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HYDROGÉOLOGIE

L’eau dans le sol :


amie ou ennemie ? (3 ème
partie)

ABSTRACT Christian Archambault


The water in the ground: Ingénieur hydrogéologue ENSG (École
friend or enemy? (1st part) nationale supérieure de géologie)
In terracing and construction work, water Expert honoraire près la Cour d’appel de Lyon
generally constitutes a hindrance or obstacle Francis Bardot, Ingénieur civil des Mines
that is difficult to combat. Water flows over Expert honoraire agréé par la Cour de cassation
ground surfaces (examined in the study of
hydrology) and underground (hydrogeology).
In this article, Christian Archambault and Lors des travaux de terrassement et de construction, l’eau constitue géné-
Francis Bardot exclusively focus on hydrogeo- ralement une gêne, voire un obstacle contre lequel il est difficile de lutter.
logy, initially summarizing the natural water L’eau s’écoule à la surface du sol (l’eau est alors l’objet d’étude de l’hydro-
cycle and describing water as having been in logie) et à l’intérieur du sol (elle est l’objet d’étude de l’hydrogéologie).
permanent circulation between the sky and Dans cet article, Christian Archambault et Francis Bardot s’intéressent
the land over millions of years. Then, through exclusivement à l’hydrogéologie, en retraçant d’abord le cycle naturel
a brief summary of French hydrogeology, the de l’eau. Ils décrivent ainsi cette eau en circulation permanente, depuis
two authors present us with a science that, des milliards d’années, entre ciel et terre. Puis, les deux auteurs nous
in its modern inclination, developed at the présentent grâce à un bref rappel historique l’hydrogéologie française,
end of the last century at the same time as the une science qui s’est développée, dans son acception moderne, à la fin
emergence of water resource management (rep- du siècle dernier en même temps que l’essor de la gestion des ressources
lenishing groundwater, catchment areas...). d’eau (réalimentation des nappes, bassin versant...). Enfin, Christian
Lastly, Christian Archambault and Francis Archambault et Francis Bardot exposent les lois d’écoulement de l’eau
Bardot examine the laws on groundwater flows, dans le sol, en s’intéressant notamment aux mesures de la perméabilité ou
with a specific focus on measuring permeabi- aux propriétés des sols vis-à-vis de l’eau.
lity and ground soil properties.

« L’
eau coule de ville en dentes, les problèmes liés à la présence ouvrage d’art ou d’un bâtiment, quelle que
ville, les bateaux la d’eau affectant les chantiers de génie civil, soit sa destination, ou de tous autres tra-
labourent, elle rend la bâtiments et travaux publics, ainsi que les vaux qui nécessitent de modifier la surface
terre fertile et, sous le soleil brûlant, tu te ouvrages finis en service sont très nom- du terrain naturel (création de route, voie
jettes dans ses bras et elle apaise ta soif. breux. Nous n’évoquerons ici que quelques ferrée, etc.), on commence par des travaux
Elle sait aussi tuer avec une sûreté infail- cas particuliers mais, toutefois, souvent de terrassement, en déblai si on retire des
lible. Insaisissable et changeante, l’eau est rencontrés dans la pratique et liés à la cir- terres ou en remblai si, au contraire, on
à l’image de la vie : elle est cruelle comme culation d’eau souterraine. Nous excluons apporte des terres.
elle et enchanteresse comme elle »1. donc les problèmes liés à l’hydrologie de Le bon déroulement des travaux sera étroi-
cours d’eau et les inondations qui s’en- tement lié à la nature des sols qui seront
Les sinistres ou suivent, étant rappelé qu’il existe bien entaillés ou rapportés, ainsi qu’à leur
dysfonctionnements liés évidemment des communications et des teneur en eau.
à l’hydrogéologie échanges entre l’eau de surface et l’eau Dans tous les cas, bien sûr, les plateformes
souterraine et donc des interactions. ainsi constituées devront être conçues de
Préambule telle sorte que les eaux de surface d’origine
Comme déjà vu dans les parties précé- Terrassement des plateformes Mots-clés : Argile ; Cycle de l’eau ; Débit ; Écoulement ; Évacuation ;
Hydrogéologie ; Hydrologie ;Intensité ; Nappes souterraines ; Perméabi-
1 La création du monde, Jean d’Ormesson. Qu’il s’agisse de la construction d’un lité - ST, C, 18, 03.

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météorique ne stagnent pas et soient éva- que l’on s’éloigne de la teneur en eau opti- de manière non uniforme sur la surface du
cuées vers l’extérieur. male d’1 ou 2 % par exemple, alors la den- bâtiment et il s’ensuit des mouvements dif-
Dans le cas de mise au jour de sols rocheux sité sèche correspondante n’est pas satis- férentiels des fondations et l’apparition de
ou gravelo-sableux, la présence d’eau n’est faisante. fissures dans la construction.
pas très gênante car, compte tenu de leur À titre comparatif, pour un matériau gra- Ce phénomène était bien connu dans les
perméabilité qui est souvent élevée, ces velo-sableux, on s’aperçoit que la forme de régions tropicales. Mais, du fait du chan-
sols sont quasiment insensibles et auto- la courbe est beaucoup plus plate, ce qui gement climatique, il affecte aussi main-
drainants. signifie que, même si l’on s’éloigne de la tenant les régions tempérées et notam-
Il n’en est pas de même pour les sols argi- teneur en eau optimale de plusieurs points, ment la France depuis 1976, surtout depuis
leux susceptibles de retenir une quantité on obtient encore une densité sèche satis- le début des années 1990. Ce phénomène
d’eau importante qui va conditionner leur faisante. peut aboutir à un classement en catas-
comportement mécanique, comme nous En conséquence, si la réalisation de tra- trophe naturelle dans le cadre de la loi
l’avons vu précédemment dans le chapître vaux de terrassement dans le cas de sols du 13 juillet 1982. Pour cela, il faut que le
3 du présent article. rocheux ou gravelo-sableux perméables sinistre fasse l’objet d’un arrêté ministériel,
La teneur en eau va donc constituer un dépend peu des conditions météorolo- à la suite de la demande émanant d’abord
paramètre extrêmement important pour giques, en revanche, il n’en est pas de du maire de la commune sinistrée, puis
réaliser les travaux aussi bien en déblai même pour les sols argileux. Pour ces der- du préfet. L’assureur multirisques habita-
qu’en remblai de manière satisfaisante. niers, soit on évitera de travailler au cours tion doit alors indemniser les victimes à la
Nous allons examiner les deux cas. de périodes météorologiques défavorables, suite d’une expertise amiable ou, éventuel-
soit, si l’on n’a pas le choix, il faudra pro- lement, judiciaire en cas de refus motivé.
Cas du déblai céder à des opérations permettant de dimi- En cumulé, depuis le début des années
Si le sol argileux est sec, il aura une consis- nuer la teneur en eau naturelle par traite- 1990 et à ce jour, le montant total versé par
tance solide et les travaux vont pouvoir ment de l’argile à l’aide de liants hydrau- les compagnies d’assurance s’élève envi-
se dérouler de manière satisfaisante, les liques tels que la chaux ou le ciment qui ron à plus de 6 milliards d’euros, ce qui
engins de terrassement pourront se dépla- absorbent une partie de l’eau excédentaire. constitue le plus important sinistre dans le
cer et évoluer sans problème. domaine de la construction.
Si la teneur en eau augmente, l’argile va Effets de la sécheresse On remarquera que, bien souvent, d’autres
acquérir un comportement plastique et sur les sols argileux causes que le phénomène de retrait-gon-
le passage des engins de terrassement va Pour toutes les raisons exposées déjà ci- flement des argiles ont joué dans la sur-
aboutir à la formation d’ornières difficiles avant, la teneur en eau d’un sol argileux venance du sinistre et que le classement
à maîtriser, ce que l’on appelle l’effet de influe sur son comportement, de solide si en catastrophe naturelle peut être contes-
matelassage. elle est faible, à liquide, au contraire, si elle table. On se reportera pour cet aspect à
Si la teneur en eau augmente encore plus, est trop élevée. l’excellent article de notre confrère Paul
alors l’argile va acquérir un comportement Ces changements d’état s’accompagnent Vandangeon paru dans la Revue Experts
liquide et une consistance de boue. Le de variations volumétriques. L’argile va n° 119 (avril 2015).
chantier va rapidement devenir complète- gonfler si la teneur en eau augmente et, au
ment impraticable. contraire, va se rétracter si celle-ci dimi- Stabilité des versants naturels
nue. et des talus
Cas du remblai Ce phénomène de gonflement-retrait en Sous l’effet de la pesanteur et de l’action
Le matériau argileux qui va être apporté fonction de la teneur en eau peut donc pro- des phénomènes d’altération physico-
sur le terrain naturel doit être mis en place voquer des mouvements des fondations chimique et d’érosion, tout terrain en pente
en procédant à des opérations de compac- de bâtiments légers posés en surface. En tend vers l’horizontale ! Lorsque l’on étudie
tage. Leur objectif est, d’abord, d’obtenir la effet, ces variations de volume s’effectuent la stabilité d’un talus artificiel, en déblai
meilleure densité possible pour éviter tout
risque de tassements dans le temps sous
l’effet du poids propre et de surcharges
d’exploitation, et aussi de diminuer la per-
méabilité du remblai et les risques d’infil-
tration d’eau.
On procède alors à un essai extrêmement
important dénommé Proctor qui consiste,
en laboratoire, à trouver la teneur en eau
optimale, dite Optimum Proctor, qui abou-
tit à la densité sèche optimale.
Pour les sols argileux, la forme de la courbe
est très pointue, ce qui signifie que, dès Figure 20.

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dérisoire, un litre maximum, par rapport à
celle contenue par le tonneau lui-même.
C’est ce qui se passe dans la nature lorsque
le niveau de l’eau monte dans le terrain
d’une manière uniforme dans un sol rela-
tivement perméable ou par circulation pri-
vilégiée dans les discontinuités affectant
un massif rocheux (faille, fracture, dia-
clase…).
Pour toutes les raisons exposées ci-avant,
il n’est pas étonnant que, dans la plupart
des cas, les sinistres liés à la stabilité des
versants (effondrements de talus, glisse-
ments de terrain, etc.) se produisent au
Figure 21. cours ou à la suite de périodes météoro-
logiques très défavorables. C’est le cas du
ou en remblai, ou d’un versant naturel, on si l’on retire une partie du pied du talus grand glissement de terrain survenu en
considère qu’un volume de terrain en mou- pour créer une plateforme horizontale, par Guyane en avril 2000 et qui a provoqué la
vement ou susceptible de l’être est déli- exemple. En revanche, si l’on apporte du mort de 10 personnes (voir la figure 23).
mité par une surface de rupture souvent de poids au pied du talus (banquette de terre Et, en conséquence, l’amélioration de la
forme grossièrement circulaire (figure 20). ou risberme), ceci aura un effet positif. stabilité d’un versant ou d’un talus implique
Ce volume, qui va avoir tendance à glis- Mais, il ne faut évidemment pas oublier le des travaux de drainage pour extraire le
ser en fonction des forces qui lui sont rôle de l’eau qui, notamment par l’effet des maximum d’eau du terrain, en complétant
appliquées, peut être divisé en deux par- pressions interstitielles et le ramollisse- si nécessaire par la réalisation d’ouvrages
ties séparées par la verticale qui passe par ment des couches argileuses, a tendance à mécaniques (mouvements de terre, substi-
le centre du cercle supposé (figure 21). accroître le risque de glissement. tution de matériaux argileux par des maté-
Ces deux parties vont alors se comporter Dans ces problèmes de stabilité de pente, riaux gravelo-sableux, tirants d’ancrage
comme les deux plateaux d’une balance les circulations d’eau souterraine jouent précontraints ou clous passifs).
en fonction des poids qui seront ajoutés donc un rôle essentiel. L’expérience du ton-
ou soustraits à droite ou à gauche. Si l’on neau de Pascal (figure 22) consiste à rem- Barrages en terre
apporte une surcharge en tête de talus, plir d’abord d’eau un tonneau de 200 litres Comme les barrages en béton, les barrages
ceci aura un effet déstabilisateur, de même de contenance. Puis, on dispose au som- en terre permettent de stocker de l’eau aux
met du tonneau un tube de 10 m de hau- fins de différents usages : stockage d’eau
teur et de 1 cm2 de section que l’on rem- pour alimentation humaine, industrielle ou
plit progressivement d’eau. Il apparaît qu’à irrigation, énergie hydroélectrique, bassins
partir d’une certaine hauteur, le tonneau va de loisirs, écrêtement de crues, etc.
éclater malgré l’apport d’une quantité d’eau Ces ouvrages ne sont pas rigoureusement

Figure 22. Une illustration du tonneau de Pascal


tirée de “Les Forces de la nature” d’Amédée
Guillemine. Figure 23. Grand glissement de terrain survenu en Guyane en avril 2000.

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pression de l’eau.
Le scénario de rupture a fait intervenir
aussi une propriété découverte au labora-
toire sur la roche du site : la très forte dimi-
Figure 24.

étanches sauf en cas de mise en œuvre d’un


noyau ou d’un parement amont en maté-
riaux imperméables. En conséquence, de
l’eau va pouvoir percoler à travers le corps
du barrage de l’amont vers l’aval et il va
ainsi s’instaurer un réseau d’écoulement.
Il faut éviter que la surface piézométrique
intercepte le talus aval au-dessus de sa base
à l’aide de dispositifs de drainage tels qu’un
tapis drainant par exemple (figure 24). En
cas d’absence d’un tel dispositif, ou de
son inefficacité, les lignes de courant vont
intercepter le talus. La force d’écoulement
s’exerçant sur les grains du sol va alors
produire un entraînement des particules
les plus fines, aboutissant à la création de
vides évoluant de plus en plus vers l’amont. Figure 25.
C’est le phénomène de renard évoqué ci-
avant qui peut évoluer très rapidement, en le massif rocheux (gneiss) était découpé nution de la perméabilité lorsque l’éprou-
quelques jours, voire en quelques heures, par deux discontinuités formant un coin et vette est confinée ; une barrière étanche
et aboutir à la ruine de l’ouvrage. C’est ce alimenté par l’eau de la retenue (figure 26). se forme pour cette raison sous le barrage,
qui s’est passé en décembre 2000 sur le bar- Cet accident dramatique a provoqué le qui va recevoir la quasi-totalité de la pous-
rage de la figure 25 construit sur le Terri- 2 décembre 1959 la mort de 423 personnes sée des écoulements souterrains, un phé-
toire de Belfort et intégré dans un système et des dégâts matériels considérables. nomène inconnu jusqu’alors.
de bassins d’écrêtement de crues. Il s’est Les investigations effectuées après l’acci- En l’espèce, aucune faute ou erreur n’a
rompu au cours de la première mise en eau, dent ont montré qu’il existait une structure été reprochée aux constructeurs à l’issue
provoquant l’inondation à l’aval de trois vil- géologique défavorable qui n’avait jamais d’une longue procédure qui s’est terminée à
lages et de sites industriels très importants. été identifiée précédemment et donc pas- la fois devant le Conseil d’État et la Cour de
Remarquons que le cas des barrages en sée inaperçue : sous l’aile rive gauche du cassation. Depuis, évidemment, des études
terre est intéressant puisqu’au droit du barrage, la conjonction d’une faille mineure géologiques très approfondies sont impo-
même ouvrage l’eau est à la fois amie à à l’aval et d’une foliation bien marquée de sées pour les chantiers de construction de
l’amont, stockage d’eau, et ennemie à la roche a permis l’individualisation d’un barrages et l’État a créé le Comité tech-
l’aval, si le risque de renard n’est pas pris dièdre susceptible de glisser sous les pous- nique des grands barrages qui instruit tous
en compte et se réalise ! sées combinées de la voûte et de la sous- les dossiers pour des barrages de hauteur
supérieure à 30 m, qu’ils soient en béton
Barrages en béton ou enterre.
Malgré leur apparence de solidité inspi-
rant confiance, ces ouvrages sont égale- Fouilles profondes
ment sensibles aux phénomènes hydrogéo- La rareté et le coût des terrains dans les
logiques pouvant affecter leurs fondations. grandes villes, et les besoins croissants
L’eau qui percole sous le barrage, si faible d’utiliser l’espace souterrain notamment
soit son débit, exerce une pression qui tend pour le stationnement, amènent à creuser
à le soulever, c’est la sous-pression, tou- des fouilles de plus en plus profondes, par-
jours le tonneau de Pascal. Ceci est vrai fois jusqu’à 10 niveaux de sous-sol enter-
dans les sols, mais aussi le long des dis- rés, et ceci le plus souvent dans la nappe
continuités naturelles pouvant affecter un phréatique.
substratum rocheux sous les appuis, voire Ceci est le cas dans la ville de Lyon pour
à l’intérieur du corps des barrages. Figure 26. Barrage de Malpasset, coupe laquelle l’histoire des parkings enterrés est
C’est ce qui s’est produit sous la fondation schématique du barrage et du sous-sol sur la rive très intéressante.
en rive gauche du barrage de Malpasset où gauche. On retiendra essentiellement que, dans la
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Figure 27. 1 sous-sol. Figure 28. 2 sous-sols.

Figure 29. 3 sous-sols. Figure 30. 4 à 6 sous-sols.

partie est de la ville au pied des collines de sols, on a réalisé des parois moulées 10-5 m/s au lieu de 10-2 à 10-3 m/s pour les
Fourvière et de la Croix-Rousse, la coupe dans le sol fichées dans le substratum de alluvions constituées de graviers et sables).
de sol comporte 3 à 5 m de limons puis 15 à molasse ou de granite afin de réduire les Les forages étaient trop espacés.
20 m de graviers et sables, et enfin le subs- débits (figure 30). Mais il subsistait encore Cette première expérience a permis d’évi-
tratum constitué par la molasse (sable fin en fond de fouille un matelas de graviers ter le problème pour la fouille profonde sui-
plus ou moins consolidé), ou le granite. Le et sables permettant un rabattement de vante exécutée pour le parking de la gare
toit de la nappe phréatique fluctuant a une nappe dans des conditions satisfaisantes. Part-Dieu où, sur une surface de 8 000 m2
profondeur comprise entre 3 m et 6 m en Au début des années 1990, le nombre de environ, une centaine de forages de petit
fonction de la distance au Rhône. sous-sols a encore augmenté pour atteindre diamètre (de l’ordre de 15 cm), drainants et
Depuis le temps des Romains, on ne réa- 7 ou 8 et, en fond de fouille, on a mis au actifs avec pompage, ont été réalisés, ce qui
lisait qu’un niveau de sous-sol à usage de jour, dans le quartier de la Part-Dieu, la permettait de rabattre la nappe phréatique
cave situé au-dessus du toit de la nappe molasse (figure 31). Au début, on poursui- sous le niveau du fond de fouille et donc
phréatique ; il n’y avait pas de problème vait le pompage à l’aide de forages (puits) d’éviter les gradients ascendants verticaux
(figure 27). de diamètre pluri-décimétrique creusés néfastes (figure 33).
Dans le courant des années 1950 à 1960, dans l’aquifère molassique, mais qui étaient Mais, la nature humaine étant ce qu’elle est,
pour des besoins de stationnement, on a très espacés comme dans les alluvions. Le sur plusieurs fouilles profondes suivantes, les
commencé à réaliser 2 sous-sols (figure 28). premier parking d’une telle profondeur est constructeurs, estimant que les forages drai-
Si la nappe était atteinte, on pompait avec celui du nouveau Palais de justice. nants étaient trop chers et que le débit d’ex-
des puits traditionnels assez espacés car Des problèmes ont alors été rencontrés haure était légèrement augmenté, ont voulu
le rabattement pouvait être obtenu facile- à cause de manifestation de boulance en abandonner les puits drainants (figure 34).
ment du fait de la perméabilité des graviers fond de fouille qui s’explique par le fait que À nouveau, des problèmes de boulance et de
et sables (10-2 à 10-3 m/s). le réseau d’écoulement obtenu, avec une renard en fond de fouille ont été rencontrés !
Au début des années 1980, on a commencé charge hydraulique importante supérieure À ce jour, toutefois, les diverses expériences
à réaliser 3 sous-sols (figure 29). Le fond de à 15 - 16 m, entraînait en fond de fouille ainsi rencontrées ont amené les construc-
la fouille était donc dans la nappe phréa- des gradients ascendants verticaux dépas- teurs à plus de prudence et à revenir à la solu-
tique et on continuait à rabattre avec des sant la valeur critique de 1 (figure 32). On tion des forages drainants (appelés aussi par-
gros puits et des débits élevés. avait oublié que la molasse, bien que beau- fois drains de décharge).
Puis, progressivement, compte tenu des coup moins perméable que les graviers et
débits très élevés et de la hauteur des sables, n’est néanmoins pas rigoureuse- Ouvrages de soutènement
terres qu’il fallait soutenir avec 4 à 6 sous- ment imperméable (perméabilité de 10-4 à Dans le cadre de travaux d’aménagement et
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Figure 31. 7 à 8 sous-sols. Figure 32. Boulance en fond de fouille.

Figure 33. Forages drainants. Figure 34. Retour en arrière.

de terrassement, aussi bien en déblai qu’en exemple, il existe un fort risque de dépla- tains ont été mis en œuvre depuis des mil-
remblai, s’il ne s’avère pas possible de réa- cement, voire d’effondrement. L’étude pré- lénaires. Les développements récents de
liser des talus trop raides pour des rai- alable du contexte hydrogéologique est l’hydrogéologie et des techniques de forage
sons de limites de propriété, d’emprise ou donc fondamentale pour aboutir à un pro- permettent, aujourd’hui, de satisfaire des
de stabilité, on réalise alors des ouvrages jet satisfaisant. besoins de plus en plus importants.
qui retiennent les terrains (sols, roches ou Mais l’eau peut aussi provoquer des pro-
remblais) et éventuellement l’eau. Phénomènes de dissolution blèmes parfois dramatiques dans le domaine
Cette grande famille comporte des ouvra- Les roches calcaires (CaCO3) et les roches du génie civil, tant lors de la construc-
ges très variés allant de simples enroche- salines, gypse (CaSO4, 2H2O) et sel gemme tion que pendant la période d’exploitation
ments ou murs de soutènement en maçon- (NaCl), sont dissous par l’eau tant que d’un ouvrage. L’eau souterraine peut deve-
nerie de pierre, jusqu’à des ouvrages très celle-ci circule. nir une ennemie. Il faut alors recourir à
complexes tels que parois moulées, parois Si ce phénomène est très lent pour les cal- des techniques bien maîtrisées de drainage
berlinoises, parois clouées, etc. caires, en revanche il peut être très rapide pour supprimer ou tout au moins circons-
Certains de ces ouvrages sont conçus et pour le gypse et le sel gemme, notamment crire ces problèmes. Ces derniers sont par-
exécutés pour résister à la poussée de si la circulation de l’eau est provoquée par ticulièrement importants dans les sols plus
l’eau en plus de la poussée des terres. C’est des pompages et rabattements de nappe ou moins argileux dont la consistance et le
notamment le cas des parois moulées évo- importants. Il y a alors formation de vides comportement mécanique varient énormé-
quées ci-avant. en profondeur qui, par effondrement pro- ment avec leur teneur en eau.
En revanche, les ouvrages plus simples tels gressif du toit, peuvent atteindre la sur- Les quelques exemples présentés dans le
que les murs en maçonnerie de pierre ou en face du sol : c’est le phénomène de fontis, présent article permettent de se rendre
béton armé, seraient beaucoup trop volu- bien connu notamment dans la région pari- compte de la complexité et de la difficulté
mineux s’ils devaient retenir aussi la pous- sienne. rencontrées dans les expertises de génie
sée de l’eau et devenir ainsi des barrages. civil où l’expert géotechnicien doit abso-
En conséquence, ces murs doivent être Conclusion lument, dans les cas les plus complexes,
équipés d’ouvrages de drainage, le dispo- L’eau, cette amie indispensable, est très se faire assister par un expert hydrogéo-
sitif le plus simple et le plus ancien consis- recherchée pour être domestiquée, soit en logue. Les auteurs de cet article ont une
tant à aménager des ouvertures appelées surface, soit dans le sol, afin de satisfaire longue pratique de cette coopération fruc-
barbacanes à travers le mur. En cas d’ab- les besoins de l’activité humaine. tueuse, qui a permis d’éclairer, entre autres,
sence de dispositif de drainage, ou de son Les moyens pour rechercher et capter les magistrats dans de nombreuses affaires
inefficacité à la suite de colmatage par l’eau souterraine sont nombreux et cer- souvent délicates. n
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