Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Jacques Guilhaumou, Version amplifiée de « Les monstres dans l’ordre social. Généalogies
du « monstre en politique » de Machiavel à Sieyès », in Le « monstre » humain. Imaginaire
et société, sous la dir. de Régis Bertrand et Anne Carol, Publications de l’Université de
Provence, 2005, p. 179-190 et de « Genealogias politicas de los tempos modernas. El
monstruo y el todo social », Revista de Estudios Politicos, 132, 2006, p. 101-132.
Introduction
1
La cohésion sociale et territoriale en Europe, étude réalisée pour la DATAR sous la direction
d’André Donzel et avec la collaboration de José Da Silva, Jacques Guilhaumou et Juliette
Rouchier, LAMES, MMSH, Aix-en –Provence, 2002, 89 p.
2
Paris, La Fabrique, 1998.
2
1-L’héritage médiéval.
3
Voir notre ouvrage à paraître sur Discours et événement. L’histoire langagière des concepts.
Et de manière plus spécifique sur les notions-concepts, Jacques Guilhaumou et Raymonde
Monnier (eds), Des notions-concepts en révolution, Paris, Société des études robespierriste,
2003.
4
Reinhart Koselleck, L’expérience de l’histoire, Paris, Gallimard/Le Seuil, 1997.
5
Quentin Skinner, Visions of Politics. Regarding Method, Cambridge, CUP, 2002.
6
A cette base s’associe le contenu intégral de l’Encyclopédie.
7
A l’exemple du livre-exposition sur Les Monstres à la Renaissance et à l’âge classique que
l’on peut « feuilleter », depuis janvier 2004, sur le site : http ://www.bium.univ-
paris5/histmed/expos.htm.
3
Durant la période médiévale, la cité de Dieu domine sans partage la cité terrestre
dans les croyances des hommes. Il existe bien sûr un ordre des choses, en
particulier pour le monde matériel, mais sa cohésion propre relève in fine de
l’intervention divine. Cependant l’idée de cohésion est d’abord associée à une
communauté de sentiments et de croyances. Dans la pensée médiévale, l’ordre
divin domine un monde façonné par la perfection de Dieu ; il revient alors au
roi, sous le contrôle de l’Eglise, d’incarner une telle domination sans partage.
Ainsi l’Eglise exhorte le roi à diriger, c’est-à-dire à « agir droitement », et à
incarner l’Etat dans la mesure où il est l’image de la domination et de
l’harmonie de l’ordre divin. Le peuple de la cité terrestre ne peut donc pas faire
ce qu’il veut, mais il peut « bien vouloir » s’il accepte le joug de l’Etat8. Où se
situent les monstres dans un tel ensemble ?
Contemplant une mosaïque du port de Carthage qui représente des monstres de
genre humain ou d’apparence humaine, Augustin en vient à considérer ces
monstres comme des « êtres animés, rationnels, mortels » à l’exemple des
« espèces monstrueuses d’hommes » issus de la descendance de Noé. Ainsi
l’existence des monstres n’est en rien contradictoire avec l’ordre divin. Au
contraire, la présence de ces monstres atteste de l’unité du tout au sein de la Cité
de Dieu:
« Dieu, créateur de toutes choses, sait bien où et quand il faut ou qu’il a
fallu qu’une chose soit créée ; il connaît par quelles similitudes, par quels
contrastes s’agence la beauté de l’univers. Or celui qui ne peut considérer
l’ensemble est choqué par l’apparente difformité d’une partie, dont il ignore
l’accord et le rapport avec le tout » 9.
14
« Le vocabulaire politique au XIVème et XVème siècle : constitution d’un lexique ou
émergence d’une science ? », Langage & Société N°113, Le politique en usages (XIVème-
XIXème siècles), sous la dir. d’O. Bertrand et J. Guilhaumou, septembre 2005.
15
Du vocabulaire religieux à la théorie politique en France au 14 ème siècle : les néologismes
chez les traducteurs de Charles V (1364-1380), Thèse de doctorat, sous la dir. de Christiane
Marchello-Nizia, Université de Paris III, 2002. Voir aussi la version publiée de cette thèse,
Du vocabulaire religieux à la théorie politique au 14ème siècle, Paris, Connaissance et savoir,
2005.
16
La citation de Salisbury se trouve à la page 94 de la thèse précitée.
17
« Le mot latin coherentia (ou cohaerentia) signifiait dans la langue classique tout lien entre
deux entités, plutôt concrètes. Il connaît un emploi figuré, notamment chez Cicéron, dont le
sens est « cohésion ». Le latin chrétien des Pères de l’Eglise ne fait que généraliser ce sens
figuré sans pour autant développer un emploi chrétien à proprement parler. Lorsqu’au 12 ème
siècle, Jean de Salisbury rédige le Policratique, le sens du mot est bien différent : coherentia
ne renvoie pas uniquement à la cohésion entre deux éléments, mais plutôt à l’union logique et
naturelle des conceptions de la pensée, c’est-à-dire des productions intellectuelles. La
coherentia selon Jean de Salisbury est avant tout une mise en application logique du savoir
universel »., id., p. 95.
6
Il s’agit alors, avec Le Prince, écrit en 151318, de mettre en avant « la longue
expérience des choses modernes » en vue de marquer la nécessité de la
prééminence d’un sujet politique face au « malheureux dont les actions
divergent par rapport au temps et à l’ordre des choses ». L’art de la Cité, propice
à l’action civique, tombe sous la dépendance de l’art de l’Etat seul apte à
permettre la conservation de la Cité, donc le maintien de sa cohésion par la prise
en compte de la nécessité du conflit, de la guerre.
De fait, un modèle d’idéal civique de la personnalité humaine a fait son
apparition dans les cités italiennes dès la fin du Moyen-Âge sous la forme d’un
humanisme civique qui permet au citoyen d’agir selon les préceptes de la vie
active/vita activa et du vivre ensemble/vivere civile. Machiavel s’efforce alors de
penser la cohérence de l’agir humain au-delà du fait que ces principes
permettent de pacifier la cité terrestre en lui donnant des fins propres, donc une
cohésion civique inédite. Il considère plus avant un monde où dominent les
rapports de force : le mouvement propre fait ainsi son apparition, mais sur le
mode du conflit, de la guerre. Il inaugure ainsi le courant de pensée qui
considère encore de nos jours que le conflit est facteur de cohésion sociale, que
« la civilisation du conflit » permet seul « la cohésion du tout collectif », donc
que le conflit est « facteur de socialisation, d’inclusion et de cohésion
sociale »19. C’est alors que se précise la première figure d’un sujet politique
autonome, le Prince : par sa « façon de faire », il est capable de donner un sens
aux circonstances par un rapport privilégié au temps présent.
En affirmant ainsi l’importance de l’art de l’Etat, Machiavel inscrit le mot stato,
qui désigne alors le domaine sur lequel s’exerce la domination du Prince, au
cœur de l’art de dominer par contraste avec le gouvernement de la Cité pris dans
les rênes de l’humanisme civique. Certes, cette opposition entre dominer et
gouverner ne relève plus du clivage entre la cité divine et la cité terrestre, mais
elle est renforcée, dans la mesure où la maîtrise des fins humaines échappent à
l’emprise des citoyens. Si le citoyen gouverne la Cité avec ses moyens propres,
c’est au Prince qu’il revient la maîtrise de la finalité humaine à l’aide d’un art
politique qui lui permet d’avoir un pouvoir de prédiction, donc de contrôle sur
les circonstances, ce qui lui donne le droit de subordonner la morale civique à la
nécessité. Ainsi la virtu du Prince, sa puissance créatrice, est d’une extrême
novation dans la mesure où elle délivre l’action politique de tout modèle
préétabli et impose la conscience moderne de la temporalité radicale des actions
humaines20.
Cependant, Si une telle puissance créatrice du Prince délivre l’action politique
de tout modèle préétabli, si elle permet d’introduire une gestion relativement
18
Voir l’excellente traduction et le commentaire original de Jean-Louis Fournel et Jean-
Claude Zancarini dans leur édition des PUF, Paris, 2000.
19
D’après Gilles Lipovetsky, L’Empire de l’éphémère, Paris, 1987, p. 326.
20
Cf. Michel Senellart, Les arts de gouverner.., op. cit., p. 212 et svtes.
7
pièces diverses de nostre estat ». Ici l’image « d’un enfant monstrueux » sert de
révélateur de ce qu’il en devrait être de l’unité du royaume, sort donc de son
caractère proprement monstrueux, d’autant plus que Montaigne fait sienne l’idée
augustinienne qu’il n’existe pas de monstre au regard de Dieu 29. La figure du
monstre peut-elle alors incarner plus avant un ordre politique dissocié de l’ordre
divin ?
La réponse d’un 17ème siècle européen, pris à la fois dans à l’instabilité introduite
par la « légitimité » populaire et ses manifestations monstrueuses et, de surcroît
dans l’inhumanité de la tyrannie, nous oriente vers une réflexion sur la portée et
les limites d’une souveraineté étatique de Bodin à Hobbes 30. Souveraineté
moderne, donc absente de la pensée médiévale, où la figure du monstre occupe
une place originale, au point de se confondre avec l’homme lui-même sous la
plume de Pascal par un retournement spectaculaire.
Dans le dernier tiers du 16ème siècle, le contexte des guerres de religion s’avère
particulièrement favorable à la théorisation d’une puissance souveraine sans
partage. Tel est le cas du penseur monarchiste Jean Bodin, dans La République
(1576), qui introduit le principe de souveraineté absolue pour délégitimer tout
acte de résistance au pouvoir royal31. Plus précisément, nul ne peut ici priver le
Prince de sa liberté d’action, surtout en matière législative : il dispose en effet
d’un pouvoir innovant, c’est-à-dire créateur des normes auxquelles il assujettit
les citoyens et s’astreint lui-même ; il ne reçoit donc pas les normes d’une
puissance divine. Ainsi la puissance du Prince n’a rien d’arbitraire, elle obéit à
des règles ; mais elle doit se déployer, pour le bien commun, sous la forme de la
souveraineté absolue. Le Prince ne peut se dépouiller de son droit de faire la loi
pour tous sans en recevoir de personne au profit d’une assemblée souveraine par
exemple, sinon il met en péril l’existence de la communauté tout entière 32.
L’historien peut alors en conclure que :
« L’objet de l’analyse de Jean Bodin, c’est l’Etat considéré comme un corps
social hic et nunc, mais déjà soumis à certaines normes nécessaires à sa vitalité
29
« Ce que nous appelons monstres ne le sont pas à Dieu, qui voit en l’immensité de son
ouvrage l’infinité des formes qu’il y a comprises ; et est à croire que cette figure qui nous
estonne, de rapport et tient à quelque autre figure de mesme genre inconnu à l’homme. De sa
toute sagesse, il ne part rien que bon et commun et reglé », Ibid. , p 691.
30
Oliver Béaud, La puissance de l’Etat, Paris, PUF, 1994.
31
Dans certaines limites précisées par Quentin Skinner dans Les fondements de la pensée
politique moderne, Paris, Albin Michel, 2001 , p. 751 et svtes.
32
Voir Jean-Fabien Spitz, Bodin et la souveraineté, Paris, PUF, 1998.
10
33
Fanny Cosandey, Robert Descimon, L’absolutisme en France. Histoire et historiographie,
Paris, Seuil, 2002.
34
Quentin Skinner, Reason and Rhetoric in the Philosophy of Hobbes, Cambridge University
Press, 1996.
35
Ce que fait Quentin Skinner dans son article, « Hobbes on Representation », European
Journal of Philosophy, 13 :2, 2005.
11
l’ordre établi39. Même s’il ne s’agit que du souverain, c’est bien un sujet
autonome qui prend des décisions hors de tout obligation normative sous-
jacente. Il s’agit bien d’en finir de manière radicale avec toute forme de désordre
par la promotion d’un mécanisme d’allure monstrueuse au sens positif, donc
efficace dans son artificialité même.
45
Disponible sur le site http://philagora.fr
46
Rappelons que sur le plan étymologique monstrum vient du verbe monere qui a trois sens :
faire songer à quelque chose/ avertir, engager, exhorter/ donner des inspirations, éclairer,
instruire. Ainsi au niveau performatif, le point de vue du monstre sur l’homme nous situe
dans le domaine des verbes exercitifs, utilisés « lorsqu’on formule un jugement (favorable ou
non) sur une conduite, ou sur sa justification. Il s’agit d’un jugement sur ce qui devrait être
plutôt que ce qui ce qui est » ( John L. Austin Quand dire, c’est faire, Paris, Seuil, 1970, p.
157).
47
Cf. Eric Dubreucq, « L’intériorité désertée et le fond du cœur. Le rapport à soi dans la liasse
de Pascal sur le divertissement », Methodos, 5, 2005 [texte disponible sur le Web].
14
En affirmant, dès le début du livre premier de L’Esprit des lois (1748) que « les
lois, dans la signification la plus étendue, sont les rapports nécessaires qui
48
L’ampleur des ouvrages du dixhuitième siècle enregistrés dans la base Frantext nous a
permis d’y trouver, par une simple interrogation sur les usages de monstre/monstres, une
grande part des références qui suivent. C’est pourquoi nous nous contentons de donner
l’ouvrage de référence, sans autre précision, lorsqu’il s’agit seulement de l’expression de tel
ou tel auteur, que l’on peut facilement retrouver par une interrogation sur Frantext.
49
La référence majeure en la matière est l’œuvre de Reinhart Koselleck, en particulier son
ouvrage Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Editions de
l’EHESS, 1990.
50
Patrick Tort, L’ordre des monstres, Paris, Syllepse, 1997.
15
51
Voir Louis Althusser, Montesquieu, la politique et l’histoire, Paris, PUF, 1964.
52
Nous suivons ici l’excellent commentaire de Bertrand Binoche dans son Introduction à De
l’esprit des lois de Montesquieu, Paris, PUF, 1998.
53
L’esprit des Lois, livre III, chapitre premier.
54
Ibid., livre VIII, chapitre XI.
55
Introduction, op. cit., p. 108.
56
Gilles Deleuze, Le Pli. Leibniz et le baroque, Paris, Minuit, 1988.
57
Laurence Kaufmann et Jacques Guilhaumou (eds), L’invention de la société. Nominalisme
politique et science sociale au XVIIIème siècle, Paris, Editions de l’EHESS, 2003
16
Les philosophes des Lumières s’avancent plus avant : ils font de l’expérience
humaine, donc de la nature humaine, la matière principale de la réflexion,
introduisant ainsi une continuité entre l’ordre naturel et l’ordre humain, en dépit
du nécessaire seuil de la convention sociale. Ils tendent ainsi à se distancier, sans
s’en détacher complètement, de l’idée d’une « chaîne des êtres » qui induit une
58
La politique et sa mémoire. La politique et l’historique dans la pensée des Lumières, Paris,
Payot, 1983, p. 304.
59
« Ainsi supposant dans un magistrat sa vertu essentielle, qui est la justice, qualité sans
laquelle il n’est qu’un monstre dans la société, et avec laquelle il peut être un très mauvais
citoyen », Discours de rentrée au Parlement de Bordeaux, 1725 ( C’est nous qui soulignons).
17
A- De la cohésion sociale.
60
Diderot, Pensées sur l’interprétation de la nature, Œuvres, tome I, Laffont, Bouquin, 1994,
p. 562-563.
61
. Laurence Kaufmann et Jacques Guilhaumou (eds), L’invention de la société. Nominalisme
politique et science sociale au XVIIIème siècle, op.cit.
62
L’Encyclopédie fait partie des corpus de l’I.L.F interrogeable sur le Web.
63
Le Rêve de d’Alembert, Œuvres de Diderot, tome I, Paris, Laffont, 1994, p. 626.
18
A vrai dire, d’un tel point de vue organique, il s’agit, à l’exemple de Charles
Bonnet dans La contemplation de la nature (1764), de porter notre attention sur
« le corps organisé », étant entendu que « chaque être a son activité propre » au
sein de « la chaîne universelle des êtres ». Le corps humain apparaît alors
comme « l’organisation la plus parfaite » dans la mesure où « elle opère le plus
d’effets avec un nombre égal ou plus petit de parties dissimilaires ». Ce qui le
singularise au mieux, c’est la réflexion, c’est-à-dire « la faculté de généraliser
ses idées, ou d’abstraire d’un sujet ce qu’il a de commun avec d’autres, et de
l’exprimer par des signes arbitraires »64. La quête de la cohésion par l’unité des
éléments procède alors de la recherche d’un tiers-commun et non d’un simple
mécanisme d’assimilation. Certes l’assimilation, par incorporation de l’air, de
molécules nourricières ou d’autres choses reste un mécanisme, mais sans
imprégnation originelle et quelque peu secret En effet ce mécanisme
d’assimilation demeure sous la dépendance d’une structure organique qui le
détermine, il dépend de l’arrangement des fibres du corps : ce sont ces éléments
qui opèrent en dernier ressort l’assimilation.
En déplaçant le propos d’une contiguïté de facture mécanique vers la cohésion
issue du mouvement organique, Diderot et Bonnet réfutent donc l’explication
mécanique courante que Fontenelle résumait en 1742 dans les termes suivants :
« La machine de l’univers n’est pas semblable à un être animé, mais est
semblable à une horloge et […] tous les mouvements variés y dépendent d’un
simple force matérielle agissante, de même que tous les mouvements de
l’horloge sont dus au pendule simple »65. Diderot remarque ainsi que
l’organisation d’un corps ne peut se réduire à une simple association de parties
aptes à engendrer mécaniquement de nouvelles propriétés. Réfutant donc le
matérialisme vulgaire, relatif aux générations spontanées, il considère
l’existence unique de la matière sur la base de sa sensibilité universelle
productrice de mouvement, donc d’après sa capacité de se transformer, de se
métamorphoser en tant que matière même de la vie, force propre avec l’action
et la réaction qui s’ensuit. Il émet alors des hypothèses qui se vérifieront dans la
conception et la réalisation à venir de l’ordre social, et tout particulièrement
l’existence de la matière homogène au sein même du moi pris comme un tout:
« Mon unité, mon moi […] Je suis moi, j’ai toujours été moi, et je ne serai
jamais un autre », « Il n’y a qu’un seul grand individu, c’est le tout […]. Les
espèces ne sont que des tendances à un terme commun qui leur est propre… Et
la vie ?… La vie, une suite d’actions et de réactions »66. Nous entrons ainsi dans
le jeu infini de l’action et de la réaction suscitant réciprocité, oppositions, chocs,
et non équilibre, entre les différentes parties tant de l’univers que des corps et de
64
Contemplation de la nature, 1762, chapitre 4 de la seconde partie.
65
Œuvres, Paris, 1742, tome 2, p. 20.
66
Le Rêve de d’Alembert op. cit., p. 636-637.
19
Quand est-il alors vraiment de ce moi dont parle Diderot et qui s’avère
désormais situé à l’horizon d’un tout organique ? Renvoie-t-il à un substratum
qui lui donne une allure verticale, voire avec sa part inconsciente et sa part
67
Voir Jean Starobinski, Action et Réaction. Vie et aventure d’un couple, Paris, Seuil, 1999.
68
Pensées sur l’interprétation de la nature, Oeuvres, op. cit., p. 576.
69
Ce verbe n’existe pas encore, semble-t-il. C’est à la parole de Napoléon, dans le Mémorial
de Saint-Hélène, que l’on prête son invention.
70
Pensées sur l’interprétation de la nature, Oeuvres, op. cit., p. 596.
20
Une fois que « l’art social » est fondé sur des expériences et des raisonnements,
les hommes des Lumières donnent alors sa perfectibilité propre à l’individu
empirique comme horizon de son agir, et y attache un progrès de l’histoire et de
la civilisation humaines. Condorcet présente ainsi, en fin de parcours, un
Tableau des progrès de l’esprit humain qui marque enfin la capacité de
l’homme à maîtriser le présent et l’avenir de façon rationnelle 77. Ces hommes
éclairés s’intéressent donc au déploiement de l’action dans le champ de
l’expérience humaine selon une finalité propre, le bonheur. Ils ouvrent l’attente
des hommes à une histoire émancipatrice, ce que Voltaire appelle le premier « la
philosophie de l’histoire »78. Ils y inscrivent un nouvel art de gouverner en vue
de rationaliser le désordre, mais sans présupposer un ordre essentiel, divin, donc
dominant. Ainsi, dans la configuration du passage de l’ordre naturel à l’ordre
normative. L’auteur ne manque pas de se moquer du travail des antiquaires qui tentent de
trouver dans le passé la justification du droit », Monique et Bernard Cottret, Jean-Jacques
Rousseau en son temps, Paris, Perrin, 2005, p. 374.
77
Voir Keith M. Baker, Condorcet. Raison et politique, Paris, Hermann, 1988.
78
Bertrand Binoche précise le contexte d’apparition de cette expression dans Les trois sources
des philosophies de l’histoire (1764-1798), Paris, PUF, 1994.
22
politique, via « l’ordre social », les auteurs du 18ème siècle commencent par une
réflexion sur l’équilibre des pouvoirs au nom des principes (Montesquieu),
véritables ressorts de l’action, et terminent par une analyse de l’unité d’action
entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif au titre du pouvoir constituant
de la nation (Sieyès). Ainsi se positionne un contexte favorable au déploiement
d’un trajet du « monstre en société » (Montesquieu), destructeurs des principes,
au « monstre en politique » (Sieyès) adepte de pouvoirs illimités révolus, en
passant par l’abandon d’une approche mécaniste du monstre.
nécessité de penser « le tout de la nature vivante », il n’en reste pas moins que le
déplacement du questionnement naturaliste d’un essentialisme vers une logique
naturelle ordonnée tend à exclure tout apport positif d’une réflexion sur le
monstre en société.
81
Ainsi Maupertuis précise que « la plupart des êtres ne nous paraissent que comme des
monstres, et nous ne trouvons qu’obscurité dans nos connaissances » , Essai de cosmologie
( ?), édition Paris, Vrin, 1984, p. 73. A préciser ?
24
Certes Robinet précise, dans De la nature (1761), que les monstres existent
« par l’excès ou le défaut de quelques parties », sans pour autant être étrangers à
la nature, dans la mesure où cette dernière a des écarts qui ne mettent pas en
cause sa dimension normative. Ainsi « La Nature fait tout ou dans son cours
ordinaire et réglé, ou dans ses écarts » précise le Discours préliminaire de
l’Encyclopédie87. Mais, en matière de monstre en société, l’excès monstrueux, à
la fois excès de préjugés, d’imagination, ou défaut de sociabilité détruit les
vertus d’une société, la bonté naturelle qui les unifient, donc son ensemble
harmonieux.
82
Jean Starobinski, dans Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle, Paris,
Gallimard, 1971, p. 27 et svtes, précise ce qu’il en est chez Rousseau de cette irrémédiable
déformation de la forme humaine originelle.
83
Préface au Discours sur l’inégalité, Œuvres, tome III, Paris, Gallimard, 1964, p. 122.
Starobinski précise que Rousseau considère que, certes quelque chose a changé dans son âme,
mais que cette dernière demeure identique à elle-même, donc hors de toute altération. Seules
les autres ont défiguré son image et ses œuvres pour en faire un monstre, ibid.
84
Rousseau juge de Jean-Jacques. Dialogues (1776), Paris, A. Colin, 1962, p. 148 Cet
ouvrage a été rédigé au moment où Rousseau se considérait comme la victime d’un complot,
d’une organisation monstrueuse fabriquée tout spécialement à son encontre.
85
Ainsi il écrit, au début de la première promenade des Rêveries du promeneur solitaire :
« Pouvais-je dans mon bon sens supposez un jour, moi le même homme que j’étais, le même
que je suis encore, je serais tenu sans le moindre doute pour un monstre, un empoisonneur, un
assassin, que je deviendrai l’horreur de la race humaine, le jouet de la canaille », Œuvres,
tome 1, Paris, Gallimard, 1959, p. 996.
86
Ibid. p. 98.
87
Voir ci-après les positions « contradictoires » de Bonnet et de Diderot.
25
être dont la durée est incompatible avec l’ordre subsistant »91, Diderot ne tend-t-
il pas à considérer que la naturalité du monstre s’arrête aux portes de l’ordre
social, qui nécessite à a la fois un état stable et un devoir-être ?
De fait, parmi les penseurs matérialistes, il revient au baron D’Holbach
d’expliciter au mieux ce qu’il en est du « monstre dans l’ordre social », de sa
réalité et de ses limites. En matière de « monstre naturel », D’Holbach précise
d’abord, dans le Système de la nature (1781) que tout est ordre dans la nature,
donc que « l’ordre et le désordre de la nature s’existent point ». Et d’ajouter :
« Tout est dans l’ordre dans une nature dont toutes les parties ne peuvent
jamais s’écarter des règles certaines et nécessaires qui découlent de
l’essence qu’elles ont reçue […] Il suit encore qu’il ne peut y avoir ni
monstres, ni prodiges, ni merveilles, ni miracles dans la nature. Ce que nous
appelons des monstres sont des combinaisons avec lesquelles nos yeux ne
sont point familiarisés, et qui n’en sont pas moins des effets nécessaires »92.
Cependant, si les monstres que nous croyons percevoir dans la nature ne sont
que le produit de notre manque de connaissances, la société, pour sa part, est
bien remplie de « monstres de barbarie et d’inhumanité », dans la mesure où
précise son ami Helvétius « le terrain du despotisme est fécond en misères
comme en monstres » (De L’Homme, 1771). Le propre du « monstre dans
l’ordre social », c’est, faute de morale et par goût de la luxure, une propension à
exercer des cruautés sur les citoyens (La Morale Universelle, 1776). Le monstre
n’a donc plus de place dans un Système social (1773) où « tout est lié » si ce
n’est pour incarner ce qui le nie dans son essence même, le despotisme. Là où
les citoyens peuvent exercer son « droit d’être libre », donc concourir à la
formation de « l’ordre politique », les monstres sont de pure extériorité. Au
terme de ce trajet, la dissociation entre la figure du citoyen libre et celle du
despote monstrueux est donc courante.
Ce texte, intitulé Les Mannequins, se trouve dans la Correspondance de Mettra des années
95
1787-1790, mais aussi dans le dossier FN 7 4385(1) de Hautefeuille Ancelin déposé aux
Archives Nationales. Date-t-il du début de la Révolution française ?
29
Un autre adversaire des Physiocrates, mais bien connu, Mably, s’en prend alors
à « la pauvre politique » qui sous-tend cette « nouvelle science économique », et
lui oppose une « science morale »96. En effet, le critère exclusif de la propriété
foncière, et sa conséquence le partage de la société en deux classes, les pauvres
et les riches tend à dénaturer « les rapports qui doivent unir les citoyens d’un
même état », qui plus est ignore « les qualités sociales », issues de la nature,
propre à rapprocher les hommes. Des droits et des devoirs du citoyen (1758) à
De la législation (1770) en passant par les Doutes proposés aux économistes sur
l’ordre naturel et essentiel des sociétés (1776), Mably promeut, contre le
despotisme de l’évidence des Physiocrates et en appui sur les qualités sociales
de l’homme, une figure du législateur empirique. Ce législateur, qui n’a rien de
divin, est apte à concrétiser un art de la politique défini comme « l’art de
gouverner selon des principes fixes », c’est-à-dire sur la base des qualités
sociales qui engagent d’emblée les hommes dans des secours réciproques et des
échanges mutuels. Son but est d’ouvrir la voie du bonheur à l’homme en le
préparant aux vertus sociales, et tout particulièrement au sentiment de l’égalité.
Il confère ainsi aux citoyens un même gouvernement, un même intérêt sur la
base de la même raison, des mêmes besoins et bien sûr des mêmes qualités
sociales, et permet ainsi l’existence « d’un seul état dont les ressorts et les
mouvements seront réguliers ». L’ambiguïté de la politique est levée par le fait
que chaque citoyen puisse désigner la même chose, identifier le même but. Ce
primat donné au même par rapport au soi ne prend pas vraiment en compte le
rôle de l’individu et de sa réflexivité propre dans la formation de la cohésion
sociale, mais elle marque bien la primauté d’une politique basée sur la liberté et
l’égalité.
Dans cette perspective, l’expression « le monstre en politique » est attestée chez
Mably, pour être tout aussi rapidement renvoyée au passé révolu de la vassalité :
« La monarchie française ne pouvait sortir de ses désordres tant que les rois
auraient des vassaux aussi puissants, c’était un corps mal constitué, ou
plutôt un monstre en politique, dont chaque partie était désunie de son tout,
et devait même trouver son avantage particulier dans l’affaiblissement et la
ruine des autres » (Parallèle des Romains et des Français par rapport au
gouvernement, 1740).
100
L’instauration du veto royal, certes sous une forme suspensive, suscite l’emploi chez les
patriotes hostiles au pouvoir exécutif royal de l’expression « veto monstrueux ». Robespierre,
dans son discours non prononcé sur le veto royal, est l’un des responsables de ce glissement
sémantique. Il écrit en effet : « Celui qui dit qu'un homme a le droit de s'opposer à la Loi, dit
que la volonté d'un seul est au-dessus de la volonté de tous. Il dit que la nation n'est rien, &
qu'un seul homme est tout. S'il ajoute que ce droit appartient à celui qui est revêtu du Pouvoir
exécutif, il dit que l'homme établi par la Nation, pour faire exécuter les volontés de la Nation,
a le droit de contrarier & d'enchaîner les volontés de la Nation ; il a créé un monstre
inconcevable en morale & en politique, & ce monstre n'est autre que le veto royal. »
(Discours, volume 6, Paris, PUF, p. 87).
101
Œuvres, Paris, reprint Edhis 1989, tome 2, document 12 p. 6.
102
Voir le chapitre sur « Sieyès, docteur du corps politique » dans Antoine de Baecque, Le
corps de l’histoire. Métaphores et politique (1770-1800), Paris, Calmann-Lévy, 1993.
103
Voir en particulier son intervention Sur le projet de Constitution du 20 juillet 1795,
Œuvres, Ibid., tome 3, document 40, p. 6.
104
Voir sur ce point notre ouvrage Sieyès et l’ordre de la langue. L’invention de la politique
moderne, Paris, Kimé, 2002.
105
Dans La langue politique et la Révolution française, Paris, Meridiens/Klincksieck, 1989, p.
55.
106
Le corps de l’histoire, op. cit. , p. 195 et svtes.
32
A ce titre, une telle figure du monstre réapparaît à chaque fois que le processus
révolutionnaire, d’événement en événement, suscite la désignation d’une
nouvelle aristocratie de nature monstrueuse. L’exemple le plus marquant est
celui de l’assassinat de Marat le 13 juillet 1793 107, et ses conséquences la mise
en place de mesures de salut public. La presse décrit ainsi l’événement :
"Aujourd'hui, à huit heures du soir, Marat a été assassiné par une femme qui,
depuis plusieurs jours, allait chez lui pour obtenir, dit-on la grâce des citoyens
d'Orléans. Il était alors au bain ; et l'assassin lui a plongé un poignard dans le
sein. La femme n'a pas cherché à prendre la fuite ; elle est restée tranquille dans
sa voiture en attendant qu'on la capturât : "Je m'en f..., s'est-elle écriée, le coup
est fait; le monstre est mort" (Paris le 13 juillet). Une fois le geste sur la
personne de Marat accomplit, le journaliste lui prête également les propos
suivants : immédiatement après son "geste parricide", elle s'exclame : "Le coup
est fait, le monstre est mort"; à quelqu'un qui lui faisait observer, dès son acte
mortel exécuté, qu'on allait inventer un supplice nouveau pour punir dignement
son forfait , elle répond : "Tous les supplices que vous me préparez n'ôtent rien à
la jouissance que j'éprouve dans ce moment". Et l’un des citoyens présents de
s’exclamer "Ah! quel monstre ! ". Elle réplique alors : "le voilà le monstre en
montrant du doigt le cadavre de Marat". En réaction, , les journalistes jacobins
font son portrait en soulignant son caractère "antinaturel", "monstrueux" et
"aristocratique".
Un mouvement s’enclenche alors, chez les porte-paroles du peuple parisien, en
particulier les Cordeliers, dans le but de dresser la liste des monstres qui sont
considérés comme les complices objectifs de cet assassinat. Leur portrait tel
qu’il est dressé légitime qu’il soit immédiatement guillotiné : « Quand il y a
dans la campagne un loup enragé, une bête féroce et scélérate qui dévaste les
troupeaux, sur le champ on sonne le tocsin de toutes parts, on se jette sur la bête
enragé et l’on ne lâche point prise qu’un n’en ait délivré le pays. C’est là
l’exemple de notre conduite envers un conspirateur. » Et Hébert d’ajouter que le
premier des conspirateurs n’est autre que le général Custine : « Marat, lorsqu’il
est tombé sous le fer des aristocrates, s’occupait d’un travail qui eût
infailliblement conduit Custine à la guillotine. il avait sur ce brigand les notions
les plus claires ; il avait recueilli sur ce monstre un grand nombre de faits qui
démontraient sa trahison ; il se proposait enfin d’en rajouter beaucoup d’autres »
(21 juillet). Une semaine plus tard, Hébert y revient de nouveau : « Hébert, qui
prend la parole pour proposer des mesures de salut public. Au moment où le
peuple dort, dit-il, ses ennemis se lèvent pour l’assommer. La tête de Custines
est tombée, mais connaissez-vous bien les dangers auxquels la république était
exposée si ce monstre eût échappé à l’échafaud, ou s’il fut sauvé avant que nous
ne l’eussions fait mettre en état d’arrestation. On l’aurait vu retourner
107
Voir La Mort de Marat, J. C. Bonnet ed. , Paris, Flammarion, 1986, avec mon
intervention sur « La mort de Marat à Paris (13 juillet-16 juillet 1793) » p. 39-81.
33
Les jacobins, et Robespierre en premier lieu, une fois défait par les
thermidoriens subissent le même sort. Ainsi, dressant le portrait de Robespierre,
et plus largement des Jacobins, les adresses à la Convention désormais épurée se
succèdent sur le bureau de la Convention pour dénoncer ce « monstre
d’ambition » ce « tyran travesti » jusqu’à l’apostrophe véhémente : « Un
homme ! Non ! Un monstre dont le nom sera à jamais l’exécration des
Français ». Leurs rédacteurs s’en prennent plus largement « aux monstres
anthropophages » qui dévorent l’homme en détruisant l’homme dans
l’homme ». Considérant en les Jacobins « des hommes tels que l’enfer, avec
toute sa puissance diabolique, n’en vomi jamais de pareils sur la terre », elles
retentissent toutes du même cri : « Purgez la République de tous les monstres,
les égoïstes qui la dévorent »108.
109
Jean Nicolas, La rébellion française. Mouvements populaires et conscience sociale (1661-
1789), Paris, Seuil, 2002.
110
Cf. Le peuple, figures et concepts. Entre identité et souveraineté, sous la dir. de Hélène
Desbrousses, Bernard Peloille et Gérard Raulet, Paris, François-Xavier de Guibert, 2003.
111
Voir mon ouvrage sur La parole des Sans. Les mouvements actuels à l’épreuve de la
Révolution française, Lyon, ENSEditions, 1998, disponible sur le site
112
« Le monstre politique… », op. cit. , p. 145-146.
113
Dans Homo Sacer, Paris, Seuil.
114
Une telle « radicalisation » de l’approche biopolitique et son application à la Révolution
française est particulièrement perceptible dans l’ouvrage de Sophie Wahnich, La liberté ou la
mort. Essai sur la Terreur et le terrorisme, Paris, La fabrique, 2003. Cette historienne rompt
avec l’ontologie du droit naturel dans l’action révolutionnaire au profit d’une réduction de
« la vie nue » du peuple émotif par le recours au sacré.
35
choisie d’Antonio Negri, fait alors son apparition. On veut nous confronter à
« une figure post-historique de l’humain », où le corps du peuple serait
fondamentalement « vie nue », corps de l’esclave, « corps irréductiblement
tendu et divisé entre animalité et humanité »115. Du biopouvoir, théorisé par
Michel Foucault au regard de la domination politique de l’Etat Moderne, au
biopolitique étendu à un partage de l’humain et de l’animal, de l’humain et du
monstrueux au sein même de l’humain, on veut nous entraîner dans la critique
d’une machine politique116 qui exclurait « la vie nue » hors du commun comme
non humain, en qualifiant de monstrueux un déjà humain, donc en
monstruosifiant l’humain, tout en considérant le mécanisme inverse, l’inclusion
du dehors dans le dedans comme une preuve supplémentaire de l’existence
d’une « zone d’indifférence » entre l’homme et l’animal, de la production
monstrueuse d’un animal à forme humaine, ou vice-versa. On peut se laisser
facilement séduire par cette mystification dualiste qui nous ouvre la possibilité
quelque peu fascinante de « s’asseoir au banquet messianique des justes »117
Mais encore faut-il en mesurer les graves conséquences, et tout d’abord la
disparition des luttes, des résistances omniprésentes dans les interstices de la
domination politique au profit d’un peuple nu, donc prédestiné à la seule
expérience messianique118. Les généalogies politiques mêlées de la notion-
concept d’ « ordre social » et du désignant de « monstre politique » que nous
nous avons essayé de rendre historiquement intelligible s’inscrivent dans un tout
autre horizon, de nature foncièrement ontologique, et posent ainsi des limites
historiques à la problématique contemporaine du (monstre) biopolitique.
115
Giorgo Agamben, L’ouvert. De l’homme et de l’animal, Paris, Rivages, 2002.
116
A l’exemple de la « machine anthropologique » , Ibid., p. 52 et svtes.
117
Expression d’Agamben, ibid., p. 137 qui renvoie à l’ambiance messianique dans laquelle
baigne une telle mystification idéologique.
118
A l’écart d’une telle mystification, nous pouvons ici renvoyer à notre étude, en
collaboration avec Béatrice Mésini et Jean-Noël Pelen, sur Résistances à l’exclusion. Récits
de soi et du monde, Paix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2004.