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Méthodologie
du recueil
d’informations
Fondements des méthodes d’observation,
de questionnaire, d’interview et
d’étude de documents
5e édition
Licence
Jean-Marie DE KETELE
Doctorat Master
Xavier ROEGIERS
Méthodologie
du recueil
d’informations
Méthodes en sciences humaines
Méthodologie
du recueil
d’informations
Fondements des méthodes d’observation,
de questionnaire, d’interview et
d’étude de documents
5e édition
Licence
Jean-Marie DE KETELE
Xavier ROEGIERS
Doctorat Master
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Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : décembre 2015 ISSN 1373-0231
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2015/13647/131 ISBN 978-2-8073-0037-8
AVANT-PROPOS
L’observation, le questionnaire, l’entretien et l’étude des documents constituent
les outils du travail quotidien de l’expert, qu’il soit homme d’action, auditeur, évalua-
teur, consultant ou chercheur.
Tout comme l’expert, l’homme de la rue recueille aussi de l’information.
Qu’est-ce qui distingue le travail de l’un et de l’autre ? Bachelard disait de l’observa-
tion ou de l’expérience primaire qu’elle était un obstacle à la pensée scientifique. Élar-
gissant cette réflexion, nous pouvons dire que, contrairement à l’homme de la rue,
l’expert devrait toujours recueillir de l’information avec en filigrane un en-deça (un
projet et une historicité suffisamment explicites) et un au-delà (un souci d’induire et de
produire du sens consciemment, dans un contexte défini et selon certaines règles).
Si dans la littérature spécialisée, nous rencontrons quantité d’ouvrages géné-
raux en méthodologie de la recherche ou en méthodologie de l’évaluation, voire en
méthodologie de l’action, curieusement on ne rencontre guère – du moins à notre
connaissance – d’ouvrage de méthodologie du recueil d’informations, comme si celui-
ci était un processus évident ou moins noble. Nous pensons au contraire que, étant à la
base du travail de l’expert, un tel processus mérite et même nécessite un travail de
réflexion en profondeur qui dépasse les seuls aspects techniques et prenne en considé-
ration les aspects épistémologique, morphologique et théorique.
L’ambition d’un tel ouvrage est donc de clarifier les fondements et les pra-
tiques du recueil d’informations.
Les aspects techniques ne seront abordés ici que dans la mesure où ils sont indis-
pensables pour notre réflexion et notre effort de clarification. Le lecteur désireux de
s’initier ou de se perfectionner dans ces aspects recourra à d’autres ouvrages spécifiques.
En priorité, nous avons voulu nous adresser à deux grandes catégories de lecteurs :
les étudiants en sciences humaines d’une part, des experts chevronnés d’autre part.
Les étudiants chercheront à se construire un cadre de référence situant les diffé-
rentes méthodologies du recueil d’informations, ce qui les fonde, ce qui les réunit, ce
qui les différencie.
Les experts trouveront ici l’occasion de s’arrêter pour réfléchir à une des com-
posantes fondamentales de leur travail quotidien, dont l’apparente banalité et l’aspect
routinier peuvent occulter certains choix implicites et certains effets cachés.
6 Méthodologie du recueil d’informations
De nombreux ouvrages écrits par des universitaires s’adressent en fait aux seuls
publics qui gravitent dans la mouvance de la recherche. Les auteurs du présent
ouvrage, ayant à la fois une expérience de chercheur universitaire et d’intervenant de
terrain, se sont efforcés de servir également la réflexion des experts-praticiens dont les
occasions de prise de recul sont chichement comptées. Certains d’entre eux trouveront
peut-être ici un cadre de référence stimulant et enrichissant leur pratique.
Plusieurs points d’entrée dans ce livre peuvent être envisagés. Aux étudiants,
nous conseillons au départ une lecture exhaustive avant d’approfondir selon les
besoins l’un ou l’autre chapitre. Les experts s’intéresseront sans doute plus particuliè-
rement à certains chapitres selon leur sphère d’activité. Nous leur conseillons cepen-
dant de prendre connaissance du premier chapitre qui constitue une plaque tournante.
Nous remercions toutes celles et tous ceux qui, suite à une lecture attentive des
premières éditions, nous ont fait parvenir leurs réflexions et leurs commentaires, et qui
nous ont par là aidés à finaliser cette nouvelle édition.
CHAPITRE 1
APPROCHE GÉNÉRALE
DU RECUEIL D’INFORMATIONS
INTRODUCTION
Chercher à comprendre, chercher à décrire, explorer un nouveau domaine, poser ou
vérifier une hypothèse, évaluer les performances d’une personne, évaluer une action,
un projet…, voilà quelques démarches fondamentales dont la réussite est avant tout
liée à la qualité des informations sur lesquelles elles s’appuient.
Dans toutes ces démarches, et dans bien d’autres encore, il est primordial de se
poser quelques questions importantes telles :
• « est-ce que je sais bien dans quel but je veux recueillir des informations ? »
• « ai-je bien choisi l’information sur laquelle je vais travailler ? »
• « l’information que je recueille est-elle bien celle que je voulais recueillir ? »
• « cette information est-elle de qualité suffisante ? »
• « que vais-je faire de cette information ? »
• etc.
Je peux fonder une étude de marché sur « ce qu’on dit autour de moi », ou au
contraire la mener rigoureusement sur la base d’un échantillon soigneusement étudié.
Le recueil d’informations lié à une recherche qui étudie les effets secondaires
d’un médicament doit également être mené selon une stratégie étudiée attentivement.
• l’observation ;
• le recours à des questionnaires ;
• l’étude de documents.
À côté de ces quatre grandes méthodes, il existe un certain nombre d’autres
techniques utilisées pour recueillir de l’information.
Citons à titre d’exemples :
• les tests qu’effectue un technicien de maintenance pour détecter l’origine d’une
panne,
• les techniques de palpation utilisées par un médecin pour établir son diagnostic,
• ou encore les tests gustatifs, olfactifs etc.
Ces techniques peuvent être considérées comme dérivées de l’observation.
1.2.1 L’INTERVIEW
Au sens commun du terme, l’interview prend une signification très restrictive, et par
ailleurs non univoque, ainsi qu’en témoignent ces deux définitions :
« l’entretien avec une personne pour l’interroger sur ses actes, ses idées, ses
projets, afin soit d’en publier ou d’en diffuser le contenu, soit de l’utiliser à des fins
d’analyse (enquête d’opinion) » (Petit Larousse, 1988).
ou encore « l’entrevue au cours de laquelle un journaliste interroge une per-
sonne sur sa vie, ses projets, ses opinions, dans l’intention de publier une relation de
l’entretien. » (Petit Robert, 1984).
Malgré la présence d’une « utilisation à des fins d’analyse » dans la première
définition, ces définitions mettent surtout l’accent sur le caractère gratuit, personnel et
ponctuel de l’interview, ce qui ne répond pas aux caractéristiques énoncées d’un véri-
table recueil d’informations (voir en 1.1).
D’autres approches plus scientifiques mettent davantage l’accent sur la
démarche dans laquelle s’inscrit l’interview, démarche considérée comme une des
composantes essentielles de l’interview.
A. BLANCHET (1987, p. 81) considère principalement deux niveaux : d’une
part le niveau général de l’« interview », d’autre part le niveau des « questionnaires
(oraux) » et des « entretiens de recherche » comme éléments d’un sous-ensemble du
vaste ensemble des interviews.
Sa définition de l’interview est celle qu’en donnent LABOV et FANSHEL
(1977) : « une interview est un speech-event dans lequel une personne A extrait une
information d’une personne B, information qui était contenue dans la biographie de
B. », le terme biographie reprenant l’ensemble des représentations associées aux évé-
nements vécus par B.
Il ne faut pas penser que le bénéfice de l’interview soit toujours destiné à la per-
sonne A, qui mène l’interview. Des techniques comme l’entretien d’explicitation
(VERMERSCH, 1994) visent à développer, avec l’aide d’un interviewer A, un ques-
tionnement auprès d’un acteur B, en vue d’aider ce dernier à clarifier ses pratiques.
Les principales méthodes du recueil d’informations 13
Ensemble
des interviews
Questionnaires oraux
Entretiens de recherche
1.2.2 L’OBSERVATION
Il est curieux de remarquer que la plupart des spécialistes qui ont largement utilisé
l’observation ou ont écrit à son propos (MEDDLEY & MITZEL, 1963 ;
ROSENSHINE, 1973 et 1986, …) n’aient pas tenté de donner une définition de
l’observation. Peut-être estiment-ils le concept établi. Certains cependant s’y sont
efforcés, mais leurs définitions sont à certains égards peu satisfaisantes : spécifiques et
univoques dans leur énoncé, elles sont ensuite utilisées de façon équivoque avec attri-
bution au particulier d’une valeur générale.
Les principales méthodes du recueil d’informations 15
A. Sens premier
« Observer est un processus incluant l’attention volontaire et l’intelligence, orienté par un
objectif terminal ou organisateur et dirigé sur un objet pour en recueillir des informations »
(DE KETELE, 1980, p. 27).
Il s’agit d’un processus et non d’un mécanisme simple d’impression par repro-
duction comme celui de la photocopie.
En effet, ce processus requiert un acte d’attention, c’est-à-dire une « concentra-
tion élective de l’activité mentale comportant une augmentation de l’efficience sur un
secteur déterminé et l’inhibition des activités concurrentes » (LAFON, 1963, p. 71).
Selon les cas, le degré d’attention peut varier comme le montre de façon éloquente la
richesse de la langue française : apercevoir, percevoir, entrevoir, voir, regarder, consi-
dérer, examiner, découvrir, repérer, remarquer, surprendre, débusquer, dévisager, toi-
ser, lorgner, épier, espionner, guetter, viser, suivre, surveiller…
Si la vue est celui des 5 sens qui est le plus souvent sollicité dans un processus
d’observation, les autres sens peuvent également être mis en œuvre : l’ouïe, l’odorat, le
toucher, le goût. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à des disciplines comme
l’acoustique (ouïe), la botanique (odorat), l’œnologie (goût, odorat), la kinésithérapie
(toucher) dont les techniques d’observation s’appuient sur d’autres sens que la vue.
Ce processus requiert un acte intelligent : dans le champ perceptif qui s’offre à
lui, l’observateur sélectionne un petit nombre d’informations pertinentes parmi le large
éventail des informations possibles. Ce mécanisme de sélection opère en référence à
l’expérience antérieure : le « déjà vu » s’observe plus facilement, mais « le trop vu »
risque de passer inaperçu. Dans la recherche scientifique, l’observation est conçue en
fonction d’un cadre théorique de référence. Selon leur valeur, cette expérience anté-
rieure et ce cadre théorique peuvent constituer une force ou une faiblesse.
L’observation est un processus orienté par un objectif terminal ou organisateur
du processus d’observation lui-même. Même l’observation dite libre comporte un
objectif : se familiariser avec une situation, observer un phénomène sous un maximum
d’aspects possibles, … Plus cet objectif est clair et explicite, plus cet acte de sélection
s’en trouvera facilité, plus circonscrit deviendra l’objet sur lequel l’attention est dirigée.
Ob-server, c’est se mettre devant (préfixe « ob ») un objet à la fois comme
esclave ou serf (sens premier de la racine « serv. ») pour lui être fidèle et à la fois
comme maître pour le posséder ou le conserver (sens second de la racine « serv. »).
Observer quelqu’un, c’est jeter un regard sur lui, c’est le prendre comme objet. C’est
donc tout le contraire du processus empathique (préfixe « in » et racine « path » : res-
senti en se mettant dans, à la place de). Le regard est agressif, diront les psychanalystes
qui se refusent à se mettre devant le client pendant la cure.
En ce sens, l’observation présente de fortes similitudes avec l’interview.
L’observation est un processus dont la fonction première immédiate est de
recueillir de l’information sur l’objet pris en considération en fonction de l’objectif
organisateur… Ce recueil suppose une activité de codage : l’information brute sélec-
tionnée est traduite grâce à un code pour être transmise à quelqu’un (soi ou autrui).
Comme nous le verrons plus tard, de nombreux systèmes de codage peuvent exister
16 Approche générale du recueil d’informations
B. Sens dérivés
À l’origine, observer signifiait « se conformer à ce qui est prescrit » (se mettre en posi-
tion de serf devant la loi) : observer les dix commandements, observer la loi. De ce
fait, on parle d’observance : on surveille, on observe quiconque enfreint la règle pour
lui faire une observation, c’est-à-dire une remarque. Dans le contexte de cet ouvrage,
nous n’utiliserons pas cette signification qu’il est cependant intéressant de signaler
pour saisir le champ des connotations de la notion d’observation.
Dans les contextes expérimental, clinique et éducatif, l’observation pourra dési-
gner tour à tour plusieurs significations plus spécifiques dérivées du sens premier
(l’observation conçue comme processus).
L’observation sera un objectif à rechercher ou une aptitude à développer :
apprendre à observer, développer le sens de l’observation.
L’observation pourra être considérée comme une méthode pédagogique.
« L’observation est un procédé pédagogique qui consiste à mettre l’élève en contact
avec les objets qui vont, par la perception directe, permettre l’appréhension immédiate
des données (BESLAY in LAFON, 1969, p. 508). On parle de « leçons
d’observation », du passage du concret à l’abstrait, du passage de l’image au concept
et, mieux, de la construction active des concepts ou des lois.
L’observation désignera souvent une méthode clinique. Elle est alors « l’étude
complète de la valeur fonctionnelle, du comportement et des conduites d’un être
humain, en tenant compte de ses éléments constitutifs et de sa personnalité dynamique
dans sa totalité et dans son environnement » (LAFON, 1969, p. 507). Dans les examens
Les principales méthodes du recueil d’informations 17
1.2.3 LE QUESTIONNAIRE
Selon qu’il entre dans le cadre d’une évaluation des performances de personnes, ou au
contraire dans le cadre d’une évaluation d’un fonctionnement, de l’évaluation d’un
système, d’une recherche descriptive ou expérimentale, le questionnaire prendra deux
sens différents :
• le questionnaire d’enquête.
Dans le premier cas, la cible est l’individu ; dans le second, une population.
2. un contenu sur lequel s’exerce cette activité (telle formule, telle démarche de
résolution, telle activité pratique, …).
18 Approche générale du recueil d’informations
Savoir-redire/refaire
Savoir-faire cognitif
Savoir-faire pratique
Savoir-être
Savoir-devenir
1. L’ACTIVITÉ EXERCÉE
Par SAVOIR-REDIRE (SR), nous désignons l’activité qui consiste à pouvoir redire ou
restituer un message appris ou donné, sans y apporter de transformation significative.
Parallèlement aux savoir-redire, les savoir-refaire consistent en la reproduction
pure et simple de gestes appris, dans la même situation que celle dans laquelle ils ont
été appris ou montrés.
Par SAVOIR-FAIRE COGNITIF (SFC), nous désignons les activités cogni-
tives plus élaborées, c’est-à-dire des activités qui nécessitent un travail cognitif de
transformation d’un message donné ou/et non donné. Nous pensons particulièrement à
des « activités cognitives de base » comme distinguer l’essentiel de l’accessoire, éla-
borer le plan d’un texte, rédiger une synthèse, résoudre un problème, etc. Certains de
ces savoir-faire sont des savoir-faire non contextualisés, comme un exercice de calcul
de dosage dans une formation d'infirmière, ou au contraire des savoir-faire contextuali-
sés, comme le même calcul de dosage dans un service de soins intensifs.
Par SAVOIR-FAIRE PRATIQUE (SFP 1), nous désignons les activités à domi-
nante sensori-motrice et qui nécessitent le contrôle kinesthétique, comme tourner ou frai-
ser une pièce en mécanique, apprendre à rouler à vélo, manœuvrer avec précision, etc. Que
l’on pense par exemple à la taxonomie de SIMPSON (1966) ou de HARROW (1972).
Le savoir-faire pratique se distingue du savoir-refaire pratique par le fait que
l’activité s’exerce sur une situation différente et implique donc plus qu’une simple
répétition de gestes.
Par SAVOIR-ÊTRE (SE), nous désignons les activités par lesquelles une per-
sonne manifeste non seulement sa façon d’appréhender sa propre personne (le
« concept de soi »), les autres, les situations en général, mais aussi sa façon de réagir et
d’agir. En un mot, le SE est la façon de se poser en tant que personne. Le SE se mani-
feste à trois niveaux :
1. le niveau de sélection des stimuli lui arrivant à la conscience (le même arbre est
vu différemment par le poète ou le bûcheron) ;
2. le niveau de la représentation ;
3. le niveau de la conduite.
2. LE CONTENU
De façon générale, les SAVOIRS (S) désigneront des connaissances : des faits, des
concepts, des lois, des modèles, des formules, des tableaux, des procédures fermées
(algorithmes), des synthèses, …, déjà constitués, appris ou donnés. Dans certaines dis-
ciplines, il sera utile de distinguer les différentes catégories de savoirs, comme par
exemple la classification de MERRILL (1983), qui distingue les faits particuliers
(l’adverbe « souvent », la date d’un fait historique, …), les concepts (le concept
d’adverbe, de carré, …), les procédures (la procédure de transformation d’un adjectif en
adverbe, les étapes d’une recette de cuisine, …) et les principes (la règle selon laquelle
l’adverbe est invariable, la formule de l’aire du rectangle, la loi de la pesanteur, …).
Les SAVOIR-FAIRE COGNITIFS (SFC) désigneront les différentes démarches
intellectuelles nécessaires à mettre en œuvre pour exercer les SFC en tant qu’activités : par
exemple, des procédures ouvertes (un enchaînement d’algorithmes, le choix d’un algo-
rithme), les démarches de pensée nécessaires à l’élaboration d’un résumé, les étapes de
résolution d’un problème, les démarches pour élaborer le plan d’un texte, etc.
Au plan du contenu, les SAVOIR-FAIRE PRATIQUES (SFP) désigneront les dif-
férentes démarches pratiques qui sont nécessaires pour exercer les SFP en tant
qu’activités : par exemple, les gestes à faire pour panser une blessure. On peut les étendre
aux savoir-faire socio-affectifs (GERARD, 2000), comme par exemple de la capacité
d’écouter (et non simplement entendre), de communiquer un message de façon fonction-
nelle, de présenter des excuses, etc. Il s’agit à ce stade-ci d’une maîtrise d’une
« technique » qui peut être apprise, et qui n’implique pas nécessairement que l’on y recoure
de façon spontanée, comme ce sera le cas dans la catégorie suivante, celle des savoir-être.
Au plan du contenu, les SAVOIR-ÊTRE (SE) désigneront des attitudes, des
valeurs 2 (l’autonomie, l’esprit critique, …), des façons d’appréhender le réel (par
2. On trouvera dans l’ouvrage de PARENT & JOUQUAN (2013) une explicitation de toute une série de va-
leurs importantes.
20 Approche générale du recueil d’informations
exemple telle réaction dans telle situation) ou des représentations (par exemple l’opi-
nion de… sur…).
Enfin, les SAVOIR-DEVENIR (SD) en tant que contenu désigneront les pro-
jets comme contenus : par exemple, les différents types de projets.
Assez curieusement, les catégories d’activités sont pratiquement les mêmes que les
catégories de contenus. Le tableau suivant illustre les 25 combinaisons activité-contenu
possibles, selon la dominante taxonomique qui caractérise l’activité ou le contenu.
EXEMPLES
Savoir-devenir Associer plusieurs Mettre sur pied un Développer des Prendre des Prendre des
personnes pour groupe pour ana- contacts pour mesures concrètes mesures concrètes
réfléchir sur la lyser les effets changer sa en vue de chan- en vue de
notion d’éco- d’un changement manière de cuisi- ger ses habitudes développer des
consommation d’alimentation sur ner en matière de projets sur le
le bien-être consommation de thème de l’éco-
produits courants consommation
Les principales méthodes du recueil d’informations 21
Cette compétence mobilise également un ensemble de ressources, dont les ressources sui-
vantes, issues du même tableau.
Branches Refusés par les 6 Admis par les 6 Refusés par les uns
et admis par les autres
Version latine 40 % 10 % 50 %
Composition française 21 % 9% 71 %
Anglais 37 % 16 % 47 %
Mathématiques 44 % 20 % 36 %
Philosophie 9% 10 % 81 %
Physique 37 % 13 % 50 %
Citons enfin les résultats de PIERON (1963), qui s’est posé la question
« Combien de correcteurs faudrait-il pour stabiliser une note ? ». Voici l’estimation du
nombre de correcteurs nécessaires pour chaque branche :
Anglais 28 correcteurs
Mathématiques 13 correcteurs
Physique 16 correcteurs
B. Le questionnaire d’enquête
Au contraire d’un premier sens qui désigne l’enquête comme une prospection sur un
objet, un événement ou un sujet précis (enquête policière, enquête fiscale, …), nous
entendrons le terme enquête au sens d’une étude d’un thème précis auprès d’une popu-
lation dont on détermine un échantillon afin de préciser certains paramètres.
Les thèmes examinés peuvent être extrêmement variés. C’est ainsi que l’on
peut tout aussi bien parler d’enquête dans le domaine économique, démographique,
sociologique, politique, médical, psycho-social, agricole, etc.
Pour F. BACHER (1982), deux types de problèmes sont susceptibles de relever
d’une enquête :
26 Approche générale du recueil d’informations
1. Des problèmes précis qui sont posés à l’échelle d’une population entièrement
déterminée, et à propos de laquelle on souhaite parvenir à des conclusions
généralisables.
Exemple : étude de marché, analyse des besoins en formation dans une grande
entreprise, etc.
2. Des problèmes complexes mettant en jeu un grand nombre de facteurs.
Exemple : enquête sur les facteurs favorisant l’apparition d’une maladie,
enquête sur l’adaptation des élèves dans un cycle d’études, en fonction d’anté-
cédents familiaux et scolaires, de caractères individuels comme l’âge ou le
niveau d’intelligence, les caractéristiques de l’établissement scolaire, etc.
Le questionnaire constitue l’outil le plus adapté à ces types d’enquêtes.
Il ne faut cependant pas perdre de vue que le recours à un questionnaire n’est
qu’une méthode de recueil d’informations parmi d’autres. Il peut être même la pire des
choses lorsque le chercheur « se laisse obnubiler par l’impression de vérité immanente
que lui conférait la représentativité statistiquement prouvée des échantillons
consultés » (JAVEAU, 1978, p. 7).
Comme dans toute méthode de recueil d’informations, plusieurs difficultés sont
liées à l’emploi d’un questionnaire.
En amont de l’utilisation d’un questionnaire d’enquête, il est essentiel de bien
cerner l’objectif recherché, ainsi que le type d’informations à recueillir (choix des
variables, …).
Plusieurs auteurs ont souligné ce point. Citons à titre d’exemple R. GHI-
GLIONE (1987, p. 127) :
« pour construire un questionnaire, il faut évidemment savoir de façon précise
ce que l’on recherche, s’assurer que les questions ont un sens, que tous les aspects de la
question ont bien été abordés… »
En aval, nous nous trouverons confrontés à des problèmes de validation des
résultats, problèmes sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir en détail.
Retenons pour le moment que le bon usage d’un questionnaire d’enquête sera
essentiellement fonction de :
a) la présence et de la pertinence d’objectifs et d’hypothèses préalables,
b) la validité des questions posées, et
c) la fiabilité des résultats récoltés.
Même si elle relève d’une même démarche globale dont les composantes ont été défi-
nies ci-dessus, une étude de documents pourra prendre des formes très diverses.
Elle dépendra surtout
• de la nature des documents à analyser ;
• de la quantité des documents à analyser ;
• de l’objet et du but de l’investigation.
Les principales méthodes du recueil d’informations 27
que le discours recueilli par l’interview ou les comportements recueillis par l’observa-
tion, et dont le but est de vérifier une hypothèse.
Il est rare qu’une seule méthode de recueil d’informations permette à elle seule de don-
ner toute l’information nécessaire.
EXEMPLES
– bien que l’interview constitue la méthode privilégiée d’analyse du fonctionnement d’un ser-
vice dans une entreprise, l’observation directe et l’étude de certains documents significatifs
viendront souvent donner des renseignements complémentaires précieux ;
– la mise au point d’une enquête par questionnaire se fera souvent à travers des observations
ainsi que des interviews préliminaires de quelques personnes ;
– l’élaboration d’une hypothèse explicative dans une phase de recherche exploratoire sera
souvent issue d’une conjugaison des méthodes d’observation, de questionnaires, d’interview
et d’étude de documents ;
– l’évaluation des connaissances d’un élève sera souvent complétée par une observation de
son comportement ;
etc.
On peut caractériser les quatre méthodes décrites ci-dessus selon deux critères principaux.
Les principales méthodes du recueil d’informations 29
Étude de
Interview Observation Questionnaire documents
- à double sens - à sens unique - à double sens - à sens unique
- directe - directe - indirecte - indirecte
Étude de
Interview Observation Questionnaire documents
Accès très limité Accès relativement Accès relativement Accès très large
dans l’espace limité dans l’espace large dans l’espace dans l’espace
Espace
Espace
Espace
Dans son ouvrage « Les enjeux de l’observation », KOHN (1982) met en évidence les
phénomènes de pouvoir de celui qui recueille de l’information
« L’information qu’il relève fait de lui un agent potentiel de changement. » (p. 67)
et montre comment pouvoir et savoir se renforcent mutuellement dans certains proces-
sus d’observation :
« Celui qui regarde, celui dont la parole descriptive et explicative est reconnue,
détient un pouvoir sur l’autre. Actuellement, ce pouvoir appartient en priorité et quasi
exclusivement à ceux qui possèdent déjà un savoir. La place prépondérante des (méde-
cins) spécialistes dans le rôle d’observateur en est un exemple. Le pouvoir et le savoir
se renforcent constamment. » (p. 82)
On sait quel pouvoir ont pris ces dernières années les auditeurs internes dans les
grandes entreprises. Leur statut de contrôleur (vérificateur) leur confère de facto un
statut de « contrôleur », au sens anglo-saxon du terme « control = maîtrise » : le niveau
et la diversité des informations qu’ils ont acquises constituent un levier de pouvoir
important.
Tout aussi importante est la réflexion sur l’utilisation des résultats du recueil d’infor-
mations. On pense spontanément à une utilisation à des fins économiques, à des fins
Nécessité d’une réflexion épistémologique sur le recueil d’informations 31
politiques, à des fins de domination (BOURGEOIS & NIZET, 1995). Les quelques
questions qui suivent permettent de mettre en lumière certains pièges à éviter :
– une étude dite scientifique l’est-elle toujours ? A-t-elle toujours pour finalité ul-
time la progression de la science ? Et quelle science ? L’audit tel qu’il est parfois
pratiqué n’est-il pas tout simplement un paravent dont les conclusions sont dé-
cidées à l’avance et qui permet au pouvoir en place de justifier une politique
donnée ?
– celui qui recueille l’information ne se retranche-t-il pas souvent derrière une
« nécessaire neutralité » pour éviter d’avoir à dénoncer certaines pratiques, ou
tout simplement pour éviter d’être obligé de se remettre en question ?
– comment réagit-il dans des situations dans lesquelles le commanditaire d’une in-
tervention exerce sur lui des pressions pour modifier les informations
recueillies ? Quel est l’écart entre l’objectivité déclarée et l’objectivité réelle
dans une étude ? L’honnêteté intellectuelle n’est-elle pas avant tout de ne pas su-
bordonner ses principes éthiques à toute pratique quelle qu’elle soit ?
Comme on le voit, le projet du commanditaire entre continuellement en interac-
tion avec le projet de celui qui recueille l’information.
Les questions éthiques se mêlent donc intimement aux problèmes de méthodo-
logie, méthodologie qui elle-même n’est pas neutre la plupart du temps.
La réponse à toutes ces questions n’est pas unique et déterminée une fois pour
toutes.
Quoi qu’il en soit, on peut mettre l’accent sur deux éléments qui permettent de
guider cette réflexion épistémologique :
– la détermination d’objectifs clairs de l’action, auxquels on se réfère continuellement ;
– la mise en place de mécanismes de contrôle, scientifiques ou institutionnels.
D’autres dimensions que la dimension « pouvoir » devraient également être
prises en compte, telle la dimension socio-culturelle ou politique.
CHAPITRE 2
LE PROCESSUS
DE RECUEIL D’INFORMATIONS AU SERVICE
DU PROCESSUS D’ÉVALUATION
• STAKE (1967, 1975, 1976) développe un modèle d’évaluation des curricula qui
tient compte des apports jugés positifs des 3 modèles précédents, tout en les com-
plétant et en tentant d’en dépasser les limites. Il propose notamment un « format
pour la collecte de données », dans lequel on recueille à des fins d’analyse toutes les
informations objectives et subjectives relatives aux différents clients impliqués.
• CARDINET (1986) élargit la problématique de l’évaluation, en précisant ses
différentes fonctions, en construisant pour chacune d’elles un système adéquat
de prise d’information et en proposant des outils de régulation adaptés.
Actuellement, la plupart des experts en évaluation insistent beaucoup sur le
pourquoi de l’évaluation, c’est-à-dire sur sa fonction. Ils s’accordent notamment pour
dire que toute évaluation devrait permettre de fonder la prise de décision.
Une première définition de l’évaluation pourrait donc être la suivante :
« Évaluer signifie confronter un ensemble d’informations à un ensemble de critères en vue
de prendre une décision. »
(DE KETELE, 1980)
A. Évaluation d’orientation
L’évaluation d’orientation précède l’action afin de prendre une décision anticipée,
pour préparer un nouveau processus. Ainsi que son nom l’indique, c’est une évaluation
pour laquelle la décision à prendre est d’orienter.
Quand elle se rapporte à une action, elle a une double fonction. Elle permet tout
d’abord de dégager les objectifs de cette action : c’est ce que STUFFLEBEAM (1980)
appelle « évaluation de contexte », qui décrit l’environnement en cause, identifie les
besoins à combler, les occasions favorables à saisir, les contraintes principales aux-
quelles on est confronté, et qui débouche sur la définition des objectifs de l’action. Elle
permet ensuite de préciser les moyens à mettre en œuvre, les ressources à mobiliser, le
programme à installer. C’est ce que STUFFLEBEAM (1980) appelle « évaluation des
intrants ».
Quand elle se rapporte à des personnes (en apprentissage, en formation), elle
consiste soit à déterminer l’orientation qui convient le mieux à la personne ou à l’orga-
nisme qui emploie la personne (nous parlerons plus tard d’analyse des besoins de for-
mation et/ou d’action), soit à évaluer ses chances de réussite dans une filière
déterminée, en fonction de l’écart entre un profil perçu et un profil attendu. Le cas
échéant, elle débouche sur des propositions de réorientation, dans lesquelles on prend
des mesures visant à faciliter une décision ultérieure : un contrat passé avec un élève,
une période d’essai etc. On se rapproche alors d’une évaluation d’orientation d’une
action : l’évaluation a pour fonction de réorienter les moyens que l’on comptait mobi-
liser dans l’action de formation (stratégie pédagogique, moyens matériels, gestion du
temps, etc.), voire même à réorienter les objectifs de l’action de formation, si cela
concerne un grand nombre de personnes.
Alors qu’une évaluation de certification sera exprimée en termes de « oui-non »
une évaluation d’orientation tient compte des forces et des faiblesses, qui peuvent
d’ailleurs être dégagées du même test ayant servi de base à la certification.
Nous définirons dès lors l’évaluation d’orientation comme le processus d’évaluation
débouchant sur une décision d’orienter soit une action au sein d’un système déter-
miné soit une personne, en fonction du contexte, des besoins, des caractéristiques et
des performances antérieures du système ou de la personne concernée.
Le processus d’évaluation 37
C’est la plus méconnue, et pourtant elle est souvent capitale. Plus on retarde le
moment de la première évaluation, plus difficiles seront les décisions à prendre et les
modifications à apporter : difficile de réorienter un étudiant en cours d’année, difficile
d’affecter à un autre poste une personne qui ne convient pas mais qui a déjà fonctionné
quelques temps, difficile de se défaire d’un stock constitué, difficile de remettre en
question des habitudes prises, etc.
Il faut cependant rester prudent, et ne pas vouloir précipiter les conclusions
d’une évaluation en début de processus. Ici plus encore que dans toute autre évalua-
tion, il faut peser les informations à recueillir, et les conclusions à en tirer, en tenant
compte du temps d’adaptation nécessaire à toute personne dans un nouveau cycle de
formation ou dans une nouvelle fonction.
Le terme « évaluation d’orientation » est un terme générique qui couvre plu-
sieurs démarches d’évaluation. Nous proposons ci-dessous quelques types d’évalua-
tions qui se rattachent à l’évaluation d’orientation, c’est-à-dire qui en constituent des
facettes différentes.
Évaluation prédictive
Nous avons vu qu’il existe une évaluation d’orientation particulière qui consiste à pré-
dire les chances de réussite d’une personne dans une filière de formation, toutes choses
restant égales par ailleurs (voir aussi en 4.1.1). Cette évaluation est dite prédictive.
Elle est une évaluation d’orientation en ce sens qu’elle peut induire des mesures parti-
culières à prendre. Par exemple, le fait de dire à un étudiant qui commence des études
d’instituteur que ses chances de réussite sont faibles compte tenu de la qualité de son
orthographe peut amener celui-ci à prendre des mesures dès le début de sa formation
en vue d’améliorer son orthographe.
Comme toute évaluation d’orientation, une évaluation prédictive doit être
menée avec prudence. Si elle est traitée avec trop de légèreté, elle peut notamment pré-
senter un caractère déterministe. Il faut dès lors veiller à l’accompagner d’une bonne
information sur le rôle qu’elle joue, et la situer dans un contexte de responsabilisation
de la personne en formation. Par exemple, on pourrait ne transmettre les résultats de la
« prédiction » à la personne que si celle-ci en a fait expressément la demande.
Évaluation prévisionnelle
L’évaluation prédictive constitue un sous-ensemble d’un type d’évaluation plus large :
l’évaluation prévisionnelle. C’est celle qui consiste à anticiper la réalité, en émettant
des hypothèses sur l’avenir : au-delà de l’évaluation « des chances de réussite de… »
(tous facteurs restant par ailleurs constants), on évalue « l’opportunité de prendre telle
décision », en fonction de l’évolution estimée de l’un ou l’autre paramètre (voir aussi
en 4.1.5).
Une personne peut par exemple estimer qu’il est intéressant d’étudier telle lan-
gue qui actuellement ne lui est pas utile, mais dont elle prévoit qu’elle lui sera utile
dans une évolution des rapports de force dans les marchés internationaux, ou parce
qu’un certain nombre de facteurs de sa vie privée et professionnelle actuelle semblent
indiquer qu’il y a de fortes chances qu’elle ait à y recourir dans les années à venir.
38 Le processus de recueil d’informations au service du processus d’évaluation
Évaluation diagnostique
Pour bien orienter, il est bon d’établir un diagnostic des forces et les faiblesses du sys-
tème ou de la personne. Certains parlent d’évaluation diagnostique. Dans le cas pré-
sent, l’évaluation diagnostique est au service de l’orientation. Comme nous le verrons
plus loin, l’évaluation diagnostique peut également être au service de la régulation.
B. Évaluation de régulation
Nous avons vu qu’une évaluation de régulation est une évaluation visant à corriger ou
à ajuster le fonctionnement d’un système afin de l’améliorer. Ce sont des évaluations
de fonctionnement, destinées à revoir les procédures mises en œuvre en cours de
processus.
Évaluation formative
Quand la régulation est directement mise au service de l’individu, on parlera plutôt
d’évaluation formative.
C’est le cas lorsque la décision est de déterminer la remédiation la plus appro-
priée aux difficultés de chaque étudiant en vue de le faire progresser, ou tout simple-
ment d’améliorer sa progression : l’objectif de l’évaluation est de localiser le plus
précisément possible l’origine de ses difficultés en vue d’y remédier, par exemple à
travers une analyse de ses erreurs.
Le type d’informations à recueillir devra être avant tout de nature à réorienter
non plus le type de formation, mais les procédures mises en œuvre (les procédures
sont les démarches visibles, tandis que le processus est davantage un processus men-
tal). L’enseignant demandera par exemple à l’étudiant d’expliciter les étapes de sa
démarche afin de détecter la ou les étape(s) qui fait(font) défaut : il tente par-là d’éta-
blir la nature, l’ampleur et les implications du ou des facteur(s) qui est(sont) à l’origine
de la difficulté chez l’étudiant. On retrouve ici l’idée d’évaluation diagnostique, ou de
diagnostic tout court, non plus au service de l’orientation, mais au service de la régula-
tion, c’est-à-dire au service des mesures à prendre en cours de formation.
La définition que donne Gérard SCALLON (1988, p. 155) de l’évaluation for-
mative illustre bien cette idée : « L’évaluation formative peut se définir ainsi : un pro-
cessus d’évaluation continue ayant pour objet d’assurer la progression de chaque
individu dans une démarche d’apprentissage, avec l’intention de modifier la situation
d’apprentissage ou le rythme de cette progression, pour apporter (s’il y a lieu) des
améliorations ou des correctifs appropriés. »
Outre les facteurs qui créent une difficulté, une évaluation formative peut aussi
étudier les facteurs de réussite de l’étudiant, afin de mieux cerner ses points forts, ses
sensibilités particulières ou son fonctionnement.
Évaluation formatrice
On peut dire à ce stade-ci qu’une évaluation formative est donc une évaluation de
régulation au niveau de l’individu. Comme nous l’avons vu ci-dessus, elle est en
étroite interaction avec l’évaluation de régulation du processus de formation : les diffi-
cultés identifiées auprès des étudiants en apprentissage sont souvent les éléments prin-
cipaux qui amènent l’enseignant à revoir ses stratégies d’enseignement. C’est dans ce
sens que l’on parle d’évaluation formatrice.
Signalons encore que les évaluations formatives ne possèdent pas le monopole
de la régulation.
En effet, une évaluation de certification ou d’orientation a toujours une fonction
de régulation comme fonction seconde, dans la mesure où elle donne toujours des indi-
cations sur le fonctionnement du système. Illustrons ce propos par deux cas extrêmes
bien connus : il est clair que la situation dans laquelle tous les étudiants sont en échec
pour une matière déterminée ne pose pas le problème des performances des étudiants,
mais bien du système de cours. Il en va de même dans une situation où, dans le cadre
d’une évaluation estimant le niveau de performance, tous les étudiants obtiennent le
même nombre de points dans une matière déterminée.
40 Le processus de recueil d’informations au service du processus d’évaluation
L. ALLAL (1979, p. 131) émet une remarque très pertinente à ce propos : « Les
modalités d’évaluation adoptées par un système de formation ont toujours pour but
d’assurer l’articulation entre les caractéristiques des personnes en formation, d’une
part, et les caractéristiques du système de formation, d’autre part. »
Nous définirons dès lors l’évaluation de régulation comme le processus
d’évaluation ouvert dont la fonction prioritaire est d’améliorer le fonctionnement
de l’ensemble du système ou d’une partie déterminée de celui-ci.
L’évaluation formative est une forme d’évaluation de régulation qui s’applique
à une personne en apprentissage.
C. Évaluation de certification
Une évaluation est dite de certification, ou certificative si la décision à prendre est
exprimée en termes de réussite ou d’échec. La plupart des évaluations de fin d’année
pratiquées dans le cadre de l’enseignement répondent à ces caractéristiques.
L’évaluation des performances d’un membre du personnel d’une entreprise en
vue de lui octroyer une prime est un autre exemple d’évaluation de certification dans la
mesure où la performance attendue pour décrocher la prime a été déterminée claire-
ment à l’avance.
Une évaluation de certification n’est pas seulement relative aux personnes. Elle
peut également se rapporter à une action : c’est par exemple le cas lorsqu’on doit
déterminer si le produit attendu correspond à celui qui avait été fixé contractuellement
(autrement dit si oui ou non le commanditaire décide de payer ceux qui ont réalisé
l’action), lorsqu’on décide ou non de reconduire une action, lorsqu’on doit déterminer
si un programme à l’essai peut être officialisé ou agréé, etc.
Voici quelques types d’évaluations qui se rattachent à l’évaluation de certification.
Évaluation de sélection
Une évaluation de certification a souvent lieu à la fin d’un processus, mais pas tou-
jours. Elle peut également avoir lieu « a priori », lorsqu’il s’agit par exemple de sélec-
tionner un candidat à un poste déterminé, ou lorsqu’il faut satisfaire à un examen
d’admission pour être inscrit dans une filière.
Dans ces cas, nous parlerons d’évaluation de certification « a priori », ou
d’évaluation de sélection. C’est un cas particulier d’évaluation de certification.
Évaluation de classement
Une évaluation de classement concerne principalement les performances des per-
sonnes. Elle prolonge une évaluation de certification, en rangeant les personnes les unes
par rapport aux autres. Dans certains cas, elle joue le rôle d’évaluation de certification :
c’est le cas d’un concours, au terme duquel un nombre déterminé de sujets les plus per-
formants sont acceptés (les 50 meilleurs par exemple), indépendamment de leur perfor-
mance absolue. De façon plus générale, c’est le cas de tout cycle de formation pour
lequel il existe un « numerus clausus ».
(Voir aussi interprétation normative et critériée, page 46)
Le processus d’évaluation 41
Évaluation sommative
Souvent, l’évaluation de certification est associée à l’établissement d’un bilan, qui fait
le point sur la somme des acquis. C’est la raison pour laquelle certains parlent d’éva-
luation sommative. En fait, le terme « sommatif » fait principalement référence aux
moyens à mettre en œuvre pour évaluer, à une manière particulière de recueillir les
informations et non à l’objectif visé par l’évaluation (la prise de décision) : il est donc
préférable de parler de démarche sommative, ou de recueil sommatif. Un recueil som-
matif n’est d’ailleurs pas utilisé au seul service de la certification. Comme toute éva-
luation de produit, il peut, de façon accessoire, aider à orienter ou à réguler, à travers
un bilan. On pourrait tout simplement parler de « bilan ».
Le choix de privilégier dans notre découpage le concept « évaluation de
certification » à celui d’ « évaluation sommative » n’est pas un choix qui s’exprime en
termes d’importance relative. C’est seulement un choix de cohérence, lié au choix du
critère principal de classement des différents types d’évaluation, à savoir le critère de
l’objectif poursuivi, ou encore de la décision à prendre.
On a parfois tendance à confondre l’évaluation de certification et l’évaluation
d’orientation. Nous avons vu que c’est la décision à prendre qui les différencie de
façon fondamentale. Une autre caractéristique les différencie de façon fondamentale.
Une évaluation de certification est avant tout au service de la fonction : on se
pose la question de savoir si telle personne répond au profil attendu, avec la finalité de
garantir un niveau minimal pour cette fonction ou ce profil, dont on recherche toujours
qu’elle soit assurée par une personne la plus compétente possible. Elle s’inscrit donc
dans une perspective sociale, avec d’une certaine façon l’idée de rendre des comptes.
Par contre, l’évaluation d’orientation est davantage au service de la personne :
on se pose la question de savoir si tel profil est susceptible d’être atteint par la per-
sonne dans le contexte donné, ou s’il est préférable d’adapter le profil ou le contexte de
la formation. Elle s’inscrit dans une perspective individuelle.
Entre les deux, l’évaluation de régulation porte sur des problèmes de fonction-
nement. Elle se situe donc dans une perspective d’interaction entre la dimension
sociale et la dimension individuelle, qui caractérisent respectivement l’évaluation de
certification et l’évaluation d’orientation.
Pour mieux comprendre la différence entre l’évaluation d’orientation et l’éva-
luation de certification, développons encore deux exemples.
EXEMPLE 1
Un fonctionnaire de rang 11 est promu au rang 12. Au rang 12, il peut occuper trois fonctions
de même niveau : une fonction A, une fonction B et une fonction C. La décision de le faire
passer du rang 11 au rang 12 relève d’une évaluation de certification : il acquiert de façon
définitive les avantages liés au nouveau rang. Par contre, le fait de l’orienter vers la fonction A,
B ou C relève d’une évaluation d’orientation, en complément à l’évaluation de certification qui
l’a promu au rang 12. On peut établir un parallèle entre cette situation et celle de la fin des
études secondaires, où le fait de certifier la réussite de l’étudiant est distinct de l’orientation que
prend l’étudiant dans l’enseignement supérieur ou universitaire.
42 Le processus de recueil d’informations au service du processus d’évaluation
EXEMPLE 2
Dans le monde de l’entreprise, le contremaître qui doit estimer si tel ouvrier est apte à assumer
tel autre poste de travail dans l’atelier procède à une évaluation d’orientation. Par contre, le chef
de service qui décide d’accorder une promotion au même ouvrier parce qu’il estime que ce nou-
veau poste exige davantage de responsabilités procède à une évaluation de certification.
Sens du processus
Cependant, nous nuancerons très fort l’idée induite par ce tableau, selon
laquelle la régulation se situe toujours en cours de processus pour réorienter celui-ci, et
la certification se situe toujours en fin d’action.
En effet, si ce tableau est vrai dans la plupart des cas, il comporte des excep-
tions importantes.
Une évaluation de régulation peut avoir lieu à la fin de l’action de formation,
par exemple pour l’enseignant qui souhaite savoir quelles modifications il doit appor-
ter à son cours pour l’année suivante. Une évaluation de régulation peut aussi avoir
lieu avant l’action de formation, par exemple pour dégager les procédures qui seront
les mieux appropriées.
De même, nous avons vu que dans le cadre de décisions de type promotionnel
(octroi d’une promotion, accès à une fonction dont les performances attendues sont
bien définies), l’évaluation pratiquée est de type certificatif. Nous avons parlé d’éva-
luation de certification « a priori » pour ce type d’évaluation.
Ces difficultés de se référer à un moment précis (avant, pendant, en fin de) sont
liées aux fluctuations de l’unité de temps que l’on se donne comme référence : une
même évaluation peut être déclarée comme se déroulant en fin de processus de forma-
Le processus d’évaluation 43
Une autre entrée pour comprendre les processus d’évaluation est de se poser la ques-
tion de la démarche, et du type de recueil d’informations à privilégier (DE KETELE,
2006, 2010 ; ROEGIERS, 2004). C’est ainsi que l’on peut distinguer essentiellement :
– une démarche sommative, liée à un recueil sommatif ;
– une démarche descriptive, liée à un recueil descriptif ;
– une démarche herméneutique, liée à un recueil intégré.
Au sens restreint, juger est un processus par lequel une personne énonce une
assertion (proposition avancée et soutenue comme vraie) grâce aux lois de la
logique. On parlera de développement du jugement, de troubles du jugement…
Les principales étapes du processus d’évaluation 47
Au sens large, juger est un processus par lequel une personne se forge et
émet une opinion (c’est-à-dire un avis, un point de vue, une représentation… il
s’agit donc d’une affirmation de nature essentiellement relative). On peut donc
émettre sur quelqu’un ou quelque chose un jugement sommaire, partial, partagé.
2. L’évaluation est nécessairement orientée vers une prise de décision qu’elle est
censée fonder ; le jugement ne suppose pas qu’une décision soit prise, il est
simplement de l’ordre de la constatation.
Dans une recherche sur le conseil de classe (DE KETELE, 1981), nous avons
pu constater que trop souvent les enseignants s’arrêtaient à des jugements (« cet élève
est inattentif » ; « il est paresseux »…) plutôt que de mener à bien des évaluations
débouchant sur des décisions pédagogiques concrètes. Cet exemple montre de plus que
fréquemment le jugement s’entoure d’un halo de connotations négatives. On parle plus
volontiers d’appréciation lorsque les connotations sont positives.
Notons cependant que si la finalité d’une évaluation n’est pas liée à un juge-
ment, il existe toute une série d’opérations de jugement dans les différentes étapes du
processus d’évaluation : quel objectif donner à l’évaluation, quels critères prendre,
quelles informations recueillir, etc. Ces opérations de jugement ne sont pas sans rap-
port avec le référentiel de l’observateur.
Ces étapes sont valables pour tout type d’évaluation, qu’il s’agisse d’une éva-
luation des performances des personnes, ou de l’évaluation d’un fonctionnement ou
d’un système. Les exemples illustreront l’un et l’autre cas.
Pour chaque étape, nous poserons une « question-clé », qui garantit la bonne fin
de chaque étape. Nous reviendrons plus tard sur chacune de ces questions-clés, qui se
rapportent aux notions de pertinence, de validité et de fiabilité du processus.
48 Le processus de recueil d’informations au service du processus d’évaluation
non
non
Critères comportementaux
À côté des critères de correction, davantage relatifs aux savoirs et aux savoir-faire
cognitifs, et des critères d’appréciation, davantage relatifs aux savoir-faire pratiques,
on peut se fixer d’autres types de critères tels des critères comportementaux, qui se
rapportent plutôt aux savoir-être : l’aptitude à prendre l’habitude de s’informer sponta-
nément, à organiser son temps, à faire preuve habituellement d’autonomie dans un tra-
vail, etc.
Ces critères impliquent donc une habitude ou une certaine spontanéité.
Il est plus difficile de traduire ces critères sous la forme d’indicateurs. Leur
influence est toutefois déterminante dans la plupart des actions pédagogiques. Trop
souvent encore, on évalue les performances des personnes sur le seul plan du savoir ou
du savoir-faire.
Ces critères peuvent également faire l’objet d’une distinction entre critères
minimaux et critères de perfectionnement.
Critères de sélection
On parlera de critères de sélection (critères de correction, d’appréciation et/ou critères
comportementaux), lorsque la décision à prendre est de sélectionner une personne pour
une fonction déterminée. Ils interviennent souvent dans un processus d’évaluation de
certification « a priori » (voir en 2.1.2).
Critères d’orientation
On parlera enfin de critères d’orientation (critères de correction, d’appréciation et/ou
critères comportementaux) lorsque la décision à prendre est d’orienter une personne
dans une voie déterminée. Ces critères interviennent dans le cadre d’une évaluation
d’orientation.
Les principales étapes du processus d’évaluation 53
prendre comme critère d’efficacité interne (perfomance) de son action : « l’élève devra manifester
une maîtrise minimale pour huit questions au moins ».
Pour l’ensemble de sa classe, il pourra prendre comme critère d’efficacité interne : « cent pour
cent des élèves doivent remplir les conditions des critères individuels (maîtrise minimale pour
cinq questions) et septante-cinq pour cent des élèves doivent dépasser la maîtrise minimale pour
au moins huit questions ».
EXEMPLE
L’évaluation d’un service de maintenance dans une entreprise peut se baser sur des critères d’ef-
ficacité réelle comme l’évolution du nombre de dépannages effectués en un mois, ou encore
l’évolution des bénéfices réalisés, mais elle peut aussi être pratiquée en termes de motivation
ou d’autonomie de ses agents.
Souvent, il est nécessaire de recourir à plusieurs critères de natures différentes
pour garantir la validité d’une évaluation.
Critères de satisfaction
Citons enfin les critères de satisfaction des différents acteurs concernés.
On rencontre souvent ces critères dans le cadre d’évaluations de formations
d’adultes. Ils constituent une sorte de tremplin qui garantit que le système de formation
va continuer à fonctionner.
Ils peuvent être exprimés en termes quantitatifs (nombre de journées de forma-
tion, importance du contenu, …), mais plus souvent en termes qualitatifs (un renforce-
ment positif, une amélioration apportée, la diminution de l’écart entre l’idéal et le
possible…).
Ils peuvent être également exprimés par rapport aux entrées et sorties (les prére-
quis, le matériel utilisé, les résultats) ou au processus lui-même (le fonctionnement).
Bien qu’une évaluation en termes de satisfaction donne des indications précises
sur le déroulement général d’une formation (organisation matérielle, communication,
réponse aux attentes…), il faut toujours veiller à la compléter par une évaluation en
termes d’effets réels.
Nous aurons largement l’occasion de revenir sur ces points ultérieurement.
Les principales étapes du processus d’évaluation 55
Ces critères ont été principalement développés dans le cadre de l’évaluation d’un
fonctionnement ou d’un système (évaluation de régulation d’une action). Signalons
qu’à quelques nuances près, et selon des pondérations différentes selon les cas, ce
seront les mêmes types de critères qui seront utilisés dans une évaluation d’orientation
ou de certification d’une action.
Le tableau suivant propose une synthèse de l’ensemble des critères auxquels on
a recours.
Niveau de l’action
Critères d’orientation Critères d’efficacité
(de l’action) Critères de qualité du fonctionnement Critères de réussite (de l’action)
Critères de satisfaction
Niveau de la personne
Critères d’orientation Critères de sélection
Critères de réussite
Critères de délibération
Critères de correction (S, SFC) Critères de correction (S, SFC) Critères de correction (S, SFC)
Critères d’appréciation (SFP) Critères d’appréciation (SFP) Critères d’appréciation (SFP)
Critères comportementaux (SE) Critères comportementaux (SE) Critères comportementaux (SE)
La distinction entre objectif et critère n’est pas toujours aisée : en fait, un critère
est toujours un objectif de plus faible niveau par rapport à l’objectif global. Il
s’exprime en termes qualitatifs.
La notion d’indicateur
Pour déterminer si un critère (qualité recherchée) est effectivement rempli, on a
recours à des indicateurs.
Un indicateur est un signe observable en situation, qui permet d’opérationnali-
ser un critère. Il possède une valence positive ou négative (DE KETELE, 1996).
Les indicateurs doivent donc être formulés de manière à ce que deux évalua-
teurs différents l’interprètent de la même manière. Autrement dit, ils doivent être
exprimés en termes opérationnels et de manière précise.
EXEMPLE
Critère : « Respect des règles de mise en page » (dans la mise en page d’un texte en traitement
de texte)
Indicateurs :
– la taille de la police de caractère est au moins un corps 12 ;
– l’interligne est de 14 ou 16 ;
– la justification du texte est homogène ;
– etc.
Un indicateur peut être qualitatif ou quantitatif (ROEGIERS, 2004). Selon les
cas, il précise :
– la présence ou l’absence de… (indicateur qualitatif) ;
– le nombre de…, la quantité de…, la proportion de… (indicateurs quantitatifs
absolus) ;
– le taux d’augmentation ou de diminution de… (indicateurs quantitatifs relatifs).
Un critère est défini au niveau de la démarche générale : par exemple, les mêmes
critères seront utilisés pour des évaluations différentes, portant sur des objets différents.
En revanche, les indicateurs sont toujours relatifs à une situation particulière : ils sont
essentiellement contextuels. Il existe certes quelques indicateurs génériques, c’est-à-
dire des indicateurs relatifs à différentes situations, mais, en général, on a tendance à les
exagérer, et à les appeler « indicateurs » de manière abusive, en oubliant qu’ils doivent
répondre à la caractéristique de base, à savoir d’être observables.
EXEMPLE
Par exemple, pour le critère d’efficience « utilisation optimale des ressources », l’indicateur
« chaque coût est justifié par une pièce comptable » est un véritable indicateur générique : il
est observable, et indiscutable.
Par contre, des indicateurs génériques tels que « utilisation optimale des ressources humaines », ou
« utilisation optimale des fonds » sont appelés abusivement « indicateurs », parce qu’ils n’ont pas un
niveau de précision suffisant pour être appréciés de la même manière par deux personnes différentes.
Notons encore que les objectifs et les critères ne sont pas nécessairement
tous fixés a priori : ils peuvent être ajustés ou découverts en cours de route, surtout
dans des domaines où la composante exploratoire est importante.
Les principales étapes du processus d’évaluation 57
EXEMPLE
Un chef d’entreprise décide d’engager un électronicien de haut niveau. Parmi les critères qu’il
se propose de prendre en compte pour la sélection, il fixe le critère « la maîtrise de l’anglais
technique ». Pour vérifier cette maîtrise, il décide de recueillir l’information suivante : il deman-
dera aux candidats de simuler en anglais la vente d’un appareil électroménager.
Cette information n’est pas la bonne information à recueillir. Ce n’est pas un vendeur qu’il doit
engager, mais un technicien. L’information à prendre n’est pas la maîtrise de l’anglais oral, ni
les qualités de vendeur, mais la compréhension (lecture) de l’anglais technique : il pourrait par
exemple vérifier si le candidat est capable d’exécuter correctement des instructions de montage
rédigées en anglais.
sion, l’évaluateur ou une autre personne : souvent l’évaluateur n’est pas le décideur.
Nous développerons plus tard cet aspect important.
Selon les cas, cette formulation peut prendre différentes formes : bulletin, docu-
ment de délibération, rapport d’évaluation, etc.
Selon les cas également, la transmission de ces conclusions se fera entièrement
par écrit, par oral, ou encore par une combinaison d’un rapport écrit et d’un rapport oral.
Question-clé :
« Est-ce que la communication des conclusions aux décideurs les aidera effec-
tivement à prendre la bonne décision ? »
A. Six questions-clés
Reprenons les six premières « questions-clés », posées lors des six premières étapes :
Question 1 :
« Est-ce que je ne me trompe pas d’objectif ? »
Question 2 :
« Mes critères permettent-ils de vérifier ce que je déclare vouloir vérifier ? »
Question 3 :
« Est-ce que je ne me trompe pas d’informations à recueillir ? »
Question 4 :
« La stratégie mise en place me donne-t-elle toutes les garanties que l’infor-
mation que je vais recueillir est bien celle que je déclare vouloir recueillir ? »
Question 5 :
« La façon de recueillir l’information est-elle semblable d’une personne à
l’autre, d’un endroit à l’autre, d’un moment à l’autre ? »
Question 6 :
« L’utilisation que je fais des critères est-elle la même pour tout le monde ? »
Nous pouvons opérer sur ces questions un double classement.
a) Pertinence, validité et fiabilité.
– Les questions 1 et 3 posent la question « Est-ce que je ne me trompe pas de… ? ».
C’est une question de choix de l’objet d’investigation.
Il s’agit d’un problème de pertinence.
La pertinence est le caractère plus ou moins approprié, qui s’inscrit dans la ligne de
l’objectif visé
(DE KETELE et alii, 1989).
– Les questions 2 et 4 posent une question de choix de stratégie : « La stratégie
que j’ai élaborée va-t-elle me permettre d’obtenir ce que je souhaite ? »
Ces questions soulèvent un problème de validité.
La validité est le degré d’adéquation entre ce que l’on veut faire (évaluer, ou recueillir
de l’information) et ce que l’on fait réellement.
(DE KETELE et alii, 1989).
Les principales étapes du processus d’évaluation 61
EXEMPLE
Prenons comme exemple une évaluation écrite destinée à faire le point des progrès effectués par
un élève au cours d’une période donnée. Si cette évaluation pointe de façon excessive un fait par-
ticulier ou une attitude tout à fait ponctuelle sans tenir compte de l’ensemble des résultats, qui pour-
tant ont été établis de façon valide et fiable, on peut dire que la communication des résultats n’est
pas valide : ce que l’on communique ne correspond pas à ce que l’on déclare communiquer.
7c : « Sont-ils fiables ? »
C’est la question de savoir si les résultats que l’on communique sont bien les
résultats auxquels l’on est arrivé. Il faut s’assurer à ce stade-ci qu’il n’y ait pas d’ambi-
guïté dans la présentation ou dans la rédaction, pas de raccourci excessif, pas d’estima-
tion abusive, pas de modification de complaisance, etc.
C’est ici que, malheureusement, peuvent également jouer certains problèmes
d’ordre éthique : l’évaluateur n’a pas le courage de se prononcer, voire même falsifie
les conclusions pour prolonger un contrat pour éviter de déplaire à son commanditaire.
Le tableau élaboré ci-dessus vient dès lors s’enrichir d’une nouvelle colonne :
Critères et indicateurs :
Critère 1 : productivité
Indicateur 1.1 : la productivité doit pouvoir évoluer de façon sensible
Critère 2 : ambiance de travail
Indicateur 2.1. : les agents concernés doivent être plus motivés
Indicateur 2.2. : le fonctionnement global doit être plus simple et plus harmonieux
Critère 3 : solidarité
Indicateur 3.1. : il faut pouvoir maintenir l’emploi
etc.
Informations à recueillir :
– informations sur l’origine des problèmes qui se posent ;
– la productivité actuelle et la productivité prévue en cas de restructuration ;
– informations sur le degré actuel et potentiel de motivation des agents ;
– les chances de succès de différentes solutions possibles ;
– les représentations des différents acteurs en ce qui concerne des changements éventuels ;
etc.
Stratégie de recueil d’informations : combinaison d’une analyse de documents et d’in-
terviews, …
Recueil d’informations, avec contrôle de la fiabilité des informations recueillies.
Confrontation de l’information recueillie avec les critères énoncés et com-
munication des résultats : conclusions sur le degré d’urgence, le gain potentiel, la pro-
duction de sens et l’adéquation des différentes solutions possibles à la situation effective etc.,
rédigées sous une forme qui permet au décideur de décider.
Prise de décision : je décide ou non de restructurer, et, le cas échéant, je choisis telle voie
préférentielle. La décision prise peut également être d’approfondir l’évaluation, si des points
importants restent obscurs.
Nature
de la décision
à prendre
Déterminer Objectifs
les objectifs
pertinents
Déterminer Critères
les critères et et indicateurs
les indicateurs
Déterminer Informations
les informations à recueillir
à recueillir
Déterminer Méthodes
une stratégie et moyens
appropriée disponibles
Recueillir Information
Processus recueillie
de recueil l’information
de l’information
Confronter
Information les informations
disponible aux critères
Produire Communication
du sens des résultats
et conclure
Processus d’évaluation
Décision
Les flèches en pointillés montrent que, dans l’évaluation, les objectifs et les cri-
tères peuvent être réajustés en cours de route. Par exemple, le recueil d’informations et
la réflexion qui l’accompagne m’amène à élargir les objectifs ou à faire d’autres choix.
Nature de
la décision
à prendre
Déterminer
les objectifs Objectifs
pertinents
Déterminer Informations
les critères à recueillir
et les indicateurs
Déterminer informations
les informations à recueillir
à recueillir
Déterminer
une stratégie
appropriée
Confronter Communication
les informations des résultats
Processus Processus aux critères
d’évaluation de contrôle
Décision =
acceptation
ou rejet
Nature de
la décision
à prendre
MACRO
PERTINENCE
Déterminer
les objectifs Objectifs
pertinents
Déterminer
MACRO des critères Critères
VALIDITÉ opérationnels et et indicateurs
des indicateurs
Déterminer
les informations Informations
à recueillir à recueillir
MICRO
PERTINENCE
Déterminer
MICRO une stratégie
VALIDITÉ appropriée
Processus
de recueil
de l’information
Recueillir Information
MICRO l’information recueillie
FIABILITÉ
Confronter les
informations
aux critères
MACRO
FIABILITÉ
Produire
du sens Communication
et conclure des résultats
Processus d’évaluation
Décision
Macro (évaluation)
Macro-pertinence : « Est-ce que je ne me trompe pas d’objectif ? »
Mesurer est un processus par lequel on assigne des nombres à des choses selon des règles
déterminées.
A. La notion de variable
Une variable est une quantité ou une qualité susceptible de fluctuation, c’est-à-dire
susceptible de prendre différentes valeurs appelées modalités.
La performance atteinte à un test d’aptitude est une variable. Le nombre d’acci-
dents à un carrefour est une autre variable. Le statut professionnel de chacune des per-
sonnes d’une population déterminée est encore une autre variable.
Pour qu’il y ait mesure, la variable à mesurer doit être clairement définie : ce
n’est pas la même chose d’étudier (de mesurer) le statut professionnel de chacune des
personnes d’une population que d’étudier (de mesurer) le diplôme acquis par chacune
d’elles. Selon la variable que l’on choisit, les mesures vont être différentes.
EXEMPLES
– codage des niveaux hiérarchiques dans une entreprise : Directeur Général, Cadre Supé-
rieur, Cadre Moyen, Employé, Personnel de Maîtrise, Ouvrier (variable ordinale) ;
– codage des étudiants selon leur pays d’origine : Algérie 1, Belgique 2, France 3, Maroc
4, Tunisie 5, Turquie 6 etc.(variable nominale)
Le processus de mesure par rapport aux processus de recueil d’informations et d’évaluation 73
3. Dans une troisième catégorie, les informations ne sont pas codées au départ de
façon à permettre la mesure mais peuvent faire l’objet ultérieurement d’un pro-
cessus de mesure. Les cas sont potentiellement les mêmes que dans la deu-
xième catégorie, mais les variables et leurs modalités sont définies après le
recueil d’informations, ou après le recueil d’une partie de celui-ci.
4. La dernière catégorie reprend enfin les informations qu’il n’est pas possible de
coder sous forme de mesure, ou que l’on ne désire pas coder sous forme de
mesure : données spécifiques, avis, sentiments, historiques etc.
Le processus de mesure vient donc se mettre naturellement au service du
recueil d’informations, lorsque ces dernières appartiennent à une des trois premières
catégories.
Le processus de mesure entre également en interaction avec le contrôle. En
entreprise, le « contrôle de qualité » fait largement appel à la mesure, la plus souvent
automatisée par ailleurs.
Dans le monde de l’enseignement, le contrôle des connaissances recourt la plu-
part du temps aux notes chiffrées – que les enseignants utilisent souvent abusivement
comme si celles-ci avaient les propriétés d’une échelle à intervalles égaux – ou aux
échelles d’appréciation, c’est-à-dire à des mesures ordinales comme par exemple
« Excellent », « Très bien », « Bien », « Faible », « Insuffisant ».
Le contrôle ne requiert cependant pas nécessairement la mesure. Je peux très
bien me contenter, par exemple, d’observer la présence de tel indice et, en fonction du
résultat de mon observation, décider d’apporter une correction ou au contraire de
continuer le processus.
Puisque le contrôle est un sous-ensemble possible du processus évaluatif, la
mesure peut donc se mettre au service de l’évaluation. Celle-ci, cependant, requiert le
plus souvent beaucoup d’autres types d’informations, surtout si l’objet à évaluer est
complexe.
Le schéma ci-dessous synthétise ce rapport entre évaluation, contrôle, recueil
d’informations et mesure, en présentant les trois situations les plus fréquentes.
74 Le processus de recueil d’informations au service du processus d’évaluation
LE PROCESSUS
DE RECUEIL D’INFORMATIONS
AU SERVICE DU PROCESSUS DE RECHERCHE
Processus d’évaluation
Processus
d’évaluation
La situation numéro 1 serait par exemple celle d’une recherche qui vise à
concevoir un tout nouveau procédé de fabrication d’un produit.
La phase d’évaluation joue un rôle prépondérant, en termes d’effets obtenus
(qualité du produit, rentabilité, …), de fonctionnement (facilité du procédé, pollution,
bruit, …) et de satisfaction.
La situation numéro 2 illustrerait par exemple une recherche ethnologique
s’attachant à retrouver les traces d’une civilisation ancienne. Bien que principalement
orientée vers la description et l’émission d’hypothèses, cette recherche doit au moins
comporter des phases d’évaluation ponctuelles, ne fût-ce que des évaluations de régu-
lation permettant d’évaluer la pertinence et la validité de la stratégie mise en œuvre.
Toutes les variantes sont possibles entre la situation 1 et la situation 2.
La situation numéro 3 illustrerait par exemple un processus d’évaluation des
performances des personnes, se déroulant en dehors de tout contexte de recherche.
78 Le processus de recueil d’informations au service du processus de recherche
Ainsi que nous l’avons mentionné plus haut, un processus de recherche sera
souvent constitué d’une combinaison de plusieurs recherches de types différents.
surgissent soit lors d’une observation prolongée en situation naturelle (comme chez
BINET par exemple), soit d’une observation occasionnelle qui présente quelque analo-
gie intéressante avec le sujet étudié (comme chez SCRIVEN), soit par l’intermédiaire
d’une observation attentive des régularités non attendues ou des erreurs lors d’une
expérience (comme chez PIAGET).
1. Expérience
Observation
2. Raisonnement
inductif
dégageant une
certaine régularité
3. Hypothèse
4. Déduction des
conséquences
pour l’expérience
ou l’observation
5. Expérience
Observation
6. Induction
7. Nouvelle
hypothèse
8. Déduction
Etc.
Il faut noter avec B.-M. BARTH (1987) que l’induction et la déduction sont
toutes les deux des processus d’inférence, c’est-à-dire des opérations visant à produire
du sens. Dans le cas de l’induction, on infère du général (théorique) à partir du particu-
lier, ce qui signifie que l’on tente de produire, à travers une hypothèse, une théorie
chargée de sens à partir de faits particuliers ; dans le cas de la déduction, on infère du
particulier à partir du général ou du théorique. Certains auteurs parlent à ce sujet
d’inférences inductives et d’inférences déductives.
Le concept d’inférence sera plus largement développé en 5.5.3.
Certains scientifiques, tels J. LADRIERE (communication inédite au colloque
de Salamanque, 1991), estiment qu’il faut ajouter une autre phase importante entre la
phase d’induction et la fabrication de l’hypothèse : c’est la phase d’abduction. Une
fois que l’on a dégagé certains invariants induits de l’observation et de l’exploration,
on élargit le champ d’investigation en mettant en œuvre des méthodes créatives : on
paramètre un certain nombre de variables (les types d’acteurs, les fonctions, …), on les
combine, on fait le tour des disciplines voisines pour voir si l’on n’a pas négligé une
dimension importante, etc.
On fabrique ensuite un grand nombre d’hypothèses, et on dégage celles qui
paraissent possibles ou non, logiques ou non, intéressantes ou non, pour ne garder
qu’une hypothèse centrale.
Deux phases essentielles composent donc tout processus de recherche digne de
ce nom : une phase heuristique, faite d’observation et de réflexion, et une phase de
confirmation, qui a pour fonction de vérifier le bien fondé d’une hypothèse au moyen
d’un dispositif prévu à cet effet, assuré valide et susceptible de répétabilité.
Une recherche scientifique est donc une recherche qui possède les caractéris-
tiques suivantes.
a) Un problème à résoudre et une problématique sont posés à partir d’une phase
d’observation des phénomènes étudiés ou reliés ;
b) Une hypothèse (c’est-à-dire une idée que, dans telles conditions, il se produit tel
fait) est générée avec un doute sincère quant à sa validité ;
c) Des démarches sont suivies par lesquelles on découvre ou l’on produit les
conditions susdites ;
d) Les faits liés au problème sont observés (ou mesurés ou évalués) et confrontés
aux faits attendus par hypothèse ;
e) Des restructurations sont recherchées.
On en distingue deux types principaux :
a) La recherche scientifique fondamentale ou de laboratoire.
b) La recherche scientifique sur le terrain.
Elles se distinguent des autres recherches avant tout par leur phase confirma-
toire pensée a priori.
Les différents types de recherche 83
Au contraire des recherches qui ont été présentées jusqu’ici, qui avaient pour but
d’émettre une loi scientifique ou une décision généralisable, les recherches dont il est
question ici ont pour but de fonder une décision dans un contexte spécifique. Cette
décision est une décision la plus scientifique possible, énoncée par une autorité diffé-
rente du chercheur.
Ces recherches ne débouchent donc pas sur une généralisation.
A. Recherche opérationnelle
Une recherche opérationnelle possède un caractère exploratoire. Une recherche épidé-
miologique visant à mettre en évidence la corrélation entre tel facteur d’environnement
et l’apparition de telle maladie est un exemple de recherche opérationnelle.
De telles recherches sont souvent pratiquées à une échelle supra-nationale,
nationale ou régionale, chaque fois qu’il s’agit d’émettre ou de modifier une norme de
sécurité, d’hygiène, de respect de l’environnement, etc.
B. Recherche évaluative
La recherche évaluative est plus complexe à cerner. Certains auteurs préfèrent parler
d’« évaluation des innovations » (CARDINET, 1986), de « survey » (DE LANDSHEERE,
1979, et les anglo-saxons), ou encore de « macro-évaluation » (TOURNEUR, ROCHEZ-
NIMAL, 1986), définie comme « une démarche systématique de recueil et d’interprétation
des observations dans le but de faire connaître le déroulement et les effets d’un projet péda-
gogique. Le terme « projet » couvre, dans cet exposé, un ensemble d’actions et d’organisa-
tions éducatives qui sont habituellement désignées par différents vocables : programme,
curriculum, innovation, système (classe, école, canton, pays, …) ».
Comme le laissent entendre ces approches, la frontière entre la recherche éva-
luative et ce que nous avons appelé « évaluation d’un fonctionnement ou d’un
système » (« évaluation d’organisation », au sens large) n’est pas toujours bien définie.
On peut dire que l’on parlera davantage de recherche évaluative lorsque :
– la fonction prévisionnelle ou prospective prend le pas sur la fonction de
régulation ;
– la décision à prendre possède un caractère innovant ;
– l’objet de l’évaluation est un projet original, un plan, un produit nouveau, et non
le système lui-même ;
– le chercheur n’a pas à rendre compte, en cours d’investigation, de la méthodolo-
gie utilisée.
EXEMPLE
C’est ainsi que l’évaluation d’un programme d’enseignement après 3 ans de fonctionnement à
l’échelle d’un pays sera considérée comme une recherche évaluative.
Il en va de même de l’évaluation après plusieurs années d’un vaste plan d’action visant à stop-
per la désertification au Sahel.
84 Le processus de recueil d’informations au service du processus de recherche
L’étude comparative des performances économiques des différents pays d’un continent en re-
gard du système politique mis en place sera également considérée comme une recherche éva-
luative, tandis que l’évaluation des performances d’une entreprise sera davantage associée à
l’évaluation d’un système ou d’un fonctionnement.
En 3.3, nous compléterons cette approche en proposant des critères qui permet-
tent de différencier les deux processus fondamentaux que constituent les processus de
recherche et d’évaluation.
Les recherches évaluatives ou opérationnelles peuvent à leur tour déboucher sur
des recherches scientifiques. Par exemple, la convergence des conclusions de plusieurs
recherches épidémiologiques peut faire surgir une hypothèse généralisable, à vérifier
par un dispositif expérimental complémentaire, ou dans certains cas même faire force
de loi, tant les convergences sont fortes.
3.2.4 LA RECHERCHE-ACTION
Lorsque nous avons abordé la recherche expérimentale, nous avons souligné l’impor-
tance d’une phase heuristique à côté de la phase de confirmation.
La phase heuristique est faite d’observation et de réflexion en vue de générer
des hypothèses.
86 Le processus de recueil d’informations au service du processus de recherche
comportements d’un sujet dans une situation donnée » (DE LANDSHEERE, 1979,
p. 109).
L’observation éthologique a surtout été développée dans l’étude du comporte-
ment animal. Récemment, elle s’est étendue au comportement humain.
« Elle est basée sur quelques postulats fondamentaux qui sont de plus en plus utilisés dans
l’étude des sujets humains :
• La description et la classification du comportement sont un préliminaire nécessaire à
son analyse.
• Le comportement d’un animal ne peut être correctement étudié sans quelque connais-
sance de l’environnement auquel l’espèce est parvenue à s’adapter en cours d’évolution.
• Les problèmes de la fonction évolutive et biologique du comportement sont, en prin-
cipe, aussi importants que ceux de la cause immédiate «
(DE LANDSHEERE, 1979, p. 109).
Le tableau suivant (DE KETELE, 1984) reprend en synthèse les différents types de
recherches, ainsi que leurs caractéristiques principales.
88 Le processus de recueil d’informations au service du processus de recherche
les chercheurs doivent être attentifs au respect des différents principes de validité et de
fiabilité, tels que nous les avons énoncés dans le tableau ci-dessus. Si la répétabilité
d’une recherche est relativement facile dans une recherche de laboratoire, elle l’est
beaucoup moins lorsqu’il s’agit de recherches sur le terrain et surtout de recherches
action, car les acteurs et la situation ont profondément changé suite à la recherche. On
parlera alors moins de répétabilité au sens strict (correspondance terme à terme), mais
de reproductibilité de l’esprit de la démarche (le plus souvent avec d’autres acteurs
dans des situations comparables à celle de la recherche initiale).
Le chercheur est intrigué : la recherche est entreprise en grande partie pour satisfaire
sa curiosité scientifique ; elle revêt souvent une rentabilité à plus long terme.
L’évaluateur (ou du moins son client) est concerné : l’évaluation est avant tout
motivée par un besoin à court terme et elle revêt souvent une rentabilité plus immédiate.
Dans la plupart des recherches, l’utilité sociale de l’énoncé des phénomènes n’est que
secondaire et indirecte (tant mieux si les phénomènes validés sont utiles socialement).
Par contre, l’évaluation vise avant tout et directement l’utilité sociale ; la vali-
dation est certes indispensable mais au service de l’utilité sociale et gouvernée par elle
(car orientée vers la prise de décision).
Il est clair que toute investigation est dirigée vers la découverte de quelque chose de
valable ou d’utile.
Ceci est particulièrement évident et voyant (« salient ») pour l’évaluation car tel
est bien son but premier, comme nous l’avons déjà souligné.
Dans la recherche, si la question de valeur n’est jamais tout à fait absente, elle
passe au second plan ; ce n’est pas son rôle premier.
C’est ainsi que chercheur et évaluateur peuvent tous deux porter leur attention
sur le même objet (l’amélioration de la performance ou du concept de soi, par
exemple : ces exemples montrent bien qu’on n’échappe pas à la question de valeur).
Mais, dans le premier cas, l’observation est conduite dans le but de découvrir
les relations à l’intérieur d’un système de connaissances cohérent ; dans le second cas,
l’observation sert à accumuler les informations nécessaires pour prononcer le juge-
ment de valeur attendu. Ce sont deux rôles différents mais qui ne peuvent être considé-
rés comme contradictoires.
Le tableau suivant reprend ces 6 critères.
Recherche Évaluation
3. Le souci du « pourquoi » et du « comment » est premier 3. Le « pourquoi » et le « comment » sont parfois secondai-
res
4. Quand elle est présente, l’utilité sociale est liée au contenu 4. L’utilité sociale est première, et liée à la démarche
5. Les limites sont établies dans la perspective d’élargir un 5. Les limites sont établies dans la perspective de guider celui
univers de connaissances qui doit prendre la décision
6. Les références à un système de valeurs ne sont présentes 6. Les références à un système de valeurs sont primordiales
que pour préciser l’objet de la recherche, ou pour attirer pour orienter la démarche
l’attention du lecteur sur des limites possibles de la recherche
ÉVALUATION RECHERCHE
Le produit tel qu’on se le Le produit tel qu’on se le
représente au départ doit représente au départ est
être conforme à une norme une connaissance innovante
Recherche technologique
ou de développement
Recherche évaluative
des performances
ou opérationnelle
des personnes
d’organisation
exploratoire
Spéculative
scientifique
Recherche
Recherche
Recherche
Recherche
Évaluation
Évaluation
Contrôle
action
Le processus de recherche par rapport aux processus d’évaluation, de contrôle, de mesure et de recueil d’information 95
Ce schéma a tout au plus une valeur indicatrice. Il ne reflète notamment pas les
composantes interactives et dynamiques dont nous avons dit qu’elles caractérisaient la
plupart des processus d’investigation.
contrôle
Recueil
de Recherche
l’information mesures expérimentale
contrôles eux-mêmes basés sur des mesures, ou des mesures qui viennent direc-
tement s’insérer dans un processus évaluatif plus large. On a donc un recueil
d’informations multiple.
mesures contrôle
Recueil
de Recherche
l’information évaluation évaluative
Si par exemple je veux étudier les effets de l’enseignement assisté par ordina-
teur (EAO) sur les acquis d’adultes en formation, je dois envisager un proces-
sus d’évaluation très large. Ce processus doit bien sûr englober un certain
nombre de mesures de variables soigneusement définies telles :
– le coût initial de l’équipement, du software ;
– la fréquence d’utilisation du matériel ;
– la durée comparée pour l’acquisition de tel concept ;
– les taux comparés d’erreurs dans l’utilisation de telle formule ;
– etc.
Cet aspect de mesure n’est toutefois pas suffisant. Le processus évaluatif doit éga-
lement accorder une large part aux opinions et aux démarches des formateurs et
des personnes en formation, ainsi qu’à leurs représentations concernant l’EAO.
Recueil
Recherche
de
évaluation action
l’information
Le processus de recherche par rapport aux processus d’évaluation, de contrôle, de mesure et de recueil d’information 97
ÉVALUATION RECHERCHE
Le produit tel qu’on se le Le produit tel qu’on se le
représente au départ doit représente au départ est
être conforme à une norme une connaissance innovante
Recherche technologique
ou de développement
Recherche évaluative
des performances
ou opérationnelle
des personnes
d’organisation
exploratoire
Spéculative
scientifique
Recherche
Recherche
Recherche
Recherche
Évaluation
Évaluation
Contrôle
action
Le schéma suivant permet en outre d’illustrer le rôle que joue le référentiel dans
chacun de ces types de recherche.
98 Le processus de recueil d’informations au service du processus de recherche
1. Recherche expérimentale
– scientifique
– technologique ou de développement
axe du temps
2. Recherche évaluative
Un référentiel est fixé au départ.
Il est ajusté en cours de route
grâce aux informations recueillies.
Ces dernières s’organisent pro-
gressivement.
Des mesures ponctuelles, ou déjà
existantes dans l’organisation,
ainsi qu’un contrôle limité, vien-
nent corriger des variations ou
des déviations trop importantes.
Elles constituent ce que nous pourrions appeler l’ensemble des processus pré-
paratoires.
Le schéma suivant met ces processus en évidence.
Processus
préparatoire
Recherche exploratoire
Recherche descriptive
Recherche spéculative
Le tableau ci-dessous met ces processus en évidence, ainsi que les produits qui
leur sont associés.
Processus de
Conclusions
recherche
(lois - théorie)
expérimentale
Autre processus
préparatoire
Processus Recherche
(hypothèse, …)
scientifique
préparatoire
Recherche
technologique Décisions
et actions
généralisables
Recherche exploratoire
Recherche descriptive
Processus
Recherche spéculative d’évaluation d’un
fonctionnement
ou d’un système Décisions
et actions
Analyse des besoins spécifiques
Recherche évaluative
ou opérationnelle
Recherche action
Évaluation de
régulation (audit)
100 Le processus de recueil d’informations au service du processus de recherche
Processus de
recherche Conclusions
expérimentale (lois - théorie)
Recherche
scientifique Autre processus
Recherche préparatoire
Processus (hypothèse, …)
technologique
préparatoire
Processus de recueil Décisions
Recherche exploratoire d’informations et actions
Recherche descriptive Processus généralisables
Recherche spéculative de mesure
Processus de recueil
Processus
d’informations
d’évaluation d’un
Processus
de mesure fonctionnement
ou d’un système
Analyse des besoins Décisions
Recherche évaluative et actions
ou opérationnelle
spécifiques
Recherche action
Évaluation de
régulation (audit)
Processus de contrôle
Processus de recueil
d’informations
Processus
de mesure
Processus
d’évaluation des
performances
Évaluation Décisions
– diagnostique et actions
– formative spécifiques
– certificative
Processus de recueil
d’informations
Processus
de mesure
Le processus de recherche par rapport aux processus d’évaluation, de contrôle, de mesure et de recueil d’information 101
(e) prévisionnelle
(f) perspective
(a) prédictive (g) contrôle de qualité
(c) formative
(b) régulatrice (l) contrôle de rentabilité
(d) certificative
(m) étude de faisabilité
(n) planification
(h) descriptive
(k)
de développement
(i) de vérification
(j) heuristique
Fonctions
relatives
à la connaissance
Les fonctions relatives aux personnes sont pour la plupart des fonctions
d’évaluation des performances des personnes.
Les fonctions relatives à un système sont des fonctions de gestion : elles
contribuent à améliorer l’organisation et les performances d’un système. Comme nous
le verrons, elles sont associées à une gestion à court, moyen ou long terme.
Les fonctions relatives à la connaissance sont principalement des fonctions
d’expérimentation. Elles contribuent à développer la connaissance, et répondent aux
trois grandes phases que nous avons évoquées pour la recherche expérimentale (induc-
tion, hypothèse, déduction).
Nous nous limiterons ici aux onze premières fonctions. Nous ne développerons
pas les fonctions (l), (m) et (n), qui sont plus spécifiquement des fonctions de gestion
courante.
Avant d’entreprendre une nouvelle action (de formation ou autre), on pose un diagnos-
tic pour évaluer les chances de succès de… : par exemple, les chances de réussite de
tel étudiant dans telle orientation, les chances de succès d’un projet, les effets probables
Les principales fonctions du recueil d’informations 105
Nous avons vu que dans le cadre d’actions de formation, on parle de fonction forma-
tive, d’évaluation formative (certains parlent d’évaluation formatrice) : on recueille de
l’information pour rétroagir et on retroagit pour former. Dans la formation des psycho-
logues cliniciens, on recourt fréquemment à diverses méthodes d’observation dans le
cadre des « supervisions didactiques ». De même, dans la formation des enseignants et
des éducateurs, on proposera des stages professionnels, des séances d’autoscopie ou de
micro-enseignement, des sessions d’animation de groupes…
Si la régulation ci-dessus s’appliquait à un système ou à un groupe de person-
nes, la fonction formative est orientée vers l’individu.
Étant donné qu’un rangement sert très souvent la certification (on établit une note
pour sélectionner des candidats à un concours, pour déterminer la personne que l’on doit
affecter à un autre poste, etc.), nous associerons cette fonction à la fonction certificative.
dans le monde de l’enseignement, dans lequel la notion de risque à court terme est peu
pertinente (l’existence même d’un établissement scolaire est rarement menacée à un
terme de quelques mois). Par contre, si on envisage les risques encourus à long terme,
c’est-à-dire si on parle de l’adéquation de l’école à l’évolution de la société, la fonction
prospective prend tout son sens (voir par exemple DELVAUX, 2015).
En entreprise, la fonction prospective sera davantage associée aux termes
« risque » et « investissements stratégiques » à long terme, pour reprendre la termino-
logie de LE BOTERF (1988), alors que la fonction prévisionnelle est davantage asso-
ciée à la réduction de risque (« risque calculé ») ou aux « investissements courants »,
c’est-à-dire à moyen terme.
Dans le monde de la recherche, ce sont principalement la recherche explora-
toire et la recherche spéculative qui assureront de telles fonctions.
On parlera ici d’action provoquée en ce sens qu’une situation est provoquée, recher-
chée ou manipulée, afin de vérifier une hypothèse.
Dans ce cadre, le processus de recueil d’informations rentre dans des activités
de mesure des variables concernées par l’hypothèse.
Supposons, par exemple, l’hypothèse suivante : la frustration engendre l’agres-
sion. Le chercheur créera une situation propice à vérifier cette hypothèse, dans laquelle
il aura à observer (mesurer) les variables « frustration » et « agression ».
La validation des outils de recueil d’informations, que nous développerons au
chapitre 6, est un autre exemple de mise en œuvre de la fonction de vérification.
Fonction
De vérification
Prévisionnelle
De conception
Certificative
Prospective
Heuristique
Régulatrice
Descriptive
Prédictive
Formative
Type
d’inves-
tigation
Recherche
descriptive
Recherche
exploratoire
Recherche
spéculative
Recherche
scientifique
Recherche
technologique
Recherche
évaluative
Évaluation
d’organisation
Évaluation
des perfomances
Recherche-action
Il peut aussi donner des informations sur les chances de succès d’une recherche
ultérieure (par exemple par une exploration des représentations du type d’acteurs
concernés) : l’information peut donc aussi remplir une fonction prédictive ou
prévisionnelle.
On peut dès lors dégager cinq grands champs d’application, définis à la fois par
des types d’investigations et des fonctions remplies de façon prioritaire dans ces champs.
Fonction
De conception
De vérification
Prévisionnelle
Certificative
Prospective
Heuristique
Régulatrice
Descriptive
Formative
Prédictive
Type
d’inves-
tigation
Recherche
descriptive
Recherche
exploratoire
I
Recherche
spéculative
Recherche
scientifique
II
Recherche
technologique
Recherche
évaluative
III
Évaluation
d’organisation
Évaluation IV
des perfomances
Recherche-action V
II Recherche expérimentale
III Évaluation d’un projet, d’un système ou d’un fonctionnement
IV Évaluation des perfomances des personnes
V Évaluation émancipatrice
Ce sont les cinq grands champs d’application que nous développerons par la suite.
Caractérisation et classement des champs d’application 113
Généralisation
souvent
Recherche primordiale
expérimentale (en termes de
probabilité)
Généralisation
parfois
Exploration d’un importante
Recherche de plus en plus importante en termes de généralisabilité
Généralisation
Évaluation peu ou pas
d’un système importante
ou d’un
fonctionnement
Évaluation Généralisation
non pertinente
émancipatrice
114 Fonctions et champs d’application du recueil d’informations
Le tableau suivant reprend à la fois les critères qui caractérisent les méthodes
(1.2.6), ceux qui caractérisent les champs d’application, ainsi que les fonctions priori-
taires associées à chacun des champs d’application.
Caractérisation et classement des champs d’application 115
MÉTHODES
Étude de
Interview Observation Questionnaire
documents
Recherche d’effets précis à un terme de plus plus court
FONCTIONS
Recherche
expérimentale
Fonction
de vérification
et de conception
Exploration
Évaluation des
performances
des personnes
Fonction
diagnostique,
formative
et certificative
Évaluation d’un
système ou d’un
fonctionnement
Fonction
régulatrice et
prévisionnelle
Évaluation
émancipatrice
Fonction
formative
Par contre, le paramètre « rôle de l’observateur » est un paramètre qui n’est per-
tinent que pour les méthodes d’observation.
Paramètres généraux
Paramètres spécifiques Paramètres spécifiques Paramètres spécifiques Paramètres spécifiques
à l’interview à l’observation au questionnaire à l’étude de documents
Une typologie d’une méthode sera constituée des paramètres généraux et des
paramètres spécifiques correspondants.
EXEMPLES
Paramètres généraux
Paramètres spécifiques Paramètres spécifiques Paramètres spécifiques Paramètres spécifiques
à l’interview à l’observation au questionnaire à l’étude de documents
Typologie de l’observation
Pour réaliser ces objectifs nous nous efforcerons principalement de dégager les
paramètres fondamentaux du recueil d’informations. Dans les cas qui nous préoccu-
pent, nous les concevons presque tous comme des continua bipolaires (ex. systéma-
tique – non systématique).
Il faudrait, dans un second temps, envisager de combiner (croiser) les paramè-
tres les uns avec les autres pour engendrer toutes les combinaisons de techniques théo-
riques possibles, et analyser logiquement chacune des combinaisons théoriques
possibles pour trier les combinaisons compatibles et celles qui ne le sont pas.
On parvient à beaucoup de combinaisons théoriques, mais si on dégage bien les
paramètres incompatibles, on peut restreindre considérablement le champ.
Bien cerner les différents acteurs de toute investigation est un point capital : qui est le
demandeur, par qui arrive la demande, sur qui les effets vont porter, etc., sont des infor-
mations de toute première importance.
Nous définirons ici les 6 types d’acteurs principaux en présence dans une inves-
tigation, que ce soit dans le cadre d’une évaluation ou d’une recherche (ROEGIERS,
1997 ; 3e édition 2007) :
120 Typologies du recueil d’informations
– le commanditaire
– l’initiateur
– le gestionnaire
– l’investigateur
– le destinataire
– le bénéficiaire.
A. Le commanditaire
S’il est fréquemment utilisé dans la littérature, le concept de commanditaire d’une
investigation est encore mal défini.
Dans leur ouvrage relatif à l’analyse des besoins en formation, R. BARBIER et
M. LESNE (1977, p. 202) définissent la commande comme « l’expression institution-
nalisée, contractualisée de la demande de formation ».
Nous inspirant partiellement de cette définition, nous insisterons davantage sur
l’aspect de décision, et rendrons également au terme commanditaire sa composante
étymologique de « bailleur de fonds ».
Nous appellerons dès lors le commanditaire d’un processus d’investigation (analyse des
besoins, évaluation, recherche, …) la personne ou le groupe de personnes constituant
l’instance hiérarchique la plus basse qui a le pouvoir de décider le financement, le démar-
rage et la prolongation éventuelle du processus.
B. L’initiateur
E. BOURGEOIS (1991) distingue le « commanditaire formel » et le « commanditaire
informel ». Selon lui, le commanditaire formel est la personne qui a l’autorité formelle
Les acteurs de l’investigation 121
de décider de la mise en œuvre d’une action de formation (et d’une analyse des
besoins) et/ou contrôle des ressources indispensables à sa mise en œuvre.
Le commanditaire informel est la personne qui est à l’initiative du projet – c’est
elle qui soulève certains problèmes socio-professionnels, émet l’idée que telle action
pourrait être émise pour les résoudre, …- même si elle ne dispose pas de l’autorité de
prendre les décisions et d’allouer les ressources nécessaires à sa mise en œuvre.
Tout en gardant l’idée de la distinction qui nous paraît fondamentale, mais dans
le souci de dissocier de façon plus stricte les deux fonctions, nous ne garderons le
terme de « commanditaire » que pour désigner le « commanditaire formel ». Nous
appellerons « initiateur » la personne de qui vient l’initiative du projet.
EXEMPLES
1. Une association subsidiée annuellement par un ministère, décide de mener une enquête sur
l’origine de l’absentéisme scolaire dans tel quartier. N’étant pas compétente, elle décide
de confier l’enquête à un tiers. Dans ce cas, elle est le commanditaire de l’enquête. Elle en
est aussi l’initiateur.
Supposons que la même association demande au ministère des crédits pour mener cette
étude. Le ministère accepte, mais il souhaite examiner le questionnaire avant que celui-ci
ne soit diffusé. Dans ce cas, le ministère est considéré comme le commanditaire de
l’enquête aux yeux de l’association, mais celle-ci est le commanditaire aux yeux de la per-
sonne ou de la firme à laquelle elle confie l’enquête. Il s’agit d’une forme de sous-traitance.
L’initiateur est toujours l’association.
2. Mécontent des performances de ses ouvriers dans un service technique, un contremaître
demande au Directeur de la Production un audit du fonctionnement du service. Bien que la
demande originale émane du contremaître (l’initiateur), c’est le Directeur de la Production
qui est le commanditaire officiel de l’audit, même s’il délègue à quelqu’un d’autre le soin
de prendre les mesures pratiques pour mener l’audit (choix du consultant, calendrier, remise
du rapport, etc.).
Si le Directeur de la Production avait dû en référer au Directeur Financier pour obtenir
l’accord, le commanditaire officiel aurait été le supérieur hiérarchique commun au Direc-
teur de la Production et au Directeur Financier, soit que ce soit une tierce personne (p.ex. le
Directeur Général) ou le Directeur Financier lui-même.
3. Dans le cas de recherche fondamentale universitaire, l’initiateur est la plupart du temps un
Professeur. Dans certains cas, l’initiateur peut être le chercheur lui-même. En ce qui con-
cerne le commanditaire, on peut rencontrer différentes situations :
– quand la recherche doit recevoir l’aval du Recteur ou du Président d’Université, sur la
nature de la recherche mais aussi sur son financement, et que celui-ci souhaite avoir un
minimum de contrôle sur son déroulement, c’est lui qui sera considéré comme le com-
manditaire officiel de la recherche ;
– lorsque l’initiative de la recherche vient d’un Professeur, sans passer par l’assentiment du
Recteur, et que les crédits proviennent d’un fonds de recherche, il n’y a pas de comman-
ditaire puisqu’il n’y a pas de commande précise. On peut considérer que le professeur
est le gestionnaire, dans la mesure où il est délégué par les autorités pour.prendre toutes
les décisions nécessaires pour mener le projet à bien ;
– lorsque la recherche relève d’une initiative ministérielle, passant par une commande, le
Ministre est le commanditaire ; l’initiateur est souvent un membre de son Cabinet, ou un
Professeur qui a présenté le projet ; la commande prévoit souvent la remise d’un rapport
intermédiaire qui conditionne la poursuite de la recherche ;
122 Typologies du recueil d’informations
– quand la recherche se déroule sur base d’un financement mixte université/privé, et que
tous deux souhaitent exercer un contrôle, le commanditaire est double : à la fois une ins-
tance universitaire et une instance privée.
C. Le gestionnaire
Le gestionnaire est celui qui a la responsabilité de mener le projet à bien : respect des
délais, choix de l’investigateur, gestion financière du projet, etc. Il dispose en général
du choix des moyens pour mener l’investigation, à moins que ceux-ci n’aient été fixés
contractuellement, en tout ou en partie.
La plupart du temps, c’est l’interlocuteur direct du commanditaire, et c’est lui
qui signe le contrat. Il peut cependant arriver qu’il soit délégué par le signataire pour la
réalisation du contrat.
EXEMPLES
– le professeur qui coordonne une équipe de chercheurs ;
– le directeur d’un bureau d’études à qui est confiée l’évaluation d’un programme de
formations ;
– le consultant indépendant à qui l’on confie une étude ponctuelle ;
– l’enseignant chargé d’évaluer les acquis de ses élèves ;
– le directeur d’un laboratoire de recherche chargé d’une étude importante ;
– etc.
Dans le cas d’investigations complexes, cette fonction peut être assurée par un
groupe de personnes qui se répartissent les responsabilités. On peut par exemple attri-
buer à des personnes différentes :
• la gestion financière ;
• la coordination pédagogique ;
• l’organisation matérielle.
D. L’investigateur
L’investigateur est la personne ou le groupe de personnes qui mène l’investigation.
Selon les cas, l’investigateur sera le professeur qui relève les résultats de ses
élèves, l’auditeur spécialisé qui pratique un audit d’entreprise, un chercheur qui mène
une recherche, etc.
Il peut être le gestionnaire lui-même, comme dans le cas du professeur qui
relève les résultats de ses élèves, ou désigné par lui, comme dans le cas de la recherche
universitaire.
L’investigateur sera dit interne lorsqu’il est directement subordonné au
commanditaire.
C’est ainsi qu’on parle d’auditeur interne dans une entreprise pour désigner
celui qui, dans l’entreprise, est chargé par la Direction Générale d’effectuer des contrô-
les sur la façon dont les objectifs de productivité sont atteints.
Dans la plupart des recherches universitaires où il n’y a pas de commande pré-
cise de recherche, le chercheur est un investigateur interne.
Les acteurs de l’investigation 123
E. Le destinataire
Nous définirons le « destinataire » de l’investigation comme la personne ou le groupe
de personnes à qui doit parvenir le rapport, ou plutôt celle qui doit avoir prioritaire-
ment connaissance des résultats complets de l’investigation.
Pour une recherche, le destinataire sera selon les cas :
– des scientifiques, des chercheurs par le biais de revues spécialisées, pour les re-
cherches scientifiques ;
– des chercheurs-ingénieurs pour les recherches technologiques ;
– des décideurs, dans le cas de recherches évaluatives ou opérationnelles ;
– des acteurs de terrain, dans le cas de recherches-action ;
– des chercheurs dans le cas de recherches exploratoires ;
– des chercheurs ou des personnes d’un haut niveau de culture pour les recherches
spéculatives.
Lorsqu’il s’agit d’une évaluation de performances de personnes, le destinataire
peut être la personne elle-même et/ou le formateur (évaluation formative), ou le com-
manditaire de l’évaluation (évaluation de certification).
Lorsqu’il n’y a pas de commanditaire, comme dans le cas de l’évaluation de
certification dans le cadre scolaire, le destinataire peut être multiple. Dans cet exemple,
il sera à la fois les parents, la direction, mais surtout l’enseignant (ou l’école) qui va
recevoir l’élève l’année suivante.
Dans une évaluation d’un fonctionnement ou d’un système, le destinataire est
souvent le commanditaire lui-même.
F. Le bénéficiaire
Le bénéficiaire de l’investigation est la personne ou le groupe de personnes qui béné-
ficie des résultats de l’investigation.
124 Typologies du recueil d’informations
Selon les cas, il peut être le destinataire ou non. Dans le cas de l’audit d’organi-
sation, le bénéficiaire est souvent le destinataire, alors que dans une recherche évalua-
tive commanditée par un organisme national ou international, le bénéficiaire sera
souvent une population bien définie, au nom de laquelle le commanditaire et/ou le des-
tinataire agit.
Dans le cas de l’évaluation de certification mentionnée ci-dessus, le bénéficiaire
est l’élève.
Le bénéficiaire peut être également le marché du travail : c’est le cas d’une éva-
luation certificative au terme d’une formation professionnelle.
Dans certains cas, le bénéficiaire peut ne pas être défini, comme dans la plupart
des recherches scientifiques. C’est la communauté scientifique au sens large.
PARAMÈTRE 2 : le recueil d’informations porte-t-il sur des faits ou, au contraire, sur
des représentations ?
On dira que le recueil d’informations porte sur des « faits » (au sens large)
lorsqu’il oriente son attention sur des caractéristiques de la situation, sur des comporte-
ments ou sur des interactions entre les personnes étant entendu que ces caractéristiques
ne sont contestées par personne.
En effet, on peut dire qu’une information ou une interprétation est un fait
« lorsqu’elle est à ce point testée et trouvée pertinente que personne ne pense à la
remettre en question (FOUREZ, 2003, p. 45) ».
EXEMPLE
EXEMPLE 1
Les formes de perception des différents acteurs d’une classe entre eux.
Nous considérerons trois acteurs principaux :
– le professeur (P)
– l’élève (E)
– le groupe-classe (G)
et deux types de perceptions :
– la perception actuelle : ce que x pense effectivement de x ou y. C’est la perception
d’une situation actuelle concernant x ou y ;
– la perception idéale : ce que x voudrait être, ou ce que x voudrait que x ou y soit. C’est
la perception d’une situation attendue ou souhaitée concernant x ou y.
La liste suivante propose un certain nombre de représentations d’acteurs, vis-à-vis d’autres ac-
teurs et de soi-même, que l’on rencontre le plus fréquemment.
Elle est donc loin d’être exhaustive.
126 Typologies du recueil d’informations
1. 2.
Ce que Ce que 3. 4.
l’étudiant pense l’étudiant Ce que le professeur Ce que le professeur
de lui-même voudrait être pense de lui-même voudrait être
actuel idéal
actuel idéal
« Il est sympa mais il est trop coulant » « Il devrait prendre l’habitude de rester en classe
quelques minutes après le cours, pour qu’on
puisse parler avec lui »
actuel idéal
actuel idéal
actuel actuel
actuel idéal
idéal idéal
actuel idéal
actuel actuel
idéal actuel
actuel actuel
idéal actuel
idéal actuel
Les représentations sont tout aussi importantes que les faits eux-mêmes.
Parfois, il est possible de déterminer si une représentation est conforme à celle
qu’un observateur pourrait avoir sur le même objet. Il suffit de la confronter à des faits
objectifs.
Par exemple, pour déterminer si le groupe classe considère l’étudiant comme
un « fayot » (mot d’argot qui désigne un élève qui fait du zèle pour être bien vu de son
professeur), on peut demander individuellement à chaque membre du groupe-classe
ainsi qu’au professeur s’il considère que l’étudiant est un fayot.
Il ne faut cependant pas conclure que si la représentation du sujet est inexacte,
elle est à rejeter. Le fait que l’étudiant pense qu’on le considère comme un fayot alors
que personne ne déclare avoir cette opinion, donne autant d’informations que si le fait
se révélait exact. Dans les deux cas, il y a un problème : si la représentation est inexacte,
il y a un problème de perception ; dans l’autre, il y a un problème de communication.
Une représentation apporte donc autant d’informations si elle est inexacte que
si elle se révèle conforme à la réalité.
EXEMPLE 2
Les différentes formes de perception des objectifs d’une formation au sein d’une entreprise.
Outre les facteurs qui garantissent la réussite d’une formation en entreprise, la perception des
objectifs de celle-ci par les différents acteurs joue une place primordiale.
Voici quelques questions qui permettent de préciser si tous les acteurs ont la même représenta-
tion des objectifs poursuivis.
Le formateur a-t-il une représentation exacte de la politique de l’entreprise ? Si non, en est-
il seulement informé ? Si oui, les objectifs qu’il déclare poursuivre sont-ils en accord avec cette
politique ?
Poursuit-il effectivement les objectifs qu’il déclare poursuivre ? Si non, pense-t-il qu’il poursuit les
objectifs déclarés ?
Les participants perçoivent-ils les objectifs de la formation ? Si oui, les objectifs perçus sont-
ils bien ceux que poursuit le formateur ? Sont-ils ceux auxquels ils s’attendaient en commençant
la formation ?
Les objectifs poursuivis effectivement sont-ils bien ceux que se représente le supérieur hié-
rarchique des participants, qui a envoyé ceux-ci en formation et qui doit obtenir des effets
précis sur le terrain ?
L’objectivation de ces perceptions constitue une raison suffisante pour exiger que les objectifs
de tout cycle de formation soient consignés sur un document accessible à tous les acteurs con-
cernés.
Ce n’est qu’à partir de là que le supérieur hiérarchique qui envoie son personnel en formation
pourra dire au formateur : « vous ne poursuivez pas les objectifs que vous déclarez », et que le
formateur pourra lui dire : « ce que vous me demandez n’est pas conforme au contrat de
départ ».
Dans certains cas, une même information peut être, soit un fait, soit une repré-
sentation selon l’aspect qui intéresse l’investigateur.
EXEMPLE
L’information « la formation continuée des enseignants est utile à notre école » peut être traitée
soit comme un fait, à vérifier à travers certains indicateurs comme le taux d’échecs scolaires,
L’objet du recueil d’informations 131
Dans le recueil d’informations attributif, l’effort porte sur ce qui peut être
affirmé ou nié de l’objet du recueil d’informations.
Le recueil d’informations sera par contre dit narratif lorsqu’il s’efforce de por-
ter son attention :
1. sur le déroulement des actions ;
2. ou/et sur la succession des états (physiques, affectifs ou autres)qui accompa-
gnent le déroulement des actions ;
3. ou/et sur les effets de l’action ;
4. ou/et sur les conséquences ultérieures (par exemple, les décisions, les compor-
tements, les modifications de la situation…) qui ont suivi l’action et ses effets
immédiats attendus.
Les techniques narratives de recueil sont en général très riches, mais d’une ges-
tion difficile : elles nécessitent souvent plusieurs observateurs, et un matériel important.
EXEMPLE 1
Une observation des actions les plus courantes effectuées par des enfants de l’école maternelle
(marcher, courir, être assis, pleurer, rire, crier, jouer, sucer, …(D. ZIMMERMANN, 1982) est
de type attributif si on se contente de noter la fréquence d’apparition de celles-ci, avec une
intensité éventuelle, mais sans se préoccuper du déroulement de ces actions.
132 Typologies du recueil d’informations
Par contre, si l’observation a pour objectif de rechercher des actions qui sont souvent pré-
sentes simultanément (par exemple, crier pendant qu’on est assis) ou qui se déroulent selon
des séquences bien précises (par exemple, sucer après avoir pleuré), l’observation devient
narrative.
EXEMPLE 2
Pour vérifier les hypothèses selon lesquelles il y a eu détérioration des conditions de vie du sala-
riat urbain pendant une période de crise déterminée, et que les inégalités économiques au sein
du salariat se sont accentuées au Canada, J. PANET-RAYMOND et C. POIRIER (1986) ont choi-
si d’utiliser la technique d’entretiens par récits de vie auprès de 38 ménages, dans le but d’aller
chercher des informations sur les événements qui s’étaient produits et les actions pratiques entre-
prises durant la période de crise. C’est un exemple d’entretien narratif : les actions décrites n’ont
de sens que dans leurs interactions par rapport à d’autres.
S’ils avaient choisi de procéder par questionnaire d’enquête dans le but de recueillir des don-
nées comparatives sur différents paramètres entre le début et la fin de la période crise, la mé-
thode utilisée aurait été de type attributif.
Certains questionnaires peuvent également être de type narratif.
C’est le cas par exemple :
– d’un questionnaire d’enquête soumis aux mêmes personnes à quelques mois
d’intervalle, afin d’analyser l’évolution des représentations ou des opinions,
comme par exemple les sondages destinés à recueillir les grandes tendances
politiques ;
– d’un questionnaire de contrôle unique proposé en début et en fin de période
d’apprentissage (pré-test et post-test), avec comme objectif de mesurer l’évolu-
tion des acquis des apprenants au cours de la période.
Ces termes sont mis entre guillemets, car ils englobent les événements qui
apparaissent exceptionnellement dans le cadre d’une vie.
C’est par exemple le cas de l’enseignant qui recueille des informations « à
chaud » pour pratiquer son évaluation formative.
Le recueil d’informations dans une recherche-action est un autre exemple de
situation naturelle de recueil d’informations.
Nous considérerons qu’un entretien est naturel lorsqu’il se déroule dans un con-
texte qui libère la parole, c’est-à-dire un contexte dans lequel ce qui est dit reflète ce
qui est pensé et vécu.
Le recueil d’informations par questionnaire sera considéré comme naturel lors-
que la personne n’est pas contrainte par l’environnement lorsqu’elle remplit le ques-
tionnaire, c’est-à-dire quand elle peut décider librement du lieu et de l’endroit où elle
remplit celui-ci, par exemple tranquillement chez soi.
Par contre, la situation est créée lorsque l’investigateur met les sujets dans une
situation qui sort du cadre « habituel » ou « familier ».
EXEMPLES
Une interview réalisée en direct à la TV en est un exemple.
Un sondage d’opinion réalisé en 5 secondes auprès d’une personne au coin d’une rue en est
un autre exemple.
De façon générale, tout recueil d’informations en laboratoire relèvera d’une
situation créée.
A. Questionnaire
Si la pratique du questionnaire est habituelle dans le contexte de vie, on dira que la
situation est naturelle. C’est par exemple le cas des questionnaires d’évaluation des
performances dans le cadre scolaire.
La plupart des questionnaires sont conçus par des personnes autres que celles
qui les remplissent : la situation est dans ce cas manipulée. Il est cependant des cas où
les questionnaires sont conçus par les sujets eux-mêmes. On rencontre aussi des cas où
un même questionnaire est rempli à intervalles réguliers par certaines personnes.
134 Typologies du recueil d’informations
Non manipulée Un questionnaire ouvert (ou dont les Le professeur permet à ses élèves de
questions ont été produites par les par- construire un questionnaire d’évalua-
ticipants) effectué chaque jour en fin de tion et les invite à y répondre…alors
journée dans une session de formation que ceci n’a jamais été fait auparavant.
B. Interview
Un entretien sera manipulé à partir du moment où l’interviewer veut conduire son
interlocuteur sur un terrain précis.
Seuls les récits de vie tout à fait ouverts, ou encore des conversations qui ne
sont utilisées comme entretien qu’a posteriori peuvent présenter les caractéristiques
d’une situation non manipulée.
Le tableau ci-dessous illustre les 4 cas possibles pour un entretien.
Non manipulée Entretien sous la forme d’une conversa- Récit de vie, provoqué, mais tout à fait
tion dans le cadre naturel avec un ouvert
interviewer dont la présence est plausi-
ble,
ou encore conversation dont on ne se
rend compte qu’après coup qu’elle peut
servir.
manipulée Entretien dirigé mené par un inter- Entretien dirigé mené dans un autre
viewer dans le cadre naturel de vie ou cadre que le cadre habituel (interview à
de travail, lors d’un audit par exemple la radio ou à la TV par exemple)
C. Étude de documents
Il est des documents qui ont été écrits dans le cadre d’activités habituelles ou
familières : certains rapports de réunions, les rapports scientifiques des chercheurs, les
notes prises par les étudiants pendant les cours, les plans de soins dans un service hos-
pitalier, etc.
D’autres, au contraire, sont exceptionnels ou font l’objet d’une démarche plus
spécifique : un cahier de revendications, une proposition d’amélioration d’un proces-
sus de fabrication écrite par un ouvrier, une charte éducative proposée par les ensei-
gnants et les élèves, etc.
Le degré de guidage du recueil d’informations 135
Selon les cas, ces documents peuvent être manipulés ou non. On dira qu’ils sont
manipulés dans la mesure où un référentiel externe a présidé à leur confection. Dans la
mesure où les auteurs ont pu les écrire en fonction de leur propre référentiel, on dira
qu’ils ne sont pas manipulés, ce qui n’exclut pas certaines influences.
Mais il existe un autre niveau possible de manipulation par le chercheur dans
le choix des documents parmi les documents déjà disponibles ou demandés. Si le
choix des documents est guidé par un ou plusieurs critères déterminés par le chercheur,
on peut parler de manipulation (ce qui est souhaitable pour certains objectifs). Si
l’investigateur reprend tous les documents sans exception ou s’il fait un choix stricte-
ment aléatoire, on ne parlera pas de manipulation dans le choix.
Le tableau suivant représente les cas possibles.
Manipulée Manipulée
dans la conception dans le choix
NON NON Tous les documents rédigés par un On a demandé à des enseignants
groupe d’enseignants dans le de rédiger une série de documents
cadre de leur travail mené indé- sur le malaise de l’école. Aucune
pendamment de toute pression pression sur le contenu n’a été
externe exercée.
NON OUI Comme ci-dessus, mais l’investiga- Comme ci-dessus, mais l’investiga-
teur sélectionne les documents ou teur sélectionne les documents
les extraits relatifs à une relatifs à la « qualité de
« pédagogie ouverte » l’enseignement »
OUI NON Tous les journaliers d’un service de Les documents relatifs à des propo-
fabrication (ils sont conçus en fonc- sitions concernant un nouveau pro-
tion d’une grille imposée) cessus de fabrication suite à une
demande de la direction accompa-
gnée d’un cahier des charges
OUI OUI L’investigateur sélectionne les jour- Comme ci-dessus, mais le cher-
naliers qui font état de difficultés cheur ne retient que les proposi-
avec d’autres services dans l’entre- tions favorisant des solutions
prise incluant des procédures
« automatiques »
D. Observation
En matière d’observation, il est des situations subtiles où le sujet mène des activités
habituelles sans savoir qu’il se trouve, en fait, dans une situation de laboratoire.
Nous considérons alors que la situation est naturelle, mais manipulée.
136 Typologies du recueil d’informations
Les distinctions que nous avons opérées et les considérations que nous avons
émises permettraient d’obtenir toute une série de cas dont on pourrait étudier la perti-
nence en fonction des objectifs recherchés tels
– faire une description écologique des comportements (anatomie de l’apprentis-
sage scolaire) ;
– dégager les variables pertinentes d’une situation ;
– étudier des variables trop dangereuses à créer en laboratoire (ex. problème des
sanctions) ;
– généraliser à la situation naturelle des résultats expérimentaux issus du laboratoire ;
– contrôler une hypothèse ;
– vérifier par une observation la mise en œuvre d’une hypothèse opérationalisée, etc.
Naturelle Situation Avec C’est le cas d’un professeur (investigateur = professeur) qui,
non choisie interventions en cours d’apprentissage, met ses élèves dans des situations
bien précises, non planifiées avant l’apprentissage mais
fonction de son déroulement, pour provoquer des ajuste-
ments, contrôler des hypothèses, étudier les réactions, etc.
Ce peut être aussi le cas d’un investigateur extérieur qui
demande au professeur des interventions déterminées, pour
mettre en évidence certaines variables.
Naturelle Situation choisie Pas Une observation écologique par un investigateur extérieur
d’interventions qui choisit bien la situation pour divers motifs, comme par
exemple pour faire surgir des variables particulières, des
événements rares…ou tout simplement pour rendre compa-
rables des situations (inter-recherches ou intra-recherches)
Naturelle Situation choisie Interventions Une observation par un investigateur extérieur d’un appren-
non planifiées tissage scolaire dans des conditions bien définies par le choix
de la situation ; l’apprentissage se déroule naturellement
avec des interventions guidées par un objectif directeur mais
non planifiées.
Naturelle Situation choisie Interventions Contrôle d’une hypothèse en situation naturelle ; la situation
planifiées naturelle a été choisie minutieusement pour neutraliser cer-
taines variables ; les démarches à observer sont rigoureuse-
ment planifiées.
L’ordre des situations que nous présentons dans le tableau n’est pas arbitraire :
il va de la situation la plus libre à la situation la plus artificielle. Notons cependant que
la situation « naturelle choisie avec interventions planifiées » peut être aussi naturelle
que la situation « naturelle non choisie et sans intervention » si l’investigateur est suffi-
samment adroit.
Mais avant de clore la section présente, nous voudrions encore insister sur le
fait que les exemples donnés pour chacune des situations de l’éventail de notre tableau,
ne sont que des exemples parmi beaucoup d’autres possibles. Ainsi, nous aurions pu
envisager le cas où l’investigateur est un élève qui, au cours de l’apprentissage, crée
une situation d’observation dans laquelle il interviendra selon des démarches prévues
pour contrôler une hypothèse émise. C’est un autre exemple de situation créée avec
interventions planifiées (dernière ligne du tableau).
5.5.3 L’INFÉRENCE
PARAMÈTRE 6 : Quel est le degré d’inférence de l’information recueillie ?
On peut associer l’inférence à la tendance à donner du sens à l’information
recueillie.
Nous n’aborderons pas ici le problème de l’inférence lors de la phase de traite-
ment des données récoltées : il est clair qu’elle est indispensable et que son rôle est
décisif pour l’énoncé des conclusions. Nous nous limiterons à l’inférence relative au
recueil même des informations. Cette inférence peut être plus ou moins acceptable
selon les cas : dans certains cas, elle sera parasite, mais, dans d’autres cas, elle est
souhaitable.
Dans un recueil d’informations avec inférence faible, l’investigateur énonce
scrupuleusement ce qu’il voit ou ce qu’il entend sans se soucier de la signification que
les faits ou les représentations revêtent.
Dans un recueil d’informations avec inférence forte, l’investigateur énonce soit
des intentions, soit des motifs, soit des sentiments…, en un mot attribue une significa-
tion à ce qu’il perçoit. Ce processus d’inférence se fonde sur les effets du comporte-
ment, les relations entre les éléments de la situation, les antécédents et les
conséquents… et sur la propre expérience personnelle de l’observateur.
Un recueil d’informations non inférentiel est exceptionnellement rare.
Même une étude de documents présente un certain degré d’inférence, parce
qu’il y a un décalage entre le référentiel de la source et le référentiel de l’investigateur.
Le schéma suivant permet de mieux comprendre ce phénomène (l’ordonnée
représenterait quelque chose comme une échelle de valeurs).
140 Typologies du recueil d’informations
Référentiel de la source
Décalage entre
les deux éléments
Information
recueillie La même
information
consignée
Interférence, ou décalage
résiduel dans la consigna-
Référentiel de l’investigateur
tion (malgré la localisation
dans des zones du référen-
tiel proches l’une de l’autre)
Nous avons également déjà évoqué les grands problèmes d’inférence liés à la
correction lors d’évaluations de performances de personnes (voir en 2.2.1).
L’inférence peut aussi bien être due à la nature des variables à observer qu’à la
façon dont les informations sont transcrites, et qui peut selon les cas amplifier ou non
l’inférence naturelle des variables.
Variable Variable
à inférence à inférence
faible forte
Faible
inférence I III
dans le
recueil
Forte
inférence
dans le
II IV Inférence
recueil
totale
Le degré de guidage du recueil d’informations 141
D’autre part, WRIGHSTONE (1960, p. 929) a montré que certains objets éva-
luatifs étaient plus dociles à l’évaluation que d’autres. Parmi les premiers, il relève les
objets évaluatifs suivants : « efficience, originalité, persévérance, rapidité, bon sens,
énergie, savoir, leadership et intelligence ». Étudiant l’évaluation des apprentissages
dans les disciplines artistiques, GERARD (2015) met en évidence le caractère inévi-
table de l’inférence et propose des démarches pour la contrôler.
Parmi les seconds : « courage, égoïsme, bonne humeur, sens de la justice,
bonté, tact ».
À ces considérations, nous en ajouterons encore deux autres :
1. le choix du degré d’inférence de l’objet dépend de l’objectif recherché : si l’inten-
tion de l’investigateur est prédictive, les variables à haut niveau d’inférence seront
préférables ; si l’intention de l’investigateur est diagnostique et prévisionnelle, le
recours à une observation à faible niveau d’inférence sera le plus recommandable si
l’on ne veut pas cumuler les risques provoqués par les nombreuses inférences.
2. il ne faut pas oublier que l’on peut procéder à une observation avec un niveau
d’inférence faible (enregistrement de données brutes) et procéder aux inféren-
ces nécessaires lors des phases ultérieures.
S’il est parfois souhaitable de recourir à des variables d’inférence forte, il faut
en revanche limiter au maximum l’inférence lors de la transcription des informations
recueillies.
Le choix se révèle donc fonction de multiples facteurs, parmi lesquels on peut
encore noter les suivants.
1. Lorsque le niveau d’inférence augmente,
– le niveau d’accord inter-observateurs tend à diminuer.
– l’entraînement des observateurs nécessite plus de temps et plus d’effort.
– le travail de spécification et d’opérationalisation devient plus lourd (éventail
des cas qui peuvent se présenter).
– l’accord inter-équipes de chercheurs (cf. chapitre 6) tend également à diminuer.
2. Lorsque le niveau d’inférence diminue,
– la validité se trouve parfois sujette à caution (on a observé un geste qui est
multivoque, ou que l’on ne peut expliquer).
3. L’inférence est d’autant plus facile à effectuer
– que le nombre d’indices perceptuels augmente.
– qu’elle s’étend sur une période plus longue (ce qui s’explique par le point
précédent).
a. QUESTIONNAIRE
De façon générale, la qualité d’un questionnaire est liée à l’explicitation du référentiel
agissant. C’est ainsi qu’un enseignant gagnera à préciser ses critères d’évaluation, ou à
expliciter ce qu’il attend de ses élèves.
EXEMPLE
Il est cependant des investigations dans lesquelles il n’est pas adéquat d’explici-
ter un référentiel. C’est par exemple le cas d’une recherche exploratoire, où on va jus-
tement poser quelques grandes questions très larges, très ouvertes, pour essayer de
faire surgir le référentiel de celui qui va répondre, plutôt que de faire coller des répon-
ses à un référentiel préexistant.
144 Typologies du recueil d’informations
b. INTERVIEW
Le caractère explicite du référentiel de l’investigateur est lié en partie au type d’entretien
pratiqué : dans un entretien dirigé, le référentiel de l’interviewer est en général explicite (à
moins que l’on ne décide de poser des questions parasites pour masquer ce référentiel).
Dans un entretien libre, le référentiel n’est en général pas explicite. De même
que pour certains questionnaires, on peut même poursuivre le but de faire apparaître le
référentiel de la personne interviewée.
Le cas des entretiens semi-dirigés est moins clair. On peut avoir un canevas très
rigide, basé sur un questionnaire très détaillé, et pourtant laisser à la personne interviewée
l’impression qu’il est inexistant : c’est par petites touches que l’on amène la personne sur
un terrain déterminé. Dans ce cas, l’entretien ne sera considéré comme terminé que lorsque
l’interviewer aura récolté toutes les informations correspondant au canevas préparé.
Symétriquement, un entretien conduit sur quelques points de repère peut être
très explicite sur le référentiel : l’interviewer peut par exemple commencer par citer les
quelques questions qu’il va poser, permettant par là à l’interviewé de prendre connais-
sance de son référentiel.
c. ÉTUDE DE DOCUMENTS
Selon le cadre de l’investigation dans laquelle elle s’inscrit, une étude documentaire
pourra être menée sur base d’un référentiel très clair, ou au contraire être menée de
façon très large, très ouverte, dans le but de forger petit à petit ce référentiel.
d. OBSERVATION
L’explicitation du référentiel de l’investigateur est liée à la fois à la conception de
l’outil d’observation et à la participation de l’observateur.
Lorsque l’outil d’observation est une grille pré-établie, le référentiel sera
d’autant plus explicite qu’elle aura été construite sur une théorie bien précise, ou sur
une théorisation de pratiques observées au préalable ; malheureusement, trop de grilles
ont été construites sur une vague intuition.
Lorsque l’observation est libre, le choix des informations retenues et le sens qui
leur est donné est fonction du référentiel de l’observateur, plus ou moins explicité
selon les cas.
a. QUESTIONNAIRE
Dans le cadre d’une enquête par questionnaire, c’est surtout la représentativité de
l’échantillon qui déterminera le caractère systématique du recueil d’informations.
L’enquête sera exhaustive si l’on interroge toutes les personnes de la
population ; elle sera plus ou moins partielle dans le cas inverse avec des degrés variés
de représentativité selon la technique d’échantillonnage utilisée ou/et la présence ou
l’absence de méthode de redressement de l’échantillon. Nous y reviendrons quand
nous aborderons les techniques d’échantillonnage.
Les problèmes de standardisation peuvent être également très importants, sur-
tout lorsque le questionnaire est utilisé à des fins de comparaison.
EXEMPLE
Si l’on veut comparer les opinions de la population de deux pays différents à propos de la pei-
ne de mort, il faudra que le canevas du questionnaire ait été soigneusement mis au point, et
mis en œuvre dans des conditions similaires (échantillon, …) pour que les résultats puissent être
comparables.
Supposons la situation suivante. Dans un pays X, la question posée à un moment où la crimi-
nalité est en recrudescence est : « Estimez-vous que la peine de mort contribue à limiter la cri-
minalité dans un pays ? », question à laquelle 65 % des personnes interrogées répondent
positivement. Dans le pays Y la question posée dans une période calme est : « Êtes-vous pour
le rétablissement de la peine de mort dans ce pays ? », question à laquelle 45 % des personnes
interrogées répondent positivement.
On ne peut pas tirer de ces informations la conclusion selon laquelle la population du pays X
est plus favorable à la peine de mort que celle du pays Y, parce que les bases de comparaison
ne sont pas identiques, tant au niveau de la nature de la question posée que des conditions
dans lesquelles elle a été posée : les conditions de standardisation n’ont pas été respectées.
b. INTERVIEW
Nous avons vu qu’on dit d’un entretien qu’il est dirigé, semi-dirigé ou libre (voir en 1.2.1).
Dans un entretien dirigé, des questions soigneusement préparées à l’avance
sont posées dans un ordre bien précis. L’interviewer devra d’autant plus respecter
rigoureusement ce canevas :
– qu’il n’est pas le seul à mener les entretiens ;
– que ceux-ci s’étalent dans le temps ;
– que l’on désire limiter l’inférence lors du recueil d’informations.
146 Typologies du recueil d’informations
Les formes les plus fermées d’entretiens dirigés sont très proches de la méthode
par questionnaires d’enquêtes.
L’entretien semi-dirigé est en partie directif (au niveau des thèmes, des objets
sur lesquels on veut recueillir des informations), et en partie non directif (à l’intérieur
des thèmes).
Le choix entre entretien libre et entretien semi-dirigé ou dirigé est souvent fonc-
tion du degré d’élaboration des hypothèses a priori : l’on ne recourt en général à
l’entretien libre que si on veut se forger une hypothèse.
Discours non continu, qui suit l’ordre Discours « par paquets », dont l’ordre Discours continu
des questions posées peut être plus ou moins bien déterminé
selon la réactivité
de l’interviewé
Questions préparées à l’avance et Quelques points de repère (passages Aucune question préparée à l’avance
posées dans un ordre bien précis obligés) pour l’interviewer Information de très bonne qualité, mais
Information partielle et raccourcie Information de bonne qualité, orientée pas nécessairement pertinente
vers le but poursuivi
Information recueillie rapidement ou Information recueillie dans un laps de Durée de recueil d’informations non
très rapidement temps raisonnable prévisible
Inférence assez faible Inférence modérée Inférence exclusivement fonction du
mode de recueil
Les procédures mises en œuvre 147
c. ÉTUDE DE DOCUMENTS
d. OBSERVATION
Enfin sur le plan de l’observation, la distinction entre observation systématique et non
systématique englobe les distinctions que font différents auteurs :
• systématique ou occasionnelle (REUCHLIN, 1969)
• méthodique ou commune (RANZONI, 1968)
• systématique ou au hasard (« haphasard or opportunistic » ; MOULY, 1963)
• structurée ou non structurée (WEICK, 1968).
Deux préjugés sont bien établis, même dans les laboratoires. Le premier con-
siste à croire que l’observation est à la portée de n’importe qui (MOULY, 1963).
Le second, tout aussi tenace, identifie observation systématique et observation
scientifique.
Si le premier préjugé ne mérite guère de commentaire, par contre le second se
révèle plus difficile à écarter. Pour qu’une telle équation soit vraie – et encore ! – il
faudrait restreindre le processus scientifique de recherche à la seule phase de contrôle
d’une hypothèse déjà bien élaborée. Or, cela n’est pas vrai, comme nous l’avons souli-
gné par ailleurs.
Le scientifique n’est donc pas celui qui ne recourt qu’à la seule observation
systématique.
148 Typologies du recueil d’informations
En effet :
1. dans la phase inductive d’une recherche, le problème est d’étudier un
« phénomène comme un fait » (WEICK, 1968, p. 363), et il est nécessaire de
maintenir la plus grande flexibilité possible afin de ne pas passer à côté des
variables significatives et du véritable problème. Oserait-on prétendre que cette
phase de la recherche n’est pas requise de qui prétend avoir l’esprit scientifique ?
2. s’il est vrai que dans la phase de contrôle d’une hypothèse bien posée, le cher-
cheur doit veiller à systématiser ses observations (restriction du champ et des
variables, choix de la situation, définition des conditions et des démarches
d’observation) de telle façon que la procédure employée puisse autant que pos-
sible être répétée dans des conditions semblables (ainsi jamais identiques), il
n’en reste pas moins vrai que :
– une observation libre complémentaire puisse – doive dans certains cas- être
menée afin de débusquer des variables significatives négligées, les variables
perturbatrices ou mal contrôlées ou tout simplement les opérationalisations
inadéquates du plan expérimental projeté (bien plus fréquent qu’il n’y paraît)
– une observation libre peut, dans certains cas, être une des sources d’informa-
tion, importantes, à ne pas négliger (ex. une recherche portant sur l’évaluation
formative ne pourrait négliger une telle source).
L’esprit scientifique ne se réduit donc pas à la capacité d’utiliser des procédures
systématiques d’observation et d’expérimentation. Il se caractérise bien plus comme la
capacité
– à bien définir un problème et les objectifs à rechercher
– à choisir les moyens adéquats pour les réaliser
– à être conscient (d’une conscience « aiguisée ») des limites de son observation
(biais de l’observation, situation de l’objet observé dans le tout, savoir discerner
gain et opinion, …)
– à discerner la sphère de généralisation de ses résultats.
Le recours à la seule observation systématique ou à la seule observation libre ne
répond pas à ces règles.
La recherche est un processus systématiquement et intentionnellement orienté, …,
soumis lui aussi à des ajustements successifs.
Le tableau qui suit dresse les avantages respectifs des deux types d’observation.
Ce tableau nous rappellera encore une fois qu’il n’y a pas de « bonnes » techni-
ques d’observation mais des techniques plus ou moins adéquates à l’objectif donné.
Il est bon de se souvenir que les aspects « systématique-non systématique »
sont les deux pôles d’un continuum. Du côté systématique, nous trouvons des métho-
des observationnelles telles que les tests, questionnaires, appareillages de mesure,
grilles d’observation (ex. FLANDERS)…
À l’autre bout, l’observation commune, les « enregistrements anecdotiques »,
les observations lors de conseil de classe… Il est à noter que les observations occasion-
nelles peuvent être plus ou moins systématisées quant à leur emploi…
Pour certaines méthodes de recueil d’informations, l’interview et l’observation,
un autre paramètre relatif aux procédures peut être également cité :
La notation est-elle immédiate et directe ?
a) La notation est immédiate lorsqu’elle suit directement le recueil d’informa-
tions (observation ou interview).
Inversement, la notation sera différée lorsqu’un temps plus ou moins long
sépare l’événement de la notation.
Il peut s’agir du temps qui s’écoule entre l’événement et le recueil d’informa-
tions, comme dans le cas de l’anamnèse. Il peut également s’agir du temps entre
le recueil d’informations (l’état actuel du champ représentatif de l’interviewé)
et la retranscription de cette information.
Ce paramètre représente un continuum aux degrés intermédiaires multiples, en
fonction de l’unité temporelle choisie.
Le cas de l’interview est un cas particulièrement intéressant car non seulement
il permet de mettre en relief l’opposition entre notation immédiate et différée,
mais il souligne aussi la relation qui unit ce paramètre avec le paramètre relatif
à l’inférence (voir en 5.5.3) : plus la notation est différée, plus le processus
d’inférence peut jouer.
b) Il est un autre problème qui se trouve associé au paramètre « notation immé-
diate ou différée » – La question suivante l’illustre : comment un système de
recueil d’informations qui opère sur enregistrements (sonores, filmiques,
écrits, …) doit-il être caractérisé du point de vue de la notation ?
C’est là tout le problème de l’instrumentation qui mériterait peut-être que l’on
s’attarde à un paramètre supplémentaire : observation directe ou médiatisée.
En effet, l’observation directe, comme l’observation médiatisée, peuvent toutes
deux prôner la notation immédiate (dès que le comportement est observé, de
façon directe ou médiate) ou différée (fin de la période d’observation directe ou
fin de l’enregistrement, par exemple).
L’un et l’autre type de recueil d’informations ont leurs problèmes, avantages et
limites spécifiques.
Les avantages de l’observation médiate, habituellement reconnus, sont les
suivants :
1. elle est particulièrement indiquée lorsque l’observation directe se révèle impos-
sible ou difficile (ex. : caractère trop fugitif des objets d’observation).
150 Typologies du recueil d’informations
a. QUESTIONNAIRE
Un questionnaire peut être utilisé à des fins d’étude longitudinale comme par exemple
l’ensemble des interrogations d’une année scolaire, pour évaluer les progrès réalisés
par un élève. C’est aussi le cas de questionnaires dans lesquels on tente de cerner
l’évolution de différents paramètres dans le temps, comme l’utilisation d’un acquis
lors d’une formation après 3 mois, 6 mois, 1 an.
Par contre, un questionnaire du type de ceux qui sont mis en œuvre dans le
cadre d’une étude de marché est utilisé pour un recueil d’informations transversal : on
fait le point sur les habitudes d’une population à un moment déterminé.
b. INTERVIEW
Des entretiens peuvent être menés de façon longitudinale, comme les entretiens qui
jalonnent une thérapie, une analyse.
Ils peuvent l’être également de façon transversale, comme les entretiens que
l’on mène dans le cadre d’une évaluation d’un fonctionnement ou d’un système.
Synthèse des paramètres 151
c. ÉTUDE DE DOCUMENTS
Une étude est longitudinale si elle considère l’évolution d’un phénomène ou d’un com-
portement dans le temps, comme les études historiques ou prospectives en démographie.
d. OBSERVATION
Les observations narratives sont souvent de type longitudinal. Mais les observations de
type attributif peuvent être également longitudinales : ce sera le cas chaque fois qu’un
investigateur désirera étudier l’évolution des « attributs » dans le temps ou lorsqu’il
tentera d’étudier les conditions d’apparition et les effets de l’apparition d’attributs
déterminés.
Le principe de base de la technique est le suivant : les sujets sont observés dans
un ordre prédéterminé pendant de courtes périodes fixées. Sur cette base peuvent être
établis des plans d’observation relativement complexes combinant temps de repos et
contrôle de fiabilité (plusieurs observateurs observant, sans le savoir, le même sujet en
même temps : cf. par exemple LEYENS, CAMINO, PARKE & BERKOWITZ, 1975).
La plupart des techniques observationnelles ont été conçues comme des tech-
niques transversales, le cas est manifeste pour les échelles d’appréciation. Malgré la
prise en considération de la durée, la plupart des grilles d’observation restent, malgré
tout, dans leur conception ou dans leur emploi, des méthodes transversales.
2. Recueil portant sur Distinction entre faits Distinction entre faits Identification, compor- Événements et
des faits ou des et représentations et représentations tements déclarés et opinions
représentations ? opinions déclarées
4. Situation créée ou Dans un contexte qui Dans le cadre Dans le contexte Dans le cadre
naturelle ? libère la parole « habituel » ou habituel de travail d’activités habituelles
« familier »
5. Situation manipulée Conduite vers un point Manipulation de la Conçu par le sujet Référentiel externe
ou non ? précis situation, ou interven- lui-même ou non présidant à leur
tions de l’investiga- élaboration ou choix
teur, planifiées ou non de documents guidé
6. Degré d’inférence Inférence dans la Variable à haut degré Faible (dans un ques- Décalage entre le
retranscription d’inférence ou à faible tionnaire. à choix référentiel de la source
degré d’inférence/ multiple) et celui de
inférence dans le Forte (dans un l’investigateur
recueil questionnaire ouvert Exégèse, littéraire,
ou dans un examen historique, biblique
oral)
9. Recueil longitudinal Dimension temporelle Dimension temporelle Dimension temporelle Dimension temporelle
ou transversal prise en compte prise en compte ou prise en compte prise en compte ou
(anamnèse) ou non non rétrospectivement ou non : étude historique
non ou prospective
Synthèse des paramètres 153
PERTINENCE
Le recueil doit-il être
longitudinal ou transversal ?
Quel est le niveau d’inférence
nécessaire ou admis ?
Je fixe le type
d’informations
à recueillir.
Les informations que je déclare vouloir
obtenir sont-elles les bonnes informations ?
Pourrais-je avoir accès
à ces informations ?
Quelle(s) méthode(s) choisir ?
naturelle ou créée ?
Je décide de la
stratégie de recueil.
J’ai recueilli
les informations
MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE
DU RECUEIL D’INFORMATIONS
Nous avons déjà beaucoup insisté sur les phases 1 et 2. Tout en revenant conti-
nuellement sur ces deux premières phases, et traçant des pistes pour les deux dernières
phases, ce chapitre développera principalement les phases 3 et 4, relatives à la prépara-
tion, à la constitution de la base de données, ainsi qu’à la vérification de sa pertinence,
sa validité et sa fiabilité.
Il mettra également en évidence les interactions constantes entre ces 6 phases.
• un guide d’interview ;
• une grille d’évaluation ;
etc.
Dans la plupart des cas, cet outil est un outil physique. Il peut cependant arriver
que l’outil reste un outil conceptuel, ou même non structuré. C’est le cas d’un recueil
d’informations dans la phase inductive d’une recherche, d’un entretien libre (voir en
1.2.1), ou même de certaines formes d’entretiens semi-dirigés dans lesquels l’investi-
gateur se contente d’avoir dans la tête quelques questions « repères ».
Nous évoquerons ici principalement les investigations nécessitant le passage
par un outil physique. Ce n’est pas pour cela que les autres investigations ne doivent
pas s’inspirer des suggestions émises. Même si elles se déroulent de façon plus infor-
melle (la base de données se construit petit à petit, la méthodologie n’est pas définie au
départ, …), ces investigations doivent respecter des exigences similaires, qui seront
précisées en 6.3.4.
Dans les chapitres précédents, nous avons souligné que tout processus expéri-
mental devait être conçu comme une démarche inductivo-hypothético-déductive.
Bien que la problématique soit différente, les processus d’évaluation s’inspirent
aussi de cette démarche inductivo-hypothético-déductive : déterminer un objectif
d’évaluation, c’est en quelque sorte poser une hypothèse.
Dans une évaluation de certification, on formule l’hypothèse selon laquelle la
personne à évaluer possède un niveau de maîtrise suffisant, selon laquelle un projet
peut être poursuivi, etc. Cette hypothèse est opérationalisée par des critères valides, et
le processus de recueil d’informations doit confirmer ou infirmer cette hypothèse à tra-
vers le respect des critères.
Dans une évaluation de régulation, c’est l’hypothèse d’un bon fonctionnement
que l’on confirme ou que l’on infirme. Mais la fonction principale d’une évaluation de
régulation, c’est de générer des hypothèses explicatives. L’évaluation de régulation
pourrait en ce sens être mise en parallèle avec une recherche exploratoire.
On peut donc dire que la détermination des objectifs d’évaluation correspond à
cette phase d’élaboration d’hypothèses dans une recherche : de même qu’une hypo-
thèse de recherche doit être pertinente en regard des intentions du chercheur et de son
référentiel, l’objectif d’une évaluation doit être pertinent en regard de la décision à
prendre.
Le parallèle entre recherche et évaluation ne s’arrête pas là. Dans l’une comme
dans l’autre, le processus de recueil d’informations proprement dit devrait lui aussi
s’inspirer de la démarche inductivo-hypothético-déductive.
C’est ainsi qu’avant de construire son outil, l’investigateur doit commencer par
se familiariser avec le contexte de son investigation, mettre au point un outil dont il
présume qu’il va remplir au mieux la fonction visée et enfin valider cet outil.
Nous proposerons ci-dessous les étapes intervenant dans un processus de
recueil d’informations, selon cette optique.
L’élaboration d’un outil d’investigation 157
L’ordre des étapes n’est évidemment pas strictement impératif et il faut conce-
voir l’ensemble des démarches comme nécessitant constamment des ajustements
successifs.
1. Recueil d’informations libre pour se familiariser avec le domaine, la situation,
les personnes.
2. Enregistrement d’un matériel comportemental suffisamment étendu.
3. Premier tri des indicateurs.
4. Premier tri parmi les méthodes de recueil d’informations susceptibles d’être
envisagés en termes de pertinence.
5. Revue critique de la littérature scientifique dans le domaine et contacts avec des
spécialistes chercheurs et praticiens.
6. Construction (ou choix) d’un cadre théorique et conceptuel.
7. Ajustements et approfondissements des démarches empiriques en fonction de
l’étape précédente.
8. Spécification des composantes de la situation à étudier ou de la définition du
concept à observer.
9. Choix des indicateurs susceptibles d’être explorés.
10. Choix et construction d’un (ou de plusieurs) instruments(s) suffisamment perti-
nent(s), valide(s) et fiable(s).
11. Entraînement des personnes chargées de recueillir l’information, standardisa-
tion et ajustements de l’instrument.
12. Expérience de validation.
Cette étape est trop souvent négligée. Beaucoup trop de grilles ou de questionnaires
sont élaborés « en chambre » à partir d’une revue critique de la littérature, pas néces-
sairement complète ou pertinente. De plus, un fossé parfois considérable peut séparer
une compréhension purement conceptuelle d’un phénomène d’une compréhension
expérienciée et conceptualisée par des démarches inductives.
On a également vu trop souvent des chercheurs arriver dans des institutions
dans le but d’observer un phénomène avec une grille bien pensée rationnellement… et
se heurter à une foule d’obstacles de tous ordres.
Enfin, il faut se souvenir que des comportements observés ou déclarés risquent
de perdre leur véritable signification s’ils sont déconnectés de leur contexte spatial et
temporel.
EXEMPLE
Des observateurs notent les comportements des élèves dans le couloir d’un établissement sco-
laire pendant la récréation ; ils remarquent que trois filles du groupe restent ensemble dans un
recoin, souvent en compagnie de la femme de ménage qui par hasard passe par là. Cette
observation peut rester banale ; elle peut devenir au contraire très significative s’ils replacent
158 Méthodologie générale du recueil d’informations
l’observation dans son contexte ; il peut, en effet, s’agir de 3 filles à la recherche d’un soutien
affectif. De même, les observations peuvent perdre de leur signification si elles ne sont pas re-
liées aux objectifs recherchés : la disposition observée des élèves dans une classe ne revêt pas
la même valeur si l’objectif est un objectif de transmission d’informations, de découverte, de
participation, de travail individuel…
Lorsque l’investigation doit faire l’objet d’un contrat entre deux parties, cette
étape est celle qui doit permettre de déterminer à quelles conditions l’investigateur peut
s’engager. Signer un contrat sans s’être imprégné préalablement du contexte dans lequel
il devrait être amené à travailler ne peut être que source de déboires et de malentendus.
Un premier tri des indicateurs peut être alors opéré afin de relever les plus pertinents.
L’indicateur est-il :
– nécessaire ?
– suffisant pour décrire un aspect du phénomène ?
– facilement observable ?
– facilement interprétable ?…
Il faut se méfier du critère de « fréquence d’apparition du comportement ou du
phénomène rencontré » : un comportement fréquent peut dans certains cas ne pas être
discriminatif ; un comportement rare peut parfois être très significatif ; une opinion
timidement émise peut se révéler capitale ; une conversation de couloir en apprend
parfois plus qu’une heure d’interviews, etc.
Dans tous les cas, le critère le plus important sera l’utilité du comportement pour
mener à bien l’objectif de l’investigation : s’agit-il d’une évaluation de régulation ?
d’une évaluation certificative ? prédictive ? d’une recherche descriptive ? évaluative ?
heuristique ? de vérification d’une hypothèse ? Selon les cas, le comportement ou le
L’élaboration d’un outil d’investigation 159
phénomène pourra être ou ne pas être retenu. À cette étape de la construction d’un outil,
il ne faut pas trop vite rejeter des éléments relevés.
C’est ici qu’il est intéressant de se référer à notre typologie du chapitre 5 pour faire un
choix pertinent en fonction de l’objectif recherché. En effet, comme nous l’avons sou-
ligné à maintes reprises, il n’est pas de meilleur système dans l’absolu.
De même, les critères d’« applicabilité » joueront un rôle important dans ce
choix. Ainsi, par exemple, il ne sert à rien de vouloir mener une enquête par ques-
tionnaire dans un pays dans lequel le taux d’analphabétisme de la population-cible
dépasse 50 %.
De même, un système d’observation à partir d’un échantillon aléatoirement
choisi avant l’expérience (unités temporelles échantillonnées) n’est pas pertinent si le
contexte d’observation se révèle fort variable et peu susceptible de planification…
Dans cette étape, il s’agit d’un premier tri et il ne faut pas trop vite éliminer un
système de recueil d’informations : les étapes ultérieures permettent de faire un choix
judicieux.
Quoique l’ordre chronologique des étapes soit loin d’être strict, il est bon d’aller sur le
terrain avant d’aborder cette étape. Le contraire a trop souvent comme conséquence de
voir l’investigateur s’engouffrer dans des voies bien connues qui ne sont pas nécessai-
rement les plus pertinentes. En plus de ce caractère réducteur, il faut souligner le point
suivant : cette première prise de contact pour se familiariser avec les phénomènes per-
met par la suite de comprendre en profondeur les informations fournies par la littéra-
ture scientifique et par les experts rencontrés.
Cette cinquième étape est importante à plus d’un titre. Elle permet de mettre en
évidence des dimensions négligées dans les premières étapes. Elle soulève des problè-
mes de pertinence, de validité, de fiabilité, de transférabilité. Elle pointe des difficultés
concrètes rencontrées dans les situations de recueil d’informations, mais propose aussi
des stratégies pour les surmonter. Et surtout, elle permet à l’investigateur de construire
un cadre conceptuel cohérent et suffisamment exhaustif. On trouvera dans l’ouvrage
de BERTRAND BASCHWITZ (2010) des indications et des techniques intéressantes
pour mener à bien cette étape.
Une théorie sans pratique forme des personnes stériles et encombrantes pour les prati-
ciens. Une pratique sans théorie forme des bricoleurs pouvant difficilement progresser.
160 Méthodologie générale du recueil d’informations
Rien de plus pratique qu’une bonne théorie. Ces trois phrases mettent bien en évidence
l’importance d’une théorie et les conditions optimales de son utilisation. Ceci renvoie
de nouveau au processus inductivo-hypothético-déductif.
Cette étape revient donc à élaborer un cadre théorique, qui consiste en :
– un ensemble de problèmes bien posés ;
– un ensemble de concepts bien définis et bien distingués ;
– un ensemble d’hypothèses cohérentes entre elles, et cohérentes par rapport à des
hypothèses déjà vérifiées.
Il n’est pas toujours évident de définir ce cadre théorique, et notamment de faire
référence aux mêmes concepts.
À titre d’illustration, supposons deux investigateurs différents qui veulent
observer le « climat éducationnel » d’une classe et étudier son impact sur les perfor-
mances des élèves. Tous deux s’appuient sur la théorie de l’activation résumée dans la
figure suivante :
Perfomance
Implication positive,
et volonté d’agir en
fonction d’un projet
Dans cette étape, il s’agit, à la lumière des étapes précédentes, d’appliquer les concepts
à la situation particulière de l’investigation en vue d’en opérationaliser les composantes.
Caractéristiques du contexte
– l’appropriation est automatique dans le cas d’un apprentissage naturel ou spontané, à con-
dition toutefois qu’il y ait conscience ;
– l’objet de l’appropriation devrait avoir été activé immédiatement, et souvent dans une situa-
tion plus large et plus complexe (situation d’intégration élémentaire) ;
– …
C’est également lors de cette étape qu’il faut se poser la question de la transfé-
rabilité que l’on souhaite des résultats ou de la démarche (voir en 6.3.5).
L’élaboration d’un outil d’investigation 163
Cette étape est semblable à l’étape 4, mais cette fois l’investigateur est censé posséder
l’ensemble des informations pour faire un choix fondé. Dans bien des cas, un seul type
d’instrument se révèlera insuffisant pour recueillir toute l’information nécessaire.
Ceci est particulièrement clair pour observer le climat éducationnel dans le
cadre de la deuxième définition donnée dans l’étape 6.
Dans la construction de l’instrument, il importe de veiller à être concret et réa-
liste (se référer constamment à la situation d’application de l’instrument). Un soin par-
ticulier doit être accordé à la rédaction des consignes.
Dans les cas où l’outil doit être utilisé par plusieurs personnes, ou à plusieurs
moments différents, la rédaction de consignes pour la passation se révèle indispen-
sable. Ces consignes peuvent prendre des formes très différentes selon le type
164 Méthodologie générale du recueil d’informations
Cette étape est un prolongement de la remarque émise ci-dessus. Son intensité varie
fort selon le type d’investigation dont il est question.
Elle prend une importance particulière dans le cas de l’observation : pour éviter
les nombreuses erreurs susceptibles de se produire lors de l’observation, il importe
d’entraîner les observateurs et de n’arrêter cet entraînement que lorsque l’on aura
obtenu un niveau de fiabilité suffisant (voir 6.3.1, C). Cet entraînement permettra
d’ailleurs de compléter et d’affiner le manuel de l’observateur.
C’est aussi l’occasion d’opérer tous les ajustements nécessaires à l’instrument.
Ces démarches seront approfondies dans l’unité suivante.
Les dix premières étapes ont été conçues pour examiner la pertinence et la validité a
priori de l’instrument. La onzième étape était essentiellement orientée vers la détermi-
nation de certaines formes de fiabilité.
Dans certains cas, une douzième étape est indispensable pour confirmer la vali-
dité de l’instrument en confrontant les résultats obtenus à l’aide l’instrument avec les
critères externes. Par exemple, même si les 20 questions d’un questionnaire ont été
validées lors des étapes précédentes, on peut s’apercevoir que 10 questions constituent
un maximum compte tenu des caractéristiques du public visé.
Dans les autres cas, une validation « a posteriori » des informations recueillies
est nécessaire avant de traiter ces informations.
Ces notions de validation « a priori » et « a posteriori » seront largement déve-
loppées ci-dessous.
CONCLUSION
En guise de conclusion, on pourrait poser la question suivante : est-il réaliste de passer
chaque fois par chacune de ces douze étapes ?
La réponse est oui et non. Chacune est nécessaire pour mener à bien l’investiga-
tion, mais l’expérience permet d’en réaliser un certain nombre de façon automatique.
On pourrait reprendre ici le parallèle qui avait été fait en 2.2.3 entre le conducteur
débutant et le conducteur chevronné.
Cependant, automatisme ne doit pas être confondu avec routine. Dans toute
démarche d’évaluation comme de recherche, ce qui doit avant tout guider l’investiga-
La validation du processus de recueil d’informations 165
teur, autant que le savoir-faire acquis, ce sont les questions, le doute permanent et la
réflexion épistémologique :
« Un scientifique qui ne doute plus n’est plus un vrai scientifique » (propos
recueillis auprès de L. D’HAINAUT, 1991)
« On épistémologise l’observation par un regard réflexif sur le processus de
connaissance engagé. Les acquisitions méthodologiques, outils pour analyser une
démarche, constituent en elles-mêmes des connaissances considérables permettant à
tous une poursuite ultérieure de leur propre formation, au-delà de la situation de for-
mation instituée. » (KOHN, 1982)
Avant de traiter des informations, il faut s’assurer que ces informations sont nécessai-
res, suffisantes, et qu’elles reflètent bien la réalité. C’est là le rôle de la validation du
recueil d’informations. Celle-ci doit garantir la constitution d’une base de données
solide, avant de traiter ces données.
La validation du recueil d’informations est le processus par lequel le cher-
cheur ou l’évaluateur s’assure que ce qu’il veut recueillir comme informations, les
informations qu’il recueille réellement et la façon dont il les recueille servent adéqua-
tement l’objectif de l’investigation (évaluation ou recherche).
L’enquête est menée sur un échantillon de 1000 personnes, qui répondent à trois questions :
« Sexe (M/F) ? »
« Combien de kilomètres parcourez-vous en moyenne par an ? »
« Combien de contraventions avez-vous reçues au cours des 5 dernières années ? »
L’enquête révèle qu’il y a augmentation significative du nombre de contraventions pour ceux qui
parcourent un grand nombre de kilomètres. Cette augmentation est plus marquée pour les hom-
mes que pour les femmes.
Au vu de cette enquête, le Ministre se dit alors qu’il pourrait assouplir la mesure pour certaines
catégories socio-professionnelles. Mais il manque de données sur les types de catégories pé-
nalisées, et la proportion dans laquelle il doit assouplir la mesure….Et il doit recommencer une
autre enquête parce qu’il n’a pas pris la peine de prendre l’information supplémentaire :
« Quelle est votre occupation professionnelle ? », et
« Pour quel type d’infraction avez-vous reçu la contravention ? ».
Il ne s’est pas posé au départ la question de savoir « Quel genre de décision pourrais-je être
amené à prendre ? », question qui doit permettre de déterminer quelle information il faut
prendre.
Dans cet exemple, l’information recueillie n’est pas pertinente, pour deux raisons :
– elle n’est pas suffisante : l’occupation professionnelle et la ventilation des con-
traventions étaient des informations nécessaires à obtenir ;
– l’information « Sexe » n’est pas nécessaire : on ne voit pas quelle décision le
ministre pourrait prendre qui tienne compte de cette variable, sans qu’automati-
quement cette décision ne soit taxée de discriminatoire.
EXEMPLE 2
Un évaluateur externe est chargé d’évaluer l’opportunité de modifier le système informatique
dans une entreprise. Il prend toutes les informations nécessaires sur la rentabilité comparée du
nouveau système par rapport à l’ancien, et conclut qu’il faut effectuer le changement, prévoyant
une augmentation immédiate de la vitesse des opérations, et estimant que le nouvel investisse-
ment serait amorti en deux ans. Le changement proposé a lieu effectivement.
Un an plus tard, l’évaluateur est convoqué par son ex-commanditaire, qui lui dit obtenir des
résultats inverses à ceux qui avaient été annoncés : bien que le nouveau système soit plus rapi-
de, le travail effectif est plus lent.
La raison de cet écart entre les résultats annoncés et les résultats effectifs est claire : l’information
recueillie lors de l’évaluation n’était pas pertinente, parce que non suffisante. Il avait oublié de
prendre en compte un facteur capital : la capacité et la volonté des utilisateurs de répondre à
un changement de système informatique. L’interview de quelques utilisateurs lui aurait appris
que quelques années auparavant, ceux-ci avaient déjà fourni un effort d’adaptation considé-
rable lorsqu’on avait informatisé l’entreprise, et qu’ils n’avaient jamais été récompensés de leurs
efforts…
L’évaluateur aurait également pu prendre des informations sur la rentabilité du même système
dans une entreprise concurrente. Cette information aurait été intéressante à obtenir, mais non
pertinente parce que sans doute pas accessible.
Dégager des variables à observer qui soient pertinentes est un art difficile qui
allie connaissance théorique scientifique, réflexion logique et expérience, d’une part, et
se révèle fort différent selon les objectifs d’investigation, d’autre part.
L’expérience jouera différemment selon le type d’investigateur.
La validation du processus de recueil d’informations 167
EXEMPLE 3
Les responsables politiques s’inquiètent de la diminution des inscriptions que l’on observe depuis
plusieurs années dans les écoles d’infirmières.
Ils décident de mener une campagne publicitaire en faveur des études d’infirmières. Pour cela,
ils commanditent une enquête qui doit déterminer quels arguments développer pour cette
campagne.
La firme chargée de l’enquête projette de récolter de l’information sur les facteurs qui motivent
le choix de tel ou tel type d’études auprès des jeunes qui sortent de l’enseignement secondaire.
Pour cela, on présente sous forme d’une petite bande dessinée les cas d’une dizaine de jeunes
qui ont effectué un choix en fonction de différents critères. On demande aux étudiants de s’iden-
tifier à un des dix jeunes présentés.
Afin d’économiser les frais de traduction des bandes dessinées, et de réduire les frais d’impres-
sion, on décide de ne mener l’enquête qu’auprès de la population anglophone, majoritaire à
60 % dans le pays.
L’information recueillie (les motivations des jeunes) est pertinente : elle est nécessaire, suffisante
et accessible en regard de l’objectif visé.
Mais elle n’est pas valide, parce que les dix cas proposés ne permettent pas d’isoler chacun
des facteurs susceptibles d’intervenir dans un choix d’études (la reconnaissance sociale de la
profession, la rémunération, le coût des études, la longueur des études, l’autonomie dans la
profession, etc.). L’étudiant doit poser un choix global sur un cas. Celui pour qui le critère
« rémunération » est prépondérant peut très bien sélectionner un cas dans lequel ce critère est
absent, parce que tous les autres critères auxquels il est sensible sont présents. L’information re-
cueillie n’est pas celle que l’on souhaite recueillir.
168 Méthodologie générale du recueil d’informations
Le fait que l’enquête ne soit soumise qu’à une partie de la population est également lié à la
validité de l’information. Il s’agit plus spécifiquement d’un problème de transférabilité des résul-
tats à l’ensemble des étudiants (voir en 6.3.5).
D’autres exemples de recueils non valides seront proposées ci-dessous, en
opposition à la notion de fiabilité.
Dans le scénario 2, l’information est fiable. La même information serait probablement recueillie
si cela se faisait quelques jours plus tard, ou si c’était une autre personne qui avait été désignée
pour coordonner le travail.
Dans le scénario 3, l’information n’est pas nécessairement valide parce qu’elle est transmise
par un intermédiaire. Rien ne dit que cet intermédiaire ne transmet pas tout simplement ses pro-
pres perceptions.
Elle n’est pas nécessairement fiable non plus parce qu’elle est retransmise à chaud. Il est pro-
bable qu’à un moment plus calme, cette information serait différente, sans doute plus nuancée.
EXEMPLE 5
Un inspecteur décide de se faire une idée de l’image qu’ont d’eux-mêmes les enseignants qu’il
a sous sa responsabilité.
Il envoie à chaque directeur d’école une petite lettre lui demandant que chaque enseignant lui
renvoie le document suivant, dûment complété :
« Quelle est la proportion d’élèves de votre classe dont vous accepteriez que les performances
soient comparées à celles du même pourcentage d’élèves issus d’une classe similaire d’autres
écoles ?
20 % – 50 % – 80 % – 100 % »
Les questions sont pertinentes en regard de l’objectif visé : un enseignant qui a une bonne ima-
ge de lui-même devrait pouvoir dire « 100 % », et un enseignant qui doute de lui-même devrait
minimiser le pourcentage.
Elles sont valides aussi. Les pourcentages proposés auraient pu faire l’objet d’une petite étude
préliminaire de la part de l’inspecteur, montrant que ce sont les principaux pourcentages aux-
quels les enseignants se réfèrent.
Cependant, l’information n’est pas fiable. Il a négligé une chose très importante : il n’a pas
clarifié auprès des destinataires quel était l’objectif de cette petite enquête, et la façon dont ces
résultats seraient utilisés. S’il avait par exemple précisé :
« Ces informations sont destinées à me faire une idée générale de l’image que les enseignants
ont d’eux-mêmes, et à déterminer s’il est opportun de mettre sur pied un module de formation
continuée visant à développer l’image de soi. Les réponses peuvent être anonymes. »,
il aurait obtenu d’autres informations que dans le cas présent.
Il est probable qu’ayant peur que cette information ne soit utilisée contre eux s’ils mettent un
pourcentage trop faible (être taxé de mauvais professeur, ou de professeur élitiste), ou ayant
peur que l’on ne mette à exécution cette confrontation s’ils mettent un pourcentage maximum,
les enseignants vont répondre de façon assez prudente et mitigée (50 %, ou 80 %).
EXEMPLE 6
Dans l’exemple 3, supposons que l’enquête ait lieu le lendemain d’un jour où a été présentée
une émission télévisée très marquante sur le travail des infirmières à la Croix-rouge.
Les résultats de l’enquête font apparaître que les jeunes choisiraient davantage cette profession
si elle était mieux rémunérée et si davantage de facilités leur étaient accordées par le gouver-
nement pour partir à l’étranger.
Dans ce cas, l’information n’est pas fiable. L’influence probable de l’émission télévisée est
manifeste : une bonne partie des jeunes risquent de répercuter l’image idéale qu’ils ont de la
profession, et non l’image réelle qu’ils en ont. Le manque de fiabilité n’est pas dû aux personnes
impliquées, mais au moment où se déroule l’investigation.
Dans certains cas, un recueil d’informations peut être tout à fait fiable, mais pas valide, comme
en témoignent les deux exemples suivants.
170 Méthodologie générale du recueil d’informations
EXEMPLE 7
Dans une cour de récréation, deux observateurs notent les comportements d’agressivité des élè-
ves. Chacun des deux a noté que, dans l’espace d’un quart d’heure, Sébastien a frappé Co-
rentin, alors que pour les deux garçons ce geste est peut-être un signe d’amitié. C’est un
exemple d’observation très fiable (la même information est rapportée par deux observateurs
différents), mais elle n’est pas valide parce qu’elle ne reflète pas l’information que l’on souhaite
recueillir (des comportements agressifs).
EXEMPLE 8
Pour mesurer l’efficacité de différents fonctionnaires, on a choisi l’indicateur « nombre de dos-
siers traités en une semaine ». On peut relever exactement le nombre de dossiers traités par
deux fonctionnaires différents (information fiable), mais dans des cas particuliers, il peut ne pas
refléter l’efficacité des fonctionnaires (non valide) : en effet, il se peut qu’un employé traite un
plus petit nombre de dossiers plus conséquents, ou qui demandent un niveau de responsabilité
plus élevé.
Le tableau suivant reprend les trois étapes de la validation du processus de
recueil d’informations.
Les informations à recueillir sont-elles Les informations recueillies seront- Les informations seraient-elles les
nécessaires, suffisantes et elles bien celles que je déclare vouloir mêmes si elles étaient recueillies par
accessibles ? recueillir ? une autre personne ou à un autre
moment ?
Cette validation est une validation a priori. Elle est centrée sur l’outil de recueil
d’informations. Autrement dit, la validation du recueil d’informations est sur-
tout une validation de l’outil de recueil d’informations, et de son utilisation.
C’est le cas de la recherche scientifique, de la recherche technologique, ainsi
que de bon nombre d’évaluations, principalement de certification.
Le recueil d’informations se fait principalement de façon fermée, c’est-à-dire
qu’une information d’un type non prévu à l’avance est écartée, ou traitée sépa-
rément.
2. Lorsque le dispositif de recherche ne se base pas sur un outil précis devant être
validé a priori, il est nécessaire de recourir à une validation a posteriori du
recueil d’informations.
C’est par exemple le cas de l’audit, de la recherche action, de la recherche spé-
culative, de la recherche exploratoire, …, dans lesquels il serait contraire à
l’esprit même de l’intervention d’avoir un outil entièrement déterminé à
l’avance.
Le recueil d’informations se fait donc de façon ouverte.
La validation est centrée sur l’information elle-même, résultant du recueil
d’informations.
Dans tous les cas où l’investigation se base sur un outil déterminé à l’avance, la valida-
tion consiste en une triple vérification.
Ce sont les trois étapes qui ont été développées en 6.3.1, plus spécifiquement
adaptées à l’outil du recueil d’informations.
Ces termes ont déjà été développés plus haut. Nous ne pourrions qu’insister une
nouvelle fois sur l’importance capitale de bien cerner l’information pertinente à
recueillir, faute de quoi tout ce qui suit est vide de sens : valider un outil sans se poser
la question de la pertinence et de la signification des informations qu’il veut recueillir
n’a pas de sens.
EXEMPLE DE SYNTHÈSE
À la question portant sur le pourcentage du chiffre d’affaires consacré à la formation, deux entreprises
du même secteur d’activité, et qui ont manifestement un fonctionnement similaire, déclarent l’une consa-
crer 0,8 % du chiffre d’affaires à la formation, et l’autre 6 % du chiffre d’affaires.
On peut se poser trois types de questions face à cet écart.
a) L’outil est-il suffisamment précis quant aux éléments sur lesquels ce pour-
centage doit être calculé ?
– faut-il comptabiliser ou non les salaires perçus par les personnes formées pendant les jours
de formation ?
– faut-il tenir compte à la fois des formations techniques et des formations des cadres ?
– faut-il prendre en compte l’amortissement des locaux de formation ? du matériel de
formation ?
– faut-il considérer le pourcentage du chiffre d’affaires, ou seulement de la masse salariale ?
– etc.
On se pose dans ce cas le problème de la validité interne de l’outil.
b) Peut-on rattacher ces données à d’autres données comparables ?
On sait par exemple que dans les pays voisins la plupart des entreprises de ce type consacrent
entre 0,7 % et 1,5 % du chiffre d’affaires à la formation. Ces éléments font apparaître que la
deuxième donnée (6 %) ne peut probablement pas être considérée comme valide.
On applique un critère de validité externe particulière.
c) Un éclairage théorique peut-il venir en aide ?
La réponse est négative dans cet exemple.
Cette question fait référence à la validité externe conceptuelle.
Quand on met au point un nouvel outil de recueil d’informations, il faut essayer,
dans la mesure du possible, de ne pas attendre d’avoir recueilli toutes les informations
pour commencer la validation externe de l’outil.
Il est souvent intéressant de tester l’outil auprès d’un petit nombre de personnes, ce
qui peut déjà donner un certain nombre d’indications sur la validité externe de l’outil.
1. L’ACCORD NOTATION-RENOTATION
« Le même investigateur va-t-il coder de la même façon lors d’un deuxième codage
immédiat ? »
Il est très dépendant de la précision avec laquelle les indicateurs qu’on utilise
sont définis.
2. L’ACCORD INTER-NOTATEURS
« Deux ou plusieurs investigateurs coderaient-ils la même information de la même
façon ? »
174 Méthodologie générale du recueil d’informations
3. L’ACCORD INTRA-NOTATEUR
« Les événements qui se reproduisent plusieurs fois durant l’investigation sont-ils
codés de la même façon par un même investigateur ? »
4. L’ACCORD INTER-STAFF
« Deux staffs d’investigateurs (appartenant à des équipes de recherche différentes) uti-
lisant le même instrument coderont-ils un même protocole de la même façon ? »
5. L’ACCORD INTRA-STAFF
« À l’intérieur d’un même staff, les investigateurs coderont-ils de la même façon les
mêmes protocoles en cours et en fin de recherche ? »
Les informations à recueillir sont-elles Les informations recueillies seront- Les informations seraient-elles les
nécessaires, suffisantes et elles bien celles que je déclare vouloir mêmes si elles étaient recueillies par
accessibles ? recueillir ? une autre personne ou à un autre
moment ?
d’aucune utilité. Par contre, l’information 2 est capitale : elle indique que les consultants
ont probablement travaillé « en chambre », et qu’il est indispensable de tester si les docu-
ments produits rencontrent les attentes des destinataires.
b) S’il s’agit au contraire d’une évaluation en début de projet, et que la décision à prendre est
de continuer à travailler avec les mêmes consultants ou d’en choisir d’autres, l’information
1 est probablement très importante. Elle peut signifier que si le consultant n’a pas produit le
travail qu’on attendait de lui, et qu’on veut le remplacer par un autre, on doit notamment
s’attendre à des pressions politiques, voire même un refus de suivre les recommandations.
Par contre, l’information 2 ne semble pas utile dans ce cas.
Ce n’est donc pas parce qu’une information n’était pas prévue au départ qu’elle
n’est pas utile. Elle peut se révéler être en rapport avec l’intervention, de façon directe
ou indirecte. Parfois même, une information recueillie au hasard peut se révéler capi-
tale. Dans une recherche exploratoire, c’est un phénomène qui se produit très fréquem-
ment. C’est ainsi qu’un grand nombre de découvertes scientifiques sont dues à une
erreur de manipulation, et même au hasard.
Deux autres questions peuvent compléter cette étude de la pertinence des infor-
mations.
EXEMPLES
– compléter un échantillon dans le cas où le taux de mortalité d’une enquête est trop
important ;
– compléter une documentation parce qu’on estime qu’une tendance est représentée de façon
excessive ou insuffisante dans les ouvrages sur lesquels on a travaillé jusqu’à présent ;
– donner un coup de téléphone à la suite d’un entretien pour compléter une information ;
178 Méthodologie générale du recueil d’informations
– décider de prolonger une période d’observation parce que la période initiale n’a pas été
jugée significative, ou parce que les conditions de standardisation n’ont pas été respectées ;
– diversifier des sources sur le plan linguistique ;
– etc.
Ces exemples montrent une fois encore que le processus de recueil d’informa-
tions n’est pas un processus linéaire, mais qu’il consiste en un va-et-vient continuel
entre ce que l’on veut chercher, la réalité à laquelle on est confronté, et l’évolution de
la réflexion personnelle.
Les informations à recueillir sont-elles Les informations recueillies reflètent- Les informations seraient-elles les
nécessaires et suffisantes (en qualité elles la réalité ? mêmes si elles étaient recueillies par
et en quantité) en regard de une autre personne, à un autre
l’objectif ? moment, à un autre endroit, à l’aide
d’un autre outil ?
La validation du processus de recueil d’informations 181
6.3.5 LA TRANSFÉRABILITÉ
mations doit se mettre réellement dans une posture de chercheur, plutôt que de
rester dans sa posture d’acteur social (ALBARELLO, 2003).
2. En quoi l’investigateur a-t-il traduit une information qui lui a été livrée ?
•Reprise d’une information brute
•Information inférée
•Reformulation partielle d’une information
•Reformulation complète d’une information
3. Quel est le type de source de l’information ?
•Document écrit (officiel, ou moins officiel)
•Information orale
•Observation
elle sélectionne les stimuli en rapport avec une grille d’observation préétablie et reste
attentive aux éléments du contexte qui pourraient constituer des biais par rapport au
dispositif prévu. Dans le second cas (chercheur dans l’action), elle tentera de donner
du sens à la situation observée en mettant en relation des éléments du contexte en fonc-
tion de l’expérience acquise antérieurement (rôle important des différents types de
savoirs, dont les savoirs scientifiques et les savoirs d’expérience ; rôle important de la
confrontation des savoirs des différents acteurs). Dans le troisième cas (l’enseignant
praticien), elle repérera plus ou moins intentionnellement les indices en relation avec
les préoccupations du moment (mes étudiants sont-ils attentifs ? comprennent-ils ?).
Dans le quatrième cas (évaluateur), elle sélectionne dans la production de l’élève les
informations qui correspondent à des indicateurs censés opérationnaliser les critères
liés à la performance visée (du moins si un tel travail a été fait dans ce sens). Certes, ce
sont là des cas bien différents. Mais ce qui les réunit, c’est qu’il y a un processus
orienté de sélection d’informations et de combinaison de celles-ci pour créer du sens
dans un contexte donné en relation avec un objectif poursuivi. Ce processus repose sur
la créativité de l’observateur. C’est là la force de l’observation et sa « faiblesse ».
VÉRIFICATION DE LA FIABILITÉ
Plusieurs techniques statistiques existent pour vérifier la fiabilité. Nous donnons ci-
dessous les plus fréquemment utilisées dans les rapports scientifiques : la proportion
d’accord observé (Po) et le coefficient de Cohen (K) si les données codées sont quali-
tatives (nominales ou nominalisées) ; les coefficients de corrélation si les données sont
quantitatives (au minimum ordinales).
OBSERVATEUR B
Total
Positifs (1) Neutres (2) Négatifs (3)
Positifs (1) 44 8 7 59
Un premier indice très simple est la proportion d’accord observé (Po) entre
les deux observateurs. Il se calcule simplement en faisant la somme des cases diago-
nales (44 + 54 + 157) et en la divisant pas la somme totale des accords et désaccords
(327). Le pourcentage obtenu est : .78. Il y a donc 78 % d’observations où les deux
observateurs sont d’accord. On est loin des 100 % souhaités et on s’aperçoit que
l’observateur A considère assez souvent des énoncés comme négatifs, alors que
l’observateur B les considère plutôt comme neutres. Il faudrait sans doute poursuivre
l’entraînement des observateurs en précisant davantage ces deux catégories.
190 Méthodologie du recueil d’informations
Cet indice est cependant considéré souvent comme trop rudimentaire, tout spé-
cialement quand le codage peut être facilement le fruit du hasard (exemples : le codage
doit se faire très rapidement ; certaines catégories sont plus rares que les autres). Les
experts recommandent alors de recourir au coefficient de Cohen (appelé souvent K)
qui tente de neutraliser le pourcentage d’accord qui pourrait être le fruit du hasard. Ce
dernier (appelé souvent Pe) s’estime par la succession des démarches suivantes :
– on calcule le produit du total de chaque ligne par le total de la colonne corres-
pondante et on fait la somme de l’ensemble des produits obtenus : 59 × 53
+ 72 × 98 + 196 × 176 = 44 679 ;
– on divise la somme globale obtenue (44 679) par la somme globale des accords et
désaccords observés (327) que l’on élève au carré (327 × 327 = 106 929) et on
obtient le pourcentage d’accord dû au hasard, à savoir Pe = 44 679/106 929 = .42.
Il nous reste à calculer le coefficient de Cohen par la formule suivante :
K = (Po – Pe)/ (1 – Pe)
Ceci donne dans le cas présent : K = (.78 – .42) / (1 – .42) = .62
Le coefficient K de Cohen varie entre – 1 (désaccord total) et + 1 (accord total) en
passant pas 0 (accord dû au hasard). Les experts se fixent un seuil de .60 en dessous duquel
on ne peut descendre et estiment qu’il faille si possible un coefficient supérieur à .70.
M s r Fiabilité
Exemple 1 Évaluateur A 12 2,9 La corrélation est bonne (les deux évaluateurs rangent
.81 les performances à peu près de la même façon), la
Évaluateur B 14 2,8 dispersion des résultats est homogène, mais les moyennes
sont trop différentes, ce qui remet en question la fiabilité.
Exemple 2 Évaluateur A 13 3,6 La dispersion des résultats est trop différente : un évaluateur
.81 discrimine plus (3,6) que l’autre (2,6). Ceci remet en ques-
Évaluateur B 13,5 2,6 tion la fiabilité.
Notons qu’il n’est pas toujours facile de dire à partir de quel écart deux
moyennes ou deux écart-types sont différents ; il est donc utile de recourir aux tests
statistiques adéquats pour voir si les différences sont statistiquement significatives
(elles ne devraient pas l’être). En ce qui concerne la corrélation, il faut exiger autant
que possible une corrélation supérieure à .70 et même à .80 (il ne suffit pas que la cor-
rélation soit statistiquement différente de 0).
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INDEX
N.B. Les références en caractères gras renvoient aux définitions
O T
Observation 14, 15, 135, 144, 147, 151 Technique 118
Opérationnelle (recherche) 83, 88 Technologique (recherche) 82, 110
Ordinale (variable) 71 Technologique exploratoire (recherche) 88
Index 201
AVANT-PROPOS ............................................................................................................................................ 5
CHAPITRE 1
APPROCHE GÉNÉRALE DU RECUEIL D’INFORMATIONS ...................................................... 7
Introduction ..................................................................................................................................................... 7
1.1 Définition du recueil d’informations ........................................................................................................... 8
1.1.1 Les fonctions ........................................................................................................................................... 8
1.1.2 Les caractéristiques .................................................................................................................................. 9
A. Se situer dans une action définie de façon plus ou moins précise ................................................................... 9
B. Présenter un caractère unilatéral ou multilatéral .......................................................................................... 9
C. Revêtir un caractère plus ou moins organisé ............................................................................................... 9
D. Nécessiter des garanties de validité plus ou moins strictes .......................................................................... 10
1.2 Les principales méthodes du recueil d’informations .............................................................................. 11
1.2.1 L’interview ............................................................................................................................................ 12
Caractéristiques de l’interview comme méthode ............................................................................................ 13
1.2.2 L’observation ......................................................................................................................................... 14
A. Sens premier ...................................................................................................................................... 15
B. Sens dérivés ....................................................................................................................................... 16
1.2.3 Le questionnaire .................................................................................................................................... 17
A. Le questionnaire de contrôle de connaissances ......................................................................................... 17
1. L’activité exercée ............................................................................................................................. 18
2. Le contenu ...................................................................................................................................... 19
B. Le questionnaire d’enquête ................................................................................................................... 25
1.2.4 L’étude de documents ........................................................................................................................... 26
A. La nature des documents ...................................................................................................................... 27
B. La quantité des documents à étudier........................................................................................................ 27
C. L’objet et le but de l’investigation .......................................................................................................... 27
1.2.5 Stratégies composées ........................................................................................................................... 28
1.2.6 Caractérisation et classement des méthodes .......................................................................................... 28
A. Quelle est la nature de la communication ? Est-elle à double sens, ou à sens unique ?
Est-elle directe ou indirecte ? ................................................................................................................. 29
204 Méthodologie du recueil d’informations
B. Quelle est l’étendue de l’accès à l’information ? L’accès à l’information est-il limité ou non dans l’espace ?
Est-il concentré dans le temps ou non ? .................................................................................................. 29
1.3 Nécessité d’une réflexion épistémologique sur le recueil d’informations .......................................... 30
1.3.1 Le pouvoir lié à celui qui recueille l’information ...................................................................................... 30
1.3.2 Le pouvoir lié à ceux qui utilisent l’information ...................................................................................... 30
CHAPITRE 2
LE PROCESSUS DE RECUEIL D’INFORMATIONS AU SERVICE
DU PROCESSUS D’ÉVALUATION ........................................................................................................ 33
2.1 Le processus d’évaluation ........................................................................................................................... 33
2.1.1 Définition générale de l’évaluation ......................................................................................................... 33
2.1.2 Comment caractériser les évaluations ? ................................................................................................. 34
2.1.3 Évaluation d’orientation, évaluation de régulation et évaluation de certification ...................................... 35
A. Évaluation d’orientation ........................................................................................................................ 36
Évaluation prédictive ........................................................................................................................... 37
Évaluation prévisionnelle ....................................................................................................................... 37
Évaluation diagnostique ........................................................................................................................ 38
B. Évaluation de régulation ........................................................................................................................38
Évaluation formative ............................................................................................................................ 39
Évaluation formatrice ............................................................................................................................ 39
C. Évaluation de certification ......................................................................................................................40
Évaluation de sélection ......................................................................................................................... 40
Évaluation de classement ...................................................................................................................... 40
Évaluation sommative .......................................................................................................................... 41
2.1.4 Démarche sommative, descriptive et herméneutique .............................................................................. 45
A. Une démarche sommative, liée à un recueil sommatif ............................................................................... 45
B. Une démarche descriptive, liée à un recueil descriptif ................................................................................ 45
C. Une démarche herméneutique, liée à un recueil intégré ............................................................................. 45
2.1.5 Interprétation normative et critériée ....................................................................................................... 46
2.1.6 Évaluation et jugement .......................................................................................................................... 46
2.2 Les principales étapes du processus d’évaluation ................................................................................... 47
2.2.1 Les étapes d’un processus d’évaluation ................................................................................................. 47
Étape 1 : énoncer clairement les objectifs de l’évaluation .............................................................................. 49
Étape 2 : énoncer clairement les critères de l’évaluation ................................................................................ 50
a) LES CRITÈRES RELATIFS À L’ÉVALUATION DES PERFORMANCES DES PERSONNES ........................................................ 51
Critères d’appréciation et de correction .............................................................................................51
Critères de réussite et de délibération ...............................................................................................52
Critères comportementaux .............................................................................................................52
Critères de sélection .....................................................................................................................52
Critères d’orientation ....................................................................................................................52
Critères minimaux et critères de perfectionnement ..............................................................................53
b) L’ÉVALUATION D’UNE ACTION, D’UN FONCTIONNEMENT OU D’UN SYSTÈME ................................................................. 53
Critères d’efficacité ......................................................................................................................53
Critères de qualité du fonctionnement ..............................................................................................54
Critères de satisfaction ..................................................................................................................54
La notion d’indicateur ...................................................................................................................56
Étape 3 : déterminer les informations à recueillir ........................................................................................... 57
Étape 4 : déterminer une stratégie de recueil d’informations ........................................................................... 58
Table des matières 205
CHAPITRE 3
LE PROCESSUS DE RECUEIL D’INFORMATIONS
AU SERVICE DU PROCESSUS DE RECHERCHE............................................................................. 75
3.1 Le processus de recherche ........................................................................................................................... 75
3.1.1 Fonctions des processus de recherche .................................................................................................... 75
3.1.2 Définition de la recherche ...................................................................................................................... 76
3.2 Les différents types de recherche .............................................................................................................. 78
3.2.1 La recherche scientifique ........................................................................................................................ 79
A. La recherche scientifique fondamentale ou de laboratoire ........................................................................... 81
B. La recherche scientifique sur le terrain ..................................................................................................... 82
3.2.2 La recherche de développement, ou recherche technologique ................................................................. 82
3.2.3 La recherche opérationnelle et la recherche évaluative ........................................................................... 83
A. Recherche opérationnelle ...................................................................................................................... 83
B. Recherche évaluative ............................................................................................................................ 83
3.2.4 La recherche-action ................................................................................................................................ 84
3.2.5 La recherche (scientifique ou technologique) exploratoire ...................................................................... 85
3.2.6 La recherche descriptive ......................................................................................................................... 86
3.2.7 La recherche spéculative ........................................................................................................................ 87
3.2.8 Synthèse des différents types de recherches .......................................................................................... 87
3.3 Les critères de qualité d’une recherche .................................................................................................... 90
3.4 Recherche et évaluation .............................................................................................................................. 91
3.4.1 La motivation de l’investigateur ............................................................................................................. 92
3.4.2 Les objectifs de l’investigation ............................................................................................................... 92
206 Méthodologie du recueil d’informations
CHAPITRE 5
TYPOLOGIES DU RECUEIL D’INFORMATIONS ......................................................................... 117
5.1 Paramètres généraux et paramètres spécifiques ................................................................................. 117
5.2 Établissement des paramètres caractérisant une stratégie de recueil d’informations ................... 118
5.3 Les acteurs de l’investigation ................................................................................................................... 119
5.3.1 Définition des différents acteurs ................................................................................................ 119
A.
Le commanditaire .............................................................................................................................. 120
B.
L’initiateur ........................................................................................................................................ 120
C.
Le gestionnaire .................................................................................................................................. 122
D.
L’investigateur ................................................................................................................................... 122
E.
Le destinataire .................................................................................................................................. 123
F.
Le bénéficiaire ................................................................................................................................... 123
5.3.2 Recueil libre et contrôlé ........................................................................................................................124
5.4 L’objet du recueil d’informations ............................................................................................................. 124
5.4.1 Faits et représentations ....................................................................................................................... 125
5.4.2 Recueil d’informations attributif ou narratif .......................................................................................... 131
5.5 Le degré de guidage du recueil d’informations .................................................................................... 132
5.5.1 Situation créée et naturelle ...................................................................................................... 132
Table des matières 207
CHAPITRE 6
MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE DU RECUEIL D’INFORMATIONS .................................... 155
6.1 Les différentes phases d’une investigation ............................................................................................ 155
6.2 L’élaboration d’un outil d’investigation ................................................................................................. 155
6.2.1 Introduction ........................................................................................................................... 155
Étape 1 : Recueil d’informations libre (observation, questionnaires, entretiens) pour se familiariser
avec le domaine, la situation, les personnes ............................................................................... 157
Étape 2 : Enregistrement d’un matériel comportemental suffisamment étendu ................................. 158
Étape 3 : Premier tri des indicateurs .......................................................................................... 158
Étape 4 : Premier tri parmi les méthodes de recueil d’informations susceptibles d’être envisagées
en termes de pertinence .......................................................................................................... 159
Étape 5 : Revue critique de la littérature scientifique dans le domaine et contacts
avec des spécialistes chercheurs et praticiens .............................................................................. 159
Étape 6 : Construction (ou choix) d’un cadre théorique et conceptuel ............................................. 159
Étape 7 : Ajustements et approfondissements des démarches empiriques
en fonction de l’étape précédente ........................................................................................................ 161
Étape 8 : Spécification des composantes de la situation à étudier ou de la définition
du concept à observer ............................................................................................................. 161
A. Pour une investigation ponctuelle ......................................................................................................... 161
B. Pour une investigation expérimentale .................................................................................................... 162
Étape 9 : Choix des indicateurs susceptibles d’être explorés .......................................................... 163
208 Méthodologie du recueil d’informations
INDEX ...................................................................................................................................................................199
Méthodologie
du recueil
d’informations
Recueil d’informations : fonctions, caractéristiques, typologies, champs
d’application et principales méthodes (observation, questionnaire,
interview et étude de documents)
Processus d’évaluation : caractéristiques, types, étapes…
Processus de recherche : fonctions, types, critères de qualité…
Méthodologie du recueil d’informations : élaboration d’un outil
d’investigation, présentation des informations, traitements des résultats…
Jean-Marie De Ketele
Docteur en psycho-pédagogie, chercheur et professeur émérite de l’Université
catholique de Louvain, il exerce des fonctions dans des associations scientifiques
ainsi que dans les comités scientifiques ou de rédaction de nombreuses publications
scientifiques. Consultant international, il a créé la Chaire UNESCO en Sciences
de l’Éducation de Dakar.
Xavier Roegiers
À la fois ingénieur et docteur en sciences de l’éducation, il est professeur à l’Université
catholique de Louvain. Il intervient auprès des systèmes éducatifs de plusieurs pays
comme expert international en curriculums d’études et de formation, ainsi qu’en
évaluation. Il collabore avec l’UNICEF, l’UNESCO, l’OIF, et est le président du BIEF.
BIEF (www.bief.be)
Bureau d’Ingénierie en Éducation et en Formation, ses activités principales portent
sur l’analyse des besoins, l’évaluation de systèmes éducatifs et de systèmes de
formation, l’élaboration de stratégies et la construction de scénarios d’action,
la conception d’outils pédagogiques.
www.deboecksuperieur.com