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UNE LEÇON DE SOFT POWER : LE RÔLE DES COOPÉRATIONS ÉTATS-

UNIENNES AVEC LA CHINE DANS L’EXPORTATION DE


L’ENSEIGNEMENT DE LA GESTION

Tupac Soulas

Éditions de la Sorbonne | « Revue internationale des études du développement »

2017/3 N° 231 | pages 125 à 147


ISSN 2554-3415
© Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 11/05/2021 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.165.13)

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ISBN 9791035100254
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Une leçon de soft power : le rôle
des coopérations états-uniennes
avec la Chine dans l’exportation
de l’enseignement de la gestion
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Tupac Soulas
Article lauréat du Prix jeunes auteurs 2016 de la Revue Tiers Monde

MOTS-CLÉS
école de gestion, États-Unis, Chine, enseignement de la gestion, coopération
internationale

RÉSUMÉ
Cet article analyse le rôle des coopérations états-uniennes dans l’émergence
et la structuration de l’enseignement de la gestion en Chine depuis le
début du xxe siècle. Des coopérations successives menées par plusieurs
acteurs états-uniens (évangélisation, puis endiguement du communisme,
et enfin aide au développement économique) ont porté des projets visant à
aider au développement de la Chine. Avec des objectifs et des approches
différentes, ils ont utilisé l’enseignement de la gestion comme un outil
de chacun de leurs projets. En dépit des décennies de communisme
maoïste, ce processus a conduit à l’exportation d’un modèle états-unien
d’enseignement de la gestion d’entreprise qui domine aujourd’hui en
République populaire de Chine.

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Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
dans l’exportation de l’enseignement de la gestion

Introduction

D ans la publication 2016 de son prestigieux classement des cent meilleurs


Masters of Business Administration (MBA), le Financial Times a reconnu
la domination de l'Institut européen d’administration des affaires (INSEAD),
la Harvard Business School, la London Business School, la Wharton School
et l’école de gestion de l’Université Stanford aux premiers rangs mondiaux,
à peu près aux mêmes places qu’il y a dix ans. Cependant, pour la première
fois, sept écoles de gestion chinoises sont classées, toutes dans les cinquante
premières places. Ce n’est pas surprenant si l’on considère que la République
populaire de Chine (RPC) est aujourd’hui la seconde puissance économique
mondiale dans la course au produit intérieur brut (PIB). Pourtant, au-delà des
chiffres et d’une vision de court terme, une mise en perspective historique
permet de comprendre que la situation actuelle n’a rien d’une évidence.
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Pendant trente ans, la Chine maoïste a adopté une approche révolutionnaire
du communisme, réprimant les profils étiquetés capitalistes, s’éloignant de
l’influence états-unienne en nouant des liens étroits avec l’Union soviétique,
et axant sa politique économique sur la planification.

La situation actuelle montre que non seulement les acteurs chinois ont
bénéficié d’un soutien extérieur dans le développement de l’enseignement
de la gestion d’entreprise, mais qu’il les a conduits à adopter une certaine
forme de cet enseignement, celle valorisée par le classement du Financial
Times et qui domine aujourd’hui dans le monde occidental : le « modèle
de la business school ». Ce modèle se caractérise par l’offre de programmes
professionnels de type MBA, l’investissement dans les activités de recherche
et l’internationalisation des écoles (Soulas, 2016).

La situation actuelle ne peut se comprendre sans considérer la période


maoïste comme se situant à un moment et un lieu, au milieu d’un processus
de coopération internationale qui la précède et la suit tout au long du
xxe siècle. Depuis la fin du xixe siècle, plusieurs acteurs états-uniens ont
successivement porté des projets visant à aider le développement de la Chine.
Avec des objectifs et des approches différentes, ils ont utilisé l’enseignement
de la gestion comme un des outils de leurs projets, construisant en Chine
une représentation des États-Unis comme une référence de qualité de
l’enseignement de la gestion.

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Tupac Soulas

Pour notre approche, nous considérons que la « gestion » est un domaine


de savoirs regroupant plusieurs disciplines relatives au fonctionnement de
l’entreprise en économie de marché : finance, comptabilité, marketing,
gestion de ressources humaines, gestion de production ou encore stratégie
d’entreprise, sont des exemples de ces disciplines parfois déclinées selon
des appellations distinctes. Le terme de « commerce » domine néanmoins
dans la première partie du xxe siècle pour faire référence à des pratiques
commerciales traditionnelles des marchands ou des entreprises familiales,
mais pose les bases des disciplines qui forment par la suite la gestion.
Nous emploierons les termes d’école de gestion pour désigner les
établissements enseignant la gestion au sein d’universités (facultés de
gestion) ou de manière indépendante (écoles de commerce françaises).
Enfin, la Chine est entendue comme l’actuelle RPC, incluant les régions de
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Hong Kong et de Macao, rétrocédées après 1997.

Ce travail s’appuie sur des éléments issus d’ouvrages historiques


ainsi que des documents collectés par l’auteur et, pour la période la plus
récente, des entretiens réalisés en Chine avec les acteurs de cette histoire.
Il présente les trois formes de coopération portées par différents acteurs
états-uniens en Chine et la manière dont elles ont embarqué l’enseignement
de la gestion dans leur action. L’évangélisation, l’endiguement et l’aide au
développement sont successivement abordés dans l’article. Il s’achève par
une présentation des conséquences de ce processus sur l’enseignement de
la gestion en Chine aujourd’hui.

1. L’évangélisation
Revue internationale des études du développement

Les premières formes d’échanges internationaux dans le domaine de


l’enseignement de la gestion en Chine remontent aux missions chrétiennes
de la fin du xixe siècle. Dans un contexte de remise en question du pouvoir
de l’empire Qing (1644-1912), faisant suite aux défaites militaires successives
face aux puissances occidentales, l’ouverture de la Chine par les traités
a permis l’entrée sur le sol chinois d’activités missionnaires éducatives.
Ces activités, répondant aux demandes locales, y ont exporté l’enseignement
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de la gestion.

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Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
dans l’exportation de l’enseignement de la gestion

1.1. Les missions chrétiennes et l’éducation en Chine

Les défaites successives de l’empire Qing face aux puissances étrangères


dans les deux guerres, dites « guerres de l’opium » (1839-1842 et 1856-1860),
ont conduit à la signature de plusieurs traités (avec la Grande Bretagne, la
France, les États-Unis, la Russie et le Japon) ouvrant le commerce, concédant
l’ouverture de plusieurs ports et créant des zones d’extraterritorialité.
Dès la fin de la première guerre de l’opium, Hong Kong et les cinq ports
ouverts commencent à accueillir des missionnaires chrétiens qui ouvrent des
écoles pour former leurs aides et leurs prêtres, et pour offrir une éducation
chrétienne aux Chinois convertis. Cependant, de nombreux missionnaires
sont hésitants et peu convaincus de l’opportunité d’une éducation chrétienne
en Chine, considérant notamment qu’il ne s’agit pas d’un travail missionnaire
(Lutz, 1971). L’importance et la légitimité de ces opérations seront plus
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largement admises à la suite d’une conférence de missionnaires tenue en
1890 à Shanghai. Un grand nombre d’écoles seront créées dans les années
suivantes (Ng, 2009).

Cette mission d’évangélisation se heurte néanmoins à un contexte de


crise politique et éducative dans le pays. L’humiliation des défaites liées à
la supériorité technique et militaire des puissances étrangères favorise alors
l’émergence de mouvements contestant le système éducatif traditionnel.
Le Mouvement d’auto-renforcement (自强运动, ziqiang yundong), ou
Mouvement de modernisation à l’occidentale (洋务运动, yangwu yundong),
préconise ainsi l’assimilation intensive de la technologie occidentale en
vue de renforcer militairement le pays. Progressivement, les promoteurs
de ce mouvement élargissent le problème au-delà des simples techniques
militaires, valorisant l’apprentissage de la construction industrielle en général,
les sciences, l’étude des langues, le commerce, etc.

Alors qu’elles ont une mission d’évangélisation, pour les élites locales, ces
écoles sont devenues l’incarnation d’une opposition au système traditionnel
d’enseignement. L’abolition du système des examens impériaux en 1905
rend les écoles chrétiennes plus attractives pour les Chinois, encourageant
l’ouverture d’établissements d’enseignement supérieur. Accueillant environ
200 étudiants en 1900, les établissements supérieurs chrétiens en comptent
1 700 dans 16 établissements vingt ans plus tard. Dans les années 1920, ils
se détachent de plus en plus des activités missionnaires, en particulier en

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termes d’administration des écoles et de programmes de formation (Ng, 2009).


Dans les premières années, l’enseignement du commerce n’est pas perçu par
les missionnaires comme un élément important de leur mission, mais leur
approche se met à changer. Un rapport sur l’éducation chrétienne en Chine,
publié à Pékin en 1922, encourage cette orientation en expliquant que, « en
raison de la pression économique et de la structure sociale en Chine, presque
tous les étudiants vont à l’université avec comme désir principal d’accroître
leurs revenus futurs1 ». Le développement de l’enseignement du commerce
dans les établissements chrétiens est largement porté par la demande des
étudiants locaux qui, contrairement aux enfants de fonctionnaires intégrant
les universités chinoises plus prestigieuses, sont majoritairement des enfants
de commerçants (Trescott, 2007).
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La plupart de ces universités ou colleges chrétiens sont protestants
et affiliés aux États-Unis. En effet, « l’apogée du mouvement missionnaire
protestant coïncide avec l’altruisme de l’ère progressiste (1890-1914) aux
États-Unis, une période de changement rapide marquée par la prospérité
croissante, l’optimisme, l’ambition et de l’assurance » (Lautz, 2009). Dans ce
contexte, de nombreux volontaires issus des universités états-uniennes iront
dans ces établissements et seront accueillis favorablement par les Chinois
et leurs aspirations progressistes et nationalistes.

1.2. L’enseignement de la gestion dans les établissements


protestants états-uniens

Ces universités et colleges chrétiens ouvrent en Chine les premières


écoles de gestion, la plupart dans des établissements protestants et s’appuyant
sur des fondations basées aux États-Unis. L’exemple de l’Université Lingnan
Revue internationale des études du développement

(岭南大学, lingnan daxue), située à Canton, financièrement soutenue par


des missions protestantes et offrant des enseignements religieux, permet de
comprendre comment ces établissements ont progressivement ouvert des
formations en gestion. Initialement absente du projet des missionnaires,
plutôt réticents, la demande pour ce type de formation vient de la population
locale. Dès les premières années du Lingnan College, son président est
déconcerté par le décalage entre son idée initiale et les demandes locales,
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1 Cité par Trescott (2007), cette traduction et les suivantes ont été réalisées par
l’auteur.

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Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
dans l’exportation de l’enseignement de la gestion

faisant le constant suivant : « C’est une éducation profane et commerciale


qui est désirée ici à Canton. Je me pose la question de savoir si je serais
capable de créer le college ici ou non » (Corbett, 1963). Cette orientation vers
la gestion coïncide avec l’investissement d’importants entrepreneurs dans
l’école. En 1918, Ma Yingbiao (马应彪), fondateur des grands magasins Sincere
(先施, premiers grands magasins chinois), est ainsi le premier membre chinois
élu au conseil d’administration de l’université. Le programme en gestion
de Lingnan se développe en parallèle à l’économie, mais le département
de gestion (Departement of Business Administration) devient si important
que, en 1923, il absorbe celui d’économie (Trescott, 2007). Quelques années
plus tard, une école de gestion est créée à partir de ce département. Cette
filière connaît un succès important, notamment en raison du profil des
étudiants locaux, souvent des fils d’hommes d’affaires (Corbett, 1963). Les
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grandes villes côtières où se concentrent les activités missionnaires sont en
effet, à cette époque, le lieu du développement d’une bourgeoisie capitaliste
florissante (Bergère, 1986). Pour dispenser les enseignements, la Fondation
Lingnan, basée à New York, finance l’envoi de professeurs des universités
états-uniennes. De même, comme de nombreuses universités protestantes
états-uniennes, Lingnan fut un marchepied pour nombre de Chinois partant
étudier à l’étranger. Ainsi, dès 1904, plusieurs étudiants obtiennent des bourses
pour aller étudier aux États-Unis. En 1912, il y a ainsi vingt-sept anciens
étudiants de Lingnan aux États-Unis. Certains d’entre eux sont envoyés par
la direction de l’université dans le but d’enrichir le corps enseignant à leur
retour (Corbett, 1963).

D’une manière générale, le Japon est initialement une destination


d’étude prisée par les étudiants chinois, mais les États-Unis deviennent
celle la plus populaire, le nombre d’étudiants passant de 600 en 1910 à 2 200
en 1924 (Pepper, 2000). Outre les tensions politiques limitant l’attractivité
du Japon, la mise en place d’un programme de bourses d’étude aux États-
Unis joue un rôle majeur dans l’augmentation des flux de Chinois vers les
universités états-uniennes, population souvent issue des établissements
missionnaires (Edmunds, 1919). Ce programme, appelé Boxer Indemnity
Scholarship Program (庚子賠款獎學金, gengzi peikuan jiangxuejin), s’appuie
sur l’indemnité payée par l’empire Chinois aux États-Unis dans le cadre du
traité demandant aux huit puissances étrangères de stopper la révolte des
Boxers. Environ 1 300 étudiants sont envoyés aux États-Unis entre 1909 et 1929

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Tupac Soulas

dans le cadre de ce programme. Ce dernier est « le cadre le plus important


pour la formation d’étudiants chinois aux États-Unis, et certainement le plus
conséquent et le plus réussi de tout le mouvement d’étude à l’étranger de
la Chine du xxe siècle » (Ye, 2001).

À partir de 1925, les activités des fondations chrétiennes étrangères sont


limitées par la législation éducative, mais ces coopérations internationales
se poursuivent avec plus de gouvernance chinoise et moins d’enseignement
religieux. Elles contribuent ainsi à développer l’enseignement de la gestion
en Chine, comme l’illustre l’exemple de l’Université Lingnan : à la fin des
années 1930, son école de gestion offre un large panel de plus de trente cours,
comprenant plusieurs déclinaisons de cours de comptabilité, droit, finance,
pratiques bancaires, marketing, statistiques, etc.
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2. L’endiguement
Les forces militaires communistes prennent le pouvoir en Chine
en 1949, persécutant un grand nombre de catégories de personnes, comme
les entrepreneurs privés, mais aussi les missionnaires et leurs établissements
d’enseignement, forcés à fermer en 1952. Dans un contexte international de
début de guerre froide, ces formateurs exilés, qui avaient des liens privilégiés
avec les États-Unis, ont alors bénéficié d’importantes aides pour poursuivre
leurs activités d’enseignement à Hong Kong.

2.1. L’exil des formations et des compétences à Hong Kong

L’avènement de la RPC entraîne une vague d’exils vers Hong Kong et


Taïwan dès les années 1940. La colonie britannique, refusant officiellement
Revue internationale des études du développement

d’accueillir les cadres du Parti nationaliste, reçoit en revanche un afflux


d’entrepreneurs et de personnels des établissements missionnaires. La
démographie de Hong Kong est bouleversée, sa population passant de
600 000 habitants en 1945 à 2 millions en 1951 (Wong, 1988). Les réseaux
d’anciens des universités missionnaires deviennent très importants dans
la colonie. La formation des entrepreneurs de Chine continentale dans
ces universités missionnaires constitue un levier pour la reprise de leurs
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affaires à Hong Kong et la création d’échanges commerciaux avec les États-


Unis (Wong, 1988). Pour répondre aux besoins de la population locale, les

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Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
dans l’exportation de l’enseignement de la gestion

Chinois exilés du continent rouvrent également quelques colleges, appelés


refugee colleges. En 1959, on compte ainsi sept colleges privés à Hong Kong.
Certains sont des délocalisations d’universités auparavant implantées en
Chine continentale, d’autres sont fondés par des missions chrétiennes, et
enfin certains sont établis par quelques mécènes (Fulton, 1963).

Le pouvoir britannique ouvre une université en 1911, mais les principaux


colleges se démarquent nettement de la Hong Kong University (HKU) sur
trois points. Premièrement, ces colleges sont chinois, car ils dispensent
des enseignements en langue chinoise, mais aussi parce qu’il s’agit
d’établissements délocalisés ou fondés sur la base d’enseignants exilés.
Deuxièmement, ces refugees colleges sont missionnaires ou bénéficient de
l’appui d’églises chrétiennes. Troisièmement, ils ont une forte orientation
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disciplinaire vers le commerce et la gestion, alors même que la HKU n’offre
pas ce type de formation. Ainsi, en 1962, les départements de commerce
et gestion des trois principaux colleges accueillent 12 % de leur millier
d’étudiants (Fulton, 1963).

2.2. L’aide états-unienne à Hong Kong

Ces « collèges réfugiés », en raison de leur statut privé, connaissent


souvent des difficultés financières. Ils reçoivent le soutien de nombreuses
fondations états-uniennes : le United Board for Christian Education in Asia,
l’Asian Christian Colleges Association, la Yale-in-China Association, le Harvard
Yenching Institute, l’Asia Foundation, la Fondation Lingnan, la Fondation
Ford et ou encore la Fondation Rockefeller.

L’aide financière états-unienne de la part d’organisations non


gouvernementales (ONG) est stimulée par la position stratégique de Hong Kong,
aux portes de la Chine nouvellement communiste. Malgré les craintes d’une
forte influence, voire d’une invasion de la RPC, cet emplacement géographique
est déterminant dans le choix de financer des initiatives éducatives pour
les réfugiés chinois (Chou, 2011). Les organisations états-uniennes soutenant
les colleges, malgré leur caractère non gouvernemental, agissent en vue
d’endiguer la montée du communisme en Chine. Le gouvernement états-
unien a ainsi mis sur pied un bureau du United States Information Service à
Hong Kong à la fin de l’année 1949. Son objectif est de disséminer en Chine

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Tupac Soulas

une propagande pro-états-unienne et anticommuniste, mais également


de mener des opérations spécifiques à destination de la population de
Hong Kong, notamment la catégorie « étudiants et enseignants » (Lombardo,
1997). Le consul général états-unien à Hong Kong en 1955 explique alors qu’il
cherche à soutenir les refugee colleges pour éviter que des étudiants chinois se
tournent vers la Chine communiste afin de suivre une formation supérieure
(Lombardo, 1997). Ces relations avec les États-Unis sont par ailleurs facilitées
par le profil des enseignants de ces établissements dont la plupart ont reçu
une formation outre-Pacifique.

Ces refugee colleges se développent tant et si bien dans les années 1950


que le gouvernement local décide d’en fédérer trois pour créer une seconde
université publique, qui voit le jour en 1963 : la Chinese University of
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Hong Kong (CUHK). Comme les collèges à l’origine de sa création, CUHK
se positionne très clairement comme une université « américaine » dans ses
échanges et son fonctionnement. Cette proximité avec les États-Unis est
d’autant plus facile que la diaspora états-unienne est très puissante dans la
colonie britannique à partir des années 1950, au point de menacer l’autorité
de l’administration coloniale (Mark, 2004). En plus d’une dotation publique,
un grand nombre de fondations états-uniennes apportent des contributions
financières et logistiques à la consolidation de la nouvelle université. Parmi
les différentes aides, notons la mise en place d’un « Staff Development
Programme » en 1965 grâce au financement de la Fondation Ford (Ng, 1994).

Dans la lignée des refugee colleges, cette nouvelle université devient


pionnière dans le développement de l’enseignement de la gestion à
Hong Kong. Le premier président de l’université (Li Choh-Ming, 李卓敏) est
lui-même un économiste formé dans une école missionnaire de Canton,
Revue internationale des études du développement

puis en économie et commerce à l’université de Californie, à Berkeley.


L’enseignement universitaire de la gestion n’existe alors pas à Hong Kong,
et les financements publics de la CUHK ne pouvent servir qu’à financer des
programmes de formation initiale et non des programmes professionnels.
Toutefois, les aides des fondations permettent non seulement de développer
l’université – qui est aujourd’hui l’une des plus importantes de Hong Kong –,
mais aussi d’ouvrir un institut professionnel en gestion. À la suite de la
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fermeture en 1952 de l’Université Lingnan, de Canton, la Fondation Lingnan


contribue à financer un refugee college à Hong Kong, puis elle soutient la

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Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
dans l’exportation de l’enseignement de la gestion

création et les premières années d’un institut éponyme au sein de la CUHK


en 1966 : le Lingnan Institute of Business Administration. Cet institut devient
le tout premier de Chine à dispenser un programme de MBA. Pour délivrer
les enseignements, la Fondation Ford envoie plusieurs professeurs à la fin
des années 1960, dont l’un d’entre eux dirigea l’institut de 1968 à 19702.
Enfin, pour pérenniser le corps professoral, des diplômés du programme
reçoivent des bourses pour se former aux États-Unis et revenir enseigner
à Hong Kong. C’est par exemple le cas d’un Hongkongais qui obtient une
bourse du United Board for Christian Higher Eduation in Asia pour faire
un doctorat en marketing dans l’Illinois entre 1972 et 1975. Il occupa par
la suite le poste de directeur du MBA, puis de doyen de l’école de gestion
de la CUHK3.
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Jusqu’au milieu des années 1970, le soutien des fondations philanthropiques
états-uniennes a permis de développer l’enseignement de la gestion à
Hong Kong, en s’appuyant sur les exilés du continent. Le gouvernement
états-unien organise à l’époque ces coopérations en vue de lutter contre la
propagation des idées communistes. Cette vision est explicite dans l’action de
certains acteurs, comme la Fondation Ford, qui établit un lien direct entre le
renforcement des compétences managériales et la lutte contre le communisme
soviétique (Khurana, 2007) et qui mène des actions de promotions similaires
en Europe de l’Ouest (Gourvish et Tiratsoo, 1998). Pendant toute cette période,
la CUHK est la seule université à offrir des formations supérieures en gestion
et elle recrute un grand nombre de jeunes Chinois formés en Amérique du
Nord. Lors de l’ouverture de la Chine continentale, à la fin des années 1970,
elle contribue également à former de nombreux professeurs des universités
du continent.

3. L’aide au développement
À partir de la fin des années  1970, le gouvernement de la RPC,
sous la direction de Deng Xiaoping, décide d’ouvrir à nouveau la Chine
continentale, avec un double objectif : moderniser le pays (politique des
« quatre modernisations », adoptées en 1978) et le développer sur la base

2 Voir brochures du Lingnan Institute of Business Administration : 1968-1969 ; 1970-1971.


3 Entretien réalisé par l’auteur avec l’ancien doyen en 2012.

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Tupac Soulas

d’un modèle d’« économie socialiste de marché » (mise en pratique puis


officialisé en 1992). À la différence de la politique menée par Mao Zedong,
ces changements doivent s’appuyer sur les savoirs étrangers et en particulier
« introduire de manière systématique l’expérience et la gestion économique
moderne étrangère » (Warner, 1992). La Chine continentale s’est ainsi
ouverte aux coopérations internationales pouvant satisfaire ces objectifs de
développement économique.

3.1. L’ouverture à l’aide internationale pour le développement économique

La période post-maoïste débute par le lancement de multiples


coopérations internationales impliquant des gouvernements étrangers et
des organisations internationales. Marqués par les problèmes découlant de
la domination du modèle universitaire soviétique durant les années 1950, les
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responsables chinois sont méfiants à l’égard de l’influence états-unienne et
souhaitent multiplier les coopérations internationales avec différents pays
afin de ne pas importer un modèle unique (Hayhoe, 1989b). Dès le milieu
des années 1970, de nombreux fonctionnaires chinois s’imprègnent des idées
et expériences de leurs homologues au sein de l’Unesco et de la Banque
mondiale, associant le développement économique à celui de l’éducation,
multipliant les demandes de projets de coopérations éducatives (Bastid,
1986). Une grande variété d’initiatives est entreprise dans le domaine de
l’enseignement supérieur. La Banque mondiale pilote de nombreux projets
visant principalement des « disciplines orientées vers le développement »
(Hayhoe, 1989a). D’autres sont également organisés en coopération bilatérale
avec plusieurs agences nationales d’aide au développement.

À cette époque, l’enseignement de la gestion a une place particulière,


Revue internationale des études du développement

car elle représente un domaine nécessaire pour mener à bien les réformes
économiques voulues par le Parti communiste, mais aussi du point de vue
des États-Unis, cet enseignement permettant d’intégrer la Chine dans l’ordre
économique capitaliste. Les acteurs états-uniens sont ainsi en première ligne
dans ce domaine.

3.2. Le retour de l’enseignement de la gestion sur le continent


No 231  2017~3

Dans un cadre non gouvernemental, les échanges scientifiques entre la


RPC et les États-Unis commencent à reprendre grâce au travail d’un comité

136
Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
dans l’exportation de l’enseignement de la gestion

académique qui a cherché à entretenir des relations avec des homologues


chinois dès l’année 1966 : le Committee on Scholarly Communication with
the People’s Republic of China (CSCPRC) (Bullock, 2005). Les relations
diplomatiques entre la RPC et les États-Unis reprennent officiellement en
1979, mais les échanges universitaires commencent dès la visite en Chine du
président Richard Nixon en 1972. Les liens déjà tissés permettent de signer
cette même année un accord de coopération dans le domaine des sciences
et technologies (U.S.-China Science and Technology Agreement). Cet accord
prévoit la création d’un centre de formation en gestion, le National Center
for Industrial Sciences and Technology Management4. À cette époque, les
responsables du gouvernement états-unien envisagent déjà d’exporter la
gestion en Chine. L’un des tout premiers professeurs de ce centre de formation
sino-états-unienne raconte les origines du projet :
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Jordan Baruch était le directeur du Secrétariat du commerce […]. Et Jordan avait
ce truc de vouloir projeter les idées commerciales états-uniennes à l’étranger,
et donc lui, pour une raison ou une autre, était impliqué dans une sorte de
délégation officielle et ils ont rencontré les gens de la Commission de Science
et Technologie du gouvernement chinois, et ça, ce fut le contact. Le gars de
la Commission S&T était un gars du nom de Kang, et ce fut Jordan Baruch
et Kang qui montèrent cette idée [de centre de formation]. Et c’était à la fin
1979, sous Jimmy Carter. Donc cela est parvenu à se lier à partir de je ne sais
quel pouvoir ils avaient et ils ont eu un peu d’argent, et une fois qu’ils ont eu
l’argent, ils ont lancé le programme5.

Au sein du gouvernement chinois, la Commission économique étatique


(国家经济委员会, guojia jingji weiyuanhui) présidée par Kang Shi’en (康世恩)
a la responsabilité du développement de la formation des gestionnaires
chinois et donc de coordonner les projets de coopération internationale.
L’idée de diversification des modèles d’influence évoquée précédemment
est au cœur de la démarche de la Commission (Warner, 1987). Ainsi, l’une
de ses initiatives est de prévoir l’ouverture de centres de formation en joint-
venture avec plusieurs autres pays étrangers, répartis dans tout le pays. Le
centre états-unien situé à Dalian (Nord-Est de la Chine) ouvre en 1980 et
sert de modèle pour les coopérations en joint-venture avec les autres pays :

4 中国工业科技管理大连培训中心, zhongguo kongye keji guanli dalian peixun zhongxin.


5 Entretien réalisé et traduit par l’auteur avec un des premiers professeurs du centre
de formation de Dalian (2012).

137
Tupac Soulas

Communauté européenne, République fédérale d’Allemagne, Japon et Canada.


Mais le centre de Dalian est le premier et le plus important. Il a notamment
contribué à former un très grand nombre d’universitaires chinois.

En effet, au cours des années 1980, les universités de Chine continentale


commencent à ouvrir des formations en gestion, dans un contexte où très
peu de professeurs sont familiers des problématiques de l’économie de
marché. Nombre d’entre eux sont envoyés se former dans les centres sino-
étrangers, principalement dans le centre états-unien de Dalian. L’actuel doyen
de l’école de gestion d’une université cantonaise explique que nombre de
ses collègues sont passés par ce centre6 :

Parce qu’à cette époque, ils ne savaient pas ce qu’était le management, ok ?
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Qu’est-ce que le comportement organisationnel ? Donc à cette époque, je
pense que l’école ou le département de l’éducation essayait d’accroître ce genre
d’échanges. Et aussi les États-Unis avaient ce genre de programme d’échange.
Nous avions un centre de formation de l’université de Dalian. À cette époque,
en 1984, il était déjà en place. […] Certains des enseignants ont étudié la
gestion là-bas. Nos enseignants, […] ces personnes avaient une formation
d’ingénieur, donc ils devaient apprendre ce qu’était la gestion. Donc ils sont
allés là-bas pour étudier7.

D’autres coopérations universitaires complètent la formation des


professeurs chinois. L’une des plus importantes est celle réalisée avec la
Canadian International Development Agency (CIDA), organisant l’envoi
de nombreux professeurs canadiens dans les universités pour offrir des
formations dans de nombreux domaines. Le « Canada-China Management
Education Program » (CCMEP), lancé en 1983, concerne spécifiquement la
gestion. Enfin, les coopérations avec Hong Kong permettent également de
Revue internationale des études du développement

former des professeurs du continent en gestion. La Chinese University of


Hong Kong, évoquée précédemment, a joué un rôle important dans ces
échanges, car elle est à la fois pionnière en gestion et délivre des cours en
chinois.
No 231  2017~3

6 Notons que les villes de Canton (dans le Sud) et Dalian (dans le Nord-Est) sont
situées à plus de 2 000 km l’une de l’autre.
7 Entretien réalisé et traduit par l’auteur (2013).

138
Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
dans l’exportation de l’enseignement de la gestion

Les coopérations internationales souhaitées par les Chinois comme


diversifiées et porteuses de différents modèles ne permettent pas à la RPC
d’échapper à l’influence d’un modèle d’enseignement de la gestion. En
effet, non seulement les coopérations avec les États-Unis sont parmi les
plus importantes, mais les autres projets d’aide au développement sont
dominés par les mêmes idées. Les acteurs canadiens véhiculent une même
vision de l’enseignement de la gestion, de même que les Hongkongais de la
CUHK. Enfin, Ruth Hayhoe explique également que les projets de la Banque
mondiale sont alors dominés par l’action des États-Unis (Hayhoe, 1989b).

4. Un siècle pour construire une évidence


La sanglante répression des manifestations étudiantes de Pékin en
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1989 marque le début d’une remise en cause des collaborations des pays
développés avec la RPC. Le durcissement du régime entraîne la fin de la
coopération sino-états-unienne à Dalian en 1991. La coopération universitaire
sino-canadienne en gestion, dans le cadre du CCMEP, se termine en 1996. Aux
États-Unis, la publication du « Rapport Cox » en 1999 change également le
regard sur les collaborations transpacifiques. Ce rapport fait état de nombreuses
fuites de technologies vers la Chine et critique la politique d’ouverture
états-unienne envers la RPC (Cox, 1999). De plus, la croissance fulgurante
durant la décennie 1990 contribue à améliorer la situation économique
chinoise, la RPC étant de plus en plus perçue comme un concurrent pour
les pays développés. Au début des années 2000, le pays sort de la liste des
« pays à faible revenu » bénéficiaires de l’aide au développement définie par
l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)8.
La Commission européenne a ainsi réorienté son financement vers d’autres
pays. Le centre de formation sino-européen transformé en école de gestion
doit désormais compter sur ses frais de scolarité pour se financer.

8 Jusqu’en 2002, la Chine était classée dans la catégorie « pays à bas revenu » par
le Comité d’aide au développement de l’OCDE. Elle est ensuite passée dans la
catégorie « à revenu intermédiaire, tranche inférieure ».

139
Tupac Soulas

4.2 De l’aide au développement à la référence


au « modèle de la business school »

Le paysage actuel des écoles de gestion chinoises montre néanmoins que


la Chine a importé le modèle de la business school tel qu’il s’est affirmé aux
États-Unis. Autrement dit, dans le domaine de l’enseignement de la gestion,
la qualité est associée à la référence aux États-Unis. Sans pour autant créer
des écoles aux structures et fonctionnement identiques, de Hong Kong à
Shanghai, les acteurs chinois des écoles de gestion reprennent les pratiques
et adoptent les normes de leurs homologues états-uniens (Soulas, 2016).

L’histoire qui vient d’être présentée explique en grande partie ce


phénomène. En dépit des trois décennies de maoïsme, une continuité existe
grâce aux individus formés dans le cadre des coopérations internationales.
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Un professeur de marketing dans l’une des plus prestigieuses universités de
Shanghai explique ainsi le parcours des maîtres à penser de sa discipline :

– Donc vous avez commencé à enseigner le marketing en 1989.


– Oui, 1989… Non, non. […] Un an plus tard… Peut-être en septembre 1990.
– Bon, à cette époque, en Chine, il n’y avait pas de connaissances en marke-
ting, ou très peu.
– Mais, vous savez, l’enseignement du marketing en Chine, cela a commencé en
1978. Un vieux professeur, à l’Université de finance et d’économie de Shanghai
[上海财经大学], ils avaient un professeur fameux, Mei Ruhe [梅汝和]. Il a fait
ses études à Wharton [école de gestion de l’université de Pennsylvanie], a obtenu
un MBA dans les années 1940. Et il a traduit le manuel de Philip Kotler9, vous
savez « Marketing Management », en Chine, pour la première fois. Maintenant
c’est un best-seller. […] [Mei Ruhe] était le premier, comment dire, il était l’un
des premiers professeurs qui enseignait le marketing en Chine vers 1978. […]
Mais ce n’était pas mon professeur. Mon professeur fut Gu Guoxiang [孤国
Revue internationale des études du développement

祥] à l’Université Fudan. Il enseignait le marketing. Je peux vous raconter une


histoire. Vous savez mon professeur Gu Guoxiang et les autres professeurs de
marketing dans les autres universités, ils ont aussi étudié le marketing dans
un institut à Dalian10.

Cet institut de Dalian n’est autre que le Centre de formation en


coopération avec le gouvernement états-unien évoqué dans la section 3.
No 231  2017~3

9 Philip Kotler (1931-…) est un professeur états-unien de marketing à l’Université


Northwestern, auteur de nombreux ouvrages reconnus dans la discipline.
10 Entretien avec un professeur de marketing de l’Université Fudan (2013).

140
Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
dans l’exportation de l’enseignement de la gestion

Ce témoignage est une illustration de l’impact des échanges académiques


transpacifiques dans la construction de ce qui est admis comme une
évidence aujourd’hui : les États-Unis sont la référence dans le domaine de
la gestion. Cette référence n’est pas simplement relative au parcours des
premiers enseignants, elle est aussi reconnue de manière symbolique. Au
début des années 1980, le gouvernement chinois a versé environ 10 millions
de dollars au United Board of Christian Higher Education in Asia (basé à
New York), en reconnaissance de l’action éducative des anciens établissements
missionnaires expropriés en 1952 (Hayhoe, 1989a). D’autres exemples illustrent
la reconnaissance de la valeur de ce passé : en 1989, une école de gestion de
Canton est « refondée » avec le nom d’Université protestante Lingnan (évoquée
en section 1) et en revendique les origines états-uniennes. Ces coopérations
ont permis l’envoi de professeurs étrangers en Chine. Pourtant, depuis les
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années 2000, cette dynamique n’est plus portée par les gouvernements et
tend à disparaître. Les écoles ont pris le relais et recrutent aujourd’hui des
professeurs à l’étranger. Ces recrutements sont également marqués par ces
références symboliques et la proximité avec les États-Unis : les professeurs
sont le plus souvent des Chinois formés dans ce pays, car ces profils sont
bien plus nombreux en raison des échanges passés. Cette orientation se
retrouve, même lorsque cela est contradictoire avec le positionnement de
l’école. Dans l’école sino-européenne héritière de la coopération avec la
Commission européenne, les Chinois formés aux États-Unis sont également
surreprésentés dans les recrutements d’enseignants. C’est ce qu’explique un
de ses responsables :

C’est simplement naturel. Regardez la structure. Nous avons des personnes


très âgées, la plupart d’entre eux sont allés dans les années 1980 aux États-Unis
et y ont étudié. […] Encore une fois vous retombez sur la question de « qui
peut-on recruter ? » Nous ne pouvons recruter que des gens qui ont quelque
chose à voir avec la Chine. Donc, naturellement, cela serait des Chinois qui
ont étudié en Europe, par exemple, parce qu’ils connaîtraient les deux, mais
il n’y en a pas beaucoup. Il y en a peu11.

Les écoles moins prestigieuses ne sont pas toujours attractives pour ces
profils, mais elles se tournent alors vers les candidats issus des universités
de Hong Kong, où les docteurs en gestion sont essentiellement des

11 Entretien avec un haut responsable de l’école sino-européenne (2013).

141
Tupac Soulas

Chinois du continent. Rétrocédées à la RPC depuis 1997, les écoles de la


région sont marquées par l’imaginaire états-unien. Le doyen de l’une des
plus importantes écoles de gestion hongkongaises mobilise l’exemple
des universités californiennes pour légitimer son discours stratégique.
Un communiqué de presse de 2011 explicite ce positionnement :

Tout comme Stanford et Berkeley ont joué un rôle clé dans la création de la
Silicon Valley, nous avons pour objectif d’être les prochains Stanford et Berke-
ley de Chine pour aider au développement du delta de la rivière des Perles12.

4.3 Les coopérations internationales et l’échec de la diversification

La situation actuelle qui vient d’être esquissée offre un nouveau regard


sur l’histoire. Elle montre que, lors de l’ouverture de la fin des années 1970,
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le projet des responsables chinois de solliciter l’aide étrangère en diversifiant
les sources d’influence pour éviter d’importer un modèle unique a échoué.
La raison réside dans l’action de coopération internationale des États-Unis
dans le domaine de la gestion tout au long du xxe siècle. Cette coopération
peut être analysée par les vagues successives d’acteurs portant l’enseignement
de la gestion dans leur action en Chine (évangélisation, endiguement, aide
au développement). Sa réussite réside dans la synergie de trois dimensions :
la formation délivrée en Chine, la formation de Chinois aux États-Unis et,
enfin, l’exportation de l’enseignement de la gestion vers d’autres pays qui
sont devenus des partenaires de la Chine.

La période d’évangélisation s’est caractérisée par la formation de Chinois


dans les universités missionnaires facilitant l’envoie d’étudiants locaux
vers les universités états-uniennes (notamment grâce au « Boxer Indemnity
Scholarship Program »). La période d’endiguement n’a plus permis la formation
Revue internationale des études du développement

en Chine continentale, mais les États-Unis ont continué à former des Chinois
dans leurs universités et, surtout, ont exporté la vision de l’enseignement de
la gestion à Hong Kong (Soulas, 2016) et en Europe occidentale (Gourvish et
Tiratsoo, 1998). Ainsi, lors de la sollicitation d’aide au développement de la
part de pays étrangers, l’appel à différents gouvernements pour diversifier
les sources d’influences ne pouvait conduire à importer plusieurs modèles
d’enseignement de la gestion. De plus, les échanges antérieurs facilitant le
No 231  2017~3

12 Extrait d’un communiqué de presse de l’école, octobre 2011.

142
Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
dans l’exportation de l’enseignement de la gestion

rapprochement avec les États-Unis, ces derniers purent à nouveau délivrer


des formations en Chine continentale dans la joint-venture de Dalian durant
toutes les années 1980.

Qu’ils se tournent vers leurs professeurs locaux, vers leur diaspora, vers
Hong Kong ou les autres pays, les Chinois retrouvent aujourd’hui la référence
au même modèle, celui désigné en introduction par le modèle de la business
school. Ce dernier s’affirme progressivement comme une référence à l’échelle
internationale, mais est aujourd’hui devenu une évidence pour les acteurs
chinois de l’enseignement de la gestion.

Conclusion
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Le cas de l’enseignement de la gestion en Chine invite à élargir le spectre
des analyses sur le rôle de la coopération dans la circulation internationale
des idées. Élargir dans le temps long est ici incontournable. Même s’il
peut paraître saugrenu de revenir un siècle en arrière pour comprendre les
écoles de gestion d’aujourd’hui, il est clair que la situation actuelle ne peut
se comprendre que si l’on considère ce qu’était l’éducation et l’économie
chinoise d’avant Mao Zedong. En ce sens, l’approche de Marie-Claire Bergère,
décrivant le « retour du vieil homme » pour évoquer la résurgence des valeurs
pré-maoïste dans la Chine des années 1980, est très pertinente (Bergère, 1984).

Élargir dans l’espace offre également des clés de compréhension


fondamentales. À ce titre, de nombreuses analyses de la Chine se limitent
à sa zone continentale. Or, dans le domaine de la gestion, l’histoire de
Hong  Kong est déterminante. Durant toute la période maoïste, cette
région fut un incubateur pour l’enseignement de la gestion en Chinois
soutenu par les États-Unis. De même, l’exportation de l’enseignement
de la gestion en Europe après la Seconde Guerre mondiale est largement
documentée (Boltanski, 1981 ; Djelic, 2001 ; Gourvish et Tiratsoo, 1998). Ainsi,
la coopération internationale avec différentes régions du monde n’entraîne
pas nécessairement une diversification des influences lorsqu’un modèle est
dominant chez tous les partenaires.

143
Tupac Soulas

Enfin, les coopérations internationales se déclinent non seulement


par l’action dans un pays, mais aussi par l’accueil de la population locale
dans ses établissements. Ces deux modes de circulation des idées sont
complémentaires et, dans le cas chinois, ont permis une continuité tout
au long du xxe siècle.

L’enseignement de la gestion tel qu’il fut importé en Chine est le


fruit de nombreuses collaborations et d’échanges au fil du temps, la seule
constante étant la domination des États-Unis comme référence durant plus
d’un siècle. Le classement du Financial Times présente désormais ces écoles
chinoises comme concurrentes des écoles états-uniennes qui y dominent
de moins en moins. Ce classement devient de plus en plus important, en
effet, pour les écoles chinoises qui cherchent à s’y positionner. Le Financial
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Times valorisant les écoles les plus proches du modèle de la business school,
l’émergence de cette concurrence peut aussi être perçue comme la réussite
de l’exportation de ce modèle.

L’AUTEUR

Tupac Soulas
Sinologue et docteur en sociologie, il est spécialiste des relations internationales
des organisations d’enseignement supérieur et de la Chine. Chercheur associé
au Laboratoire interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (LISIS), Tupac
Soulas a soutenu en 2016 une thèse à l’université Paris-Est intitulée « Business
Schools made in China : l’émergence des écoles de gestion chinoises ».
Revue internationale des études du développement

A récemment publié
Soulas T., « Du modèle nord-américain à une évaluation “made in China”.
L’exemple des écoles de gestion en Chine », dans Barats C., Bouchard J.,
Haakenstad A. (dir.), Faire et dire l’évaluation. Regards des sciences sociales
sur les fabriques contemporaines de l’évaluation dans l’enseignement supérieur
et la recherche, Paris, Presses des Mines (à paraître).
Soulas T., 2017, « Grasping the Global with One Foot in China: The Rise of
Chinese Schools of Management », dans Bloch R., Mitterle A., Paradeise C.,
Tobias P. (dir.), Universities and the Production of Elites. Discourses, Policies,
No 231  2017~3

and Strategies of Excellence and Stratification in Higher Education, Basingstoke,


Palgrave Macmillan.

144
Une leçon de soft power : le rôle des coopérations états-uniennes avec la Chine
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145
Tupac Soulas

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