Vous êtes sur la page 1sur 628

Bulletin de littérature

ecclésiastique / publié par


l'Institut catholique de
Toulouse

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Institut catholique (Toulouse). Auteur du texte. Bulletin de
littérature ecclésiastique / publié par l'Institut catholique de
Toulouse. 1979.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées
dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-
753 du 17 juillet 1978 :
- La réutilisation non commerciale de ces contenus ou dans le cadre d’une publication académique ou scientifique
est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source
des contenus telle que précisée ci-après : « Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France » ou « Source
gallica.bnf.fr / BnF ».
- La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation
commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service ou toute autre
réutilisation des contenus générant directement des revenus : publication vendue (à l’exception des ouvrages
académiques ou scientifiques), une exposition, une production audiovisuelle, un service ou un produit payant, un
support à vocation promotionnelle etc.

CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété
des personnes publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :

- des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent
être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits.
- des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont
signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est
invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et
suivants du code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de
réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec
le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur,
notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment
passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter


utilisation.commerciale@bnf.fr.
Il
fi
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
3i, Rue Je la FonJerie, 3i
TOULOUSE
.
Origène est-il la source
du catharisme ?
Le catharisme apparaît ainsi relativement teinté de judéo-
christianisme, essentiellement origéniste, par ailleurs doté du
canon intégral de la Bible, organisé sous une forme monastique
manifestement basilienne. De ce fait il suggère irrésistiblement
le rapprochement avec ces « moines origénistes » condamnés au
tournant des ive et v e siècles, puis, plus officiellement encore,
par Justinien en 553.
Son origénisme a été mis en lumière pour la première fois
par Marcel Dando à l’aide de la liste d’erreurs ABC (6) dite de
Pérégrin Priscien. Un examen plus diversifié des divers thèmes
exégétiques cathares oblige à considérer son analyse comme
acquise.

Avant d’examiner dans la troisième partie de cet article


les rapprochements indiqués — sans perdre de vue le fait
que, formulés pour la plupart par des polémistes catholi
ques, ils peuvent avoir subi dans leur expression l’influence
des catalogues d’erreurs traditionnellement transmis par les
hérésiologues —, des questions primordiales sont à poser.
Qu’entend-t-on par origénisme ? Un connaisseur d’Origène
retrouve-t-il dans l’exposé de la doctrine cathare fait par
J. Duvemoy quelque chose de l’atmosphère de pensée qui
caractérise le grand théologien alexandrin, ou même l’origé-
nisme du ive siècle que conserve l’œuvre d’Évagre le Ponti-
que et l’origénisme isochriste du vr siècle, tel qu’on peut
en juger à partir du Livre de Hiérothée du moine syriaque
Étienne bar Sudaïli ? Ce ne sont pas des rapprochements
périphériques, dûs le plus souvent à des emprunts, quelque
fois au hasard, qui nous assurent de la parenté de deux
langues, mais des analogies profondes de structure : de même
le rapport de deux pensées ne peut se prouver à l’aide de
textes isolés séparés de leur contexte ou d’opinions repro
chées par d’autres, souvent à contresens, mais se situe à
un niveau beaucoup plus ample et profond. Il est particu
lièrement dangereux et souvent injuste de se livrer à des
comparaisons entre deux mondes de pensée, dont l’un est
bien connu et a été pénétré, par delà les textes, jusque dans
la mentalité d’ensemble qui lui est sous-jacente, tandis que
l’autre a été jugé seulement sur des textes isolés qui peu
vent ne représenter qu’un point secondaire ou passager
parmi les opinions de l’auteur ou même un aspect dans une
antithèse qui ne doit être considérée que dans sa totalité.

(6) C'est-à-dire Albanenses (Albigenses)/ Bagnolenses/ C<mcorezenses.


f
1

1. QU’EST-CE QUE L’ORIGÉNISME ?

Le fait global qu’on nomme « origénisme » est une réalité


compliquée, car, outre la doctrine propre à Origène, carac
térisée par des séries de tensions dont la richesse et la
complexité sont telles qu’elles ont donné lieu à de multiples
controverses, il comprend les deux origénismes dont nous
venons de parler, et encore, pour tout brouiller, l’origénisme
supposé, souvent au prix de contresens, par les détracteurs
du maître alexandrin. On peut donc distinguer six niveaux :

1) L’origénisme d’Origène. La plus grande partie de sa


théologie qui a nourri les Pères du IVe siècle, à peu près
tous ses disciples, est devenu anonymement, comme dit
H. Urs von Balthasar (7), le « bien commun de l’Église » :
ce n’est pas cela qu’on appelle habituellement origénisme
et qui va donner naissance aux origénismes postérieurs, mais
quelques opinions émises dans le cadre d’une « théologie en
recherche », pour la plupart dans son Traité des Principes,
et qui trouvent souvent leurs antithèses dans l’ensemble de
son œuvre et même dans ce livre.
2) L’origénisme supposé par les antiorigénistes du tour
nant du ni 0 et du ive siècles, Méthode, Pierre d’Alexandrie,
Eustathe d’Antioche et par ceux dont Pamphile de Césarée
réfute les accusations par des textes d’Origène lui-même
dans son Apologie d’Origène. Bien des points en sont basés
sur une lecture fautive de l’Alexandrin : les deux attaques
principales de Méthode dans Aglaophon ou De la Résurrec
tion (8) et dans Xénon ou Des Créatures (9) dérivent cha
cune d’un considérable contresens ; les textes d’Origène cités
par Pamphile suffisent à montrer le manque de fondement
de bien des opinions attribuées au théologien.

3) L’origénisme des moines égyptiens et palestiniens de


la seconde moitié du ive siècle dont le principal témoin est
l’œuvre d’Évagre le Pontique, surtout les Kephalaia Gnos-
tica d’après la version syriaque non expurgée éditée par

(7) Origèni. Esprit et Feu, Tome I : L'ftme, Paris 1959. Dans l’Introduc
tion p. 12.
(8) Edition N. Bonwetsch dans le Corpus de Berlin (GCS) d’après une
version paléoslave et de nombreux fragments grecs.
(9) D’après la notice de Photios, Bibliotheca, codex 235.
A. Guillaumont (10) et la Lettre à Mélanie VAncienne (11).
En tant qu’origénisme — car la pensée d’Évagre a largement
scolastique » d Ori-
son originalité propre — il s’agit d’une «
gène : les trois quarts de la synthèse origénienne sont aban
donnés et avec eux les tensions qui la caractérisent ; un
système est fait avec ce qui reste- Puisqu’une hérésie est
une rupture entre les couples d’antithèses qui constituent
la doctrine chrétienne — un des termes est supprimé et
l’autre absolutisé —, il n’est pas étonnant que l’origénisme
du ive siècle, projeté sur Origène, l’ait rendu hérétique.
4) L’origénisme supposé par les antiorigénistes de la
seconde moitié du iv e siècle, Épiphane de Salamine, Théo
phile d’Alexandrie, Jérôme. Les informations qu’ils fournis
sent sur Origène et son Traité des Principes sont à soumet
tre au crible de la critique, car ils n’ont brillé ni par la
compréhension philosophique et théologique, ni par le sens
historique. Ils n’ont guère vu le changement profond de
mentalité qui séparait l’Église minoritaire et souvent persé
cutée du iir
siècle de l’Église triomphante de leur époque,
spécialement en ce qui concerne l’importance d’une chris
tianisation de la philosophie pour la pastorale de l’intelli
gence et la nécessité d’une théologie en recherche. Ils ont
interrogé Origène sur la base d’une problématique formée
par la réaction aux hérésies de leur temps, qu’Origène n’avait
évidemment pas prévues, en particulier de l’arianisme, sans
se demander quelles étaient celles qu’Origène avait affron
tées et qui déterminaient sa propre problématique. Ils
n’avaient pas conscience, par manque de sens de l’histoire,
du progrès doctrinal provoqué par la réaction à l’arianisme,
à partir de la règle de foi assez succincte du me siècle,
celle qu’Origène énumère dans la fameuse préface de son
Traité des Principes : pas davantage de l’évolution du voca
bulaire et ils comprenaient les termes utilisés par l’Alexan
drin dans le sens qu’avaient ces mots au ive siècle et qui,
dans quelques cas théologiquement importants était beau
coup plus précis que celui du m e siècle. Ils ont lu Origène
avec les lunettes que leur fournissait l’origénisme de leur
époque, qu’ils ont en quelque sorte projeté sur lui : cela est

(10) Dans Patrologia Orientalis 28/1.


(11) Édition Frankenberg (Evagrius Pontictjs, dans Abhandlungen der
kôniglichen Gesellschaft der Wissenschaften zu Gôttingen, Philologische-
historische Klasse, Neue Folge, Band XIII/2. Berlin 1912) p. 612-619, texte
syriaque et rétroversion grecque. On trouve aussi dans ce volume une version
syriaque des Kephalaia Gnostica. qui a été soigneusement expurgée de tout
origénisme.
des « chapitres gnostiques » d’Évagre le Pontique
(14) : ne
figurant pas dans les Actes officiels de Constantinople II
ils ne peuvent être considérés comme l’œuvre d un concile
œcuménique.
On voit par ce bref exposé la complexité de ce que
recouvre le terme « origénisme » et l’erreur qu’on commet
trait en attribuant sans distinction ni nuance à Origène ce
détrac
que ses soi-disant disciples ont élaboré et ce que ses
teurs ont voulu trouver dans ses écrits.

2. CARACTERISTIQUES GENERALES
DE L’ORIGÉNISME ET DU CATHARISME
A en juger par le livre de Jean Duvemoy la vision
cathare du monde, si on la prend dans son ensemble, diffère
profondément de celle que présentent les œuvres d’Origène
et même d’Évagre et d’Étienne bar Sudaïli.
Un point capital concerne la spiritualité. Jean Duvemoy
écrit du catharisme (15) :
Ce qui frappe le plus, au contact de cette littérature comme
en présence des documents judiciaires, c’est l’aspect purement
logique, voire ratiocinateur, de la théologie, qui apparaît beau
coup plus comme une conviction que comme une foi.
Rien de ce qui nous est parvenu ne permet de supposer qu’il
y ait eu une mystique cathare...
Le dévotionnisme est à peu près absent du catharisme...
On aurait pu attendre des expressions intimes et passionnées
de la relation filiale du parfait au Père saint, de l’union de l’âme
avec l’Esprit consolateur...
Mais on n’en trouve guère. Sur ce point l’opposition est
absolue avec Origène comme avec Évagre. Origène est, avant
Grégoire de Nysse, le créateur de la théologie mystique (16),
que suppose toute son exégèse dite allégorique. Il est l’ini
tiateur de la plupart des grands thèmes qui seront repris
après lui de siècle en siècle par les mystiques : le mariage
mystique où l’Épouse du Cantique figure l’âme individuelle
et non pas seulement l’Église, l’Époux étant le Christ ; le
trait et la blessure d’amour ; la naissance et la croissance
du Christ dans l’âme ; la montée sur la montagne ; les cinq
sens spirituels ; la lumière ; les nourritures spirituelles ; le

(14) A. Guillaumont, Les * Kephalaia Gnostica ' d'Èvagre le Pontique...,


Paris 1962, p. 143-169.
(15) P. 269.
(16) H. Crouzel, «Grégoire de Nysse est-il le fondateur de la théologie
mystique ? », Revue d’Ascétique et de Mystique 33, 1957, 191-202.
discernement des esprits ; etc. La connaissance se confond
pour lui avec l’amour dans l’union (17). Outre les quelques
témoignages d’expérience personnelle qu’on trouve dans son
œuvre, assez isolés dans les premiers siècles, il manifeste
pour le Christ une dévotion fortement affective, proche de
celle de saint Bernard (18). Son désir mystique anime toute
son œuvre (19) et sa théologie est incompréhensible sans
lui. Son anthropologie est dominée par les thèmes de l’image
et de la ressemblance de Dieu, par la division trichotomique
orientée vers le combat spirituel, par la délicate dialectique
de la grâce et de l’acceptation libre de l’homme qu’implique
le jeu de l’esprit (pneuma) et de l’intellect (nous). La grande
originalité de la cosmologie exposée par le Traité des Prin
cipes qui est à la base des origénismes postérieurs, c’est
que le moteur de toute l’histoire humaine est précisément
cette même dialectique de la grâce divine et du libre arbitre
de l’homme qui l’accepte ou la refuse. Il suffit de lire les
pages 64-70 du livre de J. Duvemoy pour voir combien une
telle vision est étrangère au catharisme tel qu’il le présente,
bien qu’on y retrouve la distinction esprit-âme-corps, mais,
semble-t-il, avec un sens assez différent.
Évagre le Pontique est aussi un grand auteur spirituel.
Il a subi sur ce point encore l’influence d’Origène, mais
d’une façon originale, notamment en transposant dans une
vie monastique de contemplation pure ce qui était chez
l’Alexandrin la spiritualité d’un exégète, d’un didascale et
d’un apôtre. Sur plusieurs points, par exemple celui de l’idéal
« gnostique » et de 1’ « apathie», il revient aux conceptions
et au vocabulaire de Clément, malgré les fortes réticences
manifestées par Origène à leur sujet. Sans cette visée spiri
tuelle et mystique il est impossible de comprendre la cosmo
logie « origéniste » d’Évagre, telle que la manifestent les
Kephalaia Gnostica et la Lettre à Mêlanie. Le même carac
tère d’ascension mystique, et de fusion mystique poussée
jusqu’au panthéisme est à la base de cette vision épique de
la montée des âmes qu’offre le Livre de Hiérothée d’Étienne
bar Sudaïli.
Toujours selon la peinture que Jean Duvemoy donne du
catharisme, sur un autre point capital l’opposition est com
plète, celui du dualisme, qu’il soit dans le catharisme absolu

(17) H. Crouzel, Origène et la € connaissance mystique


1961, p. 496-523. ». Parls/Bruges
(18) Fr. Bertrand, Mystique de Jésus chez Origène, Paris 1951.
(19) Voir 1 introduction de H. Urs von Balthasar
note 7. au livre mentionné
ou mitigé (20). Origène a constamment polémiqué contre la
doctrine des deux dieux que professaient de son temps Mar-
cionites et Gnostiques et on trouve dans ses reproches bien
des traits signalés dans ce livre comme appartenant au
catharisme : l’origine mauvaise de l’Ancien Testament ; la
représentation de son Dieu, confondu avec Satan, comme
vindicatif, cruel, menteur ; la méthode des antithèses entre
les deux Testaments renouvelant celle de Marcion (21) ;
l’utilisation de Mt 7, 18 : « Le bon arbre ne peut porter de
mauvais fruits, etc. » ; le monde spirituel provenant du Dieu
bon par émanation plutôt que par création ; le monde sen
sible œuvre du mauvais Dieu ; la place donnée au Christ et
la représentation docétique de l’Incarnation ; la substitution
d’un autre personnage au Christ au moment de la Passion ;
et d’autres points encore. Pour Origène le mal n’est pas la
conséquence de l’action d’un Dieu mauvais, car il ne connaît
qu’un Dieu, le Créateur, Dieu de l’Ancien Testament et Père
de Jésus-Christ. Il ne vient pas non plus d’une nature mau
vaise avec laquelle certains auraient été créés, comme le
tenaient les Valentiniens. La véritable cause du mal est le 1

mauvais choix que fait le libre arbitre de l’homme : le rôle


du diable n’est déterminant que si l’homme volontairement
se livre à lui. Le monde sensible et le corps terrestre de
l’homme ne sont pas l’œuvre d’un principe mauvais, mais
de Dieu lui-même, pour mettre l’homme dans les conditions
où il pourra se racheter. C’est un vrai corps humain que
le Christ a revêtu dans le sein de la Vierge. Quant au fameux
« subordinatianisme » trinitaire il est commun aux Pères
anténicéens et différent de celui des Ariens (22) avec lequel
les antiorigénistes du IVe siècle essaieront de le confondre :
il n’exprime pas réellement une infériorité de nature ou de
puissance, mais une subordination tenant d’une part à l’ori
gine — le Père est l’origine en tant que Père —, d’autre part
à 1’ « économie », c’est-à-dire à l’action de la Trinité au dehors
et aux « missions divines » —le Père est celui qui envoie,
alors que le Fils et l’Esprit sont les envoyés.
Il y a là tout un secteur du catharisme qui ne peut} se
ramener ni à Origène, ni à l’origénisme postérieur, ni même
aux critiques faites par les antiorigénistes, à part le subor
dinatianisme. A moins qu’Origène ne doive être tenu pour
responsable de la diffusion de doctrines qu’il reproche cons-

(20) J. Duvernoy, op. cit. p. 39-71.


(21) Ibid. p. 45-47.
(22) W. Marcus, Der Subordinatianismus als historioloaisches Problem,
Munich 1963.
tamment aux Gnostiques et aux Marcionites ! Si Marcel
Dando accepte, nous l’avons vu, comme source du catha
risme, à côté de croyances origénistes exagérées, un dualisme
provenant de l’influence des mythes gnostiques, ce n’est pas
sans étonnement qu’on lit sous la plume de Jean Duver-
noy (23) :
Ilen résulte que les rapprochements, si pertinents ou topiques
fussent-ils, qu’on a pu faire avec le marcionisme ou avec les
Gnostiques doivent être écartés.
On ne voit guère comment le dualisme cathare viendrait
des théologies alexandrine, cappadociennes ou ambrosienne,
par un allégorisme qui, déclare l’auteur (24), « dénature plus
ou moins l’interprétation judéo-chrétienne littérale », affir
mation dont on doit lui laisser la responsabilité, car il serait
trop long de la rectifier, il est impossible de comprendre
que l’exégèse spirituelle d’Origène, Grégoire de Nysse ou
Ambroise ait pu engendrer le dualisme alors qu’un de ses
motifs essentiels était au contraire de réagir contre lui en
montrant l’accord des deux Testaments, œuvres d’un même
Dieu, l’Ancien prophétisant, le Nouveau accomplissant.
La nature de la pensée d’Origène permet de relativiser
bien des rapprochements de détail qui vont être examinés
plus loin et de juger du degré d’acceptation que donne
Origène à de nombreuses affirmations que l’on trouve dans
son œuvre, spécialement dans le Traité des Principes.
« Origenes, aqua de mare ! », Origène, c’est un océan ! disait
une lettre latine du ixe siècle. Un océan a ses courants; et
ses contre-courants, ses flux et ses reflux. Origène est loin
d’être un systématique, au sens où cela supposerait qu’on
réduise le réel à des principes dont on tirerait des consé
quences : sa pensée doit être plutôt qualifiée de synthétique,
car il n’a jamais consenti à laisser tomber la moindre par
celle de ce qu’il pensait être la vérité pour donner à, ses
propos plus de cohérence logique. L’objet essentiel, on pour
rait dire unique, de la connaissance étant pour lui Dieu et
ses mystères, connus dans son Verbe, il sait bien qu’on
n’enferme pas Dieu dans une proposition rationnelle pour
en tirer des conséquences logiques, mais qu’on va à Dieu par
des chemins divers, pas nécessairement cohérents entre eux,
en affirmant aussi bien qu’en niant. De là vient le caractère
antithétique de la pensée origénienne qui n’apparaît guère
si l’on se contente de pêcher çà et là dans son œuvre des

(23) P. 387.
(24) P. 388.
2) Le Fils est inférieur au Père (Da 8„ 24), mais non
selon la nature et la puissance. En effet, nous l’avons déjà
dit, le subordinatianisme d’Origène est, malgré quelques tex
tes maladroits, de l’ordre de l’origine et de 1’ « économie » :
le Père est le premier parce qu’il est le Père et qu’il envoie
le Fils. L’unité de nature et de puissance est plusieurs fois
affirmée équivalemment, sous une forme autre que la défi
nition nicéenne : par exemple le Fils ne sort pas du Père,
ni le Père du Fils ; ils sont une seule volonté, une seule
lumière, une seule bonté, le sujet et l’objet d’un seul amour.
Que le Fils soit l’image du Père, cette affirmation exprime
essentiellement cette subordination d’origine et d’« écono
mie », même si elle est exposée au danger de voir dans
l’image une reproduction affaiblie : Origène semble parfois
tomber dans ce péril, et d’autres fois réagir contre lui.
3) Le jugement est déjà accompli (Da 10, Du 375). Cela
est vrai en ce sens que le passage des intellects préexistants
à la condition terrestre, étant la conséquence d’une faute,
suppose un jugement. Mais ce jugement ne remplace pas le
jugement dernier dont il est souvent question, pour le pas
sage de la condition terrestre à celle de la résurrection.
Autrement on ramènerait la doctrine d’Origène en ce qui
concerne la vie terrestre de l’homme au prédestinatianisme
strict qu’il a combattu constamment chez les Valentiniens,
les « hérétiques aux natures ».

4) «Ce monde est l’enfer des âmes déchues» (Da 12).


Ce n’est qu’une comparaison utilisée en passant (30), et
encore est-il question dans le texte de l’Hadès et non de la
Géhenne. Il est souvent question dans les œuvres grecques
d’Origène de la Géhenne, des ténèbres extérieures, du feu
inextinguible. Mais pour lui comme pour Tertullien, si la
Géhenne correspond à ce que nous appelons l’enfer, l’Hadès
est le Schéol de l’Ancien Testament, séjour des morts : il est
appelé parfois en français « les enfers », notamment quand
il est question de la « descente du Christ aux enfers ». Les
deux termes ne sont pas à confondre.
5) « Le feu éternel est allégorique : c’est le remords du
péché » (Da 12). Ou « Origène ne retiendra que dans un
sens allégorique les peines promises par l’Écriture » (Du
375). Mais allégorique ne signifie pas non réel : au contraire,
dans la mentalité platonicienne d’Origène, ce qui est montré
par l’allégorie constitue la réalité suprême. Il veut seulement
bannir toute représentation matérialiste du feu et de ces
peines. Y voir le remords du péché, c’est désigner par là
la peine du dam qui reste traditionnellement le châtiment
essentiel de l’enfer.
6) « L’Univers a toujours existé dans la Sagesse divine »
(Da 13). Il s’agit du monde intelligible des idées plato
niciennes confondues depuis Poseidonios avec les raisons
stoïciennes, c’est-à-dire pour Origène des plans de l’univers
et des germes des êtres. Il est contenu dans le Fils en tant
que ce dernier est Sagesse, sa « dénomination » (êpinoia)
principale : il a été créé en lui de toute éternité par le Père
dans la génération éternelle du Fils.
7) « Le péché a été commis au ciel et la création du
monde en est la conséquence» (Da 19). Il faut préciser: du
monde sensible. Cela est vrai du péché d’origine commis
dans la préexistence. Mais sur terre l’homme peut encore
pécher.
8) « Des différences de degré dans la chute des anges »
(Da 24).
9) « La nature tripartite de l’homme : corps, âme, esprit »
(Da 24, Du 368). S’y rattachent : « L’esprit, élément divin
surajouté » (Du 369) et la séparation eschatologique de l’es
prit et de l’âme (Du 375). A en juger par les quelques pages
où J. Duvemoy parle de l’esprit il est difficile de savoir si
les Cathares en avaient une conception analogue à celle
d’Origène. Pour ce dernier 1’ « esprit qui est en l’homme »
(pneuma et non nous, l’intellect), participation à l’Esprit
Saint, sans se confondre cependant avec l’Esprit Saint pré
sent en l’âme, mentor et entraîneur de l’âme, ou plutôt de
sa partie supérieure, l’intellect, représente, avec quelques
différences notables, ce qui sera appelé plus tard grâce sanc
tifiante. Pour Origène comme avant lui pour Irénée il est
ôté au damné, ce qui ne parle pas en faveur du salut final
de ce dernier, car avec l’esprit lui est ôté le seul moyen de
sanctification.
10) « La transformation des femmes en hommes lors de
leur entrée au ciel » (Da 25). M. Dando cite en note pour le
montrer un texte tiré d’un Commentaire sur VÉpître aux
Galates, sans dire qu’il n’est pas d’Origène, mais de Jérôme,
qui le prend alors tout à fait à son compte. Mais plus tard,
Jérôme, brûlant ce qu’il avait adoré, répondit aux critiques
de Rufin qu’il avait copié ce passage dans le commentaire
correspondant d’Origène (31). L’idée que la distinction des
disparaîtra dans la résurrection, tirée comme consé
sexes Dieu ne fait
de Mt 22, 30 en vertu du principe que
quence
rien d’inutile, est à peine suggérée par Origène à deux
reprises.
11) «L’interprétation spirituelle et allégorique des
Écri
tures » (Da 25).
12) «L’illumination selon les capacités»: la distinction
des parfaits et des simples croyants (Da 25). La portée de
cette distinction ne doit pas être exagérée, car bien des
déclarations d’Origène réduisent considérablement la distance
entre le parfait et le simple croyant : la peinture du parfait
regarde plus souvent son idéal qui n’est réalisé que dans la
béatitude que sa réalisation terrestre très imparfaite (32).
13) Le sensible n’est pas vrai, mais image (Du 364). Cela
est à comprendre selon la terminologie platonicienne où la
Vérité s’identifie aux idées qui sont la réalité suprême dont
le sensible est l’image ; pour Origène la Vérité s’identifie
aux mystères eschatologiques dont le sensible est l’image.
Vérité est opposé à image, non à erreur. Ce serait un grave
contresens que d’en conclure que le sensible n’est pas réel :
cela signifie seulement que l’existence du sensible est déri
vée par rapport à celle des réalités surnaturelles auxquelles
il renvoie.
14) Les âmes humaines sont de même nature que Dieu
(Du 366). Cette affirmation faite dans Traité des Principes
IV, 4, 9 a provoqué de la part de Jérôme un scandale bien
incompréhensif. Car Origène donne tous les éléments qui
mettent au point cette « connaturalité » du Créateur et de
la créature. Tout ce qui substantiel et immuable dans les
personnes de la Trinité, s’identifiant à leur nature, est acci
dentel dans la créature, c’est-à-dire d’une part reçu et pou
vant être perdu, d’autre part susceptible de croissance et
de décroissance. La « connaturalité » des créatures raison
nables avec Dieu ne signifie pas autre chose que leur créa
tion « selon l’image de Dieu », avec une participation qui est
appelée à s’accroître jusqu’à la « ressemblance » eschato-
logique.
15) L’Incarnation cachée au diable (Du 370). Origène le
dit dans YHomélie IV sur Luc en citant Ignace d’Antioche,

(31) Rufin, Apologia contra Hieronymum I, 24; Jérôme, Apologia I, 28.


(32) H. Crouzel, Origène et la « connaissance mystique », p. 474-495.
Éphésiens 19, 1. Comme on ne peut connaître les réalités
divines si on ne vit pas selon Dieu, le diable ignore tout ce
qui a rapport à l’ordre du salut (33).
16) L’emploi du mot ombre pour distinguer Jésus incarné
du Christ céleste (Du 371), ou plus exactement, car il n’y a
pas là pour Origène deux hypostases ou personnes, mais
une seule, il s’agit de l’âme humaine du Christ. Cette expres
sion vient d’une exégèse allégorique de Lam 4, 20 : nous
vivons ici-bas parmi les nations à l’ombre du Christ Seigneur,
c’est-à-dire selon son humanité, car elle est l’intermédiaire
entre nous et la divinité du Verbe. La puissance du Très-
Haut qui ombrage Marie à la conception de Jésus, c’est le
Verbe, Puissance de Dieu, qui met em elle l’âme humaine
jointe à lui. Mais il n’y a dans ces expressions pour Origène
aucun docétisme, comme le montrent ses déclarations sur
l’authenticité de l’humanité du Christ et ses continuelles
polémiques contre le docétisme des Gnostiques. L’humanité
de Jésus est ombre parce qu’elle tamise en quelque sorte
la lumière du Verbe, pour que nos yeux spirituels puissent
la percevoir malgré leur faiblesse.
17) Jean-Baptiste ange (Du 372). Origène se demande si
Jean-Baptiste, de même que certains patriarches et prophè
tes, ne serait pas comme l’âme préexistante du Christ une
des quelques créatures raisonnables qui, selon ce que sem
blent dire certains passages du Traité des Principes, n’au
raient pas participé à la chute primitive. Il se serait incarné,
non comme les autres hommes à la suite de la faute, mais
pour le service des hommes, afin de préparer l’incarnation
du Verbe.
18) Les apôtres n’ont pu réussir qu’avec la grâce (Du
372).
19) Le pain et le vin symboles du Christ Parole. Il y a
en effet deux degrés de symbolisme : pain et vin matériels
— Corps et Sang eucharistiques du Christ — le Christ Parole
de Dieu. Mais l’insistance sur le symbolisme ne signifie pas,
selon un contresens trop moderne, l’absence du réalisme
eucharistique : la conception patristique du sacrement, s’ex
primant suivant la notion platonicienne de la participation,
suppose une présence réelle, quoique diminuée aux yeux
humains, du symbolisé dans le symbolisant : pour faire appel
aux catégories pauliniennes de I Co 13, 12, continuellement
invoquées par Origène, il s’agit d’une présence « à travers
miroir, en énigme », et non « face à face ».
un
20) Le privilège de Pierre s’étend à tous les parfaits,
car tout parfait est Pierre (Du 385).
21) La prohibition du serment (Du 383) selon Mt t,
33-37.
22) Un autre rapprochement aurait pu être signalé : le
juste devient Mère de Dieu, car il enfante le Verbe (Du 320).
C’est le grand thème mystique de la naissance et de la
croissance du Christ dans l’âme qui, concevant du Verbe,
conçoit le Verbe.

Rapprochements à rapporter aux antiorigénistes.

23) Pas de résurrection corporelle (Da 11, Du 375).


Cette opinion provenant d’un contresens de Méthode dans
Aglaophon ou De la Résurrection est répétée par tous les
antiorigénistes postérieurs. Or Origène, dès ses premières
œuvres, le Traité de la Résurrection, le Commentaire sur le
Psaume I, le Traité des Principes, jusqu’à ses dernières, le
Commentaire sur Matthieu et le Contre Celse a spéculé sur
les corps ressuscités, soulignant à la fois, dans la dépen
dance de 1 Co 15, 35-49, entre le corps terrestre et le corps
glorieux, une identité de substance — c’est le même corps
qui est transformé — et une altérité de qualité — il passe
d’une qualité terrestre, mortelle et corruptible à une qualité
céleste (dite éthérée), immortelle et incorruptible —.
24) Universalité du salut (apocatastase) (Da 12-13, 24,
Du 376). Si cette question est étudiée dans l’ensemble de
l’œuvre d’Origène on trouve des textes qui inclinent dans
tous les sens. Une affirmation absolue du salut universel
serait en contradiction avec le rôle central donné par Origène
au libre arbitre dans l’histoire humaine à cause de son
acceptation ou de son refus de la grâce. Une apocatastase
universelle ne peut représenter pour Origène qu’un grand
espoir, exprimé le plus souvent en relation avec l Co 15,
24-26 : l’espoir que toute créature finira par se laisser tou
cher par le Verbe. Il en est de mêmef pour le rejet d’un
enfer étemel qui lui est lié : il y a des textes dans un sens,
des textes dans un autre. En ce qui concerne le salut du
diable voir ce que nous avons dit plus haut.
25) Le Christ est un esprit créé (Da 24). Jérôme lit cela,
au contraire de Rufin, dans la préface du Traité des Princi-
pes : il projette sur Origène qui l’ignore la distinction de
yeviiTôç et de yew^Tôç, « créé » et « né », qui n’a été précisée
que par la réaction à l’arianisme. Origène emploie indiffé
remment et dans les mêmes sens les mots de la racine
Ytyvojiai et ceux de la racine yewàco : mais l’abondance des
spéculations d’Origène sur la génération du Fils par le Père,
et ce dans le Traité des Principes lui-même, et par ailleurs
la connaissance que Jérôme avait d’Origène, rendent cette
traduction de Jérôme absolument inadmissible.
26) La transmigration des âmes ou métempsychose (Ori
gène emploie le mot « métensomatose ») (Da 24, Du 347 et
373). Jérôme se scandalise de voir Origène discuter dans le
Traité des Principes de la métensomatose : tout en rappor
tant les paroles par lesquelles Origène rejette cette doctrine
il semble n’y voir qu’une manière hypocrite de faire passer
des opinions hérétiques. Or dans les œuvres conservées en
grec les plus indiscutables, Commentaire sur Jean, Commen
taire sur Matthieu, Contre Celse, Origène revient à plusieurs
reprises sur la croyance à la métensomatose qu’il traite d’ab
surdité (avoia) et qu’il déclare contraire à l’enseignement
de l’Église. Étant donné le but du Traité des Principes il ne
pouvait pas se dispenser, pour des raisons apostoliques, de
parler d’une opinion que partageaient bien des philosophes
du temps et qui devait aussi impressionner des chrétiens.
Quant à la transmigration jusque dans des corps d’animaux
elle provient de deux textes de Grégoire de Nysse que l’édi
teur berlinois du Traité des Principes, P. Koetschau, a inséré,
à son habitude, dans le texte même du traité, croyant qu’ils
visaient Origène : mais rien ne montre que Grégoire de
Nysse ait prêté de telles idées à ce dernier qui est en grande
partie son maître (34).
27) « Le Christ souffrira une deuxième Passion au ciel »
(Da 24) ou le Christ recrucifié dans les cieux supérieurs
(Du 371). Encore une conclusion que Jérôme tire du Traité
des Principes (IV, 3, 21), tout en reconnaissant qu’Origène
ne le dit pas explicitement, parce que ce dernier a montré
à plusieurs reprises le sacrifice du Christ comme purifiant
à la fois le ciel et la terre. Mais le livre I du Commentaire
sur Jean, contemporain du livre IV du Traité des Principes,
présente (35) le sacrifice du Christ comme le « sacrifice

(34) Voir lacritique de ce comportement de P. Koetschau dans le dossier


qui suit la traduction du Traité des Principes par M. Harl, <3. Dorival,
A. Le Boulluec, signalée note 27, p. 264-265.
(35) I, 35, 255.
offert une seule fois (curai), non pour les hommes seuls,
mais pour tout être raisonnable ».
28) Les « tuniques de peau » de Gn 3, 21 sont rapportées
aux corps (Du 369). Deux exégèses alégoriques de ce pas
sage ont cours dans l’Église primitive : ou bien elles expri
ment la mortalité et la corruptibilité que reçoit Adam à la
suite de sa faute au lieu de l’immortalité et de l’incorrup
tibilité primitives et il s’agit alors d’une mutation de qua
lité ; ou bien elles représentent la corporéité elle-même, ce
qui suppose qu’Adam au Paradis terrestre n’avait pas de
corps et il s’agit d’une mutation substantielle. Quoi qu’on
en dise, la seconde opinion, attestée dès avant Origène, n’est
pas la sienne, car, comme nous l’avons dit plusieurs fois,
l’intellect préexistant figuré par Adam au paradis avait un
corps éthéré, reçu en Gn 2, 7. Les tuniques dei peau signi
fient donc pour l’Alexandrin le passage d’une qualité céleste,
immortelle et incorruptible à une qualité terrestre, mortelle
et corruptible : non un changement de corps, mais un chan
gement de la qualité du corps (36). La première opinion est
attribuée à Origène à cause du découpage inintelligent fait
par Épiphane dans le livre de Méthode, Aglaophon ou De
la Résurrection, dont il cite environ la moitié dans le Pana-
rion, à propos de l’hérésie 64, qui est 1’ « hérésie » d’Origène.
Il a en effet reproduit, comme si c’était une réfutation
d’Origène, celle du premier orateur du dialogue, le médecin
Aglaophon, qui soutient précisément cette première opinion,
et il n’a pas donné un mot de l’authentique réfutation d’Ori
gène qui se trouve au tome III du livre de Méthode selon la
version paléoslave qui le conserve tout entier et dont l’au
thenticité est confirmée par la notice de Photios, Bibliotheca
234, qui cite de nombreux fragments du texte grec.
29) « Les anges déchus ont été, pour leur punition,
revêtus des corps que nous possédons », d’après l’anathé-
matisme IV du II e concile de Constantinople (Da 8). D’abord
les anathématismes de 553 visent explicitement les origénistes
contemporains, non Origène, et reproduisent pour plusieurs
d’entre eux des textes d’Évagre. Sur le fond, en ce qui
concerne Origène, voir le paragraphe précédent sur les « tuni
ques de peau». D’autre part il ne s’agit pas dans cet ana-
thématisme des « anges », mais des « êtres raisonnables »
(Xoyixâ), ce qui est le plus conforme tant à Origène qu’à
l’origénisme postérieur.

(36) Voir la proposition 1 et l’article de M. Simonettl indiqué note 23.


Rapprochements peu justifiés
30) Le mariage mauvais (Da 18). La conception origé-
nienne du mariage est bien plus équilibrée et nuancée, comme
on peut en juger d’après mon livre, Virginité et Mariage
selon Origène (37). Quant à l’explication que donne ensuite
M. Dando : « On sait jusqu’où l’horreur de la chair pouvait
pousser un Origène », cette allusion à sa castration en invente
gratuitement le motif. Eusèbe de Césarée qui est le seul à
parler de cet acte (38) indique deux raisons : la compréhen
sion littérale de Mt 19, 12 à propos de ceux qui se font
eunuques pour le royaume des deux ; le désir de ne pas
donner lieu aux calomnies de ceux qui voyaient ce jeune
catéchiste enseigner à la fois des femmes et des hommes.
Quelles que soient les objections qu’on puisse faire à ces
deux motifs, les remplacer par «l’horreur de la chair» est
une pure invention qui ne peut s’appuyer sur une juste
appréciation de la doctrine origénienne de la virginité et du
mariage. Quand Origène dans sa vieillesse commentera Mt
19, 12 dans son Commentaire sur Matthieu, il blâmera vigou
reusement, sans faire d’allusion explicite à son cas person
nel, l’acte qu’il a accompli, par une compréhension littérale
de ce passage, encouragée par quelques écrits «qui peuvent
amener une âme trop ardente, croyante certes', mais non
raisonnable, à un tel attentat ». De 1* « horreur de la chair »
il n’y a pas trace dans ce passage (39).
31) «Origène faisait aussi une différence entre le Para-
clet, le Saint Esprit et la partie de l’âme faite à l’image et
à la ressemblance de Dieu (De princ. II, VII) » (Da/ 21). Il
n’est pas possible de comprendre comment M. Dando a lu
le chapitre du Traité des Principes dont il donne la réfé
rence. Origène applique, avec le Nouveau Testament, le titre
de Paraclet à la fois au Saint Esprit (40) et au Christ (41).
Quant à la mention de «la partie de l’âmé faite à l’image
et à la ressemblance de Dieu», elle ne peut se comprendre
que par une confusion entre l’âme, seule faite à l’image de
Dieu, et son mentor, 1’« esprit qui est en l’homme», parti
cipation à l’Esprit Saint (42).

(37) Paris/Bruges 1963.


(38) Histoire Ecclésiastique VT, 8.
(39) Commentaire sur Matthieu XV, 1-5.
(40) Jn 14, 16. 26 ; 15, 26 ; 16, 7.
(41) 1 Jn 2, 1 et Jn 14, 16 par le fait qu’il appelle le Saint Esprit «un
autre Paraclet ».
(42) Voir proposition 9.
32) «L’union de l’âme et du corps comme punition de
la chute » (Da 24). Ou plutôt le passage du corps éthéré de
la préexistence à une qualité terrestre (43).
33) « La possibilité de l’existence de sept cieux (De princ.
II, III, 6) » (Da 24). Dans ce chapitre Origène distingue neuf
cieux: les sept sphères planétaires, la sphère des fixes et
une neuvième sphère correspondant à celle qu’avait imaginée
Hipparque pour expliquer la précession des équinoxes (44).
Ce sont des notions courantes dans l’astronomie antique.
34) « La partie angélique de l’être humain est jointe à
l’âme au moment du baptême» (De princ. II, X, 7) (Da 24).
M. Dando confond les trois exégèses différentes qu’Origène
donne du même passage, celui du mauvais serviteur selon
Mt 24, 48-51 ou Le 12, 45-46.
35) « La mission du Christ sur la terre a consisté à nous
montrer le droit chemin, non à expier le péché d’Adam »
(De princ. II, VI) (Da 24). Pour juger de la pertinence de
cette phrase on peut se reporter au livre de J. A. Alcain,
Cautiverio y redenciôn del hombre en Origenes (45), qui
développe toute la doctrine origénienne de la rédemption
par le Christ.
(36) « L’insuffisance du baptême d’eau » (Da 25). Je ne
vois pas l’origine de ce rapprochement chez Origène. A moins
qu’il ne s’agisse de dire que le baptême d’eau est inutile pour
le salut si la vie qui le suit ne lui est pas conforme.
37) « L’assimilation de la matière et du mal au néant »
(Du 366). La référence indiquée au Commentaire sur Jean
concerne le mal et le péché, non la matière que, contraire
ment au dualisme, Origène n’identifie pas au mal : elle a été
créée par Dieu (46) et elle est donc bonne, même si sa
création a suivi la chute des créatures raisonnables.
38) « L’homme créé à l’image n’avait pas de corps » (Du
368). La distinction de l’homme créé à l’image selon Gn 1,
26-27 et du corps éthéré façonné selon Origène en Gn 2, 7
recouvre pour lui une simple distinction de raison, non tem
porelle (47). Selon ce que dit à plusieurs reprises le Traité
des Principes seule la Trinité est sans corps : le corps est

(43) Voir propositions 1et 28.


(44) Voir le fragment du Commentaire sur la Genèse de Philocalie 28, 18.
(45) Bilbao 1973.
(46) Traité des Principes I, préf. 4 ; I, 3, 3 ; IV, 4, 6-8.
(47) M. Simonetti, art. cit. (note 29).
la marque de la condition de créature. Les créatures raison
nables sont en elles-mêmes incorporelles, mais toujours liées
à des corps. La perspective d’une incorporéité finale apparaît
quatre fois dans le même livre, mais en discussion avec celle
d’une corporéité finale.
39) Ame = sang (Du 369). C’est précisément la concep
tion matérialiste de l’âme qu’Origène combat et refuse dans
l'Entretien avec Héraclide.
40) Origène adoptianiste (Du 370). L’adoptianisme est
avec le modalisme, une des hérésies trinitaires qu’Origène a
combattues toute sa vie : on ne voit} pas comment la lui
attribuer, même « approximativement», sur la foi d’un texte
qui concerne le Christ dans son humanité.
41) Origène spiritualiste à propos des miracles (Du 372).
Cela veut dire probablement qu’il ne croit pas à l’authenti
cité historique des miracles de Jésus. Ce n’est pas ce qui
ressort des discussions du Contre Celse sur ce sujet. La
confusion vient peut-être de ce qu’il allégorise des récits de
miracles, comme des récits d’autres événements : mais il n’y
a pas pour lui, ni pour les autres Pères, d’incompatibilité
entre l’allégorisation d’un récit et la croyance en son histo
ricité.
42) « Le dogme du purgatoire... n’a été introduit qu’assez
tard et n’était pas connu des premiers chrétiens» (Da 12).
Origène est un grand théologien du Purgatoire qu’il exprime
de multiples façons, les plus fréquentes étant les exégèses
de 1 Co 3, 11-15 (48) et du «baptême de feu» (Du 375).
43) « C’est principalement saint Grégoire qui a introduit
la notion d’une récompense ou d’une rétribution immédiates
après la mort » (Da 12-13). L’idée que les martyrs vont
immédiatement auprès de Dieu est bien antérieure à Gré
goire le Grand : voir par exemple Tertullien, De Anima 55, 4
et De Resurrectione mortuorum 43, 4. Origène dans YEntre-
tien avec Héraclide (49) exprime le désir du martyre et
ajoute : « Je sais que sitôt expiré je sors de mon corps,
je repose avec le Christ ». On peut citer de même Jérôme
défendant le culte des martyrs dans le Contra Vigilantium.
Les différentes étapes du voyage de l’âme vers Dieu d’après

(48) H. Crouzel, « L'exégèse origénienne deCor. 3, 11-15 et la purifica


1
tion eschatologique ». Dans : Epektasis, Mélanges patrlstiques offerts au
Cardinal Jean Danlélou, Paris 1972, p. 273-283.
(49) 23-24.
Traité des Principes II, 11 concernent l’instruction et la puri
fication de celui que le martyre n’a pas instruit et purifié
d’un seul coup.
44) « Le dualisme origéniste » (Du 346). Il est difficile de
voir le sens de cette expression à propos d’Origène, ou
même d’Évagre et d’Étienne bar Sudaïli. On peut certes don
ner à ce mot un sens vague qui s’appliquera dans tous les
cas où l’on voit une distinction entre deux sortes de réalités.
Dans le seul sens précis est dualiste une doctrine qui pro
fesse deux principes irréductibles. La distinction du monde
spirituel et du monde sensible chez Origène ne saurait dans
ce cas être taxée de dualisme, puisque tous deux sont créés
par Dieu qui en est le principe unique, même si il a créé
le monde sensible à la suite d’une détermination, du libre
arbitre de la créature raisonnable. Origène professe claire
ment la création de tout à partir du néant et refuse une
matière incréée (50). D’autre part le monde sensible est
image du spirituel et renvoie à lui : le péché pour Origène
consiste à s’arrêter au sensible comme s’il était la réalité
suprême en brisant ainsi l’élan de l’âme qui du sensible veut
trouver sa plénitude dans le spirituel que le sensible montre.

4. COMMENT CONCEVOIR HISTORIQUEMENT


UNE INFLUENCE DE L’ORIGÉNISME
SUR LE CATHARISME?

Certains des rapprochements faits par Marcel Dando et


Jean Duvernoy sont donc valables, bien que leur énoncé
rende difficilement compte du sens qu’ils ont chez Origène.
D’autres viennent de contresens commis par les antiorigénis-
tes, mais qu’on a pu tenir comme partie intégrante de la
doctrine d’Origène. Une dernière question reste : comment
expliquer historiquement que cet origénisme ait pu engendrer
le catharisme, ou le bogomilisme si tant est qu’il faille le
considérer comme l’ancêtre du catharisme, en concurrence
avec marcionisme et gnosticisme selon M. Dando, à l’exclu
sion du marcionisme et du gnosticisme d’après J. Duvernoy ?
Il y a là le problème le plus difficile de toute leurs cons
tructions.
Jean Duvernoy rejette donc toute autre origine que l’ori-
génisme. Nous lui laissons la parole (51) :

(50) Références données à la note 46.


(51) P. 388.
Doit-on pour autant plaquer sur cet origénisme indubitable
une influence seconde, gnostique, marcionite ou manichéenne ?
Deux sortes de difficultés s’y opposent.
La première est une question de date. Il paraît impossible
d’admettre que les hérétiques du 11 e siècle, successivement persé
cutés par les païens, puis par les chrétiens, se soient intégrés
à la grande Église pour le détail du dogme et pour la forme ecclé
siale, en conservant intact un seul point de leur doctrine. Déjà
difficile à admettre pour les Gnostiques et les Marcionites, cette
évolution est à écarter pour les Manichéens, doués dès la fin
du m e siècle d’une structure religieuse complète, qui n’avait plus
grand rapport avec le christianisme.
Il est encore plus difficile d’admettre que les moines origé-
nistes, conservant jalousement au fond de leurs laures leur tra
dition du ive siècle, aient été accessibles à une insémination
manichéenne qui n’aurait pas abouti à une conversion totale.

La seconde difficulté de J. Duvernoy peut être résumée


dans la phrase suivante :

Ilest impossible de faire du dualisme ontologique le trait


dominant du catharisme, quand on voit une école milanaise
adopter l’hypothèse de la création par le mauvais fils de Dieu...

En d’autres termes, selon J. Duvernoy, le dualisme ne


peut caractériser le catharisme à cause des variations entre
dualisme absolu et dualisme mitigé.

Au premier raisonnement on peut répondre que, même


si pour les raisons données il fallait éliminer la filiation
manichéenne, cela ne vaut pas pareillement pour les Mar
cionites, dont il est encore fait état au x® siècle. Entre
Marcionites et Manichéens d’une part, Bogomiles et Cathares
de l’autre il y a un intermédiaire tout désigné, le dualisme
des Pauliciens, avec leur Dieu bon créateur des âmes et leur
Dieu mauvais créateur des corps, leur docétisme, leur adop
tianisme et bien d’autres traits signalés dans la peinture que
J. Duvernoy fait des Cathares et des Bogomiles. Ils doivent
débuter au vu 3 siècle puisque la première mention
en est
faite en Arménie au début du vm e siècle. Dès le vnr siècle
ils se répandent en Bulgarie qui sera le pays d’origine des
Bogomiles. Les derniers Pauliciens seront convertis catho
au
licisme au xvm e siècle en Bulgarie et en Bosnie (52).

(52) Voir Dictionnaire de Théologie Catholique EX, 2009-2032,


par E. Amann ; XII/1, 56-62, « Pauliciens » par R. Janin. « Marcion »
Nous comprendrons un peu plus loin l’allusion de J.
Duvernoy aux moines origénistes au fond de leurs laures.
A la seconde difficulté on peut dire qu’il est plus facile de
faire dériver le dualisme mitigé de Concorezzo et de Bagnolo
du dualisme absolu des Albanistes ou Albigeois, ou même
réciproquement, que d’expliquer comment un dualisme a pu
naître d’une doctrine qui, comme celle d’Origène, s’est cons
truite consciemment contre le dualisme des Marcionites et
des Gnostiques.
Or le même problème, trouver un intermédiaire entre
Marcionites et Bogomiles ou Cathares, se pose en ce qui
concerne l’origénisme : entre les derniers origénistes connus,
ceux du vr siècle, les Bogomiles du xe ou des Cathares
du xn e quels intermédiaires peut invoquer l’histoire ? A
,
cela Marcel Dando (53) répond que l’origénisme aurait conti
nué à subsister secrètement dans certains couvents et Jean
Duvernoy se rallie à cette hypothèse en parlant des « moines
origénistes conservant jalousement au fond de leurs laures
leur tradition du IVe siècle » (54). Mais cela reste pure suppo
sition et on ne fait pas l’histoire avec des si. Il serait donc
à souhaiter que les historiens du bogomilisme et du catha-
rime fouillent plus activement l’histoire des Églises orien
tales dans les pays concernés pour essayer de trouver non
pas des suppositions, mais de faits. On pourrait d’ailleurs
avec autant de raison se demander — supposition pour sup
position, en l’absence de faits — si les premiers prédicateurs
du bogomilisme et du catharisme n’étaient pas des intellec
tuels qui auraient compulsé les œuvres des origénistes, des
antiorigénistes et des hérésiologues pour en tirer une sorte
de pot-pourri de soi-disant origénisme et de dualisme.
Mais laissons l’Orient et tournons-nous vers l’Occident qui
nous ménage des surprises. Après Dom Jean Leclercq (55),
le P. Henri de Lubac a consacré un gros chapitre du tome I
de son Exégèse Médiévale (56) à 1* « Origène latin », c’est-
à-dire à la « lecture d’Origène au Moyen Age », plus exacte
ment dans le Haut Moyen Age entre le vm e et le xn e siècle,
car avec le xiire siècle le lever de l’aristotélisme fera pâlir
l’étoile d’Origène jusqu’à la Renaissance où elle réapparaîtra.
Par d’innombrables citations d’auteurs et de textes il montre
qu’alors les versions latines d’Origène par Rufin ou par

(53) P. 26-27.
(54) P. 388.
(55) L’amour des lettres et le désir de Dieu : Initiation aux auteurs mys
tiques du Moyen Age, Paris 1957, et quelques articles antérieurs.
(56) Collection Théologie 41, Paris 1959, p. 221-304.
Jérôme sont lues passionnément dans les couvents et par
les érudits, qui apprécient surtout le grand écrivain mysti
que, sans dédaigner l’exégète et le théologien. Certes les
hérésies que lui ont prêtées Jérôme et Justinien, les condam
nations de Constantinople II répétées par les conciles suc
cessifs inquiètent les lecteurs qui n’ont guère les moyens de
les apprécier : pour pouvoir continuer à lire Origène ils se
rallient à des explications diverses que le P. de Lubac décrit
non sans humour, comme l’allégorie origénienne de la « belle
captive ». N’y aurait-il pas un moyen d’expliquer l’influence
que, selon les livres dont nous nous occupons, l’origénisme
aurait exercé sur le catharisme ?
Malheureusement de cette enquête nous ne pouvons
signaler que deux résultats très paradoxaux. Des fervents
d’Origène au xii* siècle les plus célèbres sont sans conteste
saint Bernard et son grand ami Guillaume de Saint-Thierry,
initiateurs d’une « renaissance » origénienne. Une littérature
de volume non négligeable a ces dernières années souligné
la profonde influence du maître d’Alexandrie sur l’abbé de
Clairvaux, spécialement en ce qui concerne l’exégèse du
Cantique des Cantiques, et a mis en valeur la qualité presque
semblable de leur dévotion au Christ. Dom Wilmart a étudié
la place qu’occupaient les manuscrits d’Origène dans la biblio
thèque de Clairvaux et la propagation de ses œuvres à travers
les monastères cisterciens de France et d’Allemagne (57).
Or ni Bernard ni les Cisterciens n’ont particulièrement figuré
parmi les amis des Cathares. On peut douter que Bernard
ait été sensible aux rapprochements faits par M. Dando et
par J. Duvemoy.
Un autre fervent d’Origène est cité maintes fois par
J. Duvernoy en tant qu’auteur de Sermones XIII adversus
catharorum errores : le titre même de l’ouvrage montre qu’il
n’était pas partisan des Cathares. Il s’agit d’Egbert, chanoine
de Bonn, qui entra ensuite dans l’abbaye hessoise de Schônau
dont il devait devenir abbé, attiré là par sa sœur qui habi
tait le monastère de femmes voisin, sainte Élisabeth de
Schônau, mystique et visionnaire (58). Or une des visions
d’Élisabeth, figurant dans le Liber visionum de la sainte et
provoquée par une demande de son frère Egbert, concerne
une question qui a préoccupé nombre de médiévaux et qui

(57) «L'ancienne bibliothèque de Clairvaux», Collectanea Ordinis Cister-


ciensium Reformatorum 11, 1949, 101-127, 301-319.
(58) Dictionnaire de Sviritualité IV/1. 584-588, «Élisabeth et Egbert de
Schônau» (Kurt Kôster).
a été posée jusqu’en plein xvm e siècle, celle du
salut d’Ori-
gène, née du contraste entre la hauteur mystique et l’ardent
amour du Christ qui inspire les homélies et commentaires
de l’Alexandrin et les hérésies dont il fut accusé (59). La
demande d’Egbert à sa sœur ne pouvait venir que d’un
lecteur et d’un admirateur d’Origène.

CONCLUSIONS

Quelles conclusions fermes pouvons-nous tirer de cette


étude ? Une seule, celle que, malgré la thèse de Jean Duver-
noy, il est impossible d’expliquer le catharisme à partir de
l’origénisme seul, sans lui ajouter une forte dose d’un dua
lisme qui ne peut provenir de lui. Mais dans quelle mesure
pouvons-nous dire que les rapprochements qui à notre juge
ment ont une certaine justification montrent vraiment la
dépendance du catharisme par rapport à l’origénisme ? Il
faut d’abord tenir compte du fait, nous l’avons déjà signalé,
que les listes d’erreurs cathares sur lesquelles M. Dando a
travaillé et les sources d’information utilisées par J. Duver-
noy sont pour la plupart d’origine catholique et polémique :
il est assez vraisemblable que leurs auteurs aient été influen
cés dans leur formulation par celle des erreurs traditionnelles
étiquetées par les hérésiologues, parmi lesquelles celles qui
sont attribuées à Origène figuraient en bonne place depuis
Épiphane. Il ne nous est pas possible pour le moment d’affir
mer davantage.
A celui qui voudra reprendre les thèses de M. Dando et
de J. Duvernoy le travail ne manquera pas. Outre la connais
sance du catharisme et de son époque il lui faudra étudier
sérieusement Origène et son histoire posthume : or pour
connaître suffisamment l’œuvre immense et difficile de
l’Alexandrin des années sont nécessaires et de simples
rapprochements de textes sont insuffisants. Il devra aussi
explorer méticuleusement l’histoire ecclésiastique des pays
orientaux concernés entre l’origénisme du vr siècle et le
catharisme. Peut-être fera-t-il des découvertes. Espérons-le.

Henri Crouzel, S. J.

(59) Le texte latin de la vision est cité par J. Leclercq, «Origène au


Xlle siècle » dans Irénikon 24, 1951, 437, et mie traduction française par le
même dans L’amour des lettres... (voir note 55), p. 95.
La tkéologie à 1 Université
pour
Jolin Henry ISfewman ^
Étrange et navrante aventure que celle dans laquelle
John Henry Newman fut entraîné de fonder une université
catholique en Irlande. Pourquoi avoir demandé à un homme
d’entreprendre une oeuvre, le laisser se débattre dans des
difficultés de tous ordres et le contraindre enfin à laisser
la place qu’il lui avait été demandé de prendre et que per
sonne après lui ne devait occuper? La question peut être
posée sans intention d’incriminer les hommes qui furent
impliqués là, car, dans cette affaire, les circonstances furent
aussi déterminantes que l’opposition, la suspicion, voire l’in
souciance de quelques-uns pour créer des malentendus et
compliquer ainsi la tâche de Newman.
L’idée de fonder une université catholique de langue
anglaise pour recevoir les jeunes catholiques d’Angleterre,
d’Irlande et même d’Amérique du Nord, désireux d’y faire
des études supérieures, et le choix de Dublin comme lieu
d’établissement sont dûs à Paul Cullen, ancien recteur du
Collège anglais de Rome, archevêque d’Armagh puis de
Dublin. Cullen n’était pas sans savoir qui était Newman
puisqu’il l’avait connu à Rome. Aussi l’invita-t-il à se joindre
à un comité chargé de discuter d’un certain projet. Newman
ne s’y refusa pas et, au terme des délibérations, il se vit
désigné pour le réaliser, désigné sans doute contre son gré.
On lui demandait d’abord de donner quelques conférences
inaugurales pour attirer l’attention du public. Après seule
ment viendrait la mise en œuvre de l’institution : elle incom
berait de fait à Newman. On lui promit qu’il serait élevé
à l’épiscopat et ceci eût augmenté son autorité auprès des
évêques d’Irlande. Cette promesse et cet espoir renouvelés
par Nicolas Wiseman, archevêque de Westminster, auprès
du S. Siège, furent anéantis à la suite d’une intervention
directe de Cullen qui trouvait le recteur-fondateur trop
appliqué à son travail.

(1) L’occasion qui nous a valu d’écrire ce texte est une causerie faite
devant les membres du Centre Newman, créé depuis deux ans, sous l'égide
de l'Institut Catholique de Toulouse.
conditions dans lesquelles Newman dut écrire et
Les défavorables,
donner ses conférences furent particulièrement
de l’opinion et de
même si l’on met de côté les divisions de l’univer
la hiérarchie catholique irlandaises sur le projet
Birmingham il vint à Dublin mais il était rappelé
sité. De
Angleterre pour préparer sa défense dans le procès en
en
diffamation intenté contre lui par un certain Achilli, un
défroqué qui s’était fait connaître par son inconduite. Pour
tant, sauf dans l’adresse rédigée en novembre 1852 pour
l’édition de ses discours, c’est-à-dire après la crise, rien ne
dans le ton, de l’inquiétude et même de l’angoisse
perce,
dans lesquelles vivait alors Newman.
Les dix conférences furent écrites pour être données
publiquement, mais seules les cinq premières furent réelle
ment prononcées, à raison d’une par semaine du lundi 10
mai 1852 au lundi 7 juin. C’est, semble-t-il, Paul Cullen qui
invita Newman à ne pas continuer ces séances publiques,
car il était en désaccord avec lui sur le contenu du cin
quième discours. Toutefois à l’automne, Newman publia
séparément puis réunit dans une édition d’ensemble ses dis
cours avec l’adresse aux amis qui l’avaient aidé à assembler
les pièces de son procès avec Achilli, une préface et un
appendice. Dans la deuxième et la troisième édition (1859
et 1873), Newman ne fit pas figurer le cinquième discours
qui avait été l’objet d’un litige avec Cullen et ses amis.
L’ouvrage terminé, Newman considérait qu’il était l’un des
plus achevés pour la forme, parmi ceux qu’il avait alors
écrits.
Qu’il fût à-propos ou non de charger Newman de fonder
une université en Irlande n’entre pas en ligne de compte
pour reconnaître qu’il était, parmi les catholiques anglais,
le mieux placé et parmi tous les anglais l’un des plus
indiqués pour parler de l’enseignement universitaire. Car il
parlait en connaisseur, il lui suffisait de consulter son expé
rience. De plus il avait déjà écrit et écrirait encore sur ce
sujet. Les conférences de Dublin lui donnèrent l’occasion
de réunir les idées sur l’éducation qu’il avait reçues et mises
en pratique à Oxford où il avait été étudiant puis professeur.

La raison pour laquelle j’ose solliciter de vous, Messieurs, la


permission de poursuivre un débat qui a duré si longtemps déjà,
est que l’éducation libérale, et les principes qui la régissent, sont
des sujets qui ont toujours hanté mon esprit. C’est que j’ai vécu
également la plus grande partie de ma vie dans un milieu qui fut,
pendant tout le temps où je m’y trouvai, tant entre gens, du
dedans que du dehors, le théâtre de polémiques et d’engage-
ments, tantôt définitifs, tantôt provisoires et de nature expéri
mentale, sur ce même sujet (2).

C’est par ces mots que Newman, au début de sa première


conférence, se présente et se recommande à son auditoire ;
il rappelle à la suite l’histoire récente de l’Université d’Ox-
ford, se réformant elle-même au début du XIXe siècle, après
une période de léthargie. Ce renouveau procédait d’une idée
de l’université qui animait alors un groupe de professeurs
et qu’ils réussirent à faire partager et à mettre en pratique
autour d’eux. C’est cette idée à la renaissance et au déve
loppement de laquelle il a lui-même assisté et participé que
Newman pense bien transplanter en terre irlandaise.

I
L’université est une institution d’enseignement. Elle
répond à un besoin intellectuel et non moral ; elle est créée
pour la formation de jeunes esprits : aussi la diffusion du
savoir a le pas sur la recherche ;

La conception que nous nous faisons d’une université, dans


ces conférences, est celle d’un endroit où se transmet par
enseignement l’universalité du savoir. Il suit de là, d’une part,
que l’objectif visé par l’université est d’ordre intellectuel et non
d’ordre moral ; d’autre part, que l’université s’intéresse à la diffu
sion et au rayonnement plutôt qu’à l’avancement du savoir. Si
l’université se proposait la recherche scientifique ou philosophi
que, je ne vois pas pourquoi elle accueillerait des étudiants ; si
elle se proposait la formation religieuse, je ne vois pas comment
elle pourrait être le siège des lettres et des sciences (3).

(2) De nos citations, nous donnerons deux références :


L’une à l’édition française des « Textes newmaniens » publiés par L.
Bouyer et M. Nédoncelle, volume VI, L'idée d’université, traduction de
E. Robillard et M. Labelle, Desclée de Brouwer, 1968, sous l’abréviation
T. N. VI.
L’autre à l’édition anglaise intitulée The Idea of a University by J. H.
Cardinal Newman, Longmans, Creen, and Co., 1898. dette édition est conforme
à la troisième édition faite par Newman en 1783 et considérée comme l'édi
tion standard. Notre abréviation est Longmans 1898. Lorsque nous le juge
rons utile, nous citerons le texte anglais. Ici les références sont T. N. VI.
1° conférence 1, 1, p. 61 et Longmans 1898, Discourse I. 1 p. 1.
(3) T.N. VI. Préface, p. 29-30 et Longmans 1898, ld„ p. IX : «The view
taken of a University in these Discourses is the followlng : — That lt ls a
place of teaching universal knowledge. Thls implles that tts object ls, on
the one h&nd, lntellectual, not moral ; and, on the other, that lt is the
diffusion and extension of knowledge rather than the advancement. If lts
object were sclentlfic and philosophical dlscovery, I do not see why a
Jniversity should hâve students ; if religious tralning. I do not see how lt
can be the seat of llterature and science ».
Cette distinction nette ne présume pas du lien qui peut
exister entre une université et des académies littéraires ou
scientifiques dont le but est le progrès des connaissances
de l’aide qu’elles peuvent se porter mutuellement ; il
et
n’empêche que, par sa nature et par le but poursuivi, une
université n’est pas un établissement voué à la recherche.
L’université est le lieu où toutes les disciplines sont
enseignées ; toutes les sciences, dit Newman, mais il faut
entendre ce mot au sens large de domaine particulier de la
connaissance, et il distingue lui-même Dieu, le monde et
l’homme. Dieu est l’objet de la théologie, le monde est
l’objet des sciences expérimentales, l’homme est l’objet de
la littérature et de l’étude des œuvres humaines. Ce serait
méconnaître la nature d’une université que de créer une ins
titution d’enseignement, lui donner le nom d’université et
refuser d’admettre l’une ou l’autre des disciplines qui font
partie de ce savoir universel, qui en sont les éléments et
qui, toutes ensemble, en forment le corps. Amputer ce corps
d’un de ses membres, c’est priver les autres et l’ensemble
de la fonction qu’il remplit.

Tout savoir, quel qu’il soit, poursuit la vérité. Faut-il préciser


ce qu’on entend par la vérité ? Je suppose qu’on pourrait répondre
avec justesse qu’elle consiste dans la connaissance des réalités
et de leurs connexions : les unes se comparant aux autres un peu
comme les sujets à leurs prédicats, en logique. Tout ce qui existe,
au regard de l’esprit qui le contemple, forme un vaste système,
un donné complexe. Ce donné, à son tour, se fragmente naturel
lement lui-même, comme un tout en ses parties, en une quantité
indéfinie de données particulières, rattachées les unes aux autres
par des rapports qui varient à l’infini. Savoir, c’est percevoir ces
données, à la fois en elles-mêmes et dans leurs situations et
rapports réciproques. De plus, comme ce tout, en son ensemble,
forme un sujet complet de contemplation, il ne saurait pour la
même raison y avoir, entre les parties, de barrières naturelles
ou réelles. Elles se heurtent constamment l’une à l’autre. L’esprit
les perçoit comme combinées entre elles et c’est un de leurs
3

traits distinctifs que d’être corrélatives...


Aussi n’y a-t-il pas lieu de nous étonner si l’esprit de l’homme,
même en y concentrant toutes ses forces, ne réussit pas à assi
miler ce vaste ensemble d’un seul regard, à le conquérir d’emblée.
Comme le lecteur myope, il colle son œil sur l’immense volume
offert à son inspection et le parcourt lentement. Si l’on préfère,
l’esprit procède comme nous faisons en présence d’un édifice
imposant, aux saillies et façades multiples. Il en fait le tour,
note ici un détail, là un autre, du mieux qu’il peut, le fixant sous
différents angles afin de se faire progressivement une juste idée
de l’ensemble. Ainsi, par échelons et par circuits, il s’élève et
accède pour son propre compte à la connaissance de l’univers
qui l’a vu naître.
Ces vues, variées et fragmentaires, ou abstractions, auxquelles
l’esprit a recours pour s’emparer de son objet, sont dénommées
sciences. Elles embrassent, chacune à son rang, un secteur plus
ou moins étendu du champ du savoir... Or ces vues, ou sciences,
en tant qu’abstractions de l’esprit, s’attachent beaucoup plus aux
rapports des choses entre elles qu’aux choses elles-mêmes. Elles
nous révèlent ce que sont les choses, uniquement ou principale
ment en nous révélant ce que sont leurs rapports. Autrement dit,
elles assignent des prédicats à des sujets. C’est pourquoi, même
quand elles nous disent quelque chose, elles ne nous disent
jamais le tout de rien. Elles ne rendent pas non plus la réalité
présente, comme font les sens. Elles ordonnent et classifient des
données, ramènent des phénomènes disparates à une loi générale,
établissent des rapports d’effet-cause... En tant qu’elles représen
tent, en effet, le savoir, sous l’une ou l’autre de ses formes, les
sciences permettent à l’intelligence de maîtriser et d’augmenter
ce savoir ; par ailleurs, en tant qu’elles sont des instruments,
elles permettent à l’intelligence de transmettre ce savoir aisément
à autrui (4).

Aussi on ne pourrait vouloir une université digne de ce


nom, de sa définition et de sa nature, et en exclure la théo
logie. Ce serait méconnaître la valeur de cette discipline
parmi les autres et par là nuire au savoir universel qui est
la raison d’être de l’université.

Si donc dans une institution qui professe tout savoir, on


n’enseigne ni ne professe rien concernant l’Être suprême, on peut
tirer de là à juste titre que chacun de ceux qui patronnent cette
institution, dans la mesure où ces gens sont conséquents avec
eux-mêmes, est d’accord pour affirmer qu’on ne peut rien connaî
tre de certain concernant l’Être suprême ; rien du moins qui
mérite comme tel d’être pris en considération comme valeur
substantielle susceptible de faire nombre dans la masse du savoir
universel existant dans le monde. S’il se trouve, par contre, que

(4) T.N. VI, 3° conf., 2,4-5-6, p. 125-128 et Longmans 1898, Disc. III, 2,
p. 45-46. Voici le texte du dernier paragraphe : « These various partial views
or abstractions, by means of which the mind looks out upon its object, are
called sciences, and embrace respectlvely larger or smaller portions of the
field of knowledge. Now these views or sciences, as being abstractions, hâve
far more to do with the relations of things than with things themselves.
They tell us wath things are, only or principally by telling us their rela
tions, or assigning predicates to subjects ; and therefore they never tell us
ail that can be said about a thing, even when they tell something, nor do
they brlng lt before us, as the senses do. They arrange and classify facts ;
they reduce separate phenomena under a common law ; they trace effects
to a cause... : for, lnasmuch as sciences are forms of knowledge, they enable
the intellect to master and increase it ; and, inasmuch as they are instru
ments, to communicate lt readily to others. »
le savoir que l’homme possède par raison ou révélation, concer
nant l’Être suprême, représente un apport considérable, l’institu
tion dont on parle, et qui fait profession de toutes sciences,
laisse en réalité échapper la plus importante de toutes (5).

De plus l’on verrait les autres disciplines combler le vide


laissé par la théologie (ou par toute autre science suivant
le cas), usurper sur son domaine.

Je fais donc remarquer que, si vous laissez tomber une


science quelconque de l’ensemble du savoir, vous ne pouvez gar
der vacant l’espace qu’elle occupait. Cette science est oubliée, les
autres serrent les rangs ; plus précisément, elles outrepassent
leurs limites et font irruption là où elles n’ont point affaire. Sup-
posons, par exemple, que l’éthique soit bannie : on verra alors
son territoire aboli, à la faveur de ce qu’on pourrait appeler une
k

s,
convention en vue du partage, réalisée par le droit, l’économie
politique et la physiologie. Qu’en serait-il encore du domaine
assigné à la science expérimentale, s’il passait aux spécialistes
de l’antiquité? de l’histoire, si on la confiait sans plus aux méta
physiciens ? Or la situation de la théologie n’est pas différente :
si elle était dépossédée, une douzaine de disciplines diverses
envahiraient pour le piller son territoire. Et ce n’est pas tout.
En se saisissant de son objet, ces sciences outrepasseraient
manifestement leurs droits et leurs pouvoirs. Elles ne pourraient
manquer de faire fausse route dans une matière qu’elles n’ont
absolument pas mission d’enseigner. Les derniers à contester ce
point devraient bien être les ennemis du catholicisme. Ont-ils
jamais consenti à fermer les yeux sur ce qu’ils ont appelé les
usurpations des théologiens, — qui étaient exactement ce dont
je parle ? Ceux qui nous reprochent de désirer, pour rester en
accord avec la Bible, que le soleil tourne autour de la terre, ne
sont pas gens à nier qu’une science qui s’aventure hors de ses
limites propres verse dans l’erreur (6).
Mais qu est-ce que la théologie ? « la science de Dieu, ou,
!

si l’on préfère, la systématisation des vérités que nous possé-

(5) T.N. VI 2° conf., 2, 9, p. 95 et Longmans 1898, Disc. II, 2, p„ 24.


« If, then, in an Institution which professes ali knowledge, nothing is
professed, nothing is taught about the Suprême Being, it is fair to infer
that every individual in the number of those who advocate that Institution,
supposing him consistent, distinctly holds that notihing is known for
certain about the Suprême Being ; nothing such, as to hâve any claim to
be regarded as a material addition to the stock of general knowledge existing
in the world. If on the other hand it turns out that something considérable
is known about the Suprême Being, whether from Reason or Révélation,
then the Institution in question professes every science, and yet leaves out
the foremost of them. »
(6) T.N. VI, 4° conf., 2, 3, p. 170-171 et Longmans 1898, Disc. IV, 2,
p. 73-74.
dons sur Dieu» (7). Newman s’arrête à cette idée de Dieu
pour la développer et montrer les conséquences que sa
connaissance introduit dans le savoir et dans l’esprit des
hommes. « Invisible derrière le voile, il y a un Être intelli
gent qui agit sur l’univers visible et par lui, comme il veut,
quand il veut... il n’est d’aucune manière une âme du monde...
il est au contraire absolument distinct du monde, puisqu’il
en est le créateur, le soutien, l’intendant, le souverain sei
gneur... (il) ne dépend que de lui-même et il est le seul ainsi
constitué,... le seul étemel... (il est) un être qui se suffit
totalement ; qui suffit à son propre bonheur... qui est le sou
verain bien... qui est toute sagesse, toute vérité, toute justice,
toute sainteté, tout amour, toute beauté... Il a imprimé sa loi
morale dans les êtres doués de raison, et leur a donné- la
capacité de s’y conformer... Tous les êtres, visibles et invi
sibles, des plus nobles aux plus misérables, lui appartien
nent. A lui la substance, l’opération, tout ce qui émane de
ce système de l’univers physique dans lequel nous sommes
nés. A lui la puissance et les oeuvres des substances intellec
tuelles, auxquelles il a accordé la liberté d’action et le génie
créateur (8).
Après avoir développé les attributs de Dieu avec les res
sources de son génie littéraire où les termes de la langue
philosophique accompagnent les images de la poésie, New
man ne peut pas ne pas inviter son auditoire à considérer
l’influence de cette science de Dieu sur le reste du savoir.
Si tant est que cette théologie soit vraie, et pour peu qu’on
veuille bien la considérer comme un savoir, je ne puis absolument
pas comprendre pourquoi elle n’exercerait pas une influence consi
dérable sur la philosophie, la littérature et toute opération ou
découverte de l’esprit. Je ne comprends pas qu’on puisse fermer
l’œil, comme on dit, sur le problème de sa vérité ou de sa fausseté.
La théologie se présente à nous, professant et proposant les plus
hautes vérités dont l’esprit humain soit capable (9).

(7) T.N. VI, 3° conr., 7, 20, p. 153 et Longmans 1898, Disc, ni,
p. 7, 61
« I
:
simply mean the Science of God, or the truths we know about God put
lnto system. »
(8) T.N. VI, 3° conf., 7, 21-22, p. 153-155 et Longmans 1898, Disc. III, 7,
p. 61-63, passim.
(9) T.N. VI, 3° conf., 8, 24, p. 159-160 et Longmans 1898, Disc. III, 8,
p. 66. « If this be a sketch, accurate in substance and as far as it of
the doctrines proper to Theology, and especially of the doctrine of goes,
cular Providence, which is the portion of a parti-
it
most level with human
sciences, I cannot understand at ail how, supposingonit abe true, it
considered as knowledge, to exert a powerful influence can fail,
on philosophy,
rature, and every intellectual création or discovery whatever. lite-
I cannot
understand how it is possible, as the phrase goes, to bllnk the Question
its truth or falsehood. It meets us with a profession and of
hlghest truths of which the human mlnd is capable. a proffer of the
»
Newman fait remarquer qu’il n’a parlé à dessein que de
la théologie naturelle (nous disons plutôt rationnelle) car il
ne s’adresse pas seulement aux catholiques. A
fortiori il
entend bien convaincre ces derniers pour qui la théologie
n’est pas seulement la connaissance naturelle de Dieu, mais
encore et essentiellement la connaissance révélée.
Comment, après cela, un Catholique estimera-t-il pouvoir culti
ver la philosophie et la science, — avec le respect dû à leur fin
ultime, qui est la vérité, — s’il ne rencontre pas la théologie dans
la liste des matières qu’on lui enseigne; et j’entends, cette fois,
par théologie, le système des données et des principes que nous
tenons par Révélation et qui constituent la foi catholique: sys
tème qui dépasse tellement la nature et qu’il tient, lui, Catholique,
*\ pour l’expression la plus élevée de la vérité? (10).
v
Pourquoi la théologie fait-elle, dans ces discours, l’objet
de l’attention particulière de Newman qui parlait à Dublin
devant un auditoire acquis d’avance à ce qu’il disait de cette
discipline ? C’est que, par dessus les épaules des catholiques
irlandais, il regardait vers les universités anglaises et prenait
part, à sa manière, à la querelle qui avait opposé ses amis
d’Oxford et les Ecossais des Universités d’Edimbourg et de
Glasgow. Dans son argumentation, il prend soin de montrer
la place de la théologie parmi les sciences non pas au nom
de l’autorité mais au nom de la raison, ou selon sa termi
nologie, de la philosophie. C’est certes le Saint Siège qui
a décidé la fondation de cette Université ; il est la cause
occasionnelle mais cette circonstance ne change pas la nature
de l’enseignement universitaire sur laquelle Newman appuie
ses arguments pour demander la place de la théologie. Ceux
qui voulaient, en Angleterre ou en Ecosse, éliminer l’ensei
gnement de la théologie avançaient des arguments de plu
sieurs sortes et de portée inégale. Les uns voulaient que
l’on admît tous les étudiants qui se présentaient à l’Univer
sité ; or pour être enregistré à Oxford ou à Cambridge, il
fallait signer les Trente-neuf Articles de la foi anglicane,
c’est-à-dire appartenir à l’Église d’Angleterre. Supprimer cette
mesure, c’était permettre l’accès à ces universités, non seu
lement des jeunes gens baptisés dans l’Église d’Angleterre
mais encore de tous les autres, ceux que l’on appelait les
dissidents. Mais alors quelle place et quel statut donner à
la théologie et à la formation religieuse? Il s’agissait d’une

(10) T.N. VI, 3° conf., 10, 28, p. 164 et Longmans 1898, Disc. III 10,
P. 69-70.
difficulté qui surgissait dans les deux universités anglaises
et qui avait donné lieu à un long débat. Newman ne pouvait
pas ne pas y penser ici.
Ce n’était pourtant là qu’une difficulté du moment tenant
aux circonstances propres à Oxford et à Cambridge et New
man n’était plus en cause. Plus importantes et plus généra
les, à ses yeux, étaient les raisons de ceux qui s’en prenaient
au fond, c’est-à-dire à la valeur de la théologie comme
objet
du savoir et non pas seulement aux modalités de sa pré
sence ici ou là. Pour ceux-là, la théologie n’apportait aucun
enseignement sérieux, comme d’ailleurs la religion dont elle
est un aspect ; elle n’était qu’une vue subjective — sans fon
dement dans un objet —, et une attitude de pur sentiment,
une effusion. Là contre Newman ne pouvait que réagir
vigoureusement et rejoindre l’un des traits caractéristiques
de sa pensée et de sa vie et qu’il a nommé lui-même la lutte
contre le libéralisme en théologie : lutte contre toute intelli
gence des dogmes qui les réduit à des formules vagues,
incertaines et finalement vides, sans contenu de connais
sance.

Le monde religieux, — comme il se fait appeler, — tient,


généralement parlant, que la religion n’est pas une question de
connaissance, mais d’émotion ou de sentiment. La vieille notion
catholique qui persiste, encore que faiblement, dans l’Église
établie, était que la foi est un acte de l’intelligence, qui a pour
objet la vérité et qui conduit à une connaissance. Voilà pourquoi,
si vous ouvrez le Livre de Prière, vous y rencontrerez des
credenda aussi bien que des agenda très précis. Mais à mesure
que le levain luthérien faisait son œuvre, il devenait de plus en
plus à la mode de prétendre que la foi était, non l’acceptation
d’une doctrine révélée, ni un acte de l’intelligence, mais une
impression, une émotion, un attachement, une appétence. Et pour
autant que prévalait cette conception de la foi, on oubliait ou
niait la connexion qui existe entre foi, vérité et connaissance...
Rien n’était objectif dans la doctrine; tout y était subjectif (11).

Newman reprenait quelque chose qui lui tenait à coeur,


avant comme après les discours de Dublin, alors qu’il était
engagé dans le Mouvement tractarien ou qu’il écrivait l’Apo-
logia : la théologie est un savoir sur Dieu ; elle peut et doit
être enseignée à l’Université.
II

L’autre point qui fait l’objet de ces discours et qui en


est le plus important, car la place de la théologie que nous
venons de voir s’y rattache, est la justification du but de
l’université : l’enseignement du savoir universel. Enseigner
le savoir est la fin de l’université parce que le savoir est
à lui-même sa propre fin, avant d’être utile pour l’exercice
d’une profession, à une catégorie de gens ou à la société.
Ce caractère du savoir, Newman le qualifie de libéral, mot
qu’il utilise dans le droit fil de son emploi par les Anciens
ou les scolastiques du Moyen Age, suivant le sens contenu
dans l’expression, les arts libéraux, par opposition aux arts
s serviles ou utiles (aux métiers), pour désigner les activités
pratiquées pour elles-mêmes, en général les activités intel
lectuelles, les études faites à la faculté des Lettres et des
Arts (libéraux), le trivium et le quadrivium des universités
du Moyen Age.

On me demande quelle est la fin de l’enseignement universi


taire et de ce savoir libéral ou philosophique qu’il doit, selon
moi, dispenser ? Voici ma réponse : ce que j’ai dit jusqu’ici doit
suffire à montrer que cette fin est tangible, réaliste et satisfai
sante, même si elle ne peut se dissocier de ce même savoir. Le
savoir, en effet, peut être à lui-même sa fin. L’esprit humain est
ainsi constitué, en effet, que n’importe quelle connaissance, pour
peu qu’elle soit une véritable connaissance, est à elle-même sa
récompense. Si cela vaut pour toute connaissance, cela vaut donc
également pour cette philosophie particulière qui consiste, d’après
moi, dans une vision compréhensive de la vérité, envisagée dans
toutes ses ramifications ; dans la vision des rapports qui existent
entre science et science, de leur interaction, de leurs valeurs res
pectives. Je ne prends pas sur) moi de discuter ici de ce que
vaut une pareille acquisition, si on la met en balance avec d’au
tres objectifs que l’on peut aussi se donner, comme la richesse,
le pouvoir, les honneurs, les commodités et agréments de la vie.
Je voudrais néanmoins soutenir, et j’ai l’intention de démontrer
que cet objectif est bon en lui-même. Il l’est à ce point et de
manière si indéniable, qu’il dédommage des réflexions qu’il faut
s’imposer pour le saisir dans toute son ampleur ainsi que de tout
le mal qu’il faut se donner pour l’acquérir (12).

(12) T.N. VT, 5° conf. 2, 7, p. 216-217 et Longmans 1898» Disc. V, 2,


p. 102-103. « I
am asked what is the end of University Education, and of
•the Liberal or Philosophical Knowledge which I conceive it to impart. I
answer, that what I hâve already said has been sufficient to show that it
De la nature de cet enseignement universitaire découle
un grand bénéfice pour les étudiants qui baignent
dans ce
milieu :

C’est donc un point d’importance capitale, même dans l’intérêt


des étudiants, d’ouvrir l’éventail des sujets que l’université pro
fesse. Même s’ils ne peuvent pousser très loin chaque discipline
qui s’offre à eux, les étudiants y gagneront de vivre dans l’entou
rage et sous la direction de gens qui, eux, détiennent l’ensemble
complet du savoir. Tel est bien l’avantage que représente, d’après
moi, un siège du savoir universel, envisagé comme milieu éducatif.
Une compagnie d’hommes instruits, très attachés à leurs disci
plines, rivalisant les uns avec les autres, sont amenés du fait
de leur vie commune et pour la sauvegarde de leur quiétude
intellectuelle, à ajuster les exigences et rapports respectifs des
diverses matières sur lesquelles portent leurs investigations. Ils
apprennent à se respecter, à se consulter, à s’entraider. Ainsi se
crée un climat de pensée pur et simple, une atmosphère que
l’étudiant respire lui aussi, même s’il ne s’intéresse, pour sa part,
qu’à quelques-unes de ces multiples sciences.. Il fait son profit
d’une tradition intellectuelle, qui est indépendante de chaque
professeur en particulier, et qui le guide dans le choix des matiè
res, en même temps qu’elle l’aide à interpréter correctement
celles qu’il choisit. Il entrevoit les grandes lignes du savoir, ses
principes de base, l’ordonnance de ses parties, ses lumières et
ses ombres, ses points majeurs et mineurs, ce dont il n’aurait
pas l’idée autrement. Et c’est là la raison pour laquelle son
éducation s’appelle « libérale ». Une tournure d’esprit lui est
donnée, qu’il gardera sa vie durant, et qui a pour attributs l’ai
sance, l’équité, le calme, la modération, la sagesse : ce que, dans
une conférence précédente, j’ai dénommé, à tout risque, une tour
nure philosophique (13).

has a very tangible, real, and sufficient) end, though the end cannot be
divided from that knowledge, itself. Knowledge is capable of being its own
end. Such is the Constitution of the human mind, that any kind of
knowledge, if it be really such, is its own reward. And if this is true of ali
knowledge, it is true also of that spécial Philosophy, which I hâve made
to consist in a comprehensive view of truth in ail its branches, of the rela
tions of science to science, of their mutual bearings, and thelr respective
values. What the worth of such an acquirement is, compared with other
objects which we seek, — wealth or power or honour or the conveniences
and comforts of life, I do not profess here to discuss ; but I would main-
tain, and raean to show, that it is an object, in its own nature so really
and undeniably good, as to be the compensation of a great deal of thought
in the compassing, and a great deal of trouble in the attainlng. »
(13) T.N. VI, 5° conf., 1, 4, p. 214-215 et Longmans 1898, Disc. V, 1.
p. 101-102. « It is a great point, then to enlarge the range of studies which
a University professes, even for the sake of the srtudents ; and, though they
cannot pursue every subject which is open to them, they will be the gainers
by living among those and under those who represent the whole circle.
This I concelve to be the advantage of a seat of universal learning, consl-
dered as a place of éducation. An assemblage of learned men, zealous for
their own sciences, and rivais of each other, are btrought, by familiar
celui que propose le philosophe français ; de plus New
pas
comprenant
man récuserait l’arbre de Descartes comme ne révélée
pas la théologie, à tout le moins
la théologie ; ce

dernier disait en effet que pour être théologien il fallait être


plus qu’homme.
Cette idée d’un enseignement où chaque discipline a
place respective pour approcher par d’aussi nombreux
sa
aspects qu’il est possible l’unité du réel, Newman la reprend
et la développe à la suite de Coleridge, inspirateur de l’Ert-
cyclopedia Metropolitana à laquelle Newman collabora, à la
suite de lord Bacon (Francis Bacon), de Cicéron et d’Aris
tote. Au philosophe grec, il est redevable du mot architec
tonique qu’Aristote applique dans YEthique à Nicomaque à
la politique et Newman à la philosophie, science architecto
nique, organisatrice, distributrice de rôles, qui donne à cha
que discipline sa place à l’université.
&V
La méthode que nous adoptons est tout simplement basée sur
la nature de l’homme et le cours nécessaire des choses. Toutes
les grandes œuvres morales lui servent d’illustration. Tous les
hommes, instinctivement, sans même sans rendre compte, y recou
rent dans le quotidien de la vie. Si nos adversaires, par contre,
la rejettent, cette méthode, c’est qu’ils ont perdu la clé qui leur
permettrait d’y accéder. Pour nous, au départ, nous avons une
idée, un type, d’après lequel nous éduquons. Comme la nature
nous presse de le faire, nous mettons à profit un sens intérieur,
à savoir : cette faculté que j’ai dénommée saisie intellectuelle
des choses ; cela même, je le montrerai plus loin, que signifie
précisément le mot « philosophie ». La science elle-même nous
fait voir cette faculté en exercice ; car elle présuppose, par
essence, une telle formation de l’esprit. La science n’est pas
simplement le savoir, mais un savoir qui a été soumis au pro
cessus de la digestion intellectuelle. Elle est la saisie de plusieurs
réalités, ramenées à un ensemble. Son pouvoir vient de là : car,
à proprement parler, c’est la science qui est pouvoir, et non pas
le savoir. Voici donc, d’après moi, quel doit être notre attitude
vis-à-vis des sciences, prises ensemble : il faut les voir comme
si elles n’en formaient qu’une, et les coiffer d’une idée. Qu’est-ce
là, pour un âge qui se glorifie de son génie scientifique, sinon
un élargissement et un perfectionnement du processus même
auquel la science doit son existence ? Représentez-vous ce que
peut être une Science des sciences, et vous aurez une juste idée
de ce qu’une université cherche à réaliser. Toutes les réalités,
— c’est ainsi que nous les voyons, — tendent à s’agencer en
un tout ; entre toutes les branches du savoir aussi bien; qu’à
l’intérieur de chacune d’elles, il y a ordre, préséance, harmonie ;
en conséquence, il est aussi anti-philosophique de détruire cet
agencement dans un cours d’études, qu’il serait anti-scientifique
de le détruire à l’intérieur de l’une ou l’autre des parties de ce
dans
tout. Nous rassemblons toutes les sciences et les plaçons
cercle, un système plutôt que de les laisser errer de-ci de-là
un ;
dans une confusion désespérante, nous leur assignonslangage un centre
but. En d’autres termes et pour parler de de
et un
l’Ecole, nous donnons aux occupations et objectifs innombrables,
lesquels s’épuise l’intellect, une forme c est là, en effet, une
sur '.

particularité de la forme, de ramener à un tout les éléments


1

contenus sous elle et de les arracher à tout le reste (15).

C’est encore, au-delà de l’emprunt à Bacon, à Aristote


Newman doit de soutenir que chaque science est définie
que développant une
par son objet et par sa méthode et c’est en
intuition du philosophe grec qu’il explique comment le savoir
est un bien en lui-même : que l’on se souvienne des pre
miers mots de la Métaphysique : « Tous les hommes, écrit
Aristote, ont par nature le désir de connaître ; le plaisir
causé par les sensations en est la preuve, car, en dehors
même de leur utilité, elles nous plaisent par elles-mêmes, et
plus que toutes les autres les sensations visuelles ». Ce désir
de connaître atteint pleinement son objet, pour Newman, dans
l’enseignement donné à l’université, celui qui comprend tou
tes les branches de la connaissance disposées dans une har
monie, selon une vue philosophique ou architectonique.

(15) T.N. VI, Appendice Discours V, 8, p. 438-439. « We (do but) adopt


a method, founded in man’s nature and the necessity of things, exemplified
in ail great moral Works whatever, instinctively usedJ by ail men in the
course of daily life, though they may not recognize it, discarded by our
opponents only because they hâve lost the true key to exercise it withal.
We start with an idea, we educate upon a type ; we make use, as nature
prompts us, of the faculty, which I hâve called an intellectuali grasp of
things, or an inward sense, and which I shaU hereafter show is really
meant by the word « Philosophy ». Science itself is a specimen of its exer
cise ; for its very essence is this mental formation. A science is not mere
knowledge, it is knowledge which has undergone a process of intellectual
digestion. It is the grasp of many things brought together in one, and
hence is its power ; for properly speaking, it is Science that is power, not
knowledge. Well, then this is how (I would) act towards the Sciences
taken ail together ; we view them as one and give them an idea ; what is
this but an extension and perfection, in an âge which prides itself upon
its scientific genius, of what that very process by which science exists at
ail ? Imagine a science of sciences, and you hâve attained the true notion
of the scope of a Uni vers!ty. We consider that ail things mount up to
a whole, that there is an order and precedence and harmony in the bran
ches of knowledge one with another as well as one by one, and that to
destroy that structure is as unphilosophical in a course of éducation, as
it is unscientific in the separate portions of it. We fore and fix the Sciences
in a circle and system, and give them a center and an aim, instead of
letting them wander up and down in a sort of hopeless confusion. In other
words, to use scholastic language, we give the various pursuits and objects,
on which the intellect is employed, a form ; for it is the peculiarity of a
form, that it gathers up in one, and draws off from everything else, the
materials on which it is impressed, »
En effet l’eneignement ne se donne pas n’importe com
ment ; s’il en était ainsi, il suffirait de livrer des connais
sances à l’élève ou à l’étudiant en faisant appel à sa
faculté
d’accumulation, c’est-à-dire à sa mémoire, or c’est tout l’es
prit qu’il faut former, ce sont des points de vue qu’il faut
faire découvrir, de comparaisons et des relations qu’il faut
apprendre à établir, bref c’est la faculté de juger qu’il faut
former (16). Cette formation universitaire atteint son but
et culmine lorsque l’étudiant parvient à ce sommet qu’est
l’idée ou l’illumination de l’ensemble du savoir. A partir de
ce point, il peut considérer toute chose et la mettre à sa
juste place.
Il n’y véritablement élargissement de l’esprit que lorsqu’il
a
y a cette puissance d’envisager plusieurs objets d’un seul coup
et comme un tout ; de leur accorder à chacun sa vraie place dans
un système universel ; de comprendre la valeur respective d’un
chacun et d’établir ses rapports de dépendance eu égard aux
autres. C’est ainsi que se constitue, dans une intelligence donnée,
ce type de savoir universel dont j’ai parlé précédemment et qui
représente pour elle un perfectionnement. L’esprit qui possède cette
illumination authentique ne considère jamais une portion de
l’immense objet du savoir, sans se rappeler qu’elle n’en est qu’une
portion, et sans faire les raccordements qui s’imposent dès qu’on
se le rappelle. Il fait en sorte que chaque donnée conduise à
toutes les autres. Il tente de communiquer à chaque partie en
particulier un reflet du tout, jusqu’à ce que ce tout devienne
dans la pensée comme un esprit, qui s’insinue et s’insère à l’in
térieur des parties constituantes et donne à chacune sa signifi
cation bien définie (17).
Cette disposition en exercice de l’intelligence est calquée
sur la phronèsis aristotélicienne mais alors que pour le grec

(16) Cf. T.N. VI. 6" conf.. 9. 33, p. 288-289 ; 7° conf., 9, 34, p. 326-327
et Longmans 1898, Disc. VI, 10, p. 148-149 ; Disc. VII, 9, p. 173-174.
(17) T.N. VI, 6° conf., 6, 22, p. 269-270 et Longmans 1898, Disc. VI, 6,
p. 136-137. «That only is true enlargement of mind which is the power
of viewing many things at once as one whole, of referring them severally
to their true place in the universal System, of understanding their respec
tive values, and determining their mutual dependence. Thus is that form
of Universal Knowledge, of which I hâve on a former occasion spoken, set
up in the individual intellect, and constitutes its perfection. Possessed
of this real illumination, the mind never views any part of extended subject
— matter of Knowledge without recollecting that it is but a part, or
without the associations which spring from this recollection. It makes every
thing in some sort lead to every thlng else ; it would communicate
the image of the whole to every separate portion, till that whole becomes
in imagination like a spirit, every where pervading and penetratlng its
component parts, and giving them one definite meaning. » Cf. aussi T.N. VI,
5 u conf., 6, 19, p. 232-234 ; 6° conf., 5, 18, p. 264-266 et Longmans 1898,
Disc. V, 6, p. 113-114 ; Disc. VI, 5, p. 133-134.
elle est une vertu intellectuelle à fin pratique, pour diriger
l’action, que l’on traduit communément par prudence, elle
est pour Newman à fin plutôt théorique : elle ordonne les
connaissances en un tout ; voilà pourquoi elle est appelée
par lui philosophique et elle est attribuée aussi bien à
l’objet
de l’enseignement universitaire, à ce qui est enseigné qu’au
sujet, à celui qui reçoit cet enseignement, à l’étudiant, à l’es
prit de l’étudiant formé ainsi.
Newman n’a pas de peine alors à montrer que cet ensei
gnement est bon en lui-même avant d’être utile à autre
chose et que cette formation doit être recherchée pour elle-
même plutôt que pour une autre fin. Ce qui est bon est
utile, mais ce qui est utile n’est pas toujours bon. Confor
mément à la tradition platonicienne pour laquelle le bien
se diffuse de lui-même, Newman explique que l’enseigne
ment donné à l’université tel qu’il l’a défini se répandra
ensuite en toutes sortes de biens chez celui qui l’aura reçu
et le rendra plus apte à toute tâche à laquelle il sera amené
à se donner dans une profession particulière.

Au lieu d’être entraînée, et pour autant sacrifiée, à la pour


suite de quelque fin accidentelle ou particulière, de quelque
emploi, profession, étude ou science, l’intelligence peut recevoir
une discipline qui lui serve à elle-même, qui la rende capable
de mieux se saisir de son objet propre, et la cultive à un degré
supérieur. Or, une formation ainsi conçue est ce qu’on appelle
une éducation libérale. Sans doute cette éducation n’est-elle
jamais poussée chez personne aussi loin que cela pourrait être.
Sans doute n’y a-t-il personne également dont l’intelligence puisse
servir comme un modèle sur lequel les autres devraient se cal
quer. Mais il n’y a guère de gens non plus qui soient incapables
de se représenter ce qu’est une formation authentique, de jeter
les yeux de ce côté et de prendre comme un critère d’excellence
cela même qu’une telle formation poursuit et procure, sans plus.
Nombreux également ceux qui peuvent recevoir cette formation
et en profiter largement. Or, de proposer un critère d’excellence,
d’éduquer en fonction de lui, d’aider les étudiants, chacun dans
la mesure de ses aptitudes particulières, à s’élever jusqu’à lui,
voilà ce que je considère être la tâche de l’Université (18).
Newman n’ignore pas les besoins de la société indus
trielle au nom desquels certains voulaient que les disciplines
pratiques, la formation à une profession, l’économie poli-

(18) T.N. VI. 7° conf., 1, 2, p. 295 et Longmans 1898, Disc. VII, 1, p. 152-
153 Cf. aussi T.N. VT, 5° conf., 9, 27, p. 243-246 ; 6° conf., 6, 24, p. 273-274 ;
7" conf., 6, 19-21, p. 313-316 et Longmans 1898, Disc. V, 9, p. 120-121 ; Disc.
VI, 6, p. 138-139 ; Disc. VII, 6, p. 164-167.
tique, les techniques fussent enseignées en priorité sinon
exclusivement. Il répond à ces gens d’esprit pratique par
deux arguments. Le premier est la conséquence de sa démons
tration de l’excellence de l’enseignement libéral : ce qui est
bon est aussi utile. Aussi l’homme ne peut-il que mieux
remplir les tâches précises auxquelles il est appelé dans la
société s’il les aborde avec un esprit ouvert, un jugement
pondéré et sûr, une possession de soi que donne cet ensei
gnement. Puis il invite ses auditeurs à réfléchir à ceci : for
mer des jeunes gens d’abord et avant tout aux tâches pré
cises et pratiques requises par la division du travail, c’est,
à coup sûr servir la société et répondre à ses besoins, mais
est-ce bien servir l’homme et le développer? Ne convient-il
pas d’abord de former l’homme avant de répondre aux besoins
de la société ?
Reprenant dans les derniers discours le motif qu’il avait
eu de les composer, Newman situe, comme pour conclure,
la formation dont il s’est fait le défenseur et par là en mon
tre les limites. Former l’esprit de jeunes gens par l’ensei
gnement du savoir universel est une tâche des plus nobles,
mais l’esprit n’est pas tout l’homme et la formation de l’in
telligence ne saurait tenir lieu de formation morale ou
religieuse. Certes elle élève l’homme au-dessus d’un certain
niveau et lui rend plus facile la maîtrise des instincts les
plus bas et même des passions. Mais la perfection qu’elle
apporte est simplement humaine : elle peut être mise au ser
vice d’un idéal religieux comme s’y opposer et si cet idéal
mondain paraît ressembler à l’idéal religieux, cette ressem
blance cache une plus grande différence subtilement dissi
mulée.

Le chef-d’œuvre dont le monde se plorifie, n’est d’aucune


manière surnaturel ; cela est aussi certain que, par ailleurs, il est
certain que l’œuvre est noble et belle. Il convient d’insister sur
ce point, pour payer à l’intelligence le tribut qui lui est dû. Mais
il faut insister également, pour dégager les conclusions que j’en
tends tirer de cette étude. En dépit des affinités apparentes,
en effet, il existe une différence radicale entre le raffinement
de l’esprit et une religion authentique (19).

L’idéal universitaire a permis à des hommes d’être de


grands chrétiens et de bons serviteurs de l’Église et à d’au
tres tout aussi humanistes d’en être de redoutables détrac-

(19) T.N. VI, 8° conf., 4, 13, p, 353-354 et Longmans 1898, Disc. VIII, 4,
p. 190.
adversaires. L’université forme des gentlemen 1 on
teurs et deux ,
peut être un gentleman et un chrétien, mais ces types
confondent pas ils ne sont pas du même ordre, pour
ne se :
rait-on dire à la suite de Pascal. Newman ne veut pas dire
là que l’Église ne peut pas fonder une université mais il
insiste pour qu’elle en reconnaisse le but propre. Le savoir
fin où qu’il soit enseigné. Newman pensait qu’il
a sa propre
eût été possible à Laplace qu’il considérait par ailleurs
modèle d’athée d’enseigner dans une université
comme un
catholique.
*
* *

Que retirer de la lecture de ces conférences sur l’uni


versité aujourd’hui? L’ouvrage publié par Newman connut
le succès et il est considéré dans les pays de langue anglaise
comme un classique par sa forme particulièrement achevée
aussi bien que par son contenu. Tel dictionnaire biographi
que publié aux Etats-Unis, dans son article sur Newman,
y réserve la meilleure part alors que nous autres, nous rete
nons plutôt de lui d’autres ouvrages que nous jugeons plus
importants. Cette renommée du livre est une invitation à le
garder ouvert et à tenter une appréciation de sa valeur
durable, non seulement celle de son style — le charme de
la langue de Newman continue à nous séduire — mais celle
des idées qu’il renferme.
Que l’on nous permette d’évoquer un souvenir personnel !
Le voyageur qui arrive à Oxford est frappé par le caractère
particulier de la ville faite en son centre des collèges de
l’Université, tous construits sur le même plan carré : la
bibliothèque, la chapelle, la salle à manger et le common-
room entourent une cour principale ; par un des côtés du
« quadrangle », l’accès est ouvert sur un parc pour la pro
menade. De l’ensemble se dressent vers le ciel les flèches
de nombreux clochers,... Oxford, spires and bells. L’arrange
ment des lieux traduit dans l’espace et dans la pierre cette
idée de l’université que Newman expose dans ses conféren
ces. Tout y favorise la communication du savoir et le
dialogue des intelligences. Un ami anglais avec qui nous
évoquions cet ensemble unique et cette atmosphère reprit
malicieusement : « Oxford, spires and bells,... and British
Motor Corporation ! », comme si nous n’avions pas remar
qué le contraste entre ces temples de l’étude édifiés au
cœur de la cité et les bâtisses du faubourg tout proche qui
abritent une usine de farication d’automobiles. Deux mondes
ou un seul ? Deux cultures ou une seule ? Deux idées ou une
seule : le savoir qui est à lui-même sa propre récompense ou
bien le savoir utile au service de la société ? Le contraste
entre la ville universitaire et son faubourg industriel n’est-il
pas d’abord entre l’enseignement tel que Newman le préco
nise et la formation professionnelle requise dans le monde
du travail et des affaires ? L’idéal que propose Newman
peut-il être maintenu?
On lui saura gré d’avoir été sensible à la question qui
était posée de son temps par les faits et dans les débats
d’idées et d’y avoir répondu. Il garde sa ligne mais il ne
méconnaît pas les besoins de l’industrie, du commerce ou
de l’économie. Ce qui est bon pour l’homme l’est aussi pour
la société tandis que ce qui est utile à la société n’est pas
toujours bon pour l’homme. Formez l’esprit de l’homme
d’abord et puis le cerveau de l’ingénieur ou de l’économiste,
développez les aptitudes de son intelligence et sa faculté de
juger avant de l’orienter vers telle tâche ou tel genre d’étude.
Il ne convient pas de sacrifier la culture générale à la for
mation spécialisée.
A cette fin, Newman fait un plaidoyer raisonné pour que
soit gardée l’idée qui a inspiré la fondation au Moyen Age
et maintenu l’existence des universités européennes, idée
reprise des Anciens puisqu’aussi bien elle inspira Aristote
lorsqu’il fonda le Lycée, avant lui Platon pour l’Académie
et avant eux les groupes studieux et religieux des Pythago
riciens. Si cette idée est appliquée, le dialogue, l’émulation
et la confrontation s’instaurent entre les disciplines et leurs
tenants dans le respect de leur caractère propre. Si elle est
abandonnée, c’est au contraire la confusion des compétences
qui s’installe ainsi que l’empiètement indû des sciences les
unes sur les autres et même l’élimination de certaines. L’uni
versité est le lieu du savoir universel. Toutes les disciplines
doivent y figurer parce que toutes ensemble et toutes ensem
ble seulement elles donnent une juste idée du réel. L’har
monie réalisée en ce lieu ne résulte pas d’une simple juxta
position — l’université n’est pas un bazar — mais « de la
nature du cas », de l’unité de la réalité à connaître. Chaque
science est une vue sur cette réalité qui ne prend sa valeur
que dans l’ensemble du savoir. De ce fait résulte la complé
mentarité des disciplines et leur place à l’université. Hors
de cela on ne peut parler d’université.
L’argumentation par laquelle Newman justifie la place de
la théologie repose là-dessus et sur cette autre idée cons
tante dans sa pensée, que la théologie fait bien partie des
disciplines universitaires, qu’elle constitue une part et non
négligeable du savoir. Cette deuxième idée, ici déduite de
la première, n’en a pas moins d’importance pour Newman.
C’est elle qu’il suivait lorsqu’à l’âge de quinze ans il subit
l’influence d’une croyance définie et sut ce qu’était le
dogme ; elle fut parmi les idées-mèmes du Mouvement Trac-
tarien ; à la fin de sa vie, recevant le chapeau de cardinal,
il attestait que le combat contre le libéralisme en matière
dogmatique, c’est-à-dire contre l’abandon des doctrines l’avait
occupé tout le temps.
Si le savoir universel vaut pour lui-même, il vaut aussi
par ses conséquences pédagogiques : c’est pour cela que
l’université doit l’enseigner. L’étudiant doit être formé dans
cet esprit, quelle que soit la discipline particulière dans
laquelle il désire se spécialiser. De même le professeur est
appliqué à une discipline. Mais l’ambiance universitaire fait
que son enseignement prend sa juste place comme une partie
du savoir. C’est dans l’institution universitaire que s’incarne
l’esprit philosophique comme l’entend Newman. Parce qu’ils
se rencontrent, se fréquentent ou vivent ensemble, ses mem
bres, professeurs et étudiants, participent à cet esprit et le
développent : c’est la vie intellectuelle qui les anime tous
et chacun.
Utopie, idéal, réalité, l’idée de l’université de Newman
peut-elle être aujourd’hui reconnue ici ou là, ou mise en
pratique ? Elle demeure comme un défi à relever pour ceux
qui veulent maintenir entre les hommes cette forme privi
légiée de communication qu’est la culture.

Pierre Gauthier
I. LITURGIE ANTIQUE

Robert Cabié, La lettre du pape Innocent Ier à Décentius


de Gubbio (19 mars 416), texte critique, traduction et com
mentaire. Louvain, Bibliothèque de l’Université, 1973 (Biblio
thèque de la Revue d'histoire ecclésiastique, fasc. 58). — Un
vol. in-8° de 72 pages.

On sait l’importance de la lettre Si instituta dans la tradition


des collections canoniques et pour l’histoire de la liturgie latine :
l’évêque de Gubbio par ses questions et le pape Innocent Ier par
ses réponses témoignent de la diversité qui règne dans les usages
liturgiques entre Rome et d’autres églises latines, ainsi que de
l’hésitation que cette diversité provoque dans des régions où
on l’aperçoit plus nettement. Il s’agit de la place de la paix et
des diptyques à la messe, de la consignation des baptisés, du
jeûne du samedi, du rite du fermentum, du traitement des possé
dés, de la réconciliation des pénitents, de l’onction des malades.
Malheureusement, nous ne possédons pas la lettre de l’évêque
de Gubbio, ce qui rend souvent énigmatique l’allusion que fait
le pape aux usages contestés, et de plus le texte même de la
décrétale est difficile à interpréter, sans parler des variantes que
comportent les manuscrits qui nous l’ont transmis. R. Cabié a eu
le courage d’affronter la triple tâche qui s’imposait : établir le
texte critique, en donner une traduction française, justifier et
illustrer celle-ci en replaçant la Lettre dans l’histoire de la litur
gie. Etablir le texte critique était méritoire, vu le grand nombre
de collections canoniques qui contiennent Si instituta, à des
places d’ailleurs différentes : les manuscrits nous permettent de
remonter assez haut ; R. Cabié en a retenu vingt-deux, échelonnés
entre le milieu du vi e et le xire siècle, sans parler des collections
dont l’étude critique a déjà été faite et pour lesquelles il suffisait
de renvoyer aux travaux de H. Wurm, A. Strewe et G. Martinez
Diez. Les variantes permettent d’établir l’existence de quelques
grandes familles, manifestant à leur façon comment dans les diffé
rentes régions on comprenait les usages liturgiques auxquels
Innocent Ier se réfère. Déjà le regretté Dom Bernard Capelle
avait montré, à propos des nomina, la nécessité de l’établissement
d’un texte critique.
Le commentaire de R. Cabié projette sur ce texte la lumière
des nombreuses études qui, depuis cinquante ans, ont renouvelé
l’histoire de la liturgie latine. Peut-être pourrait-on progresser
encore, grâce aux travaux dont font actuellement l’objet les
liturgies locales de l’Italie : l’usage romain, revendiqué si forte
ment par Innocent Ier, était peut-être moins répandu que le pape
ne semblait le croire et les divergences qu’il constate risquent
de provenir des réformes récentes dues à l’initiative des papes
eux-mêmes, au moins autant que de l’infiltration d’usages plus
lointains. Remercions Robert Cabié du service qu’il a rendu en
publiant ce travail : il serait souhaitable qu’on en entreprenne
d’autres du même genre, par exemple sur les lettres de saint
Augustin à Januarius, sur les témoignages liturgiques de saint
Grégoire... On ne peut plus se contenter aujourd’hui d’un Enchiri-
dion liturgicum, que cependant les liturgistes ont si souvent
désiré et partiellement tenté.

Paul De Clerck, La « prière universelle » dans les litur


gies latines anciennes, Témoignages patristiques et textes
liturgiques. Münster Westfalen, Aschendorff, 1977 (Litur-
giewissenschaftliche Quellen und Forschungen 62). — Un
vol. in-8° de XX, 344 pages et deux dépliants.

Ce livre a été d’abord une thèse de l’Institut supérieur de


liturgie : il garde peut-être de cette origine un appareil scolaire,
je n’ose pas dire un air germanique, puisque l’auteur est belge.
Il faut cependant dépasser très vite les apparences : P. De Clerck
a eu le courage d’affronter un grand sujet et n’a pas craint d’en
reprendre l’étude après les plus célèbres liturgistes de ce siècle :
Duchesne, Bishop, Meyer, Capelle, Chavasse, Molin. Le premier
résultat qu’il obtient est de nous fournir, pour l’Occident, une
somme quasi exhaustive des documents et de leur interprétation.
Je dis : pour l’Occident ; s’il est vrai que sans cesse il éclaire les
textes latins par des parallèles grecs et s’il aboutit à la conclu
sion que les prières universelles latines puisent leur inspiration
dans des sources orientales, il a dû renoncer à étudier par lui-
même le domaine oriental, trop étendu, et formule en conclusion
le souhait que celui-ci attire un chercheur pareillement coura
geux.
Mais cette somme n’est pas simple recueil de textes ou compi
lation. Paul De Clerck passe d’abord au crible les témoignages
littéraires versés au dossier depuis Probst, c’est-à-dire les allu
sions que l’on a trouvées à Voratio fidelium chez les Pères et
écrivains ecclésiastiques des cinq premiers siècles : bien des
textes, certes, doivent être laissés de côté parce qu’ils ne prouvent
pas qu’il s’agisse d’une prière liturgique faite dans la célébration
de la messe avant l’anaphore et distincte des intercessions ou des
diptyques ; parfois même le contexte montre que c’est tout autre
chose ; de ce point de vue, les expressions oratio communis ou
oratio fidelium relevées dans les textes ont souvent trompé les
érudits, parce qu’elles peuvent avoir d’autres significations. Cepen
dant, à Rome dès le ire siècle, l’existence de la prière univer
selle est assurée ; par la suite, l’Ambrosiaster et Prosper d’Aqui
taine font même probablement entendre l’écho de ses formulaires.
A ces époques, nous n’avons pas de témoignages nets pour Milan
et la Gaule : « il faut attendre le début du vre siècle pour appren
dre avec certitude qu’une prière du peuple se faisait après l’évan
gile en Gaule» (p. 110).
Dans une deuxième partie, l’auteur étudie les formulaires
liturgiques que les manuscrits nous ont conservés, provenant des
diverses régions de l’Église latine, c’est-à j dire des liturgies
romaine, milanaise, gallicane, celtique, hispanique. Ces formulai
res ne sont pas inédits : oraisons solennelles romaines, litanies
Dicamus omnes, Divinae pacis, Deprecatio Gelasii, Orationes pas-
chales gallicanes et hispaniques. Certains, d’ailleurs, se diversi
fient au gré des adaptations, ainsi le Dicamus omnes, qui apparaît
sous sa forme la plus ancienne dans le Missel de Stowe, se
retrouvera comme prière des Rogations dans le Pontifical romano-
germanique ou à l’entrée de la messe ambrosienne du II e dimanche
de Carême. Mais de tous ces formulaires, Paul De Clerck a cherché
avec acharnement de nouveaux témoins au cours d’une explora
tion systématique de nombreux manuscrits liturgiques, notamment
des processionaux. Il en refait, après Dom Capelle, l’édition criti
que, puis l’analyse littéraire ; il essaie d’en déceler les archétypes
et les sources, puis de les dater. Enfin il estime à juste' titre
qu’il ne faut pas limiter l’enquête à ces genres classiques : il
l’étend aux litanies, aux Preces de l’office, aux Laudes regiae.
Les conclusions, présentées avec modestie par l’auteur, n’en
sont pas moins importantes et nouvelles. Il estime que les Oratio
nes solemnes n’étaient pas la seule forme de la prière universelle
à Rome, mais qu’il devait y avoir simultanément d’autres formes,
par exemple litanique. Il écarte, comme insuffisamment fondée,
la thèse de Capelle, devenue pourtant classique après sa révision
par Chavasse, sur l’origine du Kyrie de la messe, sur le rôle du
pape Gélase, sur l’interprétation du célèbre texte de saint Grégoire
au sujet du Kyrie, sur YOratio super sindonem... Là encore, l’exa
men des litanies des saints aide à entrevoir à la fois une origine
différente du Kyrie et la cause qui aurait entraîné la disparition
de la prière universelle.
Un travail de cette importance doit donc faire l’objet d’un
examen attentif de la part de tous ceux qui s’intéressent à l’his
toire de la messe et même, plus généralement, à la prière chré
tienne. Même si ses hypothèses et ses conclusions peuvent tou
jours prêter à discussion, dans un domaine où nos sources d’in
formation demeurent lacunaires, si l’on a envie de chicaner sur
maint détail secondaire, du moins semble-t-il difficile de découvrir
de nouveaux documents susceptibles de renouveler désormais l’état
de la question. On trouvera même dans ce livre, par exemple
page 311, des remarques dont la pastorale liturgique tirera profit.
André Tarby, La prière eucharistique de l’Église de Jéru
salem. Paris, Beauchesne, 1972 (Théologie historique 17).—
Un vol. in-8° de 198 pages.
Il s’agit de l’anaphore dite de saint Jacques, dont il existe
deux recensions : grecque et syriaque. La recension grecque a fait
l’objet d’une excellente édition critique par Charles Mercier dans
la Patrologie orientale, la recension syriaque par Rticker d’abord
et ensuite par Dom Odilon Heiming dans les Anaphorae syriacae.
André Tarby n’avait donc pas à refaire ces travaux, qu’il résume
rapidement ; mais, comparant ces deux recensions entre elles et
avec les autres versions de la même anaphore, il essaie de recons
truire le texte primitif, dégagé de toutes les additions ultérieures :
ce texte, plus proche de la recension syriaque, pourrait être
considéré comme la prière eucharistique de Jérusalem au temps
où l’évêque Cyrille et son successeur Jean prononçaient leurs
catéchèses. Une telle recherche critique n’était qu’un préalable, car
l’objectif essentiel de A. Tarby est d’analyser « ce donné original
qu’il était intéressant de cerner et de circonscrire comme l’ex
pression d’une tradition vivante capable de ressourcer, aujour
d’hui encore, la foi des chrétiens » (p. 8). Cette analyse, l’auteur
l’éclaire à la lumière des écrits des Pères et par comparaison
avec l’ensemble des anaphores orientales, tant syriennes que
byzantines et alexandrines ; il faut reconnaître l’ampleur et la
qualité de son érudition, car je n’ai guère relevé qu’une lacune :
il ne semble pas avoir connu, sur l’épiclèse eucharistique l’article
de A. Chavasse, qui, dès 1946, proposait une interprétation voi
sine de la sienne. On recourra désormais à ce livre chaque fois
qu’on voudra commenter telle ou telle partie d’une prière eucha
ristique ancienne ou moderne. Quelques aperçus sont particulière
ment pénétrants, notamment sur le rôle des anges (pp. 120-122),
sur le thème de la « rénovation de l’image divine » (pp. 124-134),
ou sur celui du « sacrifice redoutable » (pp 146-151). Il est dom
mage que l’auteur ait exclu de son exposé les intercessions, exi
geant, selon lui, une étude particulière qu’il n’a pas encore entre
prise (p. 46). Regrettons aussi les nombreuses fautes d’impression
des mots grecs, qui ont obligé à une longue liste d’errata. Çà et là
enfin, A. Tarby a cédé au jargon de notre temps (pp. 88, 153, etc.),
rarement pourtant ; et il a le mérite de demeurer modeste en
posant à la fin la question : « Une prière pour aujourd’hui ? ».

Achille M. Triacca, I prefazi ambrosiani del ciclo « De


tempore » secondo il « Sacramentarium Bergomense » Avvia-
mento ad uno studio critico-teologico. Roma, P. Ateneo Sant’
Anselmo, 1970. — Extrait de thèse, un vol. in-8° de 148
pages.
Voilà déjà longtemps que le Salésien Don Triacca nous fit
l’hommage de cet extrait de la thèse qu’il présenta en 1969 à
l’Institut liturgique de Saint-Anselme ; la présente Chronique est
l’occasion de combler ce long retard apporté à le signaler; son
auteur a d’ailleurs montré, depuis ce temps-là, par bien d’autres
travaux sa compétence dans le domaine liturgique. Sa thèse,
il l’a entreprise et conduite au milieu des controverses que la
réforme liturgique a fait rebondir jusque sur le rite ambrosien :
fidèle à l’Église locale dans laquelle il a appris à prier, il a voulu
attirer l’attention sur son noble patrimoine liturgique et montrer
l’importance de cet héritage, riche d’une doctrine et d’une spiri
tualité centrées sur la personne du Christ. J’ai bien des raisons
de l’en féliciter et je puis constater avec joie maintenant le
succès de la cause qu’il a servie avec ardeur.
Pour être rigoureuse, une analyse doit se fixer des limites :
Don Triacca se borne donc aux formulaires du Sacramentaire de
Bergame et, dans celui-ci, aux Préfaces du cycle De tempore.
Partant des études de Mgr Paredi, il cherche à serrer de plus près
encore le problème de l’originalité de ces formulaires : quels sont
ceux qui sont vraiment ambrosiens et ne sont pas de simples
emprunts à d’autres milieux liturgiques ? Le résultat confirme les
listes de Paredi : 32 préfaces du temps sont estimées vraiment
ambrosiennes ; 18 autres pourraient l’être, mais ce n’est qu’une
probabilité ; enfin une vingtaine qui ne sont pas ambrosiennes
sont entrées de façon homogène dans le répertoire. Don Triacca
veut aller plus loin, et distingue plusieurs couches rédactionnel
les : pour juger de l’exactitude de cette distinction, il faudrait
sans doute avoir en mains la totalité de son travail, dont nous
souhaitons la publication : on apprécierait ainsi la valeur doctri
nale des révisions qu’il relève, reflet des préoccupations théolo
giques des diverses époques. Mais la préhistoire des textes est
toujours difficile à décrire. Dans une publication définitive, l’au
teur aura intérêt à simplifier son vocabulaire : le Milanais Man-
zoni, il est vrai, feignait de se contenter de ses « venticinque
lettori », mais n’a pas, quoi qu’il en dît, réussi à nous ennuyer.

II. LITURGIE MÉDIÉVALE: ROME


Pierre Jounel, Le culte des saints dans les basiliques du
Latran et du Vatican au douzième siècle. Rome, Palais Far-
nèse, 1977 (Collection de l’École française de Rome 26).—
Un vol. grand in-8° de 460 pages.

Voici un livre admirablement présenté, encore que l’on ait dû


en trois pages d’errata cueillir une moisson de fautes d’impres
sion (hélas, j’ai pu encore glaner après les moissonneurs...). Et
surtout admirablement écrit : non seulement on y chercherait en
vain le jargon des scolastiques modernes, mais on se laisse pren
dre par le double enthousiasme qui, sans cesse, déborde les
rigueurs de l’érudition ou, mieux encore, les éclaire : l’amour des
saints et l’amour de Rome. La première fois que je rencontrai
Pierre Jounel, en 1947, il m’entretint d’un projet qu’il avait déjà
formé d’une étude sur le sanctoral romain. Quelques années plus
tard, il obtenait un congé d’études à Rome et désormais, au milieu
des responsabilités qu’il a remplies à Paris, il n’a cessé de revenir
fréquemment à la Ville Étemelle, jusqu’à ce qu’enfin les commis
sions liturgiques d’avant et d’après le Concile aient donné à ces
séjours un caractère officiel et à ses travaux sur le sanctoral la
valeur d’un service d’Église. Mgr Batiffol disait de son Histoire
du bréviaire romain qu’il l’avait écrite « dans l’enchantement de
Rome, la Rome de Léon XIII » ; Mgr Jounel a éprouvé le charme
de la Rome de Jean XXIII et de Vatican II. Le présent ouvrage
est donc le fruit de trente années de recherche, de réflexion et
d’action ; en outre il a bénéficié de quelques découvertes impor
tantes, comme celle du Missel du Latran du xire siècle. On y
trouve beaucoup plus que le titre n’indique. Si en effet le dou
zième siècle est donné comme une date décisive, comme un tour
nant de l’histoire liturgique de Rome, il ne peut être compris
sans un regard sur les diverses étapes antérieures. C’est
pourquoi
Mgr Jounel édite et commente des calendriers échelonnés entre
le ixe et le xire siècles, puis il les éclaire par tout ce que l’on
sait du culte des saints à Rome depuis la Depositio martyrum
de 336. Ces listes diverses auraient pu lasser le lecteur, mais il
n’en est rien, parce que la présence de chaque nom est illustrée
par l’évocation des lieux de culte, de l’iconographie, des liens cul
turels qui existaient entre les diverses communautés romaines et
les pays d’Orient et d’Occident. La liturgie du 9 novembre, par
exemple, replacée dans son cadre, trouve une vigueur plus grande :
« sous l’image du Christ en gloire, qui apparaît au milieu des
nuages multicolores parmi les séraphins, le chant de l’introït pre
nait tout son sens dans la basilique du Latran : In excelso throno
vidi sedere virum quem adorat multitudo angelorum... » (p. 307).
Et l’évocation de la procession nocturne à Saint-Pierre au diman
che Gaudete pour l’encensement des autels suggère une origine
orientale (p. 400). Enfin, plutôt que de chercher au loin les sources
des calendriers du xire siècle, il est juste de noter l’influence
des églises plus proches, surtout celles de l’Italie centrale (pp.
348-350).
Le sanctoral romain n’est pas seulement le calendrier des
fêtes célébrées au Latran ou au Vatican par les chanoines de ces
basiliques, quoique Mgr Jounel excelle à en tirer, des ordinaires
du prieur Bernard et du chanoine Bento, des descriptions savou
reuses. C’est aussi et surtout un courant populaire de dévotion,
qui se manifeste par la construction d’églises (de ce point de vue,
ce livre est la suite indispensable des Recherches sur les origines
de la Rome chrétienne de René Vieilliard), par l’érection d’ora
toires ou d’autels à l’intérieur ou à l’entour des basiliques : « sans
rien enlever à l’honneur dû à saint Pierre ou aux deux saints
Jean, ce culte à un certain nombre d’autres saints introduisait
une note festive et populaire dans la célébration quotidienne de
la liturgie au fil des semaines et des mois » (p. 367). Devant les
légendes hagiographiques, le culte démesuré des reliques et l’exis
tence douteuse de trois ou quatre saints, Pierre Jounel garde une
sérénité souriante : « Sans doute, le peuple qui vient vénérer à
Saint-Pierre le voile de Véronique et qui est ému au Latran devant
la table de la Cène est-il, comme ses pasteurs, un peuple dont la
crédulité nous étonne » (p. 409) ; il ajoute aussitôt : « Si l’on par
court les livres liturgiques du Latran et du Vatican, si l’on che
mine par la pensée d’un autel à l’autre dans chacune des basili
ques et de ses multiples annexes, si l’oni s’arrête à contempler
leurs mosaïques, on est frappé de l’authenticité et de la profon
deur de la foi qui s’y exprime » (ibid.). Latran et Vatican : les
deux basiliques constantiniennes, qui différaient profondément
par leur nature et leur destination initiale, rivalisent d’ambition
mais aussi de ferveur, au point de se ressembler, jusqu’à ce que
le moyen âge finissant accuse le déclin du Latran. Jean XXIII
et Paul VI lui ont redonné heureusement sa vraie dignité en y
rétablissant le centre de la vie diocésaine de Rome : désormais
« l’historien » faisant « le pèlerinage de la basilique » ne pourra
plus « se laisser gagner par la mélancolie d’un passé à jamais
révolu» (p. 410).
Pris par l’intérêt de la lecture, je n’ai guère été attentif à ces
lacunes ou ces erreurs de détail qui font la joie des recenseurs.
Un article de Mgr Ruysschaert publié en 1968 dans les Rendiconti
délia P. Accademia romana di archeologia montre que c’est une
erreur d’interprétation de l’inscription absidale de la basilique
constantinienne de Saint-Pierre qui a conduit les historiens à
retarder l’achèvement de l’édifice jusqu’après 350 : il faudrait
donc corriger ce que dit en passant Mgr Jounel, page 250, sur
la foi d’un article plus ancien du même auteur. Au sujet des
Gélasiens du vm e siècle, il ne semble pas que le Sacramentaire
de Gellone puisse en être « la souche » (p. 348) : les travaux de
A. Chavasse et J. Deshusses, que j’ai pu contrôler en étudiant
récemment un autre gélasien, montrent au contraire que Gellone
apparaît solitaire face au groupe de tous les autres. Enfin je
ferais une critique de nomenclature : répartir les documents en
« Sources imprimées » et « Sources manuscrites » me paraît peu
exact : il faudrait d’abord dire plutôt « Sources éditées » et « Sour
ces inédites », car il n’y a pas de calendrier ni de missel imprimé
avant... la découverte de l’imprimerie ; mais surtout, éditées ou
non, les sources gardent la seule valeur de l’identité du docu
ment ; c’est pourquoi il vaut mieux toujours les signaler par leur
cote, lorsqu’ils sont conservés et accessibles.

Marc Dykmans, s. j., Le Cérémonial papal de la fin du


moyen âge à la Renaissance, t. I, Le Cérémonial papal du
XIII e siècle. Rome et Bruxelles, Institut historique belge de
Rome, 1977. — Un vol in-8° de 378 pages.

La liturgie de la Cour papale au moyen âge a fait l’objet d’un


grand intérêt depuis que Mabillon, dans son Iter italicum, publia
en 1689 les Ordines Romani. Il y eut, depuis lors, les textes
édités par Gattico, les commentaires de Catalani et Giorgi et,
plus près de nous, la publication par Fabre et Duchesne des
coutumiers liturgiques qu’ils ont donnés en annexe de leur Liber
censuum. Mais c’est surtout à partir des travaux de Mgr Andrieu
que l’attention s’est portée plus vivement sur
l’histoire de la
liturgie papale, soulevant même des controverses passionnées
entre Mgr Andrieu et le franciscain Van Dijk. Ce dernier a survécu
assez longtemps pour procurer une étude
d’ensemble sur la litur
gie de la Curie et des Franciscains au xm e siècle, surtout pour
éditer les Ordines d’Haymon de Faversham et enfin l’Ordinaire
d’Innnocent III, qui cependant n’a paru qu’après la mort du
P. Van Dijk, grâce au concours de sa fidèle collaboratrice, Joan
Hazelden Walker. Entre l’Ordinaire d’innocent III et celui de
Pierre Ameilh (Ordo XV de Mabillon) datant du début du xv e
siècle, régnait une assez grande incertitude : Mabillon n’avait
édité qu’incomplètement le Cérémonial de Grégoire X; surtout
son Ordo XIV ne représentait pas un texte homogène, comme
l’avait déjà noté Kôsters en 1905. Or il existe un grand nombre
de cérémoniaux, parfois regroupés dans les mêmes manuscrits,
représentant la liturgie des xm e et xive siècles à la Cour papale :
Mgr Nabuco et Mgr Tamburini ont publié en 1966 une des recen
sions tardives du cérémonial de Stefaneschi, tandis que Bemhard
Schimmelpfennig a donné en 1973 une vue d’ensemble de ces
documents et l’édition de plusieurs textes, échelonnés entre le
milieu du xive et le milieu du xve siècle.
Le P. Dykmans, professeur à l’Université Grégorienne, s’inté
resse depuis longtemps à cet aspect de la liturgie médiévale :
il a publié en 1966 un article sur Mabillon et les interpolations
de son Ordo Romanus XIV, en 1966 un autre sur Le Cérémonial
de Nicolas V, en 1972 sur Le Cérémonial de Grégoire X, en 1973
sur Le Cérémonial du cardinal évêque en 1280. Il entreprend
maintenant d’éditer les textes. Le premier volume présente ceux,
allant de Grégoire X (1271-1276) à Boniface VIII (1295-1303),
dont la diffusion est sûrement antérieure au Cérémonial de Gia-
como Gaetani Stefaneschi, celui-ci devant faire l’objet d’un second
volume qui est sous presse. « Il pourra, ajoute modestement le
P. Dykmans, s’il plaît à Dieu, être suivi de plusieurs autres ».
Le Cérémonial de Grégoire X, qui vient en tête du tome Pr
avait déjà été utilisé par Mabillon et Andrieu de façon fragmen ,
taire ; il a été publié in extenso dans l’ouvrage de Van Dijk,
grâce, me semble-t-il, au concours du P. Dykmans lui-même,
d’après le ms. Paris, Arsenal 526. Le P. Dykmans l’édite à nou
veau avec les variantes de dix-sept autres manuscrits et il le fait
précéder d’une introduction qui situe ses descriptions dans révo
lution de la liturgie papale. Les autres documents, qui serviront
par la suite à Stefaneschi, se retrouvent tantôt séparément, tantôt
groupés, dans divers manuscrits, parmi lesquels Toulouse, Bibl.
municipale 67. C’est d’abord Liber quando episcopus cardinalis
missarum sollemnia celebraturus est, par Latino Malabranca (son
nom est livré par le Vatic. lat. 6300), puis De ministerio episcopi
vel presbiteri cardinalis servientis pape, ensuite Qualiter diaconus
cardinalis, cui commissum est evangelium, servire debet summo
pontifici, enfin un Ordo Romane ecclesie quomodo debet pontifex
celebrare (c’est-à-dire un évêque dans son diocèse). Mais il existe,
dans ceux de ces mêmes manuscrits qui contiennent un Pontifical,
les éléments d’un autre cérémonial épiscopal, que le P. Dykmans
reproduit également.
Je ne puis commenter ces textes qui intéresseront non seule
ment les liturgistes (en particulier, à propos de l’élévation de
l’hostie à la messe), mais tous les historiens du moyen âge, car
la vie de la cité romaine, loin d’être séparée de la vie liturgique,
s’y mêle étroitement. Je demande cependant, en terminant, si le
P. Dykmans, qui nous rend un si grand service par cette publica
tion, n’aurait pas eu avantage à suivre la méthode de Mgr Andrieu,
qui donnait une description complète et méthodique des manus
crits, rangés par ordre alphabétique de dépôts, avant d’en déduire
leur classement, puis présentait chaque ordo, précédé de son
introduction respective. Certes bien souvent la description a déjà
été faite dans tel ou tel catalogue, voire par Andrieu lui-même ;
mais faut-il avoir à la fois sur sa table de travail un amoncelle
ment d’usuels, pour pouvoir se reconnaître dans ces diverses col
lections de textes ? Car il faut souhaiter grande diffusion à des
ouvrages comme celui du P. Dykmans.

III. LITURGIE MÉDIÉVALE : ITALIE DU NORD

Ferdinando Dell’Oro, Il Benedizionale di Novara... No-


vara, Associazione ecclesiastica Novarese, 1974. — 86 pages,
chiffrées 53-183 (Extrait de Novarien., 1974).

Id., Un Benedizionale ad uso délia cattedrale di Aosta nel


secolo XI. — 80 pages, chiffrées 5-84 (Extrait de Recherches
sur l’ancienne liturgie d’Aoste et les usages religieux et popu
laires valdôtains 6, 1976).

Les* bibliothèques ecclésiastiques d’Italie s’ouvrent de plus en


plus aux historiens et livrent leurs richesses. C’est tout profit
pour les études liturgiques : Novare, Aoste, Ivrea, Vérone..., de
tous côtés on édite des textes, tâche facilitée par les catalogues
de manuscrits qui sont publiés, même si ces derniers sont loin
d’être l’équivalent transalpin de nos précieux Leroquais.
Don Ferdinando Dell’Oro, Salésien, avait déjà étudié en 1970
le Bénédictional d’Ivrea. Voici maintenant, édités avec la même
acribie, un bénédictional de Novara et un autre d’Aoste. L’un, daté
habituellement du ix e siècle, est en réalité postérieur, Xe ou xi e ;
il se trouve dans la Bibliothèque capitulaire de Santa Maria sous
la cote Cod. LXXXVIU (Colombo 4). L’autre est dans la Biblio
thèque du chapitre d’Aoste, Cod. 15; copié au xi e siècle dans la
Suisse méridionale, il est passé à l’usage d’Aoste. Depuis la
publication du Corpus benedictionum de Dom E. Moeller, il devient
facile désormais de situer les bénédictionaux que celui-ci n’avait
pu examiner dans les diverses traditions issues du Supplément
au Grégorien ou des Gélasiens francs.
G. G. Meersseman, E. Adda, J. Deshusses, L’Orazionale
dell’arcidiacono Pacifico e il Carpsum del cantore Stefano,
Studi e testi sulla liturgia del Duomo di Verona dal IX all’XI
secolo. Friburgo Svizzera, Edizioni Universitarie, 1974 (Spi-
cilegium Friburgense 21).— Un vol. grand in-8° de XVI,
382 pages.

L’ouvrage comporte en effet l’édition par E. Adda de l’Oratio-


nal de l’archidiacre Pacificus de Vérone, composé vers l’an 800 et,
par le P. Meersseman, du Carpsum du chantre Stefano, transcrip
tion révisée aux alentours de 1050 d’un Ordinaire de la cathédrale
composé vers 960. Mais cette édition a été l’occasion, pour les
auteurs, de faire connaître les autres œuvres de Pacificus et
l’ensemble des livres liturgiques de Vérone pour les ixe - xi e siè
cles, que le P. Meersseman, familier de l’histoire de cette célèbre
cité italienne, replace aisément dans leur contexte.
La Biblioteca Capitolare de Vérone est extraordinairement
riche de manuscrits liturgiques, que durant de longues années
Mgr Giuseppe Turrini a conservés jalousement et dont l’État
italien a procuré la restauration. On connaît surtout le Sacramen-
taire dit « léonien », le palimpseste de la Tradition apostolique,
l’Orational wisigothique... Il en est beaucoup d’autres, notamment
les codd. XCIV et CVI, objet de la présente publication. Signalons
aussitôt une bévue considérable : le titre de la page 136 annonce
l’Orational sous la cote « cod XCIV », erreur qui se répète tout
au long des titres courants à l’exception de celui de la page 137
qui propose « cod. XCIX » ; or c’est le Carpsum qui possède la
cote XCIV (anciennement 89), tandis que l’Orational est sous la
cote CVI (anciennement 99). Ce dernier n’a pas plus de chance
pour la description de son contenu, où l’indication des folios est
plusieurs fois fautive (p. 15).
L’Orational de Pacificus est un collectaire-rituel : il contient
un martyrologe, les oraisons que doit dire le célébrant de l’office
tout au long de l’année, un ordo du scrutin baptismal, les oraisons
de la lustration des lieux conventuels, une litanie, le baptême
des malades. Toutes ces formules se trouvent, en gros, dans les
Gélasiens du vm e siècle ; c’est pourquoi les éditeurs ont demandé
la collaboration de Dom Jean Deshusses pour qu’il éclaire cette
compilation à la lumière des sacramentaires dont il est un des
spécialistes. Dom Deshusses conclut que l’Orational a été copié
avant l’année 807 sur un modèle provenant de Reichenau : aujour
d’hui peut-être, retarderait-il un peu la date de composition ; et
pour ce qui est de Reichenau, Dom Bonifacio Baroffio proteste,
à propos de ce livre et des sacramentaires XCI et LXXXVI, pareil
lement étudiés par Dom Deshusses, estimant que l’influence des
églises voisines de l’Italie du Nord est plus probable. L’amitié
peut s’allier à la véhémence ; quant à moi, je n’ai aucune compé
tence pour arbitrer ce différend.
Le Carpsum du chantre Stefano est un Ordinaire, c’est-à-dire
un de ces livres qui nous font connaître le détail des pièces qui
composaient l’office et la messe de chaque jour et les rites qui
les accompagnaient dans un monastère ou un chapitre donné, ici
dans la Canonica de Santa Maria de Vérone au cours de la seconde
moitié du xre siècle. Mais Stefano n’a fait sans doute que remanier
et mettre à jour un ordinaire précédent, antérieur à l’an 1000 ;
il semble avoir aussi utilisé les Ordines du Pontifical romano-
germanique et le Libellus de Bernon de Reichenau.
Avec les introductions à ces deux livres, la liturgie de Vérone
est aussi éclairée par les descriptions et extraits qui sont donnés
de plusieurs autres manuscrits liturgiques, notamment des sacra-
mentaires déjà cités plus haut. Souhaitons que d’autres églises
d’Italie puissent bénéficier de travaux semblables, qui en montrent
la vitalité liturgique, au milieu des vicissitudes médiévales des
cités.

Bonifacio Baroffio - Ferdinando Dell’Oro, V « ordo


missae » del vescovo Warmondo d’Ivrea. — Extrait de Studi
medievali, 3a ser., 16, 1975, pp. 795-824 et 1 planche h.-t.
Parmi les manuscrits de la Biblioteca Capitolare d’Ivrea, qui
sont aujourd’hui bien connus grâce à l’inventaire publié en 1967,
on remarque l’ensemble des livres liturgiques qu’avait fait calli
graphier l’évêque Warmondo au début du xre siècle. Dom Boni
facio Baroffio, bénédictin de Santa Maria délia Castagna à Gênes
et Don Ferdinando Dell’Oro, salésien — celui-ci ayant déjà publié
précédemment le Bénédictional — présentent l’Ordo missae coté
Cod. 9 (IV), manuscrit de 42 pages, orné de miniatures, qui
malheureusement a souffert de détériorations. Il a été copié à
Ivrea même ; il en existe un autre, actuellement à la Staatsbiblio-
thek de Berlin (DDR), Cod. Hamilton 571. Un ordo missae est
constitué par les diverses prières du célébrant et des ministres
qui entourent, depuis le IXe siècle, les Orationes et preces prove
nant des sacramentaires romains. L’Ordo missae d’Ivrea se ratta
che au type rhénan, mais comporte des particularités qui semblent
propres à cette église. Un tableau, placé à la suite de l’édition,
permet de mieux situer ses « apologies » parmi les ordinaires,
surtout italiens, déjà publiés.

Monumenta liturgica Ecclesiae Augustanae, par les soins


des Archives historiques régionales : 1 et 2. Robert Amiet,
Repertorium liturgicum Augustanum, Aoste, Typo-Offset
Musumeci, 1974. 2 vols in-8° de 376 et 546 pages, 100 plan
ches h.-t. et 2 cartes. — 3. Robert Amiet, Pontificale Augus
tanum, Le Pontifical du XI e siècle de la Bibliothèque Capi
tulaire d’Aoste (Cod. 15), Ibid., 1975. Un vol. in-8° de 195
pages et 10 planches h.-t. — 4. Robert Amiet, et Lin Col-
liard, L’Ordinaire de la Cathédrale d’Aoste (Bibliothèque
Capitulaire, Cod. 54, fol. 93-240), Aoste, Imprimerie Valdô-
taine, 1978. Un vol. in-8° de 564 pages et 11 planches h.-t.
D’Aoste, c’est toute une bibliothèque qui nous vient, due à la
courageuse initiative du Directeur des Archives historiques régio
nales, M. Lin Colliard : celui-ci a lancé d’abord, en 1969, les
Recherches sur Vancienne liturgie d'Aoste et les usages religieux
et populaires valdôtains, publication annuelle destinée à divul
guer la connaissance de la liturgie particulière et des coutumes
religieuse de la Vallée d’Aoste; à ces Recherches, Mgr Frutaz,
l’érudit Sous-Secrétaire de la Congrégation pour les Causes des
Saints et lui-même valdôtain, a apporté toute sa compétence. Je
ne signalerai ici que quelques-uns des travaux ainsi publiés, ceux
dont nous avons reçu les extraits ; du vol. 5, 1974, Le Rituel de
l'onction des malades selon le rit valdôtain (pp. 129-142), La lita
nie fériale selon le rit valdôtain (pp. 143-166), par Robert Amiet ;
du vol. 6, 1976, le Bénédictional indiqué plus haut, puis : L'ordi
naire de la messe selon le rit voldôtain (pp. 85-211), Le rituel et
la messe du mariage selon le rit valdôtain (pp. 213-262), encore
par Robert Amiet.
Mais en même temps que paraissaient les divers tomes des
Recherches, il devenait évident que c’est un ensemble plus systé
matique de publications qu’il fallait entreprendre. Et tout d’abord
un inventaire méthodique des manuscrits liturgiques d’Aoste et
de la Vallée : M. Robert Amiet l’a accompli en deux ans et le pré
sente en deux volumes, édités grâce au mécénat du Gouvernement
valdôtain. Il décrit 291 manuscrits, dont 74 sont conservés dans
la Bibliothèque du Chapitre, 135 dans celle du Grand Séminaire,
47 dans celle de Saint-Ours, les autres dispersés dans divers
autres fonds de la Vallée ou hors de la Vallée. Heureuse Vallée,
qui a l’honneur exceptionnel d’avoir conservé tant de manuscrits
liturgiques et pas seulement de la Cathédrale ou de la Collégiale
Saint-Ours, mais même de paroisses rurales ! Dans cet inventaire,
je relève surtout : Homélies de saint Grégoire le Grand (Xe siècle,
Bibliothèque des Capucins ; Bibliothèque de la Cathédrale (xn*
siècle) ; Evangéliaire avec Capitulaire (I e moitié du xi e siècle,
Saint-Ours) ; Missel noté à l’usage de la paroisse de Brusson (fin
xte s., Archives historiques régionales) ; deux Pontificaux, l’un
sur le modèle romano-germanique, dont nous reparlerons à l’ins
tant, J’autre du xm e siècle qui appartenait à Rodolphe de Châte-
lard, archevêque de Tarentaise. Le xn e siècle est représenté par
un antiphonaire-lectionnaire du Grand Saint-Bernard, en deux
volumes, un antiphonaire-lectionnaire du prieuré Saint-Jacquème,
également en deux volumes, un coutumier de l’Abbaye Saint-
Laurent d’Oulx, un graduel-tropaire, un collectaire-rituel d’un
prieuré du diocèse d’Angoulême, deux missels, des éléments de
rituel valdôtain. On peut reconstituer toute la liturgie de la cathé
drale, grâce aux nombreux livres des xm e - xve siècles. Il ne
manque pas non plus de missels incunables : deux d’entre eux
avaient naguère été décrits par Mgr Frutaz.
Le Pontifical conservé à la Bibliothèque Capitulaire, Cod. 15,
est du milieu du xre siècle. Connu par les descriptions de Ludwig
Bethmann dans l'Archiv de Pertz en 1847 et de Mgr Frutaz dans
la Revue grégorienne de 1937, il a déjà fait l’objet des publica-
Joaquim O. Bragança, Missal de Mateus, manuscrito
1000 da Biblioteca publica e Arquivo distrital de Braga, Intro-
duçào, leitura e notas. Lisboa, Fundaçâo Calouste Gulben-
kian, 1975. — Un vol. grand in-8° de XLIII, 762 pages et
4 h.-t.

Joaquim Bragança, de la Faculté de théologie de Lisbonne,


s’est déjà fait connaître par toute une série d’articles comme le
spécialiste du rite de Braga, dont il a recherché l’origine et dont
il met en valeur les textes. Or un document permet de saisir l’une
des principales sources de cette liturgie, en même temps qu’il
est un saisissant témoignage des liens culturels du Portugal et
de la France au moyen âge : c’est le Missel dit « de Mateus »,
manuscrit datant du second quart du xn e siècle, entré naguère
à la Bibliothèque publique de Braga, mais qui appartenait, depuis
au moins le quinzième siècle, à la paroisse de S.
Martinho de
Mateus. L’attention avait été portée sur lui par le regretté Mgr
Pereira dos Reis, précurseur du mouvement liturgique au Portugal,
et, plus récemment, par Pierre David. Il s’avère que ce manuscrit
est un des témoins les plus anciens de la liturgie de Braga, comme
on peut le vérifier en comparant son contenu avec le premier
Missale Bracarense imprimé (1498) ; mais loin d’avoir été écrit au
Portugal, il provient de France, à l’exception du calendrier ajouté
à Braga dès le troisième quart du xn e siècle ou du moins avant
1176. M. Bragança en a recherché plus précisément l’origine : dès
1968, en étudiant son sanctoral dans un article publié dans
O Distrito de Braga, il a constaté de curieux rapprochements avec
le groupe des sacramentaires monastiques de Limoges, Figeac-
Moissac et Aurillac. Même constatation saisissante à propos du
rituel du 2 février, de celui du mercredi des Cendres, de l’Ordo
missae. Ces analyses, éparses dans des revues peu accessibles au
lecteur français, sont résumées dans l’excellente et claire intro
duction par laquelle M. Bragança commente l’édition du Missel :
celui-ci représente la liturgie des abbayes de Figeac et Moissac,
mais il a été copié dans un scriptorium de Limoges. Il a été pro
curé à Braga par l’évêque Maurice Burdino, qui, semble-t-il, a été
moine de Saint-Martial de Limoges.
Voici quelques remarques faites en feuilletant le Missel. Il
est dommage que M. Bragança n’ait pas cherché à relever, comme
il l’a fait pour la plupart des pièces de chant, l’origine des lectu
res : elles posent en effet un problème, qu’il s’agisse de l’Avent,
du Carême ou du temps ordinaire. L’ordo du jeudi saint (p. 284)
porte comme titre : Incipit ordo novi luminis et ad reconciliandum
penitentes in Cena Domini ; les oraisons gélasiennes de la récon
ciliation des pénitents y sont précédées d’un curieux ordo, que
M. Bragança a retrouvé dans un autre manuscrit de Braga, le
Pontifical Porto 1134. Au vendredi saint, pour l’adoration de la
Croix est proposée une prière Domine lesu Christe,, adoro te
ascendentem in crucem qui était en usage non seulement à
Aurillac, mais à Toulouse (missels imprimés de 1490 et de 1524).
A la fin du rituel baptismal de la Nuit de Pâques, la prière
Ad consignandos est donnée sous le titre étonnant Postcommunio
super baptizato. A propos du rituel du mariage, c’est à tort que,
sur la foi de Dom Ritzer, l’éditeur (pp. XLII et 575) se réfère au
ms. Evreux 66. Il y aurait également à étudier la liste et les
formulaires des messes votives à la lumière des travaux de Dom
J. Deshusses. Tout cela fera certainement l’objet de nouveaux
et passionnants articles de M. Bragança. Et nous devons féliciter
la Fondation Calouste Gubelkian, dont le mécénat a rendu possible
cette édition en des temps difficiles.
V. LITURGIE MÉDIÉVALE : FRANCE

Iohannis Beleth, Summa de ecclesiasticis officiis édita


ab Heriberto Douteil. T. 1, Praefatio, Additiones ; — T. 2,
Textus, Indices. Tumhout, Brepols, 1976 (Corpus christiano-
rum, Continuatio mediaevalis 41 et 41 A).— 2 vols in-4°.
Depuis quelques années, les liturgistes du moyen âge font
l’objet d’éditions critiques. Après Prévostin et Robert de Tuy,
voici Jean Beleth en deux volumes de la Continuatio mediaevalis
du Corpus christianorum. Sur Jean Beleth, les renseignements
biographiques sont vraiment réduits : né dans la deuxième décen
nie du xn e siècle, il a reçu son éducation à l’Abbaye de Tiron
dans le diocèse de Chartres, a été élève de Gilbert de la Porrée
et devint professeur à Paris. Sa Summa de ecclesiasticis officiis
est le fruit de son enseignement, un enseignement concret, des
tiné à faciliter aux prêtres l’intelligence et l’accomplissement de
leur ministère pastoral : après avoir traité rapidement des lieux,
des temps et personnes sacrés, il explique l’office, la messe parois
siale, l’année liturgique à la fois au plan historique — du moins
d’après les connaissances de son temps — et au plan allégorique.
Il laisse de côté la liturgie monastique et les rites épiscopaux.
Ses sources sont principalement Amalaire, Honorius Augustodu-
nensis, Rupert de Tuy, le tout récent Décret de Gratien et, bien
sûr, les écrits des Pères : Augustin, Jérôme, Grégoire, Bède, Isi
dore. L’influence de Jean Beleth fut grande, déjà de son temps et
aussi au siècle suivant : Sicard de Crémone, Innocent III l’appré
cieront, Durand de Mende l’utilisera.
Une des preuves de son succès, c’est le grand nombre de
manuscrits que l’on possède encore : environ 180, dont au moins
quatre du xn e siècle : de quoi décourager normalement un éven
tuel éditeur, mais pas le P. Héribert Douteil, Spiritain de la
Province d’Allemagne, qui non seulement a mené à bien cette
tâche, mais nous annonce qu’il travaille aussi à une édition du
Rationale de Guillaume Durand. Sur ces 180 manuscrits, il en
décrit minutieusement 107 et donne des indications plus succinc
tes sur une cinquantaine d’autres, fournissant chaque fois l’in
ventaire complet du contenu (la Summa est fréquemment réunie
à d’autres ouvrages) et tous les éléments permettant d’en iden
tifier la provenance, la date et leurs diverses vicissitudes : 230
pages y sont consacrées qui, avec leurs tables, fournissent une
précieuse contribution à la codicologie. Ces manuscrits se laissent
classer en trois « recensions de base », représentant les trois
recensions de l’auteur, et qui, à leur tour, se divisent en familles.
Le P. Douteil indique comme quatrième « recension de base »,
entendue au sens large, « les manuscrits qui, différents entre eux,
ne font pas davantage partie des autres groupes », exemplaires
ayant reçu des variantes ou notes des disciples de Jean Beleth
et qui ne peuvent être utilisées pour l’édition critique. Cependant
l’éditeur rend compte scrupuleusement de toutes les additions,
soustractions, modifications : bien que un grand nombre soient
manifestement étrangères au texte authentique de Jean Beleth et
souvent tardives (t. XLI, pp. 1-181), il en est qui représentent
des changements apportés par l’auteur à sa propre rédaction, et,
dans ce cas, l’éditeur les présente en colonnes dans le cours
même de l’ouvrage.
Le P. Douteil s’excuse ingénuement de ne pouvoir donner la
totalité de l’apparat critique : il s’agit en fait de variantes négli
geables ; d’ailleurs les deux tomes dépassent déjà les neuf cents
pages ! Ce qui donne peut-être encore plus de prix à cette impo
sante édition, ce sont les indications sur les sources données au
bas des pages et les copieux index qui la terminent. Elle nous
fait désirer l’édition promise de Guillaume Durand.

PL F. Lefèvre et A. H. Thomas, Le Coutumier de l’Abbaye


d’Oigny en Bourgogne au XII e siècle. Louvain, 1976 (Spicile-
gium sacrum Lovaniense, Études et documents 39). — Un
vol. in-8° de LXXXII, 124 pages.

Oigny (Ungiacum), proche de la source de la Seine dans la


Côte d’Or, a attiré au début du xn e siècle des ermites qui, peu
après, se constituèrent en abbaye de chanoines réguliers selon
la Règle de saint Augustin. Au xvir siècle, tombé en décadence,
le monastère fut relevé par le Génovéfains. Il disparut à la Révo
lution, mais ses archives sont conservées de façon assez complète
aux Archives départementales. Le manuscrit 2614 de la Biblio
thèque Sainte-Geneviève, de la fin du xn e siècle ou début du
xm e , qui fait l’objet de la présente édition, comporte deux parties
bien distinctes : la première, Ecclesiastica officia, est un Ordi
naire et la seconde est un Coutumier, précédé d’un Propositum,
sorte de contrat qui a défini le passage deg ermites au statut
canonial. Le regretté chanoine Lefèvre, spécialiste de la liturgie
de Prémontré, s’est occupé de l’Ordinaire ; le P. Thomas, domini
cain, professeur à l’Angelicum, du Coutumier ; une copieuse
introduction présente les résultats de leur étude. L’Ordinaire mar
que une affinité étroite avec les usages de Cîteaux, mais le carac
tère canonial de la communauté a imposé d’autres impératifs
liturgiques, ceux que manifestent les livres de Prémontré ou du
Latran ; on note aussi des rapprochements avec l’usage d’Ar-
rouaise — on sait que le Professeur L. Milis a publié en 1970
dans la Continuatio mediaevalis du Corpus christianorum les
Constitutions d’Arrouaise. Le présent Ordinaire est cependant
beaucoup plus succinct que la plupart de ceux que nous rencon
trons dans les bibliothèques médiévales ; très souvent les incipit
des pièces de chant ne sont pas indiqués ; les fêtes des saints
sont à peine signalées, au point que l’on ne sait presque rien des
textes qui en structuraient les offices. D’après les particularités
qu’on peut relever, l’Ordinaire représente le calendrier de la
seconde moitié du xn e siècle.
Les usages décrits par le Coutumier donnent encore plus nette
ment l’impression «de leur affinitié textuelle parfois très étroite
avec les Statuts de Prémontré du second quart du xn e siècle, les
usages de Cîteaux de la même époque et, dans une moindre
mesures, les coutumes contemporaines d’Arrouaise » (p. XXXVII).
L’énoncé même des titres des chapitres suffit à s’en convaincre ;
et tout au long de l’édition les notes rappellent les rapproche
ments qui sont analysés dans l’introduction. Quoiqu’il soit diffi
cile de dresser un arbre généalogique, on peut conclure avec le
P. Thomas que la presque totalité des textes du Coutumier
d’Oigny « sont apparentés aux coutumes cisterciennes dans leur
forme ancienne, conservée dans le manuscrit de Trente des
années 1131-1134, antérieure à celle du manuscrit de Laibach,
qui représente l’état des usus vers 1151-1152 ; les coutumes
d’Oigny seraient ainsi à peu près contemporaines de celles de
Prémontré, qui sont situées communément entre 1128 et 1140»
(p. LXXVII).

Victor Saxer, Le dossier vézelien de Marie-Madeleine,


Invention et translation des reliques en 1265-1267, Contribu
tion à l’histoire du culte de la Sainte à Vézelay à l’apogée du
moyen âge. Bruxelles, Société des Bollandistes, 1975 (Subsi-
dia hagiographica 57).— Un vol. in-8° de XI, 292 pages.

Mgr Saxer a publié en 1959, en deux volumes, une étude


devenue déjà classique sur Le culte de Marie Madeleine en Occi
dent des origines à la fin du moyen âge et, à diverses reprises,
plusieurs articles complémentaires sur Vézelay. Il reprend le
résultat de tous ces travaux et les complète pour présenter et
commenter un dossier qui n’était connu que partiellement et dont
il a pu étudier l’original contenu dans le manuscrit E 25 de
l’Archivio di San Pietro, somptueux document du xive siècle, plus
précisément des années 1360-1382. De ce manuscrit, que Mgr
Saxer décrit en détail et dont les enluminures doivent faire l’objet
d’une publication de François Avril, il existait des copies partiel
les, publiées de façon également partielle par Jean de Launoy,
le Bollandiste Du Sollier, le Sulpicien Faillon. On y trouve d’abord
tous les éléments liturgiques pour la célébration de la fête de la
Translation de sainte Madeleine au 19 mars, non pas selon le
rite monastique, mais selon l’office séculier : une Vita, suivie
d’un récit de la translation des reliques par Badilon, abbé de
Leuze, une homélie sur l’évangile Maria stabat présentée
comme étant d’Origène, un récit de miracle (un Breton sauvé du
naufrage) et toutes les pièces de l’office et de la messe. Une
deuxième partie est constituée par un groupe de documents qui
appuient la tradition vézelienne : lettres des papes des xn e et xm®
siècles et de divers « témoins », procès-verbaux des reconnais
sances des reliques faites en 1265-1267, extraits de Sigebert de
Gembloux, Vincent de Beauvais, Jacques de Voragine.
Ce dossier, Mgr Saxer en donne l’édition d’après le manuscrit
du Vatican, avec l’indication des variantes des autres manuscrits
et des éditeurs précédents. Toutefois, il réserve l’édition et le
commentaire de l’homélie du pseudo Origène pour une publica
tion ultérieure dans les Mélanges de l’École française de Rome.
L’ensemble de ce dossier est pourtant plus ancien que le manus
crit qui l’a conservé : ébauché peut-être peu après 1267, date d-
la seconde reconnaissance des reliques, il a reçu sa forme défini
tive après 1297, puisqu’il insiste sur la sainteté de Louis IX,
canonisé à cette date. Ce dossier a pour but d’assurer le bon droit
de Vézelay contre les contestations élevées par Saint-Maximin
dès 1279-1280 —• en vain, puisque en 1295 Boniface VIII se pro
noncera pour la présence des reliques de sainte Madeleine à
Saint-Maximin.
Des divers éléments dont se compose le dossier, Mgr Saxer
fait une analyse érudite, de façon à établir la préhistoire de
chacun d’eux. Ainsi, la lecture Fuit secundum..., qui commence
le recueil, a son origine probable à Saint-Thierry dans la seconde
moitié du xn e siècle. Le récit de la translation du ix e siècle a
connu deux recensions, l’une brève, qui n’eut pas grand succès,
l’autre longue, très diffusée à partir du xi e siècle : c’est cette
dernière qui figure dans le manuscrit des Archives de Saint-
Pierre, augmentée encore de quelques précisions. Le miracle du
Breton est un de ces « exemples » utilisés par les prédicateurs
pour illustrer le précepte de la confession : il a dû être composé
au plus tard dans la première moitié du xm e siècle. L’office
de la translation, typiquement vézélien, est antérieur à la recon
naissance de 1267, mais il a été abrégé, sans doute, pense Mgr
Saxer, en vue des clercs résidant à Paris dans le « Petit Hôtel
de Vézelay».
Les documents « historiques » ne posent pas de problème quant
à leur origine, mais quant à la véracité des faits : Mgr Saxer est
donc amené à reprendre le problème critique. Il est bien évident
qu’il n’a pu y avoir d’apport à Vézelay de reliques authentiques
de sainte Madeleine. Le point de départ de la translation, c’est-
à-dire le récit de la « translation » qu’aurait accomplie Badilon
vers 880-884, suggère cependant à Mgr Saxer une solution vrai
semblable : au cours du voyage que Badilon a réellement fait
en Palestine, n’aurait-il pas reçu des brandea, qu’on aurait plus
tard pris pour de vraies reliques de sainte Madeleine ? En revan
che, la « reconnaissance » de 1265 ne peut être qu’une fallacieuse
mise en scène préparée par la confection de faux diplômes du roi
Charles (pp. 97-103). Peut-être Mgr Saxer noircit un peu trop les
intentions des instigateurs : il nous est si difficile de comprendre
la mentalité des gens du moyen âge ! Quant à la nouvelle céré
monie de 1267 en présence du roi saint Louis, elle n’apporte
aucun fait nouveau : on enleva les reliques d’une châsse en cuivre
pour les mettre dans un nouveau reliquaire et les « élever » ; le
roi lui-même se fit confier une partie des ossements pour les
vénérer à loisir et les rendit l’année suivante dans une magnifique
pièce d’orfèvrerie. Mgr Saxer rappelle que le déclin de Vézelay
au drame liturgique ; dans quelle mesure celui-ci est source du
théâtre médiéval : ces questions si souvent agitées depuis une
centaine d’années ne peuvent recevoir de réponse qu’après une
double analyse : celle du déroulement extérieur des scènes, celle
du comportement intérieur des participants.
Il est manifeste que la tendance qui a donné lieu au drame
liturgique de Pâques et, par la suite, à celui de Noël ou de l’Épi
phanie, est assez générale dans la liturgie médiévale et existait
déjà dans la liturgie du pèlerinage de Jérusalem : c’est la ten
dance à accentuer, prolonger, développer la célébration liturgique
d’un événement du salut par la coïncidence du temps, l’évocation
du lieu, les processions, les actions et les gestes ; la semaine
sainte donne lieu plus particulièremnt à ces possibilités de «dra
matisation », qui présentent des avantages de pédagogie popu
laire ou même se produisent presque spontanément. Mlle Berger
montre comment des usages liturgiques nés sans doute au x e
siècle : YElevatio Crucis et le Trope de l’Introït de la messe du
jour de Pâques, ont aisément donné lieu à cette dramatisation,
comment ensuite gestes et chants se sont enrichis tout en demeu
rant dans la ligne liturgique, comment enfin le jeu est sorti de
la liturgie pour devenir effectivement théâtre. Liturgie, drame
liturgique, théâtre : ces diverses formes peuvent être si voisines
que le passage de l’une à l’autre soit insensible ; elles sont
cependant très différentes par le contenu spirituel et l’attitude
intérieure des participants. Cette analyse est la partie la plus
importante du présent livre, éclairée à la fois par la théologie de
la célébration liturgique, la méthode d’analyse structurale, les
recherches récentes sur la nature du théâtre. Elle permet à l’au
teur de nuancer des postulats trop absolus : le drame liturgique,
souligne t-elle (p. 245), est l’une des sources, non la source du
théâtre médiéval ; et l’on peut acquiescer à la conclusion par
laquelle se termine le livre (p. 246) : « La liturgie s’épurera en
rejetant les éléments qui l’orienteraient vers le spectacle, en deve
nant toujours davantage parole de Dieu centrée sur Dieu, et le
théâtre, en poursuivant son propre chemin, deviendra véritable
ment le fruit de la création d’un artiste, parole de l’homme -centrée
sur l’homme, un Art».
Aimé-Georges Martimort
COMPTES RENDUS

Gaetano Savoca, Un projeta interroga la Storia. Ezechiele


e la Teologia délia Storia. Herder, Roma, 1976. — Un vol.
de 214 pages.

C’est un sujet passionnant qu’aborde notre auteur : quelle


est la théologie ézéchiélienne de l’histoire ? ou encore : comment
le prophète comprend-il le déroulement providentiel de l’histoire
du peuple de Dieu ? Sujet passionnant, car profondément actuel :
où allons-nous ? pourquoi en sommes-nous arrivés là ? quel avenir
est le nôtre ? se demandaient les exilés de Babylone, tout comme
se le demandent les chrétiens d’autres époques, dont la nôtre.
Quel est le rôle du prophète dans l’élaboration de cette théologie
de l’histoire ? A partir de quelles données propose-t-il son inter
prétation charismatique ? etc.
Découvrant dans deux textes, parmi bien d’autres étudiés,
« les lignes maîtresses de la vision de l’histoire qui est celle
d’Ézéchiel » (p. 72), l’auteur note que cette vision découle de
« l’événement authentique que fut l’établissement de rapports
spéciaux entre Yahvé et Israël. De la part du premier, ce fut
l’élection, le pacte juré, la révélation du Nom ; de la part du
second, ce devait être l’obligation du culte exclusif ».
Le mépris de cette obligation aurait dû conduire à l’anéantis
sement du peuple ; mais cette destruction eut porté atteinte à la
réputation du Nom divin. Dieu s’obstine donc malgré tout à tenir
ses promesses, pour qu’Israël, et les peuples qui l’entourent,
reconnaissent enfin son Nom.
Les réflexions de l’auteur paraissent parfois un peu longues
et ses répétitions nombreuses ; mais n’est-ce pas Ézéchiel qui se
répète? Il reste que cette étude fait ressortir une interprétation
originale de l’existence du peuple de Dieu et laisse entrevoir
un Ézéchiel plus optimiste, en profondeur, qu’on ne sait le
remarquer habituellement.
Louis Monloubou
Chromatii Aquileiensis, Opéra, cura et studio R. Étaix
et J. Lemarié (Corpus Christianorum, Sériés Latina, IX A),
Tumhoult, Brépols, 1975. — Un volume de L 4- 610 pages.

Spicilegium ad Chromatii Aquileiensis Opéra, cura et studio


J. Lemarié et R. Étaix (Ibid. IX A Supplementum), 1977.—
Un volume pages 611 à 662.

Chromace fut au tournant du IVe et du Ve siècles l’évêque


d’Aquilée, ville qui, située sur la Mer Adriatique entre Venise et
Trieste, était alors un grand port et la principale cité avec Milan
de l’Italie du Nord. Son évêque, qui reçut plus tard le titre de
patriarche, passé ensuite à Grado, puis à Venise, exerçait une
primatie sur la partie orientale de l’Italie du nord et la partie
occidentale de l’actuelle Yougoslavie. Chromace est connu pour
l’amitié qui le lia à Rufin — dit aussi d’Aquilée, mais en réalité
de Concordia, petite ville voisine —, à Jérôme, et pour son inter
vention après du pouvoir impérial en faveur de Jean Chrysostome.
Des œuvres oratoires de Chromace la Patrologia Latina de
Migne, tome 10, avait seulement publié celles qui étaient alors
connues, un sermon sur les huit béatitudes et 17 tractatus sur
l’Évangile de Matthieu, la plupart expliquant le Sermon sur la
Montagne. Dom Hoste les avait réédités dans le tome IX du
Corpus Christianorum avec les œuvres d’autres auteurs, n’y
ajoutant qu’un petit texte sur le Pater. Mais des années de
recherche patiente de Dom J. Lemarié à travers des Homiliaires
catalans, allemands, italiens et français lui faisaient retrouver
une quarantaine de sermons, en totalité ou en fragments, sur des
textes scripturaires (plus du Nouveau Testament que de l’Ancien)
ou à propos de fêtes liturgiques : il les a publiés dans les tomes
154 et 164 de Sources Chrétiennes et ils ont été recensés dans
cette revue par Mgr Martimort (71, 1970, 304-306; 72, 1971,
301-302) qui a surtout mis en relief les renseignements qu’ils
contiennent sur la liturgie de l’Église d’Aquilée. Simultanément,
R. Étaix découvrait dans divers manuscrits européens d’autres
tractatus sur l’Évangile de Matthieu, sans être encore parvenu
à reconstituer l’ensemble de ce commentaire fait de sermons. Cet
accroissement considérable de nos connaissances sur l’héritage
de Chromace a décidé le Corpus Christianorum à lui consacrer
un nouveau volume sous le numéro IX A, dû à la collaboration
des deux découvreurs.
Il contient d’abord l’étude des manuscrits, d’abord pour les
Sermons, ensuite pour les Tractatus in Matthaeum ; le texte
des 42 Sermons qui ne diffère pas fondamentalement de celui
qui a été publié par Sources Chrétiennes ; celui de 59 tractatus
sur Matthieu rangés suivant les références du texte commenté.
Les 17 déjà publiés dans Corpus Christianorum IX y sont repris
sous un autre numéro, celui de l’édition Hoste étant mentionné
entre parenthèses. Suivent les index des textes scripturaires, des
auteurs et des mots.
Mais après la publication de ce volume la découverte de nou
veaux manuscrits contenant plusieurs des tractatus déjà édités
et deux inédits a entraîné la composition d’un supplément, IX A
Supplementum. Il présente un Sermon 43, fragmentaire et deux
nouveaux tractatus numérotés respectivement d’après les textes
qu’ils commentent LI A et LIV A, une liste de variantes à appor
ter aux tractatus déjà publiés, des addenda et des index supplé
mentaires.
Les efforts de J. Lemarié et de R. Étaix pour nous restituer
l’œuvre oratoire de Chromate ont donc été fructueux et c’est
avec un grand intérêt que se lisent ces sermons et ces commen
taires scripturaires d’un évêque des iv e - Ve siècles. Il pratique
aussi bien l’exégèse littérale avec intention morale que l’exégèse
allégorique souvent centrée sur l’Église et sur les sacrements :
avec une simplicité toute pastorale, peu de rhétorique d’école,
rien de superflu, un style plein et direct. Parmi ses exégèses
allégoriques certaines sont inspirées, certes, par les auteurs anté
rieurs, mais d’autres semblent originales. Il a une connaissance
très poussée de l’Écriture et, comme chez certains de ses prédé
cesseurs tel mot ou telle idée appellent à sa mémoire une série
d’autres passages où ils se trouvent et qui servent à les commen
ter. Ce volume du Corpus Christianorum devrait être l’instrument
d’études sur l’exégèse et la doctrine de Chromace.
Il y a quelques fautes dans le texte latin : p., 304 ligne 4
mandasii pour mandasti ; p. 423 ligne 48 coniucta pour coniuncta ;
p. 441 ligne 3 restituam pour restitutam.

Henri Crouzel, S. J.

Antonio Quacquarelli, La Società cristologica prima di


Costantino e i riflessi nelle arti figurative (Quaderni di
« Vetera Christianorum » n° 13), Bari, Istituto di Letteratura
Cristiana Antica, 1978.— Un volume de 180 pages.

On aurait pu intituler ce livre «La vie quotidienne des chré


tiens avant Constantin », en imitant le titre d’une collection
connue, car l’auteur y a réuni nombre de renseignements sur la
vie des chrétiens avant la paix de l’Église, renseignements trouvés
soit chez les écrivains chrétiens de l’époque, soit dans les œuvres
d’art qui nous en restent, avant tout les peintures des Catacom
bes romaines. Il est question des ouvriers et des artisans chré
tiens, de l’obligation de travailler faite à ceux qui le peuvent,
des artistes, peintres ou sculpteurs, des églises et édifices du
culte, des scènes de l’Ancien Testament peintes dans les Cata
combes comme préfigurations allégoriques de la venue du Christ
et des réalités chrétiennes, des différents degrés du clergé, du
baptême, des cimetières et de leurs fossoyeurs qui creusaient
les Catacombes, enfin de l’accroissement progressif des commu-
nautés chrétiennes à partir du m e siècle avec les problèmes qui
en naissent — notamment l’existence de
riches et de pauvres —,
alors qu’ils étaient ignorés des communautés plus restreintes, et
pour cela plus égalitaires et plus unies, de l’ère apostolique.
C’est dire tout l’intérêt que présente la lecture de ce petit livre
qui est orné de nombreuses reproductions d’œuvres d’art chré
tiennes, appartenant à la période antérieure à Constantin, et qui
rassemble une documentation considérable sous une forme très
abordable.
Henri Crouzel, S. J.

Romanobarbarica 2 : Contributi allô studio dei rapporti


culturali tra mondo latino e mondo barbarico, a cura di
Bruno Luiselli e Manlio Simonetti. Rome, Herder Editrice
e Libreria, 1977.— Un volume de 370 pages.

Dans cette revue, 79 (1978) 59 a été présenté le premier


volume de cette publication annuelle consacrée à étudier les
rapports de la culture latine et grecque avec les civilisations
barbares. Le second est formé d’un certain nombre d’articles,
presque tous en italien, sauf un en français et un en anglais :
ils ne manquent pas d’intérêt. Plusieurs traitent de l’attitude
d’auteurs anciens envers les barbares : Tatien (L. Alfonsi), Ausone
(au sujet d’une petite esclave : F. Délia Corte), Tertullien (J. Fon
taine), Tacite (à cause de sa Germania : E. Para tore), Eucher de
Lyon (S. Pricoco), Victor de Vita (A. Roncoroni : sur la mort du
roi vandale Hunéric). D’autres étudient la linguistique et l’or
thographe latine aux époques barbares (L. Bieler, B. Luiselli, G.
Petracco Sicardi). D’autres encore des problèmes archéologiques :
le thème du «dominateur des animaux» dans l’art Scandinave
provenant de l’île de Gotland (C. Maltese) ; le symbolisme des
lettres se rapportant au Christ que l’on lit sur les vêtements
des douze apôtres qui ornent la coupole du Baptistère des Ariens
à Ravenne (A. Quacquarelli). Signalons encore un article sur
l’office des préfets du prétoire et des fonctionnaires qui en dépen
daient au vi e siècle, à Byzance et dans les royaumes d’Occident
qui avaient conservé les formes de l’administration romaine
(R. Morosi) et une petite note sur Jordanès faisant de Romulus
le cadet, quoique jumeau, de Rémus (G. Simonetti). L’édition de
deux textes inédits avec introductions, apparats critiques et appen
dices explicatifs clôt le volume : une homélie anglo-saxonne sur
les Rogations contenue dans un manuscrit du X e siècle, avec tra
duction italienne jointe à l’original anglo-saxon (M. Damiani) :
une traduction latine du Ve au vi e siècle, sous le titre De obser-
vantia ciborum, du Péri Diaitès pseudohippocratique indiquant les
effets de chaque genre de nourriture.

Henri Crouzel, S. J.
Bruno Neveu, Correspondance du nonce en France Angelo
Ranuzzi, 1683-1689. Rome, École française et Université pon
tificale Grégorienne, 1973 (Acta Nuntiaturae Gallicae, 10 et
11).— Deux vols in-8° de XLIV, 849, 805 pages.
Tous ceux qui, depuis Marc Dubruel, ont voulu étudier l’un
ou l’autre des problèmes doctrinaux du xvn e siècle et surtout des
conflits qui ont opposé la France et le Saint-Siège durant le règne
de Louis XIV, se sont trouvés devant l’obligation de dépouiller
un grand nombre de volumes du fonds de la Nonciature de
France aux Archives du Vatican et de rechercher aussi dans
d’autres dépôts, à Rome ou hors de Rome, des documents qui en
sont le complément : c’est ainsi, par exemple, que le P. Ceijssens
a attiré naguère l’attention sur les Archives Cibo conservées à
Massa di Carrara. Plutôt que d’obliger chaque érudit à recom
mencer le travail pour son propre compte sous un aspect parti
culier, ne vaudrait-il pas mieux publier systématiquement, par
ordre chronologique, toute la correspondance échangée par les
nonces avec la Secrétairerie d’État? Pour le xvi® siècle, la collec
tion des Acta Nuntiaturae Gallicae a déjà édité la correspondance
de plusieurs d’entre eux ; le P. Blet, avec la nonciature de
Ranuccio Scotti, a donné dans la même collection les documents
de la période, brève mais importante, des années 1639-1641. La
difficulté vient de ce que à partir de 1660, surtout dans les
moments de crise aigüe, lettres, chiffres, avvisi se croisent à une
cadence rapide, et pas seulement entre le nonce et le cardinal
Secrétaire d’État : souvent encore s’y ajoute la correspondance
de l’auditeur de la nonciature et, à côté du Secrétaire d’État, les
secrétaires particuliers du pape, Favoriti puis Casoni, chargés du
chiffre, entretiennent eux aussi un courrier abondant.
La nonciature d’Angelo Ranuzzi, qui marque, il est vrai, le
point culminant du conflit entre Louis XIV et Innocent XI et
qui correspond à une période tourmentée de la situation inter
nationale, a donné lieu à une telle masse de documents, que sa
publication était une entreprise de nature à faire reculer les plus
courageux, mais non pas M. Bruno Neveu, ancien Membre de
l’École française de Rome, déjà familiarisé avec ces fonds d’ar
chives, comme en témoignent son article de 1967 dans les
Mélanges d’archéologie et d’histoire sur Jacques II médiateur
entre Louis XIV et Innocent XI et surtout son livre, publié en
1969, sur Sébastien Joseph de Cambout de Pontchâteau. Il ne
pouvait cependant être question de publier intégralement une
documentation aussi vaste ; à regret, B. Neveu laisse de côté les
Avvisi, qui souvent ne font que reproduire les Gazettes, mais
qui parfois apportent des faits ou détails inédits ; de ces Avvisi
et des lettres d’accompagnement des courriers, il donne la liste
et les cotes en appendice (t. 2, pp. 607-616). Les lettres d’accom
pagnement fournissent en effet l’indication de documents que la
Secrétairerie d’État a transmis aux Congrégations, notamment
celle du Saint-Office et celle, extraordinaire, des Affaires de
France. Quant à la correspondance proprement dite, ses trois mille
cinq cents lettres sont toutes sans exception analysées ; seuls les
passages jugés importants sont reproduits
in extenso, ce qui
aboutit tout de même à quinze cents pages de texte, c’est-à-dire
à l’extrême limite de ce qui est possible dans les conditions
économiques actuelles. Les analyses, faciles à consulter grâce à
près de deux cents pages d’index, permettront à celui qui voudra
étudier des points de détail de se reporter aisément aux docu
ments originaux.
En revanche, M. Neveu n’a pas cru pouvoir limiter ses inves
tigations à la seule correspondance de Ranuzzi et de ses audi
teurs, — parmi lesquels Lauri tient une place importante, du
fait qu’il a dû assurer seul l’intérim de la nonciature de 1678 à
1683 et qu’il avait une liberté de manœuvre qui a manqué cruelle
ment au nonce. Pour comprendre les événements par delà le style
diplomatique ou les illusions, B. Neveu complète ou corrige en
note les relations des envoyés pontificaux par celles des autres
missions en France, notamment l’ambassadeur de la République
de Venise.
Enfin, dans une remarquable introduction de cent soixante-dix
pages, il nous livre une vue d’ensemble des affaires religieuses,
des négociations, des événements dont témoigne cette correspon
dance et il essaie de dessiner le portrait qui s’en dégage des
divers personnages qui y paraissent ; Ranuzzi lui-même, bien sûr,
puis l’auditeur Lauri, Innocent XI et Louis XIV, les gens qui
gravitent autour de la Cour de France et de celle de Rome. Il est
impossible, dans le cadre d’une courte recension, de donner une
idée, même sommaire, de l’écheveau embrouillé que présente la
situation de ces années 1683-1689 ; après Michaud, De Bojani,
Pastor, Orcibal, Latreille..., M. Neveu cherche à la mettre en plus
grande lumière. Les problèmes politiques sont mêlés de façon
inextricable aux problèmes religieux. Le Roi de France poursuit
inexorablement son projet de domination absolue sur tous ses
sujets : les affaires soumises à l’Assemblée du Clergé de 1682 et
même les Quatre Articles sont pour lui des) moyens de briser
la « rébellion » qui se lève dans les milieux religieux et qui est
soutenue par le pape : tout lui est bon pour parvenir à ce résultat.
Parfois le Roi cherche aussi, par le biais de nominations ou pro
motions ecclésiastiques, à étendre son pouvoir hors des fron
tières : c’est pourquoi il déploie tant d’insistances pour obtenir
au cardinal de Furstenberg le siège électoral de Cologne. Or, au
moment où l’Europe semble subjuguée par Louis le Grand, le pape
Innocent XI lui oppose une résistance que ne peuvent ébranler
ni les épouvantails traditionnels, ni les entreprises brutales du
Roi contre Avignon et contre Rome même. Il est vrai que, par
ailleurs, la politique européenne du Roi et les alliances qu’il
conclut traversent sans cesse les plans du Saint-Siège, préoccupé
d’abord du péril turc.
Vus au travers de la correspondance diplomatique, tant l’im
portance des événements que surtout l’enjeu des crises religieuses
risquent d’être obscurcis : les affaires secondaires y occupent
autant de place que l’essentiel ; les racontars y sont amplifiés et,
bien sûr, flatteries et menaces font tellement partie du genre
littéraire qu’on ne peut jamais se fier ni au courrier de la non
ciature, ni à celui de l’ambassade. Peut-on même accorder toute
créance au témoignage des divers observateurs, de France ou de
Rome, qui ne connaissent parfois que de l’extérieur les litiges
qui séparent les deux cours ? Le nonce Ranuzzi lui-même est bien
excusable d’être renseigné bien imparfaitement : il n’a jamais été
libre de ses mouvements et a subi des vexations qu’aucun pays
ne supporterait aujourd’hui pour sa représentation diplomatique.
A Rome, les méfiances du pape à l’égard de certains de ses
collaborateurs ne sont que trop justifiées : le Cardinal Secrétaire
d’État touche une pension du roi de France ; des fuites se pro
duisent, même pour la correspondance chiffrée et j’ai gardé de
mes propres recherches l’impression que c’était souvent à Rome
même qu’elles avaient lieu. Aussi je me demande si M. Neveu,
malgré l’étendue de la documentation par laquelle il a voulu
vérifier et nuancer les appréciations de Ranuzzi et de ses corres
pondants romains, n’a pas un peu méconnu la grande figure
d’innocent XI. Je ne crois pas « épouser les thèses hagiographi
ques » (t. I, p. 125) en avouant que c’est presque àl mon insu
que j’en suis venu à l’admirer, par contraste surtout avec ses
prédécesseurs ou successeurs. Il suffit même de voir, d’après la
correspondance de Ranuzzi, et peut-être encore plus celle de
Lauri, à quel point le totalitarisme de Louis XIV a cherché
à enchaîner les institutions ecclésiastiques pour comprendre
qu’innocent XI a voulu défendre la liberté de l’Église et de sa
mission.
Un autre point sur lequel j’hésiterais à partager le sentiment
de M. Neveu, c’est sur le rôle qu’aurait pu jouer le cardinal
Le Camus : « Si, écrit-il (t. I, p. 171), le Roi avait accepté de
confier à l’évêque de Grenoble... le soin de traiter avec Rome,
si le pape et ses conseillers avaient eu plus de confiance en ce
prélat réformateur, la crise alors ouverte aurait pu prendre un
autre tour et se résoudre d’une manière différente ». C’est, à mon
avis, se méprendre sur l’autorité qu’aurait pu avoir Le Camus
auprès de Louis XIV : en le nommant cardinal, Innocent XI l’a
involontairement condamné à ne pas paraître à la Cour (1).
Qu’il me soit permis, en terminant, de formuler le vœu que
la collection des Acta Nuntiaturae Gallicae publie aussi la corres
pondance de Giovanni Battista Lauri, l’auditeur de la nonciature,
pour la période de son intérim, c’est-à-dire de la mort de Varese
à l’arrivée de Ranuzzi : ayant dû moi-même la dépouiller pour
y relever ce qui concernait Bossuet, l’Assemblée de 1682 et la
Faculté de théologie, j’ai apprécié la mine de renseignements

(1)A propos d’un des rares endroits de la Correspondance où U est fait


mention de Bossuet, pp. 505, 506 note et 521, il faut se rappeler que,
devenu évêque de Meaux, il n’écrivait plus ses sermons et qu’il faisait
l’homélie chaque fois qu'il célébrait la messe, ce qui explique que la chro
nologie dressée par Urbain et Levesque ne porte pas trace du, sermon
que, d’après Ranuzzi, Bossuet aurait prêché fin 1688 ou début 1689.
qu’elle contenait ; son rang inférieur laissait à Lauri plus de faci
lité pour s’informer et le déchargeait des tâches plus directement
diplomatiques.
Aimé-Georges Martimort

S. Breton, D. Dubarle, J. Greisch, F. Marty, J. R.


Marello, X. Tilliette, J. Trouillard, E. D. Yon, Le Mythe
et le Symbole (Collection Philosophie), Paris, Éditions Beau-
chesne, 1977. — Un vol. in-8° de 248 pages.

Après Manifestation et Révélation la collection Philosophie,


animée par un groupe d’enseignants à l’Institut Catholique de
Paris, propose dans ce deuxième volume huit études sur un thème
qui se tient à la frontière du champ anthropologique et de l’espace
religieux. Nous ne donnons qu’un bref aperçu de chacune d’elles.

Jean Trouillard, Les fondements du mythe selon Proclos.

Indispensable à l’univers de Proclos, le mythe est parfois même


considéré par lui comme supérieur à la contemplation pure. Ainsi,
la Nuit divinisée est « tout ensemble un mythe parmi d’autres et
le mythe de tout mythe », car elle exprime la source supra-
intelligible qui seule, par delà la pensée, est capable d’assumer
l’infra-rationnel de l’univers. La théologie de Proclos, poussant à
l’extrême négation, est une théologie nocturne pour laquelle l’in
telligible n’est perçu qu’à travers des figures. Dans sa folie même,
le mythe désigne l’excès du divin sur toute expression rationnelle.
Il ouvre sur une théurgie, ou action divine, s’exprimant à travers
la prière et le rite et qui est « le mythe en acte », car « l’irration
nel de l’abîme appelle l’ineffable du sanctuaire ».

Xavier Tilliette, Schelling : la mythologie expliquée par elle-


même.

Éduqué à Tübingen dans l’enchantement pour le panthéon hel


lène, Schelling n’a cessé tout au long de son œuvre de traiter de
la mythologie. Le P. Tilliette suit l’évolution de cette philosophie
de la mythologie, dont les traits saillants sont la règle de la
tautégorie (le mythe ne s’explique qu’à partir de lui-même) et le
fait que la conscience mythique se comprend rétrospectivement
dans les Mystères qui livrent la vérité intérieure, ou face cachée,
des mythes. Ainsi l’odyssée mythologique progresse du poly
théisme vers le monothéisme qui en recueille le sens. L’univers
mythique, reconstruit par Schelling à partir de la mythographie
de l’époque, peut sembler trop systématique, « mais aucune théorie
jusqu’à maintenant n’a façonné une vue aussi grandiose de cette
atlantide oubliée ».
François Marty, Symbole et discours théologique chez Kant. Le
travail d’une pensée.
Quoique peu mentionné dans les deux premières Critiques, le
symbole est « un lieu où travaille la pensée de Kant», et ceci
à partir de la théorie du schématisme qui permet d’éviter le dua
lisme sensible-intelligible. C’est dans la Critique de la faculté
juger que la théorie kantienne du symbole prend toute son
ampleur. Elle y désigne l’expressivité intelligible du sensible et
renvoie, en ce qui concerne Dieu, au/ langage des religions positives
à travers lequel est visé le Dieu vivant du théisme.

Jean Greisch, Versions du mythe.


L’auteur propose une réflexion sur la rencontre de la raison
philosophique avec la pensée mythique. Deux couchers de soleil,
celui décrit par Herder dans son Journal de voyage (1769) et
celui de Lévi-Strauss dans Tristes tropiques symbolisent le chemin
parcouru en deux cents ans dans la compréhension du mythe.
Alors qu’au xvm e siècle la philosophie a la maîtrise de l’inter
prétation, elle ne joue plus aujourd’hui qu’un rôle marginal, celui
que lui concèdent encore les sciences humaines.

Ephrem Dominique Yon, Le symbole et la Croix.


Prenant appui sur la notion hégélienne de Aufhebung, l’auteur
décrit un « processus symbolologique », c’est-à-dire une mise en
relation de termes au premier abord antagonistes. Réconciliation
ou synthèse qui est chez Hegel l’œuvre du Concept, mais qui peut
se figurer (déjà chez Hegel) par la métaphore de l’arbre, déploie
ment dans l’espace d’une énergie créatrice secrète. Le symbole
de l’arbre cosmique, centre du monde, peut alors être relayé par
celui de la Croix, figure de la conjonction parfaite des extrêmes
qui se rejoignent dans l’absolu déchirement.
Jacques-Raoul Marello, Symbole et réalité. Réflexion sur une
distinction ambiguë.
La distinction symbole-réalité se fonde souvent aujourd’hui
sur la distinction nature-culture. Or, ce que n’éclaire pas cette dis
tinction, c’est le présupposé à partir duquel nous interprétons le
symbolisme naturel, qui unit un phénomène physique et une signi
fication : quel réel est signifié à travers le phénomène en ques
tion ? Si le symbole ne peut être l’objet d’une interprétation
univoque, c’est que l’interprétation dépend en fin de compte « d’une
prédétermination du sujet par lui-même sous sa propre responsa
bilité ».
Stanislas Breton, Mythe et imaginaire en théologie chrétienne.
La structure où s’inscrivent le rite et le mythe s’enracine dans
la mémoire, médiatrice elle-même entre sensibilité et imagination.
Cet enracinement se retrouve dans le Christianisme dont l’expres-
sion fait appel au sensible sous la forme du toucher, du voir, de
l’habiter, mais aussi à l’imaginaire dans lequel la Croix « image
exténuée en signe perd tous ses prestiges pour nous signifier le
dépassement des ontologies et des théologies», et à la mémoire
qui est à la fois, dans sa référence au Christ, regard sur l’Alpha
et l’Oméga.

Dominique Dubarle, Pratique du symbole et connaissance de


Dieu.

« Ne pas avoir contact, c’est ignorer tout court » dît Aristote.


Si nous n’avons aucun contact avec Dieu nous sommes, à son
sujet, dans l’ignorance la plus totale. Conclusion que l’auteur
rejette, car nous avons contact avec Celui « en qui nous vivons,
nous mouvons et sommes ». Certes, Dieu dépasse notre entende
ment, mais notre contact cognitif avec lui s’opère par le symbole
qui n’est pas seulement représentation, mais engagement de notre
être dans l’être, engagement historique comme en témoigne le
symbolisme biblique, engagement corporel, le « corps vif » consti
tuant l’archi-symbole de tout l’ordre symbolique et Dieu lui-même
s’étant manifesté dans cet archi-symbole premier et ultime de
tout l’ordre théologal qu’est le corps du Christ.
A. Dartigues

André Guindon, The sexual language : An Essay in Moral


Theology, The University of Ottawa Press, 1976. — Un
volume de 476 pages.

André Guindon, religieux et professeur à l’Université d’Ottawa,


est un théologien moraliste et a fait une très large enquête, dont
témoignent les trente-six pages de bibliographie, à travers les
sciences sexologiques : enquête indispensable pour un moraliste
de notre époque, car la connaissance physiologique, psychologi
que, etc., des réalités du sexe s’est considérablement développée
en notre vingtième siècle et le moraliste ne peut sur bien des
points continuer à raisonner comme ses prédécesseurs, sans tenir
compte du progrès de ces sciences qui rend caduques certaines
positions, certaines motivations, des moralistes du passé et même
de bien des moralistes de ce siècle, moins au courant de l’état
des sciences. Ce livre est donc le résultat d’un travail d’informa
tion très poussé et d’une expérience de direction et de conseil
auprès des jeunes et des couples. La première partie étudie la
sexualité humaine, sa signification et ses éléments, son expression
et ses conditions culturelles, ainsi que la question de la fécondité
avec celle du contrôle des naissances. Dans la seconde partie sont
traitées à fond les imaginations sexuelles, la masturbation, l’homo
sexualité et les relations extra- et préconjugales.
Les réponses données à chacun de ces problèmes paraissent
dans l’ensemble suffisamment équilibrées et convaincantes, même
si certaines peuvent donner lieu à des discussions qui dépassent
le cadre de cette recension. On aurait aimé cependant que soit
traité ex professo ce qu’est ou doit être l’amour dans le cadre
conjugal de la sexualité : certes, une conception de l’amour est
sous-jacente à tout le livre, mais il aurait été peut-être utile de
l’exposer explicitement. De même ce qui concerne le célibat, dont
il n’est parlé qu’en passant (p. 342 et 423) et la chasteté, tant
en ce qui constitue la chasteté du marié que celle du célibataire :
ce sont en effet des notions qui entrent dans une appréciation
d’ensemble de la sexualité.
L’auteur a parfois un ton assez agressif — qui n’est pas
d’ailleurs sans couleur ni mouvement — à l’égard des moralistes
du passé et même de certains moralistes actuels. Peut-on rendre
les premiers responsables de l’état insuffisant de leurs connais
sances ? Mais aussi on peut se demander si certaines critiques
de l’auteur ne manifestent pas un optimisme excessif vis-à-vis
de la nature humaine, ou peut-être une insuffisante intégration
de tous ses aspects, positifs et négatifs : pas de préceptes, mais
des conseils, critique de la « loi » ; suppression des « tabous » ;
confiance en la maturité et la responsabilité du sujet et refus de
tout argument basé sur la crainte des abus ; société permissive
s’adressant seulement au bon sens de l’individu avec répression
réduite au minimum. Tout cela est inspiré par un idéal élevé de
l’homme, mais n’est-il pas en partie utopique, non dans ce qu’il
affirme, mais dans ce qu’il refuse, parce qu’il est moins attentif
aux contraintes de la vie sociale et aux faiblesses des individus.
Si ces contraintes et ces faiblesses n’ont pas à dicter à elles
seules le jugement du moraliste, elles doivent cependant entrer
en ligne de compte. Toute nature d’homme a ses aspects anti
thétiques : insister trop uniquement sur l’un et pas assez sur
l’autre est dangereux, car l’aspect oublié se venge, tôt ou tard.
C’est dans cette direction qu’on pourrait souhaiter un progrès
de la réflexion de l’auteur, en le remerciant de ce qu’il nous
apporte.
Henri Crouzel, S. J.

Guy Durand, Sexualité et Foi : Synthèse de théologie


morale (Héritage et projet n° 19), Montréal, Fides, 1977.—
Un volume de 426 pages.
Ce livre est l’œuvre, comme l’indique la couverture, d’un laïc,
marié et père de famille, qui enseigne la théologie morale à la
Faculté de Théologie de l’Université de Montréal. On ne pourra
donc lui reprocher, comme on le fait bien souvent à des mora
listes ecclésiastiques, de parler de sexualité sans avoir l’expérience
du mariage.
Une première partie « Présupposés doctrinaux et méthodolo
giques » rassemble un certain nombre de considérations inspirées
d une part par le développement considérable des connaissances
qu’a apportées notre siècle sur ce sujet et sur l’application à la
morale sexuelle des méthodes de la théologie morale. La seconde
partie « Un sens chrétien de la sexualité » examine cette dimen
sion de l’être humain sous le rapport de la foi, du mystère chré
tien et de l’espérance chrétienne. La troisième partie « Le compor
tement chrétien» étudie successivement l’acte conjugal, les rela
tions avant mariage, la masturbation, l’homosexualité, la régula
tion des naissances, le célibat, suivant un plan qui est partout
le même : l’expérience du vécu ou l’apport des sciences humaines ;
la doctrine chrétienne officielle ; des pistes ou hypothèses de
recherche ; enfin des réflexions sur le comportement que le pas
teur pourra avoir dans chaque cas.
Cet ouvrage me paraît honnête et bien équilibré, surtout sans
ressentiment devant les positions ecclésiastiques traditionnelles,
même lorsqu’il les critique calmement. Ce dernier point peut être
particulièrement observé à propos de la régulation des naissances
et de l’Encyclique Humanae Vitae dont l’auteur discute fortement
certaines affirmations, tout en mentionnant par ailleurs certaines
des raisons qui ont influé sur elles. C’est, certes, un livre de
recherche, et cela est nécessaire, car la connaissance considéra
blement accrue des réalités du sexe sur les plans physiologique,
psychologique, social, etc. fait apparaître l’insuffisance des posi
tions anciennes de la théologie morale et la nécessité d’une mise
au point en pleine connaissance d’une part des données contem
poraines et de l’autre des visées essentielles qu’impose la foi.
Même si certaines affirmations sont discutables, ce livre me sem
ble excellent.
Henri Crouzel, S. J.
(1) Dans Introduction à la Bible, édition nouvelle. Nouveau Testament
IV, Paris, 1977. p. 35.
Ou le Christ ou César

Parmi ces faits il en est un qui s’impose : comme on


vient de le lire, l’Apocalypse est le témoin à charge de la
pratique du culte impérial. La Bête, dont le culte est une
parodie du culte chrétien, est bien le symbole de Rome,
mais elle acquiert à l’occasion un contour plus personnel.
Quand Jean écrit que « tous l’adoreront, tous les habitants
de la terre» (13,8), le pronom (auton) est au masculin alors
que son antécédent (to thêrion) est un neutre. Or, il paraît
difficile de rendre compte de cette anomalie grammaticale
en invoquant le mauvais grec de l’Apocalypse, et cela
d’autant moins qu’un procédé analogue est attesté en Mc
13,14 (2), dans un contexte qui relève du même genre litté
raire : qu’il s’agisse de la « Bête » ou de 1’ « abomination de
la désolation », la personnification dépend à coup sûr d’une
volonté déterminée. Sans doute peut-on y voir au premier
plan, dans la ligne conventionnelle de l’ensemble, la figure
du grand opposant eschatologique connu par ailleurs sous
le nom d’antichrist. Mais, au moins en ce qui concerne
l’Apocalypse, cette figure s’incarne dans la personne de
l’empereur.
Car ici, le livre de Daniel a son mot à dire, étant la
principale source d’inspiration. En Dan. 3,12, la version des
Septante, qui opte pour la variante hébraïque dite qerei,
la rend de telle façon qu’on ne peut guère douter que la
statue d’or érigée par Nabuchodonosor ne représente le roi
en personne, s’attribuant un titre aux honneurs divins. C’est
ainsi du reste que l’a compris l’auteur du livre de Judith
(3,8) (3). Or, le culte universel exigé du roi chaldéen et
les formules elles-mêmes qui s’y réfèrent (4) réapparaissent
cette fois au bénéfice de la Bête romaine. C’est d’ailleurs
une statue que désigne 1’ « image » (eikôn) que la seconde
bête (5) prescrit d’ériger en l’honneur de la première, de
sorte que « fussent mis à mort tous ceux qui n’adoreraient

(2)hestêkota (masculin) a pour antécédent le neutre bdelygma. Matthieu


(24,15) a corrigé hestêkota en hestos (neutre).
(3)Cf. M. Delcor, Le livre de Daniel, Paris, 1971, pp. 92-93.
(4)L’expression «toutes nations, races et langues» (Dan. 3,2.4.7.29 [96].
31 [4,1] ) a son écho en Apoc. 13,7b.
(5) Identique au «faux prophète» (aux deux figures est attribué le
même rôle : comp. 19,20 et 13,13-18 ; ajouter 16,13 et 20,10), elle désigne
non un personnage historique, — aucune des hypothèses échaffaudée dans
ce sens n’est plausible, — mais l’institution organisatrice du culte officiel
païen.
l’image de la Bête» (13,14-15; cf. 9,20) (6). Encore un
pas
écho de Daniel (3,5-6), mais aussi une allusion aux statues
impériales honorées dans les temples, comme le confirme
la célèbre lettre de Pline à Trajan, en rappelant les aposta
sies chrétiennes d’un passé récent : « tous ceux-là aussi ont
adoré ton image (imaginem tuam) ainsi que les statues des
dieux et ils ont blasphémé le Christ » (7). Enfin, concernant
le chiffre 666 (13,18), «chiffre de la Bête», Jean prend soin
de signaler qu’il s’agit aussi d’un « chiffre d’homme », argu
ment en faveur de l’interprétation traditionnelle qui devine
dans le cryptogramme un nom d’empereur (8).
S’il n’est pas douteux que l’auteur de l’Apocalypse met
le culte impérial à la pointe du conflit qui l’oppose au paga
nisme, c’est qu’il existait une incompatibilité entre ce culte
et la foi chrétienne. Il n’est pas indispensable de retracer
ici l’histoire d’une institution qui, importée d’Orient, s’établit
à Rome avec Jules César et se prolonge avec des hauts
et des bas, suivant l’inclination des titulaires, jusqu’à la
conversion de Constantin (9). Qu’il suffise de donner quel
ques précisions concernant sa portée. Et d’abord, il convient
de la ramener à de justes limites. La divinité des empereurs

(6) La Bête, «frappée du glaive, a repris vie» (13,14) : une caricature


du Christ-Agneau, «égorgé» (5,6 ; 13,8) mais vivant. Plusieurs reconnaissent
ici une allusion à la légende de Nero redivivus (cf. 13,3 ; 17,16-17), ce qui
ne va pas sans une part notable d'hypothèse. Cf. Ch. Brütsch, La clarté
de l’Apocalypse, 5e êd., Genève, 1966, p. 223 ; P. Prigent, Au temps de
rApocalypse, II :le culte impérial au 1er siècle en Asie Mineure, dans Rev.
d'Hist. et de Phil. Rel., 55 (1975), pp. 215-235 (229-233). Quant au pouvoir
donné à la seconde bête d'animer l’image de la première Jusqu’à la faire
parier (13,15), il semble, étant donné la part active de la seconde bête,
qu’il fasse référence aux supercheries des prêtres païens (exemples dans
Ch. Brütsch. op. cit., p. 230) plutôt qu’aux prodiges spontanés qu’enregis
trait alors la crédulité populaire.
(7) x, ep. 96 (97), 6.
(8) «'Chiffre d’homme’, écrit Ch. Brütsch (op. cit., p. 232), ne signifie
pas nécessairement celui d’un homme précis ; mais il est à notre portée... ».
Cependant l’avertissement qui est adressé au lecteur d’ouvrir son esprit
(13,18 ; cf. 13,9 ; 17,9) oriente plutôt vers le premier sens. Encore que le
chiffre n’alt pas été aussi énigmatique pour les destinataires de l’Apoca
lypse qu’il l’est pour nous ; E.-B. Allô, Saint Jean, l’Apocalypse, Paris,
1921, p. 192, notait très Justement que « le nombre devait les aider à
comprendre » la vision, « plutôt que les exciter à un Jeu puéril de casse-
tête ». Il reste qu’aucune des identifications offertes par les commentateurs
n’est à l’abri d’objections. Sur les diverses hypothèses, voir E. B. Allô,
op cit., pp. 211-215 ; Ch. Brütsch, op. cit., pp. 232-233.
(9) Sur le culte impérial, voir K. Prümm, Herrscherkult und Neues Testa
ment. dans Biblica, 9 (1928), pp. 3-25, 129-142, 289-301 ; L R. Taylor, The
Divinity of the Roman Emperor, Middletown. 1931 (réimpr. New-York,
Arno Press, 1975) ; K. Scott, The Impérial Cuit under the Flavians, Stutt
gart, 1936 (réimpr. New-York, Arno Press, 1975) ; R. M. Grant, The Sword
and the Cross, New-York, 1955 ; L. Cerf aux - J. Tondriau, Le culte des
n’engage guère de profonds sentiments religieux. Quand
elle ne relève pas de la basse adulation, la piété qu’elle
suscite figure plutôt au tableau des convenances (10). Un
Juif aussi religieux que Philon non seulement célèbre la
beauté du Sebasteion, temple d’Auguste à Alexandrie ; mais
encore ajoute que ce sanctuaire est un espoir (elpis) pour
les marins qui s’embarquent ou rentrent au port (11). Ce
ne sont là, en fait, que d’aimables compliments. Du reste,
comme l’a souligné P. Prigent (12), le culte impérial n’im
plique pas d’ordinaire qu’on s’adresse à l’empereur dans
la prière : « l’adjectif epekoos (qui écoute, exauce) est raris
sime pour caractériser l’empereur. De plus, corollairement,
on ne trouve pas d’ex-votos consacrés à l’empereur en
reconnaissance pour un exaucement ». Enfin, certains per
sonnages officiels, — ce qui n’était pas sans mérite de leur
part, — se sont nettement opposés à la divinité de leur
souverain (13).
Iln’empêche que ce culte a existé et qu’il a été admis,
voire entretenu, par des empereurs qui n’étaient pas tous
atteints de la paranoïa aiguë d’un Caligula, d’un Néron ou

souverains dans la civilisation gréco-romaine, Paris, 1956 ; F. Taeger,


Charisma : Studien zur Geschichte der antiken Herrscherkultes, 2 vol.,
Stuttgart, 1957-1960 ; M. P. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion,
II, 3e éd., Munich, 1974, pp. 135-185 ; P. Prigent, art. cit., dans Rev.
d'Hist. et de Phil. Rel., 55 (1975), pp. 215-235 ; H. Cancik, Christus Impe-
rator. Zum Gebrauch militarischen Titulaturen im rômischen Herrscherkult
und im Christentum, dans H. von Stietencron (éd.), Der Name Gottes,
Düsseldorf, 1975, pp. 112-130 ; A. Wlosok (éd.), Rômischer Kaiserkultes,
Darmstadt, 1978.
(10) Cf. P. Prigent, art. cit., dans Rev. d'Hist. et de Phil. Rel., 55 (1975),
pp. 233-235 ; l’auteur donne plusieurs exemples qui font ressortir le carac
tère léger et superficiel de ce culte.
(11) Legatio ad Caium, 151.
(12) Art. cit., dans Rev. d’Hist. et de Phil. Rel., 55 (1975), p. 234.
(13) Ainsi Pline, qui, tout en concédant par aileurs à l’usage des titres
divins adressés à l’empereur, déclare dans son Panégyrique de Trajan :
« Que nos flatteries n’égalent pas l’empereur à un dieu, qu’elles ne l’égalent
pas à une divinité (nusquam ut deo, nusquam ut numini blandiamur)...
C’est là son mérite extraordinaire de se considérer comme l’un des nôtres,
de se rappeler qu’il est homme et aussi qu’il gouverne des hommes» (2,3-4).
Dion Cassius (LII.35), à travers le long discours qu’il fait tenir à Mécène
devant Octave, détourne les empereurs d’élever en leur honneur statues
et temples, dépenses superflues ; du reste « c’est la vertu qui élève beau
coup d’hommes au niveau des dieux, mais personne n’est jamais devenu
dieu par vote populaire (kheirotonêtos d'oudeis popote pollous poiei).
D’où, si tu es un honnête homme et un bon chef d’État, la terre entière
sera ton enceinte sacrée, toutes les villes seront tes temples et tous les
hommes tes statues... C’est pourquoi si tu souhaites devenir véritablement
immortel, agis de la sorte ; et de plus, non seulement honore toi-même
la divine puissance en tous lieux et de toute manière selon la tradition
de tes pères, mais oblige les autres à l’honorer. »
d’un Commode. On le soupçonne, dès lors, d’avoir servi un
but politique, à l’instar de ses antécédents hellénistiques,
notamment chez les Lagides d’Égypte. Cette supposition
prend corps et se précise en même temps à la lecture du
Martyre de Polycarpe, une lettre circulaire de l’église de
Smyrne rédigée très peu de temps après la mort de son
évêque (vers 167). De ce document exceptionnel on retire
la conviction que poser les actes du culte impérial n’enga
geait pas envers la seule personne du souverain. Si, lors de
l’entretien privé du vieil évêque avec l’irénarque Hérode et
son père Nikétès dans leur voiture, il n’est requis du pre
mier qu’un Kyrios Kaisar accompagné des gestes extérieurs
du culte (8,2), il n’en va plus exactement de même quand,
dans le stade, le proconsul exhorte Polycarpe en ces ter
mes : « Jure par la fortune (tykhê) de César, reviens à de
meilleurs sentiments, et crie : Plus d’athées ! » (aire tous
atheous) (9,2). Ces « athées », dans l’esprit du juge, sont
les chrétiens, en tant que négateurs des divinités officiel
les (14). C’est ainsi, du reste, que l’entend la foule quand,
à la proclamation du héraut : « Polycarpe s’est déclaré chré
tien ! » elle s’écrie : « Le voilà, le docteur de l’Asie, le père
des chrétiens, le destructeur de nos dieux (ho ton hêmete-
rôn theôn kathairetês), celui qui, par ses enseignements,
détourne tant de gens de sacrifier et d’adorer» (12,2). On
en conclut que, si l’on exige l’encens et les autres manifes
tations cultuelles à l’égard des statues impériales, c’est là,
en réalité, requérir l’allégeance à tout un système où poli
tique et religion sont indissociables, mieux, où l’ordre reli
gieux garantit et protège l’ordre politique (15). S’il en est
ainsi, un chrétien, comme Polycarpe, pourtant décidé à
« rendre aux puissances et aux autorités établies par Dieu
l’hommage qui leur est dû » (16), se devait d’ajouter :
« pourvu qu’il n’y ait rien de blessant pour notre foi » (10,2),
dès l’instant où cet honneur impliquait une confession

(14) Polycarpe accepte de prononcerla dernière formule, mais dans un


regard sur la foule qui occupe le stade, montrant ainsi que, pour lui, les
« athées » sont les païens.
(15) « Si les nations existent et offrent le cadre qui permet aux individus
de mener sur terre une vie possible, si l’empire romain en est l’illustra
tion la plus évidente, c’est parce que les dieux sont les garants de cet
ordre. Sans leur faveur active, ou à tout le moins sans leur bon vouloir,
aucune des structures d’autorité ne tient plus qui règlent le cours de la
vie des peuples, des cités et des individus et la rendent possible » :
P. Prigent, Au temps de VApocalypse, III : pourquoi les persécutions ?, dans
Rev. d’Hist. et de Phil. Rel., 55 (1975), pp. 341-363 (362).
(16) Réminiscence très probable de Rom. 13,1-2 ; mais la clause qui
l’accompagne fait ressortir l’évolution des esprits depuis le temps où Paul
prônait une soumission inconditionnelle aux autorités en charge.
idolâtrique et polythéiste, en un mot, équivalait à renier le
Christ.
Telle est aussi la conviction du visionnaire de Patmos,
lequel, cependant, va plus loin que la simple confession de
sa foi : il définit une attitude et l’offre à ses lecteurs comme
la seule réponse à l’oppression du paganisme ambiant.

Divers types de résistance juive à l'empire païen


L’Apocalypse johannique reproduit un genre littéraire aux
traits déjà fermement dessinés dans le judaïsme. Comme il
ressort du modèle par excellence qu’est le livre de Daniel,
les apocalypses germent sur le terrain de la souffrance et
de la persécution, celles-ci ayant pour agent plus ou moins
direct un pouvoir non juif (17). Mais l’esprit qui anime
cette littérature, s’il marque une vive réaction contre l’em
prise païenne, n’est pas le seul type de résistance pratiquée
par le judaïsme. Pour mieux saisir ce qui caractérise l’écrit
johannique sur ce point, faisons un rapide parcours, à la
fois historique et littéraire (18).
Contre l’oppression du pouvoir païen, il est une première
façon de réagir : en prenant les armes. C’est le type « mac-
cabéen », qui redonne vie à l’antique idéal de la guerre
sainte défini par la Bible (19). On le retrouve chez les acti
vistes de la rébellion anti-romaine en ses diverses phases.
Guerre religieuse, « théologique », qui vise à restaurer les
droits de Dieu bafoués, sans attendre que Dieu intervienne
par lui-même : l’armée d’Israël, ou du moins ceux qui esti
ment l’être, se lance dans l’action, sûre de la collaboration
divine et dans la foi à une « synergie » dont l’efficacité ne
fait pas l’ombre d’un doute.
A l’opposé : la résistance passive, dont l’expression clas
sique est le livre de Daniel. Ici, à l’inverse de l’attitude

(17) Jusqu’à l’Église elle-même, confondue avec l’Empire dans une apoca
lypse tardive, née au temps des guerres entre Byzantins et Perses en
Palestine, à la veille de l’invasion islamique (637) : cf. I. lévi. Le livre de
Zerubbabel, dans Rev. des Et. Juives, 68 (1914), pp. 129-160 ; M-J. Stiassny,
L’occultation de l'apocalyptique dans le rabbinisme, dans Apocalypses et
théologies de l’espérance, Paris, 1977, pp. 179-203 (202-203).
(18) Les lignes qui suivent sont largement redevables à l’article d’Adela
Y. Collins, The Political Perspective of the Révélation to John, dans
Journ. of Bibl. Lit., 96 (1977), pp. 24L-256, quoique accordant une place
plus marquée à un type intermédiaire auquel l’auteur de cet article ne
consacre qu’une modeste note (p. 243, n. 15).
(19) Comparer 1 Macc. 3,16-22 avec Jug. 6,15 ; 7,2-4, et surtout 1 Sam.
14,6. En 1 Macc. 4,30-33, les prouesses de David et de Jonathan figurent
comme garantie du secours divin.
précédente, l’homme, le sage, se sent dépassé par un conflit
dont le déroulement échappe d’autant plus à son action
qu’il est réglé au niveau céleste (Dan. 10,13), et dont l’issue
ne peut résulter que d’une intervention divine (20). Dès
lors, la seule consigne est d’attendre, dans la foi et l’espé
rance, le terme fixé par Dieu à l’oppression.
Dans le même esprit, mais accusant certaines particula
rités, le Testament de Moïse (21) a reçu sa forme définitive
durant la vie de Jésus. L’auteur, dont l’étiquette précise est
difficile à établir (22), demeure lui aussi dans l’attente d’une
intervention divine, mais conçue sous la forme d’un enlève
ment d’Israël dans les régions célestes (10,8-10) (23). Et
tandis que les Maccabées se retiraient au désert pour y
préparer la guérilla, ce même désert devient ici le lieu où
le petit reste fidèle (Taxo et ses sept fils) va s’offrir au
martyre, dans la certitude que son sang « sera vengé à la
face du Seigneur» (9,5-7 ; cf. 10,1-3). Passifs sous les coups
des adversaires et de leurs guides démoniaques, ces pieux
n’en présument pas moins qu’au prix de leur mort, Dieu
déclanchera son châtiment final sur les païens. Le martyre
appelle la vengeance divine, l’homme contribue dans une
certaine mesure à la victoire eschatologique (24).
Cette synergie demeure cependant toute relative. Ce
n’est plus le cas dans le type intermédiaire qu’offre le Rou-

(20) S’il n’est pas certain que l’auteur de Daniel critique l’entreprise
maccabéenne quand il écrit que le roi persécuteur « sera brisé sans l’aide
d’aucune main» (8,25 ; cf. 2,34), il annonce en tout cas que la fin de
l’oppression relève de Dieu seul, « sans aucune intervention humaine comme
pourrait l’être par exemple un assassinat » (M. Delcor, Le livre de Daniel,
p. 183).
(21) Éditions récentes E.-M. Laperrousaz. Le Testament de Moïse (géné
:
ralement appelé « Assomption de Moïse » ) : traduction avec introduction et
notes (« Semitica », XIX), Paris, 1970 (contient la version latine) ; E. Bran-
denburger . dans Jüdische Schriften ans hellenistich-rômischer Zeit, V/2,
Gütereloh. 1976, pp. 59-84 (seule trad. allemande, avec introduction et
notes). Études : G. W. E.Nickelsburg, Résurrection, Immortality, and
Eternal Life in Intertestamental Judaism, Cambridge, 1972, pp. 43-45 ;
G. E. W. Nickelsburg, (éd.), Studies on the Testament of Moses, Cambridge,
1973 ; A. Y. Collins, Composition and Rédaction of the Testament of Moses
10, dans Harv. Theol. Rev., 69 (1976), pp. 179-186 ; J. Priest, Some Réfac
tions on the Assumption of Moses, dans Perspectives in Religions Studies, 4
(1977), pp. 92-111.
(22) Cf. E. Brandenburger, op. cit., p. 65. La thèse essénienne soutenue
par E.-M. Laperrousaz, op. cit., pp. 91-93, est justement critiquée par
G. W. E. Nickelsburg, Résurrection etc., p. 44, n. 14.
(23) Noter la différence qui sépare cette perspective de celle de l’Apoca
lypse johannique, où la Jérusalem céleste descend du ciel sur terre (21,2.10).
(24) Cf. J. Licht, Taxo, or the ApocaVyptic Doctrine of Vengeance, dans
Joum. of Jewish Studies, 12 (1961), pp. 95-103 (97-99). L’idée de vengeance
divine pour le mal fait à Israël est traditionnelle (Ps. 79,10 ; 2 Macc.
d’Apoc. 13,10a. Il s’agit d’une citation large de Jérémie
es
(15,2), dont le sens est malheureusement beaucoup moins
'es
limpide que dans l’original. Si l’on s’en tient au texte le
li
mieux assuré, les deux phrases peuvent être rendues comme
se
suit : « Si quelqu’un [est] pour [la] captivité, il va (ou ira)
le!
à [la] captivité ; si quelqu’un doit être tué par [le] glaive,
K qu’il soit tué par [le] glaive » (27). Mais qui est ce « quel
» qu’un » ? Pour les uns, il s’agirait des chrétiens, que l’au
St
teur voudrait détourner de la violence et, positivement,
exhorter à persévérer sous l’épreuve, martyre y compris
(28). Pour d’autres, cette parole est l’annonce du châtiment
inéluctable des persécuteurs, source d’encouragement pour
les chrétiens. Concernant la première opinion, on ne peut
réellement lire dans le texte un appel à la non-violence que
si l’on opte pour une variante, ainsi formulée : « Si quel
qu’un tue (ou tuera) par [le] glaive, il faut qu’il soit tué
par [le] glaive » (29). Cette leçon est malheureusement
suspecte, du fait qu’elle corrige et complète un texte bancal
et obscur, en l’alignant par ailleurs sur la monition de
Jésus en Mt. 26,52. Si l’on s’en tient à la lectio difficilior,
l’idée en question ne ressort pas, étant donné que le pre
mier apoktanthênai est un passif et que la phrase, réduite
à l’essentiel, signifie « qui doit être tué (et non « qui tue »)
sera tué ». En fait, la seconde opinion est de beaucoup la
plus plausible, non seulement à cause de la formule elle-
même, mais encore en raison du parallèle qu’offre Apoc.
14,10-12, où l’annonce, explicite cette fois, du châtiment
des persécuteurs est suivie d’un appel indirect à la cons
tance, aux termes quasi identiques à ce qu’on lit en 13,10c.
Passivité donc ; mais doit-elle se maintenir toujours ?
Il est dit en effet dans la prophétie de l’ange au chapitre 17

(27) La seconde phrase est d’un grec barbare, avec deux infinitifs
(apôktanthênai répété), qu’on peut néanmoins comprendre comme des
infinitifs finals si l’on tient compte de l’hébreu de Jérémie, où l’on a
littéralement: «Qui à (pour) la mort (la-màwet), à la mort!» L’auteur
de l’Apocalypse aura remplacé le substantif par un verbe à cause de l’addi
tion de « par le glaive ». A moins de supposer qu’au lieu de « à (pour) la
mort», il a lu, dans le texte hébreu non vocalisé, «pour mourir» (la-mût).
(28) C’est uniquement cet aspect positif que retient B. Prete. Il testo
di Apocalisse 13.9*10 : una minaccia per i persecutori o un'esortazione al
martirio? dans Studii Biblici Franciscani Liber Annuus, 25 (1977), pp. 102-
118.
(29) Leçon acceptée par L. Cerfaux-J. Cambier, L’Apocalypse de saint
Jean lue aux chrétiens, Paris, 1955, p. 118 : « Si quelqu’un tue au moyen
du glaive, lui aussi sera mis à mort par le glaive. » Conséquemment, l’en
semble du v. lOo-b est défini par les mêmes auteurs comme « une sorte
d’épigramme, basée sur Jérémie 15,2 combiné avec la parole évangélique
Mt., 26,52».
I
vrai, il n’en découle pas nécessairement que les élus soient
enrôlés dans la troupe des combattants. Le verbe dont
l’Agneau est le sujet est « vaincre » (nikan), non « combat
tre » (polemein) comme dans le cas des rois vassaux de
la Bête. Sans doute la victoire est-elle l’issue d’un combat,
mais la phrase concernant les élus peut s’entendre d’une
participation de ces derniers au seul triomphe de l’Agneau.
C’est d’ailleurs ce qu’appuient d’autres passages (20,4.6 ;
22,5), où l’on apprend que ces mêmes élus régneront avec
le Christ. Mais surtout, — l’argument semble péremptoire, —
là où l’Apocalypse décrit le combat final, celui-ci est livré
exclusivement par le Christ et ses anges (19,11-21 ; 20,1-3),
sans la moindre contribution des élus. Par conséquent,
même à supposer que ce dernier thème affleure en 17,14,
ce ne peut être qu’accident, dû à l’influence de clichés
ambiants, sans qu’on puisse admettre que l’auteur l’ait inclus
dans ses propres perspectives.

Cela dit, on ne saurait méconnaîre que les élus jouent


un certain rôle dans cette affaire. Notons d’abord que les
souffrances et la mort des chrétiens fidèles constituent
déjà un épisode de l’eschaton : c’est 1’ « épreuve » (thlipsis)
suprême, prélude de la fin de ce monde (35). Celle-ci suivra,
mais non sans qu’interviennent pour leur part « ceux qui
furent égorgés pour la parole de Dieu et le témoignage
qu’ils avaient rendu » (6,9) : leurs « âmes », placées « sous
l’autel » céleste (36) se mettent « à crier d’une voix forte :
Jusques à quand, Maître saint et véridique, tarderas-tu à
faire justice et à tirer vengeance (ekdikeis) de notre sang
sur les habitants de la terre ? » La réponse divine est posi
tive, tout en exhortant les victimes « à patienter encore un
peu, le temps que fussent au complet leurs compagnons
de service et leurs frères qui doivent être mis à mort
comme eux» (6,10-11). Au thème du nombre fixé par Dieu

(35) 1,9 ; 2,9.10.22 ; 7,14 ; cf. 1 Cor. 7,28 ; Rom. 12,12 ; 2 Thess. 1,4.6 ;
Mc. 13,19.24 ; Mt. 24,9.21.29.
(36) Comparer les représentations Juives qui situent les âmes au ciel
sous le trône de Dieu : références dans P. Billerbeck, Kommentar z. N. T.
aus Talmud u. Midrasch, III, p. 803. Il est peu probable que l’auteur de
l’Apocalypse ait songé, par cette localisation singulière, à attribuer une
portée sacrificielle à la mort des martyrs (ainsi pourtant O. Michel, dans
Theol. Wôrt. z. N. T., VII, p. 935 ; A.-Y. Collins, art. cit., dans Joum.
of Bibl. Lit., 96, 1977, p. 249), car le contexte, proche ou lointain, n’en
dit mot. Bien plutôt, la présence des âmes sous l’autel ressortit au tableau
d’ensemble qui fait du monde de Dieu une copie transcendante du temple
terrestre (cf. 8,3.5 ; 9,13 ; 14,18 ; 16,7).
pour les âmes des défunts (37) s’ajoute un appel à la ven
geance, celle-ci n’étant autre que le châtiment eschatologi-
que des impies. C’est d’ailleurs ce qu’appuie le contexte
immédiat : le cri des martyrs appartient à la vision déclan
chée par l’ouverture du cinquième sceau, vision à laquelle
succède, à l’ouverture du sixième, une série de catastro
phes cosmiques semant une terreur mortelle parmi les
potentats de la terre, «car il est arrivé, le grand jour de
Sa colère, et qui donc peut tenir?» (38). Cette répétition
générale du dernier châtiment n’est apparemment pas sans
rapport avec l’appel à la vengeance formulé peu auparavant.
Ce, d’autant plus que le même schéma se retrouve en
16,4-7 où, la troisième coupe ayant transformé les fleuves
et les sources en sang, l’Ange des eaux déclare : « Tu as
raison (dikaios ei), ô ' Il est et II était *, ô Saint, d’avoir
ainsi châtié ; parce que c’est le sang des saints et des pro
phètes qu’ils ont répandu, et c’est du sang que tu leur as
donné à boire. Ils le méritent. » Mais voici que l’autel se
met à parler : « Oui, Seigneur Dieu, Maître de tout, tes
châtiments sont vrais et justes » (dikaiai). Cette voix est,
à n’en pas douter, celle des âmes des martyrs cachés sous
l’autel et confessant la justice d’un jugement qu’elles ont
elles-mêmes réclamé pour leurs persécuteurs. Du reste, la
ruine finale de la Prostituée romaine est mise en relation
explicite avec le martyre chrétien (17,6 ; 18,24).
,
Ainsi, les martyrs, tout en étant demeurés passifs sous
les coups de l’épreuve, contribuent à l’écrasement de leurs
ennemis grâce à l’efficacité auprès de Dieu de leur appel
à la vengeance. Moins cet appel lui-même, l’idée se retrouve
dans une épître du Nouveau Testament à la forte empreinte
apocalyptique et probablement deutéro-paulinienne : en 2
Thess. 1,4-10, le châtiment eschatologique des impies est
défini comme une « vengeance » (ekdikêsis) (v. 8) et l’au
teur, comme celui de l’Apocalypse, voit en cela la stricte
application de la justice divine : car « il est juste (dikaion
estin) aux yeux de Dieu de rendre la tribulation à ceux qui
vous en affligent» (v. 6; cf. Apoc. 16,5.7).

(37) Cf. 4 Esd. 4,36-37 ; 2 Bar. 23,6. Ce passage de l’Apocalypse est un


des rares témoignages du Nouveau Testament à laisser entendre la perma
nence de l’&me humaine dans un état intermédiaire après la mort. Voir
cependant les réserves d’E. Schweizer, dans Theol. Wôrt. z. N T IX
pp. 654 et 657.
(38) 6,16-17 ; cf. Is. 2,10.18.19 ; Joël 2,11 ; 3,4.
Quelques conclusions
1) L’Apocalypse se fait l’écho d’une Église minoritaire
affrontée à un appareil étatique où la religion païenne joue
un rôle structural et coordinateur. Ce système, du fait qu’il
rabaisse le divin au niveau de l’homme et s’en sert comme
instrument politique, est jugé incompatible avec la foi chré
tienne. C’est un blasphème et une folie, derrière lesquels
le croyant perçoit l’action déterminante de Satan. Ici,
1’ « antique serpent » (20,2), celui qui a jadis suscité chez
les protoplastes la même prétention insensée en leur suggé
rant de devenir «comme Dieu» (Gen. 3,5), est à l’œuvre;
Rome et la communauté chrétienne sont les acteurs, les
derniers, d’un combat séculaire entre Dieu et le Diable.
2) Dans ces circonstances ainsi interprétées l’auteur de
l’Apocalypse fait un choix entre les divers types de résis
tance déjà dessinés au sein du judaïsme (39). La révolte
armée est exclue, non en raison de son impossibilité phy
sique, mais à cause d’une conviction puisée dans la foi en
un Dieu dont la justice se doit de mettre un terme proche
aux souffrances de ses élus. Dans l’attente, cette foi doit
se manifester par une « constance » (hypomonê) qui inclut
le martyre, dès l’instant que le croyant est mis en demeure
de choisir entre la mort et l’apostasie. Il ne saurait du reste
en être autrement pour un disciple du Christ, Agneau
immolé, car le disciple est appelé à suivre son Maître
«partout où il va» (14,4), selon le programme pareillement
tracé dans les évangiles (Mc 8,34 par.).
3) Cette attitude passive tout autant qu’héroïque se
trouve quelque peu endommagée du fait que l’Apocalypse,
à l’instar du Testament de Moïse, mais plus clairement
encore, prête au martyre une influence sur le déclanchement
de l’eschaton par le truchement de l’idée de vengeance.
Dépourvu de tout regard bienveillant sur les persécuteurs,
le livre reste sur ce point dans le droit fil du judaïsme et
Jean n’a pas assimilé les consignes de Jésus sur l’amour

(39) De même que le texte de l’Apocalypse est largement anthologique,


de même l’option de son auteur doit beaucoup à ses antécédents Juifs. Mais
ce fond juif est christianisé. Ainsi, les adversaires apparaissent souvent
comme des caricatures du Christ et leurs agissements, comme des parodies
du christianisme. De plus, le livre est pénétré de données exclusivement
chrétiennes, au centre desquelles on distingue l’Agneau-Christ mort et
ressuscité, glorifié au ciel, objet de l’hommage de ses habitants, attendu
par les croyants pour une nouvelle et définitive venue sur terre, afin de
partager avec Dieu l’empire d’un monde renouvelé. Comme ces données
prédominent, au point de former pour ainsi dire l’âme de l’Apocalypse,
celle-ci demeure un écrit spécifiquement chrétien.
des ennemis (40). Il s’éloigne même de Paul quand
celui-ci
exhorte ses correspondants à ne « rendre à personne le mal
le mal et à laisser à Dieu le soin de châtier les per
pour »
sécuteurs (Rom. 12,17-20) (41), ou encore de l’auteur de la
Prima Pétri proposant l’exemple du Christ qui, « insulté, ne
rendait pas l’insulte, souffrant, ne menaçait pas, mais s’en
remettait à Celui qui juge avec justice» (2,23). Cette man
suétude doublée d’un abandon total de la rétribution entre
les mains de Dieu est étrangère à l’esprit qui anime l’Apo
calypse.
4) S’il est légitime d’extraire de ce livre quelque principe
dont les chrétiens peuvent s’inspirer aujourd’hui dans leurs
rapports avec l’État, les circonstances historiques dans les
quelles il a été rédigé doivent, de toute nécessité, entrer
en ligne de compte (42). N’oublions pas qu’il s’agit d’un
État païen, de plus, intolérant, allergique à une pratique
religieuse marginale, et voulant contraindre ses adeptes à
renier leur foi pour s’aligner sur son propre système. L’au
teur n’élabore aucune théorie de l’État ni n’entend définir
les rapports des chrétiens avec le pouvoir séculier en géné
ral. Il lui suffit de constater que l’Empire, tel qu’il existe,
dans ses pratiques et ses exigences actuelles, s’affirme
comme l’ennemi actif du Dieu des chrétiens. Placé dans
cette situation et étant donné par ailleurs l’impossibilité
de modifier l’État, ou encore de s’enfuir loin de ses requêtes
et de ses menaces (43), le croyant ne peut envisager une
soumission purement extérieure : ni le Nouveau Testament
ni la conduite subséquente de l’Église n’autorise l’apostasie
matérielle, car « si ta bouche confesse que Jésus est Sei
gneur et si ton cœur croit que Dieu l’a ressuscité des morts,
tu seras sauvé» (Rom. 10,8). Dans ce cas limite, l’unique

(40) Voir S. Légasse, L’étendue de l'amour interhumain d’après le Nou


veau Testament : limites et promesses, dans Rev. Théol. de Louvain, 8
(1977), pp. 137-159, 293-304 (154-159).
(41) Voir l'art, cit. (n. préc.), p. 156.
(42) Cette obligation s'impose tout autant quand il s'agit d’appliquer
les principes de Rom. 13,1-7 comme leur atténuation en 1 Petr. 2,13-17.
A méconnaître leur contexte historique et en isolant ces passages, on
aboutit à d'étranges et périlleuses conclusions.
(43) Cette solution médiane n’est aucunement envisagée dans l’Apoca
lypse. Comparer Origène (Hom. 9 in Iud., 2 : GCS, Origéne VII, p. 520)
s’adressant aux faibles et les exhortant à ne pas s’offrir au martyre de peur
d’apostasier : « l’essentiel est de ne pas renier Jésus qu’on a confessé une
fois », et « s’enfuir pour ne pas renier le Christ, c’est encore le confesser ».
Par conséquent, « si quelqu’un est timide et craintif de cœur, qu’il quitte
le camp, qu’il revienne chez lui, de peur de donner aux autres un exemple
de crainte et de terreur » et d’avoir, par la suite, à endurer le supplice que
l’Apocalypse (21,8) promet aux lâches.
solution, pour le chrétien de tous les temps, est bien cette
« constance » prônée dans l’Écriture et dont on sait qu’elle
implique la mort chaque fois que de s’y soumettre est la
condition de la fidélité. C’est à quoi l’auteur de l’Apocalypse
entend exhorter ses lecteurs, leur prodiguant en même temps
l’antidote du découragement et de la crainte : l’assurance,
fondée sur les promesses divines, de la fin du mal et de
l’instauration sur terre du règne béatifiant de Dieu et de
son Christ. Dépouillée de ses images désuètes et souvent
obscures comme d’un esprit de revanche peu conforme à
la douceur évangélique, l’œuvre du visionnaire de Patmos
adresse un message aux chrétiens qui, de nos jours encore,
voient revivre sous leurs yeux de nouveaux Néron et de
nouveaux Domitien, estimant par ailleurs que leur foi est
l’essentiel de la vie et qu’il vaut la peine de tout perdre,
y compris soi-même, pour tout gagner.
S. Légasse
Le Chapitre XXI Je Jean

est-il Je la même plume que le reste Je 1 Évangile !

L’évangile de Jean comporte à la fin du chapitre XX un


épilogue : « 30 Jésus a fait devant les disciples beaucoup
d’autres signes qui ne se trouvent pas écrits dans ce livre.
31 Ceux-là ont été écrits pour que vous croyez que Jésus est
le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie
par son nom. » De toute évidence le chapitre XXI est un
appendice. Il se termine par une attestation de disciple :
« 24 C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les
a écrites, et nous savons que vrai est son témoignage.
25 II y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ;
si on les écrivait une à une, le monde lui-même, je crois,
ne saurait contenir les livres qu’on en écrirait. » Cet appen
dice (sauf évidemment ces deux derniers versets) est-il de
la même plume que le reste de l’Évangile? La question est
d’importance, car, selon la réponse, l’attestation que c’est
un disciple de Jésus (le disciple que Jésus préférait) qui
« témoigne de ces choses et qui les a écrites » vaut pour
ce seul dernier chapitre ou pour tout l’évangile.
Dans un ouvrage à l’impression (« Jean et les Synopti
ques ») j’ai longuement examiné ce problème ; j’y présente
une démonstration de l’unité d’auteur appuyée sur les iden
tités et les similitudes d’expressions. J’en étais là lorsque,
rencontrant un ancien élève et ami, l’abbé J. Vacherot,
dont je connaissais la compétence en Mathématiques, je lui
parlais de ce travail et lui demandais s’il ne connaîtrait pas
une méthode permettant de traiter ce problème. Quelques
temps après il me proposait d’essayer ce que donnerait
P « analyse factorielle des correspondances ». Nous avons
essayé. Je lui ai fourni les premières statistiques de mots,
les unes prises dans la précieuse « Statistik des Neutesta-
mentlichen Wortschatzes » de R. Morgenthaler, les autres
que j’ai faites avec l’aide inestimable de la Concordance de
Moulton. Nous avons examiné ensemble les bases à adopter,
nous avons discuté ensemble les résultats, mais l’utilisation
de la méthode avec les calculs qu’elle implique sont l’œuvre
exclusive de l’abbé Vacherot, qui a disposé pour ce travail
de l’ordinateur de l’École Supérieure d’Agriculture de
Purpan.
Bruno de Solages
HAPHIQUE M0T3 (utilisés au moins 50 fois)

fie
4 évangi J X

’lri
J
flll
s est
t\
avie • t va
:
pie
11
:
|
t&Wd ai
tuote\3«
èn C oïôa
I
I*
es!
, YtvtSanu 'Iou&aïoç î|iC
N
\
est

Axe 1

*èr<2 68,4 $
3 l
èdv
TC 0f Kéajioç

paoiXe fa îcaTfjp

ouv

15<5u
«

Vnpooépxo|iat 4 t6te
ouv ’louôcuoç
/
. o t ba

\\ 7UOTÊl5(0

\\

UJI£ IÇ

J XV
t
MÔajioç

' yivuaxu
Syanao

tpC

è\x6c,
El fl u

èyd
Axe 1
27,5 1°
el&ov
A6yoç
Cx,

Irioouç XIX
\
/ lié vu
XV

\
naT^p
* CUV
«
’lovfccucf.
Xa^éu

i • XVI
V

RAPHIQUE \ ipeîç

Analyse de 66 mots de l’ï


Segmentation par
La méthode d’analyse factorielle des correspondances,
utilisée pour cette recherche est décrite dans l’ouvrage du
professeur J.-P. Benzecri : « Analyse des données - tome 2 »
(Dunod 1973). Elle est applicable à des tableaux de données
numériques, même de grandes dimensions. Elle permet d’ob
tenir une vue synthétique des relations qui existent entre
ces données, en recherchant les ressemblances et les dissem
blances qu’elles comportent.
On utilise pour cela une représentation spatiale ; chaque
ligne de n nombres positifs (respectivement chaque colonne)
du tableau est considérée comme fournissant les coordon
nées d’un « point » dans un espace à n dimensions. Le
calcul réalisé permet de trouver les « axes factoriels » du
« nuage de points » ainsi obtenu (axes s’ajustant le mieux
à la « forme » du nuage). Les projections des points sur
un axe factoriel donnent une idée de la répartition de ces
points selon une direction. En prenant les projections sur
le plan déterminé par deux axes factoriels on obtient une
représentation approchée de la forme du nuage (une sorte
de « coupe ») qui permet de repérer les proximités ou les
éloignements entre les groupes de points.
L’analyse factorielle des correspondances traitant, non
pas directement le tableau rectangulaire des données, mais
un tableau carré symétrique, obtenu en calculant la « dis
tance distributionnelle » des données les unes par rapport
aux autres, permet de représenter sur un même graphique
les projections des « points-lignes » et celles des « points-
colonnes » du tableau. On aura ainsi la possibilité de mettre
en évidence les ressemblances, non seulement dans la répar
tition des mots d’une part, dans la répartition des auteurs
(ou des segments de textes) d’autre part, mais encore dans
la répartition simultanée des deux types de variables ; on
pourra ainsi «voir» quel auteur utilise plus fréquemment
tel mot.
Chaque axe factoriel résume ainsi un certain pourcentage
de 1’ « information » contenue dans le tableau de données.
Pour un espace à n dimensions, il faut n axes factoriels
pour obtenir 100 % de l’information. Mais les graphiques
plans, résumant la somme des informations relatives aux
deux axes retenus, apportent déjà, comme on le verra,
une fraction importante de l’information contenue dans le
tableau.
*
.
* *
Notre essai a pris pour base le vocabulaire et, dans le
vocabulaire, les mots les plus employés, ce qui a le double
%
Nîl Le résultat de l’analyse est donné par le graphique I,
qui montre sur le premier axe (68,4 % de l’information du
s

%î|
tableau) une distinction très nette entre Jean et les Synop
tiques, ce qui n’est pas pour surprendre, et une grande
proximité des trois Synoptiques, ce qui n’est pas pour sur
tyés prendre non plus, vu les rapports étroits de dépendance
!|i|{ qu’ont ceux-ci entre eux.
1
d'un

fe)l Sur le second axe (17,9 % de l’information) apparaissent


seulement les différences entre Marc, Luc et Matthieu. Elles
ne sont pas considérables, ce qui s’explique, vu que Luc
et Matthieu paraphrasent Marc ; la proximité de Luc et
de Matthieu trahit aussi leur commune paraphrase de la
« Quelle ».
*
* *
Ce résultat étant encourageant, nous sommes passés à
la comparaison du vocabulaire de Jean, chapitre par cha
pitre, face au vocabulaire global des Synoptiques. Nous
avions alors un tableau de 70 lignes et de 24 colonnes (les
21 chapitres de Jean, Marc, Matthieu, Luc).
Sur le graphique II, on voit que l’axe 1 continue d’oppo
ser Jean aux Synoptiques ; mais les axes 1 et 2 montrent
une répartition des chapitres de Jean dans une sorte
d’ellipse. Le résultat, pour ce qui est du problème qui a
motivé cette étude, est frappant : le chapitre XXI vient se
placer à proximité du chapitre XX !
*
* *
L’examen de ce deuxième graphique, montrant à l’inté
rieur de l’ellipse contenant les chapitres de Jean une sorte
de bipolarisation nous a incités à continuer l’analyse, en la
limitant au vocabulaire du 4 e évangile, pour voir ce qu’elle
révélerait quant à l’homogénéité de ce texte. Nous avons dû
revoir la liste des mots, pour éliminer ceux qui étaient trop
peu employés par Jean (mots signalés par un astérisque
dans la liste précédente). Par contre nous y avons ajouté
les 7 mots suivants, employés au moins 36 fois par Jean :

Nous avions donc un tableau de 66 lignes et 21 colonnes.


On peut voir sur le graphique III, que les chapitres de
Jean s’inscrivent toujours dans une sorte d’ellipse, qui a
maintenant l’axe 1 comme axe principal. Deux groupes
apparaissent aux extrémités de cet axe : groupe des chapi
tres 14-15-16-(17) (discours) et groupe des chapitres 2-4-9-
11-16-19-20-21 (récits). Les autres chapitres occupent une
position médiane.
Curieusement le deuxième axe isole de façon très nette
le chapitre XVII. Cela s’explique par son genre littéraire
particulier (Prière adressée par Jésus à son Père), qui amène
l’emploi fréquent du pronom « Tu » (n° 64) et par le thème
particulier de la prière qui amène l’emploi répété du mot
« monde » (n° 38) dont le sens est spécial chez Jean, et du
verbe «donner» (n° 13).
Une autre analyse a été faite en attribuant à ces trois
mots pour le chapitre XVII, non le nombre réel de leurs
occurences, mais la valeur moyenne de ces occurences dans
les autres chapitres ; le chapitre XVII est alors ramené, sur
le graphique obtenu, dans le groupe des chapitres « dis
cours ».
Ce simple fait indique que, dans l’analyse de la fréquence
d’emploi des mots, le résultat dépend non seulement de
l’habitude de chaque auteur, mais aussi du genre littéraire
et du sujet traité. C’est parce que les évangiles sont, d’une
façon générale de même genre littéraire et de même thème,
que l’on est en droit d’attribuer principalement les variations
de fréquence aux habitudes des auteurs.
Br. de Solages J.-M. Vacherot

Notes complémentaires :

1°) L’analyse rapportée sur le graphique n° III indique


également que choisir les chapitres pour répartir les occu
rences des mots dans les colonnes du tableau, ne conduit
pas à la segmentation la plus pertinente du texte. En parti
culier le chapitre I, de nature composite (prologue, puis
récit) se situe dans une position isolée pour l’axe 2. Une
analyse faite sur un tableau qui isolait le Prologue, du récit
du début du ministère de Jésus, a montré une proximité
plus forte du Prologue avec le chapitre XVII, alors que le
récit du début du ministère, rejoignait le chapitre II.
D’autres analyses faites sur des tableaux résultant de
segmentations diverses ont montré l’intérêt de ces essais
pour une meilleure estimation de l’homogénéité du texte.
La comparaison d’essais multiples fait apparaître de grands
blocs homogènes, séparés par des zones plus disparates.
Mais pour aboutir à des conclusions plus nettes, d’autres
essais sont encore nécessaires.
2°) Dans les tableaux de données on a seulement relevé
des informations d’ordre lexical, portant sur les occurences
des mots, sans tenir compte du contexte immédiat. Il pourrait
être utile de prendre en considération certaines locutions
(par ex. : « Fils de l’Homme », « Fils de Dieu ») ou de regrou
per autour d’un verbe, les adjectifs et substantifs de la même
famille (ex. : « vivre », « vivant », « vie »).
En élargissant encore le champ, il serait sans doute
également intéressant de relever certaines informations sur
les habitudes syntaxiques des auteurs et sur les éléments
de syntaxe liées aux divers genres littéraires. Là aussi, de
nombreux essais seront nécessaires pour déterminer les
informations les plus pertinentes.
3°) Deux des fichiers, concernant le texte de Jean seul,
ont été soumis à un traitement de « classification automati
que » par les soins d’un collaborateur du Professeur Benzécri,
au laboratoire de statistique de l’Université Pierre et
Marie Curie (Paris IV). En suivant l’ordre des proximités
décroissantes, les données sont soumises à des dichotomies
successives. Les résultats sont en concordance avec ceux
des analyses factorielles. La première dichotomie sépare les
récits et les discours. Dans le groupe des discours la sépa
ration se fait ensuite entre le chapitre XVII et les autres
discours. Dans le groupe des récits il faut attendre plusieurs
subdivisions pour que le chapitre XXI soit classé dans un
groupe différent (mais cependant le plus proche) du groupe
des chapitres XVIII, XIX et XX. Le chapitre XXI est alors
situé entre les récits de la Passion (ch. XVIII-XIX) et le
récit du lavement des pieds et de la trahison de Judas
(ch. XIII, 1-30).

J.-M. Vacherot
NOTES ET CRITIQUES

L’Évangile de Thomas et les évangiles canoniques :


l’ordre des péricopes

Il y a peu, la presse a fait un certain bruit au sujet de


l’«évangile» de Thomas (1). On sait qu’il est constitué par
114 logia (soit 27 pages de l’édition Guillaumont et Cie de 1959).
De toute évidence ce texte est un texte « gnostique ». Il fait
en effet partie d’une bibliothèque « gnostique » et possède bien
les caractéristiques des écrits de ce genre. Par exemple il a
un caractère secret, débutant ainsi : « Voici les paroles secrètes
que Jésus le Vivant a dites et qu’a écrites Didyme Jude Thomas ».
(Cf. nos 1, 2, 13). On y retrouve les thèmes de la connaissance
(nos 3, 67, 111) ; celui de la lumière (nos 11, 24, 50, 61, 77, 83) ;
celui de l’unité (nos 4, 11, 16, 22, 23, 49, 75, 106, cf. 48) ; le thème :
corps et âme (nos 29, 87, 112) et le thème: femme-mâle (n08 15,
22, 114).
Mais on y trouve aussi des logia parallèles à des péricopes
des évangiles canoniques. C’est le rapport avec ces évangiles
qui fait problème.
La première idée qui vient à l’esprit, est que, comme à
l’ordinaire dans les évangiles apocryphes, celui de Thomas para
phraserait ou gloserait pour une part les évangiles canoniques.
Mais cette solution se heurte à des difficultés.
On est d’abord gêné pour une comparaison mot à mot des
textes (comme dans les Synopses) par le fait que nous n’avons
l’évangile de Thomas que dans une traduction copte de l’original
grec. Cela enlève sa précision aux comparaisons. On possède bien
le texte grec de certains logia (nos 6, 26, 36, 39) dans les papyrus
d’Oxyrhynche, mais peu nombreux et trop brefs pour une com
paraison qui donnerait des résultats significatifs.

(1) Vers 1945, à Khenoboskion, près de Nag-Hamadi, à quelques 100 kms


au nord de Louxor, on a trouvé 13 codex (écrits en copte sahidique) dans
une urne. L’évangile de Thomas est le second des 7 textes du codex 3.
Ce codex est de la fin du ive siècle ou du début du ve siècle, mais le texte
doit être du milieu du ne siècle.
(2) Cf. Mgr de Solages, La composition des évangiles, chap. I, pp. 11-19,
ÉVANGILE DE THOMAS

Parallélisme entre Thomas et les passages propres


à Luc

Ce qui fait 5 + 0 + 3 = 8

Parallélisme entre Thomas et les passages propres


à Matthieu

Ce qui fait 1+0 + 2 = 3


Au vu des résultats de cette comparaison, qui manifeste une
prépondérance très nette du nombre des péricopes parallèles
entre l’évangile de Thomas et la Quelle, une idée vient naturelle
ment à l’esprit : la clef du problème soit se trouver dans la
comparaison de l’ordre des péricopes entre l’évangile de Thomas
et la Quelle. Nous ne possédons pas la Quelle, mais son utilisa
tion par Luc et par Matthieu. En rangeant les péricopes paral
lèles successivement dans l’ordre de Luc, de Thomas et de
Matthieu, et en unissant des traits transversaux les péricopes
qui se correspondent, on obtient le tableau suivant :

Luc Thomas Matthieu


C’est une déception : l’ordre des péricopes dans l’évangile de
Thomas est tout différent de celui de la Quelle, que ce soit en
Luc ou en Matthieu.

Si l’on passe à la comparaison de l’ordre des péricopes dans


l’évangile de Thomas et dans celui de Marc, on constate un
désordre semblable (3).

Ce résultat négatif ne prouve pas absolument que l’évangile


de Thomas n’ait pas utilisé la Quelle, mais alors il aurait brouillé
l’ordre des péricopes. Or on ne voit pas pourquoi : dans la com
paraison faite de l’ordre de la Quelle en Luc et en Matthieu
(Composition, chap. I, pp. 19-26), on a constaté qu’un certain
nombre de péricopes étaient dans un ordre différent. Il est

(3) Les péricopes parallèles entre l'évangile de Thomas et les passages


propres à Luc ou à Matthieu sont trop peu nombreux pour donner des
résultats significatifs.
Chronique origénienne

Editions et traductions
1.

Origène, Homélies sur Jérémie, traduction par Pierre


Husson et Pierre Nautin, édition, introduction et notes par
P. Nautin, Tome II (Homélies XII-XX et Homélies Latines)
(Sources Chrétiennes n° 238), Paris, Les Éditions du Cerf,
1977. — Un volume de 458 pages.

L’édition des Homélies sur Jérémie par P. Nautin et P. Husson


a déjà été présentée avec la recension du premier volume (79,
1978, 145-146). Le second ici recensé contient les homélies 12
à 20, conservées en grec comme celles que contient le premier
volume, deux homélies traduites en latin par saint Jérôme — ce
dernier en a traduit quatorze, mais nous possédons le texte grec
de douze d’entre elles — et deux fragments d’homélies qui se
trouvent dans la Philocalie d’Origène. Le volume se termine par
un index scripturaire et un index des mots grecs.
Ces homélies, assez longues, mais faciles à lire, traduites
par les deux traducteurs dans une langue agréable, touchent des
sujets divers : avant tout la pénitence et la miséricorde, le châti
ment miséricordieux. On peut y remarquer bien des développe
ments originaux : ainsi l’idée, qui se retrouvera dans la conception
de la « durée » bergsonienne, que nos actes restent en quelque
façon inscrits sur notre être psychologique et spirituel ; l’expli
cation de la plainte de Jérémie « Tu m’as trompé, Seigneur ! » ;
l'exégèse de Jérémie pénétrant dans la maison du potier ; les
caractéristiques du feu spirituel. Des notes assez succinctes don
nent les explications nécessaires.

Origène, La prière, Introduction, traduction et orientation


par A. G. Hamman (Collection «Nos Pères dans la foi»),
Paris, Desclée de Brouwer, 1977. — Un volume de 143 pages.

Le traité De la Prière a été rédigé par Origène au début de


son séjour à Césarée à la demande de son mécène Ambroise
et d’une chrétienne nommée Tatienne. Outre une explication du
Notre Père il contient la réponse d’Origène aux objections faites,
aujourd’hui encore, à la prière, et des conseils précieux pour
connaître les habitudes des chrétiens de son époque. De cette
œuvre majeure de l’Église primitive le P. Hamman donne une
traduction large, ce qui est compréhensible, étant donné son but.
Il reproduit le livre entier, sauf le passage très technique de
27,8 sur Yousia : cette omission, tout à fait justifiée par le propos
du traducteur, aurait dû cependant être signalée en note.
Je serais plus sévère pour certaines des notes mises au bas
des pages qui ne peuvent que perpétuer des malentendus pres
que indéracinables. Aucun texte d’Origène n’a occasionné plus
de littérature que 28,8-10 sur la pénitence et de nombreuses
études, dont la dernière est le long article publié en français par
Karl Rahner dans les Recherches de Science Religieuse en 1950,
ont montré que ce passage ne pouvait en aucune façon être
rapproché, malgré la note 23 de la page 101, des protestations
de Tertullien et de l’auteur de VElenchos contre le soi-disant
« Édit de Calliste ». Il ne s’agit pas là de péchés irrémissibles
— ce serait contraire à toute la doctrine d’Origène et le mot
qui est ici traduit par ce terme signifie en réalité inguérissable —,
mais de péchés que les évêques visés ont prétendu remettre par
leur propre prière, d’une rémission gracieuse, alors qu’ils devaient
les soumettre à la pénitence publique. L’importance de la litté
rature sur ce sujet est telle et ses arguments sont si forts qu’il
n’est plus possible d’en rester sur ce point à l’ancienne opinion
de Dôllinger et de Harnack. Quant à la note 27 de la page 109,
le passage en question ne parle pas de métempsychose et, pour
prêter à Origène cette doctrine il faut faire confiance à Jérôme
contre les allégations d’Origène lui-même dans ses commentaires
conservés en grec, car elles traitent la métempsychose de stupi
dité et l’affirment contraire à la doctrine de l’Église.

2. ÉTUDES

Lothar Lies, Wort und Eucharistie bei Origenes :


Zur Spiritualisierungstendenz des Eucharistieverstândnisses
(Innsbrucker theologische Studien n° 1), Innsbruck/Vienne/
Munich, Tyrolia-Verlag, 1978. — Un volume de 363 pages.

Les études de la doctrine origénienne de l’Eucharistie sont


nombreuses : on peut voir à ce sujet ma Bibliographie critique
d’Origène, dans l’index alphabétique des matières, p. 634. Mais
aucune n’avait encore traité la question aussi complètement et
aussi profondément que le fait dans ce volume L. Lies. Il
compare fréquemment la doctrine d’Origène à celle de ses pré
décesseurs, la Didachè, Clément de Rome, Ignace d’Antioche,
Justin, Irénée, Clément d’Alexandrie et même à celle du théolo
gien juif Philon, grand inspirateur d’Origène, qui n’entend pas
évidemment l’eucharistie dans le sens sacramentel du Christia-
ar
't. nisme, mais qui donne cependant une grande place à la forme
<j de prière que ce mot implique, l’action de grâces, comme l’a
dêj montré récemment J. Laporte, étudiant La doctrine eucharistique
chez Philon d'Alexandrie (Paris 1972). En outre il l’apprécie
constamment dans la perspective des discussions actuelles.
La première partie est une étude conceptuelle du mot avec
s les divers éléments qu’il exprime : eulogie (bénédiction), anam-
nèse (mémorial), prière, sanctification, sacrifice, nourriture, ainsi
®
que son rapport avec la parole et la tension entre le symbole
4 et la réalité symbolisée. La seconde partie considère l’aspect
sacrificiel chez Origène comparé à ses prédécesseurs et la spiri-
:
tualisation par Origène des textes eucharistiques quand il les
applique de façon analogique, et la troisième partie l’Eucharistie
comme présence du Logos et comme eulogie ou bénédiction.
Comme cela a été dit plus haut, jamais cette question n’a été
traitée de façon si complète, par le nombre des textes étudiés
et des thèmes envisagés : on n’y trouve pas cependant celui des
nourritures spirituelles, selon lequel le Christ se fait selon la
capacité de l’auditeur toute sorte de nourriture, herbe pour l’âme
encore animale, lait pour l’enfantine, légumes pour la malade,
chairs de l’Agneau ou pain descendu du ciel pour celle qui est
spirituellement adulte, bien que ce thème soit en relation étroite
avec l’Eucharistie. Est-ce à dire que nous soyons d’accord avec
toute la partie critique de l’ouvrage, c’est-à-dire avec tous les
jugements portés, d’un point de vue qui est celui de la théologie
actuelle, sur la tendance spiritualisante de la doctrine origénienne
de l’eucharistie ? Nous voudrions faire à ce sujet quelques
remarques.
1) L. Lies trouve constamment chez Origène toute une gamme
— on pourrait dire un feu d’artifice — de conceptions qui vont
de la « présence réelle » la plus traditionnelle à des textes qui
expriment une « présence verbale » — le Verbe est présent dans
l’Eucharistie par la parole prononcée sur elle —, d’autres une
« présence en acte », si je comprends bien l’expression Aktual-
prasenz. A côté de cela il découvre une autre série de textes
où l’Eucharistie est allégorisée, sans qu’Origène s’arrête au sens
sacramentel : c’est en cela que consiste la « tendance spirituali
sante ». Cette diversité extrême est bien dans la manière d’Ori-
gène qui n’est pas un homme de « définitions dogmatiques »,
mais qui explore avec sa méthode allégorique et son intuition
de mystique tout un arc-en-ciel de significations qui pour lui
sont toutes présentes, d’une certaine façon, dans la réalité qu’il
considère. Peut-on dire qu’il déprécie alors, la sacramentalité,
même si dans bien des textes il n’est plus question du pain et
du vin matériels ? Il faudrait considérer, pour dire cela, ces
diverses interprétations comme séparées les unes des autres,
alors qu’au contraire elles sont plus ou moins présentes toutes a»
,
ensemble et enrichissent alors considérablement la signification
sacramentelle de l’Eucharistie. Je pense en effet que la concep
tion origénienne de l’Eucharistie ne peut être jugée que comme
un tout.
2) Il faudrait s’entendre sur ce qui constitue, bien qu’il n’y
ait pas de terme pour l’exprimer, le sacramentalisme d’Origène.
L. Lies le juge à partir de sa propre conception du sacrement,
qu’il ne précise d’ailleurs pas beaucoup, et non d’après celle
de l’auteur étudié. Dans Origène et la « connaissance mystique »
j’ai analysé, à travers nombre de textes qui paraîtraient facile
ment contradictoires à celui qui y regarde un peu vite, car
Origène souligne les aspects divers et souvent antithétiques de
la réalité, les rapports de l’Ancien Testament, du Nouveau Tes
tament actuellement vécu (1’« Évangile temporel»), du Nouveau
Testament tel qu’il sera vécu dans la béatitude (1’ « Évangile
éternel ») sous le rapport de la distinction image/modèle ou
symbole/mystère, pour conclure que l’Évangile temporel est iden
tique à l’Évangile éternel par sa réalité (pragma) ou sa substance
(hypostasis), en d’autres termes son être même, et différent
selon Yépinoia, une façon humaine de voir les choses, à cause
de la dimension symbolique, « à travers un miroir, en énigme »,
que garde toujours la vie chrétienne ici-bas. Je pense que ce
schème aurait permis à L. Lies d’intégrer davantage en un ensem
ble la conception origénienne de l’Eucharistie, comme d’ailleurs
celle de la Christologie, qu’il englobe dans la même critique. La
réalité concrète de l’Eucharistie est à la fois symbole et mystère,
et par ailleurs symbole à des niveaux variés : en tant que pain
et vin, que corps et sang du Christ, et mystère en tant que
présence du Logos et dans cette dimension-là entrent toutes les
interprétations dites spiritualisantes. Pareillement le Christ est
pour Origène symbole en tant qu’homme Jésus, mystère en tant
que Logos et je ne vois pas comment on peut parler paradoxale
ment à ce sujet de monophysisme. Origène a été plus souvent
traité de nestorien avant la lettre à cause de sa théologie de
l’âme du Christ, malgré la doctrine de la communication des
idiomes, dont il est un des premiers théologiens, et ces jugements
contradictoires se neutralisent.
3) L. Lies oppose la tendance spiritualisante que manifestent
certaines interprétations à la conception « traditionnelle », repré
sentée elle aussi chez Origène, qu’il trouve chez ses prédéces
seurs du n e siècle. On pourrait élargir encore dans le passé cette
notion de « tradition » et l’étendre au Nouveau Testament qui
n’est pas étudié en tant que tel dans son livre. Car les inter
prétations « spiritualisantes » de l’Eucharistie n’y manquent pas,
ne serait-ce que le long discours sur le Pain de Vie de Jean 6,
où Jésus se désigne lui-même, après le récit de la multiplication
des pains, comme le vrai pain : ce Jésus de Jean, c’est le Verbe,
la Parole, incarnée dans un homme. Il n’est pas sûr que de
telles conceptions spiritualisantes, désignant aussi par le pain
la parole qu’est Jésus et que répand Jésus, et non directement
ï: l’Eucharistie sacramentelle, ne se cachent pas derrière les récits
lu; de multiplications des pains chez les Synoptiques. Dans ce cas
® les interprétations « spiritualisantes » d’Origène, si on ne les
tip sépare pas de ce qui constitue sa notion globale de l’Eucharistie,
sont aussi traditionnelles que celles qui insistent sur la présence
réelle dans le pain et le vin. On peut se demander d’ailleurs
si cette tendance spiritualisante ne montre pas Origène plus
johannique que platonicien : platonicien, il l’est par les expres-
«
sions et les schèmes qu’il emprunte à Platon, mais sa profondeur
mystique, c’est surtout de Jean qu’il la tient.
4) Dans quelle mesure peut-on dire que Platon lui-même
déprécie le sensible en le présentant comme symbole? Si le sen
sible est le reflet des idées, s’il tire de sa participation à elles
son existence et son intelligibilité, il n’est certes pas l’absolu,
mais il n’est pas non plus une apparence et il exprime par son
symbolisme même — entendu comme le fait le platonisme, non
comme le fait le rationalisme moderne — une participation
d’ordre existentiel à son modèle que sont les idées, participation
qui ne le rend pas si indigne d’exprimer le sacramentalisme
chrétien. La doctrine scolastique du sacramentum et res provient
davantage de Platon que de l’aristotélisme : en termes platoni
ciens elle s’exprimerait par symbolon (le sensible) et pragma
(les idées, puis le « mystère » eschatologique chrétien).
Ces remarques n’affectent pas l’authenticité de l’exposé que
L. Lies fait de la doctrine sacramentelle d’Origène, mais sa criti
que qui me semble inspirée d’une théologie sacramentaire peut-
être un peu étroite dans son insistance sur le matériel, et aussi,
dans une certaine mesure, du manque d’une vue d’ensemble sur
la conception origénienne du sacrement. On regrette qu’il n’y ait
pas à la fin du livre un index des nombreux textes d’Origène
étudiés, car cela aiderait considérablement ceux qui, je l’espère,
se serviront de ce livre dans leurs études. Mais tel qu’il est cet
ouvrage donne à l’auteur droit à notre reconnaissance.

Théo Schafer, Das Priester-Bild im Leben und Werk des


Origenes (Regensburger Studien zur Théologie Bd 9), Franc
fort/Berne/Las Vegas, Peter Lang, 1977.— Un volume de
253 pages.

Ces dernières années ont vu plusieurs livres consacrés à


l’ecclésiologie d’Origène. En 1969 J. Chênevert a étudié UÊglise
; la liste des œuvres d’Origène conservée par la Lettre 33 de
«té Jérôme à Paula et qui proviendrait de la Vie de Pamphile par
Eusèbe et ce que dit des œuvres d’Origène l’Histoire Ecclésiasti-
%
lit] que. Certains de ses écrits sont alors étudiés de près : les trois
Commentaires du Psautier, les Stromates, les Hexaples. Enfin
mi l’auteur essaie d’établir à partir de la lecture faite précédemment
des sources de la vie d’Origène une chronologie de sa vie et
i;;j de ses œuvres et d’esquisser une biographie.
Les sentiments éprouvés à la lecture de cet ouvrage sont
!:rt mêlés. D’une part on admire une très grande érudition et une
critique aiguë. D’autre part on regrette que cette critique semble
parfois devenir une hypercritique qu’on craint artificielle avec
nombre de suppositions dont on souhaiterait qu’elles soient
affirmées d’une manière moins absolue et plus hypothétique. On
admire, certes, une ingéniosité extrême pour agencer les unes
dans les autres les pièces du puzzle qui vient des sources, mais
en même temps on éprouve un certain scepticisme devant des
résultats sans bavures. Un autre point aussi m’inquiète. Dès la
I préface il est écrit : « J’ai voulu éviter toute polémique. En règle
générale donc, je m’abstiens de réfuter ce que d’autres ont dit ».
De fait on ne trouve guère sur la plupart des points traités
d’allusion aux livres et aux articles déjà écrits sur le sujet.
P. Nautin fait comme s’il était le premier à en parler. Cette
manière de procéder constitue, certes, une économie drastique des
énergies de l’écrivain, mais enlève, à mon avis, au travail histo
rique quelque chose d’essentiel, le dialogue avec d’autres histo
riens, qui permet non seulement de critiquer ce qu’ils ont dit,
mais aussi de se critiquer soi-même à la lumière de ce qu’ils
disent. Pour ce qui me concerne j’ai personnellement traité un
certain nombre de points qui sont l’objet des études de P. Nautin,
et assez souvent dans un sens différent : aucun compte n’en est
tenu, ne serait-ce que pour les réfuter, et les arguments avancés
ne sont pas pris en considération, au moins habituellement et
directement. Aussi je me permets de donner la liste des articles
en question où l’on trouvera d’autres positions que celles qui
sont développées dans ce livre :

Origène s’est-il retiré en Cappadoce pendant la persécu


tion de Maximin le Thrace ? BLE 64 (1963) 195-203 : à propos
de l’information de Pallade concernant le séjour d’Origène
chez Julienne (dans ce livre p. 219).
A letter from Origen ' to friends in Alexandria Dans :
The Héritage of the Early Church, Essays in honor of G. V.
Florovsky, Orientalia Christiana Analecta 195, Rome 1973,
135-150: La «Lettre à des amis d’Alexandrie», voir dans
ce livre p. 161.
Les critiques adressées ixir Méthode et ses contempo
rains à la doctrine origénienne du corps ressuscité, Grego-
rianum 53. 1972, 679-716 : à propos des « tuniques de peau ».
dans ce livre p. 205, et du commentaire du Ps 1. 5, dans
ce livre p. 268. Sur le sens des « tuniques de peau » voir
M. Simonetti, Alcune osservazioni sulVinterpretazione ori-
geniana di Genesi 2, 7 e 3, 21, Aevutn 36, 1962, 370-381.
Le Christianisme de l'empereur Philippe l'Arabe. Grego-
riamun, 56, 1975, 550 : dans ce livre p. 91, 172, 435.
Les personnes de la Trinité sont-elles de puissance inégale
selon Origène, Péri Archon I, 3, 5-8? Gregorianum 57, 1976,
109-125 : dans ce livre p. 150.

Toute une biliographie pourrait être citée, car il s’agit de


points sur lesquels on a beaucoup écrit et où il y a eu beaucoup
de controverses.
Il est en outre une affirmation importante qui revient ù
plusieurs reprises dans le livre: c’est îî tort, selon P. Nautin.
qu’on a fait de Grégoire le Thaumaturge, évêque de Néocésarée
du Pont, un ancien élève d’Origène qui serait ù la fois l’auteur
du Remerciement à Origène et le destinataire de la Lettre Cl
Grégoire. En fait l’auteur du discours et le Grégoire de la lettre
seraient deux personnages distincts et aucun des deux n’aurait
quelque chose à voir avec Grégoire le Thaumaturge. Ayant édité,
il y a quelques années, dans Sources Chrétiennes ces deux textes
sous le nom du Thaumaturge, je ferai dans un article qui paraîtra
dans Gregorianum prochainement une étude critique des argu
ments de P. Nautin et j’y renvoie le lecteur.
A propos du chapitre qui étudie les listes d’œuvres d’Origène
et donne un panorama dans l’ensemble très complet des ouvrages
composés par le théologien et de ce qui en reste, deux petites
lacune sont à signaler, bien excusables quand il s’agit de brasser
une telle quantité de faits. Dans la préface de son Commentaire
sur Matthieu (Sources Chrétiennes 242, p. 68) Jérôme signale
avoir lu d’Origène le commentaire en 25 tomes, 25 homélies et
« commaticum(que) interpretationis genus », ce que le traducteur
rend par « et une sorte de commentaire verset par verset ».
P. Nautin renvoie à ce texte de Jérôme ù propos des 25 tomes
(p. 242) et des 25 homélies (p. 253), mais ne mentionne pas ce
troisième ouvrage. A propos du Commentaire sur la Genèse
(p. 245) le long fragment cité par Philocalie 23 aurait pu être
mentionné plus explicitement.
Il y aurait, certes, bien d’autres choses à dire, par exemple
à propos de la conception que P. Nautin donne des Uexaples,
mais je laisse pour cela la parole à plus savants que moi.
Cet ouvrage rendra, certes, beaucoup de services, mais pour
jre4
cela le lecteur aura besoin d’un sens critique toujours en éveil
H et de confrontations avec d’autres opinions pour ne pas présenter
'kîjl
comme des données sûres ce qui reste encore hypothétique.
«

Masséo Caloz, Étude sur la LXX origénienne du Psautier


faj (Orbis Biblicus et Orientalis 19), Fribourg/Suisse, Éditions
Universitaires et Gôttingen, Vandenhoek et Ruprecht, 1978. —

|| Un volume de 480 pages.

Cette étude, entreprise sous la direction du P. Dominique


Barthélémy, professeur à l’Université de Fribourg et spécialiste
du texte grec des deux Testaments, est un essai laborieux pour
reconstituer, dans la mesure du possible, quelques éléments du
texte de la Septante, tel qu’Origène l’avait établi dans ses
Hexaples. L’ensemble du livre est formé de comparaisons minu-
nt. tieuses de textes. D’abord parmi les Fragments du Psautier
té hexaplaire édités en 1958 par le Cardinal G. Mercati la colonne
sé consacrée à la Septante est comparée au texte du Vaticanus et
ittu du Sinaiticus, les deux plus anciens manuscrits grecs de l’Ancien
rcc
Testament, datant du ive siècle, et aux autres colonnes des frag-
é ments Mercati contenant les autres versions grecques, Aquila,
Symmaque, Thédotion et la Quinta. La seconde partie du livre,
d$ la plus importante, étudie les leçons hexaplaires conservées par
jtf>
le Commentaire des Psaumes d’Eusèbe de Césarée (Coislin 44)
iln en les comparant au texte hébreu massorétique et à celui du
Psautier Gallican qui remonte à Jérôme. A la fin du livre
M. Caloz tire des conclusions sur la valeur du Commentaire
d’Eusèbe pour la connaissance du Psautier hexaplaire de la
Septante et sur le texte de la Septante qu’a utilisé Ôrigène pour
la confection de ses Hexaples: enfin il reprend le problème tant
de fois discuté des Hexaples ét des Tétraples en passant
en
revue les témoignages souvent cités d’Origène lui-même, d’Eu
sèbe, de Rufin, d’Épiphane et des scolies du manuscrit 1175
qu’il étudie une à une. P. Nautin, dans le livre qui vient d’être
recensé, parle aussi du problème Hexaples-Tétraples et ce qu’en
disent les deux auteurs mériterait d’être confronté.
Espérons que cette étude minutieuse prélude à
une nouvelle
édition des fragments hexaplaires, car personne ne serait plus
qualifié pour la faire que le P. Barthélémy. Depuis la dernière
édition, celle de Field à la fin du xixe siècle, bien des fragments
ont été découverts, notamment par le Cardinal Mercati, et il
serait utile de les réunir à nouveau.
Il aurait été souhaitable que l’auteur de
ce livre ait mis en
tête de l’ouvrage une liste complète des abréviations
qu’il emploie
et ait donné au même endroit des indications plus claires sur
les manuscrits et ouvrages qu’il étudie. Le lecteur est constam
ment embarrassé par le manque de telles informations, qui,
lorsqu’elles sont données, sont dispersées tout le long du livre,
au lieu d’être concentrées à un endroit où l’on pourrait se reporter
facilement.

Wemer Lôser, Im Geiste des Origenes : Hans Urs von


Balthasar als Interpret der Théologie der Kirchenvdter
(Frankfurter Theologische Studien, 23 Bd), Francfort sur le
Main, Josef Knecht, 1976. — Un volume de XIII + 270 pages.

Le but de cet ouvrage est d’examiner les écrits patristiques


de Hans Urs von Balthasar : ils tiennent dans l’ensemble de son
oeuvre une place considérable et la déterminent toute entière,
en ce sens que ce qu’elle a de créateur n’est pas séparable de
son fondement traditionnel.
Ce livre est composé de trois parties de longueurs très diver
ses. La première (57 pages) tente de préciser la méthode suivie
par Balthasar dans l’étude des Pères à. partir des principes philo
sophiques et théologiques de sa pensée. Ce n’est pas la méthode
d’un pur historien, mais elle est caractérisée par W. Lôser comme
une «phénoménologie théologique», notamment dans la percep
tion d’une image d’ensemble de chacun des Pères étudiés, consi
dérés dans leur pensée théologique. Les principes exposés sont
surtout le caractère positif que conserve l’être fini, la distinction
réelle de l’essence et de l’existence, la temporalité de l’être fini
et l’analogie de l’être.
La seconde partie, la plus longue (pp. 59-233) est consacrée
aux écrivains ecclésiastiques des premiers siècles qui ont été
l’objet d’une étude approfondie de Balthasar : trois Apologètes
du ii e siècle, Théophile d’Antioche, Athénagore d’Athènes, l’écrit
à Diognète ; puis Irénée de Lyon, suivi d’un excursus sur Plotin,
à cause de l’influence exercée par ce philosophe sur les Cappa-
dociens et Augustin ; suivent Origène, Grégoire de Nysse, Évagre
le Pontique, Basile et ses règles monastiques, Augustin, Benoît,
le Pseudo-Denys, Jean de Scythopolis à qui Balthazar a restitué
les scolies sur le Pseudo-Denys attribuées à Maxime le Confes
seur ; enfin Maxime le Confesseur lui-même et, en plein Moyen
Age, Jean Scot Ériugène. W. Lôser étudie l’œuvre de Balthazar
sur chacun de ses auteurs, montre comment elle a été reçue,
acceptée, contredite, corrigée ou complétée. A la fin de cette
seconde partie sont développés plusieurs des jugements de Bal
thazar sur l’époque patristique : la tension de la théologie patris-
tique entre le spiritualisme et le symbolisme ; les rapports qu’elle
entretient avec la culture grecque antique, davantage avec la
S Si: philosophie qu'avec la tragédie; enfin les relations de la patris-
tique grecque avec la patristique latine, la scolastique et la
üftr théologie moderne.
La troisième partie, beaucoup plus codrte (pp. 235-254)
Ms montre comment la théologie de Balthasar prolonge celle des

Pères sur deux points : la christologie par l’accent mis sur la


« théologie du samedi saint » et la descente aux enfers ; la vie
chrétienne en ce qui concerne le rapport action-contemplation.
VOIS
Il est parlé d’Origène, dont il est question dans le titre, et
ur|e d’origénisme, à propos d’Origène lui-même, de Grégoire de Nysse,
îjj:
d’Évagre, du Pseudo-Denys, de Maxime le Confesseur. W. Lôser
étudie les deux écrits de Balthasar à son sujet, Le Mystérion
m cVOrigène réédité en Parole et Mystère chez Origène et
le
recueil de textes Geist und Feuer. Il souligne l’effort fait pour
réhabiliter le théologien alexandrin, montrer son importance dans
l’histoire de la théologie, dégager sa doctrine du Logos et son
symbolisme. Évagre le Pontique a systématisé Origène, devenant
ainsi le père de l’origénisme. En effet chez Origène deux ten
dances se manifestent : un spiritualisme de tendance gnostique
et un symbolisme liturgico-sacramentel. Évagre ne conserve que
le premier : « Origène est une cathédrale pleine de perspectives,
de tours, de figures, de colonnes, de percées... Sous le regard
...
du moine du désert le riche bâtiment se réduit à une seule
silhouette... Il est plus origéniste qu’Origène... » (p. 120). On ne
saurait mieux caractériser le rapport d’Origène avec l’origénisme
qui commence avec Évagre supprimant la tension intérieure de
la doctrine et la réduisant à une seule tendance, la rendant par
le fait même hérétique. Au contraire la tendance symboliste sera
développée par le Pseudo-Denys. Maxime subira l’influence à la
fois d’Origène et de l’origénisme et sera en discussion avec l’un
et avec l’autre. A cause de ses deux tendances, vers le spiritua
lisme et vers le symbolisme, l’œuvre d’Origène est la « clef »
de la théologie patristique grecque : cela permet de comprendre
pourquoi W. Lbser a intitulé son étude « Dans l’esprit d’Origène ».
Cet ouvrage présente donc rassemblé en un seul volume et
situé dans l’ensemble de sa pensée, l’essentiel de l’œuvre patris
tique d’un des plus grands théologiens de notre temps.

Joseph C. McLelland, God the Anonymous : A study in


Alexandrian Philosophical Theology (Patristic Monograph
Sériés, n° 4), Cambridge (Mass.), The Philadelphia Patristic
Foundation, 1976.— Un volume de IX 4- 209 pages.

Ce livre qui se lit avec beaucoup d’intérêt et manifeste une


considérable érudition traite de l’ineffabilité (l’innommabilité) de
Dieu dans la tradition alexandrine qu’il prolonge jusque dans
les temps modernes. Le premier chapitre signale — comme
H. U. von Balthasar d’après le livre de W. Lôser examiné plus
haut — deux orientations dans l’hellénisme primitif, celle de la
tragédie et du mystère d’une part, et de l’autre le « rationalisme
optimiste» de Platon que suivront les Alexandrins à travers le
Moyen Platonisme. Le second chapitre est consacré à Philon, le
troisième à Clément, le quatrième à Origène: centrés sur l’idée
de l’ineffabilité divine et du Dieu abstrait qu’elle engendre, ils
touchent aux problèmes qui en dépendent, le Christ, son incar
nation et sa passion, l’allégorie, la vie spirituelle avec le thème
de l’image et de la ressemblance. Le dernier chapitre prolonge
dans l’antiquité chrétienne et le Moyen Age les conséquences
de cette position et esquisse les problèmes qu’elle pose à la
théologie moderne qui est souvent en réaction contre elle.
Le chapitre sur Origène est intéressant en dépit de quelques
inexactitudes ou manques de perspectives. Ce que l’auteur appelle
l’ambiguité d’Origène correspond à ce que je nommerais sa
structure antithétique ou ses tensions internes, que manifestent
aussi le livre de W. Lôser à propos de Balthasar et celui de
L. Lies au sujet de l’Eucharistie. D’autre part la dichotomie du
corporel et de l’incorporel ne peut être considérée, pas plus que
chez Platon d’ailleurs, comme un dualisme au sens strict, puis
qu’il y a entre eux une relation exemplariste, le sensible étant
l’image de l’intelligible, alors que l’image ou symbole exprime
une relation existentielle avec son modèle. Il n’est pas normal
de désigner le spirituel ou le parfait origénien du terme
de « gnostique », car Origène l’évite résolument, par réaction
consciente contre Clément qui l’utilise continuellement. L’anthro
pologie trichotomique d’Origène ne se compose pas de «body.
unreasoning soûl and reasoning soûl », car il y a là une confu
sion de deux termes qu’il faut distinguer soigneusement nous
et pneuma: l’âme comprend le nous, l’âme raisonnable, comme
sa partie la plus haute et le pneuma désigne unei réalité tout
autre que le nous, un don divin, entraîneur du nous dans la
prière, la contemplation et la vertu, qui représente certains
aspects de la notion de grâce sanctifiante. L’auteur aurait pu
trouver ces précisions dans ma Théologie de Vimage de Dieu
chez Origène qu’il cite dans sa bibliographie (pp. 156-160). On
ne peut guère prendre au sérieux l’affirmation de saint Jérôme
sur la recrucifixion du Christ au ciel qu’aurait tenue Origène
dans Péri Archon IV, 3, 13 : Jérôme dans la Lettre à Avitus § 12
précise lui-même qu’Origène ne le dit pas («et licet ille non
dixerit ») mais il prétend que c’est cela qu’il veut dire. Or
Origène dans le Commentaire sur Jean I, 35, 255, contemporain
du Péri Archon, présente le sacrifice du Christ comme fait une
i seule fois (hapax), mais Jérôme ne comprend pas ses affirmations
sur les effets qu’il a eus sur le ciel comme sur la terre.
! N
m

Ugo Bianchi, Prometeo, Orfeo, Adamo : Tematiche reli-


giose sul destino, il male, la salvezza, Rome, Edizioni dell’
Ateneo e Bizarri, 1976.— Un volume de VIII + 300 pages.
lüd

Ce vo’ume reprend plusieurs articles publiés séparément par


m l’auteur et concernant l’histoire des religions. A travers les civi
lisations orientales, mais surtout à travers l’hellénisme avec
Platon et ses descendants païens ou chrétiens, le gnosticisme et
d’autres pensées religieuses U. Bianchi recherche ce qui concerne
à li le mal, la destinée, le salut et en particulier, dans l’orphisme,
le platonisme et le néoplatonisme le mythe de la chute des
âmes.
Il n’est pas de ma compétence de porter un jugement sur
l’ensemble de cet ouvrage et je m’en tiendrai à deux remarques.
; sa
La première concerne la définition, à mon avis trop large, donnée
au mot « dualisme » (p. 16, 39, etc.). Si on ne restreint pas ce
sien!

i de

mot à une doctrine qui professe deux principes irréductibles l’un


à l’autre, il pourra alors s’appliquer à tout ce qui n’est pas un
monisme absolu et il perd toute signification véritable si on lui
fait désigner tous les systèmes de pensée où se trouve une
opposition entre deux réalités. On pourra alors traiter le chris
tianisme le plus orthodoxe de dualisme parce que l’histoire du
salut est déterminée d’une part par la grâce divine, à travers le
Christ, de l’autre par le libre arbitre de l’homme, alors que ce
dernier est créé par ce Dieu même dont procède la grâce et qui
engendre le Christ. En ce sens je serai de l’avis de Langerbeck
critiqué par U. Bianchi pp. 153-154 : ainsi étendu le dualisme
devient un pseudo-concept. Et s’il faut prendre ce mot au sens
Ife' strict je ne vois pas alors comment on pourrait l’attribuer à
0 Platon lui-même.
La seconde remarque concerne les quelques pages (180-187)
qui s’occupent d’Origène. Il ne peut être traité de dualiste car
il ne connaît qu’un seul principe au sens strict, le Dieu-Père.
Les hypothèses de la préexistence des âmes et de la chute pré
cosmique ne devraient pas suffire à le faire considérer comme
dualiste par U. Bianchi lui-même, car c’est une conception d’ori
gine essentiellement éthique : c’est le mauvais propos des intelli
gences préexistantes qui serait à l’origine de la chute. En effet
p. 105 Bianchi refuse pour cette raison de traiter de dualiste
la doctrine qûmranienne des deux esprits. Il faudrait ajouter
qu’avant de faire intervenir Origène dans cette histoire on
devrait, par une étude non seulement du Traité des Principes,
examiné critiquement et non dans tous les textes que Koetschau
y a insérés sans raison suffisante, mais de toute l’œuvre, déter
miner la portée réelle et l’origine, qui est loin d’être uniquement
platonicienne, des doctrines de la préexistence et de l’apoca-
tastase.

3. Influence d’Origène
Didyme I’Aveugle, Sur la Genèse, texte inédit d’après un
papyrus de Toura, Introduction, édition, traduction et notes
par Pierre Nautin, avec la collaboration de Louis Doutre-
leau, tome II (Sources Chrétiennes n° 244), Paris, Les Édi
tions du Cerf, 1978.— Un volume de 350 pages.

Le premier tome de ce Commentaire sur la Genèse, commen


tant le livre saint jusqu’à 4, 26, a été recensé par la précédente
Chronique Origénienne (79, 1978, 152-153). Ce second tome
explique le texte jusqu’à 17,6 : il comprend ensuite un index
analytique, un index scripturaire, un index des passages de
Procope, un index des noms propres et un index des mots grecs ;
ils portent sur les deux tomes.
Aux rapprochements indiqués dans les notes entre Didyme
et Origène j’en ajoute quelques-uns :
P. 19 :Enoch ravi au Paradis : voir le scholion qui se trouve
en marge du Codex von der Goltz : scholion 197, p. 87, dans
E. von der Goltz, Eine textkritische Arbeit..., 1899, dans Texte
und Untersuchungen 17/4. Le juste n’engendre rien de féminin :
HomEx II, 2 ; HomGn VIII, 10 ; HomNum XI, 7 ; SelEx 23, 17
(PG 12, 296 D).
P. 29 : le sens du mot éternité désignant parfois une longue
durée : ComRm VI, 5 (PG 14, 1066 C).
P. 45 : le mot dioratikos, voir H. Crouzel, Origène et la
«connaissance mystique» p. 381. L’interprétation des anthro
pomorphismes divins : ibid. pp. 258-262.
P. 53 : celui qui est parfait dans un état est imparfait par
rapport à l’état supérieur : ComRm X, 10.
P. 55 : homme = fait selon l’image : ComJn II, 23 (17), 144 ;
X, 45 (29), 316.
P. 85 : ce n’est pas là tout à fait l’objection d’Apelle selon
Origène HomGn II, 2 et CCels V, 54. Apelle objecte à la descrip
tion de l’Arche que les dimensions indiquées ne permettent pas
d’y faire entrer une telle quantité d’animaux.
P. 101 : rien ne montre qu’il s’agisse ici d’Origène puisque,
selon les références données à la note 2, il refuse des mondes
qui soient exactement semblables. Quant à l’autorité de
nouveaux
Jérôme invoquée pour PArch II, 3, 5, on peut douter de sa
valeur.
P. 121: L’image du Terrestre, les images bestiales;
cf. H.
Crouzel, Théologie de l’Image de Dieu chez Origène, 182-206.
P. 139 : Le pécheur fils du diable, le juste dans un certain
sens fils de Dieu : passim dans ComJn
XX.
P. 157 : sur le sens de voir et d’invisible, PArch I, 1, 8-9.
tes;
Dieu n’est vu que quand il se fait voir : HomLc III ; CCels II,
72 ; etc.
&
di- P. 161 : la « bonne terre » pour désigner le lieu où vont les
bienheureux : PArch II, 3, 6. Enfant et semence : ComJn XX,
passim.
P. 165 : Béthel, maison de Dieu : Lettre à Grégoire. Exégèse
ite de Cant. 2, 8-9 ; ComCant III.
P. 169 : les maisons et les tentes : HomNum XVII, 4.
P. 195 : les miracles non accomplis à Tyr et à Sidon : PArch
de
III, 1, 17 (16).
s;
P. 199 : le feu qui éclaire et qui brûle : voir H. Crouzel,
L’exégèse origénienne de I Cor. 3, 11-15 et la purification escha-
K tologique, Epektasis (Mélanges J. Daniélou), pp. 273-283.
On peut constater aussi que Didyme vit à l’époque où l’on
commence à faire précéder des noms propres de personnes
humaines du qualificatif de « saint » ou à dire de quelqu’un « le
saint», comme chez Grégoire de Nazianze et Ambroise, alors
qu’il ne semble pas qu’on l’ait fait auparavant. Ainsi p. 23
i:
«saint Abraham»; p. 31, d’Élie, «le saint»; p. 203, «le saint»
désignant Jacob.

Ambroise de Milan, Apologie de David, Introduction,


texte latin, notes et index par Pierre Hadot, traduction par
Marius Cordier (Sources Chrétiennes n° 239), Paris, Les
Éditions du Cerf, 1977.— Un volume de 212 pages.

L’Apologie de David, peut-être adressée par Ambroise à


Théodose après le massacre de Thessalonique qui amena l’évêque
à soumettre l’empereur à la pénitence publique est composée
de deux parties. La première commente la faute de David com
mettant l’adultère avec Bethsabée et faisant tuer son mari Uri,
ainsi que son repentir ; la seconde est une exégèse du Psaume 50
où, selon la tradition, David exprime son repentir. Dans la
seconde partie surtout Ambroise s’inspire du Commentaire sur
le Psaume 50 d’Origène, conservé seulement
par des fragments,
avec quelques modifications. Le Commentaire de Jérôme est
concis, il donne de chaque membre de phrase de courtes expli-
% cations. La traduction est coulante et lisible. Dans les notes le
üiplîi traducteur signale quelques rapprochements avec Origène trouvés
MU dans le commentaire correspondant de ce dernier. En voici d’au-
Hact très, avec quelques remarques.
P. 40 (introduction). Le Panarion d’Épiphane n’attribuait pas
Sft
( à Origène 80 hérésies, mais seulement l’hérésie 64, qui était bien
te* suffisante ! Le livre est composé de 80 chapitres, exposant et
kh) réfutant les idées d’autant d’hérétiques.
P. 77-79, Mt 1, 18. Le passage sur Marie, avec la citation
d’Ignace d’Antioche, est inspiré par YHomLuc VI d’Origène, que
Jérôme a traduite.
P. 88. Jérôme confond ici Hérode Antipas avec Archélaus qui
fut exilé à Vienne et non à Lyon, comme le traducteur le précise
d’après Josèphe dans la note 19. Mais ce Lyon où furent exilés
Antipas et Hérodiade est Lugdunum Convenarum, Saint-Bertrand
de Comminges, dans la Haute-Garonne. Voir mon article de
Studia Patristica X (Texte und Untersuchungen 107), 275-280,
et une note dans BLE 72 (1971), 224-225.
P. 90, note 23 : le sens strict d’ékklèsiastikos anèr pour
Origène c’est l’orthodoxe, le membre de l'Église, par opposition
à l’hérétique.
P. 99 sur Mt 4, 6. Le diable interprète mal les Écritures, ne
voyant pas que ce Psaume est écrit du Sauveur. En effet, selon
Origène, le diable, à cause de sa malice, ne connaît pas ce qui
concerne Dieu et le Christ : H. Crouzel, Origène et la « connais
sance mystique», 421-424.
P. 150, note 67 bis. La note n’est pas tout à fait exacte.
Les âmes humaines dans la préexistence, selon Origène, ne sont
pas des anges, mais elles ont une seule et même nature] avec
les autres « intelligences » qui deviendront des anges et des
démons. C’est la chute précosmique qui différencie anges, hom
mes, démons.
P. 165, Mt 8, 29. L’ « opinion ridicule » est d’Origène Homl.uc
:
VI, traduite par Jérôme (!).
P. 207, Mt 10, 33. L’expression « ceux qui nient la résurrection
de la chair», désigne certainement Origène à qui Jérôme, après
Méthode et Épiphane, adresse parfois, avec bien des incompré
hensions, ce reproche. Le raisonnement sur les cheveux rappelle
ce qui est dit dans le fragment du Commentaire sur le Ps 1,
cité par Méthode, De Resurrectione I, 20 et par Épiphane, repro
duisant Méthode, dans Panarion 64, 6 et 8.
P. 209, Mt 10, 37. Le thème de 1’« amour ordonné» vient
d’Origène, HomLuc XXV, traduite par Jérôme.
P. 223, Mt n’est pas Élie par métempsychose.
11, 14-15. Jean
Cela vient d’Origène, ComJn VI, 10-14 (7), 62-87 et autres
passages.
P. 235, Mt 11, 30. La vierge violée: d’après Deut 22, 25 ss.
voir Origène, ComMt XII, 7.
P. 263, Mt 12, 49. L’opinion, combattue par Jérôme, que les
frères de Jésus sont des fils de Joseph d’un premier mariage se
trouve dans Origène, ComMt X, 17, d’après Y Évangile selon
Pierre et le Protévangile de Jacques.
P. 275, Mt 13, 23. La proportion 100/60/30 chez Origène, dans
llomJos II, 1, désigne les martyrs, les vierges et les veuves :
si les martyrs disparaissent de chez Jérôme, c’est qu’ils ne sont
plus d’actualité.
P. 279, Mt 13, 31-32. Les rameaux de l’arbre né du grain de
sénevé de l’Évangile qui sont les divers dogmes : dans HomEx I, 1
Origène exhorte les philosophes de ce siècle à venir nicher dans
l’arbre qu’a donné le grain de sénevé de l’Écriture. Jérôme a
adapté l’image.
P. 296. La note 60 n’est pas tout à fait pertinente. D’abord
parce que pour Origène métensomatose est l’équivalent exact
de ce que nous entendons par métempsychose. C’est très injuste
ment que Jérôme dans sa Lettre à Avitus attribue cette doctrine
à Origène à propos du Péri Archon alors que ce dernier dans ses
commentaires conservés en grec la traite de stupidité et de
contraire à la doctrine de l’Église.
P. 297, Mt 14, 3-4. Jérôme fait des confusions. Ce n’est pas
Hérodiade qui était la fille du roi de Pétra, mais la première
femme d’Antipas qui la répudia pour épouser Hérodiade, provo
quant une guerre avec le beau-père. Hérodiade était la fille
d’Aristobule, fils d’Hérode le Grand et de Mariamme et mis
à mort par son père : elle était la sœur d’Hérode Agrippa I
et la nièce de ses deux maris successifs. D’autre part son pre
mier mari n’était pas le tétrarque d’Iturée, mais un autre fils
d’Hérode le Grand nommé aussi Philippe.
P. 309, Mt 14, 19. S’asseoir sur l’herbe, c’est fouler la chair :
Origène ComMt XI, 3.
P. 311, Mt 14, 21. Les femmes et les enfants non comptés :
Origène, ibid.
P. 343, Mt 16, 8-12. Le Levain des Pharisiens les enseigne
ments hérétiques. Pour Origène ComCant IV (GCS VIII, 239)
le levain désigne les sciences de ce monde.
COMPTES RENDUS

Bernard Renaud, La Formation du livre de Michée Tra


dition et actualisation (coll. Études Bibliques). Paris, Librai
rie Lecoffre-Gabalda et Cie éditeurs, 1977. — Un vol. de
XX, 465 pages.
La recherche biblique contemporaine est aussi vivante que
jamais, notamment celle qui s’applique à scruter l’Ancien Testa
ment. Alors qu’au témoignage de la Revue Biblique, une « crise »
atteint les fondements de l’exégèse du Pentateuque, les commen
taires des Prophètes, qui paraissent aujourd’hui, sont bien diffé
rents de ceux auxquels nous avaient habitués de longues années
d’exégèse vétéro-testamentaire.
Le temps est loin, et pourtant bien proche, où les commenta
teurs centraient leurs efforts d’investigation sur la personnalité
qui était à l’origine du livre ou de la collection portant son nom.
Alors Desnoyers étudiait le prophète Amos (R. B. 1917),
J. Steinmann, le prophète Isaïe (1950), et A. Gelin faisait revivre
l’émouvante personnalité de Jérémie (1947, 1952). Aujourd’hui,
les études ne se désintéressent pas du personnage primordial,
mais s’attachent au livre tout entier qui porte son nom, afin de
mettre en valeur l’intégralité du contenu : aussi bien ce qui
procède du premier auteur, orateur ou écrivain, que des inter
prétations successives qui ont été données de ses oracles, et des
compléments tardifs qui leur ont été ajoutés. Le Second Isaïe.
Son disciple et leurs éditeurs, titrait P. Bonnard (1972). Du
Prophète Isaïe à VApocalyptique. Is I-XXXV, miroir d’un demi-
millénaire d’expérience d’Israël annonce J. Vermeylen (1977),
et dans l’inattendue « Masses Ouvrières » (n° 343, mars 1978),
H. Cazelles publie un article monumental sur La production du
livre de Jérémie dans l’histoire ancienne d’Israël. Dans la même
ligne, l’étude de Michée que présente B. Renaud s’attache à
préciser les voies de la « formation du livre » afin de considérer
le donné michéen « livré » par la « tradition », ainsi que les
diverses manœuvres « d’actualisation » dont il a été l’objet.
Avouons que la méthode n’était pas ignorée des grands prédé
cesseurs, mais reconnaissons qu’elle est pratiquée aujourd’hui
d’une façon systématique qui donne à l’étude du donné une
dimension nouvelle.
128 COMPTES RENDUS

La méthode suivie par R. est donc redaktionsgeschichtlich ;


méthode délicate, où « risque d’entrer une grande part de sub
jectivité ». D’où la nécessaire « convergence » d’une « somme
considérable d’analyse de détail » (p. XV). Cette méthode, soi
gneusement pratiquée, conduit l’auteur à inventorier quatre étapes
dans la rédaction du livre de Michée. 1. De la période antérieure
à l’exil nous parvient un « noyau michéen, comprenant au
moins l’essentiel des chapitres 1-3, une fois débarrassés de quel
ques retouches minimes » (p. 383), « chapitres situés volontiers
à l’époque d’Ezéchias » (p. 384). Michée y apparaît comme un
prophète de jugement, dont on ne peut savoir s’il a « de facto
prononcé des promesses de libération et de restauration... (mais)
beaucoup d’oracles de Michée ont été perdus » (p. 387).
2. L’édition exilique est signalée par des retouches découvertes
dans les chapitres 1-3 et 6-7, « apparentées les unes aux autres
par les (mêmes) préoccupations théologiques » (p. 387). « Le
rédacteur a tenté d’interroger la prédication de Michée. Il y cher
chait sans doute une réponse à des questions vitales; que son
temps lui imposait » (p. 393). Son intervention est guidée par
une théologie de la parole prophétique qui est parole de juge
ment, qui annonce l’épreuve et dénonce le péché du peuple ».
3. Le rédacteur de la troisième étape est intervenu «en début
du livret (1,2 6,1), au centre même de l’ouvrage (4,5), et} en
finale (7). Mais il laisse intact l’intérieur même des deux livrets
(1,3-3,12)» (p. 400). Il se propose de raviver l’espérance grave
ment compromise ; d’où l’alternance « jugement-salut... à la ruine
de Jérusalem succédera son rétablissement» (p. 402 s). 4. Enfin, la
dernière étape est celle des « retouches complémentaires » : trans
position de Mi 2,12 s, à la période grecque et relectures anti
samaritaines (2me s.) (pp. 417-420).
Devant un ouvrage aussi soigné, le lecteur se sent rempli
à la fois d’admiration et d’inquiétude. D’une part, il est saisi par
l’ampleur du travail et par l’intérêt des conclusions proposées.
D’autre part, il ressent quelque gêne devant l’accumulation des
hypothèses. Réaction craintive, injustifiée, peut-être, que l’auteur
a cherché à prévenir en accumulant les notations de prudence,
Il est intéressant de mettre bout à bout les précautions prises
par l’auteur; par exemple, celles qu’il a rassemblées dans les
pages 416-417: «Il se pourrait que... Il n’est sans doute pas
l’auteur... Du moins cet intérêt suggère quelque affinité... Ce ne
sont là que quelques indices convergents ; on peut donc légitime
ment envisager au moins la possibilité... Des conclusions cer
taines et plus précises exigeraient... En l’absence de toute allusion
historique et dans l’ignorance où nous sommes de l’histoire... on
ne peut avancer que des dates approximatives... L’étude a fourni
quelques rares points de repère... ». L’auteur avance donc à pas
mesurés, mais il avance ; il accomplit finalement un long chemin
avec un entrain qui fait oublier l’incertitude des premiers pas,
de ces pas qui ont tout de même orienté tout le parcours.
Soulignons qu’il ne s’agit pas de contester la rigueur de la
méthode que l’auteur déploie savamment. Il s’agit de se deman-
der quelles prétentions peut légitimement afficher la méthode
pratiquée. Il faut bien que soient posées de telles questions,
d’ailleurs fondamentales, si le recenseur ne veut se borner à
J énumérer, pour avoir quelque chose à redire, les seules fautes
d’orthographe (d’ailleurs assez nombreuses, dès la première page
*' de textes, numérotée V).
Louis Monloubou
ierl; ‘

Lo Studio dei Padri délia Chiesa oggi, Istituto Patristico


Augustinianum (Pontificia Université Lateranense), Rome,
1977.— Un vol. de 247 pages.

Au début de 1977 la revue Seminarium, organe de la Sacrée


Congrégation pour l’Instruction Catholique a publié un numéro
consacré à 1’ « Étude de la théologie patristique et historique »
(29, p. 1-290), dont les auteurs sont pour la plupart des profes
seurs de l’Institut Patristique Augustinianum de Rome, rattaché
.

à l’Université Pontificale du Latran. Ce même Institut a repris


la plus grande partie de cette publication dans le présent volume,
supprimant seulement les trois derniers articles concernant les
rapports de la littérature classique antique avec les études de
théologie historique (on aurait pu conserver l’exposé du P. Riggi
sur les rapports de cette littérature avec celle des Pères).
Ce volume peut donner une idée de l’importance des études
patristiques dans leur état actuel. Les contributions des différents
collaborateurs sont écrites en diverses langues, italien, français,
allemand, mais elles sont suivies chacune d’un résumé en latin
et elles sont toutes présentées en tête du volume en quelques
lignes reproduites en français, italien, anglais, espagnol, allemand.
Après l’introduction par le P. P. Grech, président de l’Institut
Augustinianum, Dom Jean Leclercq fait l’historique des rapports
de la théologie et de l’histoire depuis le début du xxe siècle, puis
le P. A. Trapè, ancien Supérieur Général des Augustiniens, montre
l’importance de l’étude des Pères pour celle de la théologie. Le
P. V. Grossi souligne dans les textes! récents de l’Église, ceux
de Jean XXIII, de Vatican II, de Paul VI, la place donnée aux
Pères de l’Église et à leur étude. A cet endroit j’envisage les
causes de la relative désaffection qu’on peut constater depuis le
Concile chez les étudiants ecclésiastiques à l’égard des sciences
historiques : vu la place tenue par l’histoire dans la révélation
chrétienne ce fait peut déformer gravement la transmission de
la révélation et le principal remède serait d’insister davantage
sur une représentation correcte de la Tradition dans la ligne de
Newman.
Le R. P. Farina consacre un substantiel article rempli de
conseils pratiques à l’enseignement de la patrologie : la prépa
ration des enseignants, ses objectifs et ses moyens didactiques.
Le P. A. Di Berardino donne en une vingtaine de pages une vue
panoramique de l’état présent des études sur la théologie des
Toute cette gamme de sens se constate dans l’étude présente
qui porte sur la justice chez les auteurs chrétiens du ii« siècle.
Elle examine de façon pratiquement exhaustive chaque texte où
se trouve un mot de la racine dikaios pour en préciser le sens :
d’abord à travers un certain nombre d’apocryphes, Évangiles,
Actes, Lettres, Apocalypses aprocryphes, de tendance gnostique
ou d’opinion orthodoxe, et aussi d’apocryphes chrétiens de l’An
cien Testament ; puis chez les Pères Apostoliques, Didachè, Lettre
de Clément aux Corinthiens, Homélie dite Seconde Lettre de
Clément, Ignace d’Antioche, Polycarpe de Smyme, Lettre de Bar-
nabé, Méliton de Sardes, le Pasteur d’Hermas ; chez les Pères
Apologètes, Justin, Tatien, Athénagore, Théophile d’Antioche,
l’écrit à Diognète ; enfin chez Irénée. Les études les plus longues
sont celles d’Hermas, Justin et Irénée. Le sens hébraïque domine
largement, transposé par les gnostiques dans une conception où
l’homme est justifié par la gnose, non par la vertu. La significa
tion juridique, et éthique à la grecque, apparaît parfois chez les
Apologètes et chez Irénée.
L’enquête de E. Peretto est bien menée, facile à suivre et
à utiliser. Les fautes d’impression ne sont pas rares dans le grec,
le latin et même l’italien.
Henri Crouzel, S. J.

Sergio Zanartu, El Concepto de ZQH en Ignacio de


Antioquia (Publicationes de la Universidad Pontificia Comil-
las, Estudios 7), Madrid, Eapsa, 1977.— Un volume de 294
pages.
Karin Bommes, Weizen Gottes : Untersuchungen zur Théo
logie des Martyriums bei Ignatius von Antiochien (Theopha-
neia, n° 27), Cologne-Bonn, Peter Hanstein Verlag, 1976.—
Un volume de 284 pages.

1. Sergio Zanartu étudie le concept de vie dont l’usage est


continuel dans les lettres d’Ignace d’Antioche : c’est un mot plein
de valeur théologique et mystique. Un premier chapitre examine
son emploi dans le monde grec et hellénistique, l’Ancien Testa
ment, le judaïsme tardif avec Philon, le Nouveau Testament
surtout Paul et Jean. Les autres chapitres s’occupent d’Ignace.
C’est Jésus qui est « notre vie » ou mieux « notre vivre », en
tant que Dieu et homme. Il l’est à travers sa passion et sa
résurrection qui se sont accomplies selon le plan divin et que
chaque chrétien s’applique à lui-même. Mais la vie est une réalité
antérieure à la mort, bien qu’elle soit constamment menacée
par le péché et le diable. Principe d’unité, dans la communauté
chrétienne, l’Église, Corps du Christ, sous la direction de l’évêque,
elle est en rapport avec la foi et l’amour, fait le disciple et
l’imitateur du Christ, trouve sa plénitude dans le martyre qui
est mort et résurrection avec le Christ : cette dernière idée est
toujours au premier plan dans ces sept lettres écrites par
chrétien sur le chemin du martyre. un
L’auteur est très au courant de la littérature concernant les
lettres d’Ignace et des problèmes qu’elles ont posés. On a vu
souvent dans Ignace deux courants juxtaposés, un christocen
trisme attaché aux réalités communautaires et au corps et une
contemplation mystique, « individualiste », qui serait d’empreinte
hellénique, pour ne pas dire gnostique, comportant un certain
mépris du corps. Devant cette dichotomie l’auteur prend une
position raisonnable, mais il est peut-être trop impressionné
à mon sens par des oppositions artificielles qui remontent à
certaines étroitesses de pensée du début de ce siècle et ont
encore quelques prolongements dans l’esprit moderne. Soyons
plutôt reconnaissants envers le grand martyr du n* siècle de
n’avoir pas manifesté dans ces lettres la position systématique
que voudraient certains de nos contemporains, mais de nous
transmettre un christianisme complet dans ses aspects divers,
même s’il pose des problèmes aux chercheurs de systèmes et
si contre la seconde de ces tendances « l’homme moderne se
rebelle viscéralement » (p. 260). Qu’elle soit d’origine hellénique,
je ne sais : en tout cas elle est aussi bien que l’autre dans la
tradition chrétienne, pourvu qu’on ne la sépare pas de la pre
mière qui, elle-même, ne serait pas plus valable si elle était
séparée d’elle.

2. Ce second livre étudie chez Ignace la théologie du martyre,


sujet déjà abordé dans son dernier chapitre par celui que nous
venons de recenser. Son titre « Froment de Dieu » est emprunté
à un passage célèbre de la Lettre aux Romains d’Ignace (IV, 1) :
« Je suis le froment de Dieu et je suis moulu par la dent des
bêtes pour être trouvé un pur pain du Christ ».

Cet excellent ouvrage donne une grande place aux études de


mots et d’expressions, aux analyses de textes pour lesquels il
rappelle et discute toutes les interprétations déjà données par
ses prédécesseurs. Le vocabulaire ignacien, si original, si nette
ment frappé, portant en lui toute la personnalité de son auteur
et son amour brûlant du Christ est ici étudié avec toute sa
force. Le livre examine d’abord longuement le rapport du Christ
et de sa Passion avec le martyre : fondement de toute la vie
chrétienne, les souffrances du Christ le sont à plus forte raison
du martyr. Ensuite le rapport de Dieu (le Père) avec le martyr,
celui de l’Esprit au martyr et celui du martyr avec l’Église.

La tension qui préoccupe S. Zanartu entre les deux courants


qui caractérisent la pensée d’Ignace et semblent à certains peu
compatibles ne retient guère l’attention de l’auteur de ce
second livre: il la mentionne seulement p. 118 et y voit, de
façon très raisonnable, « la tension fondamentale du Christia
nisme lui-même, le Dieu transcendant qui devient homme et
entre dans l’histoire ».

Henri Crouzel, S. J.
P. et H. Lassiat, Dieu veut-il des hommes libres ? Caté
chèse de l’Église des Martyrs d’après Irénée de Lyon. Paris,
Nouvelles Éditions Marne, 1976.— Un vol. de 127 pages.

C’est pour préparer le dix-huitième centenaire des martyrs


de Lyon qui a été célébré en 1977 que P. et F. Lassiat ont pré
onÿ senté à l’intention du grand public en quelques pages denses et
üi r fortes l’essentiel de l’enseignement de saint Irénée de Lyon :
or ainsi feront-ils connaître plus largement la grande œuvre de celui
fdg
qui est le plus grand théologien du II e siècle et un des fondateurs
du christianisme dans notre pays. Certes, quelques points de

!*>
itplf cette synthèse, comme le refus d’une immortalité naturelle de
KQ ;
l’âme, le séjour des morts avant la résurrection dans un « lieu
ers
d’attente », etc. pourront étonner le lecteur qui devra se souvenir
que, de même que pour Irénée l’homme est spirituellement un
être en croissance, il y a pareillement dans la tradition un déve
ei

loppement du dogme par une prise de conscience toujours plus


s?

précise du contenu de la foi. Ainsi s’explique le fait que sur les


deux points cités plus hauts et sur d’autres encore, dont les
»
lit
opinions contraires à celle d’Irénée sont qualifiées par les auteurs
du livre de « gnostiques » — elles étaient de fait tenues par ces
hérétiques au temps de l’évêque de Lyon —, la tradition posté
rieure ait pu professer, assez rapidement d’ailleurs, l’immortalité
naturelle de l’âme et la présence du juste au Paradis avant la
résurrection. Si les points de la doctrine irénéenne qui sont ici
mis en relief correspondent à certaines tendances de l’homme
moderne, il ne faut pas oublier que la doctrine chrétienne est
en règle générale construite sur des couples d’antithèses : l’hérésie
est telle parce qu’elle refuse un des aspects et absolutise l’autre.

Henri Crouzel, S. J.

Ricerche su Ippolito (Studia Ephemeridis « Augustinia-


num », n° 13), Rome, Institutum Patristicum « Augustinia-
num », 1977.— Un volume de 164 pages.

Ce volume reproduit les communications données le 23 octobre


1976 à Rome à l’Institut Patristique « Augustinianum » dans une
journée consacrée aux problèmes difficiles que pose la person
nalité d’Hippolyte de Rome, antipape, martyr et écrivain ecclé
siastique du in e siècle, ou plutôt des personnalités que l’on cache
sous ce nom. Eusèbe de Césarée parle dans son Histoire Ecclé
siastique VI, XXII, d’un Hippolyte dont il ne dit pas la patrie :
il indique plusieurs de ses œuvres dont certaines sont parvenues
jusqu’à nous et sont habituellement attribuées à Hippolyte de
Rome. Nombre de témoignages grecs et latins parlent aussi
d’œuvres d’un Hippolyte. Par ailleurs l’existence d’un Hippolyte,
martyr de Rome, ou de Porto près de Rome, est attestée par
les anciens martyrologes et par des documents archéologiques.
Enfin on découvrit au xvr siècle à Rome une statue qui serait
celle de l’écrivain romain de langue grecque Hippolyte avec la
liste de ses œuvres gravées sur le socle : cette statue se trouve
actuellement à l’entrée de la Bibliothèque Vaticane. Plusieurs
œuvres anonymes, ou attribuées faussement à d’autres auteurs,
seraient aussi, d’après la critique des derniers siècles, l’œuvre
d’Hippolyte de Rome, surtout le fameux Elenchos, dit aussi Philo-
sophoumena, dont le livre I fut publié à la fin du xvn e siècle et
les livres IV-X retrouvés au milieu du xix e siècle dans un manus
crit provenant de l’Athos, les livres II-III étant toujours man
quants. Faut-il voir là un unique personnage ou plusieurs ? La
question a soulevé dans des temps récents de vives controverses.
Un premier article, de V. Loi, pose le problème Hippolyte
avec beaucoup de clarté. La célèbre archéologue romaine, M.
Guarducci, reproduit en quelques pages l’essentiel de sa décou
verte fameuse : la statue dite d’Hippolyte serait en réalité à
l’origine une statue de femme, celle d’une philosophe épicurienne
Thémiste de Lampsaque. Considérée comme une allégorie, cette
statue fut réemployée par des chrétiens du m e siècle et consa
crée à la mémoire d’Hippolyte et la liste de ses œuvres gravée
sur le socle. L’apparence actuelle de la statue qui est celle d’un
homme barbu vient de la restauration qui en fut faite au xvi e
siècle après sa découverte. En effet un dessin qu’en fit avant
la restauration Pirro Ligorio montre nettement dans la partie
supérieure du personnage qui est alors en mauvais état un
buste féminin sans tête. Cette thèse, soutenue depuis 1975 par
M. Guarducci, est ici enrichie d’un certain nombre de remarques.
E. Follieri étudie les mentions de saint Hippolyte dans l’hagio
graphie et la liturgie byzantine qui dépendent de sources romai
nes : il s’agit donc bien d’un Hippolyte romain. P. Testini examine
les témoignages anciens concernant ce personnage.
Un second exposé de V. Loi distingue les œuvres attribuées
à Hippolyte en deux blocs nettement différenciés d’un point de
vue stylistique et linguistique, théologique et exégétique, et aussi
par le caractère psychologique de leur auteur. C. Curti voit dans
le Syntagma cité par Eusèbe et par Photius l’écrit auquel) se
réfère le début de YElenchos comme si c’était l’œuvre de l’auteur
même de l’Eîenchos. P. Meloni indique les correspondances étroi
tes du Commentaire sur le Cantique hippolytien avec cinq de ses
autres œuvres, dont le Contra Noetum. M. Simonetti étudie l’in
terprétation de Gn 49 dans l’opuscule Sur les bénédictions des
patriarches et dans des fragments sur le même texte, puis com
pare Hippolyte et Tertullien dans leurs écrits contre le Monar-
chianisme pour conclure que le Contra Noetum du premier est
antérieur à VAdversus Praxeam du second. Mais l’exposé de
J. Frickel semble plutôt en opposition avec cette thèse, car partant
des contradictions qu’il découvre entre YElenchos et le Contra
Noetum, il donne à ce dernier une date plutôt tardive : il le pré
sente comme le document qui, après la mort d’Hippolyte, aurait
rétabli entre les partisans de ce dernier et l’Église orthodoxe de
Rome une union qu’avait brisées les attaques d’Hippolyte contre
le Pape Calliste au livre IX de l’EZenchos. Il caractérise le docteur
'ouve romain comme un novateur sur le plan spéculatif et un conser
leurs vateur rigoriste sur les plans moral et social.
eurs, Manlio Simonetti conclut le volume en présentant, par manière
m d’hypothèse — il insiste sur ce point —, l’existence de deux
% Hippolyte entre lesquels se partageraient les œuvres que nous
h possédons, les deux blocs distingués par V. Loi : d’une part
l’évêque oriental de siège inconnu dont parlerait Eusèbe, de
l’autre le prêtre romain qui s’est opposé à Calliste et est mort
'La
martyr. Ce volume fera avancer, espérons-le, la solution de
ses, l’énigme Hippolyte.
Henri Crouzel, S. J.
lyte

jo
li Lactance et son temps : Recherches actuelles. Actes du
IV colloque d’études historiques et patristiques (Chantilly
e

21-23 septembre 1976), édités par J. Fontaine et M. Perrin


m
* (Théologie Historique n° 48), Paris, Beauchesne, 1978.— Un
volume de 312 pages.
f
Ce volume publie les exposés et les discussions du IV e collo
te que d’Études historiques et patristiques qui s’est tenu à Chantilly
us
les 21-23 septembre 1976 sur Lactance. Rhéteur africain qui a
îtf vécu dans la seconde moitié du m e siècle et la première du IVe
,
en Afrique d’abord, puis à Nicomédie, près de la Mer de Mar
mara, où sur l’invitation de l’empereur Dioclétien il enseigne dans
ai
cette capitale la rhétorique latine ; converti au Christianisme pro
se
bablement à cette époque, il s’attache ensuite à Constantin et
est le précepteur de son fils aîné Crispus. Nourri de littéra
ture latine —> on l’a surnommé le « Cicéron chrétien » — et
d’un christianisme africain assez archaïsant par bien des aspects,
il est un témoin important de la pensée chrétienne; de langue
latine — loin, certes, après les deux grands, Tertullien et
Cyprien — pour la période antérieure au Concile de Nicée.
Les cinq premiers exposés sont réunis sous le titre « Pro
blèmes historiques et historiographiques ». Trois se rapportent
au De mortibus persecutorum, un livre apologétique qui montre
la fin déplorable des persécuteurs du Christianisme : J. Rougé
sur la tradition manuscrite de cet écrit ; Fr. Corsaro à propos
de l’attachement de Lactance à la vieille civilisation romaine,
J. Schwartz sur les sources et l’utilisation des livres IV et VI
de cet ouvrage. Deux ont l’intérêt de présenter les relations de
Lactance avec l’empereur Constantin dont il fut, avec Eusèbe
de Césarée, l’un des thuriféraires : la théologie de la victoire
suivant les conceptions de Constantin et son influence sur Lac
tance — elle manifeste un des aspects du changement de men
talité apporté par la paix de l’Église (Fr. Heim) ; l’action sur

Lactance du Discours à l’Assemblée des Saints, attribué à l’em
pereur lui-même (D. de Decker).
Les exposés qui suivent sont intitulés « Problèmes littéraires
et sources ». Ils traitent des citations de poètes latins (A. Gou
jon), du style de Lactance (St. Casey), des sources stoïciennes
ou du moins présentées comme telles (J. Doignon), des rapports
avec Cicéron (E. Heck) et les Oracles Sybillins (M. L. Guillau
min). Enfin de l’utilisation de Platon par Lactance et de ses
nombreuses citations (M. Perrin). A propos du second Dieu que
Lactance aperçoit dans certains textes de Platon et de l’utilisa
tion de Timée 28 C (il est difficile, mais non impossible de
découvrir Dieu) une comparaison avec la discussion de ces
mêmes passages dans le Contre Celse d’Origène aurait été inté
ressante.
La dernière partie, trop peu développée à mon avis, présente
« La culture religieuse de Lactance ». Un intéressant article de
J. Fredouille sur Lactance historien des religions étudie ce qu’il
dit de l’origine du paganisme. B. Studer dans le seul article du
recueil qui soit à proprement parler théologique parle de la
sotériologie de Lactance (Dire dans la discussion p. 271 qu’Hilaire
de Poitiers « est pratiquement binitariste » demanderait bien des
explications et réserves : voir sur le Saint-Esprit chez Hilaire
le livre de L. Ladaria que nous recensons dans cette revue).
Enfin P. Monod étudie un dossier biblique sur le sacerdoce
du Christ avec le passage du prophète Zacharie sur le grand-
prêtre Jésus, fils de Josédec.
Deux appendices terminent l’ouvrage, dont un de J. Doignon
sur l’utilisation par Augustin d’un texte des Institutions Divines
de Lactance inspiré de Cicéron.
Henri Crouzel, S. J.

Gregor von Nyssa, Ueber das Wesen des christlichen


Bekenntnisses, Ueber die Vollkommenheit, Ueber die Jung-
fràulichkeit, eingeleitet, übersetzt und mit Anmerkungen
versehen von Wilhelm Blum, (Bibliothek der griechischen
Literatur n° 7), Stuttgart, Anton Hiersemann, 1977.— Un
volume de 169 pages.
Ce volume contient la traduction allemande de trois écrits
ascétiques de Grégoire de Nysse. Le premier, assez court, est
une lettre adressée à un certain Harmonios : son titre grec signi
fie « Qu’est ce dont fait profession le Chrétien ?» ; en d’autres
termes comment le chrétien doit-il vivre pour le faire selon la
foi qu’il professe ? Il doit vivre de façon digne de la participation
qu’il a reçue à l’image de Dieu, c’est-à-dire dans l’imitation de
Dieu. Le second, plus long, est une réponse à un moine nommé
Olympios et est intitulé « De la perfection » : il montre les consé
quences ascétiques qui découlent pour le chrétien des noms don
nés par l’Écriture au Christ, dénominations qui tiennent une place
fondamentale dans la christologie d’Origène (les épinoiai). Le troi
sième enfin est le traité De la Virginité écrit par Grégoire à la
demande de son frère Basile qui vient d’être élevé à l’épiscopat,
alors que Grégoire ne l’est pas encore. Des chapitres assez néga
tifs sur le mariage, écrits d’une manière fortement rhétorique
selon le thème philosophique des «embarras du mariage» — ce
ne sont pas, comme on pourrait le croire, élucubrations de
céli
bataire, car Grégoire semble bien dire qu’il est lui-même marié —
précèdent une doctrine de la virginité qui développe dans une
perspective à la fois philosophique et spirituelle les apports de
ses prédécesseurs : cet écrit est un condensé de toute la doctrine
spirituelle de Grégoire. Il a été édité et traduit en français par
M. Aubineau dans Sources Chrétiennes 119.
La collection Bibliothek der griechischen Literatur qui a déjà
publié quelques œuvres patristiques et en annonce un grand
nombre — cette revue a recensé en 76 (1975) pp. 134-138 la
traduction de deux opuscules d’Origène par E. Früchtel et celle
des œuvres conservées de Denys d’Alexandrie par A. Bienert —
a donc publié la traduction) allemande de ces trois écrits par
Wilhelm Blum. L’introduction contient une analyse sobre de ces
traités et chacun est suivi de notes qui éclairent les points
essentiels. Après la bibliographie et les index est donnée une
liste de toutes les œuvres de Grégoire rangées par ordre alpha
bétique avec leurs dates présumées, leurs éditions les plus récen
tes, leurs références dans la Patrologia Graeca de Migne et leurs
traductions allemandes : c’est là une des coutumes de la collec
tion et il faut la signaler, comme je l’ai fait pour le livre ci-
dessus mentionné de E. Früchtel à propos des œuvres d’Origène.
Il aurait peut-être fallu, pour faciliter la consultation du
texte grec, signaler en marge les références de l’édition Jâger
et de celle de Migne, du moins pour les deux premiers traités
où les divisions du texte indiquées ici ne se trouvent ni dans
l’une ni dans l’autre.
Henri Crouzel, S. J.

Salviano di Marsiglia, Contro l’Avarizia, Traduzione


introduzione e note a cura di Eugenio Marotta (Collana di
Testi Patristici n° 10), Rome, Città Nuova Editrice, 1977.—
Un volume de 157 pages.

Rufino, Spiegazione del Credo, Traduzione introduzione


e note a cura di Manlio Simonetti, Ibid., n° 11, 1978.— Un
volume de 127 pages.

La Collana di testi patristici dirigée par le Professeur A.


Quacquarelli s’accroît à un rythme rapide. Elle édite des textes
de l’antiquité chrétienne en traduction italienne
avec une brève
introduction et des notes pour faciliter la lecture. Les traductions
sont souvent l’œuvre de patrologues chevronnés, mais leur but
n est pas de fournir des instruments de travail scientifique
comme
cest le cas pour Sources Chrétiennes, c’est de faire connaître
ces œuvres au public cultivé.
1. Le traité Contre VAvarice de Salvien de Marseille a été
publié par Sources Chrétiennes 176 en 1971 sous son autre titre :
Les livres de Timothée à l’Église. On peut lire à ce sujet la
recension du P. Boularand dans cette revue 73, 1972, 302-304.
Tout le traité est consacré à la question de l’argent dont Salvien
montre les ravages parmi les chrétiens et les clercs eux-mêmes :
la peinture qu’il fait des chrétiens du V e siècle n’est guère flattée.
Il fait montre d’un certain rigorisme, par exemple sur la question
des héritages, mais dans l’ensemble la lecture de ce traité n’est
pas inutile à notre époque dont l’argent reste une des idoles
dominantes. La traduction italienne est bonne et courante, l’in
troduction courte et les notes réduites aux références scriptu
raires. Le livre se termine par un index des noms de personnes
et des principaux sujets, ainsi que des textes scripturaires.
2. L'Explication du Credo est une des quelques œuvres per
sonnelles de Rufin d’Aquilée (ive -v e siècles), connu surtout comme
traducteur latin d’œuvres grecques, en particulier d’Origène, et
par la longue querelle qui l’opposa au sujet de ce dernier à son
ancien ami Jérôme. Le Credo expliqué est le Symbole des
Apôtres, c’est-à-dire le symbole baptismal, sous sa forme romaine,
avec des allusions aux variantes de l’Église d’Aquilée. L’intro
duction de M. Simonetti — qui a édité en latin l’ensemble de
l’œuvre de Rufin dans Corpus Christianorum XX — expose
brièvement l’histoire de ce Symbole et les caractères de l’œuvre
présente. Des notes assez nombreuses expliquent au lecteur ce
qui lui est nécessaire de savoir pour comprendre les détails du
commentaire. Ce dernier commente le Symbole membre de
phrase après membre de phrase, et, à propos de chaque article
de foi, indique les témoignages scripturaires qui le soutiennent,
en usant souvent de l’exégèse allégorique à la manière d’Origène,
tout exposant sobrement les divers points de foi.
Henri Crouzel, S. J.

Claudio Basevi, San Agustin : La interpretaciôn del Nuevo


Testamento, Pampelune, Ediciones Universidad de Navarra,
1977.— Un volume de 380 pages.

Ce livre étudie les principes de l’exégèse augustinienne du


Nouveau Testament à travers trois écrits, De Doctrina Christiana,
Contra Faustum Manichaeum, De consensu Evangelistarum qui
ont été rédigés à la même époque, entre 397 et 400. Après quel
ques indications sur l’importance de saint Augustin, son histoire
et son influence, un premier chapitre étudie l’œuvre exégétique
de l’évêque d’Hippone, jusqu’aux alentours de 400 et tout ce qui
a alors influé sur lui, manichéisme, néoplatonisme, polémique
antipaîenne, études de grammaire. Les critères généraux de
l’exégèse scripturaire d’Augustin, surtout la conception de l’ins
piration et ses conséquences, la nécessité de la foi et des autres
vertus, la place des sciences profanes, font l’objet du second
chapitre et les critères particuliers concernant le Nouveau Tes
tament face aux objections du manichéen Faustus et des païens,
Üa celui du troisième.
Un des soucis essentiels de l’auteur est de préciser, à travers
IJ, l’œuvre d’Augustin, les caractères d’une interprétation chrétienne,
ad théologique, exercée dans la foi, face à une exégèse qui ferait
stj
abstraction de la foi et serait d’inspiration rationaliste. Que
le problème soit actuel, personne ne le niera. Certes, la Bible
5.

peut, et d’une certaine façon doit, être étudiée comme tout autre
livre, mais le chrétien ne peut se contenter d’une lecture de ce
genre, car elle lui est donnée dans la foi et pour nourrir sa foi.
Je me permets une petite remarque qui peut être faite aussi
à bien d’autres livres écrits sur saint Augustin. A côté de l’in
fluence du manichéisme, du néoplatonisme, etc. pourquoi n’est
pas signalée aussi celle de l’exégèse des Pères antérieurs à
Augustin, sinon par de petites allusions extrêmement rapides ?
Il est étonnant que ne soient pas cités une seule fois les deux
grands ouvrages du P. H. de Lubac, indispensables à toute his
toire de l’exégèse patristique. Histoire et Esprit et Exégèse
Médiévale. Cette lecture aurait sans doute permis de nuancer
nombre d’affirmations sur la nouveauté de certains aspects de
l’exégèse augustinienne. Augustin n’est pas dans la patristique
« un commencement absolu : il se situe même à la fin de la grande
w époque patristique, bénéficiant ainsi de l’apport de tous ceux qui
l’ont précédé, grecs et latins.
Signalons à la fin du livre une importante bibliographie augus
tinienne articulée suivant les différents sujets.
Henri Crouzel, S. J.

Alexandre Faivre, Naissance d’une hiérarchie, Les pre


mières étapes du cursus clérical. Paris, Beauchesne, 1977
(Théologie historique 40).— Un volume in-8° de 443 pages.

L’histoire des ordres mineurs a déjà tenté un bon nombre


d’érudits, soit du point de vue de l’organisation des structures
ecclésiastiques, soit du point de vue de la liturgie : Adolf Harnack,
Mgr Andrieu, Balthasar Fischer, W. Croce, Dom Bernard Botte,
P. H. Lafontaine, et j’en passe. Le mérite de A. Faivre est de
reprendre, pour la période qui va jusqu’au pontificat de Grégoire
le Grand, l’étude de toute la documentation canonique de l’Orient
et de l’Occident dont il fait le commentaire minutieux, pas à
pas, mais dont il veut montrer aussi le caractère évolutif, puis
que les textes ont fait l’objet de relectures progressives et ont
pris place dans diverses collections successives. C’est ainsi qu’il
s’applique à montrer les modifications subies
par la Tradition
apostolique d’Hippolyte dans ses adaptations syriennes et égyp
tiennes et il fait de même pour la Didascalie des Apôtres il
;
verse au débat — ce qu’on fait rarement les écrits Pseudo-
clémentins ; de l’énigmatique Apostolische—Kirchenordnung
ou
Constitution ecclésiastique des Apôtres il nous promet (p. 144)
une ultérieure étude des sources qui sera bienvenue. Puis il relève
tous les éléments que l’on peut trouver dans les Statuta Ecclesiae
antiqua, les Conciles orientaux, africains, gaulois et espagnols,
les décrétales des papes, le Liber pontificalis et les Apocryphes
symmachiens, le Registre de saint Grégoire le Grand. Il apporte
pareillement le témoignage de la législation civile, du Code Théo
dosien à celui de Justinien ; il résume même en une série de
tableaux (pp. 380-407) les données de l’épigraphie. En bref, nous
avons là un dossier d’une ampleur jamais atteinte ; et d’ailleurs
en le parcourant on prend une vive conscience de tout ce qu’ont
apporté les travaux des quatre-vingts dernières années pour la
connaissance de ces sources.
Sur ce dossier, l’auteur projette un certain nombre de ques
tions : quelles ont été, dans les différentes Églises et aux diffé
rentes époques, les fonctions ecclésiastiques ; quelles causes leur
ont donné naissance, ont provoqué leur évolution et leur efface
ment ; dans quelles conditions sont-elles devenues des « étapes
du cursus clérical » : c’est en ce sens que le sous-titre explique
le titre Naissance d’une hiérarchie, terme qui montre la grande
influence exercée par le Pseudo Denys. Pour que le lecteur se
reconnaisse dans ces inventaires complexes, A. Faivre recourt
souvent à l’artifice des tableaux synoptiques. C’est ainsi que
l’on voit le lectorat perdre de son importance et, au contraire,
le sous-diaconat se développer en Occident jusqu’à devenir un
ordre sacré, évolution qui, cependant, ne parviendra à son terme
qu’à une époque ultérieure. Mais nous ne saurions ici résumer,
sous peine de les déformer, les résultats de cette enquête dont
nous admirons la richesse ; notons aussi le caractère complet
de la bibliographie, trop complet presque, car parfois sont indi
qués des travaux un peu vieillis : la théorie par exemple de
Mgr Kirsch et de ses élèves sur les titres romains du m e siècle
(p. 305) n’est plus acceptée aujourd’hui.
Cependant la lecture de ce livre nous laisse une certaine gêne,
qu’il nous faut essayer d’analyser. Elle vient sans doute de ce
que l’auteur ne présente les témoignages littéraires qu’en arrière
plan, pour confirmer en quelque sorte les données canoniques ;
or leur importance est souvent plus grande que celle des textes
juridiques, surtout quand ceux-ci visent des abus ou des anoma
lies. Quant aux documents liturgiques, ici ils ne sont guère
utilisés que pour leur aspect normatif ; pourtant l’analyse des
prières aurait donné la signification profonde des institutions
qui, sans cela, sont vues de l’extérieur et, à la limite, avec le
seul regard du sociologue, ce qui est utile, certes, mais insuffi
sant. Par exemple, peut-on dire (p. 416) que dans la Tradition
apostolique le don de l’Esprit transmis par l’ordination visait
essentiellement la « leitourgia » ? Oui, mais à la condition qu’on
prenne ce terme tel que l’entend Hippolyte. Toujours à propos
d’Hippolyte, il est peut-être équivoque de qualifier de « charis-
m es » l’épiscopat, le presbytérat et le diaconat (pp. 413-414),
puisqu’Hippolyte, pour mieux distinguer les charismes et les ins-
titutions, en a traité en deux ouvrages séparés. Je crains aussi
%
^ que l’auteur, malgré sa volonté de rigueur, n’ait été parfois
au-delà de ce que disent les documents, surtout en matière litur-
gique : les Canons d’Hippolyte ne font pas « officier » le lecteur
“Tm
au début de l’assemblée (p. 75) ; que le Concile de Tolède de 398
réserve au sous-diacre la lecture de l’Épître et des Actes (p. 111,
i

note) ne me paraît pas évident ; je ne trouve pas dans la Didas-


ritî calie d’indice que «s’il n’y a pas (de lecteur), c’est l’évêque qui
U: remplit sa fonction » (p. 120) ; les ministres inférieurs sont en
Éê dehors de la perspective du Pseudo Denys (cf. p. 178), qui ne
eus: décrit que les trois ordinations sacramentelles. La nature du
fliir: diaconat, telle qu’elle nous apparaît dans la personne du futur
pape Calliste, ou quand les Pères prêchent sur saint Laurent,
se retrouve ici difficilement (par ex. p. 420). La « distinction
fondamentale entre fonctions ordonnées par imposition des mains
et les autres fonctions » ne saurait être dite « un retour à l’an
cienne tradition » de la part de l’auteur des Statuta Ecclesiae
antiqua (p. 197), car l’Occident latin n’avait pas suivi le rituel
des Constitutions apostoliques.

Peut-être enfin risque-t-on d’être pareillement gêné par les


essais d’interprétation de l’auteur, et cela en deux sens. D’une
part, lorsqu’il essaie de raccorder les institutions du ni" siècle
à ce que l’on croit discerner des institutions de l’époque aposto
lique : par exemple, peut-on voir dans les lecteurs un avatar des
« docteurs » ? D’autre part, lorsqu’il projette sur les textes anti
ques des catégories ou des distinctions qui, forgées à propos de
controverses modernes, paraissent ici plutôt anachroniques : la
tradition théologique et spirituelle de l’Orient byzantin empêche
par exemple qu’à la lecture du canon 64 du Concile In Trullo
on accepte « l’impression que les dons du Saint-Esprit dont parlait
saint Paul sont maintenant confisqués au seul profit de l’insti
tution et que la véritable sainteté tend à devenir l’apanage d’un
groupe dont la marque distinctive est la tonsure» (p. 241).

Ce sont là bavures que A. Faivre corrigera dans édition


une
ultérieure, d’autant plus aisément que le recul du temps
aura
apaisé les remous autour du Motu proprio Ministeria quaedam (1).

Aimé Georges Martimort

(1) A deux reprises, l'auteur semble


Boulet sont deux personnes (pp. 348, 373) croire que Noéle Maurice Denis
! Les ouvrages faits par elle
commun avec son mari sont signés « Noèle Maurice Denis et Robert en
Boulet ».
Antonio Quacquarelli, L’ogdoade patristica e suoi riflessi
nella liturgia e nei monumenti. Bari, Adriatica Editrice, 1973
(Quaderni di « Vetera christianorum », 7). — Un volume
in-8° de 111 pages.

Le savant et dynamique initiateur du groupe qui, à Bari, se


retrouve autour de la Revue Vetera christianorum pour étudier
les Pères de l’antiquité chrétienne, reprend dans ce fascicule des
Quaderni l’article qu’il venait de donner aux Miscellanea di
Luciano De Bruyne e Antonio Ferrua, t. 2 (= Rivista di archeo-
logia cristiana 49), 1973, pp. 211-269, auquel il ajoute ici une
bibliographie et des index. Le symbolisme des chiffres, dont on
a peine à comprendre aujourd’hui la vogue qu’il a connue
dans l’antiquité classique et chez les philosophes, se retrouve
abondamment dans la prédication des Pères et leurs commen
taires exégétiques : les 153 poissons de la pêche miraculeuse, les
318 serviteurs d’Abraham, et tant d’autres subtilités ne sont
pas cependant à comparer avec l’importance de la cinquantaine
(pentecostê) et de Vogdoade. C’est à cette dernière que se limite,
en principe, l’étude de A. Quacquarelli ; il présente successive
ment un dossier patristique, puis un aperçu liturgique et enfin
l’influence du thème sur l’architecture et l’iconographie. Les
coïncidences que l’on relève facilement avec les spéculations
profanes ou païennes ne doivent pas cacher que « la cause détermi
nante » de l’insistance des Pères sur le nombre huit, est « la prise
de conscience de la résurrection du Christ comme fait réel et
concret» (p. 36). En effet, il s’agit surtout, dans leur enseigne
ment, de montrer comment la résurrection du Christ inaugure
un monde nouveau, une création nouvelle succédant aux sept
jours de la Genèse ; le dimanche, jour du Seigneur, est le
« premier jour après le sabbat », et annonce eschatologique.
Peut-être M. Quacquarelli n’a pas suffisamment dominé sa vaste
érudition, pour mettre en valeur, au plan liturgique, la place du
dimanche, comme institution primordiale du Christianisme. Quant
à l’architecture, il me semble que l’octogone est un parti qui
ne suppose pas nécessairement une arrière-pensée symbolique :
il permet de « racheter le carré » pour soutenir une coupole ;
mais son usage constant dans les baptistères, surtout pour la
piscine, a certainement été influencé par le texte de I Petr. 3, 20 :
«area, in qua pauci, id est octo animae salvae factae sunt». Ce
texte a été oublié dans l’index de la p. 102. Curieuse et peu
connue est la documentation que nous donne l’auteur sur la
représentation des chiffres par les gestes (pp. 88 92).
Aimé Georges Martimort

José Aldazabal, La doctrina eclesiologica del Liber Ora-


tionum Psalmographus (Collection Biblioteca di Scienze reli-
giose, n° 11), Las, Roma, 1975.— Un volume in-8° de 355
pages.
Les oraisons psalmiques présentent un réel intérêt dans la
tradition liturgique, car elles donnent une clé de l’usage chrétien
du psautier. Ce sont des formules qui, dans la célébration de
l’Office, étaient dites après chaque psaume pour en reprendre les
thèmes essentiels, en les actualisant dans le contexte de la com
munauté en prière. Parmi les séries de ces formulaires qui nous
sont parvenues, celle qui vient d’Espagne a été éditée en 1972
par J. Pinell, dans les Monwnenta Hispaniae Sacra. C’est ce
Liber Orutionum qu’étudie J. Aldazabal.
Son projet essentiel est d’ordre théologique. De l’ensemble des
textes, qu’il a passé au peigne fin, il dégage les images de l’Église
qui y sont présentées, souvent à partir des expressions mêmes
des psaumes. Il s’agit d’abord, évidemment, du nouvel Israël, réuni
autour du Christ. C’est une assemblée, un peuple, un troupeau,
une famille, un nid ; nous sommes les héritiers de nos pères dans
l’accomplissement de la promesse qu’ils ont reçue. Cette here-
ditas, c’est celle du Seigneur qui l’a acquise par la rédemption ;
elle est son royaume, le bien dont il a acquitté le prix. On trouve
aussi l’image de la construction : maison, cité, Jérusalem, où,
à côté de la perspective universelle, se dessine le relief de la
communauté locale, avec ses ministres, le témoignage de la vie
chrétienne dans les difficultués du moment, l’évocation de la
persécution, puis de la paix recouvrée. L’Église est encore le
navire qui affronte la tempête, guidé par son Seigneur dans son
pèlerinage terrestre vers le port du salut. Elle est enfin l’Épouse,
le Corps du Christ dont la Tête assure l’unité, ainsi que la Mère
qui donne la vie au peuple croyant au temps de la stérilité.
L’A. nous fait ainsi entrer dans l’esprit d’une communauté nourrie
par une psalmodie qui non seulement devient véritablement une
prière chrétienne, mais aussi une célébration des heures et des
jours.
Mais là n’est pas le seul intérêt de cette étude qui apporte
sa précieuse contribution à la recherche des origines du Liber
orationum. L’attribution de l’ouvrage à saint Léandre, évêque
de Séville dans les dernières années du vi e siècle, déjà proposée
par J. Pinell, se précise tout au long de ces pages jusqu’à se pré
senter comme une quasi certitude. Les allusions qu’on y trouve
conviennent bien à la période de la persécution arienne du roi
Léovigild suivie de la conversion des Wisigoths sous le règne
de Récarède. Mais surtout de nombreux parallèles apparaissent
entre les conceptions et les insistances théologiques du Psalmo-
graphe et celles des œuvres connues de son auteur présumé, la
Régula (De institutione virginum) et YHomilia prononcée au
111“ concile de Tolède, celui de l’unité retrouvée. Deux appendices
font aussi ressortir l’homogénéité littéraire et les marques des
influences d’auteurs plus anciens (Grégoire d’Elvire et Juste
d’Urgel) dans les deux cas. Si l’on ajoute qu’il s’agit d’oraisons
psalmiques utilisées dans 1’ « Office cathédral », célébré le
par
peuple sous la présidence de ses pasteurs, et non d’un
usage
monastique, il semble que l’on peut y voir l’œuvre de Léandre
144 COMPTES RENDUS

dont parle saint Isidore, son frère et successeur à Séville : « in


toto psalterio ... orationes conscripsit ».
Alors que la Liturgia Horarum, issue des réformes de Vatican
II, propose de nouveau des Oraisons psalmiques ad libitum, et
que l’on recherche partout à rendre plus vivante et plus actuelle
la célébration de l’Office, nous sommes reconnaissants à l’A.
de nous donner, avec le fruit de sa recherche théologique et
spirituelle, cet écho plein d’intérêt de la tradition hispanique.
R. Cabié

Pierre de Celle, L’École du cloître. Introduction, texte


critique, traduction et notes par Gérard de Martel, moine
de l’Abbaye Saint-Pierre-de-Solesmes. Paris, Cerf, 1977
(Sources chrétiennes, n° 240. Série des Textes monastiques
d’Occident n. XLVII).— Un volume de 358 pages.

Pierre de Celle (1115-1183) serait bien peu connu de nos


contemporains si dom Jean Leclercq, en 1946, n’avait consacré
une étude substantielle à la spiritualité de ce moine contempo
rain de saint Bernard, et ne lui avait assigné une place non
négligeable, comme témoin de la vie monastique au xn e siècle,
dans différents articles de dictionnaires et dans le tome 2 de
L’Histoire de la spiritualité chrétienne publié en 1961.
Le présent volume répond au vœu, qu’exprimait ce maître
historien, de voir rééditer les œuvres du célèbre bénédictin,
successivement abbé de l’abbaye Saint-Pierre-de-Celle près de
Troyes, entre 1140 et 1145, puis de l’important monastère de
Saint-Remi-de-Reims (1162), et finalement évêque de Chartres
en 1180. Il mourut en 1183.
En choisissant de publier le De disciplina claustrali, dom
Gérard de Martel nous offre une synthèse très représentative
de la spiritualité monastique d’une époque particulièrement bril
lante par sa littérature religieuse. Pénétrée de souvenirs bibli
ques, elle s’exprime à travers une ample moisson d’images
empruntées à l’Ancien Testament et de thèmes évangéliques mis
en valeur par la comparaison avec l’idéal du philosophe, l’austé
rité du Juif, l’ascèse du chrétien et la vie angélique du moine.
Les différents aspects de cette discipline angélique qu’est
celle du cloître nous sont présentés sous une série d’images
empruntées à la littérature monastique, elle-même tributaire de
l’Écriture sainte.
Viennent ensuite les différents éléments de l’ascèse monas
tique qui alimentent la vie spirituelle des cloîtrés. On remarque,
en particulier, le chapitre XX qui insiste sur la nécessité de la
confession, les deux chapitres XXII et XXIII sur l’oraison, et
surtout le chapitre XXVII, qui semble avoir été ajouté et qui
traite de « la communion du corps et du sang du Seigneur »,
recommandant la communion fréquente et même quotidienne.
L’éditeur n’a pas manqué d’enrichir ce texte, quelque peu
déconcertant pour le lecteur moderne, de très nombreuses réfé-
’Â Celle et qui
rences aux ouvrages dont a pu s’inspirer Pierre de
font de cet excellent manuel un témoin très représentatif du
% milieu médiéval pour lequel il a été écrit. Dédié à un chanoine
l'jil régulier, il
est particulièrement caractéristique de l’unité de ce
igl milieu. Les médiévistes seront reconnaissants à Gérard de Martel
d’avoir donné tous ses soins à cette édition critique et à sa
traduction.
M. Olphe-Galliard

Baldomero Jimenez Duque, La espiritualidad en el siglo


i| XIX espanol, Madrid, 1974, 12 x 19 (collection Espirituales
d espanoles).— Un volume de 236 pages.
L’auteur....de cet ouvrage n’a pas caché la difficulté de son
.

entreprise : écrire une monographie sur la spiritualité du xixe


siècle espagnol alors que l’enquête n’a été préparée que par une
documentation de médiocre valeur scientifique, semblait un défi
qu’il a cru pouvoir accepter en limitant son sujet et en fixant
son attention sur la vitalité multiforme de l’Église catholique
dans un pays par ailleurs profondément troublé.
Auteur d’une Théologie de la Mystique parue en 1963, Bal
domero Jimenez Duque ne pouvait mieux concrétiser son ensei
gnement qu’en dressant le tableau des manifestations de la vie
spirituelle qui ont marqué par leur contraste le contexte politique
et culturel où elles se sont développées.
Débutant sous le règne du roi Charles IV, la période choisie
s’achève en 1931 avec l’abdication du roi Alphonse XIII. En
regard d’une Espagne séculière décadente et tributaire du xvm e
siècle français, une abondante floraison d’œuvres variées atteste
la force d’expansion qui naît d’un esprit religieux intensément
actif. Enseignement, œuvres caritatives et sociales, rayonnement
missionnaire, littérature spirituelle abondante et surtout piété
populaire et merveilleuse prolifération d’exemples de sainteté,
sont autant de témoignages qui justifient le propos de l’auteur.
La riche documentation dont il nourrit son texte sera parti
culièrement appréciée des historiens qu’intéresse la vie de l’Église
catholique à une époque proche de la nôtre.
M. Olphe-Galliard
Gertrudis Gomez de Avellaneda, Manual del cristiano.
Introducciôn y ediciôn de Carmen Bravo-Villasante, Madrid,
Fundaciôn universitaria espanola (Alcala 93), 12 x 17.— Un
volume de 234 pages.

Une grande dame, Gertrude Gomez de Avellaneda, née à Cuba


en 1814, écrivain et poète hautement apprécié en Espagne où
elle vécut jusqu’à sa mort, fut aussi une chrétienne de piété
sincère et profonde. Veuve de bonne heure, ayant perdu son mari
lors d’un séjour en France, elle vint se recueillir à Bordeaux
dans le couvent de Notre-Dame de Lorette. C’est là que, pendant
un mois, elle donna libre cours à sa dévotion en composant, en
vers et en prose, un recueil de prières dans lequel s’exprime
un intense sentiment religieux.
La présente publication met au jour pour la première fois
ce recueil dont le manuscrit a été retrouvé providentiellement
à Santander dans la Bibliothèque Menendez Pelayo. Carmen
Bravo-Villasante, dans une Introduction fervente et bien docu
mentée raconte l’histoire de ce livre de dévotion que l’auteur
avait cru perdu à jamais dans la retentissante faillite de son
éditeur. Gertrude de Avellaneda composa plus tard un second
recueil, dont le manuscrit se trouve également dans la Biblio
thèque Menendez Pelayo, et qui reflète une piété plus calme
et plus réfléchie, mais qui a paru moins significatif que le texte
du premier recueil dont ce volume présente l’édition. Nul doute
que les hispanisants n’y trouvent un enrichissement de leur foi
et de leur piété.
M. Olphe-Galliard

Melquîades Andrés Martin, Los Recogidos, Nueva visiôn


de la mîstica espanola (1500-1700), Madrid, Fundaciôn uni-
versitaria espanola, 1976. — Un volume in-8° de 850 pages
et 48 photographies hors-texte.

La Fondation Universitaire Espagnole, ayant décidé de réaliser


une histoire de la théologie en Espagne, a confié ce travail au
Séminaire Francisco-Suarez, dont le directeur Melquîades Andrés
Martin, professeur d’histoire de la théologie à l’Université
Pontificale de Salamanque et à la Faculté de Théologie de Burgos
est déjà avantageusement connu par d’autres travaux de recher
ches en histoire de la spiritualité espagnole. Il a assuré ici la
préparation de l’ensemble de l’ouvrage, dirigé les travaux de ses
collaborateurs et rédigé lui-même la majeure partie de cette
importante étude.
Après certains auteurs qui ont analysé de plus amples mou
vements que celui de la spiritualité, comme Marcel Bataillon,
Erasme et l’Espagne, ou Robert Ricard, Histoire de la Réforme
en Espagne, et après les écrivains qui ont tenté une vue d’en
semble de la mystique espagnole, tels Rousselot, Les Mystiques
espagnols (1887), Menéndez Pelayo, La Ciencia espanola (1877),
Pedro Saînz Rodriguez, Espiritualidad en Espana (1961), le pré
sent ouvrage essaie d’explorer un cheminement de la spiritualité
espagnole du Siècle d’Or, appelé la voie du recueillement.
Il s’agit, d’après l’auteur, «du courant primaire et fonda
mental auquel s’alimentent et se réfèrent d’une façon ou d’une
autre, en un premier temps, toutes les autres voies spirituelles,
et plus tard, ce qu’on a appelé les écoles mystiques et spiri
tuelles » (Introduction, p, 14).
Ce courant est né chez les Franciscains réformés et obser-
tyc vants d’Espagne, vers 1480. Il fut codifié par François d’Osuna,
Wü. Barnabé de Palma et Bernardin de Laredo entre 1525 et 1530.
ati | Il fut suivi par Sainte Thérèse pendant plus de vingt ans,
ajc par Saint Pierre d’Alcantara et le Bienheureux Nicolas Factor.
Il fut recommandé par Saint Jean d’Avila et Saint François de
Borgia et pratiqué encore par Frère Jean des Anges, Antoine
Ij, Sobrino et beaucoup d’autres, aux xvi e et xvn® siècles.
Mais en quoi consiste la mystique du recueillement? C’est
il une méthode qui, pour obtenir l’union de l’âme à Dieu, but de
l'unit
toute vie mystique, préconise l’effort de l’homme tout entier,
de
t personne et esprit, intelligence, mémoire et volonté. Elle ne sépare
scc.: pas l’âme du corps, l’intérieur de l’extérieur, comme le faisaient
à la même époque les illuminés et les érasmistes. Elle ne regarde
a: pas comme inconciliables les exercices ascétiques et les mysti-
Kt ques, la vie active et la vie contemplative, la théologie scolas-
dc. tique et la mystique. Elle affirme que nous devons suivre le
Christ de tout notre être, corps et âme, personne et esprit.
A partir de là, l’homme doit réaliser l’intégration en lui-
même : les sens se réduisent aux puissances supérieures, celles-ci
à l’essence ou à la substance de l’âme, et cette dernière s’unit
à Dieu par l’amour. Dieu et l’homme sont donc à la fois les
ni protagonistes de cette mystérieuse réalité.
Il s’agit d’un mouvement intérieur ascensionnel de l’homme
où l’on peut distinguer les trois voies classiques : purgative,
illuminative et unitive ; l’homme s’y greffe, s’y purifie et s’élève,
dis jusqu’à ce que Dieu pénètre en lui. L’homme recueilli ne méprise
df pas l’ascèse, il insiste même sur sa pratique, mais quand il est
[jdr parvenu au centre de lui-même, il adhère à Dieu qui est dans
son intimité, en usant de toute la force de sa volonté et de
son amour.
Alors intervient ce que les pratiquants appellent le recueille
ment acquis, où l’homme, non sans la grâce de Dieu, assure
la plus grande part de l’action unitive, ou bien le recueillement
infus, dans lequel c’est surtout Dieu qui agit dans l’âme.
Voilà, en quelques mots trop brefs, la voie suivie générale
ment au xvi e siècle, jusqu’à l’apparition, et au-delà, des expé
riences carmélitaines, par tous les mystiques espagnols.
Cependant on est frappé par un processus très net de déve
loppement dans les formulations des récits d’expériences mysti
ques. Au début, tout paraît très simple, les formules sont variées,
l’expérience interne est décrite, semble-t-il,
sans préoccupations
intellectuelles. Plus tard, on analyse, on précise les formules pri
mitives, certaines sont abandonnées, peut-être pour ne pas s’ex
poser à la sévérité de l’Inquisition ; on passe du simple au
complexe, de la synthèse à l’analyse, on multiplie les métaphores
(la source, la nuit, le feu, etc.) et on insiste certaines for
sur
mules en les expliquant (entrer en soi, sortir de soi, le fond
le château). ’
Pour donner une idée précise de cette voie du recueillement,
l’auteur a divisé son ouvrage en deux parties : la première, où
il expose les antécédents et le système de ce courant spirituel,
d’après les grands maîtres franciscains, et la seconde où il le
compare aux autres voies spirituelles de son temps, en étudiant
sa survivance dans les différents ordres religieux du
Siècle d’Or.
Toute la première partie apporte des précisions sur le contenu
et les modalités de la voie du recueillement. A partir des écrits
de François d’Osuna, F. d’Ortiz, B. de Palma, B. de Laredo et
Fr. Jean des Anges, analysés systématiquement, se dégagent avec
clarté l’histoire de la doctrine, les méthodes de sa pratique et
les degrés successifs qu’on peut atteindre sur le chemin de
l’union à Dieu.
Aucune des résonances spirituelles de l’époque n’est omise.
Ainsi, l’hérésie de l’illuminisme, qui n’est autre qu’une fausse
interprétation du recueillement, fut condamnée par l’Inquisition
en 1525, et ne disparaîtra pas totalement avant le début du
xvm e siècle.
Au même moment, la pensée d’Érasme pénétrait en Espagne,
et sa critique des ordres religieux, de la scolastique, des rites
et cérémonies, ainsi que sa conception de la liberté ne trouvèrent
pas chez les mystiques du recueillement un accueil totalement
favorable. Érasme s’arrêtait trop aux portes de l’amour, sans
en franchir le seuil.
Plus tard, à la fin du xvn e siècle, une divergence avec cette
même doctrine fit condamner Molinos et le quiétisme, qui devait
connaître en France un grand retentissement avec Madame
Guyon, et dont le système n’aboutissait qu’à une fausse quiétude.
C’est là une preuve de l’importance et de la constance d’un
courant spirituel que ne réussit pas à arrêter en 1559 la mise
à l’Index par Fr. de Valdés, Inquisiteur général, de plusieurs
ouvrages de spiritualité qui s’en inspiraient. Mais le décret obligea
les écrivains mystiques à affiner leur langage, pour éviter d’être
suspects d’hérésie.
Aussi la seconde partie du volume est-elle consacrée à
analyser l’influence du recueillement dans chacun des grands
ordres religieux jusqu’à la fin du xvn e siècle.
Chez les Dominicains, et surtout dans les écrits de Melchor
Cano, il est en grande faveur. Chez les Jésuites, il est connu
et vécu, en particulier par saint Fr. Borgia. Parmi les Bénédic
tins, les Chartreux, les Hiéronymites, les Trinitaires, les Mercé-
daires, les Minimes et les Capucins nombreux sont les auteurs
spirituels qui ont adopté cette voie.
Les Carmélites, avec Sainte Thérèse et Saint Jean de la
Croix, méritent ici un chapitre particulier. L’une et l’autre sont
profondément imprégnés de la mystique franciscaine du recueille
ment, et c’est toujours à partir de son vocabulaire, en l’adoptant
ou en la transformant, qu’ils décrivent la richesse de leur expé
rience intérieure. Cette réalité vécue est si nouvelle et profonde
qu’elle leur permet de mettre au point, avec la réforme de leur
ordre, une mystique dite carmélitaine, qui ne cessera de se
diffuser et dont le succès sera assuré par la canonisation de
fc Sainte Thérèse en 1622.
Un long chapitre fait état de l’influence du recueillement
i“ ; dans les ouvrages spirituels du clergé séculier, comme ceux de
£

Saint Jean d’Avila. Enfin, la spiritualité augustinienne, depuis


itî les Sermons de Saint Thomas de Villanueva jusqu’aux écrits du
ifc: célèbre poète Fray Lufs de Leôn, affirme, elle aussi, la présence
É du grand courant.
Quelles furent les sources du recueillement ? L’auteur se
fit contente d’évoquer les Pères de l’Église, les théologiens du
n Moyen-Age, insistant davantage sur les expériences mystiques
&

des premiers franciscains. Comme témoins éloquents, il propose


quelques poèmes du Siècle d’Or, et pour terminer, il entr’ouvre
offi K

une fenêtre sur les reflets de ce long éclairage mystique dans


la nation ibérique soeur, le Portugal.
Avec sa riche bibliographie, son index des auteurs et son
index des thèmes, cet ouvrage constitue une mine inépuisable
de renseignements sur l’important courant mystique espagnol du
recueillement. Désormais, on devra s’y reporter pour étudier la
vraie nature de l’illuminisme et pour délimiter avec précision
les relations de l’érasmisme et de la réforme en Espagne. A coup
sûr, une grave lacune vient d’être comblée dans l’histoire de
la mystique espagnole du Siècle d’Or.
Jean Darrabat
cette ij ;

leva.

Dom Paul Nau, Le mystère du Corps et du Sang du


Iule Seigneur. La messe d’après saint Thomas d’Aquin, son rite
d’après l’histoire, Solesmes, 1976.
; — Un volume de 220
mise pages.

Qu’est-ce que la messe ? Comment est-elle un sacrifice ?


Il- Comment ses rites ont-ils pu varier? C’est pour répondre à ces
questions qu’ont été prononcées les conférences réunies en ce
volume. L’auteur, dom Nau, moine de Solesmes, y développe
une réflexion théologique à partir d’une étude pénétrante de la
doctrine de saint Thomas sur le caractère sacrificiel de l’Eucha
ristie et la présence réelle.
On notera en particulier les développements relatifs à l’Eu-
]: charistie, mémorial, sacrement parfait de la Passion. Cette doc
trine de saint Thomas sur la messe, écrit N. « n’a pas seulement
l’avantage que l’on doit attendre de toute explication théologi
que, de rendre parfaitement compte de toutes les données de
la foi, elle a un intérêt considérable, trop longtemps méconnu,
celui d’être l’aboutissement et comme l’épanouissement d’une
tradition théologique où se rencontrent l’Orient et l’Occident»
(p. 83). Et N. de citer à ce sujet des textes patristiques
très
caractéristiques.
Abordant le problème des difficultés rencontrées
réforme liturgique actuelle, N. souligne l’influence par la
exercée par
une théologie posttridentine toute axée par la controverse anti
protestante sur l’efficacité des sacrements et accoutumée à ne
plus se soucier de la vérité de leur signification. Or, remarque-
t-il à juste titre, il importe tout à la fois de mettre en valeur
la signification des sacrements et leur efficacité (comme le montre
saint Thomas dans la Somme théologique, les sacrements sont
à la fois signes et causes de la grâce. Théologie combien plus
riche que celle qui s’exprimait dans le Commentaire des Senten
ces). C’est ce qui peut permettre d’accueillir la réforme litur
gique, tout en n’en dépassant pas les limites :
«Au contraire, en ne sortant pas de la dialectique : signe
ou cause,, signe ou réalité, et en méconnaissant l’harmonieuse
union de ces deux aspects dans les sacrements de la loi nouvelle,
ou bien, on se scandalise d’entendre rappeler, à la suite pour-
en valeur par le renouveau, on ne voit plus dans le sacrifice
que celui de la Croix, mais le mémorial qui le signifie et le
contient à la fois, en pleine harmonie avec le caractère de signe
et de réalité conjugués, qui est celui de tous les sacrements de
la loi nouvelle ;
ou bien, ne faisant attention qu’au caractère de signe remis
en valeur par le renouveau, on ne voit plus dans le sacrifice
de l’autel que sa valeur représentative, le rappel du caractère
de la messe signe du Calvaire, en allant jusqu’à méconnaître,
avec son caractère de vrai sacrifice, la présence réelle, sous
les espèces eucharistiques, de la Victime du Calvaire » (p. 194).
N. ne manque pas de rappeler le sens fort qu’avait le terme
« mémorial » dans la liturgie juive, celle où s’inscrivit l’institution
par Jésus du « mémorial » de sa Passion. Mais sans doute eût-il
été intéressant de donner un plus large développement à cette
notion de mémorial dans la liturgie juive. Il eût été bon aussi
de signaler le remarquable ouvrage de M. Thurian sur l’Eucha
ristie comme mémorial du sacrifice de la Croix.
Tel est cet ouvrage de proportions relativement modestes,
qui a le grand mérite de bien mettre en lumière des principes
théologiques fondamentaux et d’éclairer ainsi avec sérénité et
fermeté les débats actuels sur la réforme liturgique.

Claude Chopin

Mgr Gérard Lefeuvre, La vocation sacerdotale dans le


second concile du Vatican, avec une préface de Mgr Vial,
Paris, Téqui, 1978. — Un volume de 304 pages.

Cet ouvrage préfacé par l’évêque de Nantes est la publication


d’une thèse soutenue par Mgr Lefeuvre devant l’Université Gré
gorienne. Thèse qui traite de l’enseignement du second concile
du Vatican sur la vocation sacerdotale.
Après avoir évoqué la crise du recrutement sacerdotal,
L. consacre la première partie de cet ouvrage à une étude minu-
ÏH tieuse du contexte dans lequel se situe cet enseignement :
textes romains consécutifs à l’ouvrage du chanoine Lahitton,
i% résultats des consultations entreprises à titre de préparation loin-
vjjï taine au concile, travaux de la commission préparatoire De
mot Studiis et Seminariis.
La seconde partie est consacrée à l’analyse des textes de
J1 !»; Vatican II relatifs à la vocation sacerdotale, aux schémas qui
:C
f ont préparé les textes définitifs. L. y souligne en particulier
la relation étroite qui existe entre ces textes et l’enseignement
de l’Église exprimé dans la constitution Lumen gentium. Il cons-
(i-, tate d’autre part que peu de questions relatives à la nature
jjfljj de la vocation sacerdotale ont été soulevées par les Pères dù
^ concile. Ceux-ci, lorsqu’ils s’expriment à ce sujet, abordent plutôt
les questions relatives à la culture des vocations, au rôle des
petits séminaires. « Pour la majorité des Pères qui parlent du
recrutement sacerdotal, les vocations des jeunes en demeurent
encore la source principale, ce qui explique leur insistance sur
la formation qui doit être donnée dans les petits séminaires »
(p. 46). Mais il y a des voix divergentes. Certains s’interrogent
sur la signification de la formation donnée dans les petits sémi-
c naires : « Dans quelle mesure la formation morale et spirituelle
tà* donnée dès le jeune âge doit-elle être conçue comme directe-
* ment ordonnée à celle qui sera reçue au grand séminaire et,
lift
en fait, comme une préparation lointaine au sacerdoce? (p. 185).
Quelles sont les conclusions qui se dégagent de l’analyse
des textes conciliaires ? Il y a d’abord confirmation par le
me concile des points de doctrine élaborés plus particulièrement
tf depuis 1900 et enseignés par les derniers papes: «Le primat de
li! l’appel divin est affirmé sans ambiguïté. Toute étude sur la
tîtt vocation doit se faire dans une perspective théologique afin de
uss
discerner dans toute la mesure du possible l’action de la Provi-
ks dence divine, « qui donne à des hommes divinement choisis pour
participer au sacerdoce hiérarchique du Christ les dons néces
saires et les aide de sa grâce » (Formation des prêtres 2) »
(p. 208). D’autre part, le concile a légitimé la notion de germe
de vocation. Ce qui suppose d’un point de vue humain que la
vocation se manifeste à travers une maturation. Dans la même
ligne, le concile a affirmé la réalité de la vocation des jeunes,
traité des petits séminaires en un paragraphe entier.
« Il serait cependant erroné de croire, estime L., que le Concile
n’a pas fait progresser la réflexion sur la vocation sacerdotale
ou religieuse. La mise en lumière de sa relation exacte avec
la vocation universelle à la sainteté constitue
un apport original
et permet l’élaboration d’une synthèse doctrinale plus vaste,
dans laquelle un certain nombre de problèmes peuvent trouver
une solution ». C’est ce qui s’exprime en particulier dans le
chapitre 5* de Lumen gentium : par le baptême tous les chrétiens
sont appelés à la sainteté ». C’est donc pour chacun d’entre eux
qu’il y a une vocation, éminemment personnelle et qui doit être
reconnue comme telle » (p. 209). En ce qui concerne les prêtres,
cet appel à la sainteté s’enracine dans le rapport spécial
au
Clulsl »|Ul lr«M COUStltUC hUIVlleUIrt (lit |*tUl|»lc< de Dieu (i l MOltS*
fôf»’ et prdfruM l’J) Aluni que toute vocation chidtleuna,
vif il es
Irt VOCrttlui» NrtCeidotrtle suppose IIIIO tCpoUNO A l'rtppel piAvoUrtnl
«1o I >lr*n ( o (pli rtinAne I A critiquai lu concept ton exclusive
mrnl fonctionnelle du ministère Srtcetdnlrtl «Tout courant du
pensAu qui lend A trtinenei le sacerdoce Ordonné A une rAalilA
d'tduud fonctionnelle et doue A diminuai dans lu mAme proportion
('o que In doctrine nui’ l« vocation Implique comme engagement
spirituel II t'AVOCable drtUN l'wcceplrtllon de Irt charge ministerielle
est iadlcalement oppose A l'enseignement du Cou» iln » (p ’l . ) 1

I en conclusions relatives A lu pastorale don vocations »»nw «

IKnout iiiiii nette critique du l'orientation donnât* ru Ikuu n A


cette pastorale « Ibms Irt peirturtslon qu'il nu doit part y avoli
du différence unii e un sAtnlflarlste ul un militant |Aciste, on mut
l'accent nui lu vlu baptismale vAcue au Joui lu Joui I idAe du
développement duvleni prédominante Duna I»' domaïuu du lu
vocation, celu consiste A riduullflui avae l'epanouIssement rtpin
(nul pui'Nonnul l« voumIIou est vAcue pendant toutu la vlu
On n'ouhlle certes part la volonté divine, mais (*n In considéré
unltpiumunt dans non rapport A l'Instant présent (’uat pourquoi
luw rAfArences uMMuniiulluN nont d'ordru psychologique < upun
dani ( U n'urtl pliirt lulluiuunl le dtVs/r qui rai mis un avant, ai <

Il runvolu trop facilement A la volonté divine et A rohuiaaancu


Ou IhnInIu au eontratru du prefArance nui lus conceptn (pii uxpn
muni davantage l'autonomie du sujet, ut principalement nui la
tllMponlhUllê, Il faut rnluvur d'ailleurs combien fréquemment il
un! fait appui A la disponibilité un soi, comme al elle était une
mule d'absolu; continu ai, Niirtoiil, une disponibilité sana finalité
et un quelque sorte vidu pouvait avoir une valeur, A suppose!
d'ailleurs qu'elle puisse correspondre A un étal psychologique
durable» (p V.IP), Il y a trop souvent, estime I., une perspective
anthropologique qui n'est paa suffisamment reliAe A la perapui
tlvu thAologlque qui est tout A fait fondamentale en ce domaine
Tel un! cet ouvrage Nolidumunt documente (on remarquera
un particulier l'Importante bibliographie, multiples documenta
Iun
cites un appendice), qui rappelle fermement l'enseignement de
Vatloan XI aur la primat da l'appal divin at aur la notion da
germe de vocation, l es pages relatives A la paatorale dus voca
tiens nu rallieront paa tous lus suffrages, Cependant ('eux (pu
prAonnlsant une autre pastorale auraient tort du négliger un
ouvrage qui a lu m Art ta de souligner la perspective thAologlque
n! usNuntlullu A la reflexion s\tr la vocation Naectdolale.

Claude ( ’HOVIN

Henri DttNIR, Des snc'fvmoMfs et (toN hommes, l’nits,


Chalet, 11175, «— Un volume de 17(1 pages,

cet ouvrage, Henri Denis tonte du faire un bilan de l'teuvre


Ivn
post conciliaire, durant la décennie 1005 1075, dans le domaine
des sacrements. Ce qui l’amène à proposer des réflexions sur les
« points chauds » de la pastorale des sacrements.
Ces réflexions d’un théologien très soucieux de discerner les
divers aspects de la conjoncture actuelle, sont développées à
partir des axes fondamentaux suivants : La reconnaissance du
don de Dieu n’est jamais indépendante de la foi d’une Église.
La primauté de la foi essentielle au christianisme a toujours une
dimension sacramentelle. La célébration de la foi suppose tou
jours une Église à laquelle on est diversement relié (pp. 78-82).
Le sujet le plus développé est celui qui concerne la question
des ministères dans l’Église. Question abordée à partir de deux
propositions fondamentales :
1. La ministérialité des sacrements suppose l’intervention du
peuple de Dieu tout entier, mais plus précisément de ministres
variés n’ayant reçu d’autre investiture sacramentelle que celle
de leur baptême (c’est-à-dire de leur initiation chrétienne : bap
tême, confirmation, eucharistie).
2. La ministérialité des sacrements suppose, pour être authen
tique, que soit manifesté (de manière sans doute contingente,
parce que historique) le lien du ministère de l’Église avec celui
du Christ, par le ministère apostolique ordonné» (p. 141).
C’est à partir de ces principes que D. livre quelques réflexions
sur la reconnaissance des ministères non ordonnés (« Il y a
urgence d’une reconnaissance effective des responsabilités exer
cées ou à exercer. Mais il y a en même temps non-urgence en
ce qui concerne les modèles de reconnaissance ou les labels offi
ciels » (p. 145)). Conclusion sage ; par contre ce qui est dit de
la participation des femmes aux ministères de l’Église, de la
situation des prêtres qui se sont mariés, est pour le moins
discutable.-
D. aborde aussi une question particulièrement délicate : celle
qui concerne la présidence de l’Eucharistie. Evoquant la situation
provenant d’une diminution du nombre des prêtres, il déclare
qu’on ne peut approuver la pratique des célébrations « sauvages »,
tout en envisageant avec une certaine faveur la possibilité d’une
délégation pastorale pour la célébration de l’Eucharistie : « Cette
délégation serait donnée à telle personne précise pour tel groupe
et tels actes précis. Ce ne serait pas une ordination au sens
habituel du terme. Ce serait le relais indispensable d’une commu
nion nécessaire, sans laquelle le sacrement de la communion
deviendra mensonge ou usurpation » (p. 158). Une telle propo
sition, estime D., correspondrait à une évolution dans la concep
tion des ministères ordonnés : « Sera-t-il possible encore long
temps de regarder le prêtre comme l’homme indispensable à la
« production » d’un acte sacré ? Ne va-t-on pas davantage le
considérer comme un signe sacramentel indispensable (mais non
absolument requis pour chaque eucharistie) de la communion
ecclésiale, laquelle a sa source dans l’Auteur de toute commu
nion, Jésus nous livrant l’amour du Père dans son corps livré
et son sang versé » (p. 16).
Telle est la suggestion présentée avec réserve par D. Si elle
est peut-être de nature à favoriser le dialogue œcuménique avec
les protestants, elle ne peut que compromettre gravement le
dialogue avec les orthodoxes, qui considèrent comme essentielle
la fidélité au donné traditionnel sur la célébration eucharistique,
supposant pour sa validité un pouvoir absolument réservé à un
ministre ordonné. D’autre part est-il suffisant d’envisager d’un
point de vue juridique la présidence de l’Eucharistie, qui consti
tue un élément si important de l’ordre sacramentel ?
Claude Chopin

Raymond Vaillancourt, Vers un renouveau de la théo


logie sacramentaire, coll. Liturgie vivante, Montréal, éd.
Fides, 1977.— Un volume de 166 pages.
Dans cet ouvrage R. Vaillancourt, professeur à la Faculté de
théologie de Sherbrooke, se propose de montrer que le renouveau
pastoral et liturgique de Vatican II appelle une révision de la
théologie traditionnelle. Dans une première partie, l’auteur fait
un bilan du renouveau de la liturgie et de la pastorale des sacre
ments. La présentation de ce bilan est accompagnée d’un bref
exposé historique : l’expérience sacramentelle au cours du pre
mier millénaire ; l’élaboration d’une notion technique du sacre
ment qui a commandé un type de la théologie et de la vie
sacramentaires (du xir siècle à nos jours) ; la phase actuelle
consécutive à Vatican II.
Dans une deuxième partie, V. montre en quoi le renouveau
de l’ecclésiologie, de la christologie et de l’anthropologie inter
pelle la théologie classique des sacrements et fonde une nouvelle
théologie.
«La troisième partie qui se veut plus ambitieuse, consiste
à présenter un nouvel essai de théologie sacramentaire, essai
qui récupère les richesses de la tradition ecclésiale, qui profite
des nouvelles approches de la christologie, de l’ecclésiologie et
de l’anthropologie et qui utilise la terminologie théologique mise
en place par le renouveau conciliaire» (p. 13).
Telles sont les grandes lignes d’une synthèse qui dénote une
bonne connaissance de l’histoire de la théologie et des problèmes
posés aujourd’hui à l’Église. Ainsi c’est à juste titre que V.
insiste sur la dimension christologique et ecclésiale propre aux
sacrements. V. a en particulier le souci de mettre en valeur la
dimension sacramentelle de l’Église tout entière : « La réalité
sacramentelle est intérieure à l’annonce du salut ; elle la qualifie
et lui donne son unité dernière... Il n’est donc pas possible d’op
poser deux aspects de la mission de l’Église : aspect d’évangéli
sation et de sacramentalisation » (p. 43).
De telles perspectives sont de nature à contribuer à un renou
vellement de la théologie sacramentaire. On peut cependant noter
certaines imprécisions. Ainsi V. insiste sur la dimension sacra
mentelle de l’Église tout entière au point de ne plus maintenir
de manière suffisamment précise la distinction entre sacrements
et sacramentaux. D’autre part, c’est parfois par des expressions
faibles que V. évoque l’efficacité propre au sacrement (ainsi le
baptême est envisagé comme «une démarche de Dieu qui, par
l’Église, a comme rôle de révéler à l’homme sa véritable image
(l’image eschatologique) et de l’aider à la réaliser en lui » p. 89).
d’où sans doute des propos au moins imprécis sur la nécessité
du baptême. Très attentif à souligner les principes de la symbo
lique sacramentaire chrétienne, V. ne met guère en relief le rôle
de l’Esprit-Saint, l’importance du thème biblique du Mémorial.
On peut noter aussi des expressions rapides et discutables
sur le pessimisme de la théologie préconciliaire (p. 73) ; sur le
christianisme d’avant le concile qui aurait été pratiquement une
religion théiste faisant peu de place au Christ.
D’autre part, il n’est pas vrai de dire que depuis Vatican II
la distinction nature - surnaturel est périmée (comme il est dit
équivalemment p. 83). On peut lire à ce sujet l’étude précise
réalisée par Ph. Delhaye (Note conjointe sur la nature et la grâce
à propos d’un texte du Professeur Caffarra dans Esprit et vie
1978, pp. 412-416). Etude dans laquelle je relève tout particu
lièrement la formule suivante : « Vatican II, qui ne cautionne pas
l’hypothèse de la nature pure, exprime la distinction et la coor-
dination des deux ordres création-rédemption dans la perspective
®i de l’histoire du salut telle que Dieu l’a voulue en fait» (p. 415).

Claude Chopin

Michel Quesnel, Aux sources des sacrements, coll. Rites


et symboles, Paris, Cerf, 1977.— Un volume de 136 pages.

L’origine de cet ouvrage est un cours donné au Centre Jean-


Bart à Paris en 1974. L’auteur, le P. Quesnel, se propose de
«découvrir le sens des rites et célébrations de l’Église primitive
à travers le Nouveau Testament, afin de mieux comprendre
nos
gestes religieux d’aujourd’hui » (p. 17).
Etant donné la diversité qui s’exprime dans les textes, Q.
estime que « la seule méthode honnête semble être d’interroger
le Nouveau Testament par auteurs, chacun d’entre eux étant le
témoin de quelque chose qui s’est vécu quelque part» (p. 22).
En fait l’enquête se limite aux textes de saint Paul, de saint Luc
et de saint Jean ainsi qu’à l’épître aux Hébreux.
Cette étude assez brève ne manque pas d’intérêt. C’est ainsi
que Q. met bien en relief les caractéristiques de la théologie
sacramentaire de saint Jean. D’autre part, très attentif à souli
gner la diversité qui s’exprime dans les textes du Nouveau Tes
tament, Q. ne manque pas de dégager quelques convergences
significatives : des gestes vrais, des gestes en référence à l’amour
de Dieu, des gestes qui engagent, des gestes de résurrection
(pp. 122-128). Et il conclut : « La dimension sacramentelle du
christianisme est certainement l’une des grandes originalités,
car
elle tient compte de tout l’homme, dans ses dispositions intérieu-
156 COMPTES RENDUS

res comme dans son corps et sa vie communautaire ; la minimi


ser, c’est prendre le risque de minimiser en même temps la
résurrection » (p. 128).
On peut cependant regretter avec L. Renwart que Q. ait
pratiquement passé sous silence l’action du Saint-Esprit dans
l’Église depuis la mort du dernier apôtre : « Si le retour aux
sources prôné par le Concile, est indispensable pour retrouver
le jaillissement primitif, il ne peut se faire aux dépens de ce
que le même Esprit qui a inspiré les Ecritures a aussi fait décou
vrir au cours des siècles» (NRT 1978, p. 910).
Claude Chopin

Jacques Courvoisier, De la Réforme au Protestantisme.


Essai d’ecclésiologie réformée, coll. Théologie historique
n° 45, Paris, Beauchesne, 1977. — Un volume de 210 pages.

Le titre de cet ouvrage indique bien le sens de la thèse


soutenue par l’auteur J. Courvoisier, qui a été durant de longues
années professeur d’histoire ecclésiastique à l’Université de
Genève. Pour cet auteur, de confession réformée, le but poursuivi
par les Réformateurs du xvi e siècle n’a pas été l’établissement
d’églises nouvelles, mais la réforme de l’Église traditionnelle
d’Occident. (A la fin de l’introduction C. précise que l’étude qui
suit concerne uniquement la tradition réformée inaugurée par
Zwingli et développée par Calvin. Elle serait susceptible d’être
poursuivie à propos de la tradition luthérienne).
Dans la démonstration de cette thèse, C. souligne le caractère
antagoniste des positions respectives des réformateurs et des
anabaptistes relativement au baptême. Pour les premiers, le bap
tême est le sacrement de l’entrée dans l’Église. Aussi ne peut-il
être réitéré. Par contre les anabaptistes, en rebaptisant ceux qui
viennent à eux d’une église chrétiènne (traditionnelle ou réfor
mée) déclarent nul le baptême déjà reçu (p. 186). Pour eux,
il n’y a pas de différence entre le membre d’une église officielle
(traditionnelle ou réformée) et un païen (p. 59). En préconisant
le rebaptême, les anabaptistes signifient qu’une nouvelle église
est fondée, « ce qui est impensable pour les réformateurs »
(p. 186).
Profondément opposés aux anabaptistes en ce qui concerne
le baptême, les réformateurs, en particulier Zwingli et Calvin,
le sont aux catholiques en ce qui concerne l’Eucharistie : « La
messe est une idolâtrie et un blasphème pour les réformés alors
que pour les romains, la cène réformée n’est pas un sacrement»
(p. 186). Grave opposition qui est un des éléments majeurs de
la rupture qui s’est établie entre l’Église catholique et les églises
de la Réforme.
Du chapitre consacré à plusieurs théologiens du xvn e siècle
(du Moulin, Jurieu...), il ressort que leur ecclésiologie se situe
dans la ligne de ce que l’on convient d’appeler l’orthodoxie
réformée : « Avec des nuances, ils argumentent chacun dans le
cadre de la pensée des réformateurs, notamment de Calvin. Ils
se sentent membres de l’Église une, catholique, et leurs déve
loppements partent de l’unité d’une église qui n’a jamais été
recommencée depuis sa fondation... La référence à l’Église tradi
tionnelle fait donc, comme chez les réformateurs, partie de leur
ecclésiologie » (p. 131).
Cette ecclésiologie ne s’est pas maintenue. Sous diverses
influences, en particulier le développement du courant piétiste,
on assiste à une transformation du sens donné à l’expression
réformé. Au terme de cette évolution, l’expression réformé évoque
moins l’Église à réformer que l’étiquette d'une église s’affirmant
autre que l’Église traditionnelle. « Les Églises réformées pren
nent alors leur aspect protestant» (p. 188). De là l’abandon du
mot catholique ; « Toujours revendiqué par la communion romaine,
ce mot est devenu synonyme de romain dans le langage courant
jusque chez les réformés dans les pays de langue française en
tous cas ».
Au jugement de C., plusieurs conséquences découlent de ce
changement de perspective dans l’ecclésiologie des réformés. La
première est le développement de la pensée missionnaire : d’abord
dans les milieux piétistes, puis au sein des Églises réformées.
Une autre conséquence concerne le gouvernement des églises :
« Si Calvin avait pu concevoir la réforme de l’Église dans le
cadre de l’épiscopat... le xix® siècle réformé, en général, voyait
un obstacle à une union avec l’Église anglicane à cause précisé
ment de l’épiscopat» (p. 190).
Et C. de noter aussi les répercussions de cette ecclésiologie
sur la recherche œcuménique.
C. conclut en disant que la tradition présente aujourd’hui
un aspect réformateur assez amoindri et un aspect anabaptisto-
piétiste qui l’a fortement marquée. « L’aspect réformateur impli
que l’idée d’une église incomplète sans sa référence constante
à l’Église d’Occident. L’aspect anabaptiste implique l’idée d’une
église complète avec tous ses ministères, mais en porte à faux
car on ne recommence pas l’Église ». Et C. de terminer en souhai
tant que la tradition réformée reprenne les intuitions des réfor
mateurs du xvi e siècle : « La raison d’être de la tradition réformée
est de revêtir un caractère d’attente, dont un caractère provi
soire. Tels les Israélites en marche vers la Terre promise, les
Églises réformées existent en vue de la catholicité chrétienne
et non pour constituer une ou des églises séparées » (p. 193).
Tel est cet ouvrage d’un historien averti qui a procédé à une
étude minutieuse de l’ecclésiologie réformée. Cet ouvrage est
de nature à intéresser théologiens et historiens du christianisme.
Une réflexion sur chacun des sujets abordés dans ce livre nous
entraînerait bien loin. Qu’il suffise ici de signaler quelques pro
blèmes posés par cette étude. Il y a en premier lieu le problème
qui concerne la nature de l’Église, son unité. Comment tenir
compte des valeurs vécues dans les communautés non-catholi
ques, tout en étant fidèle à l’enseignement sur l’unité de l’Église,
tel qu’il s’exprime dans la tradition ecclésiale, et en particulier
au second concile du Vatican?
C. attire aussi l’attention sur la vive opposition des réforma
teurs à la doctrine catholique concernant l’Eucharistie. Opposi
tion qui a joué un rôle considérable dans la rupture. L’insuffi
sance du dialogue entre chrétiens au xvi e siècle a certes contribué
à durcir cette opposition. Mais n’y a-t-il pas lieu de tenir compte
aussi de certaines déficiences dans la réflexion théologique et
la pratique de l’Eucharistie à la fin du Moyen Age ? « On insistait
sur la présence réelle sans doute, mais peu sur le caractère
sacramentel. Lorsqu’on parlait du sacrifice on l’entendait un peu
comme « représenté » à la façon d’un « mystère » dramatique joué.
Le caractère sacramentel du sacrifice, remis à l’honneur par
dom Vonier, n’occupait guère de place. Bien sûr, l’essentiel était
présent mais, pour qui observe, que de déformations, d’excès et
aussi d’absences (P. Jay, dans Esprit et Vie 1978, p. 477) ? Et cet
auteur de constater que dans une certaine mesure les réforma
teurs, surtout Luther, étaient influencés par la théologie qu’ils
combattaient. Mais on sait que de nos jours la situation s’est
profondément transformée. Sous diverses influences, des progrès
appréciables ont été réalisés dans le dialogue œcuménique sur
les ministères.
C. envisage avant tout le concile de Trente dans son opposi
tion aux réformateurs. Et de nos jours certains catholiques sont
portés à ne retenir que cette perspective ; voire même à dépré
cier un concile situé dans un cadre culturel si différent du nôtre.
Jugement hâtif qui méconnaît l’importance de l’œuvre réalisée
par le concile de Trente, son enracinement dans la tradition
ecclésiale.
Claude Chopin

L’enseignement du Christ. Catéchisme catholique pour


adultes, avec une préface du cardinal Wright, Paris, Téqui,
1978.— Un volume de 656 pages.
Cet ouvrage est la traduction en langue française d’une publi
cation collective réalisée aux Etats-Unis en 1976, publication qui
a été préparée au cours de deux années de consultations et
d’étude attentive du Directoire général de la catéchèse promulgué
à Rome en 1971. C’est un catéchisme catholique pour adultes.
« Un catéchisme en ce sens que c’est un sommaire de la doctrine
aussi complet que possible. Il est catholique en ce que la doc
trine qu’il présente est l’enseignement de l’Église catholique...
Un catéchisme contemporain doit tenir compte de la richesse
doctrinale du Second Concile du Vatican, du renouveau liturgique
et du souci de l’Écriture, de l’importance donnée depuis peu à
l’œcuménisme et aux exigences sociales de l’Évangile. Un caté
chisme doit intégrer tout cela dans un compte rendu équilibré
du message entier de la foi. Car la totalité de la bonne nouvelle
du Christ doit être annoncée, fidèlement et convenablement, à
chaque âge. Les mystères centraux de la foi ne changent pas »
(P. 19).
Cet exposé de l’enseignement de l’Église est entièrement
centré sur le Christ, ainsi qu’il ressort du plan général qui a été
adopté : par le Christ atteindre à la connaissance de Dieu ;
avec le Christ : partager la vie de Dieu ; dans le Christ : l’accom
plissement de tout.
Trente pages de bibliographie recensent « à la fois des ouvra
ges érudits et populaires », la plupart en français, avec de brefs
commentaires donnés pour aider le lecteur. Une table alphabéti
que des matières facilite la consultation de l’ouvrage. Consulta
tion qui est aussi facilitée par un guide d’études de 86 pages
édité en février 1978.
Cet ouvrage au style clair et précis est de nature à rendre
de grands services à ceux qui sont soucieux de transmettre un
enseignement fidèle au message du Christ. Fort complet, cet
ouvrage concerne tout à la fois les vérités à croire, les enseigne
ments moraux et les grandes orientations de la spiritualité chré
tienne. On appréciera tout particulièrement le plan adopté qui
permet de mettre en lumière l’unité organique du message chré
tien, le lien qui existe entre les enseignements moraux et( les
articles du Credo.
On peut regretter cependant que les auteurs de cet ouvrage
accordent trop peu de place aux problèmes posés par les divers
^.aspects de la culture contemporaine et en particulier par les
sciences humaines. De même c’est d’une manière bien sommaire
que sont présentées les religions non chrétiennes.
T

Les sources citées le plus fréquemment sont l’Écriture sainte


et les documents de Vatican II. Il eût été bon que ces textes
et les autres actes du Magistère signalés soient situés d’une
manière plus précise dans l’histoire. Nombreuses sont les cita
tions de saint Augustin et de saint Thomas. Par contre il y a
assez peu de citations des Pères grecs.
Les dimensions de cet ouvrage risquent d’en limiter la diffu
sion. Aussi peut-on souhaiter que paraisse une adaptation plus
concise en un style plus alerte.
Claude Chopin

A. Auer, H. Urs von Balthasar, K. Forster, H. Fries,


U. Horst, O. Lechner, K. Lehmann, K. Rahner, J. Ratzin
ger, L. SCHEFFCZYK, M. SCHMAUS, R. SCHNACKENBURG,
O. Semmelroth, Je crois. Explication du symbole des apô
tres, traduit par L. Jeanneret, coll. Le Sycomore, Paris,
Lethielleux, 1978.— Un volume de 202 pages.
Quatorze théologiens de langue allemande ont commenté à la
radio les articles du symbole des apôtres. C’est le recueil de ces
conférences qui a été rassemblé en un volume. Ces théologiens
catholiques se sont proposés de présenter en un langage accessi
ble aux mentalités d’aujourd’hui le symbole baptismal, d’en
dégager la signification actuelle. Bien des sujets sont abordés
dans cet ouvrage. Qu’il suffise ici de signaler ce qui a été parti
culièrement mis en relief.
C’est tout d’abord le caractère historique du christianisme et
en particulier l’identité de Jésus historique au Christ ressuscité :
« Certes il est exact que les récits sur la vie et la mort de Jésus
sont nourris de la foi et de l’expérience venues du Seigneur
ressuscité, ce qui leur confère un caractère particulier ; ils n’en
prennent pas moins au sérieux la vie historique de Jésus » (p. 24).
De même L. Scheffczyk insiste sur un certain caractère histo
rique de la résurrection : « La résurrection du Christ n’était certes
pas historique dans le sens d’un événement constatable de façon
purement extérieure, tel que l’avènement d’Alexandre... Il n’em
pêche qu’elle ne se situait pas simplement dans l’au-delà, sans
contact avec le monde et son histoire... Elle fut déjà l’événement
final et décisif de l’histoire, événement qui, tout en étant lié
à celle-ci la transcendait déjà dans le supra-historique» (p. 72).
Et S., de mettre en lumière le lien qui existe entre la signification
salvatrice de la vraie résurrection du Christ et l’efficacité des
sacrements (p. 74).
On notera aussi les jugements portés sur les formules dogma
tiques. Ainsi la profession de foi de Chalcédoine (deux natures
dans une personne unique) a été jugée la formule la plus apte
à cerner le mystère du Christ. Mystère qui demeure au sens
indéfinissable (p. 29). C’est dans la même ligne t
propre que se
situent les formules sur la vie éternelle, la résurrection : « En
vérité, est-il dit de la résurrection, il s’agit d’une transformation
radicale, introduisant dans une réalité que nous ne saurons jamais
exprimer en paroles adéquates » (p. 162). D’où les formules sug
gestives employées par K. Rahner sur nos morts qui imitent le
silence de Dieu (p. 139). On notera enfin les multiples allusions
au caractère liturgique du symbole des apôtres.
Tel est cet ouvrage solide et accessible à un large public ;
il met bien en relief l’unité organique de notre Credo, sa signi
fication pour les hommes de notre, temps. Le terme Trinité
n’appartient pas au langage employé dans le symbole des apôtres.
Je pense cependant qu’il eût été bon de rappeler au moins de
manière succincte, quelques-unes des formules dogmatiques de
ce mystère. Cela eût permis d’éviter des expressions maladroites
ou imprécises : p. 107 où il est question d’une certaine force
autonome de l’Esprit-Saint vis-à-vis du Père et du Fils ; p. 56
où il est dit de Dieu qu’en toute réalité il se fait chair, qu’il entre
dans l’histoire.
Claude Chopin
Les relations de l’épiscopat gaulois
1

'j
avec Rome et ro rient au VI e siècle^ 1)

(4^4-508)
I. — La fin d’une longue interruption

De l’année 464 (ou 465) à 494, les relations entre l’épis


copat gaulois et le Siège apostolique semblent avoir été
j inexistantes. Pour cette longue période, en tout cas, aucune
trace de correspondance ne subsiste. Coupée du reste de
l’Empire, morcelée entre plusieurs souverains barbares, la
Gaule en était réduite à vivre repliée sur elle-même. Les
j.l communications avec Rome n’étaient pas du tout faciles,
même pour la ville d’Arles, si nous en croyons une lettre
du pape Gélase envoyée le 23 août 494 à l’évêque de cette
ville Éonius. Pour faire parvenir cette lettre, le pape dut
ttp profiter de la présence à Rome d’un prêtre et d’un pieux
laïque venus de Gaule en Italie pour quêter en faveur d’une
« congrégation » religieuse et qui étaient sur le point de
1
11

repartir chez eux (ad propria) : « Au milieu de tant de


difficultés, écrit le pape, c’est une joie pour nous d’avoir
trouvé la possibilité de vous informer que, par la grâce de
Dieu, nous avons assumé le gouvernement du Siège apos
tolique, de reprendre avec votre fraternité des relations
(sermo) depuis longtemps interrompues et de vous envoyer

(1) Cet article devait former, au moins en partie, le chapitre V du


tome IV de La Gaule Chrétienne consacré au vie siècle : voir BLE 79 (1978),
p. 261. Mgr Griffe en a laissé le texte bien transcrit, mais sans note rédigée
et pratiquement sans aucune référence. Nous y avons suppléé comme nous
l’avons pu : toutes les références sont donc de nous. Des papiers qui avalent
servi de brouillons nous extrayons la bibliographie suivante qui indique
quels ont été les instruments de travail de l'historien : A. Malnory, Saint
Césaire, évêque d'Arles, 503-543 (Bibliothèque de l’Ecole des Hautes Etudes
103), Paris 1834 ; U. Chevalier, Œuvres complètes de saint Avit, évêque de
Vienne, Lyon 1890 ; M. R. Peiper, Monumenta Germaniae historica aucto-
rum antiquissimorum. tome VI b, Berlin 1883 ; G. Bardy, L'Église et les
derniers Romains, Paris 1948 ; H. Goelzer. Le latin de saint Avit (Biblio
thèque de la Faculté des Lettres de Paris, 31), Paris 1909 ; F. Clément, Les
poètes chrétiens. Paris 1857, pp. 323-363 ; J. R. Palanque, Saint Avit de
Vienne, Dictionnaire d’Histoire et de Géographie ecclésiastique V (1931),

I
1205-1208 ; G. Lanooartner, Die Gallienpolitik der Pûpste (Theophanela
16), Bonn 1964. Les références seront données dans la Patrologia Latina
de J. p. Mlgne (PL) et dans les Concilia Galliae, 314-506, 511-695, (CG)

C<^f
publiés dans le Corpus Christianorum 148 et 148 A. (Note de La revue).
correspondance sous le pontificat du successeur de Gélase,
le pape Anastase (novembre 496 - novembre 498). Revenant
sur le problème des ressorts métropolitains d’Arles et de
Vienne fixés par le pape saint Léon, Avit estimait que sa
juridiction métropolitaine devait s’étendre jusqu’aux limites
ùl'J
méridionales du royaume burgonde, c’est-à-dire jusqu’à la
i
fit Durance (3). Le pape Anastase entra dans ses vues par une
lettre qui est perdue, mais à laquelle fait allusion son suc
cesseur.
t§ L’évêque d’Arles Éonius réclama sans tarder auprès du
nouveau pape Symmaque et ce dernier lui donna raison
dans deux lettres qui sont de l’année 500 (4) : il fallait
maintenir le statu quo et se garder de s’appuyer sur la
puissance séculière (patrocinia saecularia) pour le modifier.
Ch
Rome semblait ainsi ignorer les vicissitudes politiques qui
avaient brisé les cadres de l’Empire, comme si l’existence
des royaumes barbares n’était qu’une contingence passagère
de peu d’importance.

*
* *
Avit eut bientôt une occasion de montrer quels senti
£3
ments il avait à l’égard de la personne du pape. Ce fut lors
des secousses qui ébranlèrent l’église romaine à la suite
iî de l’élection destinée à donner un successeur au pape Anas
» tase (novembre 498). N’ayant été élu que par une partie du
clergé, Symmaque eut beaucoup de peine à se faire recon
naître, si bien qu’il fallut recourir à l’intervention de l’au
torité séculière représentée par le souverain de Ravenne,
Théodoric. Mis au courant de la querelle qui se prolongeait,
Avit prit résolument le parti de Symmaque. Nous avons une
lettre qu’il écrivit, vers la fin de l’année 501, à deux séna
teurs romains, Faustus et Symmaque (5). Il avait appris
qu’à la demande de Théodoric un concile d’évêques venait
de se réunir à Rome pour s’occuper de l’affaire. Il aurait
voulu se rendre à Rome pour leur apporter l’appui de l’épis
copat gaulois, mais les circonstances ne facilitaient pas le
voyage. Par ailleurs, la division de la Gaule en royaumes
empêchait de tenir une grande assemblée de tous les évêques
où ils auraient pu faire une déclaration commune au sujet

(3) Vienne avait dans son ressort Valence, Genève, Grenoble et Taren-
talse : Avit réclamait ainsi à Arles Die, Albo (Viviers), Trols-Châteaux,
Valson. Orange. Avignon et Cavalllon.
(4) Lettres 1 et 3 à Êonlus, 4 à Avit; PL 62, 49-52.
(5) Lettre 31 : PL 59. 248.

il
d’un événement qui intéressait toutes les églises. En écri
vant aux deux sénateurs, Avit avait cependant conscience
d’exprimer les sentiments de tous :
«Tandis que nous étions anxieux et troublés de la situa
tion où se trouve l’Église de Rome, comme si notre ordre
(status) lui-même chancelait sous les coups qui atteignaient
son sommet, il nous a été apporté d’Italie des exemplaires
du décret épiscopal que les évêques d’Italie réunis à Rome
ont publié au sujet du pape Symmaque... Informé de tout
cela, je vous en conjure, tant en ma qualité de sénateur
romain que d’évêque chrétien, ... que le sort de l’Église ne
compte pas moins à vos yeux que le sort de l’État et que
tout ce que Dieu vous a donné de pouvoir faire tourne
aussi à notre utilité. Puissiez-vous ne pas moins aimer dans
votre Église le siège de Pierre que vous n’aimez dans la
cité la capitale de l’univers ». Pour justifier de telles exhor
tations, l’évêque explique pourquoi les événements de Rome
ont pris tant d’importance à ses yeux : « En allant au fond
des choses dans l’examen de cette question, ce n’est pas
seulement ce qui est agité à Rome qui doit être considéré.
Quand il s’agit des autres évêques, si quelque chose à redres
ser est signalé, on peut le réformer, mais si le pape de la
Ville est l’objet de contestation, alors c’est l’épiscopat et
non un évêque qui paraîtra chanceler... Quand les matelots
se dressent contre celui qui tient le gouvernail, c’est une
punition qu’on leur inflige que de leur céder en pareille
circonstance, car ce n’est pas sans les mettre eux-mêmes
en péril. Celui qui a la responsabilité de la bergerie
du Seigneur rendra compte de la façon dont il a pris soin
du troupeau, mais ce n’est pas au troupeau de se faire
terrifiant devant son propre berger : cela n’appartient qu’au
juge ».
De la correspondance de saint Avit avec le pape Sym
maque (mort en 514), il ne nous reste que deux lettres.
Dans l’une qui est peut-être de l’année 507, il fait part à
l’évêque de Rome de l’heureuse conversion du roi Sigismond
qui abandonnant l’erreur arienne est entré dans le sein de
l’Église catholique (6). Dans la seconde lettre, il demande
au pape de faire passer à l’évêque de Jérusalem une lettre
où il sollicite l’envoi d’une relique de la vraie croix (7).
Nous avons gardé le texte de cette dernière lettre. Les rela
tions avec le pape Hormisdas paraissent avoir été aussi

(6) Lettre 27 : PL 59, 243.


(7) Lettre 18 : PL 59, 236.
cordiales. Il ne lui cache pas la joie qu’il éprouve quand
J;» il reçoit de lui une lettre «Vous avez visité l’année der-
lî; nière, lui écrit-il, la province de Vienne par les lettres que
vous avez adressées à mon humble personne » (8). Nul ne
as; se réjouira plus que saint Avit de la fin du long schisme
e

to? d’Acace qui avait séparé l’église de Constantinople de l’église


romaine. Quand la nouvelle lui en parvint au printemps de
iplajj 519, il profita de l’envoi à Constantinople d’une ambassade
Ijjpi du roi Sigismond pour faire parvenir une lettre au nouveau
ietf patriarche Jean qui avait mis fin au schisme (9). Il y pro-
ijj-clame que l’union des deux grandes églises est un exemple
dont la chrétienté a besoin : « Qui pourrait même se dire
.t.
catholique s’il ne se réjouissait pas de les voir en paix ?
r de Ne sont-elles pas placées dans le ciel comme les enseignes
la religion, tels deux astres jumeaux?».

A plus de quatorze siècles de distance de telles décla-


m; rations sont toujours d’actualité.
Sut

ifODK

II. — Saint Césaire d’Arles et le siège apostolique


$t
(508-542)

Césaire d’Arles est pour nous un autre témoin de la


[tle
fidélité que la Gaule garde toujours au Siège apostolique
de Rome, même lorsque les vicissitudes politiques l’ont
détachée de l’Empire et l’ont soumise à des rois barbares.
Homme de gouvernement et d’ordre, Césaire était tout natu
rellement porté à reconnaître les prérogatives romaines et
à s’en servir à l’occasion. Au concile d’Agde de 506 il fait
fjjj* invoquer l’autorité des papes Sirice et Innocent et repro
duire la lettre d’innocent à Exupère de Toulouse pour
rappeler aux prêtres et aux diacres mariés qu’ils doivent
s’abstenir de l’usage du mariage (10).
Pourtant, les relations avec Rome continuent à être rares,
si nous en jugeons par notre documentation. Si Césaire
se
rend auprès du pape en 513, c’est que des circonstances
extraordinaires l’ont obligé à aller à Ravenne où le roi
Théodoric l’a convoqué. Il profite de cette visite deman
pour
der à Symmaque de confirmer une fois de plus les limites
de sa province. Dans une lettre du 6 novembre 513, adressée

(8) Lettre 87 : PL 59. 288.


(9) Lettre 7 : PL 59, 227.
(10) Canon 9 : CG 314-506, pp. 196-199.
à tous les évêques de la Gaule, le pape déclare que, confor
mément à la décision de son prédécesseur le pape Léon,
seules les cités de Valence, de Tarentaise, de Genève et de
Grenoble seront soumises à l’évêque de Vienne ; les autres
diocèses devront dépendre d’Arles (11). Une fois de plus,
il rappelle qu’il ne convient pas que les évêques se couvrent
de la protection séculière pour empiéter sur les territoires
des autres. Il y a là, évidemment, une allusion aux préten
tions de l’évêque de Vienne qui, avec l’appui du roi bur-
gonde, désirait porter jusqu’à la Durance l’étendue de sa
province.
Césaire profita également de sa présence à Rome pour
faire confirmer par le pape plusieurs règles de discipline
ecclésiastique. Nous avons conservé le texte de la requête
qu’il lui présenta (12). Il y est question de l’aliénation des
biens d’Église, de l’ordination des laïques qui arrivent même
à l’épiscopat sans un temps suffisant de « conversion », des
veuves et des religieuses qui, ayant vécu longtemps dans
la vie religieuse, veulent se marier, de l’intervention des
« hommes puissants » dans les élections épiscopales. Sur ce
dernier point où des abus très graves se produisent parfois,
l’évêque demande que le décret d’élection ne soit pas rédigé
ou signé sans que le métropolitain n’ait donné son consen
tement. En terminant, Césaire exprime le vœu que le pape
fasse sentir la rigueur de sa condamnation sur tous les abus
qu’il dénonce : « Ainsi, dans l’Église qui est la vôtre, lui
dit-il, et dans la province des Gaules, sera sauvegardée la
discipline qui se plaît à ce que les choses se fassent bien ».
Le pape répondit volontiers à ce vœu en reprenant les
divers points de la requête dans une décrétale que l’évêque
d’Arles eut mission de transmettre à tous les évêques de
la Gaule.
En quittant la ville éternelle, Césaire eut une autre satis
faction. Pour honorer sa personne autant que son siège, le
pape l’autorisa à porter le pallium dans toutes les régions
de la Gaule ; en même temps il accordait aux diacres d’Arles
le droit de porter la dalmatique (13).
Toutes ces marques de confiance n’empêchaient pas
l’évêque d’Arles de rencontrer des oppositions quand il
voulait exercer les prérogatives qui, depuis près d’un siècle,

(11) Lettre 8 : PL 62, 64.


(12) Libellé de Césaire et Lettre 6 de Symmaque, PL 62, 53-56.
(13) Vita Caesarii I, 30 : PL 67, 1016.
faisaient de sa ville comme le premier siège épiscopal de
la Gaule. Quelques mois seulement après son retour, il se
îei
^ voyait obligé d’envoyer à Rome deux de ses représentants
% pour remettre au pape une nouvelle requête. Il désirait
a

qu’avec toute l’autorité que le «principat» donnait au Siège


,

:
(
apostolique, il confirmât les droits anciens de l’église d’Arles
et qu’en particulier il rappelât à l’évêque d’Aix qu’il devait
fe; répondre à toutes les convocations du « métropolitain », qu’il
fut appelé à un concile ou à une ordination épiscopale (14).
Par sa lettre du 11 juin 514 (15), Symmaque donna satis
faction à la requête de Césaire, en confirmant les privilèges
!poj| de l’Église d’Arles et en reconnaissant à son évêque un droit
ciplij de regard
sur toutes les affaires ecclésiastiques du pays,
îip f Si le besoin s’en fait sentir, il pourra convoquer les évêques
in d*i en concile, sauf à soumettre au Siège apostolique les cas
ur trop importants. Quant à l’évêque d’Aix, il doit obtempérer
j-df à la convocation du métropolitain d’Arles comme les autres
évêques. Enfin, si des clercs d’Espagne et de Gaule désirent
se rendre auprès du pape, ils doivent se munir de lettres
de recommandation de l’évêque d’Arles. Il n’y avait là rien
de bien nouveau. C’est une nouvelle consécration de la
primatie arlésienne, telle que la concevait le pape Hilaire
dans les années 462-464 (16). Dans ces temps difficiles, on
comprend que Rome ait tenu à maintenir ce lien avec les
J églises occidentales que constituait l’Église d’Arles, mais il
1

semble bien que cela n’allait pas bien loin. Comme le remar
que Malnory, rien ne prouve que Césaire soit intervenu en
Espagne. Pas plus qu’au Ve siècle, le mot de vicariat n’est
jamais employé pour qualifier la fonction de l’évêque d’Arles
vis-à-vis du Siège apostolique.

*
* *
Il semble qu’à partir de cette époque les communications
avec Rome deviennent plus fréquentes. Les circonstances
politiques les favorisèrent tant que dura la domination
gothique. En septembre 514 le pape Hormisdas écrit à
Césaire et à tous ceux qui relèvent de lui (17) les
pour
informer de l’abandon des erreurs d’Eutychès et de Nesto-
rius par les évêques orientaux et il les invite à
se réjouir

(14) PL 62. 65.


(15) Lettre 9 : PL 67, 1016.
(16) Ê. Griff*, La Gaule Chrétienne II, 163-164.
(17) Lettre 30 : PL 63. 431.
lettre (24), le pape lui faisait savoir qu’il ne pouvait l’au
toriser à aliéner certaines terres de son Église, comme il
désirait le faire : à sa lettre il joignait une constitution
synodale remontant au pape Symmaque et défendant de pro
céder à toute aliénation de ce genre, grande ou petite.

III. — Le prestige de la Papauté chez les Francs


Même si Clovis reçut de l’empereur Anastase les insignes
honorifique du consulat au lendemain de sa victoire sur les
Wisigoths, ni lui ni ses fils n’entretinrent pas avec Constan
tinople les relations fréquentes que l’on constate de la part
des rois burgondes ou des rois goths d’Italie. Les relations
avec la Papauté furent elles-mêmes très réduites tant que
subsista entre le royaume franc et l’Italie l’écran du royaume
burgonde et du royaume gothique qui possédait la Provence.
Sur le plan ecclésiastique, Avit et Césaire servaient pratique
ment d’intermédiaires entre la Gaule et Rome et cela jusque
dans les pays francs, dans la mesure où c’était indispensa
ble et où l’on pouvait communiquer. C’est ainsi qu’Avit se
croit autorisé à parler au nom de tout l’épiscopat gaulois
quand il prend la défense du pape Symmaque.
Il est à noter que le grand concile qui se réunit à Orléans
en 511 sous le patronage du roi Clovis n’éprouva pas le
besoin de faire mention du Siège apostolique ni dans son
préambule ni dans ses canons. Cela ne veut pas dire que
les évêques des pays francs n’aient pas ressenti la force des
liens qui unissaient la Gaule au premier siège de l’épiscopat.
Sur ce point ils étaient certainement en plein accord de
pensée avec Avit et Césaire, mais rien n’a subsisté qui témoi
gne d’une intervention de Rome en pays franc durant le
premier tiers du vi e siècle. Le Liber Pontificalis nous a
conservé un trait de la dévotion que la famille royale éprou
vait pour la basilique de Saint-Pierre. Peu après la mort de
Clovis parvint à Rome une couronne d’or ornée de pierres
précieuses : c’était un don du roi chrétien Clovis à l’apôtre
Pierre, a écrit le rédacteur de la notice consacrée au pape
Hormisdas (514-523) (25). On s’est demandé si le nom de
Clovis figurait sur la première rédaction et si on ne l’a pas
substitué dans la suite à celui de son fils Clodomir, car,
à l’avènement d’Hormisdas, Clovis était mort depuis deux

(24) Lettre 6 : PL 66. 45.


(25) PL 63. 367.
ans et demi. On peut penser plutôt, croyons-nous, à un
envoi tardif des héritiers de Clovis, ou de Clotilde, qui enten
daient réaliser un désir ou une volonté du roi défunt.

*
* *

Quant, au cours des années 536-537, le royaume franc


se fut dilaté jusqu’à la Méditerranée et par conséquent jus
qu’à Arles, les communications avec Rome devinrent plus
faciles. Nous les devinons sans tarder plus fréquentes. Le
pays occupé se trouve divisé entre le fils de Thierry, Théode-
bert, et Childebert, un des fils de Clovis. Ces deux princes
sont connus pour leurs sentiments religieux et leur dévoue
ment aux églises.
Par une lettre du pape Vigile de 538 (26), nous appre
nons que Théodebert lui avait envoyé le vir inluster Modéric
pour l’interroger sur le genre de pénitence qu’il fallait
imposer à celui qui avait épousé la veuve de son frère.
C’était là une question qui était fort agitée à ce moment en
Gaule, semble-t-il. Elle avait été l’objet d’une décision du
concile d’Albon en 517 ; le concile de Clermont venait d’en
délibérer en 535 (27). Si le roi s’adressait au pape pour
avoir son avis, il est à croire que c’était parce qu’il était
en désaccord avec quelques évêques de son royaume qu’il
trouvait trop sévères en la matière. Justement Grégoire de
Tours rapporte dans la Vie de saint Nizier (28) que cet
évêque de Trêves se refusa, un dimanche, à célébrer la messe
en présence du roi, parce que dans son entourage se trou
vaient des gens qui méritaient d’être traités en excommuniés
en raison de graves manquements à la morale. La réponse
du pape fut adressée à l’évêque d’Arles, Césaire, intermé
diaire entre l’épiscopat gaulois et le Siège apostolique. Le
pape lui rappelle qu’il appartient aux évêques qui sont sur
place de déterminer la qualité de la faute et de juger de la
contribution du délinquant. Il demande que dans l’avenir on
veille à ce que de pareils cas ne se reproduisent pas. Quant
à ceux qui sont dans cette situation, ils doivent se séparer.
Parmi les villes de Provence qui constituaient le lot de
Childebert se trouvait la métropole d’Arles. Les auteurs
de la Vita Caesarii notent la satisfaction qu’on y éprouva

(26) PL 69, 21.


(27) Canon 30 d'Albon (Epaone) et 12 de Clermont : CG 511-695, p. 31
et 107.
(28) Vitae Patrum 17, 2 : PL 71, 1080.
i%
'
x
lorsque le pays passa sous l’autorité des rois francs. Peut-
être ont-ils voulu flatter ces derniers, mais il semble bien
que les relations furent excellentes, comme elles le furent
au temps du successeur de Césaire, Auxanius. Dès son
accession à l’épiscopat, ce dernier se hâta de demander au
pape la concession du pallium : un prêtre et un diacre de
X' l’église d’Arles furent envoyés à Rome à cet effet. Nous
j» ne savons pas s’ils portaient une lettre de recommandation
II! de Childebert, mais la chose est probable. Le pape, qui était
11
Vigile, prit du temps avant de renouveler ses privilèges au
è métropolitain d’Arles. Par une lettre du 18 octobre 543,
et!
il lui fit savoir qu’il désirait parler de l’affaire à l’empereur,
comme si la Gaule faisait toujours partie de l’Empire (29).
Ce n’est qu’au mois de mai 545 qu’Auxanius reçut satisfac
tion (30). Non seulement il recevait le pallium, mais le pape
re
le faisait pour ainsi dire son vicaire pour la Gaule, (vices
fit
suas). Avec un mot nouveau c’était la confirmation de
lit
la primatie dont jouissaient depuis longtemps les évêques
re.
d’Arles. Peut-être le pape entendait-il renforcer cette pri
en matie, à un moment où la situation de Rome était des plus
critiques, par suite de la guerre qui opposait les Ostrogoths
aux troupes de Justinien. Malgré la présence du général
Bélisaire en Italie, Rome était sous la menace des Goths.
En écrivant à Auxanius Vigile lui demande de s’appliquer
de son mieux à maintenir la paix entre l’empereur et le roi
ie
Childebert. On voit par là que la Gaule s’intéressait aux
affaires d’Italie. En même temps qu’à l’évêque d’Arles, le
Pape adressa une lettre aux évêques du royaume de Childe
il- bert qu’il qualifie de « très glorieux fils » et aussi aux
évêques qui, en dehors de ce royaume, sont consacrés par
l’évêque d’Arles en vertu d’une ancienne coutume (31).

En écrivant ces lettres, Vigile n’avait pas tort de souhai


ter une bonne entente entre le roi des Francs et l’empereur
Justinien. Malgré la présence en Italie de Bélisaire, Rome
se trouvait plus que jamais menacée d’un blocus par les
troupes du roi ostrogoth Totila. C’est dans ces conjonctures
que Justinien, poussé sans doute par l’impératrice Théodora,
s’avisa de publier un édit condamnant ce qu’on a appelé
les Trois-Chapitres (32). Cette publication provoqua aussitôt
une opposition violente en Afrique et en Italie, de la part

(29) PL 69. 26.


(30) PL 69. 27.
(31) PL 69. 29.
(32) PL 69. 30.
des évêques qui craignaient qu’on voulût ruiner l’œuvre du
concile de Chalcédoine. Pour forcer le pape à donner son
assentiment, Justinien le fit enlever de Rome le 22 novem
bre 545 pour le faire transporter en Sicile, où il séjourna
environ dix mois. De là, il devait être conduit à Constanti
nople où il sera retenu pendant de longs mois.
Pendant que Vigile se trouvait encore en Sicile, l’évêque
Auxanius mourut. Son successeur Aurélien se préoccupa
tout aussitôt de faire renouveler en sa faveur les privilèges
accordés à son prédécesseur. Childebert recommanda la
demande de l’évêque à la bienveillance du pape. Un envoyé
se rendit en Italie et prit contact avec Bélisaire qui s’em
ploya à obtenir l’agrément de l’empereur. Mis au courant
de toutes ces démarches, Vigile fit parvenir de Sicile sa
réponse à l’évêque d’Arles (23 août 546). Sans faire la moin
dre allusion à son exil, il lui rappelle le rôle qui doit être
le sien et lui confère le pallium (33).

*
* *
Arrivé à Constantinople le 25 janvier 547, Vigile fut
soumis à de fortes pressions de la part de la Cour. Le
11 avril 548, il finit par publier un Judicatum (34), où il
condamnait les Trois-Chapitres, mais avec des réserves qui
laissaient intacte l’autorité du concile de Chalcédoine. Les
protestations contre le Judicatum ne tardèrent pas à s’élever
en Occident, particulièrement dans l’Illyricum et en Afrique.
En Gaule, le concile d’Orléans, qui se réunit en octobre 549,
fut saisi de l’affaire. Les évêques, qui se déclarent réunis
par l’autorité du roi Childebert, étaient nombreux : on y
voyait les métropolitains de Lyon, d’Arles, de Vienne,
de Trêves, de Bourges, d’Eauze et de Sens. Le premier
canon (35) fut une condamnation solennelle des erreurs
d’Eutychès et de Nestorius, erreurs, disaient les évêques,
que condamne le Siège apostolique. C’était une façon d’affir
mer leur attachement au concile de Chalcédoine que la
politique religieuse de Justinien remettait en question.
L’évêque d’Arles, Aurélien, n’avait pas attendu la réunion
du concile pour s’informer à bonne source de ce qui se
passait à Constantinople. A la date du 14 juillet 549, il avait
envoyé auprès du pape, toujours présent dans cette ville.

(33) PL 69, 37 et aux évêques des Gaules sur le même sujet, ibid. 39.
(34) PL 69, 67.
(35) CG 511-695, p. 148.
un clerc du nom d’Anastase. Le 29 avril 550, Vigile put
enfin lui écrire (36) pour le rassurer pleinement sur son
attitude en face de l’empereur : il n’a absolument rien admis
de contraire aux constitutions de ses prédécesseurs ou de
la foi des quatre conciles de Nicée, de Constantinople,
d’Éphèse et de Chalcédoine : « Que votre Fraternité, que
nous avons établie vicaire du Siège apostolique, fasse savoir
à tous les évêques qu’ils ne se laissent troubler d’aucune
manière par des écrits sans valeur ou faux, par des décla
rations ou des messages trompeurs, mais plutôt qu’ils s’en
tiennent aux paroles du prince des apôtres quand il dit :
' Votre adversaire le diable rôde autour de vous comme un
lion rugissant, cherchant qui dévorer ... ». Le pape faisait
savoir à l’évêque d’Arles que, lorsque l’empereur le per
mettrait, il lui enverrait quelqu’un qui lui raconterait tout
avec précision (subtilitas). Jusqu’alors l’hiver et la situation
de Tltalie n’avait pas permis de le faire. L’envoyé de l’évê
que, Anastase, était déjà reparti de Constantinople depuis
quelque temps. Le bruit courut que pour obtenir la permis
sion de retourner en Gaule, il aurait promis de s’employer
à faire condamner les Trois-Chapitres ; peut-être même
aurait-il reçu des présents.

Malgré la difficulté des communications, la Gaule put


apprendre bientôt que le pape avait retiré le Judicatum et
qu’il tenait bon malgré les pressions et les vexations qu’on
lui faisait subir. Ce n’est pas seulement dans le royaume
de Childebert qu’on s’intéressait à son sort. A la faveur de
la guerre qui opposait en Italie Goths et Byzantins, le roi
Théodebert, fils de Thierry, avait envoyé des troupes dans
le nord du pays et occupé plusieurs villes. A sa mort, son
fils Théodebald se montra très déférent envers Justinien
à qui fut adressée une ambassade (automne 551). Justinien
essaya de s’attacher le jeune prince. Le sénateur Léonce
vint, de la part de l’empereur, lui offrir une alliance et la
cession des villes occupées. Théodebald répondit qu’il enver
rait des ambassadeurs à Constantinople et, de fait, quatre
légats partirent bientôt, accompagnant le sénateur Léonce.
C’est probablement lors de leur passage à Milan qu’on leur
remit une lettre, rédigée par un groupe de clercs, qui appar
tenaient, semble-t-il, à cette église : y étaient racontées
longuement les tribulations du pape Vigile et celles de l’évê-

(36) PL 69. 40.


que de Milan Datius, tous deux retenus depuis longtemps
loin de leur ville épiscopale (37).
Avec vigueur ils prennent la défense du pape conduit
presque de force à Constantinople, il y a de cela six ans,
pour condamner « certains Chapitres », en réalité pour reje
ter le concile de Chalcédoine. Ils parlent de la résistance
que Vigile ne cesse d’opposer à ceux qui veulent l’amener
à souscrire à la profession de foi de Justinien. Ils rappor
tent le mot qu’il a prononcé devant toute une assemblée :
« Je vous déclare que, même si vous me tenez captif, vous
ne pouvez rendre captif le bienheureux Pierre ». Aussi bien,
quiconque donnerait son approbation à cette profession de
foi ne serait plus en communion avec le Siège apostolique.
Les rédacteurs de la lettre ne manquent pas de faire remar
quer que l’évêque a fait des déclarations identiques, non
seulement en son nom, mais aussi au nom des évêques des
provinces au milieu desquelles se trouve Milan, à savoir la
Gaule, la Burgondie, l’Espagne, la Ligurie, l’Emilie et la
Vénétie. Ayant ensuite raconté comment le pape a été
contraint de se réfugier dans une église — ceci se passe le
17 août 551 — ils ajoutent «Et maintenant on essaie de
répandre de fausses nouvelles en Italie. On dit même qu’on
a fabriqué de fausses lettres, en imitant l’écriture du pape ».
Les clercs de Milan souhaitent que les légats de Théodebald
fassent connaître tout cela en Gaule et qu’ils demandent
aux évêques d’écrire au pape et à Datius pour les encoura
ger à la résistance. Ils espèrent qu’à leur arrivée à Cons
tantinople, ils feront tout ce qui sera en leur pouvoir, en
particulier en faveur de Datius. Puissent-ils obtenir son
retour dans son église dont il est absent depuis quinze ou
seize ans ! En terminant, ils leur recommandent d’être pru
dents et les assurent que « des personnes très sûres venant
de Constantinople confirment ce qu’ils viennent de dire ».
Comme on le voit, la Gaule n’est pas restée à l’écart des
graves événements politiques et religieux qui ont alors tant
agité l’Italie et l’Empire. Les évêques, et en particulier celui
d’Arles, sont en contact avec le pape et se préoccupent
de son comportement en face des prétentions doctrinales
de l’Empereur. Issus pour la plupart des grandes familles
gallo-romaines, ils gardent encore le sentiment que la Gaule
fait toujours partie de la Respublica romana, quoiqu’ils
acceptent pleinement l’autorité des rois francs qui gouver-
L’ÉPISCOPAT GAULOIS ET ROME 175

nent le pays. Ces rois eux-mêmes ne reconnaissent-ils pas


le basîleus comme leur « père » quand ils lui écrivent. Ce
n’est certes que fiction et formules de style, mais elles
rappellent le passé et font croire que ce passé n’est pas
totalement aboli.
*
**
L’affaire des Trois-Chapitres eut encore des rebondisse
ments en Italie et en Gaule sous le successeur de Vigile,
le pape Pélage. Ce dernier avait été, auprès de Vigile, alors
qu’il n’était que diacre, un ferme défenseur de l’orthodoxie,
ce qui lui avait valu d’être emprisonné. Il s’était cependant
réconcilié avec Justinien et dans le courant de l’année 554
il avait pu retourner en Italie. A la mort de Vigile le 7 juin
555, il fut le candidat à la succession, mais sa réconciliation
avec Justinien l’avait rendu tellement suspect qu’il eut de
la peine à se faire reconnaître par le clergé romain : il dut
protester de son attachement au concile de Chalcédoine.
Dans l’Italie du Nord, l’opposition ne désarma pas et elle
trouva un chef dans la personne de Paulin, métropolitain
d’Aquilée. On comprend que les évêques des Gaules aient
eu, eux aussi, une certaine inquiétude et aient montré quel
ques réserves à l’égard du nouveau pape.
A Arles, l’évêque Aurélien était mort le 16 juin 551.
Son successeur Sapaudus ne demanda pas le renouvelle
ment de ses pouvoirs à Vigile qui était à Constantinople.
Lorsque Pélage fut élu, il semble bien qu’il partagea les
hésitations de pas mal d’évêques d’Italie à son égard. En
tout cas, c’est le pape qui lui écrivit le premier, deux mois
et demi après son élection (4 juillet 556) (38). Il pense que
la nouvelle de l’élection papale lui est parvenue et se déclare
heureux de saisir une occasion de lui faire porter une lettre.
Il lui offre ses fraternelles salutations et exprime le souhait
que s’établissent entre eux de fréquentes communications.
La démarche du pape dissipa toutes les craintes. Dans sa
lettre qu’il lui fit porter par le vir honestus Félix, Sapaudus
prodigue à Pélage les plus grands éloges, si bien que dans
sa réponse (39) (16 septembre 556) le pape peut dire qu’il
en a rougi en se rappelant le mot d’un très savant homme :
Autant la louange qui est vraie nous honore, autant la fausse
nous est une réprimande : puissent les prières de l’évêque
d’Arles l’aider à devenir tel qu’il l’a dépeint !

(38) Lettre 7 : PL 69. 404.


(39) Lettre 8 : PL 69. 401.
IL
Homobonus qui devait remettre à Sapaudus les reliques que
les ambassadeurs du roi Childebert avaient sollicitées de
la part de leur maître. Après quoi, le pape parle du renou
vellement des privilèges de l’Église d’Arles. Il est tout dis
posé à satisfaire la demande de l’évêque qui a été formulée
par les ambassadeurs du roi, mais, selon la tradition établie,
il faut que l’évêque lui adresse une demande écrite. La
lettre continue par une demande de services qui souligne la
situation difficile où se trouvait alors l’Italie et Rome. Le
père de l’évêque, le patrice Placide, est prié de recueillir les
revenus des possessions que l’Église romaine possède dans
le pays et de les envoyer à Rome par un de ses hommes
ou par le porteur de la lettre papale. En Italie, ajoute le
pape, les terres sont dans un tel état de désolation que
personne n’est capable de les remettre en valeur. Que dire
de la misère desi pauvres gens ! Le pape en est tellement
ému qu’il demande à Sapaudus d’employer une partie de
l’argent qui sera perçu pour le compte de l’Église romaine
à acheter des sayons de laine, des tuniques blanches, des
coules, des tuniques ou tout autre espèce de vêtements qui
se fabriquent en Provence et de les faire parvenir à Rome
afin qu’il puisse les distribuer aux pauvres. « Ainsi, notre
sollicitude à cet endroit se trouvera aidée par les attentions
de votre charité ».
Dès qu’il reçut cette lettre, Sapaudus fit partir pour
Rome le diacre Flavien et le sous-diacre Nestorius porteurs
de la supplique demandée. Le 3 février 557, le pape faisait
rédiger les lettres officielles (42) qui conféraient à l’évêque
d’Arles le titre de vicaire et qui lui rappelaient ses devoirs
dans l’accomplissement de cette fonction. Le même jour,
une lettre était envoyée au roi Childebert (43) qui n’avait
pas manqué, par ses lettres confiées aux deux messagers
de l’Église d’Arles, de recommander au pape la supplique
de Sapaudus.
C’est peut-être dans ces circonstances que Pélage fit
parvenir au roi une seconde lettre (44) qui a trait à l’affaire
des Trois-Chapitres : elle était destinée à rassurer pleine
ment l’épiscopat gaulois sur son orthodoxie et contenait
une profession de foi personnelle. Le pape nous apprend
que l’envoyé de Childebert, le vir magnifiais Rufin, lui avait

(42) Lettre 10 : PL 69, 405.


(43) Lettre 12 : PL.69. 406.
(44) Lettre 15 : PL 69, 408. Il avertit de cette lettre Sapaudus : Lettre
• Pi fîO dn"
178 É. GRIFFE

suggéré de faire ce geste pour faire disparaître toute contes


tation.
Le début de la lettre est à la fois plein de condescen
dance et de dignité : « Selon la parole du Sauveur, écrit-il,
la volonté de notre Père, c’est que ne périsse même un seul
des plus petits, si bien qu’il va jusqu’à menacer d’un grand
supplice celui qui les scandalise. S’il en est ainsi quand il
s’agit des plus petits, quel soin ne faut-il pas que nous
mettions à écouter le scandale qui provient des soupçons
que l’on formule contre nous, en faisant une déclaration
de notre profession de foi aux rois auxquels les Saintes
Écritures nous prescrivent, même à nous, d’être soumis ? ».
Suit une longue profession de foi que le pape termine par
ces mots : « Voilà donc ma foi et mon espérance, telles
qu’elles sont en moi par la miséricorde de Dieu, une foi
dont il faut, selon le commandement du bienheureux apôtre
Pierre, que nous soyons prêts à rendre raison à quiconque
nous le demande. Et maintenant, il convient que Votre
Excellence, en raison du zèle que nous nous réjouissons
de voir en vous pour cette même foi, apporte un soin parti
culier, dans toutes les régions de votre Gaule, à ce que
ceux qui sèment des scandales chez nous, comme ils s’effor
cent à le faire chez nous, ne puissent aller et venir, poussés
par leur effronterie, et qu’ils n’excitent les dissensions chez
quelques-uns de nos frères, nos coévêques, ainsi que dans
les peuples qui leur sont confiés... Que Dieu qui, par sa
miséricorde, a suscité en ces temps votre gloire contre les
ennemis de la paix de l’Église, vous accorde d’être tellement
circonspect et vigilant qu’ils ne puissent jeter les semences
mauvaises de leur ivraie dans ces régions de la Sainte
Église ».
Élie Griffe +
Les mécanismes mentaux
du développement doctrinal
d après
ce
L Essai sur
le développement
de la doctrine chrétienne» de Newman.

Selon Newman le développement doctrinal, à l’instar de


la « croissance physique », véhicule dans sa coulée des
« altérations considérables dans les proportions et les rela
tions des aspects partiels de l’idée » de départ, qui « modi
fient son harmonie interne » sans toutefois briser « l’unité
de son type » (1). Les métamorphoses qui affectent les
vivants ne détériorent pas l’homogénéité de leur espèce :
un œuf a beau ressembler à un œuf, si c’est un œuf « d’oi
seau il ne donnera pas un poisson » (2). Le rapprochement
est devenu classique : en cela Newman reste un fidèle disci
ple du principe de « l’analogie » de son ancêtre anglican
Butler. Ici certains lui objectent que comparaison n’est pas
raison. Il se contenterait d’apparentements imagés sinon
imaginatifs avec la vie ; il serait « indifférent à la construc
tion technique des idées... philosophe » à la rigueur « sans
le savoir» selon Nédoncelle (3). En est-il vraiment ainsi?
Ne tente-t-il pas au contraire dans « L’Essai sur le Déve
loppement » de sonder ces «processus intellectuels» (4),
dont il est le premier à parler à propos du sujet même de
son œuvre maîtresse ?
Il semble bien qu’on puisse répondre par l’affirmative.
D’ailleurs le « caractère scientifique de cette œuvre », fait
de « principes » et « d’arguments », ainsi que le dit la pré
face de 1845, contemporaine de la première édition (5), nous
invite, selon les propres termes de son auteur, à penser
qu’il emploiera ses capacités de penseur au maximum pour
mettre au point une « théorie consistante », comme il
l’affirme dans les University Sermons de la même période
et consacrés au même objet (6).

(1) Essay on the Development of Christian Doctrine. Pélican 1974, p. 117.


(2) Ibid. p. 117.
(3) In Newman : The Contemplation of Mlnd. T. Vargish. 1970, p. 26.
(4) Essay on the Development, p. 104.
(5) Ibid. pp. 17-18.
(6) Mozley. II. p. 406.
180 Y. DENIS

Nous voulons nous attacher, au cours de cette étude,


à élucider les enchaînements proprement mentaux qui char-
pentent le processus de germination doctrinale, lequel fait
corps en permanence avec la vie profonde de l’Église selon
Newman.
Si le grand Tractarien reste actuel, même pour une
Église si différente de celle de son époque qu’elle semble
pour beaucoup n’avoir rien de commun avec elle, ce peut
être parce qu’il est susceptible de lui fournir une clé appro
priée à la solution d’une crise qu’elle partage avec les
hommes de ce temps : celle de son identité. Comment rester
la même tout en changeant, comment rester du Christ, com
ment demeurer « Jésus-Christ répandu et communiqué »,
selon le mot célèbre de Bossuet, tout en s’immergeant dans
une humanité tellement inédite, que celle-ci se demande si
elle ne subit pas une mutation d’espèces ?
Newman se défendant d’être cartésien tout en se voulant
rigoureux, recourant davantage à l’esprit de finesse qu’à
celui de géométrie, il nous paraît nécessaire de procéder par
étapes prudentes et progressives, avant d’espérer épouser
en vérité le flux central de son intuition, et de comprendre
comme il la comprenait, d’éprouver comme il l’éprouvait
la pulsation du coeur de la foi ecclésiale, sève du renouvel
lement continuel de son tissu vivant, y compris celui de
son organisme intellectuel. Qu’est-ce qui, dans l’intelligence
de la foi, engendre des « modifications de son harmonie
interne », en fonction d’un environnement culturel nouveau,
tout en respectant cette « unité de son type », qu’elle ne
saurait renier sans cesser radicalement d’être elle-même,
pour reprendre les expressions citées plus haut ?
En vue de répondre à cette question, nous nous proposons
d’abord d’explorer le champ lexical auquel il a recours pour
intimer à son lecteur ce qu’il entend par « l’idée », le donné
doctrinal primordial : le point de départ de son ouvrage est
en effet constitué par ce qu’il appelle « le développement
des idées ». Puis nous nous efforcerons de passer de ce
niveau le plus perceptible du vocabulaire employé à celui,
plus délicat à saisir, du champ mental : de faire le relevé
de la géographie intérieure, dans le cadre de laquelle se
meut l’esprit croyant. Alors apparaîtra plus nettement la
façon dont se lient les pièces du mécanisme et dont joue
par conséquent la dynamique de croissance intellectuelle,
à laquelle Newman cherche à nous familiariser.
D’entrée de jeu la nature du vocabulaire employé ne
prête pas à confusion : il s’agit bien de l’ordre intellectuel
au sens strict. Ce qui « va être qualifié du nom d’idée ici »
consiste en des « jugements », « processus », par lesquels
« nous comparons, contrastons, abstrayons, généralisons,
ajustons, classifions » (7). Et de peur que nous prenions
cette proclamation pour un coup de chapeau donné à la
logique formelle, distinction est faite d’avec le domaine
apparenté à celui-ci, mais plus « versatile » (which corne
and go), de la «pure opinion». Celle-ci se formule, certes,
par des jugements, mais qui ne sont pas « enracinés ferme
ment dans notre esprit » (mind) : aussi est-elle à la merci
« d’influences accidentelles » (8). Nous voilà donc fixés
d’emblée : l’idée se tisse autour d’un noyau dur. Elle est
affaire d’intelligence au sens austère d’intellect rationnel.
Mais elle n’est pas que cela. Le noyau donne forme et
fermeté à une chair. S’il ne faut surtout pas perdre de vue
ce socle solide, il convient de découvrir de surcroît tout ce
qui va l’enrober et prendre appui sur lui sans s’en détacher.
Les vocables que nous allons rencontrer maintenant ne
doivent donc pas nous donner le change : nous ne sortirons
plus un seul instant de cette orbite de l’intellectualité. Seu
lement celle-ci va prendre toute son ampleur et sa muscu
lature. Elle ne va pas se dessécher sur un squelette fait de
rationalité purement conceptuelle. Elle va s’étoffer et vivre.
Ne récriminons pas si nous relevons ensuite des termes
apparemment plus vagues comme « impression » (9) ou
«vision» (10), voire «imagination» (11). La citation que
nous proposons à présent établit d’ailleurs clairement la
relation d’inclusion entre l’impression ou la vision et la
zone centrale plus notionnelle qu’elle baigne. L’impression
ou vision embrasse à la fois le foyer conceptuel et l’aura
« d’imagination » qui le ceinture. Le grave Aristote n’a-t-il
pas dit « qu’on ne pense pas sans images » ? Voici donc la
phrase révélatrice de cette chose à notre sens : « les déve
loppements des doctrines de la Trinité et de l’Incarnation
sont de simples portions de l’impression originelle et de
ses modes de représentation» (12). Les énoncés techniques
de ces grands dogmes ne représentent donc qu’un prélève
ment opéré sur l’ensemble du tissu mental que dénote le
mot « impression », une sélection d’un « mode de représen-

(7) Essay on the Development, p. 92.


(8) Ibid. p. 92.
(9) Ibid. pp. 98, 114, 115.
(10) Ibid. p. 115.
(11) Ibid. p. 98.
(12) Ibid. p. 115.
tation » parmi bien d’autres possibles. Le mode conceptuel
retenu par l’autorité ecclésiale est privilégié pour la commo
dité de sa généralité, de sa concision et de son tranchant.
Mais précisément, s’il nous est permis de jouer sur les
mots, l’opération qui donne le jour à la formule élaborée
a consisté à trancher sur le vif, à disséquer de la chair du
vivant une « portion » plus caractéristique, certes, que le
reste, mais une portion tout de même, avec ce que le voca
ble évoque de fatalement limitatif. Quelques pages plus loin
Newman parle de « l’idée ou vision de la Sainte Trinité »
(13), équiparant nettement le terme de base choisi, l’idée,
à un terme apparemment moins précis, la vision, aussi peu
restrictif que « l’impression » de tout le domaine de vitalité
mentale qu’ils ont dessein de couvrir. Par conséquent lors
qu’il est question de réalités comme des « impressions sur
l’imagination» (14), cette formule n’implique nulle dépré
ciation de l’impression, du fait qu’elle intéresserait une
fonction moins noble que celle du pur intellect, considérée
volontiers par les professionnels de l’abstraction comme la
« folle du logis ». L’imagination ne ressortit pas à ce que
Newman a qualifié précédemment de domaine de la « pure
opinion ». Elle est l’enrobement plus élastique, mais indis
pensable à la musculature conceptuelle, avec laquelle elle
forme un continuum biologique, qu’on ne saurait rompre
sans provoquer de lésion fatale à l’ensemble. La poursuite
de notre exploration lexicale va d’ailleurs confirmer cette
mise au point. L’idée ou la vision qui préside à la gestation
doctrinale de la formulation d’un mystère comme celui de
la Trinité est inséparable, nous est-il ajouté, d’une attitude
«religieuse» (15), celle de la «prière» (16), dans la seule
ambiance de laquelle est rendue possible une « connaissance
intime » (17) : celle-ci est en même temps l’idée comme
fonction et comme objet d’appréhension, mais considérée
cette-fois-ci dans sa tonicité, sa vitalité, la densité de sa
chair. Il est une vigueur de pénétration et de l’idée comme
réalité s’imposant irrésistiblement à l’esprit, et de l’idée
comme mobilisation en bloc de toute notre faculté de
connaître. L’idée-objet et l’idée-sujet sont « intimées » l’une
à l’autre en vertu d’un magnétisme qui est moins la résul
tante d’une double attraction mutuelle qu’une énergie uni
que que les nécessités de l’analyse et du langage nous impo-
% sent de dédoubler. De la même façon on peut dire qu’une
ï) nervure de voûte est une réalité concrète unique en même
asig temps que la résultante de deux pesées antagonistes sur
lf|
la même clé sommitale. Aussi ne faut-il pas nous étonner
irsti que le grand théologien parle à ce propos et dans cette
4: ligne de vocabulaire de « contemplation toujours renouvelée
d’elle-même» à propos, bien sûr, de l’idée (18). Ainsi donc
l’idée comme pouvoir de vision inclut indissolublement le
loiii jugement et l’imagination dans une contemplation de l’idée

comme chose vue, rassemblant tout l’être connaissant en


v
ist; faveur et au nom de tout l’objet connu. Cette puissance
k totalisante, voire totalitaire, permet de rendre compte de
la «persuasion de sa réalité» (de l’idée) (19), d’une certi
tude qui tient tout ensemble de la conviction intellectuelle
?

et de l’évidence de la constatation directe. D’où une pre


mière conclusion, qui est fournie d’ailleurs par le propre
vocabulaire du livre : celle de la réalité et du réalisme de
l’idée. Les idées sont « réelles », et « on peut les qualifier
ainsi car elles sont des images de ce qui est réel » (20).
La capacité visionnaire de l’esprit est fondamentalement
une, et ce n’est qu’en vertu d’un artifice philosophique,
nécessaire pour la clarté de la compréhension et de la com
munication, que nous la démultiplions en intellect et en
imagination. Laissons ces deux sœurs siamoises à leur indi
vise symbiose première, et sans doute récupèrerons-nous
) ce pouvoir de saisie immédiate, qui associe l’empreinte du
contact direct que nous appelons image, et la vérification
réfléchie, mais déjà plus distante, que nous appelons juge
ment, concept, etc. Pourquoi contrarier l’essor naissant qui
les poussait toutes deux à conjuguer leurs destinées jumel
les ? Sinon comment l’idée newmanienne, réflexe autant que
réfléchie, bénéficierait-elle fort légitimement d’un réalisme
aussi immédiat que mûrement conscient?
Cette position typique nous introduit déjà dans la deu
xième étape du parcours de notre champ lexical. Insistance
est faite à présent sur l’unité et l’organicité virtuelle de
l’idée. L’idée ou l’impression est « intégrale, une, entière » :
elle forme un « tout », elle est donnée en bloc (whole,
entirety) (21). Elle est synthétique au départ, comme le
vivant : elle n’est pas la recomposition d’organes artificiel
lement disséqués : elle n’est « pas assemblage de parties »

(18) Ibid. p. 96.


(19) Ibid. p. 115.
(20) Ibid. p. 97. cf. p. 93.
(21) Ibid. p. 97.
grée la substance qu’elle développe, elle y puise une « puis
sance » (28), où rien n’est renié de « sa vigueur native »
(29). « Croissant en incorporant », s’enrichissant d’apports
nouveaux sans aliéner son identité, de greffes assimilables
à sa contexture propre, elle est, du fait de cette proliféra
tion dans la compacité, « d’une nature faite pour intéresser
l’esprit et en prendre possession» (30). La riche vitalité
dont elle abonde lui donne un impact sur l’esprit qui déborde
largement la pénétration acérée, mais réduite dans leur
minceur, des concepts abstraits : ceux-ci, immédiatement
hébergés dans le secteur rationnel de la conscience, ne
sauraient être introduits dans les chambres intimes de la
personne, dépouillés qu’ils furent de l’enrobement charnel
qui naguère les vivifiait. Il en est d’eux comme de ces légu
mes déshydratés, devenus de la sorte aisément conservables
dans un buffet, mais impropres à s’intégrer tels quels au
vivant qui voudrait les ingérer, à moins qu’ils ne se regon
flent de l’eau dont on les avait débarrassés et qu’ainsi revi
talisés ils soient de nouveau vivifiants. C’est bien selon
Newman ce qui se produit pour les plus typiques d’entre
eux, « les idées mathématiques » : « tout en étant réelles,
elles ne peuvent être qualifiées de vivantes : c’est pourquoi
elles n’ont aucune influence et ne mènent à rien » (31). En
revanche, lorsque l’idée ne cesse de se gonfler de sève,
transmuant les apports bruts éventuels en sa propre matière
élaborée, elle s’offre avec toute sa plénitude à la capacité
d’accueil du sujet connaissant : une fois introduite, elle la
peuple ; elle investit la personne non plus seulement de son
illumination mais aussi de sa présence chaleureuse. C’est
presque de l’envoûtement, de la « possession ». Envisagée
de la sorte, on peut comprendre qu’elle soit accessible aux
simples : au sein du bon sens qui caractérise ceux-ci, l’in
tellect et son aura imaginative moins sèche restent mariés
de la façon la plus ingénue, sans qu’il leur vienne à l’idée
de tirer à hue et à dia : « ainsi considérée l’idée prend pos
session de l’esprit populaire» (32). Fondamentalement de
l’ordre intellectuel, mais s’étoffant de vie imaginative, l’idée
est ainsi grosse d’une dynamique, ressort de son développe
ment à venir : c’est sa dernière caractéristique.
Ce disant nous venons de faire le bilan de l’exploration
du champ lexical que nous nous étions assignée. Nous som-
mes déjà à même de définir le champ mental sous-jacent.
L’idée newmanienne apparaît comme l’objet mental (form,
représentation) (33) d’une opération intellectuelle (process
of thought, mental exercises) (34) primordiale, préalable à
toute abstraction, conceptualisation ou rationalisation. Le
champ mental qu’elle définit ainsi est aussi contigu que
possible au donné objectif : l’idée est « représentative d’une
vérité objective » (35). Cet objet mental qui la constitue
est un reflet fidèle, parce qu’intégral et non délesté de sa
chair concrète, de l’objet réel. Aussi, à ce stade, est-il un
et indécomposable. Sa saisie par l’esprit s’opère d’emblée :
ce qui est intimé par les termes jumeaux de vision et d’ima
gination. La vigueur de son impact vient précisément de
sa proximité immédiate avec l’objet réel : en reflétant encore
toute la richesse, il reste porteur d’une virtualité « d’as
pects » prêts à s’expliciter plus tard. On voit déjà poindre
ici ce que Newman entendra par assentiment réel dans la
« Grammaire de l’Assentiment ». Pour le moment cet objet
mental provoque une sorte d’éblouissement fait de « contem
plation adoratrice » et de « curiosité dévote », où la masse
des aspects dont il est gros nous submergent. Ainsi en est-il
de « l’esprit habitué à la pensée de Dieu, du Christ ou du
Saint-Esprit » (36). Mais précisément, en un second stade,
celui du développement, il ne sera vraiment intimé à l’esprit
dans toute sa densité (brought home to the mind), devenu
transparent à son regard dans toute son épaisseur, qu’une
fois explicité un échantillon suffisant de ces aspects (through
the medium of a variety of aspects) (37).
Le champ mental de « l’idée » embrasse donc le donné
premier de toutes nos facultés de connaissance, mises en
œuvre simultanément et indissolublement : image senso
rielle, impression imaginative, réactions affectives, notions
d’ordre conceptuel forment un tout : « vision » nous paraît
être le terme newmanien le plus susceptible de rassembler
tout ce champ mental avec le minimum de perte éventuelle
de substance.
Reste maintenant la conception et la description du
mécanisme mental du développement de cette idée.
En inaugurant cette dernière partie de la manière dont
nous venons de conclure la précédente, nous dirons avec
Newman qu’un mot résume le processus en question : le
terme anglais d'exhibition. « En bien des cas », nous est-il
dit, « nous employons développement au sens d'exhibition ».
Et d’illustrer aussitôt la signification du terme par un exem
ple : « le Calvinisme et l’Unitarianisme peuvent être quali
fiés de développements, c’est-à-dire d’exhibitions du principe
du libre examen » (38). Ainsi donc exhibition désigne le
passage d’un principe à ses conséquences, d’une idée géné
rale à des aspects dont elle était porteuse et qui n’étaient
pas encore venus au jour. Exhibition signifie par conséquent
la manifestation, l’explicitation de l’idée en une ou plusieurs
des notations virtuellement incluses en elle.

Cependant, sitôt la chose ainsi définie, la tentation est


grande d’en inférer que le mécanisme privilégié de passage
de l’implicite à l’explicite, du principe aux conséquences,
doit être le raisonnement déductif. Newman est bien le
premier à démasquer ce danger et à nous garder de cette
facilité : « on peut se demander si un développement est en
lui-même un processus logique ; si par là on veut dire un
raisonnement conscient, allant des prémisses à la conclu
sion, bien sûr la réponse doit être négative » (39). S’expri
mant de la sorte, Newman ne nie en rien la logique foncière
de tout développement : le processus en est totalement et
radicalement logique. Il s’érige seulement contre le préjugé
rationaliste qui réduit la logique à la seule démarche dis
cursive : « son développement (de l’idée) ne ressemble pas
à un théorème mathématique, mis un point sur le papier,
au cours duquel toutes les avancées successives procèdent
purement et simplement d’une avancée antérieure » (40).
Celui-ci va du même au même, extrayant un élément gigo
gne exactement conforme à l’élément matriciel. Il ne déve
loppe pas en s’étoffant d’éléments allogènes mais suscep
tibles de s’harmoniser avec lui en un ensemble nouveau :
bref, il ne vit pas. C’est pour cela, nous nous en souvenons,
que « l’idée mathématique... ne mène à rien ». Si la logique
pure et dure intervient, ce n’est qu’à un stade postérieur
au développement proprement dit : une fois celui-ci acquis,
elle permet de vérifier sa cohérence avec l’idée qui lui a
donné naissance : « la logique est introduite pour arranger
ce qui ne pouvait être conquis par l’emploi d’une quelcon
que science » (41). Il suffit, dit Newman, pour se rendre
compte du caractère réduit et réducteur du processus dis-
cursif, de passer en revue les « idées directrices » auxquelles
des esprits férus de rationalité étroite ont prétendu ramener
un tout aussi vaste que le « christianisme » ou « l’évan
gile » : « ainsi l’idée unique de l’évangile a été définie par
certains comme étant la restauration de notre race déchue,
par d’autres comme étant la philanthropie, par d’autres la
spiritualité d’un authentique service religieux, par d’autres
le salut des élus, par d’autres l’union de l’âme avec Dieu »
(42). Loin de nous, continue-t-il, de nier la justesse de cha
cune de ces idées-forces prises individuellement : l’erreur
ou le péché mignon de la logique discursive qui n’est qu’elle-
même, c’est de se river à la linéarité de son discours, de
se bloquer dans l’ornière de sa démarche unilatérale, de
réduire un carrefour en étoile à une voie unique, de prendre
la partie pour le tout : « toutes ces représentations sont des
vérités tant qu’elles sont des aspects du christianisme, mais
aucune d’entre elles n’est le tout de la vérité (the whole
truth). Car le christianisme a bien des aspects : il a son
côté imaginatif ou philosophique, éthique ou politique : il
est solennel et il est gai ; il est lumière et il est ténèbres ;
il est amour et il est crainte» (43).
Pour saisir plus concrètement le rapport de la ratio
nalité scientifique avec le développement de l’idée selon
Newman, on peut rapprocher celle-ci de l’être vivant, puis
que d’ailleurs le vocabulaire qu’il emploie nous y invite.
Un vivant est un «tout » homogène — mot capital, nous
l’avons vu — dont l’unité est donnée simultanément avec
la diversité des organes et des ordres d’existence auxquels
il ressortit conjointement. Cet être vivant ne peut être objet
de science en tant que tout. C’est seulement selon un ordre
d’existence défini qu’il peut s’offrir à l’étude d’une science
authentiquement rationnelle, c’est-à-dire définie elle-même,
limitée uniquement à l’ordre des données concrètes dont
elle relève. En tant qu’assemblage d’atomes et de molécules,
l’être vivant est du ressort des sciences physico-chimiques.
En tant que synthèse d’organes et de systèmes fonction
nels, il est du domaine de la biologie. En tant que sujet de
phénomènes de conscience, il ressortit à la psychologie, etc.
Chacune de ces sciences est fondée à analyser l’être vivant,
à approfondir et à enrichir ses connaissances, mais unique
ment dans son ordre propre et selon ses méthodes propres.
Sitôt qu’elle mord sur le secteur de la discipline voisine,

(42) Ibid. p. 137.


(43) Ibid. p. 97.
elle perd toute garantie de rigueur et s’égare dans des
conjectures aventureuses. Il n’est de rationalité rigoureuse
que partielle, confinée à l’ordre de connaissances qui est
son terrain propre. Un homme est un agrégat d’atomes,
mais il n’est pas que cela : il est aussi un organisme, une
conscience, etc. En tant qu’objet relevant de la chimie,
il n’est pas du ressort de la biologie, etc. Dès que l’on
s’attaque au tout de l’homme, on sort du domaine scientifi
que et rationnel au sens strict : on accède à un autre uni
vers intellectuel, celui de la métaphysique ou de la religion,
et de leur vision totalisante. L’idée newmanienne étant la
vision totalisante d’une réalité qui est elle-même un tout,
celui du « christianisme », de « l’évangile », de Dieu, elle ne
peut être comprise, approfondie, élucidée comme tout que
d’une façon très différente de la science au sens strict et
moderne du terme : la photographie d’un vivant n’est pas
sa présence ; elle ne le reproduit que sous un certain angle,
que sous un « aspect » partiel. C’est pourquoi, afin d’en
vérifier la valeur de représentation, on la compare au modèle,
si celui-ci est présent, ou à d’autres instantanés pris selon
des perspectives différentes, s’il est absent. Mais dans un
cas comme dans l’autre, le critère d’authenticité auquel il
est fait référence, c’est le modèle, l’être vivant. Ainsi donc
le processus de vérification consiste en un va-et-vient conti
nuel de la photographie à son modèle, guidé que l’on est
par le sentiment que seul le second — étant un tout indi
visible — peut justifier si oui ou non la première renvoie
à ce tout qui le constitue, à travers l’aspect fatalement
partiel qu’elle livre. Du fait de ce va-et-vient elle fait remon
ter jusqu’au sentiment de plénitude que donnerait la seule
présence du modèle.
Il en est de même du processus de développement doc
trinal : c’est essentiellement un mouvement de navette entre
« l’aspect » qui vient au jour et le tout de la vérité dont
il jaillit et dont il se détache. Selon Newman, le raisonne
ment déductif disséquerait cet aspect du corps de la vérité,
pour l’analyser en lui-même, en faire un objet indépendant
d’étude. Cela « ne mène à rien », puisqu’on perd de vue
l’ensemble vivant dont cet aspect provient et que seul il
importe de connaître : on est parti d’une « portion » et on
y reste enfermé. Par conséquent il importe de rapprocher
sans cesse l’aspect découvert du tout auquel il appartenait,
de l’y enraciner de nouveau, de l’y réintégrer, le considérant
ainsi comme une ouverture, une fenêtre nouvelle pratiquée
sur lui et en offrant, sous un angle partiel, une vision
renouvelée, mais vision du tout quand même. Par exemple,
au cœur de la conscience religieuse qui a donné naissance
au culte des saints, vit non seulement l’intuition du mystère
de l’Incarnation, le sentiment que « le Verbe n’a pas été
défiguré en recevant un corps... mais qu’à vrai dire il a
déifié ce qu’il a revêtu », conférant à l’humain une dignité
divine susceptible d’être l’objet d’un culte, mais aussi le
sentiment subjectif que « nous sommes un seul corps avec
lui... devenant le temple de Dieu... de sorte que même
en nos personnes le Seigneur est maintenant l’objet d’un
culte » (44). Le tout est ici le mystère de l’Incarnation.
L’aspect est la dignité divine d’un être humain donné. Le
rapport de l’aspect au tout est la continuité qu’il y a entre
l’humanité divinisée du Christ, l’humanité collective qui en
est solidaire, et l’humanité particulière de l’individu promu
à un culte religieux. Mais le sens de ce rapport organique
est dû à la sensibilité permanente du sujet connaissant au
tout primordial : il faut le sentiment que « même en nos
personnes le Seigneur est maintenant l’objet d’un culte »
pour être accordés à l’idée d’un culte possible rendu à un
simple humain comme nous.
Ce qu’a dit Newman précédemment du rapport de l’idée
et du sujet connaissant est révélateur à ce propos. L’idée
« prend possession » du sujet, alors que dans le cas de la
connaissance scientifique le sujet domine son objet : il en
dispose comme un propriétaire : il l’analyse, le décompose,
le recompose. Ce dernier lui reste extérieur. Au contraire
l’idée newmanienne et le sujet qui la porte s’interpénétrent,
vivent, et évoluent ensemble : il n’est de connaissance de
Dieu, comme plénitude donnant sens au tout de l’homme,
que dans une symbiose de l’être total de l’un et de l’autre :
la distance, voire la rupture du sujet et de l’objet qu’impli
que toute connaissance scientifique n’est pas de mise dans
ce domaine.
On comprend dès lors que l’unilatéralité qui guette une
maturation intellectuelle restreinte à la seule logique dis
cursive soit un danger qui menace davantage les individus
que les collectivités. Un concept simple, aussi prétendument
universel qu’il est nettement défini, c’est bien là le terme
apaisant vers lequel tend un esprit épris de synthèse com
mode, à la recherche d’une « idée directrice » à laquelle il
ramène l’ensemble de sa réflexion et de son expérience,
sinon de ses espérances. Rien de tel pour échapper à ce
piège que la confrontation avec d’autres esprits. Alors l’idée
peut être perçue et partagée à la fois dans son « unité
substantielle » et dans la richesse de ses aspects poten
tiels, c’est-à-dire comme un tout : « quand l’idée une et
identique est tenue par des personnes indépendantes les
unes des autres, soumises à des conditionnements divers,
et qui se la sont appropriée par des voies différentes, quand
elle se présente à elles sous des aspects très différents,
sans perdre son unité et son identité substantielles... quand
elle se présente à des personnes soumises à des condition
nements divers sous des aspects à vrai dire discordants de
prime abord, mais conciliables à la suite d’explications
qu’exigent leurs états d’esprit respectifs, alors il semble
qu’elle puisse prétendre à être considérée comme représen
tative d’une vérité objective» (45).
La collectivité ou plutôt la « communauté » est donc le
lieu privilégié du développement de l’idée newmanienne :
« de tels processus intellectuels se déroulent silencieusement
et spontanément dans l’esprit d’un groupe ou d’une école...
Le développement se propose d’esprit à esprit et s'établit
dans la foi de la communauté » (46).
Comment s’étonner alors que le processus le plus fré
quent et le plus normal du développement soit celui d’une
fermentation collective ! Un tout à la fois riche et indé
composable, perçu simultanément comme tel et aussi à
travers les particularités et les conditionnements divers des
membres de la communauté, ne peut être révélé, et dans sa
diversité et dans son unité, que par le truchement d’échan
ges, de va-et-vient constants, seraient-ils vifs, tendus, voire
agressifs :
« Qu’une telle idée prenne possession de l’esprit popu
laire, ou de l’esprit de n’importe quel ensemble de per
sonnes, il n’est pas difficile de comprendre les effets qui
vont s’ensuivre. Il y aura une agitation générale de la
pensée, et une action de l’esprit à la fois sur lui-même et
sur d’autres esprits. Des éclairages nouveaux vont s’appli
quer à l’idée originelle : les aspects vont s’en multiplier et
les jugements vont s’accumuler.
« Il y aura un temps de confusion où les conceptions et
les déviations (misconceptions) seront en conflit : alors on
ne sait pas avec certitude si quelque chose sortira de l’idée
ou quelle conception de celle-ci prendra le pas sur les
autres.
« Après quelque temps une forme nette de doctrine émerge
Et à mesure que le temps avance, une conception de celle-ci
sera modifiée ou amplifiée par une autre, et puis combinée
avec une troisième, jusqu’à ce que l’idée sur laquelle elle
se construit soit pour chaque esprit pris individuellement
ce qu’au départ elle n’était que pour la totalité d’entre
eux » (47).
Ainsi Newman établit un lien vital et rigoureux entre
l’aspect à la fois réaliste et totalisant de l’idée et l’aspect
communautaire et mouvementé de son développement. Il en
ressort des conclusions éclairantes, non seulement pour les
situations historiques passées de la vie doctrinale de l’Église,
mais pour celles de notre époque.
Du fait même du caractère nécessairement dialogal du
processus d’explicitation, celui-ci est naturellement stimulé
par le choc d’idées jusque là étrangères à la tradition de
la communauté, mais présentes dans les esprits de ses mem
bres, du seul fait de leur appartenance au monde ambiant :
« son domaine est l’affairement de la scène du monde » (48).
Ce qui provoque l’idée à « venir au jour par l’épreuvq et
à se parfaire dans la lutte » (is elicited by trial and struggles
into perfection) (49). «Il (le processus appelé développe
ment d’une idée) ne peut absolument pas se développer,
sinon par la destruction, ou la modification, ou l’incor
poration en son sein de modes de pensée et d’agir exis
tants » (50). « Elle (l’idée) sera explorée (surveyed) en
étant mise en relation à d’autres doctrines ou d’autres faits,
à de nouvelles lois de l’ordre naturel ou de l’ordre établi,
à des variations de circonstances de temps et de lieu, à
d’autres religions, d’autres systèmes politiques, d’autres phi
losophies, suivant le cas» (51). Au contact franc et direct
de ces éléments nouveaux, l’idée réagit « en triant, en tami
sant, en sélectionnant, en rejetant (52)... ce qui en eux lui
est totalement hétérogène » (53). Ce faisant, elle adapte à
elle et incorpore à sa substance ce qui lui est assimilable :
« elle les affecte, les tolère, interfère avec eux, entre en
coalescence avec eux... les rattache à elle graduellement...
en pénètre la structure soit pour la renforcer, soit pour la
transformer » (54). L’idée, parce qu’elle est « vivante et
vigoureuse », ne l’oublions pas, « croît lorsqu’elle incorpore »,
et « sa pureté ne consiste pas dans l’isolement sur elle-
consistante ; et ils sont nécessaires uniquement parce que
l’esprit humain ne peut réfléchir à elle que de façon frag
mentaire, et ne saurait user d’elle en la respectant dans
l’intégrité de son unité et sans la dissoudre en une série
d’aspects et de relations. Et de fait ces expressions-là n’en
sont jamais équivalentes...
« Ainsi les dogmes catholiques ne sont après tout que
des symboles d’un fait divin, qui, loin d’être embrassé par
ces propositions mêmes, ne pourrait être épuisé et sondé
par des milliers d’autres » (64).
Résumons-nous en reprenant pied dans notre xx e siècle
finissant. Toute idée religieuse, toute intuition qui couve
au départ d’une doctrine et d’une théologie est chose intel
lectuelle au sens totalisant du terme. Elle est plus que le
concept qu’elle inclut. Il tend à se figer ; elle aspire à s’épa
nouir. Elle est organisme vivant et non planche anatomique.
Son développement est logique comme celui d’un vivant,
mais il ne se réduit pas au raisonnement discursif. Celui-ci
n’est justifié que pour une étude partielle, relative à un
domaine défini et relevant de méthodes rationnelles préci
ses ; tandis que le premier est chose intellectuelle au sens
vaste et authentique du terme ; il n’est pas chose scientifi
que au sens moderne, strict mais restreint de ce qualificatif.
Du fait de sa logique le développement de l’idée aboutit
à une théologie, mais il ne s’y fixe pas, parce qu’il s’opère
au sein de la communauté, de ses échanges, de ses confron
tations et de ses affrontements avec les idées étrangères
venues du monde ambiant. Le mouvement, la mêlée, la har
diesse des ouvertures lui sont naturelles. Ils sont signe de
santé, c’est-à-dire d’un sens permanent du « tout » de la
vérité, sens tellement authentique qu’il déborde l’appréhen
sion claire, facile, définie, mais toujours limitée qu’en a
le seul intellect rationnel.
Après cela, nous dirait Newman, comment aurions-nous
peur au milieu de la tempête actuelle des événements et
des idées du monde, voire de leur écho au sein de l’Église
elle-même ? Comment serions-nous, hommes de « peu » de
foi, esprits d’une vision chiche, rivés à des pnotos jaunies
quoique vénérables, instantanés d’un mouvement qui avance,
qu’on le veuille ou non, parce que telle est sa loi, loi de
la vie et de l’Esprit?
Y. Denis

(64) Ibid. p. 116.


La crise moderniste en .Espagne

Nulle part ailleurs qu’en Espagne et dans les pays de


langue espagnole le mot modernisme n’est utilisé plus fré
quemment. Il est vrai qu’il s’applique à la fois à tout un
courant de théologie et à un certain type de poésie et d’art
dont les plus hautes réussites s’inscrivent entre 1890 et
1910. Pendant longtemps néanmoins, les commentateurs se
sont confinés dans leur domaine propre et les spécialistes
de l’esthétique ont pu multiplier articles et ouvrages, sou
vent de qualité d’ailleurs, tout en continuant d’ignorer les
bouleversements de la pensée religieuse. C’est au poète
Juan Ramôn Jiménez (1) que l’on doit la première vision
globale du Modernisme, car avant tout autre il a proclamé
que ce phénomène était plus qu’un style poétique ; il y a
vu une attitude nouvelle de l’homme face à lui-même, au
monde et à Dieu, et il en a pressenti les implications théo
logiques :

Le modernisme ne fut pas seulement une tendance littéraire :


le modernisme fut une tendance générale. Il atteignit tous les
secteurs. Je crois que le nom est venu d’Allemagne, où se pro
duisait un mouvement réformateur grâce à des curés appelés
modernistes. Et ici, en Espagne, on nous a mis ce nom de moder
nistes en raison de notre attitude. Car ce qu’on appelle moder
nisme, n’est pas affaire d’école ni de forme, mais d’attitude.

(1) Juan Ramôn naquit à Moguer en 1881 ; avec Rubén Darîo et de


nombreux autres poètes, il participa activement au triomphe du moder
nisme littéraire en Espagne. Après un séjour en France qui lui permit
de découvrir les Symbolistes, il fréquenta les milieux libéraux de la capitale
espagnole et suivit de très prés la renaissance intellectuelle de son pays
dans les secteurs de la pensée religieuse, philosophique et scientifique.
Républicain de cœur et pacifiste convaincu, il quitta l’Espagne dès le
début de la guerre civile en 1936, après avoir guidé les premiers pas de
la Jeune et brillante génération poétique de 1927 : F. Garcia Lorca, J.
Guillén. P. Salinas, G. Diego, R. Albertl, V. Aleixandre... Exilé volontaire
en Amérique, il reçoit le Prix Nobel de Littérature en 1956 et meurt à
Porto Rico en 1958. Son œuvre poétique est considérable ; marquée par
un idéalisme profond, elle connaît trois époques et présente tour à tour
une dominante sensible, intellectualiste, religieuse. Citons seulement ici
Dios deseado y deseante, Espacio et son cours sur le Modernisme. Pour une
étude plus approfondie, cf. ma thèse de doctorat d’Etat : L’œuvre de Juan
Ramôn Jiménez (continuité et renouveau de la poésie lyrique espagnole),
Librairie Champion, Paris.
C’était ànouveau la rencontre avec la beauté ensevelie pendant
le xix e siècle sous un ton général de poésie bourgeoise. Tel est
le modernisme : un grand mouvement d’enthousiasme et de liberté
vers la beauté.

Notre propos ne sera donc pas d’étudier ici l’œuvre d’un


poète, ni celle d’un théologien, mais, pour ce qui regarde
l’Espagne, d’appréhender le Modernisme dans un sens plus
large, en tant que crise de la spiritualité, manifestée au
début du siècle à plusieurs niveaux et suscitant des expres
sions diverses. Il est intéressant de remarquer, en effet,
que si le débat sur la pensée religieuse moderniste s’engage
en France autour de l’exégèse biblique et concerne des
ecclésiastiques de haute culture, c’est en Espagne le philo
sophe qui se trouve au centre de la controverse. Il n’y a
dans les archives de la Nonciature Apostolique à Madrid
aucune trace d’excommunication de prêtres par le Saint-
Siège. Sans doute est-ce moins significatif d’un confor
misme touchant à la question biblique que d’un retard des
sciences positives et des méthodes nouvelles qui, hors des
frontières, avaient abouti à une critique serrée des textes,
du dogme et du magistère de l’Église. Ce phénomène typi
quement espagnol peut être même qualifié d’historique :
tenue à l’écart de la Réforme protestante, puis du rationa
lisme cartésien, l’Espagne ne s’était-elle pas détournée aussi
au xvm e siècle d’un mouvement critique dont le principal
mérite était d’associer l’expérimentation scientifique aux
opérations rationnelles ? Dans ce contexte, l’influence de
l’abbé Loisy et des autres théologiens modernistes sera très
restreinte dans la péninsule, car elle ne trouve pas un terrain
favorable à son expansion. Le renouveau de la critique litté
raire grâce aux méthodes historiques et à l’examen philolo
gique ne se manifestera pas avant 1911, date à laquelle
Ramôn Menéndez Pidal fonde avec d’autres chercheurs le
Centre d’Études Historiques. L’Espagne ne pouvait donc
recevoir le modernisme religieux qu’à travers sa tradition
philosophique.
Au-delà des Pyrénées c’était alors le temps d’un « exa
men de conscience national » auquel se livraient les écri
vains du Groupe 98 (1898). La perte des Philippines, de
Porto-Rico et de Cuba, la destruction de la flotte, mettaient
le pays devant une réalité d’autant plus brutale qu’on la lui
avait longtemps cachée. Pendant plus de vingt ans, les
élites intellectuelles, composées par Angel Ganivet, Joaquin
Costa, José Ortega y Gasset, Pio Baroja, Ramôn del Valle
Inclân, Antonio Machado, Azorin, Unamuno, s’interrogèrent
197
CRISE MODERNISTE EN ESPAGNE

l’essence de l’Espagne », son rôle et son devenir histo


sur«
rique. Le scientisme et le nihilisme s’étaient également dif-
fusés largement dans l’opinion. Mais surtout, une philoso
»
phie assez vague et froide, venue d’Allemagne, le Krausisme,
avait été introduite par Julian Sanz del Rio et ses succes-
te seurs, Salmerôn, Azcârate, Cossio, Giner de los Rios. Philo-
üf sophie? Il s’agissait
plutôt d’une doctrine morale, dont les
mérites ne furent pas négligeables, d’une sorte de système
métaphysique et pseudo-religieux qui, refusant d’être consi-
J dérée comme un panthéisme, préférait se définir comme
|i un panenthéisme. A la formule Tout est Dieu, les Krausistes
substituaient celle de Tout est en Dieu (2). En face d’eux,
subsistaient, d’une part, une néo-scolastique sclérosée dans
une attitude de stricte défensive à l’égard des positions
>1
modernes, et, d’autre part, « un spiritualisme introspectif et
éclectique, dans la lignée du grand Javier Llorens y Barba,
très défiant à l’endroit de la ' métaphysique abstractive ’ et
uniquement attaché au critère du ' seny ’ » (3). Dans la
mesure où le Krausisme pouvait s’intégrer dans la ligne de
la spiritualité et de la Mystique du Siècle d’Or et où il était
l’héritier de la pensée allemande protestante, il ouvrait la
porte à certaines formes de luthéranisme que le Pr. Aran-
guren se plaît à relever dans l’œuvre de Unamuno.
Si, dès la Renaissance, Érasme s’était risqué, non sans
é hésitation, à affirmer que l’Esprit Saint avait permis aux
i|n|
auteurs des Évangiles de commettre quelques petites erreurs
et si, selon Maldonado et Melchor Cano, certains érudits
l’avaient suivi, il faudra attendre toutefois le milieu du xix e
siècle pour voir apparaître en Europe un antagonisme socio-
i# religieux entre la théologie et la science. Cette contradic
tion, qui semble irréductible, prend le plus souvent un tour
polémique et, de façon générale, elle innerve un conflit fon
damental entre les traditions et l’esprit moderne, l’Église et
le monde. A la limite, ces tensions mettront en péril l’unité
nationale: en 1896, lors du XIVe centenaire du baptême de
Clovis, le Cardinal Perraud, évêque d’Autun, prononce à

(2) Sur le Krausisme, on peut consulter avec profit :


— P. Jobit ; Les éducateurs de l'Espagne : les Krausistes, Hautes Études
Hispaniques, Bordeaux, 1936 ;
— J. Lôpez Mouillas El krausismo espaüol, Fondo de Cultura Eco-
.*

nômlca, Méxlco, 1956 ;


— G. Azam : « Valeur métaphysique et poétique du Krausisme espa
gnol », in Penseurs hétérodoxes du inonde hispanique, publication de
l'Université de Toulouse-Le Mirail, série A. tome 22, 1974, p. 200.
(3) A. Guy, La philosophie du concret chez Maurice Blondel et Unamuno,
ln Annales de Philosophie, Université de Toulouse-Le Mirail, tome XIII,
1 1977.
Reims un discours où il parle des « deux France » ; de
même, le roi Alphonse XIII, pendant sa visite à Pie XI, en
novembre 1923, évoque les « deux Espagne ». Pourtant,
tandis que s’opèrent ces déchirements, des efforts de récon
ciliation sont tentés par une minorité libérale et le moder
nisme pourrait bien n’être en somme que l’une de ces ten
tatives.
De jeunes sciences religieuses s’étaient constituées, en
effet, à partir d’un principe que ne contrôlaient pas les
orthodoxies, mettant ainsi en relief l’inadaptation de l’en
seignement ecclésiastique traditionnel. C’est de l’application
des méthodes positives à un secteur jusqu’ici considéré
comme hors de leur ressort, que naquit le modernisme. En
1872, dans la revue Natur und Offenbarung, Rohling limitait
déjà l’inspiration aux parties de l’Écriture qui traitent de
la foi et des mœurs, et à celles dont le lien avec la religion
est évident. En 1880, le célèbre orientaliste français Lenor-
mand publiait Les origines de l’histoire d’après la Bible et
les traditions des peuples orientaux ; il considérait que sa
soumission à l’autorité ecclésiastique le laissait libre comme
savant de juger et d’interpréter le caractère des récits, leur
originalité, leur provenance et leur parenté avec les tradi
tions des autres peuples ; de surcroît, il distinguait la révé
lation et l’inspiration ; pour lui, tout est inspiré, mais tout
n’a pas été révélé ; enfin, l’inspiration n’exclut pas l’utilisa
tion de documents profanes. En 1884, Newman affirmait
à son tour qu’il faut distinguer dans l’Écriture le contenu
qui se réfère à la foi et aux mœurs du contenu scientifique
et historique, et dans ce dernier il envisageait la possibilité
des obiter dicta, qui n’ont aucune relation avec les choses
de la foi et sont dus uniquement à l’élément humain. Ainsi,
renoncer aux méthodes positives, c’était se condamner à
une position d’infériorité pour l’exégète ; les mettre en
œuvre, revenait à introduire le libre examen. Tel est le
dilemme qui se posera encore à des hommes comme Loisy
et qui explique, ainsi qu’il l’écrira lui-même, que « le moder
nisme n’est pas une secte ni un parti ».
L’encyclique Pascendi dominici gregis a voulu néanmoins
présenter un portrait composite du moderniste type et, si
aucun des caractères de la pensée qu’elle systématise et
condamne, ne pouvait laisser indifférents les novateurs, il
faut bien reconnaître que cette crise ne se réduit pas aux
circonstances que nous venons d’évoquer, ni aux dissensions
qui ont marqué son déroulement. Il est donc particulière
ment difficile de cerner ce phénomène à travers des aspi
rations diffuses. Il faut avouer aussi que ces hommes, très
CRISE MODERNISTE EN ESPAGNE 199

versés dans l’exégèse et la dogmatique, ne se reconnaîtront


X
pas dans la reconstitution d’un mouvement homogène pro-
^ posée par l’encyclique. Le baron Von Hügel, Houtin, Tyrrel,
récc
Loisy noteront la complexité d’un courant qui, sous un
>1 même vocable, regroupe des penseurs fort différents.
Tout effort pour appréhender ce mouvement par une
définition donnée a priori est donc vain. Le phénomène ne
ïs
peut être isolé, car il ne réside pas dans un système d’idées.
Il est à la fois, selon Emile Poulat, « dans le processus
d’adaptation, d’acculturation, dont le catholicisme était alors
le siège, dans la crise engendrée par ce processus, dans les
* efforts entrepris pour faire aboutir le processus, et éviter
ou surmonter la crise, dans la configuration des rapports
®l qui en ont résulté » (4). Quand le modernisme paraît suc-
ü comber, en France et en Europe, sous les effets conjugués
d’un manque de cohésion interne et des mesures coercitives
flf mises en œuvre contre lui, le monde hispanique prend la
ift relève avec un léger décalage et, à travers certaines formes
isi de pensée et tout un courant poétique, assure la survie d’un
ni mouvement aux répercussions théologiques difficilement
assimilables à l’origine. Comme il n’affecte pas directement
ni en Espagne les milieux ecclésiastiques, le modernisme n’y
ë apporte pas à court terme un bouleversement des institu
tions catholiques. Mais par la sensibilité nouvelle qu’il pro-
voque, il représente plus qu’une crise passagère. S’il ne
üi.'î

m prend pas l’allure comme en France d’une tentative ambi-


m tieuse de quelques individus d’autant plus isolés des masses
ÿ qu’ils se situent à un haut niveau intellectuel, il constitue
une étape critique d’une croissance inévitable, non plus au
0 sein même de l’Église, mais aux franges de la foi.
On est saisi, en outre, par l’extraordinaire foisonnement
du milieu à partir duquel la spiritualité moderniste prend
son essor en Espagne. Le désir d’un apaisement des esprits
y est moins vif qu’ailleurs et l’espoir d’une rénovation du
catholicisme n’y est pas non plus la motivation dominante.
En France, l’abbé Frémont pensera qu’il « faut au xxe siècle

(4) E. Poulat, Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste,


Paris, Casterman, 1962, Introduction.
On peut lire aussi :
— H. Castillo ; Estudios criticos sobre el modéraismo, Gredos, Madrid,
1968.
— G. Diaz-Plaja : Modemismo trente a noventa y ocho, Madrid, Espasa-
Calpe, 1966.
— R.Gullôk ; Direcciones del modemismo, Gredoa, Madrid, 1963.
— S. del Paramo : Temas biblicos, A. Velarde, Santander, 1967.
une nouvelle réforme de l’Église », mais Jiménez, dans une
perspective plus large et en dehors de toute structure ecclé
siale, parlera pour le monde hispanique d’une « seconde
Renaissance ». Face à un traditionalisme intransigeant se
laisse pressentir une naissance encore mystérieuse dont la
manifestation passe par un changement social et une réforme
intellectuelle, annonçant une ère nouvelle de l’humanité et
une adaptation réciproque de l’homme et du christianisme.
Les Congrès ecclésiastiques qui se tiennent à Reims en
1896 et à Bourges en 1900 illustrent bien cette tendance
à l’ouverture et cette volonté de sortir des sentiers battus
qu’empruntent les sciences sacrées études bibliques et his
toire de l’Église.
Ainsi le modernisme modifie-t-il radicalement les struc
tures traditionnelles de la foi, non seulement au, sein de
l’orthodoxie catholique, mais aussi dans d’autres religions ;
chez les Protestants, par exemple, A. Sabatier contribuera
à secouer tout engourdissement doctrinal. Ce rejet des auto
rités va de pair avec un immanentisme qui, suivant les cas,
peut offrir un dégradé de nuances assez subtil, mais qui
toujours affecte au moins la méthode. Il faut ajouter que
la théologie moderniste a de solides points d’ancrage dans
le pragmatisme ; pour elle, est vrai ce qui nous nourrit,
au spirituel comme au physique. Cet attachement aux impul
sions vitales implique que les religions soient considérées
comme des systèmes de symboles qui traduisent les aspi
rations humaines les plus profondes ou les mettent en
mouvement. La voie est ainsi ouverte à l’idéalisme et au
subjectivisme tandis que l’histoire, en contrepoint, permet
de mesurer toute la distance qui sépare les phénomènes
objectifs des transformations que leur fait subir la foi.
En raison de cette tendance au criticisme, déjà présente
chez Renan, le modernisme théologique reste le fait d’une
minorité de chercheurs, clercs ou laïcs, qui s’attachent à
reconsidérer les fondements des religions suivant les métho
des inspirées des sciences humaines ou sociales. C’est le cas
en Espagne de Unamuno pour qui il ne s’agit pas d’envi
sager la théologie comme une science de la religion, une
branche objective du savoir humain recouvrant l’histoire,
la sociologie, la phénoménologie, l’anthropologie. Au con
traire, théologie signifie pour lui la réflexion que l’homme
fait à partir de sa propre foi, de sa croyance ou de son
expérience religieuse. Pourtant il est indéniable que ses rela
tions intellectuelles avec Herbert Spencer ont eu sur sa
pensée une influence qui s’étend sur quinze années, fort
importantes pour sa formation philosophique ; elle s’exerce
CRISE MODERNISTE EN ESPAGNE 201

à partir de1880 et jusqu’en 1895, date à laquelle don Miguel


obtient une chaire à Salamanque. C’est ainsi que, n’étant
encore qu’étudiant, il fait ses premiers commentaires sur
le positivisme en général et sur Spencer en particulier dont
il traduit les œuvres et, en 1895, il met la dernière main
à deux ouvrages décisifs : les cinq essais de L’Espagne
moderne qui formeront en 1902 le livre L’essence de l’Es
pagne, et la traduction de quelques travaux de Spencer
qui reçoit le titre du premier d’entre eux : Des lois en géné
ral. Cette traduction espagnole contient une sélection d’ar
ticles nettement métaphysiques et elle sert d’apologie du
système spencérien. Elle expose plus spécialement la diffé
rence entre celui-ci et Auguste Comte qui constitue le point
le plus attirant pour Unamuno à une époque où il a déjà
renié le positivisme comme philosophie. Auguste Comte et
les positivistes avaient eu recours aux sciences naturelles
pour appliquer rigoureusement leurs méthodes d’investiga
tion à l’homme et à la société. Bien que Spencer se consi
dérât comme philosophe scientifique, il ne se limitait pas
à l’adaptation d’une méthode scientifique, mais il s’efforçait
d’opérer une synthèse de toute la connaissance scientifique
de son temps pour élaborer une base spéculative de l’exis
tence. C’était un philosophe naturaliste et matérialiste plus
qu’empiriste. Ce que Unamuno considère comme le plus
important, ce n’est pas que la spéculation spencérienne fixe
des lois rationalistes à l’existence, mais qu’elle s’exerce sur
une totalité en transformation continuelle.
Le concept de la réalité élaboré par Spencer fut adapté
toutefois par Unamuno dès le premier contact sous l’in
fluence de la dialectique hégélienne. Pour le philosophe
anglais, la réalité était un courant évoluant en permanence
d’un état relativement instable, indéfini et diffus vers un
état relativement stable, défini et concentré. Mais Una
muno, pour sa part, considère ce courant en termes de
thèse et d’antithèse hégéliennes dans une opposition inces
sante qui constitue une dialectique ouverte. L’opposition
même devient persistance de la réalité. Pour Unamuno, ce
qui est fixe et statique, c’est ce qui est mort. Il ne s’agit
que d’un aspect extérieur de la réalité et non de la réalité
elle-même qui est une fluxion agitée et étemelle. Il est signi
ficatif que le philosophe français Henri Bergson ait reçu
aussi son initiation à la philosophie grâce à l’étude de
Spencer ; il suffit pour s’en convaincre de lire les premières
pages de La pensée et le mouvant. Unamuno et Bergson
rejetèrent la primauté de la raison au profit de l’intuition.
Le premier parvint à une vue historique de la réalité
avec
.
pour ainsi dire, d’une ascension de son âme et de son cœur.
A partir de là, les mots se libérèrent en lui ; à son œuvre
d’essayiste s’ajoutèrent d’autres genres littéraires et son
langage acquit plus de vigueur. Ce processus évolutif se
retrouve chez Jiménez qui, dans un texte d’Animal de fond,
expose notamment les étapes successives de sa démarche
poétique et les relie à son approfondissement de l’idée de
Dieu. Il ne faut pas ignorer que la religion que Don Miguel
et Juan Ramôn acceptèrent ne coïncide pas exactement
avec la religion catholique dans laquelle ils naquirent et
furent élevés. La question ne fut jamais d’ailleurs pour eux
celle d’une conversion à la religion reçue, car le problème
n’était pas d’être ou de ne pas être catholique. Dans cer
tains romans de Unamuno, on trouve seulement une nostal
gie vis-à-vis des êtres humains qui vivent à l’intérieur de
la tradition religieuse dans laquelle ils sont nés. Pour le
reste son attitude est foncièrement hétérodoxe et c’est à ce
niveau qu’il peut être considéré comme moderniste, au plan
de la spiritualité et non à celui de l’esthétique. Dans les
lettres qu’il écrivit au cours des années 1900-1902, les
témoignages relatifs à ce sujet abondent ; le premier de
ceux-ci nous est apporté par une lettre à Clarin :

En ce moment les études religieuses me préoccupent ; la


grande Dogmengeschichte, de Harnack, m’a ouvert de grands
horizons ; j’étudie maintenant les dernières évolutions de la
théologie luthérienne avec Ritschl en tête. Il est difficile qu’ici
nous ressentions Kant, même si nous parvenons à le comprendre,
car nous n’avons pas dépassé le stade de Luther. L’évolution
philosophique allemande n’était pas autre chose qu’une phase
de l’évolution intime de l’esprit germanique, qui, dans sa théo
logie, se révèle mieux qu’en tout autre partie. Sans Schleierma-
cher on ne conçoit pas Kant... (6).

Ces noms méritent de retenir quelques instants notre


attention, car on les retrouve nécessairement dans toute
étude un peu sérieuse de la pensée krausiste. Dans cette
même lettre du 3 avril 1900, Unamuno ajoute :

Maintenant... je vais me plonger dans le théologien et pen


seur Kierkegaard, source capitale de Ibsen, qui disait lorsqu’il
était jeune qu’il aspirait à être le poète de Kierkegaard, d’après
ce que j’ai lu dans le livre de Brande sur Ibsen, et c’est là que
j’ai commencé à apprendre le Danois... Beaucoup de mes médi

te) Unamuno, Obras complétas, XVI, Afrodisio Aguado, Madrid, 1950,


P. 6.
tâtions sur ce sujet sont condensées dans le troisième de mes
Trois essais, intitulé « La foi ». Ce petit livre sortira un de ces
jours et vous le recevrez aussitôt. Il n’est pas mauvais que
j’avance ce que je dois développer bien plus largement dans mes
« Dialogues philosophiques » (7).

Un mois plus tard, dans une lettre à José Enrique Rodô,


le Recteur de Salamanque reconnaissait son modernisme en
ces termes :

La conception de la foi dans le troisième de mes Trois


essais est, au fond, purement luthérienne. Depuis que j’ai lu
la Dogmengeschichte, de Harnack, de vastes horizons se sont
ouverts à moi. C’est à peine si j’éprouve de l’intérêt pour autre
chose que le problème religieux et le destin individuel. Je
rejette toute conception esthétique du monde. Tout l’hellénisme
est contenu dans ce vers de l’Odyssée qui dit : ' les dieux trament
et accomplissent la destruction des hommes pour que ceux qui
viendront aient quelque chose à chanter’, et personne n’a mieux
caractérisé les Athéniens que l’auteur des Actes des Apôtres,
dans le verset 21 du livre XVII : * Car ils étaient amis des nou
veautés ’ (8).

Voici encore ce que Unamuno écrit vers la fin de 1901


à Bernardo G. de Cândamo avec lequel il entretint, comme
Rubén Dario d’ailleurs, une correspondance assidue :

Tous les récits de crises religieuses m’intéressent grande


ment, et chaque jour qui passe je me consacre davantage aux
études religieuses, et tout ce qui se réfère à la religion m’attire...
N’abandonnons pas les études religieuses. Avez-vous lu déjà
l'Esquisse d’une philosophie de la Religion de Auguste Sabatier?
Il faut se laisser vivre et agir et parvenir à la foi par l’ac
tion (9).

Comme on peut le constater, Unamuno connaissait donc


la plupart des ouvrages qui ont marqué le développement
de la théologie moderniste. Pour lui, « la philosophie est
une mathématique ; la religion une intuition ». Et il ajoute
dans une autre lettre à Cândamo, du 5 mars 1902 :

...
livre intitulé Science et Religion
Je projette d’écrire un
ou bien Raison et Foi. J’y établirai la contradiction intime et
irréductible comme principe fécond de vie spirituelle. Je n’aime

(7) Ibidem, p. 7.
(8) Ibidem, p 7.
(9) Ibidem, p. 8.
s
?
an

(10) Ibidem, p. 9.
(11) A. Gut, Unamuno, pèlerin de l'absolu, Cuadernos de la C&tedra
Miguel de Unamuno, Salamanque, 1947.
(12) Unamuno, op. cit., Poeslas. p. 761.
206 G. AZAM

intellectuels avec Unamuno sont importants, car, à l’heure


où le poète de Moguer se prendra à détester les atours
dont il avait paré sa Muse, les grands thèmes de la spiri
tualité moderniste acquis à la lecture de Unamuno et de
l’Abbé Loisy deviendront les lignes de force de son renou
vellement poétique.
Ce qui est remarquable chez Jiménez, c’est qu’au fil des
jours et des livres se manifeste ce qui forme en lui le centre
le plus caché et le plus profond. Chez Unamuno aussi, au
fur et à mesure qu’apparaissent les différents genres litté
raires qui composent l’œuvre, l’unité de celle-ci se révèle
et s’affirme dans le déploiement même de sa pluralité. De
ce centre caché, le philosophe laissait échapper déjà une
piété religieuse qui faisait de lui un poète, c’est-à-dire celui
qui par le langage sauve l’individu de son isolement en le
plongeant dans la solitude. Maria Zambrano exprime assez
bien cela lorsqu’elle écrit : « Dans la poésie qui est le lieu
où il se découvre le plus lui-même, la confession se rappro
che de cette espèce de pré-confession qu’est la plainte de
Job» (13). La ferveur, la religion du cœur et des entrailles
embrassent l’homme aussi bien que les peuples dans leur
existence concrète entre ciel et terre. Elles sous-tendent
et elles créent le paysage ; pour Unamuno, en effet, la
nature païenne classique ou romantique n’existe pas par
elle-même : le vent, la pluie, la neige, les nuages et le soleil
sont âme, signe de l’authentique et universelle piété. Mais,
pas plus que Jiménez, Don Miguel n’avait atteint cette
union totale et rassasiante de son moi intime et de la
nature ; il en résulte chez lui une tension, un combat qui
se déroule à la lumière agonistique de la vie personnelle et
que jusqu’à la mort soutient la foi :

Identique à elle-même est notre foi,


Foi dans la vie immortelle de la conscience,
Cette foi qui agonise
Sous le cauchemar de la science
Parmi ces peuples voués à l’avarice et au luxe... (14).
Jiménez pour sa part ne considère pas que la paix et la
plénitude triomphent dans un au-delà où l’esprit, libéré de
la pesanteur charnelle, pourra après le combat incessant
de l’existence connaître le repos. La poésie n’est pas pour
lui comme pour Unamuno une plainte, celle de l’homme en

(13) Maria Zambrano, op. cit., p. 222.


(14) Unamuno, op. cit., VI, p. 799.
proie à la difficulté de vivre une vie mortelle avec dans le
cœur une soif d’absolu ; elle est l’Absolu et elle se présente
comme une fin en soi, une fin qui porte en elle les moyens
de sa réalisation. Elle n’est pas religion parce qu’elle offre
à l’individu les conditions susceptibles de favoriser sa mar
che vers Dieu ; elle est religion parce qu’elle est Dieu.
Ici une question se pose : en est-il bien ainsi pour
Jiménez à l’époque de ses contacts intellectuels avec
Unamuno ? L’étude de sa première période poétique nous
apporte certains éléments de réponse : d’abord, la poésie
y apparaît comme un mouvement libérateur, un élan vers
la beauté ; en second lieu, elle s’identifie rapidement, sous
l’influence du symbolisme, à une quête de la vérité qui se
situe au-delà des apparences ; le problème dès lors est de
savoir si ces apparences dérobent au poète la vérité qu’il
cherche ou si, au contraire, elles en sont le reflet le plus
fidèle. Cela correspond tantôt à son effort pour percer le
voile des choses et pénétrer leur mystère jusqu’à l’extase
et l’illumination, tantôt à son attention de plus en plus
grande au monde sensoriel. On voit donc que, de bonne
heure chez lui, la Poésie, parce qu’elle est Vérité et Beauté,
éthique et esthétique, se présente comme une finalité trou
vant en elle-même sa propre justification. Est-elle déjà Dieu
dans sa conscience ? Pas encore sans doute dans la mesure
où, comme il l’écrit, elle n’est perçue qu’à travers « un don
mutuel de la sensibilité », sans atteindre le niveau d’une
saisie rationnelle. C’est au cours de sa seconde période
poétique qu’il procédera au développement du concept de
Dieu et de la Poésie et radicalisera ainsi l’attitude de
Unamuno. On peut donc affirmer qu’à partir de là la Poésie
de Jiménez sera investie des mêmes critères que le Dieu
de la théologie moderniste. M. Ricardo Gullôn, par consé
quent, a parfaitement raison de prétendre que le lien par
lequel Jiménez veut rattacher son œuvre à la spiritualité
moderniste constitue une découverte relativement tardive
du poète. Mais il faut bien voir aussi que ce lien existe
réellement et que si son expression conceptuelle n’intervient
qu’avec un certain retard, c’est parce que Jiménez le crée
dans et par son œuvre, de la même façon que le croyant
moderniste crée au fond de son âme l’objet de sa propre
foi.
Aussi voudrions-nous maintenant procéder à un examen
des principes qui semblent prévaloir dans la relation du
croyant à Dieu telle que Unamuno l’a décrite dans un bref
essai intitulé La foi publié en 1907. Ainsi pour lui, croire
c’est « créer ce que nous ne voyons pas, le créer, le vivre
et le consumer, et le recréer, et le consumer à nouveau en
le vivant à nouveau, pour le recréer encore... et ainsi de
suite, dans un incessant tourment vital. Telle est la foi
vivante, car la vie est création continuelle et consomption
continuelle et par conséquent, mort incessante» (15).
La foi suppose donc une attention au moi, car elle n’est
pas autre chose que « la conscience de la vie dans notre
esprit ». Cette perspective se situe bien, par conséquent,
dans le prolongement de la pensée krausiste. Elle éclaire
le narcissisme de Jiménez qui n’est pas fermeture et replie
ment, mais approfondissement permanent, quête d’une Trans
cendance que compromet pourtant la seule référence à la
vie immanente. A la différence du poète de Moguer, Una-
muno toutefois reste à l’abri de toute conception immanen-
tiste de Dieu ; son vitalisme apparaît comme un effort
désespéré pour combler l’abîme qui sépare la créature de
son Créateur :

Ne recherche donc pas la foi de façon directe et immédiate ;


recherche ta vie, car si tu t’imprègnes de ta vie, avec elle tu
recevra la foi. Mets l’homme extérieur à l’unisson de l’intérieur,
et attends. Attends car la foi consiste à espérer et à aimer (16).

Mais est-il bien sûr que cette recherche qui s’inscrit


dans le temps débouche sur l’éternité ? Pour le Recteur de
Salamanque, cela ne fait aucun doute. Entre la vie indivi
duelle et la vie universelle, l’harmonie n’est pas due à la
raison mais au coeur. Notons qu’il ne s’agit plus d’un pan
théisme pur comme dans certaines formes du krausisme
mais d’une relation personnelle de l’homme au monde :

La foi recherche ce qui est impossible, absolu, infini et


éternel : la vie même. La foi c’est de communier avec l’univers
entier, en œuvrant dans le temps pour l’éternité, sans courir
derrière le misérable effet immédiat et extérieur ; œuvrer, non
pour l’Histoire, mais pour l’éternité (17).
Parce qu’elle est tentative d’adhésion de l’individu à un
ordre préexistant et transcendant, la foi est l’expression
rayonnante d’un sentiment religieux reconnu au plus profond
de l’être, « une masse de désirs et d’aspirations » dans
laquelle se sont dessinées à l’origine sous une forme encore

(15) Unamuno, op. cit., XVI, p. 99.


(16) Ibidem, p. 100.
(17) Ibidem, p. 100.
embryonnaire « toutes les tendances qui constituèrent plus
tard la longue procession des hérésies ». Tandis qu’elle se
sécuralise, la foi se codifie' et se dogmatise. Au fur et à
mesure qu’elle recourt à une explication, la vie religieuse
se solidifie et se cristallise, le sentiment intime se refroidit
et cède la place à un processus de rationalisation :
m \j
-.
La juvénile pistis fut remplacée par la gnosis, la connais
sance, la croyance, et non la foi à proprement parler ; la doc
trine et non l’espérance. On commença à enseigner que la vie
réside dans la connaissance ; on transforma les finalités reli
gieuses pratiques en principes philosophiques théoriques, et la

religion en une métaphysique qu’on supposa révélée. Des sectes,


des écoles, des dissidences, des dogmes naquirent finalement.
Peu à peu surgit le credo... (18).

Cette opposition entre le sentiment religieux et un certain


intellectualisme se retrouve au niveau de la personne du
Christ, telle qu’elle fut perçue d’abord, ou inventée ensuite,
par les croyants en fonction de leur situation ou de leurs
rêves, et telle que la définirent les Docteurs de l’Église
dans leurs traités :

Dieu dans nos esprits est Esprit et non Idée, amour et non
dogme, vie et non logique. Tout ce qui n’est pas abandon du
cœur à cette confiance de vie, n’est pas foi, même si c’est
croyance. Et toute croyance s’achève, à la fin, dans un credo
quia absurdum, dans le suicide, par désespoir, de l’intellectua
lisme, ou dans la. terrible foi du charbonnier (19).

La vraie foi, par conséquent, celle qui ne connaît que


les lois de la vie, ne peut se maintenir qu’au sein de l’Église ;
« mais l’Église, qu’est-elle donc ? Le rassemblement des fidè
les, de tous ceux qui croient et ont confiance. La plus vaste
Église, c’est l’humanité ».
Le dieu de Jiménez, à l’inverse d’Unamuno, est une
création de l’homme. C’est un dieu « obtenu », qui se situe
« à la fin » et non « au commencement » ; les vers cités en
appui de cette affirmation appartiennent à la troisième
période poétique de Jiménez, ce qui montre la profondeur
du travail d’assimilation et la longue résonance que trou
vent en lui les êtres et les œuvres :

(18) Ibidem, p. 102.


(19) Ibidem, p. 104.
Tu n’es pas mon rédempteur, ni mon modèle
Ni mon père, ni mon fils, ni mon frère ;
Tu es égal et unique, distinct et total ;
Tu es le dieu du beau obtenu,
Ma conscience du beau... (20).

Plus radicalement moderniste que Unamuno, Juan Ramôn


Jiménez se situe clairement ici en marge de l’orthodoxie
catholique en rejetant les dogmes de la Transcendance du
Père, celui de la différence de nature entre le Créateur
et la créature, celui enfin de la rédemption. Son dieu s’iden
tifie bien à sa conscience et ne peut être atteint qu’au
terme d’une longue lutte dont la signification n’est pas la
même cependant que chez Unamuno.
Si celui qui entreprend cette lutte est un artiste, il n’y a
pas d’autre chemin que son travail pour parvenir à dieu.
Celui qui crée travaille ainsi à la recherche de dieu. Juan
Ramôn Jiménez peut donc logiquement se considérer comme
un créateur de dieu. Rappelons seulement ce qu’il disait
dans Animal de fond : « Aujourd’hui je pense que je n’ai
pas travaillé vainement à dieu, car j’ai travaillé à dieu
autant que j’ai travaillé à la poésie ».
Mais pour lui les conséquences sont encore plus grandes
qu’il n’y paraît au premier abord. Dans sa vision, « parvenir
à dieu » n’équivaut pas seulement à « connaître dieu ». Bien
plus, c’est participer à la divinité. Ainsi l’explique-t-il encore
dans ce même passage : « Mes trois normes de vocation
dans toute ma vie : la femme, l’œuvre, la mort, se résolvaient
pour moi dans la conscience, dans la compréhension de
« jusqu’à quel point » divin pouvait parvenir ce qu’il y a
d’humain dans la grâce de l’homme ; quelle part de divin
pouvait venir par la culture ; comment l’homme peut être
accompli grâce aux dons que nous avons supposés à la
divinité incarnée... ».

*
* *

Si le poète Juan Ramôn Jiménez finit ainsi par identifier


Dieu à sa conscience dilatée à l’extrême, l’attitude esthé-
tisante qui était au point de départ de sa démarche ne doit
pas oblitérer l’authentique spiritualisme auquel elle aboutit.
La recherche et la découverte de formes littéraires renou-

(20) Juan Ramôn Jiménez, Libros de voesia, présentation et prologue de


A. Caballero, 2e édition, Aguilar, Madrid, 1959, p. 1.289.
velées seraient sans transcendance idéologique si on les
isolait de cet esprit de libre examen qu’avait fomenté le
positivisme, d’abord exalté, puis dépassé et répudié. Car le
modernisme n’est pas réductible à un style artistique ; il
n’est pas non plus, nous l’avons déjà dit, une théologie
conçue comme un système. Il est une ère de transforma
tions radicales avec lesquelles sont nées des valeurs hété
rodoxes dans la religion où il se manifeste d’abord, avant
de contaminer d’autres sphères de la vie sociale et culturelle,
la conduite et le savoir humains. Parce que l’artiste reflète
dans son œuvre ces forces polarisantes, il nous est apparu
que Juan Ramdn Jiménez avait sa place dans une étude
comme celle-ci.
Mais parmi les effets les plus marquants du modernisme,
outre des trouvailles littéraires ou artistiques fort originales,
! nous relevons une profonde préoccupation métaphysique de
caractère agonistique qui répond à la confusion idéologique
et à la solitude spirituelle de l’époque. C’est à ce titre que
Unamuno nous intéresse, car il est allé très loin dans sa
lutte contre les concepts et a repoussé la raison elle-même
au nom d’un vouloir-vivre considéré comme la seule valeur
véritable pour chacun de nous. La conscience de la mort,
qui fait entrer les hommes « dans la puberté spirituelle »,
est partout présente dans son œuvre et elle a pour corol
laire une soif inextinguible d’immortalité. Pour le philosophe
espagnol, l’erreur de l’intellectualisme consiste à ignorer ce
besoin de survivance individuelle ou à le trahir, à la manière
d’Auguste Comte, en prétendant y répondre par ces for
mes d’immortalité subjective que sont la postérité ou nos
œuvres : « Je n’ai cure ni de ma matière, ni de ma force,
puisqu’elles ne sont pas miennes, tant que je ne suis pas
c
moi-même mien, c’est-à-dire éternel. Non, me submerger
dans le grand Tout, dans la matière ou la force, infinies ou
éternelles, ou en Dieu, ce n’est pas ce à quoi j’aspire ;
j’aspire non à être possédé par Dieu, mais à le posséder,
à me faire Dieu sans cesser d’être le moi que je vous dis
être aujourd’hui» (21). Tel est le sentiment tragique de
la vie : il est tout entier dans cette distorsion du moi,
déchiré entre son aspiration d’immortalité et la cruelle expé
rience quotidienne de la mort. Que peut dès lors pour lui
la théologie ? Sans doute le catholicisme romain affirme-t-il
l’immortalité, mais il commet la faute de vouloir soutenir

(21) Unamuno, Du sentiment tragique de la vie, trad. Faure-Beaulieu,


P. 34.
cette espérance au moyen d’arguments rationnels emprun
tés aux Grecs et purement sophistiqués. Pour Unamuno,
« l’avocasserie théologique », qui rassemble l’aristotélisme,
le stoïcisme, le néoplatonisme et la promesse judéo-chré
tienne de résurrection est une « cathédrale en briques crues ».
Le grand tort est de « vouloir croire avec la raison et non
avec la vie » ; aucun compromis cependant n’est possible, \
il faut choisir. « Ma religion, c’est de chercher la vérité dans
la vie et la vie dans la vérité, même en sachant que je ne
dois pas les trouver tant que je vivrai : ma religion est une
lutte incessante et infatigable avec le mystère ». A ce niveau,
Unamuno proclame, sans équivoque, son hétérodoxie. Reje
tant la liturgie et les dogmes, il écrit : « les orthodoxes, qui
nient tout christianisme à ceux qui n’interprètent pas l’Évan
gile comme eux, me répugnent » (22). Enfin, dans son étude
Vérité et vie, il se déclare un ardent partisan du moder
nisme, à la façon de Loisy et de Tyrrel.
Ainsi le philosophe et le poète se retrouvent-ils dans le
même climat intellectuel. Certes, d’autres noms auraient pu
être choisis : Antonio Machado et Ortega y Gasset, par
exemple. Si pour montrer la spécificité de la crise moder
niste en Espagne, nous avons choisi Juan Ramôn Jiménez
et Miguel de Unamuno, c’est que tous deux se sont nourris
de la plus haute spiritualité : Thomas Kempis, Eckart, Saint
Ignace, Sainte Thérèse d’Avila, Saint Jean de la Croix, Fray
Luis de Leon, Pascal et tout le courant augustinien. A tra
vers Jiménez et Unamuno, ce qui nous paraît appartenir en
propre à l’Espagne, c’est que tout effort de renouveau, tout
changement radical est, en fait, un retour à la tradition la
plus lointaine, la plus pure et la plus vivante. C’est pourquoi
le modernisme savant, à la manière de Loisy, était condamné
à n’avoir, par ses conclusions, qu’un rayonnement très réduit,
et à jouer plutôt un rôle instrumental et méthodologique ;
en bref, à revitaliser, grâce à une attitude nouvelle de
l’homme espagnol vivant dans un monde nouveau, son besoin
et sa recherche de spiritualité, non plus seulement pour
sauver son âme, mais pour se sauver tout entier, dans sa
dimension individuelle et collective.

Gilbert Azam
i/
'M

Ja

ïi
0

NOTES ET CRITIQUEE

II!
7 :

Dans la Topographie chrétienne (1) de Cosmas Indicopleustès,


on lit au livre X,46, dans l’excellente édition de Mme Wanda
Wolska-Conus : « Extrait du Discours sur l’aumône de Jean Chry-
sostome : C’est une grande chose que l’être humain et une
chose précieuse que l’homme charitable (èXet'incov). Immenses sont
les ailes de la charité (ta tfjç ètarinooûvriç), etc. ». Suit une cita
tion d’une dizaine de lignes, qui s’achève par ces mots (Act.
10,4) : « Corneille, tes prières et tes aumônes sont montées
devant Dieu » (SC 197, p. 287). L’éditeur ajoute, en note, cette
juste remarque : « Les paroles prêtées ici à Jean Chrysostome
ne figurent pas dans son Discours sur l’aumône, PG 51,262-272,
ni dans les apocryphes inventoriées par J. A. de Aldama, Reper-
torium pseudochrysostomicum (Paris, 1965), sub v. Eleemosyna»
(SC 197, p. 286).

Dès que l’on touche au délicat problème de la transmission


des textes chrysostomiens, on a toujours intérêt à consulter un
ouvrage, certes veilli, mais où l’on apprend toujours, celui de
Chr. Baur, Saint Jean Chrysostome et ses œuvres dans l’histoire
littéraire (Louvain, 1907). Dans une note consacrée au dossier
de Cosmas sur Jean Chrysostome, Baur (op. cifc., p. 10) renvoie
pour cette citation au Commentaire In Matthaeum, hom 52,5

(1) Les trois vol. de SC (no< 141, 159, 197) ont pour complément l’ou
vrage magistral de la même Mme Wolska, La Topographie chrétienne de
Cosmos Indicopleustès. Théologie et Science au Vit siècle (Paris, 1962).
(PG 58, 524). C’est une erreur, mais qui ouvre pourtant une
piste. Le seul point commun, entre les deux passages rapprochés,
est la phrase : Méya avQpœjioç xai t([iiov àvrip èXeiî^œv, que les
Mauristes signalaient déjà comme une citation de Prov. 20,6,
mais que Mme Wolska n’a pas reconnue. Ainsi donc les dix
lignes de Chrysostome rapportées par Cosmas commencent par
une citation de Prov. 20,6 et s’achèvent par une citation d’Act.
10,4.

Munis de ces deux coordonnées, avons-nous quelque espoir


de découvrir ce fragment dans l’océan des textes chrysosto-
miens ? Bien des patrologues, même chevronnés, ignorent jusqu’à
l’existence d’un précieux Index locorum Scripturae Sacrae, com
pilé par les novices bénédictins de Solesmes (2) à la demande
de Dom Pitra : enfoui dans le dernier tome de l’édition des
Opéra omnia de Jean Chrysostome publiée chez Gaume (3)
(Paris, 1834-1839), au tome XIII B, pp. 1-167, cet index n’a
malheureusement pas été reproduit par Migne, dans le tome 64
de la Patrologia Graeca. Il nous a permis de retrouver la source
de Cosmas. Le texte cité se lit dans l’homélie III, De eleemosyna
et in decem virgines (PG 49, 291-300. Cf. CPG 4333), plus exacte
ment à la colonne 293, linn. 13-23.
Cette petite découverte nous vaudra, en plus de la récupé
ration d’une citation biblique (Prov. 20,6), quelques renseigne
ments supplémentaires, sur le titre du discours, sur certaines
leçons du texte, sur son auteur. Et d’abord sur le titre : celui-ci
semble en effet avoir beaucoup varié au cours des siècles.
Ainsi trouve-t-on Ilepi jxetavoiaç xai èXerinooijvriç, dans l’édition de
H. Savile (4) : ce qui explique l’insertion assez arbitraire de
l’homélie, par les premiers éditeurs, dans un lot de textes De
paenitentia I-IX (49, 277-350; PG t. VI, 763-804 et 824-837).

(2) Cf. notre art. «Une enquête dans les manuscrits chrysostomiens :
opportunité, difficultés, premier bilan », dans RHE, t. 63 (1968), p. 16.
(3) Édition très répandue en France, spécialement dans les bibliothèques
ecclésiastiques.
(4) Iohannis Chrysostomi opéra omnia, t. VI, 792-798 (Eton, 1612), et
PG 49,291, en note.
(5) Le même titre se retrouve par exemple dans les cod. Athènes, BN,
2083, fol. 147 et Athos, Pantocrator 3, fol. 69v. Le Paris, gr. 797, fol. 244,
porte Xoyoq slç tàç 8éxa jrapQévouç xai Jtepi (Tetavoîac xai èXer|nocn>vr}Ç.
Une version géorgienne, sous le nom de Chrysostome et sous le titre
« De decem virginibus, et de misericordia et de paenitentia » est signalée
dans le cod. Iviron 11. On la retrouve sous un titre un peu différent,
« De decem virginibus et de virginitate et de paenitentia » dans le cod.
Tiflis A. 1109. Cf. M. Van Esbroeck, Les plus anciens homéliaires géorgiens.
Étude descriptive et historique (Louvain, 1975), pp. 80 et 144-145.
'< Les Mauristes ont adopté cet autre titre : Ilepi âXfrifiooijvriç xal eîç
fe
T àç
ôéxa napQévovç (cf. PG 49,291). Le défrichement d’une tradi-
tion manuscrite particulièrement fournie (6) révélerait sans doute
m. d’autres formules. L’intérêt de la citation de Cosmas, c’est qu’elle
nous signale un titre qui avait cours avant (7) l’année 550, soit
<
plus de trois siècles avant les plus anciens manuscrits de la
tradition directe.
Seconde série de découvertes, au niveau du texte (8) lui-
i-ji même. L’extrait de Cosmas diffère, en sept points, de la vulgate
Chrysostomienne de Patr. Graeca. La leçon jttepâ des manus
crits VL, adoptée par Mme Wolska, contre la leçon répara des
manuscrits SW, préférée par le précédent éditeur Winstedt,
est confortée par le texte de la vulgate chrysostomienne, qui
porte aussi jnepâ. Celle-ci donne encore raison à une conjecture
heureuse, ôiôôx,6t)ti de Mme Wolska, contre l’avis de tous ses
,
manuscrits et du même Winstedt. Il est probable que c’est encore
la vulgate qui a conservé la « bonne leçon » tmepPaivEi, sans la
répétition insolite du verbe ténvei (tàç àxxîvaç toû f|Xiou) à deux
lignes de distance, qui semble d’ailleurs avoir un peu embarrassé
la traductrice : « Elle (l’aumône) file à travers les rayons du
soleil» (9). Chrysostome veut dire qu’elle dépasse, passe par
dessus, les rayons du soleil. Pour juger de ces variantes, assez
nombreuses, il faudrait tabler sur une édition critique. C’est
d’autant plus nécessaire dans le cas d’une homélie à la tradition
manifestement très fluente, si l’on en juge par les leçons diver
gentes des éditions antérieures (Fronton du Duc, Savile), signa
lées par les Mauristes et par Migne (10). La citation de Cosmas
témoigne d’une tradition, parmi d’autres, mais elle a l’avantage
d’être saisie à une époque beaucoup plus haute que celle de nos
manuscrits, dès le milieu du vre siècle.

(6) Sept témoins dans les CCG. Tome ICodices Britanniae et Hiber-
:
niae (Paris, 1988, Atjbineau), et deux témoins dans le tome* II : Codices
Germaniae (Paris, 1968, Carter).
(7) Cf. Mme Wolska : « La composition des livres de la Topographie
chrétienne se situe entre 547 et 549 », à la veille du concile de 553 qui
allait condamner les maîtres préférés du nestorien Cosmas (SC 141, p. 16).
(8) L’édition de SC apporte de notables améliorations à celle de E. O.
Winstedt (Cambridge, 1909). Cf. nos deux recensions très louangeuses,
dans Scriptorium. t. 24 (1970), pp. 423-424 et t. 28 (1974), pp. 361-362, avec
un seul regret, celui de ne trouver en guise d'Index verborum, pour un
texte aussi considérable, qu’une liste très chiche de 130 mots (SC 197
PP. 417-420).
(9) SC 197, p. 287.
(10) PG 49,291-300. Les Mauristes ont consulté les éditions de Savile
et de Fronton du Duc (apud Morellum), et collationné deux mss parisiens,
les cod. Regii 2027 et 2424. nos actuels Paris gr. 1186 (xrves.) et 772 (xves.).
Troisième donnée, qui est la plus importante : l’attribution
à Jean Chrysostome. Plus un témoignage de tradition indirecte
est proche de l’époque de l’écrivain cité, plus les risques d’erreur
s’en trouvent réduits. Le témoignage de Cosmas, peut-être le
plus ancien qu’on possède sur cette homélie, n’est séparé de
Chrysostome (t 407) que par un siècle et demi. Beaucoup d’ho
mélies qui lui sont attribuées ne bénéficient pas, tant s’en faut,
d’une telle garantie. La citation de Cosmas constitue donc un
argument de poids en faveur de l’authenticité. D’autres indices
favorables peuvent d’ailleurs être signalés. Ainsi cette pièce n’a
jamais, à notre connaissance, été suspectée (11). Les homélies
I, II, IV-IX, Sur la Pénitence, qui constituent son environnement
dans la Patrologia Graeca et dont plusieurs sont apocryphes (12),
ne doivent pas inspirer contre elle la moindre défiance : ce corpus
résulte en effet d’un groupement artificiel, imputable aux pre
miers éditeurs. Il suffit de parcourir les trois premiers volumes
des Codices Chrysostomici Graeci (13) pour constater que
« l’homélie III » a connu ordinairement une destinée indépen
dante, sans liens avec les pièces qui l’accompagnent aujourd’hui.
Autre indice favorable : une prospection dans les Opéra Omnla
de Chrysostome, à l’aide de YIndex locorum Scripturae Sacrae,
montre que les deux versets Prov. 20,6 et Act. 10,4 lui sont
assez familiers (14), confirmant ainsi l’impression d’authenticité
qui naît de la lecture du texte. Voilà ce qu’on peut dire, à
l’occasion d’une citation de Cosmas Indicopleustès, en faveur de
cette homélie De eleemosyna, du triple point de vue du titre,
du texte et de l’attribution à Jean Chrysostome.
Si nous nous sommes permis d’insister sur ces menues décou
vertes, c’est parce que la citation de Cosmas soulevait divers
problèmes de méthode. Il reste en effet beaucoup à faire, dans
le vaste domaine des discours attribués à Chrysostome, qui sont
légion (15), pour séparer des apocryphes les pièces authentiques.

(11) Cf. les remarques des Mauristes (PG 49,273-276) sur les éditions
antérieures (Laelius Tifernas, Ducaeus, Savile), sur l’authenticité, le lieu
et la date de l’homélie III : lTiom. III suivrait de près l’hom.î II (cf.
l’adverbe îtpcorjv de Vincipit) ; elle aurait été prêchée à Antioche plutôt
qu’à Constantinople (cf. lin. 13-18 post initium).
(12) Cf. Aldama, Repertorium, nos 395, 88 et 577, pour les homélies VII,
VIII et IX. Il n’est pas certain, par contre, que l’hom. V (Aldama, n° 526)
soit apocryphe : cf. infra, n. 16.
(13) Cf. tome I, p. 269, et tome II, p. 89, sub « PG 49,291-300 ».
(14) Cinq citations de Prov. 20,6, en PG 55,458 ; 58,524 ; 61,516 ; 62,212
et 569 ; sept citations de Act. 10,4, dans PG 55,45 et 518 ; 58,710 ; 60,172
et 261 ; 61,540 ; 63,93.
(15) Cf. M. Geerard, Clavis Patrum Graecorum, t. II (Turnhout, 1974),
no* 4500-4714 (« Dubia et spuria»), et Aldama, Repertorium (581 numéros),
sans parler des centaines d’inédits attribués à Chrysostome (CPG, nos
4840-5079).
Quand on aura multiplié (16) des enquêtes comme celle-ci, en
partant des citations des plus anciens florilèges, surtout des
florilèges dogmatiques, on cernera mieux les contours d’un corpus
chrysostomien encore trop incertain.
i;
Ce problème d’ailleurs déborde le cas de Chrysostome. Tous
les éditeurs de textes patristiques devraient exploiter, beaucoup
flc plus qu’ils ne le font d’ordinaire, les recueils de « testimonia ».
«fit Ils ne manquent pas d’y recourir quand la tradition indirecte
« a été la seule à transmettre des fragments d’un texte grec
dont
Il l’original a disparu : pour Irénée, par exemple, et pour certaines
a œuvres d’Origène. Par contre, beaucoup d’éditeurs des Pères
!(li grecs du iv e siècle semblent juger superflu de pratiquer quelques
il sondages dans les Actes des conciles d’Éphèse ou de Chalcé-
tp doine, tout proches de ces écrivains qui y sont copieusement
ta cités. On ne trouve pas fréquemment trace de telles recherches
b dans les introductions des volumes de Sources chrétiennes, côté
grec. Signalons, à titre d’heureuses exceptions, quelques enquêtes
excellentes: sur la tradition indirecte du traité De Splritu sancto
de Basile de Césarée (SC 17 bis, pp. 15-39) par B. Pruche, sur
celle du Practicos d’Évagre le Pontique (SC 170, pp. 304-317),
jy par A. et Cl. Guillaumont, sur celle des Dialogues «De Trini-
^ tate » de Cyrille d’Alexandrie (SC 231, pp. 95-114) par G.-M. de
Durand (17). Souvent cette utilisation, sans doute jugée trop
onéreuse, est éludée par les éditeurs, et l’absence n’en est même
pas déplorée par les recenseurs. Nous avons attiré l’attention
sur ce problème à l’occasion d’une récente édition de la Lettre
théologique CI de Grégoire de Nazianze, Ad Cledonium (SC 208
Gallay-Jourjon), citée dans les Actes du concile d’Éphèse (éd.
Schwartz : texte grec et versions latines anciennes). « Plusieurs
leçons importantes », écrivions-nous (18), « apparaissent dans les
Actes, qui auraient dû être sinon adoptées, du moins scrutées,
puis mentionnées dans l’apparat critique. Quand on a la chance

l'authenticité de l'Hom. V, De paenitentia


(16) Cf. notre plaidoyer pour
et de loua (PG 49,305-314), dans notre art. « Textes chrysostomiens récu
pérés dans le codex athonite. Pantocrator 22 », Vetera Christianorum, t. 12
(1975), pp. 320-323. Un éminent connaisseur de la littérature byzantine tel
que H. G. Beck croyait devoir restituer cette homélie à Germain II de
Constantinople (1222-1240). Mais récemment, J.-P. Bouhot a découvert une
version latine de ce texte grec dans un ms. latin du vie-vue s., Parie,
ç3.C BN. latin 10593, fol. 2-10 (RÊAug. t. 17, 1971, p. 29 sq.). Ainsi progresse
1heuristique des textes chrysostomiens.
(17) Nous avons essayé de faire cette enquête, mais sans grand succès,
Ÿ pour le De Virginitate de Grégoire de Nysse (SC 119. pp. 226-227).
(18) Art. «Un événement scientifique: la Clavis Patrurn Graecorum »,
dans Rivista di Storia e Letteratura reliogiosa, t. 12 (1976), pp. 217-218.
duit les concepts étrangers au livre biblique de la théodicée, de
la halakah, de la divine providence, de mérite, d’eschatologie,
de repentance et de prière. Dans certains cas, l’exégèse chré
tienne de ce livre correspond à celle du targoum.
Exégètes, spécialistes de la patristique et du judaïsme trou
veront donc profit à lire ce livre.
Roger Le Déaut, avec la collaboration de Jacques Robert,
Targum du Pentateuque. Traduction des deux recensions
palestiniennes complètes avec introduction, parallèles, notes
et index. Tome I. Genèse (Collection Sources chrétiennes
245), Paris, Éditions du Cerf, 1978.— Un vol. in-8° de 457
pages.
Roger Le Déaut qui consacre une grande partie de ses loisirs
à l’étude de la littérature targoumique nous donne dans la col
lection des « Sources chrétiennes » la traduction du Targoum
Neofiti et celle du Targoum Yerushalmi I pour le livre de la
Genèse. Ces versions araméennes du Pentateuque représentent
« le point d’arrivée de diverses traditions d’un targoum oral qui
ne connut jamais de recension officielle unifiée mais dont l’uni
formité substantielle du contenu est d’autant plus frappante ».
L’expression Targoum palestinien désigne, précise-t-il, cet ensem
ble de traditions exégétiques et non un Urtext qui n’a jamais
existé.
Nul ne met plus en cause aujourd’hui l’importance du Targoum
et en particulier du Targoum palestinien pour l’étude de l’Écriture
notamment de certaines traditions contenues dans le Nouveau
Testament ou dans la littérature juive se situant entre Tenach
et Michna. Le Targoum est fait pour le peuple assemblé en vue
de la liturgie synagogale. Il relève donc davantage de la Syna
gogue que de l’Académie et il témoigne de la culture populaire
en matière d’Écriture car le targoumiste devait nécessairement
traduire la Bible d’après l’interprétation la plus commune. C’est
dire les services qu’est amenée à rendre l’édition présente qui
concerne la Genèse. La traduction de Neofiti est substantielle
ment la même que celle qui a paru dans l’édition princeps de
Diez Macho (1968-1976). Mais Le Déaut signale que souvent
il a été amené à modifier cette traduction soit pour corriger
certaines erreurs soit pour l’harmoniser avec celle du Pseudo-
Jonathan ou Targoum Yerushalmi I.
Pour le Targoum du Pseudo-Jonathan, a été utilisé le manus
crit Add 27031 corrigé et complété éventuellement grâce à
l’édition princeps de 1571. Le lecteur utilisera aisément ces
deux versions mises en regard l’une de l’autre et où les diver
gences sont indiquées en caractères italiques.
Les utilisateurs de cet ouvrage qui ne sont pas tous des
spécialistes du Targoum et qui n’ont pas à leur disposition les
éditions originales coûteuses seront reconnaissants à Roger Le
Déaut et à son collaborateur Jacques Robert de leur avoir rendu
accessibles des textes importants.
II. — Études sur la LXX et la philologie
sémitique comparée

William Henry Irwin, Isaiah 28-33. Translation with phi-


lological notes (Biblica et Orientalia, n° 30), Rome, Biblical
Institute Press, 1977.— Un vol. in-8° de 211 pages.
Léo Laberge, La Septante d’Isaïe 28-33, Étude de tradi
tion textuelle, Ottawa, 1978.— Un vol. in-8° de 129 pages.
Ces deux livres doivent être lus successivement afin de
contrôler les résultats obtenus à partir de méthodes différentes.
Le second représente le tiers d’un travail dont l’objet était la
critique textuelle d’Isaïe 28 - 33, travail présenté en 1968 comme
thèse devant l’Institut biblique de Rome. Le premier, est la
version revue d’une thèse présentée par l’auteur en 1973 devant
le même Institut.
Tandis que l’ouvrage de Laberge utilise les méthodes tradi
tionnelles de critique textuelle qui font appel aux anciennes
versions, l’ouvrage de Irwin se sert de la philologie nord-ouest
sémitique pour parvenir à une meilleure compréhension du texte
hébreu. La nature purement philologique de l’ouvrage de Irwin
marque du même coup ses limites. L’auteur nous avertit qu’il a
entrepris cette étude après avoir pris connaissance du travail
de Laberge qui se présentait dans sa forme complète comme
une étude de la tradition textuelle. Cette étude méticuleuse lui
a démontré le peu de lumière qu’apportait le manuscrit d’Isaïe
de Qumran et les versions, à l’exégèse des passages difficiles
du texte massorétique. De son côté, la nouvelle édition de la
Biblica Hebraïca de Stuttgart parue en 1968 propose de très
nombreuses corrections au texte massorétique. Pour ces motifs,
Irwin s’est décidé à faire une nouvelle étude philologique qui
fait appel à l’ugaritique et l’épigraphie nord-ouest sémitique pour
élucider les passages difficiles de l’hébreu. Il ne faudra pas
conclure pour autant qu’il y a des ugaritismes dans la Bible,
parce qu’on redécouvre en hébreu le mem enclitique ou le
lamed. au vocatif. Irwin observe à juste titre que la comparaison
entre l’hébreu et l’ugaritique révèle plutôt un vocabulaire et des
structures grammaticales communes. Il faut suivre pas à pas
les explications proposées par l’auteur. C’est un travail passion
nant. On appréciera aussi les deux appendices de cet ouvrage :
l’un consacré à la grammaire d’Isaïe, l’autre aux paires de mots
en hébreu et en ugaritique. Par exemple en Is 28,24 et 31,6
Irwin donne au lamed le sens de « à partie de », l’enclitique mem
est retrouvé en plusieurs passages : 30,6 ; 30,8 ; 30,20 ; 33,12 ;
33,21 ; 33,23; 32,33 etc...
Si les études de philologie comparée sont indispensables dans
certains cas, surtout ceux qui sont désespérés, les études sur
la LXX comme celle de Laberge sont tout aussi nécessaires :
elles nous révèlent l’interprétation juive d’un texte hébreu au
moins à un moment donné de l’histoire.

III. — Qumrân
Qumrân Grotte 4, t. II. I. Archéologie, par R. de Vaux t,
avec des contributions de J. W. B. Barns t et J. Cars-
well. IL Tefillin, Mezuzot et Targums (4 Q 128-4 Q 157),
par J. T. Milik, Oxford, The Clarendon Press, 1977.— Un
vol. in-8° de 93 pages et XXVIII planches.
Les volumes des Discoveries in the Judaean Desert parais
sent avec une lenteur désespérante. Aussi est-on heureux de
saluer la publication du tome II concernant la grotte 4 de
Qumrân. Un premier tome avait paru en 1968 sous la plume de
John M. Allegro. Dans le présent ouvrage, la publication des
textes est précédée d’une étude archéologique posthume due
à R. de Vaux. C’est en 1952 que commença l’exploration de la
grotte à la suite de fragments de manuscrits trouvés par de
jeunes bédouins. Ce qu’il a été convenu d’appeler la grotte 4
représente, en fait, deux grottes indépendantes mais voisines
(4a et 4b) la grotte 4a étant la plus importante car la grotte
4b était à peu près stérile. Ces grottes contenaient des débris
de tissus, de bois, de cuir, des étuis à phylactères. La poterie
très brisée qu’on y a trouvée comprend notamment des jarres
dont une inscrite. Trois mots hébreux offrent deux interpréta
tions possibles : « Rétribution de Jaîr. A échanger » ou « que la
paix illumine ton visage ! ». Dans le premier cas, cette jarre
serait un récipient dans lequel Jaîr, membre de la communauté
de Qumrân, recevait une ration de vivres et qu’il devait retourner
ou échanger. Dans le second cas, l’inscription rappellerait les
souhaits inscrits sur des vases, des coupes, des gourdes, des
lampes, de l’épigraphie grecque, latine, surtout aux époques
byzantine et arabe. La poterie est semblable à celle des autres
grottes et à celles du Khirbet Qumrân. Elle indique que la
grotte 4 a été occupée d’abord de la seconde moitié du n e siècle
av. J. C. à 31 av. J. C., ensuite des environs du début de notre
ère jusqu’à 68 ap. J. C. Ces grottes ne sont pas naturelles et
elles ont été creusées dans la marne pour être habitées. Les
manuscrits trouvés là ont été cachés intentionnellement afin
d’être sauvés et ils provenaient sans doute des bâtiments actuel
lement ruinés du Khirbet. Beaucoup de manuscrits ont été inten
tionnellement déchirés. Deux appendices à cette partie archéolo
gique dus à Carswell et à Barns traitent respectivement de la
manière dont on liait les manuscrits et de l’agencement des fibres
de papyrus.
La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à l’édition des
manuscrits par J. T. Milik. Il s’agit de textes mineurs : Tefillin,
Mezuzot et Targoums. Parmi ces documents, un texte complet
de Tefillin et trois fragments avaient déjà été publiés par K. G.
catalogue est muet sur la structure littéraire. Un travail sur
les structures littéraires ouvre, précise-t-il, un vaste champ de
recherche. Les paires de mots existent en hébreu aussi bien
qu’en ugaritique et c’est un phénomène propre au parallélisme
poétique. A ce propos Krasovec rappelle les principes chers
à son maître Dahood pour qui les méthodes traditionnelles de
critique textuelle par le recours aux anciennes versions doivent
être abandonnées en faveur de la philologie nord-ouest sémitique
comparée. C’est dire l’aide que peut apporter à la critique tex
tuelle, une étude comme celle-là. L’ouvrage de Krasovec est
divisé en deux parties. Dans la première, il traite dans un pre
mier chapitre des catégories cosmiques et géographiques : tels
que terre-ciel, ciel-terre, ciel et sheol ou monde inférieur, etc.
Certaines de ces catégories recouvrent soit une dimension verti
cale soit une dimension horizontale. Il est des cas où il est
d’ailleurs difficile de dire si l’on a affaire à des paires de mots
purement synonymes ou opposés l’un à l’autre. Par exemple
dans le Ps 33, 6-8 yam en parallélisme avec tehom sont simple
ment synonymes. Dans un deuxième chapitre il traite des êtres
vivants : Dieu ou les dieux-homme, roi ou prince-homme du
commun, orphelin-veuve, homme-animal, gros bétail-petit bétail.
La troisième partie classe dans l’ordre alphabétique les paires
de mots en relation avec le mérisme, avec les références aux
sources bibliques, ugaritiques, épigraphiques, qui font partie du
nord-ouest sémitique.
Souhaitons que l’ouvrage de Krasovec aidera les exégètes
à prendre conscience d’un phénomène littéraire longtemps
négligé.
M. Delcor

V. — Les noms et appellatifs divins

Lorenzo Vigano, Nomi e titoli di YHWH alla luee del


semitico del Nord-ovest (Biblica et Orientalia, n° 31). Rome,
Biblical Institute Press, 1976.— Un vol. in-8° de 247 pages.
Cet ouvrage est encore dû à un des disciples de Dahood.
L. Vigano y traite des noms et titres de Yahvé à la lumière du
sémitique du Nord-Ouest.
L’auteur propose de rechercher dans la Bible les vestiges
de la religion cananéenne et, en particulier, d’étudier les noms
et appellatifs qui ayant appartenu à des divinités sémitiques sont
dans le texte biblique attribués à Yahvé. Un certain nombre de
ces noms ou titres divins étaient à l’origine des noms de divi
nités faisant partie du panthéon cananéen ou sémitique. C’est
le cas par exemple d’ Aliy qui dans les textes ugaritiques avait
déjà subi une transformation en devenant l’épithète de Ba'al
et qui, dans la Bible, devient celui de Yahvé sous la forme
'elyon.
Une seconde catégorie de titres est constitué par les épithètes
d’antiques divinités sémitiques. Mais quand un appellatif ou un
prédicat doit-il être considéré comme titre divin ? Vigano répond :
lorsqu’il s’agit d’un substantif ou locution qui définit au moins
H'? partiellement l’être ou l’essence de Dieu. A partir de cette défi
nition l’ouvrage est divisé en six chapitres :
YHWH El, le nom du Dieu d’Israël ; titres se référant à la
majesté de YHWH ; titres se référant à l’éternité de YHWH ;
titres se référant à la justice de YHWH ; titres se référant à la
;• bonté de YHWH ; titres se référant à la sagesse de YHWH.
Un certain nombre de titres souvent nouveaux donnés à
Yahvé par l’auteur surprendront sans doute plus d’un lecteur.
C’est le cas par exemple de m’d «grand» appliqué à Yahvé.
....
De fait, Vigano vocalise ma’ed « grand » au lieu et place de
la vocalisation massorétique me’od « grandement ». Certes on
peut invoquer un nom théophore accadien de provenance amo-
réenne comme Ma - da - ili ou Ili - ma - da « Il est grand » mais
je me demande si vraiment la vocalisation ma’ed s’impose, par
exemple, en Gen 13,13 ; Ps, 6,4 etc... où m’d est associé à des
vocables décrivant des situations extrêmes : d’un côté, il s’agit
des méchants et des pécheurs de Sodome qui ont péché grande
ment (me’od) contre Yahvé, de l’autre, de l’âme gravement tor-
32- turée etc...
Dans ce genre de corrections vocaliques, même quand l’ossa
ture consonantique est respectée, il faut agir avec une grande
æ prudence : on doit avoir présent à l’esprit l’axiome scholastique :
tët entia non sunt multiplicanda sine necessitate.
Un long usage de ce livre doit mettre à l’épreuve la redé
couverte de certains titres divins par Vigano. On ne peut que
conseiller chaudement la lecture aux exégètes d’une recherche
de qualité sortant souvent des chemins battus et que les anglais
qualifieraient d’exciting.

VI. — Les Psaumes


J. L. Cunchillos, Estudio des Salmo 29. Canto al Dios
de la fertilidad - fecundidad. Aportaciôn al conocimiento de
la Fe deIsraël a su entrada en Canaan (Instituciôn San Jerô-
nimo, vol. 6), Valencia, 1976.— Un vol. in-8° de 307 pages.

L’Instituciôn San Jerônimo qui, sous ce titre un peu solennel,


recouvre l’association des biblistes espagnols vient de publier
tout un volume de plus de 300 pages consacré à l’étude de
Psaume 29. Comme on s’y attendait dans un livre qui
a des
y' ( prétentions scientifiques, l’auteur s’est donné la peine de dresser
une importante bibliographie. Mais était-il nécessaire de remplir
des pages et des pages de titres de dictionnaires, de grammaires
et de concordances qui sont des usuels connus de tous ? Dans
Dff le reste de la biliographie, d’ailleurs fort riche,
on s’étonne de
voir citer tel livre et omettre tel autre. Par exemple,, pour le
commentaire des Psaumes de Deisser il fallait citer l’édition
allemande parue à la Patmos Verlag de Düsseldorf en 1963 de
préférence à la traduction française car une traduction est
souvent une trahison. Par ailleurs, je ne trouve pas mentionnés
les commentaires de Delitsch, Herkenne, Calés, Oesterley, Ewald,
etc. Pourquoi enfin citer le comentaire de Chary sur Aggée-
Zacharie-Malachie (et non Malacchie !) et omettre celui de
Deissler-Delcor sur les Petits Prophètes ? Cette remarque n’est
pas gratuite ; elle a son importance précisément parce que dans
mon commentaire du Deutéro-Zacharie je ne souffle mot des
relations littéraires entre le Ps 29 et Zach 9,1-8, problème que
j’avais abordé jadis dans un article de Vêtus Testamentum
à la suite d’une suggestion de mon maître André Robert, suivie
d’ailleurs par Deissler et par Tournay. Mais cette idée m’ayant
paru par la suite bien fragile, je n’en ai plus fait mention. Sur
ce point précis, la simple objectivité exigeait donc que l’on
signalât ce changement d’opinion.
Le volume comprend en tout huit chapitres suivis de deux
chapitres d’appendices dont l’un consacré à l’étude de la Qol
Yahve tient presque la moitié du volume. Le chapitre premier
est une étude philologique détaillée du Psaume. Voici quelques
observations. Je relève, par exemple, dans la discussion du
verbe hasaph, au verset 9, que le commentateur lui donne le
sens de « donner de l’eau », « verser de l’eau », ce qui ne me
paraît pas cadrer avec le mot suivant ye'arot que l’on traduit
par « forêts » ou par « chèvres ». Le sens normal du verbe est
celui de « décortiquer », « enlever les branches d’un arbre »,
bien documenté en Joël 1,7. L’idée est qui exprimée est que le
tonnerre, la Qol Yahvé foudroie les forêts. La traduction «don
ner de l’eau aux forêts » me paraît dictée par une interprétation
forcée du verset précédent « la voie de Yahvé fait enfanter les
biches » est une allusion à l’idée que le tonnerre fait mettre
bas prématurément ces animaux en raison de la frayeur pro
voquée. Mais il ne s’agit pas, à mon sens, de la fécondité des
biches provoquée par le tonnerre. Il n’est donc pas question
dans ce psaume de fécondité ou de fertilité et c’est pour cela
que le sous-titre donné par Cunchillos à son ouvrage me paraît
inexact « Chant au Dieu de la fertilité-fécondité ». La chasse
aux parallèles cananéens à ce psaume — certes ils sont assez
nombreux comme le montre la comparaison avec les textes
ugaritiques établie depuis longtemps par plusieurs savants —
me semble avoir dépassé les bornes, car on fait dire au psaume
ce qu’il ne dit point. Au verset 10, le commentateur s’emploie
à établir le sens de mabbul auquel on donne habituellement le
sens de « déluge » (Bible du centenaire, Bible de la Peiade, Cram
pon, Cazelles, etc.). Le P. Cunchillos à juste titre estime qu’on
ne parvient à aucune solution satisfaisante en recourant à l’éty
mologie du terme, à partir de l’accadien ou de l’hébreu-cananéen.
Aussi se livre-t-il à une étude de l’emploi du mot dans les textes
bibliques. Il note que dans la tradition sacerdotale (P) et dans
Mes conclusions on le voit, diffèrent sur des points essentiels
de celles de Cunchillos. Je pourrais d’ailleurs continuer à dialo
guer avec lui encore longtemps sur bien des questions de détail.
Bien que son travail important m’ait vivement intéressé je me
demande si l’auteur n’a pas été victime du comparatisme en
infléchissant, inconsciemment sans doute, le sens de certains
passages pour les mettre en accord avec la littérature de Canaan.

M. Delcor
COMPTES RENDUS

Biblia Patristica : Index des citations et allusions bibli


ques dans la littérature patristique. Publié par : Centre d’ana
lyse et de documentation patristiques. Tome II : Le troisième
siècle (Origène excepté). Paris, Éditions du Centre National
de la Recherche scientifique, 1977.
— Un volume de 468
pages.

Dans cette revue (78, 1977, 230) a été déjà présenté le premier
volume de Biblia Patristica et souligné le service considérable
que rend le Centre d’analyse et de documentation patristiques
de la Faculté de Théologie Protestante de Strasbourg aux cher
cheurs, qu’ils soient exégètes, patrologues ou autres, en publiant
les citations et
ces index contenant les références de toutes
allusions scripturaires qui se trouvent dans les écrits des Pères.
Il sera en effet bien plus facile d’étudier chez tel ou tel Père
l’exégèse d’un verset scripturaire, ou même un thème théologi
que déterminé par quelques citations bibliques : pour un certain
nombre d’auteurs primitifs n’existe pas en effet d’index scriptu
raire particulier.
Le premier volume contenait les écrits du 11 e siècle en débor
dant sur le m e puisqu’il englobait les œuvres entières de Clément
d’Alexandrie et de Tertullien qui ont encore vécu et écrit dans
les deux premières décennies du m e siècle^ Ce second volume
comprend le m e siècle, mais déborde lui aussi sur le ive puisqu’il
s’arrête à la paix de l’Église sous Constantin. Il a cependant
laissé de côté le principal auteur chrétien du m e siècle, Origène,
à qui sera réservé le tome III tout entier, car les références
qui seront à citer chez lui égalent par leur nombre celles qui
se trouvent dans les tomes I et II réunis.
Henri Crouzel, S. J.

Adalbert G. Hamman, Dictionnaire des Pères de l’Église


(collection « Nos Pères dans la foi »), Paris, Desclée de
Brouwer, 1977. — Un volume de 244 pages.
Irénée de Lyon, La prédication des apôtres et ses preu
ves ou la foi chrétienne : traduction de J. Barthoulot, révi
sion critique sur l’original par S. Voïcou, introduction, notes,
plan de travail de A. G. Hamman. Ibid. — Un volume de
144 pages.

Voici une nouvelle initiative de l’infatigable P. Hamman : la


collection « Nos Pères dans la foi » qui se propose de publier
à l’intention du grand public des œuvres de l’Église primitive
dans leur intégralité, à travers une traduction qui soit à la portée
portée de lecteurs cultivés, et non uniquement pour des spécialis
tes. Un troisième volume de cette collection est recensé dans
notre Chronique origénienne.
1. Comme introduction à sa nouvelle collection le P. Hamman
réédite sous le titre Dictionnaire des Pères de l’Église son Guide
pratique des Pères de l’Église, publié en 1967. Quelques pages
sont consacrées à chacun des plus grands parmi les écrivains chré
tiens des cinq premiers siècles que nous appelons les « Pères » :
Ignace et Irénée pour le n e ; Tertullien, Cyprien, Clément, Origène
pour le m e ; Athanase, Hilaire, Basile, les deux Grégoire, Ephrem,
Cyrille de Jérusalem, Chrysostome, Ambroise, Jérôme, Augustin
pour le ive , le grand siècle patristique ; Cyrille d’Alexandrie et Léon
le Grand pour le ve Chacun de ces auteurs est caractérisé tout
.
spécialement dans sa personnalité humaine, telle qu’elle ressort
de son histoire et de ses écrits et nous est ainsi présentée toute
une galerie de tableaux attachants et émouvants. Les écrivains
moins importants ont droit à une courte notice dans un lexique
qui clôt le volume. Des indications bibliographiques très suc-
t
?
cinctes sont données, visant surtout à faciliter au public la lecture
de quelques œuvres.
2. De l’œuvre d’Irénée de Lyon, le plus grand théologien du
11 e siècle et la gloire de notre
Église des Gaules à peine commen
çante subsistaient seulement les cinq livres de son traité Contre
les Hérésies — et encore en traduction latine, seul le livre I
étant conservé en grec, avec de nombreux fragments — lorsque
fut découvert en Arménie au début de ce siècle dans une
traduction arménienne le livre présent dont le titre exact est
Démonstration de la prédication apostolique. C’est un exposé
de la foi chrétienne adressé à un certain Marcianus, « le premier
catéchisme pour adultes » comme l’indique la couverture de
ce volume. On y retrouve sous une forme condensée les grands
thèmes irénéens que développe le traité Contre les Hérésies :
quelques pages placées à la fin du volume les énumèrent. La
traduction est la première qui ait été publiée en français, celle
du P. Barthoulot, et non celle de M. Froidevaux qu’a éditée
Sources Chrétiennes n° 62 : elle a été révisée soigneusement sur
le texte arménien.
Une coquille sur le recto de la feuille de garde reproduit un
texte concernant le traité De la prière d’Origène et non celui
qui devait être prévu pour cette œuvre.
Henri Crouzel, S. J.

Athanase d’ALEXANDRiE, Contre les Païens, 2 e édition


revue et corrigée, texte grec, introduction, traduction et notes
par Pierre Camelot (Sources Chrétiennes, n° 18 bis), Paris,
Éditions du Cerf, 1977.— Un volume de 211 pages.

Le traité Contre les Païens constitue la première partie d’un


ouvrage dont la seconde est le traité Sur Vlncamation du Verbe.
Cet écrit n’a aucun rapport avec la réaction anti-arienne. Il est
composé de deux sections. La première est une réfutation de
l’idolâtrie avec des arguments dont les uns sont tirés des Grecs
eux-mêmes, d’autres de l’Écriture, d’autres encore se retrouvent
dans les écrits du Judaïsme hellénistique et du Christianisme
primitif. La seconde section parle de la connaissance de Dieu,
d’abord à partir de l’âme humaine faite à son image, ensuite
d’après la contemplation du monde : elle est essentiellement
d’ordre philosophique. Intitulé Contre les Païens, ou plus exac
tement Contre les Grecs, « grec » étant ici, comme souvent dans
l’Église primitive, synonyme de « païen », ce livre serait peut-être
mieux désigné par Contre Vidolâtrie : il n’attaque pas les païens
à proprement parler, a un ton peu polémique, et montre surtout
par le raisonnement l’inconsistance de l’idolâtrie.
Cette seconde édition, préparée comme la première par le
P. Camelot, ne prétend pas être une édition critique, car elle
Henri Crouzel, S. J.
Glenn F. Chesnut, The first Christian Historiés : Eusebius,
Socrates, Sozomen, Theodoret and Evagrius (Théologie His
torique, n° 46), Paris, Beauchesne, 1977.— Un volume de
257 pages.

Ce livre est une étude des cinq premiers historiens grecs de


l’Église, Eusèbe, Socrate, Sozomène, Théodoret de Cyr et Évagre
le Scolastique. Le premier chapitre concerne le contexte païen
que fournissait à l’historiographie chrétienne celle des Grecs et
des Romains : il est centré sur l’idée de la Tychè, la Fortune,
qui suppose un déterminisme d’origine divine à la base de l’his
toire. Puis trois chapitres sont consacrés au « père de l’histoire
ecclésiastique », Eusèbe de Césarée, un à Socrate et un aux trois
autres réunis. Avant la conclusion le dernier chapitre expose la
conception de l’Empereur qui ressort de cette histoire.
L’auteur souligne fortement l’influence de la théologie d’Ori-
gène sur Eusèbe et sur Socrate : chez ce dernier elle se conjugue
avec l’origénisme d’Évagre le Pontique. Elle permet de substituer
au déterminisme de la Fortune païenne l’intervention dans l’his
toire des libres arbitres humains, y ajoutant les hypothèses de
la préexistence et de l’apocatastase. D’autres points signalés chez
Eusèbe dérivent aussi de la théologie origénienne, mais l’auteur
ne les a pas indiqués : ainsi l’astrologie vient des démons et
dérive de la connaissance qu’ils ont eu de l’avenir en tant
qu’anges, selon le long passage du Commentaire sur la Genèse
conservé par Philocalie 23 et aussi par Eusèbe dans Préparation
Évangélique VI, 11; le partage de la terre entre les anges; le
culte astral, forme la plus pure de l’idolâtrie ; les théophanies
de l’Ancien Testament apparitions du Logos
— cette conviction
est générale dans les premiers siècles — ; la conception des
daimones. En revanche si Eusèbe continue la tradition païenne,
tant orientale que gréco-romaine, sur la glorification du souve
rain, il est sur ce point aux antipodes de son maître pour qui
1’ « image de César » est celle du démon et le pouvoir impérial
en dépendance du « prince de ce monde ». Une remarque inté
ressante est faite à propos de l’exégèse allégorique d’Origène
que beaucoup considèrent comme étrangère à toute idée d’his
toire, malgré le titre donné par le P. de Lubac à son livre sur
l’exégèse de l’Alexandrin, Histoire et Esprit : il compte cependant
parmi ses plus ardents disciples et défenseurs les trois premiers
historiens de l’Église, Eusèbe, Rufin et Socrate.
G.-F. Chesnut développe bien des idées intéressantes. Il
montre que la notion antique de nature était moins rigide que
celle dont nous avons hérité, car q>vmç, venant de
quKu, exprime
l’idée d’un développement. Une opposition continuelle est faite
entre la conception optimiste qu’a de l’histoire Eusèbe, consi
dérant l’empire romain chrétien comme étant déjà l’amorce de
la réalisation eschatologique, et la conception pessimiste d’Au
gustin dans la Cité de Dieu après le sac de Rome par Alaric
et les invasions barbares en Occident. Or la vision eusébienne
se manifeste toujours chez ses successeurs grecs en dépit des
désastres qui ont mis fin à l’empire à l’Ouest : on a l’impression
que les Orientaux n’en sont guère touchés et que pour eux
l’Occident compte de moins en moins. Augustin dont l’influence
sera si grande en pays latin est complètement ignoré par les
continuateurs d’Eusèbe qui ne le mentionnent même pas.
La conception eusébienne de l’empire va se perpétuer à
Byzance : l’idée que les cinq historiens se font de l’empereur
influera de même sur l’imagerie médiévale du souverain. Ils
refusent la représentation d’origine cynique de l’empereur-
philosophe qu’avait essayé d’acclimater Julien pour lui substituer
celle d’un souverain mi-moine mi-soldat, s’entourant d’un déco
rum impressionnant et ne paraissant en public que dans une
attitude hiératique et impassible.
G.-F. Chesnut souligne à plusieurs reprises l’influence que
ces cinq premiers historiens de l’Église, transformant l’histo
riographie gréco-romaine en historiographie chrétienne, vont
exercer sur le Moyen Agé et même sur les temps modernes.
Ce livre se lit avec beaucoup d’intérêt et de profit.
Henri Crouzel, S. J.

Luis F. Ladaria, El Espiritu Santo en San Hilario de Poi


tiers (Publicaciones de la Universidad Pontificia Comillas),
Madrid, Eapsa, 1977. — Un volume de 359 pages.

On est étonné à la lecture du De Trinitate d’Hilaire, comme


à celle du Contra Arianos de son compatriote et contemporain
Phébade d’Agen, du peu de place consacré à l’Esprit Saint. Ce
manque relatif — d’autant plus relatif qu’on trouve dans l’un et
dans l’autre l’essentiel de ce qui concerne l’Esprit — s’explique
par le fait que quand ces deux livres sont écrits on n’a pas
encore commencé à discuter sur l’Esprit Saint dans le cadre de
la controverse arienne : on le fera, très peu d’années après la
composition du De Trinitate, avec le début de l’hérésie pneuma-
tomaque ou macédonienne, et alors des Pères comme Basile et
Athanase écriront des traités pour défendre l’authenticité de
la divinité de l’Esprit.
Les difficultés que présente la théologie hilarienne de l’Esprit
Saint sont abordées directement par le livre ici recensé. Avant
d’en venir au point le plus difficile, celui de la personnalité
propre de l’Esprit, d’autant plus difficile qu’Hilaire appelle aussi
« esprit » la nature divine commune au Père et au Fils, l’auteur
examine le rôle attribué au Saint Esprit dans l’histoire du salut :
d’abord avant la venue du Christ, dans la création, l’Ancien
Testament et l’histoire d’Israël ; ensuite dans la vie de Jésus,
car l’Esprit y désigne souvent la nature divine du Christ, il
intervient dans l’Incarnation, au moment du baptême, dans les
miracles et la prédication, dans la résurrection, et l’Esprit est
donné par Jésus, avant et surtout après la résurrection ; enfin
l’Esprit est donné aux apôtres, à l’Église, aux croyants, d’une
manière et avec des effets que l’auteur analyse. Ce dernier
enfin en vient à la question de l’Esprit troisième personne de
la Trinité et montre le caractère encore hésitant et peu clair
de la doctrine hilarienne qui, sur ce point, semble assez forte
ment en retard sur les Grecs.
L. Ladaria nous offre une bonne enquête, très proche des
textes, sur une question délicate : il respecte les nuances, sans
majorer ni sous-estimer le degré d’affirmation de saint Hilaire
de Poitiers.
Henri Crouzel, S. J.

Théodoret de Cyr, Histoire des moines de Syrie (« His


toire Philothée »), l-Xîîl, introduction, texte critique, traduc
tion, notes par Pierre Canivet et Alice Leroy-Molinghen,
Tome I (Sources Chrétiennes, n° 234), Paris, Éditons du Cerf,
1977. — Un volume de 513 pages.
Pierre Canivet, Le monachisme syrien selon Théodoret
de Cyr (Théologie Historique, n° 42) Paris, Éditions Beau-
chesne, 1977.— Un volume de 317 pages.

1. Ce volume qui sera suivi d’un second contient le prologue


et les treize premières biographies d’ascètes syriens qui forment
le début de YHistoire Philothée de Théodoret de Cyr. Une intro
duction de 123 pages contient d’abord, sous la signature de
P. Canivet, les indications indispensables sur l’auteur, le plan de
l’œuvre, ses sources, les miracles qui abondent dans le récit,
les données chronologiques, géographiques, sociales et culturelles
concernant les héros de ces notices, le genre littéraire dans lequel
le livre se situe, la doctrine spirituelle de Théodoret telle qu’elle
s’y manifeste, enfin le traité Sur la divine charité qui suit dans
les manuscrits l’Histoire Philothée. La seconde partie de l’intro
duction est une étude très détaillée de l’histoire du texte, que
conservent de nombreux manuscrits, par A. Leroy-Molinghen. Le
texte de Théodoret est accompagné de nombreuses notes souvent
consacrées à l’étude des mots et aux explications géographiques
et historiques que demande le texte.
Le syrien Théodoret, dont le syriaque était la langue mater
nelle, écrit un grec assez recherché et évite les termes non
classiques, même quand ils sont consacrés par l’usage ecclésias
tique : ainsi phrontistérion pour monastérion ou archiereus pour
épiscopos, etc. Les personnages que Théodoret présente sont en
partie des moines qu’il a connus personnellement : il décrit sur
tout, suivant un genre littéraire chrétien dont nous avons bien
d’autres exemples, comme YHistoire Lausiaque de Pallade, leurs
miracles et leurs mortifications.
Il est difficile de comprendre comment la note 3 de la page
271, répétant une phrase du P. de Vogüé, parle de «la vieille
trichotomie platonicienne » comme étant celle de Paul et d’Ori-
gène : c’est là une confusion souvent répétée, mais qui n’en est
pas moins inacceptable. La trichotomie paulinienne et origé-
nenne, pneuma/psyché/sôma, n’a rien à voir avec celle de Platon
nous/thymos/épithymia. Les mots sont différents de part et
d’autre et celle de Platon concerne l’âme seule, alors que celle
de Paul et d’Origène se rapporte à l’homme dans son ensemble.
En outre le mot pneuma ne joue aucun rôle réel dans la philoso
phie de Platon et il est au contraire l’élément essentiel des tri
chotomies de Paul et d’Origène : il ne vient guère pour eux du
pneuma stoïcien, mais de la ruah hébraïque.
2. L’introduction du volume précédent est nécessairement limi
tée pour ne pas surcharger un volume qui appartient à une
collection publiant des textes. Le volume présent constitue l’in
troduction complète, l’étude détaillée de cette galerie édifiante
d’ascètes syriens, avec une attention toute spéciale à la per
sonne de son auteur, qui a connu personnellement une partie
des moines dont il se fait le biographe. Il commence donc par
décrire les relations de Théodoret avec les moines, recherche les
intentions qui lui font rédiger ce livre et situe ce dernier dans
un genre littéraire assez bien représenté dans les débuts du
monachisme. Il étudie le traité Sur la divine charité qui clôt
cette œuvre et en recherche aussi les sources.
Plus intéressante est l’étude du contenu de l'Histoire Philothée
développant ce qui est dit d’une manière succincte dans l’intro
duction de l’édition : la place des miracles ; la chronologie des
moines et la topographie des monastères, résultant de plusieurs
campagnes de recherche sur le terrain ; l’organisation monasti
que ; l’origine sociale et la culture des moines ; enfin leur spiri
tualité.
A travers son œuvre P. Canivet s’intéresse, nous venons de
le dire, à Théodoret auquel le lient de nombreuses années de
recherche et d’étude : il peut préciser ainsi quelques traits de
son caractère. Ce livre nous fait mieux connaître le monachisme
syrien primitif, moins bien servi en cela que l’égyptien. Certes,
il nous semble parfois étrange, — pensons à Siméon Stylite sur
la colonne —, mais cela ne signifie pas qu’il n’ait rien à nous
enseigner.
Henri Crouzel, S. J.

Cyrille d’ALEXANDRiE, Dialogues sur la Trinité, Texte


critique, traduction et notes par Georges Matthieu de
Durand, Tome II (Dialogues III, IV, V) et Tome III (Dialo
gues VI et VII) (coll. Sources Chrétiennes, n° 237 et 246).
Paris, Éditions du Cerf, 1977 et 1978.— Deux volumes de
467 et 332 pages.

Nous avons déjà présenté dans BLE 79 (1978) 52-53 le premier


volume des Dialogues sur la Trinité de Cyrille d’Alexandrie, com
prenant l’introduction et les Dialogues I et II. Dans les Dialogues
III-VII que contiennet les second et troisième tomes la discussion
se poursuit entre l’auteur, à qui revient de présenter l’essentiel de
la doctrine trinitaire, et son interlocuteur Hermias, qui a surtout
la charge de faire rebondir constamment le débat en avançant
les objections des adversaires. Il s’agit toujours de la réaction
aux doctrines ariennes : le Dialogue III a pour titre « Le Fils
est Dieu véritable tout comme le Père » ; le Dialogue IV « Le
Fils n’est ni fait ni créé » ; le Dialogue V « Les propriétés de la
divinité sont dans le Fils de par la nature comme dans le Père » ;
le Dialogue VI « Les propriétés de l’humanité et les prédicats
peu convenables à la divinité appliqués au Fils lui conviennent
de par l’économie avec la chair plutôt que par sa nature même
de Verbe, celle qui pour la pensée et en réalité en fait un Dieu ».
Enfin le Dialogue VII est intitulé : « Du Saint Esprit : il est Dieu
et vient de Dieu selon la nature » : il s’oppose aux Macédoniens
ou Pneumatomaques dont la négation de la divinité du Saint
Esprit vint se greffer sur la crise arienne aux environs de 360.
Dans cette œuvre Cyrille, postérieur de quelques années aux
querelles soulevées par l’arianisme qui ont surtout trouvé place
au iv e siècle, ramasse en quelque sorte les principales réponses
aux doctrines ariennes et les exégèses orthodoxes des textes
dont les ariens se prévalaient : sous la forme assez lâche d’un
dialogue qui ne rend pas souvent très facile, à cause de sa
liberté d’allure, la compréhension de la suite des idées.
La traduction du P. de Durand est dans l’ensemble exemplaire.
Peut-être aurait-il pu éviter quelques termes, soit difficiles à
comprendre (tympaniser II, p. 65, 463 c ; vésanique II, 177, 517 b ;
etc.) soit un peu vulgaires (jugeote, II, 301, 558 a; seriner, II,
383, 585 b) : mais ils ne sont pas nombreux. Le livre se termine
par une série de notes assez longues qui retracent l’exégèse d’une
citation scripturaire chez les Pères, avec une attention particu
lière à l’emploi qu’en faisaient les Ariens et à leur réfutation
par les orthodoxes, ou s’attachent au sens et à l’histoire des
mots.
A propos de la notion de sainteté chez Origène dont n’est
montré p. 234 du tome III qu’une interprétation négative, on
peut voir le livre de Fr. Faessler, Der Hagios-Begriff bei Origenes,
Fribourg/Suisse, 1958. Quant à 1’ « exégèse ultra-subordinatia-
niste » du même auteur voyant dans les Séraphins d’Isaïe le
Fils et l’Esprit (pp. 270-271 du tome III) — elle ne semble pas
avoir été « ultra-subordinatianiste» dans la pensée d’Origène —
G.-M. de Durand écrit que Jérôme n’a pas suivi la « charge à
fond de train » de Théophile, l’oncle de Cyrille, s’il est l’auteur
de 1’ « Anecdoton Amelli », et la Lettre 18, 4 de Jérôme est citée
pour cela. Mais ce dernier est revenu sur ce sujet d’une manière
moins pacifique et à plusieurs reprises: Lettres 84, 3; 161, 2;
Commentaire sur Isaïe III.
Le tome III s’achève par plusieurs index : textes scripturaires,
noms de personnes, thèmes traités, mots grecs. Et une table de
concordance entre la pagination de Migne, celle d’Aubert qui
sert de référence tout le long de l’ouvrage et la présente édition.
Henri Crouzel, S. J.

Albert Chapelle, Pour la vie du monde, le sacre


s. j.,
ment de l’ordre. Bruxelles, éditions de l’Institut d’études
théologiques, 1978. — Un volume de 388 pages.
En novembre 1977, un extrait de cet ouvrage était publié dans
la Nouvelle revue théologique. Le P. Chapelle, qui est professeur
à l’Institut d’études théologiques de Bruxelles et qui est l’auteur
d’ouvrages importants sur la philosophie de Hegel et de Hei
degger, y soutenait la thèse suivante : les termes de la problé
matique contemporaine à propos du ministère de l’Église ont été
précisés par Hegel ; l’homologie est manifeste entre de récentes
prises de position — plus ou moins explicitées — et la rigueur
de l’appréciation portée par le philosophe sur l’Église catholique,
sa vie sacramentelle, sa constitution hiérarchique. « A notre
estime, déclarait-il, la réception du concile (Vatican II) reste
aujourd’hui très mesurée par la problématique hégélienne de la
liberté, du dépassement « rationnel » de la distinction hiérarchie-
laïcat, des rapports Église-Monde et de la référence « dialecti
que» du monde à Dieu» (Pour la vie du monde p. 271). Et
C. de noter en particulier la méthode suivie dans plusieurs com
mentaires de Vatican II : « Par un réflexe compréhensible, les
commentaires visent surtout... à mettre en lumière l’originalité
de la doctrine conciliaire. Ce souci pastoral a pris chez plus d’un
un chemin périlleux. Vatican II a été mis en comparaison avec
les conciles antérieurs (Trente notamment) ou avec l’enseigne
ment des papes précédents (en particulier de Pie X et de Pie XII).
A force de comparer, on s’employa à mettre en évidence la
doctrine propre de Vatican II en procédant par différence — par
fois même par soustraction — de l’enseignement antérieur tenu
comme moins signifiant » (p. 7). D’où en de multiples publica
tions la remise en cause d’éléments importants de la doctrine
traditionnelle concernant le ministère sacramentel. Remise en
cause qui s’accompagne d’une brusque mutation de langage à
propos du sacrement de l’ordre et qui est à l’origine de la crise
d’identité de beaucoup de prêtres.
C’est dans cette conjoncture que se situe l’œuvre réalisée
par C. qui s’est efforcé « d’élaborer, au milieu des questions
actuelles, comme un « manuel » où serait présenté l’ensemble des
données traditionnelles » (p. 9). On remarquera le plan adopté
dans la présentation du donné traditionnel. C. rappelle d’abord
ce qui est exprimé dans la liturgie actuelle des ordinations et
les documents de Vatican II : « Le rite des ordinations constitue
le donné premier de la réflexion théologique sur le sacrement
de l’ordre » (p. 34). Le donné liturgique est lui-même éclairé
par l’enseignement de Vatican II. D’où l’ampleur donnée à l’ana-
lyse des textes de ce concile ; analyse qui précède celle d’autres
conciles, de la tradition médiévale et patristique ainsi que du
message sur les ministères exprimé dans le Nouveau Testament.
Ainsi C. adopte une méthode de type régressif qui contraste
avec l’ordre chronologique qui est souvent adopté par les théo
logiens contemporains. Comme il le déclare lui-même, il n’entre
prend pas, sans en récuser pour autant l’opportunité une histoire
du dogme et des institutions de l’Église. Son propos n’est pas
d’histoire critique, mais d’exposition théologique de la Tradition
de l’Église. Dans cette perspective l’analyse minutieuse des
textes de Vatican II est d’une importance primordiale : car l’Église
nous manifeste aujourd’hui dans le second concile du Vatican
ce qu’elle voit de plus déterminément significatif dans les actes
extérieurs de sa Tradition vivante» (p. 111). D’où l’importance
donnée à l’analyse minutieuse des textes de ce concile : certes
Vatican II n’a ni adéquatement épuisé ni définitivement clos la
reprise et la communication par l’Église de sa Tradition ancienne :
celle-ci contient dans l’Esprit-Saint et grâce à l’Écriture inspirée
des trésors que Vatican II ne peut nous livrer que sur un mode
défini... Nous ne croyons pas imprudent de nous fier au récent
concile oecuménique plus qu’à toute autre inspiration pour dis
cerner dans l’ancienne Tradition de l’Église ce qui demeure le
plus significatif» (p. 111).
Dans cette analyse des documents de Vatican II, C. met en
relief la perspective tout à la fois ecclésiologique et christologi-
que de ce concile. Il montre aussi qu’en dépit de la différence
des points de vue il y a intégration des décrets de Trente par
Vatican II qui les confirme : « Les positions réformatrices, notam
ment luthériennes refusées à Trente sont toutes incompatibles
avec Lumen gentium ; elles n’en sont pas moins présentes aujour
d’hui, de manière plus ou moins explicites et fermes, chez de
nombreux catholique» (p. 131).
Dans la quatrième partie, C. propose une vaste synthèse sur
l’Église œuvre du Père, communion de l’Esprit, sur la réalité
ministérielle et charismatique de la charge pastorale en la situant
« dans le prolongement de la double mission du Verbe et de
l’Esprit » (p. 332). C’est dans cette perspective que C. met en
relief l’aspect proprement sacerdotal du ministère de l’évêque
et des prêtres. Ce ministère, dit-il, suppose la mission de l’Église
à la fois évangélisatrice, pastorale et sanctificatrice. Il s’exerce
dans l’Église et par rapport à ses fidèles. Cependant le principe
de ce ministère « n’est ni dans le sacerdoce commun des fidèles,
ni dans l’Église — particulière et universelle — mais dans le
Christ en Dieu. C’est dans le Christ que la réflexion théologique
peut discerner le principe d’articulation de la symbolique du
ministère sacramentel — puisque celui-ci n’est ministère de
l’Église apostolique qu’en étant sacrement de la consécration et
de la mission du Christ. Le Christ est Docteur et Prophète,
Prêtre et Pontife, Seigneur et Roi dans son Église et pour elle :
le sacrement de sa mission implique toutes ses charges » (p. 324).
D’où le lien infrangible de la célébration de l’Eucharistie à
l’ordination sacerdotale (p. 326). D’où le rejet par C. de l’opinion
d’après laquelle il pourrait y avoir une célébration liturgique
de l’Eucharistie non présidée par un ministre ordonné.
Tel est cet ouvrage d’allure plutôt austère, dont la présen
tation scolaire a l’avantage de la clarté. C. n’entend pas faire
œuvre de polémique. N’ignorant pas les graves difficultés de
la situation actuelle, il est vivement soucieux de mettre en
lumière ce qui donne sens au ministère et à la vie des prêtres.
D’où le ton spirituel qui caractérise maintes pages de ce livre.
Mettant bien en relief l’originalité et le caractère profondé
ment traditionnel de l’enseignement de Vatican II, C. situe le
sacrement de l’Ordre à l’intérieur du mystère et de la mission
de l’Église. Ce qui l’amène tout à la fois à montrer que l’Église
est dans le Christ un peuple sacerdotal et à souligner de manière
ferme la qualité sacerdotale du ministère des évêques et des
prêtres. Se plaçant dans cette perspective, C. répond de manière
équilibrée à quelques questions actuelles concernant la vie et
le ministère des prêtres : le prêtre et la politique ; le prêtre et
la profession socio-économique ; le célibat.
D’autre part, C. souligne à juste titre que nous recevons
et interprétons l’Écriture dans l’Église. D’où le plan adopté
dans la présentation du donné traditionnel. C. n’entend pas
faire œuvre d’histoire critique, ce qui n’implique pas mécon
naissance des problèmes posés par la recherche critique de la
Tradition ancienne. Ainsi C. rappelle « que le canon de l’Écri
ture, le Symbole des apôtres, les trois degrés de la hiérarchie
et la qualité sacerdotale du ministère de l’Église sont autant
de données inexprimées dans la lettre du Nouveau Testament.
Elles sont attestées en même temps (150-200) sans qu’aucun
des documents antérieurs conservés n’exprime positivement une
opinion contraire (p. 321). Mais sans doute eût-il été bon de
préciser davantage les liens qui existent entre Écriture et Tra
dition, de montrer plus explicitement « comment l’Écriture, grâce
à l’harmonie des deux Testaments, a reconnu dans sa vie, et
singulièrement dans le sacrifice eucharistique, la qualité sacer
dotale de ses ministres » (p. 321).
C’est avec perspicacité que C. décèle une certaine influence
hégélienne dans la problématique contemporaine et qu’il rap
pelle les critiques adressées par Luther à la doctrine du sacer
doce ministériel. Le dialogue œcuménique ne saurait méconnaî
tre l’ampleur des divergences qui subsistent. Mais sans doute
eût-il été intéressant de mettre davantage en relief les résultats
obtenus dans le dialogue œcuménique sur les ministères.
Enfin on peut regretter que la question des ministères non
ordonnés soit évoquée si rapidement.
Qui est Jésus-Christ ?
La réponse d’Origéne
1. Introduction

« Quel est cet homme ? » ou « D’où vient (jtotajioç) cet


homme ? » Depuis bientôt deux mille ans, cette question,
que les disciples posaient déjà (1), continue de se poser. Si
aujourd’hui les réponses divergent, il en était de même au
temps d’Origène et du vivant même de Jésus.
Au second siècle, les païens cultivés s’étonnaient de voir
adorer un supplicié (2). Car nul ne pouvait douter de la
crucifixion de celui qui, d’après les chrétiens, était le Fils
de Dieu, procédant de lui avant les siècles et demeurant
en lui (3). Ils affirmaient, en effet, que, d’esprit qu’il était
(mv fièv To ;rpcüTov jtveû|xa), il s’était fait chair (4), qu’il
était un autre Dieu et Seigneur au-dessous du Créateur de
toutes choses (5). Le « Dieu qui est » s’était manifesté par
son Fils, devenu visible, et ce Fils n’était pas en dehors de
lui, mais dans le sein du Père (6).
Né à la fin de ce second siècle, Origène se plongea
avec avidité dans l’étude de l’Écriture, tout en poursuivant
des études profanes assez approfondies qui, après le martyre
de son père et la confiscation de ses biens, lui permirent
de subvenir par l’enseignement aux besoins de sa famille.
Quand la persécution eut chassé d’Alexandrie tous ceux qui
y enseignaient la catéchèse, des païens prièrent le jeune
Origène de leur annoncer la parole de Dieu et c’est ainsi
qu’à l’âge de dix-huit ans il se trouva à la tête de l’école
de la catéchèse (toû Tfjç xatiixiiufcoç ôiôaoxaXeîou) (7). Comme
un nombre de plus en plus considérable de gens ins-

(1) Matth. 8. 27.


(2) Pline, Ep. X, 96, 7 ; Lucien, Peregrinus 13/337 ; Minucius Félix,
Octavius, IX, 4.
(3) Ignace, Magn. VI, 1 ; VII, 2.
<4) Secundo. Clementis, IX, 5. trad. Hemmer.
(5) Justin, Dial. 56, 4.
(6) I ré née. Adv. haer. ni, 6. 2 ; 11. 5-6 ; IV, 6, 6.
(7) Eus., H.E., VI. I-IU.
truits, païens, hérétiques, philosophes, affluait à ses cours,
il décida d’examiner les dogmes des hérétiques et les affir
mations des philosophes (8) et c’est en grande partie pour
eux qu’il interprétait l’Écriture et l’enseignement de l’Église,
souvent à l’aide de la philosophie contemporaine, de celle
qui lui paraissait la plus compatible avec la révélation et
qui s’inspirait de Platon. C’est aux Grecs qu’il a emprunté
les notions d’immuabilité et de préexistence, par exemple,
à l’appui desquelles il ne manquait pas de textes bibliques...
Nous verrons donc à sa suite quelles erreurs il a dénon
cées, comment il a interprété l’attitude de Jésus lui-même
au cours de sa vie terrestre, quel sens il a donné à l’ex
pression de Paul « ne connaître que Jésus-Christ crucifié »,
comment enfin il s’est efforcé d’unir le divin et l’humain
sans les confondre, de les distinguer sans les dissocier.

2. Jésus méconnu

En effet, sous prétexte de glorifier l’avènement du Christ,


en affirmant que les apôtres sont beaucoup plus intelligents
que patriarches et prophètes, certains allaient jusqu’à forger
un second dieu, plus grand que le premier (9) ; ils attri
buaient l’Ancien Testament au Créateur, dieu juste, et le
Nouveau au Père du Christ, dieu bon (10). De là Marcion
et les différents gnostiques (11).
Mais les chrétiens affirmaient qu’il n’y a qu’un seul Dieu
et qu’un seul Seigneur (12). C’est pourquoi, certains, qu’on
a appelés monarchianistes ou modalistes, pensaient à l’opposé
des gnostiques, que l’homme Jésus, n’ayant d’autre divinité
que celle du Père (13), n’a «pas préexisté selon un propre
mode d’être » (14) ; ils disaient que, dans son être, le Fils
ne diffère pas du Père (15) mais lui est identique (16) :
qu’ils aient fait du Fils une expression ou un nom du Père,
ils ne lui accordaient ni existence ni personnalité propre

(8) Ibid. VI. XVIII, 1-2 ; VI, XIX, 12.


(9) In Jo. VI, VI, 31.
(10) Ibid. I, Xin, 82 ; I, XXXV, 253.
(11) Voir SC 120, p. 14-16.
(12) Ephés. 4, 5-6.
(13) Frg. ad Titum, dans Apologie de Pamphile, PG 14, 1034 CD.
(14) ITpoi)(peoT(ivai xar ’ lÔiav oiioiaç Jt£piYpa © Tj v : Eus., H.E., VI,
XXXIII, 1, trad. Bardy.
(15) In Jo. II, XXm, 149.
(16) Ipsum eumdemque : Tert., Adv. Prax., II, 3.
(tmooTaoiv)(17), et puisque, d’après Paul (18), le Père a ressus
cité le Fils et, d’après Jean (19), le Fils s’est ressuscité
lui-même, ils s’imaginaient tenir la preuve que Père et Fils
ne sont pas deux, mais que, ensemble, ils sont un, non
seulement en tant que nature (ovoia), mais encore en tant
que sujet (xmoxeinivtp), que les noms de Père et de Fils se
rapportent à des points de vue différents (èiuvoiaç ôiaçpôpouç)
et non à leur personne (^ootaoiv) (20).
Mais les textes sacrés eux-mêmes, qu’Origène voulait
prendre pour guides, paraissaient se contredire : « Jésus
s’écria : Vous me connaissez et vous savez d’où je suis. »
« Jésus leur dit : Vous ne connaissez ni moi ni mon Père »
(21). Est-il possible que Jésus se soit adressé aux mêmes
interlocuteurs ? Oui, répond Origène, car il est possible de
ne connaître que l’homme en Jésus et d’ignorer le Dieu,
comme de le reconnaître Dieu sans confesser son huma
nité (22).
Les habitants de Jérusalem ne le connaissaient que
comme le fils de Marie, le frère de Jacques, Jean, Simon et
Jude (23). Avant la descente de l’Esprit sur Jésus lors de
son baptême, Jean Baptiste lui-même le croyait agneau,
prophète, Christ et lumière, mais ne le savait pas Fils de
rfta
Dieu (24). Celse ne doutait pas de l’existence humaine de
Jésus ; mais, refusant la conception du Saint-Esprit, il pré
tendait que Marie, séduite par un certain Panthère, fut
». honteusement chassée par son époux (25). D’autres, sans
ja'c: aller jusque là, excluaient la divinité, tout en reconnaissant
en Jésus le plus saint et le plus juste de tous les hom
mes (26) ; ils le croyaient auteur de prodiges, non Fils du
Créateur (27), et c’est par crainte de professer deux dieux
t (28) que des hommes, qui se voulaient chrétiens, niaient la
divinité du Christ (29).

(17) In Jo. I, XXIV, 151.


(18) I Cor. 15, 15.
(19) Jn 2, 19.
(20) In Jo. X, XXXVII, 246.
(21) Jn 7, 28 ; 8, 19.
(22) In Jo. XIX, I, 1-H, 7.
(23) Ibid., XIX, II, 10 ; cf. Matth. 13, 55.
(24) Ibid.., frg. 20.
(25) C. Celse I, 69.28.
(26) In Jo. X, VI, 24.
(27) Ibid. XX. XXX, 270.
(28) Ibid. II. n. 16 ; cf. Tkrt., Adv. Prax. ni, 1 ; Hipp.. C. Noët 11,14.
(29) In Rom. VII. 13, PG 14. 1140 C.
Or, à tous ceux qui croient que le crucifié sous Ponce
Pilate est venu en ce monde comme un être saint et secou-
rable, mais admettent qu’il tire son existence non de la
Vierge Marie et du Saint-Esprit, mais de Marie et de
Joseph, il manque, d’après Origène, quelque chose d’essen
tiel — comme aussi à quiconque accepte sa divinité mais
ne voit rien d’humain en lui (30) : tels les inventeurs du
docétisme qui, ignorant celui qui s’est abaissé jusqu’à la
croix, ne se représentent que l’impassible (31).

3. Attitude de Jésus

Car Jésus veut qu’on le croie à la fois homme et


Dieu (32) : c’est pourquoi ses paroles manifestent tantôt
l’un — « vous cherchez à me tuer, moi, un homme » —,
tantôt l’autre — « moi et le Père, nous sommes un » (33).
Il veut que nous le reconnaissions Dieu à cause de ses mira
cles et homme à cause de son action de grâces (34). Il
nourrit les foules avec un peu de pain pour manifester sa
divinité et envoie ses disciples en acheter pour manifester
son humanité (35). En affirmant « Si vous ne croyez pas
ce que moi, je suis, vous mourrez dans vos péchés », le
Sauveur manifeste qu’il est une réalité supérieure à l’homme
et une essence plus divine (36), alors que, en s’échappant
quand on veut l’appréhender, il évite d’enfreindre le cours
ordinaire de la vie humaine et de rendre sa divinité trop
visible (37). Et, de même que Dieu était apparu à Abraham
et à quelques saints, mais non à tous les hommes, ainsi
Jésus après sa résurrection (38). Car aux débutants le Verbe
divin ne se fait connaître que sous la forme d’esclave, alors
que, pour les parfaits, il vient dans la gloire de son Père (39)
et c’est parce que les Juifs ne sont pas dignes d’un signe
céleste qu’il ne leur est donné que le signe de Jonas, signe
de la passion (40).

(30) In Jo. XXXII, XVI, 191-192.


(31) Ibid. X, VI, 25.
(32) C. Celse III, 28.
(33) In Jo. XIX, II, 6 ; C. Celse II, 25 ; cf. Jn 8, 40 ; 10, 30.
(34) In Matt. frg. 321, GCS XII, p. 141.
(35) In Jo. frg. 53 ; cf. Jn 4, 8.
(36) In Jo. XIX, XXIV, 159 ; cf. Jn 8, 24.
(37) Ibid. frg. 75 ; cf. Jn 10, 39-40.
(38) C. Celse II, 66.
(39) In Matt. XII, 30, GCS X, p. 133 ; cf. Phil. 2, 7.
(40) In Matt. frg. 275, GCS XII, p. 124 ; cf. Matth. 12, 39.
4. Ne savoir que Jésus-Christ crucifié

Ainsi le Christ est venu dans un corps, pour que les


charnels ne voient que l’homme en lui et qu’à la vue de
ses œuvres les spirituels le reconnaissent Dieu (41). Verbe
pour ceux qui ne combattent pas selon la chair, il est chair
v pour les charnels (42). Aussi les uns participent-ils au Verbe
même qui était dans le principe, au Verbe Dieu, alors que
les autres ne savent rien que Jésus-Christ crucifié et, pen
sant que le Verbe fait chair est le tout du Verbe, ils ne
connaissent le Christ que selon la chair (43).
Comme on le voit, cette expression « ne savoir que Jésus-
Christ crucifié » (44), utilisée par saint Paul pour faire
scandale devant la sagesse humaine, est devenue, chez
Origène, l’équivalent de « connaître le Christ selon la chair »
(45), en méconnaissant sa divinité. C’est donc, d’après lui,
parce que les Corinthiens n’étaient pas capables de recon
naître plusieurs aspects en Jésus que Paul leur dit : « J’ai
décidé de ne rien savoir parmi vous que Jésus-Christ et
Jésus-Christ crucifié» (46). Par nature, en effet, le principe
du Christ, c’est la divinité ; pour nous, qui ne pouvons pas
aborder son être véritable sous l’aspect de sa grandeur,
c’est l’humanité (47). C’est pourquoi aux charnels, aux insen
sés, aux enfants, à ceux qui sont encore abreuvés de lait
et ne peuvent supporter une nourriture solide, à la foule
des incapables, à ceux qui en sont restés aux pensées vul
gaires, on n’annonce que Jésus-Christ crucifié» (48).
Ceux qui sont, au contraire, aptes à recevoir une nourri
ture solide entendent annoncer la Sagesse de Dieu dans
l’assemblée des saints (49). Quant aux hommes instruits
par l’Esprit, qui portent des fruits et désirent la Sagesse
céleste, il faut les faire participer au Verbe, revenu après
l’incarnation à ce qu’il était auprès de Dieu (50). Ceux qui

(41) In Matt. ser. 27, GCS XI, p. 45.


(42) In Matt. Xn, 4. GCS X, p. 74.
(43) In Jo. n, rn, 28-29 ; cf. Jn 1, 1-2.14.
(44) I Cor. 2, 2.
(45) II Cor. 5, 16.
(46) C. Celse n. 66.
(47) In Jo. I, XVin, 107.
(48) In Jo. I, VII, 43 ; In Rom. I, 13, PG 14, 859 AB ; In Jo. I,
XVTII, 107 ; XIX, XI. 68 ; In Rom. n, 14, PG 14, 917 C ; In Ex. h.
XII, 4 ; In Lev. h. TV, 6 ; In Num. h. XXVI, 7.
(49) In Rom. n, 14, PG 14, 917 C ; In Lev. h. IV, 6 ; cf. I Cor. 2, 6.
(50) In Jo. I. VII, 43.
auront recherché avec empressement l’intelligence spirituelle
connaîtront donc les mystères les plus cachés et parvien
dront jusqu’au trône même de Dieu (51). Il y a ainsi un
double avènement du Christ dans l’âme ; alors que les débu
tants déclarent : « nous l’avons vu, il n’avait ni forme ni
beauté », les parfaits, à qui la Sagesse a été révélée, se sont
épris de sa beauté (52), ou, comme Origène le dit ailleurs
plus simplement, le débutant croit au Fils de l’homme, le
progressant au Fils de Dieu (53).
Et, pourtant, notre auteur ne fait pas peu de cas de
l’incarnation, quand il affirme qu’il n’est pas d’accès au
Verbe de Dieu sans l’homme Jésus (54) : lui seul est visible
de tous (55). Bien plus, il serait inutile, d’après lui, de
prêcher Jésus-Christ en passant sa croix sous silence et,
plus que ses miracles, plus que sa naissance d’une Vierge,
il importe d’annoncer Jésus-Christ crucifié (56).

5. Le Fils de Dieu

Cependant le Verbe de Dieu, auquel nous avons accès


par son humanité, connaît le Père, dont nulle créature ne
peut approcher sans guide, et le révèle (57) : son Père est
le Créateur du ciel et de la terre, le Dieu d’Abraham, d’Isaac
et de Jacob, en l’honneur duquel les Juifs ont élevé le
temple de Jérusalem (58). Car Origène devait proclamer,
contre les gnostiques (59), l’unité de Dieu, à la fois juste
et bon, Dieu d’Israël et Père de Jésus, mais il lui fallait
affirmer en même temps, contre les monarchianistes (60),
une « différence » en Dieu, ce que nous appelons la Trinité.
Il utilise, dans ce but, des expressions diverses : le Verbe
a une délimitation (^epiypacpiî) propre, en tant qu’il vit par
lui-même (61), une individualité (lôiôtriç) différente de celle
du Père (62) ou, reprenant le terme déjà employé par

(51) In Num h. XXVI, 7.


(52) In Matt. ser. 32, GCS XI, p. 58 ; Is. 53, 2 ; Ps. 44 (45), 3.
(53) In Jo. frg. 71.
(54) Ibid. X, VI, 26.
(55) C. Celse II, 70 ; cf. In Jo. XIII, XXIX, 174.
(56) In Matt. XH, 19, GCS X, p. 111-112.
(57) In Jo. I, XXXVIII, 277.
(58) Ibid. X, XXIV, 216 ; In Luc. h. XVIII, 5.
(59) Ci-dessus p. 242.
(60) Ci-dessus p. 242-243.
(61) In Jo. I, XXXIX, 289.
(62) Ibid. H, n, 16.
avant l’éternité, le Verbe était dans le principe et le Verbe
était auprès de Dieu (78).
Demeurant Verbe dans son essence, il ne souffre rien
de ce qu’endure son corps ou son âme (79) et, si les pro
phètes nous rapportent des plaintes de Jésus, ce n’est pas
à sa divinité qu’il faut les attribuer (80). Car le Fils de
Dieu n’a été ni triste, ni troublé, ni mis à mort (81) et
nul ne conspirerait sciemment contre un Dieu (82). Vérité,
Sagesse, Justice, Vie, Voie, Pain vivant, Résurrection ne *\$
sont pas morts (83). Le Verbe ne meurt pas (84) ; il demeure
éternellement (85) et ne peut pas recevoir d’exaltation (86). i
r

6. Incarnation
Et, pourtant, à travers toute l’Écriture, la nature divine
est affublée d’épithètes humaines et la nature humaine
honorée d’attributs divins : en Jésus, dit-on, le Fils de Dieu
est mort et le Fils de l’homme doit venir dans la gloire
de Dieu le Père (87). C’est pourquoi la Samaritaine invite h
ses concitoyens à venir voir un homme qui possède un
logos supérieur à l’homme (88) ; quelque chose de divin est
venu dans un corps humain et dans une âme humaine (89)
et la Parole de Dieu, qui ne saurait être enfermée dans un
corps, confesse être troublée selon 1’« économie » du corps
qu’elle a assumé (90) : ainsi la comparaison du royaume
des cieux avec un homme, un roi (<xv6pa>jtcp pamleî), signi
fie-t-elle l’union intime du Fils de Dieu, du roi des cieux,
avec l’homme Jésus (91).
Car le Fils de Dieu, qui, selon l’esprit, demeure éternel
lement semblable à lui-même, est devenu, selon la chair,

(78) Ibid. II, 1, 9 ; cf. In Rom. I, 5, PG 14, 848 C ; Jn 1, 1.


(79) C. Celse TV, 15.
(80) In Ez. h. I, 5 ; In Jer. h. XIV, 6, GCS III, p. 112 ; Mvchée 7, 1-2 ;
Ps. 29 (30), 10 ; Jér. 15, 10.
(81) De vrinc. IV, 4, 4 ; H, 6, 2.
(82) In XI, 80.
Jo. XX,
(83) Ibid. XXVIII, XVIII, 159 ; C. Celse VII, 16.
(84) Ibid. XX, XI, 85 ; In Jer. h. XIV, 6, GCS III, p. 112.
(85) Ibid. Xin, VIII, 48.
(86) Ibid. XXXII, XXV, 324.
(87) De vrinc. Il, 6, 3.
(88) In Jo. Xni, XXIX, 174.
(89) In Luc. h. XIX, 1.
(90) In Matt. ser. 65, GCS XI, p. 152.
(91) In Matt. XIV, 7, GCS X, p. 289-290 ; cf. Matth. 18, 23.
ex semine Dauid id quod prius non erat (92). A cause de
ceux qui s’étaient écartés de Dieu, il s’est, en effet, écarté
de Dieu, étant sorti de Dieu, lui qui, d’une manière primor
diale, ne veut pas s’écarter du Père (93). C’est ce qu’annon
çait déjà le prophète Michée (94) : « Le Seigneur va hors
du lieu qui lui est propre » : en effet, quand le Fils demeure
dans le Père, subsistant en forme de Dieu avant de s’anéan
tir, Dieu est en quelque sorte son lieu — non un lieu
corporel et le Fils ne passe pas corporellement d’un lieu
à un autre : il change d’état (xaTuaracnç) (95) ; il sort, en
assumant la forme d’esclave, et vient jusqu’à nous (96).
Lui, qui existait sous forme de Dieu dans les cieux, quitte
son Père et sa Mère, la Jérusalem d’en haut, et déclare par
la bouche de Jérémie : « J’ai abandonné ma maison, j’ai
quitté mon héritage » (97).
Pour Origène, en effet, toute la Bible annonce l’incarna
tion. Il explique par elle, d’une manière qui nous étonne,
les ordonnances de la Loi comme les paroles de l’épouse
du Cantique (98). C’est le Christ que les saintes prophéties
nomment tantôt esclave, pour sa naissance de la race de
David, tantôt fils, pour sa qualité de premier-né (99). Car
la divinité du Verbe de Dieu ne reste pas à découvert pen
dant qu’il agit en faveur des hommes : pour voiler sa
démarche, il prend la forme d’esclave (100) ; lui qui était
sous forme de Dieu daigne paraître sous forme d’es-

(92) In Rom. I. 5. PG 14, 848 C.


(93) In Jo. XXXII, in, 35 ; cl. Jn 8, 42 ; 13, 3.
(94) 1, 3.
(95) Cette «sortie» du Fils, dont parlent Michée et S. Jean, c’est donc
l'incarnation, non la génération divine : car, en engendrant le Fils, Dieu
n'a pas subi un amoindrissement ou une diminution de sa substance {In. Jo.
XX, XVIII, 157 ; cf. SC 120, p. 403, note 12).
(96) In Jo. XX, XVIII, 153-159 ; cf. Phil. 2, 7.
(97) In Jer. h. X, 7, GCS III, p. 77 ; cf. Jér. 12, 7.
(98) En prescrivant de mêler de l’huile aux parfums, la Loi annonçait
déjà que, par pure miséricorde, celui qui était en forme de Dieu prendrait
la forme d’esclave (In Cant. I, GCS VHI, p. 99-100 r cf. Ex. 30, 22-25).
Quant à la parole de l’épouse « Mon bien-aimè est comme une goutte de
myrrhe entre mes seins », elle s’explique à l’aide d’un texte d’Isaïe « Toutes
les nations sont comme une goutte d’eau qui pend à un seau » et d’un texte
de Michée « C’est à partir d’une goutte de ce peuple que Jacob sera ras
semblé » : il convenait, en effet, que le Christ se vidât de la forme de
Dieu pour se faire lui-même une goutte, venue rassembler la goutte des
nations et celle du reste de Jacob (In Cant. H, GCS VIH, p. 169-170 ; cf.
Cant. 1, 13 ; Is. 40, 15 ; Michée 2, 11-12 ; Jn 11, 52).
(99) In Jo. X, VI, 23.
(100) Ibid. frg. 18.
250 CÉCILE BLANC
Il frémi devant le tombeau de Lazare parce qu’il était
a
un homme comme nous (113). En sa qualité d’homme, il a
été tenté (114), il s’est plaint (115), il a enduré des souf
frances humaines, comme les anciennes prophéties l’avaient
annoncé, et il est mort (116). Il avait pris, en effet, un
corps tel qu’il vient de la femme (117) et, parce que son
corps était composé des mêmes éléments que tous les corps
humains, il était soumis aux souffrances communes, blessu
res, fatigues, déshydratation (118).
Dans sa volonté de sauver l’homme tout entier, corps,
âme et esprit, le Sauveur a donc assumé un corps, une âme
et un esprit humains (119) ; il a exprimé, dans sa nature
humaine, la faiblesse de la chair — « que ce calice passe
loin de moi » — et la promptitude de l’esprit — « non comme
je veux, mais comme tu veux» (120) ; son âme a été trou
blée et il a remis son esprit entre les mains du Père (121).

8. Ame de Jésus

Ce n’est pas seulement dans l’Évangile qu’Origène a cru


voir mentionner l’âme du Seigneur, mais aussi dans l’An
cien Testament, où les Juifs pécheurs s’entendaient dire,
par exemple: «Mon âme hait... vos fêtes» (122). Alors que
l’expression hébraïque ne désignait que les « sentiments »,
la « volonté » de Dieu (123) à l’égard d’un culte formel
rendu par des pécheurs, Origène y a vu, en effet, une
mention de l’âme de Jésus unie dès la préexistence au
Verbe de Dieu et, puisque le terme d’âme est utilisé dans
la Bible pour le Christ comme pour les autres hommes,
il en a conclu que cette âme est de même nature que toutes
les autres (124). Et cette identité de nature s’étend, pour
lui, aux anges et aux démons : les âmes, créées pareilles

(113) In Jo. îrg. 84 cf. Jn 11, 38.


;
(114) In Luc. h. XXEX. 5.
(115) In Ez. h. I, 5 ; cf. Michée 7, 1.
(116) C. Celse VII, 16 ; In Matt. frg. 275, GC9 XII, p. 124 ; In Jo.
xxvm, xvm, 159.
(117) Ibid. I, 69.
(118) In Jo. îrg. 52 ; cf. Jn 4. 6.
(119) Her. 7.
(120) C. Celse II, 25 : cf. Matth. 26, 39.42.
(121) De princ. IV, IV, 5 ; cf. Jn 12. 27 ; Le 23, 46.
(122) In Jo. X, Xm, 73 ; X. XTV. 80 ; cf. Is. 1, 13-14.
(123) E. Jacob, art. t|n)xf|» Kittel IX. p. 618 ; X. Léon-Dufour, art.
« âme », Vocabulaire de théologie biblique, col. 30.
(124) De jninc. n, 6, 5.
dans un monde immatériel et douées de libre arbitre,
auraient librement choisi un mode de vie plus ou moins
conforme au dessein du Créateur (125). Il était donc possi
ble d’expliquer le verset de Jean « un homme qui vint
après Jean mais se trouvait avant lui », du fait que l’homme
uni à la divinité du Fils de Dieu avait existé avant de
naître de Marie (126) : dès la préexistence, son âme avait
« aimé la justice » au point de ne plus pouvoir s’en séparer
et la profondeur de son amour avait transformé en nature
ce qui dépendait de son libre choix. Demeurant dans la
Parole de Dieu, dans sa Sagesse, en Dieu même (127), elle
n’avait plus fait qu’un avec le Fils de Dieu dans une parti
cipation poussée au plus haut point (128). Subsistant dans
sa perfection, elle était donc en Dieu avant d’être envoyée
par le Père et de revêtir le corps issu de Marie (129).
C’est ainsi qu’Origène explique que les prophètes aient
annoncé qu’un « rayonnement », une « empreinte » de la
nature divine viendrait en cette vie avec l’âme sainte de
Jésus assumant une existence humaine (130). A cause
de l’amour qui l’animait, Dieu en a fait son Oint, son
Christ (131) ; il l’a, nous dit S. Paul (132), établie d’avance
propitiatoire — l’expression « établir d’avance » Jtpcmeévai,
ne saurait, en effet, concerner le Verbe de Dieu, coéternel
au Père (133) : le propitiatoire d’or, qui se trouvait au fond
du sanctuaire, n’était que l’ombre de celui-là (134). C’est
cette âme de Jésus qui dit : « Je ne suis pas de ce monde-ci »,
car elle a droit de cité dans un autre monde, celui de la
Sagesse dans son infinie diversité (135).

Cependant aucune âme ne change d’essence à sa venue


dans un corps, quoiqu’elles soient toutes affectées par les
corps auxquels elles s’unissent et les lieux où elles vien
nent (136). Aussi le Christ a-t-il accepté que son âme subît

(125) Voir SC 120, p. 20-30.


(126) In Jo. I, XXXII, 236 ; cf. Jn 1, 30.
(127) De princ. II, 6, 5-6, d’après trad. Harl ; cf. Ps. 44(45), 8.
(128) C. Celse VI, 47.
(129) In Jo. XX, XIX, 162.
(130) C. Celse VU, 17 ; cf. Sag. 7, 26 ; Héb. 1, 3.
(131) De princ. II, 6, 4 ; cf. Ps. 44(45), 8.
(132) Rom. 3, 25.
(133) In Rom. V, 9, Scherer p. 160 ; cf. De princ. I, 2, 2.10 ; IV, 4, 1 ;
In Gen. frg., PG 12, 46 C.
(134) In XXm, 240 ; voir note ad loc., SC 120,
Jo. I, p. 178.
(135) Ibid. XIX, XXn, 147-148 ; cf. Jn 8, 23 ; Ephés. 3, 10.
(136) C. Celse IV, 18.
les souffrances propres à l’âme (tù tôia) (137) : son âme
fut troublée, accablée de tristesse (138), à cause de la trahi
son de Judas (139), de la disparition des hommes justes
et pieux, de l’apparente inutilité de son sacrifice (140) ;
mais elle ne se laissa pas submerger par le trouble (141).
Alors que la doctrine de la préexistence est restée, dans
l’histoire de l’Église, l’hypothèse d’un homme du m e siècle,
c’est avec toute la tradition qu’Origène affirme que Jésus
est pleinement homme, soumis aux mêmes tentations et
aux mêmes souffrances que les autres, et que pourtant
il n’a jamais péché : Jésus est, en effet, non seulement
le plus juste de tous les hommes (142), mais absolument
sans péché, bien qu’éprouvé en tout comme les autres hom
mes (143). Seul, il peut déclarer à tous ceux qui l’ont
connu à un moment ou à un autre : « Qui parmi vous me
convainc de péché?» (144). Parce qu’aucun péché ne l’a
jamais effleuré, le prophète a pu dire de lui « Avant que
le petit enfant sût appeler son père et sa mère, il s’était
détourné de l’iniquité » et l’évangéliste « L’enfant grandis
sait et se fortifiait, rempli de sagesse» (145). Lui, le plus
pur de tous les vivants, a pris sur lui le péché du monde ;
lui, qui n’a pas commis de péché, Dieu l’a fait péché pour
nous (146) ou, comme le dit le Commentaire du Psaume
(147) : « Il s’est fait lui-même péché pour nous ».
L’âme de Jésus, en effet, semblable à nos âmes par
nature, est semblable à Dieu par sa volonté et sa puissance,
capable qu’elle est d’accomplir tous les vouloirs du Verbe
et de la Sagesse (148).

9. Un seul tout
Origène est revenu à maintes reprises sur ce mystère de
la personne de Jésus : dans le Christ, la nature divine est

(137) In Jo. frg. 88.


(138) De princ. U. 8. 4 ; IV. 4, 4 ; cf. Jn 12. 27 ; Matth. 26, 38.
(139) in jo. xxxn, xvm, 227.
(140) In Jer. h. XIV, 6, GCS III, p. 111 ; cf. Michée 7, 1-2 ; Ps. 29 (30), 10.
(141) In Jo. frg. 88.
(142) In Jo. X, VI. 26.
(143) C. Celse ni, I, 69 ; cf. Héb.
62 ; 4. 15.
(144) In Jo. XX, XXXI, 276-282.
(145) De princ. U. 6, 4 ; cf. Is. 8, 4 ; 7, 16 ; In Luc. h. XIX, 1 ; Le 2. 40.
(146) In Jo. xxvni, xvm, 160-161 ; cf. Jn 1, 29 ; II Cor. 5, 21.
(147) Ps. 55 (56), 5, PG 12. 1469 C.
(148) De princ. IV, 4, 4.
Dieu sa chair immaculée en sacrifice(164). Car l’homme
Jésus est l’agneau égorgé, offert en expiation pour le monde
entier (165), l’agneau véritable, qui s’est offert lui-même en
sacrifice (166). Celui qui a conduit cet agneau au sacrifice,
c’est le Dieu présent en l’homme (167), un grand prêtre
plein de piété (168), qui purifie le peuple par son sang (169).
Comme grand prêtre, Jésus s’est offert lui-même en sacri
fice (170) et c’est de son autorité de Fils de Dieu qu’il
déclare : « Nul ne m’ôte mon âme, je la dépose de moi-
même ; j’ai le pouvoir de la déposer et j’ai le pouvoir de
la reprendre» (171).

10. Résurrection
Le troisième jour, en effet, Jésus est ressuscité d’entre
les morts et il est monté au ciel : son âme a traversé d’un
bond tous les cieux pour parvenir jusqu’à Dieu en per
sonne (172) et le Fils de l’homme a été glorifié : car la
gloire due à la mort en faveur des hommes revenait à
l’homme né de la race de David selon la chair ; c’est lui
que Dieu a exalté, alors que le Verbe est demeuré dans
la hauteur qui lui est propre ou qu’il y a été rétabli (173).
Aussi Origène nous invite-t-il à considérer par la pensée
le Verbe redevenu après l’incarnation tel qu’il était au
commencement dans sa gloire, et, n’en différant pas, le
Fils de l’homme, l’homme Jésus (174), à contempler, débar
rassé de ce qu’il avait d’inférieur, le Verbe en soi, le Fils
de Dieu (175). Car Jésus lui-même appelle ceux qui sont
chair, pour les rendre conformes au Verbe fait chair et les
faire monter ensuite, afin qu’ils le voient tel qu’il était
avant qu’il se fît chair (176). Il va de ce monde vers le
Père, afin que nous l’y contemplions à l’état parfait, sorti
de l’état dépouillé, qu’il avait assumé, et rentré dans sa

(164) In Lev. h. III. 1.


(165) In Jo. VI, LEU, 273-274 ; cf. Apoc. 5, 6.
(166) In Lev. h. X, 1 ; cf. Ephés. 5, 2.
(167) In Jo. VI, LIE, 275.
(168) Ibid. XIX, XIX, 120.
(169) In Lev. h. X, 1.
(170) Ad mart. 30.
(171) De princ. IV, 4, 4 ; cf. Jn 10. 18.
(172) In Jo. XIX, XXH. 145.
(173) Ibid. XXXII, XXV, 321-326 ; cf. Jn 13. 31 ; 12, 32.
(174) In Matt. XV, 24, GCS X. p. 420.
(175) In Jo. VI, XXXV, 179.
(176) C. Celse VI, 68, d’après trad. Borret ; cf. Jn 1, 14 ; 17, 24.
propre plénitude (177). Si nous sommes instruits par l’Es
prit, nous serons invités à participer au Verbe revenu, après
l’incarnation, à ce qu’il était au commencement auprès de
Dieu (178) ; après la consommation de ce siècle, il demeu
rera avec nous dans l’état où il était avant de s’anéantir
et jusqu’à ce que le Père, ayant fait de tous ses ennemis
l’escabeau de ses pieds, nous dise lui-même : « Voici que
je suis avec vous » (179). Rétabli sous forme de Dieu,
l’homme-Dieu nous rendra semblables à l’image de sa
gloire (180).
11. Conclusion
En suivant Origène dans sa contemplation du Verbe
éternel et de l’âme préexistante de Jésus, de l’incarnation
et de la croix, de la résurrection et de la glorification de
l’homme Dieu, nous n’avons pas pu souligner suffisamment
— ce serait l’objet d’un autre article — qu’il unit sans
cesse dogme et vie pratique : ses affirmations sur la per
sonne de Jésus, inséparables de l’invitation à le suivre,
à se laisser crucifier avec lui pour ressusciter avec lui (181),
ont le même but : que tous deviennent parfaitement un fils,
étant transformés en connaissant le Père, comme maintenant
seul le Fils connaît le Père (182).

Cécile Blanc

(177) De or. XXIII, 2, d’après trad. Bardy.


(178) In Jo. I, VII, 43 ; cf. XXXVII, 276.
(179) In Jo. X, X, 47 ; cf. Héb. 10, 13 ; Matth. 28, 20.
(180) In Matt. XII, 29, GCS X, p. 133 ; cf. PMI. 3, 21.
(181) In Jo. XX, XII, 92 ; I, XXVII, 182 ; cf. Gai. 2, 19 ; Col. 2, 12.
(182) Ibid. I, XVI, 92 ; cf. Gai. 4, 19.
La société catbare en Cerdagne :

nobles et bergers
du XII e au XIV e siècle

Comme on pouvait le supposer, la Cerdagne, en raison


de sa situation géographique aux confins du comté de Foix
n’a pas échappé aux influences de l’Albigéisme. Il est vrai
que les relations religieuses entre la Cerdagne et le comté
de Foix se compliquent du fait de luttes féodales entre
l’évêque d’Urgell et le vicomte de Castellbo, son ennemi
héréditaire. Dans l’étude du catharisme de Cerdagne, il fau
dra donc tenir compte de cet élément pour apprécier à sa
juste valeur le phénomène cathare dans cette région. La
présence d’hérétiques albigeois en Cerdagne peut avoir trois
origines différentes : une invasion armée venue du comté
de Foix et de la vicomté de Castellbo, l’immigration de
Cathares languedociens cherchant en Cerdagne un lieu de
refuge, la contamination de Cerdans par l’idéologie cathare.
Avant de traiter du cas d’Arnaud de Castellbo et de
l’invasion de la Cerdagne par ses troupes, il faut au préala
ble analyser les Constitutions de Tarragone par lesquelles
l’Inquisition était instaurée dans le royaume d’Aragon et
donc en Cerdagne.

I. Les Constitutions de Tarragone

Après la mort de Pierre d’Aragon à la bataille de Muret


en 1213, lors de la lutte qu’il mena aux côtés, du comte
de Toulouse contre l’invasion languedocienne de Simon de
Montfort et de ses hommes, son fils Jacques se mêla peu
aux affaires languedociennes. Les troubadours, partisans
acharnés de la cause provençale, essayaient, mais en vain,
d’exciter le roi d’Aragon à venger la déroute et la mort
de son père, tel Boniface III de Castellane en son sirventès :

El flacs rei cui es Aragôs


Ja tôt l’an plach a mangasôs,
E fora il plus bel, so-m’es vis
(1) Cité par Manuel Mila y Fontanals, De los trovadores en Espaûa
(Obras de Manuel Mila i Fontanals, t. II) Barcelone 1966, p. 162.
(2) Cf. Marca Hispanica, n° 502, col. 1406.
(3) Cf. Marca Hispanica, n° 511, col. 1425 à 1428. Si on ne dispose pas
de ce grand in-folio du xvne siècle, on trouvera plus aisément le texte dans
Marcelino Menendez Pelayo, Historia de los Heterodoxos espanoles, Madrid,
1880, t. I. PP. 715-716.
Sainte Trinité, le roi rappelle qu’il a pour devoir de pour
voir au bien du royaume qui lui a été confié et d’en amé
liorer la situation avec le sage conseil des évêques et
prélats précédemment énumérés : « Volentes circa commis
sion nobis regnum provisionem debitam adhîbere et statum
regni nostri cupientes in melius reformare, una cum salubri
consilio ac diligenti tractatu venerabilium... ».
1) Il est interdit à tout laïc de disputer soit publiquement
soit privément de la foi catholique.
2) Interdiction également de posséder des livres de
l’Ancien et du Nouveau Testament en langue romane. Si
quelqu’un en possède un exemplaire, il doit le livrer à l’évê
que du lieu pour qu’il soit brûlé dans un délai de huit jours
après qu’il ait pris connaissance de ces constitutions. S’il
n’obtempère pas, qu’il soit clerc ou laïc, il doit être consi
déré comme suspect d’hérésie jusqu’à purgation.
3) Interdiction à tout hérétique ou suspect d’hérésie
d’occuper les charges de « batlle », de « veguer » ou toute
autre juridiction temporelle ou office public.
4) Pour que ne se constitue pas un repaire de misérables
là où s’est trouvée une cachette d’infidèles, il est ordonné
que si l’on reçoit sciemment des hérétiques dans une maison,
que celle-ci soit détruite, si c’est un alleu, et, si c’est un fief
ou un cens, qu’ils soient appliqués à son seigneur (suo domino
applicentur). Ordre est donné d’observer ces prescriptions
dans les villes aussi bien qu’en dehors des villes.
5) Pour que les innocents ne paient pas pour les coupa
bles, les croyants ou les hérétiques ne peuvent être punis
que par l’évêque du lieu ou par une personne ecclésiastique
ayant le pouvoir de connaître s’il s’agit d’un croyant ou d’un
hérétique. En d’autres termes, seul l’évêque ou l’inquisiteur
a pouvoir pour punir les coupables d’hérésie.
6) Celui qui, sciemment ou par négligence, permet aux
hérétiques d’habiter dans ses terres ou ses domaines moyen
nant finance ou pour quelque autre motif, perdra à jamais
ses possessions ; si ce sont des fiefs, ils seront appliqués
à leur seigneur, s’il s’agit d’alleux ils seront confisqués au
profit du trésor royal. Le « batlle » ou « veguer » qui pèche
par consentement ou par négligence sera privé perpétuelle
ment de sa charge.
7) Dans les lieux où l’on suspecte la présence d’héréti
ques, un prêtre ou un clerc sera nommé par l’évêque et deux
ou trois laïcs seront nommés par le roi ou par ses « veguers »
ou « batlles ». Ils auront le privilège d’entrer dans toutes
les maisons et de les fouiller jusque dans les endroits les
plus secrets. Ces inquisiteurs devront porter immédiatement
leurs vérifications à la connaissance de l’archevêque ou de
l’évêque et du « veguer » ou « batlle » du lieu en leur livrant
les prisonniers. Le clerc qui sera négligent dans son « inqui
sition » perdra ses bénéfices et le laïc aura une amende.
De fait, les Constitutions de Tarragone sont la réponse
à la lettre que le pape Grégoire IX avait envoyée à l’arche
vêque de Tarragone le 26 mai 1232 (3 bis). Le pape consta
tait avec amertume que l’hérésie avait commencé à infecter
la Catalogne et il ordonnait à l’archevêque de poursuivre
les hérétiques par lui-même ou en se servant des frères
prêcheurs. Il s’agissait évidemment de l’hérésie cathare qui,
du Languedoc, avait commencé à pénétrer en Catalogne,
véhiculée notamment par les occitans poursuivis au nord
des Pyrénées.
Menendez Pelayo commente ainsi les Constitutions de
Tarragone : « De este importantissimo documento arranca
la historia de la Inquisicion en Espana, y basta para conven-
cerse del caracter mixto que desde los principios tuvo aquel
Tribunal. El clérigo declaraba el caso de herejia ; los dos
legos entregaban la persona del hereje al veguer o al baile.
El Obispo daba la sentencia canonica ; el brazo secular
aplicaba al sectario la legislacion corriente. Ni mas ni
menos » (4). L’importance de ce document par lequel était
instaurée l’Inquisition dans le royaume d’Aragon n’a pas
échappé aux historiens de cette institution (5). Ils ont
remarqué la ressemblance de ces constitutions du roi Jac
ques avec les statuts édictés trois ans auparavant, en 1229,
par le comte de Toulouse contre les hérétiques du Midi
de la France. Elle porte notamment sur l’interdiction d’utili
ser des livres sacrés en langue vulgaire, mais à Toulouse
on exclut le Psautier et les Heures de la Vierge qui cepen
dant ne devaient pas être traduits. Mais à côté de ressem
blances, il faut noter une différence essentielle : dans le
royaume d’Aragon, l’Inquisition n’était pas encore, comme
à Toulouse, confiée aux Dominicains. Seuls les évêques sem
blent en avoir reçu toute la responsabilité avec l’aide de
quelques fonctionnaires royaux.

(3 bis) Cf. Potthast, Regesta Pontificum romanorum, n° 8932.


(4) Cf. Menendez Pelayo, Historia de los Heterodoxos en Espaüa, t. I.
p. 454.
(5) Cf. Jean Guiraud, Histoire de l’Inquisition au Moyen-Age, Paris, 1938,
t. II, p. 161.
Ce sont les Constitutions de Tarragone qui régiront la
Cerdagne dépendant du royaume d’Aragon durant le xnr
siècle et jusqu’au début du xive siècle. En effet, le 7 juillet
1313, le pape Clément V ordonne au maître général des
frères prêcheurs d’instituer des inquisiteurs de la foi dans
les domaines soumis au roi de Majorque, excepté dans ceux
de ces domaines qui se trouvent en France (6). Ce tribunal
y exista sans interruption et il eut pour siège principal la
ville de Perpignan. Même après la fin du royaume de
Majorque, quand ce dernier fut réannexé à celui d’Aragon
en 1348, l’inquisition roussillonnaise garda son autonomie
(7). Nous possédons les noms de plusieurs inquisiteurs du
royaume de Majorque. J.-M. Vidal en a dressé la liste (8).
Le plus célèbre d’entre eux fut l’évêque d’Elne Gui de
Terrena qui appartenait à l’ordre des Carmes. Le pape Jean
XXII lui concéda le 9 novembre 1332 le pouvoir d’exercer
des poursuites contre les hérétiques de son diocèse, même
en dehors des limites de ce dernier (9).
Après avoir analysé les constitutions qui régissaient la
Cerdagne au xnr siècle, il faut essayer de saisir comment
elles y furent appliquées dans des cas concrets.
Il y eut deux voies principales de pénétration du catha
risme en Cerdagne : les vallées de l’Ariège et de l’Aude.
En tout premier lieu la voie normale fut la vallée de Carol
qui mettait en communication la Cerdagne avec le comté
de Foix contaminé par l’hérésie. Le Donnezan, c’est-à-dire
la région de Quérigut épaulée dans sa défense par le château
de So, actuellement Usson-les-Bains, situé au confluent de
la Bruyante et de la haute vallée de l’Aude, appartenait
à l’ancien comté de Cerdagne. Il se trouvait au contact du
pays de Sault, terre d’élection de l’albigéisme. Aussi cette
région donna-t-elle quelque souci aux défenseurs de l’ortho
doxie catholique.

IL Le cas d’Arnaud, vicomte de Castellbo


et de sa fille Ermessinde
Un foyer propice à la diffusion de l’hérésie en Cerdagne
fut la vicomté de Castellbo, dépendant du comté de Foix.

(6) Cf. J.-M. Vidal, Bullaire de l'inquisition française au XIV* siècle


jusqu’à la fin du grand schisme, Paris, 1913, n° 12.
(7) Cf. J.-M. Vidal op. cit. no» 197-198 et pp. Xü-XIll.
(8) Cf. J.-M. Vidal, op. cit. pp. XXIX-XXX.
(9) Cf. J.-M. Vidal, op. cit. n« 125 bis.
Située au sud des Pyrénées, non loin de la ville épiscopale
de la Seu d’Urgell, elle menaçait directement la foi catho
lique des sujets de l’évêque d’Urgell, notamment dans l’Ur-
gellet et la Cerdagne.
Il faut nous occuper présent des activités religieuses
à
du vicomte Arnaud de Castellbo. Celles-ci ont été diverse
ment appréciées par les historiens. Pour les uns, c’était un
hérétique notoire et un enthousiaste défenseur du catha
risme (10). Pour les autres, il se servait des Albigeois et
des troubles qu’ils provoquaient pour mettre en échec son
ennemi traditionnel, l’évêque d’Urgell. A la limite Joaquim
Miret y Sans, historien de la vicomté de Castellbo, ira jus
qu’à nier que le vicomte Arnaud ait jamais été un Albigeois
convaincu, un disciple de ces doctrines. Il en voit pour
preuve la présence du vicomte à la cour de Jacques Ier
depuis au moins 1217 jusqu’à sa mort en 1226, c’est-à-dire
pendant près de dix ans, de même ses relations constantes
avec les évêques et les autres personnages de l’Église (11).
Par ailleurs, cet historien ne s’est pas du tout laissé impres
sionner par les dépositions des témoins devant le tribunal
de l’Inquisition. Les déclarations de ces derniers en de telles
circonstances ne pouvaient, dit-il, offrir toute la précision
et l’exactitude que demandaient de si graves affaires et
encore moins servir d’unique moyen de preuve. Peut-être,
ajoute-t-il, était-il nécessaire alors de porter un coup specta
culaire de nature à provoquer la terreur parmi les mécon
tents de l’ordre social et les novateurs de l’ordre religieux,
qui prenant tous un caractère nettement anarchiste s’étaient
propagés de façon extraordinaire en Catalogne et avaient
constitué un péril sérieux pour la tranquillité publique » (12).
Face aux jugements fort divergents des historiens sur
les activités « hérétiques » d’Arnaud, interrogeons les docu
ments :
1°) Il faut observer que le procès d’hérésie contre Arnaud
de Castellbo n’a été intenté par l’autorité ecclésiastique
qu’en 1269, c’est-à-dire plus de quarante ans après la mort
de ce personnage. Pourquoi l’exhumation de ce dernier et
la dispersion de ses cendres s’est-elle fait attendre si long-

(10) Cf. par exemple Ch. Batjdon de Mony, Relations politiques des comtes
de Foix avec la Catalogne, Paris, 1896, t. I, pp. 146 et sq.
(11) Cf. Joaquim Miret y Sans, Investigation historica sobre el Vizcon~
dada de Castellbo con datos ineditos de los condes de Urgel y de los
vizccmdes de Ager, Barcelona, 1900, pp. 157 et sq.
(12) Op. cit. pp. 165-166.
temps ? Pourquoi n’a-t-elle pas eu lieu par exemple dès 1237,
onze ans après sa mort ? A cette date eut lieu une descente
de l’Inquisition à Castellbo. En effet le procureur de l’église
de Tarragone se décide à agir après un accord pris au
concile de Lérida avec le comte de Foix, Roger Bernard II,
qui était en même temps le vicomte de Castellbo par son
mariage avec Ermessinde, la fille d’Arnaud de Castellbo. Il
envoie des frères prêcheurs, des frères mineurs ainsi que
d’autres prélats à Castellbo afin de faire une inquisition.
Condamnant comme hérétiques environ quarante-cinq per
sonnes, ils les emmènent avec eux et donnent l’ordre d’exhu
mer les corps de dix-huit personnes défuntes et de brûler
leurs os. Parmi ceux qui se sont enfuis par crainte de l’In
quisition, une quinzaine ont été condamnés. Quant au reste,
il y a ceux qui doivent être encore soumis à un interroga
toire (inquisitio facienda) et ceux au sujet desquels une
sentence doit être encore portée (13).
2°) Le document publié par les historiens de Languedoc
que nous venons d’analyser est muet sur le cas d’Arnaud
de Castellbo aussi bien que sur celui de sa fille Ermessinde.
Et il faudra attendre l’année 1269 pour que soit portée
condamnation contre Arnaud de Castellbo (14) et contre
Ermessinde (15). Pour ce qui concerne Ermessinde, ce sont
les inquisiteurs dominicains Pierre de Cadireta et Guillaume
de Colonge qui la déclarent hérétique et ordonnent l’exhu
mation de ses cendres. Celle-ci était morte en 1230, quatre
ans après son père. Le document publié par Baudon de Mony
fait état de nombreux témoins selon lesquels non seulement
la vicomtesse Ermessinde favorisait, défendait et recevait
les hérétiques, mais encore adorait plusieurs fois les héré
tiques auxquels elle dispensait divers bienfaits et dont elle
propageait les erreurs. Lors de sa dernière maladie, affir
ment encore les témoins, elle reçut la visite de divers héré
tiques et mourut finalement entre les mains des parfaits (16).
C’est à peu près dans les mêmes termes que le jugement
s’exprime au sujet de la maladie et la mort d’Arnaud (17).
3°) Pour revenir aux activités hérétiques de ce dernier
ou uniquement à ses relations avec les hérétiques albigeois,

(13) Cf. Devic et Vaissète, Histoire générale de Languedoc, t. VHI, col.


1010-1011.
(14) Pour l’acte de condamnation d'Arnaud comme hérétique voir aux
archives capitulaires de la Seu dTJrgell le cartulaire, vol. 2, fol. 72, vo 73.
(15) Cf. Ch. Baudon de Mont, op. cit. t. H, doc. n° 56, pp. 140-141.
(16) Un fragment de la sentence de condamnation d’Arnaud a été publié
par Miret y Sans, op. cit. pp. 164-165.
(17) Cf. Ch. Baudon de Mony, op. cit. t. I, pp. 146-147.
il faut rappeler qu’on ratification par le vicomte
a trace de la
de l’acte de soumission du comte de Foix Raymond-Roger
aux légats pontificaux qui eut lieu le 17 février 1217. Il
découle de ce fait que le vicomte de Castellbo dut secourir
le comte de Foix pendant la guerre contre les Albigeois.
Cette aide guerrière n’implique pas par elle seule que le
vicomte fut nécessairement hérétique : il s’agissait avant
tout de défendre le Languedoc contre les gens de guerre
venus du nord de la France. Après la soumission du vicomte
Arnaud aux légats pontificaux en 1217, il ne semble pas
que le vicomte soit intervenu dans la lutte des Albigeois
contre les Français du Nord.
4°) Pourtant les griefs les plus graves que l’évêque
d’Urgell avait contre son turbulent voisin de Castellbo
remontaient à une époque antérieure, mais à une date qu’il
est difficile de préciser, car le document n’est pas daté. I 1

faut sans doute situer les événements rapportés vers les


années 1198-1199. Dans un mémoire adressé par Pons de
Vilamur, évêque d’Urgell, à Pierre de Albalat, archevêque
de Tarragone, il énumère avec force détails les ravages et
excès commis au préjudice de l’Église d’Urgell par Arnaud,
vicomte de Castellbo, Raymond-Roger et Roger-Bernard II
comtes de Foix, et Roger, fils de ce dernier. Ce document
est conservé aux archives capitulaires de la Seu d’Urgell et
fait partie d’un cahier en parchemin de neuf feuillets datant
de la seconde moitié du xm e siècle, intitulé : Memorial dels
danys donats per lo comte de Foyx y Bescomte de Castellbo
a Viglesia de Urgell. Il a été publié pour la première fois
par Ch. Baudon de Mony (18).
« Nous nous plaignons, dit-il en commençant, nous P,
par la grâce de Dieu évêque et le chapitre d’Urgell, du
comte de Foix qui avec son père prit l’église de la ville
de la Seu et la détruisit de fond en comble, emportant des
croix argentées, des encensoirs, des tissus, des bassins, des
burettes (canadellas), des étoffes de soie (pannos sericos)
et les autres ornements de l’église, les privilèges, les char
tes. » Un peu plus loin, il se plaint nommément d’Arnaud
de Castellbo :
« Nous nous plaignons de ce que le dit comte A. de
Castellbo et ses armées détruisirent les églises de Cerdagne,

cit. t. II, pp. 100 et sq. Nous avons déjà


(18) Cf. Ch. Baudon de Mony, op.
exploité, du point de vue archéologique, ce document, dans M. Delcor.
Les Vierges romanes de Cerdagne et Confient dans l'Histoire et dans l'Art,
Barcelona, ed. Raphaël Dalmau, 1970, pp. 18-23.
firent prisonniers les clercs et leur arrachèrent leurs biens
ainsi que les ornements d’église, commettant un sacrilège... ».
Puis vient la longue énumération des églises pillées. La
notice concernant chaque église est introduite par la for
mule : « Item fregerunt ecclesiam de... ». Le mémoire com
mence par la basse Cerdagne et continue en remontant,
église après église : Coborriu de Tallo, Bor, Pedra, l’église de
St-Géraud-du-Puig-de-Gruz, St-Clément-de-Gruz, Ste-Cécile-
de-Beders, Baltarga, Sampsor, Prats, Tartera, Venzilles, Sana-
vastre, Mosoll, Estoll, Soriguera, Queixans, Vilallobent, Age,
Tallo, quatre mas situés à Dorres, Palad (Palau), Olceya
(Oceja), Yx (Hix), Anaugia (Nahuja), Sainte-Léocadie, Err,
St-Hilaire-de-Valcebollère (El Puig), Saillagouse : vingt-huit
églises en tout. A la fin de cette longue liste où l’on énumère
avec force détails les méfaits commis par la soldatesque, le
mémoire conclut :
« A cause de la destruction de la Cerdagne et de la vio
lation des églises, les clercs de Cerdagne perdirent durant
trois années consécutives plus de trois mille muids de blé
et les autres revenus qu’ils devaient percevoir ; nous esti
mons à cinquante mille sous la perte des objets arrachés
aux églises, des biens enlevés aux clercs et des revenus
qu’ils perdirent par la suite, outre la peine pour les sacri
lèges, peine qui doit être portée pour chaque sacrilège au
moins à 30 livres d’argent... ».
L’extension géographique des méfaits commis par les
troupes du comte de Foix et du vicomte de Castellbo fut
considérable en Cerdagne, sans parler d’autres régions du
diocèse d’Urgell, comme par exemple sept églises situées
dans les terres de Galceran de Pinos, l’Urgellet et bien
entendu la ville épiscopale. A s’en tenir strictement à la
liste donnée par le document, un certain nombre d’églises
de Cerdagne semblent avoir échappé à la fureur des envahis
seurs. La première nommée en basse Cerdagne est celle
de Coborriu, la dernière en haute Cerdagne, celle de Sailla
gouse. C’est principalement les églises de la « Baga » qui
ont eu à souffrir. On ne dit rien en effet des églises de la
« Solana » : Bolquère, Odeillo, Via, Llo, Llivia, Targasone,
Angoustrine, Dorres, Ur, Enveig, Iravals, Guils, Saneja, Bol-
vir, Ger, Ail, Olopte, Maranges, etc. Comme aucune église
de la vallée de Carol n’apparaît dans le mémoire, il y a lieu
de penser que l’invasion armée ne s’est pas faite par le col
de Puymorens mais probablement par l’Andorre et l’Urgellet.
Dans la suite du document on signale un certain nombre
de clercs qui eurent à payer une rançon, tel le « capellanus
de Urg » qui eut à donner cent sous ; d’autres sont faits
prisonniers, comme celui de Ans. Du côté de la Solana, le
curé de Bolquère eut à payer cent sous ; celui de Greixer
vingt sous ; celui de Maranges quarante sous ; celui de Eller
vingt sous. Cela semblerait indiquer qu’à ce prix leurs églises
furent épargnées.
Après avoir délimité l’étendue du domaine géographique
situé en Cerdagne proprement dite où opérèrent les hommes
du vicomte de Castellbo, il importe de préciser sur quels
objets ils firent porter leurs exactions. Il faut dire tout de
suite que le texte ne mentionne pas d’iconoclasme ; il n’est
pas question de statues brûlées ou brisées. Ce n’est sans
doute pas par scrupule religieux car les cathares étaient
iconoclastes (19). Ces troupes venaient notamment du pays
de Foix infesté par l’hérésie. Mais, au témoignage de Pierre
de Vaux de Cemay, au début du xnr siècle, le comte de
Foix, ce « chien très cruel », assiégea l’église d’Urgell (enten
dons la cathédrale) dont il ne laissa que les quatre murs,
tandis que les soldats qui l’accompagnaient firent des pilons
pour broyer les condiments de leur cuisine avec les bras et
les jambes des crucifix. Leurs chevaux mangent l’avoine sur
les autels et eux-mêmes s’exercent à percer de coups de
lances les images du Christ affublées d’un casque et d’un
écu (20). Bien que le mémoire ne qualifie jamais d’héréti
ques les hordes du vicomte de Castellbo, ce document
rapporte quelques faits qui peuvent s’expliquer à partir de
croyances cathares et pas uniquement par des actes de
guerre : d’une part les profanations du crucifix et d’autre
part celles des saintes espèces. Outre le témoignage du
moine Pierre de Vaux de Cernay cité plus haut, relatif aux
soldats qui s’appliquent à détruire systématiquement les
crucifix de la cathédrale de la Seu, il faut citer celui du
mémoire pour l’église de Pedra, située actuellement en Cer
dagne espagnole :
« Item fregerunt ecclesiam de Pedra et intus in ipsa
preparabant cibaria sua et faciebant ibi ignem et multa alia
obprobria ; ascenderunt enim in cimborio, ponentes pedes
suos in brachiis crucis... ».
Il découle de ce texte que les soldats utilisaient les bras
du crucifix pour escalader le baldaquin (?) de l’église de
Pedra. Or ces faits coïncident avec l’attitude des cathares

(19) Cf. Jean Guiraud, Le cartulaire de Prouille, Paris, 1907, t. I, p. XCIV.


(20) Cf. Pétri Vallium Sarnari Monachi, Hystoria Albigensis (édit. Gué-
bin-Lyon), Paris, 1939.
le roi Jacques d’Aragon qui instaura l’Inquisition en Cata
logne. Or quatre ans plus tard en 1237 « apud sanctum
Saturnisium », vraisemblablement le monastère San Sadumi
de Tabernoles, situé à Anserall, sur le bord de la route qui
va de la Seu d’Urgell en Andorre, le comte Roger Bernard
de Foix dut se présenter devant une assemblée d’évêques
comprenant celui d’Urgell, de Vich, de Lérida et le procu
.
reur de l’église de Tarragone. L’évêque d’Urgell, Pierre,
avait porté une sentence d’excommunication contre le comte
de Foix, accusé de favoriser et de défendre l’hérésie. Or
Roger-Bernard prétendait que la sentence était nulle pour
divers motifs : 1°) parce qu’il était absent et qu’il n’avait
pas été cité régulièrement ; 2°) parce qu’il n’est pas le
paroissien de l’évêque, car il n’a pas de domicile dans son
diocèse du fait qu’il a transmis et restitué à son fils Roger
la terre de Castellbo appartenant à ce dernier par succession
maternelle ; 3°) si c’était vrai qu’il tenait lui-même la terre,
ce qu’il ne concède pas, il n’était pas tenu de conduire les
hommes (de Castellbo) auprès de l’évêque, surtout parce
qu’une multitude d’entre eux dont il se plaignait était en
cause ; 4°) parce que l’évêque était son principal ennemi,
les hommes de Castellbo furent souvent en guerre avec
les hommes de la Seu d’Urgell ; 5°) par crainte de cette
inimitié et craignant que l’évêque ne le chargeât, il en a
appelé au seigneur élu (l’archevêque de Tarragone ?) avant
la sentence.
L’évêque répond point par point aux arguments du comte
et on trouvera facilement le texte de ces réponses dans
l'Histoire de Languedoc (28).
Cette réunion au monastère de San Sadumi de Taber
noles, qui était situé sur le territoire de la vicomté de Cas
tellbo (29) eut lieu le deux des nones de juin de l’année
1237. Or l’évêque d’Urgell, Pons de Vilamur, avait obtenu
la réunion d’un concile à Lérida au mois de mai 1237 avec
la présence des évêques de Lérida, de Vich et du procureur
de l’église de Tarragone ; cette assemblée mit le comte
de Foix dans l’obligation de permettre l’inquisition dans
la vicomté de Castellbo. Tant que l’inquisition durera, la
vicomté sera placée sous la garde de Ramon Foie, vicomte

(28) Cf. Dkvic et Vaissète, Histoire de Lanouedoc, t. VIII, col. 1012-1014.


(29) Cf. J.Mirit y Sans, El Vizcondado de Castellbo, p. 188 ; J. Noouts
1 Estant, Histàric del Monestir de Sant Sadumi de Tavemoles, Barcelona,

1973. p. 42.
(30) Cf. Devic et Vaissète, Histoire de Languedoc, t. VIII, col. 1010-1011.
(31) Texte publié par J. Villanueva, Viage literario a las Iglesias de
Espana, Madrid, 1850, t. XII, pp. 245-252 et par Domingo Costa y Bofarull,
Memorias de la Ciudad de Solsona y su Iglesia (Biblioteca historica de
Biblioteca Balmes vol. XXII), Barcelona, t. II, 1959, pp. 636-640.
(32) Le doute qui plane sur la nature exacte de la règle
par les clercs d’Organyà est de peu d’importance pour
.
suivie
le sujet qui va nous occuper, à savoir le problème de la
présence dans cette collégiale de sermons en langue catalane
connus sous le nom d’Homélies d’Organyà. Ce fut en effet
en 1904 que l’historien Joaquim Miret i Sans découvrit un
manuscrit sur parchemin comportant huit folios mesurant
18 x 12 cm conservé aux archives paroissiales d’Organyà
(33) Il s’agit d’un sermonaire incomplet en catalan. Le frag
.
ment en notre possession contient six pièces dont l’une
d’entre elles, la première, est incomplète. La structure de
ces sermons est très rudimentaire. On traduit d’abord les
textes sacrés, soit l’Évangile, soit l’épître, soit une leçon du
Bréviaire. La version est suivie d’un commentaire de trois
ou quatre textes importants de la lecture de l’Évangile, dans
lequel on fait référence parfois à l’Ancien Testament et aux
Pères de l’Église, notamment Saint Augustin et Saint Gré
goire. Le texte des sermons explique et commente l’évan
gile ou l’épître des dimanches de sexagésime, de quinqua-
gésime, du mercredi des Cendres, du premier dimanche de
Carême et du jeudi suivant. Griera a noté les provençalis-
mes nombreux du texte, tels mensonges = mentides, maiso
= casa, zélés, aiceles = aquelles, arma = anima, garenza
= protecciô. Il observe également la fréquence de dz pour
le son s, ce qui montre une influence provençale (34), et
il conclut que le compilateur aurait adapté au catalan des
sermons en provençal ; ces sermons ne seraient donc pas
des traductions faites directement sur le latin mais suppose
raient un intermédiaire provençal. On s’accorde d’ailleurs
à reconnaître que les Homélies d’Organyà ont des parallèles
dans des sermonaires provençaux ou piémontais. On observe
notamment la même structure dans les deux séries de ser
mons provençaux contenus dans le manuscrit 35.486 de la
Bibliothèque nationale de Paris provenant de l’abbaye Saint-
Martial de Limoges (35) et dans un sermonaire gallo-italien

(32) Cf. J. Villanueva, erp cit. p. 57.


(33) Le texte a été publié pour la première fois par J. Miret 1 Sans,
dans Revista de Bibliografia catalana, 1904, t. IV, pp. 30-47, 215-220. H a
été réimprimé par le même auteur dans J. Miret i Sans, Antics documents
de llengua catalana i Reimpressiô de les Homilies d’Organyà, Barcelona,
1915. On consultera aussi A. Griera, « Les Homilies d’Organyà. Transcripclô
dlplomàtica », dans Vida cristiana, n°« 21 et 22, 1917.
(34) Adnan Gôkçen, «The language of Homilies d’Organyà », dans Joseph
Gulsoy, Josep M. Sola-Solé, Catalan Studies. Estudls sobre el català.
Volume in Memory of Joséphine de Boer, Barcelona, 1977, pp. 57-69, estime
que l'élément provençal contenu dans ce texte est minime.
(35) Cf. Chabaneau, Revue des langues romanes, XVIII. p. 110.
(Xe -xii e siècle) provenant de la région de Turin (36). Griera
de conclure : « L’extension des sermons est la même dans
les trois sermonaires. La traduction littérale de l’Évangile
au début est exacte. La manière de citer les textes des livres
sacrés et leur exposition coïncident. L’indication des textes
grâce à des initiales apparaît dans les trois semonaires. La
formule adoptée pour s’adresser aux auditeurs est «Senyor
o frares cars ». La formule « zo diu » apparaît aussi dans les
trois sermonaires ».
A qui s’adressaient ces sermons ? Les avis sont assez
partagés. En raison de l’existence à Organyà, d’une église
collégiale qui vécut au xn e siècle sous l’influence des cha
noines réguliers de Solsona et de Cardona, Martin de Riquer
se demande si cette prédication n’aurait pas été faite en
présence des chanoines augustins (37). Cette hypothèse me
paraît peu vraisemblable, car si ces sermons s’adressaient
à des clercs, on n’éprouverait pas sans doute le besoin de
traduire perpétuellement en catalan le texte latin de l’Écri
ture à commenter. Des chanoines étaient familiarisés avec
le latin car c’est en latin qu’était récité notamment l’office
canonial.
Selon une autre opinion, ces sermons s’adresseraient au
peuple ; ils seraient l’application de l’ordonnance promulguée
déjà par Charlemagne en 813, selon laquelle la prédication
destinée au peuple devait être faite en langue vulgaire.
Cette opinion est soutenue notamment par A. Griera. J’avoue
pourtant que le sermon sur la femme cananéenne avec son
symbolisme compliqué ne semble rien avoir de populaire.
On a l’impression plutôt que la prédication s’adresse à quel
que cénacle fermé.
On a même soutenu que cette prédication comportait
quelques traces de catharisme. Jordi Ventura Subirats s’est
fait le protagoniste de cette théorie (38). Il note dans le
langage théologique des homélies des affinités avec les doc
trines cathares. Il signale notamment l’expression « bona fi »
dans une des homélies : « Et anaxi com los apostols prega-
ven per la ferma tôt exament pregan los preveres per totz
cristians que deus los aport a bona fi. » La « bona fi », dit-il,

(36) C. Fôrster, Gallo-italische Predigten, Rom. Studien IV, p. 7 et sq.


(37) Cf. M. de Riquer, Historia de la literatura catalana, Barcelona, 1964,
t. I, pp. 203-204.
(38) Cf. Jorge Ventura Subirats, « El catarismo en Cataluna », dans
Boletin de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona XXVTII, 1959-
1960, pp. 164 et sq.
Si jJj
dans l’homélie qui nous est conservée, la doctrine qui est
exposée est tout à fait orthodoxe. Par ailleurs, une phrase
comme celle-ci contenue dans ce sermon : deiunem la senta
qarentena ab almoines ab oracions ab bona volontad qe
deuem atendre a sancte eclesia a odir nostres monestirs » H c

(42), ne peut s’adresser à des cathares mais bien à des fidèles e

catholiques : « nous devons tenir en considération, dit le mfi'


prédicateur, la sainte Église, écouter nos monastères» (43). ÿ
p
III. Foyers d’hérésie dans la région de la serra de Cadi
et en Cerdagne au XIII e siècle
; tî.
. ;

Il est probable que l’hérésie pénétra à partir de Cas-


tellbo au-delà de la chaîne montagneuse de Cadi. On connaît #
des foyers d’hérésie à Berga, au château de Josa de Cadi ortü
'

et à Gosol. Dans le comté de Berga, le vicomte Arnaud de


Castellbo pouvait compter sur un ami et un soutien moral,
celui du troubadour Guillem de Berguedà, le vicomte assas
sin du vicomte Ramon Foie de Cardona le 3 mars 1175 (44).
Mais rien n’indique que le troubadour fut hérétique ; les
deux personnages avaient du moins en commun une haine
tenace contre l’évêque d’Urgell Arnau de Preixens. Le
vicomte de Castellbo est plus d’une fois nommé dans l’œu
vre poétique du troubadour. On peut lire notamment cet
encouragement lancé à la cantonnade à son ami à propos P
d’un sirventès :
« Ha Castelbon, Deus vos don re que us plaia,
e membre vos dels quatre jilz N’Albert,
qu’on non es pros qui ses colps tera pert. »
(Un sirventes ai en cor bastir XXI, VII)

(42) Cf. p. 13 de l'édition Griera.


(43) Cf. p. 13 de l’édition Griera.
Voici la traduction des divers passages cités des Homélies d'Organyà :
« Et ainsi comme les apôtres priaient pour la femme, tout pareillement
les prêtres prient pour tous les chrétiens afin que Dieu les conduise à la
bonne fin ».
« Seigneur, prie Dieu pour ce pécheur afin que Dieu me conduise à la
bonne fin ».
« Et à cause de cela, Seigneur, nous crions pitié et merci à Notre Seigneur
Jésus-Christ pour que en raison de l’abondance de nos pensées et désirs
charnels, il nous fasse parvenir en mémoire et en santé à la vraie pénitence b-
et à la vraie confession et nous donne la vie durable à jamais. A lui
appartiennent honneur et gloire ».
« Jeûnons durant la sainte quarantaine en faisant des aumônes et des
prières avec une bonne volonté pour que nous obéissions à la sainte église |
i u

..
et à nos monastères ».
(44) Cf. Martin de Riquer, Guillem de Berguedà (Scriptorium Populeti
n° 6), Abadia de Poblet, 1971, vol. I, p. 18.
« Ah Castellbo, Dieu vous donne ce qui vous plaît,
et souvenez-vous des quatre fils d’Albert (45)
parce que n’est pas preux, celui qui perd sa terre sans
[recevoir des coups ».
A quoi est-il fait allusion ? On sait qu’au mois d’avril
1190, le roi Alphonse signa à Vich avec l’approbation de
l’archevêque de Tarragone un pacte d’alliance avec l’évêque
Arnaud de Preixens, Ermengol VIII, comte d’Urgell et Ramon
de Sant Marti contre Arnaud de Castellbo. Martin de Riquer
estime que cette alliance justifie les vers du troubadour
encourageant le vicomte à ne pas se laisser déposséder de
ses terres sans lutter (46).
Un poème du troubadour pourrait faire allusion à une
pratique alimentaire cathare, comme l’a justement souligné
Jordi Ventura (47).
« Eu non cuidava chantar
car Razon non avia
mas Arnautz del Vilar
m'a mes er en la via ;
c’auzi l’autrier clamar
de Mon Sogr’ab sa corona
q’el no il det a Vora nona
del peis. e fes Vamagar» (48).

Moi je ne pensais pas chanter


«
parce que je n’avais pas de motif,
mais Arnaud de Vilar
m’a mis maintenant sur le chemin ;
car l’autre jour je l’entendis se plaindre
de mon beau-père avec sa couronne
parce qu’il ne lui donna pas de poisson
à la neuvième heure et le fit cacher. »
Le personnage appelé « Mon sogre », mon beau-père, n’est
n’est autre que Pere de Berga (49). L’explication la plus
simple de ce fait apparemment banal est qu’Amaud del Vilar
rendit visite à Pere de Berga un jour maigre et que ce der
nier par avarice aurait fait cacher le poisson au moment
du repas de midi. D’après une autre explication proposée

(45) Allusion à la Geste de Raoul de Cambrai § 89.


(46) Cf. Martin de Riquer, op. cit t. I. pp. 134-13.
(47) Cf. Jorge Ventura Subirats, «El catarlsmo en Catalufia », art. clt.,
p. 104.
(48) Cf. Martin de Riquer, Gulllem de Bergueda, t. H, p. 32.
(49) Cf. Martin de Riquer, op. cit. t. I, pp. 48 et sq.
par Jordi Ventura et acceptée par Martin de Riquer, Pierre
de Berga aurait obligé Arnaud del Vilar à enfreindre le pré
cepte cathare qui interdisait de manger de la viande, des
œufs et du fromage, mais qui permettait de consommer du
poisson. La seule objection à cette hypothèse est qu’Arnaud
del Vilar n’est à aucun moment qualifié d’hérétique par le
troubadour, et que le texte ne dit pas qu’il fut obligé de
manger de la viande. Mais Ventura signale qu’entre 1257
et 1258 l’inquisiteur Pere de Tenes donna l’ordre d’arrêter
R. Santon, B. d’Alio dont nous parlerons plus loin, et le
seigneur del Vilar dont nous ignorons le nom. El Vilar
pourrait désigner le hameau situé près d’Urtx en Cerdagne
et Arnaud del Vilar pourrait être l’ancêtre du seigneur del
Vilar condamné pour hérésie.
A Berga il faut signaler la famille hérétique des Bretos
en relation à la fois avec la vicomté de Castellbo et le
seigneur du château de Josa de Cadi. Nous reviendrons plus
loin sur son cas.
Dans une déposition reçue en 1238 par les inquisiteurs
est conservé le récit d’une tournée que firent pendant deux
ans plusieurs hérétiques en diverses régions afin d’y visiter
leurs corréligionnaires. Le parfait de la Mote et ses compa
gnons de voyage commencent à Villemur en 1221. En 1223,
ils étaient à Toulouse. En 1225 on les trouve notamment
à Pieusse où se tenait une réunion de plus de cent person
nes qui décida la création d’un évêché du Razès. Là le
témoin de la déposition du nom de Raymond-Jean de Abia
quitta le diacre de Caraman pour suivre le diacre de Cata
logne, Pierre Corona. Les voyageurs allèrent à Mirepoix
dans la maison des frères Barba, puis à Quier dans la mai
son d’Arnaud de Quier. De là, ils se rendirent à Cairol en
Cerdagne, qui doit désigner non pas l’actuel village de La
Tour de Carol mais le château de Querol dans la vallée du
même nom. Ils parvinrent finalement au château du seigneur
Raymond de Josa (in capite castri) où ils virent plusieurs
chevaliers qui les adorèrent « Ibi viderunt eos Raymundus
de Josa et alii milites sui et familia qui adoraverunt ipsos
hereticos. » Par Cervera et Berga, ils se rendirent ensuite
dans les montagnes de Ciurana où ils demeurèrent pendant
un an chez un certain Arnaud de Lagentis qui n’est pas
autrement connu (50). De là ils allaient à Terrides d’où les

(50) La déposition de ce récit est dans Doat, t. 23, pp. 260r-273. Il a


été déjà exploité par Jean Guiraud, Histoire de l’Inquisition au Moyen-Age,
t. n, pp. 154-156 et par Jordi Ventura, art. cit. pp. 91-92.
. hérétiques obtenaient des ressources. Raymond de Josa (51)
était bien connu comme adepte du catharisme. D’après des
documents postérieurs à sa mort, Raymond de Josa qualifié
de rcceptator, occultator, defensor, fautor et credens haere-
ticorum fut réconcilié par le cardinal P. de Benevento lors
de son voyage en 1214 (52). Mais il retomba dans ses
anciennes erreurs et il dut abjurer en 1238 avec sa femme
Timbors et son fils Guillem Ramon en présence de l’évêque
Pons de Vilamur lui promettant de ne plus aider les anciens,
les cathares et les croyants mais de les poursuivre. C’est
ce que nous apprend la confession faite par Raymond de
Josa devant l’inquisiteur Pons de Planés (Pons de Plane-
dis) (53). Notons en passant que ce religieux dominicain
inquisiteur d’Urgell mourut empoisonné en 1242 par les
Cathares de Castellbo où il était allé prêcher. Il fut enseveli
à la cathédrale de la Seu (54). Pere de Cadireta et Bernat
de Travesseres moururent aussi victimes des hérétiques. On
conserve encore au musée épiscopal de la Seu la châsse
de Bernat de Travesseres originaire probablement du village
de Travesseres, non loin de Martinet dans le Barida (54 bis).
D’après le P. Domenec, il fut tué à coups de couteau dans
la région de la Seu d’Urgell. Pierre de Cadireta, religieux
dominicain, comme les deux autres inquisiteurs, condamna
comme hérétiques, ainsi que nous l’avons vu plus haut,
Arnaud de Castellbo et sa fille Ermessinde. On lui attribue
la fondation du couvent de Dominicains de la Seu. D’après
le P. Domenec, il fut comme le diacre Etienne, lapidé par
les Cathares ; il fut enseveli dans le cloître du couvent des
Dominicains (55). On ne sait pas la date exacte de sa mort.
Il vivait encore en 1274. Après cette digression sur la mort
de trois inquisiteurs de la Seu, il nous faut revenir aux
foyers d’hérésie dans la région de la serra de Cadi.
A Gosol, non loin de Josa de Cadi, il y avait en 1256
tout un groupe d’hérétiques. Gosol faisait partie de la baron
nie de Pinos et, de ce fait, le seigneur Galceran de Pinos

(51) Sur le château de Josa. cf. Els Castells Catalans, Barcelona, 1976,
vol. V, pp. 902, 903, 939, 952.
(52) Cf. Arch. Cap. d’Urgell, Cartulaire, vol. n, fol. 71 et es. Voir le texte
en appendice.
(53) Cf. Arch. Capit. de la Seu d'Urgell, Cartulaire, vol. II, fol 71 et ss.
(54) P. Fray Antonio Vicente Domenec, Historia General de los Santos,
V varones ilustres en Santidad del Principado de Cataluha, Gerona, 1630,
PP. 274 et sq ; A. Salsas, La Cerdagne espagnole, Perpignan, 1899, p. 186.
(54 bis) Cf. Dr Jaunie Marti Sanjaume, Dietari de Puigcerdà, Rlpoll, 1926,
t. I, pp. 334-339.
(55) Cf. Domenec, op. cit. pp. 279-280.
se fait prêter par l’archevêque
de Tarragone, sous garantie,
pour un certain temps, ses hommes de Gosol emprisonnés
à Tarragone pour fait d’hérésie. Ils sont au nombre de qua
torze : A. de Baucebre, F. F. B. de Paratge et uxor ejus,
Guilleme et Na Pairis, B. Zabate et uxores eorum, B. Torner,
Barchinona Balagarii, R. de Serres, F. Traper. L’historien
Serra i Vilarô, qui nous a donné de connaître ce texte, n’a
pas compris qu’il s’agissait de Cathares. Il commente ainsi
ce document : « Cap a mitjans del segle XIII, alguna heret- I
gia infestà els dominis dels barons de Pinos, Vorigen de la
quai havia d’esser en centres culturals d’importància major p :
'

que la d’aquells llogarets apartats i muntanyosos de què 1 :

ens parlen els documents que no diuen en que consistia


l’heretgia » (56).
Le centre important de diffusion de l’hérésie soupçonné 3lt'
par Serra i Vilarô était sans doute le château de Josa de
iiasi c

Cadi et surtout Castellbo, la capitale de la vicomté du même P


nom, dont le seigneur entretenait des relations avec celui if
de Josa (57).

IV. Une famille d’hérétiques : les Bretos de Berga

(56) Cf. Domenec, op. cit. pp. 282-284.


(57) Cf. Joan Serra i Vilarô, Baronies de Pinos i Mataplana. Investlgaciô
als seus arxius, Barcelona, 1950, t. HI, p. 335.
(58) Cf. Doat, t. 24, pp. 182-192.
(59) Cet inquisiteur était particulièrement redouté et à l'époque de Ber
nard Gui son nom Jetait encore l'effroi parmi les adeptes de l’hérésie
(cf. Y. Dossat, Les crises de l’Inquisition toulousaine au XIIle siècle (1233-
1273), Bordeaux, 1959. p. 90).
(60) On peut hésiter entre la profession de Raymond ou son patronyme.
(61) Cf. Y. Dossat, op. cit. pp. 125, 126, 314.
(62) Cf. Y. Dossat, pour les précisions et circonstances de la capitulation,
dans «Le Credo et la Morale de l'Inquisition», Cahiers de Fanjeaux, tome 6,
Tououse. 1971, p. 366.
Or nous savons qu’Arnaud fut pris pendant le Carême 1244
probablement après la chute de Montségur. A la mi-Carême,
qui tombait cette année le 13 mars 1244, on sait que les
hérétiques quittèrent la forteresse (63). Cependant rien dans
>
la déposition d’Arnaud de Bretos ne permet de dire, comme
l’affirme gratuitement Jorge Ventura Subirats que cet héré
tique cherchait à gagner Montségur quand il tomba aux
mains de l’Inquisition (64). Sa déposition révèle au contraire,
qu’il fut fait prisonnier lorsqu’il tentait de se rendre en
Lombardie.
Les dépositions d’Arnaud sont faites dans l’ordre chro
nologique des événements dont il a été le témoin. En pre
mier lieu, il donne le récit fort circonstancié des conditions
et de la manière dont sa mère, Guillema de Bretos, reçut le
consolamentum à Berga trente ans auparavant, c’est-à-dire
en 1214. Celle-ci était tombée gravement malade et ses
deux fils Raymond et Pierre se préoccupèrent de lui pro
curer le secours de la religion cathare. Ils envoyèrent
quérir à Puivert (Podium viride) deux hérétiques : Pons i
Beruehno (?) et son socius. Il est significatif qu’on aille
>

chercher si loin de Berga dans le Quercorb, au nord des


Pyrénées, deux ministres cathares pour administrer le conso
lamentum à Guillema de Bretos. Ce fait semblerait indiquer
que vers 1214, il ne devait pas encore y avoir à Berga ou
dans la Cerdagne voisine de centre hérétique auquel on
pouvait s’adresser en toute confiance. Nous avons vu que
précisément en 1214, à l’époque de la maladie de Guillema,
le seigneur Raymond de Josa de Cadi, proche voisin de
Berga, qualifié de receptator, occultator, defensor, fautor
et credens haereticorum avait été réconcilié dans la foi catho
lique. Il n’était donc guère prudent de s’adresser au château
de Josa pour obtenir les secours de la religion cathare.
Il faudra attendre pour le faire que le seigneur Raymond
de Josa retombe dans ses anciennes erreurs ; ce sera lors
de la maladie de Pierre de Bretos, ainsi que nous le verrons
plus loin.

Description du consolamentum de Guillelma de Bretos.


Les deux ministres cathares placés devant le lit de la
malade lui posèrent la question rituelle : veut-elle se rendre
à Dieu, à l’Évangile et aux bons hommes ? (utrum vellet se

(63) Cf. Y. Dossat, art. cit. Cahiers de Fanjeaux, tome 6, p. 367.


(64) Art. cit. p. 125.
reddere Deo et Evangelio et bonis hominibus ; scilicet haere-
ticis) (65). La malade ayant répondu affirmativement, elle
promet à la demande des hérétiques de ne pas manger
à l’avenir de viande, d’œufs, de fromage ni de graisse
(uncturam) (66) à l’exclusion d’huile et de poissons. Elle
jure en outre « de ne pas mentir, de ne pas avoir de rela
tions sexuelles (nec aliquam libidinem exerceret) le reste
de sa vie et de ne pas quitter la secte hérétique par peur
du feu, ou de l’eau ou d’un autre genre de mort. » Cette
promesse une fois reçue par les deux ministres, ceux-ci lui
imposent les mains et le livre qu’ils placent sur sa tête,
puis lisent et prient. Ils lui font réciter ensuite le Pater
Noster selon le rituel hérétique et lui donnent la paix avec
le livre.
Ces rites bien connus des spécialistes du catharisme
nécessitent pourtant quelques explications. Ils sont décrits
approximativement dans les mêmes termes lors du conso-
lamentum de Raymond Jean de Abia par Pons Guilabert (67).
La description brève et nécessairement résumée d’Arnaud
correspond aux grandes étapes du Rituel cathare. D’abord
le croyant devait se tenir devant l’Ordonné et répéter ce
que disait l’Ancien qui était auprès de l’Ordonné en ces
termes : « Moi, je suis venu à Dieu, à vous, à l’Église et
à votre saint ordre pour recevoir le perdonum et la miséri
corde de tous les péchés que j’ai commis moi-même et faits
en quelque temps que ce soit et jusqu’à maintenant » (68).
Après le serment de respecter les observances alimentaires
de la secte, de ne plus mentir et d’observer les interdits
sexuels, suivait, d’après le récit d’Arnaud de Bretos, l’im
position des mains et du livre sur la tête du croyant, accom
pagnée de lectures et de prières, ce qui correspond aux
prescriptions du Rituel cathare : « que le croyant se lève
alors et pose sa main sur la table devant l’Ordonné. Et que

(65) Doat, t. 24, 183 recto.


(66) II est évident qu’unctura, latinisation de untura vient du verbe
catalan untar « graisser, oindre » et vise ici la graisse animale : cf. Christine
Thouzellier, Rituel Cathare (Sources chrétiennes), Paris, 1977, p. 174. Le
verbe untar, unchar et le substantif onchura, unchura existent aussi en
occitan (cf. L. Alibert, Dictionnaire occitan-français, Toulouse, 1966).
(67) Texte dans Doat 23 fol. 260 v, cité par Chr. Thouzellier, op. cit.
p. L 73, note 71. On pourrait citer maints autres exemples.
(68) Cf. Chr. Thouzellier, Rituel Cathare, pp. 255-256. Le rituel cathare
nous est connu par un manuscrit latin de Florence et par un manuscrit
provençal de Lyon. Le texte latin serait plus ancien que celui de Lyon, le
provençal étant un abrégé du latin. Le texte provençal aurait été écrit dans
le Tarn ou l’Aude dans la seconde moitié du xme siècle (cf. Thouzellier,
op. cit. pp. 22-23).
l’Ordonné place le livre sur sa tête, et que tous les mem
bres de l’Ordre et les chrétiens qui seront là lui imposent
la main droite. Et que l’Ordonné dise : « Au nom du Père
et du Fils et du Saint Esprit. » Et que celui qui est auprès
de l’Ordonné dise : « Amen ! » Et que tous les autres le
disent clairement. — Que l’Ordonné dise alors : « Bénissez,
ayez pitié de nous ! Amen. Qu’il nous soit fait, Seigneur,
selon ta parole : que le Père et le Fils et l’Esprit Saint
vous remettent et pardonnent tous vos péchés. Adorons le
Père et le Fils et l’Esprit Saint ; adorons le Père et le Fils
et l’Esprit Saint. Père saint, juste, véridique et miséricor
dieux, pardonne à ton serviteur, reçois-le dans ta justice. —
Notre Père, qui es dans les cieux, que ton nom soit sanc
tifié. » etc. — Et qu’il dise cinq oraisons à haute voix sui
vies de : « Adorons le Père et le Fils et l’Esprit Saint » trois
fois. Et ensuite : « Au commencement était le Verbe. » etc.
L’Évangile fini, qu’il dise trois fois : « Adorons le Père et le
Fils et l’Esprit Saint » et ensuite une oraison. Et finalement
qu’il dise trois fois : « Adorons... » et qu’il rende grâce. Et
que le chrétien baise le livre ; puis qu’il fasse trois révé
rences en disant, etc. ». Le Pater est récité par l’officiant
et non par le malade, comme le rapporte le témoin. Le récit
de ce dernier semble donc faire allusion au rite de la
livraison du Pater (69) qui dans la primitive Église était
réservé aux seuls baptisés.
Précisons enfin que selon la déposition, la paix est don
née avec le livre et non de bouche à bouche, car il s’agit
d’une femme, ce qui est conforme, d’ailleurs, au Rituel pro
vençal : « E puis devo far patz entre lor et ab lo libre. E si
crezentz i a fasan patz dtressi, e crezentas si n’i a fasan
patz ab lo libre e entre lor. » « Et ensuite ils doivent faire
la paix entre eux et avec le livre. Et s’il y a des croyants,
qu’ils fassent la paix entre eux et s’il y a des croyantes,
qu’elles fassent la paix avec le livre et entre elles » (70).
La pratique était donc en accord avec le Rituel ainsi que
le rapporte par ailleurs Arnaud de Bretos, témoin de la
scène à Montségur : « et accipiebant pacem a praedictis
haereticis, scilicet homines osculantes haereticos bis in ore
extranverso dictorum, osculabantur alter alterum sese ad
invicem, similiter bis in ore extranverso mulieres accipiebant

(69) Cf. Chr. Thouzellier, op. cit. en appendice et pp. 33 et sq.


(70) Cf. h. Clédat, Le Nouveau Testament traduit au XIIle siècle en
langue provençale, suivi d'un rituel cathare. Photolithographie. Bibliothèque
de la Fac. des Lettres de Lyon, IV), Paris, 1887 ; R. Nelli, Écritures cathares.
Paris, 1968, p. 225 et Chr. Thouzellier, Rituel Cathare, appendice, 22.
pacem a libro haereticorum, postea osculabantur adinvicem
bis in ore extranverso » (71). Et ils recevaient la paix des
hérétiques susnommés, de la sorte : les hommes leur don
naient deux fois un baiser sur la bouche et par côté, ensuite
il se donnaient le baiser l’un à l’autre à tour de rôle ;
pareillement les femmes recevaient la paix du livre des
hérétiques puis se donnaient mutuellement un baiser sur la
bouche deux fois et par côté. L’intérêt de la description
d’Arnaud de Bretos est de nous confirmer dès le début
du xm e siècle la fixation des rites du consolamentum corres
pondant de façon substantielle aux prescriptions du Rituel
cathare.

Uhérétication de Béatrice de Bretos.


Profitant de la présence de deux ministres hérétiques
de Puivert à Berga, on fait hérétique Béatrice, la sœur
d’Arnaud, de Raymond et de Pierre de Bretos en présence
de ses frères. La cérémonie finie, tous les membres de la
famille adorent les ministres hérétiques en fléchissant à
tour de rôle le genou et en disant trois fois : « Bénédicité ».
Après le dernier « Bénédicité », ils ajoutent : « Priez Dieu
pour ce pécheur, qu’il me fasse bon chrétien et me conduise
à la bonne fin ».
Plusieurs repas furent pris en commun dans la famille
Bretos : on y mangeait du pain béni par les hérétiques et
d’autres mets. Pour chaque nouveau plat, et d’abord pour
la boisson (in primo potu) chacun disait : Bénédicité et les
hérétiques répondaient : Dieu vous bénisse ! (72). Au bout
de huit jours de présence dans la famille Bretos, lorsque
la mère était convalescente, les deux officiants retournèrent
à Puivert.
Vers 1230, Raymond de Bretos était tombé gravement
malade, sans doute à Berga, d’une maladie dont il mourut.
Le témoin rapporte que Raymond envoya son neveu Albiol
à Castellbo chercher des hérétiques qui pussent l’hérétiquer
et le consoler (qui haereticarent et consolarent eum) mais
il ne trouva personne qui pût apporter les secours de la
religion cathare au moribond. On imaginera volontiers le
nombre d’heures de route de Berga à Castellbo et de Cas
tellbo à Berga, à travers les montagnes du Cadi, d’accès

(71) Doat, t. 24, 186 verso et 187 recto.


(72) Pour ces repas rituels pris en commun, cf. J. Guiraud, Histoire de
l’Inquisition au Moyen-Age, Paris, 1936, t. I. pp. 178 et sq.
difficile, que nécessita le voyage d’Albiol. En raison de ces
grandes distances parcourues en vain, on n’alla plus cher
cher des secours spirituels à Castellbo mais à Josa de Cadi,
lorsqu’à son tour, vers 1234, Pierre de Bretos tomba grave
ment malade dans sa maison de Berga (cum Petrus de
Bretos infirmaretur in domo sua infirmitate de qua obiit
apud Berga) et non pas à Castellbo, comme le dit par erreur
Jorge Ventura Subirats (73). Le frère du malade témoin de
la déposition et son neveu Albiol amenèrent au malade un
certain Guillaume de Puteo (Guillem de Pou ?) et Vital Terrer
son socius, qu’ils allèrent chercher au château de Josa. La
déposition précise qu’un gardien du château (excubia dicti
castri) dont le nom n’est pas mentionné leur livra les deux
hérétiques. Ceux-ci placés devant le lit du malade lui deman
dèrent s’il voulait se rendre à Dieu et à l’Évangile et aux
bons hommes. Pierre de Bretos ayant répondu affirmative
ment, ils lui donnèrent le consolamentum en présence du
témoin, de Pierre Albiol, de Bernarde, femme du malade, de
Bernard Olibia, tous habitants de Berga. Le malade légua,
sur son lit de mort, aux hérétiques cent sous de Barcelona
que sa femme était tenue de payer (74).

Un centre cathare organisé à Castellbo vers 1224

Cette date approximative nous est fournie par le témoi


gnage d’Arnaud de Bretos. Il déclare avoir vu prêcher à
Castellbo, en Catalogne, Guillaume Clergue, diacre des héré
tiques et son socius, dans une maison qu’ils avaient là au
su de tous. A cette prédication assistaient Arnaud, vicomte
de Castellbo, Ramon de Castellarnau et Galceran son frère,
chevaliers, Berenguer de Pi, chevalier, le témoin lui-même.
Toutes les personnes présentes, le sermon terminé, adorèrent
les deux hérétiques (75). Il importe d’observer que le diacre
Guillaume Clergue n’était pas d’origine catalane. Il venait
du pays de Pamiers et déjà, vers 1200, il était diacre et prê
chait à Dun sur la place publique, ainsi que l’atteste en
1246 Pierre-Guillaume d’Arvinha (76). La présence du diacre
Clergue à Castellbo, étranger à cette région, indique bien

(73) Art. cit. p. 87.


(74) Il n’est pas dit dans le texte que le malade guérit, comme le souli
gne à tort Jorge Ventura Subirats, art. cit. p. 87.
(75) Doat, t. 24,184,20.
(76) « Item vidit Willelmum Clergue diaconum haereticorum et socium
suum haereticum in communi platea de Duno et praedicaverunt ibi dicti
haeretici» (Doat, 24,211,20).
que l’hérésie cathare avait été implantée dans la capitale
de la vicomté par des éléments venus du nord des Pyrénées.
En 1224, la communauté cathare de Castellbo sans doute
fort jeune, avait besoin du soutien du prédicateur languedo
cien qui était peut-être son fondateur.

La renaissance du foyer cathare du château de Josa


vers 1232.
Cette date approximative nous est encore fournie par la
déposition d’Arnaud de Bretos. Nous avons vu plus haut
que le seigneur de Josa, Raymond, était connu depuis le
début du xnr siècle pour ses croyances cathares, et son
soutien à l’hérésie, puisqu’il avait eu besoin d’être réconcilié
avec l’Église catholique en 1214 (cf. Appendice). Or, vers
1232, le seigneur était de nouveau cathare. Arnaud fait état
d’un véritable conventicule hérétique réuni au château de
Josa : outre sa femme Timbors, il y avait là son frère
Guillem de Solà, Pierre Blanc, Guerreiat, Timoneda et le
témoin lui-même. Cette réunion était animée par deux héré
tiques, Pierre Corona et son socius Guillelmus Puteum
(Pou ?). Le premier n’était autre que le diacre de Catalogne
bien connu par la déposition faite en 1238 par Raymond-
Jean de Abia qui fait état d’une tournée dans laquelle prirent
part le parfait Bernard de la Mote et ses compagnons à
travers le Languedoc depuis Villemur jusqu’en Catalogne.
Il semble que Pierre Corona s’était rendu au concile cathare
de Pieusse où l’on décida la création d’un évêché du Razès.
Cet événement se situe vers 1225 (77). De là, comme nous
l’avons déjà dit, Pierre Corona se rendit en Catalogne en
passant par Carol et Josa où il rendit visite au seigneur
du lieu.

L’extension du catharisme jusqu’à la région de Tarragone.


Vers 1243, à Vallporrera (78), près de Tarragone, un
certain Bernard Narbonès donne l’hospitalité aux hérétiques
Arnaud de Bretos et son compagnon Guillaume Catala. Il y
avait là réunis dans la maison de Bernard Narbonès plu
sieurs membres de sa famille : sa femme Francisca, son frère
Pierre Narbonès et plusieurs habitants de Vallporrera : Pierre
Girberta, Arnau Maistre, Pierre de Urgell. On signale aussi

(77) Cf. Doat, t. 23, 269 recto, 270 verso.


(78) Porrera est actuellement un ajuntament du Prlorat.
la présence d’un « nuntius » de Bernard Narbonès, c’est-à-
dire d’un messager destiné sans doute à guider les deux
visiteurs hérétiques. Vers la même époque on trouve par
deux fois nos deux hérétiques à Gallicant, dans la montagne
de Ciurana (79) dans la maison de Raymond qui avait trois
enfants. La deuxième fois ce sera pour administrer le conso-
lamentum à Raymonde, la maîtresse de maison qui était
tombée gravement malade. Une deuxième fois, vers la même
époque, Arnaud de Bretos et son compagnon se rendent
à Vallporrera dans la maison de Bernard Narbonès où ils
trouvèrent Aimeric et Raymond Arquer : ils leur dirent de
se rendre à Montségur de la part de Bertrand Marti, évêque
des hérétiques (de mandato Bertrandi Martini Episcopi hae-
reticorum). Ils se mirent en route pour Montségur et furent
de retour quinze jours après à Vallporrera. D’après ces indi
cations, il semblerait qu’il n’y avait à cette époque, aucun
évêque cathare de Catalogne et que l’on se contentait d’un
simple diacre de Catalogne, Pierre Corona. Bertrand Marti,
évêque des hérétiques, résidant alors à Montségur, devait
avoir sans doute juridiction sur les communautés cathares
de Catalogne (80). Au xive siècle il y avait en Catalogne
dans la région de Tarragone, Bélibaste, un berger assassin
devenu chef spirituel des cathares (81). Il jouait en quelque
sorte un rôle d’évêque.
Enfin un dernier témoignage d’Arnaud de Bretos : parmi
les localités de Catalogne où résidaient des hérétiques, il
faut nommer Sa Sentit ou Assasentit (82) où la famille de
Carbonela était tombée dans le catharisme.

Carol en Cerdagne, relais de l’hérésie.

Comme on le voit, la Cerdagne proprement dite n’appa


raît guère dans la longue déposition d’Arnaud de Bretos.
Il s’agit surtout des confins de la Cerdagne, Josa de Cadi,
Castellbo, Berga, puisqu’il faut considérer comme une erreur
de Jordi Ventura Subirats la prétendue lecture montana

(79) Il
s’agit de Siurana de Prades situé à 4 km de la commune de Cor-
nudella de Montsant, à 737 mètres d’altitude.
(80) Sur Bertrand: Marti, cf. J. Guiraud, Histoire de l’Inquisition au
Moyen-Age, t. 1, pp. 203-204.
(81) Cf. M. Delcor, « L’Ascension d’Isaïe » à travers la prédication d'un
« évêque cathare en Catalogne », dans Revue de l’Histoire des Religions,
1974.
(82) H pourrait s'agir de Sentiu de Gava ( ? ) dans le massif du Garraf.
Cerdana (83) de la déposition de Raymond-Jean de Abia (84)
ou la montanea de Cerdana (85) du récit d’Arnaud de Bretos.
Dans les deux cas il s’agit en réalité de la « montana de
Ciurana ». Dans les deux dépositions Carol en Cerdagne
apparaît comme un relais de l’hérésie. D’après Raymond-Jean
de Abia, les hérétiques lors de leur grande tournée qui les
conduisit en Catalogne où ils rendirent visite à des correli-
gionaires, trouvèrent l’hospitalité à Carol pendant une nuit,
avant de poursuivre leur route vers Josa de Cadi. Le docu
ment ne précise pas malheureusement le nom de la maison
de Carol qui leur donna l’hospitalité. Le témoin se contente
de dire après leur halte à Quier dans le Savartès : « dicit
etiam quod inde venerunt praefati haeretici et ipse cum eis
apud Cairol (sic) et ibi hospitati fuerunt cum quodam qui
hospitabatur et ibi iacuerunt et in mane discesserunt inde et
venerunt apud Josam... » (86). Par contre, Arnaud de Bretos
mentionne le nom d’un habitant de « Querol de Cathalonia »
qui assista à son consolamentum à Montségur dans la mai
son de l’évêque Bertrand Marti. Il s’agit de Pons de Narbona
qui n’est pas autrement connu. Avec les autres participants
à la cérémonie, il adora les hérétiques (87).

V. Le cas du viguier de Cerdagne Guillem de Niort

La famille de Niort (ou d’Aniort) dont les possessions


avaient pour centre le village de Niort, situé dans les gorges
du Rebenty au pays de Sault, entre la haute vallée de l’Aude
et le comté de Foix (88), fut sérieusement impliquée dans
l’hérésie albigeoise dont certains de ses membres furent des
adeptes notoires. Le professeur américain Walter L. Wake-
field a récemment consacré une importante étude à cette
famille intitulée : The family of Niort in the Albigensian
Crusade and before the Inquisition (89). Cet historien remar
que à juste titre qu’il n’est pas facile de retracer la généalo-

(83) Cf. J. Ventura Subirats, art. cit. p. 92.


(84) Doat, t. 23, p. 271, verso.
(85) Doat, t. 24, p. 188, recto.
(86) Doat, t. 23, p. 271, recto.
(87) Doat, t. 24, p. 186, recto.
(88) Le château d’Aniort est mentionné dès 1100 (cf. Histoire du Langue
doc. t. V, preuve 173, 3°).
(89) Dans Names, vol. 18, n° 2, Juin 1970, pp. 97-117 et 286-303. Déjà
J. Guiraud avait étudié les démêlés de cette famille avec l’Inquisition dans
son Histoire de l’Inquisition, Paris 1938, t. Il, pp. 8 et sq. Y. Dossat, c La
répression de l’hérésie par les évêques », dans Cahiers de Fanjeaux, vol. 6,
Toulouse, 1971 a aussi consacré plusieurs pages à l’enquête sur les Niort et
leur condamnation, pp. 241-247.
CATHARISME EN CERDAGNE 289

don des dîmes du Plà de Llonat, entre les Masos et Eus,


au monastère du Canigou en présence de Garcia Perez,
viguier de Roussillon et G. d’Aniort, viguier de Cerdagne (94).
En 1225, la charte de poblaciô de Bellver, en Cerdagne, par
laquelle Nunyo Sanche accorde des franchises et des privi
lèges à ceux qui viendront s’établir dans la nouvelle fonda
tion a été donnée à Puigcerdà en présence de Guillaume
d’Aniort, le premier d’une longue liste de témoins, sans que
pourtant apparaisse son titre de viguier (95).
En 1229, dans l’acte de donation par Pierre de Fenollet
à Nunyo Sanche du château et de la vicomté de Fenollet,
Guillelmus d’Aniort apparaît comme témoin (96) mais il n’est
pas désigné comme viguier. En 1233 un acte de concorde
entre Nunyo Sanche et Roger-Bernard comte de Foix au sujet
des fortifications (forcias) édifiées à nouveau en Cerdagne
et en Baridà porte dans l’ordre suivant les signatures de
Nunyo Sanche, Roger-Bernard, Roger de Comminges, comte
de Pallars, Hue de Mataplana, G. d’Aniort, Galceran de Pinos,
Loup de Foix, Guillem de Portella (97). Dans une charte,
Guillem d’Aniort est vassal de Nunyo Sanche pour le châ
teau et le village de Bellestavi à une date indéterminée (98).
Si l’on en croit Alart, un certain Guillaume d’Aniort exer
çait encore les fonctions de viguier en 1241 au moment
où Nunyo Sanche fait son testament (99). Mais Alart a soin
de préciser que Guillaume d’Aniort avait un fils qui portait
le même prénom que lui, d’où la possibilité que ce dernier
lui ait déjà succédé depuis longtemps.
D’après Jorge Ventura Subirats, qui ne cite malheureuse
ment pas ses sources, Guillem d’Aniort se serait marié en
1218 avec Sancia la sœur de Nunyo Sanche, fait qui expli
querait qu’il soit devenu le viguier de ce dernier (100).
Or d’après l’historien Jean Guiraud, c’est le frère de Guil
laume Gerald d’Aniort qui aurait épousé Sancia (101). Par

(94) Alart, op. cit. p. 116.


(95) Alart, op. cit. p. 124.
(96) Devic et Vaissète, Histoire générale de Languedoc, t. VIII, col. 899.
(97) Marca Hispanica, col. 1424-1425.
(98) Cf. P. M. Rossell. Liber Feudorum Maior, Barcelona, 1947, t. II,
P 369.
(99) Alart, op. cit. p. 109.
(100) Nunyo Sanche avait été excommunié par le pape Honorlus III
le 24 novembre 1218 (Hist. des Gaules EX. 673).
(101) Ct. Jean Guiraud, Cartulaire de Notre-Dame de Prouille, Paris,
1907, t. I, pp. CCLVI-CCLVÜ et du même auteur, Histoire de l'Inquisition
au Moyen-Age, t. I, p. 324. D’après l’historien Henry (Histoire de Roussillon,
Paris, 1835. 1« partie, p. 103), Nunyo Sanche n’avalt pas d'enfants légitimes.
ailleurs, si l’on en croit Wakefield, la femme de Guillaume
portait le nom de Cavilia et était une adepte cathare (102).
Une certaine incertitude plane donc sur le nom de celui des
frères Niort qui épousa la sœur du seigneur du Roussillon,
comme sur le nom de la femme.
Que savons-nous des activités de Guillem d’Aniort en
tant que cathare ou comme adversaire des croisés ? Les
seigneurs de Niort étaient traditionnellement les ennemis
jurés des archevêques de Narbonne. Leurs domaines respec
tifs étaient limitrophes dans le pays de Sault, la haute vallée m *

de l’Aude et la région de Quillan. Aussi les archevêques de


Narbonne eurent-ils à se plaindre à maintes reprises aux fcÿk
Lis$
papes et aux rois de France des empiètements et usurpa
tions que faisaient subir à leurs domaines les seigneurs
de Niort. En 1190, Raymond de Niort avait dû réparer «les »
dommages et les maléfices commis par lui à l’église de Niort pt 1

qui appartenait à l’archevêque de Narbonne» (103). Ce sont


les fils de Guillaume de Niort marié à Esclarmonde de
Laurac qui nous intéressent ici : c’est eux et leur mère qui m
eurent maille à partir avec les inquisiteurs et avec les croisés. piii $
Guillaume de Niort a été souvent confondu avec son fils,
le viguier de Cerdagne qui portait le même nom. Il mourut
entre 1226 et 1234. L’époux d’Esclarmonde de Laurac
avait quatre fils : Bernat Oth, Gérald, Guillem-Bemard e
Guillem. Ce dernier ne semble pas avoir pris part à la guerre plis
contre les croisés avant 1218. En effet la Chanson de la Lé!
croisade albigeoise mentionne par deux fois : En Guilelms
de Niort. Durant l’hiver de 1218-1219 ce personnage, en
compagnie du comte de Foix, des deux fils de ce dernier et
d’autres seigneurs, tels Jourdain de Cabaret, prend part à
une expédition guerrière en Lauraguais où ils enlèvent des
bœufs et des vaches, des villageois et des paysans, puis
ils viennent à Baziège où il se logent :

« ... En Guilelms de Niort, Jordas de Cabares | *8 doc

Ab lo comte de Foish intran en Lauragues 1*1

lit®
E prendon bous e vacas e vilas e pages ; N;
E venon a Vazeia e an los ostals près» (104). 1*1

»&!

(102) Doat XXIV, p. 97.


(103) Cf. J. Guiraud, Histoire de l’Inquisition au Moyen-Age, t. I, p. 325.
(104) Cf. La chanson de la Croisade albigeoise, éditée et traduite par
Eugène Martin-Chabot, t. III, pp. 260-261.
Un peu plus loin, nous apprenons que Guillaume de
Niort fut blessé à Baziège : « En Guilelms de Niort qu’es
nafratz » (105).
Wakefield observe à propos de ces faits de guerre sur
venus en 1218 auxquels a été mêlé un Guillaume de Niort :
« La participation du jeune Guillaume à ces événements est
invraisemblable s’il était au service du comte Nunyo Sanche
à cette époque comme le soutient Subirats » (106). L’objec
tion mérite qu’on y prête attention mais elle n’est pas insur
montable. On peut supposer que le jeune Guillaume, faidit
réfugié après de Nunyo Sanche dont il était devenu le
viguier, ait réellement pris part aux faits de guerre dont
parle la Chanson de la croisade (107). Mais on peut aussi
envisager qu’il s’agit simplement de son père.
Incontestable est par contre, la participation du fils Guil
laume de Niort avec son frère Guiraud et ses neveux, les
fils de Bernard Oth, à l’invasion armée des terres apparte
nant à Pierre Amiel, archevêque de Narbonne. Ce dernier
en effet était parti pour Rome à la fin de 1232 ou de 1233
pour exposer directement au pape Grégoire IX les graves
accusations qui pesaient sur les frères Niort. Le rapport que
l’archevêque présenta au pape nous est connu à la fois par
une lettre que ce dernier adressa au comte de Toulouse le
26 mars 1233 (108) et par la circulaire adressée aux suffra-
gants de l’archevêque de Narbonne. Le 15 mars Grégoire IX
informait, en effet, des mêmes méfaits tous les évêques
suffragants de la Province de Narbonne et déclarait excom
muniés les frères Niort (109). Les deux frères Guillaume

(105) Cf. La chanson de la Croisade albigeoise, t. III, pp. 278-279.


(106) Art. cit., p. 103, note 28.
(107) C’est l’opinion d’Elie Griffe, Le Languedoc cathare au temps de
la Croisade (1209-1229), Paris, 1973, p. 221, note 92.
(108) Cf. Potthast, Regesta Pontificum Romanorum, n° 9204.
(109) Cf. L. Auvray, Registres de Grégoire IX, n° 1170. Voici le résumé
des documents pontificaux concernant la famille Niort :
Le 7 mars 1233 le pape Grégoire IX demande au roi de France d'exhorter
le comte de Toulouse qu’il se sépare de la familiarité de tous les suspects
d’hérésie (Auvray, op. cit. ; n° 1165).
Le 8 mars 1233 il écrit à l’évêque et au prévôt de Toulouse ainsi qu’à
l’archidiacre majeur de Carcassonne que l’on procède contre B.W.G. de Niorto
et G. Bemardi fratres et matres eorum inculpés publiquement d'hérésie par
le concile de Toulouse (Auvray, op. cit. n° 1166), cf. Potthast, n° 9117
où il est question d'une lettre à l’archevêque de Narbonne et à Raymond
de Falgars. évêque de Toulouse sur le même sujet.
Lettre du 15 mars 1233 aux suffragants de l’archevêque de Narbonne
(Auvray, op. cit. n° 1170).
Le 2 mal 1233 Grégoire IX écrit aux suffragants de l’église de Narbonne
pour signifier que ni les fil6 ni les neveux de « W. G. et G. Bemardi de
et Guiraud de Niort, avec les fils de Bernard Oth, y est-il
dit, ont envahi à la tête de gens armés les terres de l’arche
vêque : les villages et castra. Ils ont arrêté et emprisonné
un certain nombre de personnes. Ils ont pris du bétail. Ils
ont même envahi la résidence de l’archevêque qu’ils ont
grièvement blessé, ils ont traité avec la plus grande violence
ses clercs qu’ils ont enfermés en prison. Ils se sont emparés
du pallium, signe de juridiction métropolitaine, des chapelles,
des montures et de beaucoup d’objets, propriété de l’arche
vêque. Ils sont enfin accusés d’avoir dévasté et incendié
le pays.
En fait, ce document est assez semblable à celui que
nous avons analysé plus haut à propos de la lutte qui oppo
sait le vicomte Arnaud de Castellbo à l’évêque d’Urgell.
Il n’y a dans les griefs faits aux frères Niort rien qui soit
le fait d’hérétiques, mais seulement de féodaux, si l’on
n’apprenait dans la même lettre que les deux frères Bernard
Oth et Guiraud de Niort excommuniés par le concile de
Toulouse n’étaient pas venus à résipiscence en se faisant
absoudre dans l’année de leur excommunication. Tous les
fils d’Esclarmonde n’étaient pas impliqués de la même façon
dans l’hérésie cathare. Bernard Oth était certainement un
des plus chauds partisans de la foi de sa mère et de sa
grand’mère. Quant à la mère, Esclarmonde, qui était une
parfaite, on sait la réponse qu’elle fit insolemment à l’ar
chevêque de Narbonne venu l’interroger sur sa foi en son
château de Roquefeuil (110) et qui y fut fort mal reçu :
« Ma croyance, dit-elle, est meilleure que la vôtre et que
celle de tous les prélats du monde » (111). Esclarmonde
éleva ses enfants dans l’amour des hérétiques. La chronique
de Pelhisson rapporte que Guillaume Arnaud, inquisiteur,
cita à Carcassonne Bernard Oth, Guillaume de Niort, son
frère, Gerald et leur mère. Bernard Oth et Guillaume compa
rurent devant le juge ; mais ils ne voulurent rien avouer
au sujet de l’hérésie et prirent congé de l’inquisiteur (112).

Aniorto fratrum et Bernardi filii B. Ottonis et eorum fautorum qui detes-


tabile facinus in archiepiscopum Narbonensem perpetraverant » ne peuvent
recevoir de bénéfice ecclésiastique. Le pape demande qu’on publie la prohibi
tion dans la province de Narbonne et qu’on la fasse observer (Auvray, op.
cit. n° 1284).
(110) Roquefeuil est situé dans l’actuel canton de Belcaire.
(111) Doat, t. XXI, fol. 34-35. Texte publié par C. Douais, Documents
pour servir à l’histoire de l'Inquisition, pp. LXI-LXIII.
(112) Cf. C. Douais, Les sources de l'histoire de l’Inquisition, Chronique
de Guilhem Pelhisso, Paris, 1881, pp. 100-101 ; cf. aussi la traduction com
mentée de cette chronique qui a été donnée par J. Duvernoy, Chronique de
Guillaume Pelhisson, Toulouse, 1958, p. 32.
CATHARISME EN CERDAGNE 293
1
*
Le lendemain, le sénéchal du roi de France les arrêta et
les garda prisonniers à Carcassonne. Interrogés à diverses
reprises Bernard Oth ne voulut pas avouer bien qu’on lui
ait trouvé beaucoup de choses contraires à la foi. Les inqui
siteurs le condamnèrent comme hérétique. Mais Guillaume
de Niort avoua et fut emprisonné ainsi que Gerald. Le
sénéchal Gui II de Levis aurait voulu les brûler mais on
le dissuada pour éviter de recommencer la guerre. Rappelons
aussi qu’en 1251, Raymond de Niort qui appartient à la
même famille fit l’objet, de la part de l’Inquisition d’une
procédure pour des faits remontant à vingt-cinq ans et
au-delà (113). Or Raymond de Niort est mentionné en 1220 '

dans un accord signé entre le vicomte Arnaud de Castellbo


et Nunyo Sanche, seigneur du Roussillon et de la Cerdagne.
Le vicomte de Castellbo se porte garant pour les méfaits
commis par Raymond de Niort, son neveu, sur les terres
de Nunyo Sanche (114). D’après ce document, Raymond de
Niort était donc le fils d’une sœur du vicomte Arnaud (115).
Le rappel de ces liens de parenté entre les familles Niort
et Castellbo n’est pas sans importance, car ils les unissaient
encore davantage dans la lutte que ces deux puissantes
familles menaient, chacune de son côté contre l’évêque
d’Urgell et l’archevêque de Narbonne, et toutes les deux
ensemble aux côtés des hérétiques albigeois.

VI. Bernard d’Alio ou de Llo et le rôle joué


par le château de So dans la haute vallée de l’Aude
lors du siège de Montségur
(Cf. Appendice, Tableau généalogique)

de situer ce château dans l’his


Il importe au préalable
toire et de marquer la place stratégique qu’il occupe dans
la haute vallée de l’Aude. Le château féodal de So est situé
actuellement dans la commune de Rouze (Ariège). Juché
sur un éperon au confluent de l’Aude et de la Bruyante, il
se trouve dans le Donnezan qui dépendait du comté de
Cerdagne. C’était la clé de la vallée de l’Aude, entre le
Capcir et le pays de Sault. En raison de son importance
stratégique pour la défense du comté, il est mentionné habi
tuellement dans les testaments des comtes de Cerdagne. Il

(113) Cf. Douais. Documents I. p. 63 et II, p. 145.


(114) Cf. Miret y Sans, Investigation historien sobre el vizeondado de
Castellbo, Barcelona, 1900, pp. 160-161.
(115) Jorge Ventura Subirats a essayé sans résultat de donner un nom
à la sœur du vicomte, art. cit. pp. 86-87.
apparaît incidemment et pour la première fois, semble-t-il,
au détour d’un texte juridique : il s’agit du testament du
comte Guifred de Cerdagne. A la veille de devenir moine
au monastère du Canigou, il rédige son testament et partage
son héritage entre ses sept enfants et la comtesse Elisabeth,
sa deuxième épouse (8 novembre 1035). Il donne à l’aîné
de ses fils Raymond le comté de Cerdagne avec le château
de So, ce qu’il détient de la terre de Razès, le Capcir, le <
comté de Confient avec ce qu’il possède en Roussillon. Le
même document précise que l’église de Molitg sera tenue
par Bernard de So (de Castro Sono) pour Bérenger, un des ;;
fils du comte de Cerdagne qui deviendra évêque de Gérone
(116). On déduira de ce testament que le castrum de Sono
existait déjà dans le premier tiers du xi e siècle et qu’il était
tenu par un certain Bernard pour le compte de Guifred de
Cerdagne. Nous ignorons pourtant quand il fut construit.
Il est probable qu’il existait déjà du temps d’Oliba-Cabreta
et on peut présumer que, comme celui de Puylaurens, il fut
construit par le comte Seniofred de Cerdagne. Le même
château de So est encore nommé du temps du comte Guil
laume-Raymond, le successeur de Raymond de Cerdagne.
Nous connaissons les noms des châtelains qui se succédè
rent au château de So à partir de 1117, date à laquelle le
comté de Cerdagne passa aux mains du comte de Barcelone
Ramon Berenguer III. Il était normal que les personnages
qui gardaient les châteaux du comté de Cerdagne prêtent
serment de fidélité entre les mains du nouveau souverain.
Nous trouvons successivement Arnaud de So, fils de Beren
guer Arnaud (117), Guillem Bernat « castlanus » de So (118),
Bernat de So (119). Mais en 1162, quand la prestation de
serment se fait entre les mains d’Alphonse le Chaste, roi
d’Aragon, comte de Barcelone et de Cerdagne, c’est Ber
nard d’Alione, fils d’Adalmodis, qui s’acquitte de ce devoir.
Il s’était en effet marié avec la fille d’Arnaud de So. Ce
sera un de ses descendants qui aura maille à partir avec
l’Inquisition au siècle suivant. Ce Bernard d’Alione était
originaire de Llo en Cerdagne et très vraisemblablement du
château du même nom qui faisait partie du domaine héré
ditaire des comtes de Cerdagne. Ce personnage fait son
apparition dans l’histoire en 1152 à propos d’un serment y
de fidélité prêté à Raymond Trencavel aux côtés de Ray-

(116) Cf. J. L. d’AcHÉRY, Spicilegium, t. III, p. 392.


(117) Liber feudorum maior, num. 244 (édition Rossell).
(118) Ibidem, n° 645.
(119) Ibidem, n° 646 et sq.
mond d’Aniort, de Pierre de Belcastel, d’Odon d’Aniort pour
le château d’Aniort et de Castelport (120). En 1177, le
même personnage est acquéreur des châteaux d’Aniort, de
Castelport et de Belfort dans la région de la haute vallée
de l’Aude (121). En 1179, Bernard d’Alio apparaît à diverses
reprises comme un des signataires de traités, conventions
ou serments faits par Alphonse le Chaste, roi d’Aragon avec
Roger, vicomte de Béziers et de Carcassonne. Il était sans
nul doute un des puissants seigneurs de la maison du roi
j§ d’Aragon. Les troubadours n’hésitaient pas à s’arrêter au
-G château de So, situé sur une des voies de pénétration en
Catalogne et où devait exister une petite cour. Ce fut le
cas de Peire Vidal, grand voyageur, qui vers les années
1190-1195 connut probablement à So la dame du seigneur
du lieu dont nous ignorons la véritable identité et dont nous
connaissons seulement le senhal : Bels Sembelis. Le trou
badour toulousain a sans doute emprunté ce nom à Bertrand
de Born chez lequel Bels Sembelis désignait une dame non
identifiée de la noblesse limousine. Ce qui est certain, c’est
que nous avons affaire à deux dames différentes. La Bels
Sembelis de Peire Vidal était d’origine cerdane comme nous
l’apprenons par le troubadour lui-même :

Bels Sembelis, per vos am mais Serdanha (122)


Bels Sembelis, par vous j’aime davantage la Cerdagne

Dans une autre chanson, le poète reprend la même for


mule avec des indications géographiques plus précises :
Bels Sembelis, Saut o So
Am per vos et Alio ;
E auar la vista a’m fo breus
En sui sai marritz e greus (123).
Bels Sembelis, vous me faites aimer Saut, et So et Alio ;
mais je vous ai vue si peu de temps
que j’en suis triste et affligé.

(120) Histoire de Languedoc, t. V, col. 1128.


(121) Cf. Abbé de Roquelatjre, Histoire de la haute vallée de l’Aude
d’après des documents authentiques inédits, Carcassonne, 1879. p. 70. Cet
auteur cite les archives de Quérigut : Inventaire et résumé des papiers et
titres du Donnezan. par Papy, notaire de Quérigut.
(122) Chanson 23, v. 79 (cf. J. Anglade, Les Poésies de Peire Vidal (2“«
édition revue).
(123) Chanson 33, v. 53-54.
L’auteur de la Vie du troubadour Peire Vidal a donné i "4 tf
à Bels Sembelis le prénom de Stéphanie (124) ; peut-être
a-t-il puisé cette information aujourd’hui inconnue de nous V.i ;

dans la connaissance qu’il avait de la noblesse de cette


région, peut-être aussi a-t-il inventé purement et simplement
ce prénom (125). De toute façon, il semble exclu d’identi-
fier Bels Sembelis avec l’épouse du premier Bernard de Llo ' I
.

que l’histoire nous ait révélé, puisque ce dernier avait épousé


la fille d’Arnaud de So, qui n’est pas proprement situé en
Cerdagne. Pour ce motif, le poète pouvait difficilement à
propos de cette dernière faire allusion à son origine cerdane
(Per vos am mais Serdanha). Sans doute s’agit-il de l’épouse ..

de Bernard II de Llo, puisque Bernard III avait pris pour


femme Esclarmonde de Foix, comme nous le verrons par
la suite. Les maîtres du château de So semblaient donc i:'
avoir de l’estime pour les poètes, et plus tard un des des- : 1

cendants de la famille de So, le vicomte d’Evol, du nom j ;' 1

de Bernat, écrira même un poème ou Vesio, véritable


tableau de l’état de l’Europe dans la seconde moitié du
XIVe siècle (126).
Mais revenons en arrière pour scruter les documents P -

qui nous parlent de Bernard de Llo. En 1185, Sanche, second I


fils du roi Alphonse, obtînt en apanage le Roussillon. A

l’occasion des guerres contre les hérétiques albigeois, la


maison de Bernard d’Alio, riche et puissante, fut fortement w
ébranlée. On sait que Pierre II d’Aragon, suzerain des comtés ïï
de Carcassonne et de Foix, soutenait la cause des héréti- au

ques tandis que son frère Sanche et le seigneur de Donnezan te


étaient favorables aux croisés. Bernard d’Alio reçut l’ordre r:
de se présenter à la cour de Pierre II et de livrer ses châ- 1
r
teaux aux officiers du roi. Sur son refus, tous ses biens è
furent confisqués. Les fiefs d’Evol et d’Estavar, les châteaux j Llo

de So et de Quérigut furent donnés au comte de Foix par Ér


un acte passé à Barcelone le 5 des ides de janvier 1208,
en présence d’un grand nombre de seigneurs qui approuvé- fi •

rent cette spoliation (127). Le crime de félonie du vassal


Ai!
H (irliii
,
(124) Cf. J. Boutière et A. H. Schtjtz, Biographies des Troubadours,
Textes provençaux des xme et xive siècles (Les classiques d'oc, t. I), Paris. 15^
1964, p. 368.
(125) Sur ce problème cf. Ernest Hoepffner, Le troubadour Peire Vidal.
Sa vie et son œuvre (Publications de la Faculté des Lettres de l’Université >
de Strasbourg, fasc. 141), Paris, 1961, pp. 97-98.
(126) Cf. La « Vesio » de Bernat de So, éd. A. Pagès, Toulouse-Paris, 1945
(127) Cf. Devic et Vaissète, Histoire générale de Languedoc, t. VI, p. 563 ;
J. Giralt, « Notice historique de la vicomté d’Evol, des communes d’Evol et
d’Olette », dans Bulletin de la Société agricole, scientifique et littéraire des
Pyrénées Orientales, t. 46, 1905, pp. 191-192 ; cf. Cartulaire ms. d’Alart, v. 63.
CATHARISME EN CERDAGNE 297

du roi Pierre d’Aragon était donc durement puni. Au prin


temps de l’année 1209, les troupes de Simon de Montfort
entrent en Languedoc. C’est le début de la croisade armée
contre les albigeois. Le 15 août Carcassonne se rendit aux
croisés. Pierre d’Aragon vola trop tard au secours de cette Mi

ville et fut obligé de se retirer. Il ne put empêcher les


Français de s’emparer d’une grande partie des territoires
dépendant de Carcassonne et de Foix. Bernard de Llo ou
d’Alio recouvra ses châteaux grâce au secours des Français.
Certains chevaliers venus pour la croisade héritèrent à cette
occasion de terres avoisinant celles de Bernard de Llo :
le comte d’Armagnac obtint la seigneurie de Carcanyères
qu’il inféoda à Pierre de Roquelaure tandis que Montrond
de Sauto reçut le fief d’Escouloubre. La mort de Pierre, roi
d’Aragon, tué à la bataille de Muret en 1213 eut de graves
conséquences pour ses protégés, les comtes de Toulouse
et de Foix qu’il était venu secourir contre les hommes du
Nord. Ils furent obligés de se soumettre. C’est alors que
le seigneur du Roussillon Nunyo Sanche se ligua contre les
Français pour les obliger à relâcher l’infant Jacques retenu
en otage. Aussi mena-t-il la lutte contre les croisés d’Amauri
de Montfort. Mais après avoir obtenu l’investiture de la
vicomté de Fenouillet il combattit à ses côtés en 1226.
Cette réconciliation de Nunyo Sanche avec les croisés valut
à Bernard de Llo la restitution de tous ses domaines. Au
mois d’avril 1226, précisément, Bernard de Llo vit arriver
au château de So l’abbé d’Ardorel. Celui-ci venait lui
demander de jurer sur les saints Évangiles d’obéir à l’Église
romaine en tout et pour tout, comme il avait promis de
le faire dès le début de la croisade entre les mains de Simon
de Montfort et d’Amauri son fils. De même, dit Bernard de
Llo, qu’il a jusqu’à présent gardé sa fidélité à la Sainte
Église, sa mère, et à ses seigneurs (entendons Simon de
Montfort et Amauri), de même il promet de garder une
fidélité entière à Louis, illustre roi des Français, son sei
gneur (128). Il se met, lui et ses châteaux, à la disposition
du roi de France : « omnia castra mea ponens et exponens
arbitrio voluntatis sue, promittens me per sacramentum cor-
poraliter prestitum obedire et obsequi mandatis ipsius per
omnia. » Le 30 janvier 1226, le roi Louis VIII s’était en
effet croisé contre les hérétiques méridionaux, une fois
assuré que s’il parvenait à conquérir le Languedoc, aucune
autorité ne viendrait lui disputer sa conquête. Deux jours
auparavant, le légat du pape, Romain de Saint-Ange, avait
solennellement excommunié le comte de Toulouse Raymond
VII et ses complices. C’est alors que beaucoup de seigneurs
et de villes du Midi offrent leur soumission au roi de
France devant la menace terrible que constitue l’arrivée de
son armée. C’est dans ce contexte qu’il faut situer le retour
nement de Nunyo Sanche qui combat aux côtés des Fran
çais et la soumission de son vassal Bernard de Llo à
l’Église et au roi de France. Si ce dernier a prêté successive
ment deux serments de fidélité à l’Église, c’est la preuve,
observe Jean Guiraud, que deux fois au moins il avait été
contre elle (129). Il est vrai pourtant qu’au début de la
croisade, il avait refusé de se joindre à son suzerain, le roi
Pierre d’Aragon, ce qui lui avait valu la confiscation de ses
châteaux et de ses biens. Ces faits indiquent les hésitations
et les oscillations de Bernard de Llo, vassal du très catho
lique roi d’Aragon et aussi seigneur puissant dont les pos
sessions jouxtaient celles du comte de Foix impliqué dans
la guerre contre les seigneurs du Nord. Il faut ajouter par
aillleurs que le château de So et ses dépendances étaient
traditionnellement l’objet de contestations entre le comte de
Foix et les rois d’Aragon qui en étaient traditionnellement
les suzerains en tant que successeurs des comtes de Cer-
dagne.

VII. Les déboires de Bernard III de Llo avec l’Inquisition I


%
(in
UU 1

k (jjî
L’histoire de la famille de Llo est difficile à démêler miê

parce qu’au moins trois de ses membres portent le prénom


de Bernard. J. Giralt, l’historien de la vicomté d’Evol, dis
tingue Bernard Ier de Llo, seigneur d’Evol, Bernard II de Llo
Su

et Bernard III de Llo (130). KO

Bernard III de Llo avait un frère qui portait le nom


d’Arnald de So et tous les deux étaient fils de Bernard h
de Llo. Ils apparaissent tous les deux en 1233 et en 1236.
En 1233, leur père Bernard II de Llo était déjà décédé, toi
ainsi que nous l’apprend l’acte de concorde passé entre
Nunyo Sanche, seigneur du Roussillon et Roger Bernard,
comte de Foix. Ce dernier avait été relevé de l’excommuni- ne

à:

fri
(129) Cf. J. Guiraud, Histoire de l’Inauisition au Moyen-Age, Paris, 1938,
i
t. II, p. 176, note 3.
(130) Art. cit. pp. et sq. Celui qui nous intéresse ici pour ses impli
189
cations dans l'hérésie cathare paraît être Bernard III de Llo. J. Guiraud se
demande si le Bernard d’Alio qui avait prêté successivement deux serments
de fidélité à l’Eglise était le même que le Bernard d'Alio, le prisonnier de
1257 (cf Histoire de l'Inquisition au Moyen-Age, t. II, pp. 176-177 en note).
cation en 1229 et remis en possession de son comté. Mais
il ne put rester en paix car il voulut reprendre ses droits,
notamment sur le Donnezan où étaient situés les châteaux
de So et de Quérigut et sur la vicomté de Castellbo dont
le comte de Foix avait hérité les droits. On ne sait pas
exactement de quel côté partit l’attaque ni quels furent les
faits de guerre dont la Cerdagne fut la principale victime.
Ce que l’on sait, c’est que les deux parties finirent par
demander la paix et nommèrent comme arbitres Bertrand
de Berga, évêque d’Elne, et Raymond, vicomte de Cardona.
Dans le premier article de ce traité, signé le 7 des ides
de septembre 1233 (131) les deux parties renoncèrent réci
proquement à demander une indemnité pour les méfaits et
dommages de guerre qu’ils avaient opérés ou subis, eux ou
leurs « valedors ». La guerre semble avoir eu pour principal
motif les nombreuses fortifications construites de part et
d’autre sans autorisation préalable et sans observer les
règles qui régissent ces faits en matière de fiefs. Aussi
trouve-t-on dans le traité de paix de nombreux articles qui
règlent la situation respective de toutes ces fortifications
anciennes ou nouvelles construites dans les domaines de
Nunyo Sanche et de son vassal, le vicomte de Castellbo.
Il est question des châteaux de Bolvir, d’Erilz (?), de Bellver,
de Prats, de Maranges, de Bolquère, de Quérigut et de So.
Pour ce dernier qui nous intéresse plus spécialement ici,
on stipulait qu’Amaud de So et son frère Bernard de Llo,
tant pour eux que pour feu Bernard de Llo, leur père, prête
raient hommage pour le château de So au comte de Foix
et que celui-ci tiendrait ce fief pour le compte de Nunyo
Sanche considéré comme suzerain au même titre qu’il avait
reconnu le roi d’Aragon. Si le comte de Foix venait à pos
séder les châteaux de So et de Quérigut avec leurs dépen
dances soit par la guerre, soit par un autre moyen, il devait
en droit (de jure) prêter hommage au seigneur Nunyo Sanche
comme les ancêtres de Bernard de Llo l’avaient fait au
comte de Cerdagne (132).
Trois années plus tard, en 1236, le comte de Foix Roger
Bernard donne sa sœur Esclarmonde comme épouse légale
à Bernard de Llo. Il lui fait une dot de 1000 sous de Mel-
gueil. En garantie de cette somme, Bernard de Llo et son
frère Arnaud de So cèdent au comte de Foix deux villages
du Donnezan : Artigues et Mijanès, ainsi que les vignes de

(131) - Cf. Marca Hispanica, col. 1423.


(132) Cf. ibidem.
Rouze (133). Ce mariage de Bernard de Llo avec Esclar- ÿ
monde de Foix a son importance pour comprendre les graves
événements qui vont suivre et en particulier les liens de
son mari avec le catharisme. L’épouse de Bernard de Llo
était en effet une Parfaite et le château de Montségur était
son fief (134). Elle en avait confié la garde et le gouverne
ment au sire Raymond de Perelha, un seigneur de la région
qui avait jadis combattu les croisés et les armées du roi
de France, et à Pierre de Foix qui avait été dépouillé à
Mirepoix de sa part de seigneurie par la croisade. Le contrat
de mariage de Bernard de Llo et d’Esclarmonde avait d’ail
leurs été signé par six chefs faidits : Pierre-Roger de Mire-
poix, son cousin Isarn de Fanjaux, Raymond-Sanche de
Rabat, Pierre de Mazerolles, Pons de Villeneuve et Ber
trand de Belpech. Cette Esclarmonde était la nièce d’une
autre Esclarmonde de Foix, rendue célèbre par la Chanson
de la croisade contre les albigeois (135). Elle était la sœur
du comte de Foix Raymond-Roger. Devenue veuve de Jour
dain de l’Isle-Jourdain, elle se fit hérétiquer à Fanjeaux en
1204 accompagnée de trois dames de Fanjeaux qui reçurent
avec elle le consolamentum (136). Au concile du Latran de
1215, le comte de Foix tiendra à dégager sa responsabilité
si l’on en croit la Chanson de la croisade :

E si ma sor fo mala ni femma pecaitritz


Ges per lo sieu pecat no dei estre peritz.

(133) Cf. Histoire de Languedoc, t. VIII, col. 959.


(134) Roger-Bernard répondit en effet à l’évêque Foulque de Toulouse
qui lui reprochait de donner asile aux hérétiques à Montségur « Que jamay
el non era estât mestre ny senhor, car son vayre quand morut, le donat a
sa sor que ne fossa donna et senhoressa » (Chronique Languedocienne, dans
Hist. de Languedoc, Vaissète-Molinier, t. EX, col. 105).
(135) La chanson de la Croisade, t. n, p. 52, n° 145.
(136) Cf. Hist. de Languedoc, t. VIII, col. 1150.
(137) Sur Esclarmonde de Foix, voir l’étude de J.-M. Vidal, «Esclarmonde
de Foix », dans Revue de Gascogne, 1911, pp. 53-79.
CATHARISME EN CERDAGNE 301

ainsi que l’avoua plus tard son neveu le comte de Foix


Roger-Bernard lors d’une confession faite devant les inqui
siteurs (138).
Les graves événements qui concernent Bernard de Llo
se situent lors du siège de Montségur, citadelle de l’hérésie
et véritable lieu de refuge où avaient afflué de nombreux
croyants venus de la région et d’ailleurs. A Montségur
même il y avait parmi les réfugiés l’évêque cathare Bertrand
Marti et en 1243 on vit arriver dans la citadelle tous les
seigneurs faidits. Mais le roi Louis IX voulait en finir avec
la place encore indépendante de Montségur d’où partaient
toujours les mots d’ordre hérétiques. Il semble que déjà,
à la fin de 1242, ses troupes commandées par le sénéchal
de Carcassonne et l’évêque d’Albi avaient commencé à
investir Montségur dont la résistance était encouragée par
le comte de Toulouse Raymond VIL Lorsque ce dernier se
soumit, le découragement des assiégés fut grand. Devant
cette situation Bernard de Llo et son frère Amald de So
ne restèrent pas les bras croisés et ils firent tout pour venir
en aide aux assiégés de Montségur. Ils firent savoir à ces der
niers qu’ils avaient engagé pour la somme de 500 sous de Mel*
gueil vingt-cinq mercenaires conduits par Corbairo (139).
Malheureusement pour les assiégés, ce chef de bande ne put
recruter ces hommes. Une autre fois, Raymond de Belvis
qui était le vassal dans le pays de Sault de Bernard de Llo
et d’Amald de So réussit à franchir les lignes ennemies
pour dire aux assiégés qu’on avait réuni au château de So
une somme de 400 sous de Melgueil et une grande quantité
de blé, tout cela pour venir en aide à Montségur. On imagine
volontiers que l’âme de cette résistance dut être Esclar-
monde de Foix, la femme de Bernard de Llo, qui mettant
en accord son action avec ses croyances dut mettre tout
en œuvre depuis le château de So pour venir en aide à ses
frères dans la foi. N’oublions pas qu’elle était par ailleurs
le possesseur du château de Montségur. En tout cas, on
entrevoit le rôle de premier plan joué par le nid d’aigle
de So à partir duquel s’organisa une résistance active sous
la conduite de ses seigneurs. Par la suite Bernard de Llo

(138) Histoire de Languedoc, t. VIII. col. 1035.


(139) Jorge Vkntura Subirats, art. cit., p. 125, estime que Corbairo qu'il
orthographie Corbero était d’origine catalane ainsi que ses mercenaires, sans
que l’on sache sur quoi il fonde cette hypothèse. Après la reddition de
Montségur, on mentionne, 11 est vrai, les noms de quelques catalans se
trouvant parmi les assiégés : J. Català, B. de Berga et son frère W. de Berga
(Doat, t. XXII, p. 108).
paya durement ses activités à côté des hérétiques mais
bien après la chute de Montségur survenue en 1244. Celui-ci
fut arrêté en 1257 avec le chevalier B. de Santon « cum
multa turba » sur les ordres de l’inquisiteur Pierre de
Thènes et conduit à Perpignan où il fut jugé et brûlé. Par
contre, nous ne savons rien du sort que réserva l’Inquisi
tion à Esclarmonde de Foix, sa femme. Un certain Guillem
de Llo, du Vivier, village situé actuellement dans le canton
de Sournia, qui avait été lui-même emprisonné jadis pour
fait d’hérésie — il appartenait sans doute à la même famille
de Llo — rapporte dans sa déposition devant l’Inquisition
« qu’il a vu le frère P. de Thènes, qui était dit alors inqui
siteur dans le royaume du roi d’Aragon, qui faisait conduire
les détenus B. de Santon et B. d’Alio, milites (chevaliers) ».
Le témoin affirme qu’il a rencontré au col de Terranera en
Roussillon le dit frère de Thènes qu’il connaissait bien avec
les deux détenus accompagnés d’une grande troupe sans
doute armée (140). Bérenger du Vivier, un autre témoin,
affirme lors de sa déposition, qu’il a vu brûler R. de Santon
et B. de Llo dans un champ appelé de la Canonia (in agro
qui dicebatur de Canonia) (141). C’est la traduction latine
du catalan la Canorga, résidence des chanoines, le lieu où
avait eu lieu le procès.
Bernard de Llo, du fait de sa condamnation comme
hérétique, perdit, conformément aux lois en vigueur, tous
ses biens qui furent confisqués par le roi d’Aragon son
suzerain et donnés au comte de Foix. Mais, chose à pre
mière vue assez étonnante, le 5 juillet 1264, Roger IV,
comte de Foix, demande au roi Jacques Ier de rendre les
biens ayant appartenu à Bernard de Llo à Guillaume de So,
son fils, ce qui lui est accordé, une fois pris l’avis de Pierre
de Cadireta, inquisiteur du royaume d’Aragon (142). En
fait l’initiative du comte de Foix s’explique par son désir
de se faire passer pour bon catholique et d’avoir la confiance
de l’Inquisition. La permission royale donnée à Guillaume
de So de recevoir la terre de son père dit explicitement :
« Nous te concédons à toi G. de So, fils de Bernard de Llo
défunt, que tu puisses prendre possession de tout ton héri
tage et de la succession de tes parents, nonobstant le crime
d’hérésie dans lequel est tombé ton père, et bien que ta

(140) Cf. collection Doat, t. XXXIII, pp. 92-93).


(141) Cf. Doat, t. XXXIII, p. 73.
(142) Texte publié par Douais, Documents pour servir à l’histoire de
l'Inquisition dans le Languedoc, Paris, 1900, Ire partie, pp. CCXX-CCXXIII.
mère Esclarmonde soit hérétique parfaite (nec etiam obstante
quod Esclarmunda, mater tua, heretica sit perfecta) » (143).
Mais ce n’est qu’en 1267 que Jacques Ier mande à Roger-
Bernard, comte de Foix, de rendre à Guillem de So les
châteaux de So et de Cheragut et la terre de Bernard de
Llo, son père défunt confisquée par le roi « racione heretice
pravitatis » (144). Par la même occasion, le roi d’Aragon
donne l’ordre à Pierre Pauc de Perpignan de réclamer à
Roger-Bernard, comte de Foix, les châteaux de So et de
Cheragut ayant appartenu à Bernard de Llo pour les remet
tre à Guillem de So, son fils (145).
Au début du xive siècle, nous apprenons par Bernard
de So, le fils et l’héritier de Guillem de So, le défunt sei
gneur d’Evol (Eulo) que les châteaux de So, de Prats, de
Montealione (l’actuel Montaillou rendu célèbre à la fin du
catharisme par l’activité de quelques-uns de ses habitants)
(146) et d’autres lieux appartenait au château et à la baron
nie de So par droit de succession de son père et de ses
ancêtres. Au mois de février 1314, Bernard de So vend pour
la somme de 100 livres tournois annuelles de rente au comte
Gaston de Foix la seigneurie de So qu’il possédait et déte
nait, dit-il, de droit, pacifiquement et de façon continue
depuis plus de quarante ans, c’est-à-dire depuis la restitu
tion par le roi d’Aragon. Bernard de So fait, précise-t-il,
cette transaction en raison des nombreux bienfaits que lui
et ses prédécesseurs ont reçus du comte de Foix et de ses
ancêtres (147).
Bernard de Llo ne fut pas le seul de la région à rendre
compte de ses activités devant les inquisiteurs. En 1258
P. de Serrabonne, moine de Claira, qui assista pendant quel
ques semaines l’inquisiteur de Thènes fit arrêter par ordre
de ce dernier, non loin du château de So, à Escouloubre,
village situé dans le Fenouillèdes, un certain P. Aura qui
fut conduit à Villefranche-de-Conflent et qui avoua son

(143) Cf. Douais, op. cit., pp. CCXXII-CCXXIII.


(144) Texte publié par Ch. Baudon de Mony, Relations politiques du
comté de Foix avec la Catalogne jusqu'au commencement du XIV* siècle,
Paris, 1896, t. II, p. 114.
(145) Texte publié par Ch. Baudon de Mony, op. cit. pp. 114-115.
(146) Mais Emmanuel Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan, de
1294 à 1324, Paris, 1975, n’a pas signalé les origines de la seigneurie de
Montaillou.
(147) Cf. Histoire de Languedoc, t. X, col. 519-522.
(148) Cf. collection Doat, t. XXXIII. p. 101 verso.
hérésie (148). B. Bertrand, donzell et Seigneur d’Escolobre
et du château d’Os (domicellum dominum de Escolobre et
Castri Dos) fut cité dans l’église d’Escouloubre devant le
curé de la paroisse et son clerc pour y répondre du fait
d’hérésie (149).

Dans la seconde moitié du xm e siècle, l’Inquisition déploya


une grande activité en Roussillon et dans le vicomté de
Fenouillet, en particulier au Vivier et à Montfort ; mais nous
nous éloignons de la Cerdagne qui fait l’objet de la présente
recherche.
(A suivre)
Mathias Delcor
COMPTES RENDUS

Youssef Hajjar, La triade d’Héliopolis - Baalbek. Son


culte et sa diffusion à travers les textes littéraires et les
documents iconographiques et épigraphiques (Collection Étu
des préliminaires aux religions orientales dans l’Empire
romain). Leiden, E. J. Brill, éditeur, 1977.— Deux vol. in-8°
de 641 pages et de CXXVIII planches accompagnées de deux
cartes.
Ces deux volumes comprennent quatre parties ; dans les deux
premières sont établis des répertoires tandis que dans la dernière
l’auteur donne une synthèse à partir de ses inventaires. Il nous
informe que sa recherche était initialement plus ambitieuse puis
qu’il avait songé à deux études : l’une consacrée aux documents
relatifs au culte de la triade héliopolitaine, l’autre à l’histoire de
ce culte. L’ampleur de la tâche l’a fait reculer et d’aucuns le
regretteront sans doute. Aussi ce travail ne fournit avant tout
que des matériaux rassemblés, il est vrai, avec beaucoup de soin.
Dans la première partie, sont catalogués les documents icono
graphiques et épigraphiques dans une aire géographique fort
vaste allant de la Syrie jusqu’à l’Égypte en passant par l’Europe.
Chaque document est décrit et, quand il s’agit de textes, repro
duit avec la bibliographie du sujet, les reproductions photo
graphiques sont renvoyées à la fin du deuxième volume. La
collection des textes littéraires grecs ou latins occupe la deuxième
partie de l’ouvrage. Classés par ordre alphabétique les textes
originaux sont accompagnés d’une traduction française. Cette
partie sera fort précieuse aux historiens des religions du Proche
Orient ancien qui s’épargneront des recherches dans des ouvrages
qui sont quelque fois d’un accès difficile.
La troisième partie traite des monuments héliopolitains.
La quatrième partie est brève puisqu’elle ne compte même
pas vingt-cinq pages. Elle tente de faire une synthèse.
Du point de vue iconographique, Hajjar observe qu’aucune
règle ne fixe la position relative des membres de la triade
comprenant Jupiter, Vénus et Mercure. Jupiter occupe toutefois
le plus souvent le centre du monument ou sa face principale
tandis que les deux parèdres se partagent indifféremment les
places latérales. Mais il arrive aussi parfois que Vénus ou Mer
cure disputent au Dieu principal le centre de la composition.
Le Jupiter d’Héliopolis, l’actuelle Baalbeck, revêt quatre types
iconographiques distincts : souvent il est enserré dans une gaine,
parfois il est figuré à la mode hellénique, rarement il prend la
forme d’un bétyle. Il est aussi simplement représenté par un
symbole.
Quant à Vénus, qui est souvent assimilée à Tyché, elle est
fréquemment représentée suivant le type oriental : elle est assise 4
P
sur un siège flanqué de deux sphynx de face. De la main droite P
elle bénit et de la gauche elle tient un bouquet d’épis. En ce
qui concerne Mercure Héliopolitain, Hajjar relève jusqu’à cinq >>î :

types iconographiques distincts. Ces dieux, qui dans les textes


;
'<4/4
épigraphiques et littéraires gréco-latins prennent le nom de Jupi- 4®
ter, Vénus et Mercure, recouvrent des entités sémitiques: Hadad, jÿ:
Attargatis et un parèdre mineur dont on ignore le nom sémitique, jgi
Cette interpretatio, précise Hajjar, pourrait remonter à l’époque 1$
hellénistique, du moins pour le Dieu principal. La religion d’Hé-
liopolis s’est implantée dans la majeure partie du monde romain !=

durant l’Empire, et son rayonnement géographique fut consi- -


dérable.
Les historiens des religions orientales à l’époque romaine
seront reconnaissants à l’auteur de la masse de documents mis 5c
à leur disposition. Souhaitons qu’à partir de ceux-ci quelqu’un
écrive l’histoire du culte de la triade héliopolitaine. Mais nul
n’est plus qualifié pour le faire que Hajjar lui-même.
M. Delcor
mm | lo nr
H. Hoftijzer and G. Van der Kooij, Aramaic Texts from
DeirAlla (Documenta et Monumenta Orientis Antiqui, vol.
XIX). Leiden, E. J. Brill, 1976.— Un vol. in-8° de 323 pages -
et 28 planches en noir et en couleur.
En 1976 l’expédition archéologique hollandaise mettait à jour
à Deir'Allah en Jordanie des fragments de textes araméens
reproduits à l’encre sur des lambeaux de plâtre datant de 700
av. J. C. environ. Ce volume qui fait état de cette découverte
contient trois parties bien différenciées.
La première expose le contexte archéologique et la recherche-
technique en relation avec l’interprétation du texte. La partie
proprement archéologique est due à Franken. Les techniques de
conservation sont décrites par V. R. Mehra et J. Voskuil tandis
que l’analyse chimique des matériaux de l’inscription l’est par T
;
J. A. Mosk et G. van der Kooij On aurait pourtant aimé trouver
dans ce volume un plan général des fouilles précisant le lieu
de la trouvaille par rapport au tell ainsi qu’une coupe stratigra-
phique qui aurait permis de situer l’emplacement des fragments.
C’eût été beaucoup plus parlant que toutes les descriptions et
considérations aussi précises soient elles. L’étude paléographique
des textes faite par G. van der Kooij occupe la deuxième partie
de l’ouvrage, c’est-à-dire plus de cent trente pages. On doit
souligner que nous avons affaire à un travail d’une extrême
minutie ; chaque lettre est décrite de façon très détaillée et
sans doute exhaustive. On saluera avec gratitude les tableaux
synoptiques paléographiques des pages 78 et 79 dont l’un est
comparatif. Au terme de ses interminables analyses d’épigraphie,
van Kooij considère les alentours de l’an 700 av. J. C. avec une
marge de plus ou moins vingt-cinq ans comme date de l’inscrip
tion. Dans la troisième partie, celle qui nous intéresse surtout
ici, Hoftijzer transcrit les textes araméens, les traduit et les
commente du point de vue philologique. Ces textes concernent
Balaam fils de Beor bien connu notamment par le livre des
Nombres. Placés probablement sur une stèle, ils ont été trouvés
v) dans un bâtiment qui était sans doute un sanctuaire ou du moins
un lieu sacré. Rien n’indique qu’il fut consacré à Jahvé ou qu’on
l’adorait en cet endroit. En tout cas, Balaam est présenté ici
comme un païen « l’homme qui voyait les dieux » et qui rece
vait de ces derniers des révélations pendant la nuit. A. Caquot
et A. Lemaire ont récemment proposé dans Syria 1977 de nota
bles améliorations au déchiffrement de ces textes qui se trouvent
malheureusement en un misérable état de conservation. Par la
suite, le Professeur Ringgren de l’Université d’Uppsala, en accord
presque partout avec les lectures de Caquot et Lemaire, a pro
posé une interprétation attirante pour l’ensemble de ces textes
notamment dans une conférence faite, ces derniers mois, au
Collège de France. Il s’agirait d’un oracle dynastique concernant
un nouveau roi issu d’un mariage sacré et qui apporte un temps
de bonheur. Placé sur un mur, cet oracle aurait été destiné
à la propagande.
On entrevoit tout ce que les textes araméens de Deir Allah
peuvent soulever de questions. Permettront-ils de résoudre les
nombreuses interrogations qui se posent aux exégètes des oracles
bibliques de Balaam ? Les études à venir nous le diront peut-être.
M. Delcor

Peter Jôcken, Das Buch Habakuk. Darstellung der


Geschichte seiner kritischen Erforschung mit einer eigenem
Beurteilung (Bonner Biblische Beitrage, n° 48). Kôln-Bonn,
Peter Hanstein Verlag, 1977.— Un vol. in-8° de 570 pages.

Ce gros livre consacré à l’histoire de la recherche que les


critiques ont opéré sur le livret du prophète Habacuc, qui ne
compte que trois chapitres, produit un étonnement semblable
à celui que suscite, dans l’ordre biologique, la naissance d’un
géant issu d’un nain.
Cet ouvrage de Jôcken fut présenté comme thèse devant la
Faculté de Théologie Catholique de l’Université de Bonn.
Plusieurs problèmes se posent à propos du livre d’Habacuc :
que désignent le « méchant » et le « juste » ? Est-ce des réalités
au sein même du peuple juif opposées l’une à l’autre ou une
réalité politique extérieure, « le méchant » opposé au juste, « le
peuple d’Israël » ? Par ailleurs, à quel moment de l’histoire a été
composé ce livret ? Enfin cet ensemble littéraire a-t-il une unité ?
Le Psaume final est-il d’un auteur différent de celui des deux
premiers chapitres ? Autant de problèmes que les exégètes ont
essayé de résoudre pendant un siècle et demi de recherches.
Pour ne donner sur un point qu’un échantillon des réponses
proposées au cours des siècles, faut-il rappeler que l’on situe
tantôt le livre du temps de Manassé, tantôt au temps de Josias,
tantôt au temps de Joakim, tantôt au temps de Josias et de
Joakim à la fois.
C’est l’histoire de l’exégèse que Jôcken a voulu retracer en
regroupant les opinions des auteurs sous diverses rubriques.
On imagine le nombre d’heures de lecture nécessaires à notre
auteur pour réaliser ce volume. Certes cela facilitera la tâche
des futurs commentateurs d’Habacuc mais les dispensera-t-il pour
autant de retourner aux divers commentaires ? C’est bien peu
probable. Aussi je me demande si un tel labeur est finalement
payant. N’aurait-il pas mieux valu faire une exégèse du livre
à nouveaux frais?
M. Delcor

Ludwig Markert, Struktur und Bezeichnung des Schelt-


worts. Eine gattungskritische Studie anhand des Amosbuches
(BZAW, n° 140). Berlin - New-York, Walter de Gruyter,
1977. — Un vol. in-8° de 330 pages.

Cet ouvrage qui a fait l’objet d’une thèse soutenue devant


l’Université de Erlangen-Nürnberg, traite de la structure et de
la signification de l’invective comme genre littéraire dans le livre
d’Amos. Markert cite en commençant le célèbre propos de Gunkel
pour qui l’histoire de la littérature hébraïque n’est pas l’histoire
des écrivains et de leurs œuvres mais l’histoire des genres litté
raires d’Israël. Dans le premier chapitre, est faite l’histoire de
la recherche. A la fin de son exposé, l’auteur pense qu’il ne faut
pas limiter aux livres prophétiques la quête et l’analyse des
textes qui se présentent comme des invectives mais qu’il faut
l’étendre à tout l’Ancien Testament. Markert se demande égale
ment où réside la différence entre une parole de menace (Droh-
wort) et une parole d’invective (Scheltwort). Le chapitre II,
qui constitue la partie centrale du livre, procède à une analyse
du livre d’Amos, conduite avec minutie et selon un plan stéréo
typé. L’auteur délimite d’abord les diverses unités littéraires
qu’il traduit et annote brièvement, puis étudie leur forme et,
le cas échéant, leur authenticité.
Au terme de son ouvrage, Markert conclut qu’il n’y a pas
de critères permettant de distinguer nettement les paroles d’in
vective des paroles de menace. Le chapitre III traite de l’invec
tive et d’abord des problèmes de terminologie. Markert commence
par étudier le champ sémantique (Wortfeld) du mot « schelten »
en allemand puis en hébreu. Dans le Wortfeld de l’hébreu on
peut citer les verbes suivants : gaar, rîb, yakah, dibbah, za'am
et d’autres encore mentionnés à la page 238. Le verbe qui tra
duit le mieux l’invective en hébreu est ga'ar « réprimander ».
Du point de vue de la structure littéraire, deux éléments sont
reconnaissables : on désigne d’abord les actions ou les attitudes
présentes ou passées de celui qui est invectivé et en second
lieu on les critique. Il existe de ce genre littéraire quelques exem
ples soit à Ugarit soit à Mari. Dans l’Ancien Testament, il est
limité à certains livres (les parties narratives, les livres prophé
tiques et les Psaumes) et à certaines époques (entre le ixe et
le v e siècle av. J. C.). L’ouvrage se termine sur des considérations
de méthodes et par une bibliographie.
Cette étude méthodique qui paraît bien conduite permettra
de mieux comprendre le genre littéraire de l’invective.

M. Delcor

James W. Boyd, Satan and Mara. Christian and Buddhist


Symbols of Evil (Studies in the History of Religions, Supplé
ments to Numen, tome XXVII). Leiden, E. J. Brill, 1975.—
Un vol. in-8° de 188 pages.
Ce livre est divisé en trois parties. La première est une
analyse de la figure de Satan dans l’ancienne tradition chrétienne
d’expression grecque.
La deuxième partie traite de la figure de Mara dans l’ancienne
tradition bouddhique de l’Inde et la troisième constitue une
comparaison entre les mythologies chrétienne et bouddhique du
Mal. Je dois dire tout de suite que je ne me sens aucune compé
tence particulière pour juger de la deuxième partie de cet ouvrage
et que je dois me limiter à rendre compte des conclusions
auxquelles Boyd est parvenu.
Le Satan chrétien se manifeste dans ses activités comme le
tentateur, le menteur, le tourmenteur et l’obstructeur, le posses
seur et l’instigateur, le destructeur. Le Nouveau Testament fait
allusion à sa chute mais ne dit rien de précis sur son origine
même si nous apprenons par la deuxième Épître de Pierre qu’il
appartient au monde angélique. De fait, le mythe de la chute des
anges comme explication du mal dans le monde a occupé une
grande place dans l’apocalyptique juive dont on trouve des échos
divers dans le Nouveau Testament, St Justin, St Irénée, etc.
En ce qui concerne la nature et le pouvoir de Satan, l’ancienne
littérature chrétienne rapporte qu’il est le Prince des puissances
de l’air, le chef des démons, le maître de ce monde et le dieu
de l’Aion présent (Jn 12, 31 ; 2 Cor 4, 4 etc.). La victoire de
Jésus sur le Démon apparaît comme une idée dominante des
anciens écrits chrétiens mais elle ne sera décisive qu’à la fin
des temps. Pour toute cette partie, qui ne me paraît pas suffi
samment fouillée, l’auteur aurait dû étudier avec quelque ampleur
la littérature apocalyptique juive qui est souvent à la source des
idées chrétiennes concernant Satan. On regrette que W. Boyd
n’ait pu utiliser l’important ouvrage de Herbert Haag sur la
croyance au Diable (Teufelsglaube) paru à Tübingen en 1974 et
dont nous avons rendu compte, en son temps, dans le BLE.
L’équivalent bouddhiste de Satan est en Inde Mara. Le principe
du Mal revêt une terminologie variée tout comme dans le Chris
tianisme antique. Les activités de Mâra rencontrent celles de
l’homme de diverses manières : il injurie, pousse aux désirs sen
suels, attaque. Mais une de ses principales activités est de
confondre les disciples de Bouddha, de dresser des embûches sur
leur chemin. Dans la littérature Pâli, on raconte même des cas
de possession par Màra qui réduit en esclavage et pousse les
possédés à des actes contraire à leur volonté. Mâra se manifeste
comme le seigneur du monde du désir. Dans les métaphores de
la cosmologie bouddhiste qui le décrivent apparaissent fréquem
ment les mots de splendeur et de majesté. Très rarement des
termes comme « ténèbres » sont associés à son règne excepté
les passages décrivant sa défaite. Une véritable famille entoure
Mara ; il a des fils, des filles, des serviteurs.
La troisième partie de l’étude est comparative. C’est la démy-
thologisation qui caractérise la conception bouddhique face à celle
du Christianisme. Dans les anciens écrits bouddhistes Mara est
explicitement présenté comme une métaphore. Boyd explique
que la raison de cette différence de conception s’explique par
la différence d’orientation des deux traditions religieuses. Le
Bouddhisme est essentiellement analytique fondé sur tous les
aspects de l’espérance pratiquée en vue de faire cesser la dukkha,
c’est-à-dire ce qui est imparfait par nature.

M. Delcor

August Strobel, Der spatbronzezeitliche Seevblkerstum.


Ein Forschungsüberblick mit Folgerungen zur biblischen
Exodusthematik (Beiheft zur Zeitschrift für die Alttesta-
mentliche Wissenschaft, n° 145). Berlin - New-York, Walter
de Gruyter, 1976. — Un vol. in-8° de 291 pages.

Ce volume est consacré tout entier aux peuples de la mer


et à leur apparition dans l’histoire à l’époque du bronze tardiL
r
ç

Il se divise en trois parties. La première concerne l’invasion d f(

ces peuples d’après les inscriptions de Medinet Habu, la destruc


tion du royaume hittite, l’occupation de Chypre, le champ de
bataille au nord de la Syrie, les zones occupées par les peuples
de la mer sous la suzeraineté de l’Égypte. Il s’agit des Philistins
qui ont occupé la zone côtière et la Shephela et se sont établis
à Gaza, à Asdod, Ascalon, Gath et Ekron. Parmi ces villes de
la pentapole philistine, trois ont été localisées avec sûreté mais
des incertitudes demeurent pour Ekron et Gath, estime Strobel.
Cet auteur résume les résultats des fouilles pratiquées dans la
zone philistine et qui ont livré la poterie bien caractérisée que
les archéologues connaissent bien : il cite les travaux d’Albright,
Dothan, Bliss et Macalister, Hamilton, Dever etc. La deuxième '?

partie du livre traite de la difficile question de l’origine des


peuples de la mer. Le problème des Keftiu et de Caphtor identifié
semble-t-il, dans la Bible à la Crète est examiné trop briève
ment. Il n’est rien dit des Kerethim et de leur identification
avec les Crétois (cf. M. Delcor, Les Kerethim et les Crétois, dans
Vêtus Testamentum, 1978, pp. 409-422). Strobel rejette à juste
titre l’hypothèse de Wainwright qui a tenté d’identifier le Caphtor
biblique avec la Cappadoce en raison principalement de la tra
duction de la LXX par Kappadokia en Amos 9, 7 et Deutéronome
2, 23. A ce propos, je ne trouve pas cité l’important article
« Philistins » du Supplément au Dictionnaire de la Bible où tous ces
problèmes ont été agités du point de vue archéologique et philo
logique. Quelques pages sont consacrées aux hypothèses de Geor-
giev sur l’identification des Philistins avec les Pelasgoi.
Le scholiaste d’Homère pour Iliade XVI, 233 connaît une
autre forme Pelastoi qui permet d’identifier ce peuple, sur
plan philologique, avec les Pelishtim bibliques ou les Peleset
égyptiens.
La troisième partie de l’ouvrage traite de la diffusion de la
culture et de la religion des peuples de la mer et du problème
de leur survie. On identifie traditionnellement les Sherden de
Medinet Habu avec les Sardes, les Teresh avec les Etrusques,
les Shekelesh avec les Sicules, etc. Assez curieusement, Strobel
fait état de manuscrits trouvés à Hébron qui seraient des docu
ments philistins. Lors d’un séjour à l’Université de Claremont
en Californie, j’ai eu entre les mains des photos de ces documents.
Malheureusement tout laisse supposer que l’on est en présence
de faux de fabrication très récente comme l’indique la méthode
Carbone 14.
Quelques cartes facilitent la consultation de l’ouvrage impor
tant de Strobel mais il manque des reproductions de documents
archéologiques et une bibliographie. De ce point de vue, il aura
besoin d’être complété par le riche volume des actes du Congrès
sur les peuples de la mer organisé à l’Université de Sheffield
et édité en 1973 par R. A. Crossland et Ann Birchall (Bronze Age
Migrations in the Aegean. Archaeological and linguistic problems
in Greek prehistory).
M. Delcor

Michel Aubineau, Les Homélies Festales d’Hésychius de


Jérusalem, Volume I : Les Homélies I-XV, Analecta Hagio-
graphica, n° 59, Bruxelles (Société des Bollandistes) 1978.—
Un vol de LXXVI et 596 pages.

Avec ce gros volume le P. M. Aubineau continue le travail


déjà commencé sur l’homilétique grecque par la publication en
' 1972 dans Sources Chrétiennes 187 de cinq homélies pascales
inédites. Il y fait essentiellement œuvre de critique en restituant
au prêtre Hésychius de Jérusalem, qui a vécu dans la première
moitié du v e siècle, quinze homélies qu’au terme d’une recherche i:
laborieuse et convaincante il considère comme authentiques. Un
second tome en contiendra six autres, mais « apocryphes ou d’au
thenticité douteuse » et un index complet des mots des homélies i
festales d’Hésychius doit être publié à Hildesheim chez Olms.
Il est très instructif de suivre à la trace pour chacune de
ces homélies le travail considérable que fait le critique avant
de conclure définitivement à son attribution à Hésychius. Avant
d’exposer rapidement ce qui le concerne mentionnons l’introduc
tion où l’auteur expose les quelques renseignements que nous
possédons sur la vie d’Hésychius, indique un certain nombre de
ses œuvres, donne une idée des manuscrits utilisés pour éditer
les homélies festales, mentionne les éditions et traductions anté
rieures, esquisse le procès d’authenticité qu’il devra intenter à
chacune, ainsi que les instruments de ce procès, notamment Je

l’index des mots qu’il va éditer, synthétise la théologie d’Hésy


chius sur quatre points, christologie, mariologie, sotériologie,
ecclésiologie, étudie ses méthodes d’exégèse telles qu’elles se
manifestent dans sa prédication, les situe dans le calendrier
liturgique de Jérusalem connu par trois documents principaux,
résume les quelques renseignements qu’on peut tirer de ces
sermons sur Hésychius, Jérusalem et ses habitants, enfin étudie
le retentissement qu’y trouvent ou n’y trouvent pas les cinq
principaux conflits théologiques du temps.
*
De longues introductions précèdent l’édition critique de chaque |
homélie accompagnée de sa traduction française. Elles étudient
la structure des homélies et leur contenu doctrinal qui est assez
varié, ou, quand il s’agit de panégyriques de saints, les thèmes
principaux traités par le panégyriste. Elles essaient de dater
l’homélie, à la fois par l’année où elle fut prononcée et par la
fête selon le temps liturgique, et de fixer le lieu, le tout à
partir des allusions qui s’y trouvent et des connaissances archéo
logiques ou liturgiques que nous possédons sur Jérusalem à cette
époque. Une grande attention est donnée pour une bonne part
de ces sermons au « procès » d’authenticité, l’attribution à Hésy
chius étant déduite de plusieurs critères : vocabulaire, compa
raisons familières, leçons insolites, exégèses originales, procédés
et style, thèmes et mots qui se retrouvent plusieurs fois, dou
blets, citations bibliques. Enfin sont indiqués les manuscrits
contenant l’homélie, leur classement et si possible leur généalo
gie, les éditions et traductions antérieures.
Le style d’Hésychius est très travaillé, avec toutes les ressour
ces de la rhétorique. Du point de vue doctrinal bien des traits
sont à signaler. Par exemple la théologie mariale exposée dans
les deux homélies sur l’Hypapante (Présentation de Jésus au
Temple et Purification de Marie) et les deux homélies sur Marie,
Mère de Dieu. A la suite de plusieurs Pères grecs Hésychius
pense que le glaive de douleur prédit par Siméon figure les
doutes qu’aurait eus Marie à la Passion. La virginité de Marie
in partu y tient une certaine place comme dans nombre d’homé
lies mariales grecques de la même époque publiées entre 1971
et 1973 par le P. Caro. On y trouve aussi la croyance en une
apparition du Christ ressuscité à sa Mère.
Ces homélies méritent donc toute notre attention et celui
qui les a éditées et commentées notre reconnaissance.
j !

Henri Crouzel, S. J.

Hubert Mordek, Kirchenrecht und Reform im Franken-


reich, Die Collectif) vêtus Gallica, die alteste systematische
Kanonessammlung des frankischen Gallien, Studien und
Edition. Berlin, W. de Gruyter, 1975 (Beitrage zur Geschichte
und Quellenkunde des Mittelalters, Bd. 1).— Un vol. in-8°
de XXXIX, 723 pages.

M. Nordek s’est déjà fait connaître par de nombreux travaux


sur les collections canoniques du haut moyen âge et leurs manus
crits : il préparait ainsi progressivement l’ouvrage qu’il nous livre
maintenant, dont l’importance dépasse le titre, car il devra
figurer dans toutes les bibliothèques à côté du classique Maassen,
qu’il corrige et complète.
Parmi les collections dites « systématiques » (par opposition
à celles qui présentent les documents dans une certaine « suite
historique »), il en est une d’origine gallicane, que Maassen
appelait « Collection du manuscrit d’Angers », étrange dénomi
nation, puisque parmi les manuscrits qu’il énumère il n’en a
identifié aucun provenant de la cathédrale ou des monastères
d’Angers ; il s’est fié au témoignage de Sirmond, qui est le pre
mier à en avoir fait état dans ses Concilia Galliae. Voilà un pro
blème de codicologie susceptible d’attirer la curiosité des cher
cheurs... De plus, cette collection est demeurée inédite, au point
qu’on devait jusqu’à présent se contenter des descriptions, néces
sairement sommaires, de Maassen ou de Fournier - Le Bras.
M. Mordek non seulement a voulu en procurer une édition criti
que, mais en a fait une étude exhaustive qui aboutit à en faire
découvrir l’exceptionnelle valeur.
Et tout d’abord, il a, durant plusieurs années, cherché à en
retrouver, dans les bibliothèques d’Europe et jusqu’à Washington,
tous les manuscrits existants : aux six que recensait Maassen
il en ajoute sept dans lesquels la collection se trouve en son
entier, sans parler de ceux qui n’en fournissent qu’une partie
ou des fragments. De tous, il donne la description détaillée
(pp. 268-301) et la bibliographie. Ils se laissent aisément classer
en deux familles, l’une d’origine française, l’autre provenant de
l’Allemagne du Sud ; elles diffèrent non seulement par des varian
tes de texte, mais par l’absence ou la présence d’un certain
nombre de capitula (pp. 303-304), que d’ailleurs cette collection
nomme curieusement Hira ou Era. C’est le groupe français qui
représente le mieux l’état original de la collection, et, dans ce
groupe, trois manuscrits provenant de la France du Nord, datant
des environs de l’an 800, seront choisis comme base de l’édition :
Cologne, Cathédrale, ms. 91, provenant de Corbie ou de Luxeuil ;
— Bruxelles, Bibliothèque royale, ms. 10127-44, provenant de
Saint-Pierre de Gand ; — et surtout Paris, Bibliothèque Nationale,
ms. latin 1603. Ce dernier, provenant de Saint-Amand mais pro
bablement composé à la Cour carolingienne (p. 331), est sans
conteste le meilleur, quoique cependant il ne puisse pas être
suivi en tout (p. 333). L’édition fait apparaître avec clarté les
différences de contenu des divers manuscrits ainsi que leurs
variantes ; un deuxième apparat identifie, avec référence aux
éditions modernes, les documents cités par la collection ; éven
tuellement aussi il corrige les fautes des scribes.
Telle qu’elle nous est parvenue dans des manuscrits de
l’époque carolingienne, la collection comprend essentiellement
soixante-trois titres auxquels s’en ajoutent un certain nombre
d’autres sur lesquels les manuscrits ne sont pas unanimes. Cette
ultime rédaction, M. Mordek la situe à Corbie, dans le deuxième
quart du vm e siècle, et propose comme auteur l’abbé Grimo ou
Grimoald, qui gouverna l’abbaye durant près d’un demi-siècle
avant de devenir évêque de Rouen en 747 (pp. 92-94).
Mais un examen plus approfondi permet de remonter plus haut
dans le temps : certains chapitres, en effet, apparaissent comme
des additions ou interpolations (pp. 214-229). C’est évidemment
le cas de ceux qui ne se retrouvent pas dans l’ensemble des
manuscrits, mais aussi, comme Gabriel Le Bras le pensait déjà,
des canons empruntés à la Collectif) Hibernensis et qui sont
entrés dans notre collection (tit. XLVI, 14-37) à travers la collec
tion de Pithou (que M. Mordek appelle à tort plusieurs fois
Pithouensis, car ce suffixe ne convient pas aux noms de person
nes : les érudits du xvn e siècle disaient toujours Pithaeana).
Cette addition, d’origine évidemment monastique, s’est faite à
Corbie, lors de la dernière rédaction. Il en est de même du titre
64 concernant la pénitence (pp. 56-57). On doit considérer comme
ne faisant pas davantage partie de l’état primitif de la collection
le titre I, De fide catholica et symbolo et le titre II, Ut praeter
Scripturas canonicas nihil in Ecclesia legatur et quae est Scrip-
tura canonica : ce sont visiblement des préliminaires, le premier
introduit sans doute dans la rédaction de Corbie, le second anté
rieurement dans une étape intermédiaire qui se situe à Autun,
dans la seconde moitié du vn e siècle (p. 215).
En effet, au titre XLVI, les canons 7-12 sont tirés du Concile
d’Autun de 670 environ : ils apparaissent là comme un bloc erra
tique, inséré après coup, puisque les canons n’en sont pas
répartis selon leur objet dans les divers titres de la collection
(p. 65). Cette addition, M. Mordek estime qu’elle ne peut avoir
été introduite qu’à Autun même: l’évêque Léodegar (662-680?),
grand seigneur devenu moine, entreprit un important travail de
réforme ecclésiastique ; la collection canonique pouvait lui être
pour cela d’un grand secours : il l’avait sans doute trouvée à
Luxeuil lors du séjour qu’il y avait fait en 675. Ce sont des
moines de Luxeuil qui ont fondé Corbie : se sont eux qui ont
porté à Corbie, entre autres manuscrits, cette collection.
Lorsqu’on a ainsi enlevé tous les éléments qui sont visible
ment adventices, on constate, d’une part, que le dernier concile
cité est celui de Mâcon de 585 : les conciles gaulois échelonnés
entre 585 et le Concile d’Autun ne sont pas cités, quelle qu’ait
été leur importance. Par ailleurs, M. Mordek estime que le
Concile de Clichy de 626/627 a connu la collection (p. 67 ; mais
je ne sais si les arguments donnés pour l’affirmer sont décisifs) :
ce qui mettrait la rédaction primitive entre 585 et 627. De nom
breux indices convergent pour en assigner le lieu à Lyon (pp.
70-79), car ce n’est guère que dans les archives de cette Église
que l’auteur a pu consulter le texte des Conciles de Mâcon et
Lyon ; d’autre part, le souci qu’il a de mettre en relief le rôle
du métropolitain sur les églises de sa province oriente vers une
grande métropole ; or à cette date, ce n’est plus Arles, mais
Lyon qui est devenu le siège des synodes et son évêque aura,
au vn e siècle, la première place même aux synodes de Paris,
Clichy et Marly. D’après ces coordonnées de date et de lieu,
M. Mordek donne « la plus grande vraisemblance » (p. 82) à
l’attribution qu’il propose de la collection à l’évêque Etherius
(c. 586-602), sinon comme auteur, du moins comme inspirateur.
Dès lors il faut voir dans cette œuvre la plus ancienne collection
systématique de la Gaule mérovingienne et M. Mordek lui donne
désormais le nom de Collectio vêtus Gallicana.
Le plan en est certes encore rudimentaire, mais montre tout
de même sa logique, proposant successivement les règles concer
nant les synodes, les ordinations, les obligations des évêques
et des clercs, les sacrements, les temps sacrés, l’assistance à la
messe et le jeûne, la prédication, l’administration des biens ecclé
siastiques, les moines et les vierges, les crimes et les délits.
La façon dont l’auteur choisit les canons qu’il cite, alors qu’il
en omet volontairement certains autres, souligne son propos de
renforcer la discipline, de veiller à ce que les biens ecclésiasti
ques ne soient pas aliénés ou détournés de leur destination
charitable, de soustraire les clercs aux juridictions civiles, d’as
surer la relation des moines à l’Église locale et leur soumission
à l’évêque (pp. 23-35). On notera aussi la réaction contre le droit
païen germanique qu’exprime la sévérité de la collection à l’égard
du rapt, des sortilèges et de la divination.
Après avoir ainsi tracé l’histoire de la formation de la Vêtus
Gallica, M. Mordek en montre l’exceptionnelle diffusion et l’in
fluence durable sur les collections canoniques ultérieures. Entre
le milieu du vm® siècle et le xi* siècle, elle se répand au Nord
de la France, dans les Flandres, l’Allemagne de l’Ouest, la Bour
gogne, le Sud de la France, la Suisse, la Bavière, l’Italie jusqu’au
Mont-Cassin ; or tous les manuscrits (à l’exception d’Albi 38)
sont indépendants les uns des autres (pp. 97-101). C’est le
manuel canonique à l’usage des membres des conciles de la pre-
mière moitié du vm e siècle ; puis, après une éclipse durant la
période 745-845, on l’utilise et on la cite au Concile de Meaux
et Paris (845-846), et désormais elle sert de source pour les
autres collections canoniques, notamment VHerovalliana, avec
laquelle parfois on l’a confondue : ici (pp. 109-143), M. Mordek
reprend en partie l’article qu’il avait publié en 1970 dans la
Zeitschrift fur Kirchengeschichte. On trouve déjà trace de l’uti
lisation de la Vêtus Gallica dans la petite collection du manus
crit 611 de Berne, presque contemporaine de sa rédaction défi
nitive (collection que M. Mordek compte éditer) ; on suit son
influence jusque sur Burchard de Worms, Yves de Chartres et
Gratien, et de même sur la législation impériale de Charlemagne
(pp. 184-196) et sur les pénitentiels. Je regrette que M. Mordek
emploie (pp. 199-201) l’expression de Paenitentiale Martenianum :
aux études qu’il connaît bien, j’ajouterais la petite contribution
que j’ai apportée dans mon livre sur Martène pour assurer qu’il
s’agit bien du ms. Laurenziana, Libri, 82, c’est-à-dire du Péniten-
tiel de Fleury. Dans le Pontifical romano-germanique, la suite
des textes canoniques concernant les ordinations provient de
la Vêtus Gallica (pp. 201-206), plutôt que, comme le pensait
A. Chavasse, de VHerovalliana. Enfin, en appendice (pp. 618-633),
M. Mordek édite la Collectio Frisingensis secunda (Munich, Cod.
lat. Mon. 6243), qui est visiblement un abrégé de la Vêtus
Gallica de la fin du vnr siècle.
Il est impossible de donner, dans une rapide recension, un
aperçu de la somme d’érudition que représente l’ouvrage de
M. Mordek, de la richesse de ses bibliographies, de la minutie
avec laquelle il a comparé les diverses collections canoniques
pour y discerner soit les sources, soit l’influence de la Vêtus
Gallica. La connaissance qu’il en a acquise, il la synthétise ici
pour la commodité des lecteurs en donnant (pp. 8-12 et surtout
pp. 239-263) l’indication des manuscrits et des éditions des prin
cipales collections canoniques du haut moyen âge : c’est une mise
à jour, incomplète certes, mais combien utile de la centenaire
Geschichte de Maassen, plus commode d’ailleurs à consulter,
puisque le livre de Maassen est dépourvu de tables, tandis que
celui de M. Mordek a d’excellents index. Je souhaite que l’au
teur ne s’en tienne pas là et qu’il nous donne, en une nouvelle
publication, l’état actuel complet des recherches sur les sources
du droit canonique du haut moyen âge qu’il projetait, mais qui
n’a pu trouver place dans le présent ouvrage dont il aurait
augmenté démesurément la place (p. 239) : en somme un nouveau
Maassen.
Aimé Georges Martimort
TABLE DES MATIÈRES
Basevi (C.). — San Agustin : La interprétation del Nuevo Testa-
mento (H. Crouzel) 138
Beleth (I.). — Summa de ecclesiasticis officiis, ed. H. Douteil,
2 vol. (A.-G. Martimort) 63
Berger (B.-D.). — Le drame liturgique de Pâques du xe au xnre
siècle. Liturgie et théâtre (A.-G. Martimort) 67
Bianchi (U.). — Prometeo, Orfeo, Adamo : Tematiche religiose sul
destino, il male, ia salvezza (H. Crouzel) 121
Biblia Patristica : Index des citations et allusions bibliques dans
la littérature patristique, Tome 2 (H. Crouzel) 229
Bommes (K.). — Weizen Gottes : Untersuchungen zur Théologie des
Martyriums bei Ignatius von Antiochien (H. Crouzel ) 131
Boyd (J. W.). — Satan and Mara (M. Delcor) 309
Bragança (J. O.). — Missal de Mateus, manuscrito 1000 de Biblio-
teca pûblica e Arquivo distrital de Braga, Introduçao, leitura
e notas (A.-G. Martimort) 61
Breton (S.). — Mythe et imaginaire en théologie chrétienne (A.
Dartigues ) 77
Cabié (R.). — La lettre du pape Innocent Ier à Décentius de Gubbio
(19 mars 416), texte critique, trad. et commentaire (A.-G. Mar
timort) 49
Caloz (M.). — Etude sur la LXX origénienne du Psautier (H.
Crouzel) 117
Canivet (P.). — Le monachisme syrien selon Théodoret de Cyr
(H. Crouzel) 235
Chapelle (A.). — Pour la vie du monde, le sacrement de l’ordre
(Cl. Chopin) 238
Chksnut (G. F.). — The first Christian Historiés : Eusebius, Socra
tes, Sozomen, Theodoret and Evagrius (H. Crouzel) 233
Chromace d’Aquilée. — Opéra, cura et studio R. Étaix et J. Lemarié
(H. Crouzel) 70
Conciles gaulois du ive siècle, texte latin de l’éd. C. Munier, intro
duction, trad. et notes par Jean Gaudemet (H. Crouzel) 232
Courvoisier (J.). — De la Réforme au Protestantisme (C. Chopin). 156
Cunchillos (J. L.). — Estudio del Salmo 29. Canto al Dios de la
fertilidad-fecundidad (M. Delcor) 225
Cyrille d’Alexandrie. — Dialogues sur la Trinité, texte critique,
trad. et notes par Georges Matthieu de Durand, Tome 2 et 3
(H. Crouzel) 236
De Clerck (P.). — La «prière universelle» dans les liturgies latines
anciennes. Témoignages patristiques et textes liturgiques (A.-G.
Martimort) 50
Dell’ Oro (F.). — Il Benedizionale di Novara (A.-G. Martimort).... 57
Denis (H.). — Des sacrements et des hommes (C. Chopin) 152
Didyme l’Aveugle. — Sur la Genèse, Introduction, éd. trad. et notes
par Pierre Nautin, avec la collaboration de Louis Doutreleau,
Tome 2 (H. Crouzel) 122
Dubarle (D.). — Pratique du symbole et connaissance de Dieu (A.
(Dartigues) 78
Durand (G.). — Sexualité et foi : Synthèse de théologie morale
(H. Crouzel) 79
Dykmans (M.). — Le Cérémonial papal de la fin du moyen âge à la
Renaissance, T. 1, Le Cérémonial papal du xine siècle (A.-G.)
Martimort) 55
Enseignement (L’) du Christ. Catéchisme catholique pour adultes
(C. Chopin) 158
Faivre (A.). — Naissance d'une hiérarchie, Les premières étapes du
cursus clérical (A.-G. Martimort) 139
Gomez de Avellaneda (G.). — Manual del cristiano, Introducciôn y
ediciôn de Carmen Bravo-Villasante (M. Olphe-Galliard ) 145
Grégoire de Nysse. — Ueber das Wesen des christlichen Bekenntnisses,
Ueber die Vollkommenheit, Ueber die Jungfràulichkeit, von
Wilhelm Blum (H. Crouzel) 136
Greisch (J.). — Versions du mythe (A. Dartigues) 77
Guindon (A.). — The sexual language : An essay in moral theology
(H. Crouzel) 78
Hajjar (Y.). — La triade d’Héliopolis-Baalbeck (M. Delcor) 305
Hamman (A. G.). — Dictionnaire des Pères de l’Eglise (H. Crouzel)... 230
Hoftijzer (H.) and G. Van der Kooij. — Aramaic Texte from Deir’
Alla (M. Delcor) 306
Irénée de Lyon. — La prédication des apôtres et ses preuves ou la
foi chrétienne, trad. de J. Barthoulot, révisée par S. Voïcou,
Introduction de A. G. Hamman (H. Crouzel) 230
Irwin (W. H.). — Isaiah 28-33, translation with philological notes
(M. Delcor) 221
Je crois. A. Auer, H. U. von Balthasar, K. Forster, H. Fries, U.
Horst, O. Lechner, K. Lehmann, K. Rahner, J. Ratzinger, L.
SCHEFFCZYK, M. SCHMAUS, R. SCHNACKENBURG, O. SEMMELROTH.
Explication du symbole des apôtres, trad. par L. Jeanneret
(C. Chopin) 159
Jérôme, S. — Commentaire sur saint Matthieu, Tome I, texte latin,
introduction, trad. et notes par Émile Bonnard (H. Crouzel) 124
Jimenez Dtjque (B.). — La espiritualidad en el siglo espanol (M.
Olphe-Galliard) 145
Jôcken (P.). — Das Buch (M. Delcor) 307
Jounel (P.). — Le culte des saints dans les basiliques du Latran
et du Vatican au xiie siècle (A.-G. Martimort) 53
Krasovec (J.). — Der Merismus im Biblisch-Hebraischen und Nord-
westsemitischen (M. Delcor) 223
Laberge (L.). — La Septante d’Isaïe 28-33 (M. Delcor) 221
Lactance et son temps : Recherches actuelles. Actes du IVe colloque
d’études historiques et patristiques (Chantilly 1976) (H. Crouzel). 135
Ladaria (L. F.). — El Espiritu Santo en san Hilario de Poitiers (H.
Crouzel ) 234
Lassiat (P. et H.). — Dieu veut-il des hommes libres? Catéchèse de
l’Église des Martyrs d’après Irénée de Lyon (H. Crouzel) 133
Le Déaut (R.) avec la collaboration de Jacques Robert. — Targum
du Pentateuque (M. Delcor) 220
Lefeuvre (G.). — La vocation sacerdotale dans le second concile
du Vatican (C. Chopin) 150
Lefèvre (P. F.) et A. H. Thomas. — Le coutumier de l’Abbaye d’Oigny
en Bourgogne au xne siècle (A.-G. Martimort) 64
Levine (E.). — The Aramaic Version of Qohelet (M. Delcor) 219
Lies (L.). — Wort und Eucharistie bel Origene6 : Zur Spirituali-
sierungstendenz des Eucharistieverstandnisses (H. Crouzel) 110
Lôser (W.). — Im Geiste der Origenes : Hans Urs von Balthazar als
Interpret der Théologie der Kirchenvater (H. Crouzel) 118
Marello (J.-R.). — Symbole et réalité. Réflexion sur une distinction
ambiguë (A. Dartigues) 77
Markert (L.). — Structur und Bezeichnung des Scheltworts (M.
Delcor) 308
Marty (F.). — Symbole et discours théologique chez Kant. Le travail
d’une pensée (A. Dartigues) 77
McLelland (J. C. ). — God the Anonymous : A study in Alexandrian
Philosophical Theology (H. Crouzel) 119
Meersseman (G. G.). E. Adda, J. Dishusses. — L'Orazionale dell’ arci-
diacono Pacifico e il Carpsum del cantore Stefano (A.-G. Mar-
tlmort) 58
Mordek (H.). — Klrchenrecht und Reform im Frankenreich (A.-G.
Martimort) 313
Mythe (Le) et le Symbole (A. Dartigues) 76
Nau (P.). — Le mystère du Corps et du Sang du Seigneur. La messe
d'après saint Thomas d’Aquin, son rite d’après l’histoire (C.
Chopin ) 149
Nautin (P.). — Origène, Tome 1 : sa vie et son œuvre (H. Crouzel). 114
Neveu (B.) — Correspondance du nonce en France, Angelo Ranuzzi,
1683-1689 (A.-G. Martimort) 73
Origène. — Homélies sur Jérémie, trad. par Pierre Husson et Pierre
Nautin, éd, introduction et notes par P. Nautin. Tome 2 (H.
Crouzel ) 109
— La prière. Introduction, trad. et orientation par A. G. Ham-
man (H. Crouzel) 109
Peretto (E.). —< La Giustizia, Ricerca su gli autori cristiani del
11° secolo (H Crouzel ) 130
Pierre de Celle. — L’Ecole du cloître, Introduction, texte critique,
traduction et notes par Gérard de Martel (M. Olphe-Galliard)... 144
Quacquarelli (A.). — L’ogdoade patristica e suoi riflessi nella litur-
gia e nei monumenti (A.-G. Martimort) 142
— La Società cristologica prima di Costantino e i riflessi nelle
arti figurative (H. Crouzel) 71
Quesnel (M.). — Aux sources des sacrements (C. Chopin) 155
Qumrân Grotte 4, t. H. 1. Archéologie, par R. de Vaux f, avec des
contributions de J. W. B. Barns f et J. Carswell. 2. Tefillin,
Mezuzot et Targums..., par J. T. Milik (M. Delcor) 222
Renaud (B.). — La formation du livre de Michêe, Tradition et
actualisation (L. Monloubou) 127
Ricerche su Ippolito (H. Crouzel) 133
Romanobarbarica 2 : Contributi allô studio dei rapport! culturali tra
mondo latino e mondo barbarico, a cura di Bruno Luiselli e
Manlio Simonetti (H. Crouzel) 72
Rufino. — Spiegazione del Credo, Traduzione, introduzione e note
a cura di Manlio Simontetti (H. Crouzel) 137
Salvien de Marseille. — Contro l’Avarizia, Traduzione, introduzione
e note a cura di Eugenio Marotta (H. Crouzel) 137
Savoca (G.). — Un profeta interroga la Storia, Ezechiele e la Teologia
délia Storia (L Monloubou) ..
69
Saxer (V.). — Le dossier vézelien de Marie-Madeleine, Invention et
translation des reliques en 1265-1267 (A.-G. Martimort) 65
Schafer (T.). — Das Priester-Bild im Leben und Werk des Origenes
(H. Crouzel) 113
Spicilegium ad Chromatii Aquileiensis Opéra, cura et studio J. Lema-
rié et R. Etaix (H. Crouzel) 70
Strobel (A.). — Der spàtbronzezeitliche Seevôlkertum (M. Delcor).. 310
Studio (Lo) dei Padri délia Chiesa oggi (H. Crouzel) 129
Tarby (A.). — La prière eucharistique de l’Église de Jérusalem
(A.-G. Martimort) 52
Théodoret de Cyr. — Histoire des moines de Syrie..., Introduction,
texte critique, trad., notes par Pierre Canivet et Alice Leroy-
Molinghen, Tome I (H. Crouzel) 235
Tilliette (X.). — Schelling : la mythologie expliquée par elle-même
(A. Dartigues) 76
Triacca (A. M.). — I prefazi ambrosiani del ciclo « De tempore »
secondo il « Sacramentarium Bergomense », Avviamento ad uno
studio critico-teologico (A.-G Martimort) 52
Trouillard (J.). — Les fondements du mythe selon Proclos (A. Dar
tigues) 76
Vaillancourt (R.). — Vers un renouveau de la théologie sacramen-
taire (C. Chopin) 154
Vigano (L.). — Nomi e titoli di YHWH alla luce del semitico del
Nord-ovest (M. Delcor) 224
Yon (E.D.). — Le symbole et la Croix (A Dartigues) 77
Zanartu (S.). — El Concepto de ZQH en Ignocio de Antioquia (H.
Crouzel) 131
31, Rue Je la l! onJerie, 3i
TOULOUSE
BULLETIN DE LITTERATURE ECCLESIASTIQUE

SOMMAIRE

H. Crouzel. — Origène est-il la source du catharisme ?


P. Gauthier. — La théologie à l’université pour John Henry
Newman.
A.-G. Martimort. — Chronique d’histoire liturgique.
Comptes rendus.

Les articles du Bulletin de littérature ecclésiastique sont analysés et


indexés dans le Bulletin signalétique, sciences religieuses du Centre de
documentation Sciences humaines du C.N.R.S.
CCP Paris 9061 -11 - Tel. 555.92.25
TABLES GENERALES
DU
BULLETIN DE LITTÉRATURE
ECCLÉSIASTIQUE

TOMES LII-LXXVI
1951 - 1975

Ces tables de tous les articles, notes, chroniques et


comptes rendus forment un fascicule spécial du Bulletin qui
n’est pas compris dans l’abonnement. Tirage limité.
Prix de vente (taxes et port compris) pour la France :
22 francs. Pour l’étranger : 30 francs.
A verser au C. C. Postal Bulletin de littérature ecclésias
tique, Toulouse 1169 53 P.

D.L. l«r trimestre 1979. Les Imprimeurs-Gérants: Camilli et Fournié


Commission paritaire de presse 23.966. 28, allées Jean-Jaurès, Toulouse
TOULOUSE
BULLETIN DE LITTERATURE ECCLESIASTIQUE

SOMMAIRE
S. Légasse. — Les chrétiens et le pouvoir séculier d'après
l’Apocalypse johannique.
B. de Solages J.-M. Vaciierot.
- — Le chapitre XXI de Jean
est-il de la même plume que le reste de l’Évangile ?
Notes et critiques. — L’Évangile de Thomas et les Évangi
les canoniques : l’ordre des périscopes.
IL Crouzel. — Chronique origénienne.
Comptes rendus.

Les articles du Bulletin de littérature ecclésiastique sont analysés et


indexés dans le Bulletin signalétique, sciences religieuses du Centre de
documentation Sciences humaines du C.N.R.S.
W«I CCP Paris 9061-11 - Tél 555 S2 25

rofession
presse
diète le livre

TABLES GÉNÉRALES
DLI
BULLETIN DE LITTÉRATURE
ECCLÉSIASTIQUE

TOMES LII-LXXVI
1961 - 197ô

tables de tous les articles, notes, chroniques et


Ces
comptes rendus forment un fascicule spécial du Bulletin qui
n’est pas compris dans l’abonnement. Tirage limité.
Prix de vente (taxes et port compris) pour la France :
22 francs. Pour l’étranger : 30 francs.
A verser au C. C. Postal Bulletin de littérature ecclésias
tique, Toulouse 1169 53 P.

D.L. trimestre 1979.


2<’ Les Imprimeurs-Gérants : Camilli et Fournié
Commission paritaire de presse 23.906. 28, allées Jean-Jaurès, Toulouse
TOULOUSE
BULLETIN DE LITTERATURE ECCLESIASTIQUE

SOMMAIRE
É. Griffe. — Les relations de l’épiscopat gaulois avec Rome
et au VI e
VOrient siècle.
Y. Denis. — Les mécanismes mentaux du développement
doctrinal d’après « L’Essai sur le développement de la
doctrine chrétienne » de Newman.
G. Azam. — La crise moderniste en Espagne.
Notes et critiques : Un extrait retrouvé chez Cosmas Indi-
cop^eustès d’un discours sur l’aumône de Jean Chrysos-
tome (PG 49,293), par M. Aubineau.
M. Delcor. — Chronique d’Ancien Testament.
Comptes rendus.

Bulletin de littérature ecclésiastique sont analysés et


Les articles du
indexés dans le Bulletin signalétique, sciences religieuses du Centre de
documentation Sciences humaines du C.N.R.S.
TABLES GÉNÉRALES
DU
BULLETIN DE LITTÉRATURE
ECCLÉSIASTIQUE

tomes lii-lxxvi
1961 - 1976

Ces tables de tous les articles, notes, chroniques et


comptes rendus forment un fascicule spécial du Bulletin qui
n’est pas compris dans l’abonnement. Tirage limité.
Prix de vente (taxes et port compris) pour la France :
25 francs. Pour l’étranger : 33 francs.
A verser au C. C. Postal Bulletin de littérature ecclésias
tique, Toulouse 1169 53 P.

D.L. trimestre 1979.


3e Les Imprimeurs-Gérants : Camilli et Foumié
Commission paritaire de presse 23.966. 28, allées Jean-Jaurès, Toulouse
BULLETIN
DE LITTÉRATURE
ECCLÉSIASTIQUE
Publié par l’Institut
Catholique de Toulouse

N° 4 — OCTOBRE - DECEMBRE 1979

3i, Rue Je la fonderie, 3i


TOULOUSE
BULLETIN DE LITTERATURE ECCLESIASTIQUE

SOMMAIRE
C. Blanc. — Qui est Jésus-Christ ? La réponse d’Origàne.
M. Delcor. — La société cathare en Cerdagne : nobles et
bergers du XII e au XIV e siècle (à suivre).
Comptes rendus.
Table des matières.

du Bulletin de littérature ecclésiastique sont analysés et


Les articles
Indexés dans le Bulletin signalétique, sciences religieuses du Centre de
documentation Sciences humaine* du C.N.RJS.
CENTRE D’ANALYSE ET DE DOCUMENTATION PATRISTIQUES
BIBLIA PATRISTICA
index des citations et allusions bibliques dans la littérature patristique
T. II. Le troisième siècle
(Origène excepté)

Ouvrage collectif
• Index des textes relatifs à l’Ancien et au Nouveau Testament
contenus dans la littérature chrétienne de l’époque, en tenant
compte des différentes langues et doctrines — 22.000 références
classées dans l’ordre canonique.

• Liste des œuvres traitées.


• Listes des sigles.
• Index biblique.
16 x 25 / 468 p. / rel.
ISBN : 2-222-02102-2.
Le numéro 3 est actuellement sous presse.

ditions du CNRS
quai Anatole France. 75700 Paris
CCP Paris 9061 -11 - Tel. 555.92.25
TABLES GÉNÉRALES
DU
BULLETIN DE LITTÉRATURE
ECCLÉSIASTIQUE

Tomes lii-lxxvi
19ôl - 1976

Ces tables de tous les articles, notes, chroniques et


comptes rendus forment un fascicule spécial du Bulletin qui
n’est pas compris dans l’abonnement. Tirage limité.
Prix de vente (taxes et port compris) pour la France :
25 francs. Pour l’étranger : 33 francs.
A verser au C. C. Postal Bulletin de littérature ecclésias
tique, Toulouse 1169 53 P.

D. L. trimestre 1979.
4™ e Les Imprimeurs-Gérants : Camilli et Poumié
Commission paritaire de presse 23.968. 28, allées Jean-Jaurès, Toulouse
4^

INSTITUT
ATHOLIQUE
DE
; TOULOUSE

1979
MONIQUE
N° 1

Souvenirs
La vie de l'Institut
Publications et Activités
des Professeurs

:JPPLEMENT AU BULLETIN DE LITTERATURE ECCLESIASTIQUE


II
Paul

Jean

pape

le
par

reçu

l’Institut,

de

recteur

Eyt,
cj4pLcèà i’audience
du 21 naaembtc...
Avoir, en fonction de circonstances spéciales, l’honneur d’être
l’un des premiers français après le Président de la République et
Monseigneur Etchegaray, à bénéficier d’une audience de Jean-
Paul Il oblige à en faire part, en toute simplicité, et d’abord à ses
compatriotes. Non certes à propos du contenu de l’entretien, mais
ce qui, pour aujourd’hui au moins est plus important, à propos de
l’impression spirituelle que dégage ila puissante et vigoureuse
personnalité du Pape.

Slave et « romain »

Détermination, lucidité, courage... L’aspect physique est par


faitement proportionné au caractère moral. Le corps haut et mas
sif, la force que d’on devine aux mains et aux poignets, tout
conspire à donner de l’homme une vive impression de présence,
de vigueur, de solidité et de sérénité tranquille. Déjà ceux qui
avaient eu l’occasion d’approcher Karol Wojtyla en avaient gardé
le souvenir : la profondeur et la grâce 9laves alliées à la « roma-
nité » d’une rigoureuse discipline de l’esprit. Cette marque distinc
tive du catholicisme polonais s’exprimait chez le Cardinal avec
un charme et un magnétisme que nous étions nombreux à ressen
tir. A Toulouse, pour ne parler que de notre modeste Institut
catholique, nous sommes quatre collègues à avoir rencontré
Jean-Paul II à Cracovie, à Lublin, à Rome et en avoir conçu bien
avant son élection une réelle admiration pour sa personne, sa
pensée et son action pastorale.
En ce qui me concerne directement, trois camarades d’études
polonais, m’avaient orienté, dès longtemps, vers l’attention à tout
ce qu’exprimait leur compatriote.

« Comme à travers le feu... »

Je savais par eux que l’apparence physique du Cardinal


Wojtyla rayonnait d’une expérience spirituelle qui s’était forgée
« comme à travers
le feu » de 1940 à 1960. Intellectuel certes et
de première force, Jean-Paul II n’est pas un philosophe parlant
par procuration abusive de ta souffrance, de la vie et de la mort
des autres. Tout chez lui vient d’une expérience exceptionnelle
et trouve dans une parole et une gestuation tout à fait typiques,
des moyens particulièrement adaptés de manifestation. Tantôt sa
tête et son corps se penchent en avant comme pour pousser le
plus loin possible ila portée de son affirmation, tantôt il se ren
verse franchement comme pour chercher très loin derrière ou
au-dessus de lui le prolongement de son propos. Toujours lent,
mais sans hésitation, précis mais sans affectation, son français
porte spontanément la trace linguistique des autres possibilités
que le Pape, en vrai polonais, a acquises en de nombreuses
autres langues.

D’aù parles-tu ?

Ce Pape qui vient de l’Est, vient d’une situation dans laquelle


la foi évangélique ne peut surmonter les risques mortels qui la
cernent qu’à la condition d’une imperturbable et totale fidélité.
Nul doute qu’il dise à l’Occident européen et nord-américain une
parole qui le conteste. Une parole dont on sent déjà qu’elle ne
va pas chercher son fondement et sa vérification dans les sonda
ges d’opinion, les lieux communs changeants de l’intelligentzia,
les signaux culturels en circulation sur nos écrans encombrés.
En lui, une parole se prépare que certainement plus aucun occi
dental — quels que soient son mérite et son génie — ne pouvait
désormais dire à ses frères... En effet cette fameuse question :
« d’où parles-tu ? » qu’on la pose donc à Jean-Paul II. Très calme
ment mais très fermement, fl répondra. A partir de sa vie risquée,
de son apostolat traqué, de la confiance joyeuse de son peuple,
du sacrifice de tant de frères et de sœurs ; à partir aussi de sa
foi d’évêque, de ses longues nuits de prières dans la chapelle du
Wavel à Cracovie, à partir enfin de sa responsabilité et de sa
mission nouvelles.
« Et toi, affermis tes frères ». La solennelle
! adresse de Jésus
à saint Pierre prend désormais un relief particulier, puisque elle
investit un homme dont toute la vie a été une lutte pour la foi,
la sienne et celle de ses frères.
En envisageant son éventuelle venue à Lourdes et en évo
quant la mémoire de notre compatriote et père Monseigneur
Théas, le Pape nous a dit : « Ce sera bien pour la France ». A
condition, pouvons-nous ajouter, dans l’esprit même de l’entre
tien, que cette venue soit préparée par une vigoureuse confron
tation de notre foi à la sienne ! Sinon, ce ne serait qu’un gadget
occidental de plus et Jean-Paul II venant d’où il vient n’apprécie
pas les gadgets.
Pierre EYT, recteur.
(Extrait de « La Croix du Midi »).
cScutüeniz...

Le Père ETCHEVERRY

La Chronique a déjà annoncé, Vannée dernière, la mort du P. Etche-


verry ; elle a aussi donné des extraits de Vhomélie prononcée à la messe
de ses funérailles. Revenant sur la personnalité de celui qui fut, durant
trente ans environ, professeur de philosophie à VInstitut, nous donnons
la parole au Père J. Caries, son ancien élève, puis son collègue parmi
les professeurs de la Maison, et son frère dans la Compagnie de Jésus.

Il avait fait, trois jours avant, une conférence aux Pères de la


rue des Fleurs sur les « Nouveaux philosophes ». Le temps était frais
mais assez beau. A trois heures de l’après-midi, il part vers la Biblio
thèque de la ville afin d’y vérifier tel ou tel détail : il tenait tellement
à ce que tout soit exact ! Le voilà donc assis à une table, devant les
livres qu’on vient de lui apporter, lorsque, soudain frappé d’une crise
cardiaque, il s’écroule. On se précipite, on appelle du secours et il est
rapidement emporté vers l’hôpital de Purpan. Lorsqu’il arriva, son cœur
avait cessé de battre et c’est en vain qu’on essaya de le ranimer. Après
avoir travaillé jusqu’à la dernière minute, il disparaissait dans sa
86° année.
Le Père Etcheverry vit le jour le 20 mai 1892 au bord de l’océan,
dans la petite ville de Ciboure qui ne formerait qu’une seule agglomé
ration, avec Saint-Jean-de-Luz si l’embouchure de la Nivelle ne venait
les séparer.
Ciboure se trouve au cœur du pays basque ; le Père était donc
basque de naissance. Il l’était aussi de cœur et de nom. Son nom
signifie « maison neuve » en souvenir sans doute de quelque ancêtre
qui, dans Ciboure peut-être, avait fait construire une belle etche
facilement remarquée parmi les autres. A ce nom on avait adjoint le
prénom d’Auguste, et le petit Auguste grandissait au cœur de ce pays
basque dont il fut toujours fier.
Ciboure présente tout l’attrait d’une ville basque, mais avec deux
centres particuliers d’intérêt propres à faire rêver les enfants : la
frontière et l’océan.
La frontière d’Espagne se trouve seulement à 16 kilomètres en
suivant la côte, à 12 par la grand’route, mais à 7 seulement à vol
d’oiseau quand on s’oriente directement vers la Rhune ou le col d’Ibar-
din. Que de Basques sont devenus célèbres dans la région pour la
facilité avec laquelle ils franchissaient la frontière à la barbe des
douaniers et la manière dont ils arrivaient à déjouer les pièges que
ceux-ci leur tendaient. Franchir la frontière avec, sur le dos, un sac
plein de produits prohibés est une aventure qui fait rêver beaucoup de
petits basques : le jeune Auguste écoutait sans se lasser le récit de
ces aventures et c’est bien le seul point, ce me
semble, où il n’était
pas de cœur avec les forces de l’ordre.
A Ciboure, il y avait aussi l’océan, les pêcheurs qui s’en vont jour
et nuit au péril de la mer, mais aussi le départ vers l’Amérique du
Sud où tant de Basques sont allés s’enrichir avant de rentrer au pays
passer des jours tranquilles et fortunés au souvenir des audaces d’antan.
Monsieur Etcheverry, son père, n’était pas un aventurier mais un
entrepreneur toujours occupé à bien finir son travail : il était très
estimé et je crois avoir entendu dire qu’il était maire de la ville.
Il eut quatre enfants dont deux furent jésuites. Auguste alla très
vite au petit séminaire de Laressore où la discipline était rude mais
dont les anciens élèves semblent avoir gardé un souvenir vibrant.
Il entra ensuite au Grand Séminaire, interrompu par la guerre de 1914
qu’il fit d’un bout à l’autre comme brancardier. Il profita d’une permis
sion pour être ordonné prêtre et de la démobilisation pour entrer au
noviciat des jésuites, à Mons dans le Gers.
Au bout d’un an, il partit pour le scolasticat de Vals-près-le-Puy
refaire sa philosophie. Cette matière l’intéressait : il s’orienta décidé
ment vers elle et prépara sa Licence à la Faculté des Lettres^ de
Grenoble. Non seulement il passa sans difficulté ses certificats, mais
il fut un de ces bons élèves qui s’attachent à leur professeur,, et le
professeur le lui rendait. Ce professeur était Chevalier, un des grands
noms de la philosophie d’il y a cinquante ans.
Après sa philosophie, le Père Etcheverry alla reprendre et rafraîchir
ses notions de Théologie dogmatique ou morale couronnées par une
troisième année de formation spirituelle.
Son orientation définitive était prise : il revint à Vais comme
professeur. Parmi la douzaine de professeurs de philosophie qui ensei
gnaient chacun sa partie, son domaine était la Critique ou la Crité-
riologie : il nous aidait à découvrir la vérité et à la discerner de
l’erreur.
Les cours se faisaient en latin à raison de cinq heures par semaine
pour chaque matière, et se présentaient sous forme de thèses à défen
dre contre des adversaires de toute catégorie. Parmi ces adversaires,
les idéalistes avaient la part belle car il préparait contre eux sa thèse
de philosophie avec le professeur Chevalier.
Il exposait avec précision et clarté, citant beaucoup de textes
à l’appui de ses dires. Son souci primordial était que nous soyons
imprégnés de la saine doctrine. Toujours un peu inquiet de ce que
nous allions retenir de son cours, il tenait beaucoup à ce que nous ne
confondions pas la vérité et l’erreur. Il lui est même arrivé à certains
jours où il exposait avec détails et avec flamme la position de je ne
sais plus quel philosophe de s’apercevoir qu’on suivait bien, trop bien,
si l’on peut dire, et qu’on avait l’air satisfait de cette position ; alors
il s’interrompt pour nous dire : « Attention, c’est la théorie de l’adver
saire que j’expose maintenant ». Il voulait nous conduire à la vérité.
L’un de nous avait sur son nom fait un très joli jeu; de mots :
il avait écrit en tête de son cours en latin « Voici du vrai l’auguste
splendeur », ou, plus exactement, car cette épigraphe était en latin
de la vérité
Ecce veri splendor augustus ! Il était vraiment le serviteur
et jamais personne ne l’a soupçonné d’hérésie.
Tout en faisant son cours de Critique, il préparait activement sa
thèse de Doctorat sur l’Idéalisme contemporain. Il la passa en 1934,
à Grenoble, avec la mention très honorable, bien entendu.
Il resta encore huit ans à Vais. A cette époque, l’Institut catholique
de Lyon, qui n’est pas très loin du Puy, fit appel à ses services et
toutes les semaines il allait passer deux jours à Lyon où il assurait
un cours.
Cet enseignement dura jusqu’à la guerre. En août 1939, il fut
mobilisé tout de suite et partit pour Saint-Etienne où il ne resta
d’ailleurs pas bien longtemps, sa classe étant assez vite démobilisée.
Cette année scolaire 1939-1940 fut très troublée et Vais était
pratiquement vide, presque tous les jeunes et beaucoup de professeurs
étant partis en guerre. L’année 1940-1941 ainsi que les années suivantes
furent, en revanche, des années à peu près normales pour les études,
bien que la Maison fut un foyer de résistance et qu’on y vit passer
de temps à autre quelque figure nouvelle que l’on disait recherchée
par la Gestapo.
En 1942, le Père Etcheverry vint à Toulouse, à la rue Monplaisir.
L’Institut catholique était alors trop pauvre en professeurs pour ne
pas saisir l’occasion de l’utiliser et, très rapidement, étant donné sa
valeur, de l’adopter et d’en faire même le Doyen de la Faculté de
Philosophie. C’est là que le Père trouva son épanouissement et donna
sa pleine mesure. Il ne vécut plus que pour l’Institut catholique et
son enseignement. Même après sa mise à la retraite, répondant à son
désir de continuer encore son travail, ses collègues s’organisèrent pour
qu’il ait toujours quelques cours à faire, tant et si bien qu’il enseigna
jusqu’à la fin de sa vie.
Son premier souci de doyen fut de renforcer et d’étoffer cette
Faculté de philosophie qui n’était pas très brillante lorsqu’il y arriva.
Il tenait surtout à ce qu’elle rayonne autour d’elle à tous les niveaux.
Il essaya d’atteindre les meilleurs élèves des classes terminales
en invitant ceux des collèges toulousains à venir suivre des cours
qu’il faisait pour eux à l’Institut catholique, il organisa des sessions
pour ces élèves. La plus intéressante, et qui dura plus de dix ans,
1

avait lieu à Paris à Notre-Dame-des-Champs.


C’est avec lui que commencèrent les sessions pour les professeurs
d’enseignement secondaire libre de la région pendant les jours de
congé de la Pentecôte. Ces sessions ont pris de l’ampleur et se sont
généralisées à l’ensemble des disciplines, Sciences, Lettres, Langues,
Histoire, etc.
Il contribua par sa connaissance du pays et ses relations à installer
dans le Petit séminaire d’Ustaritz, l’Université Internationale d’été qui
sous l’impulsion de M. Hahn fit pendant plus de vingt ans du très
bon travail au cœur du pays basque.
De son œuvre écrite, je me contenterai de rappeler qu’il assistait
et participait à la plupart des colloques nationaux ou internationaux
de philosophie et qu’il y faisait assez souvent des communications.
Je rappellerai aussi le titre des livres qu’il a publiés L’idéalisme
contemporain qui fut son sujet principal de thèse de Doctorat, tandis
que sa thèse secondaire avait pour sujet Vers l’immanence intégrale.
Vinrent ensuite Le conflit actuel des humanistes, L’homme dans
le monde, La philosophie du communisme et le dernier paru La morale
en question. Plusieurs autres étaient en chantier : l’un des plus avancés
traitait de la liberté.
Toutes ces publications supposent un énorme travail dont furent
témoins tous ceux qui ont vécu près de lui. La plus grande partie de
son temps passait à la préparation de ses cours, de ses conférences
et de ses livres. Il était assidu de toutes les bibliothèques et savait
fort bien dans lesquelles on pouvait trouver tel livre. Le moindre détail
devait être vérifié, contrôlé, étayé, minutieusement, scrupuleusement.
Ses grandes vacances étaient fort studieuses : il les passait pour
la plus grande partie à notre maison de Chantilly où vécut pendant
plusieurs années le scolasticat de philosophie après avoir quitté Vals-
près-le-Puy. Il avait employé ses dernières vacances, celle de 1977,
à lire et à étudier les « nouveaux philosophes » et ceci montre bien
un trait caractéristique de son tempérament. Profondément attaché
à la vérité, il voyait beaucoup d’articles ou même des livres attacher
trop d’importance à ces jeunes penseurs, et cela l’agaçait. Il voulait
les étudier pour pouvoir démontrer que, même s’ils apportent quelque
chose de nouveau, s’ils mettent en relief quelque vérité nouvelle, il
n’y a tout de même rien à craindre de ce côté pour notre bonne philo
sophie classique.
Il était profondément croyant et cela se sentait. On ne peut tout
de même pas dire que ses positions philosophiques fussent commandées
par sa foi chrétienne ; il n’aurait jamais accepté une thèse fondée sur
des bases douteuses ou un raisonnement tronqué : il était trop droit
pour cela.
Tout philosophe digne de ce nom a pour ainsi dire un corps de
doctrine autour duquel s’organise toute sa pensée, à laquelle il ramène
toute idée nouvelle et qui s’enrichit chaque jour au fil de sa réflexion.
Pour lui, ce furent les thèses, on ne peut plus classiques de la philo
sophie chrétienne qu’il tenait, non par fidéisme, mais parce qu’il les
avait explorées, discutées et trouvées bonnes. Son travail visait à conso
lider cet édifice, à mieux le présenter, à le rendre compréhensible et
acceptable pour une philosophie d’aujourd’hui.
Cette position lui rendait fort mauvais service auprès de certains,
car sa pensée manquait forcément d’originalité, sinon d’ouverture.
Il tenait à confronter ses thèses avec tous les courants nouveaux :
il aimait cette confrontation qui n’entamait jamais sa tranquille assu
rance, une assurance qui ne manquait pas d’attrait.
Il est de jeunes philosophes qui aiment l’aventure et s’élancent
avec enthousiasme sur toutes les voies ouvertes à leur libre discus
sion, mais tout ce qui est nouveau n’est pas bon et tout ce qui est
bon n’est pas nouveau ; et les voilà engagés vers des horizons trop
larges ou trop étroits capables de désorienter tous ceux qui aimeraient
bien atteindre un but, quelque part. L’inquiétude risque de s’installer
à bord, comme sur ces bateaux de pêche assaillis par les vagues et
dont le pilote dans la nuit cherche des yeux le phare de Saint-Jean-
de-Luz ou de Socoa.
Il est des philosophes qui gardent au fond du cœur la nostalgie
de la certitude : le Père était là sut la rive prêt à leur tendre une
main secourable. Il respectait toutes les convictions, mais cette assu
rance qu’il rayonnait était contagieuse et lui valait de la part de tous
une considération, une estime que personne ne contestait.
« Réservé et même scrupuleux » écrit un de ses
anciens élèves,
disponible mais craignant d’être importun, tolérant malgré ses convic
tions intimes et ses racines, son influence était discrète mais pro
fonde... Philosophiquement parlant, il ne cherchait pas à briller et sa
pensée n’a jamais été originale ; ni mouvement de manches, ni jeux
de mots parce qu’il n’est pas permis de jouer avec certaines choses...
Il représentait la Philosophia perennis.
Du point de vue humain, le souvenir qu’il laisse est celui d’un
compagnon très agréable à vivre, un peu bavard parfois, mais si affec
tueux et si prévenant. Les récréations ou les repas étaient avec lui
très sympathiques, car il était d’un tempérament joyeux et il aimait
bien raconter des histoires, des histoires toujours convenables — est-il
besoin de le dire ? — jamais gauloises. Le moindre soupçon sur ce
point lui faisait froncer les sourcils et prendre une attitude de franche
réserve, aux bords de la réprobation.
Ses histoires, ordinairement véridiques, venaient la plupart du
temps du pays basque et ne manquaient pas de sel. Il les introduisait
ordinairement par ces mots : « C’est comme... ». A titre d’exemple, en
voici une que j’ai entendue plusieurs fois : « C’est comme l’ancien curé
de Biarritz, au temps où la plage était richement fréquentée, qui disait
un jour dans son homélie : quand je vois entrer dans l’église tout ce
beau monde, je me demande : où sont les pauvres ? Mais quand je vois
le résultat de la quête, je me demande : où sont les riches ? »
Jusqu’à son dernier jour, le Père garda cet amour des petites
histoires, jusqu’à son dernier jour, il ne relâcha pas son travail. Pour
tant, il sentait ses forces décliner et il se rendait compte que sa résis
tance n’était plus la même. « Je vais m’asseoir sur mon fauteuil, je
dors un instant et je me remets au travail ».
Il avait d’abord admiré, lorsqu’il était enfant, les exploits de
ses compatriotes, contrebandiers ou migrants, qui s’illustrent par leur
audace, mais il n’avait rien d’un aventurier ; il se souvenait plutôt
de la clarté rassurante de ces phares qui, dressés dans la nuit calme
ou la bourrasque, veillent sur l’entrée de la baie de Ciboure ou de
Saint-Jean-de-Luz, ces phares amis que les pêcheurs lointains au péril
de la mer ne perdent pas des yeux, car ils indiquent le chemin du
port : une belle vie réalise les rêves d’enfant.
Mgr Elie GRIFFE
(1899-1978)
Il n’était pas encore prêtre lorsque son évêque et ses maîtres
du séminaire l’envoyaient continuer ses études à l’Institut Catholique
de Toulouse. C’est là qu’il découvre et approfondit sa vocation d’histo
rien, avec la conscience aiguë que c’est pour lui un moyen efficace de
servir l’Église et une tâche urgente. Il acquiert à Toulouse, au contact
de Mgr Louis Saltet, ce besoin de rigueur dans la recherche, de loyauté
dans l’exposé, cette sévérité aussi contre tous ceux qui trichent avec
la méthode scientifique qui guidera désormais ses innombrables tra
vaux. Mais c’est surtout l’enthousiasme qui le conduit : à Rome où
il est envoyé de 1923 à 1925, il découvre les splendeurs, archéologiques
certes mais surtout spirituelles, de l’histoire de l’Église. De cette his
toire, il ne cachera jamais les ombres, mais il voit bien que les lumières
sont plus fortes.
Aux Archives du Vatican, il amasse les matériaux qui lui permet
tront ensuite de préparer à Carcassonne la thèse de doctorat ès Lettres
qu’il soutiendra avec éloges devant la Faculté de Toulouse en 1934.
Ce travail révèle déjà ce qui me paraît être une caractéristique de
l’œuvre historique d’Élie Griffe : c’est de l’histoire de son diocèse qu’il
partira toujours pour aller à l’histoire générale, ce qui donne à ses
travaux cette note très concrète et vivante qui en est le charme. Il est
vrai que l’on trouve ce diocèse lié à tous les grands événements de la.
vie d’Église : sa thèse, en étudiant l'Histoire religieuse des anciens pays
d’Aude des origines à la fin de l’époque carolingienne fera réfléchir
Élie Griffe non seulement aux gloires de Narbonne mais à la première
évangélisation de la Gaule, à la vie de ses communautés chrétiennes,
à la formation des paroisses rurales, en un mot, à tout ce qui, plus
tard, sera l’objet de sa grande œuvre, La Gaule chrétienne.
Les archives du Vatican lui avaient fait aussi retrouver les nom
breux documents qui lui permettront d’illustrer l’histoire des paroisses
de l’Aude, d’abord en de modestes articles de la Semaine religieuse,
ensuite, dans les deux volumes qu’il a publiés en 1974 et 1976.
Ce terroir du Cabardès lui-même a inspiré à Élie Griffe ses études
magistrales sur les Cathares dont le quatrième volume est en train de
s’imprimer. Mais peut-être n’aurait-il jamais repris de si longue haleine
les notes qu’il avait amassées sur ce sujet, si son honnêteté d’historien
n’avait pas eu à se révolter contre les injustices et les caricatures dont
on accablait l’Église à propos de la crise cathare.
A son terroir et à son diocèse, cependant, un plus grand service
d’Église l’avait déjà arraché : en 1946, il fut nommé professeur à l’Ins
titut Catholique de Toulouse, où il était appelé à succéder à son maître
Mgr Saltet. C’est là qu’il put donner le meilleur de lui-même, auprès
de ses élèves bien sûr, mais aussi auprès de ses collègues dont il était le
conseiller sûr, dans la marche de la Faculté de théologie dont son sens
de l’organisation lui valut d’être d’abord secrétaire puis doyen
sans
discontinuer de 1955 à sa retraite ; enfin, dans ses contacts avec le
monde universitaire et dans les sociétés savantes. Tout le monde admi
rait la sûreté de son jugement, la sérénité de ses vues d’historien qui
cherchait à comprendre au sein des événements et des institutions,
les hommes qui y vivaient. Mais il savait aussi prendre feu contre les
hypothèses aberrantes, contre les erreurs manifestes les à-peu-près
ou
avec lesquels on manipulait hâtivement ces textes que lui avait étudiés
et revus à longueur de décennies. Il avait, pour défendre la vérité,
la tribune que constituait pour lui le Bulletin de littérature ecclésiasti
que dont il a assumé la direction pendant près de vingt ans.
C’est vers la fin de sa vie qu’il lui était réservé d’être attristé
par ces épreuves dont parlait tout à l’heure saint Pierre et qui doivent
vérifier la qualité de notre foi. La principale, la plus longue de ses
épreuves, c’est dans son amour de l’Église qu’il la subissait. La crise
qui, dans cette époque post-conciliaire, accumulait tant de ruines et
semblait ébranler même les institutions que Mgr Griffe vénérait comme
essentielles depuis l’antiquité ; cette crise, dis-je, le remplissait de tris
tesse jusqu’à se demander s’il n’en mourrait pas. Ce n’était certes pas
nostalgie du passé, car après avoir accueilli avec joie le Concile, il
était capable de rêver à des réformes hardies. Et en tout cas, sa foi
en était renforcée, cette foi « plus précieuse que l’or », comme disait
saint Pierre.
La dernière épreuve, ce fut moins la maladie que l’inaction où
elle le condamnait. Sur son lit d’hôpital, il songeait encore aux travaux
qu’il voulait terminer ; mais là encore, la sérénité dominait ; il avait
demandé le sacrement des malades dès qu’il avait compris la gravité
de son mal ; sans doute aurait-il pu dire comme Bossuet : « Dieu saura
susciter des défenseurs à son Église ».
Quel que soit l’exemple que nous donne un chrétien et un prêtre,
il demeure un pécheur qui implore la miséricorde de Dieu et c’est
pourquoi nous sommes ici réunis en prière auprès de la dépouille
mortelle d’Élie Griffe. Mais aussi la parole de Dieu nous donne confiance
et ravive notre espérance, surtout en ce temps pascal : la Résurrection
du Christ nous assure de l’héritage qui nous est réservé dans les cieux.
Nous avons entendu tout à l’heure, dans l’évangile, Jésus nous dire :
« Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là
aussi sera mon serviteur ; si quelqu’un me sert, mon Père le récom
pensera ».
Vendredi dernier, lors de ma dernière rencontre avec Mgr Griffe,
nous évoquions ensemble saint Martin et saint Honorât : j’imagine
aisément les saints de la Gaule antique venant au-devant de celui
qui a si bien parlé d’eux pour l’introduire dans la joie de son Maître.
Amen.
A.-G. Martimort
Le chanoine René DESJARDINS

Après le P. Etcheverry et Mgr Griffe, un troisième de nos collègues,


le chanoine René Desjardins, a été rappelé à Dieu au printemps de
1978.
René Desjardins était né à Toulouse, le 6 janvier 1896, à l’ombre
du clocher de Saint-Sernin. Son frère Louis, de six ans son aîné, fut
orienté vers le sacerdoce et ordonné prêtre en 1916 : musicien, mathé
maticien et bricoleur, pendant un temps professeur au Petit séminaire,
il vécut les trente dernières années dans une retraite farouche. René
aussi se dirigea vers le sacerdoce, mais il ne ressemblait à son frère
que par sa sensibilité artistique ; sa santé fragile lui ayant évité d’être
mobilisé durant la guerre de 1914-1918, il reçut l’ordination sacerdotale
le 29 juin 1920.
Après deux ans de vicariat à Croix-Daurade, dans la banlieue de
Toulouse, puis trois ans à la paroisse de Notre-Dame du Taur, il fut
nommé vicaire à Notre-Dame de la Dalbade le 23 août 1925 et devait
y demeurer jusqu’en 1933. Ce ministère, dans une paroisse peu étendue
où il exerça rapidement un grand rayonnement sur les jeunes, lui laissait
des loisirs : il n’avait que quelques mètres à parcourir, depuis son
appartement de la rue de la Dalbade, pour venir à l’Institut catholique
suivre des cours et préparer successivement une thèse de théologie et
une thèse de droit canonique. La première, soutenue en juin 1931 et
intitulée Aux origines de l’État pontifical, la donation de Kiersy, a été
présentée en ces termes par son maître Mgr Saltet : « L’intérêt de cette
thèse est de montrer qu’un texte important du Liber pontificalis, admis
comme véridique par Mgr Duchesne, est certainement légendaire ; une
telle rencontre ne saurait surprendre : contrairement à une opinion
aussi répandue qu’inexacte, Mgr Duchesne n’abandonne le témoignage
des textes qu’à la dernière extrémité et l’exemple discuté par M. Des
jardins prouve que Mgr Duchesne a même dépassé cette limite » (1).
Avouons que la thèse du candidat répétait surtout la pensée du maître,
qui reviendra plusieurs fois sur ce sujet dans son enseignement et ses
écrits. Mgr Saltet éveille chez René Desjardins un amour rigoureux
de la vérité qui exige, quand c’est nécessaire, de sortir des sentiers
battus, et l’intelligence de l’art roman méridional.
En revanche, la thèse de droit canonique, soutenue le 25 octobre
1932 et publiée l’année suivante chez Sirey, abordait un important
sujet d’actualité: Le mariage en Italie depuis les accords du Latran.
Le thème en avait sans doute été suggéré à l’abbé Desjardins par le

(1) Bulletin de littérature ecclésiastique 32, 1931, p. 229.


récent mariage de sa sœur avec l’avocat italien Mossolin, qui devait
mourir durant la guerre de 1940 dans un camp d’internement.
Ces brillants débuts furent brisés par un grave incident de santé :
René Desjardins dut quitter la Dalbade en septembre 1933 et séjourner
durant une année au sanatorium de Thorenc. Désormais, il semblait qu’il
ne pourrait exercer qu’un ministère réduit : de septembre 1934 à l’été
1942, il sera aumônier de l’École Notre-Dame de Blancotte, juvénat des
Frères Maristes situé dans un domaine rural sur la commune de Cazères-
sur-Garonne. Son zèle en débordera vite le cadre : les scouts qui ont
fait partie alors de la troupe qu’il animait ont continué au long de leur
vie d’adultes de lui manifester leur affection et de venir le visiter.
Il avait même écrit pour eux un jeu scénique : Brises de France, jeu
scout en trois actes, édité chez Desclée De Brouwer (Paris 1934).
A la rentrée scolaire de 1942, il est nommé directeur spirituel du
Petit séminaire de Toulouse : ce sont maintenant les futurs prêtres qui
bénéficient de son enseignement et de ses conseils. C’est alors aussi
que se manifestent la finesse de son goût et le souci qu’il a de l’art
sacré : il améliore la médiocre chapelle de la Maison et encourage des
artistes de qualité. Mais à l’automne de 1950, lorsqu’est décidé le
transfert du Petit Séminaire hors de Toulouse, il demande à être
déchargé de sa responsabilité de directeur spirituel. L’autorité diocé
saine acquiesce volontiers et lui donne l’aumônerie de la Visitation :
ce poste de tout repos va lui permettre de donner enfin sa pleine
mesure.
Il se retrouve ainsi dans cette rue de la Dalbade, à quelques pas
de la maison où, jeune vicaire, il avait habité. Tout à côté, le chanoine
Henri Martin a installé depuis plusieurs années le Séminaire de Voca
tions tardives qu’il a fondé : l’abbé Desjardins lui apporte aussitôt sa
collaboration, comme professeur et directeur spirituel ; lorsque ce sémi
naire sera transféré à Montauban, M. Desjardins ira chaque semaine
jusqu’en 1965 y passer plusieurs jours. En même temps le diocèse de
Toulouse fait appel à sa compétence de canoniste : il exerce diverses
fonctions dans l’officialité diocésaine ; il est en 1954 promoteur de la
foi dans le procès informatif sur le chanoine Maurice Garrigou, fonda
teur des sœurs de la Compassion ; il deviendra en 1973 promoteur de
justice de l’officialité régionale.
L’aumônerie de la Visitation va l’inviter à approfondir la spiritualité
de saint François de Sales et à la faire connaître par la parole et par
les livres. Il apporte sa collaboration aux Sociétés fondées par le cha
noine Chaumont, leur prêche des retraites et récollections. Il publie
en 1958 et, de nouveau, en 1969, une édition abrégée du Traité de
l’amour de Dieu, en vue de le rendre plus accessible au lecteur moderne ;
puis, sous le titre Le livre des quatre amours, il propose une synthèse
salésienne, esquissant ce qu’aurait été un ouvrage que l’évêque de
Genève avait projeté sans le réaliser.
Le couvent toulousain de la Visitation est aussi le siège d’une
œuvre fondée en 1917 par l’archevêque d’alors, Mgr Germain : le
« Vœu de l’Univers Catholique », dont le but était d’ériger une basilique
à Jérusalem. L’entreprise était fort anachronique
au moment où l’abbé
Desjardins — qui avait été nommé en 1952 chanoine titulaire! de la
cathédrale, — s’en est trouvé chargé : le temps n’est plus de construire
de grandioses basiliques votives, surtout dans cette région troublée du
Proche-Orient ; le Bulletin publié par l’œuvre n’est guère lui-même de
nature à attirer l’intérêt et les générosités... Ce Bulletin, le chanoine
Desjardins lui donne le nom d’Eléona, le rend attrayant, en fait une
revue de valeur scientifique à laquelle il assure la collaboration d’érudits
et confie le fruit de ses propres lectures ou réflexions. Quant à la
basilique, il fera prévaloir le meilleur parti possible : elle devait, disait-
on, reconstituer l’antique édifice de l’Eléona ; mieux valait, tant du
point de vue archéologique que du point de vue pratique, se contenter
de remettre en valeur les restes existants, suggérer par des planta
tions les lignes de la basilique constantinienne et édifier un autel
permettant la célébration à ciel ouvert : le jour de l’Ascension 1972,
la consécration de l’autel par Mgr de Courrèges entouré de pèlerins
toulousains, a marqué l’achèvement de ce projet, après soixante ans
de pénibles efforts.
Et le chanoine Desjardins avait retrouvé le voisinage de l’Institut
catholique, qui l’invita à collaborer avec lui de plus en plus. Ce fut
d’abord par des contributions au Bulletin de littérature ecclésiastique,
articles et comptes rendus. Des articles, on trouvera plus loin la liste ;
quant aux recensions, elles portent sur près de quatre-vingts ouvrages
pour la période qui va de 1958 à sa mort. En 1965, on lui demanda
d’assurer un cours d’archéologie du Moyen Age : il l’accepta avec joie,
mettant au service des étudiants en théologie la richesse de ses
connaissances et la pénétration de son analyse iconographique. En sep
tembre 1972, atteint par la limite d’âge il sera nommé par les évêques
protecteurs de l’Institut catholique professeur honoraire.
Parmi les recensions qu’il a publiées, il en est une qui aide à
comprendre sa propre physionomie : c’est celle qu’il fit sur le livre
du P. de Lubac, Pic de La Mirandole ; il la terminait en disant : « Nul
ne contestera à Henri de Lubac le titre d’humaniste. Rêvons qu’on
entreprenne un parallèle entre lui et Jean Pic. On trouverait de nom
breux points communs, y compris des épreuves noblement assumées
et des affinités qui expliquent l’intelligente sympathie conductrice de
ce livre : on ne comprend que ceux qu’on aime » (2). Le chanoine
Desjardins mérite lui aussi ce titre d’humaniste : cette « intelligente
sympathie » l’a conduit à comprendre les monuments, Saint-Sernin de
Toulouse ou l’Abbaye de Moissaq, mais plus encore les saints : non
seulement saint François de Sales, mais Newman, saint Cyprien, saint
Augustin surtout sur lequel il a écrit plusieurs articles et son beau
livre Le souvenir de Dieu; il participait avec charité et finesse
au dialogue œcuménique, savait goûter les sages musulmans et les
poètes indiens. Il a écrit un petit livre délicieux sur Le sens de la
révolution liturgique, émaillé de citations souvent inattendues, témoi
gnant de l’ampleur de sa culture. Il a composé pour le Livre d’heures
d’En-Calcat et pour le Propre du diocèse de Toulouse des hymnes de
style limpide et d’une profonde qualité contemplative.

Lorsque en 1966 se réalisa le projet, qu’il avait lui-même encouragé


et peut-être inspiré, d’un cercle patristique, les « Réunions Cavallera »,
réunissant chaque trimestre un groupe de professeurs de Toulouse et
de Montpellier, il y participe assidûment. Bien plus, pendant plusieurs
années, il lui offrit l’hospitalité, faisant avec délicatesse l’office de
maître de maison.

<2) Bulletin de littérature ecclésiastique 70, 1975, p. 130.


Le mariage en Italie depuis les accords de Latran. Paris, Sirey,
1933 - 183 p.

Saint François de Sales, Traité de Vamour de Dieu, nouvelle éd.


abrégée par le chanoine Desjardins... [Tournai], Desclée, [1958] - 317 p.
Saint François de Sales, Le livre des quatre amours. Textes pré
sentés par le chanoine R. Desjardins... [Tournai], Desclée, [1964] - 275 p.
Saint François de Sales, Traité de Vamour de Dieu, nouvelle édi
tion abrégée par le chanoine Desjardins... [Tournai], Desclée, [1969] -
317 p.
Le sens de la révolution liturgique. Toulouse, Privât, 1969 - 162 p.
(Coll. L’humain et la foi).
Le souvenir de Dieu, Recherche avec saint Augustin... Paris, Beau-
chesne, 1975 - 154 p.
En toi sera ma joie. Actualité de la foi. [Limoges], Droguet et
Ardant, [1975] - 340 p.

PRINCIPAUX ARTICLES
L’antique Eléona du Mont des Oliviers, dans Bulletin du vœu de
l’Univers Catholique, 1953, n° 4, pp. 3-32.
Iconographie de l’Ascension au portail sud de Saint-Semin de
Toulouse, dans B.L.E. 56, 1955, pp. 180-182.
Saint François de Sales et le culte de la sainte Croix, dans Eléona
1957, n° 3, pp. 17-23.
Sainte Thérèse et la Visitation, dans Eléona 1958, n° 1, pp. 9-16.
Le tympan de l’Ascension à Saint-Sernin de Toulouse, dans Eléona
1958, n° 4, pp. 7-22.
Les Hymnes, dans En prière avec VÊglise. Bulletin de formation
liturgique (En-Calcat), n u 24, 1959, pp. 1-5.
Symboles et unité chez saint Cyprien [sous la signature Séminaire
de Montauban], dans Eléona 1960, n° 1, pp. 11-18.
Sermon de saint Bernard sur l’Ascension [sous la signature Sémi
naire de Montauban], dans Eléona 1961, n° 1, pp. 11-24.
L’œuvre théologique et historique du chanoine Capéran, dans B.L.E.
63, 1962, pp. 131-138.
Dialogue sur la pauvreté, dans Eléona 1963, n° 3, pp. 21-24.
Le Christ « sponsus » et l’Église « sponsa » chez saint Augustin,
dans B.L.E. 67, 1966, pp. 241-256.
L’œuvre religieuse de Georges Artemoff, dans Eléona 1966, n° 1,
pp. 5-12.
Saint-Sernin et Moissac [sous la signature Séminaire de Montau-
ban], dans Eléona 1967, n° 1, pp. 9-22.
Déclin ou renaissance du signe, dans Eléona 1969, n° 3, pp. 13-20.
y
Une structuration de mots chez saint Augustin. Le. thème de l’In
carnation, dans B.L.E. 71, 1970, pp. 161-173.
L’idée de l’Église : Maurice Hauriou et l’institution : Newman et
l’Église, dans B.L.E. 72, 1971, pp. 200-223.
Les vestiges du Seigneur au Mont des Oliviers : un courant mysti
que et iconographique, dans Mélanges... Élie Griffe, B.L.E. 73, 1972,
pp. 51-72 (Cf. Eléona 1972, n° 4).
Un humaniste chrétien à l’aube de la Renaissance, dans B.L.E. 76,
1975, pp. 126-130 [C. R., H. de Lubac, Pic de La Mirandole].
Une pastorale augustinienne du mariage, dans B.L.E. 77, 1976,
pp. 161-172.
Mademoiselle
MOREL DE LA ROCHETTE
Mademoiselle Morel de la Rochette enseigna à VInstitut pendant
la dernière guerre. Il convenait que la Chronique garde son souvenir.
Dès son arrivée, — elle avait quitté Paris au moment où les Allemands
y entraient — Mgr de Solages lui avait confié un cours de grec et de
latin, qui attira beaucoup d’étudiants. Une de ses élèves a bien voulu
faire revivre sa physionomie originale et attachante.

Elle était entrée dans ce salon d’attente où nous restâmes un


moment face à face. Sans l’avoir jamais approchée, je savais qui elle
était. Sa tenue était sombre, indifférente, sans autre recherche que la
parure d’un collier de très grosses perles d’ivoire inégalement jaunies.
La serviette de cours trahissait l’universitaire. Mais les grands bords
d’une cloche de feutre contenaient mal des mèches grisonnantes.
L’allure était assurée, voire décidée : manifestement elle savait ce
qu’elle venait dire — et elle le dirait.
Quelque temps après, agrégative malheureuse, j’allais me présenter
à elle pour suivre les cours de latin et de grec qu’elle donnait dans la
salle des lettres de l’Institut catholique. Le conseil amical qui m’avait
adressée à elle me valut une exhortation... véhémente à me couper le
souffle. De mes progrès elle avait déjà, manifestement, fait son affaire !
Comme il ne pouvait être question de me dérober, il ne me restait plus
qu’à emboîter le pas. C’est ainsi que je rejoignais le groupe d’étudiants
de licence et d’agrégation qui en l’année 42-43, avait déjà pris le
départ de ce marathon. A ce train, il y eut quelques déserteurs ; il y
avait aussi de nouveaux venus, gagnés par la conviction des fidèles.
A d’autres les explications littéraires ou la philologie, le sourire
d’Horace ou celui de Socrate (à Monsieur Caster « le Banquet »...),
mais à elle, à nous, la grammaire : des conjugaisons dévidées à fond
de train en long, en large et peut-être en travers ; à nous l’emploi du
réfléchi, les subtilités du style indirect, au sens strict et au sens large ;
à nous l’harmonie touffue des concordances !... Au fil d’un texte dont
nous ne traduisions que quelques lignes à la fois, les questions nais
saient et renaissaient, ponctuées de renvois aux grammaires de Ragon
et de Cayrou, dont notre professeur citait de mémoire les numéros
de référence. Nous sortions de l’interrogation essouflés et rompus...
Mais nous avions suivi... On ne résistait pas à tant de fougue. Dans le
feu de la bataille, les mèches rebelles se déchaînaient, blanchies encore
par la main couverte de craie qui les rejetait en arrière. Le port de
tête devenait superbe ; le discours grammatical, comme les conseils,
avait la véhémence de la passion.
Il n’était cependant pas dépourvu tout à fait de sourire : aisance
sportive qui se joue des difficultés ; taquinerie gentille et tenace du
pédagogue qui refuse de céder au regard implorant de l’élève qui perd
pied ; ironie à mots couverts à l’adresse de MM. les occupants ; désin
volture qui égratigne au passage le latin de saint Jérôme (« J’en demande
pardon à MM. les Ecclésiastiques »), ou qui réécrit l’histoire au gré des
hypothèses et des jongleries grammaticales. « Papirius dicitur Gallo
barbam suam permulcenti... ». Qui donc caressait la fameuse barbe, et
à qui appartient-elle ? Et si elle avait appartenu à l’autre -... » Alexandre
mourut sans avoir eu le loisir d’établir solidement ses affaires » Qu’à
cela ne tienne ! Si Alexandre avait voulu, en même temps que le...choix
des modes, la face du monde eût été changée.
A cet assaut inflexible cédaient petit à petit nos lacunes, nos
lenteurs, nos paresses. La plupart d’entre nous sont probablement
devenus professeurs, ont enseigné à leur tour le grec et le latin. Cer
tains sont en train de les oublier, faute d’élèves. La face du monde
change sans nous.

— 18
lïci vie (La U'dLnétitut
Toute la vie de la Maison n’est pas présentée dans les pages qui
suivent. Seules, quelques pierres du grand édifice sont exposées à
l’attention des visiteurs, qui sauront imaginer l’ensemble d’où elles
sont extraites.

LE CONGRES EUCHARISTIQUE DE LOURDES

Parmi les activités qui ont marqué ce premier trimestre de l’année


universitaire 78-79, je crois devoir donner un écho tout particulier
à la part que j’ai prise à la préparation du Congrès Eucharistique Inter
national de Lourdes en 1981.
Il y a presque un an que Mgr Donze, évêque de Tarbes et Lourdes,
m’a demandé de collaborer à ce travail. Depuis, lors, j’ai eu à coopérer
à la constitution de ce que l’on appelle officiellement le Comité national
et qui joue déjà, de fait, le rôle d’une équipe de préparation. Quinze
personnes en font partie. Mgr St-Gaudens et l’abbé Dagens ont bien
voulu se joindre à ce groupe et partager notre travail.
Il s’agit pour le moment d’envisager la perspective d’ensemble du
Congrès. Situer cet événement dans l’effort du renouveau que vit
l’Église catholique depuis Vatican II ; évaluer la pratique de l’Eucha
ristie par les communautés chrétiennes ; donner l’occasion d’exprimer
à nouveau, en l’approfondissant, la foi de l’Église dans le sacrement
du Corps et du Sang du Christ ; projeter en plans d’action les exigences
éthiques et concrètes du sacrement du Pain partagé (justice, développe
ment, partage...).
D’ores et déjà, le parti est pris de consacrer à l’Eucharistie toute
la «saison» des pèlerinages de Lourdes en 1981. Toutefois, le sommet
de l’année sera constitué par une dizaine de jours du 18 au 28 juillet
au cours desquels se tiendra la manifestation majeure du Congrès.
Nous avons exprimé à sa Sainteté Jean-Paul II notre désir de l’accueillir
en terre pyrénéenne à cette occasion. Nous avons prévu, en commen
çant à travailler à leur réalisation, un Congrès d’exégèse biblique qui
pourrait porter sur la « Cène du Seigneur » ainsi qu’un Congrès de
théologie pratique qui pourrait étudier les dimensions sociales de
l’Eucharistie. La Fondation Jean-Rodhain nous aidera à organiser cette
rencontre.
Bien sûr les célébrations ont déjà retenu notre attention. Le P.
Gélineau en porte le souci tout particulier dans notre équipe. Il s’agit
d’attester simultanément l’unité catholique et la diversité des traditions
liturgiques, tout en faisant d’ailleurs sa place légitime à la créativité.
Equilibre délicat dont la recherche s’impose néanmoins si l’on veut que
chacun puisse se sentir chez lui tout en prenant une vive conscience
de la catholicité de l’Église du Christ.
Pour le moment, notre recherche n’a pas encore pris la dimension
internationale qu’elle devra atteindre au cours de l’année 1979. Le
P. Marcel Mingam, ancien vicaire général des Armées, assure le secré
tariat général du Congrès. Avec Mgr Donze et moi-même, il porte tout
particulièrement la responsabilité de l’élargissement international de
la préparation. Déjà nous avons accompli une série de visites à Rome.
Secrétaire d’Etat, Substitut, Préfets et Secrétaires de Congrégations et
de Secrétariats nous ont reçus après que le Saint-Père lui-même ait
voulu nous rencontrer dans la matinée du 21 novembre 1978. Profitant
d’une invitation de l’Université de Bonn, je me rendrai moi-même en
Allemagne pour présenter l’état de notre recherche au Président de
la conférence épiscopale d’Outre-Rhin, le Cardinal de Cologne. D’autres
contacts sont prévus notamment lors de l’Assemblée de la Confé
rence des épiscopats latino-américains à Puebla (Mexique). Et d’autres
encore... Lourdes permettant d’extraordinaires échanges internationaux !
Pour sensibiliser les communautés chrétiennes, les groupes, les
mouvements, nous avons mis à l’étude des projets de questionnaires per
mettant d’évaluer la pratique « ordinaire » de l’Eucharistie. Ces ques
tionnaires doivent être travaillés à des niveaux divers : catéchismes,
paroisses, équipes d’Action catholique ou de réflexion spirituelle, sémi
naires, monastères, couvents, centres de formation pour laïcs, etc. Sans
compter les conférences épiscopales auxquelles le Pape Jean-Paul II
s’adressera directement dans un document qu’il nous a promis lors
de notre entrevue.
Les apports qui viendront en réponse à ces questionnaires seront
centralisés et étudiés afin que le Magistère pastoral du Pape puisse
s’exercer en toute connaissance de cause, lorsqu’il s’exprimera au
Congrès au nom de son Autorité apostolique. Ainsi ressortira mieux
la cohérence organique du dialogue et de la dialectique nécessaires
entre la vie des communautés chrétiennes et la responsabilité des pas
teurs et d’abord du premier d’entre eux.
Quel programme ambitieux ! Mais comment pourrait-il en être
autrement à l’aube d’un pontificat qui nous provoque à la magnanimité ?
Notre problème n’est pas de rassembler du monde. On ne pourra guère
à Lourdes dépasser les 50.000 personnes qui, de toute façon, s’y trou
vent déjà habituellement en cette période de l’année. Il s’agit plutôt de
rechercher un témoignage de qualité. C’est pourquoi nous avons un
souci particulièrement impérieux de la présentation du Congrès dans
les instances et les canaux de communication. Le témoignage du Congrès
sera en partie tributaire de l’image qu’en donneront la télévision, la
radio et la presse écrite. Aussi ne polarisons-nous pas le Congrès sur
la venue du Pape. Lui-même ne nous a-t-il pas mis .en garde contre ce
risque ?
Vous me permettrez d’ajouter que pour nous qui sommes du
terroir, le Congrès Eucharistique ne peut — bien au contraire
estomper les caractères permanents de Lourdes : l’immaculée, Berna —
dette, le Message, les malades, les jeunes, les pauvres de toutes caté
gories et le catholicisme populaire de ce pèlerinage remarquable entre
tous. Ce qui ne rendra que plus urgent notre effort pour une authenti
que qualité œcuménique lors de ce Congrès.
Il va de soi que tout reste encore à faire ou à peu près. Toutefois
les concours que Mgr Donze et moi avons demandés ne nous ont
jusqu’ici jamais fait défaut. Nous comptons donc sur vous tous pour
nous aider.
Pierre Eyt
actioUâà
JZqA
du dentze çJlvWman
Dans son premier numéro de l’année 1977, la Chronique a déjà
présenté le Centre Newman. Aujourd’hui nous voudrions rendre compte
brièvement des activités de notre groupe durant l’année universitaire
1977-1978.
Nous nous réunissons à l’Institut catholique une fois par mois
environ. Chacun de nous y fait, à son tour, une causerie sur un point
de la pensée de Newman.
L’année dernière, nous étions convenus d’étudier YEssai sur le
développement doctrinal (1845), ouvrage par lequel Newman mettait
fin à la théologie de la Via Media élaborée principalement dans les
Conférences sur la fonction prophétique de l’Église (1837) et rejoignait
le catholicisme romain.
L’ouvrage peut être étudié avec fruit par plusieurs spécialistes
à partir de leur spécialité. C’est ainsi que M. l’abbé Denis l’abordait
pour nous au point de vue littéraire et largement philosophique en
traitant « des mécanismes mentaux du développement doctrinal » ou
« du concept newmanien de YIdea ».
Le développement est une partie d’une impression générale faite
par un objet sur l’imagination, une vision qui s’impose à nous et s’im
prime en nos imaginations. Quoique ayant des contours encore imprécis,
ces visions ou impressions nous mettent en présence de la réalité,
elles sont les images de ce qui est réel. Cette impression s’impose par
son unité, préalable à toute distinction, à toute analyse, à toute divi
sion. Ce n’est pas un credo fait d’articles successifs, c’est quelque
chose d’intégral, de consistant, une série en bloc : l’idée est originale
et persuasive, faite par nature pour intéresser l’esprit et en prendre
possession. Elle croît en s’incorporant et s’assimilant des éléments
étrangers. Elle est une image globale, une représentation de l’objet
réel, une et indécomposable.
Mais l’idée est aussi porteuse de nombreux concepts latents qui
vont apparaître dans le processus du développement. Celui-ci ne saurait
être limité à la déduction : le raisonnement déductif part d’une idée
précise pour aller à une autre idée précise. Or tel n’est pas le chemin
du développement dogmatique. Il est bien plutôt le passage de 1’ « im
plicite vécu à l’explicite connu » selon l’expression de Maurice Blondel.
De plus aucune de ses représentations ou manifestations n’est le tout
de la vérité.
Cette vigueur de l’idée a pour effet de posséder l’esprit qui
l’accueille et de le féconder. A son tour, elle vit de l’esprit. L’idée a
besoin de l’esprit pour sonder cette plénitude qui est la sienne. Cet
esprit n’est pas celui d’un seul homme, c’est celui du peuple, l’esprit
communautaire, lieu de la confrontation et de la complémentarité des
points de vue.
Monsieur Denis a bien montré comment chez Newman, qui ne
se voulait pas philosophe, la philosophie est l’infra ou mieux l’intra-
structure de la théologie.
Le Père Nicolas, pour sa part, devait exposer comment Newman
interprète le point de développement du christianisme qu’est la doc
trine mariale. Newman procède ainsi : il établit les notes du dévelop
pement au nombre de sept puis il prend des exemples doctrinaux
auxquels il applique ces notes. Le Père Nicolas choisit d’abord la qua
trième note, à savoir le développement logique. — Newman entend ce
mot « logique » plus largement que nous le faisons dans le vocabulaire
technique de la philosophie — et il raisonne ainsi : en remettant Jésus
à sa vraie place au-dessus de toute créature, la condamnation de
l’arianisme laissait libre celle à laquelle les Ariens avaient indûment
rabaissé le Verbe Incarné et permettait ainsi le développement du culte
marial sans risque de confusion avec le culte rendu au Christ.
La cinquième note, anticipation de l’avenir, joue si l’on saisit que
les premiers chrétiens (St Justin) ont eu l’intuition du rôle personnel
de Marie en l’assimilant à Ève. Le Père Nicolas poursuit) en faisant
remarquer que l’on peut arriver ainsi jusqu’au chap. VIII e de la Consti
tution Lumen Gentium du deuxième concile du Vatican : Marie et
l’Église (nouvelle Ève).
La sixième note, conservation active du passé, est vérifiée par la
dévotion à Marie par rapport au culte plus ancien rendu au Christ, le
ton de la dévotion à Marie restant toujours différent de celui par lequel
le chrétien s’adresse au Christ.
Quant à nous, nous avons présenté le « document Newman-Per-
rone ». Il s’agit d’un tableau en deux colonnes dans l’une desquelles
Newman a condensé en quelques thèses le contenu de YEssai à l’inten
tion du Père Perrone, un jésuite romain, afin de s’assurer auprès de
lui de son orthodoxie catholique. La deuxième colonne avait été laissée
vide par Newman afin que Perrone y mit ses remarques : celles-ci lui
confirmaient qu’il tenait la bonne doctrine. Les quelques réserves qui
s’y trouvent indiquent la différence de formation des deux hommes
qui avaient l’un pour l’autre une grande estime.
Au cours d’une autre causerie, le Père Crouzel apprécia « la
science patristique de Newman ». Les connaissances patristiques de
Newman sont considérables : en cela il s’inscrit bien dans la tradition
anglicane de la lecture des Pères. Elles sont de première main ; Nèwman
est allé aux auteurs eux-mêmes et l’ensemble est bon et sûr. Néanmoins
sur des points de détails que le Père Crouzel a relevés, il y a à redire.
Newman ne bénéficiait pas des résultats d’études qui sont aujourd’hui
à notre disposition, et sa méthode n’est pas aussi précise qu’elle l’est
devenue pour nous. La manière est celle d’un théologien plus que
d’un patrologue. Il lui suffit de trouver dans l’Histoire des exemples
plutôt que des preuves. Son érudition est bonne, mais elle n’est pas
exempte de raccourcis apologétiques. La communication du Père Crouzel
était d’autant plus intéressante que l’appréciation de la science patris
tique de Newman est rarement faite.
Pour terminer l’année sans quitter Newman mais en élargissant
notre horizon par une comparaison de deux destinées bien différentes
et pourtant convergentes, Monsieur Montabrut nous présente la vie
et l’œuvre de Conventry Patmore, au regard de celles de Newman :
deux vies et deux œuvres qui ne se ressemblent guère par les événe
ments qu’elles ont rencontré et les nombreux fruits qu’elles ont pro
duits. Pourtant une unité d’inspiration permet de les comparer : réaliser
le même idéal catholique, dans le siècle et dans l’état du mariage pour
Patmore, dans le ministère sacerdotal pour Newman.

Pierre Gauthier
Le Séminaire Universitaire Pie XI

Le Séminaire de l’Institut catholique présenté dans le numéro 2


de la Chronique 1978 vient de vivre une année marquée par des
échanges franco-allemands et franco-africains, par un solide travail au
sein des Facultés de théologie et de philosophie ainsi que par de très
belles cérémonies d’ordinations.

*
* *

Dans le cadre du jumelage des Universités de Toulouse et de Bonn,


Bernard Fixes, du diocèse de Rodez a fait partie de la délégation des
étudiants toulousains invités par leurs collègues de la capitale de la
République fédérale. Le séjour fut des plus réussis grâce à une organi
sation impeccable.
Pour trois séminaristes allemands (deux de Mayence, un de Trêves)
ce fut une année entière et bien remplie passée à Pie XI. Nos jeunes
amis ont également dévouvert l’Occitanie, Lourdes, la mer et l’océan
ainsi que nos richesses régionales. A leur tour ils nous ont fait savourer
les spécialités du Rhin et de la Moselle qu’une délégation de profes
seurs et de séminaristes, venus leur rendre visite, avait glissées dans
les bagages.
Au début de chaque semaine notre communauté était enrichie par
la présence de cinq africains bénédictins d’En-Calcat. Au fil des jours,
à travers échanges, prières, causeries ou films, nous avons pu découvrir
un autre style de vitalité ecclésiale, de vie spirituelle, d’expressions
liturgiques. Certes, ceux qui ne connaissaient pas l’Afrique noire ont
pu être au début un peu dépaysés, mais bien vite tous nous avons
compris quelle ouverture et quelles ressources apportaient à notre
conscience et à notre cœur ces frères de l’Abbaye de Koubri (Haute-
Volta) ou de l’Abbaye de Bouaké (Côte d’ivoire).

*
,
* *

Très vivement intéressés par les cours et le dynamisme de la


Faculté de théologie nos frères africains ont tenu à présenter des tra
vaux écrits ou à faire des exposés très intéressants. Mentionnons
quelques thèmes : « Évangile et culture. Expression liturgique dans un
pays de mission ». « Culture Baoulée et Foi catholique ». « La mort
chez les Bobo-Fings ». « Sacrifice Mossi et sacrifice chrétien ». « Sa
gesse mossi, sagesse chrétienne et sagesse monastique ».
Leurs camarades de séminaire se sont également appliqués dans
leurs recherches et travaux grâce aux conseils des professeurs et grâce
à cet indispensable outil de travail qu’est la Bibliothèque de l’Institut.
Signalons quelques titres qui ont donné lieu à des mémoires de licence :

— « Le Concile de Chalcédoine : hier et aujourd’hui ».


— « Signes et symboles ».
— « Négritude et christologie ».
— « Caractéristiques administratives dans le. diocèse ».
ou à des mémoires de maîtrise :

— « Lourdes, étude du symbolisme religieux en terre chrétienne ».


— « Punition, exclusion dans l’Église à l’âge classique (XVIIe -
XVIIIe siècles) ».
— « Métaphorisme et onto-théologique. De la nomination à l’in
vocation de Dieu ».
Les études, parfois austères, dans le silence sinon dans l’obscurité,
tout comme la vie cachée de Jésus à Nazareth, préparent les prêtres
de demain et de l’an 2000. La situation actuelle et les perspectives
d’avenir font écrire au Cardinal Garrone, préfet de la S. C. pour l’Édu
cation Catholique, dans un document récent sur la formation théologique
des futurs prêtres : «Il y a entre le ministère pastoral et la compétence
théologique un lien naturel. On attend du prêtre qu’il remplisse dans
la Communauté chrétienne un véritable ministère théologique, même
s’il ne doit pas pour autant être un théologien de profession. En effet,
évêques et prêtres sont, en tant que pasteurs, responsables de la
prédication officielle de la foi dans l’Église.
*
* *
Insérés dans l’Église, les théologiens et les étudiants en théologie
trouvent dans leurs tâches quotidiennes des nourritures spirituelles.
En outre, la vie du séminaire est organisée de façon à vivre la Foi et
à la faire grandir en tous.
Au début de l’année, une retraite eut lieu à En-Calcat, animée par
un ancien de la maison, le Père Jean Sahuquet d’Albi, maintenant
évêque auxiliaire de Bayonne.
Chaque trimestre, les récollections à En-Calcat ou à Stella Maris
redonnaient du tonus, tandis que régulièrement « les lectures spirituel
les » approfondissaient le sens de telle ou telle fête du Seigneur et
de Notre-Dame, présentaient tel ou tel maître spirituel, sa méthode
d’oraison...
Et chaque jour, les séminaristes regroupés en trois équipes, appor
taient tour à tour un soin spécial à la préparation et à l’animation de
l’Eucharistie et des prières du matin et du soir.
Tout au long de l’année, pères et séminaristes se sont retrouvés
dans la joie et la prière des communautés chrétiennes autour de quatre
jeunes gens ordonnés prêtres par leur évêque :

— Jean-Louis Boumiquel, ordonné à Mazamet par Mgr Coffy.


— Claude Mino-Matot, ordonné au Lavandou par Mgr Barthe.
— Bertrand Laborde, ordonné à Arudy par Mgr Vincent.
— Bernard Fixes, ordonné à Espalion par Mgr Bourrât.
Mais pour les raisons que l’on devine, nous n’avons pu aller à
Golsboro (Caroline du Nord) à l’ordination de John Joseph Williams.
*
**
Pour donner une idée du climat du séminaire sur une plus longue
période, écoutons ce que dit un jeune ancien, André Cabes, qui de
temps en temps revient pour faire le point sur sa thèse en théologie :
« Prêtre depuis juin 1977, je viens de terminer le 3 e cycle de
théologie. Depuis septembre 1976, je suis aussi en ministère pastoral
aux sanctuaires de Lourdes, responsable de l’accueil des jeunes. Lors
d’un passage à Toulouse, je réponds volontiers à l’invitation qui m’est
faite de porter un bref regard en arrière, sur le temps passé au Sémi
naire Pie XI.
Cela fait maintenant onze ans que le. Père Culleron m’accueillait
dans sa maison: j’allais avoir 17 ans. Et mai 68 à clôturé ma première
année à l’Institut Catholique. Comme partout, il y eut chez nous des
mises à jour, mais pas de déchirement. Car la pédagogie qui nous aidait
à marcher reposait sur un apprentissage quotidien de la responsabilité
personnelle et communautaire. Pas de grandes phrases, un infini respect
des personnes, un compagnonnage de tous les instants, dans les crises
adolescentes ou les jeunes espoirs.
J’ai été très heureux de travailler plusieurs années en Faculté de
Lettres, tout en vivant au Séminaire en équipe : là non plus le partage
n’a pas été une règle imposée de l’extérieur, mais le fruit d’un appri
voisement progressif, une école de l’amitié, qui donne le goût du travail
et de la prière.
Cette éducation a sans doute comporté des lacunes. Mais je ne
peux les regretter : elles ont payé le prix de la liberté, qu’on enseigne
toujours dans cette famille où nous aimons, aujourd’hui encore, nous
retrouver ».

Ces propos invitent à l’action de grâces. Au( service des futurs


prêtres, le Séminaire Pie XI — qui va bientôt célébrer le 50 e anniver
saire de sa fondation — entend poursuivre dans une totale fidélité au
Saint-Siège la mission confiée.
Jean Mompha
L'ANNÉE DE FORMATION
PASTORALE (A. F. P.)

Cet organisme de formation permanente fonctionnait pour la


huitième année consécutive. Pendant vingt-cinq semaines, à raison de
trois semaines par mois, des prêtres de la région et d’ailleurs viennent
faire le point ensemble sur leurs méthodes apostoliques, mettre à jour
leurs connaissances en de multiples domaines qui touchent à leur tra
vail, et ressourcer ainsi leur vie de prière et leur élan spirituel.
Quinze participants étaient là. En plus des prêtres des diocèses
voisins, il y avait un assomptionniste italien du Nord ; un prêtre venant
d’Alger et un autre du Maroc ; un était des Missions africaines de
Lyon, un autre était missionnaire aux Iles Marquises, et un autre était
« Fidei donum » en Côte d’ivoire. La particularité de ces situations si
diverses était pour les uns et les autres un réel enrichissement et une
exigence de communion ; en même temps, l’universalité de l’Église ici
représentée soulignait de soi l’aspect relatif de telles ou telles options
qui auraient cru être la norme exclusive.
Les participants reconnaissaient leur dette à l’égard des divers
professeurs de l’Institut ou d’autres organismes de formation pour
l'enseignement adapté qu’ils leur ont livré. Dette également à l’égard
de l’animateur de l’année, l’abbé Gérard Delibes (Auch) et du prédica
teur de la retraite, l’abbé Jean Marcadet, vicaire général d’Auch.

Joseph Lévesque
UN COURS BIBLIQUE
PAR CORRESPONDANCE
LE C.BiC

Le SMEB (Service monastique d’enseignement biblique) poursui


vant heureusement sa course, si souvent décrite dans ces pages, il a
paru intéressant de lancer une organisation parallèle, ouverte à un
public plus large que le seul milieu monastique. Dans ce but a été
lancé le C.BiC, dont la fondation avait été déjà annoncée dans les
précédents numéros de la Chronique.
Les résultats obtenus, pour cette année scolaire, par une discrète
propagande, sont bien suffisants. Trente candidats se sont présentés.
Parmi ces étudiants lointains, nous comptons un prêtre belge, quinze
religieuses, dont onze de la région Midi-Sud-Ouest : du Béarn à la
Drôme, de Bordeaux à Perpignan en passant par Castres et par Rodez ;
les quatre autres sont de Poitiers, de Limoges, des Deux-Sèvres et de
l’Alsace. Comme il avait été conseillé, plusieurs ont pris une inscription
globale valant pour un groupe : une communauté de deux religieuses,
dans un cas, de douze dans un autre. Six mères de famille sont ins
crites, dont l’une avec la participation de son mari. Sept autres inscrites,
de Rabat, Paris, Nantes, etc., travaillent seules ou avec des amies.
Les premières réactions, confirmées par les travaux reçus à la fin
du premier trimestre, ont montré l’extrême diversité des goûts, des
désirs, des possibilités. Plusieurs inscrits, débordant de bonne volonté
et riches d’une extraordinaire application, lisent cependant la Bible
pour la première fois. Par contre, d’autres, en assez grand nombre,
désirent une formation plus poussée. Il est donc apparu nécessaire de
diversifier les propositions. Dès l’année scolaire 79-80, le cours sera
scindé en deux sections. La formule A propose aux débutants un par
cours complet et réfléchi de toute la Bible, réparti sur quatre années ;
elle suppose de courts travaux envoyés pour correction six fois par
an. La formule B veut délivrer une formation plus poussée ; le pro
gramme est réparti sur six ans ; en 79-80, seront étudiés les écrits
johanniques et l’Apocalypse. Les travaux sont trimestriels, mais peuvent
être bloqués dans une période privilégiée de l’année.
En même temps qu’était organisée l’inscription des candidats, il
fallait se préoccuper de trouver des correcteurs adaptés, suffisamment
nombreux pour que la tâche ne soit accablante pour personne. Plusieurs
moniales, qui ont déjà terminé le cycle de cours donnés par le SMEB,
pourront prendre en charge ce travail, entrant ainsi en relation avec
des correspondants très heureux du dialogue.

Louis Monloubou
L'AN I DU S.A.V.I.C. !
(Service audio-visuel de l’Institut Catholique)

Il est banal de dire aujourd’hui que dans notre monde l’audio-visuel


est important. Il est moins banal d’en tirer les conséquences. Ce pari
courageux, l’I.E.R.P. l’avait fait il y a 6 ans, l’Institut catholique dans
son ensemble le fait aujourd’hui grâce à la volonté de notre recteur,
le P. Eyt, et à la compréhension du P. Bareille, directeur de l’I.E.R.P.
Un service audio-visuel cela veut dire des animateurs, un équipe
ment et des objectifs.

A. — LES OBJECTIFS
L’Annuaire présente l’équipement et les animateurs. Je voudrais
aujourd’hui développer un peu les objectifs...
1.
— La Maîtrise technique.— Un appareil photo, un magnéto
phone, c’est d’abord bien sûr des boutons à tourner, un système méca
nique, électronique ou optique à comprendre et apprivoiser. Combien
d’appareils inutilisés ou en panne à la suite de manutentions mala
droites ou négligentes dans les placards de nombreuses écoles !
On aime se servir d’un appareil quand on le connaît, et on le connaît
quand on n’en a plus peur...
2. — La Maîtrise du langage audio-visuel. — On apprend à lire et
à écrire des textes et personne ne s’étonne de la durée de cet appren
tissage.
Contrairement aux idées reçues, il en est de même du langage
audio-visuel. Un montage audio-visuel, un film ne s’improvise pas. La
séduction et la facilité apparente d’une réalisation audio-visuelle masque
souvent au regard du spectateur la rigueur d’un langage avec sa propre
« grammaire », sa propre logique visuelle.
On a trop dit que tout devrait se faire en audio-visuel. Le discours
est irremplaçable dans le domaine de l’analyse, de la synthèse. Il peut
bien sûr s’aider de graphiques, schémas, photos même, mais alors le
visuel ne joue ici que le rôle (important certes) de support au déve
loppement de la pensée. Il visualise, il clarifie, il illustre. Mais le
langage reste celui du discours et il ne pourrait en être autrement.
Ecrire l’image et le son relève d’un autre mode de construction.
Ce n’est pas le concept qui est premier mais le choc de l’image et son
pouvoir suggestif. Les enchaînements d’images sont d’abord formels,
progression dans les lignes, les formes, les couleurs, les angles de vue,
les cadrages. Et le texte? Il ne peut être ici celui de l’analyse ou de
la synthèse mais il peut être celui de la narration, de l’évocation, de
la poésie, du témoignage. Il ne dira pas l’image, pour ne pas risquer
l’ennui ou la récupération ; il en sera seulement son contrepoint sug
gestif, évocateur, clarificateur. C’est alors que l’on peut vraiment parler
de l’A. V. comme langage. C’est cet apprentissage qui constitue l’essen
tiel de l’enseignement audio-visuel au S A V I C.
B. — QUI FREQUENTE LE S A V I C ?
— des futurs enseignants ... les étudiants du C.F.P. et de l’I.E.R.P.,
— des enseignants dans le cadre de la formation permanente ... à
l’atelier du mercredi,
dans l’animation sociale ... les étudiantes
— des futurs cadressociale
conseillères en économie et familiale,
— des animateurs dans la Pastorale ... la plupart suivant une for
mation à l’I.E.R.P.

C. — LES REALISATIONS
« Visages de Jésus », un montage A. V. réalisé à l’initiative du
P. Coste pour une soirée de réflexion chrétienne à la Salle Tolosa et
auquel le P. Eyt a apporté la contribution de sa compétence théologique.
Ce montage a été projeté souvent, notamment à un congrès d’A. V.
et Catéchèse à Namur. Une copie a été demandée par l’A.C.N.A.V.
« Tout le monde est concerné », un montage A. V. sur la Catéchèse
produit par la Région Midi en vue du Congrès National de Catéchèse
à Lourdes 79.
Ce montage existe en douze exemplaires qui circulent dans les
diverses régions apostoliques.
Notons aussi que René Bergougnoux a réalisé dans le cadre de
sa responsabilité de Régional A. V. un montage sur Emilie de Rodât et
un montage sur Lourdes, pour l’année Bernadette.
D. — RETROSPECTIVES
Ou quelques jalons essentiels de l’année écoulée :
— Janvier 78 : participation et animation des Journées nationales
de l’A.C.N.A.V. (Association catéchétique nationale de l’A. V.). — Réa
lisation du montage « Visages de Jésus » dans le cadre des soirées de
Réflexion chrétienne.
— Mars-Avril 78 : Animation de Journées pédagogiques d’ensei
gnants dans le Tarn et le Tarn-et-Garonne.
— Juin-Juillet : Réalisation du montage sur la Catéchèse.
— Septembre 78 : Participation à plusieurs sessions A.R.P.E.C.
— Octobre 78 : Congrès de Namur. — Journée de lancement de la
Catéchèse dans les diocèses de Toulouse et de Montauban. — Deux
sessions de formation à l’A. V. au S A VI C. — Session de Video à
Ambialet avec les prêtres du Tarn.
— Novembre 78 : Session avec 200 enseignants de l’Enseignement
catholique de Toulouse, sur le thème du clown et du cirque. — Réali
sation d’un petit montage A. V.
— Décembre 78 : Session pour enseignants de l’Enseignement
catholique à Tarbes.
— Janvier 1979 : Inauguration des nouveaux locaux.
Bernard Ricart
SESSIONS ET CONFERENCES

Comme on va le constater, les sessions constituent une importante


activité de notre Institut catholique, car elles permettent d’atteindre
de nombreuses personnes en plus de nos étudiants habituels. Il s’agit
assez souvent d’enseignants, de chercheurs, de prêtres ou de religieuses
engagés dans diverses activités pastorales ; également d’assez nombreux
étudiants, surtout des Universités de Toulouse.
Il a semblé utile de regrouper ici toutes ces sessions, précisément
pour faire ressortir l’importance de ce secteur d’activité.

LA SESSION EVEQUES-CHERCHEURS
A NOTRE-DAME DES COTEAUX

A tout Seigneur tout honneur : il fallait commencer par mentionner


la session — annuelle jusqu’à présent et qui se tiendra désormais tous
les deux ans — où les évêques de notre ressort académique se retrou
vent avec les représentants de notre corps professoral (surtout de la
Faculté de Théologie). Les évêques sont accompagnés de leurs colla
borateurs immédiats (vicaires généraux et épiscopaux, etc.).
La session s’est tenue du 13 au 15 février. Elle avait pour thème :
Vérité et vérification dans le contexte culturel contemporain et vérité
selon l’Évangile.

FACULTE DE THEOLOGIE

• Le Groupe Interdisciplinaire de Réflexion Théologique (G.I.R.T.).


C’était sa cinquième année d’activité. Son thème : Vivre et dire
Dieu. Suivant son rythme habituel : trois sessions : 17-18 novembre ;
16-17 mars; 25-26 mai.
En moyenne une trentaine de participants en comptant les quel
ques membres de notre corps professoral qui contribuent à l’animation
du Groupe. Il ne faut pas oublier que les dossiers ronéotés sont envoyés
à ceux qui les demandent, ainsi qu’aux évêques de notre ressort acadé
mique : ce qui a porté à 80 le nombre de ceux qui ont ainsi profité
de ses travaux.

• Une session sur l’Islam, les 12 et 13 janvier 1978, avec M. Ali


Merad et le P. Lelong, a regroupé 50 participants. Notre Institut catho
lique veut honorer une vocation particulière à l’égard de la connais
sance et du dialogue avec l’Islam, en raison de sa position géographique.
INSTITUT D’ETUDES RELIGIEUSES ET PASTORALES
Notre Institut d’Etudes Religieuses et Pastorales (I.E.R.P. a orga
nisé des sessions et des week-ends de formation :
• Sessions : 14-15 janvier 1978 : Session de psychologie animée
par Jean-Louis Ducamp ; 11-14 mars: Session de liturgie animée par
Louis-Marie Chauvet.
• Week-ends de formation sur le thème général : La Communauté
chrétienne, son origine et son avenir ; 5-6 novembre 1977 : Où en est
la Communauté chrétienne aujourd’hui ? (J. Marcadet, C. Nastorg) ;
3-4 décembre 1977 : Que sait-on de son origine ? (A. Marchadour) ;
7-8 janvier 1978 : Le contenu de la première prédication chrétienne
(M. Dagras) ; 25-26 février 1978 : Une Église insérée dans l’histoire
(L. Lachièze-Rey) ; 11-12 mars 1978: L’Église sacrement du salut au
milieu du monde (M. Dagras) ; 22-23 avril 1978 : Perspectives d’avenir.

FACULTE DE PHILOSOPHIE
Sa session annuelle — cette année, les 20-21 mai 1978 — avait
pour thème : Les métamorphoses du matérialisme.

SESSIONS POUR LES PROFESSEURS


DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
Ces sessions, qui se tiennent surtout en septembre et qui connais
sent dans l’ensemble un gros succès, reçoivent des participants de la
France entière. On a compté de vingt à cent trente auditeurs.
• 29 août - 3 septembre : Mathématiques : Étude approfondie de
quelques questions dans les groupes de travail.
• 30 août - 2 septembre 1977 : Philosophie : sciences humaines et
interrogations philosophiques.
• 1 er - 3 septembre 1977 : Histoire et géographie.
• 1 er - 3 septembre : Anglais.
• 5-8 septembre 1977 : Éducation physique et sportive : volley-
ball, saut en longueur, triple saut.
• 4 - 9 septembre 1977 : Technologie.
• 2 octobre 1977 : Journée pédagogique d’espagnol.
• 15-17 juin 1978 : Sciences physiques et naturelles.
• 19-21 juin 1978 : Technologie ; étude des programmes de tech
nologie et de sciences physiques.
• 29 juin - l®r juillet 1978 : Éducation physique et sportive : gym
nastique au sol.
• Session I.F.P.C. : L’image publicitaire. Le 26 avril 1978 à Tarbes.

LES CONFERENCES DE L’INSTITUT CATHOLIQUE


De l’avis de beaucoup, « Les conférences de l’Institut Catholique »
jouent un rôle important dans la vie culturelle toulousaine, surtout
celles qui atteignent un vaste public et qui se tiennent dans notre
salle TOLOSA.
LES CONFERENCES PUBLIQUES « SPECIALES »

Bien que ces conférences ouvertes à tous, s’adressent en fait


à un public spécialisé, l’assistance a atteint parfois un chiffre de
250 présences.
La Faculté de Théologie a organisé, le 12 janvier 1978, une soirée
avec M. Ali Mérad et le P. Lelong, dont le thème était le suivant :
Quel rapport y a-t-il entre la religion musulmane et la vie quotidienne ?
L’Islam connaît-il comme le christianisme des tendances de séculari
sation ?
La Faculté de Philosophie avait pris comme thème de ses confé
rences publiques : Que faire de sa vie ? qui a été développé en cinq
entretiens : La réponse de saint Augustin, avec le P. Fontan ; La réponse
de Kierkegaard, avec le P. Gauthier ; La réponse de Schopenhauer, avec
le P. Dartigues ; La réponse de J.-P. Sartre, avec le P. Courtès ; La
réponse de Jacques Lacan, avec le P. Oraison.
Ajoutons les conférences organisées par l’Institut d’Études sociales :
18 avril 1978: G. Ducourneau : Qu’est-ce que la musicothérapie ? Les
rôles de la communication musicale en thérapie et rééducation ; Dr
Cahen : Vers une psychothérapie globale. De la psychanalyse de Jung
aux tâches actuelles de la psychothérapie.
ASSOCIATION DES AMIS
DE L'INSTITUT CATHOLIQUE

Cette année, le groupe des Amis de l’Institut catholique a pris un


nouveau départ. Il s’est donné comme but de faire mieux connaître
l’Institut avec ses activités et ses besoins. Ses activités, qui sont
multiples mais souvent peu connues ; ses besoins, aussi, sur le plan
financier : les moyens dont il dispose étant vraiment très limités,
l’Institut se voit souvent incapable de développer des sections de for
mation qui seraient pourtant utiles en ces temps de recherche religieuse
et de faim spirituelle.
Trois membres de ce groupe ont accepté de former un comité
d’animation : MM. Dauphin, Hubeaux et Aymon de Solages. Deux
rencontres ont ainsi été programmées durant cette année. La première
s’est tenue le samedi 28 janvier. Ce fut l’occasion pour les amis de
connaître un peu mieux notre maison, dans ses fondations, avec le
mur romain et le musée, mais aussi dans deux de ses activités avec
le laboratoire de géologie et l’Institut d’études religieuses et pastorales.
L’eucharistie, chaleureusement animée par les étudiants du séminaire
universitaire, nous rassemble dans la prière. Et un apéritif permit à
tous les participants d’échanger très amicalement entre eux avant de
se séparer.
Le comité d’animation comprit, ce jour-là, qu’il fallait recommen
cer. Une deuxième rencontre fut programmée pour le lundi 6 novembre.
Mgr Coffy, archevêque d’Albi et président du Bureau d’études doctri
nales de la conférence épiscopale française, accepta de nous parler
des travaux de ce bureau et de la manière dont un évêque affronte
la crise de la foi. Exposé et témoignage qui provoquèrent de nombreu
ses questions de la part de l’auditoire. Entre temps un buffet campa
gnard, fort bien présenté grâce aux sœurs et au personnel des cuisines,
avait permis à chacun de refaire ses forces, et à notre invité de faire
connaissance avec bon nombre des cent vingt «Amis de l’Institut»
qui étaient venus s’informer d’un aspect important de l’Église de France
et qui touche de près l’Institut catholique.
Le comité d’animation a certainement d’autres projets... Et il
invite chacun des « Amis » à susciter d’autres Amis de l’Institut.
Joseph Lévesque
PUBLICATIONS ET ACTIVITÉS
DES PROFESSEURS

FACULTES
FACULTE DE THEOLOGIE
René COSTE
Au cours de l’année 1978, sa principale activité intellectuelle a été
consacrée à la poursuite de ses recherches sur le marxisme, dans l’axe
de la problématique inaugurée par son ouvrage Analyse marxiste et foi
chrétienne (Paris, Editions ouvrières, 1976), dont la seconde édition
est parue au printemps (édition italienne en décembre). Elle a été
centrée sur la rédaction d’un ouvrage intitulé Le devenir de Vhomme
(Projet marxiste, Projet chrétien), qui paraîtra dans les premiers mois
de 1979.
Elle a rayonné de diverses façons, dans des cours, des sessions
et des conférences. Ici même, en animant, avec le P. Dutheil, un Sémi
naire de III e Cycle consacré à Jésus : tel qu’il nous apparaît dans les
Écrits néo-testamentaires (Écrits fondateurs de la foi chrétienne) et
tel que des marxistes s’efforcent de l’intégrer dans leurs propre perspec
tive. Même si on ne peut pas être d’accord avec leur problématique,
elle pose aux chrétiens des questions auxquelles ils ne peuvent pas
se fermer.
Egalement, dans le cadre universitaire de l’Institut Lumen Vitae
à Bruxelles, dont une partie importante des étudiants viennent d’Amé
rique latine ou d’Afrique, dans une série de 24 heures de cours, il a
traité le thème qui lui avait été demandé par les responsables de cet
Institut, à la suite des articles qu’il avait publiés, il y a trois ans,
dans la revue Esprit et Vie : Théorie et pratique de la lutte des classes
d’après les fondateurs du marxisme : évaluation sur le plan rationnel
(scientifique et philosophique) et sur celui de la foi chrétienne.
Les sessions qu’il a consacrées au marxisme s’adressaient à des
religieuses (le Bon-Pasteur d’Angers ; les Filles de la Croix à Lavaur,
à deux reprises) ou aux Aumôniers militaires catholiques belges. De
même, en septembre, son séjour à Rome pour réfléchir avec les
responsables de la Pastorale du Monde du travail en Italie, avait sur
tout pour but d’aborder avec eux les problèmes posés par le marxisme.
Il a aussi consacré à ce dernier diverses conférences : à Saint-Etienne
(ville dotée d’une municipalité dont le maire est communiste), à la fois
une conférence publique et une discussion avec un groupe de prêtres ;
à notre Session des Évêques, de Notre-Dame des Coteaux (Vérité et
vérification dans le contexte culturel marxiste, Critique et questionne
ment théologique) ; à Montauban ; à l’île Maurice, où l’existence d’un
important parti politique (le Mouvement Militant Mauricien) d’inspi
ration marxiste pose de graves problèmes aux chrétiens.
Toutefois, il ne s’est pas occupé uniquement du marxisme, même
sur le plan intellectuel. C’est ainsi qu’il a publié un article sur L’Église
communauté de charité (La place et la mission de la Caritas diocésaine
dans l’Église et dans la société) (Nouvelle revue théologique, mai/juin
1978, pp. 321-340), qui était le Rapport théologique qu’il avait présenté,
en octobre 1977, au Congrès européen des Caritas. De même, il a pour
suivi sa chronique hebdomadaire Foi et Événement, qui paraît simul
tanément dans plusieurs journaux de province (Croix du Midi, Le
Courrier Français, L’Essor, Eclair-Pyrénées), ainsi que sa chronique
mensuelle dans Le Messager de Saint-Antoine (illustré par Jean-Paul Pr,
ne l’oublions pas !) et ses articles dans le journal La Croix.
De même, il a donné des conférences sur divers sujets : Évangile
et Politique, à Nice ; Vie économique et foi en Jésus-Christ, à Brive ;
Pluralisme et espérance chrétienne (débat), à Paris ; Foi et agressivité,
au Colloque national du C.L.E.R. (Paris) ; Église d’aujourd’hui, Église
de toujours, dans le cadre de la Croisière de la foi, organisée par notre
service de Voyages culturels universitaires, dont il garde un excellent
souvenir. Une croisière de ce genre offre de remarquables possibilités
de réflexion sur le plan de la foi, avec un public réceptif, d’autant plus
qu’il n’est pas accaparé par les soucis de tous les jours.
Il a été particulièrement heureux de son séjour à l’Ile Maurice,
où il avait été invité à prêcher les retraites pastorales. Il a eu la joie
d’y être accueilli avec une émouvante délicatesse par l’évêque, Mgr
Margéot, et son clergé, d’y découvrir une île enchanteresse et une
Église remarquablement vivante.

Henri CROUZEL

Parmi les nombreux ouvrages, articles et activités diverses, la


Chronique a sélectionné les comptes rendus d’un livre et d’un article.

Origène, Traité des Principes (Livres I et III) par Henri Crou-


zel et Manlio Simonetti. Tome I : introduction, texte critique de
la version de Rufin, traduction. Tome II : commentaire et frag
ments. Sources Chrétiennes n° 252 et 253. Paris (Editions du Cerf),
1978, 416 et 258 pages. Ouvrages publiés avec le concours du
Centre National de la Recherche Scientifique.

Le Traité des Principes (Péri Archon ou De Principiis) est une des


œuvres les plus célèbres d’Origène. Considérée souvent, de façon plutôt
discutable, comme la première des Sommes Théologiques, elle a été
la cause principale des malheurs posthumes de son auteur : c’est à
cause d’elle qu’on a traité d’hérétique le plus grand des théologiens
antérieurs au Concile de Nicée.
Au début du tome I une introduction présente les problèmes
généraux que pose ce livre : sa date, la signification de ces « principes »
dont parle le livre, le vrai plan partiellement occulté par les manus
crits latins et les éditions qui les ont suivis. Plus grave est l’état dans
lequel il nous a été transmis à la suite des violences policières de
l’empereur Justinien qui ont anéanti l’original grec : seuls restent dans
cette langue les traités sur le libre arbitre et sur l’exégèse scripturaire,
environ un septième de l’ouvrage, conservé par la Philocalie d’Origène,
un recueil de morceaux choisis réunis au iv e siècle par les saints
Grégoire de Nazianze et Basile de Césarée. L’ensemble ne subsiste que
dans une version latine de Rufin d’Aquilée, faite en 398, qui est plus
une paraphrase qu’une traduction à proprement parler : la méthode de
Rufin traducteur, telle qu’il l’expose dans sa préface, son intention
de manifester l’orthodoxie du théologien, ont fait peser bien des
soupçons sur son exactitude. De la version prétendûment littérale
composée à la hâte par saint Jérôme pour montrer combien Origène
était hérétique et Rufin infidèle ne subsiste que ce qu’il a reproduit
dans la Lettre 124 à Avitus : elle contient des citations explicites enro
bées dans des résumés et des interprétations. Enfin à la suite de la
Lettre à Ménas par laquelle en 543 Justinien condamnait Origène se
trouve un florilège de fragments de ce livre réuni par des moines
antiorigénistes de Palestine.
La suite de l’introduction reprend sous une forme plus ramassée
un article qui a paru en 1975 dans le Bulletin de Littérature Ecclésias
tique (pp. 116-186, 241-260). Pour essayer de voir plus clair entre les
témoignages parfois discordants de Rufin d’une part, de Jérôme et de
Justinien de l’autre il convient d’examiner quelle compréhension ont
eue aux iv e et vi e siècles des personnages qui n’avaient guère d’idée
du « développement du dogme » et du contexte historique dans lequel
Origène avait écrit. Entre l’Église persécutée et minoritaire du début
du m e siècle et l’Église triomphante de la fin du IVe ou du début du
vi e les mentalités sont bien différentes, surtout à l’égard de la philo
sophie grecque. On ne lit pas Origène en fonction des hérésies de son
temps, celles contre lesquelles il a lutté, mais on lui reproche durement
de ne pas avoir prévu les hérésies auxquelles s’affrontent ses détrac
teurs. On n’a pas conscience de l’important progrès doctrinal qui s’est
produit entre les deux périodes et on comprend ses expressions dans
un sens qui s’est considérablement précisé avec la réaction antiarienne.
On projette sur lui des doctrines des « origénistes » contemporains,
sans penser qu’en laissant tomber une bonne part des idées du maître
et en supprimant toutes ses tensions internes ils lui substituent une
« scolastique » qui le défigure. Enfin ils le jugent sur des passages
séparés, sans chercher ailleurs dans son œuvre, et dans le Péri Archon
lui-même, les explications nécessaires. Ils ne comprennent guère les
intentions d’Origène composant cet ouvrage : il veut fournir aux chré
tiens qui ont des exigences intellectuelles la nourriture qu’ils désirent
à l’intérieur même de la Grande Église pour éviter qu’ils ne se tournent,
comme l’a fait autrefois son mécène Ambroise, vers les sectes gnosti-
ques. Ce sera une théologie en recherche, car la règle de foi, encore
très succincte, ne dit pas tout, et à partir d’elle, avec l’aide de l’Écri
ture et de la raison, le théologien s’aventure, « par manière d’exercice »
et en toute modestie, sur des terres encore inexplorées, conservant
bien souvent à ses examens un caractère de discussion entre deux
ou même trois hypothèses entre lesquelles il choisit ou non,! suivant
les cas. Préoccupés de composer des recueils de « perles » hétérodoxes
Jérôme et les moines qui réunirent le florilège de Justinien n’ont guère
mis en relief ce caractère et ont transformé en affirmations dogmati
ques, évidemment hérétiques, ce qui n’était qu’une opinion dans une
discussion, fournissant ainsi à bien des critiques du début de ce siècle
les éléments d’un « système » d’Origène, un « système » qui est souvent
en contradiction avec la majorité des opinions qu’il exprime.
Après une très importante préface où Origène énumère divers
points de la règle de foi à son époque et la méthode qu’il va suivre,
le Traité des Principes se compose d’une suite de petits traités relative
ment indépendants disposés en deux séries. D’abord trois exposés sont
consacrés aux « principes », au sens large, que sont la Trinité, les créa
tures raisonnables, le monde. Puis au livre II chapitre IV commence
me seconde série d’exposés, assez conditionnés par la lutte contre les
îérésies du temps, surtout celles de Valentin et de Marcion. Cinq se
succèdent dans le livre II : sur l’unité de Dieu, par opposition aux
deux Dieux des Marcionites et Gnostiques ; sur l’Incarnation du Christ,
un des plus beaux chapitres du livre ; sur le Saint Esprit ; sur l’âme ;
sur la résurrection, les châtiments et les promesses.
Le tome I de notre édition présente donc après l’introduction et
la bibliographie le texte de la version rufinienne et sa traduction
française pour les livres I et II : la Philocalie n’a malheureusement
conservé en grec aucun traité appartenant aux deux premiers livres.
Le tome II contient un commentaire de notes rendu nécessaire par les
difficultés du texte et de la pensée et à l’intérieur du commentaire
sont insérés avec leur texte grec ou latin, une traduction française et
un essai d’appréciation de leur valeur respectivement à Rufin, les
fragments ou indications conservés par Jérôme, Justinien et quelques
autres auteurs.
Avant la fin de 1979 doivent paraître les tomes III et IV de cette
édition, consacrés aux livres III et IV du Traité des Principes. Le tome
III contiendra à la fois pour la moitié environ de ces deux livres le
texte grec de la Philocalie et pour l’ensemble le texte latin de Rufin,
avec, suivant les cas, une ou deux traductions françaises : en effet la
version rufinienne est, nous l’avons dit, une paraphrase plutôt qu’une
traduction et les deux textes présentant chacun des lacunes se complè
tent l’un l’autre. Le tome IV donnera le commentaire et les fragments
conservés des livres III et IV. Un tome V comportant des compléments
et des index reste encore à préparer.

« L’Hadès et la Géhenne selon Origène », Gregorianum 59,


1978, 291-331.

Le terme Hadès, d’origine païenne, désigne dans le Nouveau Tes


tament le Schéol de l’Ancien, le lieu des morts, qui n’est pas nécessaire
ment un lieu de supplices. Pour nombre d’écrivains chrétiens des qua
tre premiers siècles les morts résident dans l’Hadès avant la Résurrec
tion finale : Tertullien ne fait exception que pour les martyrs, admis
au Paradis dès leur mort. Pour Origène l’Hadès est le lieu où allaient
les défunts de l’ancienne alliance, même les saints comme Samuel, ou
Jean-Baptiste qui y descend en précurseur du Christ, en prédicateur
de sa venue. Jésus lui aussi descend dans l’Hadès après sa mort, non
en vaincu, mais en vainqueur : il vient libérer les âmes prisonnières
et les emmener avec lui dans son Ascension glorieuse. Désormais les
justes ne vont plus en Hadès, ils sont avec le Christ dans le Paradis,
avant même la résurrection. Origène est, semble-t-il, le premier, peut-
être après Clément qu’on souhaiterait cependant plus clair, à admettre
au Paradis dès leur mort les saints de la nouvelle alliance.
L’Hadès, souterrain, est ténèbres, la Géhenne est feu, « feu éter
nel », « feu inextinguible », feu cependant bien différent
pour Origène
de celui de la purification eschatologique qui n’est autre que Dieu,
« feu dévorant ». Le feu de la Géhenne c’est celui que l’homme s’allume
à lui-même par ses propres péchés, par ses remords lorsque le Juge
ment dévoilera les traces qu’auront laissées sur lui ses mauvaises
actions. Les « ténèbres extérieures », bien que ténèbres, équivalent au
feu de la Géhenne : elles symbolisent la profonde ignorance de Dieu
où les damnés sont plongés, ainsi que les corps obscurs des mauvais
ressucités. Ce châtiment aura-t-il ou non une fin ? On pourrait croire
que l’expression « feu éternel (aiônios) » qu’emploie le Nouveau Testa
ment et qu’Origène reproduit assez souvent lui donnerait une réponse :
mais aiônios que nous traduisons par « éternel » participe à toute
l’ambiguité du mot dont il dérive, aiôn, qui tantôt désigne un temps
sans fin, tantôt un temps très long, mais qui prendra fin. Il serait faux
cependant de dire, comme on le fait constamment, qu’Origène professe
la non éternité de la Géhenne. Tantôt ses textes vont dans un sens,
tantôt dans un autre, tantôt il reconnaît qu’il n’en sait rien. Il en est
de même pour le salut du démon. Parfois le grand espoir d’une « res
tauration universelle » venu de 1 Co 15, 23-28, l’imperturbable convic
tion de la bonté de Dieu qu’il oppose aux Marcionites et aux Gnosti-
ques l’entraînent à envisager la conversion possible du diable. D’autres
fois il se demande si la malice invétérée et permanente ne se changerait
pas en nature et se plaint! qu’on lui attribue à propos du salut du
diable une opinion que « même un fou ne saurait tenir ».

Claude DAGENS
La Chronique a sélectionné trois titres :
L’homme renouvelé par Dieu (Desclée de Brouwer, collection
Croire aujourd’hui).
Essai sur le mystère chrétien de la grâce à partir de la redécouverte
actuelle de la gratuité. Itinéraire biblique (Abraham, Adam, Job) et
christologique (la grâce du Christ comme grâce de révélation et de
salut). Comment l’Église entière a pour tâche d’accueillir et d’annoncer
non seulement la Parole de Dieu, mais aussi la grâce de Dieu.

Pauvre et saint droit canonique (éditorial du n° 3 mai 78


de Communio sur La loi dans l’Église). - -

Pastorale des vocations, pastorale du choix jalons pour un


:
discernement spirituel (Vocation, octobre 78).

Michel DAGRAS
Les sujets étudiés et exposés dans divers
sessions et retraites pastorales, sont résumés cours, conférences,
articles par les titres de cinq
:

— Communion ecclésiale — Repères pastoraux (dans Catéchèse


N" 70 : janvier 1978).

— Disette de prêtres ! — (dans Prêtres diocésains, février 1978).

— 39 —
Église nous disons Jésus-Christ (dans
— Différents et unis en septembre 1978) : reprise d’une commu
« Misson et Pastorale » n° 46,
nication faite le 20 juin à Paris lors d’une session OPM.

— Notes sur Mission et Culture (dans « En mission Afrique-Asie »,


n" 43, septembre 1978) : réponse aux questions posées par les futurs
partants (prêtres Fidei Donum) à la session préparatoire d’avril der
nier au terme d’un travail en carrefours sur Mission et Culture.
A propos d'appels à la vie reli
— La vocation missionnaire et « Pastorale,
gieuse missionnaire » (dans Mission et n° 47, novembre 1978).

Mathias DELCOR

La Chronique a retenu : deux ouvrages qui concernent Qumrân,


trois articles relatifs à VAntiquité sémitique, et le sujet d'une confé
rence.

Publications :

Dans le Supplément au Dictionnaire de la Bible, nous avons


rédigé la plus grande partie de l’article Qumrân et étudié longue
ment dans cent cinquante colonnes, tout ce qui concerne la litté
rature et les doctrines des Esséniens.

En somme, il s’agit d’un gros ouvrage fort


dense véritable intro
duction critique à la littérature et aux croyances esséniennes qui s’est
égaré dans les colonnes d’un Dictionnaire. Une fois établie l’origine
essénienne de la communauté de Qumrân, faut-il admettre que tous
les manuscrits trouvés à Qumrân, exceptés ceux de la Bible sont
nécessairement d’origine essénienne ? La réponse est évidemment néga
tive, car parmi les manuscrits conservés! à Qumrân, sous forme d’original
ou de copie, il peut y avoir des œuvres qui n’ont pas été composées
par les sectaires eux-mêmes.
Nous retenons précisément comme esséniens les grands textes
littéraires conservés dans les cinq rouleaux ou livres trouvés, en 1947
dans la première grotte, qui émanent manifestement d’une secte anti
que : il s’agit de la Règle de la communauté ou Serek, du pesher ou
commentaire du livre biblique d'Habacuc contenant une foule d’allu
sions à l’histoire de la secte, du Livre de la Guerre, du recueil des
Hymnes, livre de prière propre à la secte, et du livre dit Apocryphe
de la Genèse qui se présente comme une suite de paraphrases du
livre biblique.
A ces cinq livres, il faut ajouter le Document de Damas provenant
de la Guenizah du Caire dont on a trouvé plusieurs manuscrits frag
mentaires dans la grotte de Qumrân et qui présente avec les autres
écrits cités précédemment d’incontestables affinités.
Ces écrits et d’autres encore, en partie fragmentaires, n’ont été
jamais transmis par la Synagogue ou par l’Église. Par contre, les grottes
de Qumrân nous ont livré des œuvres appartenant à la littérature
pseudépigraphe de l’Ancien Testament : le livre d’Hénoch, le livre des
Jubilés, le Testament de Lévi et le Testament de Nephtali, qui sont
apparentés aux Testaments des Douze Patriarches en grec. Or le milieu
d’origine de ces écrits, connus depuis longtemps parce que transmis
par les Églises situées à la périphérie du monde antique, comme l’Église
éthiopienne, a été souvent discuté. La présence à Qumrân de ces
livres composés en hébreu ou en araméen, pose de nouveau le pro
blème de l’identité de la secte qui les a produits. Seule une compa
raison minutieuse avec les autres écrits qumrâniens démontrera s’ils
sont d’origine essénienne ou si, tout au moins, ils ont subi l’influence
des écrits esséniens.

Qumrân, sa piété, sa théologie, et son milieu (Bibliotheca


Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium XLVI ). Paris - Lou
vain 1978.— Un volume in-8° de 427 pages.

Ce livre édité par nos soins contient, après un avant-propos, les


textes des vingt-huit communications du Congrès consacré à Qumrân
que nous avons présidé et organisé à Louvain en 1976. Il constitue
par le nombre et la qualité des études que nous avons rassemblées
ici un événement majeur dans l’histoire de la recherche qumrânienne
et un précieux ouvrage de référence pour les qumrânologues de
demain.
Outre notre travail d’éditeur, nous sommes responsables dans ce
volume de la conférence d’introduction : Où en sont les études Qumrâ-
niennes ? dans laquelle nous avons fait, pays par pays, l’histoire de
la recherche pendant ces quinze dernières années. A la fin de l’ouvrage,
nous marquons en conclusion les grandes lignes de force du Congrès.

Le problème des Jardins d’Adonis dans Isaïe 17, 9-11 à la


lumière de la civilisation syro-phénicienne, article publié dans
Syria, t. LV, 1978, pp. 371-394.
Le prophète connaissait la pratique des Jardins d’Adonis. C’était
d’éphémères et fragiles ensemencements hâtifs faits par les femmes
en l’honneur du Dieu Adonis, mort et ressuscité. Les Israélites contem
porains du prophète ont cru au succès de la politique d’alliance avec
la Syrie mais, à l’heure du malheur, c’est-à-dire probablement lors
de l’attaque des Assyriens contre lesquels était dirigée la coalition
syro-éphraïmite, il n’y aura pas de remède. Les jardins d’Adonis, qui
meurent aussi vite qu’ils ont poussé, sont pour Isaïe le symbole de
l’échec d’une politique stérile aux lendemains trompeurs.

Les Kerethim et les Crétois, dans Vêtus Testamentum, vol.


XXVIII, 1978, pp. 409-422.
Cette étude, à la lumière des données de la philologie, de l’histoire
et de l’archéologie, cherche à établir l’identité des Kerethim qui appa
raissent principalement dans les livres historiques de l’Ancien Testa
ment et chez Sophonie et Ezéchiel. Il faut, semble-t-il, les identifier
aux Philistins venus de Crète.
La grotte d’Es Cuyram à lbiza et le problème de l’interpréta
tion de ses inscriptions votives en punique, dans Semitica, revue
de l’Institut des Études sémitiques établie au Collège de France
(1978, article comptant 25 pages avec planches).

Dans cette étude d’archéologie et d’épigraphie punique, il s’agit


d’établir la nature du culte de la célèbre grotte d’Es Cuyram à lbiza
qui a livré au début de ce siècle des centaines de statuettes féminines
en terre cuite, des ossements calcinés, etc. Cette grotte consacrée au
culte de Tanit prend tout son sens grâce à la nouvelle lecture des
deux inscriptions en punique gravées sur les deux faces d’une pla
quette en bronze conservée au Musée archéologique d’Alicante. Nous
donnons, pour l’une d’entre elles, une interprétation nouvelle grâce
à l’examen direct que nous avons fait de la plaquette au Musée d’Ali
cante et à la suite de la visite de la grotte d’E» Cuyram. La grotte
a été un centre de culte, voire de pèlerinage, sans doute
fréquenté par
les Puniques du Levant espagnol. Un prêtre a fait don au sanctuaire
d’une statuette de Tanit en terre cuite sans doute un peu plus grande
que celles qu’on y a découvertes. Les ossements trouvés dans la grotte
sont d’origine animale et l’absence de restes humains indique qu’il ne
s’agit pas d’un Tophet où l’on aurait pratiqué des sacrifices humains,
selon une pratique funeste fort répandue dans le monde carthaginois.

Conférence de la Semaine biblique internationale de Madrid, orga


nisée par la Recherche scientifique espagnole.
Le livre des paraboles d’Hénoch éthiopien. Le problème de son
origine à la lumière des découvertes récentes. — Nous donnons de
nouveaux arguments en faveur de l’origine juive traditionnelle de cet
écrit.

Pierre EYT

Je relève volontiers dans mon agenda de ces derniers mois, les


lieux et les dates de quelques interventions ou participations, dans notre
Région académique ou en dehors :

Dax (retraite pastorale, 24-28 juillet ; Sénanque (Groupe de recher


che islamo-chrétien, l er -4 août) ; Lourdes (Congrès Eucharistique Inter
national de 1981, 24 août) ; Bayonne (Session des prêtres jubilaires,
4-8 septembre) ; Ustaritz (Professeurs et Etudiants allemands du
« Cusanuswerk », 8-10 septembre) ; Paris (Conseil de l’Udesca, 22 sep
tembre) ; Paris (Comité médical international de Lourdes, 24 septem
bre) ; Angers (Session préparatoire à l’année universitaire de l’Institut
catholique, 30 septembre - 1 er octobre) ; Toulouse (Session théologique
au Couvent des Frères dominicains, 2-6 octobre) ; Toulouse (Session
théologique des moniales dominicaines, 23-24 octobre) ; Montpellier
(Session des théologiens moralistes, 3-5 novembre) ; Paris (préparation
du Congrès eucharistique, 15 novembre) ; Paris (Assemblée de l’Udesca,
16 novembre) ; Rome (Visites et rencontres pour le Congrès eucharis
tique, 18-23 novembre) ; Albi (Journée théologique pour les prêtres,
4 décembre) ; Paris (Fondation Jean-Rodhain, 11 décembre) ; Paris
(réunion de travail avec le Secrétaire général de l’Unapec) ; Carcas
sonne (conférence aux religieuses, 5 janvier) ; Cologne - Bonn - Paris
(11-18 janvier).

Simon LEGASSE

Articles :

Le baptême administré par Jésus (Jn 3, 22-26 ; 4, 1-3) et


l'origine du baptême chrétien, dans Bull. litt. eccl., 78 (1977),
pp. 3-30.

Le quatrième évangile offre de bonnes garanties historiques quand


il apprend que Jésus a baptisé au début de sa vie publique. Ce baptême
était dans la ligne du baptême de Jean mais avec une portée distinc
tive, eu égard au rôle dont Jésus affirme par ailleurs être investi. Jésus
a cessé par la suite de pratiquer ce baptême, qui ne peut passer pour
le fondement du baptême chrétien. Il n’empêche qu’il a dû exercer une
influence sur la naissance du sacrement chrétien aux origines de
l’Église.

Le baptême de Jésus et le baptême chrétien, dans Studii Biblici


Franciscani Liber Annuus, 27 (1977), pp. 51-68.

Le Nouveau Testament n’établit pas de lien entre le baptême


chrétien et le baptême du Christ au Jourdain. Pour obtenir la connexion
désirée, les Pères ont dû faire un détour par l’idée de la sanctification
des eaux par le Christ lors du même événement.

Les premiers disciples de Jésus ont-ils été baptisés ? Regards


sur une ancienne problématique, dans Bull. litt. eccl., 79 (1978),
pp. 3-18.
Aperçu sur les embarras et palliatifs des Pères et des auteurs
ecclésiastiques devant le silence du Nouveau Testament à propos du
baptême de la Vierge Marie et des apôtres. En finale, quelques remar
ques contre l’exploitation de ce silence dans un sens anti-sacramenta-
liste ou « pentecôtiste ».

Les sujets étudiés dans diverses conférences sont les suivants :

Pauvres, pauvreté et partage d'après le Nouveau Testament ; La


tradition dans les épîtres de saint Paul ; Individu et collectivité dans
la Bible avec les ramifications du thème dans Vecclêsiologie et la soté-
riologie pauliniennes ; Exposé et critique de la théorie de la personna
lité corporative appliquée à la Bible et sur Rom. 6,1-14 et le salut par
participation selon saint Paul.
Mgr Aimé-Georges MARTIMORT
I. Ouvrage :

La documentation liturgique de Dom Edmond Martène, Étude


codicologique, Città del Vaticano, Bibliotheca Apostolica Vaticana,
1978 (Studi e testi, 279).— Un vol. in-8° de 696 pages.
La réédition anastatique en 1967 des quatre in-folios du De antiquis
Ecclesiae ritibus de Martène prouve l’intérêt que l’on continue de
porter, après plus de deux siècles et demi, à ce vaste recueil de sources
d’histoire de la liturgie. Mais les utilisateurs se heurtent à la difficulté
qu’ils éprouvent d’identifier ces sources, soit parce qu’elles sont indi
quées de façon trop sommaire, soit parce que les dépôts dans lesquels
le Bénédictin les avait consultés n’existent plus. Le présent ouvrage
a donc pour objet d’identifier les manuscrits et imprimés dont sont
extraits les textes cités par Martène, et, à cette occasion, de recher
cher ce que sont devenues les collections ou bibliothèques; qui les conser
vaient. Cette recherche a exigé de nombreuses visites à des dépôts
publics et privés et a dû faire appel à l’obligeance de nombreux érudits,
conservateurs de bibliothèques ou directeurs de services d’archives.
Une aide importante a été fournie par la Section de Codicologie de
l’Institut de recherche et d’histoire des textes. Certes, une centaine
de documents est demeurée introuvable : plusieurs, peut-être, pourront
grâce à une description aussi précise que possible être identifiés par
la suite dans des dépôts ou collections qui en ignorent la nature : les
catalogues, quand ils existent, donnent souvent des manuscrits litur
giques une idée inexacte, due d’ailleurs en partie à l’imprécision de la
terminologie qui les désignait encore à l’époque de Martène.
Les tables qui terminent le présent ouvrage permettent de se
rendre compte de l’importance de la documentation fournie dans le
De antiquis Ecclesiae ritibus pour l’histoire liturgique du Moyen Age
latin, tant dans les cathédrales que dans les monastères : les manuscrits
sont recensés d’abord selon l’ordre et les cotes des dépôts actuels mais
selon les dépôts anciens ; les incunables, les imprimés du xvi e siècle
font l’objet de tables particulières ; outre l’index des noms de lieux
et de personnes, un index des sujets traités montre l’ampleur des
recherches de Dom Martène. C’est donc un instrument de travail des
tiné à rendre service aux historiens de la liturgie et aux bibliothécaires.

II. Articles :

Contribution de Vhistoire liturgique à la théologie du mariage,


dans Esprit et vie 88, 1978, pp. 129-137.— Rapport présenté à la
Commission internationale de théologie en octobre 1977.

Dix ans de travaux sur le sacrement de confirmation, 1967-


1977, dans Bulletin de littérature ecclésiastique 79, 1978, pp. 127-
139.
En outre, a été traduit en espagnol et publié dans Misiôn de
la Mujer en la Iglesia, Madrid, BAC, 1978, pp. 103-116, l’article
signalé dans la Chronique de l’année précédente : El valor de la
formula teolôgica « In persona Christi ».
II. Activités diverses :

Elles ont porté sur les sujets suivants :

L’histoire et la théologie de la confirmation ; L’histoire de la


paroisse ; L’onction des malades ; L’Église ; La tradition apostolique
chez saint Hippolyte ; La messe dans les diverses liturgies de l’Église ;
L’achèvement de la réforme liturgique et les projets en cours de la
Congrégation des sacrements.

Louis MONLOUBOU

La louange et l’histoire. Un problème d’exégèse. Une question


d’actualité (Nouv. Rev. Théol. 1978, pp. 679-705).

Cet article est le fruit de la réaction provoquée par l’étude de la


prière selon saint Luc. L’auteur du troisième évangile attribue au vécu,
à l’expérience, dans la contemplation, dans la louange, bref dans la
prière, une importance que ne leur reconnaît pas la doctrine habituelle.
Il était donc intéressant d’aller chercher dans les Psaumes, où se
découvre une doctrine plus complète de la prière, le moyen de résoudre
cette opposition.
Le Psautier accorde à l’expérience actuelle du don de Dieu une
importance primordiale ; c’est de cette expérience que jaillit, tout
d’abord, la prière. Un seul exemple est éloquent : la formule « Béni
soit Yahvé lui qui... » montre que la bénédiction part d’une expérience
immédiate du salut découvert dans un geste que Dieu vient d’accomplir
et qui sera le motif de la louange.
Cependant les contemplatifs du psautier ne s’enferment pas dans
l’événement. Chez eux, la louange dépasse l’histoire dont elle est le
fruit. De fait, ce n’est pas l’histoire qui provoque la louange, mais la
foi qui a interprété l’événement, découvert, grâce à elle, comme un
geste de Dieu. Cette interprétation de l’histoire n’est possible que parce
que la foi se sert du souvenir ; par lui, elle reconnaît le geste de Dieu
et ouvre la porte à la louange. Le souvenir donne même à la louange
psalmique d’aller à l’encontre de l’histoire, de jaillir même si le présent
invite plutôt au désespoir. Mis en présence d’une actualité désespé
rante, les psalmistes, instruits par le souvenir des merveilles passées,
croient encore à la présence salutaire de Dieu. Ils chantent ses louanges
alors que l’actualité les accule au désespoir.
Ainsi la prière des psalmistes jaillie de l’histoire la dépasse et va
même à l’encontre de ses apparences. Le souvenir des «événements
fondateurs», remémorés dans la liturgie, donne à l’actualité, quelle
qu’elle soit, un arrière-goût de « merveille » qui fait, de tout présent,
la matière d’un acte de louange. Les psalmistes chantent, en effet, la
gloire de Dieu alors même que l’actualité ne donne envie d’affirmer
que son néant. La prière de Job, ce grand frère des psalmistes, en est
la preuve la plus émouvante.
Lire... Prêcher l’Évangile de Marc. Homélies Année B (Salva-
tor, 170 pages).
Destiné aux commentaires des textes liturgiques de l’année B, et
donc plus particulièrement de l’évangile de Marc, ce petit livre n’a
d’autre but qu’une vulgarisation aussi habile que possible. Sa compo
sition n’en posait pas moins quelques problèmes de fond. Quelles
préoccupations théologiques ont inspiré la composition du mystérieux
second évangile ? A quels soucis actuels correspondent ces préoccupa
tions de jadis ?... Et puis il fallait expliquer des textes. La démar
che qu’on aurait crue facile, s’avère aujourd’hui fort complexe. Etre
contraint de l’engager quand même s’est avéré bénéfique... au moins
pour l’auteur.

Jean-Pierre PIN

La Chronique retient les études concernant ce domaine où la


théologie est confrontée à la linguistique, et une conférence d’ecclé-
siologie.
Le récit de la transfiguration selon saint Marc. Proposition de
lecture (art. collectif) dans Sémiotique et Bible n° 9, 1978, pp. 36-58.
Faire attention à quelques données de la linguistique pour le dis
cours théologique, Communication au Groupe des doctorands de la
Faculté de Théologie (mars 1978).
Analyse textuelle du discours théologique du Catéchisme (1542)
de Jean Calvin :
a) Les champs lexicaux sémantiques, Communication à l’Ecole
Pratique des Hautes Etudes, cours de M. le* professeur R. Stauffer
(mai 1978) ;
b) La communication textuelle, Communication au II e Congrès
International des Recherches Calviniennes (Amsterdam, 25-28 septem
bre 1978).
Église universelle et Églises particulières, Communication à la ren
contre annuelle des théologiens moralistes d’Occitanie et de Catalogne
(Montpellier, les 3-4 novembre 1978).

FACULTE DE DROIT CANONIQUE

Louis de NAUROIS

La Chronique retient :
La conférence au colloque de droit canonique de l’Institut canoni
que de Strasbourg, mai 1978, et la communication à l’Académie de
Législation de Toulouse, novembre 1978, sur le rôle de VÉquité dans
les droits canonique et français contemporains.
Et tout à fait en dehors du domaine juridique, l’article paru dans
la revue « Pyrénées », juillet-septembre 1978, sur Font-Romeu, 1919-
1928, souvenirs d’enfance et d’adolescence: évocation de la «préhis
toire » de la station, et de la découverte de la montagne par des
enfants.

Marie-Antoine THERME, o. p.

Participation à la XIVe session d’études de Droit canonique à Paris


sur le thème « La Tradition apostolique comme régulatrice de la vie
ecclésiale. Du Nouveau Testament à saint Irénée » (10-14 avril 1978).
Conférence donnée au groupe d’Economes générales et provinciales
de la région Midi-Pyrénées sur « Le témoignage de la pauvreté religieuse
dans la société moderne» lors de leur journée d’études (17 mai). Une
suite sera donnée en janvier 1979 : « Enjeux et conduites pratiques de
la pauvreté religieuse aujourd’hui ».
Participation à la Journée régionale du groupe des canonistes des
régions du Midi et du Sud-Ouest : exposé sur quelques points de pro
cédure canonique touchant les normes de la Signature Apostolique et
les procès matrimoniaux.
En outre, avec ses collègues, nombreuses séances de travail pour
établir les rapports des remarques sur les projets du nouveau Code
de Droit canonique en préparation.

FACULTE DES LETTRES

Jean DARRABAT

La Chronique signale :

— Le cours de Littérature sur Gabriela Mistral, poétesse chilienne,


Prix Nobel 1945, qui figurait au programme des deux concours d’Es
pagnol.

— La session d’Espagnol des 11 et 12 septembre 1978, avec 82


participants. Parmi eux, cinq avaient accepté d’enregistrer sur magné
tophone ou magnétoscope une de leurs classes d’espagnol. Il s’agissait
des classes de 6 e 4 e 3 e 2 e l re A, B, et Terminale A. Chaque audition
, ,
ou projection fut suivie d’un débat fort animé. Un rapport fut dressé
, ,

pour chacune de ces discussions. L’ensemble devait être présenté le


8 novembre 1978 à l’Inspecteur Pédagogique Régional, à l’occasion
d’une Journée d’information Pédagogique qui réunit 103 enseignants.
Cette jounée clôtura, pour ainsi dire, la session de septembre, avec
deux brillantes communications de M. François Molina, I.P.R. assisté
de M. José Martin Elizondo, lecteur au C.P.R. et au C.R.D.P. de Tou
louse : celle du matin sur les approches d’un texte, le
message verbal,
la trace écrite, et leurs prolongements ; et celle de l’après-midi la
sur
syntaxe de l’image et le message « iconique ».
Les débats engagés à cette occasion prouvent, s’il en était besoin,
que la formation continue reste une nécessité à laquelle l’Institut
catholique s’honore de répondre.
Jean MAZIÈRES

Une amitié de poètes: Arsène Vermenouze (1850-1910) poète


de VAuvergne et Emmanuel Delbousquet (1874-1909) poète et
romancier des Landes, d'après leur correspondance inédite.

Communication faite à l’Académie des Sciences Inscriptions et


Belles-Lettres de Toulouse, dans sa séance du 26 janvier 1978. Publiée
dans les Mémoires de l’Académie, volume 140, 15° série, t. IX-1978,
pages 219-240.
Arsène Vermenouze et Emmanuel Delbousquet publient leurs poè
mes dans la même revue toulousaine : L'Ame Latine. Leurs publications
les révèlent l’un à l’autre. Ils entrent en relation en 1904. Ils ne se
verront jamais. Ainsi s’établit entre eux un émouvant dialogue épisto-
laire que la mort seule interrompra.
Des différences les séparent : différences d’âge, de formation, de
milieu familial. Mais des ressemblances les rapprochent : même culte
de la poésie, même attachement au sol natal, même goût de la nature,
même passion du cheval et de la chasse ; enfin mêmes épreuves de
santé, et, finalement, même foi et mêmes espérances religieuses : Ver
menouze croyant ardent, Delbousquet revenu à la foi de son enfance,
un moment abandonnée.

Léon MENAUT

Outre ses onze heures d’enseignement (CAPES, Agrégation, Gran


des Ecoles), la Chronique retient les activités concernant la civilisa
tion latine.
Diverses conférences avec projections : sur le Forum romain, au
cercle de Numismatique ; sur Pompéi, pour la Société Dante Alighieri
à Toulouse et à Montauban ; sur la Diffusion du Christianisme dans
l’Empire Romain, aux Jeudis de la « Vie Montante ».
Deux articles dans les « Croix du Midi », visant les mêmes sujets.
Ainsi qu’une intense activité à Rome, Pompéi, Assise, exercée au
bénéfice des étudiants de l’IERP et de la Société Dante Alighieri.

Noël RICHARD

La Chronique présente ici le compte rendu de l'ouvrage du P.


Richard, rédigé par M. l'abbé Jean Lyon.

Profils symbolistes (Paris, 1978).


D’un livre pareil, on sort enchanté et ébloui. C’est que ces
« profils » sont beaucoup plus qu’une galerie de portraits pieusement
rassemblés. Ils composent une prospection extrêmement sagace et
d’un des moments les plus féconds de l’histoire littéraire française.
Bien que l’auteur se défende d’avoir voulu « définir l'essence du
symbolisme », le lecteur attentif discerne, au delà de ce faisceau de
destins singuliers, tout un paysage grandiose où flambent des rêves
tumulteux de paradis perdus. Preuve, à nouveau administrée, de la
permanence du paradoxe qui veut qu’on aille du particulier à l’uni
versel, puisqu’à partir de ces quinze aventures inspirées, ressuscite
cette quête effervescente d’un surréel capté et recréé, par delà les
conventions langagières, par l’invention poétique.
Certains de ces profils ont déjà été copieusement décrits. D’autres
demeurent encore, du moins pour les non-initiés, dans une sorte
d’obscur purgatoire. Ce phénomène, constant en histoire, surtout en
histoire littéraire, et où la mode a sa part, chacun peut le vérifier
en regardant simplement la « petite bibliographie » — vingt pages, tout
de même ! — que Noël Richard propose en fin de volume.
On y remarque, sans forcer l’attention, qu’Aloysius Bertrand a
beaucoup moins occupé la critique que Rimbaud, par exemple, et que
l’examen des œuvres de Baudelaire a été poussé beaucoup plus loin
que l’analyse des « Déliquescences » d’Adoré Floupette. Ce n’est pas
le moindre mérite de l’auteur que de redonner sens et relief aux
auteurs méconnus et d’établir entre les glorieux et les malchanceux
une parenté très poussée d’inspiration et de facture.
Les « bambochades romantiques » de Bertrand auraient dû le
mettre en tête des « poètes maudits », tout comme « le guignon » de
Baudelaire a fait de l’auteur des « Fleurs du Mal » le précurseur du
Symbolisme. On comprendra que M. Richard traite avec une tendresse
spéciale Tristan Corbière, breton, marin et poète. Mais quelle mélan
colie chez ce pèlerin de La Palud dont on peut dire qu’introduisant
dans ses vers le thème du Masque, il donnera une chiquenaude origi
nale à la suite du mouvement symboliste, comme on le voit notam
ment chez Verlaine ou chez Laforgue.
Le plus « sibyllin » de l’équipe, dans la deuxième moitié du dix-
neuvième siècle, fut à coup sûr Stéphane Mallarmé. Le symbole est,
ici, cultivé comme le plus précieux des démiurges et, de ce point de
vue, on a mille raisons de citer sans trêve ce fameux « Cygne », dont
Thibaudet disait qu’il était « Le Vase brisé » du Symbolisme. Et Noël
Richard ajoute : « Si le pélican figure le poète romantique servant aux
hommes son cœur ensanglanté, si l’aigle altier ou le superbe condor
représentent le parnassien, le cygne seul convient pour désigner le
poète pur, le symboliste ».
Mallarmé s’étonnera qu’on cherche par la suite à « expliquer » ses
vers. « Cela tendrait à faire croire qu’ils sont obscurs », disait-il,
faussement naïf. Il y a en effet dans cette manière de violer le sym
bole une tentative présomptueuse et inutile. Cette poésie doit être
entendue directement, hors toute traduction rationalisante. Pour n’avoir
point accepté cette originalité, Jules Lemaître, qui de surcroît assimi
lait facilement Symbolisme et Décadence, n’a jamais bien compris cette
« explosion » symboliste. Même Verlaine, cet « adolescent ténébreux et
doux», lui échappait. L’auteur des «Fêtes Galantes» et de «L’Art
Poétique » affirmait, il est vrai, n’avoir jamais voulu faire que de la
musique. « Je n’aurais jamais fait de théorie » : on connaît sa maxime,
ce qui n’empêche pas que « son nom fut porté aux étoiles ».
Aussi bien, le Symbolisme n’apparaît pas tout au long de cette
époque comme un fleuve paisible dont on pourrait nommer la source,
vérifier le cours et désigner l’embouchure. Le romantisme se mêle
encore à ses eaux ; les Parnassiens ne sont pas loin, les surréalistes
pointent à l’horizon. Ces derniers essaieront d’ailleurs de « récupérer »
plus tard certains poèmes, tel le sonnet des « Voyelles », et Rimbaud,
bien qu’on l’ait constamment placé « dans l’état-major du Symbolisme »
est un de ces poètes mêlés. Pourtant, les fameuses^ lettres du
« Voyant » — « Je est un autre » ! — sont tout à fait dans la ligne
de cette alchimie lyrique et de cette imagination visionnaire qui confè
rent au Symbolisme ses traits les plus éclatants.
Jules Laforgue aimait se dire « décadent » et Adoré Floupette
(pseudonyme qui représente deux poètes railleurs, Gabriel Vicaire et
Henri Beauclair) titrait joyeusement ses poèmes « Déliquescences ».
L’auteur de « L’imitation de Notre-Dame la Lune », comme les habi
tués du « Panier Fleuri » ont cependant excellé dans « le mysticisme
égrillard », « le souci du rare et de l’exquis », bref tout ce qui compo
sera l’identité symboliste.
C’est au Cercle zutiste que, dans les années 1880, Jean Moréas est
introduit dans la littérature parisienne. Il ne pèche pas par modestie,
et celui qu’on surnommera « Matamoréas » déclarait sans ambages :
« Je suis un Baudelaire avec plus de couleur ». Mais, en dépit de
toutes sortes de brouilles et d’aventures, Moréas avec les « Syrtes »
ou les « Cantilènes », s’affirme bel et bien comme un « théoricien du
Symbolisme », et c’est lui qui fait paraître, en septembre 1886,
« Un manifeste littéraire : le Symbolisme ».
De ce vaste dessein, à la fois torrent fougueux et rêverie floue,
on commence à mieux discerner les éléments : « Éveil de l’idéalisme,
esthétique fondée sur la suggestion, inspiration plus sentimentale
qu’intellectuelle, poésie plus musicale que colorée ». Ces composantes
communes, que Noël Richard énonce, ne nuisent nullement au jaillisse
ment d’un Symbolisme pluraliste. Plus « celtique » et « mystique »
chez Le Cardonnel, « décoratif » avec Henri de Régnier — mais quel
poète celui-là ! —, musical et pictural pour Stuart Merrill et Gustave
Kahn, et même « grec » chez Viélé-Griffin... Comme on le voit, Noël
Richard ne court pas avec précipitation vers de trop commodes syn
thèses. Chaque profil est sculpté avec la rigoureuse précision des petits
bonshommes d’ivoire japonais, et nulle nuance n’est négligée.
Fort prudent, en sus, Noël Richard se garde de clore une définition
du Symbolisme entre les claies de quelques termes péremptoires. Est-il
« l’entrée du rêve dans la littérature », ou, comme l’explique abondam
ment Baudelaire, la découverte « des signes enfermés dans la totalité
du visible ? ». Oui, mais plus encore, il est comme la pression du sens
poétique qui fait sauter le verrou de l’évidence immédiate, il projette
l’homme dans une autre dimension du réel où les textures de la matière
perdent leur signification graphique au profit d’un vaste brassage cos
mique qui n’est peut-être que la parturition d’un autre monde. Le
Symbolisme est une sorte de déchirure phophétique qui appelle le
regard hors du quotidien et du factice, pour le faire se poser, sinon
sur le calme des dieux, du moins sur un transhumain et une transhu
mance encore indéfinissables et inarticulés.
Voilà en tout cas un beau et grand livre dont on aimerait dire
davantage, mais vers lequel tout homme curieux de culture, d’har
monie et de mystère devra courir. Il y découvrira une somptueuse
musique, des images à vocation initiatique et, peut-être, la clé de ce
festin perdu dont Rimbaud rêvait en sa nostalgie éperdue.
Jacme TAUPIAC

M. Taupiac est professeur de littérature et langues occitanes depuis


octobre 1977. La Chronique n’avait pas encore présenté ses diverses
activités.

COURS

Jacme Taupiac assure neuf heures hebdomadaires d’espagnol, en


classe terminale, à l’Institut Familial à Montauban.
Il assure aussi trois heures hebdomadaires d’occitan dans le second
cycle de la même école. Ces cours sont ouverts aux élèves de Saint-
Théodard.
A l’Institut catholique il donne le mercredi à 17 heures, une heure
d’initiation à la langue occitane et à 18 heures, une heure de « culture
occitane » sur un sujet qui varie chaque trimestre. Dernier trimestre
1978: « Aplicacion de la grafia tradicionala a l’occitan de Provença »
(principis teorics, trabalhs practics sus de tèxtes de Frédéric Mistral).
(Application de la graphie traditionnelle à l’occitan de Provence —
Principes théoriques, travaux pratiques sur des textes de Frédéric
Mistral). Ces cours portant sur la matière occitane sont donnés en
langue occitane.

COMMUNICATION ET CONFERENCE

Le vendredi 5 mai 1978, Jacme Taupiac fit une communication au


« Collôqui de Lingüistica Occitana » (Colloque de Linguistique Occi
tane) qui avait lieu à la Faculté des Lettres de l’Université de Clermont-
Ferrand, sur le sujet : « Una ipèrcorreccion dins la lenga dels occita-
nitas actuals : « lo libre tôt » al lôc de « tôt lo libre ». (Une hyper-
correction dans la langue des occitanistes actuels : « lo libre tôt » au
lieu de « tôt lo libre »). Comme d’autres communications de ce colloque
celle de Jacme Taupiac fut en langue occitane.
Le samedi 21 octobre 1978, à Reus, capitale du « Baix Camp»,
dans la province de Tarragone, conférence sur le thème « Comparason
fonetica entre lo catalan e l’occitan » (Comparaison phonétique entre
le catalan et l’occitan). Cette conférence, au début en catalan puis en
occitan, avait lieu dans le cadre des activités culturelles du C.A.O.C.
(Comita d’Afrairament Occitano-Catalan).

ARTICLES

De décembre 1974 à décembre 1978, une série de dix-neuf chroni


ques linguistiques ont été publiées dans la revue Menestral L’art

des pays d’Oc, sous le titre général « Lo vocabulari occitan de las arts
»
(Le vocabulaire occitan des arts).
Depuis le mois d’avril 1964 jusqu’au mois de novembre 1978,
Jacme Taupiac a publié dans différentes revues (Oc, Actualitat Occitana,
Vida Nova, L’Occitan) quelques dizaines de chroniques de philologie
occitane normative sous le titre « L’occitan blos » (L’occitan pur).
REDACTION DE « L’OCCITAN »
Jacme Taupiac est rédacteur en chef de L’OCCITAN — Periodic
de la vida occitana (L’Occitan — Périodique de la vie occitane) (B.P.
2306 - 31020 Toulouse Cedex).
Ce périodique, fondé en 1975, paraît tous les deux mois et donne
des informations sur la vie culturelle occitane au niveau de toute
l’Occitanie, de Bordeaux à Nice et de Clermont-Ferrand à Narbonne.
EDITION DU « MISSAL OCCITAN »
Jacme Taupiac est chargé par la « Comission per la lenga d’ôc a
la Glèisa » (Commission pour la langue d’oc à l’Église) de corriger les
épreuves, de surveiller l’impression et d’assurer la diffusion du « Missal
occitan » (Missel occitan) qui doit sortir incessamment des presses de
l'Imprimerie Nouvelle de L’Isle-Jourdain.
Cette édition en languedocien ou occitan général porte le texte
officiellement approuvé par les évêques d’Occitanie et fait suite au
texte en occitan de Gascogne publié en 1973, avec 1’ « Imprimatur »
de Monseigneur Roger Tort, évêque de Montauban, et au texte occitan
de Provence publié en 1976, approuvé pour l’usage liturgique par Mon
seigneur Robert Coffy, évêque de Gap et Président de la Commission
Épiscopale de Liturgie.
Au début du « Missal occitan » sera publiée une présentation d’une
page de son Éminence le cardinal Jean Guyot.
OUVRAGE PUBLIE
Au mois de mai 1978 est sorti des presses de l’imprimerie Dupin
à Montauban le « Pichon Diccionari Francés-Occitan » (Petit Diction
naire Français-Occitan).
C’est un livre de 304 pages, relié et illustré, d’une élégante présen
tation matérielle : la couverture porte un carte d’Occitanie en quadri
chromie.
Pratiquement, plusieurs ouvrages se trouvent dans le même livre :
1.
— Une longue préface qui insiste sur deux nécessités: celle de
respecter toute la richesse dialectale de la langue (toute forme locale
d’occitan est « bonne ») ; celle de mettre à la disposition de ceux qui
en ont besoin — en particulier dans les publications scientifiques —
une forme neutre de langue occitane dite « occitan référentiel » ou
« occitan commun » ou encore, selon l’heureuse formule du lexicographe
occitan Roger Barthe, « occitan général ».
2. — Treize pages techniques de philologie normative où sont
examinés les principaux problèmes de choix des traitements phonétiques
et des normes graphiques retenus comme référentiels.
3.
— Une étude de dix pages sur la prononciation de l’occitan
général.
4. — Une bibliographie des dictionnaires occitans, catalans, fran
çais, portugais, castillans, roumains, latins qui ont été consultés.
5. — Le dictionnaire français-occitan proprement dit, qui contient
16 300 entrées.

6. — La conjugaison des verbes réguliers et irréguliers occitans.


FACULTE DE PHILOSOPHIE

Pierre FONTAN

La Chronique a noté les divers sujets étudiés :

— En séminaire, les articles 9 et 10 du De Spiritualibus creaturis


où saint Thomas prend ses distances et fixe sa position à l’égard de
l’averroïsme et des augustiniens. On aborde ainsi la philosophie de la
connaissance et l’unité du composé humain chez saint Thomas, comme
aussi ses jugements sur l’histoire des doctrines et le bon usage des
« autorités ».
— Le thème « corps et âme », à travers la philosophie grecque et
certaines réactions qu’elle a suscitées.
— L’itinéraire et la doctrine morale chez saint Augustin.
— « Critique et tradition chez saint Thomas d’Aquin ».
— « Le monisme de Spinoza » ; exposé reproduit dans la Revue
Thomiste sous le titre : « Deus sive Natura ».
Dans la même revue, une brève étude en voie de publication :
— « Perspectives neuwmaniennes », tend à montrer, dans un cas
particulier, l’incidence de certaines tendances ou attitudes philoso
phiques sur la version personnelle d’une foi.
— « Connaissance de Dieu et de soi-même ».

LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE VEGETALE

I. THESES

Dans le courant de l’année 1978 trois thèses de Docteur-Ingénieur


ont été passées ; la première d’un afghan, Chafi Zafar, de Kaboul
« Influence de quelques porte-greffes sur la croissance et la biochimie
d’un rameau de Vigne Syrah » le 27 janvier 1978, la seconde de Michel
Gay, nouveau professeur à Purpan sur le Cassis, le 9 novembre 1978
et celle d’un irakien Thamere Soleman de Ninive, sur le Figuier, le
11 décembre 1978. Le Père Caries et M. Cassagnes ont fait partie des
trois jurys.
La Chronique de 1977 ayant paru après la soutenance de Ch. Zafar,
nous allons dire quelques mots des deux autres.

Michel Gay, Aspects de la nutrition et de la fructification du


Cassissier; comparaison des modes de conduite, étudie le Cassis-
sier et la production de Cassis qui intéresse beaucoup la Bour
gogne.
Le Cassissier est un petit arbuste dont les branches parties du
sol se développent par des pousses de plus en plus petites jusqu’au
moment où, après une dizaine d’années d’accroissements successifs,
les pousses de l’année deviennent vraiment trop peu importantes. La
fructification, qui apparaît uniquement sur le bois de deuxième année,
tend alors à diminuer.
Pour que la production continue et que les branches soient
rajeunies en temps voulu, il est plusieurs façons de conduire la cul
ture. La plus simple est de laisser la touffe se développer pendant
sept ans : on la coupe alors toute entière au ras du sol : elle ne produit
rien l’année suivante mais la production recommence dès la deuxième
année pour atteindre son maximum la quatrième année.
Une autre façon consiste à supprimer dans la touffe un certain
nombre de rameaux chaque année. Les autres se renforcent et produi
sent un peu plus et la production est continue. Cependant cette pro
duction inférieure à celle de la touffe inculte et la conclusion de la
thèse est que la manière la plus simple est aussi la plus avantageuse.
Ceci est démontré avec beaucoup d’analyses, de mesures, de pesées,
de calculs statistiques et autres.
Nous ne pouvons que nous intéresser au Cassis, ce produit si
sympathique qui sert à faire un mélange généreux auquel le chanoine
Kirr a donné son nom.

Tham'ere Soleman, Etudes sur les systèmes de fructification


des Figuiers : croissance et biochimie.

Peu d’arbres fruitiers sont aussi vénérables que le Figuier, mais


il n’en est peut-être pas de plus extravagant. Dans les vergers de
M. le professeur Rivais, Thamère Soleman l’a étudié pendant trois ans.
Cet arbre a besoin pour fructifier d’une minuscule petite mouche,
le blastophage, qui, pénétrant dans les figues, les féconde avec le
pollen venant des figuiers voisins. Le blastophage étant très rare en
Europe, les figues et les figuiers auraient disparu si n’était apparue
la parthénocarpie, c’est-à-dire le développement des fruits, même s’ils
ne sont pas fécondés.
Les fruits ont d’ailleurs un développement curieux. Sur une pousse
de l’année, il en apparaît normalement un à l’aisselle de chaque feuille.
Dans la partie basse de la pousse, les 2 ou 3 premières avortent parce
que mal nourries par des feuilles plus petites et dont la production
est absorbée par la croissance. Les figues des feuilles suivantes se
développent normalement et mûrissent à l’automne. Les figues des
feuilles supérieures commencent à peine leur développement et s’arrê
tent à la grosseur d’un grain de poivre alors que tombent les feuilles.
Lors de la reprise de la végétation, elles se développent à partir des
réserves de l’arbre et mûrissent au mois de juillet-août : on les appelle
des figues- fleurs. Elles sont ordinairement plus grosses et moins
sucrées que les figues d’automne mais, à cause de l’époque où elles
mûrissent, elles sont très recherchées et le Roussillon ne cultive guère
que ce type de figues.
Soleman a étudié les méthodes qui permettent d’augmenter la
production de figues-fleurs au moyen de divers traitements ou modes
de conduite. Il repart pour son Irak natal et nous pensons que grâce
à lui la Mésopotamie redeviendra le grand producteur de figues et
que chacun, lorsqu’il fait chaud, ira s’asseoir sous son figuier.
II. ARTICLES
J. Calmés, M.-P. Kpodar, M. Piquemal et J.-C. Latché, Rela
tions entre nutrition azotée et métabolisme photorespiratoire chez
une plante à oxalate, Fagopyrum esculentum M. — Physiologie
Végétale 16, 117-130, 1978.
Le rôle métabolique de l’oxalate chez les plantes est loin d’être
éclairici. A côté du cycle réducteur qui permet au végétal de fixer
le gaz carbonique de l’air et de construire ses propres tissus, il existe
un cycle oxydatif, appelé photorespiration, dont le principal substrat
est l’acide glycolique. Dans certaines conditions, l’oxydation de ce
dernier peut aboutir à la synthèse d’oxalate. Chez le Sarrasin, la forme
de la nutrition azotée paraît avoir une importance capitale pour cette
synthèse : la présence de nitrates favorise l’accumulation de cristaux
d’oxalate, tandis que l’abondance d’ions ammonium conduit à une
reprise de ces mêmes cristaux par le métabolisme.
J. Calmés, J.-C.Latché, G. Viala et G. Cavalié, Etude com
parative du métabolisme photorespiratoire chez différentes varié
tés de Soja. — Annales de l’Amélioration des Plantes, 28, 77-87,
1978.
Le but principal de cette étude est de rechercher si, parmi les
variétés actuellement disponibles, certaines sont capables d’intégrer
une plus grande partie du carbone du glycolate dans) des molécules
azotées ou glucidiques. Deux variétés, « Swift » et « Hodgson » retien
nent mieux le carbone du glycolate. Viennent ensuite, « Giessen 57/66 »,
« Vniimk 1 », « Amsoy 71 », « GSZ 3 » et « Hei-Long ». Enfin, « Adepta »
et Well sont celles qui rejettent -la plus grande quantité d’anhydride
carbonique. L’ensemble de ces recherches contribue à la sélection de
variétés de Soja susceptibles de conduire^ dans le domaine agricole,
à de meilleurs rendements.

J. Calmés et G. Viala, Formation de sérine à partir de for-


miate 14 C dans la feuille de Soja (Glycine max (L.) Merr). — C.R.
Acad. Sc., Paris, série D.
Cette étude essaie de préciser par quels processus métaboliques
le Soja synthétise un des principaux acides aminés, la sérine. Celle-ci,
selon la voie classique, se forme à partir de deux molécules de glyci-
colle avec rejet d’une molécule de gaz carbonique. Or dans bien des
cas, le rejet mesuré est trop faible par rapport à la valeur théorique.
Il convient donc de rechercher l’existence d’un autre mode de forma
tion de la sérine, par exemple l’union d’un composé monocarboné
à une molécule de glycocolle. L’incorporation de formiate marqué au
carbone 14 conduit, en effet, à la formation de sérine au cours du
processus photorespiratoire, sans faire intervenir de décarboxylation.

D. Vignes et J. Carles, La conductibilité du sol, facteur limi


tant à la croissance du Soja. — Bull. Soc. Hist. Nat. Toulouse, 113,
3, pp. 273-283.
Le soja a besoin de beaucoup d’eau. Certaines terres argilo-limo-
neuses ont une faible porosité qui gêne la circulation de l’eau dans
D. Buffière est en train de devenir le spécialiste de la Lentille
du Puy. Après les avoir semées dans la Haute-Loire au cours du prin
temps et récoltées à l’automne, il multiplie les dosages afin de préciser
en quoi consiste ce crû de Lentilles, ce qu’elles ont de spécial et si
l’on a vraiment le droit de dire qu’elles sont supérieures à toutes les
autres.
Docteur Clémente, en étudiant le pancréas du rat et la manière
dont il métabolise l’alcool transformé en acides organiques, va peut-être
trouver la façon dont commencent les pancréatites.
Madame Marty s’intéresse toujours au Lapin : les molécules mar
quées au carbone 14 lui permettent de préciser peu à peu le rôle du
caecum dans la nutrition azotée du lapin.
H. Ziadi multiplie les fermentations afin de préciser l’origine de
certains acides organiques qui pourraient être partiellement respon
sables du crû d’un vin.

Madame Catusse veille sur l’ensemble du laboratoire et participe


de plus en plus au travail des chercheurs.

IV. CONGRES. CONFERENCES, etc...

Au point de vue scientifique le laboratoire poursuit ses contacts,


non seulement avec les autres laboratoires de Toulouse, mais avec
ceux de M. Louguet de l’Université de Créteil (Paris, Val-de-Marne),
de Mlle Champigny de l’Université d’Orsay (Paris Sud), de M. Costes
de l’Institut National Agronomique de Grignon.
Des conférences ont été faites dans des milieux très divers : le
P. Caries à la Société de Philosophie en souvenir et en hommage au
Père Etcheverry, aux Philosophes en session, sur Biologie et Matéria
lisme, à la Trappe de Notre-Dame des Neiges pendant une semaine,
Paray-le-Monial pendant quelques jours, à La Louvesc, à Barèges, à la
Croisière de la Foi en Méditerranée, etc.
L’abbé Calmés a été sollicité pour organiser sur les problèmes
touchant la Science et Foi des conférences-débats avec les jeunes du
Christ-Roi et de Saint-Sulpice, etc.

V. SESSIONS

Le laboratoire a organisé trois sessions pour les professeurs de


l’Enseignement secondaire. Elles ont été mentionnées plus haut ; on en
donne ailleurs le compte rendu détaillé.
XXIIP JOURNEES SCIENTIFIQUES

Selon les vœux émis lors des sessions précédentes, les Journées
scientifiques des 15, 16 et 17 juin 1978 ont tenté de répondre à de
nombreuses questions d’actualité. Plus de cinquante professeurs du
sud-ouest y participaient.

Le docteur L. Millet, directeur d’une clinique psychiatrique et


chargé de cours à l’Université Paul-Sabatier, nous aida à comprendre
la psychologie du drogué. Il s’agit, en fait, de pathologie de la liberté.
Cette dernière est une conquête incessante qui suppose une sortie de
la dépendance maternelle initiale, l’établissement de relations nouvelles
et l’organisation de la vie intérieure.
Le Père Caries présenta les travaux de Guillemin et de ses compa
gnons, prix Nobel de Médecine 1977. Ils ont découvert les hormones
du cerveau et détrôné l’hypophyse considérée jusque-là comme le
cerveau hormonal. Il s’agit d’hormones secrétées par l’hypothalamus
et qui sont tellement simples qu’on peut les fabriquer de synthèse ou
les faire fabriquer par l’ADN. Des horizons nouveaux s’ouvrent pour
la médecine et pour la chimie pharmaceutique.

M. J. Calmés, professeur à l’Institut Catholique, nous présenta


l’apport de Prigogine, prix Nobel de Chimie 1977, dans la solution
d’un grave conflit entre la physique et la biologie. La thermodynamique,
en effet, prévoit une évolution de l’Univers vers une entropie croissante,
c’est-à-dire vers un maximum de désordre, tandis que la biologie nous
fait découvrir des vivants dont l’organisation est devenue de plus en
plus complexe au cours de leur histoire.
M. Guillou, inspecteur d’Académie pour les Sciences Naturelles,
éclaira par ses conseils pédagogiques la façon d’enseigner la biologie
et la géologie dans le premier et le second cycles. En 6 e et 5 e par
exemple, le programme constitue un cadre et chaque professeur se
doit d’établir sa propre progression. Le dialogue avec les participants
fut soutenu ; les difficultés (horaires, nombre d’élèves, etc...) furent
abordées, mais l’on sentait le désir général de privilégier les objectifs
éducatifs sans laisser de côté l’objectif connaissance.

M. C. Huraux, professeur à l’U.P.S., proposa aux physiciens une


découverte pratique des possibilités de l’électronique moderne. De peti
tes « bêtes » à 8 pattes, les amplificateurs opérationnels, vendus aujour
d’hui à un prix dérisoire (10 francs les 3) et correspondant chacun à
une quarantaine de transistors traditionnels, sont capables d’effectuer
de multiples fonctions, amplification, inversion, sommation, intégration,
dérivation, grâce à des montages très simples à la portée d’un débutant.
Gageons que plusieurs auditeurs, séduits par ces possibilités, vont,
sans tarder, donner à leurs élèves la passion de l’électronique.
Dans une salle voisine, les naturalistes écoutaient M. Montastruc,
professeur de pharmacologie à l’U.P.S. qui parlait du dopage, de ses
dangers et de son peu d’efficacité. Il était utilisé dès les premiers jeux
olympiques et l’on a toujours cherché à augmenter sa forme dans les
épreuves sportives. On oublie souvent le besoin le plus important,
celui de l’eau : il est nettement plus grand que ne l’est notre soif.
Obligé de partir vers le milieu de son cours, M. Montastruc ne put
traiter son deuxième sujet. Le Père Caries essaya d’intéresser les audi
teurs sur des questions biologiques.
M. A. Fournié, professeur à l’École Nationale d’Aviation Civile,
nous passionna pour la météo. Après un rappel historique sur les
records de chaud français et mondiaux (44° sous abri à Toulouse, 57°
au Sahara) et le froid (—32" à Langres, —89° au Pôle Sud) et sur
les anomalies du temps, la conclusion s’impose : le temps était aussi
« détraqué » autrefois qu’aujourd’hui. Cependant les connaissances
météorologiques ont progressé ; outre les mesures au sol dans des
stations de plus en plus nombreuses, 1930 a vu l’apparition des radio-
sondes et 1960 celle des satellites. Bien des données sont disponibles
aujourd’hui à l’échelle du globe. A quand une prévision locale sûre
et de durée convenable ?
f
Sous une pluie battante, M. Fournié nous conduisit à Blagnac pour
une visite des installations météorologiques et de la tour de contrôle ;
à l’évidence, pour suivre les avions, le radar est bien plus efficace que
l’œil humain comme nous avons pu nous en rendre compte en assistant
au départ et à l’atterrissage de cinq ou six avions. Nous avons pu,
par contre, constater à quel point il était difficile de prévoir le temps,
même pour le lendemain.
Pendant ce temps-là M. L. Labroue, de l’U.P.S., nous montra com
ment on peut étudier concrètement les relations entre la plante et
l’eau du sol. En travaux pratiques par exemple, un peu de scotch suffit
pour arriver à mesurer l’ouverture des stomates.
En vue de préparer l’excursion dans le Sidobre, M. F. Crouzel,
professeur à l’Institut catholique, nous fit un exposé sur le granit,
sa composition chimique, sa texture, sa formation.
Le dernier jour, M. J. Joseph, de l’Institut catholique, nous condui
sit dans la Montagne Noire. La coupe réalisée lors du tracé de la
route du « Saut de la truite » lui permit de nous initier à la tectonique
et à l’analyse structurale. Tout au long de la journée, alors que
M. Maillat nous aidait à comprendre la géographie humaine de la
région, M. Labroue insista sur l’aspect écologique : il nous apprit à
remarquer telles ou telles plantes caractéristiques de tel type de sol
ou de climat.
Dans le car, au retour, les sessionistes organisaient déjà de pro
chaines rencontres pour septembre en vue de préparer la rentrée.

Jean Calmés
SCIENCES NATURELLES
JOURNEE PEDAGOGIQUE

Organisée à l’Institut catholique par M. Claude Ricard, cette


journée du 12 septembre 1978 avait pour but de discuter ensemble
sur les programmes de Sciences Naturelles, sur ses nouveautés, sur
la meilleure manière de les présenter aux élèves. Elle était centrée
sur l’enseignement thématique en sixième et cinquième.
D’autre part, les collèges ne sont pas tous également bien fournis
en matériel et ceci pose des problèmes pédagogiques dont il est bon
de parler.
Organisée par groupes, la discussion fut intéressante et fructueuse
à la satisfaction des soixante-cinq professeurs venus de toute la région,
de Toulouse et du Tarn surtout, mais aussi de l’Aveyron, du Lot et de
la Corrèze.

LABORATOIRE DE GEOLOGIE

I. ACTIVITES

Comme chaque années le activités du laboratoire sont orientées


vers la recherche des fossiles et leur étude. Des fouilles ont été entre
prises à Haulies et Polastron (Juillard, Stigliani et Bemetche) et leurs
résultats ont été étudiés par l’Abbé Crouzel. Les fossiles seront déposés
dans le Musée de Gimont. M. Pierre Roubinet a entrepris, avec l’accord
du laboratoire du Muséum de Paris, une campagne de fouilles dans les
phosphorites du Quercy. M. Manenc achève le classement et l’étude
des bovidés (bison européen) de la grotte de Riverenert (Ariège).
M. F. Crouzel a fait au mois d’août une série de prospections sur
les terrains miocènes des confins du Gers et des Hautes-Pyrénes. Il a
pu ainsi terminer avec son collaborateur M. Icole, les relevés pour
rétablissement de la carte géologique au 1/50.000e de Plaisance-du-
Gers.
A la dernière séance du 20 décembre de la Société d’Histoire
Naturelle de Toulouse, M. l’abbé F. Crouzel a été élu président pour
les années 79 et 80.
Un retour en arrière de quelques 400.000.000 d’années a permis à
Jean Joseph de continuer l’étude de l’environnement paléoécologique
des régions pyrénéennes occidentales (de Gavarnie au Pic d’Anie). Ceci
l’a conduit à des campagnes de terrain, à un travail de laboratoire pour
dégager les organismes fossiles indispensables à l’établissement d’une
paléoécologie cohérente (Conodontes, Brachiopodes, Coraux...) ; et pour
les déterminer, à se rendre en Espagne, en Belgique et dans le Nord
de la France pour rencontrer des chercheurs homologues et parcourir
leurs terrains ; à accueillir sur son terrain ces mêmes chercheurs.
Par quelques stages d’initiation à la géologie organisés à Héas,
Jean Joseph a aussi tenté de faire entrer des élèves de l’Enseignement
Catholique du Piémont pyrénéen dans la compréhension de la grande
fresque de l’histoire de la terre, gravée dans la montagne qu’ils ont
sous les yeux.

II. CONGRES

M. F. Crouzel a participé comme président de l’Association des


Géologues du Sud-Ouest (A.G.S.O.) à l’organisation et au déroulement
de l’exposition GEOEXPO IL Celle-ci s’est tenue du 20 au 24 février
dans les halls de la Foire de Toulouse. Elle rassemblait vingt-cinq expo
sants de matériel scientifique et industriel relatif aux sciences de la
Terre. En même temps se tenait un colloque « Quoi de neuf en Géologie
depuis 10 ans » (Paléontologie humaine, tectonique moderne, géologie
extraterrestre, hydrogéologie, géologie pétrolière et exploration spa
tiale).
Du 10 au 15 avril il a assisté au 103 e Congrès des Sociétés Savantes
à Nancy, où il a parlé des « Incertitudes liées aux divisions stratigra-
phiques, spécialement dans le domaine sédimentaire continental ». Il
indiquait les facteurs qui conditionnent la valorisation de l’échelle
stratigraphique : nature des couches, datations paléontologiques et cor
rélation par les âges absolus. L’échelle a un caractère mixte, à la fois
artificiel et réel, et il ne faut pas lui demander une précision d’ordre
mathématique.
Suivait du 25 au 28 avril la VL' Réunion annuelle des Sciences de
la Terre, à Orsay, où M. F. Crouzel faisait une communication sur
l’anatomie comparée des omoplates de Proboscidiens.
M. F. Crouzel a réuni le groupe d’Étude des Formations Sédimen-
taires Continentales, du 9 au 12 juin à Decazeville. La visite et l’étude
du bassin houiller auxquelles participaient trente-cinq géologues étaient
dirigées par M. Vetter, des Charbonnages de France, un ancien du
laboratoire.
Un Congrès International de Sédimentologie à Jérusalem (10 au
23 juillet) n’était pas une occasion à manquer. Le laboratoire (MM.
F. Crouzel et R. Meyer) était présent pour une communication sur
« les divers types de croûtes calcaires oligo-miocènes du Bassin d’Aqui
taine » et pour la participation à l’excursion Geoderma, de Jérusalem
vers Jéricho puis Bersheeba, El Arisch avec le désert du Sinaï et enfin
la zone côtière jusqu’au Nord de Tel Aviv.
M. F. Crouzel a présidé à Tarbes, la réunioa de l’A.G.S.O., sur
les circulations d’eau dans les formations calcaires (Karst) ; deux jours
de colloque, 17 et 18 octobre (originalité physique et importance écono
mique) suivis de deux jours d’excursion, 19 et 20 (laboratoire souterrain
de Moulis, le pays du Saut et la grotte de Niaux).

Enfin les et 7 décembre, M. F. Crouzel a participé au colloque


6
sur les Schistes bitumineux et les Blak Shalles organisé par M. Busson
et la R.C.P. 417 du C.N.R.S. dans l’amphithéâtre du Muséum d’Histoire
Naturelle de Paris.
III. PUBLICATIONS
C. Bulot, F. E. Ducasse, Le Gisement paléontolo-
Crouzel et
gique de Navère à Lectoure (Burdigalien inférieur du Gers). -—
Bull. Soc. Archéologique du Gers, LXXIXR année, pp. 1-40, 11 fig.
Le propriétaire du terrain (Le Grand Peço, quartier de Navère à
Lectoure) a découvert lui-même le gisement et assumé une grande
partie des fouilles. Les fossiles ont été préparés par M. J. Vito, au
laboratoire de 1T.C. Le gisement correspond au comblement marneux
d’un chenal creusé dans un banc calcaire antérieur. Pauvre en indi
vidus, mais relativement riche en espèces, il est intéressant par le
mélange de faunes archaïques et progressives (ainsi l’association d’un
anthracothéridé, Brachyodus onoïdeus avec un proboscidien Gompho-
therium angustidens, d’un amphicyonidé avec l’un des premiers félins).
Un insectivore et un lagomorphe correspondent tous deux à une nou
velle étape de l’évolution de ces groupes. Chez les rongeurs on trouve
de même des faunes à affinités plutôt anciennes (le sciurité Peridyro-
mis cf. occitanus) tandis que manque le hamster Megacricetodon,
connu à La Romieu. Cette faune classe le gisement dans le Burdigalien
inférieur près de Pellecahus et du calcaire cendré du Lectourois qui
affleure à quelques kilomètres au Nord. Les conditions de dépôt du
terrain dans le Miocène aquitain sont complexes et vouloir assigner
une position stratigraphique rigide, basée mathématiquement sur quel
ques espèces seulement serait oublier à la fois la sédimentologie, la
biologie et l’écologie.

F. Crouzel et Meyer, Varning patterns of calcretes in the


R.
Oligo-Miocène continental Sédiments from Aquitaine (Southern
France). — X Congrès Intern. Sédimentologie, Jérusalem, Abs
e

tracts, pp. 140-141, 1 fig., 1 tabl.


Après avoir décrit les faciès sédimentaires du bassin et indiqué
la part importante prise par l’élément calcaire, les auteurs distinguent
les calcaires lacustres des encroûtements formés au sein des sédiments
eux-mêmes. Ces derniers peuvent être rapportés à six types principaux
dont le processus de formation est étudié ; le long du passage de
racines, enrichissement calcaire d’un horizon de paléosol, altération
d’un profil pédologique, battements des nappes phréatiques donnant un
niveau discontinu ou un banc massif, concrétionnements dans les inter
valles de discontinuités du sédiment, par circulation d’eau. Les micro
structures, les éléments minéraux principaux ainsi que leur évolution
depuis les temps miocènes, les effets de l’altération de surface sont
détaillés. Le carbonate de calcium n’est jamais stable en présence d’eau
et peut migrer ; il trouve sa place en diluant les minéraux existant
avant concrétionnement. Toutefois on observe un dépôt préférenciel du
silicium et du potassium, par rapport au fer et à l’aluminium.

F. Crouzel, Gisements paléontologiques dans les environs


d’Alan (Haute-Garonne), entre les vallées de La Garonne, du Ber
nés de la Louge et de la Nère. — Revue du Comminges, Tome
XCI, 1 er Trim., p. 5 à 15, 2 fig., 1978.
Les terrains miocènes situés autour d’Alan ont donné depuis long
temps de nombreux restes fossiles. La plus ancienne découverte a été
relatée par Joubert en 1785. L’auteur) donne la coupe détaillée des
terrains qui s’étagent sur toute la moitié supérieure de l’Helvétien.
Une carte permet de localiser tous les points fossilifères au nombre
de 40. Les fossiles trouvés sont des moules d’Helicidés (escargots),
des concrétions algaires autour de coquilles d’eau douce (Unio et Mela-
nia) et enfin des restes de Mammifères : Proboscidiens (Gomphotherium
angustidens, Zygolophodon turicensis et Deinotherium) et Rhinocero-
tidés (Teleoceras brachypus, Ceratorhinus simorrensis et Aceratherium
tetradactylum). Une étude plus détaillée est consacrée au dernier gise
ment découvert, celui de l’ancien hôpital Notre-Dame de Lorette avec
Gomphotherium angustidens var. gaillardi connu par trois molaires, une
défense, deux côtes et une omoplate droite parfaitement conservée.

F. Crouzel, Anatomie comparée des omoplates de Probosci


diens fossiles et actuels. — VI e Réunion Annuelle des Sciences de
la Terre, Orsay, 1978, Résumé p. 24.

La découverte à Alan (Haute-Garonne) d’un scapulaire parfaitement


conservé de Gomphotherium angustidens var. gaillardi a permis de
comparer les caractères des omoplates de divers proboscidiens. Un
indice scapulaire élevé (Mastodontes et Deinothérides) correspond à
un thorax étroit, des mouvements de locomotion plutôt réguliers dans
le sens parasagittal. Dans les mêmes groupes, le méta-acromion rela
tivement développé et en forme de faucille permet le rapprochement
de l’axe du corps par les omoplates. Pour les éléphants anciens et
actuels, par contre, le thorax est large et les membres antérieurs conser
vent une possibilité de latéralisation.

J.-P. Cantet, F. Crouzel et J. Meneghin, Sortie de géologie


dans la région de La Romieu. — C.R.D.P. Auch, Bulletin de liaison,
n° 2, 1978, pp. 3-37.

La région calcaire de La Romieu avec ses bancs épais et directe


ment superposés a permis l’établissement d’une morphologie karstique,
actuellement disséquée par l’érosion récente, mais présentant des
exemples très nets et faciles à visiter sur un espace peu étendu. Carrière
et grottes de Nauterie dont la faune est exposée au Musée de Lectoure,
exurgence du Bourdieu et réseau karstique du Sinaï (dolines du bois
de Broustès, grotte de Mauvezin, exurgence de Sinaï, et lapiaz) sont
décrits en détail et figurés dans de nombreux schémas et plusieurs
photographies. L’environnement géologique, morphologique et biologi
que est étudié.

C.Bulot, Bransatoglis cadeoti nov. sp. un nouveau gliridé


(Rodentia, Mammalia) du miocène de Bézian f
(Zone de la Ro
mieu).— Géobios, n° 11, fascicule 1, pp. 101-106, 6 fig., Lyon.
Cet article donne d’abord une description des dents jugales d’un
Gliridé (Loir) de grande taille appartenant au genre Bransatoglis (Hu
gueney 1967), trouvées au cours de fouilles entreprises à Bezian. Les
dents montrent une taille plus forte que B. concavidens de Coderet.
La surface occlusale dentaire se simplifie par une importance moindre,
voire une disparition des crêtes accessoires hors trigone pour les deux
premières prémolaires supérieures et une disposition totale des mêmes
crêtes autour du centrolophide pour les dents inférieures. Toutes les
dents de la rangée supérieure ont un endolophe continu.
Quelques différences notables éloignent l’animal de Bézian de Glis
spectabilis. Par contre il a une denture plus évoluée mais morphologi
quement semblable à celle de Bransatoglis concavidens dont il est
probablement un descendant.

J. Joseph, Géométrie des déformations dans une nappe com


plexe : La nappe de Gavarnie, Pyrénées centrales, France. —
Geologische Rundchau - Hanover, 20 p., 6 fig. (à l’impression).
En coll. avec J. Deramond, Cl. Majeste-Menjoulas et R. Mirouze.

La nappe de Gavarnie est constituée de terrains d’âge paléozoïque,


Crétacé supérieur et Eocène. Elle repose sur un ensemble autochtone
constitué par des formations métamorphiques (migmatites, micaschites)
et leur couverture crétacée. La mise en place de la nappe s’est faite
lors de l’orogenèse pyrénéenne (30.000.000 d’années plus ou moins
5.000.000). La géométrie des diverses déformations qui affectent
cet ensemble est envisagée. La chronologie de ces déformations est
établie, ainsi que la distinction entre les déformations pyrénéennes et
varisques. On compare ensuite cette nappe avec d’autres structures
chevauchantes particulièrement étudiées du point de vue mécanique
(Alpes suisses, chevauchements du Wyoming, Rocky Mountains, Appa-
laches).
ECOLE SUPERIEUBE D’AGRICULTURE
DE PURPAN

Nous ne présenterons pas l’ensemble des activités du corps ensei


gnant de l’E.S.A.P., en particulier les participations aux sessions, les
consultations et les interventions nombreuses et diverses. Volontaire
ment nous nous limiterons à un aperçu des principaux travaux récem
ment terminés ou sur le point d’aboutir.

TRAVAUX DES PROFESSEURS


DOMAINE DES SCIENCES ET TECHNIQUES AGRONOMIQUES

M. C.-A. Bulte participe, en association avec l’I.N.R.A., à un pro


gramme d’études financé par la D.G.R.S.T. en vue de l’utilisation de
l’espace dans les Causses.
M. B. Maruejouls prépare une thèse de Doctorat de 3 e Cycle en
Economie et Droit Rural ayant pour thème le « Marché Français des
Semences de Maïs ».
M. M. Gastou a entrepris une étude sur les maladies cryptogami-
ques du Sorgho grain, en particulier sur le charbon (Sphacelotheca
reiliana Clint).
M. J.-L. Cabirol a passé, le 4 décembre, sa thèse de Doctorat de
3° Cycle en Economie et Droit Rural intitulée « Le Vignoble et le Vin
de Cahors ». L’étude englobe les divers problèmes techniques, écono
miques et juridiques propres au vignoble à Appellation d’Origine
Contrôlée de Cahors.
MM. R. Aurejac et J.-C. Balmelle ont fait paraître une importante
mise au point relative aux minéraux et vitamines dans l’alimentation
des ruminants. Elle constitue le N° 107 de la revue « PURPAN ».
M. P. Audoye publie actuellement une contribution à l’étude de
la valorisation des résidus d’origine végétale.
Au Laboratoire de Physiologie, animé par MM. P., Cassagnes et
M. Gay, trois étudiants de 3 e Cycle effectuent leur recherche : Mlle
Neili Dabia et M. M. Ricard préparent un D.E.A. ; M. Ph. Fourcade,
qui a obtenu son D.E.A. en octobre, prépare sa thèse de Docteur-Ingé
nieur ayant pour thème « L’irrigation fertilisante par goutte à goutte
en arboriculture ».
M. M. Gay a soutenu, le 9 novembre, sa thèse de Docteur-Ingénieur
intitulée : « Aspects de la nutrition et de la fructification du cassissier :
comparaison de deux modes de conduite ». S’appuyant sur de nom
breuses observations et analyses l’auteur a étudié comment se comporte
une touffe de cassis, quels sont ses besoins en éléments fertilisants
et quel est le mode de conduite le plus adapté (cf. Laboratoire de
Physiologie Végétale).
M. P. Cassagnes a participé à une étude publiée dans le compte
rendu du III e Symposium international des régulateurs de croissance :
« Contribution to research into improving the colour in red apples ».
D’autre part il poursuit, en collaboration avec la SICA Sorgho France,
la Chambre d’Agriculture et la Cellulose d’Aquitaine, une étude financée
par l’Etablissement Public Régional, en vue de l’utilisation du sorgho
à balai comme sorgho papetier.

DOMAINE DES SCIENCES SOCIALES


(L.I.E.F. ET C.E.M.A.)

Le Père E. Perrot rédige une thèse de Doctorat d’État ès Sciences


Économiques concernant l’effet du facteur terre sur les liens entre
l’agriculture et le reste de l’économie. Il compte la soutenir avant la
fin de l’année 1979.
Le Père C. Couffin, Mlle G. Castagnet, MM. R. Belloc et D. Prache
travaillant en équipe au L.I.E.F. de l’E.S.A.P. (Laboratoire d’informati
que et d’Économie Financière) sont associés à des recherches dont
l’orientation est commune. L’objet en est l’économie de l’exploitation
agricole et des organismes de commercialisation des produits agricoles
(coopératives, SICA, etc...). Les travaux se concentrent sur les problè
mes de gestion technique et économique, financière et fiscale, étudiés
plus particulièrement dans une perspective prévisionnelle en s’appuyant
sur l’emploi de l’ordinateur.
Le L.I.E.F. a participé à plusieurs missions de coopération inter
nationale pour le développement des méthodes statistiques et compta
bles françaises. Parmi les travaux réalisés récemment citons :

« La céréaliculture et Vindustrie de la meunerie en France ; la


crise du circuit blé-farine ». Thèse de Doctorat de 3 e Cycle en Economie
et Droit Rural de Mlle G. Castagnet, soutenue le 13 novembre. L’auteur
a précisé les caractéristiques de ces deux secteurs et a tenté de tracer
les perspectives de leur évolution, en soulignant les conséquences et
l’importance des mutations entraînées par les nouvelles réglementations
de 1978.

« Des besoins aux outils de gestion de Vexploitation agricole ; vers


Vélaboration de systèmes de prévisions et de contrôles technico-écono-
miques », thèse de Doctorat de 3 e Cycle en Economie et Droit Rural de
M. R. Belloc, soutenue le 20 décembre, Après, d’une part, un inventaire
des contraintes de l’exploitation agricole au niveau de sa gestion et,
d’autre part, une analyse des principales méthodes de gestion propo
sées aux agriculteurs, l’auteur a élaboré un véritable système de
comptabilité-gestion.

A signaler encore :
« Mise en place de programmes statistiques traités sur l’ordinateur
de l’E.S.A.P. », par M. D. Prache.

« Deux méthodes de recherche opérationnelle de gestion program


mation linéraire et méthode PERT », par Mlle G. Castagnet.
« La fiscalité agricole : T.V.A., bénéfice réel et mini-réel », par
le Père C. Couffin.

« Le coût de revient de l’agriculture », par le Père C. Couffin.


Le C.E.M.A., animé par le Père B. Fort} et le Père de Charrin,
poursuit son importante activité de conseils juridiques et économiques
ainsi que la rédaction de l’intéressante revue « PURPAN ».
Le Père B. Fort vient de publier une étude originale et d’actualité :
« La propriété foncière agricole. Comment agir sur son évolution ? »
(N" 108 de la revue « PURPAN »). Les liens de droit unissant les biens
fonciers et les agriculteurs ont subi depuis une quarantaine d’années
des modifications qui laissent espérer de nouvelles adaptations. L’au
teur propose des solutions orientées vers une promotion véritable des
personnes, des familles et des communautés humaines.
Le Père G. de Charrin, dans son ouvrage paru en 1977, « Les
agriculteurs et leurs coopératives » fournit les informations nécessaires
pour bien comprendre le fonctionnement d’une coopérative. Refusant
de dissocier les questions juridiques de leur contexte économique et
humain, il situe le droit à sa vraie place, celle de ciment d’organisation
au service d’un groupe d’hommes.

MEMOIRES DE FIN D’ETUDES

Pour obtenir le diplôme d’ingénieur en Agriculture E.S.A.P., chaque


étudiant doit effectuer un stage de recherche de 6 à 9 mois à l’issue
duquel il rédige, sous la responsabilité d’un professeur, un mémoire
de fin d’études. Tous ces mémoires sont déposés à la Bibliothèque de
l’Ecole où ils peuvent être consultés. En juin 1978, les mémoires pré
sentés ont été les suivants :

PRODUCTIONS ANIMALES
BOVINS

« Laproduction de veau de boucherie sous la mère dans le dépar


tement du Gers » (Marie-Claude Boitard).
« Modèles techniques et économiques de productions animales dans
la plaine viticole du Languedoc» (J. Biau).
« Un groupe d’éleveurs Charolais de la Nièvre face à la sécheresse
de 1976 » (Anne Bonnet).

« Fonctionnement et dynamique du modèle d’approvisionnement de


l’élevage allemand dans son environnement intérieur et extérieur
»
(Marie-Pierre Delord).
« La production laitière dans les Pyrénées-Atlantiques et son ave
nir» (J.-P. Harispe - J.-D. Pebarthe).
« Etude des composantes du marché du veau de 8 jours dans la
région Midi-Pyrénées » (P.-Y. Le Gall).
PRODUCTIONS VEGETALES

SELECTION
« Données sur l’amélioration du maïs au Brésil » (O. Biberson).
«La sélection du piment (Capsicum Annuum) pour la résistance
au Phytophthora Capsici-Virus Y de la pomme de terre » (Odile Domi
nique).
« Le tournesol : génétique et production de semences » (Ch. Gau
thier).
DEFENSE DES CULTURES

«Cntribution de l’informatique aux prévisions de l’évolution biolo


gique du carpocapse des pommes et des poires » (J.-Y. Blanc).
«Traitement des semences: protocole d’expérimentation et résul
tats de quelques produits en vue du remplacement des organo-mercu-
riques » (P. Boulaire).
« Expérimentation d’insecticides et orientations nouvelles de la
lutte contre le carpocapse des pommes et des poires (Laspeyresia pomo-
nelle L) en vergers de pommiers du Bas Valais » (Suisse) (B. Chambon).
«Lutte contre les maladies aériennes des céréales » (L. Chevais).
«La décision de lancement d’un herbicide maïs» (J. Frugier).
«La lutte contre l’eudemis vigne» (Catherine Leberger).
de la

« Maïzor : Marché. Positionnement. Politique d’action » (B. Ravel).

IRRIGATION ET FERTILISATION

« Relations sol-eau-plante en maïs irrigué sur sol sableux landais »


(B. Deprez).

« Essais d’irrigation goutte à goutte dans un verger de pommiers en


Israël » (J.-P. Goutines).
« Les conditions d’utilisation optimale de l’irrigation collective (A
partir de l’analyse du fonctionnement des réseaux en place) » (D.
Graciet).
« Développement de l’irrigation en Haute-Garonne, bilans et pers
pectives » (G. Le Maignan).
« Essais comparatifs sur les modes d’apport d’éléments fertilisants
en localisation et en couverture, dans une vigne en non culture désher
bée chimiquement » (Ph. Raucoules).

« Etude physiologique de la nutrition minérale de la tomate en


culture sans sol » (Madeleine Sutra de Germa).

SOJA ET MAIS

« Le soja : bilan technique. Avenir économique et politique » (Pg.


Geli).
« De quelques aspects de l’agronomie du soja. Phytotechnie et
choix des variétés » (D. Rougeau).
« Contribution à l’étude des composantes physiologiques de la pré
cocité du maïs » (Ph. Heloir).
«Une nouvelle variété de maïs pour le Sud-Ouest: « Sirius ».
Support commercial et actions promotionnelles » (G. Laloue).
« Lespossibilités de simplification de castrations en production de
semences de maïs » (B. Reilhac).
« Les semences de maïs : un atout pour l’agriculture des Landes »
(B. Saubusse).

DIVERS

« L’action de l’actrinal pour la limitation de croissance des haies »


(D. Chazel).

« Etude concrète de la mécanisation des vendanges dans un type


d’exploitation méditerranéenne» (Ch. Chevalier).
« Le bouturage herbacé de l’eucalyptus » (Th. Gros).

« Le sorgho papetier, nouvelle culture industrielle de Midi-Pyré


nées » (P. Jeanne).

« Contribution à l’étude de l’enracinement » (Monique Lescher).

« Lescultures légumières de plein champ dans les Côtes-du-Nord.


Analyse économique » (G. Quere).

SCIENCES SOCIALES

COMPTABILITE DE GESTION

« Objectifs et méthodes comptables » (Monique Candau).


« Le télétraitement à l’Union Laitière Normande. Présentation tech
nique. Application à l’enregistrement des apports de lait» (J.-C. Fagot).

« Recherche méthodologique sur les comptes de l’Agriculture dépar


tementale : application en Haute-Garonne. Disparités des revenus dans
Midi-Pyrénées » (D. Gardes).
« Gestion d’exploitations agricoles, par systèmes de production,
du Tarn. Résultats 1975 et 1976 » (J.-L. Gieusse).
« Informatisation d’une Union de Coopératives Vinicoles » (P. Han
sen).
« Analyse d’une gestion prévisionnelle en élevage porcin » (Odile
Lioux-Lafforgue).
« Analyse des résultats de l’exercice 1976 des principales produc
tions des exploitations des Pyrénées-Orientales» (C. Marquez).
« Modèles d’exploitation régionaux par système de production.
Méthode d’élaboration et de réactualisation. L’exemple laitier » (J.-P.
Mourlan).
INSTALLATION EN AGRICULTURE ET SOCIOLOGIE RURALE

« Analyse critique des réalisations de plans de développement et


cas concrets dans le Puy-de-Dôme en 1977 » (G. Bonnet).
« Développement et Coopération. Travail et équipement dans les
C.U.M.A. de Saint-Philibert-de-Bouaine » (A. Bouby).
« Les installations d’agriculteurs en zone de montagne (Pyrénées
ariégeoises et centrales » (Claudine Danflous).
« Prévoir ne fait pas mourir ou monographie d’un projet d’installa
tion » (N. Danflous).
«L’agriculture de groupe. Les G.A.E.C. Père-Fils» (Michèle Nou-
vellon).
« Etude socio-économique de l’agriculture de montagne en Ariège »
(J. Weill).

DIVERS

«Hydrologie du Haut-Verdon » (H. Carmie).


« Valorisation de déchets agricoles : synthèses et activités d’aldi-
mines dérivées du furtural » (R.-C. Coumes).
« Etude des rejets de métaux lourds de l’incinération du P.V.C.
Absorption radiculaire et phytotoxicité du plomb et du cadmium »
(J. Dauzat).

« Contribution à l’étude des crevettes d’eau douce de la Guade


loupe » (G. Hostache).
«Amélioration de la qualité du travail et des performances de la
moissonneuse-batteuse » (H. Laurentie).
« Utilisation des substrats artificiels pour l’étude des populations
d’invertébrés benthiques en vue de la détermination de la qualité biolo
gique des eaux courantes » (L. Lentz).
« Scolopax Rusticola. La bécasse des bois » (J. Martinel).
« Valorisation d’un déchet de l’industrie laitière : absorption de
surfactants ioniques sur le déchet de carbonisage » (F. Perineau).
Tous renseignements sont à demander au SECRETARIAT,
31, rue de la Fonderie, 31068 TOULOUSE CEDEX - Tél. 52-62-35
C.C.P. Toulouse 4437 P.

Le directeur-gérant : L. MONLOUBOU
Commission paritaire de presse 23.966 Dépôt légal l«r trim. 1979

lmp. du Centre, 43, avenue de la Gloire, Toulouse


UPLEMENT AU BULLETIN DE LITTERATURE ECCLESIASTIQUE


En couverture : la façade ouest de l’Institut Catholique de Toulouse
(Photo S.A.V.I.C.)
il
Les procédures de reconnaissance de
guérison à Lourdes, devant l'évolution du
contexte scientifique et théologique*
A cet égard et dans ce contexte, on ne peut sous-estimer le prix
accordé à la démonstration (au sens précis de ce terme qui vient de
«montrer»), à la preuve, à la constatation, donc à la recherche de
l’établissement de conclusions évidentes par elles-mêmes et universelle
ment indiscutables. En un mot, il s’agissait d’établir des conclusions
absolument certaines qui s’imposeraient à tous, quelles que soient
les composantes de la subjectivité des observateurs.

Dans ce monde, marqué par la position dominante occupée par la


science, le discours religieux ne peut qu’être tenté de se calquer sur
itrfjl tinction et l’articulation des plans, les critères spécifiques du disceme-
ment religieux y sont rigoureusement présentés. Pourtant, au-delà des
textes même, toutes les ambiguïtés ne sont pas levées et quelques
«il
'
T questions demeurent.
Je me propose donc, après avoir brièvement rappelé l’importance
en christianisme de tout ce qui touche à la maladie, à la guérison,
à la santé, ainsi qu’à l’exercice de l’art médical, de poser trois questions
à partir du contexte relativement nouveau des sciences, de la philo
sophie et de l’exégèse biblique. Il ne s’agira que d’interrogations dont
je ne saurais présumer quelle réponse elles appellent.
I. — NOUS PERCEVONS MIEUX AUJOURD’HUI la place rela
tivement importante occupée par les questions de maladie, de
a: guérison et de santé dans la symbolique de la Bible et de la
tradition chrétienne en général. Ainsi ce n’est pas assez de dire
que Jésus a voulu qu’on le représente en « médecin », guérissant des
malades de toute espèce. En fait, il y a plus : parce qu’il s’agit directe
ment de la vie et de la mort, ce qui a trait à la santé, à la maladie,
à la guérison touche au plus près le domaine religieux et les symboles
r:
qui expriment le salut. Une affinité profonde rapproche dans l’homme
concret le domaine spirituel et le domaine médical. Il ne s’agit certes
pas d’une coïncidence parfaite et, à cet égard, Jésus nous met en garde
contre la confusion de la maladie et du péché... qui ne se rattachent
pas à une même étiologie ; mais il n’en reste pas moins que le domaine
de la santé, de la maladie, de la guérison est bien le « lieu » indiqué
où les hommes attendent obscurément des « signes » de l’amour de
Dieu, de l’Alliance, de la promesse de vie et d’épanouissement. C’est
pourquoi l’Église a voulu prolonger, notamment par le sacrement des
malades, les gestes thérapeutiques que Jésus a multipliés au milieu
de ses contemporains. L’expérience heureuse de la guérison comme
l’épreuve de la maladie sont, parmi les signes de Dieu, les plus pro
ches, les plus compréhensibles, les mieux adaptés à la situation patho
logique de l’homme pécheur. Ce sont également les signes les plus
ambigus. En fonction même de l’attente qui s’attache à la guérison
d’une maladie, que de risques pour le malade et son entourage de
confondre le salut de Dieu et l’intervention d’une idole guérisseuse !
C’est pourquoi, si l’Église a toujours voulu la prière pour les malades
et a même fait de l’onction des malades l’un des sept sacrements,
elle a dès le début reconnu la pleine autonomie de l’art médical et
sa capacité propre de triompher de la maladie. Il serait trop long de
reprendre ici — comme je l’ai fait récemment dans un article de la
revue « Communio » — l’histoire complexe des rapports entre l’Église,
la médecine et les médecins. Ce qui caractérise cette histoire, c’est
la reconnaissance dès les origines du christianisme de l’autorité et de
la capacité médicales à triompher de la maladie. Ce qui n’empêche
pas les médecins d’échouer parfois et les chrétiens d’en appeler à
Dieu par la prière pour qu’il guérisse de la manière qu’il voudra.
Il n’y a en tout cas, rien dans la tradition chrétienne qui ressemble
à l’attitude anti-médicale de certaines sectes modernes.
II. — LE RENOUVELLEMENT DE LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
ou épistémologie (c’est-à-dire de l’étude des cadres et des méthodes
de la connaissance) nous entraîne sur un terrain dont le change
ment pourrait être décisif pour nos questions.
Et ceci à deux niveaux: d’abord, dès qu’il s’agit de l’homme et
donc de l’homme malade, le soupçon d’une possibilité imprévue, im-
prévisible ou encore extérieure au fonctionnement des phéno
mènes relevant de l’observation scientifique. Les sciences n’ont-elles
pas à « intégrer » ces possibilités de dépassement des objets qui par
fréquence statistique leur sont directement adaptés ? Paradoxe familier
consistant à essayer précisément de prévoir l’imprévisible... en soup
çonnant d’étroitesse la grille d’analyse de phénomènes qui de toute
façon vont dépasser le cadre d’interprétation qu’on leur assigne.
Ensuite, en ce qui concerne l’établissement de « conclusions » ;
dans le contexte renouvelé de la pratique scientifique, on ne peut
discuter désormais que celles-ci changent fondamentalement de por
tée, ce qui affecte aussi leur contenu. La conduite scientifique ne les
voit plus en référence à l’absolu, à l’universel et au définitif, mais mar
quées bien plutôt par le relatif, le particulier, le provisoire et le réfor
mable. Plus fondamentalement, la catégorie de « vérifié » tend à se
substituer à celle de vrai, la notion de vérification à celle de vérité.
Pour aller de l’avant, la science expérimente désormais «qu’elle n’a
besoin que de ce laisser-passer modeste et tacite, provisoire et révo
cable » (M. Duméry). Ne pas vouloir reconnaître le caractère tempo
raire et réformable des conclusions scientifiques, n’est-ce pas régresser
dans le « scientisme » du xixe siècle ? D’où ma question : ces remar
ques épistémologiques s’appliquent-elles aux constatations et aux
conclusions médicales de nos commissions : a) à leur contenu (quel
est le sens de « inexpliqué », « inexplicable », « absolument inexpli
cable », « médicalement inhabituel » etc... ?) ; b) à leur portée (tous
les jugements et les propositions scientifiques sont-ils révocables, réfor
mables, provisoires, simplement probables... ) ?
III.— DANS LE RAPPORT DE LA COMMISSION CANONIQUE POUR
L’ETUDE DE LA GUERISON DE M. SERGE PERRIN, on pourrait
certes s’arrêter aux nuances qui marquent la façon de qualifier
cette guérison par la commission médicale d’Angers, les rapports
individuels de médecins, le jugement du comité international. Mais
remarquons plutôt ce qu’ont de commun toutes les expressions :
« caractère inhabituel et scientifiquement inexplicable » (commis
sion médicale d’Angers 1974), « guéri de façon médicalement
inhabituelle » (rapport Mouren) ; « guéri d’une façon absolument
inexplicable sur le plan médical » (rapport Bartoli) ; « guérison
acquise de façon tout à fait inhabituelle du point de vue médical »
(comité international 1976).
Ce qui frappe ici c’est bien la note négative de tous les adjectifs
retenus dans les constatations conclusives. Elle se réfère à la réserve,
au suspens, liée qu’elle est à l’impossibilité de fait d’une explication.
« A partir d’ici je ne puis rien dire... ». Le scientifique livre ici un
«vide négatif» dont il se borne à baliser les frontières. Puisque la
science est ordonnée à l’explication et qu’elle n’y parvient pas ici,
il s’agit bien pour elle d’un constat d’échec. Si — ce qu’à Dieu ne
plaise — l’on se représentait la suite de la procédure comme le rem-
plissement par le discernement religieux du vide laissé par la science,
ne procèderait-on pas à une substitution de causalité au même plan
d’action, Dieu devenant alors le fameux « bouche-trou » dénoncé par
certains ? Respecterait-on alors la transcendance divine et n’instau
rerait-on pas comme un mode de rivalité, de concurrence, de relais
conflictuel entre les lois « habituelles » ou « naturelles » connues et
exploitées par les hommes et l’action extraordinaire, inhabituelle,
surnaturelle, thaumaturgique, attribuée à Dieu ? Dans le cadre de cette
compétition, le miracle deviendrait ce qu’on en a, hélas, souvent dit :
Î « un défi à la science »... Non pas que la science soit au-delà de toute
contestation. Mais que Dieu, en tout cas, ne peut servir de procureur
en un tel domaine. « Lorqu’on loge une providence spéciale dans les
ratés de l’explication naturelle, dans les défaillances de l’étiologie
V rationnelle, on ne s’occupe plus de religion ; on se préoccupe de pren-
îj dre la science en défaut, tout en accusant le contre-coup de ses
fcg succès...».
D’où cette question : comment dans nos procédures éviter plus
sûrement encore de tomber dans cette représentation des choses si
dommageable pour le témoignage spirituel des chrétiens dans le monde
scientifique ? Comment éviter notamment que les « mass-media » qui
font désormais partie de notre univers culturel ne trahissent pas les
nuances subtiles de nos façons de procéder?
IV. — Pour terminer, une troisième question nous est proposée par
le développement des sciences bibliques et notamment de l’histoire
et de l’interprétation de la religion d’Israël.

Ce qui peut être intéressant ici, c’est de noter dans quel sens
s’oriente le vecteur qui dynamise tous ces récits de prodiges naturels
r ssaisis par l’interprétation religieuse d’Israël et de l’Église. Finale
ment, ce qui fait le miracle, ce qui le rend digne de passer à la
postérité pour en stimuler la foi, ce ne sont pas ses caractéristiques
de prodige, d’exception aux lois naturelles, d’inexpliqué ou d’inexpli
cable. « Est miracle, l’événement sauveur, l’événement « révélateur »
et non pas l’anomalie physique ou cosmique qui, hors histoire, hors
foi, hors perspective religieuse, ne serait qu’une « bizarrerie ». Il y a
miracle quand un événement acquiert valeur salutaire, quand d’événe
ment de rencontre, il se change en avènement de grâce... » (cf. H.
Duméry, article « Miracle », Encyclopaedia Universalis).
A ce plan des données bibliques, nous sommes simultanément
et dans un même contexte qu’à Lourdes (au plan spirituel de la finalité
du miracle s’entend) et dans un contexte tout à fait différent au plan
des précautions prises pour l’établissement scientifique de l’explica
tion. Dans la Bible, en effet, « l’explication matérielle ou profane, n’est
pas plus rejetée, qu’elle n’est recherchée ; elle est négligée, inaperçue
ou mal aperçue, parfois esquissée, plus souvent enjambée (selon l’âge
des rédactions ou des révisions), car elle n’a pas d’intérêt
pour la foi.
Aux faits eux-mêmes se substituent des faits-valeurs ; à la lecture
des événements comme événements se superposent une autre lecture,
un autre regard, qui sont ceux de la foi comme pôle de l’histoire,
comme instauration religieuse de l’histoire » (ibidem).
En terminant, revenons à nos procédures pour les confronter aux
questions que nous venons de poser. Pour répondre aux exigences de
l’époque scientifique et sans aucun doute aussi pour prendre résolu
ment position dans un contexte conflictuel avec le scientisme médical
du xixe et du début du xx e siècle, nos prédécesseurs ont voulu arti
culer, le plus honnêtement possible, deux lectures, deux interpréta
tions, deux regards : celui de la science et celui de la foi. Ils ont jugé
ne pas pouvoir « enjamber » sur l’examen matériel ou profane des
phénomènes. En ce sens, ils ont bien discerné qu’ils ne pouvaient être
en tous points les contemporains des écrivains bibliques et qu’ils
devaient prendre le maximum de précautions scientifiques. Pas plus
qu’eux, nous ne pouvons revenir en-deçà du moment où naît la science
moderne et des exigences qu’elle nous impose. Toutefois, en nous en
tenant à l’avancée courageuse qu’a constituée leur attitude, peut-être
avons-nous à tenir compte désormais d’un contexte différent du leur,
tant au point de vue scientifique et philosophique que religieux.
Comment assurer avec persuasion que beaucoup plus de « signes
de guérison » sont donnés par Dieu que nos commissions n’entérinent
de « miracles » ? Comment éviter que les précautions de plus en plus
rigoureuses que prennent, à juste titre, les commissions médicales
n’entraînent un tarissement des déclarations de miracle et finalement
l’idée, parmi les pèlerins, les malades et le public, qu’il n’y a plus de
guérisons à Lourdes ?
Pierre Eyt
41

.
Henri Crouzel

vjirn

10

PROJET MARXISTE ET
PROJET CHRÉTIEN

BONNES FEUILLES, extraites d’un ouvrage à paraître incessam


ment, ces quelques pages de l’introduction en précisent l’objet et la
méthode.

Allons-nous instaurer une comparaison entre la conception mar


xiste et la conception chrétienne de l’homme ?
A première vue, c’est ce que semblerait indiquer le processus
binaire que nous avons adopté pour la construction de l’ouvrage, où
la même thématique fondamentale sera envisagée alternativement dans
le cadre du marxisme et dans celui du christianisme. Par exemple,
chap. I. L’auto-construction de l’homme (marxisme) ; chap. IL L’homme
« image de Dieu » (christianisme) Ou encore : chap. IX. L’individu
intégral dans la société de l’Utopie (marxisme) ; chap. X. Jésus-Christ :
l’Homme parfait (christianisme).
D’une certaine façon, nous ne pourrons pas — et ne voulons
pas — échapper entièrement à la comparaison. Mais la dynamique
profonde de notre démarche sera autre. Il s’agit d’une démarche ins
crite dans l’existence d’un homme (l’auteur du livre), qui sait qu’elle
l’a été également (sans doute avec des modalités particulières dans
chaque cas) dans celle d’autres hommes et qui est convaincu qu’une
telle démarche peut être bénéfique pour de nombreux chrétiens contem
porains, pour ceux en tous cas qui s’efforcent de répondre aux
requêtes de notre temps. Cet homme, au départ de sa vie, a été modelé
par la conception chrétienne de l’homme. Devenu adulte, il y a
adhéré librement, consciemment et s’est efforcé de la concrétiser dans
toute son existence (toujours imparfaitement, car il se perçoit pécheur),
tout en la repensant pour son propre compte. Ce n’est qu’à une date
récente (il y a peu d’années) qu’il a entrepris une étude approfondie
du marxisme : dans toutes ses composantes essentielles et notamment
dans sa conception de l’homme. L’entreprise est ardue et doit être
poursuivie constamment, car le marxisme est un mouvement historique
qui se continue sous nos yeux. (La rédaction du livre permettra de
l’approfondir). C’est pour cela, parce que le marxisme n’est pas notre
propre « milieu de vie », qu’à chaque étape nous commencerons par
étudier sa thématique. Cette étude nous amènera à une « relecture »
de la conception chrétienne de l’homme : c’est-à-dire à une lecture
enrichie des questions, des objections, des avancées, des failles et des
lacunes de la conception marxiste. Cette «relecture» nous conduira
à une « redéfinition » ou « reformulation » de cette conception de
l’homme qui nous vient de la foi en Jésus-Christ.

Notre méthode sera celle que nous avons élaborée dans un ouvrage
antérieur avec ses trois phases : accueil, critique, reformulation de
la foi pour notre temps. Accueil et sur, le plan rationnel et sur celui
de la foi de tous les éléments de vérité que nous pourrons détecter
dans la conception marxiste de l’homme : un accueil où, du point de
vue de la foi, nous irons jusqu’à percevoir une interpellation du
Seigneur de l’histoire à travers même les doctrines et les comporte
ments qui prétendent le nier. Critique à travers un « passage au crible »
rigoureux et sur le plan rationnel et sur celui de la foi : critique qui
nous portera à refuser dans la conception marxiste de l’homme tout
ce qui nous paraîtra inaccessible à ces deux niveaux. Reformulation
de la foi pour notre temps : en l’occurence, « redéfinition » de la
conception chrétienne de l’homme en prenant en compte l’ébranlement
du marxisme dans la culture occidentale.

Il est essentiel que ceux qui nous feront l’honneur de nous accom
pagner dans notre entreprise soient bien conscients qu’il ne s’agit
pas là d’une tâche facile. Car les problématiques sont radicalement
différentes : ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des points de
rencontre possibles. Les structures de la conception marxiste de
l’homme peuvent être caractérisées de la façon suivante : 1. Des struc
tures philosophiques (une métaphysique matérialiste et athée) ; 2. Des
structures scientifiques (l’homme considéré comme être social : défini
essentiellement par son appartenance de classe dans une société de
classes : sur la base d’une conception matérialiste de l’histoire où la
dynamique de la vie économique est considérée comme le facteur
déterminant en dernière instance) ; 3. Une option de civilisation
(l’Utopie de la société sans classes grâce à la collectivisation généra
lisée des moyens de production) ; 4. Une praxis à dominante politique
(articulée, au moins depuis Lénine, sur le rôle moteur du Parti, consi
déré comme l’avant-garde du Prolétariat). Quant aux structures de la
conception chrétienne de l’homme, on peut les présenter ainsi: 1. Des
structures théologiques (l’homme « image de Dieu », appelé à devenir
« homme nouveau » en Jésus-Christ et destiné à un Avenir absolu
par-delà l’accomplissement de l’histoire) ; 2. Des pratiques chrétiennes
inspirées par toutes ces convictions de foi, suivant l’exemplarité même
de Jésus-Christ (pratiques individuelles des chrétiens eux-mêmes dans
toutes les dimensions de leur vie ; pratiques communautaires des
communautés chrétiennes) ; 3. Des démarches scientifiques laissées
à l’entière liberté de pratiques scientifiques, car la foi chrétienne ne
prétend offrir aucun modèle d’analyse scientifique ; 4. Des pratiques
politiques, économiques, sociales et culturelles de type pluraliste, car
elles sont confiées à la libre responsabilité des chrétiens, à la condi
tion, toutefois, qu’ils s’efforcent d’y vivre l’esprit de l’Évangile (qui
ne pourra pas justifier n’importe quelle pratique), car ils seraient
alors en contradiction avec leur foi. En d’autres termes, la probléma
tique marxiste de l’homme se veut rationnelle et scientifique et elle
vise la « libération » (essentiellement socio-économique) de l’homme
dans le cadre exclusif de l’histoire (tout au-delà étant pour elle un
non-sens). Tandis que la problématique chrétienne de l’homme est de
l’ordre de la foi et vise le « Salut » (caractérisé fondamentalement
comme participation à la vie divine) : un « Salut », qui commence,
certes, dans la trame de l’histoire, mais qui s’accomplira seulement
par-delà l’histoire, dans ce qu’on peut appeler l’Avenir absolu du
Royaume de Dieu. Cette problématique entend respecter le libre jeu
de la raison et de la science. On peut parler de deux univers, d’autant
plus que chacune de ces problématiques entend bien donner le Sens
définitif de l’homme et de l’histoire.

De là nait un problème fondamental pour notre entreprise : Com


ment passer d’un univers à l’autre ? En clair, comment le marxiste
pourra-t-il comprendre la démarche du chrétien et comment le chré
tien pourra-t-il comprendre celle du marxiste ? A moins que, comme
les « chrétiens marxistes », on prétende appartenir en même temps aux
deux univers. C’est, dans le cas particulier qui nous occupe, le pro
blème plus général du « cercle herméneutique ». Comme le remarque
B.-D. Dupuy, « L’apport essentiel de l’herméneutique contemporaine,
c’est d’avoir reconnu que l’interprétation suppose toujours un rapport
vital à ce qui est exprimé directement ou indirectement dans le texte
abordé... Chacun lit avec sa propre précompréhension, à partir de son
monde ». Faudrait-il donc renoncer à se comprendre entre marxistes
et chrétiens autrement qu’en devenant « marxistes chrétiens » ou
« chrétiens marxistes » ? Nous ne le pensons pas. Comme le remarque
encore B.-D. Dupuy, « Ce n’est pas d’abord ce qu’il dit, mais ce que
l’auteur a voulu dire à ses contemporains qui est recherché. Mais
ensuite et alors seulement, la question de la vérité du texte est posée
et le message est appréhendé dans un dialogue vivant avec l’auteur».
Le problème herméneutique, en effet, ne se pose pas seulement dans
le temps, mais aussi pour une époque donnée en ce qui concerne les
différences des cultures, des idéologies, des pratiques humaines. S’ils
le veulent, ce dialogue vivant entre chrétiens et marxistes est possible.
Il est, d’ailleurs, depuis longtemps pratiqué, bien qu’il soit difficile,
quand on veut éviter de tomber en pleine confusion. L’indispensable
discernement critique gagnera à respecter la « directive » pascalienne
suivante : « Quand on veut reprendre avec utilité, et montrer à un
autre qu’il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la
chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer
cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse ».

Nous poursuivrons ainsi, sur le point capital de la conception


de l’homme (ou de l’anthropologie) cet effort d’élaboration d’une foi
post-marxiste, que nous avons déjà définie comme «une foi qui n’est
pas étrangère au marxisme, qui, au contraire, en accueille en profon
deur l’ébranlement, mais qui y résiste victorieusement, qui en est
même vitalisée et rendue plus apte à sa mission d’assumer les réalités
historiques de notre temps, d’y témoigner de Jésus-Christ et ainsi de
coopérer à l’évangélisation du monde ». Nous n’oublions, certes, pas
que Marx n’avait qu’une idée très péjorative de la théologie, pour lui,
« souillure depuis toujours de la philosophie » et que ce point de vue
est resté celui de tous les régimes communistes actuels, ainsi que
d’un nombre important de marxistes occidentaux (un Althusser, par
exemple). Nous constatons, par contre, avec plaisir que nombre de
néo-marxistes et même des dirigeants communistes occidentaux sont
maintenant disposés à reconnaître une certaine valeur au moins à
certains courants théologiques, tout en restant eux-mêmes matérialis
tes et athées. Cette évolution, qui n’est pas seulement tactique, justi-
à elle seule une attitude d’ouverture et de dialogue de la part
fierait
des chrétiens, à la condition qu’ils ne se départissent jamais de la
lucidité nécessaire et qu’ils aient eux-mêmes une connaissance appro
fondie de l’analyse théorique et de la praxis politique marxistes.
Allons-nous donc nous laisser polariser par la problématique mar
xiste de l’homme ? Naturellement, en raison de l’objet de notre livre,
elle sera au cœur de nos préoccupations. Nous aurons à la définir
avec soin et à affronter avec la plus grande attention les questions
qu’elle pose à la foi chrétienne. Mais nous nous garderons bien de
voir en elle le seul ensemble de questions que la foi ait à affronter
aujourd’hui. Ce serait laisser entièrement au marxisme le soin de
définir le champ stratégique. Les chrétiens ont le droit et la mission
de présenter d’une façon indépendante leur propre problématique de
l’homme (qui est, d’abord, la problématique évangélique), d’en faire
apparaître l’extraordinaire originalité, de poser à partir d’elle leurs
propres questions aux hommes de notre temps et de définir eux-mêmes
leur propre champ stratégique : nous voulons dire leur propre façon
de vivre toute la nouveauté d’humanité introduite par Jésus-Christ
dans l’histoire et d’en témoigner au milieu de leurs contemporains.
De nos jours, ils sont trop souvent complexés : soit qu’ils soient trop
peu conscients de leurs propres richesses, soit que, par ignorance, ils
soient portés à majorer les possibilités des sciences humaines ou
encore celles du marxisme. Oublieraient-ils donc leur propre confession
de foi que Jésus-Christ est le centre de l’histoire et que son message
concerne directement les hommes de tous les temps et de tous les
pays ? Le chrétien qui écrit ce livre adhère pleinement à ces paroles
du Seigneur : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront
pas» (Mc 13, 31). C’est de cette foi qu’il voudrait témoigner, même
devant des lecteurs marxistes, tout en s’efforçant de comprendre en
profondeur leur propre conception de l’homme et d’y réfléchir inten
sément.
René Coste,
Le devenir de Vhomme : projet marxiste et projet chrétien.
(Editions Ouvrières).
Les Psaumes :

Une symbolique qui vient du corps

La recherche désignée par ce titre mystérieux tend à une meilleure


appréciation du langage symbolique utilisé par les auteurs des psau
mes. Elle comporte deux étapes ; la première veut décrire et organiser,
de manière cohérente, l’abondant symbolisme qui orne le texte du
psautier ; la seconde, dire l’intérêt de cette organisation des symboles
psalmiques.

*
,
**
Pour décrire et organiser ces éléments symboliques, il faut un
principe. Or les auteurs qui ont écrit sur « le monde imaginatif des
poètes hébreux... ne font, plus ou moins, que dresser des catalogues,
selon les différentes classes d’être... ainsi : Dieu et le divin, le ciel
et le céleste, Satan et le démoniaque, l’homme et la vie humaine, le
juste et la justice, le pécheur et le péché, la nature, le monde élémen
taire, les plantes, les animaux, le peuple d’Israël et Jérusalem, le Messie
et la nouvelle Jérusalem » (A. Schôkel). Cette méthode est insuffi
sante ; il faut trouver un principe objectif de classement, mais lequel ?
Une théorie récente est apparue capable de fournir le principe
recherché. Dans son étude sur Les structures anthropologiques de
l'imaginaire, G. Durand note que les classifications habituelles « pèchent
par un positivisme objectif qui tente de motiver les symboles unique
ment à l’aide de données extrinsèques à la consciente imaginante, et
sont, dans le fond, obsédées par une explication ustensilitaire de la
sémantique imaginaire. Phénomènes astraux et météorologiques,
éléments ' d’une physique grossière de première instance, fonctions
sociales, institutions d’ethnies différentes, phases historiques et pres
sions de l’histoire, toutes ces explications... ne rendent pas compte de
cette puissance fondamentale des symboles qui est de se lier... Il
apparaît alors qu’il faille chercher les catégories motivantes des sym
boles dans les comportements élémentaires du psychisme humain...
C’est dans le domaine psychologique qu’il faut découvrir les grands
axes d’une classification satisfaisante... capable d’intégrer toutes les
constellations » avec lesquelles joue l’imaginaire.
Ces « grands axes » sont, selon Durand, les gestes du corps ;
car, écrit-il, « il existe une étroite concomitance entre eux et les
représentations symboliques». Ces gestes primordiaux, sont: 1) Le
« réflexe postural » : l’homme se met debout, il se lève, il se dresse,
il domine. 2) Le « réflexe copulatif », correspondant à la tendance
permanente de relier les opposés pour les organiser. 3) Le « réflexe
digestif » qui assimile, pour fondre dans l’unité.

Ces réflexes provoquent des comportements : « les schèmes ».


« Au geste postural correspondent les schèmes de la verticalité ascen
dante et de la division ; au geste de l’avalage, le thème de la descente
et celui du blottissement dans l’intimité ». Les schèmes portent sur des
objets, ou inspirent des actions : « les archétypes » verbaux, substan
tifs, épithètes. « Aux schèmes de l’ascension correspondent les arché
types du sommet, du chef, du luminaire, tandis que les schèmes
diaïrétiques se substantifient en constantes archétypales, telles que le
glaive, le rituel baptismal, etc. ; le schème de la descente donnera
l’archétype du creux, de la nuit, et celui du blottissement provoquera
tous les archétypes du giron et de l’intimité ». Enfin, les archétypes
se lient à des images très différenciées par les cultures, dans lesquelles
plusieurs schèmes viennent s’imbriquer. On se trouve en présence des
symboles, au sens strict, qui revêtent d’autant plus d’importance qu’ils
sont riches de sens différents ».

En essayant de transposer la théorie de Durand dans le champ


très réduit de la psalmique biblique, il semble normal de parvenir
à la classification suivante.

Les psalmistes se réfèrent à trois attitudes fondamentales :


l’homme debout, l’homme en marche, l’homme assis. Ces trois atti
tudes primordiales, les psalmistes les joignent plusieurs fois l’une à
l’autre. Le seul verset du psaume 1 parle de se tenir debout, d’aller,
de s’asseoir. Les mêmes verbes se retrouvent dans le Ps 26 : se tenir
debout (v. 12), aller (v. 1.11), s’asseoir (v. 4) ainsi que dans le Ps 122 :
se tenir debout (v. 2), aller (v. 1), s’asseoir (v. 5). Mêmes idées dans
le Ps 139 : se lever (v. 2), faire route (v. 3), s’asseoir ou se coucher
(v. 3), et dans le Ps 101 enfin : se tenir fermement (v. 7), aller (v. 6),
s’asseoir (v. 6.7). (Voir encore Ps 65,5... etc.).

C’est autour de ces trois attitudes que s’ordonnent en constella


tions schèmes, archétypes et symboles, qu’on classera de la façon
suivante :

L’HOMME DEBOUT.

a.— A l’homme debout correspond le schème de la hauteur ; ses


archétypes sont : la montagne, l’oiseau, la lumière, la parole, le roi,
le père.
b. — Correspondent aussi le schème de la séparation et ses arché
types : le combat, la purification, le jugement, le feu, le souffle.
c. — L’homme debout est en lutte ; il mène une existence conflic
tuelle, les symboles du combat qu’il doit affronter sont : — Les ani
maux : s’ils sont très nombreux dans le psautier, les plus redoutés
: sont le cheval, le taureau, le lion. — La nuit : « les terreurs de la
.7 nuit », et tout ce qui est obscur : « l’eau noire ». — La descente : la
fosse, la poussière, le filet.
origine, le présent de son action et l’avenir dont il porte la promesse,
dont il est le garant. Quant à l’Arbre, « insensiblement, écrit Durand,
son image nous fait passer à la rêverie progressiste. Il y a tout un
messianisme sous-jacent au symbolisme des frondaisons et tout arbre
qui bourgeonne et fleurit est... arbre de vie... L’Arbre signifie le
devenir ».
*
* *
La seconde partie tente de dire l’utilité de cette reconstitution
du ciel symbolique qui inspire les psalmistes. Mieux connaître leur
système symbolique permettrait, sans doute :
a. — d’interpréter plus exactement leur pensée. Si le comporte
ment de l’infidèle au milieu des impies (Ps 1,1) est décrit par les trois
verbes : se tenir debout, aller, s’asseoir, issus des trois registres sym
boliques par lequels l’homme exprime la totalité de ses expériences,
c’est que toute la vie de cet infidèle est réglée par la mentalité des
impies.
b. — de reconstituer de façon plus complète l’univers, réel et
conceptuel, qui est celui des psalmistes. Il n’est pas sans intérêt de
découvrir que dans l’action cultuelle, se déploie plus spécialement la
double symbolique spatio-temporelle et génétique. L’Israélite « marche
vers » Sion, la ville sainte, « monte vers » le sanctuaire ; durant la
liturgie, il « élève les mains vers » Dieu ; la fumée des sacrifices
« monte vers » Lui, cependant que les prêtres « s’approchent » du Sei
gneur. Et puis c’est dans le cours d’un acte cultuel qu’est révélée la
naissance divine du roi, le Fils, le « Messie qui assure la médiation
entre ciel et terre» (Durand). Enfin lorsque le croyant juif recherche
un symbole expressif de la fécondité, il choisit « le palmier grandissant
et florissant dans les parvis de la maison du Seigneur» (Ps 92,13s),
s’épanouissant en ce lieu où s’accomplit le culte. Découvrir, grâce aux
images psalmiques, que la liturgie est le moment privilégié où le
croyant exprime sa marche, son progrès, où il se découvre en devenir,
en genèse, n’est certainement pas inutile.
c. — d’atteindre la véritable structure des psaumes ; car, à l’en
contre des théories à la mode, il faut soutenir, avec Durand, que
l’organisation la plus profonde d’un texte, n’est pas constituée par
les rapports logiques des signifiants (cf. structuralisme), mais par les
relations établies entre les signifiés par l’esprit humain. La définition
actantielle de « l’arbre planté dans les parvis du Seigneur » a moins
d’importance que la valeur symbolique de cette image.
; *
* *
Il n’est pas inopportun de noter pour conclure la convergence
qui rapproche cette étude du psautier de certains monuments de la
recherche historique contemporaine.
Car la tentation est grande, et pourquoi ne pas y succomber ?
de comparer la triade symbolique, mise en lumière par Durand et
appliquée ici au psautier, à certaines découvertes récentes. Par exem
ple, cette « idéologie des trois fonctions » mise à jour par G. Dumézil,
dans la société romaine d’abord, dans l’ensemble indo-européen, ensuite.
Cette « structure... répartit les principaux éléments et rouages du
Il faudrait aussi se référer l’ouvrage de G. Duby : Les Trois
à
Ordres, ou l’Imaginaire du Féodalisme (Paris 1978), dont le titre ren
voie déjà au livre de Durand. Une phrase au moins de cet ouvrage
est à noter ; elle est d’ailleurs une citation de Gérard, évêque de
Cambrai, qui écrivait en 1024 : « Depuis l’origine, le genre humain
est divisé en trois : les gens de prière, les cultivateurs et les gens de
guerre » : tripartition qui n’est pas sans rappeler celle du psautier,
même si elle ne coïncide pas exactement avec elle.
G. Dumézil a écrit encore, dans Mythes et Epopées (Paris, I, 1968,
p. 15): La tripartition «est un moyen d’analyser, d’interpréter les
forces qui assurent les cours du monde et des hommes ». C’est exacte
ment le service que peut rendre à l’étude du psautier la tripartition
de l’imaginaire psalmique.
Louis Monloubou
Etudes liturgiques
L’histoire du culte chrétien connaît de nos jours un essor remar
quable, au point de provoquer la création d’instituts scientifiques
spécialisés à Rome, à Paris, à Trêves et d’avoir incité un certain
nombre d’universités à créer une chaire de cette discipline. L’Institut
catholique de Toulouse, suivant en cela l’exemple des Universités
allemandes et de celle de Strasbourg, en possède une depuis 1953 ;
son titulaire a été stimulé dans les travaux de recherche par l’orga
nisation d’un « séminaire », destiné aux étudiants préparant le doctorat
en théologie, mais aussi par la participation à des rencontres inter
nationales et par la nécessité de préparer et d’éclairer les projets de
réforme liturgique qui ont trouvé leur confirmation officielle dans le
IIe Concile de Vatican.
La publication en 1939 du livre d’Anton Baumstark, Liturgie
comparée, invitait à reprendre sur de nouvelles bases l’étude des ques
tions classiques : une connaissance scientifique des origines de la
signification du culte chrétien ne peut être obtenue qu’en comparant
les formes variées qu’il a revêtues dans les différentes cultures, notam
ment dans les Églises! d’Orient. Cela revient donc à appliquer à la
liturgie la méthode comparative qui a été si féconde dans l’étude des
langues et de la littérature.
D’autre part, même à l’égard du domaine latin qui semblait le
mieux connu, un effort considérable reste à faire pour l’inventaire et
l’utilisation des sources : les livres liturgiques, manuscrits ou impri
més, constituent l’un des fonds les plus importants de toutes les
bibliothèques européennes, sans parler de ceux qui ont été recueillis
dans des collections d’outre-Atlantique et jusqu’en Australie. Leur
identification est certes facilitée par les travaux en cours dans de
nombreux pays pour l’inventaire, la description et la datation des
manuscrits, ainsi que pour les répertoires d’incunables et, bientôt,
d’ouvrages du xvre siècle : la France a sur ce point une avance consi
dérable sur bien d’autres pays. Cependant il faut tenir compte des
vicissitudes subies par les bibliothèques des églises et des monastères
au cours des siècles : crises économiques, guerres et sinistres, révolu
tions et sécularisations. Les documents publiés ou utilisés par les
liturgistes des xvire et xvm e siècles sont parfois difficiles à retrouver
et identifier, lors même qu’ils ne sont pas irrémédiablement perdus.
Le professeur d’histoire du culte chrétien a ainsi mené ses
recherches simultanément dans ces deux domaines. La méthode compa-
rative, pratiquée de façon constante dans les travaux du « séminaire »
de doctorat, lui a permis d’apporter une contribution nouvelle à l’his
toire de certaines institutions liturgiques et d’en publier les résultats
dans des articles de La Maison Dieu — notamment l’histoire des lan
gues liturgiques et des traductions, — des Ephemerides liturgicae —
principalement sur la Concélébration, — du Bulletin de littérature
ecclésiastique ou de volumes de Mélanges. Signalons de façon parti
culière Origine et signification de Valleluia de la messe romaine, dans
Kyriakon, Festschrift Johannes Quasten, t. 2, Münster, 1970, pp. 811-
834. Il prépare actuellement une étude sur l’histoire des diaconesses
en vue de compléter et d’élargir la documentation déjà réunie par
divers érudits (A. Kalsbach, R. Gryson) sur cette curieuse institution
ancienne.
Quant à la recherche des sources latines, il y a contribué princi
palement par son livre La documentation liturgique de Dom Edmond
* Martène, parue en 1978 dans la collection Studi e testi de la Bibliothè
$ que Vaticane. L’identification, la description et, quand cela a été
î possible, la vérification des documents qu’avait utilisés à la fin du
i:
É
xvir siècle l’érudit bénédictin, ont exigé plusieurs séjours prolongés
à Paris et à Rome et divers voyages, pour lesquels le Centre National
ffi:
de la Recherche Scientifique avait accordé une mission. L’Institut de
recherche et d’histoire des textes a apporté fréquemment le concours
I de ses obligeants services, de ses fichiers et de ses microfilms. Finale
ment, c’est plus de cinq cents manuscrits qui ont dû être examinés,
sans parler des incunables et autres ouvrages imprimés. En complé
il! ment de cet ouvrage, il faut signaler quelques articles publiés dans
des recueils : Un sacramentaire de la région de Carcassonne des envi
rons de l’année 1100 (Mélanges... Michel Andrieu, 1956) ; Missels incu
nables d’origine franciscaine (Mélanges... Bernard Botte, 1972) ; Un
>-9 Gélasien du VIIIe siècle, le sacramentaire de Noyon (Miscellanea
Amato Pietro Frutaz, 1978). D’autres études de manuscrits inédits
j’ seront publiés ultérieurement.
Aimé Georges Martimort
Essais théologiques

Dans ce fascicule consacré à la recherche, les étudiants ont


naturellement leur place. La Chronique se réjouit de présenter les
travaux accomplis par trois d’entre eux, membres du Séminaire univer
sitaire. Le premier texte résume un mémoire de maîtrise en théologie ;
le second évoque la préparation d’une thèse de doctorat ; le troisième
dit la réflexion théologique d’un étudiant guadeloupéen de 2 e année
du second cycle. A leur suite, vient un quatrième article d’un étudiant
africain, membre de l’équipe animatrice du Séminaire Pie XI.

METAPHORIQUE ET ONTO-THEOLOGIE
DE LA NOMINATION A L’INVOCATION DE DIEU

Le Dieu révélé en Judéo-Christianisme a-t-il une objectivité propre ?


Quel vocable est susceptible de le désigner? Où aboutit une connais
sance figurative de Dieu ? Peut-on nommer Dieu si toute parole dit
l’exil entre buée et nuée, entre l’ombre d’une négation (Dieu n’est pas
ceci) et la lumière d’une image (Dieu est comme si), entre une théo
logie apophatique et une théologie iconique ?
Nommer la Transcendance, c’est prendre le risque de l’appauvrir
ou de la dénaturer. Comment donc prononcer le nom de Dieu sans le
galvauder ou sombrer dans un nominalisme idolâtre ? Quel nom peut
exprimer Dieu Lui-même, « l’en-soi » de sa divinité ? Doit-on taire ce
qui ne peut être dit? S’il faut laisser le dernier mot au silence et
sombrer dans l’aphasie extatique, le premier mot ne revient-il pas de
droit mais aussi par devoir au discours théologique?
Dans son Tractatus théologico-politicus, SPINOZA affirme que
« la Bible est strictement métaphorique »... Un tel aveu a déclenché
notre recherche qui part de deux hypothèses : premièrement, le langage
est une immense métaphore ; deuxièmement, Dieu est un « manque »
qui rend possible le discours métaphorique. En somme, la métaphore,
remise au jour par Paul RICŒUR, n’est-elle pas le « paradigme perdu »
de la théologie ? Pourquoi ne pas voir en elle un véritable « modèle
épistémologique », une « structure prégnante » qui fonderait la Théolo
gie des Noms divins comme discours « significatif » sur Dieu ? Ainsi,
il nous a paru pertinent de conjuguer et de réconcilier la question de
la métaphore et le problème de la nomination de Dieu, en faisant
dialoguer l’être et le monde, ratio et symbole, logos et mythos. Sans
enfermer Dieu dans la linguistique ou dans la psychanalyse, cette entre-
prise est redoutable et prétentieuse : au cœur de la métaphysique clas
sique, elle veut harmoniser une philosophie du langage et une théologie
de la Parole...

Y a-t-il en Dieu continuité ou discontinuité entre l’attribution


catégoriale des propriétés transcendantales de l’Être chez Aristote et
l’attribution des Noms divins chez St Thomas ? Autrement dit, il s’agit
de savoir si l’écart initial instauré par Aristote entre discours spécu
latif et discours poétique est préservé dans le discours mixte de
l’onto-théologie ; ou encore, selon les propres termes de RICŒUR :
« St Thomas parvient-il, en voulant établir le discours théologique au
niveau d’une science, à le soustraire entièrement aux formes poétiques
du discours religieux, même au prix d’une rupture entre la science de
Dieu et l’herméneutique biblique ? » L’argumentation biblique repose
sur la différence entre signification et représentation, soulignant l’im
portance noétique du symbole ou le contenu cognitif de la métaphore.
Le point de départ de St Thomas est-il judicieux dans sa distinction :
Noms propres / Noms métaphoriques ? Comment parvient-il à réviser
les positions antérieures de Jean Damascène et du Pseudo-Denys qui
affirment dans leur théologie apophatique : « Dieu n’a ni nom ni dési
gnation » ? Quand nous disons : « Dieu est bon », lui attribuons-nous
des qualités positives déterminant la bonté ou écartons-nous seulement
de Lui certaines imperfections ? Quelle est la portée des superlatifs
absolus : « le Très-Haut », « le Tout-Puissant » ?

C’est le problème ricœurien par excellence : comment tenir ensem


ble l’immédiateté du symbole et la médiation de la pensée ? En d’autres
termes : les symboles bibliques ont-ils une intelligibilité propre ou
jouent-ils le rôle de métaphores douées d’une simple fonction pédago
gique ? Pour notre part, nous avons voulu dépasser tout dualisme en
posant synchroniquement que le langage est métaphore et que la méta-
I phore est elle-même langage. En effet, pourquoi le figuré ne continue
rait-il pas de dire plus proprement le propre, et ce, à travers la struc
ture ontologique du langage symbolique dont le modèle serait « l’ana
logie » ? Quand nous affirmons « Dieu est Amour », selon la définition
de St Jean, nous établissons à la fois une vérité métaphorique et une
métaphore de la vérité. Faire « le procès de la nomination », c’est cerner
deux fonctions du langage inséparables : l’identification et la prédica
tion ; le nom étant à la fois connotation et description,, on ne peut
dissocier écriture explicative et écriture évocative. Ce lien complice
et non moins réel est mis en valeur par RICŒUR qui affirme en même
temps et paradoxalement : « la topique de la métaphore, son lieu le
plus intime et le plus ultime, n’est ni le nom, ni la phrase, ni même
le discours, mais la copule du verbe être » (Préface de « la Métaphore
vive », Seuil, p. 11). C’est donc le jugement copulatif qui est le jeu
et l’enjeu du discours religieux essentiellement symbolique. Il existe
une rationalité du symbole à travers sa portée ontologique : l’être du
monde et l’être du langage jaillissent ensemble dans la corrélation
dialectique du signe et du sens. Contrairement à une formule de
SARTRE, le discours ne peut être jamais « la revanche des mots sur
l’incohérence des choses »... Il doit y avoir compatibilité entre la tota
lité de l’être (le Tout-même) et l’infini de la transcendance (le Tout-
Autre), et harmonie entre la présence plénière de l’être et l’objectivité
transcendantale de Dieu. SARTRE dit : « ce monde où tout est illu
sion »... Non, répond CLAUDEL : « ce monde où tout est allusion ! »...
C’est au moment où le langage reflète l’équivocité de l’être qu’il traduit
et trahit son unité foncière.
Puisque Dieu est au-delà de toute manifestation apparente,
l’homme est obligé de Le dire par un système de nomination à multi
ples entrées, où chaque nom renvoie à tous les autres, sans que
jamais, dans cette dialectique corrective, le rapport global des divers
noms puisse égaler Dieu lui-même, c’est-à-dire « nommer » son essence.
Dieu demeure caché, comme l’Être surcatégorial (Thomas d’Aquin) ou
comme la Subjectivité absolue (Hegel). La non-identité de son Nom
est un obstacle pour le savoir philosophique mais ouvre une possibilité
à la foi. Celle-ci permet au discours religieux, en nommant Dieu,
de ne pas parler de Lui, mais de Le parler. Le Nomen reste en même
temps Numen et Lumen, évidence et mystère, plus exactement révèle
la présence du mystère dont l’obscurité éblouit... La pensée représen
tative est essentiellement une pensée méditante au même titre que
le spéculatif et le mystique s’engendrent mutuellement. Parce que
Dieu est symbole symbolisant et symbole symbolisé, il n’est pas
outrageant de dire qu’il est à la fois le Nom d’une métaphore et la
métaphore d’un Nom. Une herméneutique de la métaphore est bien
une des meilleures théologies de la réalité : elle nous rappelle que le
Christianisme réconcilie une religion du Livre (L’Ancienne Alliance)
et une religion du Nom (L’Évangile). Jésus-Christ, se révélant aux
hommes, a-t-il réalisé ces paroles de VALÉRY : « on reçoit te langage
anonyme et moyen, on le rend voulu et unique » ? Ou bien est-il
préférable d’affirmer avec Rolland BARTHES : « Une œuvre est éter
nelle non parce qu'elle impose un sens unique à des hommes multiples,
mais parce qu'elle suggère des sens différents à un homme unique » ?...

Jean-Louis Bourniquel

LOURDES : ETUDE DU SYMBOLISME RELIGIEUX


' EN TERRE CHRETIENNE

Mon projet de thèse voudrait continuer l’effort déjà entrepris,


pour un « travail long en 3 e année de théologie, Lourdes : la Vierge,
l'Eucharistie l'Église ». Il s’inscrit aussi dans la ligne de mon mémoire
de maîtrise : Lourdes — Étude du symbolisme religieux en terre
chrétienne.
Il s’agit d’abord d’études historiques, sur la base du récit des
apparitions, tel qu’a pu l’établir solidement M. l’abbé René Laurentin,
à partir aussi de la geste des pèlerinages relatée au jour le jour dans
les Annales de Notre-Dame de Lourdes (1868-1944) ou le Journal de
la Grotte, auquel, actuellement, il faut joindre Recherches sur Lourdes.
Mon étude fait appel également à des ouvrages, témoignages, rapports
de congrès, etc... quand ils sont étroitement liés aux productions des
sanctuaires. Je ne m’occupe pas directement de tous les travaux sur,
pour ou contre Lourdes, quand ils ne trouvent pas d’écho à Lourdes
même. Et je me contente de documents écrits. Ce choix voudrait res
pecter l’origine du pèlerinage : un phénomène merveilleux, incontrôla
ble et incontrôlé, qui s’inscrit pourtant au cœur même d’une institu
tion des plus rigides, l’Église catholique contemporaine de Pie IX, du
premier Concile de Vatican, de la perte des États pontificaux. Je
voudrais retrouver, à l’intérieur de la vie de Lourdes, dans son histoire
et ses documents les plus autorisés, ce va-et-vient entre, d’une part,
l’élan spontané des individus ou des foules, l’enthousiasme des grands
jours d’une vie, et, d’autre part, l’organisation et les luttes, les victoires
et les échecs quotidiens, d’une existence chrétienne en Église.
li'l
Mon but n’est pas de retracer une histoire, mais d’atteindre si
,

fil possible aux mécanismes profonds de la psychologie humaine qui sont


mis en jeu par le phénomème de Lourdes. Ainsi, le récit des apparitions
J m’intéresse dans la mesure où on peut y retrouver en filigrane les
b
I structures du parcours d’un héros dans les contes traditionnels étudiés
! par Vladimir Propp, entre autres. Les pèlerinages, quant à eux, révè
ité

lent un tissu symbolique valable pour toutes les religions et pour tous
f
I les temps. Un travail intéressant de comparaison avec des univers de
! l’esprit différents du nôtre est donc à faire. L’arbre de Lourdes plonge
f

ses racines très loin dans le passé, ou plutôt dans un temps primordial
i an-historique.
f

Mais l’histoire, les paroles et les signes de Lourdes se manifestent


dans un temps précis, ils s’adressent à des personnes du xixe et du
xx p siècle. Et l’histoire des pèlerinages, les prédications, les récits de
miracles, la correspondance, les polémiques, sont comme le déploie
ment, dans un temps plus long et à des degrés divers, de l’aventure
vécue par Bernadette. Elle quitte la Grotte pour aller trouver les
prêtres. Finalement, elle disparaît pour se cacher à Nevers sous l’uni
forme des Sœurs de Charité. A Lourdes, la Vierge de la Grotte n’est
plus seule : elle est au point de départ d’un culte eucharistique aux
fastes inégalés, le rocher sert de base à l’église. Ce développement
n’est pas indifférent. Et il est passionnant de voir la greffe réussie de
l’Évangile chrétien sur l’arbre des religions intemporelles. A Lourdes,
notre temps historique voit mystérieusement se rejoindre le temps des
origines et le temps de la fin du monde. L’histoire des apparitions
rejoint l’époque de l’Évangile, comme si l’irruption de l’étemel pouvait
se faire en tous nos jours.

Une réflexion fondamentale semble alors s’imposer sur les rapports


entre Évangile et langage religieux, le sacré et le profane en perspec
tive chrétienne, plus largement encore sur la structure même du lan
gage religieux, et l’ouverture qui lui est faite dans le langage humain
de notre époque : quelle place nos paroles laissent-elles au seul Logos ?

Je crois qu’il y a là matière à réflexion et long travail.


à un
Malheureusement, les conditions dans lesquelles un jeune prêtre est
aujourd’hui occupé ne sont pas toujours propices à un long effort
intellectuel. Je me contente, pour l’instant, après avoir lu l’histoire et
les Annales de Lourdes, de parcourir la succession des Journaux de

la Grotte. Je voudrais aussi devenir quelque peu compétent en histoire


des religions.

Fasse Notre-Dame que les sentiers obscurs et sans but apparent


que laborieusement nous traçons dans la foi débouchent bientôt dans
la lumière du Verbe qui nous aura précédés.

André Cabes
(du diocèse de Tarbes et Lourdes)
JESUS-CHRIST ET LA NEGRITUDE

Les théologiens Noirs dénoncent une théologie qui présentait (et


qui, dans certains cas, présente encore) un Christ étranger, voire
hostile à la race noire.
Combien de fois cette race fut saturée de paganisme, de malédic
tion, de sauvagerie, etc... (vous connaissez la musique...). Du descen
dant de Cham (le maudit) au sale nègre des ghettos, un être était
à genoux, sur une terre ingrate, sous un ciel hostile. Ni Dieu, ni
l’homme n’en voulaient. Pas un être dans l’Univers qui puisse prendre
sa défense ! Jésus-Christ ne pouvait s’identifier à une race maudite
par Dieu. Il avait comme unique but, face à ces peuples « sauvages »,
d’arracher des âmes à Satan (et la culture noire était particulièrement
favorable à celui-ci), et de porter la « civilisation », chose indispensa
ble à une vie chrétienne authentique.
L’expérience originale que les peuples noirs font de Jésus-Christ
vient déchirer le masque d’oppresseur dont on l’avait affublé, et laisse
surgir un Christ de négritude. Une issue violente à une situation de
violence ? Peut-être... Et certains se scandalisent. Mais... y a-t-il un
autre moyen de s’affirmer dans un monde où un monologue intermi
nable s’est installé ? L’opprimé n’a jamais été un partenaire valable,
celui avec qui on discute. Il est économiquement et militairement
faible. Il ne compte pas. L’homme noir symbolise bien ce laissé-pour-
compte. Sa solidarité avec tous les opprimés de ce monde, quelle que
soit la race qui les définit, donne un sens plus large au combat qu’il
mène. Elle fait de sa propre lutte une lutte pour l’Homme.
Le Christ Noir est celui qui permet à l’homme Noir d’être lui-
même, condition préalable à un vrai partage avec le reste de l’huma
nité. Être soi-même au xx e siècle implique un combat difficile et lucide
dans les domaines compliqués de l’économie et du politique. Certes.
Mais, en luttant dans cet engrenage, le Noir doit savoir qu’être lui-
même c’est aussi accepter son histoire. Il doit savoir que son passé
est un passé colonial et qu’il ne doit pas le renier. A quoi s’expose
un peuple qui nie son passé, sinon à l’assimilation à une autre culture ?
A quoi ressemble un assimilé, sinon à un homme sans personnalité,
un aliéné, finalement un homme fragile ? Aussi on pourrait se deman
der s’il apporte quelque chose à l’autre... C’est très peu perfectible.
Peut-il y avoir dialogue, donc un apport réciproque ? Non. Il n’y a
qu’un seul qui apporte, et l’autre consomme comme un parasite : c’est
l’assimilé. Non seulement il se vide de lui-même, mais aussi il ne peut
rien apporter à l’autre, en tout cas pas grand chose puisque, au lieu
de se libérer, il cherche toujours à devenir l’autre, perdant ainsi sa
propre altérité. Comme le dit O. Bimwenyi Kweshi : « Le séjour dans
Vautre ne réussit qu’à qui demeure enraciné en soi ».
Le Christ Noir est aussi Celui qui permet à l’homme Noir de
refuser la soumission, l’esclavage et sa dérivée : le racisme. C’est Lui
qui, ayant rassuré les Noirs sur leur humanité, sur leur importance
aux yeux de Dieu, leur permet de conquérir leur place dans le monde,
de joindre leur voix à celle de ceux qui le veulent bien pour implorer
son Pardon, pour chanter sa Louange et pour Lui demander le courage
et la force de lutter pour la transformation du monde.
Le Christ assume la Négritude pour la parfaire. C’est un processus
historique déjà engagé, et dont l’ensemble des chrétiens, me semble-t-il,
commencent à tenir compte.
« La négritude du Christ, dit James H. Cône, clarifie sa définition
d'incarné. Et puisque le Christ est devenu noir, le peuple Noir se sent
capable de se diriger lui-même et de refuser que la société blanche
q pose des limites à son existence ». C’est un combat de longue haleine...
Et la tâche devient de plus en plus ardue : à l’heure où les jeunes
Églises renaissent, elles voient leur rythme de croissance ralentir à
cause des impérialismes modernes présentant un monde sans Dieu.
La libération à travers le marxisme veut remplacer la libération à
travers le christianisme, et encourage la fuite de Dieu. Les Noirs
se voient contraints d’accepter des schémas qui leur sont imposés et
qui leur sont étrangers. A travers l’affirmation impérialiste et la néga
tion de Dieu, l’homme Noir peut-il vraiment s’exprimer?... Doit-il se
résoudre à accepter cet apport de l’extérieur comme vérité pour lui ?...
Sans doute, nous entendrons parler longtemps encore de théolo
gies de la libération. L’espoir fait vivre, dit-on. Et l’homme Noir n’a
cessé de vivre dans l’espoir de sa libération. Mais jusques à quand
sera-t-il condamné à vivre dans cet esprit ?...
Une seule issue : Jésus-Christ, le Seul capable de libérer totale
ment l’homme. Mais encore faut-il que le théologien Noir en soit
conscient et s’engage à cette tâche essentielle.
« VA PLUSLOIN... LA ROUTE EST ENCORE LONGUE VERS
LA FRATERNITE... JE SUIS LA ET JE MARCHE AVEC TOI... LA
LUMIERE PROMISE EST AU BOUT DU CHEMIN... » (John Littleton).
Telle est la mission du théologien Noir.
...
Georges Ezelis
milieu où il est né : « In Novo patet Vêtus ». En outre, il est évidem
ment imprégné de la culture occidentale.
Mais le caractère historique, voire géographique du Christianisme
qui marque l’intervention et la manifestation divines en un point déter
miné du temps et de l’espace, ne saurait lui assigner des limites dans
le temps et dans l’espace, ni le réduire à telle ou telle culture donnée,
ni à tel ou tel peuple.
Le Christianisme est essentiellement une relation de l’homme à
Dieu. Il est don de Dieu en Jésus-Christ à tout homme, à tous les
hommes de la terre. Son fondement tient à l’existence terrestre du
Christ de par son Incarnation et à son action en raison du message
de la Bonne Nouvelle — message de salut — qu’il a annoncée aux
hommes.
L’Incarnation du Christ — point de départ de la religion qui porte
son nom : Christianisme — est la rencontre de Dieu en Jésus-Christ
avec chaque peuple dans son histoire et dans sa culture.
Cela devrait, par voie de conséquence, amener Africains et Afri
canistes à parler moins d’adaptation, d’africanisation, d’indigénisation
que de l’incarnation du Christianisme et de la théologie en terre
africaine.
Tels doivent être leur souci, leur volonté et, surtout, leur effort :
effort pour incarner le Christianisme et la théologie. C’est un travail
difficile et de longue haleine, maisi il est la condition sine qua non
pour que les chrétiens africains puissent vivre en profondeur leur rela
tion avec Dieu en Jésus-Christ.
Le mémoire de théologie, brièvement résumé ici, est animé par
ce souci ; mieux : inspiré par cet effort ; mais il n’est qu’une goutte
d’eau dans l’océan. La question que je me suis posée est celle-ci :
le salut dans la religion traditionnelle de mon ethnie.
Il s’agit, dans un premier moment, d’étudier les éléments qui
créent une situation d’insécurité, voire de peur pour les membres
de cette ethnie : les Joola, mais dont la solution échappe à leurs efforts
humains et nécessite l’appel à une intervention verticale ou transcen
dantale.
Leur insécurité résulte de leur situation dans un monde hété
rogène : d’un côté le sacré, de l’autre le profane ; alors que celui-ci
constitue le domaine où l’homme peut vaquer à ses activités quoti
diennes, librement et sans danger, celui-là, premier et fondamental en
tant qu’essence du religieux, est à la fois attirant et dangereux, enva
hissant et révélateur d’interdits et d’attachements fondamentaux pour
l’existence humaine. Inéluctablement, il souille de façon dangereuse,
quiconque le touche indûment. Il est à la fois source d’efficacité, de
secours, de réussite, mais aussi de péril, d’échec et de terreur ; source
de vie, mais aussi source de mort.
Cette insécurité des Joola ne vient pas que du monde terrestre,
elle est née également de leur relation avec le monde de « l'Invisible ».
Dans ce monde, il convient de retenir en tout premier lieu Ata-Emit,
Dieu de la voûte céleste ou Dieu de la Pluie, qui est certes proche
des hommes, mais aussi et surtout lointain au point qu’il existe des
intermédiaires irremplaçables, gardiens intransigeants de l’ordre moral
et social, appelés Ukiin. Ceux-ci ne laissent jamais impuni quiconque
transgresse, sciemment ou non, l’ordre moral et social établi. Cepen
dant, les Ukiin sont des esprits ou génies qui n’ont pas vécu la
condition humaine et qui sont quelque peu loin des humains. Pour
cette raison, il est entre eux et les hommes d’autres intermédiaires
plus proches des Joola : ce sont les Ancêtres qui, connaissant la
condition humaine, ne manquent pas de punir tout fauteur de désordre
moral et surtout social.
Enfin, il y a lieu de mentionner un autre phénomène : les esprits,
dits mauvais, dont les œuvres visent à nuire à la vie des hommes.
Ces esprits ont des collaborateurs connus sous le nom de sorciers ou
méchants. Le but de ces derniers est de nuire à la vie humaine en
jetant de mauvais sorts ici et là.
Voilà, grosso modo, ce qui constitue ce qu’on peut appeler l’insé
curité et la peur des Joola dans leur vie terrestre.
Le second moment consiste à rechercher les moyens mis en
œuvre par les Joola pour parer à cette double insécurité. Nous ne
pouvons entrer ici dans les détails ; mais nous retenons, de prime
abord, le Roi. Celui-ci, en raison de son investiture, qst l’initié des
initiés et, comme tel, il est le principal agent dans cette entreprise
de salut. Il est le prêtre médiateur entre les Ancêtres et son peuple.
Il est la victime immolée pour le salut de ses sujets. Il est le maître
du rituel joola.
Les rites sont nombreux en milieu joola. Mentionnons seulement
ceux qui ont trait à la vie de façon presque directe. D’abord, les rites
de naissance : ils visent à assurer une bonne naissance à l’enfant et,
à l’intégrer dans la famille clanique.

Viennent ensuite les rites purificateurs, destinés à réintégrer dans


la communauté celui ou celle qui s’est souillé par un contact avec 1

le sacré ou qui se trouvant dans une situation reconnue impure.


Il est aussi des rites, dits de consécration ou d’union, qui marquent
la communion de l’homme avec le sacré par l’immolation et la man
ducation de la victime sacrée.
Enfin, les rites initiatiques ou de maturation dont le but est
d’amener le jeune joola à acquérir des compétences par des perfor
mances dures et pénibles : ce sont les épreuves de l’initiation. Par ces
rites, le jeune naît une seconde fois ; il est intégré dans la société
joola. Il est devenu capable de se défendre et surtout de défendre
la société dans laquelle il vit. Il peut alors prendre femme pour contri
buer à la survie de son ethnie.

Ernest Sambou,
(diocèse de Ziguinchor, Sénégal)
(directeur-stagiaire au Séminaire Pie XI).
Pierre-Etienne Bouchet
Après 75 ans dp spnamtinn dps
et de
LE REGIME JURIDIQUE DE LAÏCITE EN DROIT FRANÇAIS

« Il y a une thèse passionnante à faire sur les sonneries de


cloches », disait il y a une quarantaine d’années le doyen Crouzil.
Qui, aujourd’hui, même si la thèse n’a jamais été faite, trouverait
encore le sujet « passionnant » ? Régime juridique des sonneries de
cloches ou des autres manifestations du culte, statut des ministres,
des biens du culte, des aumôneries de services publics (écoles, hôpitaux,
etc.), liberté de convictions religieuses des fonctionnaires, toutes ces
questions sont aujourd’hui du passé, et ne soulèvent plus guère de
difficultés, à l’encontre de ce qu’il en fut de 1905 jusque peu après
la Libération (qui a connu quelques années un regain d’anticlérica
lisme). Tracasseries administratives et réactions de ceux qui en étaient
victimes ont donné lieu à de nombreuses décisions des tribunaux
judiciaires et surtout administratifs, elles constituent un tout homo
gène, d’où l’on peut tirer les principes juridiques en quoi s’analyse le
« régime de laïcité » instauré en 1905 ; ce régime est maintenant
connu, il a été analysé, il n’y ai pas lieu d’y revenir : l’État laïque
garantit la liberté religieuse, il ne prend au nom de la Nation aucune
option en matière spirituelle, ne donne investiture à aucune Église ;
il s’interdit de pénétrer dans le domaine religieux et interdit aux
Églises d’empiéter sur le domaine temporel qui; est le sien et qu’il
délimite souverainement. Les conflits, en ces matières, sont de plus
en plus rares, et leur issue est de moins en moins aléatoire.
Est-ce à dire que l’étude de ce régime et de ses conséquences ait
perdu aujourd’hui tout intérêt d’actualité? Certainement pas. D’une
part, pour ces questions de droit public qui voient s’affronter les
croyants (ou incroyants), ou les Églises, et César, si les principes
sont bien acquis, leur champ d’application peut encore parfois faire
difficulté quand se présentent des circonstances nouvelles, qu’elles
soient occasionnelles ou résultent de quelque phénomène sociologique
récent.
D’autre part et surtout, si la garantie de liberté religieuse inté
resse les citoyens, individuellement ou groupés en Églises, dans leurs
relations avec César, elle ne les intéresse pas moins dans les relations
de la vie privée ; des affrontements restent possibles, et sont l’occa
sion de procès relativement fréquents aujourd’hui devant les tribunaux.
Certes, les solutions de principe sont admises depuis longtemps ;
mais ici encore les différends peuvent se présenter sous un jour nou
veau ; divers phénomènes sociologiques récents leur donnent de l’ac
tualité, et sont l’occasion de préciser, à nouveau, la portée des prin
cipes anciens. C’est en ce domaine de droit privé de la protection de
la liberté religieuse dans les relations de la vie privée que l’étude
du régime juridique de laïcité présente aujourd’hui le plus d’intérêt.

1° Questions de droit public.

L’art. 199 du code pénal interdit, sous peine d’amende, aux minis
tres des cultes de procéder aux cérémonies religieuses du mariage
avant la célébration civile. Les tribunaux ont toujours appliqué ces
dispositions avec sévérité (notamment au cas de grève de l’état civil,
ou de mariage « in extremis »). Aujourd’hui, le problème se présente
sous un jour assez nouveau : des veuves vivent en concubinage plutôt
que de se remarier, afin de ne pas perdre le bénéfice de tel ou tel
avantage social, ou pour tout autre motif comparable. En l’absence
de mariage civil, le mariage religieux n’est pas possible, selon l’art.
199 du code pénal. Mais un jour vient («la première communion de
la petite » par exemple), ou tout simplement un danger de mort plus
proche pour l’un des intéressés, où cette situation canoniquement
irrégulière présente des inconvénients. Que faire ? Certains curés,
conseillés par des canonistes, ont pensé pouvoir écarter l’application
de l’art. 199 du code pénal en conseillant aux intéressés le « mariage
en forme canonique extraordinaire » encore dit « mariage sans prêtre »,
conclu seulement devant deux témoins (canon 1098). Un curé organisa
lui-même cette célébration, préparant les registres, désignant son
vicaire pour tenir le rôle de l’un des témoins (témoin non « qualifié »
donc), décidant que l’échange des consentements aurait lieu dans la
sacristie, et publia après coup ce mariage dans le bulletin paroissial
(afin de prévenir le scandale que n’eût, autrement, pas manqué de
provoquer l’accès à la table eucharistique de ceux qui étaient connus
comme concubins). Cette intervention du curé suffit pour qu’il soit
poursuivi pénalement et condamné. Sans aucun doute, le Tribunal et
la Cour d’appel ont interprété très extensivement la loi pénale, ce qui
est surprenant et contraire au principe « odiosa sunt restringenda » ;
mais l’esprit de la loi était bien respecté. Voilà donc une précision
apportée aux règles concernant la « police des manifestations du
culte ».
Au nom de la « séparation » des Églises et de l’État, les tribunaux
s’interdisent de connaître les litiges d’ordre purement canonique, et
notamment d’apprécier la validité canonique des décisions des autorités
hiérarchiques, lorsque celle-ci est contestée devant eux à l’occasion
d’un litige opposant fidèles et ministres du culte, ou ministres du culte
et supérieurs hiérarchiques. A diverses reprises, le mouvement dit
« intégriste » s’est vu opposer cette règle, alors qu’il contestait devant
les juridictions étatiques le bien-fondé de décisions des autorités reli
gieuses le frappant. La célébration d’une sépulture puis d’une messe
anniversaire du décès en latin est refusée par le curé à la famille
du défunt, qui intente un procès en dommages-intérêts devant un
tribunal étatique. La famille est déboutée, au motif notamment que
le tribunal n’a pas à s’immiscer dans les règles canoniques concernant
la liturgie. De même, dans l’affaire bien connue de l’Église Saint-
Nicolas du Chardonnet, le juge des référés de Paris, statuant sur la
demande d’expulsion des occupants intentée par le curé, rejette l’ob
jection présentée par les défendeurs, pour la raison qu’il n’a pas à
s’immiscer dans le fonctionnement des règles canoniques et à appré
cier la légalité canonique des décisions de l’archevêque de Paris.
D’autres litiges intéressant l’intégrisme, à propos par exemple de l’oc
cupation d’un presbytère par un curé révoqué, se sont terminés de
la même manière (même solution à deux reprises, dans une affaire
d’un tout autre ordre : un commerçant juif se voit notifier par le
rabbin, sur décision du consistoire, le retrait du label «Kasher» qui
lui avait été préalablement accordé ; il intente un procès en dommages-
intérêts, en réparation du préjudice qu’il subit ainsi, invoquant l’irré
gularité, au regard de la loi juive, de la décision qui le fappe ; le
tribunal le déboute, n’ayant pas à s’immiscer dans la conformité de
la décision avec les règles du judaïsme).

2° Questions de droit privé.

Les phénomènes sociologiques qui donnent de l’actualité aux


questions de laïcité, sous la forme de protection des convictions reli
gieuses dans les relations de la vie privée, sont principalement ceux-ci :
extension du divorce, même chez les catholiques ; multiplication des
mariages mixtes, ou changements de religion, au cours du mariage,
par l’un des époux ; accroissement du nombre des professeurs laïcs
dans les établissements confessionnels ; accroissement du nombre des
adhérents aux mouvements religieux dits « sectes »... Tout cela, selon
le cas, joue simultanément ou séparément dans une même affaire.
Les époux doivent chacun respecter les convictions religieuses
de l’autre ; le divorce a ainsi été accordé à la femme pour refus du
mari de consentir à la célébration religieuse du mariage, ou au bap
tême des enfants, lorsqu’il résultait des circonstances de la cause
que l’épouse était en droit de compter sur ces célébrations ; inverse
ment, le divorce a été accordé au mari contre sa femme, celle-ci ayant
fait procéder sans le consentement de ce dernier, athée, au baptême
d’un enfant. Des dommages-intérêts sont accordés à l’ex-épouse juive
divorcée, à la charge de son ancien mari qui refuse de lui délivrer
la lettre de répudiation dite « Gueth », qui lui permettrait de conclure
une nouvelle union religieuse conforme à la loi juive. Rien, en tout
cela, de nouveau, sinon le nombre peut-être plus grand des procès
aujourd’hui, eh particulier quand l’éducation religieuse des enfants est
en jeu.
Plus intéressantes et actuelles, sont quelques décisions refusant
le divorce en vue de protéger les convictions religieuses du conjoint
du demandeur eri divorce : au temps de Vichy la conversion de la
séparation de corps en divorce était facultative pour le tribunal, si
elle était demandée par le conjoint contre qui avait été prononcée la
séparation; le.refus fut ainsi opposé au mari, le statut d’épouse divor
cée répugnant à la femme au nom de ses convictions religieuses.
Aujourd’hui, le prononcé du divorce pour rupture prolongée de la vie
commune peut de même être refusé si ce divorce entraîne des consé
quences trop dures pour le conjoint ; il en fut jugé ainsi récemment
au profit de la femme d’un rabbin, le statut d’épouse divorcée lui étant
particulièrement pénible à raison de la collaboration spirituelle qui
avait marqué la vie commune pendant de longues années.
Le danger en toutes ces circonstances est évidemment que les
convictions religieuses soient invoquées comme moyen de défense,
à défaut d’autre argument, alors qu’elles sont en réalité peu profondes.
On a vu ainsi le divorce refusé au mari qui invoquait contre sa
femme le fait qu’elle avait, sans son consentement, interrompu la pré
paration de l’enfant commun à la première communion : selon les
témoins entendus, les convictions religieuses du mari étaient fort
superficielles et uniquement d’ordre sociologique. Il est heureux que
le chantage aux convictions religieuses ait été ainsi déjoué ; ou ne
peut pourtant pas ne pas s’inquiéter quelque peu de cette intrusion,
combien redoutable peut-être un jour, des tribunaux dans l’intime de
la conscience.
Il faut aussi, pour que les convictions religieuses de l’un des
époux soient protégées par les tribunaux, que leurs manifestations
ne soient pas intempestives, ne perturbent pas la vie familiale ; au cas
contraire, c’est à la victime de ces manifestations que le divorce est
accordé. Il en fut ainsi, à diverses reprises, au profit des conjoints
de néophytes de quelque secte ou de pseudo-mystiques qui délaissaient
leurs devoirs conjugaux et familiaux, tels que le droit français de la
famille les conçoit. C’est à ce titre exclusivement, les décisions le
soulignent nettement, que la condamnation est prononcée. La solution
semble sage. Ne rejoint-elle pas la morale familiale telle que l’ensei
gne la théologie catholique?
Les professeurs laïques sont plus nombreux que jadis dans les
collèges religieux ; ils n’échappent pas pour autant à la « contagion
du divorce » ; celui-ci est souvent suivi d’un remariage purement
civil ; d’où alors l’embarras des chefs d’établissement, ne croyant pas
pouvoir accepter dans leur corps enseignant des professeurs de qui
la situation canonique est irrégulière et contredit le témoignage chré
tien qui constitue l’un des éléments du « caractère propre » de l’éta
blissement et la mission éducative que celui-ci se propose de remplir.
Des professeurs furent ainsi licenciés, et certains intentèrent des
procès contre le directeur auteur de cette décision. En fin de compte,
dans la plus connue et la plus récente de ces affaires, la solution fut
la suivante : au nom de la liberté du mariage, qui est « d’ordre public »,
le professeur n’a pas commis de faute envers l’établissement où il
enseignait. Mais sa nouvelle situation crée une incompatibilité entre
ses fonctions et son nouveau statut matrimonial, compte tenu de la
doctrine catholique en matière d’indissolubilité du mariage ; le licen
ciement n’est donc pas lui non plus fautif. Mais en l’absence de faute
de la part du professeur, celui-ci a droit au délai de préavis et à
l’indemnité de licenciement prévus par la loi. Enfin, cette incompati
bilité entre le statut de divorcé civilement remarié et la fonction ensei
gnante dans un établissement confessionnel ne disparaît pas au cas
où le collège est uni à l’État par un « contrat simple » : le devoir pour
le collège d’accepter tous les élèves sans distinction fondée sur leur
appartenance religieuse et de donner l’enseignement dans le respect
total de la liberté de conscience des élèves ne fait pas disparaître l’as
pect confessionnel du « caractère propre » de l’établissement. •
( *
**
Les « mass media » ont fait largement écho à certaines de ces
affaires ; les juristes n’ont pas manqué de leur côté de commenter
abondamment les décisions. Articles, monographies, thèses de doctorat
en droit sont aujourd’hui nombreux. On peut y déceler diverses ten
dances d’ordre doctrinal concernant la manière dont les tribunaux
tranchent ces litiges et plus largement le concept de laïcité et l’évolu
tion des relations des Églises — l’Église catholique en particulier -- et de
l’État de 1905 à nos jours. Deux de ces tendances sont à souligner :
1°) Si on observe d’un peu haut l’évolution des relations entre
l’Église catholique et l’État en France depuis 1905, on ne peut qu’en
registrer ce qu’un historien de l’époque contemporaine a appelé le
passage d’une « neutralité négative » à une « neutralité positive » ; on
pourrait dire que de l’hostilité, la suspicion, on est passé à l’ignorance
réciproque puis à la bonne entente. Mais peut-on transposer cette
constatation du plan politique au plan juridique ? Divers juristes le
font. C’est, semble-t-il, à tort : la dénonciation, par la République,
du concordat de 1801 et la rupture des relations diplomatiques entre
la France et l’Église, que Combes a voulu rompre. La loi de séparation
quences de la tension croissante depuis vingt-cinq ans environ entre
le gouvernement français et le Vatican. Le concordat et les Articles
organiques de Napoléon établissaient une solidarité politique entre
la France et l’Église, que Combes a voulu rompre. La loi de séparation
de 1905, elle, est une mesure de portée juridique et non plus politique,
destinée à tirer de la dénonciation du concordat les conséquences qu’elle
comporte sur le plan du statut des cultes : « La République ne recon
naît aucun culte », dit l’art. 2 de la loi ; cela signifie, nullement que
le droit français ignore désormais les cultes, c’est-à-dire les Églises
(c’est dans une large mesure sur un contresens quant à la significa
tion de cette formule que repose la tendance doctrinale que j’examine
ici), mais tout simplement que disparaît la catégorie ancienne des
cultes « reconnus », c’est-à-dire dotés d’un statut de droit public, privi
légié, bénéficiant d’une « investiture » officielle (cultes catholique,
protestant, isrrëlite) ; désormais donc tous les cultes sont placés sur
un pied d’égalité, et relèvent du droit privé. L’art. 1 de la même loi
affirme que « la République assure la liberté de conscience (et) garantit
le libre exercice des cultes ». Le reste de la loi n’est guère que l’amé
nagement du statut des cultes sur cette nouvelle base (avec notam
ment, pour ce qui est de portée générale, l’interdiction des subven
tions publiques aux cultes) ; enfin, sans que la loi l’ait expressément
stipulé, cette liberté de conscience et de culte est subordonnée aux
exigences de l’ordre public tel que le définit souverainement l’État.
On peut donc dire que du point de vue politique la loi de 1905 est
« neutre », « aseptique ». Sur la base de ses dispositions, les relations
politiques entre les Églises et l’État pourront être — et ont été effective
ment, successivement — de suspicion, d’indifférence et d’ignorance,
ou de confiance et de collaboration. Les tribunaux, en assurant effi
cacement la liberté religieuse, en s’interdisant de s’immiscer dans les
litiges à caractère religieux portés devant eux, en sanctionnant le cas
échéant les violations de l’ordre public commises au nom des convic
tions religieuses ou des règles internes des Églises, n’ont fait qu’appli
quer la loi de 1905 dans son esprit, et dans sa lettre dans la mesure
oi* celle-ci apporte des précisions (elle en contient fort peu). L’évolu
tion politique enregistrée n’affecte donc pas le domaine juridique, du
moins pour l’essentiel.
2° On l’a vu plus haut, le mari juif divorcé civilement qui refuse
à sa femme la lettre de répudiation qui vaudra dissolution du mariage
religieux et permettra donc la conclusion d’une nouvelle union est
condamné à des dommages-intérêts envers son ex-femme. Cette solu
tion, adoptée à diverses reprises par les tribunaux, est parfois criti
quée ; sous couvert de protection des convictions religieuses, dit-on,
les tribunaux sanctionnent un droit religieux, ce qui est une attitude
« gallicane » contraire au régime de laïcité de 1905. L’objection serait
valable si la condamnation était fondée sur une obligation faite par
le droit mosaïque au mari de répudier sa femme. Mais tel n’est nulle
ment le cas : les tribunaux se contentent de constater que le mari
ne peut justifier son refus par aucun motif légitime, n’agit que par
malveillance, et que son ex-femme subit un préjudice dans ses convic
tions religieuses du fait qu’une nouvelle union religieuse lui est
impossible, (faute de répudiation). Cette solution relève du même
souci de protection des convictions religieuses que celle qui accorde
le divorce à la femme parceque le mari a refusé de consentir à la
célébration religieuse du mariage, ou au baptême des enfants, alors
que la femme était, dans les cas envisagés, en droit de compter sur
ces démarches. La vérité est tout simplement que la liberté des convic
tions religieuses comporte la liberté de se conduire selon les règles
de l’Église dont on se réclame, liberté pour la femme juive de conclure
une seconde union religieuse après dissolution de la première par
délivrance du gueth, liberté pour la femme catholique d’être mariée
selon les règles de l’Église catholique et de faire baptiser ses enfants.
Toute atteinte malveillante à cette liberté est passible d’une condam
nation à des dommages-intérêts, ou justifie le prononcé du divorce.
Raisonner autrement, ce serait en réalité tirer de la laïcité de l’État
le devoir pour les tribunaux d’ignorer purement et simplement les
règles juridiques formulées par les diverses Églises, au détriment des
fidèles qui se réclament de ces Églises. J’ai suffisamment expliqué plus
haut que telle n’était pas la conception du droit français. On peut
le regretter, chacun est libre de ses opinions ; mais on ne saurait
mettre sur le même plan ces opinions et la règle juridique telle que
la loi et les décisions des tribunaux — qui font corps avec elle —
la formulent.
Louis de Naurois
pas « L’inflation » et les fumées du langage aux
difficultés internes
des questions et des faits.
Ces limites en ont appelé d’autres : procéder, quand le terrain s’y
prête, par coups de sonde précis en vue d’atteindre en un point central
demandes
un auteur et un problème. Ont été ainsi abordés, au gré des
et des circonstances, mais suivant un dessein et un plan déjà formés :
—* Les articles 9 et 10 du De Spiritualibus creaturis, de St Thomas,
d’où ressort nettement son attitude envers l’augustinisme, l’averroïsme
latin et les textes de St Augustin et d’Aristote... (dans « Critique et
tradition chez St Augustin » : Revue thomiste 1977, n° 4) ;
— L’idée de Dieu particulière à Descartes et l’usage qu’il en fait
en regard du Malin Génie (Mélanges Cl. Journet, Desclée) ;
L’hypothèse et la portée exacte du Malin Génie (sujet traité

en conférence et repris en vue d’une publication prochaine) ;
Dieu premier ou dernier connu parallèle entre quelques textes
— :
de Spinoza et de S. Th. d’Aquin (R. Th. 1974, II).
particulier
— Le monisme de Spinoza (ibid., sous presse) ; cas
des attributs ;

— Un opuscule de Kant sur l’échec des théodicées antérieures


à son œuvre : cet écrit, de 1791, est un résumé de Kant par lui-même
(R. Th. 1976, II) ;

— Quelques sous-entendus philosophiques de Newman (ibid. à


paraître). Les pages étudiées intéressent les rapports du vocabulaire
philosophique et du théologien ;

— La correspondance de Loisy et de Maurice Blondel — il s’agit


surtout ici de Maurice Blondel lui-même et des attaches théologiques
de sa philosophie — (B.L.E. 1977, II) ;

— La perspective métaphysique de Gabriel Marcel (R. Th. 74, I).

Ces analyses constituent, par leurs thèmes et leur intention, un


ensemble, toujours à compléter. Elles font appel à une information
qui les déborde — d’où le risque de cercle vicieux par un recours
à des contextes « éclairés » eux-mêmes par le détail... —. Elles nous
réfèrent à des études plus larges, parfois objets de notes critiques
intéressant, par exemple, le platonisme (R. Th. 1975, I et II), ou la
connaissance, renouvelée, de Kant (R. Th. 1977, II).

D’autre part, toute précision sur un point (d’histoire) essentiel


amorce un approfondissement. Ainsi la brève et incisive critique des
« théodicées » par Kant contient, soustraite à la critique, sa théodicée
personnelle, et provoque, de notre part, une réflexion — ou hésita
tion... — sur « L’unité du kantisme » considéré à la fois au double
plan, spéculatif et moral, qui est, délibérément, le sien (R. Th.
1976, IV).

On peut aller plus loin. De telles approches invitent à discerner,


en histoire des philosophies (de la pensée « chrétienne » particulière-
ment) une certaine dualité de tendances, et, en philosophie proprement
dite, une série de problèmes inséparables de cette dualité.
Ainsi les alternatives :
— Dieu premier connu, — ou inconnu en lui-même, sinon en
ses « effets » ;

— Dieu rival jaloux, — ou fondement absolu, de la nature et de


l’homme ;
— Une intelligence humaine sans rapport essentiel à la sensibi
lité, — ou dépourvue, hors de cette dernière, de tout objet sinon de
toute réalité.
Ces oppositions rarement exprimées en ces termes et souvent
dissimulées ou infléchies, ne sont pas de simples repères théoriques,
ou fictifs, pour une classification scolaire des doctrines. Elles évoquent
avec ces mêmes doctrines et permettent d’éclairer par le conflit réel
des attitudes, des problèmes majeurs directement philosophiques,
commandés par une double et unique exigence, de rigueur intellec
tuelle et de fidélité au réel.
D’où, en chacune de ces brèves études et suivant une ligne conti
nue, des remarques de fond, personnelles, conjuguant une philosophie
de la connaissance et une philosophie de l’être. Ces réflexions, pro
voquées ou soutenues par les auteurs et les textes, rejoignent les
thèmes métaphysiques antérieurement abordés pour eux-mêmes, mais
renouvelés peut-être cette fois, par un trajet vivant parmi d’autres
que nous et à travers d’autres temps que le nôtre, ressourcement
nécessaire pour une intelligence moins primaire de ce dernier et de
nos propres interrogations.
Désir et constitution des idoles
selon R. GIRARD.
« J’ouvrirai la bouche pour dire des paraboles, je proclamerai
des choses cachées depuis la fondation du monde ». Ce verset du
Psaume 78, plusieurs fois repris dans le Nouveau Testament, fournit
le titre du dernier livre de René Girard (1) dont la thèse commence
à être connue : les « choses cachées » sont les victimes sacrificielles
dont le sang cimente depuis les origines toutes les institutions humai
nes, quelque effort que fassent ces dernières pour le recouvrir. Et
la Révélation, culminant dans la Passion du Christ, est dévoilement,
sous le sacré, de cette violence constitutive, de ce « sang des justes
répandu sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de
Zacharie, fils de Barachie ». L’Évangile dit, et le Christ réalise dans
sa Passion, ce que tous les mythes etj tous les rites s’efforcent de
taire, à savoir que la victime était juste, qu’elle est donc morte injus
tement, que le sacrifice n’est qu’un meurtre et que la violence ne
pourra plus rien fonder, son déchaînement même n’étant qu’une mani
festation de son absurdité. L’Évangile, qui propose une attitude de
non réciprocité dans la violence, un Amour d’origine transcendante,
est la seule réponse à l’alternative où conduit eii se déchaînant la
violence jadis fondatrice, et aujourd’hui purement dévastatrice : ou
vivre sans recourir à la violence, ou risquer un anéantissement uni
versel.
Développées dans les livres I et II de l’ouvrage, ces thèses semblent
n’avoir qu’un rapport lointain avec le contenu du livre III qui s’intitule
« psychologie interdividuelle ». En réalité la théorie du désir qui sous-
tend cette psychologie représente la première phase de la réflexion
girardienne et est à l’origine de sa relecture tant du texte biblique
que des tragédies grecques ou des mythes relevés par les ethnolo
gues (2). Si le désir s’enracine dans des besoins et des appétits, qui
sont d’ailleurs communs à l’homme et à l’animal dans leur couche la
plus primitive, il ne se définit pas d’abord par son objet mais par
le fait que cette visée d’objet est toujours médiatisée par autrui :
je désire ce qu’autrui désire parce qu’il le désire. Le projet humain
se nourrit de cette réfraction dans un médiateur, réfraction qui prend
peu à peu des proportions gigantesques et déréalise, en le transposant
dans un jeu croissant d’illusions, l’objet premier d’ailleurs vite perdu
de vue. Cette triangularité du désir — sujet désirant, objet désiré,
médiateur du désir — et ce poids toujours croissant du médiateur
n’est pas une invention de Girard, mais une découverte, curieusement
peu remarquée, des grands auteurs romanesques : Cervantès, Stendahl,
Dostoïevsky, Proust (3). Ainsi Amadis de Gaule est le médiateur,
encore lointain, de Don Quichotte qui entretient ce dernier dans l’uni-

(1) Des choses cachées depuis la fondation du monde, Grasset, 1978.


(2) Ces derniers textes sont étudiés dans la Violence et le Sacré, Grasset. 1972.
(3) Cette structure du désir chez les auteurs cités est dégagée par R. Girard
dans Mensonge romantique et vérité romanesque. Grasset, 1962.
cause et qui, quelques autres noms qu’on lui donne, est la forme
terrible et permanente de la cruauté ». Créant des fictions inhumaines,
le désir ainsi compris supprime toute transparence, comme dirait
Marx, des rapports interhumains et aliène véritablement l’homme dans
une idole semblable à celles que décrit le psalmiste i os habent et
non loquentur, oculos habent et non videbunt... Eloigné d’elle et l’éri
geant en obstacle monstrueux, l’imitateur rival de l’idole peut la frap
per sans scrupule puisqu’elle est une puissance inhumaine et peut-
être démoniaque ; illusion de l’orgueil, vérifiée dans les rivalités pas
sionnelles inter (in) dividuelles, mais se vérifiant aussi, comme le pres
sentait Denis de Rougemont, dans la rivalité de ces volontés de puis
sance que sont les États totalitaires. « Elles deviennent l’une pour
l’autre Yobstacle. Le but réel, tacite, fatal, de ces exaltations totali
taires est donc la guerre, qui signifie la mort ». L’idole est bien l’illu
sion que le désir mimétique érige entre les hommes, les défigurant et
les transfigurant au gré de ses propres métamorphoses et les poussant
à poursuivre les uns contre les autres des chimères qui les mènent
à l’anéantissement. « L’auto-suffisance bienheureuse », le divin, en
somme, tend à se réfugier dans les formes d’existence les plus éloi
gnées de la nôtre, finalement dans l’inorganique lui-même, dans la
substance impénétrable des matières les plus résistantes, comme la
pierre ou le métal. Le désir débouche enfin sur la froideur vide des
espaces de la science-fiction, sur ces trous noirs dont parlent aujour
d’hui les astronomes, d’une densité si effroyable qu’elle attire à elle
toute matière dans un rayon de plus en plus vaste et, de ce fait même,
sa puissance d’attraction ne cesse d’augmenter» (6).
Si les auteurs romanesques ont décrit, dans sa dimension psycho
logique, ce destin morbide du désir, c’est qu’ils en sentaient eux-
mêmes le caractère illusoire. A la fin de l’œuvre le voile de l’illusion
se déchire d’ailleurs pour le héros : « Tous les héros prononcent, dans
la conclusion, des paroles qui contredisent nettement leurs anciennes
idées. Don Quichotte renonce à ses chevaliers, Julien Sorel à sa
révolte et Raskolnikov à son surhomme. Le héros renie, chaque fois,
la chimère que lui soufflait son orgueil » (7). Mais ce moment de la
lucidité est aussi celui de la mort, le héros ne se libérant de l’isole
ment où le maintenait son délire qu’en entrant dans la solitude démys
tificatrice des derniers instants. Au temps de la perception hallucina
toire fait place le temps de la mémoire lucide et libre de tout désir.
Le Temps retrouvé de Proust n’est lui-même que l’ensevelissement
dans le récit, et par là le désensorcèlement, du monde frivole et vain
qui ne peut plus être vécu alors quMl est écrit. Retournement
qui pourrait proprement s’appeler conversion, et qui s’annonce peut-
être dans les moments où s’estompent l’apparence et le faux-brillant
de l’idole. « Comme si nous approchons notre regard de la lune et
qu’elle cesse de nous paraître! de rose et d’or, sur ce visage si uni
tout à l’heure je ne distinguais plus que des protubérances, des taches,
des fondrières » (8). Mais faut-il dire que l’inhumanité du fantasme,
par lequel l’autre ne m’apparaissait que dans la fantasmagorie de
l'Autre, fait place, une fois l’illusion tombée, à une réalité misérable
et décomposée ? La déception du désir insatiable révèle en effet que

(6) Des choses cachées..., p. 437.


(7) Mensonge romantique.... p. 329. Souligné par l’auteur.
(8) M. Proust, Le côté de Guermantes, t. I, Gallimard. 1954, p. 212.
celui-ci, de ce qu’il touche et brûle, ne laisse que des cendres. Effon
drée, l’idole devient moins que rien, de sorte que la désillusion, qui
est apparemment un retour au réel, peut continuer en fait à jouer
en sens inverse le jeu du désir : brûler ce qu’il avait adoré. Ainsi
pourrait s’expliquer l’ardeur démystificatrice d’un certain discours
culturel contemporain qui correspond, ce n’est pas un hasard, à la
revendication d’un désir toujours plus libéré. Plus les idoles se multi
plient ou, pour inverser une formule de Hôlderlin, « plus les dieux
se rapprochent », plus prompte est leur disparition dans un tourbillon
toujours plus rapide : « Le désir d’« éclairer » ou de « démystifier »
cherche à s’assurer que l’illusion ancienne n’existe plus nulle part,
à faire en sorte que tout le monde soit également privé de ce dont
tout le monde manque. Cette égalité dans le malheur que vise le désir
démystificateur ressemble à l’aboutissement uniformément concentra
tionnaire de certaines entreprises révolutionnaires, dont il est d’ailleurs
rigoureusement contemporain » (9).
La conversion terminale des héros romanesques ne peut être que
l’indice et le symbole d’une conversion universelle proposée par
l’Évangile à l’humanité entière : mourir au monde du désir, qui dresse
des idoles-obstacles entre les hommes et souvent sur leur cadavre,
pour naître au monde de l’amour. Loin de produire l’illusion comme
le désir, l’amour, au sens johannique, est au contraire le seul à conduire
à une connaissance vraie : « Celui qui aime son frère demeure dans
la lumière et il n’y a en lui aucun skandalon » (I Jn. 2,10), c’est-à-dire
aucune idole-obstacle. Il est aussi le seul à conduire à la vie. « Un
examen attentif du texte évangélique révélera la présence, un peu
partout, d’un thème de l’obstacle redouté par le fidèle, et levé au der
nier moment, à l’instant même où celui-ci croit se heurter à lui.
L’exemple le plus frappant est celui des femmes au matin de la Résur
rection. Elles n’ont dans la tête que des histoires de cadavres, d’em
baumement et de tombeau. Elles s’angoissent à l’idée de la pierre qui
ferme le tombeau et qui devrait les empêcher d’arriver au but de
leurs efforts lequel n’est, bien entendu, que le cadavre de Jésus.
Derrière les obstacles, il n’y a jamais que des cadavres ; tous les
obstacles sont des espèces de tombeaux. Lorsqu’elles arrivent, rien
de ce qu’elles attendaient n’est plus là ; il n’y a plus ni obstacle ni
cadavre» (10).

André Dartigues
L’École réalité politique

Sous ce titre, un professeur de philosophie qui assure un enseigne


ment dans diverses organisations de l'Institut, notamment à l'Année
de formation pastorale, et à l’Institut de formation pédagogique, pré
sentait, il y a peu, diverses réflexions sur l’éducation au politique
et la politique de l’éducation : deux thèmes connexes qui constituent,
aujourd’hui encore, l’objet privilégié de sa recherche. Nous présentons,
en Bonnes Feuilles, l’introduction ainsi que l’exposé et le bref commen
taire de deux des cinq thèses fracassantes énoncées sur l’éducation
par I. Illich, le contestataire utopiste de l’école contemporaine.
LE BINOME «EDUCATION-POLITIQUE»
Le lien entre l’éducation donnée à l’école et la politique apparaît
actuellement avec une acuité particulière aux yeux de beaucoup. Il
n’est pas reçu par d’autres au nom d’une liberté de l’enseignant ou
d’une neutralité de l’enseignement. Ce lien entre éducation et politique
est-il donc un lien essentiel, un lien inhérent à l’éducation elle-même,
ou bien est-il un lien secondaire et même passager que notre société
renoue face à l’accroissement d’intérêt pour la politique qui est signi
ficatif peut-être de cette époque moderne ?
Essayer d’éclaircir cette question c’est savoir où se situe l’action
de l’enseignant : dans une tâche proprement éducative où le bien de
l’enfant est cherché avant tout, ou dans une tâche subordonnée à une
politique. L’élément éducatif entre alors en compétition avec d’autres
facteurs : socio-économiques, politiques, culturels. Dans ce sens, F.
Oury et A. Vasquez écrivent que les données de la pédagogie sont
« elles-mêmes conditionnées par la structure économique et politique
de la société ». C’est dire qu’il existe une part de conditionnement
politique de l’éducation telle qu’elle existe en France sous le nom de
« L’Education Nationale » qui est déjà tout un programme politique.
Cependant, si la tâche de l’enseignant est proprement éducative,
ne doit-elle pas être comme telle parfaitement autonome et donc se
situer au-dessus d’une politique qui serait synonyme de luttes parti
sanes, de mystification, de recherche égoïste du pouvoir, même lors
que cet égoïsme est celui d’un groupe ? Mais si l’école est le lieu
d’une éducation réelle de l’enfant, elle est aussi par sa fonction édu
cative le lieu d’une éducation de l’enfant à la vie sociale et par bien
des côtés déjà (par l’histoire, l’économie, le français même, les langues
également) elle donne à l’enfant des vues le plus souvent implicites,
presque inconscientes dirions-nous, sur la politique et sur les diverses
politiques. Il existe donc une certaine initiation à la politique à l’école
qui lui revient en toute légitimité. Il faut en voir les limites et ce
qui actuellement entre dans une voie de recherche.
Il semble exister entre les deux termes du binôme éducation et
politique un rapport de subordination d’un élément vis-à-vis d’un autre,
mais lequel? S’il y a rapport de subordination, n’est-ce pas.dans les
deux sens d’une flèche placée entre l’éducation et la politique : s’il
y a une politique de l’éducation et donc pas de tâche éducative auto
nome, il y a peut-être aussi une éducation à la politique (voire au
politique et de ce fait une priorité, une suprématie de l’éducation
sur la politique...

LES THESES D’IVAN ILLICH


En 1971, des conférences et des articles de revues donnés et
publiés aux U.S.A. étaient traduits en français et constituaient la
matière de deux livres dont l’un surtout fut parmi les best-sellers de
l’année : d’Ivan Illich Une société sans école ; le deuxième du même
auteur Libérer l’avenir, qui fut moins lu. Celui-là et deux chapitres de
celui-ci, dont les titres sont déjà percutants en eux-mêmes : l’ensei
gnement : une vaine entreprise (chap. 8) ; l’école ou la vache sacrée
(chap. 9) prennent pour objet de réflexion, on oserait dire presque
immédiatement, pour objet de critique, le système scolaire tel que
nous le connaissons et que bien des pays connaissent également. Car
lorsque I. Illich parle d’« une société sans école » le terme école est
sous sa plume l’image, la représentation symbolique du système édu
catif des pays dits capitalistes dont le centre et la base en même
temps est l’école. L’école représente donc également sous notre plume,
dans ce chapitre, aussi bien l’école primaire, que le lycée. Elle repré
sente le système scolaire.
Quel reproche adresse cet auteur à l’école et ses vues sont-elles
fondées ou non ? Contribuent-elles à dénouer le lien entre éducation
et politique ou ne font-elles que le souligner?' Dans ce dernier cas,
est-ce une voie d’approche vers une nouvelle conception de l’éduca
tion qui s’ouvre à nous ? Ivan Illich critique l’école comme institution
éducative inadéquate : elle ne remplit plus sa fonction, ni sa finalité.
Cette faillite de l’école, cette inadéquation de l’institution scolaire
vis-à-vis de ce que la société en attend porte sur cinq points ou cinq
thèses fondamentales qui constituent une critique de l’école tradition
nelle. Voici ces cinq thèses :
1. l’école est un mythe «politique»;
2. l’école sélectionne ;
3. l’école ne prépare pas à la vie ;
4. l’école est aliénante, elle asservit et forme à la servilité ;
5. l’école instaure un divorce entre l’instruction et l’éducation.
Première thèse : L’école est un mythe politique
Avant toute exposition plus globale de cette thèse, citons un
passage d’Ivan Illich, tiré d’un article écrit par l’auteur et paru dans
la revue Esprit (déc. 70), texte un peu long mais très révélateur :
« Le système scolaire remplit aujourd’hui la triple fonction com
mune aux églises qui furent les plus puissantes de l’histoire. Il est
1g dépositaire des mythes de la société, il institutionnalise les contra
dictions du mythe et il est le siège du rituel qui reproduit et voile
les dissonnances entre le mythe et la réalité (...) L’école n’est pas
seulement la Nouvelle Religion Mondiale (...) L’école est une indus
trie (...) L’école est le plus important et le plus anonyme des patrons.
Elle est le meilleur exemple d’un nouveau type d’entreprise qui succède
à la firme capitaliste ».

Retenons les rapports de l’école et du mythe et du mythe écono


mico-politique. L’école accueille, institutionnalise et ritualise les mythes
de la société, est-il dit, mais quels sont ces mythes ? Ils sont nom
breux, variés, cependant ils se regroupent sous deux chefs : celui de
la consommation, celui de la mesure des valeurs ou du progrès ; ils
se retrouvent au sein de l’école qui les reçoit et, à son tour, les
engendre. De même qu’il y a un cercle vicieux entre la production
et la consommation, de même, entre l’école proposant l’instruction et
la demande d’instruction. Pour I. Illich, ce n’est pas le besoin et la
nécessité d’une instruction qui fonde l’école, c’est l’inverse. Il écrit en
effet : « L’Ecole nous enseigne que l’instruction crée la connaissance.
L’existence des écoles crée la demande d’instruction ». L’école oblige
donc à une certaine consommation de biens intellectuels indispensa
bles à l’homme. C’est bien là le mythe à dénoncer, le scandale à
dévoiler et à faire cesser. Mythe ou scandale organisé, structuré par
l’école puisqu’elle organise cette consommation intellectuelle qui ratifie
son assimilation (examens) et permet ainsi à ses consommateurs les
plus éminents de rentrer à leur tour dans ce cercle de la production-
consommation. L’école organise le mythe du progrès car elle se pré
sente comme le promoteur de tous les espoirs de l’homme moderne,
dont l’accès est l’acquisition d’un savoir scientifique distribué par
l’école. « Les réformateurs de l’enseignement promettent à chaque
génération le plus récent et le meilleur, et le public a été dressé pour
exiger ce qu’ils offrent » écrit Ivan Illich.
L’analyse de cet auteur est donc celle d’une illusion, d’une fable ;
elle est une dénonciation d’une réalité n’existant que dans l’imagina
tion, d’une réalité chimérique dont le modèle est la société d’économie
capitaliste. L’école est donc le produit d’une société capitaliste basée
sur la concurrence, le libéralisme, la surenchère.
On voit mal encore comment ces accusations s’articulent avec
une école gratuite, obligatoire et donc ouverte à tous et donnant à
tous les mêmes chances. Ceci s’éclaircira au cours de la deuxième
thèse.

Deuxième thèse : L’école sélectionne

Pour notre auteur, l’école exerce une sélection à deux niveaux :


en elle-même ou à l’intérieur de son organisation et dans la société.
Il écrit ceci : « Dans une société aliénée/ si l’éducation ne peut s’ac
quérir que dans les écoles, seuls ceux qui se sont pliés à leur discipline
aux niveaux inférieurs seront admis aux stades plus élevés. (...) L’en
seignement, dans le meilleur des cas, contribue à séparer la société en
deux groupes : ceux dont la productivité leur assure une augmentation
annuelle de leur revenu sans commune mesure avec la moyenne
nationale, et l’écrasante majorité dont les revenus, certes, s’élèvent,
mais dans une proportion infiniment moindre ».
Cette accusation de sélection à l’intérieur de l’école s’appuie sur
l’existence des échelles de difficultés croissantes que l’on donne à
franchir aux élèves : échelons intellectuels à gravir en montant d’une
classe à l’autre. L’échec apparaît-il, une autre échelle est proposée
— c’est le rôle de l’orientation — ou bien on invite l’enfant à redou
bler une classe. Les chances donc d’accéder aux grades supérieurs
diminuent au fur et à mesure que l’on s’élève dans la succession des
classes. L’école est donc pour I. Illich un système de sélection s’exer
çant dans l’immédiat et préparant la sélection sociale de la future
société. Elle est cela pour cet auteur, mais aussi pour bien d’autres
en France, qui vont jusqu’à dire que l’école est répressive. I. Illich
parle de « la nature répressive, sur le plan économique et politique,
du système scolaire ». Sans aller jusqu’à ces outrances, à nos yeux,
ne pouvons-nous pas retenir un facteur qui échappait, il y a peu de
temps encore, à l’analyse de notre système scolaire, par exemple le
développement de l’intelligence d’un enfant en fonction de son milieu
social ou familial ? Jusqu’à nos jours on considérait l’enfant comme
un être en soi qui naissait avec la mémoire ou non, de l’intelligence
ou non, tel ou tel talent, telle capacité. Les sciences humaines (psy
chologie, sociologie) nous font nuancer la première position et nous
ouvrent des horizons à explorer : le milieu familial, social et affectif
de l’enfant conditionne celui-ci. L’école accentue-t-elle ou non ce
conditionnement favorable ou défavorable à l’enfant? L’école permet-
elle à un enfant de développer et d’acquérir une certaine intelligence
ou bien donne-t-elle des connaissances — « produits manufacturés »
dirait Illich — aux plus doués ? Tous ont-ils leurs chances en arrivant
à l’école ou bien celle-ci opère-t-elle une sélection entre doués et non-
doués ?
Mais la question est-elle si nouvelle qu’elle le paraît? Le problème
est posé par un Pascal retrouvant la géométrie d’Euclide à douze ans,
un Mozart écrivant sa première sonate à huit ans et sans mettre l’ac
cent sur la jeunesse ou la précocité, un Newton, un Einstein. Ces cas,
certes, restent des cas extrêmes mais peut-on aussi vite réduire comme
le font certains toute conception de l’intelligence à une acquisition
sociale en laissant de côté tout don, toute faveur de la nature, dirions-
nous, que cette nature soit un héritage paternel ou maternel ou un
assemblage heureux de deux patrimoines génétiques. La facilité à
dénouer cette notion de sélection scolaire, lorsque des facteurs à la
fois héréditaires, innés et acquis s’imbriquent les uns les autres pour
donner le caractère unique d’une personne, est illusoire.

Marie-Danielle Grau
ros
L’auteur des lignes qui suivent a consacré ces cinq dernières années
à un travail de recherche et de synthèse sur un phénomène social de
la Grèce antique mal connu et méconnu : la pédérastie. Il en est résulté
un volume qui paraîtra en octobre et dont nous présentons ici un
aperçu.
Eros : il s’agit bien d’un sentiment de l’âme, en théorie tout plato
nique et que les émotions de la chair et du sexe (domaine d’Aphrodite)
ne devraient pas troubler. Adolescent : la pédérastie s’adresse à des
garçons de 12 à 18 ou 20 ans, entre le début de la puberté et la
première barbe ; glorifiée par les poètes et les philosophes, considérée
souvent comme plus noble que l’amour des femmes — où le plaisir
sexuel répand comme une fange — elle est bien autre chose que les
relations entre adultes ; les Grecs, à l’exemple d’Aristophane, moquent
ces dernières et tiennent pour avilissant de se prêter au rôle passif,
féminin, quand on a franchi la barrière séparant l’enfant de l’homme.
La pédérastie imprègne la vie de la Grèce, colore d’une couleur
particulière son histoire, sa pensée, son art, sa poésie. Pour lire Platon
ou Pindare, pour saisir allusions et malices des peintres de vases à
l’époque archaïque ou classique, c’est une clé indispensable.
Soit ignorance soit pudeur mal comprise, on garde les yeux fermés
sur cette impulsion puissante, d’ailleurs difficile à expliquer, qui
portait l’homme grec vers les adolescents.
*
* *
Nos médecins prononcent encore le serment d’Hippocrate. La
plupart ignorent que la version moderne a supprimé une phrase essen
tielle aux yeux des anciens : le disciple d’Asclépios jurait qu’en entrant
dans les maisons pour soigner les malades, il « s’abstiendrait de séduire
femmes ou garçons ». C’est ainsi tout au long de la littérature grecque,
pendant dix siècles, des poèmes de Solon le sage au roman des
Ephésiaques : on y voit les garçons convoités autant ou plus que les
femmes ; il est plus difficile de résister au charme subtil des premiers
qu’aux attraits des secondes.
Sur la frise du Parthénon, Eros, debout près des grands dieux,
tourne un visage rêveur vers un groupe d’adultes barbus mêlés à des
jeunes imberbes : ces « héros attiques », comme on les a nommés,
sont très probablement des érastes en conversation avec leurs éromè-
nes. L’auteur de la frise, Phidias, a aimé son disciple Agoracrite de
Paros ; il a aimé son modèle, Pantarcès, sculpté par lui sur le socle
du Zeus d’Olympie : les apologistes chrétiens le lui ont reproché avec
véhémence.

Un beau vase d’Euphronios, vers 500 av. J. C., montre Achille


pansant le bras de Patrocle. Or Achille, avec ses yeux en amande et
son visage imberbe, a une grâce féminine et presque maniérée, tandis
que Patrocle, aux traits durs qu’accentue encore la crispation, porte
la barbe, signe de la virilité. Si l’on connaît les discussions des anciens
sur ce couple Achille-Patrocle, dont le grave Eschyle déjà avait fait
des amants dans sa tragédie des Myrmidons, si l’on garde en mémoire
les raisonnements du Phèdre de Platon faisant de Patrocle l’amoureux
et non pas l’aimé d’Achille (Patrocle est plus âgé, Homère l’affirme)
on s’explique l’apparente bizarrerie du chef-d’œuvre.
*
* *
L’amour des adolescents, qui occupe la pensée de Platon, occupe
aussi beaucoup de place dans son œuvre. Deux des grands dialogues,
le Banquet et le Phèdre, traitent ce problème et sous tous ses aspects ;
il est vrai qu’au cours de nod études supérieures on a réussi cette
prouesse de nous commenter en détail ces deux œuvres sans faire
sérieusement allusion au vrai sujet !

Le philosophe antique de toutes les écoles — sauf celle d’Epi-


cure — se considère comme une sorte de prêtre ayant charge d’âmes
et pour qui le célibat est préférable : Socrate a bien Xanthippe, mais
il s’en occupe si peu ! Elle est peut-être la seule à qui il ait épargné
ses conseils. Le salut est difficile pour le sage, même seul ; et s’il est
chargé d’une femme, cela devient presque impossible.

Pourtant le sage doit aimer : il doit aimer ses jeunes disciples,


d’un amour spirituel, comme un directeur de séminaire ses dirigés.
Cet amour spirituel subit l’assaut des tentations charnelles, que Platon
a décrites avec une vigueur et un réalisme étonnants : la voie royale
du salut n’en reste pas moins cet amour. Il ne s’agit point d’une pater
nité : le sage et son aimé forment un couple ; l’un dépose dans l’âme
de l’autre des germes de nobles pensées qui viendront à la lumière,
qu’ensemble ils nourriront et feront grandir comme une progéniture
commune. Leur mutuelle tendresse leur fait pousser des ailes, qui les
emportent côte à côte au paradis platonicien, au-dessus des cieux
visibles, au beau pays des Idées pures.

*
* *
Mais le Platon de la vieillesse, celui des Lois, s’insurge contre
la pédérastie impure qu’il condamne sans appel. Les trois vieillards
du dialogue, qui vont sur les chemins de la Crète, édictent à petits
pas une morale sexuelle rigoureuse. On ne s’abandonnera aux rela
tions charnelles qu’avec l’autre sexe ; on ne s’y livrera qu’avec sa
propre femme et dans le mariage ; on suivra l’exemple des animaux
qui s’accouplent seulement dans l’intention de procréer. Il ne faut pas
gaspiller la semence humaine, la jeter dans le sable ou sur les
cailloux... Ces préceptes, repris par le Stoïcien Musonius, repris encore
par Clément d’Alexandrie, ont régi pendant des siècles l’éthique
sexuelle des milieux cultivés : et les Pères de l’Église grecque ont
trouvé de tels principes déjà bien enracinés dans la pensée des mora
listes grecs.
Tous les anciens pourtant ne sont pas d’accord pour plier l’homme
aux exigences de la nature, pour le soumettre au modèle animal. La
civilisation et la culture distinguent la race humaine, l’élèvent au-
dessus du monde des bêtes, l’arrachent aux contraintes primitives en
de nombreux domaines : pourquoi la sexualité ferait-elle exception ?
N’est-ce pas un progrès de l’humanité que de savoir dissocier amour
et procréation ? Le discours prêté à Aristophane dans le Banquet pla
tonicien est révélateur des efforts tentés par les Grecs de l’époque
pour justifier la pédérastie et même l’homosexualité des adultes en
prouvant que ce ne sont pas des perversions. Les premiers humains
étaient des êtres doubles : mâle-mâle, femelle-femelle, androgyne. Dis
sociés, coupés en deux par la malveillance divine, ils cherchent leur
moitié pour s’y unir et guérir la blessure. En clair, ce mythe signifie
que les unions homosexuelles sont aussi une exigence de la nature.

*
* *
Maint autre problème est abordé au cours du livre. Celui de la
pédérastie crétoise, par exemple, et des rites d’enlèvement du garçon :
certains modernes y voient un phénomène d’initiation rituelle par
injection de la virilité avec la semence et donnent un sens élevé aux
fameuses inscriptions de Théra (dans l’île de Santorin), où un tel se
glorifie d’avoir sailli un tel... Celui de la pédérastie Spartiate, rejetée
comme impure par Platon, passionnément défendue par Xénophon et
par Plutarque, comme une très sage camaraderie et un excellent moyen
d’éducation militaire... Celui de Socrate et de son attitude si souvent
ambiguë à l’égard des jeunes : un Charmide, un Critobule, un Alci
biade. On connaît la scène de la tentation par Alcibiade, qui lui offre
son corps en échange de ses conseils supérieurs ; et le sage sort vain
queur de l’épreuve ; on connaît moins sans doute les réflexions de
Bion le Cynique : « Si Socrate avait envie d’Alcibiade, il eût mieux
fait de le prendre, plutôt que de nous faire ostentation de sa vertu ;
et s’il n’en avait pas envie, où est son mérite ? »
Sophocle passe aux yeux des anciens pour un fervent pédéraste :
c’est probablement vrai. A Platon, sur la foi de Diogène Laërce, on
attribue plusieurs aimés, comme Aster, Dion, Phèdre : c’est probable
ment faux, Diogène s’étant basé trop légèrement sur trois ou quatre
épigrammes de Y Anthologie.
Sur la fascination qu’exerce la beauté des garçons grecs dès l’âge
de douze ans, le Charmide, le Lysis ou YEuthydème sont des témoi
gnages étonnants. Ils ouvrent aussi des perspectives sur la vie des
palestres, sur les idylles qui s’y nouaient, souvent naïves, entre
adolescents, moins innocentes quand un adulte, un loup, tombait sur
un agneau.

L’index des auteurs anciens cités dans ce volume porte 175 noms :
c’est dire la richesse de la documentation, même s’il s’agit parfois
de simples phrases sauvées de l’oubli par un Athénée ou un Stobée.
Tous ces témoignages permettent une vue assez précise de « l’éros »
des adolescents, à toutes les époques.

Ce que nous savons de la pédérastie ou de l’homosexualité dans


nos sociétés modernes, chez les peuplades primitives, chez les divers
peuples de l’antiquité est résumé dans les deux chapitres d’introduc
tion : ce qui éclaire les mœurs grecques mais permet aussi d’en cerner
le caractère original.

La pédérastie est loin d’être un phénomène accessoire de la


sociologie hellène : elle a joué un rôle important pour la formation
à la vaillance et à l’honneur, pour la formation culturelle et humaine,
pour l’initiation mystique de l’âme dans le platonisme. Elle a exercé
sur le génie grec une influence profonde, a nourri la spéculation philo
sophique et la création littéraire. Les Grecs y ont puisé une étrange
ivresse pour le cœur et pour l’esprit.

Félix Buffière,
Eros Adolescent,
(éditions Belles Lettres, 704 pages).
Kl

ti f;
Æ
Il
ael
J
UME ESPERANCE MYTHIQUE
a1
«l'Eve Nouvelle»

( L’auteur d’une étude, en cours de rédaction, sur « La Femme et


son destin au miroir de la littérature féminine, 1899-1920 », rappelle
les aspirations des féministes à la fin du XIXe siècle. Sont-elles si
différentes des aspirations actuelles ?
Romancières, publicistes, militantes, toutes celles qui combat-
Î taient pour la libération de la femme, dans les dernières années du
xix e siècle, se rendaient compte qu’elles ne verraient pas elles-mêmes
l’aboutissement de leurs multiples efforts. Elles acceptaient même
d’être la génération des sacrifiées. Mais elles avaient la certitude que
les temps étaient proches où la femme devenue enfin l’égale de
l’homme connaîtrait une destinée nouvelle. Le xx e siècle qui allait
s’ouvrir serait le siècle de la femme :
« L’année 1900 sera mémorable dans les annales de
l’humanité. Nous femmes, nous attendons depuis long
temps, avec l’impatience de l’espoir, cette date fatidique.
Un grand prophète — un prophète moderne (V. Hugo),
mais non moins digne de croyance que ceux des temps
anciens — a dit que le vingtième siècle serait le siècle
de la femme » (Le Journal des femmes, janvier 1900,
« Le Siècle de la femme »).
L’année 1900, ou 1901 qui ouvrit le siècle, n’apporta pas de miracle,
de mutation brusque. Il était évident malgré tout qu’un changement
très sensible se produisait : un type de jeune fille, de jeune femme,
s’éteignait pour céder la place à un autre. Le phénomène était sensible
aussi bien dans la littérature que dans les mœurs dont la littérature
était un reflet.
Le roman traditionnel proposait une jeune fille modèle : discrète,
diligente, soutien de la famille dans la pauvreté et le malheur et qui,
après avoir sauvé les siens de la catastrophe, rencontrait le fiancé bon,
généreux et riche qui lui apportait la fortune avec la tendresse. Ce
personnage conventionnel de bibliothèque rose tendait à disparaître,
comme disparaissait l’idéale épouse soumise en tout à Dieu et à son
mari, née pour le dévouement et le sacrifice, dont Mme Marboy vantait
à Hellé la haute perfection dans le roman de Marcelle Tinayre, Hellé.
A celles-là, comme à la jeune femme à tête d’oiseau, légère et papillon
nante, se perdant en toilettes, papotages et aventures amoureuses (les

— 53 —
Ce fut la « Tarte à la crème ! » du féminisme. Journaux, revues,
romans, utilisaient le terme à qui mieux mieux.

L’année 1899 leur fut, semble-t-il, particulièrement favorable. D’une


manière directe ou allusive, beaucoup de romans font place à ces
« femmes nouvelles ». C’est alors, du 15 avril au P r juin, que la Revue
des Deux Mondes publie le roman de P. et V. Margueritte auquel nous
avons fait un large emprunt, Femmes Nouvelles. Simultanément on
pouvait lire, dès le mois de mai, dans Le Journal, Les Vierges fortes
de Marcel Prévost. Hellé, l’héroïne du roman que Marcelle Tinayre
publie cette année même dans La Revue de Paris, du 1 er juin auj 15
juillet est le type accompli de l’Eve nouvelle ; et Mme Bentzon, dans
la Revue des Deux Mondes encore (15 octobre 1899) met en scène
une Eve américaine en villégiature à Paris, Ethel Marsch « Une vraie
bachelor-maid (...), une de ces filles garçons qui se proposent de rem
placer dans l’avenir l’antique espèce féminine disparue ». Les romans
de Camille Pert, Leur Egale ; de Jean Reibrach, A Vaube ; de Jules
Bois, Une nouvelle douleur présentent également des types de « la
femme qui vient ».

Les journaux et revues de Paris et de province rendaient compte


de ces romans, comparaient les différents types féminins que propo
sait à l’heure même la création romanesque, s’interrogeaient, non sans
quelque perplexité et quelque inquiétude, sur cette révolution dans
les mœurs ; d’autres ironisaient ou jetaient brutalement leur mépris...
La « Vierge nouvelle » défrayait les conversations : « Avez-vous lu
Les Vierges fortes ? En êtes-vous ? disaient plaisamment devant moi
certains hommes aux jeunes filles de leur intime entourage. Et l’on
souriait. » (La Fronde, 13 février 1900 : « Lettre d’une provinciale à
Mme Marcelle Tinayre»).

En quoi cette Eve nouvelle l’emportera-t-elle sur la femme du


passé ? Elle aura pu développer ses aptitudes intellectuelles ; elle
portera à égalité avec son mari les charges du foyer ; elle aura pris
des responsabilités dans la cité. Intelligente, cultivée, libre, responsa
ble et active, les journaux féministes se plaisent à dépeindre ses qua
lités : « Voilà, désormais, l’homme en face d’une femme intelligente,
instruite, dégagée des préjugés vieillis, ayant répudié l’instinct pour
le raisonnement, libre par son droit, par son aptitude à se gouverner,
à se suffire à elle-même, désireuse de se créer un nom, affranchie
par son labeur des anciennes servitudes. » Sa valeur morale n’est pas
inférieure à sa valeur intellectuelle ; dans l’un et l’autre domaine,
elle est l’égale de l’homme ; elle a « le même sentiment d’honneur,
la loyauté, le dévouement, la solidarité...
et le courage des sacrifices
obscurs qu’aucun éclat ne récompense... ». (La Fronde, 9 décembre
1899).

Elle ne perdra tout de même pas sa « féminité » : « Elle a gardé


au cœur les naturels désirs ; dans ses gestes, la féminité qui plaît.
Comme les simples, elle veut obéir à la loi commune, elle revendique
sa part d’amour et de maternité... ». (La Fronde, 5 juillet 1899).

On allait jusqu’à donner le portrait physique de cette Eve nou


velle. Portrait robot qui en faisait un décalque de l’Américaine et
et découvrent par un secret instinct « qu’elles ne doivent pas trans
gresser les lois de la nature » ; elles reviennent au rôle d’épouses et
de mères. Dans le roman de Coralie Glyn, A woman to morrow, la
vieille Miss Letitia Primington, endormie en 1896 et se réveillant en
1966, s’aperçoit que malgré la veste, le pantalon, la carrière d’avocat,
les succès d’écrivain, le suffrage politique... conquêtes féminines du
XX e siècle, il y a encore des salaires insuffisants, des femmes sacrifiées
et abandonnées aux caprices de l’homme. L’Eve nouvelle, si précieuses
que soient ses conquêtes, n’obtiendra qu’une régénération toujours
lente et jamais complète de la condition féminine.
Clément Delmas
Gabriela MISTRAL -
-
La poétesse chilienne avait fourni le sujet de l’un des Vendredis
littéraires de l’Institut. Les pages qui suivent résument la conférence
qui lui avait été consacrée.
Il y a vingt-deux ans à peine, le 10 janvier 1957,» s’éteignait à
l’Hôpital de Hempstead, près de New-York, le premier écrivain d’Amé
rique du Sud qui ait reçu le Prix Nobel de Littérature,. Gabriela
Mistral. On le lui avait attribué en 1945 pour son œuvre poétique,
et la citation officielle parlait « d’un lyrisme inspiré par un sentiment
vigoureux et qui a fait du nom de cette poétesse un symbole de
l’idéalisme latino-américain. »
A l’heure où l’Amérique du Sud se trouve au centre des conflits
d’intérêts et d’idées qui divisent ce que nous appelons l’Occident et
l’Orient, et où le bouillonnement intense et incessant y fait voisiner
et se succéder dictatures et républiques populaires, il est intéressant
de voir pourquoi et comment une femme a pu devenir le témoin et
l’expression de l’âme sud-américaine ; comment elle est parvenue à
fondre ensemble la vieille culture hispanique et les éléments indigènes
de sa race et de son pays, pour créer une poésie qui fut accueillie
par le monde entier comme une révélation.
Qui était Gabriela Mistral ? Il n’est peut-être pas inutile de poser
la question, car malgré l’attribution du Prix Nobel en 1945, son œuvre,
écrite en espagnol, n’a été que très partiellement traduite dans notre
langue, et elle reste encore trop ignorée chez nous, malgré de ferventes
admirations, comme celle d’un Paul Valéry, ou de quelques critiques
de talent, comme Roger Caillois.
Le nom de Gabriela Mistral est un pseudonyme, choisi par la
poétesse dès le début de son activité littéraire. Son vrai nom était
Lucile Godoy Alcayaga. Elle naquit à Vicuna, dans la verte vallée
d’Elqui, province de Coquimbo, au Nord du Chili, le 7 avril 1889.
A l’âge de 3 ans, l’enfant est déjà marquée par le départ de son
père qui abandonne le foyer conjugal. Puis, elle fréquente l’école du
village. Et là, se place un autre événement important dans la vie de
la fillette ; elle a 9 ans.
Sa maîtresse, qui était aveugle, l’accusa injustement d’avoir dérobé
des feuilles de papier, qui appartenaient à l’école. Elle mit Lucile à la
porte, et poussa les autres enfants à se moquer d’elle et à lui jeter
des pierres, en déclarant que c’était une débile mentale.
Traumatisée et dolente, la pauvre Lucile s’enfuit et retourna chez
elle. Elle venait d’avoir la révélation de la cruauté humaine, elle
venait d’apprendre à la fois la douleur, l’injustice et les tragiques
erreurs dont le monde est rempli. Une épine empoisonnée s’est enfoncée
dans sa chair, et de cette blessure le sang ne s’arrêtera plus de
couler.
Une poétesse était née. Elle va prendre conscience de ses possi
bilités artistiques pour universaliser son propre sentiment, sa mater
nité trustée, pour tenter aussi de définir l’attitude de Dieu en face
des morts et des désespérés, et pour chanter l’apothéose finale de
l’être aimé.
Ces thèmes constitueront une section de son premier recueil de
poèmes qui sera publié huit ans après; à New-York, en 1922, sous
le titre de Désolation (Desolaciôn).
Ces vers de style romantique sont pourtant influencés par l’Ecole
moderniste, dont le chef de file, Rubén Dario, un nicaraguayen, avait
déjà publié plusieurs livres de poèmes, Proses profanes (1896), Chants
de vie et d’espoir (1905), qui faisaient figure de manifeste. Les poèmes
de Gabriela diffèrent cependant de leur modèle par une plus grande
authenticité du sentiment, par une vision directe de la nature ou des
objets usuels, vision qui aboutit à de belles images qui font songer
à celles de l’Ancien Testament.
1922, date du premier recueil de poésie, c’est aussi la date où
un Secrétaire d’Etat du Mexique, José Vasconcelos, invite Gabriela
Mistral à collaborer dans son pays à une œuvre d’éducation et à une
réforme de l’enseignement. Ce sera pour elle l’occasion de voyager
aux Etats-Unis, en France et en Espagne. Aussi publie-t-elle à Madrid,
en 1924, son second recueil de poésies, intitulé Ternura (Tendresse).
Il s’agit d’un ensemble varié où dominent les chansons enfantines,
les berceuses, les rondes, les contes en vers. C’est dans les pièces
de ce genre que l’auteur a trouvé un de ses meilleurs moyens d’ex
pression. Car tout en laissant aux mots la fraîcheur primitive et la
patine de la tradition orale, Gabriela apprivoise les vocables concrets
et drus du terroir, l’expression fraîche et savoureuse que dédaigne
la langue châtiée.
Gabriela Mistral avait donc commencé ses pérégrinations de par
le vaste monde. Nommée en 1925 représentante officielle du Chili
à l’Institut de Coopération Intellectuelle de la Société des Nations,
elle ne tarda pas à recevoir le titre de consul du Chili. Ainsi va-t-elle
exercer son activité diplomatique à Madrid, Lisbonne, Nice, Pétropolis
au Brésil, Los Angeles, Naples et New-York.
Dans cette période de courses perpétuelles à tfavers les continents
se situe la mort de sa mère en 1929. La poétesse se trouvait alors
à Paris, et elle reprocha au gouvernement chilien de l’avoir maintenue
en France, pendant la dernière maladie de sa mère, et donc de l’avoir
privée d’assister à ses derniers moments. Peut-être y avait-il de sa
part, dans cette attitude, un peu d’exagération. Quoi qu’il en soit, sa
rancune lui fera prolonger longtemps encore un exil volontaire, loin
de son pays natal.
Et l’on retrouvera le thème de la mort de sa mère dès les premières
pages d’un nouveau recueil, intitulé Tala, qu’elle publiera à Buenos-
Aires en 1938.
Ici, Gabriela coupe les liens avec ce qui fut l’inspiration des
deux premiers recueils ; elle semble renoncer au Chili, à ses parents,
à la poésie plutôt sentimentale et romantique de sa première manière,
ses vers ne reflètent plus exclusivement le paysage extérieur du Chili,
Elle regarde
ou son propre paysage intérieur avec ses tourments.
I
maintenant au-delà du Chili et de sa propre existence, vers les cultu
res précolombiennes, pour que la race et l’individu y puissent décou
vrir leurs racines.
Elle se libère elle-même de la masse de son corps, qui la retient
attachée à la terre ; sai poésie change de manière, de substance et
de sentiment. En ce sens, elle devient plus classique, plus universelle.
Un an après la parution de ce recueil, qu’on pourrait, en français,
intituler Table-Rase, éclate la seconde guerre mondiale.
Une dernière tragédie va de nouveau assombrir la vie privée de
e Gabriela. Tandis qu’elle était consul du Chili en France en 1929, elle
avait fait la connaissance d’un petit-fils de son père, qui était donc
son neveu, issu de relations extra-matrimoniales. Il portait son propre
nom, puisqu’il s’appelait Jean-Michel Godoy, et, parce qu’il avait perdu
sa mère, Gabriela le prit en affection et se chargea de son éducation.
Elle l’appelait Yin-Yin ; et cet enfant, naturellement, comblait
son besoin inassouvi de maternité, il était l’objet concret de tant
d’amour et de dévouement qu’elle avait manifestés pour tous les
enfants d’Amérique Latine.
Or, le 14 août 1943, cet enfant, devenu jeune homme, mourut au
Brésil, à l’âge de 18 ans, dans des circonstances mal déterminées.
Pour Gabriela, il avait été assassiné par ses camarades noirs, dans
une poussée de racisme, peut-être nazi, et pour la police, il s’était
empoisonné volontairement à l’arsenic.
Quelle que soit la vérité, cette mort déclencha chez la poétesse
une crise d’amertume et de découragement qui lui faisait encore dire,
deux ans après, au moment de l’attribution du Prix Nobel : « A quoi
bon, maintenant ? »
Pour adoucir sa peine, malgré une santé de plus en plus délicate,
Gabriela multiplia ses voyages, afin de donner plus d’extension à ses
œuvres charitables de l’enfance. A la même époque, elle prépare ce
qui deviendra son quatrième et dernier recueil de poésie, Lagar, Le
Pressoir.
Ce titre est un symbole. En écrasant la grappe, le pressoir exprime
le jus de la vigne, qui va devenir le vin, principe de vie. Ainsi la
poétesse, écrasée par sa souffrance, exprime-t-elle là le meilleur de
sa pensée. Elle dit son amour pour les êtres, les membres de sa famille,
les enfants du monde, avec leurs joies, leurs rondes et leurs peines.
Elle exprime l’amour qu’elle porte à sa race, et à toute la race humaine,
elle chante les métiers,, la nature, avec les bêtes, les eaux, les arbres
et les fleurs, le tout sous-tendu par un grand amour de Dieu Créateur,
de Dieu Père.
Ses œuvres permettent d’affirmer que la vocation de la poétesse
fut de répandre l’amour et l’amitié dans le royaume invisible de l’esprit
et de la culture qui ne connaît pas de frontières, dans la société mys
térieuse des âmes nobles et des cœurs fraternels.
Au sujet de G. Mistal, peut-on parler d’une sainte, d’une mystique ?
Il est difficile d’aller jusque-là.
Baptisée à sa naissance, en 1889, dans l’Église catholique, comme
la majorité de ses compatriotes chiliens, elle pratiqua sa religion jusque
vers sa vingtième année. A ce moment-là, elle se sépara de l’Église,
|. ?.
mais sans rompre jamais complètement les liens de l’esprit et du cœur
qu’elle avait noués avec le christianisme. Pourquoi cet abandon ?
D’abord, une déception personnelle, provoquée par un homme d’Église,
qui, l’accusant de panthéisme, lui barrait ainsi la voie d’accès à l’Ecole
normale dont elle rêvait. Autre motif d’amertume : l’Église du Chili
vers 1909. Gabriela lui reprochait son indifférence pour les problèmes
sociaux. Le clergé chilien qui formait, estimait-elle, une aristocratie
privilégiée, se préoccupait trop de son pouvoir religieux et de sa
situation politique, au lieu de considérer les besoins du peuple, paysans
et ouvriers.

Elle chercha donc d’autres cheminements vers la vérité et le


bonheur, et se tourna vers la théosophie et le boudhisme. Elle étudia
aussi, l’astrologie. Celle-ci s’intégre facilement, dans sa poésie, aux
thèmes de l’amour, de la communion avec les morts, de la séparation
et de l’éternité.

Après la seconde guerre mondiale, Gabriela abandonne bouddhisme


et théosophie, tout en gardant leurs principes moraux. Désormais elle
va se retourner vers le christianisme et le reconsidérer. Nous sommes
en 1926. C’est l’époque de la persécution au Mexique, où tout ce qui
est chrétien est pourchassé et anéanti, sous prétexte que l’Église veut
prendre ou garder les leviers de commande de l’État, de l’enseignement
ou de l’économie.

Dans cette lutte impitoyable Gabriela prend le parti des plus


malheureux et des plus pauvres, des chrétiens groupés dans les fameu
ses formations des guerriers du Christ-Roi (los guerrilleros de Cristo
Rey) qui, eux, sont en train de perdre toute espèce de liberté.

Cette évolution intérieure va se poursuivre avec la lecture d’un


ouvrage, paru en 1932, du philosophe français Bergson, Les Deux
Sources de la Morale et de la Religion.

La pensée du philosophe permit à Gabriela d’abandonner définitive


ment le bouddhisme et de réaffirmer sa foi chrétienne. C’est que
Bergson repousse l’athéisme inhérent au bouddhisme, de plus il ne peut
admettre une passivité et un scepticisme qui sapent la participation
active de tous à l’amélioration de la société humaine. Ces idées ne
pouvaient que séduire « notre citoyenne du monde » avant la lettre,
qui rêvait de la possibilité d’un salut pour l’individu mais aussi pour
la race.

Et l’illumination se produisit dans son esprit au moment où elle


se rendit compte que l’Église, malgré les défauts de ses membres,
pouvait utiliser son pouvoir dans un but bénéfique pour la société
toute entière. A ce moment-là, elle ne voulut plus du pessimisme, de
l’indifférence, et de la soumission aveugle prônés par la doctrine de
Bouddha.

Et dans ces dernières années, elle entrevoyait la possibilité d’un


mysticisme chrétien, incluant amour de Dieu et amour de l’homme,
qui permettrait à l’Église d’offrir le visage d’un christianisme dynami
que, charitable et ennoblissant.
Voici un exemple de ce vers brûlant, expression de la foi ardente,
voire véhémente de la poétesse et de son attachement au Christ en
croix.

LA CROIX
Croix que nul ne regarde, et que tous nous sentons,
Aussi invincible et sûre qu’une énorme montagne,
Oui, nous dormons sur toi, et sur toi nous vivons,
Bercés par tes deux bras, et baignés dans ton ombre.
Nous avons cru jouir du lit de l’amour, mais
Ce n’étaient que tes clous, et ton madrier nu.
Nous avons cru courir, libres, à travers les prés,
Mais jamais nous n’avons défait ton nœud serré.
De chaque sang humain ton bois est toujours frais
Et sur ton corps je bois dans les plaies de mon père,
Du clou de chimère qui l’a blessé, je meurs.
C’est mentir, dire avoir vu les jours et les nuits,
Nous étions accrochés comme un fils à sa mère,
A toi, des premiers pleurs à l’ultime agonie.

Jean Darrabat
Etude de biologie

L’animateur du Laboratoire de Biologie évoque familièrement le


contenu et la méthode des recherches pratiquées dans ce domaine ;
il dit le sens. jjp
en
L’Institut catholique manquerait gravement à son destin universi
taire si le domaine scientifique lui était étranger. Ce n’est pas qu’il nJ
y ait une biologie catholique, mais il serait affligeant et surtout dan
gereux pour la foi si l’Église se désintéressait de ces questions qui
soulèvent tant de problèmes. Grâce à Dieu, notre Institut n’est pas
en retard.

LA RECHERCHE.
Intimidé par ce nom mystérieux, le profane hésitera peut être
à franchir la porte d’un laboratoire de recherche, ce « saint des
saints » où des spécialistes, délaissant les cornues de jadis, s’affairent
devant des appareils de plus en plus sophistiqués. Que font-ils exacte
ment ? De nouvelles découvertes sont-elles proches ? Que nous réser
vent ces apprentis sorciers ? Les fausses frayeurs surmontées, venez
et voyez.
Connaître le vivant, démonter et remonter tous les mécanismes
physico-chimiques qui le constituent de façon à les faire fonctionner tÙ
selon nos désirs, quel sujet passionnant !
Le champ est trop immense pour un seul homme et même une
seule équipe. On ne peut plus poursuivre des recherches de façon
isolée, et pourtant chacun doit se spécialiser dans un domaine précis,
soit pour mener à bien une thèse de Doctorat,' soit pour continuer
à travailler après la thèse.
Plusieurs problèmes ont été abordés ou sont encore abordés dans
ce laboratoire. Prenons-en un, choisi pour être traité en équipe,
le Soja : non pas tous les aspects sous lesquels peut être étudiée
cette plante, mais seulement la physiologie, et même un point
très précis de la physiologie, la photosynthèse, et dans cette photo
synthèse le rôle d’un acide aminé, la sérine, et le rejet concomittant
de gaz carbonique qui est un des maillons d’un processus plus vaste
appelé photorespiration.
Au départ, une documentation précise s’impose. Qu’est-ce qui a été
fait sur ce sujet dans les divers laboratoires du monde, aux U.S.A.,
au Canada, en Russie, au Japon, en Angleterre, en Allemagne, en
Afrique du Sud, en Australie, etc.? Cette tâche est facilitée par les
centres de documentation bibliographique.
C’est ensuite le moment de réfléchir et de faire preuve d’imagina
tion. Quelles sont les voies possibles pour la synthèse de la sérine ?
et, en même temps, quels sont les moyens techniques de les vérifier ?
Ces derniers sont très divers et se complètent mutuellement. On
peut expérimenter sur l’organe entier, la feuille par exemple. Mais
c’est souvent insuffisant. Il s’agit alors d’isoler les cellules, éléments
de base de tout vivant, et de les faire travailler dans des conditions
bien contrôlées. On peut encore aller plus loin : démolir la cellule et
étudier chacun de ses constituants, les organites cellulaires : chloro-
plastes, mitochondries, peroxysomes, etc... L’étape ultime actuelle est
de s’intéresser à chaque molécule et chaque enzyme individuellement.
Nous sommes ici dans l’infiniment petit, invisible à nos yeux, même
au microscope électronique.
Une fois les hypothèses élaborées et les moyens choisis, il s’agit
de cultiver le Soja dans des conditions bien contrôlées et d’entre
prendre toute une série d’expérimentations, de dosages, d’incorpora
tions de traceurs radioactifs, etc... qui vont étayer ou infirmer le^
hypothèses de départ. Peu à peu, confrontées aux faits expérimentaux
et aux résultats obtenus par les autres chercheurs travaillant sur
le même sujet, celles-ci se précisent ou se modifient. Progressivement,
l’hypothèse devient certitude.
Ces nouvelles certitudes, patiemment prouvées au cours de lon
gues semaines et de longs mois' de travail, voire des années, sont
alors publiées dans des revues spécialisées, françaises ou étrangères,
et exposées dans des Congrès ou Colloques scientifiques nationaux
et internationaux.
De précision en précision, notre connaissance sur la synthèse des
acides aminés et des protéines chez le Soja progresse. Dans un pre
mier temps, ces travaux de recherche fondamentale, unis à ceux de
la recherche appliquée, œuvre des agronomes, contribuent à une implan
tation rationnelle de certaines variétés de Soja dans notre Sud-Ouest.
D’autre part, et à un niveau plus global, n’oublions pas que,
l’énergie atomique mise à part, la plus grande partie de l’énergie
vient du soleil par l’intermédiaire des végétaux, grâce à la photo
synthèse. Une connaissance de plus en plus fine de l’ensemble des
processus photosynthétiques et photorespiratoires permettra de mieux
utiliser les plantes comme source d’énergie ou bien de copier les
mécanismes pour d’éventuelles adaptations industrielles.
Notre laboratoire semble travailler assez bien puisque, en sep
tembre 1974, on a jugé bon d’inviter à l’Institut Catholique de Tou
louse les spécialistes français de la photosynthèse : la journée fut très
sympathique.

PROBLEMES ANNEXES.

Depuis le début de l’ère scientifique, chaque nouveau résultat,


en lui-même assez anodin, s’ajoute aux précédents, et l’on arrive
à une somme impressionnante de connaissances. La phothosynthèse per
met de mieux connaître les végétaux ; les analyses de sol indiquent
les engrais nécessaires ; les désherbants, les insecticides débarrassent
les plantes de leurs ennemis, tandis qu’augmente la pollution de l’air
et des aliments, et nous voyons surgir les problèmes de l’écologie ei
de la santé.

De son côté, la biologie médicale nous fait découvrir notre corps,


les dangers et les remèdes, les possibilités de supprimer la souffrance
et même de hâter la fin de la vie, de favoriser la fécondation ou de
l’empêcher...
Des horizons nouveaux sont ouverts par les manipulations géné
tiques...
Il est important de ne pas ignorer tout ce travail, toutes; ces
découvertes ; il est indispensable de se tenir concrètement au courant
de ce qui se fait par le monde. Et comment pourrait-on le faire sans
laboratoire ?

PERSPECTIVES.

Ils sont nombreux par le monde les biologistes qui se trouvent


soudain en face de problèmes dont ils sentent confusément l’impor
tance philosophique ou même religieuse et qui souhaitent un dialogue
capable de les éclairer.
Il est beaucoup d’étudiants qui sentent le même trouble en face
de questions soulevées tout à coup par ce qu’ils sont en train d’appren
dre, et qui cherchent avec inquiétude des réponses.
Combien de lecteurs inconnus, après avoir lu tel livre ou tel
article, nous écrivent pour demander des précisions ou des éclaircis
sements.
Conférences à des étudiants, à des médecins, à des monastères,
articles de vulgarisation semblent ne pas être inutiles et justifier la
place dans un Institut catholique d’un laboratoire de Biologie.
Jean Calmes
LA RECHERCHE DU
LABORATOIRE DE GÉOLOGIE

Les circonstances sont souvent à l’origine des orientations que


prennent les activités des hommes et des institutions.
En 1943, alors professeur à Montréjeau, j’ai été poussé par
des amis pétroliers de Saint-Gaudens vers un sujet de thèse
dans des terrains, dont les affleurements débutent à proximité
immédiate. Il s’agit de la partie centrale du bassin d’Aquitaine, d’ori
gine continentale et d’âge miocène. Grâce aux conseils et à l’aide du
Père Bergounioux, je me trouvai engagé dans une étude stratigraphique
et surtout sédimentologique. Comment ont pu se déposer ces terrains
en milieu continental ? Rivières divagantes sur le glacier nord-pyrénéen,
marécages et lacs peu profonds, sols de forêts et de prairies des
régions inondables.
Cette orientation a été à l’origine de relations nombreuses avec
des chercheurs français et étrangers. L’initiative du laboratoire a
provoqué, il y a six ans, la fondation d’une association originale :
Groupe d’Etude des Formations Sédimentaires Continentales (GEFOSC).
Elle réunit environ quatre-vingts membres dans une organisation infor
melle et bénévole. Sur le terrain, dans des laboratoires, ont lieu des
échanges fructueux pour chacun.
Mais cette direction de recherche n’a pas affaibli celle qu’avait
d’abord établi le Père Bergounioux sur la Paléontologie des Vertébrés
(Tortues puis Mammifères) et des flores houillères. En effet les milieux
de vie qui les concernent sont continentaux et non marins. Un double
objectif : Sédimentologie et Paléontologie continentales, caractérise
donc les travaux du laboratoire. Ces deux disciplines se complètent
et s’éclairent réciproquement ; leur association présente un caractère
original qui est maintenant reconnu par de nombreux chercheurs.
Si en effet des fouilles nous permettent de recueillir des témoi
gnages anciens de la vie, l’analyse des terrains où ils reposent indique
le milieu de dépôt, l’environnement biologique, les actions subies (pré
dateurs, transport par l’eau ou la boue), les causes de la disparition
des individus et des groupes, les motifs de la présence ou de l’absence
d’une espèce dans un gisement, la paléoécologie, etc...
Il s’agit parfois de gisements stratigraphiques, en relation directe
avec une couche définie et fournissant à celle-ci des éléments de
datation. Les gîtes peuvent correspondre à un seul milieu de vie avec
un nombre restreint d’espèces et des restes dansi le même état de
conservation. Ce sont les lieux où les animaux ont vécu et où les
restes fossiles sont conservés en connexion anatomique : pluies de
cendres volcaniques, dans le lac d’Hôwenegg, milieu bitumineux dans
les lagunes de Messel, boues glacées en Sibérie, enlisement dans des
marécages sur le site de Sansan, dans le Gers. La description d’indi
vidus complets, utile pour la connaissance des animaux, permet la
reconstitution des arbres généalogiques. D’autres gîtes correspondent
aux lieux sur lesquels les agents de transport ont réuni des restes
brisés, mélangés et très incomplets correspondant à un seul milieu :
plaine d’inondation, chenaux dans des marécages, milieu lacustre ou
désertique. Par contre certains gisements reflètent un ensemble de
milieux car ils se trouvent au carrefour de plusieurs actions. Les
espèces sont variées et l’état divers de conservation permet de séparer
plusieurs lots : deltas lacustres, bras morts de rivières divagantes ;
estuaires, plages, etc... Ils permettent des corrélations entre gisements
contemporains et l’établissement de listes fiables en chronostrati-
graphie.

Il existe enfin
des gisements de poches ou de fissures. Les grandes
cavités peuvent présenter une stratigraphie de remplissage, écho des
épisodes d’érosion des milieux aujourd’hui disparus. Le remplissage,
souvent désordonné, des fissures peut être significatif d’un milieu parti
culier. Ainsi les prédateurs nocturnes décelés par les ossements de
petits mammifères provenant des boules de réjection.

On voit donc tout ce que cette orientation de recherche, adoptée


par le laboratoire de Géologie de l’Institut catholique, apporte à
l’étude des terrains et à la connaissance des formes anciennes de la
vie. Appliquée comme on le voit en milieu continental, elle n’exclut
pas les autres environnements. C’est ainsi que l’étude menée ici
même par l’Abbé Joseph sur les récifs dévoniens des Pyrénées centrales
fait appel à la fois à la paléontologie des invertébrés et à la sédimen-
tologie récifale.
Fernand Crouzel
ilîli

te a
L’Ordinateur et l’Agriculture
II
Les

L’ordinateur et l’informatique dont il est le symbole sont aujour


d’hui l’objet d’un débat bien connu de tous ceux que préoccupe l’avenir
de notre société.
L’un et l’autre sont présentés à la fois comme les instruments
d’une efficacité quasi miraculeuse et comme la négation la plus sûre
de toute liberté.
En fait, ils ne sont ni l’un ni l’autre ; leur efficacité n’est pas
sage.

m
il illimitée et leur emploi peut non seulement ne faire courir aucun
risque à notre liberté mais encore en devenir l’instrument primordial
dans l’avenir.
yft Depuis près de vingt ans, au LIEF-ESAP, nous utilisons l’ordina
tei teur pour l’aide à la gestion des exploitations et des coopératives
le ia agricoles. Dès le début nous avons pu mettre en application, grâce
à l’ordinateur, la gestion prévisionnelle et le contrôle budgétaire per
manent. Notre méthode a pu être adoptée par divers centres de gestion
tihs en France et à l’étranger, en Europe, en Afrique et en Amérique. Nous
0 pouvons donc faire le point après ces vingt années de recherche et
d’application et nous demander ce que sera l’informatique de demain.
En considérant les progrès techniques de l’informatique d’aujour
d’hui nous pouvons dire que pour entrevoir l’informatique de l’avenir,
il faut oublier un peu celle du passé.

1. OUBLIER LE PASSÉ

Il faut oublier le
passé, à vrai dire, un passé bien proche de nous
puisqu’il ne remonte pas au-delà des années 60.
En effet, c’est vers les années 60 que l’informatique est devenue
abordable pour les entreprises, lorsque IBM mit à leur disposition
son ordinateur 1401.
Depuis lors, les machines n’ont cessé de se perfectionner. Leur
dimension ne cesse de diminuer et leur capacité augmente tous les
jours. Vers les années 60, un ordinateur pesait encore près d’une tonne,
aujourd’hui un ordinateur peut ne peser que quelques dizaines de
kilos. Vers les années 60, une mémoire occupait un espace de un ou
plusieurs mètres cubes, aujourd’hui, la mémoire n’occupe guère plus
que le volume d’un dé à coudre. Vers les années 60, on s’extasiait
devant une machine qui faisait 50 000 opérations à la seconde, aujour
d’hui, nous ne faisons plus attention à celle qui en fait plusieurs
millions dans le même temps. Vers les années 60, on était heureux
de pouvoir stocker une dizaine de milliers de chiffres ou de lettres,
aujourd’hui on ne raisonne plus que par centaines de milliers ou par
dizaines de millions. L’ordinateur devient une bibliothèque « de poche »
qui contient des milliers d’informations toujours, disponibles et tou
jours renouvelables.

Il faut aussi oublier le passé en ce qui concerne les modes


d’emploi.

Jusqu’à une date toute récente, l’emploi de l’ordinateur était


réservé à une élite de spécialistes qui s’auréolaient d’une couronne
de mystère en se réfugiant dans le sacro-saint centre informatique
d’où ils régnaient en maîtres absolus de l’information.

Aujourd’hui l’ordinateur est à la disposition de quiconque désire


l’utiliser, le mystère meurt tous les jours un peu plus... car il n’y a
en fait, aucun mystère ; la machine obéit à des lois logiques que tout d( m
le monde peut connaître.

Il faut enfin oublier le passé pour tout ce qui regarde les appli
cations de l’informatique.

En effet, les premières applications de l’informatique, surtout de


l’informatique de gestion, ont consisté à refaire avec l’ordinateur exac
tement la même chose que l’on faisait avant en utilisant une machine
à écrire et en comptant sur les doigts. Nous pourrions faire un inven
taire impressionnant de documents tirés sur ordinateur qui n’appor
tent rien de nouveau par rapport à ce qu’ils étaient lorsqu’ils sortaient
des mains d’un employé de bureau muni d’une règle et d’un crayon.
A titre d’exemple, nous citerons le Plan Comptable Général lui-même
qui ignore à peu près tout de l’informatique et les grandes banques
de données qui n’ont guère fait que regrouper des milliers d’informa
tions sans pouvoir fournir quelque lumière originale pour la gestion
des villes ou le gouvernement des hommes.
Un tel développement de l'informatique pourrait être considéré
uniquement du point de vue des machines. Il serait, en effet, possible
de montrer comment, grâce au progrès technique, la puissance de
calcul a augmenté en même temps que le prix du calculateur dimi
nuait. Ce progrès technique était indispensable pour rendre l’infor
matique accessible à tout le monde. Les ingénieurs de l’électronique
l’ont réalisé en produisant les merveilleux calculateurs dont nous pou
vons disposer aujourd’hui.
Mais, dans le même temps, l’élaboration et l’exploitation de l’in
formation n’ont pas suivi à la même vitesse ; elles ont pris du retard.
C’est ce retard qu’il va falloir combler.

Comment pourrions-nous imaginer une élaboration et une exploi


tation de l’information qui utiliseraient les outils techniques dont nous
disposons actuellement ?
/
En ce moment, nous sommes en plein débat « télématique » « pri
vatique », ou grands réseaux de systèmes centralisés / informatique
décentralisée.

Il est très vraisemblable que les tenants des deux informatiques


auront raison à la fois. La grande informatique centralisée continuera
à se développer et la petite informatique décentralisée qui commence
tout juste à se répandre dans les petites et moyennes entreprises
connaîtra un très grand succès.
Pour nous, il ne sera pas nécessaire de prendre parti pour l’une
ou pour l’autre ; nous avons déjà opté pour les deux.
Dans les deux cas, il est très important de connaître comment
l’ordinateur d’aujourd’hui (et celui qui paraîtra dans les prochaines
années) peut être utilisé par chacun.

C’est pourquoi, il est possible d’orienter la recherche sur les


applications de l’informatique à tous les moments de la vie, et, pour
ce qui concerne les entreprises à tous les postes de travail, qu’il
s’agisse de la direction générale ou de l’atelier particulier ou même
de tel secteur de chaque atelier. Dans les exploitations et dans les
coopératives agricoles les applications se multiplieront. Il sera utile, ;
en particulier, d’étudier la possibilité d’assurer le contact permanent
de chaque membre du Conseil d’Administration avec la coopérative
ou avec le secteur dont il sera chargé. Il pourra en être de même du
Conseil d’Administration de la Caisse Régionale de Crédit Agricole.
I
Ainsi l’informatique sera l’outil qui sortira de son splendide isole- 1

ment la structure professionnelle de plus en plus éloignée de ses


membres. Chaque adhérent pourra recevoir, à volonté, sur son écran
de télévision, un bref journal d’informations écrites et chiffrées et
dialoguer avec les responsables qu’il demandera. Chaque agriculteur
pourra entrer en communication directe avec son Conseiller de ges
tion ou son Conseiller fiscal et, en même temps, avec son Inspecteur
des impôts...

Il s’ensuit
que la vie relationnelle réduite aujourd’hui à sa plus
simple expression dans de nombreux organismes, pourra être déve
loppée à un point que nous avons de la peine à imaginer...

L’informatique a déjà beaucoup apporté à l’agriculture. Mais ce


que nous verrons dans un temps très proche est d’une tout autre
dimension ; une nouvelle culture professionnelle est en train de naître
sous nos yeux qui aura pour support l’image, le son et le dialogue
en plus de l’écrit dont l’usage se limitera aux documents justificatifs
indispensables.

Ainsi, l’ordinateur pourra devenir le symbole de relation sociales


nouvelles parce qu’il en sera l’instrument direct de même que l’impri
merie, le téléphone, la radio et la télévision auxquels il est souvent
associé, ont apporté de nouvelles manières de penser et de travailler,
de connaître, d’aimer et de vivre.

P. C. Couffin,j.,s.
Laboratoire d’informatique
et d’Economie Financière.
Ecole Supérieure d’Agriculture de Purpan.
Le Centre d’Etudes et de Modernisation Agricoles de Purpan est
un syndicat professionnel créé par des agriculteurs il y a plus de
(î vingt-sept ans,
ns en 1951, pour développer leurs relations avec des
UÉ spécialistes et particulièrement l’Ecole d’Agriculture de Purpan et ses

m services : cours par correspondance, conseils juridiques ou techniques,


laboratoires, etc...

Ainsi, le C.E.M.A., sous l’impulsion du P. Fort, reprit les cours


par correspondance lancés à l’origine par l’abbé Barjalle, du diocèse
de Toulouse, facilita la documentation des agriculteurs, organisa des
- journées d’études regroupant pendant trois jours de 400 à 600 agricul
teurs, favorisa l’éclosion de C.E.M.A. locaux, édita enfin un «Bulletin
de liaison des Centres d’Etudes et de Modernisation Agricoles ».

Aujourd’hui le C.E.M.A. - PURPAN laisse à d’autres le soin d’or-


I ganiser des cours par correspondance, mais il demeure centre de
documentation. A ce titre il reçoit de très nombreuses demandes en
provenance de toute la France et de quelques pays étrangers. Les
journées d’études ne sont plus l’occasion de vastes rassemblements,
mais, plus spécialisées, elles se sont multipliées, tant au siège à
Purpan, que dans des localités plus proches des intéressés. Elles se
1 terminent très fréquemment par des demandes de conseils personnels
> et c’est ainsi que le P. Fort va sans cesse de ferme en ferme pour
aider les agriculteurs à élaborer leur propre solution. Quelques coopé-
t rateurs s’adressent également au P. de Chardin à la suite de la publi-
) cation de son livre : « Les agriculteurs et leurs coopératives. Le droit,
»
ciment d’organisation. » Enfin, le Bulletin de liaison des C.E.M.A.,
j transformé en revue PURPAN, poursuit son travail d’information et
»
de recherches.
Et demain ?

Pour que les conseils demeurent adaptés, c’est à une recherche


permanente qu’il faut se livrer. Une excellente solution de jadis
comme les sociétés de fait, par exemple, risque d’engendrer aujourd’hui
quelques ennuis pour l’agriculteur aide familial qui prépare son ins
tallation. Nous ne pouvons donc présager des résultats de ces recher
ches, mais nous savons qu’ils se traduiront dans des actes (règlements
familiaux, installation de jeunes, création de groupements agricoles
d’exploitation en commun, etc.) et dans des articles de la revue Mfl

Nous traduirons sans doute par écrit les questions épineuses de


l’engagement coopératif, car il est nécessaire que le groupe puisse
compter sur la parole de chacun, il ne faut pas que l’acte d’adhésion
ressemble à l’entrée dans une ratière au fond de laquelle le coopéra
teur entraîne automatiquement ses descendants. Certaines décisions
de jurisprudence plutôt inquiétantes sont intervenues ces dernières
années, aussi importe-t-il de faire le point et d’envisager des solutions
respectant au mieux les intérêts de toutes les parties concernées.
D’autres études se poursuivent en gestion et dans les secteurs
techniques. Elles donnent lieu à des sessions, en attendant des reprises
plus systématiques dans une publication.
G. de Chardin

il
tsi s
tôt';
Ki»
au
[ ^

k,it

’i
fc!i
lt*
;

«Br

Bit!

5*!
,
4'i
«Il
&

I
'
LA SANTA MESSA EN OCCITAN

Professeur à l’Institut, M. Jacme Taupiac a participé activement


à l’édition du MISS AL OCCITAN qui doit paraître prochainement. Il
propose aux lecteurs de la Chronique un court extrait de ce volume
qui comportera plus de deux cents pages.

Lo prèire : Lo Senhor sia ambe vosautres. Los fidèls : E ambe VÔStre esper.it.
*
PREPARACION PENITENCIALA
Senhor Jésus (...) pietat per nosautres. Pietat per nosautres.
5 Crist, (...) pietat per nosautres. Pietat per nosautres.
Senhor, (...) pietat per nosautres. Pietat per nosautres^
Que Diu totpoderos nos faga misericordia (...) vida eternala. Amen.
*
GLORIA IN EXCELSIS DEO. Lo prèire e los Jfidèls dison ensemble lo "Gloria a Diu".
Gloria a Diu dins lo cèl * E sus la tërra, patz al s ornes: * Diu los aima.
Te lausam, te benesissëm, t'adoram * Te glorificam e te regraciam
Per ton immensa glôria^ * Senhor Diu, rei del cèl * Diu, lo Paire totpoderos.
Senhor, Fi1 h unique, Jésus Crist * Senhor Diu, Anhël. de Diu, * Lo Filh del Paire
Tu que levas lo pecat del monde, * pietat per nosautres !
Tu que levas lo pecat del monde, * agrada nôstra pregaria !
Tu que ses assetat a la drecha del Paire, * pietat per nosautres I
Tu sol ës lo sant, * tu sol ës lo Senhor, * tu sol ës lo Diu grand, Jésus Crist
ambe lo Sant Esperit : * dins la glôria de Diu lo Paire. * Amen.
ORASON.
Preguem (...), ara e per l’eternitat. Amen.
*
EVANGELI
Lo Senhor sia ambe vosautres. E ambe VOStre esperit.
Lectura del Sant Evangèli segond Sant ***. Glôria a tu Senhor.
Lo prèire legîs l'evangèli e> a la fin, ditz : Paraula de Diu! Laus a tu, Senhor I
*
^CREDO IN UNUM DEUM". Ensemble, lo prèire e los fidèls :
Cresi en un sol Diu, * Paire totpoderos, * creator del cël e de la terra, *
de tôt lo visible e l'invisible.
Cresi en un sol Senhor, Jësus Crist, * lo Filh unique de Diu,
nascut del Paire abans totes los sëgles. Diu, nascut de Diu, *
Lutz, resplendor de la lut?, * Diu vertadiër, nascut del Diu vertadiër. *
Engendrât e non^creat, * substància unica ambe lo Paire; *
per el tôt foguët fach. * Per nosautres los ornes, * e per nostre salut, *
del cël davalet. * Per l'ôbra del Sant Esperit * s'incarnët de la Verge Maria *
e ôme se faguët. * Crucificat tanben per nosautres, *
del temps de Ponci Pilât, * patiguët e foguët sebelit.
Ressuscitët lo jorn tresen segon las Escrituras * e montët dins lo cèl; *
es assetat a la drecha del Paire. * Deu tornar ambe glôria *
per jutjar los vius e los morts * e son reine sera sense fin.
Cresi en l'Esperit Sant, * lo Senhor, lo que dona la vida, *
lo que del Paire e del Filh procedîs. * Ambe lo Paire e lo Filh
es adorat parier e pariër glorificat; * nos a parlât per los profëtas. *
E enla Gleisa : * una, santa catolica e apostolica. *
Confëssi un sol baptisme * per la remission dels pecats.
Espèri la resurreccion dels morts * e la vida del monde que ven. * Amen.
*
pregAria UNIVERSALA
Aprêp coda intencion los fidèls canton : Paire del cël, escota-nos !
LITURGIA EUCARISTICA
Es benesit, Senhor (...) vendra per nosautres lo Pan de Vida.
Los fidèla :Diu sia benesit ara e totjorn.
Que per lo mistèri (...) vendra per nosautres lo Beure de Vida.
Los fidèls : Diu sia benesit ara e totjorn.
Preguem, fraires : que. lo Paire totpoderosagrade nostre sacrifici.
Los fidèla : Lo Senhor l'agrade per sa gloria, per nostre ben e lo ben de sa Gleisa.
(...) Jésus Crist, no«tre Senhor.
Los fidèla : Amen.
Lo Senhor sia ambe vosautres. - E ambe VOStre esperit.
Aucem nostre cor. —
L'avem tôt al Senhor.
Regraciem lo Senhor nostre Diu.- AquÔ es digne e juste.

SANCTUS, SANCTUS, SANCTUS


Ensemble, lo prêire e loa fidèle dison :
Sant,. lo Senhor, I
sant e mai que sant, lo Diu de l'univërs.. I
*„
.

Lo cèl e la terra son plens de ta glôria.


Osannà dins lo cèl !
Benesit lo que ven al nom del Senhor !
Osannà dins lo cèl !
*
ACLAMACION
mistèri de la fe I Proclamam ta mort, Senhor Jésus
Lo * !_

Festejam ta resurreccion ! * Esperam que vengas dins la gloria !

"PATER NOSTER"
Paire nostre que ses dins lo cèl, * que ton nom se santifique,
que ton reine nos avenga, * que ta volontat se faga *
sus la terra * comadins lo cil.
Dona-nos uëi nostre pan de cada jorn, * perdona-nos nostres deutes *
coma nosautres perdonam a nostres debitors * e fai que tombem pas dins la temptacion
mas deliura-nos del mal.
Que là patz del Senhor sia totjorn - esperit.
"AGNUS DE!"
... *
ambe vosautres. E ambe VOStre

Anhel de Diu que levas lo pecat del monde, * pietat per nosautres !
Anhèl de Diu que levas lo pecat del monde, * dona-nos la patz !
*
COMUNION
Senhor, soi pas digne * que vengas dins ma demora, *
mas diga solament una paraula * e mon anma sera garida.
FIN DE LA MESSA
Lo Senhor sia ambe vosautres. E ambe vostre esperit.
Que totpoderos(...) Sant Esperit
Diu Amin.
Fraires, a Diu siatz ! Glôria a Diu !
Tous renseignements sont à demander au SECRETARIAT,
31, rue de la Fonderie, 31068 TOULOUSE CEDEX - Tél. 52-62-35
C.C.P. Toulouse 4437 P.

Le directeur^gérant : L. MONLOUBOU
Commission paritaire de presse 23.966 Dépôt légal 2”>« trim. 1979

lmp. du Centre, 43, avenue de la Gloire, Toulouse


fJSTITUT CATHOLIQUE DE TOULOUSE

1979
H RONIQUE

N° 3-4

1979-1980
ADRESSES
(Professeurs des Facultés et Directeurs des Ecoles)

AUTRET (Gérard), 67, rue du Cagire, 31300 Toulouse. Tél. 40-77-62.


BAREILLE, 23, rue de la Dalbade. Tél. 52-23-86.
BERGOUNIOUX O.P.M., 27, rue Adolphe-Coll, B.P. 3168, 31026 Toulouse.
BERGOUGNOUX René, Esplanade des Cordeliers, B. P 9, 46300 Gour-
don. Tél. 37-00-33.
BORIES, presbytère, 11700 Capendu. Tél. 24-10-64.
BOCQUET, 28, rue du Château, 82400 Valcnce-d’Agen.
BOUCHET (P.), avenue Lacordaire, 31078 Toulouse Cedex. Tél. 52-84-70
BOULARAND. 9, rue Monplaisir, 31400 Toulouse. Tél. 52-92-30.
BROCARD, 31, rue de la Fonderie.
BRUGUES, avenue Lacordaire, 31078 Toulouse Cedex. Tél. 52-84-70.
BUFFIERE, 31, rue de la Fonderie.
CABIE, 31, rue de la Fonderie.
CABROL, 12. rue de la République, 81000 Albi. Tél. 54-08-32.
CALMFS, 31, rue de la Fonderie.
CARATGÉ, 8, rue Périssé, 31500 Toulouse. Tél. 80-04-18.
CARLES, 31, rue de la Fonderie, ou 22, rue des Fleurs, 31068 Toulouse
Cedex. Tél. 52-03-60.
CAVALIÉ (Dr), 45, avenus de Lombez. 31300 Toulouse. Tél. 49-11-94.
CHAUVIRÉ, 9, rue des Teinturiers, 31300 Toulouse. Tél. 42-83-63.
CLAIREFOND (M ue), 31, rue de la Fcnderie.
;

COSTE, 31, rue de la Fonderie.


COURTES, avenue Lacordaire, 31078 Toulouse Cedex. Tél. 52-84-70.
CROIJZEL (H.), 22, rue des Fleurs. 31068 Toulouse Cedex, Tél. 52-C3-60.
CROUZEL (F.), 31, rue de la Fonderie.
CULLERON, 31, rue de la Fonderie.
DAGENS, 135, rue St-Genè^, 33082 Bordeaux. Tél. (56) 96-57-37.
DAGRAS, 7, rue du Lt-Col. Pé’is~isr, 31000 Toulouse. Tél. 21-44-46.
DARRABAT, 31, rue de la Fonderie
D/RTIGUES, 31, rue de la Fonderie.
DELCOR, 31. rue de la Fonderie.
DELMAS, 31, rue de la Fonderie.
DENIS, 4. rue Perchepinte, 31000 Toulouse. Tél. 53-22-85.
DUCROS (Mgr), 31, rue de la Fonderie, 31068 Toulouse Cedex.
DUTHEIL, 27, ru e Adolphe-Coll, B.P. 3168, 31027 Toulouse Cedex.
Tél. 42-84-00.
EYT, 31, rue de la Fonderie.
FABRE (Dr), 60. ouai de Tounis, 31000 Toulouse. Tél. 52-61-98
FONTAN, 31, rue de la Fonderie.
GABALDA, 31, rue de la Fonderie.
GARRIGUES, Fraternité Saint-Jean-de-Malte, 26, rue d’Italie, 13000
Aix-en-Provence.
GAUTHIER, 70, avenue de Rangueil 31400 Toulouse. Tél. 52-93-45.
GAUVREAU (Mme), 8, rue Saint-Denis, 31400. Toulouse. Tél. 52-88-78
GUITARD, 12, rue des Vases, 31000 Toulouse. Tél. 62-52-42.
GUITTARD, 31, rue de la Fonderie.
HAHN, 19. rue Gustave-Courbet, 31400 Toulouse. Tél. 52-80-04
JOSEPH, 31, rue de la Fonderie.
LEGASSE. 33, avenue Jean-Rieux. 31500 Toulouse. Tél. 80-76-92.
LEVESQUE, 31, rue de la Fonderie.
LOUYAT, 31, rue de la Fonderie.
MARCHAPOUR, 67, rue du Cagire, 31300 Toulouse. Tél. 40-77-62
MARTIMORT (Mgr), 32, rue de la Gravette, 31300 Toulouse. Tél. 42-74-78.
MALVAUX. 22, rue des Fleurs, 31068 Toulouse Cedex. Tél. 52-03-60.
Institut Catholique
DE TOULOUSE

ANNUAIRE 1979 U 980

Chèques postaux t
> 1
L’INSTITUT CATHOLIQUE DE TOULOUSE
HISTORIQUE

De l'Université médiévale à l'Institut Catholique :

« Nous avons estimé l’heure favorable, déclarent les évêques


du Sud-Ouest dans une lettre collective du 8 mars 1877, pour
relever la belle Université dont le pape Urbain V confia la garde
à St Thomas ». Le projet mûrissait depuis deux ans à Toulouse
et il allait prendre forme dans un souci bien marqué de continuité
avec l’Université médiévale fondée le 12 avril 1229 et supprimée,
avec les autres Universités françaises, par la Convention, le 15
septembre 1793.
Depuis cette date, bien des catholiques de France s’étaient
sentis dépouillés d’une mission d’enseignement qu’ils estimaient
liée à la structure même de l’Eglise. L’enseignement, tel que l’avait
organisé Napoléon Tr leur paraissait irrémédiablement entaché
,
d’esprit révolutionnaire ou de libre examen et ils avaient lutté
tout au long du dix-neuvième siècle pour reconquérir les droits
de l’Eglise, ou, du moins, sa liberté en ce domaine. La loi du
12 juillet 1875, accordant la liberté de fonder des établissements
d’enseignement supérieur en dehors du monopole universitaire
venait compléter les lois de 1833 et de 1850.
Napoléon F avait bien tenté d’organiser des Facultés de
T

Théologie mais « leur but caché en était de substituer à l’ensei


gnement des séminaires, relativement indépendant, un enseigne
ment surveillé et qui aurait pour fondement les doctrines de
l’Eglise Gallicane ». Ces facultés n’eurent guère de succès, sauf
celle de la Sorbonne, et celle de Toulouse disparut « sans avoir
été supprimée, avec son dernier professeur qui ne fut point rem
placé en 1843».

Le choix de Toulouse et les premiers pas :

A la possibilité de pouvoir enfin renouer avec une ancienne


et glorieuse tradition s’ajoute, en 1875, un sentiment d’urgence
et d’incertitude. Chacun sait la majorité favorable à la liberté
de l’enseignement condamnée. « Pour que des Universités libres
puissent exister demain, il faut qu’elles commencent d’exister
aujourd’hui», dit-on à Paris. Dès le 15 août 1875, l’archevêque
de Toulouse, Mgr Desprez, adresse aux archevêques et évêques
de la région une lettre où il annonce son intention de fonder
à Toulouse une Université libre. Paris avait déjà tenu une réunion
préparatoire le 11 août.
Au mois de septembre onze évêques ont donné une réponse
favorable assortie, il est vrai, de réserves significatives, telles
celles de l’évêque de Cahors, Mgr Grimardias : « Toulouse, par
sa situation, par son importance, par l’esprit littéraire qui la
distingue, me paraît destinée à devenir un centre d’études... Nous
sommes malheureusement peu préparés à l’enseignement supé
rieur... J’aurais donc été d’avis qu’une entente eût lieu entre j

N. S. les Archevêques pour déterminer le nombre des Universités


.

(en France), le lieu où elles auraient dû être établies, le genre


d’études qu’aurait comporté chaque université... Je voudrais l’usage
immédiat de la liberté qui nous est donné, mais un usage res
treint, bien étudié, et qui s’étendrait à proportion des succès
obtenus. »
Avec cela, un vote unanime de principe est acquis le 8 décem
bre 1875 de la part de neuf archevêques ou évêques de la région :
Toulouse, Albi, Auch, Cahors, Rodez, Montauban, Carcassonne,
Perpignan et Agen.
Une commission préparatoire est nommée pour explorer les
possibilités pratiques, qui se heurte vite à de grosses difficultés.
Le Midi toulousain n’a, comme le reconnaît Mgr Desprez en 1877,
ni implantations industrielles, ni grosses fortunes et les ressources
rurales vont en s’amenuisant depuis le milieu du siècle. Le projet
semble même mis en sommeil, tandis que Lille, Paris, Angers et
Lyon ouvrent dès 1876. A Rome même on se demande s’il n’y a
pas à envisager d’autres solutions. Une lettre de Mgr Czacki, de
la Congrégation des Etudes, à Mgr Forcade, archevêque d’Aix,
le fait remarquer : « Ayant su que, par défaut de moyens maté
riels, l’Université projetée de Toulouse ne pouvait en aucune
façon être fondée, le St Père s’est demandé si les diocèses du
Sud-Ouest de la France ne feraient pas bien de se joindre à l’Uni
versité de Lyon » (29 novembre 1876).
L’Archevêque de Toulouse n’abandonne pas le projet et, après
avoir communiqué la lettre de Mgr Czacki aux évêques de la
région, nomme, dès le 17 décembre 1876, une commission diocé
saine ou Comité Central. Ce comité est composé de prêtres
comme le P. Caussette, vicaire général, MM. Castillon, archiprêtre
de la cathédrale, Goux, curé de Saint-Sernin, Duilhé de Saint-
Projet, Albouy, fondateur de la Semaine Catholique, et de catho
liques éminents de la ville ou de la région : le sénateur de Belcas-
tel, MM. Victor d’Adhémar, Joseph du Bourg, Gironis de Floquet,
de Guillebert des Essarts, de Lespinasse de Saune, Victor de Mar-
sac, Edmond de Planet, Fernand de Rességuier et le président
Carol. Cette commission qui, en 1880, a déjà tenu deux cents
réunions, va organiser la propagande dans la région, mettre en
place une « Association des Pères de famille » et des comités
diocésains, lancer un recrutement de professeurs et négocier
Croissance et périls :

«Les résultats sont encourageants», note en 1880 le compte


rendu officiel. La nouvelle institution a su trouver des animateurs
de talent : le P. Caussette, prédicateur et auteur spirituel renommé
a, jusqu’à sa mort en 1880, bien tenu son rôle de «délégué géné
ral des évêques du Sud-Ouest ». Le chanoine Duilhé de Saint-
Projet a, dès 1875, tracé les grandes lignes d’un programme d’en
seignement couronné par une faculté de théologie. Il espère réali
ser dans les universités nouvelles, sur un terrain déblayé et sans
limites, des réformes que l’Université d’Etat réclame mais qu’elle
devra attendre jusqu’en 1896 (loi Rambaud).
Le 16 décembre 1878 est inaugurée la Faculté des lettres, le
25 novembre 1879, la Faculté de théologie. Cette même année,
on décide de créer, sur le modèle des collèges anglais, une maison
des hautes études, « destinée à garantir aux facultés un auditoire
d'élite, à préparer pour la région des professeurs gradués, à parer
à toutes les crises, à toutes les éventualités de l'avenir ». L'essai,
pour les laïcs, ne sera pas poursuivi, mais de là naîtra le Sémi
naire Léon XIII, destiné aux prêtres poursuivant des études supé
rieures.
La Faculté de droit, avec un corps professoral important
(dix à douze), compte cinquante-neuf inscrits en 1877 et quatre-
vingt-quatre en 1880, ce qui constitue pour le doyen, Saturnin
Vidal, un accroissement très substantiel. La Faculté des lettres a
cinq docteurs d'Etat et l'érudit Léonce Couture. La Faculté de
théologie s'appuie sur les Dominicains (dogme et philosophie) et
les Jésuites (morale et droit canonique) mais manque singulière
ment d'auditeurs, malgré les promesses épiscopales.
De 1880 à 1897, vont, au contraire se succéder les difficultés,
jusqu'à envisager la suppression de l'institution. Les premières
atteintes viennent de l'extérieur et de la loi Ferry du 18 mars
1880. Celle-ci prévoit que les établissements fondés en application
de la loi de 1875 n’ont pas le droit au titre d'Université. Ils choisis
sent de prendre, ou de garder, comme à Toulouse, le titre d'insti
tuts Catholiques. La seconde mesure, de portée bien plus grande,
supprime les jurys mixtes accordés à ces établissements pour la
collation des grades. Bien des familles vont s'inquiéter à la pensée
de compromettre l'avenir de leurs enfants. Ainsi la Faculté de
droit voit ses inscriptions passer de quarante-deux en 1883 à
quinze en 1886.
A l'intérieur de l'Institut, les soucis ne manquent pas : fai
blesse des ressources financières, manque de soutien régional et
vieillissement des responsables. Sur le plan matériel, la générosité
de premiers jours ne pouvait se maintenir mais les circonstances
empêchent de trouver des ressources stables car les lois laïques
ont modifié les priorités : il faut d’abord soutenir les écoles libres
et les ordres religieux et les fidèles voient d’abord les objectifs
locaux.
Le premier recteur, Mgr Lamothe-Tenet (1880-1894), nommé
à cause de ses qualités de négociateur et de ses nombreuses atta
ches avec les familles royalistes et conservatrices de la région,
manque, au dire de Mgr Desprez, de talent d'administrateur.
Malgré cela, il est décidé d'amorcer une Faculté de sciences en
1882, si bien qu'en 1885 on ne donne que deux ans de ressources
à l’Institut. L’avis des administrateurs est de fermer la Faculté
de droit, source des principales dépenses. L’assemblée des évêques
protecteurs se résigne à la suspendre le 22 juin 1886.
Le soutien des évêques laisse à désirer sur un point inattendu :
la permission donnée à de jeunes prêtres de venir se former à
Toulouse. Mgr Bourret, évêque de Rodez, l'un des plus fermes
appuis de l’Institut avant Mgr Mignot, archevêque d'Albi, s'en
explique clairement : « l faut, ou bien envoyer des élèves à l'école
1
de théologie, ou bien la supprimer... Si Von se plaint à juste titre
de la pusillanimité et del’indifférence des familles qui n’osent pas
envoyer leurs enfants à la Faculté de droit, comment blâmer
cette déplorable désertion, si on laisse périr soi-même, faute de
sujets, une école dont le recrutement dépend entièrement des
évêques ? ».
Les résultats, malgré tout, ne sont pas négligeables : l’école
des sciences a formé dix licenciés en 1887 et la Faculté des lettres
cinquante-cinq en 1889. Le diocèse de Rodez compte, en 1889,
trente docteurs ou licenciés en théologie et quinze licenciés en
lettres.
La tâche du second recteur, Mgr Duilhé de Saint-Projet (1894-
1897), n’est guère aisée malgré un équilibre financier consolidé
à partir de 1893. Son âge (72 ans) et l’âge d’autres responsables
— le Cardinal Desprez 87 ans — ne permettent pas d’envisager
de grandes initiatives. La mort du Cardinal Desprez (1895) et
surtout celle du Cardinal Bourret (1896) qui, un moment, avait
été pressenti comme archevêque de Toulouse retardent encore les
réorganisations nécessaires.
Réorganisation et rayonnement :
L’année 1896 marque donc une date importante pour l’Insti
tut. Elle voit s’effacer ou disparaître une première génération de
fondateurs et le relais passer dans une main ferme et expérimen
tée, celle de Mgr Mathieu, nouvel archevêque venu d’Angers, où
il a déjà œuvré pour l’Institut. Lors de la première rencontre
officielle (novembre 1896) tous les évêques sont présents ou repré
sentés et le nouvel archevêque assure les fonctions de recteur
provisoire. Mgr Duilhé de Saint-Projet a cessé, malade, toute acti
vité et va s’éteindre en 1897.
Un certain nombre de réformes sont esquissées : — la Faculté
des lettres est maintenue mais les élèves de 2 e année iront suivre
les cours en faculté d’Etat comme cela se faisait en sciences
depuis 1883. Les professeurs de l’Institut sont invités à modifier
le style oratoire de leurs cours et à faire porter leur effort sur
la préparation à la licence. L’étude des langues se fera en faculté
d’Etat. — Pour la Faculté de théologie, un cours d’apologétique
moderne est créé et confié à l’abbé Maisonneuve.
Le problème principal reste la nomination d’un recteur. Mgr
de Ligonnès, futur évêque de Mende et l’abbé Frémont, apologiste
bien connu, sont pressentis sans résultat. Mgr Mathieu se
tourne alors vers un historien déjà réputé malgré son jeune âge
— 38 ans — ayant des attaches dans la région, l’abbé Batiffol.
U est nommé recteur à l’unanimité le 31 mai 1898.
Les réformes sont alors reprises malgré les réticences de
certains professeurs, tels M. Couture. La gamme des licences
préparées est étendue à l’histoire et à la philosophie. De nouveaux
professeurs sont proposés : MM. Baylac, pour la philosophie et
Saltet, pour Vhistoire. Il est désormais possible de préparer h
baccalauréat de théologie, philosophie et droit canon dans les
grands séminaires et la présence à l’Institut pour la licence ou
le doctorat s’en trouve réduite d’un an...
Cet effort de rénovation n’avait pas eu le temps de porter
ses fruits que Mgr Mathieu était appelé à Rome, mais il avait
mis en place les moyens d’un rayonnement accru. Le rectorat de
Mgr Batiffol (1896-1906) correspond ainsi à une période de trou- i
ble mais aussi d’activités intenses au plan religieux pour les
catholiques de France et l’Institut. Celui-ci est intimement mêlé
à l’affaire du modernisme. Son Bulletin de Littérature Ecclésiasti
que, réorganisé en 1899, devient un instrument de recherche
réputé qui tire certains de ses numéros à deux mille exemplaires.
Les nouveaux professeurs, originaires pour beaucoup de la région,
ne sont pas tous gradués mais remportent un plein succès : ainsi
MM. Degert, Calvet, Michelet. Les pères Jésuites donnent le
P. Portalié, le P. Condamin, le P. Desnoyers... C’est d’eux et de
leur recteur que vient la réputation de l’Institut en théologie posi
tive et en histoire ecclésiastique.
Au plan du recrutement les résultats ne sont pas négligea
bles : de quarante étudiants en 1896, le Séminaire Universitaire
passe à soixante-deux en 1904. Cette année-là la Faculté de théolo
gie décerne cinquante-et-un baccalauréats de théologie, huit licen
ces et douze doctorats. L’un des buts de l’Institut semble atteint :
il fournit la plupart des cadres de l’enseignement religieux et pro
fane des Grands Séminaires, des Petits Séminaires et des écoles
secondaires de la région.
Même si des difficultés internes, des problèmes de personnes
et des questions d’orientation rendent nécessaire le départ de Mgr
Batiffol (1906), l’esprit de recherche qui est celui des professeurs
et des étudiants ne s’en trouve pas affecté et la loi de séparation
n’a pas de répercussion directe sur l’Institut.

Diversifications et perspectives récentes :


La période des origines méritait sans doute une insistance
plus grande pour en mieux faire ressortir les ombres et les lumiè
res ; ce qui suit n’est qu’une brève évocation des étapes de la vie
de l’Institut depuis la guerre 1914-1918.
Le rectorat de Mgr Breton (1908-1931) continue d’abord
l’œuvre de Mgr Batiffol mais la guerre désorganise l’enseignement
sans décourager les responsables, si bien qu’en 1918, ils décident .[ci

de fonder une Ecole Supérieure d’Agriculture, l’école de Purpan,


reconnue en 1964 Ecole d’Enseignement Supérieur. En 1926 est
aussi inaugurée une branche d’Enseignement Economique et
Social. Si le nombre des étudiants reste trop faible et menace
périodiquement la vie de telle ou telle branche (droit canon,
sciences), de grands chercheurs restent présents et actifs. Mgr
Saltet en histoire, le P. Desnoyers en Ecriture Sainte, le P. Caval-
.

t
lera en théologie positive, le chanoine Crouzil en droit canonique,
IMM. Senderens et Carrière en sciences.
Le rectorat de Mgr de Solages (1931-1964) voit l’Institut, avec
'le concours de Mgr Saliège, archevêque de Toulouse en 1928 et
Chancelier, se doter en 1932 du Séminaire Universitaire Pie XI,
hi ouvert à des étudiants non-prêtres de l’ensemble de la région. A
cette période où se dessine en France un renouveau des vocations
:sacerdotales et religieuses, où l’Action Catholique spécialisée offre
un espoir nouveau d’évangélisation, où toute une génération intel
lectuelle redécouvre la richesse de la foi chrétienne, il a semblé
utile de donner à de jeunes séminaristes les moyens spirituels et
intellectuels d’une recherche plus approfondie pour les services
les plus divers de l’Eglise régionale. Le Recteur lui-même, à côté
de son enseignement théologique et philosophique, multiplie les
contacts et les conférences et se révèle l’un des plus lucides pro
moteurs de l’Action Catholique et de la morale sociale.
Il n’est pas étonnant qu’en étant aussi proche des problèmes
de l’heure, l’Institut ait joué un rôle important de résistance intel
lectuelle durant l’occupation, rôle qui vaut à Mgr de Solages et
trois professeurs, MM. Carrière, Decahors et Salvat, une dépor
tation de onze mois en Allemagne.
Depuis la Libération, l’Institut appuyé par Mgr Saliège devenu
Cardinal, puis par Mgr Garrone, s’est efforcé de répondre à des
besoins plus larges de formation théologique, philosophique et
sociale. Il a organisé dès 1951 l’Université d’été d’Ustaritz (Col
lège Universitaire International des Pyrénées) et développé de
nombreuses sessions de vacances. En 1952, reprenant une idée
déjà évoquée en 1918, il a instauré une Ecole de Jardinières Educa-
trices et un Cycle de préparation aux Carrières féminines. Et,
: dans le secteur religieux, il a ouvert des cours théologiques pour
.

les religieuses. Avec ses neuf départements ou facultés, il a reçu


!

mille quarante cinq étudiants en 1960 et mille deux cent vingt sept
en 1961. On en compte environ cinq mille à Paris, à la même
Sldate.

Avec Mgr Ducros, recteur de 1964 à 1975, efficacement


soutenu par le futur Cardinal Garrone, puis par le Cardinal Guyot
) et, depuis sa nomination, par son coadjuteur, Mgr Collini, l’effort

i se continue et se déploie, dans le souci de répondre, selon les


t vœux du concile, aux besoins et aux attentes de notre temps.
\ C'est ainsi qu’en plus du rattachement à l’Institut Catholique du
) Centre de Formation d’Educateurs et de Formation aux Relations
humaines, ont eu lieu des créations nouvelles : l’Institut d’Etudes
<

i Religieuses et Pastorales (I.E.R.P.) est fondé


en 1969 dans le but
« de former des chrétiens responsables, capables de rendre compte
>

i de leur foi et d’être actifs dans la vie de l’Eglise » : formation


théologique, formation catéchétique, sections de jeunes et d’adul-
J
tes. Son extension est telle qu’il doit émigrer dans un immeubh
voisin. En 1970, on établit l’Année de Formation Permanente de;
Prêtres (A.F.P.) qui permet un « recyclage » sérieux des connais
sances en sciences humaines et religieuses. Ces derniers temp;
sont mis sur pied, pour les professeurs de l’enseignement catholi
que du T r et 2e degré, des Instituts de formation initiale et conti
nue. Par ailleurs les travaux de recherche dans les domaines scien
tifique, littéraire et religieux n’ont jamais été plus nombreux n
de meilleure venue.
Mgr Eyt, recteur depuis le l*r novembre 1975, soutient cei
effort et en voit déjà les fruits, comme en témoignent la « Chroni
que de l’Institut », et le «Bulletin de Littérature Ecclésiastique >

fidèle à sa réputation de revue savante et universellement


appréciée.

Clément NASTORG

N. B. — Cette notice s’appuie sur la consultation des Archives


de l’Institut, des Archives Nationales (F. 19, dossiers épiscopaux),
de la Semaine Catholique de Toulouse et de certaines archives
diocésaines comme celles de Cahors, Rodez et Albi.
ADMINISTRATION GENERALE

Au point de vue canonique, l’Institut Catholique de Toulouse est


placé sous l’autorité suprême du Saint-Siège et de NN. SS. les Arche
vêques et Evêques dont les dix-huit diocèses forment notre région
universitaire.

L'Assemblée des Archevêques et Evêques responsables comprend



les évêques des dix-huit diocèses de la région universitaire :

S. Exc. Mgr Collini, archevêque de Toulouse, président.


24, rue Perchepinte, 31073 Toulouse Cedex - Tél. (61) 52.32.01.

LL. Exc. NN. SS.:

Maziers, archevêque de Bordeaux,


76, rue Pauline-Kergomard, 33800 Bordeaux - Tél. (56) 91.81.82.
Rigaud, archevêque d’Auch,
23, rue Victor-Hugo - 32000 Auch - Tél. (62) 05.23.92.
Coffy, archevêque d’Albi,
rue de la République, 81000 Albi - Tél. (59) 54.08.32.
12,
Puech, évêque de Carcassonne,
67, rue Aimé-Ramon, 11000 Carcassonne - Tél. (68) 25.07.92.
Boudon, évêque de Mende,
avenue de la Gare, 48000 Mende - Tél. (68) 65.00.60.
Pourchet, évêque de Saint-Flour,
B. P. 10, 1, rue de la Frauze, 15000 Saint-Flour - Tél. (71) 60.11.12.
Donze, évêque de Tarbes et Lourdes.
5, place de la Préfecture, 65000 Tarbes - Tél. (96) 93.05.83.
Vincent, évêque de Bayonne,
rue des Gouverneurs, 64100 Bayonne - Tél. (59) 25.16.88.
14,

Patria, évêque de Périgueux,


14, rue Paul-Louis-Courier, 24005 Périgueux
- Tél. (53) 53.37.44,
B. P. 213.
LL. Exc. NN. SS. :

Sarrabère, évêque d’Aire et Dax,


13, rue de la Marne, 40100 Dax - Tél. (58) 74.00.21.

de Saint-Blanquat, évêque de Montauban.


6, faubourg du Moustier, 82017 Montauban - Tél. (63) 63.04.13.
Sahuquet, évêque auxiliaire de Bayonne,
Maison épiscopale, 78, avenue Trespoey, 64000 Pau -
Tél. (59)
02.66.46.

S. Em. le Cardinal Guyot, ancien archevêque de Toulouse,


36, rue Pierre-Duhem, 33000 Bordeaux.

L.L. Exc. NN. SS. :

Audrain, ancien archevêque d’Auch,


22, rue H.-de-Régnier, 78000 Versailles -
Tél. (1) 95.38.68.
Dupuy, ancien archevêque d’Albi.
Maison Saint-François-de-Salles, 69390 Vernaison.
Bellec, ancien évêque de Perpignan,
Château-l’Evêque, 24460 Agonac - Tél. (53) 54.30.73.
Johan, ancien évêque d’Agen,
Evêché, 4, rue du IV-Septembre, 47000 Agen - Tél. (58) 66.10.23.
Bézac, ancien évêque d’Aire et Dax,
Logis Saint-Jacques, route de la Tour, 24290 Montignac-sur-
Vézère.
2" La Commission permanente est composée de cinq évêques élus par
l’assemblée :
S. Exc. Mgr Collini, archevêque de Toulouse, président.
LL. Exc. NN. SS. :

Maziers, archevêque de Bordeaux,


Coffy, archevêque d’Albi,
L’Heureux, évêque de Perpignan.
Sarrabère, évêque d’Aire et Dax.

3° Le Chancelier de l’Institut Catholique est l’archevêque de Toulouse :

S. Exc. Mgr Collini.

Au point de vue civil, l’Institut Catholique de Toulouse est consti


tué sous le régime des lois des 12 juillet 1875 et 18 mars 1880, relatives
à l’enseignement supérieur, modifiées par les lois du 12 novembre 1968
et du 12 juillet 1971.

1° L’Association Duilhé de Saint-Projet:


NN. SS. les Evêques ont constitué, sous le régime des lois du
21 mars 1884 et du 12 mars 1920, une Association Duilhé de Saint-
Projet, qui est devenue propriétaire des immeubles de l’Institut Catho
lique, des Bibliothèques et des Collections. Cette Association a été
déclarée à la Mairie de Toulouse, le 15 novembre 1923. Son siège social
est à Toulouse, 31, rue de la Fonderie.
Les membres de l’Association sont NN. SS. les Archevêques et
Evêques et les Vicaires capitulaires canoniquement élus de la région
universitaire.

2° Le Conseil d’Administration :

Il a été constitué, conformément aux dispositions de la loi du


12 juillet 1875, un Conseil d’Administration chargé des rapports légaux
avec les autorités administratives, judiciaires et universitaires : MM.
Eyt, Mompha, Vacherot, Caratgé, Therme.

3" L’Association Institut Catholique de Toulouse :

A la date du 9 mai 1979 a été déclarée une Association, Loi 1901


pour assurer la gestion de l’établissement. Publiée au J. O. du 23 mai
1979. Mgr Collini, président, M. Caratgé, trésorier, P. Therme, secré
taire.
DIRECTION, ADMINISTRATION
ORGANISMES UNIVERSITAIRES

Recteur :

Mgr Pierre Eyt, Prélat de Sa Sainteté.


M. le Recteur reçoit sur rendez-vous, s’adresser au secrétariat.

Secrétaire général :

M. Jean Mompha, P.S.S.

Délégations :

Administration et gestion :
M. Jean Caratgé, M. Jacques Vacherot, Mme Simone Bernis.

Questions juridiques, Chancellerie, Archives :


P. Marie-Antonin Therme, M,le Marie-Thérèse Moulas.

Bureau du Conseil d'établissement

— Le Recteur.
— Le Secrétaire général.
— Les Président des commissions : P. René Coste, P. Marie-Antonin
Therme, M. Fernand Crouzel.
— Les trois membres élus par le Conseil d’établissement : P. Michel
Dutheil, M. Jacques Vacherot, N.

Conseil d'établissement :
— Le Recteur.
— Le Secrétaire général.
— Les Présidents des Commissions.

— Facultés :
Théologie : P. Dutheil, doyen et P. Mourier.
Droit canonique : M. Passicos, et P. Bouchet.
Philosophie : P. Courtes, doyen et M. Dartigues.
Lettres M. Buffière, doyen et M. Delmas.
:
Sciences : M. Guittard, doyen et M. Crouzel.

— Organismes intégrés :
I.E.R.P. : M. Bareille.
A.F.P. : M. Rigal.
S.A.V.l.C. : M. Ricart.

— Organisme associés :
E.S.A.P. : P. Pinsdez et M. Cassagnes.
Ecole d’Educateurs de Jeunes Enfants : M,le Saquet et Mme Jala-
bert.
l.D.E.S.T. : M. Hahn et M llc Clairefond.
Centre de Formation d’Educateurs : Mm0 Texier et M"10 Pécoult.
C.F.P. : Sœur Pomarede.
l.F.P. : Sœur Marie-Bernard et M. Vacherot.
I.F.P.C. : M. Viel, M. Delmas.
S.M.E.B. : M. Monloubou.
Collège d’Occitanie : M. Nègre.
C.E.T.A.S. : M" 0 Massacrier.

— Divers responsables :
Le responsable du Séminaire Pie XI : M. Mompha.
Le responsable du Foyer Léon XIII : M. Coste.
Le responsable des étudiants : M. Lévesque.
Le conservateur de la Bibliothèque : Mgr Martimort.
Le responsable de l’Institut de Musique sacrée : Philippe Bachet.
Le responsable du Centre d’Etudes Africaines.

Commissions du Conseil d'Etablissement

— Commission d’animation universitaire :


Président : P. Coste.
Membres : P. Courtes, M. Delmas, M. Monloubou, N.

— Commission des questions juridiques et du personnel :


Président : P. Therme.
Membres : Sœur Marie-Elise, M™ Bernis, M. Mourier, M. Pin.

— Commission des finances :


Président : M. Crouzel F.
Membres : M. Darrabat, P. Lévesque, P. Nastorg, M. Vacherot.
SERVICES CENTRAUX
ET
SERVICES GENERAUX
31, rue de la Fonderie, 31068 TOULOUSE CEDEX
Tél. (61) 52-62-35

Accueil, standard téléphonique, courrier :


M II1B Jean-Claude Roux.
La réception est fermée le samedi après-midi, le dimanche et les
jours fériés.

Secrétariat universitaire :
M IUî Marie-Thérèse Moulas.

Secrétariat administratif :

M II1U Simone Bernis.


Le secrétariat est ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à 17 h, tous
les jours, sauf le samedi, le dimanche et les jours fériés.

Relations avec l'étranger :


M. l’abbé Yves Denis.

Travaux d'entretien :

M. Jean Nadal.

Jardin et Atelier :

M. Guy Casarsa.

Entretien et service :
Mme Carmen Eloségui, M‘“u Thérèse Talayrach.
SEMINAIRE UNIVERSITAIRE PIE XI ET FOYER LEON XIII

Cuisine :
M. Denis Traverse, M‘" e Mireille Larose.

Travaux d'entretien :
M. Simon Cazaban.

Entretien et service :

M"e Paule Bornarel, M. Jean Danflous, M" ,e Antonia Gay.

Renseignements complémentaires : page 55.


BIBLIOTHEQUE

Conservateur :
Mgr Martimort.

Bibliothécaires adjointes :
M Du Bourg, Sœur A.-D. Rinckwald.
110

Commis de bibliothèque :
M. Bergez.

Conseil de la Bibliothèque :
Président : M. le Recteur.

Membres : P. Dutheil, représentant


de la Faculté de Théologie ;
P. Therme, représentant de la Faculté de Droit canonique ;
P. Courtes, représentant de la Faculté de Philosophie ;
M. Buffière, représentant de la Faculté libre des Lettres ;
Guittard, représentant de l’Ecole supérieure des Sciences.
Secrétaire : Mgr Martimort.

*
* *

La bibliothèque de l’Institut Catholique est ouverte aux professeurs,


aux étudiants régulièrement inscrits et aux abonnés agréés, l’après-
midi, de 14 h. à 18 h., du 1 er octobre au 30 juin, à l’exception des
dimanches et jours fériés. Du I*r juillet au 31 juillet et du I er septembre
au 30 septembre, la bibliothèque est ouverte le mardi et le jeudi.
Elle est fermée tout le mois d’août. Aux autres vacances, des jours
de permanences sont annoncés par une affiche spéciale.

Elle comprend environ 150.000 volumes, groupés en divers fonds,


dont certains sont particulièrement riches, spécialement les fonds de
littérature française et de littérature anglaise du xix e siècle, de patris-
tique, de l’histoire du jansénisme, de bibliographie et d’histoire.
Ces collections se sont accrues sans cesse, grâce à des dons et legs
très importants, rappelant les noms de professeurs de l’Institut Catho
lique (Léonce Couture, Jacques Thomas, Duilhé de Saint-Projet, Supplicy,
Desnoyers, Monbrun, Trilhe, Rascol, Delaruelle, Griffe) ou de bienfai
teurs toulousains (Laportalière, Dupin, Espie, Paul Thomas, Jacques
Bergès).
La bibliothèque est dotée d’une salle de consultation, comportant
environ 5.000 ouvrages de référence : dictionnaires, bibliographies,
revues usuelles, grandes collections. Une trentaine de lecteurs peuvent
y travailler simultanément et y trouver les renseignements dont ils
ont besoin pour leurs recherches.
Enfin la bibliothèque reçoit régulièrement 210 périodiques.
RELATIONS AVEC LES DIOCESES

Délégué de l'Institut Catholique : M. Louis Monloubou.

Délégués diocésains :

Aire et Dax :M. Michel Vielle, Villa « Arrayade », place de Born,


40990 Saint-Paul-les-Dax.
Agen : M. Bellino Ghirard, Cité Paroissiale, 47200 Marmande.
Albi M. Assemat, Evêché, 12, rue de la République, 81000 Albi.
:

Auch : M. Jean Marcadet, 13, rue du Docteur-Samalens, 32000 Auch.


Bayonne : M. André Dupleix, Grand Séminaire, 6, avenue Darrigrand,
64100 Bayonne.
Bordeaux : M. Claude Dagens, 135, rue Saint-Genès, 33082 Bordeaux
Cedex.
Cahors : M. Félix Rausières, Presbytère, 46500 Gramat.
Carcassonne : M. Jacques Vacherot, 103, rue Trivalle, 11000 Carcas
sonne.
Mende : N...
Montauban : M. Etienne, 1, allées de Mortarieu, 82017 Montauban,
I M. Georges Passerat, 5, rue Louis-Braille, 82000 Montauban.
Pamiers : M. Peyrat, B. P. 5, 09100 Pamiers.
Périgueux : M. Briquet, vicaire général, 22, rue Paul-Louis-Courier, B. P.
213, 24005 Périgueux.
Perpignan: M. Rezungles, 70, avenue de Rangueil, 31400 Toulouse.
Rodez: M. Barbe, évêché, 1, rue Frayssinous, 12000 Rodez.
Saint-Flour : M. Roger Meindre, passage Pierre-Dessauret, 15100 Saint-
Flour.
Tarbes: M. Lalaque, Maison des Chapelains, rue de la Forêt, 65100
Lourdes.
Toulouse: M. Daniel Busato, 11, rue Sainte-Anne, 31000 Toulouse.
Tulle: M. François Orfeuil, 18, place des Anciens Combattants, 19300
Égletons.
HONORARIAT

Recteurs honoraires

Mgr Bruno de Solages, C. docteur en théologie, docteur


en droit canonique, licencié ès lettres, docteur honoris causa de l’Uni
versité de Montréal, protonotaire apostolique ad instar participantium,
chanoine d’honneur de Toulouse, d’Albi et de Rodez, mainteneur de
l’Académie des Jeux Floraux, ancien membre du Conseil Supérieur
de l’Education Nationale et ancien vice-président des Semaines sociales
de France. Recteur de 1931 à 1954.

Mgr Xavier Dijcros, docteur en théologie, licencié ès sciences


bibliques, licencié ès lettres, Prélat de Sa Sainteté, chanoine honoraire
de Toulouse, mainteneur de l’Académie des Jeux Floraux, membre
de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse.
Recteur de 1984 à 1975.
Faculté des Lettres

Doyen honoraire : P. Noël Richard, A.A., docteur ès lettres.


Professeurs honoraires : M. Pierre Gabalda, licencié ès lettres ;
M. Jean Mazières, diplômé d’études supérieures des langues et littéra
tures classiques, docteur ès lettres, lauréat de l’Académie française,
membre du Conseil d’administration de la Société des Lettres, Sciences
et Arts « La Haute-Auvergne », membre de l’Académie des Sciences,
Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, chanoine honoraire de Saint-
Flour.
M. Ernest Nègre, docteur ès lettres, chanoine honoraire d’Albi,
directeur de la revue trimestrielle « Gai Saber ».

Ecole Supérieure des Sciences

Doyens honoraires : P. André Bergounioux, O.F.M., docteur ès


sciences, membre de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-
Lettres de Toulouse.
P. Jules Carles, S.J., £, docteur ès sciences, docteur ès lettres,
docteur en philosophie scolastique, membre de l’Académie des Sciences,
Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, membre de l’Académie des
Sciences de New-York.
Professeurs honoraires : M. Henri Louyat, O. diplômé d’études
supérieures de mathématiques, chanoine honoraire de Bayonne, direc
teur de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Tou
louse, membre de l’Académie du Béarn de Pau, président de la Société
d’astronomie des Pyrénées-Occidentales de Pau.
M. René de Naurois, r$' O. docteur ès sciences, licencié en
,
théologie, licencié en philosophie scolastique, licencié ès lettres, mem
bre correspondant du Muséum.
M. Fernand Rivenq, docteur ès sciences.
ENSEIGNEMENT

L’Institut Catholique de Toulouse comprend :


— les Facultés de sciences religieuses dites Facultés canoniques (Théo
logie, Droit canonique, Philosophie),
—• la Faculté libre des Lettres et Sciences humaines,
— l’Ecole supérieure des Sciences et les laboratoires.
Des Ecoles, Centres, Instituts lui sont intégrés ou associés :

— l’Ecole Supérieure d’Agriculture de Purpan (E.S.A.P.),


— l’Institut d’Etudes Religieuses et Pastorales (I.E.R.P.),
— l’Année de Formation Permanente des Prêtres (A.F.P.),
— le Service Monastique d’Enseignement Biblique (S.M.E.B.),
— le Collège d’Occitanie,
— l’Ecole d’Educateurs de Jeunes enfants,
— l’Institut d’Etudes Sociales de Toulouse (I.D.E.S.T.),
— le Centre de Formation d’Educateurs et de Formation aux relations
humaines.
— le Centre de Formation Pédagogique du l Rr degré (C.F.P.),
— les Instituts de Formation Pédagogique initiale et continue du 2,mB
degré (I.F.P., I.F.P.C.).
— le Centre d’Etudes des Techniques Administratives et du Secréta
riat (C.E.T.A.S.),
— le Service audio-visuel de l’Institut Catholique (S.A.V.I.C.).

La Faculté de Théologie organise un enseignement supérieur des


langues sémitiques.

D’autres activités sont indiquées en leur lieu par l’annuaire.


Les Facultés de sciences religieuses donnent les grades pontifi
caux : licence (1 er grade canonique), maîtrise (2 rae grade), doctorat (3 m ®

grade).
La Faculté libre des Lettres et l’Ecole Supérieure des Sciences
préparent aux grades d’Etat. Elles assurent également la direction de
diplômes d’études supérieures et de thèses de doctorat.
Les autres organismes préparent des diplômes correspondant à
l’enseignement qu’ils donnent comme il est indiqué pour chaque cas.
FACULTE DE THEOLOGIE

La Faculté de Théologie est la continuatrice de la Faculté de


Théologie créée à Toulouse en 1229 par le pape Grégoire IX dans le
but d’être un foyer de doctrine dans toute la région.
Elle a un triple but :
1) Un but de recherche et d’approfondissement dans tout ce qui
touche au domaine de la Foi.
2) Un but d’enseignement et de formation dans ce même domaine,
enseignement s’adressant à des futurs prêtres, à des religieuses et aussi
à des laïcs, et visant à former de futurs chercheurs, des pasteurs qua
lifiés, des animateurs intellectuels.
3) Un but d’accompagnement théologique et de rayonnement intel
lectuel au profit des régions de Toulouse et de Bordeaux.
Du point de vue de l'enseignement, elle comporte depuis 1969 un
double cycle de théologie, l’un qui dure trois ans, pendant lequel
tout l’ensemble ties traités est méthodiquement étudié, est couronné par
la licence en théologie (1 er grade canonique). L’autre qui dure deux ans,
pendant lequel les étudiants sont invités au travail scientifique avec
plus de spécialisation et d’approfondissement, est couronné par le
diplôme de « maîtrise » (2 me grade canonique), moyennant lequel une
thèse de doctorat (3me grade canonique) peut être préparée et soutenue.

Doyen : P. Dutheil, O.F.M.


Secrétaire : M. Monloubou, P.S.S.
Théologie fondamentale (chaire Lasvigne) : M. Pierre Eyt, recteur,
professeur, docteur en théologie.
P. Jean-Louis Bruguès, chargé d’enseignement, licencié en théolo
gie, D.E.S. droit, diplômé de l’Institut d’études politiques, licencié ès
sciences économiques.
Théologie dogmatique : M. Joseph Levesque, P.S.S., chargé d’en
seignement, licencié en théologie.
P. Jean-Pierre Pin, A.A., chargé d’enseignement, licencié en théo
logie et docteur ès sciences religieuses.
M. Michel Dagras, maître de conférences, docteur en théologie,
licencié en philosophie scolastique.
M. Claude Dagens, maître de conférences, docteur en théologie,
ancien élève de l’école normale supérieure, docteur ès lettres, agrégé
de l’université, ancien membre de l’école française de Rome.
P.Jean-Miguel Garrigues, O.P., chargé d’enseignement, docteur en
théologie.

Théologie positive : P. Henri Crouzel, S.J., professeur, docteur en


théologie, docteur ès lettres, licencié en philosophie scolastique, pro
fesseur invité à l’Université Grégorienne de Rome, à l’Institut Pontifical
Augustinianum et à l’Institut Pontifical Oriental.

Théologie sacramentaire : M. Robert Cabié, maître de conférences,


docteur en théologie, licencié ès lettres, licencié en philosophie scolas
tique.

Théologie morale personnelle : M. Jean Mourier, P.S.S., maître de


conférences, docteur en théologie.

Théologie morale collective ( politique, économique, sociale, cultu


relle) : M. René Coste, P.S.S., professeur, docteur en théologie, docteur
en droit canonique, docteur en droit.
M. Jean Chauviré, P.S.S., chargé d’enseignement, licencié en théo
logie, supérieur du Séminaire régional (2 e cycle).

Ecriture sainte :

Ancien Testament (chaire Jean-Baptiste-Léon Bafïat) :


M. Mathias Delcor, professeur, docteur en théologie, licencié ès
sciences bibliques, diplômé de langues sémitiques, docteur ès lettres,
ancien pensionnaire de l’Institut de France à l’Ecole biblique de Jéru
salem, ancien élève de l’Ecole pratique des Hautes Etudes, membre
correspondant de la Commission supérieure des monuments historiques
(antiquités et objets d’art pour le département des Pyrénées-Orientales),
membre de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de
Toulouse, membre correspondant de la Real Academia de Buenas Letras
de Barcelone.
M. Louis Monloubou, P.S.S., maître de conférences, docteur en
théologie, licencié ès sciences bibliques.
P. Alain Marchadour, A.A., chargé d’enseignement, licencié en
théologie, licencié ès sciences bibliques, ancien élève de l’Ecole biblique
de Jérusalem.

Nouveau Testament : P. Simon Légasse, O.F.M. Cap., professeur,


licencié en théologie, docteur ès sciences bibliques, élève titulaire de
l’Ecole biblique de Jérusalem.
P. Michel Dutheil, O.F.M., doyen, maître de conférences, licencié
en théologie et docteur ès sciences religieuses, élève titulaire de l’Ecole
biblique de Jérusalem.
Langues bibliques et sémitiques :
Grec biblique : P. Marchadour.
Hébreu : M. Delcor, M. Monloubou.
Autres langues : voir page 27.

Histoire ecclésiastique : M. Marcel Bories, chargé d’enseignement,


licencié en théologie, licencié ès lettres.

Histoire : M. Clément Nastorg, chargé d’enseignement, maîtrise


ès lettres.

Droit canonique : P. Marie-Antonin Therme, chargé de cours.

Histoire de la liturgie : Mgr Aimé-Georges Martimort, professeur,


conservateur de la bibliothèque, docteur en théologie, docteur ès lettres,
prélat de Sa Sainteté, chanoine de Toulouse, chanoine honoraire de
Chartres et Carcassonne, consulteur de la Congrégation pour les sacre
ments et le culte divin, associé correspondant national de la Société
des Antiquaires de France.

Archéologie chrétienne : Mgr Martimort.

Chargés de recherche : M. Michel Vielle, docteur en théologie,


docteur du III me Cycle en philosophie, licencié en philosophie scolas
tique ; Jean Rigal, maîtrise en théologie.

Attachés de recherche : François-Dominique Boespflug, O.P., maî


trise en théologie, licencié en philosophie scolastique.
André Dupleix, maîtrise en théologie.
Roger Lapinski, maîtrise en théologie.
Jean-Marie Miquel, maîtrise en théologie.
François Orfeuil, licencié en philosophie scolastique, licencié en
théologie, licencié ès-sciences mathématiques.
ENSEIGNEMENT DU 2rae CYCLE
'ours d’options (Licence B) :

:f. le programme de l’I.E.R.P.


:f. le programme de la Faculté de Philosophie.

ENSEIGNEMENT DU 3me CYCLE


(Séminaires préparatoires à la maîtrise en théologie)

.ncien Testament M. Delcor


L’eschatologie individuelle dans la littérature
apocryphe et pseudépigraphique de l’Ancien
Testament.
Jouveau Testament S. Légasse
L’enseignement du IV e Évangile sur l’homme
après la mort.
'atristique H. Crouzel
Les rapports de la foi et de la culture chez
Philon le Juif et les Pères Alexandrins.
.iturgie G.-A. Martimort
Le sacrement de l’ordre et les ministères dans
la tradition liturgique de l’Orient et de l’Oc
cident.
'héologie fondamentale F.-D. Boesflug
Recherches contemporaines sur la fonction, la
structure et le langage de la confession de
foi.
"héologie morale ;
R. Coste
Les Béatitudes évangéliques. La voie chrétienne
dans la société des hommes.

ENSEIGNEMENT SUPERIEUR DES LANGUES SEMITIQUES

Epigraphie sémitique (ugaritique, phénicien, punique) : M. Mathias


Delcor.
Hébreu : M. Mathias Delcor ;
M. Louis Monloubou.
Araméen : M. Mathias Delcor ;
P. Simon Légasse.
Syriaque : P. Simon Légasse.
Ethiopien : M. Mathias Delcor ;
P. Simon Légasse.
SESSIONS DE TRAVAIL THEOLOGIQUE L

SESSION EVEQUES-PROFESSEURS

La session théologique traditionnelle assurée par des professeui


et chercheurs de l’Institut Catholique a lieu désormais tous les deu
ans au mois de février pour les évêques du ressort académique t
leurs collaborateurs immédiats.
La prochaine session se tiendra en 1980.
Responsables : Mgr Coffy, Mgr Eyt.

GROUPE INTERDISCIPLINAIRE DE RECHERCHE THEOLOGIQUE


(G. I. R. T.)

Le groupe a pour but de susciter et d’accompagner le trava


intellectuel des prêtres dans le ressort académique de notre Institi
Catholique. In

Il est tout particulièrement destiné aux animateurs diocésains d


la Formation permanente, en collaboration étroite avec les Responsr
blés régionaux.
Il est ouvert aussi aux laïcs et religieuses qui souhaiteraient u
travail approfondi.
Thème de l’année 1979-1980 : Démarche catéchuménale à Voccasio
de la demande des sacrements.
Trois sessions : 15-16 novembre 1979 ; 14-15 février et 24-25 avr
1980.
Responsable : R. Coste.

GROUPES DE RECHERCHE

Les Groupes de Recherche sont des groupes de travail sur de


thèmes précis constitués à l’initiative d’enseignants de la Facult
de théologie, de la Faculté de droit canonique, de la Faculté de philc
sophie et de l’Institut d’Etudes religieuses et pastorales.
Ils sont ouverts à tous les collègues de l’Institut Catholique et
tous les doctorands. Chaque groupe peut inviter des personnes exté
rieures.
Coordonnateur : P. Coste.
LES GRANDES CONFERENCES DE LA SALLE « TOLOSA »

Responsable : P. Coste

PROGRAMME PROVISOIRE
THEOLOGIE ET TROISIEME AGE
3L rue de la Fonderie, 31068 Toulouse

Désireux de répondre aux différents appels de notre temps, l’In


titut Catholique a ouvert en 1974 une section nouvelle. Elle est spécial!
ment destinée aux personnes en âge de la retraite ou de la préretrait
disposant d’un temps suffisant pour s’appliquer à une réflexion chr<
tienne, dans le désir de mieux comprendre l’évolution actuelle et le
orientations nouvelles de l’Eglise, tout en approfondissant leur foi.
Le programme et les méthodes de ce recyclage spirituel et rel
gieux sont élaborés par un comité de laïcs. Les professeurs des faculté
et de l’I.E.R.P. apportent leur concours.
Thème retenu pour l’année 1979-1980 : Commentaire du Credo.

Responsable : M. Jean Mompha.


I '
INSTITUT D’ETUDES RELIGIEUSES ET PASTORALES
(I.E.R.P.)
23, rue de la Dalbade - Tél. (61) 52.23.86
Directeur : M. Louis Bareille
diplômé de l’I.S.P.C. (1)

L’Institut d’Etudes Religieuses et Pastorales de Toulouse pour


a
but de former des chrétiens responsables, capables de rendre compte
de leur foi aujourd’hui, et d’être actifs dans les secteurs divers de
la vie ecclésiale.
Ces buts, distincts mais complémentaires, peuvent se résumer
ainsi :
1) Permettre à ces chrétiens de clarifier des problèmes de foi
contemporaine, en accédant à une réelle culture théologique.
2) Réfléchir aux exigences d’une vie apostolique et de la commu
nication de la Foi aujourd’hui, ainsi qu’aux engagements précis, ou
moins définis, qui en découlent.
L’I.E.R.P. est ainsi ouvert aux chrétiens désireux d’une formation
en vue d’une nouvelle manière de vivre et d’agir.

ANIMATION ET CORPS ENSEIGNANT

J. Abadie, maîtrise en sociologie.


H. Augé, aumônier Lycée Bellevue.
G. Autret, membre du Centre d’échanges et de rencontres psycho-socio
logiques (C.E.R.E.T.).
L. Bareille, diplômé de l’I.S.P.C.
A. Ben, diplômé de l’I.S.P.C.
R. Bergougnoux, techniques audio-visuelles.
D.-J. Coll, diplômé de l’I.S.P.C.
A. Dartigues, licencié en théologie, diplômé d’études supérieures de
philosophie.
B. Devaux, maîtrise en psychologie.
M. Dutheil, doyen de la Faculté de théologie.
P. Eyt, docteur en théologie, recteur de l’Institut Catholique.

(1) Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique.


M.-C. Roques, doctorat en médecine, licence en théologie.
F. Schill, diplômée éducation spécialisée, diplômée de l’I.E.R.P.
R. Velut, licenciée ès lettres, diplômée de l’Institut de psychologie de
l’Université de Paris.
J. Vernette, licencié en philosophie scolastique, docteur en théologie.

RESPONSABLES DES SERVICES

Attachée de direction :
G. Poisson, licenciée en Enseignement religieux, jardinière-éducatrice
diplômée.
Bibliothécaire :
A.-D. Rinckwald, licenciée ès lettres, documentaliste.
Secrétaire :
M.-C. Castanet.

A.— PREPARATION DES DIPLOMES UNIVERSITAIRES.

La préparation des diplômes universitaires suppose le choix


— durant 2 ans — d’un certain nombre d’Unitésl de valeur choisies
dans les Axes de réflexion 1, 2 et 3.
1) Approfondissement de la Foi,
2) Connaissance de l’homme et du monde,
3) Agir de l’Eglise et annonce de la Foi.

en accord avec un Directeur d'Etudes.


1°) Le Diplôme universitaire d’Etudes doctrinales (D.U.E.D.) :
sanctionne une formation théologique de base (10 U.V. annuelles, durant
2 ans au moins ; les études peuvent aussi être réparties sur 3 ou 4
années) proposées à des chrétiens — laïcs, religieux — qui peuvent
aborder des études au niveau universitaire (1).
On peut prévoir de préparer le D.U.E.D. sans envisager de spécia
lisation (D.U.P.C.) ; en revanche on ne peut préparer le D.U.P.C. ou
le D.U.E.D.A. sans avoir obtenu ou sans préparer le D.U.E.D.
Les cours ou séminaires préparant au D.U.E.D. sont regroupés
dans la mesure du possible les lundi et mardi.

2°) Le Diplôme universitaire de Pastorale catéchétique (D.U.P.C.) :


sanctionne la préparation à leur tâche future de chrétiens désireux
d’assumer des services — notamment celui de la Parole de Dieu —
dans l’Eglise (8 U. V. annuelles, durant 2 ans).
Ces chrétiens seront participants actifs au sein de groupes ecclé
siaux, responsables à des niveaux divers de l’éveil à la Foi d’adultes
en recherche, d’adolescents, d’enfants, animateurs de la pastorale caté
chétique dans des secteurs urbains ou ruraux, dans des établissements
scolaires.

La base indispensable de la formation est l’engagement


apostolique (pris en « stage » à TOULOUSE ou vécu dans le
lieu habituel de résidence) à partir duquel peut naître la
réflexion personnelle et commune, éclairée par l’expérience
antérieure, approfondie dans les divers cours, groupes d’étude,
sessions, exprimée dans des travaux individuels et collectifs.
Les T. P., ateliers, groupes de réflexion, cours, etc... sont regroupés
dans la mesure du possible les mercredi et jeudi.

3°) Les cours du vendredi regroupent des prêtres, religieux, laïcs,


engagés dans l’action pastorale mais soucieux de réajuster la formation
de base acquise antérieurement.
Si cette réflexion, limitée dans le temps, ne peut avoir l’ampleur
de 1’ « Année de Formation Permanente » offerte aux Prêtres par l’Ins
titut Catholique, elle représente cependant un recyclage très apprécié
qui peut se répéter durant 2, 3 ans ou plus (séances de travail regrou
pées le vendredi de 10 heures à 16 heures).

(1) Cette formation est accessible & des étudiants réguliers mais aussi À des
auditeurs libres.
Pour 1979 - 1980 les thèmes d’études retenus sont indiqués
ci-dessous.
Les activités du vendredi sont coordonnées par Louis Bareille et
Françoise Schill.

CONDITIONS D’ADMISSION

1) Les personnes intéressées par l’I.E.R.P. doivent posséder:


— une certaine culture humaine et religieuse,
— une réelle maturité,
— une expérience apostolique préalable,
— ouverture et capacité de réflexion (le diplôme du baccalauréat
est souhaité).
2) Un entretien avec le Directeur de l’I.E.R.P. est indispensable. Aussi
aucune inscription ne peut-elle se faire par simple avis ou per
sonne interposée.
Si vous avez entre 25 et 50 ans, l’I.E.R.P. peut vous intéresser.

PROPOSITIONS DE FORMATION

PROPOSITIONS A

Clés pour approfondir l’expérience chrétienne.


Axe 1
-
Connaître l’homme et le monde.
Axe 2 - Approfondir la foi.
Axe 3 - Agir de l’Eglise, annoncer la foi.

Séminaires et sessions.

PROPOSITIONS B

Formation permanente.
Formation en week-end.
Formation des enseignants et éducateurs.
PROPOSITIONS A
L. Lachièze-Rey
Pédagogies de la Foi et Action de VÊglise -
UV 33 :

331 - « Réflexion pastorale et pédagogie ADO


LESCENCE » H. Augé
Toute l’année, tous les 15 jours, le jeudi
matin de 10 h à 12 h, alterné avec 322 et
323.
332 - « Réflexion pastorale et pédagogique PRE
ADOLESCENCE » H. Ollier
Toute l’année, tous les 15 jours, le jeudi
matin de 10 à 12 h, alterné avec 322 et 323.
333 - « Réflexion pastorale et pédagogique EN
FANCE » M.-T. Mathieu
Toute l’année, tous les 15 jours, le ven
dredi de 9 h 30 à 11 h 30 (alterné au 2 e
semestre avec 235, le matin).
334 - « La marginalité, produit des sociétés
contemporaines » J. Laussel
A partir de notre expérience et de notre
recherche, comment approfondir ?
Le jeudi (ou peut-être le mardi à décider
avec les participants) de 17 h à 19 h, tous
les 15 jours, de décembre à mai.
335 - «Communiquer avec nos enfants» M. de Vals
(jusqu’à 6 ans).
En soirée, une fois par mois (sur 2 ans),
groupe déjà constitué.
Langage audio-visuel - UV 34 :
Au service audio-visuel de l’Institut Catholique.
342 - « Expression de la Foi et langage audio
visuel » R. Bergougnoux
Toute l’année, une fois par mois, le jeudi
de 17 h à 22 h.

CONVERGENCE

« Confrontation des questions et des conditions de l’existence au


langage théorique ». De janvier à mai (jour et heure à fixer).

SEMINAIRE
Ce lieu de recherche appliquée qui voudrait passer par une appro
che pastorale, s’adresse à des personnes présentant un minimum de
formation : étudiants de 2 e année, personnes motivées par ce type de
recherche, « anciens » de l’I.E.R.P.
« Recherche historique sur l’éducation chré
tienne par les catéchismes, dans la région ». J.-P. Pin
(Groupe déjà constitué).
PROPOSITION B

Formation permanente :

Formation des Enseignants et Educateurs :


Section C. F. P B. Ricart
Section Jeunes Enseignants et Educateurs. F. Schill
G. Villeneuve
G. Poisson
ANNÉE DE FORMATION POUR LES PRÊTRES
ET LES RELIGIEUX

31, rue de la Fonderie, 31068 Toulouse Cedex


Responsable : Jean Rigal

Destinataire : Prêtres et religieux « situés », c’est-à-dire en activité


apostolique dans un secteur pastoral donné, géographique ou socio-
logique.
Durée : L’année débute le 10 octobre et se termine à la mi-juin.
Elle suit le rythme universitaire et implique une présence à Toulouse,
chaque semaine, du lundi 9 heures au vendredi 16 heures, sauf aux
périodes de vacances.

BUTS :
Permettre aux participants de se refaire à tous les plans : intellec
tuel, spirituel, pastoral...
La formation sera aussi personnalisée que possible. La plupart
des enseignements auront lieu dans le cadre de la Faculté de Théologie
ou de l’Institut d’Études Religieuses et Pastorales (LE.R.P.) dans des
groupes diversifiés où s’interpellent mutuellement laïcs, religieux, reli
gieuses, séminaristes, prêtres.

1) Rénover et approfondir les connaissances.


L’attention est attirée sur trois axes fondamentaux :
— la condition de l’homme dans le monde aujourd’hui (dans l’es
prit de Gaudium et Spes),
— la foi et la Parole de Dieu,
— l’Église et l’agir pastoral.
2) Réfléchir sur les exigences de la pastorale aujourd’hui.

— en référence aux diverses situations de l’homme contemporain,


— à partir d’un bilan de l’expérience de chacun,
— en précisant les moyens et les orientations de la pastorale
aujourd’hui.

3) S’alimenter spirituellement.

— par une vie fraternelle (vie commune sur place, repas, loisirs),
— par un ressourcement biblique, notamment par une « lecture
pastorale » de l’Écriture, en plus des cours d’Écriture Sainte,
— par la prière commune (célébration de la Parole, de l’Eucha
ristie, récollections).
MOYENS :

1) Des cours et des travaux dirigés à la faculté de théologie et à


l’I.E.R.P. : théologie, Écriture Sainte, sciences humaines.
2) Un temps de reprise hebdomadaire, propre à l’A.F.P. durant
toute la journée du mercredi. Animée par le responsable et des spécia
listes de diverses disciplines, cette journée sera consacrée :

— à un approfondissement des questions soulevées par le groupe,


— à une réflexion sur l’expérience pastorale ou sur des problèmes
de vie,
ê — à une reprise « pastorale » des cours,
SK
— à une formation à la vie de groupe et à la conduite des réunions,
— à l’organisation de la vie communautaire.
B-jÉ

É 3) Des travaux d'équipes. Ils ont pour but :


Ufl
— de dresser un inventaire des questions à étudier,
— de préparer les rencontres du mercredi,
— de reprendre les cours au niveau des implications pastorales,
— de provoquer une interpellation mutuelle.
4) Un travail personnel à partir de lectures et de l’expérience pas
torale (rencontre de personnes, de groupes ou de milieux)...
Mu 5) Un éventuel séjour de 10 jours en Terre Sainte.
USÉ

— 41 —
— des pistes de recherche personnelle : un jeu d’astérisques dis
tingue les questions faciles des problèmes plus ardus ;
— des indications bibliographiques.
Répondant à un besoin largement ressenti, ces JALONS touchent
actuellement plus de 200 monastères francophones de tous ordres, sans
compter prêtres, religieux et religieuses de la vie apostolique. Ils sont
répandus dans les pays francophones d’Afrique et d’Amérique du Nord,
dans tous les pays d’Europe de l’Ouest et plusieurs de l’Europe de
l’Est, l’Amérique latine et l’Extrême-Orient.
Les JALONS sont traduits en anglais, par Fr. Cornélius Justice,
Mount Mellerey Abbey, Cappoquin ; Co. Waterford, Irlande et attei
gnent 80 monastères d’Angleterre, d’Irlande, d’Amérique du Nord,
d’Afrique, de Nouvelle-Zélande et d’Australie. Ils sont aussi traduits en
espagnol et en portugais.
ait' 3° — DES COURS PAR CORRESPONDANCE.
A. — Des cours de formation biblique sont offerts à deux publics
que distinguent leurs désirs et leurs possibilités.
Un premier type d’études est proposé aux moniales qui désirent
lie.,
une formation plus poussée pour le service de leur communauté.
Adapté de cette formule, un deuxième type de cours, le C.Bi.C. est
jj[j|
proposé à ceux et celles qui cherchent une formation biblique pour un
meilleur service de leur communauté chrétienne ou pour un légitime
enrichissement personnel.
Les deux systèmes supposent une étude que chacun accomplit,
guidé par des indications de travail et par la correction d’exercices
pratiques.
Deux formules sont proposées par le C.Bi.C. La formule A s’adresse
Me aux débutants ; la formule B à ceux qui souhaitent une formation
m plus poussée. La première (A) fait parcourir la Bible en 4 ans, au
Ri rythme annuel de 6 devoirs très courts ; le programme de la seconde
ÎH (B) est réparti sur 6 ans, avec un devoir trimestriel.
Le programme 79-80 porte : A, sur les Évangiles ; B, sur les Écrits
tï!> johanniques (épîtres, évangile, apocalypse). Les inscriptions sont prises
iw au début de chaque année, en septembre.
Le cours vise à donner une bonne initiation à la lecture dei la
Bible ainsi qu’à l’exégèse contemporaine ; le but en demeure toujours
la vie chrétienne (monastique ou autre) et l’authenticité de l’écoute
de la Parole.
B. — Un cours élémentaire d’hébreu biblique, ouvert à toute per
sonne qui voudrait étayer son étude de la Parole par une connaissance
plus directe du langage qui exprime cette Parole. Ce cours suppose
l’envoi d’un fascicule permettant de découvrir la langue hébraïque, et
la correction périodique de travaux pratiques. (On peut commander le
fascicule seul).
*
* *
Tous les renseignements sont à demander à l’adresse suivante :
S.M.E.B. Abbaye Ste Scholastique, 81110 Dourgne (Tél. (63) 50.18.32) ;
ceux qui concernent le C.Bi.C. peuvent être aussi demandés au Secré
tariat de l’Institut.
FACULTE DE DROIT CANONIQUE

Le programme d’enseignement de la Faculté (créée en 1899) porte


sur l’ensemble de la vie institutionnelle de l’Eglise dans ses dimensions
historiques et ses aspects actuels ainsi que sur ses relations avec les
diverses communautés humaines, nationales et internationales.
Cet enseignement comprend des cours fondamentaux et des cours
de recherche, tout spécialement pour les étudiants de doctorat. Proche
de la vie des communautés chrétiennes et de leurs problèmes actuels,
il se veut aussi attentif aux règlements des autres Confessions et aux
principes du droit étatique.
En outre, la Faculté organise régulièrement des sessions d’études
portant sur un sujet d’actualité, et de la législation canonique essayant,
pour sa part, d’apporter des éléments de connaissance sur l’Église
à ceux que cela intéresse. Ses professeurs sont régulièrement consultés
par les pasteurs des Églises locales ainsi que par les organismes
d’Église régionaux, nationaux et romains.
Les cours de licence ont lieu normalement sur un cycle de 2 ans, k
et sont rassemblés durant les deux premiers jours de la semaine afin
de faciliter les études. Cependant sur accord du Conseil des professeurs,
une scolarité par Unités de Valeur peut être faite, permettant d’étaler
la scolarité de licence sur 3 ou 4 ans. Des séminaires de recherche
constituent la scolarité en vue de l’habilitation au doctorat.
La Faculté est de droit pontifical ; elle est habilitée à délivrer
les diplômes de licence et de doctorat en droit canonique
Gk
R. P. Pierre-Etienne Bouchet, O. P., maître de conférences, lecteur
en théologie, licencié en droit canonique, diplômé d’études supérieures
de droit privé et de droit public, défenseur du lien à l’Officialité
régionale de Midi-Pyrénées, membre du Comité canonique des religieux.
La fonction sanctificatrice de l’Église par les sacrements
(Droit sacramentaire).
Le Droit de la vie consacrée.
Le Droit pénal.

R. P. Marie-Antonin Therme, O. P., chargé d’enseignement, licencié


19 en droit canonique, licencié en théologie, secrétaire de la Faculté.
Histoire du Droit canonique.
Droit matrimonial.
Droit judiciaire.

N...
Droit financier et patrimonial de l’Église diocésaine.
Statut du culte en droit français (ministres et biens).
Liberté de congrégation et d’enseignement.
Droit public ecclésiastique externe.
Méthodologie juridique.

Sessions de Droit Canonique


if'
La Faculté de droit canonique organise des sessions ou des collo
ques sur des questions actuelles de la vie de l’Eglise étudiées dans leurs
aspects juridiques et leurs incidences pastorales. Des informations sur
la réforme ou sur l’état présent du droit de l’Eglise y sont en outre
données.

Groupes de Recherche (en lien avec la Faculté de Théologie).

Service de Documentation et d'informations Canoniques :


Publication de notes bibliographiques.
Consultations canoniques.
Etudes canoniques sur points précis.
Reprographie de textes canoniques.
FACULTE DE PHILOSOPHIE
ET DE SCIENCE DE L’HOMME p
lu!

La Faculté de Philosophie organise un ensemble de cours et de m*


travaux destinés d’abord à des étudiants qui préparent les grades de Jj
philosophie des Universités pontificales. Pour les séminaristes, en colla SfK*
boration avec le Séminaire régional, la Faculté constitue le premier
cycle d’études. «S
Les cours, ainsi que d’autres séminaires et conférences, s’adressent
également à des étudiants d’autres facultés intéressés par les thèmes
philosophiques proposés. Des contrôles de connaissances permettent à SérrJ-

ces étudiants d’obtenir des attestations d’études ou des diplômes pro


pres à l’Institut Catholique de Toulouse.
Enfin les activités diverses de la Faculté de Philosophie offrent
à des auditeurs libres d’intéressantes possibilités de culture philoso
phique personnelle.

Doyen : P. Pierre Courtes.

Métaphysique : P. Pierre Courtès, O.P., doyen, licencié ès lettres,


docteur en philosophie scolastique, lecteur en théologie.
Psychologie et Morale : M. Georges Hahn, professeur, docteur ès
lettres, membre de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-
Lettres de Toulouse.
Histoire de la philosophie classique et philosophie de la connais m
sance : M. Pierre Fontan, professeur, docteur en philosophie scolasti
que, licencié en théologie, chanoine honoraire de Tarbes.
Histoire de la philosophie moderne : M. André Dartigues, profes
I*
seur, licencié en théologie, diplômé d’études supérieures de philosophie.
Histoire de la philosophie, Théodicée : M. Pierre Gauthier, chargé
d’enseignement, maîtrise de philosophie, docteur en sciences religieuses.
Philosophie des sciences et cosmologie : M. Jacques Vacherot,
secrétaire, professeur, licencié en philosophie scolastique, licencié ès
sciences.
Travaux pratiques pour les étudiants de licence par les professeurs
de la Faculté. M
ENSEIGNEMENT PROPOSE EN 1979-1980
FACULTE LIBRE DES LETTRES
ET SCIENCES HUMAINES

La Faculté libre des Lettres et Sciences Humaines permet aux


étudiants, dans la liberté totale des convictions de chacun, de parfaire
leur préparation aux examens et concours universitaires, et d’aborder
les problèmes du monde d’aujourd’hui à la lumière des enseignements
de l’Eglise.
Sans prétendre enseigner toutes les matières, elle offre l’essentiel
dans le domaine des langues et littératures classiques et modernes :
grec, latin, français, occitan, espagnol, anglais.
M. Félix Buffière, doyen, professeur, docteur ès lettres, chanoine
honoraire de Mende.
M. Clément Delmas, secrétaire, chargé d’enseignement, licencié ès
lettres.
M. Jean Darrabat, chargé d’enseignement, licencié ès lettres classi
ques et espagnol.
M. Yves Denis, professeur, docteur ès lettres, licencié en théologie
et en philosophie scolastique.
M. Léon Menaut, chargé d’enseignement, licencié ès lettres.
M. Jacme Taupiac, chargé d’enseignement, licencié ès lettres.
M. Hsu Szuwei, chargé d’enseignement, lauréat de l’Académie
de Pékin.

ENSEIGNEMENT (1978-1979)

Langue et littérature grecques : M. Félix Buffière.


Agrégation, CAPES, Licence :
Cours de thèmes et versions (2 h.).
Morphologie, syntaxe (1 h.).
Langue et littérature latines : M. Léon Menaut.
Cours général : CAPES, Agrégations lettres et grammaire,
grandes Ecoles (1 h. de version et 1 h. de thème).
Cours de latin : CAPES et agrégation lettres modernes (2 h.
révisions grammaticales et version).
Entraînement commun aux oraux : lettres classiques et lettres
modernes (4 h. en deux matinées).
Explication de textes en vue des agrégations (1 h.).
Langue et littérature française : M. Clément Delmas.
Entraînement aux concours de l’Enseignement :
CAPES : Etude des genres littéraires : la poésie, le théâtre ;
la critique littéraire.
Entraînement à la dissertation.
AGREGATION : Auteurs du programme 1979-1980
Exercices d’explication de textes en vue de l’oral.
Entraînement à la dissertation française.

Littérature et langue occitane : M. Jacme Taupiac.


Cycle de 2 ans :
l re année : le mercredi à 17 h.
2 me année : le mercredi à 18 h.

Langue espagnole : M. Jean Darrabat.


Espagnol Ier cycle : (DEUG - Première supérieure, prépara
tion aux concours d’entrée) : thème écrit et oral (1 h.) ;
version (1 h.).

Espagnol 2,me et 3 me cycles (CAPES et Agrégation) : version


(1 h. 30) ; thème (1 h. 30).

Un service par correspondance est organisé pour les étu


diants qui ne peuvent pas assister régulièrement aux
cours.

Anglais : M. Yves Denis.


CAPES et Agrégation (1 h. 30). — Licence (1 h. 30). —
Littérature anglaise (1 h.).
Chinois : M. Hsu Szuwei.
Cours d’initiation : le lundi de 19 h 30 à 21 h 30, ou le mardi
de 17 h à 19 h.
Cours d’approfondissement : le jeudi de 17 h à 19 h.

Département de Philosophie : voir ci-dessus, Faculté de Philosophie.

*
* *

Laboratoire de langues :
Responsables : M. Jean Darrabat et M. Jean Joseph.
COLLEGE D’OCCITANIE

31, rue de la Fonderie, 31068 TOULOUSE CEDEX


C.C.P. Toulouse 19-01 H

Président : Ernest Nègre


Docteur ès lettres, directeur de la revue « Gai Saber »

Directeur du cours par correspondance : Georges Passerat


Maître en théologie, maître ès lettres

Le Collège d’Occitanie est une Association culturelle, reconnue


d’utilité publique, dont l’activité principale est un cours par correspon
dance de langue d’oc ou occitan.
Au cours de l’année 1975-1976, l’Institut Catholique a signé une
convention d’association avec le Collège d’Occitanie pour son cours
par correspondance.
Cet enseignement porte surtout sur le dialecte languedocien mo
derne, parlé du Rhône à la Garonne, mais les escolans, à partir de la
2 e section, reçoivent aussi des textes provençaux, gascons, limousins,
et quelques spécimens des troubadours et des auteurs antérieurs au
xix e siècle.
Le Collège compte trois sections : les escolans à la fin de l’année
nassent à la section supérieure, sur avis motivé des correcteurs. A la
fin de la 3 e section, ceux qui l’ont mérité reçoivent un Encartament, ou
Diplôme d’études occitanes.
Les textes des devoirs, à partir de la 2 e section, sont acceptés
comme matière d’interrogation à l’examen du baccalauréat. Ceux des
escolans qui le demandent avant le 1 er mai, reçoivent une feuille de
notes et appréciations, qui sert de livret scolaire devant le jury d’exa
men.
Les cours fonctionnent du 1 er novembre au 15 mai. Les escolans
reçoivent 24 devoirs imprimés, un par semaine. Ils envoient leur copie
au secrétariat du Collège, avec un timbre pour la réponse. Le correc
teur leur renvoie la copie corrigée avec un corrigé imprimé.
Ceux qui s’inscrivent en cours d’année, reçoivent à la fois tous
les devoirs parus.
Les correcteurs sont bénévoles ; les escolans, en s’inscrivant, paie
ront seulement les frais d’impression et de secrétariat, c’est-à-dire :
en 1979-80, adultes : 50 F ; élèves des lycées et collèges : 40 F.
BIBLIOTHEQUE DU COLLEGE D'OCCITANIE
ECOLE SUPERIEURE DES SCIENCES
LABORATOIRES

PHYSIOLOGIE VEGETALE

M. Jean Calmés, Directeur du Laboratoire, chargé de Recherche


au C.N.R.S ;
P. Jules Carles, Codirecteur du Laboratoire, Directeur de Recher
che au C.N.R.S. ;
M me Georgette Catusse, Laborantine.

GEOLOGIE

M. Fernand Crouzel, Directeur du Laboratoire, Chargé de Recher


che au C.N.R.S ;
M. Jean Joseph, docteur de spécialité, Maître-assistant ;
M *'*’ André Foch, Secrétaire.
1

PHYSIQUE

M. Jean Guittard, Directeur du Laboratoire.


PRIX DES FACULTES

Des prix sont accordés par les diverses Facultés :

Le prix Duilhé de Saint-Projet, de la Faculté de Théologie ;

Le prix Auguste-Triihe, de la Faculté de Droit canonique ;


Le prix de la Faculté de Philosophie ;
Le prix de la Faculté libre des Lettres ;
Le prix Mgr Thomas, de l’Ecole Supérieure des Sciences.

PRIX JOSEPH-SALVAT

Ce prix récompense un travail écrit en langue occitane ou une


étude sur la langue et la littérature occitane. Se renseigner auprès
de M. Taupiac, professeur de littérature et langue occitane, à la
Faculté libre des Lettres de Toulouse.
SEMINAIRE UNIVERSITAIRE ET FOYER
31, rue de la Fonderie, 31068 Toulouse Cedex
Tel. 53.51.78

Le Séminaire Universitaire Pie XI et le Foyer Léon XIII, dont la


direction a été confiée aux prêtres de Saint-Sulpice, reçoivent des étu
diants, futurs prêtres ou prêtres.

SEMINAIRE PIE XI (étudiants séminaristes)

Le Séminaire de l’Institut Catholique a été fondé en application


de la Constitution Apostolique Deus Scientiarum Dominus (24 mai
1931) du Pape Pie XI, demandant qu’un séminaire fut adjoint aux
Facultés canoniques des Universités.
Le Séminaire Pie XI accueille les jeunes et les adultes qui mani
festent la vocation au ministère presbytéral et qui sont envoyés par
les responsables de leurs diocèses ou par leurs supérieurs religieux,
qu’il s’agisse de la France ou d’autres pays.
M. Jean Mompha, P.S.S., responsable.
M. André Dartigues, du diocèse d’Auch,
M. Jean Joseph, du diocèse de Bayonne.
M. Ernest Sambou, du diocèse de Ziguinchor (Sénégal).

FOYER LEON XIII (étudiants prêtres)

M. René Coste, P.S.S., responsable du Foyer Léon XIII,


M. Joseph Lévesque, P.S.S., responsable des étudiants,
M. René Culleron, P.S.S., ancien supérieur du Séminaire Pie XI,
M. Louis Monloubou, P.S.S., directeur du S.M.E.B.

Communauté des religieuses de la Congrégation de l'Union Saint-


Joseph :
Sceur Agathe et Sœur Marie-Êlise.
ETUDIANTS DES FACULTES

INSCRIPTIONS ET IMMATRICULATIONS
Les cours des Facultés canoniques, de la Faculté libre des Lettres
et de l’Ecole Supérieure des Sciences sont ouverts à tout étudiant qui,
remplissant les conditions requises pour être admis à ces Facultés ou
à cette Ecole, a été régulièrement inscrit ou immatriculé.
Les inscriptions ou immatriculations sont prises au Secrétariat de
l’Institut, dans les conditions précises ci-dessous.
Le Secrétariat est ouvert de 10 h. à midi et de 14 h. à 17 h.,
tous les jours, sauf les samedis, les dimanches et jours fériés.

DISPOSITIONS COMMUNES

Tout étudiant doit être soit inscrit, soit immatriculé (ou auditeur
libre).
Les inscriptions et immatriculations doivent être prises par l’inté
ressé en personne : elles ne peuvent l’être par correspondance ou par
l’intermédiaire d'un mandataire.
Une carte d’étudiant est délivrée à tout étudiant inscrit ou imma
triculé.
Les immatriculations peuvent être prises à n’importe quel moment
de l’année scolaire ; elles sont valables pour toute l’année scolaire pen
dant laquelle elles ont été prises, mais pour cette année scolaire seule
ment, quelle que soit la date à laquelle on les a prises,
Les inscriptions doivent être prises suivant les modalités indiquées
dans les dispositions spéciales.
Les étudiants admis à suivre, en plus des cours de la Faculté ou
Ecole à laquelle ils sont inscrits ou immatriculés, ceux d’une nouvelle
Faculté ou Ecole, n’ont pas à prendre de nouvelle inscription ou imma
triculation.
Droits :
Inscriptions à partir de 200 F
Sécurité sociale
M. N. E. F. ou S. M. E. S. O. : prix selon option
Ces droits comprennent le droit de bibliothèque.
Les droits d’immatriculation sont de 200 F.
La remise totale ou partielle des droits d’inscription ou d’imma
triculation ci-dessus ne peut être accordée que par Mgr le Recteur,
auquel la demande doit être adressée par écrit.
Sécurité Sociale. — Les étudiants des Facultés canoniques ainsi
que les étudiants de licence d’Etat et de l’Ecole Supérieure d’Agricul
ture de Purpan sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales
(loi du 23 septembre 1948), jusqu’à 26 ans (service militaire en sus).
Ils ont droit, ainsi que leurs conjoints et leurs enfants à charge, aux
prestations en nature : de l’assurance-maladie, de l’assurance longue
maladie et de l’assurance maternité.
Les ayants droit âgés de moins de 20 ans d’un assuré social, les
étudiants déjà inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur,
les salariés déjà inscrits au régime général, les étrangers (Britanniques
exceptés) ne sont pas pas astreints à cette affiliation ; les boursiers
sont exonérés des frais de cotisation.
Assurance universitaire obligatoire. — Les étudiants doivent acquit
ter une cotisation annuelle pour l’assurance obligatoire instituée par
la loi du 10 août 1943, relative aux risques scolaires et de trajet,
assurance couverte par la Mutuelle Nationale des Etudiants de France
(M.N.E.F.) ou la Société Mutualiste des Etudiants du Sud-Ouest
(S.M.E.S.O.).

DISPOSITIONS SPECIALES

1° Facultés canoniques

Les étudiants des Facultés canoniques doivent prendre avant le


15 novembre une inscription valable pour toute l’année scolaire. S’ils
n’étaient présents qu’à partir du 2'me semestre, ils devraient prendre
une inscription pour ce semestre, avant le 15 mars.
En prenant leur première inscription, les étudiants doivent remplir
la fiche de renseignements qui leur sera remise, fournir deux photo
graphies et présenter des pièces d’identité suffisantes.
Les étudiants qui n’auraient pas l’intention de présenter les grades
peuvent se contenter de prendre une immatriculation valable pour
toute l’année scolaire (mêmes formalités et mêmes pièces que pour
la première inscription).
Exception. — Les étudiants appartenant au Séminaire Pie XI
envoyés à l’Institut par les diocèses de la région universitaire n’ont
pas de droits à payer.

2° Faculté libre des Lettres et Sciences Humaines


Inscription. — L’inscription à la Faculté libre des Lettres est prise
au début de l’année scolaire. Chaque année d’études doit être couverte
par une inscription.
Les inscriptions prises à la Faculté libre des Lettres sont valables
pour l’Etat : les étudiants inscrits à la Faculté libre des Lettres n’ont
donc pas d’autres formalités à remplir, au moment des examens, que
de s’inscrire, pour l’examen qu’ils veulent présenter, au Secrétariat de
la Faculté des Lettres de l’Etat, en indiquant qu’ils ont pris leurs
inscriptions à la Faculté libre des Lettres de l’Institut catholique : le
Secrétariat de l’Institut transmet leur dossier en temps utile.
Pour avoir le droit de suivre les cours de la Faculté des Lettres
de l’Etat, il suffit aux étudiants inscrits à la Faculté libre des Lettres

— 57 —
de régler au secrétariat de la Faculté les frais de bibliothèque et de
travaux pratiques.
Inversement, les étudiants qui auraient pris leur inscription à la
Faculté des Lettres de l’Etat doivent, pour avoir le droit de suivre
les cours de la Faculté libre des Lettres, prendre une immatriculation
à celle-ci.
En prenant la première inscription, l’étudiant doit remplir la fiche
de renseignements qui lui sera remise et fournir les pièces suivantes :
1) un extrait de son acte de naissance ;
2) s’il est mineur, l’autorisation de son père ou de son tuteur
(cette pièce doit indiquer le domicile du père ou du tuteur) ;
3) un diplôme de bachelier de l’enseignement secondaire ;
4) deux photographies.
Le registre d’inscriptions est ouvert du 3 juillet au 28 juillet pour
les inscriptions des étudiants de 1™ année, pour les étudiants ne se ;
présentant pas à la 2lrao session, pour les candidats au C.A.P.E.S. et
à l’agrégation.
Il est ouvert du 2 au 15 octobre pour les étudiants devant se pré
senter à la 2lme session d’examen.
En cas de maladie ou d’empêchement légitime, l’étudiant ne pourra
pas s’inscrire après clôture du registre sans y avoir été autorisé ; l’au
torisation devra être demandée au Recteur de l’Université s’il veut
s’inscrire après le 1 er décembre ou au Ministre de l’Education Nationale
s’il veut s’incrire après le 1 er janvier. La demande doit toujours être
adressée par l’intermédiaire du secrétariat de l’Institut Catholique.
Immatriculation. — Pour l’immatriculation, l’étudiant doit remplir
la feuille de renseignements, fournir deux photographies et présenter
la carte d’étudiant de l’Université d’Etat.
Bourses d'enseignement supérieur
aux étudiants de la Faculté de Théologie
et de la Faculté libre des Lettres
Des bourses d’enseignement supérieur peuvent être attribuées aux
étudiants inscrits à la Faculté des Lettres, aux conditions établies par
les règlements de l’Education Nationale (D.E.U.G., licence, maîtrise).
Dans les mêmes conditions, des bourses peuvent être obtenues par les
étudiants inscrits à la Faculté de Théologie.
Les dossiers doivent être remis au Secrétariat avant le 1 er mai
pour tous les candidats reçus ou non à la session de juin. Ils compor
tent notamment : une notice fournie par le Secrétariat ; une demande
sur papier libre ; les extraits des rôles des contributions payées par
la famille (par le candidat s’il ne vit pas dans sa famille) ou les
certificats de non-imposition ; les bulletins de salaire.
3° Ecole supérieure des Sciences
Les étudiants qui suivent les cours de l’Ecole Supérieur des
Sciences doivent prendre, chaque année, une immatriculation : mêmes
règles que pour la Faculté libre des Lettres.
Les inscriptions sont prises exclusivement à la Faculté des Sciences
de l’Etat.
L’Ecole Supérieure d’Agriculture de Purpan a été créée en 1919.
Elle est associée à l’Institut Catholique de Toulouse et dirigée par les
Pères de la Compagnie de Jésus.
Par arrêté du Ministre de l’Agriculture, en date du 10 juin 1964,
l’Ecole est reconnue comme Etablissement d’Enseignement Supérieur
Agricole.
L’Ecole reçoit des jeunes gens et des jeunes filles titulaires d’un
baccalauréat scientifique (C, D ou D’) dont le dossier a été jugé valable
par un jury d’admission.
L’enseignement est réparti en deux cycles : le cycle fondamental
(2 ans) et le cycle supérieur (3 ans). Le régime de l’Ecole est l’externat.

1“ FINALITE GENERALE

En donnant une formation agronomique et économique, l’Ecole se


propose comme fin de préparer les jeunes à assumer leur pleine respon
sabilité envers tous les hommes de leur temps.
Les hommes d’aujourd’hui, en effet, aspirent à être responsables,
à être capables de répondre librement et consciemment aux appels de
tous ceux qui ont besoin de leur aide.
C’est pourquoi l’Ecole veut permettre à chacun de découvrir ce
qu’il doit dire et faire pour jouer son rôle dans la société d’aujourd’hui
et dans celle de demain.

2° OBJET PARTICULIER

L’Ecole exprime sa finalité selon deux points de vue complémen


taires :
Elle est organisée pour faire de YEnseignement, de la Recherche
1.
et de la Formation continue, en liaison étroite avec la profession ;
W
2. Ce faisant, elle aide à se former et à se perfectionner, durant r jj i

toute leur vie, des ingénieurs qui seront :


— des chefs d’entreprises,
— des cadres supérieurs,
— des animateurs du développement socio-économique,
— des experts entraînés :
• à l’observation (objectivité),
• au discernement (critique et jugement),
• à l’innovation et à la créativité (imagination et décision).

3° DIPLOME D’INGENIEUR
Les élèves qui ont terminé les 5 années d’études avec la moyenne 5

exigée par le règlement de l’Ecole et présenté leur Mémoire final,


reçoivent le Diplôme d’ingénieur en agriculture de l’E.S.A.P. Ce Diplôme
a été reconnu par la Commission Nationale du Titre d’ingénieur en date
du 23 avril 1964 (J. O. du 24 juillet 1965).

DIRECTION ET CORPS PROFESSORAL


Directeur de l’Ecole et de l’Enseignement : P. Robert Pinsdez, s. j.
Directeur administratif : P. Michel Bureau, s. j.
Directeur des Etudes : M. Léonce Sicre.
Directeur-Adjoint de l’Enseignement : M. Paul Cassagnes.

M. Paul Audoye, Licencié ès Sciences, Docteur de Spécialité (chimie


organique).
Professeur de physique générale et de Chimie appliquée.
M. Raymond Belloc, Ingénieur en Agriculture E.S.A.P., Docteur de
Spécialité (économie et droit rural).
Professeur d’informatique et Compabilité budgétaire.
M. Charles-Albert Bulte, Ingénieur agronome Grignon.
Professeur de Zootechnie.
M. Jean-Lucien Cabirol, Ingénieur en Agriculture E.S.A.P., Docteur de
Spécialité (économie et droit rural).
Professeur d’Agronomie et d’Œnologie.
M. Paul Cassagnes, Ingénieur en Agriculture E.S.A.P., Licencié ès
Lettres, Docteur ès Sciences, Directeur du Laboratoire de Physio
logie.
Professeur de Chimie Biologique, de Physiologie, de Génétique et
de Malherbologie.
M lle Geneviève Castagnet, Ingénieur E.N.S.F.A. Rennes, Maître ès
Sciences Economiques, Docteur de Spécialité (économie de la pro
duction), D.E.C.S. Expert-Comptable Stagiaire.
Professeur de Comptabilité Générale et d’informatique.

— 60 —
p. Georges de Charrin, s. j., Docteur en Droit, Rédacteur en Chef de
la Revue « Purpan ».
Professeur de Droit Civil et de Droit Commercial.
p. Calixte Couffin, j., Licencié ès Lettres, Docteur en Droit de la
s.
Coopération Internationale, Expert des Nations Unies, Directeur
du Laboratoire d’informatique et d’Economie Financière.
Professeur de Gestion Financière.
P. Bernard Fort, s. j., Directeur du Centre d’Etudes et de Modernisa
tion Agricole et de la Revue « Purpan ».
Professeur d’Economie de l’exploitation agricole.
M me Aline Fourmaud, Licenciée ès Sciences.
Professeur de Biologie.
M me Evelyne Francal, Maître en Anglais.
Professeur d’Anglais.
M"'° Colette Gastou, Licenciée ès Sciences, Docteur de Spécialité (bio
géographie).
Professeur de Botanique et d’Ecologie.
M. Michel Gastou, Licencié ès Sciences, D.E.A. de Biologie Végétale.
Professeur de Zoologie Agricole, de Phytopathologie, de Phytophar-
macie et de Microbiologie.
M. Michel Gay, Ingénieur en Agriculture E.S.A.P., Docteur Ingénieur.
Professeur de Physiologie Végétale.
M. Bernard Maruejouls, Ingénieur en Agriculture E.S.A.P., D.E.A.
d’Economie et Droit Rural.
Professeur d’Agriculture spéciale, cultures assolées.
P. Etienne Perrot, s. j., Maître en Théologie, Docteur d’Etat en Scien
ces Economiques, Certifié I.E.J.E. de l’I.R.E.P. (Grenoble).
Professeur d’Economie Générale et d’Economie Rurale.
M. Daniel Prache, Ingénieur E.N.S.A. Toulouse, Licencié ès Sciences,
Diplômé de l’Institut de Préparation aux Affaires.
Professeur d’industries alimentaires et d’informatique.
M m0 Denise Saiz, Licenciée ès Lettres, mention Anglais.
Professeur d’Anglais.
I M. Léonce Sicre, Ingénieur en Agriculture E.S.A.P., Diplômé de l’Ins
titut de Droit Rural et d’Economie Agricole de Paris.
Professeur d’Agriculture. Visites d’exploitations, stages.
P. Henri Springer, s. j., Ingénieur E.N.S.P.M., Licencié ès Sciences.
Professeur de Chimie Générale et Minérale - Mathématiques.
M" ,e Argentine Vidal, Maître en Sciences, Docteur de Spécialité (phy
sique atomique).
Professeur de Mathématiques.
M. Laurent Vignau-Loustau, Ingénieur Agronome Grignon.
Professeur de Zootechnie.
LABORATOIRES

A) DE L’ECOLE :

Laboratoire d'informatique et d'Economie financière (L.I.E.F.)


Directeur : P. Callixte Couffin, S.J.

Service d’Enseignement, de Recherche et d’Aide aux entreprises de


production et de commercialisation des produits agricoles, il met à la
disposition de ces dernières des méthodes de prévision et de contrôle
de gestion modernes, fondées sur l’utilisation permanente des ordina
teurs.
Le laboratoire travaille surtout dans les domaines suivants : contrôle
budgétaire permanent, contrôle permanent des stocks, contrôle des
temps de travaux, contrôles techniques d’activités, études fondées sur
le budget et la programmation linéaire, calculs de formules d’alimen
tation du bétail, comptabilités de coopératives, comptabilité économi
que...

B) EN LIAISON ETROITE AVEC L’ECOLE :

1) Centre d'Etudes et de Modernisation Agricoles (C.E.M.A.)


Directeur : P.Bernard Fort, S.J.
Rédacteur en chef de la revue « Purpan » : P. de Charrin, S.J.
Syndicat d’agriculteurs, il est un outil de collaboration entre la
Recherche et l’Enseignement, d’une part, les exploitations et les coopé
ratives, d’autre part. Il publie, dans une revue trimestrielle « Purpan »,
des études, des synthèses et des mises au point destinées surtout aux
responsables.

2) Laboratoires associés de Recherches Agricoles (L.A.R.A.)


Directeur : P. Jean Magny, S.J.
Leurs activités comprennent deux branches principales :

— Des analyses chimiques : terres, aliments du bétail, polluants,


toxiques alimentaires, etc... ; des analyses biochimiques : acides aminés,
acides gras, parfums, etc...

— La recherche orientée spécialement vers la synthèse par voie


microbienne et la production de protéines de haute qualité en utilisant
des déchets et des sous-produits agricoles et des polluants industriels.
— Le Centre de Préparation aux Etudes Sanitaires et Sociales
(C.E.P.R.E.S.S.) ;
— Le Centre d’Etudes Psycho-Sociales (C.E.P.S.O.) ;
— Le Collège Universitaire International des Pyrénées (C.U.I.P.).

CENTRE DE PREPARATION
J

AUX ETUDES SANITAIRES ET SOCIALES


(C.E.P.R.E.S.S.)
si

ü 31, ru© de la Fonderie, 31068 Toulouse Cedex


i Tel. 52.62.35

* Directrice : M ”' M. Clairefond


1

Les activités du C.E.P.R.E.S.S. comportent :


i\. — L’année préparatoire aux Carrières Sanitaires et Sociales.
Fondé en 1952 ce cycle d’ensignement et de formation prépare aux
examens d’entrée des différentes Ecoles de caractère social, éducatif
et sanitaire tout en offrant à ses élèves une très large formation
humaine.
Le programme des cours est composé en vue d’une orientation vers
les études :

— d’infirmier (e), puéricultrice, pédicure, pour les candidats sor-


I tant d’une classe de seconde, ou de première (examen d’entrée obliga-
i toire pour les élèves du niveau de seconde et première).
— d’assistante sociale, éducateur, instituteur, pour les candidats
f bacheliers.

En plus des cours de littérature contemporaine, composition litté-


| raire, commentaires de texte, philosophie, psychologie, biologie, hygiène,
physique, chimie, des conférences et des visites complètent cet ensei
gnement.
B. — Cycle de Promotion des aides-soignants et des aides de puéricul
ture :
Ce cycle s’adresse aux aides-soignants et aux aides de puériculture
pouvant justifier de six années de service en qualité d’aide-soignant ou
d’auxiliaire de puériculture et les prépare à l’examen d’entrée aux
Ecoles d’infirmiers. Le programme est conforme aux directives du
Ministère de la Santé Publique (circulaire octobre 1972). Il est réparti
sur trois après-midi par semaine.
Renseignements et inscriptions : 31, rue de la Fonderie, 31068
Toulouse Cedex ; demander la Directrice, M lle Clairefond.

CORPS PROFESSORAL

Mn,e Albet, licence de philosophie.


M me Marie-Hélène Artigas, licence d’histoire.
Mme Charmes, licence de russe.
Mrae Sylvie Chauchard, maîtrise histoire.
M me Andrée Curtes, licence de philosophie classique.
M mô Marie-Hélène Malecamp, professeur de mathématiques.
M" 10 Marie-Louise Masquelier, professeur de grammaire.
Mme M.-Christine Sarremejan, maîtrise de biologie, doctorat 3™'
cycle.
M. Jean-Claude Sidobre, M.G.P., T.M.P.
M. Pouget, licence sociologie.

CENTRE D'ETUDES PSYCHO-SOCIALES


(C.E.P.S.O.)

De niveau universitaire le programme du C.E.P.S.O., fondé en 1952,


donne lieu à des séries annuelles de conférences, des séminaires et des
sessions dans le domaine de la psychologie, de la sociologie et de
leurs applications, notamment en ce qui concerne le travail social. Ses
activités ont pour cadre l’Institut Catholique, 31, rue de la Fonderie
et sont régulièrement annoncées par la presse et des affiches.
Renseignements : Secrétariat de l’Institut Catholique, 31, rue de la
Fonderie, 31068 Toulouse Cedex. Tél. 52.62.35.
COLLEGE UNIVERSITAIRE INTERNATIONAL
DES PYRENEES (C.U.I.P.)

Directeur : M. Georges Hahn

Fondé en 1951, le C.U.I.P. est à l’origine des cours d’été d’Ustaritz.


Depuis 1972 ces cours ont donné naissance à l’Université d’été du
Travail Social dont les deux décades s’adressent aux travailleurs sociaux,
animateurs, éducateurs, enseignants et membres des professions clini
ques et judiciaires.
Chaque décade constitue un séminaire comportant d’une part un
enseignement universitaire assuré par des experts et d’autre part des
travaux de discussion et de recherche avec le concours d’animateurs
spécialisés. Les décades d’Ustaritz ont pour cadre le Foyer de sessions
Landagoyen à Ustaritz (Pyrénées-Atlantiques) dans un site inoubliable,
et offrant d’excellentes conditions de séjour et de travail.
La préparation et l’animation des décades sont assurées par le
Dr Raymond-François Fourasté, le Dr Bernard Auriol, le Dr Jacques
Lamothe et M. Daniel Laurent.
Renseignements et inscriptions : Secrétariat du Collège Universi
taire International des Pyrénées, 31, rue de la Fonderie, 31068 Tou
louse Cedex. Tél. 53.51.78.
ECOLE D’EDUCATEURS DE JEUNES ENFANTS

8, rue Saint-Denis, 31400 Toulouse


Tel. 52.88.78

Directrice : M"ft Saquet


Depuis 1952 fonctionne une Ecole d’Educateurs de Jeunes Enfants
jusqu’ici dénommée Ecole d’Educatrices-Jardinières (agréée par le Minis
tère de la Santé Publique, J. O. du 9 septembre 1955). Un nouvel agré
ment sans limitation de durée a été délivré par le Ministère de la Santé,
arrêté du 20 avril 1976 (J. O. du 5 mai 1976).
L’Ecole d’Educateurs et d’Educatrices de Jeunes Enfants a pour but
de donner la formation professionnelle aux candidats qui se destinent
à la carrière d’Educateurs de Jeunes Enfants.
En deux années de cours et de stages, elle prépare au Diplôme
d’Etat d’Educateurs de Jeunes Enfants.
L’Ecole attache une très grande importance à la formation des
étudiants. Elle souhaite que ceux-ci participent activement à leur for
mation afin de préparer des éducateurs compétents, présentant les qua
lités pédagogiques nécessaires à l’épanouissement des enfants.

CONDITIONS D’INSCRIPTION
A L’EXAMEN D’ENTREE
1. Age : 18 ans au moins, avant le 30 septembre de l’année d’entrée
en formation.
2. Niveau : il faut être titulaire du baccalauréat ou d’un titre admis
en dispense ou en équivalence pour l’entrée en université, ou, au mini
mum être en terminale et s’engager à l’accomplir intégralement.
3. Expérience auprès d’enfants de moins de 7 ans en collectivité.
Minimum 20 jours suivis à temps plein.
4. Examen d’entrée : Cet examen comprend :

— un test écrit individuel,


— deux épreuves de groupe,
— des entretiens de psychologie, sociologie, pédagogie, culture
générale, qui permettent d’apprécier les motivations des candidats pour
l’exercice d’un travail social auprès de la petite enfance.
Les candidats sont informés individuellement des résultats.
Une liste d’attente est établie en vue d’éventuels désistements.
Tout candidat inscrit sur cette liste ne peut conserver pour la
rentrée suivante le bénéfice de sa sélection. Il doit donc présenter de
nouveau sa candidature début novembre.
Les candidats titulaires du baccalauréat ou d’un titre admis en
dispense ou équivalence pour l’entrée en université sont dispensés de
l’épreuve écrite de culture générale.
Conditions d’inscription particulières pour les candidats de promo
tion sociale ou professionnelle, pouvant justifier d’un travail salarié
d’une durée minimum de trois ans, congés payés, non compris. Pour
tous renseignements, nous consulter.

CONDITIONS D’ADMISSION EN PREMIERE ANNEE


1) Avoir subi avec succès l’examen d’entrée.
2) Etre titulaire du baccalauréat ou d’un titre admis en dispense
nu en équivalence pour l’entrée en université ou être admis au titre
de la Promotion Sociale ou Professionnelle.

FORMATION
Formation théorique : 950 heures de cours, de travaux pratiques
et dirigés, de recherches personnelles réalisées individuellement ou
en groupe.
PROGRAMME
1. Développement physique et psychique de l’être humain, la
période de 0 à 7 ans faisant l’objet d’un approfondissement spécifique.
2. Etude psycho-sociologique des milieux dans lesquels vit l’enfant
et où s’exerce l’action sociale et éducative.
3. Pédagogie générale et pratique — méthodes pédagogiques et
techniques éducatives.
Formation pratique : 36 semaines de stages dans les différents
lieux d’exercice de la profession.
Formation personnelle et préparation technique.
SANCTION DES ETUDES
Diplôme d’Etat d’Educateur de Jeunes Enfants institué par le
décret n" 73 73 du 11 janvier 1973 du Ministère de la Santé (J. O. du
20 janvier 1973).

Durée des études : deux années scolaires.


Régime de l’école : externat.
— Sécurité sociale étudiante.
— Restaurant universitaire.
— Chambres en cité universitaire.
BOURSES
Des bourses d’études sont allouées par le Ministère de la Santé
et de la Famille. Des rémunérations sont distribuées par la Direction
Départementale du Travail et de la Main-d’Œuvre aux mutants agri
coles et aux étudiants pouvant justifier d’un travail salarié, antérieur
à leur entrée à l’école.
Le Ministère de l’Education Nationale n’attribue aucune bourse
aux élèves des Ecoles d’Educateurs de Jeunes Enfants.
CORPS PROFESSORAL ET ENSEIGNEMENT

I. — L’ETRE HUMAIN ET SON DEVELOPPEMENT


Philosophie - Psychologie - Psychologie de l’enfant :
M” 9 Anne-Marie Arnaud, licence de psychologie, D.E.S. de psycho
pathologie.
M"19 Martine Julien, licence de psychologie, D.E.S. de psycho-patho
logie, certificats de psycho-enfant, de psychologie comparée, de psycho
logie générale, de psychologie sociale, de psycho-physiologie générale.
Mme Nicole Viale, licence de psychologie, maîtrise de psychologie,
diplôme de psycho-pathologie.
Enseignement sanitaire :
Mmo Michèle Gauci, diplôme d’Etat d’infirmière.
Psychiatrie :
Docteur Fabre, psychiatre.

IL — L’HOMME ET SON ENRACINEMENT SOCIAL


Informations sociologiques :
M" Agnès Cavasino, licence de sociologie et licence de sciences
9 de
l’éducation.
Cadres juridiques et institutionnels :
M. Pierre Samson, maîtrise en droit.

III. — PREPARATION TECHNIQUE : PEDAGOGIE PRATIQUE

Education littéraire :
M"e Eliane Antagnague, licence de lettres.
Initiation à l’écologie et à la théorie des ensembles :
M" e Yannick Chevalier, diplôme éducatrice-jardinière. Licence de
Sciences humaines et sociales apliquées. Responsable de promotion.
Education musicale :
Mm9 Françoise Herrgott, diplôme éducatrice-jardinière.
M me Danièle Samson, diplôme éducatrice-jardinière, certificat fin
d’étude du Conservatoire.

Psycho-motricité et graphisme :
Mme Jacqueline Jalabert, diplôme éducatrice-jardinière, diplôme
éducatrice-jardinière spécialisée, certificat d’aptitude à l’application de
la méthode « Bon Départ ». Licence de Sciences humaines et sociales
appliquées.
Méthodes et techniques particulières :
Montessori, Decroly, Frœbel...
Techniques éducatives :
M me Françoise Carlier, diplôme de jardinière-éducatrice.
Matériel éducatif :
M'"« Vickye Marquez, diplôme éducatrice-jardinière, diplôme édu
catrice spécialisée. Responsable de promotion.
Créativité chez l'enfant :
M me Suzanne Soulan, diplôme éducatrice-jardinière, licence de
sciences humaines et sociales appliquées.
Education manuelle :
M"‘ a Marie-Rose Ambroise-Rendu, diplôme éducatrice-jardinière.
Atelier expression :
M. Jean-Christophe Soulan, licence histoire, géographie, maîtrise.
Expression française :
M' ne Masquelier.
Bibliothécaire - documentaliste :
M»>« Nadine Pecondon-Lacroix, diplôme d’études juridiques géné
rales, diplôme d’Etat d’éducateur de jeunes enfants.
Secrétariat :
M‘" u Gisèle Paillon.
M IMO Françoise Farret d’AsTiES.

LIEUX D’EXERCICE DE LA PROFESSION


• Jardins d’enfants et garderies.
• Haltes-garderies.
• Crèches collectives et familiales.
• Pouponnières.
• Maisons d’enfants à caractère sanitaire.
• Etablissements nationaux de bienfaisance.
• Etablissements relevant des Services Départementaux de l’Aide
Sociale à l’Enfance.
• Etablissements d’Hospitalisation publics et Etablissements à
caractère social :
Hôpitaux d’enfants et Services de pédiatrie — Pouponnières —
Maisons — Hôtels et Centres maternels.
• Centres d’Action Médico-Sociale précoce.
• Centres et Services de Protection Maternelle et Infantile.
• Etablissements spécialisés accueillant des enfants handicapés.
• Service d’Aide Educative en milieu ouvert.
• Cités de Transit et Centres d’hébergement.
• Centres de Loisirs maternels (Centres de Loisirs sans héberge
ment.
• Centres et Maisons familiales de Vacances permanents et sai
sonniers.
• Bibliothèques — Ludothèques — Ateliers.
• Sections préscolaires des Etablissements de l’Enseignement
privé.
RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS

Directement ou par lettre à l’Ecole, 8, rue Saint-Denis, 31400 TOU


LOUSE - Téléphone : 52.88.78 ; tous les jours de 9 h. à 12 h. et de
14 h. à 17 h., sauf samedi et jours fériés.

• en juillet et en août : permanence de 9 h à 12 h ;


• au 1 er septembre : reprise des permanences matin et après-midi.

Inscriptions : en novembre.
Examen de sélection : en février et mars.
Droit d’inscriptionà l’examen de sélection 20 F ; joindre 3 enve
loppes timbrées. Frais de sélection : 160 F.

Inscriptions closes sans avis préalable.


Droit d’inscription en l re année et en 2 e année : 200 F chaque
année.
Les frais de scolarité sont supprimés.
CENTRE DE FORMATION D’EDUCATEURS
ET DE FORMATION AUX RELATIONS HUMAINES
9, rue Joly, 31400 Toulouse
Tel. 52.26.21

Directrice : M‘llB Marie-Claudine Texier-Petit


Directrice-adjointe : Mme Marie-Claude Pecoult

Le Centre de Formation, 9, rue Joly, Toulouse, créé en décembre


1964, a été agréé par le Ministère de la Santé Publique et de la Popu
lation (décret du 3 octobre 1962, arrêté du 8 janvier 1964 paru au
Journal Officiel le 6 février 1964).
Ce Centre assure une formation professionnelle à la fonction
éducative qui s’effectue suivant deux modalités particulières :

— une formation en cours d’emploi,


— une formation directe, et ceci à deux niveaux :

• Moniteurs éducateurs,
• Educateurs spécialisés.
D’autre part, le Centre de Formation a été habilité à dispenser
des stages de perfectionnement dans le cadre de la Formation Perma
nente (décret du 4 août 1972 ; Journal Officiel du 1 er octobre 1972).

FORMATION DE MONITEUR EDUCATEUR

1°) Formation à temps plein:


Conduisant en deux ans au Certificat d’Aptitude aux Fonctions
de Moniteur-Educateur (Diplôme d’Etat).
Conditions d’inscription :
— justifier d’un avis favorable aux épreuves de sélection,
— niveau scolaire B.E.P.C. ou B.E.P.S.S.,
— 18 ans minimum,
— être dégagé des obligations militaires,
— justifier d’une attestation de stage dans l’Enfance Inadaptée de
1 mois minimum avant l’entrée en formation.

Cette formation se déroule sur 2 ans, avec alternance de formation


théorique au Centre de Formation et de Stages pratiques dans des
Etablissements de l’Enfance Inadaptée de la région.
Cette formation se déroule sur 2 ans avec alternance de formation
théorique au Centre de Formation et de stages pratiques dans des
Etablissements de l’Enfance Inadaptée de la région.
Une évaluation est prévue en fin C2 première année et doit per
mettre l’entrée en deuxième année.
Le cycle de 2 ans est sanctionné par le Certificat d’Aptitude aux
fonctions de Moniteur-Educateur (épreuves d’examen organisées par le
Rectorat d’Académie de Toulouse).
2°) Formation en cours d'emploi (temps partiel) :
Conduisant en 2 ans au Certificat d’Aptitude aux fonctions de
Moniteur-Educateur (Diplôme d’Etat).

Conditions d’inscription :
— justifier d’un avis favorable aux épreuves de sélection,
— 21 ans minimum,
— être dégagé des obligations militaires,
- 2continuer à assurer une fonction éducative salariée pendant les
ans de formation (autorisation écrite de l’employeur à suivre
cette formation).

Cette formation se déroule en 2 ans au rythme d’une semaine


théorique de 40 heures par mois (soit 11 semaines par an) au Centre
de Formation et comporte un stage de 3 mois en première ou en
deuxième année dans un établissement différent de l’établissement
employeur).
Une évaluation est prévue en fin de première année et doit per
mettre l’entrée en deuxième année de formation.
Le cycle de 2 ans est sanctionné par le Certificat d’Aptitude aux
fonctions de Moniteur-Educateur (épreuves d’examen organisées par le
Rectorat d’Académie de Toulouse).

FORMATION D'EDUCATEUR SPECIALISE

1°) Formation à temps plein:


Conduisant en 2 ans au Diplôme d’Etat d’Educateur Spécialisé.
Conditions d’inscription :

— justifier d’un avis favorable aux épreuves de sélection,


— candidats titulaires d’un D.U.E.G., D.U.E.L., D.U.E.S. ou d’une
équivalence, du Certificat d’Aptitude aux fonctions de Moniteur-
Educateur ou du diplôme d’Educateur des Jeunes Enfants,
— 21 ans minimum,
— dégagé des obligations militaires.
Cette formation se déroule sur 2 ans avec alternance de formation
théorique au Centre de Formation et de stages pratiques dans des
établissements de l’Enfance Inadaptée de la région.
Une évaluation est prévue en fin de première année et doit per
mettre l’entrée en deuxième année.
Le cycle de 2 ans est sanctionné par le Diplôme d’Etat d’Educateur
Spécialisé.

2°) Formation en cours d’emploi (temps partiel) :


Conduisant en 3 ans au Diplôme d’Etat d’Educateur Spécialisé.

Conditions d’inscription :
— justifier d’un avis favorable aux épreuves de sélection,
— 21 ans minimum,
— être dégagé des obligations militaires,
— être titulaire du Diplôme d’Educateur de jeunes enfants ou du
Certificat d’Aptitude aux fonctions de Moniteur Educateur ou
d’un Diplôme d’Ecole de Moniteur Educateur (délivré avant
octobre 1970 par une Ecole agréée par les différents Ministères
concernés),
3 ans de formation d’une continuité de
— justifier pendant lesplusieurs
travail dans un ou établissements de l’Enfance Ina
daptée.
(Autorisation écrite de l’employeur à suivre cette formation).
Cette formation se déroule sur 3 ans au rythme d’une semaine
théorique de 40 heures par mois (soit 11 semaines par an) au Centre
de Formation et comporte des stages dans des établissements différents
de l’établissement employeur.
Une évaluation est prévue en fin de première et deuxième années
et doit permettre l’entrée en troisième année de formation.
Le cycle de 3 ans est sanctionné par le Diplôme d’Etat d’Educateur
Spécialisé.

3°) Formation en cours d’emploi (temps partiel) :


Conduisant en 4 ans au diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé.
• Durée des études : 4 ans.
• Concerne tout personnel éducatif en situation d’emploi salarié :
— âgé de 23 ans au moins au 1 er septembre de l’année d’entrée en
formation,
— justifiant de 3 années d’activité professionnelle ou assimilée en
position salariale,
— admis aux examens de sélection pour suivre cette formation,
— libéré des obligations militaires,
— avant l’accord de son employeur pour suivre cette formation.
CONDITIONS D’ADMISSION -
EPREUVES DE SELECTION

La date limite d’inscription pour les épreuves de sélection est


fixée au 15 décembre.
Chaque candidat soit s’adresser directement au secrétariat du
Centre de Formation, 9, rue Joly, pour y remplir son dossier d’inscrip
tion et y recevoir toute information complémentaire qui lui serait
nécessaire.
La liste des candidats sera transmise au C.R.E.A.I.
Les candidats seront convoqués par le C.R.E.A.I. pour présenter
la première partie des épreuves de sélection (testing + épreuve de
culture générale).
Si le candidat est reçu à cette première partie des épreuves, il
sera convoqué par le Centre de Formation pour y passer la deuxième
partie des épreuves de sélection :
* En cas d’échec, le candidat garde la possibilité de se représenter
à l’ensemble des épreuves l’année suivante.
* En cas de succès, le candidat sera admis à entrer en formation
dans notre Centre, compte tenu du nombre de places disponibles.
A défaut, le candidat, sur sa demande, pourra faire examiner
son dossier complet de sélection par une autre école.

REGIME DU CENTRE DE FORMATION


L’Ecole fonctionne exclusivement en système d’externat mixte.

FRAIS DE SCOLARITÉ
200 francs, à régler au début de chaque année de formation, confor
mément aux textes ministériels en vigueur.

CORPS ENSEIGNANT PERMANENT

M me Marie-Claudine Texier-Petit, docteur en médecine, C.E.S. de


neuro-psychiatrie, diplômée d’hydrologie médicale et thérapeutique,
certificat d’études supérieures et psychologie de l’enfant et de
l’adolescent.
Directrice du centre de formation.
M'n0 Marie-Claude Pecoult, docteur en médecine, C.E.S. de neuro-psy-
chiatrie.
Neurologie, psychiatrie, hygiène, groupes de neuro-psycho-physio-
logie.
Directrice-adjointe du centre de formation.
Mlle Danielle André, licence d’histoire et de géographie, maîtrise d’his
toire.
Groupes culturels. Documentaliste et recherches bibliographiques.
Mlle Régine André, licence d’histoire et de géographie, maîtrise d’his
toire.
Groupes culturels. Enquêtes sociologiques. Documentaliste et recher
ches bibliographiques.
M. Léo Barrue, brevet d’aptitude à l’animation socio-éducative, titulaire
du C.A.P.A.S.E.
Animateur de ciné-club. Techniques audio-visuelles. Sport et grou
pes de plein air.
M me Nicole Baubion, licence de psychologie, maîtrise de psychologie
génétique, diplôme de psycho-pathologie.
Groupes d’études de cas, groupes culturels, groupes de psycho
pédagogie.
M me Régine Briand, jardinière éducatrice spécialisée.
Groupes d’études de cas, groupes professionnels, groupes de psycho
pédagogie.
M me Jeanne Castillon, licence de psychologie, maîtrise de psychologie
sociale, diplôme de psycho-pathologie.
Groupes d’études de cas, groupes culturels, groupes de psycho
pédagogie.
M lle Claude Durand, éducatrice spécialisée, brevet d’aptitude à l’anima
tion socio-éducative.
Groupes de psycho-pédagogie, techniques éducatives, techniques
audio-visuelles, groupes d’expression corporelle.
M me Anita Fages, diplôme de psycho-pathologie, maîtrise de psychologie
expérimentale et de psychologie sociale.
Groupes de synthèse, bilans, groupes culturels, groupes de neuro-
psycho-physiologie, groupes de psycho-pathologie.
M. Jean-François Fages, diplôme de psycho-pathologie, diplôme de
psychologie sociale et industrielle.
Groupes d’études de cas, groupes culturels, groupes de neuro-
psycho-'pathologie.
È M'“ e Monique Granger, licence de psychologie, diplôme de psychologie
sociale.
Groupes de psycho-pédagogie, groupes de neuro-psycho-physiolo-
gie, groupes culturels, enquêtes sociologiques, groupes d’expression
corporelle.
M'" " Christiane Rigaudière, maîtrise de psychologie, diplôme d’études
1

spéciales de psychologie du travail et de la vie sociale.


Groupes culturels et socio-culturels, techniques éducatives.
M' u8 Michèle Roussel, jardinière éducatrice spécialisée.
Groupes de psycho-pédagogie, enquêtes sociologiques, responsable
de l’organisation des stages pratiques, techniques éducatives.
M. Robert Texier, licence de lettres modernes.
Cours de législation, groupes culturels, techniques éducatives, ate
lier d’expression.
CORPS ENSEIGNANT VACATAIRE

M. Marc Babonneau, docteur en médecine, C.E.S. de psychiatrie.


Groupes de neuro-psycho-physiologie.
M. Christian Garcia, éducateur spécialisé, directeur d’un établissement i

de l’Enfance inadaptée. „
Groupes d’études de cas, groupes de psycho-pédagogie.
M. François Garrido, diplôme universitaire B.S.I., professeur d’éduca
tion physique et sportive.
Enseignement de techniques sportives.
M m0 Martine Jonquet, C.A.F.A.S.E. de dessin, peinture, modelage.
Techniques éducatives.
Mlle Marie-Jeanne Lezerac, éducatrice spécialisée, rééducatrice en psy
cho-motricité.
Techniques éducatives.
M me Isabelle Thibault, éducatrice spécialisée.
Groupes de psycho-pédagogie.
M. Guy Thibault, directeur d’un Centre de post-cure, études de dessin
industriel et des techniques verres et aluminium.
Techniques éducatives.
M. Jean Weber, professeur certifié en éducation physique et sportive,
licence en psychologie.
Groupes d’enseignement de techniques sportives.
M lle Janine Hérail, éducatrice spécialisée.
Enseignement psycho-pédagogique.
M " 6 Jacqueline Monfort, médecin psychiatre.
1

Groupes de neuro-psycho-physiologie.

PERSONNEL ADMINISTRATIF

Secrétariat : M1Ie Annie Body, Mlle Agnès Commenge.


Comptabilité : Mme Colette Pascal.

*
**

STAGES DE PERFECTIONNEMENT

Les buts de ces cycles de perfectionnement organisés dans le


Cadre de la Formation Permanente sont :
— de favoriser la confrontation et les échanges ayant pour thèmes
les relations interpersonnelles et les fonctions professionnelles des tra
vailleurs sociaux ;
— de proposer des champs de réflexion quant à la formation pro
fessionnelle, et à l’exercice d’une profession où la relation humaine
s’inscrit dans une fonction éducative, pédagogique ou thérapeutique ;
— de sensibiliser et d’approfondir chez ces personnes, les possibi
lités ou aptitudes aux changements nécessaires, permettant d’intégrer
et de mieux utiliser réflexions, connaissances ou techniques de la
relation, pour faire face plus aisément aux développements et trans
formations d’une société en évolution, pour faciliter l’expression, la
communication, la créativité, et la contribution personnelle à l’évolution
..
professionnelle et sociale ;
— de réactualiser les connaissances sur le plan professionnel,
technique, psychologique et social, et de les approfondir selon les
besoins de chacun ;
— de confronter sa propre expérience pratique à celle d’autres
professionnels ; d’analyser les différentes pratiques individuelles et
institutionnelles pour mieux les contrôler, et opérer dans ce domaine
une évolution personnelle, qui soit la plus dynamique possible, et la
*r plus adaptée aux réalités des fonctions professionnelles de chaque sta
giaire.

Renseignements et inscription au secrétariat : 9, rue Joly, 31400


Toulouse. Tél. : 52.26.21.
CENTRE DE FORMATION PEDAGOGIQUE
(C.F.P.)

Formation pédagogique
pour l’enseignement catholique du 1 er degré
17, rue Bellegarde, 31000 Toulouse - Tel. (61) 21-35-78
C.C.P. Toulouse 550-94 B
f

Directrice : Sœur Jacqueline Pomarède

Le Centre de Formation Pédagogique de l’Enseignement Catholique


est un établissement d’Enseignement Supérieur, en lien avec l’Institut
Catholique de Toulouse. Il a signé une convention avec l’Education
Nationale (15 mai 1974).
Le Centre prépare au Certificat d’Aptitude Pédagogique de l’Edu
cation Nationale. Créé à Massac-Séran près de Lavaur dans le Tarn,
en octobre 1962, par Monsieur le Chanoine Mantoy, il a été transféré
à Toulouse en octobre 1972.
D’abord, école normale diocésaine, il a pris très rapidement une
extension régionale et reçoit actuellement les étudiants de douze dépar
tements des régions apostoliques Midi-Pyrénées et Bordeaux-Aquitaine.
Son but est d’assurer la formation des maîtres de l’Enseignement
Catholique du 1 er degré, tant sur le plan humain et chrétien que sur
le plan professionnel.
Il accueille, sur concours, jeunes gens et jeunes filles, titulaires
du baccalauréat, qui désirent s’engager dans l’Enseignement Catholique
et présentent les qualités indispensables à tout éducateur chrétien.
Ce concours présidé par l’Inspecteur d’Académie est du même niveau
et comprend les mêmes épreuves que le concours d’entrée en Forma
tion Pédagogique des Ecoles Normales de l’Enseignement Public.
Les postes sont proposés par les Directeurs diocésains qui retien
nent le nombre de places (mises au concours) correspondant à leurs
besoins et s’engagent à confier une classe dans l’Enseignement Catho
lique de leur diocèse aux étudiants à l’issue des deux années de for
mation.
La formation dure deux ans. Elle comprend des cours à l’école,
des stages pédagogiques dans diverses écoles de la région.
INSTITUT DE FORMATION PEDAGOGIQUE
(I. F. P.)

FORMATION PEDAGOGIQUE POUR L'ENSEIGNEMENT


CATHOLIQUE DU DEUXIEME DEGRE
31, rue de la Fonderie, 31068 Toulouse Cedex
Tel. 52-62-35

Equipe de direction :
Sœur Marie-Bernard Vendevelle, licenciée ès lettres
M. Jacques-Marie Vacherot, licencié ès sciences
licencié en philosophie et théologie

I. — OBJECTIFS DE L’INSTITUT
L’Institut de Formation Pédagogique, créé dans le cadre de l’Institut
Catholique de Toulouse, au titre d’« organisme associé », est placé sous
la responsabilité de l'Association Catholique pour les Enseignements
du Second degré (A.C.E.S.).
Il se propose la formation pédagogique initiale — théorique et pra
tique — des futurs maîtres de l’enseignement catholique du second
degré.

II. — ORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT


A. — Enseignement théorique :
Il comporte plusieurs éléments :
1) Un enseignement de base, réparti en Unités de Valeur. Cet
enseignement n’a pas la prétention de former des spécialistes dans
les diverses branches abordées. Il ne vise pas non plus à donner des
recettes pratiques. Il voudrait seulement initier les futurs maîtres aux
grands problèmes de l’éducation, leur apprendre la connaissance de
soi, la communication, les ouvrir aux réalisations diverses (méthodes,
techniques, systèmes en vigeur), les amener ainsi à réfléchir sur leur
profession, les y préparer, leur donner le désir et les moyens de devenir,
non de simples enseignants, mais de véritables éducateurs.
Les cours sont groupés sur deux jours de la semaine, de la mi-
octobre à début mai, les intéressés pouvant choisir les unités de valeur
qui leur conviennent selon leurs possibilités.
Dans un esprit d’ouverture et de large collaboration ces cours
admettent comme « auditeurs libres », toutes personnes qui s’intéres
sent aux problèmes d’éducation.
2) Un enseignement portant sur la didactique des diverses disci
plines scolaires.
3) D’éventuelles interventions « ponctuelles » dans des domaines
scolaires ou parascolaires.

B. — Formation pratique :
Elle s’organise autour de stages dans des établissements de la
région: stages en tutelle et stages en responsabilité, sous la direction jl
de conseillers de stages.
Pour les stages en responsabilité, on utilisera au maximum les
remplacements qui surviennent en cours d’année scolaire et qui sont
réservés en priorité aux étudiants de seconde année de l’I.F.P., titu
laires des diplômes universitaires requis.

C. — Formation religieuse :
L’option de l’étudiant pour l’enseignement catholique exige de sa
part une réflexion sur son engagement chrétien. Cette réflexion obliga
toire sera pour lui un moyen précieux d’approfondir ses motivations
et d’éclairer ses interrogations personnelles.
Cette formation pourra se faire soit dans le cadre de l’I.F.P. (voir
programme), soit par participation à une unité de valeur de l’Institut
d’Etudes Religieuses et Pastorales (I.E.R.P., 23, rue de la Dalbade -
Toulouse).

D. — Formation par sessions :

Pour répondre aux désirs d’un certain nombre d’étudiants que des
remplacements ont empêché cette année de suivre les cours pendant
la semaine, il est prévu d’organiser plusieurs mini-sessions pendant
un week-end.
La participation assidue à ces sessions permettra d’acquérir l’équi
valence de certaines Unités de Valeur.

III.— EVALUATION DES CONNAISSANCES


ET DES APTITUDES

Le travail réalisé pendant l’année scolaire sera évalué, suivant des


modalités fixées par les divers professeurs.
Cette évaluation devra permettre d’apprécier, non seulement les
connaissances des candidats, mais aussi leurs aptitudes à l’enseigne
ment.
Les candidats se destinant à l’enseignement catholique doivent
suivre, normalement, trois Unités de Valeur par an.
Six Unités de Valeur et des rapports de stages satisfaisants seront
sanctionnés, après délibération et décision du conseil des professeurs,
par un DIPLOME LIBRE DE PEDAGOGIE délivré par l’I.F.P.

IV.— INSCRIPTIONS
A. — Les inscriptions ordinaires se prennent au : SECRETARIAT
DE L’INSTITUT CATHOLIQUE.

Les étudiants doivent :

— remplir une fiche d’inscription ;


— y joindre une photo d’identité, plus une photo pour chacune
des Unités de Valeur suivies.

B. — Les candidats se destinant à l’Enseignement Catholique ont


intérêt à se présenter à un membre de l’équipe de direction de l’I.F.P.
Les candidats titulaires du DEUG, d’une licence ou d’une maîtrise
sont admis sur présentation d’un dossier, et après une série d’entretiens
avec un responsable et un professeur de l’I.F.P., ainsi qu’avec un chef
d’établissement.
Les dossiers d’inscription doivent parvenir à la direction de l’I.F.P.
entre le 1 er juillet et le 15 septembre.
Il n’est possible de retenir, pour chaque discipline qu’un nombre
de candidats en rapport avec le nombre des postes à pourvoir. Les
admissions sont ratifiées par le Conseil de l’A.C.E.S.
A l’issue de la première année d’études, et compte tenu des résul
tats obtenus par les étudiants, sont également ratifiées par le Conseil
de l’A.C.E.S. les admissions définitives, qui permettent d’envisager
l’engagement comme professeur de l’enseignement catholique pour
l’année suivante.

C.— Le droit d’inscription est normalement de 120 francs, par


Unité de Valeur.
INSTITUT DE FORMATION PEDAGOGIQUE CONTINUE
POUR LES ENSEIGNEMENTS DU SECOND DEGRE
(I.F.P.C.)
31, rue de la Fonderie, 31068 Toulouse Cedex - Tel. 52-62*35

OBJECTIFS

• Coordonner les actions de formation continue des enseignants


du secondaire.
• Favoriser la création de groupes de travail et de recherche ainsi
que des équipes d’animation.
• Assurer une formation aux animateurs.
• Réaliser un plan de formation répondant aux besoins des ensei
gnants.
• Décentraliser les actions de formation.
Le Père Jacques Viel, s. j., est chargé de la formation pédagogique.

*
* *

SESSIONS POUR LES ENSEIGNANTS DU SECOND DEGRE

Des sessions ou des journées pédagogiques sont organisées pour


les diverses disciplines pratiquées dans l’enseignement secondaire.

M. l’abbé Clément Delmas est chargé de la coordination des ses


sions et des journées pédagogiques.
Session de Lettres
(français, anglais, espagnol, histoire et géographie)

Elles sont destinées aux professeurs de lettres de l’enseignement


secondaire du Sud-Ouest et des autres régions de France. Elles inté
ressent les lettres classiques et les langues vivantes.
L’histoire et la géographie font l’objet d’une session spéciale.
Les sessions littéraires durent plusieurs jours à la fin des grandes
vacances. Un thème spécial est proposé chaque année. Les dates des
sessions de 1979-1980 seront portées à la connaissance des professeurs
en temps utile.
Responsables :
M. Delmas, pour la session de français ;
Sœur Marie-Edmée, pour la session d’histoire-géographie ;
M. Delmas, pour la session d’anglais.

Journée pédagogique d'espagnol

Elle est destinée aux professeurs de l’enseignement secondaire


qui désirent se perfectionner en pédagogie de cette langue.
Un thème spécial de pédagogie générale ou appliquée est proposé
chaque année. La quinzième aura lieu en 1980.
Responsable : M. Darrabat.

Session de Philosophie

Elle est destinée aux professeurs de l’enseignement secondaire


et aux auditeurs désireux de s’informer des mouvements de pensée
contemporaine, elle aborde chaque année un ou plusieurs thèmes philo
sophiques, ainsi que des questions de psychologie et de sociologie.
La trentième session aura lieu cette année.
Responsables : M. Vacherot, P. Courtes.

Session de Sciences Physiques et Naturelles

Elle est destinée aux professeurs de l’enseignement secondaire,


et a pour but de les informer des découvertes récentes et de la
manière dont elles sont présentées dans les nouveaux programmes.
Les sujets traités concernent les sciences physiques, la chimie, la
biologie, l’écologie, etc...
Ordinairement cette session dure trois jours, comporte une excur
sion scientifique et se situe pendant les vacances de Pâques. La vingt-
cinquième aura lieu cette année.
Les précédentes ont réuni de cinquante à soixante-dix professeurs
venant surtout du Sud-Ouest, de l’Est et du Nord-Est.
Responsables : P. Carles, P. Calmés.
Session de Mathématiques modernes

Elle est destinée aux professeurs de l’enseignement secondaire qui


désirent se perfectionner dans les mathématiques modernes, elle dure
une semaine vers la fin des grandes vacances. Les précédentes ont
réuni de nombreux participants, venus d’à peu près tous les départe
ments de France et même d’ailleurs. La dix-huitième aura lieu cette
année.

Responsables : P. Carles, P. Vacherot.

Session d'Education physique et sportive

Considérant la particulière importance de l’E.P.S. dans son rôle


socio-éducatif, nous proposons durant l’année scolaire un ensemble de
sessions consacrées aux diverses disciplines sportives.
CENTRE D’ETUDES DES TECHNIQUES ADMINISTRATIVES
ET DU SECRETARIAT
(C.E.T.A.S)

ECOLE DE SECRETARIAT
31, rue de la Fonderie, 31068 Toulouse Cedex
(Tel. 53.51.78)

Directrice : Mlle Suzanne Massacrier

BREVET D’ETUDES PROFESSIONNELLES


Niveau d’admission : à partir de la seconde. Examen d’entrée.
Condition des études : deux années scolaires à temps plein.
Les études de secrétariat sont axées sur une formation générale :
économie, droit, français et techniques d’expression, langues et une
formation technique : sténographie, dactylographie, organisation admi
nistrative, organisation et économie des entreprises, gestion, statisti
ques, traitement des informations.
L’enseignement est complété par des conférences et visites d’en
treprises.
II. — L’Ecole assure partiel des cours de :
à temps

STENOGRAPHIE ET DACTYLOGRAPHIE. Cycles de trois, six ou


neuf mois selon l’objectif souhaité. Ces cours sont destinés à des
étudiants désirant une formation complémentaire.
STÉNOTYPIE pour des étudiantes, ou secrétaires ayant déjà une
expérience professionnelle, et désirant se spécialiser en vue de prati
quer la sténographie de conférences.
SECRÉTARIAT pratique en un an à temps plein ou deux ans à
temps partiel pour des étudiantes titulaires d’un DEUG ou d’une
licence.

CORPS PROFESSORAL ET ENSEIGNEMENT

Enseignement technique pratique :


Mlle Marie-José Assaut, BTSS.
Mmo Brigitte Ollé, BTSS, IEP.
Mme Josette Vigouroux, BPS.
Français, formation générale :
Mme André Curtés, licence ès lettres.
Anglais :
M me Tricot, licence ès lettres.
Espagnol :
Mlle Annie Rodriguez, licence ès lettres.
Droit :
M e Pascaline Paoli, docteur en droit.
Sciences économiques :
MU10 Martine Barbut, licence ès sciences économiques.
Les professeurs font partie des commissions de corrections et des
jurys d’admissibilité des examens d’Etat.

Renseignements :
Directement ou par lettre à l’Ecole, 31, rue de la Fonderie, 31068
Toulouse Cedex. Tél. 53.51.78.
L’Ecole est ouverte tous les jours de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h,
du 1 er septembre au 15 juillet, sauf samedi et jours fériés.
CHRONIQUE

La Chronique de l'Institut rend compte de la vie et des activités


de l’Institut, des publications et travaux des professeurs et des étu
diants.
La Chronique est envoyée aux abonnés du Bulletin de Littérature
Ecclésiastique, ainsi qu’aux membres titulaires, fondateurs et bienfai
teurs de « l’Association des Amis de l’Institut Catholique ».
On peut la recevoir aussi par un versement de 40 F (50 F pour
l’étranger).
Directeur-gérant : M. Louis Monloubou.
CENTRE D’ÉTUDES AFRICAINES

31, rue de la Fonderie, 31068 TOULOUSE CEDEX

Responsable : Père René Coste

A partir d’activités déjà existantes, en vue de les développer


et d’en créer de nouvelles, l’Institut Catholique de Toulouse fonde
un « centre » qui porte un double titre : CENTRE D’ETUDES AFRICAI
NES - CHARITE ET SOLIDARITE ENTRE EGLISES.
L’objectif de ce centre est double :
• Il est d’abord, d’étudier l’histoire et la vie actuelle de l’Afrique
noire francophone et du Maghreb tout particulièrement leurs cultures
:

et leurs religions. Cela, dans un but d’écoute et de découverte réci


proques.
• Il est tout autant d’intensifier les liens entre l’Église en France
et les Églises implantées en Afrique noire francophone et au Maghreb,
en vue de concrétiser les exigences de charité et de solidarité réci
proques qui s’imposent aux communautés chrétiennes.
La spécialisation sur l’Afrique francophone tient au fait qu’en
raison de liens créés et de l’utilisation de la même langue véhiculaire,
on peut espérer une coopération et un travail féconds. Par suite de
l’origine d’une grande partie de leur population et de la présence à
Toulouse de séminaristes et étudiants antillais, une section est consa
crée aux « Antilles francophones ». Notre Institut Catholique voit là
un moyen de concrétiser une certaine « vocation africaine » qui tient
à sa sitation géographique.
Les activités seront les suivantes : cours, sessions, conférences,
colloques, rencontres diverses, contribution à la préparation de mémoi
res et de thèses, relations avec des Universités et autres centres
culturels en France et en Afrique ainsi qu’avec des organismes d’Églises.
Certaines de ces activités seront propres au Centre ; d’autres se
dérouleront dans le cadre de la Faculté de Théologie, de l’Institut
d’Etudes Religieuses et Pastorales (LE.R.P.) et de la Faculté de Philo
sophie.
La section « Documentation et Bibliothèque » sera constituée à
partir d’achats de livres et de revues, mais aussi de dons ou de dépôts
(livres, revues, archives). Elle constituera un «fichier» et établira des
liens avec d’autres bibliothèques en France ou en Afrique.
Suivant ses possibilités, elle s’efforcera d’aider les bibliothèques
des Facultés de Théologie et des Grands Séminaires en Afrique fran
cophone.
En ce qui concerne l’enseignement et les rencontres, le Centre
vise particulièrement les futurs prêtres, les religieuses missionnaires,
les prêtres et animateurs missionnaires, les travailleurs sociaux et
sanitaires, les étudiants d’Afrique noire, du Maghreb et des Antilles,
ceux qui se destinent à l’Afrique.
Pour vivre et se développer, le Centre aura besoin de dons et c
subventions. Il fait notamment appel à ceux (particuliers ou institu
tions : par exemple des congrégations missionnaires) qui pourraient
lui procurer (dons ou dépôts) des livres et des revues. C’est d’ailleurs
i un « don » qui a permis sa fondation.

*
**
Le Centre comprend les sections suivantes :

Accueil, documentation, bibliothèque, secrétariat et relations:


1.
î P. Ferté, Sœur Jeanne Lioud.— Locaux: 21, rue de la Fonderie.
2. Afrique noire : P. Sambou.
3. Maghreb : PP. Courtes, Ferté, J.-J. Rouchy.
4 Antilles francophones : séminaristes antillais, etc.
5. Liens inter-Églises : P. Lévesque.
6. Dialogue et Évangile : P. Dagras.

*
* *
PROGRAMME POUR L’ANNEE UNIVERSITAIRE 1979-1980

• Cours du P. Dagras à la Faculté de Théologie : L’Évangélisa


tion.
• Cours du P. Lévesque à l’I.E.R.P. : Identité des peuples, déve
loppement et mission des Églises.
• Sessions de missiologie à la Faculté de Théologie : sous la res
ponsabilité du P. Lévesque.
• Cours du P. Courtes à la Faculté de Philosophie : Ibn Roschd
et l’averroïsme dans l’Occident latin.
• Une série de conférences sous la responsabilité du P. Sambou :
Visages négro-africains d’hier et d’aujourd’hui.
Un « dépliant » donnera un programme détaillé. D’autres activités
sont envisagées dès cette première année de fonctionnement. Sugges
tions et propositions de collaboration sont accueillies avec reconnais
sance.

*
* *

Comité d’animation : PP. Bareille, Coste, Courtes, Dagras,


Dutheil, Ferté, Lévesque, Mompha, Sambou, Sœur Lioud.
SERVICE AUDIO-VISUEL DE L’INSTITUT CATHOLIQUE
(S.A.V.I.C.)
31, rue de la Fonderie - 31068 Toulouse Cedex

Animateurs : Bernard Ricart, permanent et responsable du service.


René Bergougnoux, responsable audio-visuel pour la Catéchèse
de la Région Midi.

Le S.A.V.I.C. est adhérent de l’Association Catéchétique Nationale


de l’audio-visuel (A.C.N.A.V.).
Ce service créé en octobre 1977 veut répondre aux besoins de plus
en plus nombreux de formation et de production audio-visuelle.

Formation. — Elle est proposée sous forme de sessions, ateliers,


ou formation plus longue sur l’année.
La formation étalée :
— Les U.V. audio-visuelles de l’I.E.R.P. intégrant notamment une
recherche sur Foi et Communication.
— L’U.V. audio-visuelle de l’I.F.P. intégrant plus particulièrement
une recherche pédagogique.
— L’atelier non-stop du mercredi après-midi s’adressant à tous
ceux qui veulent poursuivre à leur rythme une formation en audio
visuel.

Sessions. — 3-5 octobre 79 : Session de sensibilisation aux techni


ques audio-visuelles.
11-12 octobre 79: Ecole de l’Image 1 er degré.

Ciné-Club. — En collaboration étroite avec le Centre diocésain


d’information de Toulouse. Séance mensuelle à la Salle Tolosa.
Pédagogie. — Elle intègre simultanément l’apprentissage des tech
niques et l’acquisition du langage.
Le mode d’apprentissage est basé sur 4 temps : travail de groupe,
travail personnel, apport théorique des animateurs, évaluation.

Equipement. — Equipement de réalisation de diaporama : magné


tophones, projecteurs pour fondu-enchaîné, table de mixage.
— Laboratoire photo noir et blanc.
— Circuit simple video.
— Equipement fixe cinéma 16 m/m.
Production. — Le S.A.V.I.C. peut étudier tous projets de produc
tion émanant de l’Institut Catholique, des organismes associés ou des
services d’Eglise de la région.
INSTITUT DE MUSIQUE SACREE (I.M.S.)
31, rue de la Fonderie

Responsable : Philippe Bachet


33, avenue Jean-Rieux, 31500 Toulouse -- Tél. 80.76.92
k
Objectifs : L’I.M.S. de Toulouse mis en place avec la participation
de l’Institut Catholique fonctionnera à partir de l’année 1979-1980.
il Il propose :

— un atelier de recherche pour la musique sacrée et un atelier


de réflexion sur les problèmes relatifs à la rencontre de l’art et de
la foi,
— l’organisation de rencontres et d’échanges,
— la création de chorales et de groupements de chorales,
— des réunions de zones, des stages, des cours de formation et
de perfectionnement de chefs de chœur, d’animateurs d’assemblée, de
choristes, d’organistes et autres instrumentistes s’il y a lieu. Il s’occu
pera aussi de la lecture dans les assemblées,
— par la publication d’un bulletin de liaison et par la promotion
de la composition musicale.
Projets pour Vannée 1979-1980 :
— Cours de Musicologie liturgique :
sud

Le Magnificat et le Psaume liturgique.


Cours réguliers divisés en deux parties :
analyse théologique,
analyse des œuvres, écoute et travail technique.

— Cours d’harmonie par correspondance :


Cours d’accompagnement préparatoire à l’harmonie : René
Lauzet.
Cours d’Harmonie l re et 2 e année : Gilles Desrochers.

— Animateurs d’assemblée :
Trois week-end d’animateurs d’assemblée seront proposés au
cours de l’année. Ces week-end devront normalement se terminer par
la session annuelle de musique liturgique régionale pour une formation
valable des animateurs.
Sur Toulouse :
Deux soirées - répertoire par trimestre.
Deux soirées - animateurs d’assemblée par trimestre avec travail
technique.

— Chefs de chœur :
Trois week-end de chefs de chœur seront organisés. Ils seront
ouverts à tous ceux qui ont mis un groupe choral en place dans leur
secteur ou leur paroisse.
Si la demande est suffisante, un cours régulier pour les chefs de
chœur sera ouvert à Toulouse.
La JOURNEE DES CHORALES permettra à toutes les chorales
liturgiques de la région qui le désirent de se retrouver et de se ren
contrer. Un programme commun pour la messe et une pièce à monter
pour le concert d’après-midi seront proposés dès le début de l’année
scolaire.

— Formations des organistes liturgiques :


Elèves de clavier (sans pédalier) :
I e année : préparatoire.
2 e année : élémentaire.
3 e année : moyen.
Chaque mois les élèves inscrits seront réunis 4 par 4 dans des
lieux accessibles pour tous et suivant un programme de solfège et
de clavier. Les professeurs se déplaceront dans la région pour ces
cours. Nous pensons mettre en place ces cours sur l’Ariège, l’Aude,
le Lot et la Haute-Garonne. Chaque année se terminera par la session
annuelle (pour les deux premières années session régionale, pour la
troisième année, session spéciale). Les élèves pourront présenter l’exa
men national des organistes liturgiques de leur niveau.
Elèves d’orgue : I e année : préparatoire.
2 e année : élémentaire.
Le système d’enseignement sera le même que pour les élèves du
clavier. La deuxième année permettra aux élèves de préparer un
concours d’entrée au Conservatoire. Les organistes liturgiques seront
formés à l’accompagnement des chants et trouveront une formation
liturgique pour bien accomplir leur tâche.
— En parallèle à ces cours de formation, deux manifestations
ouvertes au grand public seront organisées :
• Autour d’une grande forme de la musique sacrée : l’ORATORIO,
six conférences approches de l’oratorio ; sens et signification de cette
forme musicale. Le sujet exact sera déterminé en début d’année sco
laire. Ces conférences devraient aboutir à l’écoute d’un Oratorio pré
paré soit par une grande chorale soit par plusieurs groupes vocaux.
• La semaine du GREGORIEN : exposition, conférence, analyse,
travail sur le chant grégorien, analyse des manuscrits.
Le principal objet de cette semaine sera de découvrir à travers
cette forme de musique sacrée, le sens profond qui a permis à ce chant
de s’imposer durant de longs siècles. Cette semaine permettra aussi
de mieux déterminer des constantes pour la création de la musique
sacrée et notamment du chant d’assemblée.
Un dépliant diffusé au début de l’année scolaire précise les dates
de ces divers cours et manifestations et indique les professeurs solli
cités pour assumer ces tâches.
CONCOURS INTERSCOLAIRE

L’Institut Catholique organise chaque année, depuis 1899, un


concours interscolaire réservé aux maisons d’enseignement secondaire.
De plus, les meilleures copies participent à un concours général
entre les maisons de toute la France.
Ce concours général est, à tour de rôle, organisé et corrigé par
l’un des cinq Instituts catholiques de France.
Pour tous renseignements concernant ces concours, s’adresser à
M l!fi Moulas, secrétariat de l’Institut catholique.

y
COLLOQUE ET CAHIERS DE FANJEAUX

Les Colloques de Fanjeaux sont consacrés à l’étude scientifique


du Languedoc religieux du xm e siècle. Ils sont placés sous le patro
nage de l’Institut d’Etudes Méridionales de la Faculté des Lettres et
Sciences humaines de l’Université de Toulouse et de l’Institut catho
lique de Toulouse.
M. l’abbé Pierre Meunier y participe au nom de l’Institut Catho
lique.
wi Les Colloques ont lieu chaque année, dans la dernière semaine de
juillet. Les actes de ces colloques sont publiés tous les ans sous le
titre de « Cahiers de Fanjeaux », aux éditions Privât. S’adresser à
M * M. La Mâche, Le Belvédère, 11-Fanjeaux. Tél. 2 à Fanjeaux.
11

CENTRE NEWMAN

Ce Centre créé sous l’égide de l’Institut Catholique se propose de


faire connaître la vie, l’œuvre et la pensée du grand cardinal anglais.
Animé par des professeurs de théologie, de philosophie et de litté
rature anglaise le Centre s’adresse à toutes les personnes désirant
étudier cette destinée et cette œuvre hors du commun. Son activité est
faite de séances de travail périodique et, à l’occasion de conférences
publiques ou de colloques.

Responsable : Pierre Gauthier, 70, avenue de Rangueil, 31400


Toulouse. Tél. 52.93.45.
REMPART GALLO-ROMAIN ET MUSEE

Sous la façade ouest des bâtiments de l’Institut, des fouilles entre


prises dès 1933 par M. Fort, architecte de l’établissement, ont permis
de découvrir les restes d’un rempart gallo-romain du m e siècle après
Jésus-Christ. Monsieur l’Abbé Baccrabère, curé de Quint, et une équipe
de jeunes, ont aménagé les deux côtés du rempart, ainsi qu’un musée
annexe contenant en particulier des sculptures trouvées au cours
du déblaiement du mur. L’on peut ainsi désormais se faire une idée
précise de ce qu’était ce mur, suri une longueur de 71 mètres. Très
intéressant pour l’étude de l’architecture militaire du temps, le mur
antique de l’Institut l’est encore pour la résurrection du passé de
Toulouse.
C’est pourquoi M. l’abbé Baccrabère vient de réaliser une maquette
de l’ensemble de la ville antique. Près du Musée, on peut observer sur
un plateau de 1, 80 m de long et 1,30 m de large cette petite «Rome
de province » avec ses monuments représentés en cuivre et en laiton :
temples, forum, théâtre, thermes et vaste enceinte.
Le Musée annexe contient des sculptures et des objets trouvés au
cours des fouilles. Y sont entreposés, entre autres, des « consoles »
d’un type inédit hors de l’aire antique toulousaine, deux Attis funé
raires, deux têtes de Gorgone, des chapiteaux, des bases et des frag
ments de statues, la statue d’une matrone gallo-romaine.
On y a joint des pierres tombales et des sculptures provenant de
l’ancien couvent des Clarisses, bâti sur le mur romain, et qui céda
la place, de 1798 à 1866, à une fonderie de canons, avant de constituer
le noyau actuel des bâtiments principaux de l’Institut catholique.
Une plaquette contenant la reproduction et l’explication du mur
et des diverses pièces entreposées au Musée, perpétue, pour ceux qui
le désirent, le souvenir de la visite des fouilles.
A cette plaquette est joint un numéro spécial de « La CHRONI
QUE » intitulé Étude de Toulouse romaine.

Dans le vestibule de la chapelle Léon-XIII, moulages de sculptures


romanes toulousaines : deux statues d’apôtres, un chapiteau, (le festin
d’Hérode et la mort de S. Jean Baptiste).
LA CHAPELLE DES CLARISSES

L’Institut catholique est sur l’emplacement du Couvent construit


pour les Clarisses lors du transfert de leur monastère, jusque là situé
hors les murs, à la rue de la Fonderie qui s’appelait alors rue des
Toulousains.
« Du couvent bâti en ce temps-là, — écrit A. Auriol dans un article
sur Les Clarisses du Salin à Toulouse (B.L.E., 1899, pp. 117 et suiv.), —
il ne subsiste à peu près que la petite église, qui fut consacrée seule
ment en 1518... Les moulures et sculptures du portail, les nervures de
la nef nous feraient incliner à attribuer ce petit édifice aux premières
années du quinzième siècle ».
Le P. Agathange a montré (B.L.E., 1951, pp. 187-188), d’après les
documents d’archives, que cette date est trop ancienne et que c’est
au début du seizième siècle, dans les dix années qui précédèrent la
consécration de 1518, que l’église a été bâtie.
Il en reste le portail, comme l’a noté A. Auriol, et les murs, y
compris ceux de l’abside : la voûte est récente, d’un matériau vulgaire
et sans valeur artistique : mais, telle qu’elle est, elle restitue le volume
de l’édifice ancien et l’impression générale du visiteur doit être celle
que pouvaient avoir les premiers usagers de cet édifice.
En le conservant, en lui restituant son dépouillement primitif et
sa simplicité originelle, — avec laquelle s’harmonise la belle tapisserie,
6
I don amical, qui orne le mur du sanctuaire, — on a conscience d’avoir
rendu à Toulouse un élément modeste et secondaire sans doute, mais
non pas négligeable, de son patrimoine artistique et archéologique.
LA FRESQUE DE MARCEL LENOIR
(Salle Léon-XIII)

Né en 1872 à Montauban, patrie d’Ingres et de Bourdelle, Marcel


Lenoir participe — coïncidence ou vertu du terroir — de la même
rigueur d’inspiration que ces maîtres.
Grand dessinateur comme eux et visionnaire épris de vastes
compositions, il dut se confiner longtemps dans les médiocres formats
de la peinture de chevalet, jusqu’au jour où l’Institut catholique de
Toulouse lui offrit une muraille à décorer, dans ce qui était alors la
« Salle du Cardinal Desprez ». C’est l’origine de la fresque du « Cou
ronnement de la Vierge » qui occupa le peintre plus de deux années,
de 1920 à 1923. Il mourut à Montricoux (Tarn-et-Garonne), en 1931,
sans avoir retrouvé de surface équivalente où affirmer encore son
talent, mais tout de même assuré de laisser une grande œuvre où
il avait mis le meilleur de lui-même.
Cette vaste composition de 16 m 50 de long sur près de 4 m de
haut, est divisée en parties nettement délimitées dans leurs masses et
leurs oppositions. Formant un groupe puissant au centre, la Vierge,
tenant l’Enfant Jésus les bras en croix, est couronnée par Dieu, dont
on n’aperçoit que les mains et les épaules, la tête, siège de la Pensée
suprême, se perdant dans la lumière. Participent au même groupe,
Marie-Madeleine et Marie Salomé à gauche, saint Jean à droite. Au-
dessus, de grands anges, formant une voûte, jouent de la trompette.
De part et d’autre, dans des tonalités claires, chante une chorale
d’enfants de chœur rappelant ceux de Luca délia Robbia. Au-dessous,
se déroule une ronde de petits anges. De part et d’autre encore et
constituant deux autres groupes puissants, sont six apôtres réunis sous
un petit édicule. Aux deux extrémités enfin, dans une transparence
harmonieuse, se livre la terre des hommes, avec les hommes dans leurs
travaux. Une foule d’entre eux cependant vient saluer l’événement
inouï en train de s’accomplir, jeunes gens armés à gauche, groupés
autour d’un cavalier, apportant l’hommage de la puissance laïque, pro
cession de prêtres sortant d’une arche à droite et symbolisant l’Eglise.
La plupart des personnages figurant dans cette fresque sont des
portraits de personnalités de la ville ou de familiers du peintre. Le
prêtre en tête de la procession a les traits de Monseigneur Breton qui
présidait alors aux destinées de l’Institut catholique. Marcel Lenoir,
en compagnie de sa femme et de son fils, s’est représenté assis sur
le toit de l’édicule de gauche.
ASSOCIATION
LES AMIS DE L'INSTITUT CATHOLIQUE

Une association «Les Amis de l’Institut Catholique» (1), fondée


en 1919, groupe toutes les personnes ayant le désir de soutenir et de
développer l’Institut Catholique.
Les buts de cette association se situent à trois niveaux :
— d’abord faire connaître dans le plus vaste public possible —
chrétiens ou non chrétiens préoccupés par les problèmes de la Foi —
l’aide que peuvent leur apporter les activités universitaires, spirituelles
et culturelles de l’Institut Catholique,
— ensuite, par le truchement de ses membres, faire connaître en
retour aux animateurs responsables de l’Institut les besoins des hommes
de notre temps dans leur cheminement spirituel pour mettre à leur
disposition les éléments de connaissance et de réflexion répondant le
mieux à leurs préoccupations dans une formulation adaptée au lan
gage présent.
— enfin, par une aide financière de ses membres (cotisations,
participations aux diverses activités), participer à la vie matérielle
de l’Institut dont les ressources demeurent toujours aléatoires, et
permettre ainsi aux responsables d’élargir leurs activités pour mieux
répondre aux attentes du monde.
Cette cotisation, bien que modeste (2) afin de permettre à tous
sans exclusive d’être membres de l’Association, n’est pas incompatible
avec un effort plus important pour ceux qui le peuvent et souhaitent
ainsi manifester leur attachement à l’Institut. L’adhésion à l’Associa
tion permet de recevoir régulièrement des nouvelles de l’Institut et de
l’Association et particulièrement des activités spirituelles ou culturelles
(conférences, débats, voyages, etc...) dont certaines sont réservées aux
seuls adhérents.
Apporter son adhésion est donc un encouragement pour ceux qui
œuvrent au rayonnement de l’Institut en même temps que l’assurance
d’ête tenu au courant de sa vie.
Enfin, dons et legs peuvent être faits en faveur de l’Institut ; il est
alors nécessaire d’en entretenir au préalable Mgr le Recteur.

(1) Loi de juillet 1901.


(2) Pour l'année 1979 :

— Cotisation individuelle ordinaire : 50 P — de soutien à partir de 100 F.


— Cotisation spéciale étudiants : à partir de 20 P.
— Cotisation pour groupements ou associations :
— ordinaire 250 P,
— de soutien à partir de 500 P.
CONSEIL D’ADMINISTRATION

pour la période 1979-1982

Président d’honneur : Mgr Collini, Archevêque de Toulouse, Chancelier


de l’Institut.

Président : Mgr Eyt, Recteur de l’Institut.


Vice-Président : M. Christian BouÉ, Directeur Général de la Croix du
Midi.
Secrétaire : M. Claude Hubeaux, Chef de département à l’A.P.C. (Azote
et produits chimiques).

Trésorier: M. Aymon de Solages, Directeur du Bureau Régional d’in


dustrialisation.
Membres : M. le Docteur Bernard Cavalié ; M. le Professeur Maurice
Montabrut.
ASSOCIATION
DES ANCIENS ETUDIANTS
DE L’INSTITUT CATHOLIQUE

Membres du Comité :

Mgr Chansou, président ; M. N..., vice-président ; M. N..., trésorier ;


M. Louyat, secrétaire ; MM. Barrau, Ferret, Gadeau, Lachausse,
Magnaud, Maisonnier, Raymond.

Membres d’honneur :

S. Em. le Cardinal Marty, archevêque de Paris ;

S. Exc. Mgr Puech, évêque de Carcassonne ;

S. Exc. Mgr Verdet, ancien évêque de La Rochelle ;

S. Exc. Mgr Barthe, évêque de Fréjus ;

S. Exc. Mgr Bézac, ancien évêque d’Aire et de Dax ;

S. Exc. Mgr Rol, évêque d’Angoulème.


S. Exc. Mgr de Saint-Blanquat, évêque de Montauban ;

S. Exc. Mgr Sahuquet, évêque auxiliaire de Bayonne.

— 99 —
MISSION ETUDIANTE

Secrétariat général : 23, rue Valade. Tél. 21.53.37


TABLE DES MATIERES
lmp du Centre, 43, avenue de la Gloire, Toulouse
WMHÈÊÊÊÊKtÊÊIÊÊÊËIÊÊÊKÊËI
ADRESSES (suite)

MASSACRIER (Mile), 15, rue Nazareth, 31000 Toulouse. Tél. 52-75-45.


MAZIERES, 31, rue de la Fonderie.
MENAUT, 31, rue de la Fonderie.
MOMPHA. 31, rue de la Fonderie^
MONLOUBOU, 31, rue de la Fonderie.
MOURIER, 9, rue des Teinturiers, 31300 Toulouse. Tél. 42-83-63.
NASTORG. 9. rue des Teinturiers, 31300 Toulouse. Tél. 42-83-63.
de NAUROIS (Louis), 31, rue de la Fonderie,
de NAUROIS (René), 31, rue de la Fonderie.
NEGRE, 31, rue de la Fonderie.
NICOLAS, avenue Lacordaire, 31078 Toulouse Cedex. Tél. 52-84-70.
OLPHE-GALLIARD, 22, rue des Fleurs, 31068 Toulouse Cedex. Tél 52-03-60.
PASSERAT, 5, rue Louis-Braille, 82000 Montauban.
PASSICOS, 31, rue de la Fonderie.
PÉCOULT (Mme), 9, rue Joly, 31400 Toulouse. Tél. 52-26-21.
PIN. 67, rue du Cagire, 31300 Toulouse. Tél. 40-77-62.
PINSDEZ, 271. avenue de Grande-Bretagne, 31076 Toulouse Cedex
Tél. 49-23-11.
RICART (Frère), 27, rue du Griffoulet, 31500 Toulouse. Tél £0-50-86.
RICHARD. 1, avenue Frédéric-Mistral, Toulouse. Tél. 52-93-54
RIGAL. impasse de la Préfecture, 31000 Toulouse. Tél. 52-03-82.
RIVENQ, 31, rue de la Fonderie.
RIVES, 31, avenue Latécoère, 31520 Ramonville-St-Agne. Tél. 73-24-37.
SAQUET (Mlle), 8, rue Saint-Denis, 31400 Toulouse. Tél. 52-88-78.
de SOLAGES (Mgr), 31, rue Fondeville, 31400 Toulouse. Tél. 52-14-54
TAUPIAC. Saint Martial, 82000 Montauban. Tél. 03-04-70.
TEXIFR^PETIT (Mme) 9. rue Joly, 31400 Toulouse. Tél. 52-26-21.
THERME. avenue Lacordaire, 31078 Toulouse Cedex Tél. 52-84-70.
VA.CHEROT, 31, rue de la Fonderie.
YENDEVELLE (Sœur), rue du Mondonv, 31240 I/Union. Tél. 74-04-66.

*
* *
INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS, 21, rue d’Assas, 75270 Paris Cedex 06.
Tél. (1) 222-41-80.
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE L’OUEST, rue Volney, BP 808, 49005
Angers. Tél. (41) 88-33-12.
FACULTES CATHOLIQUES DE LYON, 25 et 29, rue du Plat, 69288 Lyon
Cedex I. Tél. (78) 25-51-00.
FACULTES CATHOLIQUES DE LILLE. 60, boulevard Vauban. 59046 Lille
Cedex. Tél. (20) 57-28-00.
*
* *
RECTORAT DE L’ACADEMIE DE TOULOUSE, impasse S&int-Jacque6.
31073 Toulouse Cedex. Tél. 53-11-27.
C.R.O.U.S., 7, rue des Salenques, 31070 Toulouse Cedex. Tél. 21-13-61.
DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DES
LOISIRS, 23, rue d’Astorg, 31000 Toulouse. Tél. 21-42-33.
O.N.I.S.E.P., 41, rue Achille-Vi&dieu, 31400 Toulouse. Tél. 52-47-52.
MNEF., 32 bis, avenue Honoré-Serres, 31069 Toulouse Cedex. Tél.
62-37-05.
S.M.E.S.O., 46. rue Alsace-Lorraine. 31000 Toulouse. Tél. 21-11-19.
TOULOUSE I (Sciences sociales), place Anatole-France, 31070 Toulouse
Cedex. Tél. 23-01-45.
TOULOUSE II (Toulouse-Le Mirail), 109 bis. rue Vauquelin, 31081 Tou
louse Cedex. Tél. 41-11-05.
TOULOUSE III (Paul-Sabatier), 118. route de Narbonne, 31077 Toulouse
Cedex. Tél. 53-11-20.
INSTITUT NATIONAL POLYTECHNIQUE DE TOULOUSE. (I.N.P.T. ).
place des Hauts-Murats. BP 354 Toulouse Cedex. Tél. 52-21-37

Vous aimerez peut-être aussi