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Economie Industrielle Option Eco
Economie Industrielle Option Eco
Le producteur est seul sur le marché, confronté à tous les autres acteurs. Il doit donc agir.
La demande des consommateurs à l’entreprise est représentée par une droite horizontale
qui fixe le prix d’équilibre et qui permet de calculer la recette marginale et la recette
moyenne.
C’est la rationalité du producteur qui le pousse à maximiser son profit, c’est à dire à
organiser sa production de la façon la plus efficiente, en considérant les impératifs du
marché, donc le prix. Comme le profit peut s’écrire : Π = p.q – CT (q)
La maximisation du profit est réalisée lorsque le coût marginal est égalisé au prix. Cette
condition peut se comprendre de la manière suivante : si le prix était supérieur au coût
marginal, une unité supplémentaire de production engendrerait un supplément de coût
inférieure à la recette reçue de sa vente. Le producteur peut encore augmenter son profit
en produisant plus, donc il n’est pas dans la situation optimale.
P
P
O (p) Cm
CV
P1 M
P*
P° D=RM=Rm
D(p)
q
q* q
Si l’entreprise fait face à un prix P°, alors elle choisit de ne pas produire car dans ce cas, p°
< CVM. La quantité offerte sur le marche est inférieure à ce que désirent les consommateurs.
Si le prix est supérieur au coût variable moyen, alors chaque unité produite génère une recette
par rapport aux seuls coûts variables. Mais le total de ses recettes peut être inférieur aux
seuls coûts fixes.
Exercice
y = 10 K1/3L1/2
P le prix du bien y, r le prix de K, w le prix de L
Comme le producteur est rationnel, il cherche à maximiser son profit en égalisant son coût
marginal au prix du marché. La condition devient Cm = CVM. Ainsi le seuil de fermeture
correspond à la fois au minimum de la courbe de CVM et à l’égalisation du Cm avec le
CVM.
Le seuil de rentabilité
L’entreprise peut également s’intéresser aux conditions qui lui permettront d’obtenir un
profit positif. Le seuil de rentabilité apparaît lorsque le profit est nul, c’est à dire lorsque
Π = pq – CT(q) = 0
Cm
CVM
Seuil
rentabilité
D=RM=Rm
Seuil de
fermeture
q
En longue période, l’équilibre du marché en concurrence pure et parfaite est caractérisé
par une double hypothèse :
Cette dernière hypothèse paraît aboutir à une conclusion paradoxale : comment concevoir une
rationalité qui s’exprime par la maximisation des profits alors que l’équilibre en longue période
conduit à leur annulation ?
Au départ, une entreprise produit Q1i et réalise un profit (P° > CM). De nouvelles firmes
d’autres branches entrent sur le marché et la fonction d’offre se déplace dans un
mouvement continu jusqu’à ce que p = p*, prix d’équilibre sur le marché. Chaque
entreprise se situe donc au minimum de son coût moyen à long terme.
P
P
Cm D(p
CM ) S(p) T(p) S*(p)
P0
P1
P*
q q
Q* Q1 nQ* mQ* n*Q*
Exercice
Considérons un marché où les entreprises ont une même fonction de coût total à long
terme.
CT (q) =Q1/2 - Q3/2
La demande des consommateurs sur le marché est égale à : D( p) = 1600 / P2
Exercice
Quatre entreprises (A, B, C, D) d’un secteur en situation de concurrence ont des fonctions
d’offre telles que :
Sa = 16 + 4 p Sb = 32 + 5 p
Sc = 5 + p Sd = 60 + 7 p
Si la concurrence pure et parfaite souligne que toutes les ressources sont utilisées de façon
optimale, les hypothèses relatives à ce modèle sont trop rigides pour être vérifiées dans la
réalité. D’ailleurs, les micro-‐économistes insistent bien sur le fait que le modèle de
concurrence pure et parfaite est un idéal type, dont il faudrait se rapprocher. Ainsi, la
concurrence sur les marchés est généralement imparfaite. Le tableau de Stackelberg permet
d’identifier différentes structures de marché en fonction du nombre d’offreurs et de
demandeurs.
La pente de la recette marginale (Rm) doit être plus faible que la pente du coût marginal (Cm).
Dans le cas normal, la condition de second ordre est toujours vérifiée. Le monopole égalise sa
recette marginale avec son coût marginal, ce faisant, il choisit sa quantité à mettre sur le
marché.
Les recettes totales sont représentées par la surface P*BQ*0 Le
profit du monopole correspond à la surface P*BCA
Pri A l’optimum, pour le monopole, Rm = Cm
x La quantité produite (Q*) apparaît sur la courbe de demande (D) A
l’optimum pour la concurrence, Pc = Cm
Cm
B
P*
CM
Pc
C
A D
0 Quantités
Q*
Rm
2. Les modes de gestion du monopole
Si la maximisation constitue un objectif important pour le monopole, la gestion de ce
dernier ne se réduit pas à maximiser des profits. Considérons une courbe de demande
linéaire telle que P = a – bQ (a, b >0). La recette moyenne est égale à la recette totale
divisée par la quantité vendue (Q).
CT(Q) = Q2 - Q +0.5
1. Calculer la fonction de demande inverse et en déduire la recette totale, puis marginale.
Représenter graphiquement la recette marginale.
2. Calculer la fonction de coût marginal et tracer sa représentation graphique
3. Quels sont la quantité et le prix d’équilibre du monopole ? A combien s’élève le profit
du monopole ? Le dessiner sur le graphique
4. Quels seraient la quantité et le prix d’équilibre qui correspondrait au cas de la
concurrence parfaite ?
Exercice 3
:
1° Le monopole cherche a maximiser son profit, calculer les quantités produites, le
prix pratiqué et le profit.
2° L’Etat décide d’obliger le monopole à pratiquer une tarification au coût marginal,
calculer les quantités produites, le prix pratiqué et le profit
3° Le monopole décide d’adopter la régle de la gestion à l’équilibre, calculer les
quantités produites, le prix pratiqué
4° Qu’en déduisez vous ?
B. Le duopole
Contrairement au cas du monopole dans lequel une firme a un pouvoir de marché, le cas du
duopole considère un marché sur lequel deux offreurs produisent un bien. On distingue
généralement trois types de modèles : le modèle de Cournot, le modèle de Bertrand et le
modèle Stackelberg.
Le modèle de Cournot
Dans un ouvrage intitulé Principes mathématiques de la théorie des richesses, Cournot (1838)
a proposé une explication du processus d’équilibre dans le cas d’un duopole produisant le
même bien et se faisant concurrence par les quantités. Chacune des deux firmes considère la
quantité offerte sur le marché par sa rivale comme fixée et définit sa propre offre en fonction
de cette hypothèse.
Bien que le prix p soit le même pour les deux firmes, il est fonction de deux quantités produits
Q1 et Q2. Si on appelle Q = Q1 +Q2 la quantité totale sur le marché. On peut noter la fonction
de demande inverse de la façon suivante p = f (Q). Ainsi la recette de la firme 1 s’élève à p
(Q1 +Q2) x Q1 et celle de la firme 2 à p (Q1+Q2).Q2. Afin de disposer de la fonction de profit,
on doit disposer de la fonction de coût moyen de chaque entreprise. Appelons ces fonctions
CM1 et CM2. Ces deux fonctions pourraient être les mêmes, on peut supposer qu’elles sont
différentes.
Quantité offerte par 2
A -‐ C1
Fonction de réaction
de 1 à 2
(A-‐C2/2)
Equilibre de Cournot
Q*2
Fonction de réaction
de 2 à 1
L’entreprise 1 cherche le prix P1 auquel elle va satisfaire la demande D1 (P1, P2) qui s’adresse
à elle de sorte à maximiser son profit. Le prix P1 optimal, compte tenu du prix P2 est celui
qui annule la dérivée du profit par rapport à P1. Symétriquement la firme 2 cherche le prix P2
auquel elle va satisfaire la demande D2 (P1, P2) qui s’adresse à elle afin de maximiser son
profit.
Comme les biens sont par hypothèse parfaitement homogènes, une entreprise qui propose un
prix plus faible que son concurrent reçoit toute la demande du marché. Si elles offrent toutes
les deux le même prix, elles se partagent la demande.
- Si l’entreprise 2 vend le produit plus cher que l’entreprise 1, toute la demande se reporte
sur l’entreprise 1. D1 (P1, P2) = D (p) et D2 (P1,P2) =0
- Si l’entreprise 2 vend le produit moins cher que l’entreprise 1, toute la demande
se reporte sur l’entreprise 2. D1 (P1,P2)=0 et D2 (P1,P2) = D(P)
- Si les deux entreprises fixent le même prix (P1=P2), elles reçoivent chacune la moitié des
demandes, on a donc D1 (P1,P2)=D2 (P1,P2)=D(P)/2
Prix proposé par 2 Si la firme 1 fixe son prix à P1, la firme 2
proposera P’1, la réaction de la firme 1 la pousse
à proposer P2, la réaction la firme 2 l’amène à
Fonction de proposer P’2. Le processus se poursuit jusqu’à ce
réaction de 1 à 2 que le prix atteigne son niveau minima,
permettant de satisfaire la demande sans sortir du
marché.
Fonction de
réaction de 2 à 1
P’
1
P’ Prix proposé
2 par 1
P2 P1
A l’équilibre, le prix est égal au coût marginal et les profits sont nuls. Aucune entreprise ne
peut améliorer ses profits puisqu’une diminution de prix entraîne une perte et que la
demande baisse si le prix augmente
Exercice 5 : Equilibre à la Bertrand
Le marché des boissons au Cola est un marché de duopole où les deux entreprises
présentes, Pepsi et Coca-‐Cola recherchent un équilibre à la Bertrand. On suppose que
les boissons Pepsi et Coca Cola sont parfaitement substituables. Le coût moyen de
production de Pepsi est de 3€, celui de Coca est de 2€.
L’introduction du droit, et des droits de propriété avec R. Coase, est aussi un tournant historique.
Elle va conduire à la théorie des droits de propriété qui constitue, encore aujourd’hui, le fondement
théorique de l’approche contractuelle. Cette approche propose une alternative à l’hypothèse
contestée, issue du modèle de concurrence pure, selon laquelle le comportement de l’entreprise est
un comportement rationnel. De même, l’affirmation selon laquelle le fonctionnement a un coût est
une hypothèse tout à fait nouvelle, qui va donner lieu à la théorie des coûts de transaction,
aujourd’hui au cœur de l’analyse explicative de la concentration verticale. Enfin, l’économie
industrielle va bénéficier de la contribution de la théorie des jeux, sans laquelle beaucoup de
questions posées seraient
À l’origine, l’auteur part d’un marché réel : celui des voitures d’occasion, une centaine, où la
moitié sont des modèles de mauvaise qualité et l’autre moitié des modèles de bonne qualité.
Qui connaît, écrit-il, la qualité exacte du modèle proposé ? Certainement pas l’acheteur, sensi-
ble comme toujours au lien prix-qualité. Seul le vendeur connaît la qualité exacte du modèle
qu’il propose, et seul il dispose de l’information. Pour les acheteurs éventuels, l’asymétrie de
l’information est totale. Tout laisse croire que le propriétaire d’un modèle de mauvaise qualité
est prêt à le vendre moins cher que le propriétaire d’un modèle de bonne qualité. Aussi, si la
qualité des modèles est parfaitement identifiée, pas de problème, le juste prix récompensera
mieux celui qui dispose d’un bon modèle que celui qui dispose d’un mauvais modèle, d’un «
tacot ». Cela suppose une parfaite transparence du marché, ce qui n’est généralement pas le
cas. Que se passe-t-il alors, asymétrie de l’information oblige, si l’acheteur ne dispose pas
d’informations sur la qualité du modèle qu’il souhaite acheter ?
À cette question simple, G. Akerlof répond en faisant référence à l’uni- cité du prix d’un
marché. Le marché, dit-il, compte tenu des asymétries d’information constatées, va proposer
un prix unique, par exemple un prix égal à un prix moyen entre le prix le plus bas (qu’est prêt
à accep- ter le vendeur du modèle de moins bonne qualité) et le prix le plus élevé (que le
vendeur du modèle de bonne qualité n’acceptera pas de baisser).
Le choix fait par G. Akerlof d’un marché de voitures d’occasion n’est bien sûr pas un choix
de hasard car, s’il est un marché où la qualité du produit est difficile d’appréhender, c’est
bien celui des voitures d’occa- sion (ou encore des bateaux). Pour autant, s’il y a des
domaines où la sélection adverse se pratique et s’observe régulièrement, ce sont ceux des
assurances et du marché du travail.
Domaines d’application
➤ Les assurances
Rappelons le principe du système d’assurance : les compagnies proposent une prime capable
de couvrir un risque normal s’appli- quant à l’ensemble d’une population. L’assurance
n’étant pas obligatoire, dans le cas général, l’assureur va être confronté à une double
problématique : tout d’abord, celle que constitue la partie de la population à faible risque.
Elle risque de ne pas s’assurer, trouvant la prime trop élevée. Celle ensuite, à l’inverse, qui
ne trouve pas, dans ce contrat général, la couverture de risques beaucoup plus importants,
avec les incidences financières que cela suppose, et qui va déci- der de ne pas s’assurer. En
conséquence, les recettes obtenues par ceux qui malgré tout ont décidé de s’assurer ne seront
pas suffisantes pour couvrir, en cas de sinistre, les dépenses engagées. La probabilité est
donc la faillite du système.
La sélection adverse se traduit ici par le refus d’un trop grand nombre de s’assurer, jugeant
la prime trop élevée. La pratique d’une prime unique, du fait des asymétries de l’information,
a conduit à ne pas couper d’un nombre trop important d’assurés potentiels. De plus, en
n’assurant que les hauts risques, à partir d’une prime trop faible par rapport au risque
encouru, on a contribué à fragiliser davantage encore le système. En conclusion, les assureurs
se sont privés des bons assurés, ceux qui ne présentent que peu de risques, et n’ont conservé
que les « mauvais », ceux qui présentent le maximum de risques.
➤ Le marché du travail
Sur le marché du travail, l’asymétrie d’information est souvent la règle. Au moment de
l’embauche, il est souvent impossible pour l’employeur de distinguer les bons et les mauvais
candidats. Aussi, le salaire proposé sera celui qui est égal à la moyenne pondérée du salaire
correspondant au salarié le moins productif (par exemple 1 200 euros/mois) à celui du
salarié, sur le même poste, le plus productif (1 800 euros/mois). Si l’employeur estime que
la réparti- tion entre productifs et non-productifs est de 50/50, le salaire moyen sera de (1
200 + 1 800)1/2 = 1 500 euros/mois.
À ce prix, les plus productifs refuseront l’offre, et ne resteront sur le marché que les moins
productifs, qui seront tout heureux de toucher 1 500 euros/mois. L’asymétrie d’information,
qui révèle l’incapacité à distinguer les bons et mauvais candidats sur le marché du travail,
conduit donc à laisser sur le marché les moins productifs, vérifiant la règle selon laquelle «
les mauvais chassent les bons ».
b) L’aléa moral
Définition et conséquences
Smith parlait déjà, sans le savoir, de l’aléa moral pour désigner les effets pervers qui peuvent
apparaître dans certaines situations à risques, opposant deux parties. On parle aujourd’hui de
risque moral et, en économie industrielle, il apparaît le plus souvent lié aux asymétries d’in-
formations post-contractuelles, ex post.
Dans le cadre de situations contractuelles, l’aléa moral se définit comme :
« Toute modification de comportement d’un des deux cocontractants, contraire à l’intérêt
général du contrat, par rapport au comportement qui prévalait avant la signature du contrat,
dans le but de privilégier leurs propres intérêts aux dépens des intérêts de l’autre partie. »
Ce n’est pas l’effet du hasard si ce concept est né dans le secteur des assurances. En effet,
dans ce secteur d’activité, on a pu observer régulièrement certains comportements
d’assurés différents avant et après l’achat d’un contrat d’assurance.
c) L’opportunisme
O. E. Williamson, prix Nobel d’économie en 2009 pour ses travaux sur les coûts de
transaction, précise ce concept en expliquant l’opportunisme à partir de la rationalité de
comportement de l’agent. Pour lui, c’est dans la logique des choses qu’un agent rationnel
tente d’exploiter à son profit, les faiblesses d’un arrangement, fût-il contractuel. On
parlera par la suite d’opportunisme williamsonien.
A. Alchian et S. Woodward complètent cette explication, partant du constat selon lequel
tout contrat est source de profitabilité pour ceux qui en bénéficient. Cette profitabilité,
qu’ils assimilent à une quasi-rente, les agents vont chercher à se l’approprier. Cette
recherche d’appropriation expliquerait l’opportunisme des agents. Cependant, quelle
qu’en soit la cause, derrière l’opportunisme se cache une volonté qui dépasse la capa- cité
de tromper l’autre en lui confisquant l’information : cette volonté est celle d’utiliser à son
avantage tous les moyens, y compris la tricherie. On est bien dans un aléa moral ex post.
Aussi, dans l’hypothèse d’un contrat mal rédigé, incomplet, etc., il est plus que probable
que l’on constate l’opportunisme d’un des agents.
Parmi les facteurs favorisant l’opportunisme des agents, il faut souligner le nombre
d’acteurs participant à un marché. En effet, lorsque le nombre d’acteurs est important,
l’opportunisme sera limité. À l’inverse, une situation où le nombre de participants est
faible est une situation favorable à l’opportunisme.
Exemple. Il y a opportunisme dans le cas de la sous-traitance, où celui qui sait être le seul
à pouvoir répondre à une offre dans les délais l’utilisera pour exploiter au mieux le contrat
qui le lie au demandeur.
De façon générale, il est très rare, voire impossible, qu’un contrat soit transparent et
parfait. Aussi le risque d’opportunisme est-il toujours présent. Enfin, vérifier que le
contrat est bien respecté, jusque dans ses détails, a un coût. C’est pourquoi on réfléchira
avant de mettre en place les structures capables de le faire.
d) La rationalité limitée
Dans le modèle de concurrence pure, le comportement des agents est supposé totalement
rationnel (cf. l’Homo economicus). Cette rationalité totale, pure, est aussi un élément
central du raisonnement, dans le cadre de ce modèle. H. Simon, prix Nobel d’économie
en 1978, va contester cette approche et proposer un nouveau concept : celui de rationalité
limitée.
Pour H. Simon, deux raisons principales expliquent cette rationalité limitée :
➤ La première tient à la nature même de l’humain, incapable selon lui de maximiser
une fonction d’utilité, du fait de son incapacité à résoudre les problèmes de calcul qu’elle
pose et de l’hypothèse sur laquelle elle repose, à savoir celle où il n’y a pas de place pour
le hasard ou l’inconnu. De même, si l’on s’en tient à la théorie néoclassique, les acteurs
économiques ont le choix parmi un nombre fini de propositions, auxquelles
individuellement est associé un revenu. Or, il suffit que l’une de ces hypothèses ne soit
pas vérifiée pour que la rationalité chère aux néoclassiques soit mise à mal. C’est pourquoi
la rationalité sera limitée, au sens où elle ne vérifie pas l’hypothèse néoclassique.
➤ La seconde tient à des facteurs environnementaux. Parmi ceux-ci, l’incertitude de
l’avenir dans lequel évolue l’agent : ce dernier n’a pas, seul, la réponse aux questions qu’il
se pose. Le comportement des autres agents et leurs réactions sont autant d’éléments
imprévisibles qui le conduisent à agir dans un environnement d’incertitude. C’est
pourquoi la seule certitude qu’il a est celle d’agir dans l’incertitude de l’avenir. Faute de
connaître la totalité des choix possibles liés à l’objet de sa demande, la rationalité de
l’agent est limitée. Pour autant, rationalité limitée ne signifie pas absence de rationalité.
Elle traduit seulement la situation nouvelle dans laquelle elle opère. On n’est plus dans
l’univers néoclassique avec maximisation de la fonction d’utilité, collective ou non.
L’agent sait désormais que la solution qui sera sienne n’est pas la solution optimale, mais
celle qui lui donne satisfaction et répond à ce qu’on appelle l’utilité désirée. Cette
rationalité nouvelle, ou rationalité procédurale, repose sur d’autres hypothèses, parmi
lesquelles on retiendra que :
➤ l’agent ne connaît pas toutes les possibilités qui s’offrent à lui ;
➤ l’agent qui décide n’est pas en mesure d’anticiper toutes les conséquences de la
décision qu’il prend ;
➤ l’agent ne recherche plus, systématiquement, à maximiser une fonction d’utilité
qu’il ne connaît pas.
Que ce soit la sélection adverse, l’aléa moral, l’opportunisme ou la rationalité limitée, tous
ces concepts font désormais partie des incontournables de l’économie industrielle. Les
conséquences des asymétries de l’information sont parfois favorables aux agents, mais
parfois défavorables. L’opportunisme est souvent contraire à l’éthique des affaires. L’abus
de bien social, le délit d’initié sont là pour en témoigner. De même, la sélection adverse
est contraire à l’intérêt du consommateur et l’aléa moral nuit à l’efficacité du contrat.
3 LES ALTERNATIVES
Par alternatives, il faut entendre les réponses aux conséquences des asymétries de
l’information, étudiées dans la section précédente. En effet, les concepts de sélection
adverse, d’aléa moral, d’opportunisme et de rationalité limitée sont au cœur de l’analyse
des marchés imparfaits, chère à l’économie industrielle. Avec leur prise en compte, rien
ne sera plus comme avant, et les non-bénéficiaires en sont prioritairement les
consommateurs.
Aussi, afin d’en limiter les effets pervers, la réflexion a naturellement porté sur les
réponses à donner à ces effets pervers, afin d’en limiter l’étendue, à défaut de les annuler.
La théorie des signaux, la théorie du salaire d’efficience et la théorie des contrats sont,
parmi les réponses possibles, celles qui nous apparaissent les plus pertinentes et les plus
originales.
pations que l’on fait sur l’avenir. L’avenir est-il certain ? L’avenir est- il risqué ? L’avenir
est-il incertain ?
– Contrat et avenir incertain
C’est la pire hypothèse pour concevoir et rédiger un contrat. En effet, l’incertitude est un
obstacle à la rédaction d’un contrat parfait. Aussi, l’objectif poursuivi ne pourra être celui
des conséquences de la décision prise, à l’exception de celles liées à l’incertitude, en les
mutualisant.
– Contrat et avenir certain
À l’inverse, si l’avenir est certain, cela facilite la rédaction du contrat, ce dernier devant
veiller à une répartition symétrique de l’information disponible. Comme toujours,
l’information a un coût. Aussi, le contrat pourra être incitatif, permettant aux acteurs et/ou
agents en présence de bénéficier des informations dont disposent individuellement les
deux partenaires. Cela contribuera à en réduire les coûts d’accès. Dans le cas d’un avenir
certain, à supposer qu’il existe, on retrouve une autre hypothèse, celle de la rationalité
totale, parfaite pour reprendre le langage néoclassique. Le contrat est alors une réponse à
l’asymétrie de l’information, lorsqu’il permet de réduire le coût de l’accès à l’information.
– Contrat et avenir risqué
À la différence de la situation en avenir incertain, l’avenir risqué n’ignore pas les
différentes situations possibles et les caractéristiques qui se rattachent à chacune d’entre
elles. Le risque, en dehors du contrat, est de ne pas pouvoir anticiper, asymétrie de
l’information oblige, ce que sera la situation réelle (parmi celles qui restent des situations
possibles). En spécifiant les droits et devoirs de chacun des cocontractants, qui se
rattachent à chacune des possibilités identifiées, le contrat permet de pallier les
conséquences de chacune d’entre elles.
Aussi, dans le cadre de la rationalité procédurale, l’alternative aux asymétries de
l’information est principalement l’hypothèse de l’avenir incertain. Il s’agit, certes, de
l’hypothèse la plus difficile pour la rédaction d’un contrat. Le contrat à court terme sera
privi- légié, car il permet de mieux répondre à l’incertitude, par rapport au contrat à long
terme.
La théorie des contrats et le comportement des agents
Les asymétries de l’information ont des conséquences sur le compor- tement des agents
que la théorie des contrats ne peut ignorer, à savoir la pratique de la sélection adverse et
de l’opportunisme.
La sélection adverse est la conséquence d’informations inégalement partagées. Nous en
avons vu les conséquences pour le consomma- teur : restent sur le marché les produits de
médiocre qualité à un prix supérieur à celui auquel ils correspondent. Le contrat va alors
s’ef- forcer de limiter les effets pervers de cette situation, d’autant plus que, même en
l’absence d’une rationalité totale, la rationalité limitée qui s’y rattache est suffisante pour
que l’agent cherche à exploiter à son profit le contenu du contrat. On parlera alors
d’opportunisme des agents, ou encore d’opportunisme de Williamson, nom de l’auteur
qui, le premier, a mis en évidence ce comportement.
L’analyse comportementale des agents permet de mettre en évidence une double
responsabilité du contrat. Tout d’abord, c’est le contrat qui, par ses insuffisances, ses non-
dits, favorise l’opportunisme des agents. Mais c’est aussi au contrat de veiller à encadrer
cet opportu- nisme et d’en limiter les effets pervers.
Les solutions proposées dans le cas des contrats à court terme
On étudiera ici les solutions proposées pour répondre aux conséquences des asymétries de
l’information, en privilégiant l’hypothèse d’un avenir incertain, hypothèse la plus
fréquente, afin de limiter, voir d’annuler l’opportunisme des agents.
➤ Les alternatives contractuelles à l’opportunisme des agents
Combattre l’opportunisme des agents, c’est veiller à la bonne exécu- tion d’un contrat
signé. La théorie des contrats retient différents moyens pour éviter cet opportunisme ;
parmi les principaux, citons : la surveillance, les incitations et la rupture.
– La surveillance
La surveillance doit permettre de détecter les manquements au respect du contrat et les
comportements opportunistes des agents.
Le contrat doit donc comporter des clauses permettant de mettre en place des mécanismes
de surveillance, voir une organisation inter- ne qui aura la fonction de superviseur, par
exemple. Comme il n’y a pas de surveillance possible sans sanction opposable à ceux ou
celles dont le comportement n’est pas conforme aux termes du contrat, le contrat devra
donc prévoir les différentes sanctions applicables en cas de manquement. La mise en place
de mécanis-
mes de surveillance a donc un coût mais, en cas d’opportunisme avéré, il apparaîtra
dérisoire par rapport aux incidences financières de cet opportunisme.
– L’incitation
À l’opposé de la surveillance, l’incitation a pour objet de veiller au bon respect du contrat,
en l’associant à une prime, à une rémunéra- tion incitant les agents à coopérer.
Dans un environnement d’information parfaite, d’avenir certain, les mécanismes
d’incitation financière sont relativement faciles à imaginer et à mettre en place. On pourra,
par exemple, préciser dans le contrat si l’on veut lier la rémunération au respect des enga-
gements, ce qui conduira les contractants à bien en préciser les conditions.
Plus difficile est la situation d’un univers d’incertitude, compte tenu que l’incertitude
concerne aussi les résultats financiers de l’en- treprise. Il ne servira alors à rien de préciser
qu’en cas de respect du contrat un certain pourcentage du bénéfice sera destiné à ceux et
à celles qui y ont participé, s’il n’y a pas de bénéfice. L’effet pourrait même être contraire
et inciter à l’opportunisme.
Enfin, l’incitation pourra également prendre la forme d’avantages financiers
contractualisés, incitant l’agent à ne pas prendre le risque de perdre son emploi en cas
d’opportunisme avéré. On retrouve ici l’idée de J. Stiglitz et du salaire d’efficience. En
proposant des avantages financiers supérieurs aux normes du marché, on espère ainsi
inciter les agents à ne pas prendre le risque de perdre un emploi qu’ils ne retrouveront pas
ailleurs.
– La rupture
La rupture du contrat est la dernière alternative contractuelle face à l’opportunisme des
agents. Dans le cas général, tout contrat prévoit toujours les conditions de rupture mettant
fin à son application.
L’hypothèse de rupture vise à encourager les parties contractantes à respecter les
engagements en dehors de tout opportunisme, ce qui conduit à réfléchir sur l’efficacité de
cette hypothèse. Lorsque les investissements réalisés sont des investissements spécifiques
et, par conséquent, non réutilisables dans d’autres activités, les contrac- tants essaieront
d’éviter à tout prix d’avoir à se trouver dans cette situation, désastreuse sur le plan
financier. De même, pour que cette hypothèse de rupture joue pleinement son rôle, il faut
qu’elle donne lieu, en cas de réalisation, à des dépenses plus importantes que celles
induites par la continuité du contrat même en cas d’op-
portunisme. Prévoir la rupture et les conséquences qui l’accompa- gnent – sur le plan
financier, plus particulièrement –, c’est donc inciter à ce que l’un des deux contractants
ne soit pas en mesure de l’imposer à l’autre. Il s’agit donc d’utiliser le contrat, et les condi-
tions de rupture qui y sont associées, pour éviter un comportement opportuniste des
agents.
➤ Les alternatives contractuelles face aux risques
Face aux risques, le comportement des acteurs pourra être différent. Certains choisiront la
voie de la prudence, pendant que d’autres accepteront la prise de risques, sachant qu’elle
s’accompagne d’une espérance de gain supérieure à celle du comportement prudentiel.
La réalité contractuelle industrielle est celle des contrats signés avec des acteurs
économiques qui n’ont nécessairement la même attitude face au risque. Certains
préféreront une rémunération garantie, mais plus faible que celle potentielle, plus
importante, reposant sur des résultats à venir. Le contrat pourra alors prévoir des clauses
d’assu- rance réduisant les conséquences du risque pris en cas de résultats médiocres.
Pour autant, les clauses d’assurances devront veiller à ne pas renfor- cer l’aléa moral et
conforter l’opportunisme éventuel des cocontrac- tants. Souvent, un système à double
rémunération, distinguant une partie fixe et une partie variable liée aux résultats, pourra
être un bon compromis.
Autre alternative possible : celle qui consiste à mutualiser les risques, en cas de non-
respect du contrat. Cela conduit alors à mutualiser également les résultats et bénéfices en
les partageants. Il reste ensui- te à préciser la clef du partage : ce pourra être, par exemple,
la part du risque supportée par chacun.
Chapitre 3 Contribution de l’économie industrielle à l’analyse des marchés
1 LES COÛTS DE TRANSACTION
On ne peut pas comprendre la théorie des coûts de transaction si l’on ne rappelle pas les
principes qui président à la définition de la firme stan- dard dans le cadre de la théorie
néoclassique. Selon cette approche, les coûts de production sont une donnée et il existe un
prix du marché, prix d’équilibre et unique. Pour l’entreprise, le prix est price taker, et la
seule marge de manœuvre concerne le choix des facteurs de production.
Il faudra attendre R. Coase, en 1937, pour rappeler que, si les transactions se réalisent par
un système de prix, l’utilisation de ce système de prix a un coût, contrairement à
l’hypothèse néoclassique. Ce coût est le coût de transaction.
Avant R. Coase, A. Smith, et surtout D. Robertson, s’étaient interrogés sur les rôles du
marché et de la coordination exercée par le système de prix ; mais aucun ne proposait
d’éléments capables d’expliquer cette coordination.
a) La contribution de R. Coase
Pourquoi créer une entreprise ? À cette question simple, R. Coase répond qu’il est
avantageux de créer une entreprise parce que l’utilisa- tion du mécanisme de prix a un
coût, contrairement à l’enseignement néoclassique.
Ces coûts ont une double origine. Tout d’abord, utiliser le marché suppo- se qu’à chaque
transaction soit associé un contrat, et la rédaction de ces contrats a un coût ; ensuite, la
recherche sur un marché du prix le plus pertinent a également un coût.
L’entreprise va permettre d’internaliser un certain nombre de ses trans- actions, réduisant
le coût de rédaction du contrat en le limitant à celui ou ceux qui ont survécu à
l’internalisation, et en limitant les dépenses liées à la recherche de prix pertinents, et ce
pour les mêmes raisons. Dès lors, on pourra dire que l’entreprise représente la constitution
d’un contrat à long terme, remplaçant une série de contrats à court terme.
Dans son article de 1937, R. Coase insiste plus particulièrement sur le fait que les
transactions ne peuvent se réaliser qu’à partir d’un marché et du système de prix auquel il
est associé. L’utilisation de ce système a un coût, qui a différentes origines. Tout d’abord,
ce coût est celui de toute négociation, mais aussi de la surveillance de l’exécution des
termes du contrat, de la transaction. Enfin, il représente également la conséquence du
temps passé et des dépenses engagées (dépenses publicitaires par exemple) pour trouver
le meilleur prix. Tous ces coûts constituent les coûts de transaction.
C’est pourquoi toutes les transactions, selon R. Coase, ne donnent pas lieu à un marché.
L’existence d’entreprises se justifie alors par la volonté de limiter ces coûts, en imposant
leur coopération. Mais la contribution ne s’arrête pas là, puisque la réflexion de cet
économiste porte aussi sur le choix de la meilleure institution économique, celle qui
permettra d’économiser sur ces coûts. Parmi les institutions possibles, le marché bien sûr,
mais aussi le contrat, le recours à l’État, le recours à une organisation hiérarchique, etc.
La réponse dépend alors de la comparaison entre les coûts de fonctionnement, de gestion,
de transaction.
b) Les prolongements : l’apport d’O. E. Williamson
Chez R. Coase et O. E. Williamson, les coûts de transaction ne sont pas tout à fait les
mêmes. Chez R. Coase, ils sont liés au coût de fonctionnement du marché, alors que chez
O. E. Williamson, ils sont liés à une transaction économique.
c) Critiques et limites de la théorie des coûts de transaction
Parmi les travaux récents sur les coûts de transaction, certains insistent plus
particulièrement sur les limites de cette théorie.
La contribution de H. Demsetz. La principale critique de H. Demsetz concerne les coûts
d’information et de gestion, négligés selon lui par R. Coase et O. E. Williamson.
Il insiste plus particulièrement sur l’importance du coût de gestion, rappelant que c’est de
sa comparaison avec les coûts de transaction que va dépendre la décision de recourir, ou
non, au marché, et de créer, ou non, l’entreprise.
De plus, dans l’hypothèse où les coûts de gestion s’accompagnent d’éco- nomies
d’échelle, même si les coûts de transaction sont faibles, voire nuls, il sera logique de garder
l’entreprise comme mode organisationnel, et d’augmenter sa taille si besoin. L’important
est de pouvoir accéder à la connaissance de l’évolution des coûts de gestion par rapport
au coût de transaction.
Enfin, il propose d’introduire un nouveau concept, le « savoir-faire », auquel est associé
un coût qui regroupe les dépenses afférentes à la production, à l’utilisation de son outil et
à son entretien. Au fur et à mesure que l’entreprise croît en taille, le coût du savoir-faire
augmente, ce qui peut constituer un frein à sa croissance. Avec l’intégration verti- cale, ce
coût va encore augmenter, pouvant remettre en cause la stratégie d’intégration. Comme
on peut le constater, l’entreprise ne doit alors plus vie et survie à la seule connaissance des
coûts de transaction qui s’y rattachent.
La contribution de P. R. Milgrom et J. Roberts
Leurs critiques portent sur les coûts de négociation trop négligés par les auteurs, et sur les
coûts d’organisation traités de façon trop incomplète. Pour eux, les coûts de négociation
sont déterminants dans l’arbitrage entre marché et intégration verticale. Si les coûts de
négociation sont nuls, ou quasi nuls, il n’y aura pas de véritable choix et l’arbitrage se fera
nécessairement en faveur du marché.
En ce qui concerne les coûts d’organisation, ils ne sauraient se résumer aux seuls coûts
d’organisation marchands. Pour ces auteurs existent des coûts d’organisation non
marchands, qu’ils appellent coûts d’influence. Ces coûts sont, par exemple, la
conséquence d’une mauvaise utilisation de l’autorité hiérarchique, suite à des tentatives
de manipulations de cette autorité. Elles concernent celles et ceux qui, à l’intérieur de la
structure, cherchent à influencer la gouvernance de l’entreprise pour en obtenir des
avantages d’intérêt personnel. De tels comportements, malheureusement fréquents dans
l’entreprise d’aujourd’hui, nuisent à l’efficacité de l’entreprise, comme alternative au
marché, ce qui peut entraîner la remise en cause du processus d’intégration verticale.
La non-prise en compte du temps et du progrès technique
La théorie des coûts de transaction est une théorie du court et du moyen terme. Aussi, la
contribution à l’analyse de l’évolution du processus d’intégration verticale, processus de
long terme, ne peut être que très relative.
En particulier, cette théorie qui ne prend pas en compte le progrès tech- nique ne peut
répondre à la question fondamentale de savoir si l’intégration verticale, à long terme, sera
favorable ou défavorable. En réduisant le progrès technique et son évolution à une simple
donnée, on oublie que le progrès technique est d’abord un processus de création, en lien
avec les changements institutionnels.
L’analyse aboutit donc à un équilibre statique, alors que l’entreprise évolue dans un
environnement dynamique. Certes, en prenant en compte la spécificité des actifs, on
n’ignore pas totalement le progrès tech- nique, mais on le cantonne et on le limite à son
rôle dans l’échange, oubliant sa contribution majeure au processus de production.
Comme on peut le constater, personne aujourd’hui ne conteste l’existence de coûts de
transaction. L’intérêt de la démarche de O. E. Williamson est d’avoir, plus que d’autres
auteurs, intégré à sa réflexion les facteurs d’influence qui les concer- nent et, parmi eux,
ceux qui sont la conséquence du comportement des agents et ceux qui tiennent à la nature
même des transactions.
Les comportements opportunistes et les limites de la rationalité caracté- risent les
premiers. Ils contribuent à renchérir les coûts de production et expliquent, peut-être par
défaut, pourquoi internaliser les transactions au sein d’une structure d’entreprise de plus
en plus importante est la réponse.
L’existence d’actifs de plus en plus spécifiques, dans un environnement où l’incertitude
est la règle, conforte ce mouvement et explique l’existence d’entreprises de plus en plus
importantes, avec la création de consortium.
La théorie des coûts de production explique non seulement pourquoi l’entreprise est
préférée au marché comme institution, mais insiste égale- ment sur la logique de constituer
des entreprises de plus en plus grandes, transformant les marchés concurrentiels en
marchés oligopolistiques. Notons cependant que, si l’entreprise réduit les coûts de
transaction imputables au fonctionnement des marchés, elles ne les annulent pas
totalement. Seule condition permissible de l’annulation, celle de l’existence d’une seule
entreprise. R. Coase, dès 1937, avait déjà répondu à cette hypothèse en montrant combien
elle était irréaliste
L’approche économique des droits de propriété privilégie une appro- che à partir des droits
qui lui sont attachés. Cette théorie est devenue, au cours du temps, une théorie partie
prenante du droit de propriété et de son analyse. Elle s’intéresse aux conséquences
économiques de la propriété et reprend les différentes formes institutionnelles auxquelles
on l’associe.
Théorie récente, remontant aux années 1960, dans la mouvance des travaux de R. Coase,
elle se prolonge ensuite avec les contributions d’A. Alchian, d’H. Demsetz, d’H. Manne,
de S. Cheung, d’E. Furubotn, de S. Pejovich et de L. de Alessi.
Ces auteurs, d’origines très diverses, tantôt économistes, tantôt juristes, vont à partir du
Journal of Law and Economics nourrir une réflexion permettant une analyse théorique
pluridisciplinaire des droits de proprié- té. Point de départ la différenciant de l’approche
juridique : le fait que tout échange, quels qu’en soient la forme et le contenu, se traduise
comme un échange de droit de propriété sur des biens ou des services. Si l’on s’en tient
à l’approche juridique, rappelons que trois attributs caractérisent le droit de propriété :
➤ l’usus, ou droit d’utiliser ;
➤ le fructus, ou droit d’en tirer un revenu ;
➤ l’abusus, ou droit de céder à un tiers.
Ces trois attributs vont être repris, mais cette fois-ci sous l’angle économique, mettant en
valeur :
➤ un droit socialement reconnu pour identifier les usages d’un bien économique (voir
les travaux de B. Coriat et O. Weinstein) ;
➤ un droit assigné à une personne, morale ou physique, aliénable contre des droits
similaires sur d’autres biens (voir les travaux d’A. Alchian et S. Woodward) ;
➤ un droit à consommer, à obtenir un revenu, à aliéner biens ou actifs, soumis à ce
droit.
L’accent est plus particulièrement mis ici sur le droit au rendement rési- duel (droit au
profit) et sur le droit au contrôle (droit de prendre toute décision concernant l’utilisation
des actifs).
a) Une contribution référente : l’analyse de R. Coase
3 LA THÉORIE DE L’AGENCE
Déjà à l’époque d’A. Smith, on s’intéressait aux relations entre ceux qui détiennent le
capital et ceux qui ont en charge son maniement – dès l’ins- tant où ce ne sont pas ceux
qui le détiennent, personnes physiques ou morales, qui l’ont en charge. Ainsi, dans La
richesse des nations, dès 1776, on pouvait lire, au sujet des sociétés par actions :
« Les directeurs de ces sortes de compagnies étant les régisseurs de l’argent d’autrui, plutôt
que de leur propre argent, on ne peut guère s’attendre à ce qu’ils y apportent cette vigilance
exacte et soucieu- se que des associés apportent souvent dans leurs maniements de fonds.
»
Depuis, le problème posé par la divergence d’intérêt entre celui qui diri- ge et celui qui
possède l’entreprise est mieux posé, même si, bien sûr, une théorie va naître de ce constat.
C’est ainsi qu’en 1932, A. Berle et G. Means approfondissent la problé- matique issue de
cette divergence d’intérêt.
M. Jensen et W. Meckling généralisent ensuite cette problématique à l’ensemble des
contrats que l’on trouve dans l’entreprise, et ce à partir des conséquences de la théorie des
droits de propriété d’A. Alchian et de
H. Demsetz.
J. K. Galbraith, enfin, dans Le nouvel État industriel, vulgarise ce qu’on appellera par la
suite les technostructures, rappelant que, dans la grande entreprise, ce sont elles qui
détiennent le pouvoir, à défaut de son finan- cement. Ce pouvoir a pour objet la croissance
de l’entreprise ; pour la première fois, J. K. Galbraith parlera de « divorce » entre la
détention du pouvoir juridique par les actionnaires, et l’exercice réel par les managers.
a) L’universalité de la relation d’agence
Appliquée à l’analyse de l’entreprise, cette théorie conduite à étudier les relations entre
les actionnaires (principal) et le manager (agent) dans un environnement où les asymétries
de l’information sont la règle, avec ces conséquences : aléa moral, opportunisme,
rationalité procédurale, etc. Les intérêts contradictoires des uns (actionnaires) et de l’autre
(mana- ger), conduisent à opposer maximisation de la valeur et maximisation du revenu,
les actionnaires cherchant avant tout à maximiser la valeur de l’entreprise alors que le
manager aura une préférence pour la maximisa- tion de son revenu.
À l’origine, la théorie de l’agence va donc privilégier l’opposition entre deux agents :
d’une part, le principal détenteur des moyens de produc- tion (ou actionnaire) et, d’autre
part, l’agent, qui a en charge (à la deman- de du principal) l’exploitation de ces moyens
de production. C’est pour- quoi selon cette théorie, les managers sont les agents des
actionnaires, au sein d’une entreprise.
De même, la banque (ou le banquier) sera l’agent des épargnants, le sala- rié l’agent de
son employeur, etc.
Dans la théorie de l’agence, selon les cas, l’agent sera principal et le principal deviendra
agent.
Cette universalité de la relation d’agence va alors devoir être analysée à partir d’un double
constat : celui de l’opposition d’intérêt entre les uns et les autres et celui de l’asymétrie de
l’information dont ils disposent.
Relation d’agence et divergence d’intérêt
Entre agent et principal existent des divergences d’intérêt évidentes, conséquences de
leurs fonctions respectives et des droits et devoirs qui se rattachent à chacun d’entre eux.
La fonction d’utilité de l’un n’est pas la fonction d’utilité de l’autre, ce qui les conduit
dans la recherche de la maximisation de leur utilité respective à agir et à penser
différemment. Les travaux de M. Jensen et W. Meckling, déjà cités, ont ainsi montré que
les dirigeants préféreront souvent la croissance du chiffre d’affaires à celle du profit,
même si cela doit se traduire par employer plus de personnel que nécessaire. De même,
toujours dans l’entreprise, l’agent privilégiera souvent l’intérêt social de l’entreprise lui
permettant d’évi- ter des conflits internes, à la distribution des dividendes, prioritaire pour
l’actionnaire.
Dans les grandes entreprises, la généralisation de structures oligopolis- tiques en est
l’illustration. Le dirigeant, ou agent, sera d’abord choisi pour sa capacité à gérer par
rapport à un indicateur qui sera la part de marché et non le profit. On sait très bien
aujourd’hui que la rentabilité d’une unité de capital est bien meilleure dans une PME que
dans une grande entreprise. Comment alors faire coïncider les objectifs de l’un avec ceux
de l’autre, du principal avec celui de l’agent ? M. Jensen et
W. Meckling vont proposer une analyse permettant de répondre, pour partie, à cette
question (cf. 5.3).
Relation d’agence et asymétrie de l’information
La principale difficulté pour rapprocher les intérêts de l’agent et du prin- cipal tient aux
asymétries de l’information qui les entourent. Ces asymé- tries vont se traduire par
l’apparition de la sélection adverse, de l’aléa moral, et vont renforcer l’opportunisme des
agents. Avec la sélection adverse, l’agent dispose d’une information sur la relation qualité-
prix de
l’opération, dont ne dispose pas le principal. Quand l’agent ne les révè- le pas au principal,
cas le plus probable, on dira qu’il dispose d’une rente informationnelle. Le risque moral,
ou aléa moral, s’identifie à un comportement de l’agent inobservable par le principal. Dès
l’instant où il y a divergence d’intérêt, les éventuels conflits qui s’y rattachent seront
d’autant plus difficilement surmontés, en présence d’informations asymétriques.
De même, ces asymétries d’information vont conforter l’opportunisme. En effet, les
dirigeants (agents) qui ont en charge la gestion de l’entre- prise disposent de par leurs
fonctions d’informations privilégiées sur son fonctionnement. L’actionnaire (le principal)
ne disposera pas de cette information, sauf bien sûr si l’agent décide de lui transmettre.
De plus, il n’aura pas toujours les compétences nécessaires lui permettant de savoir si une
transaction sert ses propres intérêts ou ceux des dirigeants. C’est pourquoi, l’agent pourra
adopter un comportement opportuniste en gérant l’information comme il le souhaite, ne
communiquant que sur ce qui sert son intérêt propre, même au prix d’une diminution du
profit rési- duel destiné au principal.
Il appartiendra à ce dernier de rechercher comment réduire, à défaut d’annuler, ces
conséquences perverses des asymétries de l’information, et plus particulièrement celle qui
renforce l’opposition d’intérêt entre l’agent et le principal.
b) Relation d’agence et coûts d’agence : l’apport de M. Jensen et W. Meckling
M. Jensen et W. Meckling vont partir d’un double constat : les diver- gences d’intérêt
entraînent des conflits et ces conflits ont des coûts qu’il convient de minimiser.
Les coûts d’agence
Parmi les conflits les plus probables, on en retient trois :
➤ Tout d’abord, celui qui est la conséquence directe de la contradiction entre l’objectif
de l’agent (maximisation de son utilité) et l’objectif du principal (maximisation de sa
richesse).
➤ Ensuite, celui qui tient à l’analyse comportementale des acteurs en présence face au
risque. Il y aura toujours des dirigeants prudents et d’autres moins prudents. De même,
certains actionnaires, avides de hauts rendements, accepteront une prise de risque plus
forte que ceux qui se contenteront de revenus moyens.
➤ Enfin, l’horizon temporel sera aussi source de conflits, les actionnai- res préférant
souvent le court terme, alors que les dirigeants deman- deront à être jugés sur moyen et
long termes.
Ces conflits étant identifiés, M. Jensen et W. Meckling rappelent que, dès l’apparition de
ces conflits, des coûts doivent y être associés : ils sont la conséquence des dépenses
engendrées pour les réduire et pour contre- carrer le comportement opportuniste de
l’agent. Ces coûts, ce sont les coûts d’agence. Ils vont en identifier trois types :
➤ Si le principal veut mettre en place un système veillant à surveiller l’agent, ce
système aura un coût : les monitoring costs.
➤ De même, il peut être opportun de mettre en confiance le principal.
Il faut pour cela engager des dépenses, ou binding costs.
➤ Enfin, si l’agent prend une décision non conforme aux intérêts du principal, lui
occasionnant une perte, celle-ci est assimilable à un coût d’opportunité, ou residual costs.
La relation d’agence devra alors se traduire par un contrat qui, en cas de conflit, minimise
les coûts d’agence tout en maximisant l’utilité des deux parties.
La minimisation des coûts d’agence
La minimisation des coûts d’agence suppose que l’on parvienne, toutes choses égales par
ailleurs, à trouver le meilleur contrat : celui qui, en cas de conflit, permet de minimiser ces
coûts d’agence. La difficulté tient bien sûr à l’existence des asymétries de l’information,
de la rationalité limitée et de l’opportunisme qu’elles facilitent. Ce contrat doit donc
comporter des clauses qui rendent difficile le comportement opportunis- te, à défaut de
l’annuler, et qui tiennent compte de la rationalité limitée des contractants.
La seule réponse possible est celle de l’incitation, en particulier celle de ne pas être
opportuniste, afin que l’agent agisse dans l’intérêt du princi- pal. Les contrats vont donc
devoir inclure des règles permettant un comportement coopératif. Cela pourra aller de la
sanction à la récom- pense, du bâton à la carotte. Pour M. Jensen et W. Meckling, cela
suppo- se indirectement la mise en place de mécanismes de surveillance (sanc- tions) et
de mécanismes d’incitation assimilables à des binding costs. Tout cela a un coût, et
demande du temps.
Reste une difficulté majeure : l’arbitrage entre le laisser-faire et l’instau- ration de ces
mécanismes de surveillance et d’incitation a un coût défi- nitif, alors que les coûts du
manque à gagner et/ou des pertes liés à une décision de l’agent contraire aux intérêts du
principal sont potentiels, et très difficiles à estimer au moment de la signature du contrat.