
déjà collecté près de 20 millions
d’euros - sur 95 millions disponi-
bles - auprès de particuliers.
Pour orienter l’épargne vers les
PME tricolores en mal de capitaux,
le gouvernement a lancé à l’autom-

116,9 FRANÇOIS
BOUCHON/
LE FIGARO
lippe Crevel, directeur du Cercle de
l’épargne.
Les ménages laissent aussi dor-
fait leurs premiers pas en Bourse,
amplifiant le mouvement amorcé
en 2019 avec la privatisation de La
ne le label «France Relance». Près
de 133 fonds ont déjà été estam-
pillés «Relance». Le thème parle
milliards mir sur leurs comptes courants
beaucoup de liquidités. Cette ten-
Française des jeux (FDJ), constate
l’Autorité des marchés financiers
aux épargnants. « On s’est très vite
rendu compte que le label était un
d’euros dance apparue ces dernières années (AMF). Au total plus de 1,4 million plus. La demande est là », explique
Montant déposé s’accentue (120 milliards en 2020). d’investisseurs individuels ont pas- Jérôme Larsonneur, responsable
en 2020 Seule l’assurance-vie fait pâle figu- sé des ordres de Bourse en 2020. commercial réseau du groupe
sur les contrats re, enregistrant l’an dernier une « Cette tendance se poursuit, note Groupama-Gan. « Il y a de l’appétit
décollecte record de 6,5 milliards Xavier Prin, directeur marketing pour l’investissement dans les entre-
d’assurance, d’euros. Le désamour des épar- chez Boursorama. En moyenne, nous prises non cotées », abonde-t-on
soit 6,5 milliards gnants pour ce placement est gran- enregistrons plus de deux fois plus chez AXA. « Les Français veulent
de moins qu’en 2019 dement lié à la politique commer- d’ordres de Bourse et d’ouvertures de donner du sens à leur épargne.
ciale des assureurs, qui imposent comptes titres qu’il y a un an. » Ces Soutenir l’économie locale et les en-
treprises qui souffrent répond à ce
L’ 
tiel de l’épargne nouvelle souhait », conclut Christophe Del-
dycke, président du directoire de
est laissé sur les comptes courants Turenne Capital.
Rétiti   F
 3 
  2020,  

ds  La région Occitanie proposera
(flux  s s im  ts) aux particuliers, à partir d’avril, de
soutenir les entreprises locales. En
Numéraire et dépôts à vue 88,5 s’appuyant sur une plateforme de
financement participatif (Wiseed),
!"#$%& #'$(&)&%té& 38
elle entend labelliser certains pro-
Acti1%+ %1% -1té&+ 21,5 jets portés par des PME ou ETI de
&* ",*#&+ !"#ti-0!"*01%+ son cru, en quête de capitaux. L’in-
Au*#& '!"#$%& 19,9 vestissement pourra être réalisé
TOTAL : sous forme de prêts, d’obligations
Acti1%+ -1té&+ 13,8 ou de prises de participation. La
212,3 mds €
région ambitionne d’aider les
As+,#"%-&./0& &% &,#1+ 11
entreprises à lever 20 à 30 millions
A

Au*#&+ 19,6 Source : Banque de France d’euros sur les cinq prochaines
Infographie années. ■
 LE FIGARO lundi 22 février 2021

L'ÉVÉNEMENT 23

l’« épargne Covid » en moteur de la reprise

d’euros en plus de leur épargne habituelle. Il faut les inciter à les dépenser ou à les investir plus utilement.
sociétés. Dans une interview aux
Échos, en août dernier, Bruno
Le Maire n’hésitait pas à affirmer,
avec un certain autoritarisme,
que « ces 100 milliards d’euros
d’épargne (alors la projection
d’épargne pour 2020, NDLR) doi-
vent s’ajouter aux 100 milliards
d’euros du plan de relance pour
soutenir notre économie ».
L’injonction du ministre n’a,
pour l’instant, pas suffi. « En jan-
vier, la part des ménages estimant
qu’il est opportun d’épargner
augmente très fortement, indique
le dernier indicateur de l’Insee
(27 % en 2019, 23 % seulement en
2018) ». Si les ménages épar-
gnent, c’est parce qu’ils crai-
gnent pour leur emploi et leurs
revenus, mais aussi parce qu’ils
anticipent des hausses d’impôt.
«Pour faire simple, il y a trois
leviers pour débloquer cette épar-
gne, juge Jean-Noël Barrot, dé-
puté MoDem des Yvelines et éco-
“davantage
Les Français sont
attachés à
la protection du capital
sur l’épargne elle-même en propo-
sant des placements qui irriguent
l’économie comme les produits la-
bélisés “Relance” mais aussi les
supports verts et de solidarité, très
appréciés des épargnants. »
La perte de confiance se lit
dans les placements choisis :
l’épargne supplémentaire, accu-
mulée pendant la crise sanitaire,
a été massivement orientée vers
les supports le plus liquides pos-
sible. Outre les rentrées histori-
ques du livret A, les statistiques
de la Banque de France révèlent
une explosion en 2020 de l’épar-
Carrefour, Alexandre Bompard.
L’expérience allemande d’une
baisse de la TVA ayant été peu
conclusive, l’exécutif ne souhaite
que s’engager à la marge sur cette
voie. Emmanuel Macron s’est dit
favorable au principe de chèques
spécifiques dédiés aux plus fragi-
les, dont les modalités (a priori,
un chèque alimentaire pour des
produits locaux ou bio) sont en
cours d’arbitrage à Matignon.
Mieux orienter l’épargne
La question de l’orientation de
l’épargne est de son côté prise à
bonne gouvernance (ESG). Plus
d’une centaine de fonds ont déjà
été estampillés par l’État.
Les Français répondront-ils à
l’appel ? Il est encore trop tôt
pour le dire même si les succès
très modestes des innombrables
précédentes tentatives - « as-
surance-vie DSK », « Fourgous »,
« Eurocroissance », « Perp »,
« PEA PME », « FIP », « FCPI »… -
de fléchage de l’épargne vers
l’économie productive incite plu-
tôt à la prudence. Placements de
cinq à dix ans sans garantie, les
produits « Relance » proposés

sur la confiance des ménages. Le
solde correspondant gagne onze
points. Il rejoint son niveau de dé-
cembre 2012, très proche de son
plus haut historique. » Le baro-
mètre du Cercle des épargnants,
présenté la semaine dernière,
confirme la tendance. 32 % des
sondés ont l’intention d’« épar-
gner davantage l’an prochain, un
score stable par rapport à l’an
dernier mais bien supérieur à celui
mesuré les années précédentes
”
qu’à la liquidité
FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU,
GOUVERNEUR DE LA BANQUE DE FRANCE
nomiste. D’abord, il faut bien sûr
restaurer la confiance. Ensuite, les
incitations à la consommation,
comme les primes à la conversion
de véhicules moins polluants,
fonctionnent bien. Sur ce sujet, les
chèques consommation, en cours
de discussion, pourraient égale-
ment être utiles. Enfin, il faut jouer
gne en numéraire : c’est le grand
retour des liasses de billets dans
les bas de laine et sous les mate-
las. Le gouvernement a peu de
prise pour rétablir la sérénité,
liée à l’évolution de la pandémie.
Il peut, en revanche, jouer sur
les incitations à consommer. « Il
est indispensable que le gouverne-
ment ajoute à son plan de relance
de l’offre, qui ne produira son effet
qu’à moyens terme, des mesures
de demande », réclame le PDG de
bras-le-corps par Bercy depuis
plusieurs mois. En octobre der-
nier a ainsi été créé le label « Re-
lance », dont peuvent se préva-
loir des fonds d’investissement et
des fonds investis dans des va-
leurs cotées, type OPCVM. Pour
bénéficier de ce label, ces véhi-
cules doivent être investis en
partie dans des PME ou entrepri-
se de taille intermédiaire (ETI) et
respecter un ensemble de critères
environnementaux, sociaux et de
aujourd’hui ressemblent en effet
beaucoup à leurs prédécesseurs.
Or, comme le notait le gouver-
neur de la Banque de France, « les
Français sont davantage attachés
à la protection du capital qu’à la li-
quidité ».
D’où l’idée, défendue notam-
ment par Michel Didier, prési-
dent de l’institut Rexecode,
d’avancer sur la piste de « fonds
d’investissement à capital garan-
ti » par l’État. ■

Les ménages devraient

remplir encore leurs bas
de laine cette année
FLORENTIN COLLOMP £@fcollomp
Les ménages du monde entier
ont entre leurs mains la vigueur
de la reprise économique post-
pandémie. Leur frénésie – ou
non – de consommation dans les
mois et les années à venir pour
écouler le matelas d’épargne ac-
cumulée pendant la crise déter-
minera largement le niveau de
croissance de leurs pays respec-
tifs. Dans tous les pays dévelop-
pés, les particuliers ont accumu-
lé des réserves de liquidités à
« des niveaux sans précédent »
selon la Banque centrale euro-
péenne (BCE). En Europe, le taux
d’épargne a doublé, de 12,4 %
des revenus avant la crise à
24,6 % au deuxième trimestre
2020, en plein confinement.
Selon HSBC, cela représenterait
quelque 470 milliards d’euros
supplémentaires mis de côté
dans la zone euro par rapport à
2019, soit 3,9 % du PIB. C’est
plus de la moitié du fonds de re-
lance européen de 750 milliards
d’euros.
consommation n’est pas atten-
due d’ici à la fin 2021.
« L’accumulation de ces écono-
mies a été largement entraînée
par l’annulation de dépenses de
services, tandis que le rattrapage
postpandémique devrait être limi-
té, prévoit Chris Hare, écono-
miste chez HSBC. De plus, la fai-
ble confiance des consommateurs
laisse supposer que les ménages
seront enclins à conserver des
économies plus importantes en
cas de coup dur aux lendemains
de la pandémie. » Pour autant, si
le taux d’épargne ne fait que re-
venir à des niveaux plus habi-
tuels, même si les ménages ne
dépensent pas leurs réserves de
2020, la consommation rebondi-
ra mécaniquement. Cela pourrait
représenter la moitié de la crois-
sance du PIB de la zone euro at-
tendue par la BCE de 3,9 %.
“enclins
Les ménages seront
à conserver
des économies
importantes en cas

Aux États-Unis, le pactole at-
teint 1 500 milliards de dollars, à
comparer aux 1 900 milliards de
dollars du plan de dépenses
publiques de Joe Biden. Et il
continue de grossir, pour se diri-
ger, selon des estimations de
Goldman Sachs, vers le montant
de 2 400 milliards d’ici à la mi-
2021. Outre-Atlantique, le taux
d’épargne habituel de 7,3 % des
revenus a bondi à 25,8 %. Au
Japon, il est passé de 4,4 % habi-
tuellement à 21,8 %. Au Royau-
me-Uni, les économies accumu-
lées atteignent 170 milliards
d’euros, soit 7,7 % du PIB.
Les économistes scrutent ces
bas de laine, dont on n’a pas de
mal à imaginer le potentiel s’ils
se déversaient, ne serait-ce
qu’en partie, dans l’économie.
Or là est la question : cette épar-
gne « forcée » par les restric-
tions à la consommation dues
aux confinements et autres me-
sures de distanciation sociales,
risque-t-elle de se transformer
en épargne de précaution sous le
coup de l’incertitude sur l’ave-
nir ? Selon une étude de la BCE
publiée au début de l’été dernier,
« les ménages devraient dépenser
moins durant les douze mois à ve-
nir pour des achats importants
qu’au début de 2020 malgré le
montant des économies accumu-
lées ». Celle-ci estimait donc que
”
de coup dur
CHRIS HARE, ÉCONOMISTE CHEZ HSBC
Même anticipation prudente
aux États-Unis : selon Goldman
Sachs, moins de 20 % des liqui-
dités mises de côté devraient
être écoulées pendant l’année
suivant la réouverture totale de
l’économie. Cela représenterait
tout de même un coup de fouet
de 2 % du PIB, qui s’ajouterait
aux 5 à 6 % de PIB attendus du
plan de Joe Biden. Mais l’essen-
tiel de ces liquidités pourrait
rester sur des comptes bancai-
res, plutôt que d’être consom-
mé, favorisant une reprise en
« K », où les inégalités s’ac-
croissent.
Selon Oxford Economics, les
40 % de ménages américains les
plus riches détiennent en effet la
majorité du pactole, tandis que
les 60 % de ménages les moins
favorisés ont vu leurs revenus se
réduire, frappés par les suppres-
sions d’emplois, quand le taux de
chômage est brutalement passé
de 3,5 % en février à 14,8 % en
avril, avant de redescendre à
6,7 % en décembre. Selon Gold-
man Sachs, « la majeure partie de
l’excès d’épargne détenue sur des
comptes courants par les ménages
à bas revenus sera dépensée, tan-
dis que seule une petite partie des
réserves investies dans des actifs
A

cette thésaurisation allait se non liquides par les ménages à

poursuivre. Une explosion de la haut revenus le sera ». ■
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

24 DÉCIDEURS AVEC

PROPOS RECUEILLIS PAR

ANNE BODESCOT
abodescot@lefigaro.fr

MANAGEMENT BlaBlaCar est le

leader mondial du covoiturage,

Frédéric Mazzella
avec 90 millions d’utilisateurs,
dont 18 millions de Français. L’en-
treprise, fondée en 2006 par Fré-
déric Mazzella, Nicolas Brusson et
Francis Nappez est aujourd’hui
présente dans 22 pays et emploie
700 personnes. Fin 2018, elle a ra-
cheté Ouibus à la SNCF et dispose
désormais de son propre réseau de
« Nous pensons
bus entre grandes villes.

LE FIGARO. - Comment BlaBlaCar

s’adapte-t-il au télétravail
qui s’éternise ?
Frédéric MAZZELLA. - Nous
avons essayé de conserver au
maximum les contacts humains,
l’informel. Les équipes sont en-
couragées à maintenir des rituels
comme les pauses-café, les déjeu-
ners ensemble, même à distance.
Nous incitons à multiplier les
échanges par écrit pour que tout le
monde soit au courant. Nous
avons aussi conservé en visio no-
tre BlaBlaTalk hebdomadaire :
nos 700 salariés se réunissent pour
écouter une équipe expliquer ce
sur quoi elle travaille, comment
elle avance sur un dossier…
Ce BlaBlaTalk est une institution…
Oui. J’avais eu la chance de croiser
Christophe Cremer, le fondateur
de Meilleurtaux, lorsque nous
étions seulement dix collabora-
teurs chez BlaBlaCar. Il m’avait
conseillé de réunir chaque semai-
ne toute l’entreprise. Ce qui a
donné naissance aux BlaBlaTalks,
qui tournent maintenant depuis
plus de dix ans. Christophe m’a
aussi donné deux autres conseils,
que j’ai suivis. Le premier : veiller
à ce que tout le monde accède aux
mêmes données et éviter la diffu-
sion de statistiques en temps réel.
Si tout le monde ne lit pas les mê-
mes données, alors la discussion
entre collègues porte sur ce que
l’on a vu, et non pas sur la manière
de l’améliorer. Deuxième conseil :
me rappeler que le moral du fon-
dateur détermine celui de toute la
boîte. Quels que soient les problè-
mes auxquels je devais faire face,
je devais rester optimiste et le
montrer. Pas le droit d’avoir l’air
malheureux.
Dans votre culture d’entreprise,
la convivialité (baby-foot…)
occupe une place importante.
Réussissez-vous à la garder
sur la distance ?
Un de nos six BlaBlaPrinciples est
« Fun and Serious ». Nous sommes
très sérieux dans notre travail, et
cela nous permet de le faire en
nous amusant. Nous pensons au
au bonheur
de l’équipe »
Le président de BlaBlaCar fait vivre
la culture d’entreprise
à travers six « BlaBlaPrinciples ».
bonheur de l’équipe. C’est plus
difficile en ce moment, mais nous
essayons de maintenir cet esprit.
Par exemple, d’habitude, pour
Noël, nous organisons un événe-
ment pour les enfants et une gran-
de soirée pour les collaborateurs.
Cette année, nous avons envoyé
un cadeau aux enfants et préparé
une grande animation en visio
sous forme de quiz. Nous étions en
2050, nous voyagions dans le
temps en 2018 et 2020. C’était
l’occasion de faire le point sur ce
que nous avons réalisé. Puis, nous
sommes retournés en 2050, nous
occuper de BlaBlaSpace !
Ces BlaBlaPrinciples,
d’où viennent-ils ?
Au début, nous en avions dix. En
2017, ils ont été ramenés à six,
écrits avec les salariés. Ils forment
le socle de notre culture d’entre-
CONFIDENCES
prise. Tous les collaborateurs les
connaissent, car ils sont pratiqués
au quotidien, ils se vivent. Le Bla-
BlaTalk est la manifestation d’un
des BlaBlaPrinciples : « Share
more, Learn more » (« partager
plus, apprendre plus »). N’importe
qui peut poser n’importe quelle
question à n’importe quelle per-
sonne dans l’entreprise. Ainsi, il
n’y a pas de rétention d’informa-
tion qui grippe la boîte. Un autre
des BlaBlaPrinciples - « Dream,
Decide, Deliver » - est utilisé à
chaque réunion pour préciser le
niveau attendu. « Dream », c’est
un brainstorming ; « Decide »,
une réunion pour faire des choix ;
« Le moral du fondateur et « Deliver », pour exécuter le par business unit. Le covoiturage
détermine celui plan d’action. À une réunion et les bus n’étant pas impactés de
de toute la boîte. Je n’ai « Deliver », il ne s’agit plus d’être la même façon par la crise, nous
pas le droit d’avoir l’air en mode « Dream », ce ne serait avons mis en place une organisa-
malheureux », estime pas efficace. Or, un autre des Bla- tion pour chaque activité, en dis-
Frédéric Mazzella.
BlaPrinciples est « Be lean, Go tinguant les passagers et les
BLABLACAR
far » (« être efficient, aller loin »). conducteurs. Au-dessus, le comité
exécutif compte une quinzaine de
Le confinement et le télétravail personnes, et le conseil d’admi-
incitent certaines entreprises nistration regroupe les fondateurs
à modifier leur organisation, et les investisseurs. Mais rien n’est
leur management. Et vous ? figé. « Rien n’est permanent, sauf le
Nous avons interrogé nos salariés changement », disait Héraclite.
sur leurs attentes. Mais ils ne sou-
haitent pas tous la même chose. Plusieurs ex-BlaBlaCar ont lancé
Nous avons eu un temps une orga- leur start-up. Encouragez-vous
nisation par pays. Mais, aujour- ces initiatives ?
d’hui, nous raisonnons davantage Oui et non. Oui, parce que c’est la
conséquence de l’état d’esprit en-
trepreneurial que nous cultivons,
notamment grâce aux Coding Ni-
ghts, des hackathons organisés
régulièrement : une petite équipe
travaille pendant 48 heures sur un
nouveau projet. C’est un entraîne-
QUELLE EST LA TÂCHE LA PLUS AGRÉABLE ment intellectuel, et c’est impor-
DANS VOTRE MÉTIER DE DIRIGEANT ? tant pour la motivation des équi-
pes. Non, parce que quand un
Articuler la vision de l’entreprise.
collaborateur part pour monter sa
start-up, on perd un collabora-
ET CELLE QUE VOUS AIMERIEZ ZAPPER ? teur ! Pendant le premier confine-
Beaucoup peuvent sembler pénibles mais ne le ment, par exemple, alors que le
sont pas si vous savez pourquoi vous les faites. trafic était quasiment nul, nous
avons lancé un hackathon : six
projets sont nés, dont un pour la
AVEZ-VOUS UN OBJET FÉTICHE
Croix-Rouge et un pour aider ses
SUR VOTRE BUREAU ?
voisins à faire leurs courses, l’ap-
Une petite main en porcelaine, pour me rappeler plication BlaBlaHelp.
que la « petite main », c’est moi. Un Batman :
si vous êtes coincé, que ferait Batman à votre Avez-vous des difficultés
place ? Et une petite fleur, pour la joie à recruter ?
et la nature… Toutes les sociétés du digital souf-
frent d’une pénurie de talents, et
cela fait dix ans. Nous avons be-
soin de collaborateurs qui ont déjà
travaillé dans des entreprises en
hypercroissance, dans le digital,
car ils ont l’expérience de ces mé-
tiers nouveaux. Un grand vivier,
pour nous, ce sont les 90 000
Français qui vivent dans la Silicon
Valley. Par exemple, notre CTO
(chief technical officer), Olivier
Bonnet, a travaillé douze ans chez
Apple, notamment en Californie.
En France, l’expérience manque.
Mais cela s’améliore, car il y a de
plus en plus de scale-up, comme
BlaBlacar, mais aussi Doctolib,
Back Market, Alan, Swile, Mirakl
ou encore OVHcloud.
Pratiquez-vous le covoiturage ?
Les très grands utilisateurs de Bla-
BlaCar, avec 95 % d’avis positifs,
sont des ambassadeurs. J’en suis
un depuis longtemps, en tant que
passager et conducteur. Plus de
30 % des collaborateurs ont ce
statut. C’est encore un de nos Bla-
BlaPrinciples : « Be the member ».
Chaque collaborateur covoiture
régulièrement. Nous consacrons
même une journée dans l’année, le
Carpool Day, à tester intensément
notre service en voyageant. ■
Retrouvez du lundi
au vendredi
« LE TALK DÉCIDEURS »
Aujourd’hui : Laurent Degré,
président de Cisco France
En vidéo sur lefigaro.fr/decideurs

TOP
MANAGEMENT PAR Carole Bellemare www.decideurs.lefigaro.fr
PIERRE MOUTON, PEPSICO

Christophe Bruno Charlène Anne-Sophie Sébastien Jean-Paul Sophie Natalie Catherine Étienne
Laffont Cazelles Defillon Carrier Le Mière Guichard Perrin Keast Lambard

â LES
Royer

Olivier Péchereau DÉCIDEURS de PepsiCo France

DATES Ramon Laguarta, le big boss du géant améri-
cain, impacté par la crise sanitaire, croit au
et de la London Business School, arrivé à
l’automne 2019 à la tête de l’entreprise de
Depuis 2000 chez PepsiCo, dont il a contri-
bué à la croissance et à la transformation
depuis deux ans la division boissons tout en
continuant à piloter le digital. Parmi cette
CLÉS redémarrage : il mise sur la vaccination pour
alimenter la croissance du groupe en 2021.
690 salariés. Celle-ci est considérée comme
la filiale « verte », pilote en Europe.
comme directeur financier, Christophe Laf-
font, 46 ans, ESC Pau, DECF, est depuis l’an
dream team, Jean-Paul Guichard, recruté en
1994, est le vétéran. Le proctérien et seul
2003 « Les consommateurs reviendront à certaines « En cette période de crise, loin de freiner nos dernier directeur commercial GMS et export. quinqua, qui a participé à de nombreuses
Installe Royal Canin,
tout juste racheté habitudes de pré-pandémie d’ici au second engagements, nous nous devons d’accélérer Quand Bruno Cazelles, ex-Danone arrivé en opérations de croissance et de transforma-
par Mars, en Chine. semestre », estime-t-il, même si certains pour contribuer à un système alimentaire plus 2017, est, lui, au comité de direction depuis tion, dirige la supply chain depuis 2014. Avo-
comportements devraient perdurer : inter- durable », souligne l’ex-pilier de Mars juillet, directeur commercial hors domicile. cate de formation arrivée en 1998, Sophie
2014 net, télétravail, attrait des grandes marques. convaincu de la responsabilité de la firme Visage féminin depuis 2018, Charlène Perrin coiffe de son côté comme directrice
Dirige Mars Petcare
& Food en Pologne. Comme toutes les filiales, PepsiCo France a pour favoriser l’économie circulaire. Son Defillon, qui fit ses preuves chez Unilever, corporate, juridique, communication, affai-
été bousculé. Mais « grâce à la très forte ambition : devenir dès 2022 le premier acteur s’est vu confier il y a trois ans la direction de res réglementaires, affaires Publiques et RSE,
2017 mobilisation des équipes tout au long de cette du marché des boissons rafraîchissantes sans l’épicerie salée (Benenuts, Lay’s, Doritos…) tandis que Natalie Keast, l’internationale,
Préside la filiale
Petcare & Food année spéciale, les marques de PepsiCo ont alcool à atteindre 100 % de plastique recyclé et des équipes commercialisation, tandis arrivée en 2009, a pris du galon à l’automne
France et dirige enregistré de bonnes performances en 2020 sur l’ensemble de son portefeuille. Après qu’Anne-Sophie Carrier, à l’œuvre depuis comme DRH. Quant aux finances du groupe
l’activité Petcare. dans divers circuits : GMS, CHD et e-commer- Lipton Ice Tea, ce sera bientôt à Pepsi et 7 Up 2004, dirige la nutrition, coiffant les marques de plus de 1 milliard de ventes, elles sont aux
Septembre ce », assure Olivier Péchereau, le DG de la d’emboîter le pas. Si l’objectif d’utiliser 50 % à base de fruits, légumes et céréales Tropica- mains depuis l’été de Catherine Lambard,
filiale aux 15 marques, dont Doritos, Pepsi, de matières plastiques recyclées dans les na, Quaker, Naked et Alvalle. Le déploie- vingt-cinq ans de maison. Enfin, Étienne
2019 Tropicana ou Quaker. Une parenthèse dans bouteilles a déjà été atteint avec cinq ans ment de cette division est l’une des priorités Royer, «PepsiCo boy» depuis 2008, est
Passe chez PepsiCo,
dont il prend la croissance exceptionnelle engrangée d’avance, il faut renforcer l’offensive. d’Olivier Péchereau, conscient des attentes monté il y a un an au comité de direction
la direction générale depuis vingt-cinq ans. Pas de quoi donc Sur tous les fronts, le patron de 44 ans peut des consommateurs. Quant à Sébastien comme chief of staff and transformation
A

France. ralentir l’ardeur du quadra diplômé de l’Iseg compter sur son staff de dix dirigeants. Le Mière, chez PepsiCo depuis 2009, il dirige director. Un rôle clé pour l’entreprise. C. B.

ENTREPRISES
La CFE-CGC,
la centrale des cadres
qui revendique
sa liberté de ton
Les déclarations tonitruantes de son président
reflètent la critique sociale qui monte chez les cols
blancs, sur le terrain comme en télétravail.
dre les avantages des ingénieurs et
ANNE-HÉLÈNE POMMIER des cadres. Il s’agissait alors de re-
£@ahpommier1
SYNDICAT « Monsieur Castex,
vous n’aimez pas les cadres ! »
fuser la fusion des régimes de pro-
tection sociale, de défendre des
avantages fiscaux, mais aussi de
maintenir une certaine hiérarchie
L’invective, lancée en pleine réu- salariale », explique Corinne Del-
nion, n’a pas vraiment dû sur- mas, professeur de sociologie à
prendre le premier ministre. Son l’université de Nantes. Ses adhé-
auteur, François Hommeril, en a rents, bien que salariés, se voient
fait sa marque de fabrique. Élu en alors davantage comme apparte-
2016, puis réélu en 2019, le prési- nant à la direction des entreprises,
dent de la CFE-CGC revendique et leurs relations sont parfois
une liberté de ton qu’il estime né- conflictuelles avec les ouvriers.
cessaire pour défendre les intérêts
des salariés de l’encadrement. Classe moyenne
Quitte à dérouter les observateurs en recomposition
de la sphère sociale, en allant jus- Mais les Trente Glorieuses, et
qu’à défiler aux côtés de la CGT l’avènement du secteur tertiaire
début 2020 contre la réforme des vont obliger la centrale à atténuer
retraites. Pourtant, s’il s’est ac- son discours conservateur. « À cet-
centué ces dernières années, le te époque, le nombre de cadres aug-
tournant revendicatif de la CFE- mente fortement, le statut se banalise
CGC ne date pas d’hier. Il corres- et se fragmente, précise Stéphane
pond même à l’évolution des at- Sirot, historien à l’université de
tentes des salariés qu’elle aspire à Cergy-Pontoise. Il y a les cadres su-
représenter. périeurs mais aussi des cadres
Née en 1944 de la fusion de plu- moyens qui ne se voient pas comme
sieurs groupements de défense un salariat d’élite et s’identifient de
des intérêts des cadres, la Confé- moins en moins à la direction. »
dération générale des cadres Au début des années 1980 la
(CGC) a d’abord eu un discours CGC acte son ouverture. En
plus policé. « C’est une centrale changeant de nom, la confédéra-
catégorielle qui a à cœur de défen- tion française de l’encadrement
Etablissement Public sous label National,
l’Opéra National de Bordeaux constitue, avec
ses 3 forces artistiques (106 musiciens/35
danseurs/38 choristes), ses ateliers de fabri-
cation de décors et de costumes et ses 170
agents administratifs et techniques, un pôle
de développement lyrique, symphonique
et chorégraphique.
Inscrit dans un réseau national et interna-
tional de collaborations artistiques et cultu-
relles, il développe un projet sur 2 lieux (un
théâtre classique/1000 places et un Audito-
rium/1400 places) avec environ 240 levers
de rideaux annuels.
Avec un budget global d’environ 30 millions
d’euros, l’ONB bénéficie de 2 labels « Opéra
National en Région » et « Orchestre Natio-
nal en Région », et s’inscrit dans une conven-
tion quinquennale conclue pour 2018-2022
avec la Ville de Bordeaux/le Ministère de
la Culture/la Région Nouvelle Aquitaine.
Le président de la CFE- (CFE- CGC) vise à représenter
CGC, Francois Hommeril plus largement une classe
(au centre), lors d’une
manifestation à Paris
en janvier 2020 contre
la réforme des retraites.
LAFARGUE RAPHAEL/ABACA
moyenne en pleine recomposi-
tion. « C’est plus un élargissement
qu’une remise en cause d’une par-
ticularité catégorielle », souligne
Corinne Delmas. Et c’est
d’ailleurs cette constance qui fait
encore aujourd’hui sa force.
Bien qu’annoncée plusieurs fois
en déclin (une fusion avec l’Unsa a
même été sérieusement envisa-
gée) la centrale des cadres a fina-
lement réussi à s’imposer. Et ceci
malgré la naissance de sections
dédiées aux cadres dans les grands
syndicats comme la CGT et la
CFDT. Depuis l’instauration des
nouvelles règles de représentati-
vité nationale en 2008, la centrale
se classe quatrième aux élections,
derrière la CFDT, la CGT et FO, et
devant la CFTC. Une place qu’elle
devrait sans surprise conforter
cette année.
« Nous sommes une organisation
qui progresse, ce qui est le signe
que notre corpus syndical parle bien
à la société d’aujourd’hui », se ré-
jouit François Hommeril, qui y
voit l’approbation de ses prises de
position parfois « plus cinglantes
que celles de Martinez à la CGT »,
s’amuse Stéphane Sirot. Il l’analy-
OFFRE D’EMPLOI
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA RÉGIE
PERSONNALISÉE DE L’OPÉRA NATIONAL
DE BORDEAUX (F/H)
Exercées sous l’autorité de la Présidence, ses missions
sont : Elaborer la programmation et animer un projet artistique
et culturel original et ambitieux intégrant la création contempo-
raine ; Assurer, avec l’appui de l’Administrateur Général placé sous
son autorité, le pilotage stratégique de l’institution et la direction
générale de l’Opéra National de Bordeaux, en conformité avec le
cahier des charges issus des labels, de la convention quinquennale
et des orientations définies par le Conseil d’Administration.
Ce pilotage stratégique s’articulera autour de la garantie d’une ges-
tion rigoureuse des ressources ; la prise en compte de la dimension
écologique et sociale ; la mise en œuvre d’une politique dynamique
de recherche de partenariats financiers et de mécénat ; l’inscrip-
tion dans des réseaux de coproduction nationaux et internatio-
naux ; tout en veillant à valoriser l’ensemble des forces artistiques
et techniques internes ; la mise en œuvre d’une politique d’accueil
en direction des équipes artistiques indépendantes ; la préservation
du répertoire traditionnel de l’opéra, enrichi de créations issues
de tous les domaines de la vie artistique actuelle ; la mise en œuvre
d’une politique volontariste de diversification des publics et des
actions de médiation innovantes ; l’accompagnement de jeunes
artistes ; développer un projet numérique ambitieux support du
développement des publics et des actions de transmission enri-
chissant l’offre de l’ONB et créant de nouvelles opportunités de
Date limite de réception des candidatures : 15/03/2021
Nomination : 09/2021 · Prise de fonction : 09/2022
CV détaillé et LM (avec prétention salariale) à :
candidaturedgopera@onb.fr
LE FIGARO lundi 22 février 2021
25
chômage et du projet de réforme
des retraites. « Ces prises de posi-
10,69 %
des suffrages
tion répondent à une critique socia-
le qui monte. Ces dernières années
l’encadrement a subi la transfor-
mation de l’économie et des entre-
prises avec une évolution défavora-
exprimés ble pour lui. Cela correspond à une
pour la CFE-CGC aux dernières réalité de terrain », résume Sté-
élections professionnelles, phane Sirot, pour qui la CFE-CGC
lui donnant la quatrième place est « l’une des organisations syndi-
derrière la CFDT, la CGT et FO cales mesurant le mieux les évolu-
tions du monde du travail ».
Sans être à l’origine de grands
se surtout comme la validation de mouvements sociaux, le syndicat
sa décision de quitter le clan des a œuvré pour le paritarisme, avec
réformistes, « ce bagne douillet de notamment la création du systè-
l’accommodement au néolibéralis- me de retraite complémentaire, et
me ». Pour François Hommeril, s’est engagé depuis longtemps
les cadres ont beau décliner la po- pour le partage de la valeur et de la
litique de la direction dans les en- gouvernance. Des thématiques
treprises, cela ne signifie pas qu’ils porteuses. « Nous pensons à la
sont en accord avec elle. « Nous ne CFE-CGC qu’il n’y a pas de progrès
sommes pas un syndicat d’accom- social sans individus qui s’investis-
pagnement, assure-t-il. On est li- sent personnellement dans leur
bres. Je revendique la totale liberté parcours professionnel », martèle
de critiquer toute décision du François Hommeril. Son grand
champ du travail qui nous paraît défi sera de maintenir l’investis-
funeste. » sement de ses troupes. À l’heure
du télétravail, organisation qui
Partage de la gouvernance sied particulièrement bien aux ca-
C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en di- dres, le recrutement de nouveaux
sant tout le mal qu’il pense des adhérents pourrait s’avérer plus
nouvelles règles d’assurance- complexe avec la distance. ■
liens avec les usagers du territoire et au-delà ; l’inscription de
sa programmation dans le territoire de la région Nouvelle-Aqui-
taine dans le cadre d’une politique de partenariats avec les autres
acteurs culturels de ce territoire ; l’engagement en faveur de la di-
versité dans tous ses champs d’intervention.
Compétences : Bonne connaissance des réseaux professionnels,
nationaux/internationaux, des mondes lyriques, symphonique,
chorégraphique. Expérience de la conduite de projets cultu-
rels d’envergure, ou de direction d’établissement du même type.
Compétences artistiques et vision originale du monde lyrique,
symphonique, chorégraphique, théâtral. Capacité à travailler
en milieu financier contraint. Maitrise des enjeux liés aux publics
(diversification, renouvellement, fidélisation) et à la communica-
tion. Capacité de management d’équipes pluridisciplinaires/de
projet. Expérience d’animation du dialogue social, en milieu public
; relations avec des partenaires publics, collectivités territoriales,
Etat ; dans la conduite d’opération de mécénat et de sponsoring.
Maitrise de plusieurs langues. Le cumul de fonction de direction
d’une autre structure semblable en France ou à l’étranger n’est pas
souhaitable. Résidence sur le territoire recommandée.
Un dossier limité à 30 pages (annexes incluses) devra
être remis au plus tard le 30/05/2021
Jury final : troisième semaine de 07/2021
A
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

26 ENTREPRISES

Les opérateurs télécoms vont pouvoir lancer la 5G à Paris

Un accord a été trouvé avec la mairie pour un déploiement « dans les prochaines semaines ».
Free Mobile, Orange et SFR. « Je La 5G doit notamment permet- taller des antennes 5G, qui sont avis sur la nouvelle génération de

2 Gb/s
ELSA BEMBARON £@elsabembaron
TÉLÉCOMS Après quelques ater-
Débit moiements, une convention ci-
toyenne et une nouvelle charte, la
théorique mairie de Paris dit finalement oui à
de la 5G - plus rapide la 5G. Vendredi en fin de journée,
que la fibre - la ville a annoncé avoir finalisé sa
dont bénéficieront nouvelle charte sur la téléphonie
les premiers abonnés mobile, préalable au lancement de
parisiens la nouvelle technologie. Cette
« nouvelle charte parisienne de la
téléphonie mobile sera soumise au
Conseil de Paris du mois de mars »,
a annoncé la ville.
Le texte a été signé par les quatre
opérateurs : Bouygues Telecom,
me réjouis de cet accord au nom des
opérateurs membres de la Fédéra-
tion française des télécoms (Bou-
ygues Telecom, Orange et SFR,
NDLR), a réagi Nicolas Guérin,
président de la FTTelecoms. Paris
sans la 5G, c’était un peu l’imaginer
sans la tour Eiffel. » Le président de
la fédération rappelle que la capi-
tale accueillera les Jeux olympi-
ques dans trois ans et « sera donc
bien à cette occasion la vitrine pla-
nétaire des nouveaux usages rendus
possibles grâce à la 5G ». La 5G fait
partie des obligations que doit te-
nir la ville vis-à-vis du Comité
olympique.
tre de désengorger les réseaux 4G
de la capitale qui, comme le péri-
phérique parisien, ont tendance à
bouchonner aux heures de pointe
ou aux carrefours les plus fréquen-
tés. Les premiers abonnés à la 5G
devraient bénéficier de débits très
élevés, jusqu’à 2 Gb/s, soit encore
plus rapide que la fibre optique. En
pratique, les débits seront infé-
rieurs à ces niveaux.
Les Verts mécontents
Les opérateurs se sont tous dits
prêts à déployer la 5G dans Paris.
Ils ont déjà effectué des tests dans
la capitale et ont commencé à ins-
généralement venues s’ajouter à
d’autres sur des sites accueillant
les antennes 2G/3G/4G. Concrète-
ment, il ne leur manquait que le
feu vert de la mairie de Paris pour
pouvoir appuyer sur le bouton.
Cela sera fait « dans les prochaines
semaines », probablement avant la
fin du mois de mars. Paris rejoin-
dra ainsi Strasbourg, Lyon ou Bor-
deaux, des villes elles aussi réti-
centes à cette technologie mais qui
ont fini par s’y ranger.
La ville de Paris avait lancé une
concertation citoyenne, avec la
métropole du grand Paris, réunis-
sant 85 citoyens qui ont donné leur
téléphonie mobile. Cette consulta-
tion avait été lancée à la demande
des Verts, qui s’inquiétaient des
éventuelles conséquences de cette
nouvelle technologie sur l’envi-
ronnement et sur la santé.
Ces derniers sont surpris de
l’accord signé avec les opérateurs.
« Sans même attendre la fin de la
consultation citoyenne, on apprend
que cette charte est signée »,
s’étonne Fatoumana Koné, prési-
dente du groupe écologiste au
conseil municipal. « Rien ne justi-
fiait d’aller aussi vite », ajoute Da-
vid Belliard, adjoint en charge des
transports. ■

Menace sur les agences de voyages

Faute de reprise du marché, un tiers
d’entre elles pourraient disparaître,
malgré le soutien apporté par l’État.
MATHILDE VISSEYRIAS
£@MVisseyrias
TOURISME Aucune contrainte
administrative n’oblige les 4 000
agences de voyages de France à
baisser le rideau. Mais il en fau-
drait plus pour attirer le chaland.
« Les professionnels ont le moral au
plus bas, témoigne Jean-Pierre
Mas, président des Entreprises du
voyage. Les points de vente sont
quasiment tous ouverts, mais pas
tous les jours et avec des horaires
réduits. Ils gèrent encore des annu-
lations et les relations avec les com-
pagnies aériennes. En revanche, il
n’y a quasiment pas de nouvelles
réservations. »
L’absence de visibilité renforce
l’angoisse des professionnels. De-
puis bientôt un an, les agences de
voyages ne survivent qu’avec
l’aide de l’État. Le secteur comp-
tait sur le vaccin pour un redécol-
lage en 2021. Las. La fermeture des
frontières aux pays extérieurs à
l’Union européenne l’a replongé
dans le noir. De mi-mars à fin dé-
cembre 2020, le secteur a perdu
80 % d’activité. Cette année, c’est
encore la dégringolade : - 95 %
depuis février.
Comme les restaurateurs, les
agences de voyages sont souvent
des TPE : plus de 80 % d’entre el-
les ont moins de 10 salariés. Com-
me les restaurateurs, elles bénéfi-
cient des aides du plan tourisme
(chômage partiel, fonds de solida-
rité…). Mais on les entend beau-
coup moins se plaindre. « La si-
tuation est catastrophique, insiste
Jean-Pierre Mas. Mais notre dis-
cours est plus nuancé. Comme les
restaurateurs, nous appelons l’État
à l’aide. Mais nous devons conser-
ver la confiance de nos clients et ne
pas les inquiéter sur la santé du
secteur. »
Pour l’instant, le secteur résiste.
Grâce au soutien de l’État et à
1,3 milliard d’euros d’à-valoir, va-
lables dix-huit mois pour les voya-
ges annulés à cause du Covid entre
mars et septembre dernier. « L’an
passé, il y a eu moins de dépôts de bi-
lan que d’habitude : quelques dizai-
nes, assure Jean-Pierre Mas. Quel-
ques petits entrepreneurs ont aussi
décidé d’arrêter. » Chez Selectour
(1 240 agences), seuls 60 points de
vente ont fermé, des départs à la re-
traite surtout, selon son président
Laurent Abitbol, également fonda- Une agence Tui Voyage, les centres de réservations de voya- Pour tenir, les professionnels dent aussi une prise en charge à
teur Marietton (Havas Voyages, Au- fermée pour cause de ges d’affaires, reconnaît Laurent demandent plus d’aides, plus 100 % du chômage partiel jus-
chan Voyages…). crise sanitaire, à Vienne Abitbol. Il y en a 115. Nous pour- longtemps. « Il nous faut de la visi- qu’en juin, comme pour les entre-
Depuis le début de la crise, le (Isère), en septembre rions les réduire à 86. » Le réseau a bilité sur les aides, connaître leur prises fermées administrative-
secteur (33 000 salariés) perd des dernier. De mi-mars accusé près de 70 % de perte d’ac- durée et leurs modalités, déclare ment. « Même si notre secteur
à fin décembre 2020,
emplois et des compétences. L’an tivité en 2020, et autant depuis Jean-François Rial, président de n’est pas fermé administrative-
le secteur a perdu 80 %
passé, Kuoni, Misterfly et TUI ont d’activité. Cette année, janvier. Voyageurs du monde et vice-pré- ment, il est quasiment fermé géo-
lancé des PSE. Il y en aura d’autres c’est encore sident du Seto. Un certain nombre politiquement », affirme Jean-
cette année. Malgré l’envie de la dégringolade : « Un secteur fermé d’agences physiques ou en ligne, fi- François Rial.
voyager, l’avenir s’annonce com- - 95 % depuis février. géopolitiquement » nancent leurs exploitations avec la Cela permettra de minimiser la
pliqué. « En un an, le consomma- ROMAIN DOUCELIN / SIPA Laurent Abitbol veut rester opti- dette des PGE. Au bout d’un mo- casse. « On peut redouter que 20 %
teur a pris des habitudes d’achat miste : « L’activité va reprendre ment, il n’y aura plus d’argent. » des agences de voyages ferment, se
sur internet, qui vont durer, estime comme avant. Les gens sont sur les Mi-février, les Entreprises du désole Jean-Pierre Mas. Cela va
René-Marc Chikli, président du starting-blocks pour voyager. C’est voyage, le Seto et Selectour, ont dépendre de la durée de la crise ».
Seto, le syndicat des tour-opéra- une question de temps. Le gouver- écrit à Jean Castex afin d’obtenir Jean-François Rial, lui, estime
teurs. La reprise sera difficile, nement dit que tout le monde sera une indemnisation à hauteur de qu’un tiers des entreprises (des
même pour les fonds de commerce vacciné en octobre. Nous misons sur 70 % des coûts fixes des entrepri- agences de voyages physiques et
bien placés. » novembre pour la reprise en masse ses, quel que soit leur chiffre d’af- en ligne) risquent de disparaître.
Autre sujet d’inquiétude : les des voyages. » Il insiste aussi sur la faires mensuel (en supprimant le « Cela ne se fera pas tout de suite,
voyages d’affaires devraient du- sécurité qu’apporte une agence plancher d’un million d’euros), et précise le dirigeant. Quand les
rablement rester sous leur niveau par rapport à internet, en particu- dans la limite de 10 millions aides vont s’arrêter et qu’il faudra
d’avant la crise sanitaire. « Chez lier pour l’éventuel rembourse- d’euros (au lieu du plafond actuel rembourser les PGE, elles ne tien-
Havas Voyages, nous réorganisons ment d’un voyage annulé. de 3 millions d’euros). Ils deman- dront plus. » ■

Araku invente le café vendu en circuit court
Une coopérative de fermiers indiens a lancé sa propre marque, supprimant les dizaines
d’intermédiaires habituellement présents entre le caféier et la tasse.
IVAN LETESSIER£@IvanLetessier
AGROALIMENTAIRE Vendre du
café en circuit court, en direct, du
producteur au consommateur,
c’est le défi insensé qu’est en train
de réussir une coopérative de fer-
miers indiens. En misant sur le
haut de gamme et en développant
leur propre marque, ils sont par-
venus à contourner les contrain-
Près de 10 500 familles tes du marché mondial.
cultivent le café bio L’histoire commence au début
et solidaire Araku, des années 2000. Manoj Kumar, le
dans l’État de l’Andhra patron de la Naandi Foundation,
Pradesh, dans l’est relance la culture de café dans la
de l’Inde. ARAKU
vallée d’Araku (État de l’Andra
Pradesh, dans l’est de l’Inde), où
vivent 25 000 fermiers répartis
dans 500 villages. Les atouts sont
A
lisé. Afin de permettre aux fer-
miers de vendre leur arabica à un
prix décent, Manoj Kumar les for-
me à la culture en biodynamie.
L’essentiel du café est d’abord
vendu à des torréfacteurs partout
dans le monde. Puis la coopérative
décide, en 2015, de lancer sa pro-
pre marque, baptisée Araku. Elle
commence par le marché français
et la vente sur internet, avant
d’ouvrir une boutique à Paris en
janvier 2017. « Avec la vente direc-
te, nous avons supprimé les vingt-
huit intermédiaires traditionnelle-
ment présents entre la production et
la tasse, souligne Marie Stoclet
Bardon, une ancienne de la Maison
du chocolat et de Fauchon, recru-
tée par la coopérative pour
concrétiser leur ambition. C’est
Trois millions de caféiers sont
désormais plantés dans la vallée,
produisant 40 tonnes chaque an-
née, dont 30 vendues sous la mar-
que Araku en France et en Inde.
10 500 familles, chacune proprié-
taire d’une parcelle de moins d’un
hectare, travaillent le café. 20 %
ne font même que cela.
2,5 fois le cours mondial
« On leur paie le café 2,5 fois le
cours mondial, et le revenu des fer-
miers a été multiplié par dix depuis
le début du projet, assure Marie
Stoclet-Bardon. En 2000, les jeu-
nes quittaient la vallée pour s’ins-
taller dans les bidonvilles. Désor-
mais, ils partent étudier et revien-
nent dans la vallée, pas forcément
pour la culture du café. »
taillé, Araku surfe sur la mode des
cafés de spécialité à extraction
douce, qui séduit les blasés de
l’expresso. La vente en direct (sur
internet et dans la boutique pari-
sienne) ne suffit toutefois pas à
écouler la production de la mar-
que. Araku est aussi vendu dans
un réseau d’épiceries fines et de
magasins spécialisés : Grande Épi-
cerie de Paris, Galeries Lafayette,
Du bruit dans la cuisine, Little Ex-
tra, Botanic, Naturalia et Zodio.
Araku cible d’autres réseaux de
magasins bio et Monoprix. « Nous
proposons des prix équivalents aux
cafés haut de gamme vendus dans
la grande distribution », précise la
patronne d’Araku France.
S’inspirant de sa réussite fran-
çaise, Araku a prévu d’ouvrir un
EN BREF
CASINO COUPE EN DEUX
SA FILIALE AU BRÉSIL
£ Le groupe procédera en mars
au spin-off de sa filiale à 41,3 %
GPA. Celle-ci distribuera
à ses actionnaires, sous forme
de dividende exceptionnel,
les actions de l’enseigne Assai,
dédiée à la vente en gros,
un format à succès dans le pays.
Le groupe souhaite ainsi doper
la valeur totale de ses actifs.
GALERIES LAFAYETTE :
RETOUR EN 2024
AU NIVEAU DE 2019
£ Nicolas Houzé, le directeur
général des Galeries Lafayette,
groupe détenu par onze
membres de sa famille répartis
sur trois générations, espère
« revenir en 2024 au niveau de
2019 ». ll a perdu en 2020 près
de la moitié de son chiffre
d’affaires, et souffre encore de

là (terre riche en fer, climat d’alti- mieux que le label “Fair Trade”, car Pour s’imposer dans un univers café à Bangalore et un autre à la fermeture de grands magasins
tude), mais l’écosystème est fragi- il n’y a plus aucun intermédiaire. » du café haut de gamme très ba- Mumbai. ■ réalisant 70 % de son activité.
 LE FIGARO lundi 22 février 2021

CHRONIQUES 27

Les Français ont-ils vocation à devenir

BLOC NOTES
JACQUES-OLIVIER MARTIN £ @jocjom livreurs à domicile et en vélo ?
Les statistiques mirobolantes d’autoentrepreneurs sont un leurre total.
Le temps des tulipes

On attendait Paris ou Franc-
fort, mais c’est Amsterdam qui
a raflé à Londres la place de
premier marché européen pour
le trading des actions. Une bel-
le surprise qui n’a pas manqué
de nous replonger dans l’his-
toire des places financières, en
1602 précisément, lorsque la
ville dont Brel chantait le port
donna naissance à la première
Bourse d’actions. À l’époque, il
s’agissait de financer la Com-
pagnie néerlandaise des Indes
orientales, qui allait devenir la
plus grande entreprise du
monde. À faire pâlir de jalousie
nos Gafa, tant elle a révolu-
tionné le XVIIe siècle.
Détenue par de nombreux pe-
tits actionnaires, la Compagnie
néerlandaise des Indes avait un
capital, une comptabilité, dis-
tribuait des dividendes, et ses
actions étaient échangeables
dans un bâtiment dédié, la fa-
meuse Bourse d’Amsterdam.
Révolution comptable et finan-
cière, mais pas seulement. Pour
assurer un service commercial
efficace sur des mers souvent
hostiles et des comptoirs isolés,
la multinationale disposait aus-
si d’une flotte de guerre en plus
de centaines de bateaux de
commerce, de sa police et ren-
dait la justice dans les ports
dans lesquels elle s’était éta-
blie. Elle finit même par battre
monnaie. Son Libra s’appelait
Voc (acronyme en néerlandais
de Compagnie néerlandaise des
Indes orientales) et circulait
largement en Indonésie, en
Malaisie et ailleurs dans la ré-
gion. En quelques décennies, la
compagnie néerlandaise est
devenue une multinationale
plus puissante que de nom-
breux pays.
Ainsi, la Bourse batave est à
l’origine d’un Amazon des
temps anciens qui a enrichi ses
dirigeants, ses actionnaires, les
les historiens sur sa réalité,
mais dont la légende qui tra-
verse les siècles illustre par-
faitement les folies financières
irrationnelles. Cette bulle a
mystérieusement explosé en
février 1637, après plusieurs
années d’intenses spéculations
sur le marché à terme (les
oignons achetés n’étaient li-
vrables qu’après la floraison).
Les tulipes avaient fini par
grimper au ciel : un bulbe rare
pouvait se vendre plus cher
qu’une maison. C’était juste
avant la chute vertigineuse. En
une semaine, faute d’ache-
teurs, les prix ont été divisés
par cent, plongeant de nom-
breux spéculateurs en faillite.
Près de quatre siècles plus tard,
le temps de la tulipomania
semble bien loin. Celui des spé-
culations, en revanche, n’a ja-
mais disparu. Que vaudra le
bitcoin dans quelques semai-
nes, lorsque les tulipes multi-
colores de nos jardins fleu-
riront pour nous annoncer
l’arrivée du printemps ?
L’ARME ANTICRISE
DES INDUSTRIELS
C’est l’un des paradoxes de
cette crise comparable à nulle
autre. On pensait les entrepri-
ses recroquevillées en atten-
dant des jours meilleurs (cer-
taines le sont, bien entendu)
mais, du côté des industriels,
c’est une tout autre partition
qui se joue depuis des mois.
Rien ne ressemble au choc fi-
nancier de 2008, lorsqu’une
grande vague menaçait de
tout emporter et de faire dis-
paraître des entreprises pri-
vées de liquidités. Pressés par
leurs clients, par une épidé-
mie qui modifie la façon de
produire et de commercer, ils
s’activent.
« L’année se résume par de l’in-
novation et de l’adaptation de
I
l ne faut pas mélanger les tor-
chons avec les serviettes, dit-
on communément. L’adage
venu du fin fond du XIXe siè-
cle, opposant les torchons des
domestiques aux serviettes des
bourgeois, serait-il politiquement
incorrect pour l’Insee ? « Un nou-
veau record de créations d’entrepri-
ses en 2020 malgré la crise sanitai-
re », titre allègrement l’Institut de
la statistique, mélangeant sans ver-
gogne trois types d’entités aussi
disparates que le sont le vautour, le
moineau et le moustique dans la
gent ailée. Quoi de commun en effet
entre les « sociétés » (par actions ou
SARL), les « entreprises individuel-
les » (dont la person-
nalité morale s’identifie à la per-
sonnalité physique du créateur) et
les « microentreprises », nouvelle
appellation depuis 2014 des « auto-
entrepreneurs », au régime admi-
nistratif ultra-simplifié et très
contraignant à la fois ?
L’exercice 2020 aura été une an-
née de « dépression créatrice »,
pour parodier la « destruction créa-
trice » de Schumpeter, l’économiste
à la mode, avec un record histori-
que de 848 200 créations, 32 900 de
plus que l’année précédente. Des
commentateurs zélés ont salué la
« fièvre entrepreneuriale » des
Français. Il se pourrait malheureu-
sement que la vérité fût plus triste,
comme le montre le décompte que
l’Insee lui-même fait dans son
bilan.
Alors que les créations de « so-
ciétés » (des boulangeries aux start-
up) ont vu leur nombre baisser de
0,2 % (à 218 100), la statistique des
« entreprises individuelles classi-
ques » s’est effondrée de 13,3 % (à
82 200). Les seuls à pulluler ont été
les autoentrepreneurs : l’Insee dé-
nombre 547 900 nouveaux arri-
vants, en augmentation de 9,1 %
sur 2019. Beaucoup d’ouvertures de
négoces sur internet, et la palme
revient aux activités de « transport
et entreposage », qui ont fait un
bond de 36,9 %, à 101 100. Ce terme
l’occasion.
Tout a été dit sur les sans-papiers
roulant en Vélib’ pour livrer des
plats aux clients de Deliveroo et
d’Uber Eats, sur les migrants sous-
louant en toute illégalité des comp-
tes d’autoentrepreneurs, moyen-
nant commission. Il n’y a pas de sot
métier, il n’y a que de sottes gens
qui les stigmatiseraient. Pour se
convaincre de l’utilité de ces mé-
tiers, il convient de lire l’histoire de
Sébastien Soules, chanteur d’opéra
LIBRES pendant vingt ans en Autriche. Il a
dû fuir Vienne, la capitale mondiale
ÉCHANGES de la musique (classique) devenue
JEAN-PIERRE ROBIN muette pour cause de Covid au
printemps 2020, et rejoindre Blois,
la ville de son adolescence, où il
s’est reconverti en livreur à vélo.
« Je suis un naufragé du Covid. C’est
un tsunami, je ne suis plus rien », a-
t-il confié à notre confrère La Nou-
velle République.
À 48 ans, une année sabbatique
forcée casse la carrière d’un chan-
teur, ruine son capital social et rend
aléatoires les perspectives de re-
conversion. Loin d’être anecdoti-
que, l’expérience de ce baryton, qui
se targue d’être monté trois mille
fois sur scène pour chanter Mozart
et Bizet, est emblématique des défis
que vivent actuellement en France
des centaines de milliers de gens
laissés sur le carreau.
Précarité subie
Bien plus qu’un signe de dynamis-
me, la paradoxale effervescence des
créations de microentreprises, au
creux d’une récession d’une gravité
inouïe, est la marque de la dureté
des temps et d’une précarité subie.
L’ultime recours pour celles et ceux
« prétendument
L’erreur commise sur la signification
roborative
des créations d’entreprises ne prêterait
pas à mal si elle n’occultait pas
les vrais problèmes de reconversion » son à vélo, faut-il espérer. ■
qui, dans le domaine artistique, par
exemple, ne sauraient se prévaloir
des droits des intermittents du
spectacle ou du statut en béton du
corps de ballet de l’Opéra de Paris.
L’autoentrepreneur en est réduit à
prendre sur sa propre personne
tous les risques, commerciaux et
sociaux, à l’image du livreur de De-
liveroo qui porte sa caisse de livrai-
son sur le dos, comme la tortue et
l’escargot habitent leur carapace.
L’erreur commise sur la signifi-
cation prétendument roborative de
créations d’entreprises à la fragili-
té de fétus serait anodine si elle
n’occultait les vrais problèmes.
Traditionnellement, en France, le
chômage de masse frappe les per-
sonnes peu qualifiées, épargnant les
autres. Or, cette polarisation en
deux du marché du travail va laisser
place à une segmentation en quatre,
comme le souligne Patrick Artus, le
chef économiste de Natixis : il ne
suffira pas d’avoir des compétences
satisfaisantes, encore faudra-t-il
appartenir à des secteurs porteurs
et qui ne soient pas durablement
fragilisés par la crise (automobile,
aéronautique, transport aérien,
distribution traditionnelle, culture,
immobilier de bureau, tourisme).
D’ores et déjà, les offres d’emploi
des cadres ont chuté de 29 % en
2020, selon l’Apec (Association
pour l’emploi des cadres).
Autre méprise dont on risque
d’être dupe, la stabilisation des
chiffres du chômage observée en
2020 a été la conséquence mécani-
que des aides à l’« activité partiel-
le » et en même temps du retrait du
marché du travail de personnes dé-
couragées par le manque de débou-
chés. Or, ces deux phénomènes
sont amenés à s’effacer lorsque
l’économie finira bien par repartir,
avec, hélas, en parallèle une re-
montée des chiffres du chômage.
Des cohortes entières de salariés
vont être sommées de se reconver-
tir, et pas seulement dans la livrai-

Provinces-Unies et même tous les instants », déclarait au générique regroupe principalement

l’Europe. Une des premières
pages du capitalisme s’est écri-
te à Amsterdam. La suite s’est
largement déroulée sur les
bords de la Tamise. Le Brexit
va-t-il rebattre les cartes ?
BITCOINMANIA…
Ce n’est pas le seul fait d’armes
financier du siècle d’or des
Pays-Bas. Quelques décennies
après la création de la célèbre
Bourse d’Amsterdam, les Pro-
vinces-Unies se sont distin-
guées avec l’explosion de la
première bulle spéculative des
temps modernes : le krach des
tulipes. Une affaire qui divise
Figaro Jean-Pascal Tricoire.
Même son de cloche chez Ar-
kema, Air liquide, Legrand…
C’est la course pour accélérer la
numérisation, répondre au défi
climatique. Il est étrange
d’écouter les chefs d’entreprise
plongés dans cette urgence,
certains que seuls ceux capa-
bles d’accélérer échapperont à
la tourmente. Et le meilleur est
peut-être à venir, à écouter
Benoît Potier, le patron d’Air
Liquide : « Avec les mesures en
matière de relance, un plan
Marshall mondial est en train de
se déployer. C’est une opportu-
nité de rebâtir l’avenir. » ■
les « services de livraison à domici-
le », qui ont explosé.
Or ce n’est pas « malgré », mais
« à cause de la crise sanitaire » que
ces microentreprises ont fait florès.
Les thuriféraires de l’économie de
marché y verront l’heureuse ren-
contre entre les besoins des
FRANCK BESSIERE/HANS LUCAS
consommateurs et la satisfaction
d’une main-d’œuvre en mal d’em-
ploi. Côté demande, les Français se
sont comportés comme des pachas
impotents assignés à résidence et se
faisant servir à domicile. Côté offre,
même plus besoin de « traverser la
rue pour trouver un emploi », le job
est désormais dans la rue et les
« gens qui ne sont rien » (autre for- La palme des microentreprises revient aux activités de « transport et entreposage » : ce terme
mule choc fameuse) ont sauté sur générique regroupe principalement les « services de livraison à domicile », dont le nombre a explosé.

LIVRES IDÉES Keren Lentschner £@Klentschner

La tech, meilleur allié du patient

La tech est diabolisée pour ses ex-
cès, accusée de déshumaniser les
relations et de menacer le respect
de la vie privée… Signe de cette
méfiance : la désaffection subie par
certains Gafam. Après trente ans
dans l’industrie de la santé (chez
Sanofi et GE Healthcare), Pascale
Witz veut réconcilier l’individu et
la technologie, « meilleur ami du
patient ». Au-delà de la data et de
l’intelligence artificielle (IA), la
que renforcer ce constat. C’est sur
un écran d’ordinateur que Stépha-
ne Bancel et l’équipe de la biotech
Moderna ont mis au point, en
48 heures, leur vaccin contre le
COLLECTION PARTICULIÈRE
Covid-19 ; depuis un an, l’explo-
sion de la télémédecine a permis de
remédier aux difficultés de dépla-
cements des patients.
Repérer des signaux faibles
Au-delà de la pandémie, la période
actuelle est propice à cette révolu-
tion. La progression des maladies
chroniques et l’allongement de
l’espérance de vie représentent
autant de défis posés à des systè-
faire des économies à l’hôpital.
L’auteur raconte le cas de Frese-
nius Medical Care, qui propose un
système de dialyse à domicile grâce
à une machine de taille réduite et à
un logiciel de suivi. À l’origine, en
2016, de la création de Onduo,
coentreprise entre Sanofi et Verily,
la division santé de Google, Pascal
Witz a contribué à la mise au point
d’un patch permettant un suivi en
continu du patient diabétique. De
des sous-groupes de patients aux
caractéristiques communes ; pour
gagner du temps lors des essais cli-
niques, en facilitant notamment le
recrutement et le suivi des pa-
tients ; pour s’assurer de l’efficaci-
té d’un traitement dans le quoti-
dien du malade, en collectant et en
analysant des données de vie
réelle.
Dans ce monde idéal décrit par
Pascale Witz, la tech permet au

tech englobe, selon cet ingénieur,
puissance de calcul, miniaturisa-
tion, connectivité…
L’auteur est convaincu que la
technologie représente une révo-
lution, comme le furent l’avène-
ment des antibiotiques et celui des
anticorps monoclonaux dans la
lutte contre le cancer. Un moyen
pour mettre l’innovation au servi-
mes de soins sous pression. La mé-
decine va bien au-delà du médica-
ment. « Elle incorpore toute la durée
de la prise en charge d’un patient »,
selon Pascale Witz, de la détection
de la maladie, via des outils d’ima-
gerie de plus en plus intelligents,
au suivi du patient, facilité par la
PASCALE WITZ télésurveillance. En permettant
l’hospitalisation en ambulatoire, la
LA TECH VA HUMANISER LA SANTÉ
plus en plus d’outils « embar-
qués » sur le patient, combinés à
de l’IA, permettent de repérer des
signaux faibles afin de prévenir les
maladies. Mais il en existe encore
trop peu qui sont remboursés par
les systèmes de soins.
Laboratoires pharmaceutiques,
biotechs, medtechs intègrent dé-
sormais le digital et la data à tous
médecin de dégager plus de temps
avec le patient. Ce dernier peut
« reprendre le contrôle sur sa mala-
die », à condition de ne pas être
débordé par le flux d’informations
et de préserver la confidentialité et
la propriété des données. Pascale
Witz propose de s’inspirer du
statut des droits d’auteur « afin
que la propriété des données de
A

ce des patients et des profession- technologie contribue à améliorer les niveaux de la chaîne : pour ac- santé devienne demain un droit ina-
nels de santé. La pandémie n’a fait Édtions Débats publics, 230 pages, 18€ la qualité de vie du patient et à faire célérer la recherche, en identifiant liénable ». ■
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

28 MÉDIAS et PUBLICITÉ
Netflix
ou la stratégie
du bon copain
sur les réseaux
sociaux
En France, la plateforme joue
sur l’humour et la proximité
avec ses 15 millions de fans.
CAROLINE SALLÉ £@carolinesalle
STREAMING Netflix a rejoint
l’Olympe mondialisé du divertisse-
ment. Le géant du streaming vidéo
accumule aujourd’hui plus de
200 millions d’abonnés. Il est adulé
à Wall Street. Et il a même convain-
cu un ancien président des États-
Unis, Barack Obama, de travailler
pour lui. Mais la puissante multina-
tionale, valorisée près de 250 mil-
liards de dollars en Bourse, sait uti-
lement desserrer la cravate
lorsqu’elle communique avec son
public.
Sur les réseaux sociaux, Netflix a
d’ailleurs fait de la décontraction sa
marque de fabrique. En septem-
bre 2014, lorsque la plateforme dé-
barque en France, son premier ga-
zouillis sur Twitter brise
immédiatement la glace : « Alors, on
se tutoie ? » La conversation s’enga-
ge de manière très directe avec les
internautes. Rare pour une marque.
La matière, l’entertainment, et la
cible, les ados et les jeunes adultes,
s’y prêtent. « C’est évidemment plus
facile que lorsque l’on s’appelle GDF-
Suez », sourit un cadre dans une
grande agence médias. N’empêche.
Toutes les entreprises du « nouveau
monde » ne s’y risquent pas. En té-
moigne le cas d’Apple, pourtant
considéré comme un must du cool
et bien ancré dans le quotidien des
consommateurs.
Le tutoiement instaure un rapport
de proximité, une connivence. Chez
Netflix, il n’est pourtant qu’un élé-
ment d’une stratégie de communi-
cation bien plus vaste. « Notre prio-
rité, c’est d’informer nos audiences
sur l’actualité du service et les titres
qui sortent. On doit être une vraie
force de recommandation », insis-
tent Stéphane Espasa-Tudo (ex-Pu-
blicis, Fred & Farid) et Chérine
Malki (ex-Publicis), intégrés depuis
trois ans à l’équipe réseaux sociaux
de la plateforme, « mais on discute
de nos contenus comme si on était à la
machine à café avec un collègue. On
essaye d’incarner au quotidien cet
ami qui, en soirée, va vous recom-
mander une série ou un film ».
En somme, le géant du streaming
endosse le rôle du « bon copain ».
D’abord, il ne parle pas uniquement
de lui. Il se met aussi régulièrement
dans la posture de celui qui écoute.
Netflix organise des sondages. Lan-
ce des débats : « Est-ce que c’est si
grave de spoiler ? » Et demande au
public son avis à propos des conte-
nus qu’il aimerait voir arriver sur la
plateforme. C’est ainsi que l’inté-
grale de H, série culte des années
2000, avec Jamel Debbouze, Éric et
Ramzy, a débarqué récemment sur
la plateforme. « Les abonnés jubilent
car ils constatent qu’ils ont aussi une
influence », fait-on observer chez
Netflix.
Créer des ambassadeurs
La firme californienne a parfaite-
ment saisi l’intérêt qu’il y avait à les
transformer en « ambassadeurs ».
Sur les réseaux sociaux, elle n’hésite
pas à leur répondre lorsqu’elle est
interpellée. Elle partage les anecdo-
tes, les bonnes blagues, les recom-
mandations de ses fans, « y compris
Preuve qu’elle a réussi lorsque ces derniers n’ont qu’une poi-
à s’imposer dans gnée de followers », insiste Stéphane
la conversation des Espasa-Tudo. Un retweet de Net-
Français, la plateforme flix, auprès de millions de fans, c’est
Netflix a été élue un énorme coup de projecteur. Ce
marque la plus citée
système est gagnant-gagnant. Les
en 2020 sur le web
et les réseaux sociaux, abonnés sont gratifiés. Et, en les
devant Google, Amazon, motivant à promouvoir ses conte-
Nintendo et Disney, nus, Netflix amplifie sa propre in-
selon Digimind. fluence. « Les retweets de commen-
STOCK.ADOBE.COM taires ou de messages de nos abonnés
sont de formidables porte-voix », re-
connaît Stéphane Espasa-Tudo.
Tout est fait pour consolider le
lien avec la communauté. « Sur Fa-
cebook, Instagram ou Twitter, Net-
flix ne se cantonne pas à la mise en
avant de ses seuls contenus », re-
marque un publicitaire. Une tacti-
que qui a l’avantage de gommer le
côté commercial de la relation. « Tu
vas tranquillement éteindre et écouter
le cours maintenant », conseillait le
leader du streaming vidéo, en
mai 2018, à un internaute… « Pas
trop tard ce soir, hein », sermonne
gentiment le service, riche de mil-
liers d’heures de fictions. « Nos
audiences sont friandes de ces petits
messages qui provoquent un effet mi-
roir, remarque Chérine Malki. Nos
fans n’ont pas l’impression que c’est
Netflix France l’entreprise qui
s’adresse à eux, mais NéNé, comme
ils surnomment affectueusement la
plateforme ». En début d’année,
alors que le contexte est morose, le
roi du streaming vidéo lance sur
Twitter : « Comment ça va vous ? ».
« 95 % des marques se seraient fait
rembarrer », estime Stéphane Espa-
sa-Tudo. Pas Netflix, qui récolte en
un tweet près de 1,5 million de vues.
« Des gens se sont véritablement
confiés, preuve que nous avons tissé
des liens de confiance. On leur a ré-
pondu, sans jamais évoquer nos séries
ou nos films. On ne veut pas tout utili-
ser comme cheval de Troie pour faire
de la promotion », explique-t-il.
« Lupin » et « Hamlet »
Netflix le sait, parler le même langa-
ge que son public, c’est générer de
l’adhésion. Pour plaire aux jeunes,
son cœur de cible qui est aussi celui
des réseaux sociaux, la plateforme
vit donc d’humour et de « mè-
mes », ces détournements humo-
ristiques de photos, vidéos ou cita-
tions repris et déclinés en masse sur
internet. Et elle n’a pas son pareil
pour rebondir quasi instantanément
sur l’actualité. Fin janvier, le jour-
naliste Guillaume Durand se fend
d’un tweet ouvertement anti-Net-
flix : « Nous sommes en pleine Lupi-
nade/The Crown/Casa Del Papel.
Plus les gens m’abreuvent de leurs
addictions admiratives aux séries,
plus je leur conseille de relire Hamlet
ou de s’intéresser à Manet ». Les ré-
seaux s’enflamment. Netflix change
juste la bio de son compte Twitter :
15
millions
de « followers » dont 2,3 millions
sur Facebook, 4,3 millions
sur Twitter et 7,1 millions
sur Instagram
« En train de lire Hamlet. » À la fin
de l’envoi, il touche… Le 30 sep-
tembre dernier, un bruit d’explo-
sion retentit au-dessus de Paris. Si-
dération générale, avant
d’apprendre qu’un avion de chasse
avait franchi le mur du son. « Déso-
lé, on a mis notre Toudoum un peu
trop fort », poste Netflix pour dé-
tendre l’atmosphère. En fait, « les
spécialistes des réseaux sociaux de la
plateforme font quasiment un travail
d’auteur et de scénariste, analyse
l’expert d’une agence publicitaire.
Netflix réalise ainsi le Graal pour une
marque. S’approprier les codes de la
pop culture pour mieux s’ancrer dans
le quotidien des consommateurs. Et
créer lui-même des contenus sur les
réseaux sociaux qui nourrissent à
leur tour la culture populaire. »
Le résultat est là. En cumulant
Twitter, Facebook, YouTube et Ins-
tagram, le géant du streaming tota-
lise aujourd’hui près de 15 millions
de fans, contre moins de
500 000 abonnés à ses débuts dans
l’Hexagone. Preuve qu’elle a réussi à
s’imposer dans la conversation des
Français, la plateforme a été élue
marque la plus citée en 2020 sur le
web et les réseaux sociaux, devant
Google, Amazon, Nintendo et
Disney, d’après Digimind.
« Peu de marques ont autant de
résonance. Le talent de Netflix, c’est
d’en avoir fait de formidables leviers
de recrutement et de fidélisation pour
séduire toujours plus d’abonnés à son
service », admire un acteur des mé-
dias français. Être le bon copain des
réseaux sociaux, ça peut rapporter
gros. ■

RÉALITÉS AUGMENTÉES PAR ENGUÉRAND RENAULT

Heureux comme un média public en temps de Covid
Au micro de Franceinfo, la minis-
tre des sports, Roxana Maracinea-
nu, a lâché une petite bombe.
« On avait pensé, si le foot français
ne trouvait pas de diffuseur, venir
en soutien de France Télévisions
pour diffuser les matchs de L2 jus-
qu’à la fin de la saison », a-t-elle
révélé, avant d’ajouter : « La dif-
fusion d’un match de L1 en gratuit,
ça serait super… mais c’est une
question de budget, et il faudrait
des prix très bas pour que France
Télévisions puisse s’aligner. »
L’État prêt à apporter des fonds à
France Télévisions pour diffuser
des matchs du championnat de
foot… Du jamais vu !
Au sein du groupe audiovisuel, on
confirme que le gouvernement lui
avait demandé d’y réfléchir.
France Télévisions a donc proposé
de diffuser, sur France 3 huit
matchs de L2 par journée de
championnat et était prêt à en
supporter le coût de production,
qui s’élève à une dizaine de mil-
lions d’euros. Mais à la condition
de ne pas payer de droits à la LFP.
Par ailleurs, France Télévisions
avait aussi postulé, tout comme
M6 ou TF1, à la diffusion du clas-
sico OM-PSG, finalement rem-
porté par Canal+ pour 3 millions
d’euros.
AGACEMENT DES PRIVÉS
Au-delà de l’anecdote, cette in-
formation lâchée par la ministre
des Sports confirme bien que
l’État, en cette période de crise du
Covid, soutient l’audiovisuel pu-
blic… quoi qu’il en coûte. Et cela
agace prodigieusement les
concurrents privés.
Aujourd’hui, au sein du PAF, c’est
deux salles, deux ambiances !
D’un côté, TF1 et M6 ont dû dé-
ployer des trésors de rigueur pour
compenser intégralement les
baisses de recettes publicitaires
par des économies. En quelques
mois, TF1 a raclé tous les fonds de
tiroir pour dégager 152 millions
d’euros d’économies quand le
groupe M6 en trouvait 160 mil-
lions.
En face, l’État a débloqué en sep-
tembre une enveloppe de 70 mil-
lions d’euros, prise sur le plan de
relance, pour compenser les coûts
de la crise chez France Télévisions
et Radio France. Certes, la minis-
tre Roselyne Bachelot a bien in-
sisté sur le fait que ce coup pouce
financier était purement conjonc-
turel et ne remettait pas en cause
le plan d’économie de 190 mil-
lions d’euros imposé à l’audiovi-
suel public de 2018 à 2022. Mais
tout de même. Mezza voce, les di-
rigeants de l’audiovisuel public
reconnaissent que le fait de dé-
pendre d’une redevance publique
est aujourd’hui beaucoup plus
confortable que d’être confronté
aux variations erratiques du mar-
ché publicitaire !
DÉPLAFONNEMENT
Pire, les radios privées ont hurlé
quand elles ont appris que l’État
avait l’intention de supprimer le
plafond de 42 millions d’euros de
Les
dirigeants de
l’audiovisuel
recettes publicitaires pour les sta- public
tions de Radio France. Certes, la reconnaissent
radio publique ne va pas devenir
subitement un robinet à pubs. Le que le fait
temps de réclame disponible ne de dépendre
va pas augmenter. En revanche, d’une
les prix, oui ! Car, grâce à ses très
belles audiences, France Inter redevance
peut espérer faire grimper le prix publique est
unitaire des spots. Nicolas de Ta- aujourd’hui
vernost, le patron de M6 et RTL,
s’insurge et milite pour une radio beaucoup plus
publique sans publicité. « La rede- confortable
vance de Radio France, c’est que d’être
600 millions d’euros, quand les re-
cettes publicitaires de l’ensemble confronté
des radios privées de France sont aux variations
tombées à seulement 500 millions erratiques
d’euros », tonne-t-il. Pour lui,
l’audiovisuel public, c’est froma- du marché
ge, dessert et pousse-café ! ■ publicitaire ! »

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 lundi 22 février 2021 LE FIGARO - N° 23 796 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

LA QUESTION EXISTENTIELLE DESIGN

QUI SONT CES MÈRES ACCROS L’UNIVERS POP
À LA SECONDE MAIN DE LA CÉRAMISTE
POUR LEURS ENFANTS ? PAGE 32 GABRIELLE THOMASSIAN PAGE 33

COMMÉMORATIONS
L’HEURE DE L’ARMISTICE
KID’S O’CLOCK ; VILLA AREV ; JEAN BERNARD/LEEMAGE ; BRIDGEMAN IMAGES/LEEMAGE ; YOUNGTAE/LEEMAGE ; MAURITSHUIS, LA HAYE

DE MAURRAS À CÉLINE, PLUSIEURS POLÉMIQUES

SONT NÉES AU MOMENT DE METTRE EN LUMIÈRE
CERTAINES PERSONNALITÉS. DÉSORMAIS,
LE COMITÉ FRANCE MÉMOIRE, DÉPENDANT DE
L’INSTITUT DE FRANCE, EST CHARGÉ DE PROPOSER
UNE CINQUANTAINE DE NOMS PAR AN. PAGE 30
Charlemagne, Jean de La Fontaine et Gustave Flaubert (de gauche à droite),
trois figures mises en avant par France Mémoire pour 2021 .

EFFLUVES DE PEINTURES
À LA HAYE, UNE CONSERVATRICE DU CABINET ROYAL DE PEINTURES CRÉE DES CORRESPONDANCES OLFACTIVES AVEC LES TABLEAUX DU SIÈCLE D’OR NÉERLANDAIS.
s’est en effet employée à reconstituer reillement les narines de son suave Quant à l’épicerie rendue avec un navires de l’ultrapuissante et perfor-
ÉRIC BIÉTRY-RIVIERRE
ebietryrivierre@lefigaro.fr avec la rigueur de l’historien les sen- bouquet de melon tranché, attaqué par luxe de précision par Willem van Mieris mante Compagnie néerlandaise des
teurs correspondantes. quelque insecte, et d’abricots piqués, en 1717, son mélange olfactif risque de Indes orientales, la boutique regorge de
Doux parfums d’été et d’hiver des bientôt gâtés… provoquer le tournis. Alimentée par les variétés de poivre, de clous de girofle,
mpossible de humer pour l’ins- pommes de senteur, ces bijoux d’argent de bâtons de cannelle, macis et noix de

I tant. À La Haye, cité iodée des

Pays-Bas, le Cabinet royal de
peintures Mauritshuis (celui de
La Jeune fille à la Perle de Ver-
meer) s’apprête à ouvrir une exposition
fleurant bon la créativité. À partir du
23 février, si la pandémie le permet,
sous le titre « Volatilisés - Parfums en
couleurs », Ariane van Suchtelen pré-
sentera quelques chefs-d’œuvre mai-
son ou empruntés à des grands musées
voisins exécutés par Pieter de Hooch ou
encore Jan van der Heyden.
Au public elle tentera bien sûr d’en
faire ressentir la beauté, le génie dé-
ployé. Mais aussi, elle essaiera de faire
sentir au sens propre ces compositions.
Explorant la représentation du parfum
et de l’odorat au temps du « Siècle
ajouré portés par les belles dames ou les
médecins du temps. Odeurs exotiques
émanant des innombrables produits
d’outre-mer… Mais aussi exhalaisons
nauséabondes. Celles d’un canal crou-
pissant ou d’un caniveau fétide. Celles
d’une huilerie où l’on dépèce la baleine
muscade…
Les scènes mythologiques et bibli-
ques n’ont pas découragé Ariane van
Suchtelen. Prenez La Résurrection de
Lazare, œuvre peinte en 1631 par Jan
Lievens. En bonne logique leibnizienne,
cette Hollandaise a opté pour une frap-
ou celles, infectes, d’une tannerie. pante odeur de cadavre ; Lazare étant
mort quatre jours avant le miracle.
Poivre, clous de girofle, Au reste, pour philosopher sur la
et bâtons de cannelle rudesse des temps, en cette période
Devant telle vue d’intérieur impecca- d’interdiction d’accès aux estaminets,
blement récuré - près d’une armoire on préférera se rapprocher du Fumeur,
ouverte, deux ménagères rangeant le portrait datant de 1630 et dû à Adriaen
linge d’une maison delftoise -, on res- Brouwer. Même si l’on toussera un
pirera une fraîcheur amidonnée. Cela peu, on trouvera à coup sûr au bon-
grâce à des distributeurs individuels homme une humanité d’autant plus
(anticorona). Nature morte avec fleurs appréciable qu’il pétune et picole
et fruits, tableau peint en 1670 par comme deux. ■
A

d’or » néerlandais, cette conservatrice Abraham Mignon, chatouillera pa- Nature morte avec fleurs et fruits (1670) d’Abraham Mignon. MAURITSHUIS, LA HAYE www.mauritshuis.nl
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

30 L'ÉVÉNEMENT
tique de s’en saisir ou d’ajouter quel-
UNE NOUVELLE
FRANCE
ques dates ou personnages.
Pour 2021, France Mémoire met en
INSTANCE, ÉMANATION avant la naissance de La Fontaine
(1621) ou celle de Flaubert (1821), la
DE L’INSTITUT fin de la guerre franco-prussienne

MÉMOIRE,
(1871), Charlemagne roi des Francs

DE FRANCE, (771), mais aussi la création du code

de la route (1921) ou de Médecins sans

SERA DÉSORMAIS frontières (1971). Un inventaire qui

pioche dans l’histoire longue, mais

OU L’ART DE
aussi dans les faits de société. « Nous
EN CHARGE ne voulons pas aboutir à une liste de
prescriptions ni de “héros”. L’idée est
D’ÉTABLIR À PARTIR plutôt de proposer, outre des dates in-
contournables, des événements per-
DE CETTE ANNÉE mettant de comprendre des époques,

COMMÉMORER
des ruptures ou des avancées dans

LA LISTE DES FAITS l’histoire de France », explique le

chancelier, Xavier Darcos. Bien que

OU PERSONNALITÉS peu d’épisodes historiques ou de per-

sonnages soient exempts de zones

SANS IMPAIR
d’ombre, France Mémoire veut éviter
DIGNES D’INTÉRÊT. d’attiser les controverses. Sur un site
internet dédié, des informations, des
LE POUVOIR POLITIQUE podcasts, des entretiens, etc., accom-
pagnent les grandes dates ou les gran-
FERA ENSUITE des figures, afin de nourrir la ré-
flexion et, surtout, d’exposer les

SON CHOIX. éventuels différents points de vue.

Tournure polémique
Cette stratégie, plus complexe que
CLAIRE BOMMELAER l’établissement d’une litanie de noms,
cbommelaer@lefigaro.fr
vaut le coup d’être tentée. Pendant
vingt ans, la liste annuelle des com-

Q
ui la nation peut-elle
mettre à l’honneur sans
risquer de déclencher po-
lémiques ou contesta-
tions ? L’annonce d’une
année dédiée au bicente-
naire de la mort de Napoléon (le 5 mai
1821), suivie d’un cortège de protesta-
tions, montre que la réponse est loin
d’être facile. On a beau savoir que
Napoléon n’a jamais été un personna-
ge consensuel, la tendance à l’ana-
chronisme et le poids des réseaux so-
ciaux s’invitent désormais dans toute
controverse historique. Et jettent de
l’huile sur le feu. On pressent
d’ailleurs déjà les passes d’armes qui
ne manqueront pas de surgir en mai
prochain, moment des 150 ans de la
Commune.
Afin d’essayer de pacifier le dossier
des anniversaires et des commémora-
tions, Emmanuel Macron s’est rap-
proché de l’Institut de France et de
ses 470 académiciens. À partir de cet-
te année, c’est une nouvelle instance
mémorations nationales a été dressée
par un haut comité d’historiens et de
personnalités, sous l’égide du minis-
tère de la Culture. Leur travail a bru-
talement pris une tournure polémique
en 2011, année où le comité a suggéré
de commémorer le cinquantenaire de
la mort de Céline, créant un tollé et
les explications embarrassées de
Frédéric Mitterrand. Sept ans plus
tard, ce même Haut Comité des com-
mémorations nationales avait proposé
dans sa liste la commémoration de la
naissance de Charles Maurras, figure
de proue de l’Action française. De
nouveau, une salve de critiques a dé-
ferlé, et contraint Françoise Nyssen à
une délicate explication de texte
autour d’un « commémorer n’est pas
célébrer ».
Dans la foulée de l’affaire Maurras,
en mars 2018, dix des douze membres
du haut comité ont démissionné. La
brochure imprimée à l’époque (des
noms et des dates assortis de notices)
est par ailleurs partie au pilon. Face à

JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO

de l’Institut, France Mémoire, dont la
présidence a été confiée à l’historien
Yves Bruley, qui va se charger d’éta-
blir les faits ou les personnalités « di-
gnes » d’intérêt une année donnée.
Les cinq Académies désigneront cha-
que année deux de leurs membres
pour participer au choix d’une cin-
quantaine d’anniversaires et de com-
mémorations. La liste sera présentée
pour avis et n’aura pas de caractère
officiel. Libre ensuite au pouvoir poli-
cette débâcle, on aurait pu en rester
là, et prendre acte de l’impossibilité
de l’exercice. Mais les Français, et
Emmanuel Macron au premier chef,
raffolent de l’histoire et ne se lassent
pas de plonger dans leur passé. « Il est
par ailleurs impossible de se satisfaire
de l’idée que l’histoire nous divise »,
ajoute Xavier Darcos. Prendre du re-
cul et contextualiser pourrait permet-
tre de lutter contre l’excès d’anathè-
mes et de déboulonnage de statues. ■

Le 8 mai 2020, Emmanuel Macron

YVES BRULEY : « ON NE VEUT PLUS D’UNE HISTOIRE OFFICIELLE »

Historien, vice-président de l’École
pratique des hautes études (EPHE), Yves
Bruley a pris la direction de France Mé-
moire, à l’institut de France.
LE FIGARO. - En quoi est-ce que France
Mémoire va se différencier de l’ancien
comité des commémorations ?
Yves BRULEY. - Le Haut Comité faisait
un bon travail, mais il dépendait du gou-
vernement, ce qui le mettait sous une
épée de Damoclès. Et créait un risque
politique, tant pour ses membres que
pour le gouvernement. Nous apparte-
nons à un organisme indépendant, nous
ne recevons pas d’instructions. Ce qui ne
nous empêche pas de travailler en bonne
intelligence avec l’exécutif. Notre travail
est complémentaire de la politique mé-
morielle de l’État. Le président de la Ré-
franco-prussienne (1871) ou le bicente-
naire de la mort de Napoléon (1821).
Mais l’histoire de France est au long
cours, et nous chercherons à ne pas
nous enfermer dans les siècles récents. Il
ne faut pas perdre de vue la profondeur
de notre passé, ne pas se limiter à l’his-
toire politique. Nous voulons par ailleurs
tenir compte de tous les faits inscrits
dans la mémoire collective. Cette année,
nous proposons par exemple de revenir
sur l’image du bandit Cartouche, qui a
sévi au XVIIIe siècle. Aujourd’hui, on se
souvient de lui car il a été incarné au ci-
néma par Jean-Paul Belmondo. Sur le
site internet de France Mémoire, nous
apporterons des faits historiques sur ce
personnage, une connaissance permet-
tant d’aller au-delà de la fiction. Le site
sera là pour donner des faits, avec plu-
sieurs formats, dont des télécharge-
ments à la demande, et différents points
de vue. Avec l’idée que la pluralité des
points de vue fait partie du travail des
historiens.
Pauline Viardot, Simone Signoret,
la comédienne Rachel ou la première
femme de l’Institut, Suzanne Basdevant-
Bastid, figurent dans votre liste de 2021.
Vous avez cherché à la féminiser ?
Les femmes ont toujours été là, elles
aussi ont fait l’histoire. Nous n’avons
pas eu à chercher bien loin pour trouver
des personnalités.
Allez-vous retenir l’anniversaire
de la mort de Céline, de Charles Maurras
dépose une gerbe de fleurs au pied
de la statue du général de Gaulle,
située près du Grand Palais, à Paris,
à l’occasion du 75e anniversaire
de la fin de la Seconde Guerre
ou de toute autre personnalité
mondiale.
controversée ?
En 2021, le cas ne s’est pas présenté. À la
limite, on pourrait aborder un personna-
ge condamné, ou condamnable, à travers
une œuvre marquante. Sur des person-
nalités moins funestes, on ne refusera pas
le débat, d’autant que les Français ont
une propension à créer des querelles
autour des grands événements, même
quand ils ne semblent pas « clivants ».
C’est paradoxal, mais notre goût de l’af-
frontement est une des manières de nous
retrouver. D’une façon générale, il vaut
mieux le clivage que l’amnésie.
Votre service se nomme France
Mémoire. C’est une manière
d’éviter le mot « commémoration » ?
L’ancien haut comité se chargeait au

publique a son propre agenda, et l’a ré-
cemment montré en se saisissant de la
question de la guerre d’Algérie ou de la
panthéonisation de Maurice Genevoix.
Nous aurons le nôtre.
Comment allez-vous opérer vos choix ?
Nous aurons un conseil scientifique.
Tous les ans, chacune des cinq Acadé-
mies désignera deux académiciens. Ils
seront rejoints par d’autres experts de
l’Institut ou de l’extérieur. Ensemble,
nous trouverons dans l’histoire une cin-
quantaine de dates par an, au lieu des
cent listées jusque-là. Nous voulons fai-
re moins mais mieux, et prendre acte
que les Français ne peuvent s’intéresser
à trop d’événements sur une année.
A
59
départ de lister les « célébrations », et,
après la crise sur Céline (le Haut Comité
ayant inscrit dans sa liste la mort de
l’écrivain, NDLR), le ministère de la
Culture a changé son nom en Haut Co-
mité des commémorations. Mais cela
n’a pas suffi. Même si célébrer n’est pas
commémorer, car cela renvoie à des
concepts différents, l’opinion publique
n’a pas adhéré à ce changement. À ses
yeux, les commémorations recouvrent
dates anniversaires
une vérité historique décidée par le ont été retenues
pouvoir. Or, on ne veut plus d’une par l’Institut de France,
« histoire officielle ». Nous avons donc pour 2021.
pris le parti de nous nommer différem- Elles vont
ment. Remarquez que France Mémoire de 771 (Charlemagne)
s’écrit sans « s », manière d’indiquer à 1971 (mort de Jean Vilar)
« Nous appartenons à un organisme indépendant, nous ne recevons pas d’instructions. que, malgré tout, nous voulons être da-

Certaines dates sont incontournables, Ce qui ne nous empêche pas de travailler en bonne intelligence avec l’exécutif », vantage rassembleurs que diviseurs. ■
comme, cette année, la fin de la guerre souligne Yves Bruley. SEBASTIEN SORIANO/LE FIGARO PROPOS RECUEILLIS PAR C. B.
 LE FIGARO lundi 22 février 2021

CULTURE 31
Maître François Pouget, spécialiste du
ARIANE BAVELIER £@arianebavelier droit d’auteur, précise : « Cette vidéo est
habile, les ressemblances sont troublantes
u cirque, celui qui tombe par leur accumulation, mais, à y regarder

A peut en mourir. Celui qui

tombe, c’est justement le
titre d’un des spectacles
qui a fait la gloire de Yoann
Bourgeois. Des acrobates luttaient pour
rester debout sur un immense plateau
de bois tournant sur un pivot central.
de plus près, la thèse de la contrefaçon
peine à s’imposer. D’une part parce qu’il
y aurait autant de procès que de victimes,
chacune ne pouvant agir que pour sa
part, pour la scène dont elle est l’auteur.
D’autre part parce que l’impression pre-
mière vient souvent, dans certaines sé-
Depuis, il y a eu bien d’autres réussites. quences, du réemploi d’un dispositif plus
Bourgeois, on se l’arrache. Il a fait que de la reproduction d’une création es-
l’ouverture du théâtre de la Scala à thétique formelle. Se suspendre à une
Paris, occupé le Panthéon ou la Char-
treuse de Villeneuve-lez-Avignon avec
ses installations poétiques, le monde
YOANN barre dans le vide et tenir jusqu’à n’en
plus pouvoir peut difficilement être consi-
déré en soi comme protégé par le droit

entier programme ses spectacles et le
comité des Jeux olympiques l’aurait
même approché pour qu’il intervienne,
comme naguère Decouflé, lors d’une
des cérémonies liées à la manifestation.
En outre, il dirige depuis 2016, avec
Rachid Ouramdane nommé le 11 février
à la tête de Chaillot, le CCN2 (Centre
chorégraphique national de Grenoble).
Les statuts de celui-ci l’en assurent,
Yoann Bourgeois continuera jusqu’à la
fin de son second mandat en 2022. Tou-
tefois, il reste pour l’instant aux abon-
nés absents. Une vidéo anonyme postée
sur Vimeo le 6 février juxtapose une di-
zaine d’extraits de spectacles signés par
d’autres artistes et des séquences des
siens. Plan à plan, pour montrer que
Bourgeois cite littéralement et sans cré-
diter.
La vidéo s’intitule « L’usage des
œuvres ». Bourgeois y a répondu par
une tribune intitulée « L’histoire pei-
ne » sur Artcena (site du Centre natio-
nal des arts du cirque, de la rue et du
théâtre), manière de traduire à la fois sa
douleur devant la violence de l’attaque
et de se défendre de l’accusation de pla-
giat, arguant que « l’histoire de l’art est
une suite infinie de réinterprétations et de
détournements d’idées, de motifs, de ré-
férences ».
La vidéo a été envoyée aux compa-
gnies et à certains directeurs de théâtre
- des méthodes de corbeau. Sur Face-
book, un post a suivi, signé du pseudo
Samson Hitalic : « Yoann Bourgeois…
mon grand ami. Nous avons passé quinze
ans à danser, jongler, sauter, grandir, en
lisant et en voyant des centaines de spec-
tacles. Comment a-t-il pu devenir ce
monstre qui piétine tous ses amis, qui
vole les œuvres ? » Sur Facebook tou-
jours, mais sous son nom, Chloé Moglia,
reine de la poésie suspendue, qui se dé-
couvre dans la vidéo, détaille longue-
ment son questionnement face aux mé-
lui. Chloé Moglia et les jongleurs du Pe-
tit Travers ont été artistes associés au
CCN2 de Grenoble. La question des
frontières se pose lorsqu’on travaille sur
le même parquet. « J’ai juste croisé
Yoann dans les couloirs, jamais travaillé
avec lui », précise Chloé Moglia, qui se
souvient de sa stupeur lorsqu’elle avait
vu le spectacle Minuit de Yoann Bour-
geois. Il reprend un de ses motifs, des
artistes suspendus par les bras à une
perche horizontale et qui se laissent
tomber à mesure qu’ils n’en peuvent
BOURGEOIS,
CELUI
QU’ON FAIT
TOMBER
LE PLUS CÉLÈBRE
DES ACROBATES FRANÇAIS
EST LA CIBLE D’UNE VIDÉO ANONYME
QUI SOULIGNE SES EMPRUNTS
À L’ŒUVRE DE CONFRÈRES.
UN PROCÉDÉ INDIGNE
POUR UNE VASTE QUESTION.
appartiennent au répertoire de la gran- « L’histoire de l’art est une suite
de illusion comme au registre clownes- infinie de réinterprétations et
que à la même époque. Le plateau en de détournements d’idées, de motifs,
bois suspendu à des filins que reprend de références », se défend Yoann
Lucien Reynès était déjà pratiqué par la Bourgeois de l’accusation de plagiat.
JOEL SAGET/AFP
troupe Kabakov à la fin des années
1990. Yoann Bourgeois y apporte une
autre dimension en le faisant tourner »,
précise Pascal Jacob.
d’auteur. Il faut quelque chose de plus : ce
qu’en fait l’auteur, ce qu’il y met dedans
et autour. La comparaison des chorégra-
phies visibles dans la vidéo ne joue pas en
faveur du grief de contrefaçon. À tout
prendre, le problème semble questionner
la morale d’un comportement plutôt que
le caractère contrefaisant d’une œuvre.
De même, d’ailleurs, que le choix d’une
dénonciation anonyme nous interpelle sur
ce registre. »
À qui profiterait le crime ? Malgré les
insinuations incluses dans le post en-
voyé avec la vidéo, la « constellation »
des artistes qui y figure affirme ne pas
être à l’origine de celle-ci. « Il y a bien
longtemps que les procédés de Yoann
nous mettent mal à l’aise, mais chacun
travaille dans son coin. Entre gens de cir-
que, on ne se voit pas. J’en ai parfois par-
lé à des programmateurs, mais le succès
de Bourgeois est tel qu’ils ont tôt fait de te
renvoyer : “Est-ce que tu ne serais pas un
peu jalouse?” À force, on se tait.» Mais,
là, en se trouvant côte à côte dans cette
vidéo qui se termine en annonçant une
suite, nos réactions éclatent avec violen-
ce », dit Chloé Moglia.
Citations et emprunts n’empêchent
pas de reconnaître à Bourgeois une
écriture et un univers aussi personnels,
aussi puissants que celui de la plupart
des autres artistes de la vidéo. Inspiré
par le jonglage et le trampoline, le tra-
vail de Bourgeois, basé sur la recherche
du point de suspension - cet instant
juste avant la chute -, a nourri depuis
vingt ans l’écriture d’une bonne dizaine
de pièces qui tiennent la route. Le débat
qui fait rage mériterait pour le moins de
faire avancer la question des droits
d’auteur dans le domaine. Le cirque
d’auteur entre dans l’âge adulte. ■

N
thodes de Bourgeois. Les artistes qui se plus : « Le soir du spectacle, Yoann

O
découvrent sur la vidéo restent en effet m’avait accueillie avec beaucoup de cha-

UV
médusés. Bourgeois a fait sa gloire en leur. Il avait prévenu l’équipe, me disait-

EA
mettant bout à bout « leurs » motifs ! Ils il, que la reine de la suspension serait

relaient le tout sur les réseaux sociaux,
la vidéo devient virale. Et la réponse
dans Artcena n’arrange rien. Chacun
s’attendait à des excuses. Bourgeois
livre une théorie sur l’éternelle reprise
des images.
U
dans la salle. Étrange flatterie ou sincère
considération ? »
La question de l’emprunt de disposi-
tifs ou d’agrès alimente une autre polé-
mique. Lorsqu’il a inventé celui dit de la
roue Cyr, Daniel Cyr a demandé qu’il
porte son nom. Hormis

« Cette vidéo est habile, cela, il n’en a pas limité

les ressemblances sont troublantes que suscite l’affaire Bour-
par leur accumulation, mais,
à y regarder de plus près, la thèse
de la contrefaçon peine à s’imposer
MAÎTRE FRANÇOIS POUGET, SPÉCIALISTE DU DROIT D’AUTEUR
« Tout le monde l’a mal vécu. Jean-
Baptiste André, Jörg Müller, Camille Boi-
tel ont du mal à se produire sur les scènes
nationales. On leur répond : Yoann Bour-
geois est déjà passé et vous faites à peu
près la même chose », commente Pierre
Pélissier, alias M. Culbuto, artiste de
rue. Même si chacun travaille dur, la
période du Covid, avec interruption des
spectacles depuis un an, n’adoucit pas
les esprits. Le ressentiment alimente
même, chez certains, le projet d’une
action en justice.
Un monde est à terre. Celui du nou-
veau cirque, pourtant né dans l’idée du
collectif et du dialogue. Hormis Camille
Boitel, qui est passé par l’école Fratellini,
et Pierre Pélissier, tous les autres cités
dans la vidéo - Chloé Moglia, Jean-Bap-
tiste André, Lucien Reynès, les jongleurs
du Petit Travers et Jörg Müller - sortent
du Centre national des arts du cirque.
Comme Bourgeois, le benjamin. « L’es-
prit de l’école a été largement façonné
par Bernard Turin. Contrairement à
l’école de Montréal, qui forme des artis-
tes partis pour tenter leur chance en indi-
viduel, le Cnac forme des promotions de
gens venus d’horizons très différents qui
évoluent en compagnie et qui se rempla-
cent les uns les autres quand l’un d’entre
eux est blessé », dit Pascal Jacob, histo-
rien du cirque.
La plupart de ces artistes ont travaillé
avec Yoann Bourgeois. Lucien Reynès
l’usage, évitant le débat
geois. « En 2018, des amis
m’ont alerté : ils avaient vu
Yoann Bourgeois utiliser
» un culbuto dans son spec-
tacle. J’avais déposé le
mien à la Société des
auteurs et compositeurs dramatiques.
J’ai négocié avec Bourgeois pour qu’on
partage les droits d’auteur de ses solos en
culbuto à 50/50, ou selon des parts
moindres lorsqu’il s’agit d’une plus petite
participation dans un spectacle. J’ai aus-
si demandé que mon nom soit crédité, ce
qui n’a pas été systématiquement fait »,
dit Pierre Pélissier. Il ajoute : « Dans
cette vidéo, j’ai découvert que le clip de la
rappeuse Missy Elliot était sorti. Fait ra-
rissime, il possède un long générique de
fin (40 secondes) où est notamment
mentionné : « culbuto conceptualized-
Yoann Bourgeois». Et moi, je ne suis pas
cité ! Alors que là, franchement, il y avait
la place ! » Même ambiguïté concernant
un tube aquatique où évolue un acroba-
te en apnée, une attraction créée par
Jörg Müller en 2001 et dans laquelle
Yoann Bourgeois a plongé pour ne plus
en sortir. « Certes il crédite Jörg Müller à
la conception, mais lui signe la mise en
scène. Pour le spectateur qui ne connaît
pas le nom de Jörg Müller, tout ça, c’est
du Yoann Bourgeois », estime Chloé
Moglia. Malaise encore, et plus profond,
face à la copie de quelques minutes L’actualité heureuse
d’Intérieur nuit, de Jean-Baptiste An-
dré, processus qui enferme des gens
dans une boîte, sens dessus dessous. À la rencontre des stars et du Gotha. Dans les châteaux qui font la richesse
« Si on étudie la question de l’antério- de la France. Les plus belles sagas familiales. Des idées de voyages et d’adresses
rité, on a mis des acrobates dans des gourmandes. Et des conseils bien-être pour voir la vie avec optimisme.
aquariums pour jouer l’homme ou la
Actuellement chez votre marchand de journaux et sur www.figarostore.fr
femme sirène dès le XIXe siècle. De
A

était sur son premier spectacle, Cavale. même, le mobilier qui se déglingue, les
Jean-Baptiste André a été acrobate pour échelles dont les barreaux s’effondrent
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

32 STYLE
QUI SONT CES MÈRES
VALÉRIE GUÉDON vguedon@lefigaro.fr

arah n’aurait jamais pensé ha-

S biller sa fille avec des vête-

ments déjà portés. « Je ne le fais
même pas pour moi, confie cette
jeune mère d’une petite Louise
de dix mois. Étudiante, il m’est bien ar-
rivé de parcourir les allées d’Emmaüs à la
recherche de trésors à moins de 10 euros.
ACCROS À LA SECONDE MAIN ?
NI PASIONARIAS ÉCOLOS NI ADEPTES DU VINTAGE, CES FEMMES ACTIVES PASSENT POURTANT DES HEURES SUR VINTED
Mais depuis que j’ai les moyens, j’achète
neuf dans les magasins. » À la naissance
ET AUTRES SITES DE VÊTEMENTS D’OCCASION À LA RECHERCHE DE LA PERLE RARE POUR LEUR PROGÉNITURE.
de son bébé, cette Parisienne de bientôt
40 ans a découvert ce qu’elle appelle
« la solidarité des mamans. Mes copines,
et même des amies de mes parents, ont
débarqué à la maison avec des sacs rem-
plis de bodys, robes et blouses trop petits
pour leurs enfants. Connaître ces fem-
mes, leurs manières de vivre, leurs goûts
m’a permis de dépasser mes a priori sur
l’éventuelle propreté de l’occasion, sur-
tout pour vêtir un nourrisson. »
Alors que sa fille grandit, elle se sur-
prend à surfer des heures sur Vinted
mais aussi sur le site de seconde main Il
était plusieurs fois (« découvert sur Ins-
tagram ») à la recherche du petit pull
en cachemire Bonpoint, du top à vo-
lants Jacadi et d’un legging Bobo Cho-
ses… à moitié prix. « J’avoue que j’essaie
de ne pas habiller ma fille dans la grande
distribution. La qualité est rarement au
rendez-vous et le style de leurs collec-
tions trop rose Barbie ou trop marketé
Disney à mon goût. Mais quand vous
cherchez dans les marques plus qualita-
tives, le moindre habit en coton bio coûte
une fortune. Or, Louise prend une taille
en moyenne tous les mois ! »

Maman modeuse cherche

manteau à petit prix
Alors entre amies, on s’échange les
profils Vinted des mamans qui ont l’ha-
bitude d’écouler les sweat-shirts La-
coste et Ralph Lauren, la mignonne pe-
tite jupe Tartine et Chocolat et même
les tenues Baby Dior. Camille, 37 ans,
connaît les bons plans. Durant son en-
fance, cette cadette d’une fratrie de
quatre filles avait l’habitude de porter
les anciens vêtements de son aînée.
« On se repassait aussi certains trucs des jeunes parents), seulement 28 % Alternative pointue à Vinted, (entre autres). Sur son compte Insta- enfantine. Grâce à son réseau de fa-
entre cousins et cousines, se souvient la des couples interrogés achètent de l’oc- le site Kids O’Clock met gram, elle ne manque pas de faire la milles huppées anglaises et françaises,
maman du petit Mael, quatre ans. De casion afin de consommer plus respon- en relation des particuliers promotion des mamans revendeuses. elle récupère petites robes à fleurs Cy-
tout temps, ce système D a existé. C’est sable contre 68 % qui le font pour des et sélectionne vêtements « Je ne mets pas seulement en avant leur rillus, doudounes Moncler en parfait
pour ça qu’habiller un enfant en seconde raisons budgétaires. Et si 41 % des son- et accessoires de seconde main. sélection, mais aussi leurs photos de état et bottines Start Rite dans leurs
main, est moins tabou que pour les adul- dés n’ont pas encore franchi le pas de LOIS MORENO POUR KID’S O’CLOCK voyage, de nature, de déco. Certains pa- boîtes. Sur son site, il y a même un on-
tes. Pourtant, Dieu sait que nos chères l’occasion pour leurs enfants, la secon- rents frileux peuvent se reconnaître dans glet « neuf avec étiquettes, car il m’arri-
têtes blondes salissent bien plus leurs te- de main est une pratique de plus en plus ces valeurs et passer à l’acte d’achat. » ve aussi de déstocker des magasins spé-
nues. » La jeune femme fait partie de la entrée dans les mœurs. Même attention au bon goût chez Fa- cialisés ». Durant les deux
première génération de mères habi- Alléchés par un marché en pleine ex- mily Affaire, où tout est sélectionné, confinements, de nombreuses futures
tuées à passer ses vacances dans un Air- pansion, de nouveaux sites spécialisés lavé, repassé et même réparé si néces- mamans y ont trouvé leur trousseau de

bnb, à sauter dans un Uber et à déni-
cher le dernier it-bag sur Vestiaire
Collective. Avec souvent pour alibi,
leur conscience écologique.
D’ailleurs, si Camille, qui gagne bien
sa vie dans la finance et n’a jamais été
une « fan des friperies », traque régu-
LA
fleurissent sur internet. Pour remédier saire. « Je fonctionne comme un dépôt- maternité. « Et certaines clientes m’ont
aux éventuels problèmes d’hygiène et vente qui rémunère à hauteur de 50 % de même demandé de constituer la garde-
de provenance, de jeunes entrepreneu- la valeur de revente », explique Agathe robe entière de leurs bambins. » Un ser-
ses œuvrent à transformer l’expérience Fontaine, ancienne acheteuse pour des vice de « personal shopper » qu’elle
en un jeu d’enfants. Laura Roso Vidre- enseignes de prêt-à-porter reconvertie pense développer à l’avenir. En atten-
quin a été acheteuse pour Harvey Ni- dans l’économie circulaire de la mode dant, la petite entreprise qui ne connaît
chols, Net-A-Porter et Moda Operandi pas la crise vend 60 % de sa marchan-

lièrement pour son fils la bonne affaire
sur Vinted, c’est aussi afin d’avoir le
sentiment d’accomplir quelque chose
pour l’environnement. « Quand on de-
vient maman, on se rend compte de la
montagne d’habits que l’on achète pour
eux. Dès les premiers mois, leurs pla-
QUESTION
avant de fonder Kids O’Clock en 2019, dise à l’étranger, principalement aux
après la naissance de son fils, Albert. États-Unis et au Japon. « La France est
« Quand il a eu 9 mois, je me suis rendu un marché en devenir. D’autant que les
compte de la difficulté de l’habiller dans mamans hexagonales font beaucoup plus
des vêtements de bonne qualité, qui ne attention que dans les autres pays à ce
soient pas issus de l’industrie nocive de la que portent leurs enfants. » ■
“fast fashion”. Mais aussi selon mon

cards débordent. À mon sens, vendre ou
acheter des pièces déjà portées mais en
très bon état, sachant que mon fils ne va
les mettre que six mois, est une démarche
antigaspillage. » Pourtant, selon un
sondage réalisé pour Beebs (plateforme
de vente communautaire à destination
EXISTENTIELLE
goût, très différent des parents qui m’en-
touraient », raconte cette Française
installée à Londres. Sur sa plateforme,
les mamans modeuses comme elle
trouveront des pépites pour leurs pro-
génitures griffées The Animals Obser-
vatory, Œufs NYC et Poudre Organic

NOS PLUS BEAUX SOUVENIRS DE MODE (OU PAS)

WOLFGANG THIEME/DPA/BRIDGEMAN IMAGES

SPLASH NEWS/ABACA
©MP/LEEMAGE
AGIP/LEEMAGE

PINTEREST

1970
LES ENFANTS DU PRINCE ET
1975
CHIARA MASTROIANNI
1985
UNE FILLETTE SUR
1987
UN GARÇON FAISANT
2011
SURI CRUISE
DE LA PRINCESSE DE SAVOIE ET SON PÈRE MARCELLO UN CATALOGUE WIT KNITS DU CAMPING EN HIVER LES CHAUSSURES
LE SOUS-PULL LES BRETELLES LE PULL TRICOTÉ LA CAGOULE À TALONS
■ Quel gamin des seventies ■ Pendant ces années-là, ■ Elle picotait le cou et les joues,
n’a pas détesté ce col roulé elles avaient remplacé la ceinture MAISON emprisonnait le visage, donnait un look
■ Gageons qu’une fois adulte
la fille de Tom Cruise, elle avait
en polyester souvent pour serrer le pantalon ■ Ce chandail, élaboré avec amour de tête d’ampoule et laissait dépasser alors 5 ans, regrettera le choix
d’une couleur improbable des bambins. Même l’actrice par une mère ou une grand-mère une frange souvent réalisée à la serpe. de ses petites sandales à talons
A

dans lequel il transpirait franco-italienne n’y avait pas arborait parfois des motifs douteux. Un couvre-chef qui hante encore pour fillettes, qui, à l’époque,
et qui grattait horriblement ? échappé. Mais rétrospectivement hilarants. aujourd’hui les grands enfants. avaient fait scandale.
 LE FIGARO lundi 22 février 2021

DESIGN 33

DANS L’INTIMITÉ 1

DE VILLA AREV
LA CÉRAMISTE GABRIELLE Si elle découvre très jeune, grâce à
ses parents, lui agent de photogra-
THOMASSIAN NOUS OUVRE phe et elle directrice artistique dans
la publicité, l’art en général et l’ef-
LES PORTES DE SON ATELIER- fervescence des musées, ce n’est
MAISON ET DE SON UNIVERS qu’en classe préparatoire artistique
qu’elle tombe amoureuse de cette
POP ET PALPITANT. pratique.
« Il y avait un atelier de céramique
très “bidouillage” : nous avions un
four dont personne ne savait réelle-
MADELEINE VOISIN ment se servir, nous achetions nos 2
pains de terre chez des fournisseurs
u cœur du 20e arrondis- hasardeux… Mais je me suis très vite

A sement de Paris, entre le

parc de Belleville et Mé-
nilmontant, se dresse une
ancienne imprimerie, un
bijou hors du temps où Gabrielle
Thomassian, la fondatrice de Villa
Arev, a posé ses valises il y a un peu
prise au jeu. Je faisais des totems so-
nores, des sculptures représentant des
vagues de son pixélisées que j’enre-
gistrais au préalable sur Garage-
Band. » Elle y découvre le sérieux du
matériau, loin de ses premières ex-
périences d’enfant, quand elle
plus d’un an et demi. Partout où le s’amusait à modeler des santons en
regard se pose, on retrouve la patte
de la céramiste : l’imposant lustre de
l’entrée, le bout de canapé, les ap-
pliques en terre cuite du salon et
même la crédence au-dessus de
“finirOnseule
me disait que j’allais
au fin fond
l’évier. Sous les combles, son musi-
de la campagne à faire

cien de mari s’est aménagé un studio
et au rez-de-chaussée, derrière la
cuisine, se cache l’atelier de la créa-
trice avec son four, ses émaux, ses
moules et ses nombreux essais en
cours. « Notre qualité de vie a changé
du tout au tout. Dans nos métiers, où
nous travaillons constamment, cet
agencement nous permet d’osciller
plus facilement entre nos vies profes-
sionnelle et personnelle. Surtout en ce
moment, avec les confinements et les
couvre-feux à répétition. Et puis, je
n’ai plus à prendre le dernier métro
pour aller éteindre mon four à l’autre
bout de la ville ! »
Lorsque la jeune femme de 31 ans
exprime son désir de devenir céra-
miste, elle se heurte d’abord à la vi-
sion quelque peu étriquée d’un en-
tourage sceptique. « On me disait que
j’allais finir seule au fin fond de la
campagne à faire du tour dans une
étable. Un joli cliché sur ce métier »,
se souvient le rire aux lèvres la Fran-
çaise d’origine arménienne. Le défi
est donc de taille : se détacher de
cette image afin de « rendre contem-
porain un matériau relégué aux
oubliettes depuis des années ». Déjà,
enfant, les céramiques de Picasso lui
tapent dans l’œil. « À cette époque, je
les trouvais moches, mais comme tout
le monde s’extasiait en les regardant,
je me disais qu’elles devaient bien
avoir quelque chose d’intéressant ! »
”
du tour dans une étable !
GABRIELLE THOMASSIAN
terracotta, créations éphémères qui
finissaient par disparaître, faute de
pouvoir les cuire. Si cette année de
prépa est riche en émotions teintées
d’insouciance, l’apprentissage à
l’école Central Saint Martins, où Ga-
brielle décroche son Bachelor of Arts
en design céramique, se fait dans la
douleur. « Mais une douleur qu’on
apprécie ! », précise-t-elle. Une dis-
cipline physiquement dure nécessi-
tant une bonne dose de patience. « Il
y a tant de tests non concluants.
Quand tu travailles sur une pièce de-
puis trois mois et qu’elle ne tient pas à
la cuisson, ce n’est pas évident. En re-
vanche, rien n’égale le sentiment que
l’on éprouve quand on atteint, peut-
être pas la perfection mais au moins la
satisfaction du rendu final. »
Parmi ses inspirations, Gabrielle
cite aussi bien les œuvres naturalis-
tes signées Bernard Palissy que la
magie des coloris du « pape du desi-
gn » Ettore Sottsass. Influences évi-
dentes lorsque l’on regarde ses pre-
miers objets : cendriers homard
nuance blue-jean, coupelles grena-
des rouge rubis et autres coupes ci-
trons jaune vif… D’ailleurs, si Villa
Arev était le nom de la maison de ses
grands-parents à Bandol, le mot
Arev, « soleil » en arménien, colle
1. Gabrielle Thomassian, parfaitement à l’univers très estival,
la fondatrice de Villa Arev, joyeux et pop de la céramiste. « Ja-
dans son atelier parisien. mais je n’aurais pu donner mon nom à
2. Coupe Gianni, 320 €. ma marque ! » s’exclame-t-elle.
3. Lampe « Planète Sauvage »,
Depuis le lancement de sa griffe, en
collection Spacetrip, 510 €.
4. Cendrier homard breton, 2017, l’artisane se concentre sur les
320 €. ALICE MOITIÉ ; ÉLODIE FARGE ; moulages en plâtre et la production
BLOOM PARIS ; VILLA AREV en petites séries, multipliant
les expérimentations.
Lors du premier
confinement, elle
étend son réper-
toire, finalisant
toute une col-
lection aux ac-
cents cosmi-
ques baptisée
Spacetrip. Des
luminaires su-
blimes, tels des
planètes, en dé-
gradés et mouche-
tés qu’elle imagine à
4 force de regarder en
3
boucle les documentaires scientifi-
ques sur la vie des étoiles d’Arte et le
compte Instagram de la Nasa, selon
elle « le plus excitant de la plateforme
depuis son lancement ». De plus en
plus reconnue et demandée, Gabriel-
le enchaîne les collaborations. Elle
réalise notamment trois tables pour
le designer Thomas Lemut, s’initiant
ainsi au travail à plat, ou encore un
clitoris géant à l’occasion de la sortie
de la deuxième saison de la série Net-
flix à succès Sex Education.
Les mois à venir sont tout aussi
prometteurs. La Parisienne vient de
signer un partenariat encore secret
avec un grand magasin parisien et
est en train d’élaborer, pour la pro-
chaine exposition de French Cliché
(à la fois plateforme collaborative et
galerie nomade), des chandeliers
géants façon cierges d’église revisi-
tés. ■
www.villaarev.com

LA MAGIE RÉVÉLÉE DU BOIS

DÈS LE 4 MARS, HABITAT MET À L’HONNEUR AU SEIN DE SON DESIGN LAB LES CRÉATIONS PLEINES DE POÉSIE DE L’ÉBÉNISTE BENJAMIN FÉLY.

nfant déjà, Benjamin Fély ré- encore, Benjamin n’est pas pleinement toujours attiré, mais je ne m’étais jamais

E cupérait des échantillons de

bois sur les chantiers de son
père architecte. Il les trans-
formait, en faisait des boîtes,
dessinait dessus et collectionnait ces
petits « trésors ». Ce travail de récup se
retrouve aujourd’hui dans la démarche
de l’ébéniste de 43 ans, qui n’utilise
pour ses créations que de vieux meubles
en fin de vie ou destinés à la casse. L’in-
térêt est économique, évidemment,
mais pas seulement. « Certains parlent
de matière gratuite, mais il ne faut pas
négliger le travail considérable et indis-
pensable à la remise en état de ce bois. Le
plus stimulant, c’est de donner une se-
conde vie à ce matériau si noble. » Cha-
cun de ses objets a une histoire, un
passé auquel on s’attache et s’identifie.
Originaire de Limoges, Benjamin
grandit à la campagne, au milieu d’ar-
bres et de forêts qu’il se plaît à observer.
« Le bois a toujours fait partie de moi, ra-
conte-t-il. J’aime son odeur, le son qu’il
produit. » Au point qu’il se dirige natu-
rellement, sans trop se poser de ques-
tions, vers un lycée professionnel et un
CAP en ébénisterie. « Malgré tout, la di-
mension artistique et créative m’a cruel-
lement manqué pendant cette formation,
où l’on n’apprenait qu’à reproduire des
meubles existants. » Frustré de ne pou-
voir générer ses propres formes, il se
satisfait : « On maniait des concepts, des
scénarios, de la 3D, mais nous n’avions
pas les mains dedans. Et, d’ailleurs, vou-
loir fabriquer nos objets n’était pas for-
cément bien reçu à cette époque. » Ce
n’est qu’après un voyage en Suède que
Benjamin se réconcilie avec ces deux
autorisé à en confectionner. En ce sens,
mes voyages m’ont ouvert les yeux et
l’esprit. » En Chine, en 2018, il découvre
l’importance de l’art de la table, les ma-
gnifiques ustensiles utilisés pour les dif-
férents rites et cérémonies, ainsi que la
sculpture sur bois à la gouge, technique
étiquettes, celle d’artisan et de desi- ancestrale devenue sa marque de fabri-
gner : « Le lien entre ces professions y est que. Laisser volontairement la marque
bien plus présent, même si les mentalités de l’outil sur l’ouvrage, en assumer le
sont en train d’évoluer dans l’Hexagone. passage, voilà ce qui séduit l’artisan. Un
Je suis à la fois l’un et l’autre. J’ai besoin travail d’orfèvre qui valorise les acces-
de coucher sur le papier mes idées et de soires même les plus anodins. « Les
penser un peu les choses avant de laisser cuillères, vases, petits plateaux et cen-
à mes mains le soin de les façonner. In- tres de table que je réalise se situent
consciemment, je dessine ce que je suis peut-être à la fin de la chaîne dans notre
dans la capacité de produire, même si je quotidien, mais j’aime qu’on puisse les
me plais à aller un peu plus loin, à essayer trouver beaux, en prendre soin. » ■
de trouver de nouvelles solutions. » M. V.
À retrouver du 4 mars au 30 avril
Magnifier les petits objets au Design Lab de la boutique Habitat,
Lorsqu’il fonde son atelier à Nantes en 10, place de la République (Paris 11e).
2017, quittant la capitale après huit an-
nées passées en tant que designer d’es-
paces et régisseur au Centre national
d’art contemporain, le Français se
lance d’abord dans le luminaire - en
collaboration avec la céramiste Ambre Pour façonner ses créations, Benjamin
Fély s’inspire d’un voyage en Chine,
Hervo - et le mobilier. « Comme beau-
en 2018, où il a découvert l’importance
coup de designers, j’ai commencé par de l’art de la table, les magnifiques
imaginer des fauteuils et des canapés, ce ustensiles utilisés pour les différents
qui répond peut-être à un besoin de s’im- rites et cérémonies, ainsi que la sculpture
poser dans un espace. Et plus j’avançais, sur bois à la gouge, technique ancestrale
A

tourne ensuite vers l’étude du design plus je réduisais la taille de mes créa- devenue sa marque de fabrique.
aux Arts décoratifs de Limoges. Là tions. Les petits objets du quotidien m’ont BENJAMIN FÉLY/HABITAT
 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

34 TÉLÉVISION
d’électrochocs. Le tout au service d’in-
trigues classiques mais riches et effica-
ces, qui confirment une fois encore le
talent des Britanniques, et plus particu-
lièrement celui de la BBC, pour les fic-
tions historiques.

FIGARO TOP, 14/20

« RESIDENT ALIEN », 10 ÉPISODES, SYFY,
JEUDI 25 FÉVRIER, À 21 HEURES

FIGARO FLOP
Envoyé en éclaireur pour préparer l’in-
vasion de la Terre, un alien écrase sa
soucoupe volante au fin fond du Colora-
do et usurpe, en attendant les renforts,
l’apparence du médecin généraliste du
UNE AVOCATE AUX PRISES coin. Sauf que Harry, c’est son petit
nom, ignore comment se tenir en société
AVEC UN ÉPINEUX DOSSIER, UN PSY et comment réagir face au tueur en série
DANS LA VIENNE DU DÉBUT qui sévit dans le patelin ou au rejeton du
maire qui le prend pour ce qu’il est, un
DU SIÈCLE DERNIER, UNE DÉTECTIVE répugnant insecte géant. Pis, il ne s’at-
tendait pas à apprécier les créatures qu’il
INTRÉPIDE EN AUSTRALIE OU doit éradiquer. Tiré des comics du même
UN ALIEN DÉGUISÉ EN MÉDECIN… nom, Resident Alien est un mélange bien
dosé d’horreur, de comédie absurde et
QUEL HÉROS DE SÉRIE SAURA VOUS de politiquement incorrect. Le comé-
dien Alan Tudyk cabotine allègrement
SÉDUIRE, OU PAS, CETTE SEMAINE ? dans ce la peau de cet extraterrestre qui
découvre les joies et les désagréments du
quotidien, des lendemains de cuite à la
félicité d’un strike au bowling.

Fearless offre à Helen McCrory

(Peaky Blinders), magistrale,
un premier rôle à la mesure
de son talent. GARETH GATRELL 2016/
12/20
« A MILLION LITTLE THINGS », 3 SAISONS,
ITV STUDIOS 37 ÉPISODES, SALTO
Étonnant mélange entre This Is Us,
13 Reasons Why et Friends, cette série
part du postulat que rien n’arrive par

16/20
« FEARLESS », 6 ÉPISODES, POLAR+,
LUNDI 22 FÉVRIER, À 20 H 50
Le thriller britannique a été diffusé sur
C8 en juillet dernier mais il vaut que l’on
y revienne. Ambitieux, audacieux,
étourdissants même, ses six épisodes
suivent Emma Banville, avocate che-
vronnée, spécialiste des droits de l’hom-
me et passionnée d’erreurs judiciaires.
Tout lui réussit jusqu’à ce dossier appa-
remment facile, la révision d’un procès
pour meurtre tenu quatorze ans plus tôt.
Il déclenche des péripéties en cascade et
alimente les théories complotistes les
plus extravagantes. L’intrigue est puis-
sante. La mise en scène, nerveuse. Les
pistes de lecture sont multiples. Les
connexions entre elles sont remarqua-
bles. Et l’interprétation magistrale, por-
tée par Helen McCrory (Peaky Blinders),
qui trouve ici un premier rôle à la mesu-
re de son talent. Fearless fait l’effet d’un
condensé parfait de Homeland. On ne
s’étonnera pas que les deux fictions
aient le même producteur.
rue en Papouasie-Nouvelle-Guinée et
présumée morte, elle déploie le même
sens de la repartie et trouble tout autant
les inspecteurs un peu naïfs de Melbour-
ne. Frange et petit robe noire, son inter-
prète, Geraldine Hakewill, affiche des
airs d’Audrey Hepburn. D’un plateau de
télévision à un grand magasin, ce voya-
ge dans le temps ébauche les débuts de
l’émancipation féminine et dessine une
Australie divisée entre campagne et
banlieues conservatrices et métropoles
urbaines frondeuses. Le feuilleton ne
tait pas les tensions entre communautés
et les générations. Un passage de témoin
réussi.
15/20
« MUM », 3 SAISONS, 18 ÉPISODES, ARTE.TV
La vie quotidienne d’une veuve sexagé-
naire dans l’Angleterre middle class
d’aujourd’hui n’a rien de palpitant. Sit-
com britannique signée Stefan Golas-
zewski pour la chaîne BBC2, Mum offre
pourtant une succession de situations si
horripilantes qu’elles en sont désopilan-
tes, de la bru décérébrée en panne de
veilleuse Lesley Manville. À noter que la
comédienne reprend, après Helena
Bonham Carter, le rôle de Margaret dans
scène, dans la Vienne de 1906, l’inspec-
teur Oskar Rheinhardt (Jürgen Maurer)
et un psychiatre, Max Liebermann
hasard. Reste à savoir si les événements
sont le produit d’une intention ou
d’une détermination. En l’occurrence,
la saison 5 de The Crown. (Matthew Beard, Imitation Game). Mi- le suicide de Jon Dixon (Ron Livings-
Sherlock, mi-mentaliste, ce dernier est ton), homme, époux, père et ami com-
un champion de la déduction ! L’atmos- blé par la vie, qui laisse son entourage
14,5/20
« LES CARNETS DE MAX LIEBERMANN »,
phère de la capitale de l’Empire austro-
hongrois à la veille de la Première Guer-
re mondiale est particulièrement bien
dans un état de tragique incompréhen-
sion. Accusée outre-Atlantique de poé-
tiser le suicide, A Million Little Things
6 ÉPISODES, FRANCE 3, DIMANCHE 28 FÉVRIER, rendue, grâce à une reconstitution et explore la fragilité de ce que l’on veut
À 21 H 05 une image soignées, ainsi qu’une mise croire indéfectible, à commencer par
Tout commence par Les Carnets de Max en scène fluide et élégante. On prend l’amitié. Elle pèche cependant par son
Liebermann, une suite de romans pu- plaisir à parcourir les rues viennoises de caractère brouillon. Comme si son
bliés par le Britannique Frank Tallis, l’époque, jusqu’à la fameuse grande créateur, D. J. Nash, avait du mal à pré-
psychologue clinicien, spécialiste des roue du Prater, dans cette fiction qui ciser son intention.
troubles obsessionnels, entre 2007 et convoque le spiritisme, Freud, la méde-
2018. Leur adaptation en série met en cine légale, les premières séances
7/20
« MON AMIE ADÈLE », 6 ÉPISODES, NETFLIX
Louise (Simona Brown) croise dans un
bar le séduisant David (Tom Bateman).
L’attirance est palpable, mais David se
dérobe. Il est marié à Adèle (Eve Hew-
son), son amour de jeunesse. Sauf que
David est le nouveau psy du cabinet mé-
dical où travaille Louise. Complication
supplémentaire, Adèle devient l’amie de
Louise. Si cette minisérie signée des

15/20
« LES NOUVELLES ENQUÊTES DE MISS FISHER »,
4 ÉPISODES, WARNER TV, MARDI 23 FÉVRIER,
À 20 H 55
Les Petits Meurtres d’Agatha Christie
n’est pas la seule série policière à chan-
ger d’époque pour se renouveler. La
saga australienne passe des Années fol-
les aux sixties avec élégance. La nouvel-
le détective s’appelle Peregrine Fisher.
Nièce de l’illustre Phryne Fisher, dispa-
petite culotte à la belle-sœur obsédée
par la propreté, en passant par l’ami
transi de la famille et l’oncle passé maî-
tre dans l’art du commentaire déplacé.
Tout cela dès le matin de l’enterrement
du pater familias, bien sûr. Chacun des
épisodes se consomme comme un sco-
ne. Avec d’autant plus de plaisir que
l’héroïne, dont la finesse et la distance
offrent un contrepoint magnifique à
l’océan de bêtises sur lequel elle navi-
gue. Un personnage incarné par la mer-
producteurs de The Crown démarre
comme un thriller amoureux, elle se
termine en plein surnaturel sans pren-
dre la peine de donner consistance à son
trio infernal. Musique angoissante,
flashback, visions cauchemardesques
de forêt… En fallait-il autant pour dire
que le danger rôde ? La réponse est dans
la question.
Mon amie Adèle, un thriller amoureux qui démarre plutôt bien mais dont la fin laisse JULIA BAUDIN, CÉLINE FONTANA
le téléspectateur perplexe. NICK WALL/NETFLIX © 2020 ET CONSTANCE JAMET

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé RONDE DES MOTS

1 2 3 4 5 6 7 8 Trouvez les mots correspondant aux définitions centrales et inscrivez-les autour de la case qui leur revient. La première lettre de chaque
PROBLÈME N° 5595 mot est indiquée par le triangle. Chaque mot se lit dans le sens des aiguilles d’une montre.
HORIZONTALEMENT 1
1. Restaurée pour une croûte. - 2. Pas comme le boulot.
- 3. Sont bien assurés. - 4. Feuille de presse qui fait la 2
Exemple N R E P I G
couverture. Coupe-fil. - 5. Donna du lait au dieu du vin.
Découvreur de boson. - 6. Rata. Rallonge la liste. - 7. Mit 3 E A
IL EST À APPAREIL
le feu. - 8. Coupe de France. N’a plus d’avenir. - 9. Un FOSSE À UN RANG HORS BLONDE À
4 L'ABRI DU AU
langage comme Java. Ni plus ni moins. - 10. Cinq balles. NASALE LOINTAIN JUS CROQUER
REQUIN FOURNIL
Bouteille de gros rouge. - 11. A toujours les mêmes
propriétés quelle que soit la direction. - 12. Trous d’air. 5 N R
VERTICALEMENT 6 I
1. Se demande par correction. - 2. Grande rivale italienne
7
de Sarah Bernhardt dans le cœur d’Annunzio (prénom DISPOSÉ COULEUR
et nom). - 3. Local d’entretien dans une maison close. 8 À PEINE BASE DE AGRANDI AIMÉE DES
SELON UN D'UN VERT
Saura bientôt où le bât blesse. - 4. Œil neuf. La guerre CROYABLE TULIPE AU BORD DIEUX
RAYON JAUNÂTRE
du feu. Meurtrier chez Japrisot, en pente douce chez 9
Krawczyk. - 5. Au sud de Lima. A un beau lustre depuis
qu’on l’a pressée. Part de tarte. - 6. Créatrice de man- 10 U N R I E S
teaux. Des montagnes de temples. - 7. Terrain concédé.
Travaillai à la filature, en un sens. - 8. De la plus haute 11
importance. SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
12
6 3 9 1 4 2 5 8 7 9 3 4 5 7 8 2 6 1 3 9 6 7 4 1 2 5 8 LETTRES EN PLUS
2 7 8 5 9 3 1 6 4 7 2 1 6 3 4 5 9 8 4 1 2 5 9 8 3 6 7 PAVAGE - CASOAR - DEUZIO - SNOBER.
SOLUTION DU N°3550

SOLUTION DU N°3552

SOLUTION DU PROBLÈME N° 5594

SOLUTION DU N°3551

4 1 5 7 6 8 2 3 9 5 8 6 1 9 2 3 4 7 5 7 8 3 2 6 9 4 1
3 4 7 2 5 9 8 1 6 6 4 2 7 1 5 8 3 9 9 3 7 8 1 5 6 2 4 LETTRES EN MOINS
HORIZONTALEMENT 1. Camionné. - 2. Omission. - 3. Méritant. - 4. Pris. Ice. - 5. Tif. Oser. - 6. Acis.
8 5 6 3 1 4 9 7 2 1 5 9 8 4 3 6 7 2 8 2 1 6 3 4 5 7 9 Les mots à trouver sont :
Aso. - 7. Baquet. - 8. Inule. Co. - 9. Lieu. Ill. - 10. Is. Aloi. - 11. Tégument. - 12. Érotisée. 1 9 2 8 7 6 3 4 5 3 7 8 2 6 9 4 1 5 6 5 4 2 7 9 1 8 3 VEUVE (Trouer, pinard, capter, rainer,
5 2 1 6 8 7 4 9 3 4 1 5 3 8 7 9 2 6 1 6 5 9 8 7 4 3 2 motion).
VERTICALEMENT 1. Comptabilité. - 2. Américaniser. - 3. Mirifique. Go. - 4. Isis. Sulu. Ut. - 5. Ost. Ee. JOKER (Suret, clore, sieur, meute, cosse).
A

9 6 3 4 2 1 7 5 8 8 6 3 9 2 1 7 5 4 7 4 3 1 6 2 8 9 5
Ami. - 6. Niaisât. Îles. - 7. Nonces. Clone. - 8. Entérocolite. 7 8 4 9 3 5 6 2 1 2 9 7 4 5 6 1 8 3 2 8 9 4 5 3 7 1 6
 LE FIGARO lundi 22 février 2021

TÉLÉVISION Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag MÉTÉO PAR 35
ÉPHÉMÉRIDE Ste-Isabelle
À LA DEMANDE Soleil : Lever 07h44 - Coucher 18h23 - Lune croissante

21.05 21.05 21.05 MATIN

Je te promets Je voulais juste rentrer La grande saga de nos Avec et sans 7
S é r ie . D r a m a t iq u e chez moi montagnes, les Alpes hommes 40
7
8 6 4
9 8
5 3
7
9 7 7
4
7
10 8 6
10
F r a . 2 0 2 0 . S a is o n 1 . A v e c C a m i l l e L o u . T é l é i l m . P o l ic i e r D o c u m e n t a ri e Dans les années 90, Jane, une
2 é p i s o d e s I. n é d ti . F l o r e n c e a m i s e n F r a . 2 0 1 6 . R é a l . : Y v e s R é n ie r .1 h 3 8 . F r a . R é a l . : F r é d é r ic B r u n n q u e l l . chanteuse noire pleine de viva- 40 11
cité, souhaite changer d’air après 7
v e n t e le c a b a n o n f a m i l ia l . L e s tr ip lé s A v e c M a t h i ld e S e ig n e r . E n 1 9 8 6 , d e u x 1 h 3 9 . T e r r ti o ri e j u s q u ’ à p e u e n c o r e 11
d o iv e n t s ’y r e n d r e a i n d e le v id e r , c e e n f a n t s s o n t a s s a s s in é s e n b a n l ie u e e x c lu s iv e m e n t s a u v a g e , le s A lp e s avoir rompu avec sa petite amie. 11
q u i e s t u n e b o n n e r a is o n p o u r M a t h is d e M e t z . L e j e u n e P a t r ic k D i ls e s t s o n t d e v e n u e s u n t e rr a in d e j e u p o u r Par le biais d’une petite annonce, 11 12
d ’ e f a c e r c e r t a i n s s o u v e n ri s . a rr ê t é e t c o n d a m n é . C ’e s t le d é b u t l e s s p o r t fi s , b i e n q u ’ e l l e s s o i e n t t r è s elle recrute une conductrice 11 12
d ’ u n l o n g c o m b a t j u d i c i a ri e . m e n acé e s . pour traverser les Etats-Unis en 12
23.10 New York Unité Spéciale. Série. 9 10
voiture. Le premier contact avec
Policière. Code-barres - Compte sur 22.40 Première année dehors, jour- 22.50 Les mémoires du ciel. Docu- 14 11
Robin n’est pas spécialement
moi... - Séances photos nal de bord. Documentaire. Inédit. mentaire. Réal. : Nicolas Dattilesi. cordial. En route, elles prennent en 12 90
charge Holly, une amie de Jane. En
chemin, elles apprennent à mieux 14
se connaître. Entre « Beignets de APRÈS-MIDI
tomates vertes » et « helma et
21.07 20.55 21.05 Louise », Herbert Ross livre une
20
15
Paris Police 1900 Raccrochez, Cauchemar en cuisine fable à la fois drôle et poignante
sur l’amitié et la sororité, portée 14
S é r ie . D r a m a t iq u e c’est une erreur D o c u m e n t a ri e 13 15 16
par Whoopi Goldberg, Mary-
11 16
Louise Parker et Drew Barrymore,
17 14
particulièrement inspirées par ces 12
beaux rôles de femmes. La bande 11 16 16
15
originale est enthousiasmante ! 14
12 16 14
14

F r a . 2 0 2 1 . S a is o n 1 . A v e c J é r é m i e L a - F ilm . S u s p e n s e 1 h 4 0 . S a in t - E s t è p h e . P h i l ip p e 14 16
h e u r t e . 2 é p is o d e s . M e g e s t t o m b é e E U .1 9 4 8 . R é a l . : A n a t o l e L ti v a k . 1 h 2 5 . E t c h e b e s t s e r e n d à S a in t - E s t è p h e , Aujourd’hui 30 15 18
s o u s le c h a r m e d e G a b r ie l S a b r a n , A v e c B a r b a ra S ta n w y c k . U n e fe m m e e n D o r d o g n e , o ù h ie rr y e t A m a n d a lundi 22 février 13 15
t a n d is q u e d e p l u s e n p l u s d ’ é l é m e n t s im p o t e n t e d é c o u v r e lo r s d ’u n e o n t o u v e rt u n p u b , m in é p a r le s p r o - sur lefigaro.fr 14 16
a p p a r a is s e n t à c h a r g e c o n t r e l u i d a n s c o n v e r s a t io n t é lé p h o n i q u e s u r p r is e b l è m e s d ’ o r g a n is a t i o n e t d e c u is i n e . 13
l ’e n q u ê t e s u r le m e u rtr e d e J o s é p h in e . p a r h a s a r d q u ’e l le v a ê tr e a s s a s s in é e 12 11
22.45 Cauchemar en cuisine. Docu-
l e s o ri m ê m e p a r d e u x in c o n n u s . ➜ <=>? « Le Talk » 16 15
22.48 Neuf meufs. Série. Dramatique. mentaire. Montpellier.
– Invité : Guillaume Lacroix, 90
Anna - Violette - Yumi 22.20 Mary Reilly 00.40 Cauchemar en cuisine 13
député La République
en marche (LREM) 20
des Bouches-du-Rhône.
Interviewé par Yves Thréard T (en °c)
<-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
20.38 Touche pas à mon poste ! 19.50 Les Marseillais à Dubaï 20.10 Quotidien. Divertissement. ➜ 17 h : « Points de vue »
21.15 Gentlemen cambrioleurs – L’émission de débat
21.05 Les aventuriers de 21.15 he Dark Knight Rises
Film. Suspense. GB/Blg/EU. 2018.
l’Arche perdue Film. Action. GB/EU. 2012. Réal. :
du Figaro, animée
Réal. : James Marsh. 1h48. Avec par Guillaume Roquette. ALGER 13/17 AMSTERDAM 8/16 ATHÈNES 4/15
Film. Aventures. EU. 1981. Réal. : Ste- Christopher Nolan. 2h44. Avec Chris- 13/15 1/14 2/12
Michael Caine. Voleur renommé, un Avec Laurent Alexandre, BARCELONE BELGRADE BERLIN
ven Spielberg. 1h55. Avec Harrison tian Bale. Batman sort de son exil
veuf âgé de 77 ans réunit un groupe médecin, et Patrick Pelloux, BERNE 3/13 BRUXELLES 9/17 BUDAPEST 0/7
Ford. Dans les années 30, Indiana pour se mesurer à une cambrioleuse
de sexagénaires pour réaliser un
Jones, un athlétique professeur et à un terroriste qui a juré de semer
médecin urgentiste COPENHAGUE 2/7 DUBLIN 3/12 LISBONNE 10/16
casse hors normes. Mais tout ne se
d’archéologie, est contacté par les le chaos dans la ville de Gotham. LONDRES 9/13 MADRID 6/12 PRAGUE 3/7
passe pas comme prévu.
services secrets américains. ➜ Chaque lundi, retrouvez RABAT 11/17 ROME 4/18 TUNIS 13/19
00.10 he Dark Knight : Le chevalier
23.20 Conspiracy. Film. Espionnage. « Audition publique », émission
23.10 Deepwater. Film. Drame. noir. Film. Action. Avec Christian Bale.
Avec Noomi Rapace. politique de Public Sénat,
MARDI MERCREDI JEUDI
de LCP-Assemblée nationale
et du Figaro, animée
par Francis Letellier. 9/14 9/17 8/14
Avec la participation
20.20 Passage des arts. Magazine. 20.10 Seuls face à l’Alaska 19.40 Enquêtes au Moyen Age 6/13 7/17 10/15 6/16 8/12 5/15
de Brigitte Boucher (LCP),
20.50 Les Aventures du baron 21.05 Le convoi de l’extrême 20.50 Civilisations Tâm Tran Huy (Public Sénat) 9/16 9/18
de Münchhausen Documentaire. 0h44. Cauchemar Documentaire. GB. 2018. Réal. : Ash- et Yves Thréard (Le Figaro). 7/16
Film. Aventures. GB/All. 1988. Réal. : blanc - Du riii chez les routiers. ley Gething. 0h55. 3 épisodes. Simon Invité : Adrien Taquet, 7/16 11/16 9/19 9/15 8/17
Terry Gilliam. 2h06. Avec John Neville. Inédit. Lisa prend la route dans des Schama s’intéresse au rôle formateur sécrétaire d’État chargé de 8/15
Après s’être évadé en montgolière conditions diiciles et, lors d’une que l’art et l’imagination créatrice ont l’Enfance et des Familles,
d’une ville assiégée par les Turcs, le descente, se retrouve aveuglée joué dans la formation culturelle de auprès du ministre des
baron de Munchausen entreprend par le blizzard alors qu’arrivent des l’humanité au il des siècles. Solidarités et de la Santé tuvwuxyz{z|z}~v}{
une extraordinaire épopée. véhicules.
23.35 Rome, l’empire sans limites. . mnVE 24/24 Sur opqrros
Par téléphone :
GRATUITE
23.00 C ce soir, le débat. Talk-show. 22.50 Le convoi de l’extrême Documentaire. Réal. : Chris Mitchell. 2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°2830

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 lundi 22 février 2021 LE FIGARO

36
comme dans un sauna, je ne sorte de “Sésame passe-
Olivier Delcroix
£@Delcroixx
m’y attendais pas vrai-
ment… »
La découverte du mon-
de ouvrier, voilà bel et
bien l’un des aspects 1966
Bio
EXPRESS
partout”, je n’ai eu aucun
problème à devenir un glo-
be-trotter. À l’époque, je
voyageais sac à dos et je
travaillais en même
saillants du livre. « Moi qui Naissance à Québec temps… »
l a le regard franc de ceux qui ont croyais ne pas avoir une (Canada). Durant une dizaine

I
vu du pays. Québécois d’origine, bonne mémoire, raconte 1983 d’années, Guy Delisle
la cinquantaine athlétique, Guy l’auteur de S’enfuir, récit Manutentionnaire sillonne la planète. Il tra-
Delisle a longtemps été un infati- d’un otage, j’ai découvert dans une usine à papier. vaille avec la jeune équipe
gable globe-trotteur de la bande qu’une anecdote en amenait 2000 de Folimage à Valence, en-
dessinée. En témoignent les ti- une autre. Tout m’est reve- Publie le récit de son séjour seigne l’animation à La

JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO

tres de ses albums autobiogra- nu au fil de l’album de ma- en Chine, à Shenzhen. Réunion, et trouve du tra-
phiques : Shenzhen (2000) Pyon- nière assez étrange, avec 2003 vail dans un studio d’ani-
gyang (2003), Chroniques birmanes une acuité dont je ne me se- Après un séjour en Corée mation en Allemagne, à
(2007), ou encore ses Chroniques de Jéru- rais pas cru capable… » du Nord, publie Pyongyang . Munich et à Berlin.
salem (2011) qui lui ont valu le Prix du Chroniques de jeunesse 2007 « C’était le moment de la
meilleur album, à An- s’apparente à un récit Parution de Chroniques chute du mur. J’avais
goulême en 2012. d’usine, une incursion au birmanes. 22 ans, sourit-il. Avec des
Ancien aventurier de milieu d’une tribu spécifi- 2012 copains, au petit matin,
sac et de cordes, il vit et
travaille désormais à
Montpellier auprès de sa GUY DELISLE, que, les ouvriers. Il y a Fauve d’or au Festival
quelque chose de Charlie d’Angoulême pour
Chaplin dans Les Temps Chroniques de Jérusalem .
alors que nous n’avions pas
dormi de la nuit, je me suis
retrouvé avec une barre à

LE BOURLINGUEUR
femme réunionnaise modernes dans cette plon- 2021 mine dans les mains à taper
(« Chez nous, c’est le gée au milieu de ces rou- Parution de Chroniques comme un sourd sur le mur.
grand écart permanent de leaux de papier géants. La de jeunesse Nous étions comme des
la francophonie », sourit- répétition des tâches, le (Éditions Delcourt). souris sur un morceau de

DU NEUVIÈME ART
il) et de leurs deux en-
fants.
Après avoir publié
quatre tomes de sa série
Le Guide du mauvais père,
Guy Delisle a choisi de se
replonger dans son adolescence. Avec
Chroniques de jeunesse, il effectue un
autre périple. Un voyage dans le temps
qui le ramène à ses 17 ans. Est-ce un ha-
sard si son propre fils a le même âge ? Il
hausse les épaules en souriant. « Oui,
mon fils a 17 ans comme moi dans l’album,
et je le regarde aller… »
Regarder « aller » son fils, l’expression
est jolie. Elle ramène à son Québec natal
comme cet album qui plonge dans les en-
trailles d’une immense usine à papier,
fondée en 1927, située à l’embouchure de
REBOND DANS SON DERNIER ALBUM, LE BD REPORTER
REVIENT SUR UN ÉPISODE FONDATEUR DE SA VIE,
SON TRAVAIL DANS UNE USINE À PAPIER.
la rivière Saint-Charles, non loin de la
ville de Québec, et dans laquelle son père
ingénieur aura travaillé toute sa vie.
En tant que « fils d’employé », le jeune
Guy y travaillera durant trois étés alors
qu’il mène en parallèle des études de
dessin d’animation au Sheridan College
fait de balayer incessam-
ment les chutes de papier,
sans oublier le bruit des machines, si fort
qu’il confisque le langage, tout cela s’ap-
parente à un véritable roman initiatique.
L’autre initiation qui circule en filigra-
ne dans les pages de Chroniques de jeu-
nesse, c’est la découverte d’une passion
pour la BD franco-belge. « J’ai toujours
dessiné, avoue Guy Delisle. Mais je ne
pensais pas vivre de la BD. Chez moi, au
coin de la rue, il y avait une médiathèque.
de Toronto. Cette nouvelle BD, pour lui, C’est là que j’ai plongé avec délectation
« c’est un vieux projet, confie-t-il. Je le dans l’œuvre d’auteurs qui m’étaient tota-
traînais depuis vingt ans dans mes car- lement inconnus. Alors j’ai lu Tintin, Spi-
tons. À dix-sept ans, j’étais plutôt un gar- rou et Lucky Luke. Mais j’ai aussi décou-
çon timide. Travailler à l’usine, en enchaî- vert Philémon de Fred, la science-fiction
nant parfois des horaires de 12 heures la virtuose de Moebius, l’appel du large du
nuit, dans une atmosphère où il fait chaud Corto Maltese d’Hugo Pratt… sans oublier
Le Bar à Joe de Munoz et Sampayo. J’ai
adoré leur tueur à gages qui buvait des
Daïri aux bananes… »
Cette épiphanie pour la bande dessinée
arrive au même moment que son travail
à l’usine. Ce qui découle également de
ces années de jeunesse, c’est l’irrésistible
envie de bourlinguer. « Autant mon
grand frère était attiré par les États-Unis,
autant moi, j’avais envie de voir les vieux
pays, s’enthousiasme-t-il. Avec mon
passeport canadien, qui reste à ce jour une
gruyère. Le mur de Berlin
tombait. C’était un symbo-
le. Et je faisais partie de ceux qui partici-
paient à cet événement historique… »
L’autre grand souvenir de Guy Delisle
qui comptera énormément dans son par-
cours artistique, est tout aussi étonnant.
Ne s’agirait-il pas du pasteur avec qui il
regardait des films d’horreur lorsqu’il
était à Jérusalem, douillettement installé
dans un atelier sur le mont des Oliviers ?
« Non, c’était à Montpellier, répond-il,
goguenard. C’est le jour où j’ai démission-
né. Je travaillais sur le jeu vidéo Beyond
Good and Evil. Je ne m’entendais pas avec
mon patron. Un jour j’ai dit : “Merci pour
tout, et bonne chance pour votre jeu !” Je
suis rentré chez moi finir ma BD sur
Shenzhen. J’avais 25 ans. Ça a été jouissif ! »
Cette rupture libératrice, Guy Delisle
s’en souvient parfaitement. Elle reste
encore inscrite en filigrane dans toute
son œuvre. Elle illustre son irrépressible
esprit de liberté. Le courage de dire non
lorsque l’on sait qu’on fait fausse route.
On retrouve d’ailleurs une séquence si-
milaire dans Chronique de jeunesse.
« C’est ce que je voudrais transmettre à
mes enfants… », lâche-t-il en se rele-
vant à la fin de l’entretien. Message
reçu, cher Guy. ■

FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ

Bellamy planche sur l’avenir de la droite en Europe

FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

Il y a un an, Manfred Weber, président du PPE
au Parlement européen, a demandé à François-Xavier
Bellamy (photo), qui dirige le groupe LR de cette assemblée,
de travailler avec un petit groupe de parlementaires
sur ce que doivent être l’esprit et la vision de la droite
en Europe. Écologie, sécurité, commerce, immigration,
civilisation… Le texte, qui affiche une ambition très large,
est intitulé « Pour une politique de la transmission ».
Il sera rendu public le 2 mars.

Renforcement du télétravail à l’Élysée Trudeau rencontre

Le gouvernement a récemment décidé
de renforcer le télétravail afin d’éviter de
Biden… en distanciel
devoir recourir à un nouveau confinement. Le premier ministre
Au sein des ministères et au sommet canadien, Justin Trudeau,
de l’État, les dirigeants n’échappent pas rencontrera Joe Biden mardi
à la règle. Ainsi, depuis que la nouvelle prochain. L’entrevue sera
circulaire publiée il y a quinze jours interdit virtuelle, mais ce sera la
les réunions à plus de six personnes, le première rencontre officielle
Conseil des ministres se déroule le mercredi du président américain avec
à l’Élysée dans un format ultra restreint. un dirigeant étranger.
Cette semaine, Emmanuel Macron a animé La tradition veut que
les échanges en présence seulement le Canada, grand allié des
de son premier ministre, Jean Castex, États-Unis, soit le premier
du ministre de la Santé, Olivier Véran, pays chez qui se rende
et du porte-parole du gouvernement, le locataire de la Maison-
Gabriel Attal. L’un d’eux a conservé le plan Blanche. Les deux hommes
de table, en souvenir. Les autres ministres concentreront leur entrevue
ont dû se contenter de la visioconférence. sur des thèmes économiques.

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