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Lucie Guesnier
© Société d'études jaurésiennes | Téléchargé le 23/03/2021 sur www.cairn.info via Université Paris 8 (IP: 193.54.174.3)
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international, il publie dans les années 1960-1970 les documents de
l’organisation socialiste – comptes rendus, circulaires et manifestes2
– sources qui rendent à l’époque possible le récit de la Deuxième in-
ternationale. Georges Haupt se charge lui-même de cette histoire, en
dégageant à partir de ces documents, des analyses sur l’institution inter-
nationale 3. L’autre volet de son travail consiste à publier les correspon-
dances des hommes et des femmes qui la composent et gravitent dans
son orbite, comme l’illustrent les publications des correspondances de
Lénine avec Camille Huysmans ainsi que celles de Rosa Luxemburg4.
Si ce dernier sujet de recherche, marqué par la volonté de raconter l’his-
toire des individus socialistes, a été interrompu par la mort prématurée
du chercheur en 1978, il n’en demeure pas moins que ses archives,
1 Sur Georges Haupt l’historien, voir le n° 203 des Cahiers Jaurès, « Georges
Haupt. L’Internationale pour méthode », janvier-mars 2012.
2 Georges Haupt, La Deuxième Internationale, 1889-1914. Étude critique des
sources, essai bibliographique, Paris, La Haye, Mouton, 1964 (ouvrage issu de sa
thèse de 3e cycle, soutenue sous la direction d’Ernest Labrousse) ; Georges Haupt,
Bureau socialiste international. Vol. I (1900-1907). Comptes rendus des réunions,
manifestes et circulaires, Paris, La Haye, Mouton, 1969.
3 Georges Haupt, Le congrès manqué : l’Internationale à la veille de la Première
Guerre mondiale. Études et documents, Paris, Maspero, 1965 et en collaboration
avec Madeleine Rebérioux, La Deuxième Internationale et l’Orient, Paris, Cujas,
1967.
4 Georges Haupt (dir.), Correspondance entre Lénine et Camille Huysmans
1905-1914, Paris, La Haye, Mouton, 1963, et Georges Haupt (dir.), Correspon-
dance, Rosa Luxemburg, 2 vol., Paris, Maspero, 1975-1977.
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CAHIERS JAURÈS N° 227-228
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la révolution d’Octobre en 1917, chef du gouvernement de la Répu-
blique soviétique ukrainienne puis ambassadeur bolchevique proche de
Léon Trotsky à Paris et à Londres, Christian Rakovski intéresse surtout
Georges Haupt pour ses activités antérieures. Formé dans les milieux
socialistes français autour de Jules Guesde dans les années 1890, c’est au
cours de cette période qu’il entre pour la première fois en contact avec
Jean Jaurès, rencontre marquante qui se transforme en amitié et en ren-
dez-vous réguliers lors des congrès de l’Internationale auxquels il assiste
en tant que représentant bulgare ou roumain6. Durant cette période, il
se penche sur le socialisme balkanique à travers la question nationale,
sujet sur lequel il publie plusieurs analyses dans la presse européenne.
Le présent article se concentre sur les travaux de Georges Haupt
concernant le socialisme roumain, parmi lesquels Christian Rakovski
occupe une place incontestable bien qu’elle soit contrastée, contraste
qui suit l’évolution des engagements politiques du chercheur. Quasi-
ment absent de ses premières études publiées dans l’espace soviétique, si
ce n’est pour être accusé de trahison à la cause révolutionnaire, Christian
Rakovski devient dans les années 1970 un de ses objets de recherches les
plus importants. Si Georges Haupt commence par désavouer Christian
Rakosvki et son rôle dans l’histoire du socialisme, c’est en raison de ses
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ski par les autorités soviétiques et bien avant la biographie, élaborée
à partir des archives de Léon Trotsky, que Pierre Broué9 lui consacre,
Georges Haupt était sur le point de publier en 1978 plusieurs études
biographiques sur Christian Rakovski, basées sur une documentation
essentiellement roumaine.
Cette documentation ressurgit avec l’ouverture des archives de
Georges Haupt à la FMSH. Elle conduit aussi à se pencher sur ses pre-
miers travaux, alors qu’il était historien de l’espace roumano-soviétique,
cette période étant exclusivement documentée par les études et articles
qu’il a publiés dans les revues principalement roumaines10. L’ensemble de
cette documentation révèle, qu’en dépit des sélections et arrangements
interprétatifs caractéristiques de ces premiers travaux, les personnages
de la social-démocratie roumaine avant 1917 tiennent en filigrane une
place significative, dès le début de sa carrière. Avant son exil en France
en 1958, ses recherches sont consacrées aux circulations militantes en
provenance de l’Empire de Russie et à leur influence dans l’émergence
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certaine forme de cohérence entre les chantiers de sa jeunesse soviétique
et ceux développés après son exil. Au regard de l’histoire personnelle
de Georges Haupt et de ses premiers travaux, l’intention ici est de
comprendre les perspectives documentaires que pourraient apporter les
projets inachevés et jamais publiés de l’historien sur Christian Rakovski.
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gnage16, sont les seuls dont nous disposons sur sa jeunesse et sa for-
mation dans l’espace soviétique. Encouragé par le Parti communiste
roumain à partir de 1947, il est bénéficiaire d’une bourse à Leningrad,
où il soutient sa première thèse de doctorat l’année de la mort de Staline
avant de s’installer à Bucarest.
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avaient jusque-là sensiblement négligés. Cette méthode, liée à un goût
pour la collecte précise et minutieuse des sources, mais aussi à l’ambi-
tion de donner une place dans la grande histoire à ceux qui y participent
depuis la base, renvoie aux affinités qu’il a par la suite développées avec
Jean Maitron dans les années 1970 autour du Dictionnaire du Mouve-
ment ouvrier pour lequel il collabore20.
Les textes qu’il produit apportent une quantité essentielle de réfé-
rences aux sources. Quelques-uns de ses articles font par exemple men-
tion de l’Archive centrale du Parti constituée par l’ISISP de Bucarest,
institut dans lequel Georges Haupt a de hautes responsabilités dans la
première phase de sa carrière. Créé par le Comité central du Parti com-
muniste roumain en 1951, cet institut a pour fonction de développer
la recherche et l’écriture – ou la réécriture – de l’histoire du mouve-
ment ouvrier, socialiste et communiste de Roumanie, conformément à
la propagande officielle et aux grandes lignes politiques et idéologiques
de l’époque. Reproduisant les pratiques de l’Institut marxiste-léniniste
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Pour comprendre la nature de la social-démocratie roumaine, Georges
Haupt mène des enquêtes sur des personnages tombés dans l’oubli : des
militants russes, des idéologues, des exilés. Sur le mouvement narod-
nik et l’influence des révolutionnaires russes dans les milieux socialistes
roumains de la seconde moitié du XIXe siècle, il contribue à mettre en
lumière leurs connections européennes entre la Suisse, zone de refuge
pour les sociaux-révolutionnaires russes, et la Roumanie, territoire fron-
talier de l’Empire de Russie, sur la route stratégique des circulations. Ses
articles documentent par exemple le destin des révolutionnaires russes
au XIXe siècle22 ou encore l’influence de leurs revues en Roumanie23.
Ces textes sont précieux moins pour les analyses développées – em-
preintes du langage spécifique de l’historiographie soviétique – que
pour les personnages sur lesquels Haupt enquête. Tous ont fui les
persécutions du Tsar à la fin du XIXe siècle en raison de leurs engage-
ments politiques et sont par la suite actifs dans le paysage politique rou-
main du tournant du XXe siècle. Parmi eux Constantin Dobrogeanu-
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littéraire moderne, adossée aux méthodes sociologiques marxistes25. Il
consacre ses activités à la transmission du marxisme en Roumanie à
travers de nombreux articles et essais scientifiques ou littéraires publiés
dans les revues roumaines de gauche. L’une de ses œuvres majeures,
Neoiobăgia (le néo-servage), écrite après les importantes révoltes pay-
sannes de 1907, formule l’adaptation des principes marxistes aux pays
agricoles, et en particulier à la Roumanie.
Nikolaï Zubcu-Codreanu, le Docteur Russel ou encore Zamfir Ar-
bore appartiennent à la même génération de révolutionnaires en exil.
Le premier, Nikoaï Zubcu-Codreanu, naît en 1850 dans une famille
de paysans pauvres dans la partie moldave de l’Empire de Russie. Suite
à des études à Petersbourg, au cours desquelles il rencontre les milieux
narodiniki, il doit fuir les répressions du Tsar et se réfugie en Roumanie
où il rencontre Constantin Dobrogeanu-Gherea. Il est médecin pen-
dant la guerre russo-turque de 1877-78 et en profite pour faire circuler
la propagande révolutionnaire par la Roumanie. Sociologue, journa-
liste, écrivain et militant il meurt prématurément d’une maladie du
24 Georges Haupt, « Acțiunile de solidarizare ale proletariatului din Romînia
cu revoluția populara din Rusia (ianuarie 1905 - ianuarie 1906) » (Actions de soli-
darité du prolétariat roumain avec la révolution populaire russe, janvier 1905-jan-
vier 1906), Studii VIII (1), 1955, pp. 29-54.
25 Constantin Dobrogeanu-Gherea, Studii critice, Albatros, Bucarest, 1982.
Ce sujet est d’ailleurs l’objet d’un autre article que Georges Haupt écrit dans la
deuxième phase de sa carrière, bien des années plus tard : « Rôle de la critique dans
la naissance du socialisme : la Roumanie », Le Mouvement social n° 59, avril-juin
1967, pp. 29-48.
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Journaliste, imprimeur et historien, il est le père de la militante sociale-
démocrate roumaine, Ekaterina Arbore, nommée par la suite Commis-
saire sur les questions d’Hygiène à Moscou en octobre 1917.
Ce sont ces réseaux que Georges Haupt reconstitue dans les articles
de la revue Studii. Les activités de propagande de ces individus jouent à
ses yeux un rôle essentiel dans la formation des identités révolutionnaires
dans l’espace roumain et plus largement européen26. Ces études, même si
leur intention reflète le besoin de légitimation du Parti communiste rou-
main, poursuivent une logique qui reste finalement assez constante chez
Georges Haupt : le rôle et la place des individus dans le cours de l’histoire.
De ce point de vue, son exil politique de 1958, grâce à la découverte des
documents de la Deuxième internationale, va lui permettre de continuer
cette recherche, bien qu’il en renouvelle complètement la méthode.
De l’effacement à l’attachement
La raison pour laquelle Georges Haupt centre son attention sur
Christian Rakovski lorsqu’après 1958, il s’empare de l’histoire de la
Deuxième internationale à travers les documents du BSI, réside sûre-
ment dans l’omniprésence du personnage dans le paysage balkanique
à cette époque. Cette considération pour le militant est d’autant plus
26 Voir la thèse de L. Guesnier, La sédimentation des socialismes roumains, op
cit, pp. 153-212.
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à partir des années 1950. Enfin, le patrimoine foncier dont il a hérité
– Rakovski est un boyard, propriétaire d’un grand domaine agricole
à Mangalia, en Dobroudgea roumaine – le situe d’emblée parmi les
hérétiques. Ce diktat de l’histoire politique, qui, après la mort de
Staline, va glisser vers une reconstitution nationaliste du phénomène
communiste en Roumanie, finit par exaspérer Georges Haupt. Il s’en
explique dans la seule note qu’il laisse dans ses archives concernant les
raisons de son départ de 1958 :
En tant que représentant de l’Institut d’Histoire de l’Académie roumaine,
j’ai participé à plusieurs conférences et réunions scientifiques en Hongrie,
Tchécoslovaquie et Pologne. À cause de mes fonctions, le C.C. du parti
ouvrier roumain m’a donné l’ordre de lutter contre les soi-disantes
tendances révisionnistes et contre l’idéologie bourgeoise, de dénoncer mes
collègues et de militer dans une direction indiquée par lui. Mais ayant
pris déjà dès 1956 une position publique contre le stalinisme et contre
l’imposture et la falsification de l’histoire, j’ai refusé et profitant de la
première occasion, en juillet 1958, j’ai demandé et obtenu l’asile politique
en France où j’ai déjà obtenu mon certificat de réfugié 28.
Ainsi, dans les années 1970, libéré des contraintes liées à ses fonc-
tions, Georges Haupt revient sur la trajectoire de Christian Rakovski,
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plus ou moins connus au sein de l’Internationale. À travers ces ajouts
documentaires, Georges Haupt enrichit l’histoire événementielle du
socialisme – à laquelle il contribue par ailleurs29 – d’une histoire sociale
du socialisme. En effet, comme le remarque Ernest Labrousse, « dans la
vision de Georges Haupt », vision qui se traduit dans les documents de
ses archives, « l’histoire institutionnelle du socialisme ne manque pas de
mettre en lumière l’histoire des individus30 ».
Né dans un espace roumano-hongrois d’un père allemand, et ayant
poursuivi ses études en URSS, Georges Haupt parle d’emblée quatre
langues : le roumain, le hongrois, l’allemand et le russe. Ce sont les
langues de ses années roumaines, auxquelles il ajoute d’autres langues
balkaniques qu’il pratique, puis le français et l’italien avec lesquelles il
travaille. Qui d’autre que Georges Haupt peut ainsi mieux comprendre
l’itinéraire de Christian Rakovski, cet autre polyglotte balkanique ?
Émigré bulgare de la fin du XIXe siècle, ce dernier communique avec les
grands noms de l’Internationale sur la situation roumaine dans toutes
les langues. D’emblée, les langues de Christian Rakovski sont le bul-
gare, le roumain, l’allemand, le français et le russe, autant de langues
que le chercheur de 55 ans son cadet maîtrise aussi.
Georges Haupt collecte donc des documents auprès des archivistes,
dans les lieux où Christian Rakovski donnait naissance à des dossiers,
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le compagnon de Trotsky et l’un des principaux acteurs de la Troisième
internationale. C’est d’autant plus vrai que le fonds Christian Rakov-
ski, consultable aujourd’hui aux archives nationales de Bucarest34, ne
contient aucune liste de la sorte et quasiment aucun document se réfé-
rant à ses activités d’avant 1917. Cela signifie que le fonds Georges
Haupt de Paris contient des informations et des documents inédits, non
pas qu’ils l’aient toujours été, mais plutôt parce que l’accès aux archives
roumaines reste encore limité35. Le cheminement de ces documents
sur Christian Rakovski dessine d’ailleurs des trajectoires vertigineuses :
issus de lieux d’archivage roumains d’avant 1917, certains d’entre eux
ont été saisis et reclassés par l’ISISP, isolés du grands public dans des
collections spéciales, mais communiqués sous forme de reproductions
à Georges Haupt en 1976. Ils ont été déplacés après l’effondrement du
régime communiste aux Archives nationales, sont en cours d’inventaire
depuis une quinzaine d’années, et finalement visibles dans les Archives
du chercheur de la Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme
de Paris, quarante ans après sa mort…
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ouvrage « Christian Rakovski, Socialisme et la question des nationalités
dans les Balkans », Georges Haupt écrit : « Il s’agit de réunir, pour la
première fois dans un volume, les principales études et analyses théo-
riques et politiques de Christian Rakovksi parues entre 1896 et 1916
dans les diverses revues socialistes de l’époque, de même que des docu-
ments inédits que j’ai trouvé dans les diverses archives. (…) Rakovski,
dès 1896, fut un des premiers penseurs marxistes à se pencher sur la
question nationale en général et plus particulièrement sur la question
dans les Balkans36. » Le projet de publication aurait été précédé d’une
longue étude biographique sur Christian Rakovski et se serait décliné
en trois volets : le point de vue de Rakovski sur la situation sociale et
économique des Balkans au début du XXe siècle, avec une analyse de
la politique impérialiste des grandes puissances dans le Sud-est euro-
péens, sa critique du panslavisme et du nationalisme dans ses diverses
formes (populisme, mysticisme orthodoxe, etc.) et enfin l’exposé de la
« solution » proposée par les socialistes balkaniques dans une fédération
démocratique des républiques socialistes.
La mise en lumière de la trajectoire de Christian Rakovski avant 1917,
en tant que social-démocrate, marxiste et penseur de la question natio-
nale dans les Balkans, à travers une synthèse de ses propres publications,
reste encore aujourd’hui, quarante ans après la mort de Georges Haupt,
à réaliser37. La destinée bolchévique de Christian Rakovski semble avoir
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ski pointe du doigt dès ses premières publications38 les conséquences
du Congrès de Berlin sur les minorités nationales, à l’instar des musul-
mans de Bulgarie, de Grèce et du Monténégro, exclus des principes
démocratiques et de l’accès aux droits dans ces pays. Il se demande aussi
quel est le cadre juridique envisageable pour des minorités chrétiennes
et musulmanes – non turques – négligées par la Turquie, à l’instar des
Arméniens, Grecs, Kurdes et Juifs.
Ces questions constituent le cœur de ses engagements en faveur
d’une solution pour la paix dans les Balkans avant 1917. Avec les socia-
listes balkaniques, il formule une réponse confédérale, basée sur une
analyse économique et sociale de la situation dans les Balkans. Cette
confédération, qui se présentait comme une alternative dans les débats
de l’Internationale sur la question nationale, devait garantir l’autonomie
religieuse et culturelle des petites nations par la représentation propor-
tionnelle des nationalités au Parlement39. Face au tableau d’une Europe
« La fédération contre l’alliance militaire : les socialistes balkaniques et les guerres
balkaniques 1912-1913 », Le Mouvement social, n° 147, avril-juin 1989, pp. 69-
87. Cf. également P. Broué, Rakovski ou la révolution dans tous les pays, op. cit.,
p. 77-92.
38 Il publie son premier article sur le sujet, Christian Rakovski, « La ques-
tion d’orient et le Parti socialiste international », La Petite République, n° 7670,
7671-7673, avril 1897, puis « Vers l’entente balkaniques ! », Revue de la paix, nov.
déc 1908 et, documentant sa propre expulsion, La Roumanie des Boyards, Paris,
V. Giard, et E. Brière, Cercul de Bucarest, Editura socialista, 1909.
39 J. Damianova-Kaneva, « La fédération contre l’alliance militaire », art. cit.
Voir aussi le chapitre « Le projet de Fédération balkanique : une alternative à la
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intéressé aux rapports de la Deuxième internationale à l’Orient40, pré-
voit donc, à la veille de sa mort, de compléter cette approche à travers
l’étude des activités de Christian Rakovski en faveur de cette alternative
balkanique.
Faute de temps et bien que les bases en aient été jetées, ces projets de
Georges Haupt n’ont jamais vu le jour. Si ces apports se superposent par
endroits aux travaux biographiques de Pierre Broué, et à ceux de Fran-
cis Conte41, une analyse approfondie des sources respectives des trois
historiens pourrait mener à une meilleure connaissance non seulement
du personnage de Christian Rakovski, mais aussi et à travers lui, à une
plus grande compréhension de la période. Concernant le projet sur la
trajectoire de Christian Rakovski avant 1917, l’apport documentaire
rassemblé par Georges Haupt demeure inédit.
L’ouverture des archives du chercheur invitent donc à une relec-
ture générale des engagements de Christian Rakovski, cette dernière
s’inscrivant dans le regain d’intérêt manifesté depuis quelques années
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CAHIERS JAURÈS N° 227-228
pour l’histoire des socialismes européens 42. En effet, au-delà des apports
sur Christian Rakovski, les quatre mètres linéaires du fonds Georges
Haupt, inventoriés par la FMSH, sont susceptibles de rouvrir des
champs d’études laissés de côté depuis les années 197043 sur les socia-
lismes européens et en particuliers sur les socialismes balkaniques.
En miroir des débuts roumains de Christian Rakovski, effacés
ensuite par sa fulgurante carrière dans les rouages du système sovié-
tique, ce sont les débuts roumains fulgurants de Georges Haupt dans le
même système soviétique qui restent finalement assez méconnus. Leur
anti-stalinisme les relie à travers l’histoire communiste du XXe siècle.
Georges Haupt est aujourd’hui un historien complètement ignoré en
Roumanie. Ni son travail auprès de l’Institut d’histoire du PC roumain,
ni celui développé après 1958 en France, n’a été jusqu’à présent étudié
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ou valorisé dans son pays de naissance. Ceci n’a cependant rien d’ex-
ceptionnel dans l’historiographie roumaine qui subit les conséquences
d’un anticommunisme assez radical depuis presque trente ans, réservant
le même sort à la plupart des travaux des historiens communistes, ran-
gés dans les placards d’une histoire qu’on ne saurait exhumer sans en
craindre le retour.
Lucie Guesnier
(docteure associée au Centre d’histoire sociale du XXe siècle)
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