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« L’
eau coule de ville en dentes, les problèmes liés à la présence ouvrage d’art ou d’un bâtiment, quelle que
ville, les bateaux la d’eau affectant les chantiers de génie civil, soit sa destination, ou de tous autres tra-
labourent, elle rend la bâtiments et travaux publics, ainsi que les vaux qui nécessitent de modifier la surface
terre fertile et, sous le soleil brûlant, tu te ouvrages finis en service sont très nom- du terrain naturel (création de route, voie
jettes dans ses bras et elle apaise ta soif. breux. Nous n’évoquerons ici que quelques ferrée, etc.), on commence par des travaux
Elle sait aussi tuer avec une sûreté infail- cas particuliers mais, toutefois, souvent de terrassement, en déblai si on retire des
lible. Insaisissable et changeante, l’eau est rencontrés dans la pratique et liés à la cir- terres ou en remblai si, au contraire, on
à l’image de la vie : elle est cruelle comme culation d’eau souterraine. Nous excluons apporte des terres.
elle et enchanteresse comme elle »1. donc les problèmes liés à l’hydrologie de Le bon déroulement des travaux sera étroi-
cours d’eau et les inondations qui s’en- tement lié à la nature des sols qui seront
Les sinistres ou suivent, étant rappelé qu’il existe bien entaillés ou rapportés, ainsi qu’à leur
dysfonctionnements liés évidemment des communications et des teneur en eau.
à l’hydrogéologie échanges entre l’eau de surface et l’eau Dans tous les cas, bien sûr, les plateformes
souterraine et donc des interactions. ainsi constituées devront être conçues de
Préambule telle sorte que les eaux de surface d’origine
Comme déjà vu dans les parties précé- Terrassement des plateformes Mots-clés : Argile ; Cycle de l’eau ; Débit ; Écoulement ; Évacuation ;
Hydrogéologie ; Hydrologie ;Intensité ; Nappes souterraines ; Perméabi-
1 La création du monde, Jean d’Ormesson. Qu’il s’agisse de la construction d’un lité - ST, C, 18, 03.
partie est de la ville au pied des collines de sols, on a réalisé des parois moulées 10-5 m/s au lieu de 10-2 à 10-3 m/s pour les
Fourvière et de la Croix-Rousse, la coupe dans le sol fichées dans le substratum de alluvions constituées de graviers et sables).
de sol comporte 3 à 5 m de limons puis 15 à molasse ou de granite afin de réduire les Les forages étaient trop espacés.
20 m de graviers et sables, et enfin le subs- débits (figure 30). Mais il subsistait encore Cette première expérience a permis d’évi-
tratum constitué par la molasse (sable fin en fond de fouille un matelas de graviers ter le problème pour la fouille profonde sui-
plus ou moins consolidé), ou le granite. Le et sables permettant un rabattement de vante exécutée pour le parking de la gare
toit de la nappe phréatique fluctuant a une nappe dans des conditions satisfaisantes. Part-Dieu où, sur une surface de 8 000 m2
profondeur comprise entre 3 m et 6 m en Au début des années 1990, le nombre de environ, une centaine de forages de petit
fonction de la distance au Rhône. sous-sols a encore augmenté pour atteindre diamètre (de l’ordre de 15 cm), drainants et
Depuis le temps des Romains, on ne réa- 7 ou 8 et, en fond de fouille, on a mis au actifs avec pompage, ont été réalisés, ce qui
lisait qu’un niveau de sous-sol à usage de jour, dans le quartier de la Part-Dieu, la permettait de rabattre la nappe phréatique
cave situé au-dessus du toit de la nappe molasse (figure 31). Au début, on poursui- sous le niveau du fond de fouille et donc
phréatique ; il n’y avait pas de problème vait le pompage à l’aide de forages (puits) d’éviter les gradients ascendants verticaux
(figure 27). de diamètre pluri-décimétrique creusés néfastes (figure 33).
Dans le courant des années 1950 à 1960, dans l’aquifère molassique, mais qui étaient Mais, la nature humaine étant ce qu’elle est,
pour des besoins de stationnement, on a très espacés comme dans les alluvions. Le sur plusieurs fouilles profondes suivantes, les
commencé à réaliser 2 sous-sols (figure 28). premier parking d’une telle profondeur est constructeurs, estimant que les forages drai-
Si la nappe était atteinte, on pompait avec celui du nouveau Palais de justice. nants étaient trop chers et que le débit d’ex-
des puits traditionnels assez espacés car Des problèmes ont alors été rencontrés haure était légèrement augmenté, ont voulu
le rabattement pouvait être obtenu facile- à cause de manifestation de boulance en abandonner les puits drainants (figure 34).
ment du fait de la perméabilité des graviers fond de fouille qui s’explique par le fait que À nouveau, des problèmes de boulance et de
et sables (10-2 à 10-3 m/s). le réseau d’écoulement obtenu, avec une renard en fond de fouille ont été rencontrés !
Au début des années 1980, on a commencé charge hydraulique importante supérieure À ce jour, toutefois, les diverses expériences
à réaliser 3 sous-sols (figure 29). Le fond de à 15 - 16 m, entraînait en fond de fouille ainsi rencontrées ont amené les construc-
la fouille était donc dans la nappe phréa- des gradients ascendants verticaux dépas- teurs à plus de prudence et à revenir à la solu-
tique et on continuait à rabattre avec des sant la valeur critique de 1 (figure 32). On tion des forages drainants (appelés aussi par-
gros puits et des débits élevés. avait oublié que la molasse, bien que beau- fois drains de décharge).
Puis, progressivement, compte tenu des coup moins perméable que les graviers et
débits très élevés et de la hauteur des sables, n’est néanmoins pas rigoureuse- Ouvrages de soutènement
terres qu’il fallait soutenir avec 4 à 6 sous- ment imperméable (perméabilité de 10-4 à Dans le cadre de travaux d’aménagement et
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Figure 31. 7 à 8 sous-sols. Figure 32. Boulance en fond de fouille.
de terrassement, aussi bien en déblai qu’en exemple, il existe un fort risque de dépla- tains ont été mis en œuvre depuis des mil-
remblai, s’il ne s’avère pas possible de réa- cement, voire d’effondrement. L’étude pré- lénaires. Les développements récents de
liser des talus trop raides pour des rai- alable du contexte hydrogéologique est l’hydrogéologie et des techniques de forage
sons de limites de propriété, d’emprise ou donc fondamentale pour aboutir à un pro- permettent, aujourd’hui, de satisfaire des
de stabilité, on réalise alors des ouvrages jet satisfaisant. besoins de plus en plus importants.
qui retiennent les terrains (sols, roches ou Mais l’eau peut aussi provoquer des pro-
remblais) et éventuellement l’eau. Phénomènes de dissolution blèmes parfois dramatiques dans le domaine
Cette grande famille comporte des ouvra- Les roches calcaires (CaCO3) et les roches du génie civil, tant lors de la construc-
ges très variés allant de simples enroche- salines, gypse (CaSO4, 2H2O) et sel gemme tion que pendant la période d’exploitation
ments ou murs de soutènement en maçon- (NaCl), sont dissous par l’eau tant que d’un ouvrage. L’eau souterraine peut deve-
nerie de pierre, jusqu’à des ouvrages très celle-ci circule. nir une ennemie. Il faut alors recourir à
complexes tels que parois moulées, parois Si ce phénomène est très lent pour les cal- des techniques bien maîtrisées de drainage
berlinoises, parois clouées, etc. caires, en revanche il peut être très rapide pour supprimer ou tout au moins circons-
Certains de ces ouvrages sont conçus et pour le gypse et le sel gemme, notamment crire ces problèmes. Ces derniers sont par-
exécutés pour résister à la poussée de si la circulation de l’eau est provoquée par ticulièrement importants dans les sols plus
l’eau en plus de la poussée des terres. C’est des pompages et rabattements de nappe ou moins argileux dont la consistance et le
notamment le cas des parois moulées évo- importants. Il y a alors formation de vides comportement mécanique varient énormé-
quées ci-avant. en profondeur qui, par effondrement pro- ment avec leur teneur en eau.
En revanche, les ouvrages plus simples tels gressif du toit, peuvent atteindre la sur- Les quelques exemples présentés dans le
que les murs en maçonnerie de pierre ou en face du sol : c’est le phénomène de fontis, présent article permettent de se rendre
béton armé, seraient beaucoup trop volu- bien connu notamment dans la région pari- compte de la complexité et de la difficulté
mineux s’ils devaient retenir aussi la pous- sienne. rencontrées dans les expertises de génie
sée de l’eau et devenir ainsi des barrages. civil où l’expert géotechnicien doit abso-
En conséquence, ces murs doivent être Conclusion lument, dans les cas les plus complexes,
équipés d’ouvrages de drainage, le dispo- L’eau, cette amie indispensable, est très se faire assister par un expert hydrogéo-
sitif le plus simple et le plus ancien consis- recherchée pour être domestiquée, soit en logue. Les auteurs de cet article ont une
tant à aménager des ouvertures appelées surface, soit dans le sol, afin de satisfaire longue pratique de cette coopération fruc-
barbacanes à travers le mur. En cas d’ab- les besoins de l’activité humaine. tueuse, qui a permis d’éclairer, entre autres,
sence de dispositif de drainage, ou de son Les moyens pour rechercher et capter les magistrats dans de nombreuses affaires
inefficacité à la suite de colmatage par l’eau souterraine sont nombreux et cer- souvent délicates. n
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