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CITIES Manche

inout 2021
« EXPLORER LA VILLE  Le Havre
Rouen
DE DEMAIN »
SUPPLÉMENT
Caen NORMANDIE

ÉLECTIONS RÉGIONALES  EN NORMANDIE, L’OPPOSITION FRAGMENTÉE FACE AU CENTRISTE HERVÉ MORIN
MARDI 11 MAI 2021 · 77E ANNÉE · NO 23743 · 3,00 € · FRANCE MÉTROPOLITAINE · WWW.LEMONDE.FR FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY · DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

« Dédiabolisée », Marine Le Pen bute sur la crédibilité
▶ Quatre ans après son ▶ Si l’entreprise de « dédia­ ▶ Tels sont aujourd’hui ▶ 42 % des personnes in­ ▶ Pour autant, seules
échec à la présidentielle, bolisation » menée par les principaux enseigne­ terrogées estiment que le 24 % d’entre elles jugent
le Rassemblement natio­ Mme Le Pen porte ses ments du baromètre RN ne représente plus un que Marine Le Pen ferait
nal (RN) a récupéré son ca­ fruits, le parti et sa candi­ annuel Kantar Public, risque pour la démocratie, « une bonne présidente
pital politique et reprend date sont toujours jugés réalisé pour « Le Monde » un pourcentage supérieur de la République »
sa conquête de l’opinion peu capables de gouverner et Franceinfo de 6 points à celui de 2017 PAGE 10

Ecosse À JÉRUSALEM, FLAMBÉE DE VIOLENCE SUR FOND DE VIDE POLITIQUE COVID­19


La majorité  ▶ Des centaines de Palestiniens ont été blessés lundi, après les heurts du week­end P.4 Défiance à l’égard 
indépendantiste  des vaccins 
victorieuse en Afrique
défie Londres Des dizaines de milliers
de doses sont rendues
La première ministre, faute de volontaires
Nicola Sturgeon, entend PAG E 6
organiser un deuxième
référendum sur le statut
de la « nation » après avoir HÔPITAUX
remporté les législatives
PAGE 2 ET ÉDITORIAL PAG E 3 3
La décrue en réani­
mation abordée
avec prudence
Politique → PAG E 8

Les socialistes  TRANSFERTS
se divisent  La Bretagne,
terre d’accueil des
sur l’héritage  évacués sanitaires
de Mitterrand → PAG E 9

L’actuelle direction du PS AUTOTESTS


a été la cible d’attaques Le difficile
lors des célébrations du
quarantième anniversaire
démarrage du
de la victoire de 1981 dépistage au lycée
PAGES 14-15 Heurts entre Palestiniens et forces de sécurité israéliennes, à la mosquée Al­Aqsa, lundi 10 mai au matin. MAHMOUD ILLEAN/AP → PAG E 18

Histoire
Les compensations
Culture
Les scènes
Afghanistan
Attentat
Economie
versées aux bordelaises ont contre une école La France 
propriétaires hâte de retrouver à l’approche du
d’esclaves publiées leur public retrait américain en perte de 
PAGE 21 PAG E 2 6 PAGE 4 compétitivité
La part de marché des
VU PAR STELLINA  (TAÏWAN)   CARTOONING FOR PEACE produits français dans
la zone euro recule. Les
économistes pointent
notamment un déficit
de compétences
PAGES 2 2-23

Relance
Ces entreprises 
qui licencient 
malgré les aides
Dans l’Aisne et la Somme,
des groupes qui bénéfi­
cient des mesures de
soutien suppriment des
postes, suscitant la colère À écouter chaque jour du lundi au vendredi, à partir de 6h,
et l’incompréhension un nouvel épisode sur lemonde.fr/lheure-du-monde et Spotify

PAGE 11
Algérie 220 DA, Allemagne 3,80 €, Andorre 3,80 €, Autriche 3,80 €, Belgique 3,30 €, Canada 5,80 $ Can, Chypre 3,20 €, Danemark 36 KRD, Espagne 3,60 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,20 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,30 €,
Hongrie 1 460 HUF, Italie 3,50 €, Luxembourg 3,30 €, Malte 3,20 €, Maroc 23 DH, Pays-Bas 4,00 €, Portugal cont. 3,50 €, La Réunion 3,30 €, Sénégal 2 400 F CFA, Suisse 4,50 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,50 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA
INTERNATIONAL
0123
2| MARDI 11 MAI 2021

Nicola Sturgeon,
première ministre
écossaise et
patronne du parti
indépendantiste
SNP, à Edimbourg,
le dimanche
9 mai. SCOTT HEPPELL/AP

L’Ecosse défie Johnson et le Royaume­Uni
Les partis favorables à l’indépendance sont majoritaires dans la région, mais Londres refuse un référendum

londres ­ correspondante au sein du Royaume­Uni à 55 %). gistes] sont correctes », a précisé tantes de corruption à Downing Galles, Mark Drakeford, a mis en
Pour autant, son parti étant ar­ Mme Sturgeon dimanche.
« Quand la crise Street n’ont eu manifestement garde Londres, dans les colonnes

C’
est une première mi­ rivé tout proche de ce « chiffre La guerre des mots et des argu­ [du Covid-19] aucun effet sur les électeurs. du Financial Times : « Sans davan­
nistre plus confiante magique », Mme Sturgeon a pré­ ments est donc déclarée entre Quel intérêt M. Johnson au­ tage de pouvoirs pour le Parle­
que jamais, qui n’a féré couper le plus vite possible Edimbourg et Londres, et elle
sera passée, rait­il à céder à Mme Sturgeon (les ment gallois, le Royame­Uni risque
même pas attendu l’herbe sous les pieds du gouver­ promet d’être aussi rude que pro­ les Ecossais deux dirigeants se détestent cor­ d’éclater… » La gauche galloise
la fin du dépouillement des résul­ nement conservateur britanni­ longée. Ce combat crucial pour dialement) et à lui accorder un n’étant pas indépendantiste, le
tats des législatives écossaises que, alors que Boris Johnson, dès l’avenir de l’Ecosse – et du Royau­
auront le droit nouveau référendum, s’il a des danger est cependant moins im­
pour prononcer son discours de la veille, avait déclaré « irrespon­ me­Uni – a commencé en réalité de s’exprimer » risques de le perdre ? Un oui à médiat pour Londres, alors que la
victoire. Samedi 8 mai, Nicola sable » une nouvelle consulta­ bien plus tôt – dès le référendum l’indépendance de l’Ecosse si­ collision semble inévitable avec
NICOLA STURGEON
Sturgeon, 50 ans, dont trente­cinq tion populaire écossaise. Théori­ du Brexit, en juin 2016. A en gnerait probablement sa démis­ les indépendantistes écossais.
première ministre écossaise
de militantisme pro­indépen­ quement, le Parlement écossais croire le SNP, ces résultats ont sion et marquerait sa carrière M. Johnson va peut­être faire va­
dance, a salué les résultats « histo­ ne peut décider seul d’un référen­ complètement rebattu les car­ politique de manière indélébile. loir sa promesse – pour l’instant
riques » et « extraordinaires » du dum sur des questions constitu­ tes : en 2014, quand les Ecossais A moins que la dirigeante écos­ assez vague – d’un « levelling up »
Parti national écossais (SNP), qui tionnelles sans l’aval du Parle­ avaient été appelés à se pronon­ tre depuis quatorze ans), Nicola saise ne réussisse à le prendre au du pays (rattrapage économique
a fini par décrocher 64 sièges sur ment britannique. cer sur leur futur, il n’était ques­ Sturgeon s’est également débar­ piège de l’argument démocrati­ des zones les moins favorisées) et
un total de 129 à Holyrood, le « Il ne fait aucun doute que nous tion que de rester dans l’Union rassée d’un possible concurrent que : pourquoi refuser aux insister sur les bénéfices de
Parlement d’Edimbourg. allons avoir une majorité pro­in­ du Royaume­Uni, pas de quitter interne, Alex Salmond, son ex­ Ecossais ce qu’il a revendiqué l’union – la COP26, qui doit se te­
Le SNP espérait décrocher la dépendance et qu’elle sera plus l’Union européenne. Or, ils ont mentor, qui a créé son propre tout au long de la campagne du nir à Glasgow en novembre, sera
majorité absolue des sièges (65), élevée que lors de la précédente repoussé le Brexit sans équivo­ petit parti indépendantiste, Brexit (le respect de « la volonté un grand moment diplomatique
ce qui lui aurait donné un man­ législature [2016­2021] », a dé­ que (à hauteur de 62 %), donnant Alba, mais n’est pas parvenu du peuple ») ? Ou encore que le britannique, à cet égard.
dat presque irrésistible pour ré­ claré Mme Sturgeon, en prenant des arguments en or à Mme Stur­ pour autant à être élu à Holy­ plan B du SNP fasse peur à Mme Sturgeon tentera de son
clamer un deuxième référendum en compte, comme tout le camp geon, devenue première minis­ rood. La first minister sait cepen­ Downing Street : Mme Sturgeon a côté de mettre à profit le refus
sur l’indépendance de l’Ecosse, indépendantiste et la plupart des tre écossaise fin 2014. dant que son jeu présente de d’ores et déjà menacé de voter obstiné du dirigeant anglais pour
après celui, raté, de 2014 (les Ecos­ commentateurs écossais, la La dirigeante n’a absolument sérieuses faiblesses. sans attendre un projet de réfé­ convaincre un maximum d’Ecos­
sais avaient alors voté pour rester progression des Verts écossais, pas fait mystère de ses inten­ C’est parce que le SNP avait rendum à Holyrood puis de saisir sais que leur destin est de couper
eux aussi pro­indépendance, qui tions : un « Indyref2 », comme on décroché une majorité absolue à la Cour suprême britannique si le cordon avec Londres. Ces élec­
ont gagné huit sièges à Holyrood. dit en Ecosse, était bien au Holyrood, lors des élections Boris Johnson se mettait en tra­ tions ont montré qu’ils sont pour
« La position de Boris Johnson est programme du SNP – et des parlementaires de 2011, que le vers de son chemin. l’heure encore très divisés sur la
LE CONTEXTE hilarante, bien sûr que nous Verts – pour ces élections législa­ premier ministre britannique de question : « A 50 % pour l’indépen­
avons [avec le SNP] un mandat tives. La pandémie lui a donné l’époque – le conservateur David La collision semble inévitable dance, à 50 % pour rester au sein
clair pour demander un nouveau des arguments supplémentai­ Cameron – avait accepté le prin­ Samedi, M. Johnson a décroché du Royaume­Uni », soulignait sa­
référendum », a déclaré samedi res : Mme Sturgeon est largement cipe d’un référendum écossais, son téléphone pour « féliciter » medi John Curtice, grand spécia­
PRO ET ANTI Lorna Slater, la codirigeante des saluée en Ecosse pour sa gestion trois ans plus tard. A Lon­ Mme Sturgeon et l’inviter à mon­ liste britannique des sondages,
Le parti indépendantiste SNP a Verts écossais. jugée plus empathique et pru­ dres, cette fois­ci, Boris Johnson trer « un esprit d’unité et de coopé­ sur le plateau de la BBC.
gagné 64 des 129 sièges du Parle- dente de la crise sanitaire que est très loin d’être à terre. Il ration » lors d’un sommet regrou­ De fait, nombre d’électeurs ont
ment écossais, lors des élections « Principe démocratique » celle de M. Johnson. Sa victoire, est sorti considérablement ren­ pant les quatre nations du Royau­ voté tactiquement contre l’indé­
du 6 mai. Créée en 1999, cette as- « Je vais retourner au travail im­ ce 6 mai, est indéniable : la parti­ forcé, le 6 mai, d’une série d’élec­ me­Uni, consacré à la reprise pendance : dans l’Aberdeenshire
semblée ne dispose que de pré- médiatement, pour me consacrer cipation était historique (plus de tions locales et régionales en post­Covid. Après le Brexit, qui a (nord­est), en votant conserva­
rogatives en matière de justice, à la sortie de la pandémie, puis à 63 %) et le SNP n’a même pas pâti Angleterre, qui ont vu le Labour soufflé sur les braises du senti­ teur plutôt que Labour pour
de santé ou d’éducation. Le SNP la reprise économique et sociale, d’une usure logique, après qua­ céder des bastions historiques ment indépendantiste écossais mieux barrer la route au SNP.
est passé tout près de la majorité mais, quand la crise sera passée, torze ans au pouvoir et un bilan dans le nord­est du pays et (et que le SNP considère comme Ou, a contrario, en concentrant
absolue (65 sièges) et revendique les Ecossais auront le droit de s’ex­ mitigé sur le plan de l’éducation dans les Midlands au profit du une pure manifestation de natio­ leur choix sur la candidate La­
une conséquente majorité « pro- primer [sur leur avenir], a insisté ou de l’accès au logement. camp conservateur. nalisme anglais), le nouveau défi bour à Dumbarton (sud­ouest).
indépendance », grâce aux huit Nicola Sturgeon. Boris Johnson Quant au Parlement écossais, Le travailliste Sadiq Khan a de M. Johnson, 56 ans, est donc Mme Sturgeon a forcément en
sièges remportés par les Verts, n’a aucun argument pour bloquer malgré sa jeunesse (il n’a été créé certes conservé son poste de désormais de sauver l’union. tête la précédente campagne
qui soutiennent aussi l’indépen- la volonté des Ecossais. Le référen­ qu’en 1999), il est désormais maire de Londres, mais le tory Car, si l’Ecosse est de plus en référendaire écossaise – qu’elle
dance. Les conservateurs, farou- dum est fondamentalement une particulièrement représentatif Shaun Bailey s’est hissé à une ho­ plus jaune (la couleur du SNP), et avait d’ailleurs été chargée de
chement pro-union, restent la question de principe démocrati­ de la société écossaise, avec 45 % norable deuxième place dans si l’Angleterre s’uniformise en mener par le premier ministre
deuxième force politique à Holy- que. » Quelques heures plus tôt, de députés femmes, dont la une capitale réputée pour son bleu (celle des tories), le Pays de écossais d’alors, Alex Salmond.
rood, mais loin derrière le SNP, son adjoint et proche allié, John première élue de couleur (Kau­ vote au centre gauche. Déjà ob­ Galles a confirmé qu’il voyait Quand cette campagne avait
avec 31 sièges. Le Labour, hégé- Swinney, avait déjà accusé Boris kab Stewart, d’origine pakista­ servée lors des élections généra­ l’avenir en rouge travailliste : le débuté, en 2012, les pro­indé­
monique en Ecosse jusqu’au Johnson de se comporter en naise) et une députée handica­ les de 2019 – triomphales pour 6 mai, les Gallois ont, eux, renou­ pendance plafonnaient à 38 %
début des années 2000 (et pour « suzerain » vis­à­vis de l’Ecosse. pée, Pam Duncan Glancy. M. Johnson –, la bascule du vote velé pour cinq ans leur Parlement d’opinions favorables – ils ont
l’instant opposé à un nouveau Un référendum pourrait être Réputée pour sa prudence et populaire vers une droite désor­ (le Senedd) et 50 % des élus sont quand même fini deux ans plus
référendum d’indépendance), organisé dès 2022 « si les prédic­ son expérience du pouvoir (elle mais interventionniste semble membres du Labour. Dimanche, tard à 45 % des votes. 
reste troisième avec 22 sièges. tions [positives des épidémiolo­ est ministre ou première minis­ bien engagée. Les rumeurs insis­ le premier ministre du Pays de cécile ducourtieux
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MARDI 11 MAI 2021 international | 3

Macron appelle l’UE En pleine pandémie, l’Inde débat


à décider « plus vite
et plus fort » à l’avenir des échecs de Narendra Modi
Le président français a participé à l’ouverture Des intellectuels demandent au premier ministre de démissionner
d’une Convention sur l’avenir de l’Europe
new delhi ­ correspondante vague de Covid­19 a provoqué une diat de gouvernement n’est pas la
bruxelles ­ bureau européen
« Il existe une calamité nationale comme l’Inde voie rapide ou facile vers la ré­
Emmanuel

L
es mots sont durs, sans pi­ colère palpable n’en a pas connu depuis son indé­ demption », écrit le professeur de

S olidarité, démocratie, trans­


parence, ambition : l’hémi­
cycle strasbourgeois, dé­
serté depuis des mois en raison de
la pandémie, a résonné de beau­
Macron veut une
Europe capable
de résister
tié, sans appel. Pour la pre­
mière fois depuis l’arrivée
au pouvoir de Narendra
Modi, en 2014, des voix s’élèvent
dans la société civile pour deman­
et justifiée contre
l’insensibilité et
l’incompétence
pendance. Pire encore, il est de plus
en plus évident que cette vague
aurait pu être contrée et que des
mesures appropriées auraient pu
être prises pour minimiser son im­
science politique dans un texte
publié vendredi.
Il suggère aux Etats de dépasser
leurs divergences avec le gouver­
nement central et prend pour
coup de promesses, dimanche
au « défaitisme der le départ du nationaliste hin­ absolues du pact mortel », écrit le site dans son exemple la rivalité entre Naren­
9 mai, Journée de l’Europe et date ambiant » dou, réélu en 2019 pour cinq ans,
gouvernement » éditorial du 6 mai. dra Modi et le chef de gouverne­
choisie symboliquement pour le mais incapable d’anticiper et de Le doute s’est immiscé jusque ment de Delhi, Arvind Kejriwal,
lancement de la Convention sur gérer la deuxième vague de Co­ PRATAP BHANU MEHTA chez les partisans de Modi. Plus qui n’a fait qu’amplifier la crise de
l’avenir de l’Union. Un exercice voix au chapitre. Le comité exécu­ vid­19, qui a plongé le pays dans politiste aucun Indien n’échappe à la tra­ l’oxygène dans la capitale. Il con­
qui doit impliquer les institu­ tif élaborera un rapport soumis un immense chaos. gédie, de près ou de loin. Comme seille aussi au parti du premier
tions, les Etats, mais aussi les ci­ aux trois institutions. « Vous n’êtes plus digne d’être no­ Rahul, chauffeur de taxi, dans la ministre, le BJP, de « reconnaître
toyens, au travers de différents fo­ Les sujets abordés ? A la fois de tre premier ministre », écrit que jour davantage est à la mesure capitale, ardent défenseur du pre­ qu’aucune lutte contre le Covid ne
rums et d’une plate­forme multi­ grands thèmes politiques (écono­ Arundhati Roy, la plus célèbre du drame que vit l’Inde depuis un mier ministre, qui a toujours voté peut désormais fonctionner sans
lingue (Futureu.europa.eu). Avec mie, climat, social, Etat de droit, écrivaine indienne, dans un texte mois. Le pays a enregistré, samedi pour le Bharatiya Janata Party la coopération de chaque parti ».
le but de réformer l’Union, de migration…) et les mécanismes publié par le site d’information en 8 mai, plus de 400 000 cas et près (BJP). « J’ai voté deux fois les yeux « Si notre politique continue
changer son image et de l’armer de fonctionnement de l’Union. ligne Scroll.in et intitulé « Nous de 4 000 morts, et compte désor­ fermés pour Modi, mais c’est fini, comme d’habitude au cours des
face aux défis futurs. David Sassoli revendique un droit avons besoin d’un gouverne­ mais pour 46 % des nouvelles in­ s’emporte­t­il. J’ai perdu trois amis prochains mois, la dévastation de
En pleine pandémie de Co­ d’initiative législative pour l’as­ ment ». L’autrice du Dieu des pe­ fections par le SARS­CoV­2 dans le qui avaient besoin d’oxygène et qui nos vies sera incommensurable »,
vid­19, qui met à rude épreuve la semblée qu’il préside, pose la tits riens et du Ministère du bon­ monde et un décès sur quatre. n’ont pas pu être pris en charge par prévient­il.
cohésion des Vingt­Sept, la pre­ question du maintien des votes à heur suprême est connue pour Signe encourageant : le nombre les hôpitaux. J’ai peur pour ma fa­ Dans le même quotidien, The In­
mière question à propos de ce l’unanimité au Conseil et aime­ son opposition au premier minis­ d’infections à New Delhi com­ mille que j’ai laissée dans mon vil­ dian Express, le vice­président de
vaste exercice inspiré d’une idée rait que le président ou la prési­ tre indien au nom de la défense mence à baisser nettement, sous lage, où tous les gens sont mala­ l’Inde, Venkaiah Naidu, appelle lui
d’Emmanuel Macron est évi­ dente de la Commission soit des libertés. Mais jamais elle l’effet du confinement que les des. Ni ma mère, ni ma femme, ni aussi « à une réponse nationale,
demment de savoir s’il trouvera élu(e) démocratiquement. n’était allée aussi loin. autorités ont décidé de durcir et mes enfants ne sont vaccinés. » avec des gouvernements [régio­
une traduction concrète. « Nous Les questions des listes transna­ « Nous ne pouvons pas attendre de prolonger. Le taux de positivité naux] et d’autres organes de
devrons en tenir compte », a fait tionales, d’une présidence unique jusqu’en 2024, écrit­elle. Jamais je est ainsi tombé à 21,6 %, contre Dépasser les divergences l’Etat ». « C’est le moment de s’ap­
savoir le président français dans pour le Conseil et la Commission, n’aurais imaginé qu’un jour j’en 36 % au pic de la crise. Mais la pé­ Un des grands politistes indiens, puyer sur nos principales forces
son discours inaugural, en voire d’une Europe à plusieurs vi­ viendrais à supplier le premier mi­ nurie de lits, de matériel et d’oxy­ ancien responsable de l’univer­ plutôt que de raconter nos faibles­
plaidant pour une Europe déci­ tesses, resurgiront peut­être. nistre, Narendra Modi, de faire gène a gagné une grande partie sité Ashoka et cible du pouvoir, ses. Nous devons éviter de nous
dant « plus vite et plus fort » et Comme celle d’une éventuelle quelque chose pour moi. J’aurais du territoire, notamment l’Etat Pratap Bhanu Mehta, plaide, au montrer du doigt et de nous enga­
ne s’étouffant pas « dans ses pro­ modification des traités euro­ préféré aller en prison plutôt que du Karnataka (sud) et sa capitale, contraire, dans le quotidien The ger dans un jeu de reproches ». Il
pres procédures ». péens, une option qui n’est pas de lui demander quoi que ce soit. Bangalore, et l’Uttar Pradesh, le Indian Express, pour « une réconci­ plaide pour l’écoute des « experts
La préparation de cette consul­ privilégiée : l’expérience des réfé­ Mais aujourd’hui, alors que la plus peuplé. liation temporaire » et la mise en et les personnes sur le terrain ».
tation inédite a été longue, les rendums français et néerlandais mort nous fauche dans nos mai­ Depuis sa défaite aux élections place d’un plan d’action national, De nombreux experts indépen­
institutions butant sur la ma­ négatifs de 2005 sur le projet de sons, dans la rue, sur les parkings régionales, dimanche 2 mai, Na­ consensuel, pour les deux ou dants ont précisément souligné
nière de conduire le processus. Constitution a laissé des traces. des hôpitaux, dans les grandes rendra Modi est aux abonnés ab­ trois prochaines années, élaboré ces derniers jours les défaillances
Le Conseil (les Etats) voulait con­ Lors d’un webinaire organisé comme dans les petites villes, dans sents, tout comme son allié, le mi­ conjointement par les chefs de du gouvernement et son silence
fier sa présidence à « une person­ par l’Institut français des rela­ les villages, les forêts et les champs, nistre de l’intérieur, Amit Shah, gouvernement régionaux et le face aux messages d’alerte en­
nalité éminente », tandis qu’au tions internationales (IFRI), le moi, citoyenne ordinaire, je ravale avec lequel il avait mené une in­ gouvernement central. voyés, à la fin de février et au dé­
Parlement, le libéral belge Guy 4 mai, le ministre français de ma fierté et joins ma voix à celle de tense campagne au Bengale­Occi­ « Il existe une colère palpable et but de mars, par la communauté
Verhofstadt revendiquait le rôle. l’économie, Bruno Le Maire, a millions de mes concitoyens pour dental pour tenter de ravir cet justifiée contre l’insensibilité et scientifique sur l’apparition de va­
Et si la Commission encourageait pris l’exemple du « Sofagate » – le le supplier, oui, le supplier, de se re­ Etat. Le site d’information indé­ l’incompétence absolues que le riants en Inde et sur la gravité de la
un rôle actif du Parlement, elle récent camouflet protocolaire in­ tirer. Du moins pour un moment. pendant The Wire, qui pourfend gouvernement central, sous la di­ crise à venir. Dans son dernier édi­
cachait mal sa volonté de canali­ fligé à Mme von der Leyen à An­ Je vous en conjure, démissionnez. » le « laxisme » de Modi, demande rection du premier ministre, nous torial, la prestigieuse revue scien­
ser la fougue réformatrice de kara – pour appeler à des change­ Avec le début de la crise, le mot désormais la mise en place d’une a infligées. Mais la dure vérité poli­ tifique The Lancet, pourfend la
l’ancien premier ministre belge. ments institutionnels. resign (« démissionnez ») est ap­ commission d’enquête indépen­ tique est que les élections nationa­ gestion de Modi et l’appelle à re­
L’Allemagne, réticente au départ, paru sur les réseaux sociaux. La co­ dante sur la gestion de la crise par les sont dans trois ans. Même si j’en voir d’urgence sa réponse. 
Complexité se montre désormais moins caté­ lère des Indiens qui se libère cha­ le gouvernement. « La deuxième ai envie, un changement immé­ sophie landrin
Jeudi 6 mai, M. Verhofstadt – qui gorique. Angela Merkel elle­
sera, finalement, l’un des trois co­ même a déclaré le 21 avril : « Je crois
présidents du « comité de pilo­ que l’Europe a besoin de plus de
tage » – interrogeait encore ses compétences dans le domaine de la
collègues eurodéputés sur l’hypo­
thèse d’une annulation de la céré­
monie, faute d’un accord sur la
santé. » Ce qui supposerait une
modification des traités, principe
auquel la chancelière ne se dit pas
Face au Covid­19, Pékin affiche son soutien
à New Delhi, mais la défiance demeure
« gouvernance » des travaux et hostile, à condition que cela ait
leur degré d’ambition. Le lende­ « un sens ». De nombreuses capita­
main, un compromis était les sont toutefois très réticentes.
trouvé : il n’y aurait pas de sujets Dans son discours, Emmanuel
de discussion « prédéterminés », Macron n’a pas abordé ce sujet, La Chine cherche à tirer profit des difficultés sanitaires de son grand voisin et rival
mais bien des décisions « consen­ préférant évoquer la nécessité
suelles » des institutions sur un d’une Europe plus solidaire, plus
nombre minimal de sujets. démocratique et plus souveraine,
La complexité sera, en tout cas, capable de résister au « défaitisme pékin ­ correspondant un rapprochement durable entre pas échappé à Taïwan : l’île a en­ du Parti était « complètement ridi­
au rendez­vous. Un « comité exé­ ambiant ». Pour l’Elysée, le lance­ les deux rivaux. Le 30 avril, le mi­ voyé en Inde, en début de se­ cule ». Critiquée par des internau­
cutif », regroupant M. Verhofs­
tadt, la secrétaire d’Etat portu­
gaise, Ana Paula Zacarias, et la vi­
ce­présidente de la Commission,
Dubravka Suica, supervisera les
ment de la conférence a, en réa­
lité, deux objets.
Le premier est de rappeler que le
Parlement doit tenir à nouveau
ses sessions plénières à Stras­
L a nouvelle flambée de cas
de Covid­19 en Inde provo­
querait­elle une « Schaden­
freude » (« joie malsaine ») en
Chine ? La rivalité entre les deux
nistre des affaires étrangères in­
dien s’est ainsi plaint à son homo­
logue chinois que les entreprises
indiennes qui passaient des com­
mandes rencontraient des pro­
maine, plus de 150 concentrateurs
d’oxygène et 500 cylindres d’oxy­
gène. Et n’a pas manqué de le faire
savoir sur les réseaux sociaux.
Du côté chinois, les relations
tes nationalistes qui ont appelé à
son licenciement, celle­ci a dû être
défendue par son rédacteur en
chef, le très médiatique et souvent
va­t­en guerre Hu Xijin. Tout en
travaux et préparera les réunions bourg. M. Sassoli en aurait fait la géants asiatiques est telle que, blèmes logistiques. De fait, pour avec l’Inde provoquent parfois des prenant ses distances avec le tweet
plénières, en assurant le suivi des promesse à l’Elysée, qui réclame tout en multipliant les signes de des raisons sanitaires, des entre­ réactions épidermiques. Ainsi, le de sa collaboratrice, Hu Xijin a
contributions citoyennes. L’as­ un retour des sessions dès juin. solidarité à l’égard de son voisin, prises de fret chinoises avaient ar­ 1er mai, un compte officiel du Parti jugé qu’un compte officiel doit
semblée plénière sera composée Au­delà, la conférence est appe­ la Chine ne peut s’empêcher de rêté de desservir l’Inde en avril. communiste chinois (PCC), celui « faire preuve d’humanisme ». Une
de 108 eurodéputés, 54 représen­ lée à s’inscrire dans la campagne profiter de la crise actuelle en de la commission centrale des af­ déclaration qui lui a également
tants des Etats, 3 de la Commis­ de M. Macron pour une éven­ Inde pour mettre en avant la « su­ Tensions larvées faires politiques et légales du Co­ valu de subir les critiques éma­
sion, 108 députés nationaux et tuelle réélection en 2022. Ses périorité » de son modèle de déve­ Par ailleurs, la crise sanitaire n’a mité central, publiait sur Weibo (le nant des internautes nationalistes
autant de citoyens censés tra­ conclusions surviendront durant loppement. pas empêché New Delhi de diffu­ Twitter chinois) un post dans le­ mais aussi de Shen Yi, professeur à
duire les avis des panels euro­ la présidence française de l’UE, Officiellement, l’heure est à la ser, mardi 4 mai, une liste des en­ quel était écrit « Mise à feu en l’université Fudan, spécialiste des
péens et nationaux. une occasion, pour le président, solidarité. Le président Xi Jinping treprises de télécommunications Chine, mise à feu en Inde », accom­ relations internationales.
Le Comité des régions, le Comité de boucler un quinquennat placé a envoyé, le 30 avril, un message autorisées à faire des essais pour pagné de deux photos : l’une re­ Par ailleurs, la décision prise par
économique et social, des syndi­ sous le signe de l’Europe.  de condoléances au premier mi­ la 5G en Inde, qui comprend plu­ présentant le lancement, le New Delhi, en avril, de cesser d’ex­
calistes, des représentants du pa­ virginie malingre et nistre indien, Narendra Modi, sieurs fournisseurs étrangers (Vo­ 29 avril, du premier élément de la porter les vaccins produits locale­
tronat et des ONG auront aussi jean­pierre stroobants dans lequel il se dit prêt à renfor­ dafone, Ericsson, Nokia, Sam­ future station spatiale chinoise ; ment est une opportunité pour
cer la coopération avec l’Inde et à sung), mais aucune société chi­ l’autre la crémation de corps en Pékin : alors que l’Inde était le troi­
lui fournir de l’aide. Fin avril, la noise. Pékin n’a pas non plus Inde. Critiqué par de nombreux sième exportateur de vaccins der­
L’UE et l’Inde relancent la négociation Chine aurait, selon les douanes, li­
vré à l’Inde plus de 5 000 ventila­
manqué de relever que, ce même
4 mai, le ministère de la défense
internautes chinois, ce post a été
retiré au bout de quelques heures
rière l’UE et la Chine, Wang Yi, le
ministre des affaires étrangères, a
d’un accord de libre-échange teurs, 21 569 générateurs d’oxy­ indien avait annoncé que le plus Selon les experts, le retrait d’un indiqué à ses homologues d’Asie
L’Union européenne (UE) et l’Inde ont décidé de reprendre leurs gène, plus de 21 millions de mas­ haut gradé du pays, le général Na­ tel post, émis par un compte offi­ du Sud­Est, fin avril, que la Chine
négociations en vue d’un accord de libre-échange, lors d’un ques et près de 4 tonnes de médi­ ravane, était allé faire une tour­ ciel, relève d’une autorité publi­ pourrait prendre le relais. Malgré
sommet par visioconférence qui s’est tenu samedi 8 mai. Eclipsé caments. Dimanche 9 mai, un née d’inspection dans l’Himalaya. que et non des censeurs de Weibo. leurs contentieux avec Pékin, l’In­
par la situation sanitaire en Inde, le sommet a réuni pour la pre- premier cargo de la Croix­Rouge Le message envoyé à Pékin est Autre signe des débats au sein du donésie et les Philippines n’ont
mière fois le premier ministre indien, Narendra Modi, et les diri- chinoise est arrivé. Et l’ambassa­ clair : l’épidémie n’obère pas les PCC sur la ligne de conduite à te­ d’autre choix que de se tourner
geants des 27 pays de l’UE. Aucun calendrier n’a encore été fixé deur de Chine à New Delhi, Sun capacités de défense de l’Inde. nir face à Delhi : le quotidien na­ vers les vaccins chinois. Selon
pour la reprise des négociations, gelées depuis 2013. Inquiètes Weidong, multiplie les témoigna­ L’annonce vendredi 7 mai d’un tionaliste Global Times joue cette l’agence Bloomberg, la Chine, qui
de l’expansionnisme chinois, l’UE et l’Inde « ont un intérêt com- ges de solidarité envers l’Inde, partenariat économique accru en­ fois à front renversé. a jusqu’à présent exporté environ
mun à assurer la sécurité, la prospérité et le développement dura- « notre voisin et partenaire ». tre l’Inde et l’Union européenne Dès le 1er mai, l’une de ses journa­ 240 millions de doses, s’est enga­
ble dans un monde multipolaire », dit le texte. Bruxelles et New Mais les apparences sont trom­ (UE) est également perçue comme listes, Chen Qingqing, a notam­ gée à fournir 500 millions de do­
Delhi entendent développer ensemble des projets d’infrastructu- peuses et rien ne laisse supposer une initiative anti­chinoise par ment jugé que la comparaison ses supplémentaires. 
res en Afrique, en Asie centrale et dans la région indo-pacifique. que cette crise puisse provoquer Pékin. Ces tensions larvées n’ont faite par la commission centrale frédéric lemaître
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4 | international MARDI 11 MAI 2021

En pleine crise politique, Jérusalem s’embrase


La célébration par Israël de la « réunification » de la ville s’est muée en jour de résistance palestinienne

jérusalem ­ correspondant tion de fumées. Vers 9 h 30, ces af­


frontements se réduisent, la plu­

I
l est difficile de sous­estimer part des Palestiniens semblent
l’ampleur de cet échec, pour avoir été évacués de l’enceinte. La
les autorités israéliennes. En police estime cependant que des
ce « jour de Jérusalem », lundi milliers y demeurent barricadés.
10 mai, date commémorative de la De petits groupes se tiennent les
conquête et de l’annexion de la mains levées, dos au mur.
part orientale de la ville à la faveur D’autres mènent encore des chas­
de la guerre de 1967, Israël devait sés­croisés avec des unités de la
célébrer la « réunification » de la police, montées sur la plate­
cité sainte. Ce terme s’est vidé de forme qui entoure le dôme du ro­ Des forces
tout sens, comme une fausse cher. Des secouristes palesti­ de l’ordre
monnaie, tôt lundi matin. C’est niens, en veste orange, parcou­ israéliennes
une journée de résistance palesti­ rent les jardins arborés, à la re­ lancent
nienne, jour de barricades, qui cherche de blessés. Reste à des grenades
s’est ouverte. En évacuant manu attendre que ces heurts se propa­ assourdissantes
militari l’esplanade des Mosquées, gent en ville. Autour de 10 heures, sur les escaliers
le cœur vivant de la cité musul­ un conducteur israélien, harcelé à qui descendent
mane, les autorités reconnaissent coups de pierres par des Palesti­ vers la porte
de facto que l’Est de la ligne verte niens sur un boulevard près de la de Damas,
demeure une ville palestinienne, porte des Lions, a précipité sa voi­ le 8 mai,
occupée et inaliénée. ture sur un homme, écrasant ses à Jérusalem.
Des milliers de Palestiniens ont jambes contre un muret. Le LAURENT VAN DER STOCKT
passé la nuit dans le sanctuaire chauffeur a été secouru par un po­ POUR « LE MONDE »
d’Al­Aqsa, certains accumulant licier l’arme au poing.
des tas de pierres en prévision de
cette journée. A six heures et de­ Evénements prévisibles
mie, peu avant l’ouverture des Pendant ce temps, depuis le ma­
portes, la police a annoncé que les tin, des milliers de juifs maintien­
juifs ne seraient pas autorisés à s’y nent une prière ininterrompue
rendre aujourd’hui. Des militants au bas de l’esplanade, au pied du
juifs entendaient y prier, en viola­ mur des Lamentations, dernier
tion du statu quo en vigueur. Du­ vestige du Temple. Le député su­
rant le week­end, tardivement, prémaciste juif Itamar Ben Gvir,
Washington, les Nations unies, la incendiaire patenté à Jérusalem
Jordanie, gardienne des lieux ces dernières semaines, se fait ap­ l’esplanade des Mosquées ven­ tale, et nous continuerons d’y bâ­ porte de Damas, la principale en­
saints, mais aussi des monarchies plaudir par de jeunes colons à la
Le cœur des dredi soir. Mais le cœur des griefs tir ! » Une référence à ce que les Pa­ trée de la Vieille Ville, afin d’em­
arabes, le Qatar et le nouvel allié porte des Maghrébins, en affir­ griefs porte sur politiques qui s’y exprime depuis lestiniens dénoncent comme un pêcher la jeunesse du quartier d’y
émirati, ont fait pression sur Is­ mant que « quiconque abandonne des semaines porte sur la menace nettoyage ethnique à Sheikh Jar­ célébrer les ruptures de jeûne,
raël, pour qu’il tempère des opéra­ le mont du Temple ne vaut rien ».
la menace d’éviction, par la justice israé­ rah. Ce faisant, il retire de l’air à suscitant des heurts incessants.
tions policières démesurées ces Fallait­il qu’ils défilent encore ? d’éviction d’un lienne, de plusieurs familles du son rival d’extrême droite, Naftali Des militants racistes juifs
derniers jours. Le gouvernement israélien a quartier voisin de Cheikh Jarrah, Bennett, qui pourrait prendre avaient cherché à attiser les flam­
Sur les vidéos amateurs diffu­ choisi dimanche d’autoriser leur
quartier voisin au profit de colons juifs. dans les prochains jours la tête de mes, en défilant dans les environs
sées en temps réel depuis l’espla­ marche annuelle, prévue lundi de l’esplanade cette coalition d’opposition en aux cris de « mort aux Arabes »,
nade, des policiers en tenue antié­ après­midi, à travers les rues pa­ Organe de transition en sursis gestation. Le premier ministre avant d’aller chercher le conflit à
meute se serrent derrière des lestiniennes de la Vieille Ville,
des Mosquées Sur ces premiers heurts à Al­Aqsa, contraint aussi ses rivaux du cen­ Cheikh Jarrah. Le ministre de la
rangs de boucliers pour progres­ source sempiternelle de provoca­ le gouvernement n’a produit tre, tel Yaïr Lapid, à s’aligner ce sécurité intérieure, Amir Ohana,
ser sur les dalles, jonchées de mil­ tions. Au matin, le premier minis­ qu’une parole officielle rare et tar­ week­end en soutenant sans ré­ n’avait rien trouvé à y redire.
liers de pierres. Un feu continu de tre, Benyamin Nétanyahou, est entrées du site. Plus de 200 Palesti­ dive. Son silence, symptomatique, serve la police. Il contribue enfin à Dimanche, le procureur général
grenades assourdissantes ex­ sous pression pour l’interdire. niens avaient été blessés, 88 hospi­ impose une question : l’exercice braquer les partis arabes israé­ d’Israël, Avichaï Mandelblit, a de­
plose sur les tapis à l’intérieur Ces événements étaient prévisi­ talisés et l’un d’eux a perdu un œil. déraisonnable de la force policière liens, dont l’appui est indispensa­ mandé à la Cour suprême de ne
même de la mosquée Al­Aqsa, où bles. Dès vendredi, des tensions lo­ Parmi les policiers, 17 ont été légè­ à l’œuvre depuis un mois est­il le ble à l’opposition. pas trancher dès lundi sur l’expul­
de jeunes gens tentent de repous­ cales, qui s’accumulaient à Jérusa­ rement atteints. Selon l’armée, le fruit d’une volonté politique ? Le Quelle que soit la part d’inten­ sion des familles de Cheikh Jarrah,
ser les policiers, à la porte, à coups lem­Est depuis un mois, avaient Hamas cherche à exploiter les ten­ premier ministre, Benyamin Néta­ tion, demeure un fait : un vide comme prévu. Mais il ne fait que
de pierres. D’autres explosent déjà glissé au cœur même du sanc­ sions à Jérusalem, après le report nyahou, dont le procès pour cor­ dangereux s’est creusé à la tête de repousser le problème. Or, au ciel
dans la partie réservée aux fem­ tuaire d’Al­Aqsa, changeant ins­ sine die, fin avril par le président ruption se poursuivait lundi n’a l’Etat israélien, sur lequel les ten­ de Jérusalem les étoiles s’alignent
mes, suscitant des cris de peur. tantanément de nature. Au soir de Abbas, des premiers scrutins légis­ pas intérêt à une escalade incon­ sions de Jérusalem font fond. Le en une série de dates symboli­
Peu après, la mosquée paraît vi­ la dernière grande prière du ven­ latifs et présidentiel prévus depuis trôlée. Mais ces tensions pertur­ gouvernement de M. Nétanyahou ques : la fête de l’Aïd­El­Fitr, la fin
dée. L’essentiel des heurts se con­ dredi du mois de ramadan, poli­ quinze ans dans les territoires. Le bent les négociations menées par n’est plus qu’un organe de transi­ du ramadan, est prévue mercredi.
centre à l’extérieur, où les forces ciers et gendarmes avaient chargé fait est que cette absence totale de l’opposition pour former une coa­ tion en sursis, qui se réunit fort Puis samedi ce sera le jour de la
israéliennes repoussent les Pales­ à l’intérieur de l’enceinte, dont les direction dans les territoires sus­ lition d’alternance, après quatre lé­ peu, aux multiples chaises vides, Nakba, date anniversaire de l’ex­
tiniens vers les portes du Nord du Palestiniens se vivent comme les cite le désespoir à Jérusalem Est. gislatives non concluantes en et qui dépend d’alliés d’extrême pulsion et de la fuite des Palesti­
site. Le Croissant­Rouge palesti­ gardiens, perpétuant durant des Le Hamas avait enjoint ses par­ deux ans (les dernières en mars). droite de plus en plus vocaux. niens du territoire d’Israël durant
nien évacue des blessés avec heures les heurts les plus violents tisans de demeurer à Al­Aqsa jus­ Dimanche, M. Nétanyahou a af­ En avril, il avait fallu plusieurs la guerre de 1948, dont l’Etat
peine : il en évoque plus de 180 sur ces dalles depuis 2017, lorsque qu’à la fin du ramadan, prévue fiché sa fermeté, en rappelant aux semaines pour qu’il fasse retirer étouffe avec constance la commé­
blessés, dont 80 hospitalisés, Israël avait tenté d’installer des jeudi. Des slogans en sa faveur ont « meilleurs amis d’Israël » à l’étran­ des barrières métalliques dispo­ moration. 
heurtés au visage et par l’inhala­ portiques pour trier la foule aux été puissamment scandés sur ger que « Jérusalem est notre capi­ sées par la police autour de la louis imbert

Afghanistan : attentat sanglant contre une école de filles à Kaboul


La communauté internationale craint une offensive généralisée des talibans, dont la pression militaire s’accroît sur l’ensemble du pays

kaboul ­ envoyé spécial jeunes filles âgées de 13 à 18 ans commandants qu’ils devront en ont placé en position de force ceux libans et l’armée afghane. De plus,
qui tentaient de fuir après la pre­ réalité avoir terminé de plier ba­ qui avaient été chassés du pouvoir,
Pour les talibans, après d’âpres combats, les insur­

S ous un soleil de plomb qui


tranchait avec la nuit tom­
bée sur la vie des nombreu­
ses lycéennes tuées, la veille, dans
un attentat, à Kaboul, les mises en
mière détonation d’une voiture
piégée. Elles ont été fauchées par
deux autres bombes. Des pas­
sants ont aussi été touchés, alors
que les Kaboulis étaient de sortie,
gage au 4 juillet, afin de ne pas « ex­
poser inutilement les troupes ».
Pour les talibans, qui ont an­
noncé, lundi, un cessez­le­feu de
trois jours pour l’Aïd­el­Fitr, mar­
fin 2001, et qui n’ont jamais été
aussi près de le reprendre.
Une imminence qui a poussé
vendredi, à Berlin, les Etats­Unis,
l’OTAN et les Européens à appeler
les Etats-Unis ont
trahi l’accord de
Doha dans lequel
gés se sont emparés du deuxième
plus grand barrage d’Afghanistan,
toujours dans le Sud. Résultat, le
grand hôpital Mirwais de Kanda­
har, supervisé par le Comité inter­
terre de dizaines de cercueil en samedi, pour préparer la fin, pro­ quant la fin du ramadan, ces dates les talibans à reprendre sans
ils s’engageaient national de la Croix­Rouge, a vu le
bois se sont succédé, dimanche che, du ramadan. Lundi, les auto­ ne changent rien. Pour eux, les conditions les négociations de à partir au plus flot de victimes augmenter. On re­
9 mai, sur l’une des collines de la rités indiquaient « plus de Etats­Unis ont trahi l’accord signé paix interafghanes aujourd’hui lève de nombreux cas d’amputa­
capitale afghane. Les visages de 50 morts et une centaine de bles­ à Doha, le 29 février 2020, dans le­ au point mort. Ils ont, par ailleurs,
tard le 1er mai tion parmi des civils touchés par
type mongol des proches assis­ sés ». Le 11 mai a été décrété jour quel ils s’engageaient à partir au dénoncé « l’offensive de printemps des engins explosifs improvisés.
tant aux funérailles rappelaient de deuil national par le chef de plus tard le 1er mai 2021. Dimanche, non déclarée » des talibans, lancée Des rapports de renseignement
que c’est bien la communauté l’Etat, Ashraf Ghani, pour qui les leur chef, le mollah Hebatullah, a alors que les Américains quittent sans un coup de feu. Des pourpar­ font, enfin, état de l’arrivée inquié­
chiite hazara qui a été attaquée. Ce talibans sont responsables du averti Washington que la violation le pays et que les chefs politiques lers ont conduit à des redditions tante dans la province d’Herat et
n’est pas la première fois que massacre, ce qu’ils ont démenti. des accords, notamment la non­li­ afghans sont affaiblis par leurs sans combat. Mais une vaste atta­ de Badghis de « centaines de trou­
l’Afghanistan connaît de telles vio­ bération de talibans emprisonnés divisions. que menée par les talibans en di­ pes talibanes fraîches » venant de
lences sectaires, mais celles­ci Cessez-le-feu de trois jours et l’absence de levée des sanctions Selon des sources afghanes et in­ rection de la ville de Lashkar Gah, l’Est. Au centre du pays, la zone de
s’inscrivent dans un contexte de Les observateurs, afghans et inter­ contre certains dirigeants, aurait ternationales contactées par Le capitale de la province, a été stop­ Ghazni subit des attaques depuis
retrait des Etats­Unis du pays et de nationaux, guettent, désormais, des conséquences. Monde sur le terrain, le sud de pée, mercredi, d’après le gouver­ quelques semaines et compte
crainte d’une prise du pouvoir ra­ le moindre signe de la grande of­ La partie de poker menteur n’est l’Afghanistan connaît la situation nement, grâce à des frappes aé­ beaucoup de blessés. A l’est de Ka­
pide par un mouvement taliban fensive des talibans, annoncée pas terminée entre les deux par­ la plus préoccupante. Au moins riennes américaines. boul, sur la route stratégique me­
plus fort que jamais. comme inévitable depuis que le ties. Mais, depuis la décision de 11 personnes ont été tuées et des La population a commencé à nant au Pakistan, les districts
Selon le ministère de l’intérieur, président américain, Joe Biden, a Donald Trump d’engager, à l’été dizaines d’autres blessées, dans la fuir en nombre, notamment vers d’Alingar et d’Alishang, autour de
les trois explosions successives fixé un retrait total de ses soldats 2018, un dialogue exclusif avec les nuit de dimanche, dans l’explo­ les provinces d’Herat et de Farah. Jalalabad, sont soumis à une forte
qui ont retenti devant l’établisse­ au 11 septembre. Selon nos infor­ talibans, elle n’a jamais été favora­ sion d’un bus dans la province de Dans le district d’Arghandab, aux pression des talibans qui souhai­
ment scolaire situé dans un quar­ mations, le chef des troupes amé­ ble aux Etats­Unis. Et le retrait actif Zabul. Dans le nord du Helmand, portes de la ville de Kandahar, les tent, à terme, couper la voie d’ap­
tier hazara de l’ouest de la ville ricaines et de l’OTAN, le général des soldats américains ainsi que la des postes des forces afghanes affrontements font rage, depuis provisionnement de la capitale. 
n’ont laissé aucune chance aux Miller, a, depuis, fait savoir à ses fermeture de toutes leurs bases sont passés aux mains talibanes deux à trois semaines, entre les ta­ jacques follorou
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MARDI 11 MAI 2021 international | 5

Au Brésil, massacre policier dans une favela de Rio


Au moins 29 personnes ont été tuées dans l’assaut du bidonville de Jacarezinho. Un triste record

REPORTAGE dement rouge »), le plus puissant


groupe de trafiquants de drogue
d’un peu de café et de rares souri­
res. « Personne ne s’attendait à une
« L’Etat, ici, quant des « innocents assassinés ».
Dans la soirée de vendredi, plu­
rio de janeiro ­ correspondant
BRÉSIL de Rio, qui domine le quartier. Il telle opération. C’est incompréhen­ il entre, il tue, et sieurs manifestations, rassem­

A
u lieu de la sonnerie de s’agissait de saisir des armes, sible ! », ajoute Leonardo. Et pour blant quelques milliers de person­
son portable, Tatiana « neutraliser » quelques chefs. cause : en juin 2020, une décision
il repart. On n’est nes, ont eu lieu dans la favela.
(les noms ont été mo­ Mais le bilan de la journée s’avère du Tribunal suprême fédéral, plus pas considérés Mais pour la police la plus san­
difiés par raison de sé­ aussi lourd en vies humaines que haute instance judiciaire du pays, glante du monde (3 habitants tués
curité) s’est réveillée ce jeudi léger en prises de guerre : l’opéra­ a suspendu, sauf cas exception­
comme des vrais en moyenne par jour à Rio, soit
6 mai avec le claquement des bal­ Jacarezinho tion a permis la saisie de seule­ nels, les opérations de police dans citoyens ! » 1 239 pour l’année 2020 : davan­
les. Dans le ciel gris de la favela ment seize pistolets, sept fusils, les favelas pour toute la durée de tage que pour tous les Etats­Unis),
gronde un hélicoptère. Dans les Rio douze grenades et une mi­ l’épidémie de Covid­19. Mais l’acte
LEONARDO PIMENTEL
pas question de changer de mé­
ruelles humides, la police avance de Janeiro traillette. Une broutille. Sur les a été peu suivi d’effets : en un an,
président de l’association
thode. Les forces de l’ordre bénéfi­
des habitants de la favela
à petits pas, cagoulée, armée de vingt et un trafiquants officielle­ selon le site d’information G1, au cient du soutien du gouverneur de
fusil. Une opération antidrogue a Océan Atlantique ment recherchés par la police dans moins 944 habitants de Rio se­ l’Etat, Claudio Castro, marqué à
commencé à Jacarezinho. Tatiana, la favela, seuls trois ont été faits raient morts durant des interven­ droite, jusqu’au chef de l’Etat, Jair
20 km
qui sent le danger venir, réunit la prisonniers et trois ont été tués. tions de la police. haut responsable de la Coordina­ Bolsonaro. Vendredi, le vice­prési­
famille. « On s’est tout de suite ca­ Cette dernière balaie les criti­ tion des ressources spéciales, dent, Hamilton Mourao, a estimé
chés au fond de la maison, mon Colère des Cariocas ques. Les 27 victimes civiles de la l’unité d’intervention de la police que les morts civils de Jacarezinho
père, ma mère, mon fils de 9 ans », « L’Etat, ici, il entre, il tue, et il repart. favela sont « des trafiquants qui civile de Rio. étaient « tous des bandits ». La jus­
raconte la jeune femme de 27 ans. muda, marcel ou maillot de foot – On n’est pas considéré comme de ont attenté à la vie de policiers et Ces déclarations ont provoqué la tice est saisie pour juger d’éven­
Vite, les rafales fusent, se multi­ autant de scènes effroyables, pho­ vrais citoyens ! », s’insurge Leo­ ont été, pour cela, neutralisés », ont colère d’une large partie des Ca­ tuelles exécutions arbitraires.
plient. Se rapprochent. Tatiana et tographiées, filmées et diffusées nardo Pimentel, 34 ans, jeune pré­ soutenu vendredi, lors d’une con­ riocas. « [Les jeunes de favelas] Mais les corps des victimes ont été
sa famille se terrent. « Mais tout en temps réel et en masse sur les sident de l’association des habi­ férence de presse, les chefs des for­ meurent, des générations sont en très rapidement retirés par les for­
d’un coup, on a entendu des bruits réseaux sociaux de Rio. Certains, tants de la favela. Avec d’autres fi­ ces de l’ordre locales. L’opération, train d’être perdues et des familles ces de l’ordre (parfois dans de sim­
sur le toit de la maison », se sou­ selon les familles des victimes, gures locales, il s’est réuni ce 7 mai préparée « depuis dix mois » serait détruites ! », a dénoncé sur Twitter ples draps), entravant la collecte de
vient­elle. Surgissent deux jeunes auraient été tués à l’arme blan­ dans l’école de samba de Jacare­ un franc succès. « Il faut arrêter Marcelo Freixo, député fédéral de preuves. A Jacarezinho, l’assaut
hommes, 20 ans à peine. L’un a de che. Vite dépassés, les trafiquants zinho, située à l’entrée du quar­ avec ce discours (…) qui fait passer Rio et membre du Parti socialisme terminé, le trafic de drogue a im­
graves blessures par balles dans le battent en retraite. La fuite se fait tier. Dans ce gros hangar, battu par ces criminels pour des victimes », a et liberté, très investi sur les ques­ médiatement repris ses droits. 
dos. « Il saignait beaucoup. Ils par les maisons, en sautant de toit la pluie, on se réconforte autour même lancé Rodrigo Oliveira, tions des violences policières, évo­ bruno meyerfeld
m’ont suppliée de les aider, de les en toit, les fusils tenus à bout de
cacher. Ils disaient qu’ils ne vou­ bras. Des témoins disent avoir vu
laient pas mourir. Celui qui était les forces de l’ordre tirer depuis les
blessé pleurait. Il a dit que sa hélicoptères.
femme était enceinte, que c’était La police décide de poursuivre
une petite fille et qu’il voulait la les fuyards jusqu’au bout et enva­
voir naître… » hit les logements. Et la barbarie
Est­ce la peur ? La pitié ? Tatiana continue : les supposés trafi­
laisse les deux hommes se cacher quants sont abattus dans les cuisi­
au troisième étage et se cadenasse nes et parfois jusque dans des
avec sa famille dans une pièce du chambres d’enfants. « Ils en ont
deuxième. Un temps passe, avant exécuté trois, ici, dans notre sa­
que les policiers n’enfoncent la lon ! », explique Miguel, 47 ans, qui
porte d’entrée. La famille tend reçoit chez lui, sur les lieux du
l’oreille : elle écoute, tétanisée, le drame. « Ces gamins, ils étaient
bruit des bottes dans l’escalier. Les pourtant à terre, désarmés, ils di­
cris. Puis les tirs. « Bam ! Bam ! », saient qu’ils voulaient se rendre.
imite en riant le jeune fils de Ta­ Mais ils les ont tués quand même…
tiana, qui a tout entendu, puis tout C’était affreux, il y avait des gros
vu : les impacts de balles dans le bouts d’être humain, des organes,
mur peint en beige ; le sofa, les du foie, partout sur le sol… On a dû
coussins, les sacs, les tableaux, le tout ramasser et tout laver nous­
carrelage recouverts de sang. Du même avec des chiffons », décrit
sang, il en a coulé beaucoup ce Miguel, épouvanté.
6 mai à Rio : au moins 29 person­ L’opération sème la terreur du­
nes (dont un policier) ont été rant neuf longues heures dans la
tuées lors de l’assaut donné par la favela. Vendredi, le jour d’après,
police dans le bidonville de Jacare­ Jacarezinho conservait les stig­
zinho, situé dans le nord de la mé­ mates des combats : des douilles
tropole, soit le bilan humain le dorées brillent un peu partout au
plus élevé jamais enregistré pour fond des flaques d’eau de pluie.
une opération de ce type dans la Portes et murs sont criblés d’im­
ville. Ici, on a vite donné à l’événe­ pacts de balles, parfois par grappe
ment le titre de chacina, c’est­à­ de dizaines. Ça et là, des vitrines
dire de carnage ou de bain de sang. de commerces gisent au sol, en
mille morceaux, explosées par les
Etat de choc grenades de la police. Dans les lo­
L’assaut a commencé vers 6 heu­ gements, malgré un lavage aux
res, au moment où les quelque grandes eaux, on n’est pas encore
40 000 habitants de la favela sor­ parvenu à faire partir toutes les
tent dans la rue pour se rendre au taches de sang coagulé.
travail. Deux cents membres de la Le bidonville est en état de choc,
police civile pénètrent alors dans sidéré par le déchaînement de
le bidonville, appuyés par des violence. Les commerces ont rou­
blindés et des hélicoptères. Des vert, certes, mais les rues sont si­
coups de feu sont échangés et, ra­ lencieuses, apeurées. « Ne men­
pidement, la situation dégénère. tionnez pas notre nom dans votre
Un policier est tué d’une balle article. La police va vouloir se ven­
dans la tête et l’opération antidro­ ger, c’est sûr », supplie un habi­
gue se transforme en vendetta. tant, inquiet des représailles. Plus
Les forces de l’ordre se ruent dans loin, le long d’une allée commer­
les ruelles, poursuivent les trafi­ çante, surgit une femme noire, les
quants et mitraillent à tout­va. Un yeux baignés de larmes. « Pour­
métro aérien, longeant la favela, quoi avoir fait ça ? Pourquoi avoir
est atteint par les balles perdues. tué nos enfants ? », hurle­t­elle. Les
Deux passagers sont blessés. passants l’évitent, le regard fermé.
Les rues se remplissent de cada­ Officiellement, selon la police,
vres ensanglantés. Des jeunes l’opération visait à affaiblir le
hommes, noirs ou métis, en ber­ Comando Vermelho (« comman­

TC H AD I TA L I E
L’armée assure avoir Afflux de migrants
vaincu les rebelles sur l’île de Lampedusa
L’armée tchadienne a reven­ Plus de 1 400 migrants sont
diqué, dimanche 9 mai, la vic­ arrivés, samedi 8 et dimanche
toire contre la rébellion, dont 9 mai, à bord d’une quinzaine
la percée en avril dans le nord de bateaux sur la petite île de
du pays avait entraîné la Lampedusa, dans le sud de
mort du président Idriss l’Italie, ont rapporté les mé­
Déby. Les rebelles du Front dias. Près de 400 migrants de
pour l’alternance et la différentes nationalités, dont
concorde au Tchad ont dé­ 24 femmes et des enfants, se
claré ne pas être informés trouvaient à bord d’un seul et
d’une fin des combats. Sa­ même navire, intercepté au
medi, des manifestations large de Lampedusa, ont sou­
d’opposants ont été répri­ ligné les agences de presse
mées. – (Reuters) italiennes. – (AFP)
PLANÈTE
0123
6| MARDI 11 MAI 2021

C O V I D ­1 9 ▶▶▶

En Afrique, la défiance à l’égard des vaccins
Dans certains pays, des dizaines de milliers de doses sont rendues ou détruites, faute de candidats

L
orsque la République dé­
mocratique du Congo « BEAUCOUP NE CROIENT 
(RDC) a annoncé, fin avril, PAS AU DANGER DU COVID. 
qu’elle devrait rendre à
l’initiative Covax 1,3 million de do­ RARES SONT CEUX QUI 
ses de vaccins AstraZeneca (soit
80 % de la quantité reçue) faute de PORTENT LE MASQUE »
pouvoir les administrer avant leur SAMBA SOW
date de péremption, le discours épidémiologiste
jusqu’alors distillé à bas bruit sur
« l’hésitation devant la vaccina­
tion » en Afrique a pris une nou­ tion générale. « Nous allons y arri­
velle dimension. Quelques jours ver. Nous sommes passés de
plus tôt, le Soudan du Sud et le Ma­ 1 000 à 8 000 injections par jour.
lawi avaient déjà provoqué la stu­ La communication est menée tous
péfaction en détruisant respecti­ azimuts : nous rencontrons les
vement 60 000 et 16 000 doses en syndicats de médecins, de phar­
raison du manque de candidats. maciens, les pouvoirs locaux, les
Faut­il encore parler d’hésita­ Injection chefs religieux, les associations de
tion, ou plutôt de franche résis­ d’une dose femmes… », assure Joseph Bénié,
tance ? Alors que seulement 1 % de vaccin directeur de l’Institut national
des vaccins contre le Covid­19 ad­ AstraZeneca d’hygiène publique, tout en re­
ministrés dans le monde ont bé­ au centre connaissant n’avoir jamais dans
néficié au continent, il apparaît de santé sa carrière fait face à « une réti­
clairement que les gouverne­ Ndirande cence aussi importante ».
ments africains n’ont pas pour à Blantyre,
seul défi de se procurer des doses au Malawi, Pas une bonne nouvelle
en quantité suffisante : il leur faut le 29 mars. Mais gagner la confiance n’est pas
aussi trouver les mots pour THOKO CHIKONDI/AP seulement affaire de messages et
convaincre les populations, le de bonnes informations. « Le cré­
moment venu, de pousser la dit dont jouit ou pas le messager
porte des centres de santé afin de est tout aussi capital, rappelle
recevoir leurs injections. Charline Burton, directrice de la
« Dans ce pays [la RDC] grand branche européenne de l’ONG
comme l’Europe, nous devons faire Search for Common Ground, spé­
face à des obstacles logistiques que cialisée dans l’accompagnement
nous n’aurions pu imaginer. Mais des processus de paix. Il faut iden­
le défi premier est celui de la com­ des autorités sanitaires pour con­ logiste Samba Sow, envoyé spécial Les chefs d’Etat, les ministres de Partout, des plans de « sensibili­ tifier des leaders auxquels les com­
munication », admet Jean­Jacques vaincre de la nécessité d’acquérir de l’OMS pour le Covid­19 en Afri­ la santé, bras de chemise relevé sation » sont élaborés pour mar­ munautés font confiance pour que
Simon, porte­parole de l’Unicef une immunité collective. Selon les que de l’Ouest. pour recevoir leur injection, pren­ teler le credo sur l’efficacité et l’in­ le message soit entendu. A fortiori
à Kinshasa. « Comment convain­ données officielles rapportées par Indifférence d’un côté, crainte nent la pause devant les caméras nocuité des vaccins. Fin mars, dans les pays en situation de
cre que le Covid­19 est une ma­ les Etats à l’Organisation mondiale de l’autre, alimentée par des ques­ en espérant rassurer. Mais même l’OMS a annoncé la création de Vi­ conflit ou de post­conflit. » Les
ladie dangereuse ? Officiellement, de la santé (OMS), à peine 5 mil­ tionnements légitimes ou les plus la véracité de ces clichés est mise ral Facts Afrique, un projet réunis­ récentes épidémies d’Ebola en
772 personnes en sont mortes, tan­ lions de personnes ont été conta­ folles rumeurs. Comme en Eu­ en cause. En Ouganda, la ministre sant des experts de la vérification RDC ont montré que lorsque les
dis que le paludisme fait plus de minées par le Covid­19 depuis le rope, les risques potentiels de de la santé, Jane Ruth Aceng, a dû des faits et des institutions sani­ populations se méfient des auto­
10 000 victimes par an et que la début de la pandémie. Soit moins caillots sanguins liés au vaccin publier un communiqué pour taires. « Ce dispositif a pour but de rités ou du personnel chargé de
rougeole a tué près de 6 000 per­ qu’en France. A la date du 9 mai, AstraZeneca ont donné un coup démentir des affirmations cir­ réfuter rapidement les mythes là conduire la riposte sanitaire, les
sonnes en 2019, en grande majo­ 124 209 personnes y avaient suc­ d’arrêt aux campagnes de vacci­ culant sur Twitter selon lesquel­ où ils se propagent et d’aider les campagnes classiques de sensibi­
rité des enfants de moins de 5 ans. » combé, dont près de 45 % en Afri­ nation à peine lancées. La déci­ les elle ne s’était en réalité pas fait populations à faire la distinction lisation ne fonctionnent pas.
que du Sud, pays le plus touché. sion de l’Afrique du Sud d’aban­ vacciner. « Il y a toujours eu des ré­ entre les faits avérés, qui peuvent Quelles qu’en soient les raisons,
A peine 5 millions de contaminés Certes, ces chiffres ne reflètent donner le vaccin suédo­britanni­ ticences à la vaccination, mais sauver des vies, et le bruit », a expli­ le doute ou le rejet que suscite la
L’Unicef, qui est chargée d’ache­ que partiellement la réalité, mais que en raison de sa moindre effi­ avec les réseaux sociaux, les ru­ qué la docteure Matshidiso Moe­ vaccination contre le Covid­19
miner les vaccins fournis gratuite­ même le bilan plus meurtrier de cacité sur le variant B.1.351 a donné meurs nous précèdent. Nous avons ti, directrice régionale de l’OMS n’est pas une bonne nouvelle. Elle
ment par le mécanisme de solida­ la deuxième vague n’a pas vrai­ un argument supplémentaire un sérieux problème de communi­ pour l’Afrique. Ses messages se­ confirme que le chemin risque
rité internationale Covax, va réal­ ment entamé l’idée répandue que aux méfiants. Le variant dit « sud­ cation », reconnaît le docteur ront diffusés sur Facebook, Twit­ d’être bien long avant que le
louer le quota congolais à la Cen­ le Covid­19 est « une maladie de africain » circule aujourd’hui dans Samba Sow. Pour sa part, le mi­ ter et Instagram, en anglais et en continent parvienne à vacciner
trafrique, au Sénégal, au Togo et Blancs » qui ne concerne pas une 23 pays du continent. Semaine nistre gabonais de la santé, Guy français, avant d’être traduits au moins 60 % de sa population,
au Ghana – ce dernier pays étant population dont plus de la moitié après semaine, le bureau Afrique Patrick Obiang Ndong, ne cache dans des langues locales. objectif que s’est fixé l’Union
l’un des rares, avec le Rwanda, à a moins de 19 ans. « Beaucoup ne de l’OMS et les Centres africains de pas devoir faire face à « un man­ En Côte d’Ivoire, où la vaccina­ africaine. 
avoir consommé rapidement le croient pas au danger du Covid­19. contrôle et de prévention des que d’adhésion ». Un mois après tion a été ouverte à toutes les per­ laurence caramel
premier lot qui lui a été attribué. Allez dans n’importe quelle ville, maladies (CDC­Afrique) ont beau le début de la campagne de vacci­ sonnes de plus de 18 ans pour
A l’échelle d’un continent peuplé dans n’importe quel village, rares répéter que « les bénéfices du nation, moins de 10 % des ne pas perdre les 500 000 doses
de 1,3 milliard d’habitants, les chif­ sont ceux qui portent aujourd’hui vaccin l’emportent sur les risques », 100 000 doses offertes par le chi­ reçues de Covax avant fin juin, les
fres ne sont pas le meilleur atout le masque », constate l’épidémio­ le doute est installé. nois Sinopharm ont été écoulées. autorités ont sonné la mobilisa­ Retrouvez en ligne l’ensemble de nos contenus

A Kinshasa, la vaccination attire plus d’étrangers que de Congolais


La campagne de communication semble pour le moment sous­dimensionnée, dans un pays où fleurissent les préjugés sur le virus

kinshasa ­ correspondance néficier du vaccin atteint même des problèmes logistiques que se fera vacciner. « On n’aime pas télévision et à la radio. Alors que la cet accès. Le virus n’a pas de fron­
90 %. Belges, Libanais, Grecs… Les pose l’acheminement des doses les vaccins ici. Et moi je n’ai pas vaccination a commencé depuis tières », souligne Nadim Essa, un

D ans la cour de l’hôpital


Saint­Joseph de Kinshasa,
une dizaine d’Indiens de
tous âges attendent devant une
grande tente estampillée « OMS »
expatriés, nombreux dans la capi­
tale congolaise, se sont vite passé
le mot. Fin avril, une page Face­
book suivie par la communauté
indienne invitait à un événement
dans un pays grand comme l’Eu­
rope de l’Ouest. Pour éviter de les
détruire, la République démocra­
tique du Congo (RDC) a restitué à
Covax 1,3 million de doses Astra­
peur du Covid­19 : on a des remè­
des, des tisanes maison. »

« Le virus n’a pas de frontières »


Un grand nombre de fausses in­
plus de deux semaines, la com­
mission de la communication sur
les risques et engagement com­
munautaire, chargée de mener
des missions de sensibilisation,
Canadien installé en RDC, qui a
reçu sa première dose le 30 avril.
Pour faire venir les Congolais, les
vaccinateurs misent désormais
sur un effet d’entraînement. « J’ai
(Organisation mondiale de la intitulé « Camp de vaccination Zeneca sur les 1,8 million reçues. formations circulent en RDC sur commence tout juste à former ses été rassurée après avoir vu que mes
santé). Tous viennent recevoir leur Covid » dans un hôpital apparte­ Afin d’écouler les stocks restants le virus et le vaccin. « Il y a encore agents. Les responsables déplo­ enfants se portaient très bien après
première dose de vaccin AstraZe­ nant à un homme d’affaires. avant leur date de péremption fin une majorité de Congolais qui pen­ rent le manque de moyens al­ avoir été vaccinés », raconte Mar­
neca contre le Covid­19. Le person­ Les doses injectées proviennent juin, il a été décidé d’ouvrir la vac­ sent que le Covid­19 n’existe pas, ou loués par le gouvernement. the Nkeyi, qui se repose après son
nel de l’hôpital pique à la chaîne. toutes du mécanisme de solida­ cination à tous les volontaires alors qu’il ne touche que certaines Pour le programme élargi de injection à l’hôpital Saint­Joseph.
Depuis le début de la campagne, le rité internationale Covax codirigé majeurs. « J’ai été étonnée qu’on en couches sociales », analyse le doc­ vaccination congolais, le disposi­ Certains annoncent leur vaccina­
19 avril, il y a « 80 % d’étrangers et par l’OMS, l’Alliance du vaccin et la donne à des gens comme moi, qui teur Dauphin Bena, au Centre mé­ tif national chargé des vaccins, tion sur les réseaux sociaux pour
seulement 20 % de Congolais, pour Coalition pour les innovations en ont les moyens de payer », confie dical de Kinshasa. Sur les réseaux l’afflux d’étrangers n’est pas un inciter leurs amis à le faire. « J’es­
400 vaccinés », explique le docteur matière de préparation aux épi­ Marit Hjort, une Norvégienne de sociaux, le vaccin est accusé de problème : les injections sont saie d’en parler au maximum à mes
Thierry Mukendi. Ce matin­là, seu­ démies, à destination des popula­ 29 ans. Les Congolais, eux, bou­ rendre stérile, ou impuissant. ouvertes à tous les résidents du collègues congolais », explique Sa­
les deux septuagénaires congolai­ tions de pays à faibles ou moyens dent le vaccin pour le moment. Pour contrer ces préjugés, la pays. « Ceux qui ont compris les bé­ bine Camillieri, une Française pro­
ses ont poussé la porte de l’hôpital. revenus. Mais la campagne de Un trentenaire venu à l’hôpital campagne de communication néfices de ce vaccin ont le droit priétaire de plusieurs boulange­
Au Centre médical de Kinshasa, vaccination a pris du retard, du Saint­Joseph avec deux collègues semble pour le moment sous­di­ d’en profiter », explique Elisabeth ries à Kinshasa, dont le père est
une structure du centre­ville, la fait des vérifications liées aux ris­ indiens secoue vigoureusement mensionnée. Il n’y a pas d’affi­ Mukamba, la directrice du PEV. mort du Covid­19 en 2020. 
proportion d’étrangers venus bé­ ques concernant AstraZeneca et la tête lorsqu’on lui demande s’il chage dans les rues, ni de spots à la « Je trouve cela normal qu’on ait juliette dubois
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LETTRE OUVERTE
mai 2021

Monsieur le président de la République

La situation est grave dans la filière des fruits et légumes frais. Nous vous demandons aujourd’hui votre soutien et votre
intervention.

La situation que nous connaissons aujourd’hui suite à la catastrophe naturelle des épisodes de gel vient une nouvelle fois
mettre en évidence la fragilité de notre secteur. La nécessité d’agir conjointement entre la filière et le gouvernement s’est
rapidement exprimée au travers des annonces conjoncturelles du premier ministre et du ministre de l’agriculture et de
l’alimentation. En revanche, une stratégie à long terme est quasi inexistante pour répondre aux enjeux futurs.

Vous avez confié à notre interprofession INTERFEL l’élaboration d’un plan stratégique de filière (1) dans la suite des EGAlim.
Nous l’avons souhaité ambitieux et fortement engagé dans la transition écologique pour répondre aux orientations que vous
aviez fixées et c’est sans doute pour cela, que les services de l’État l’ont validé.
• Nous nous sommes engagés dans la transition écologique, notamment en soutenant votre action en faveur de la Haute
Valeur Environnementale.
• Nous nous sommes engagés à doubler la consommation de fruits et légumes frais sous signes officiels de qualité dont
ceux issus de l’agriculture biologique, d’ici 5 ans.
• Nous investissons chaque année jusqu’à 15 millions d’euros pour accélérer la recherche de méthodes innovantes afin
de réduire notamment l’usage des pesticides, permettant d’assurer une offre suffisante, qualitative et un prix accessible
pour tous les consommateurs.
• Nous avons fait des propositions constructives suite à la loi AGEC (2) pour être le premier secteur à diminuer l’utilisation
des conditionnements plastiques alors que nous ne représentons que 1,5 % des emballages alimentaires.
• Nous avons renforcé toutes nos actions d’information auprès des consommateurs y compris durant la période difficile
de la Covid-19.

Alorspourquoiprendredesdécisionspubliquesconcernantnotrefilièresansconcertationpréalableavecsesprofessionnels ?

Ces décisions très éloignées de nos objectifs communs accroissent les difficultés de notre filière tout en éloignant chaque
jour, un peu plus les consommateurs d’une meilleure accessibilité aux fruits et légumes frais et d’une meilleure réponse aux
attentes sociétales.
• Aucun programme spécifique pour notre filière dans le plan de relance du Gouvernement, contrairement à beaucoup
d’autres, alors que nous étions une des premières filières à vous remettre un plan de relance chiffré.
• Aucun soutien spécifique à nos centres de recherches pour accélérer les solutions à la sortie du glyphosate et aux
alternatives aux pesticides.
• Des projets législatifs qui vont réduire l’information des consommateurs en supprimant la plupart des supports
d’informations actuellement utilisés sans alternatives techniques et économiques viables rapidement.
• Des remises en cause de nos accords interprofessionnels sur la qualité des produits.
• Des décisions françaises qui accroissent les distorsions de concurrence avec les autres pays sans accompagnement sur
le plan économique ou sans information collective auprès des consommateurs.

Monsieur le président de la République, nous réitérons notre volonté de mettre en place notre plan de filière mais force est
de constater que les textes législatifs et les pouvoirs publics ont constamment adopté des mesures rendant difficilement
atteignables nos objectifs partagés.

Nous vous remercions pour la réactivité et la rapidité de l’intervention du gouvernement suite à la crise actuelle, mais pour
préparer l’avenir cela doit être accompagné d’un nouveau plan de relance clair pour la filière des fruits et légumes frais, afin
d’accélérer les évolutions souhaitées par tous.

Les organisations professionnelles d’INTERFEL ne prennent pas leurs engagements à la légère. Si nous n’étions pas écoutés
et soutenus, nous serions dans l’obligation de devoir vous restituer notre plan de filière, puisque nous serions de fait, dans
l’impossibilité d’atteindre nos ambitieux objectifs notamment agro-écologiques.

(1) Plan stratégique filière – 2018 Interfel – Renforcer la compétitivité des productions françaises au sein des marchés – Soutenir la consommation des fruits et légumes
Renforcer la place des entreprises et des produits à l’international – Mieux expliquer et valoriser les pratiques réelles de la filière afin de réduire l’écart entre les comportements des consommateurs et les attentes
citoyennes
(2) « LOI n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire »
0123
8 | planète MARDI 11 MAI 2021

C O V I D ­1 9

La prudence
des hôpitaux face
à la décrue en « réa »
La fermeture de lits supplémentaires consacrés
aux malades du Covid­19 doit être savamment dosée,
alors que les incertitudes sur les conséquences
du déconfinement sont nombreuses

O
n est plus serein mainte­ la deuxième vague ? Les effets de la vac­
nant que le pic est passé, la cination et du beau temps suffiront­ils à
descente a commencé, se éviter un rebond ?
réjouit Vincent Piriou, chef Dans les régions touchées de plein fouet
de réanimation à l’hôpital par cette troisième vague, la prudence est
Lyon­Sud, où plusieurs des donc de mise. « A Lyon­Sud, on a commencé
62 lits ouverts – contre 27 en temps nor­ timidement à geler cinq lits », explique le
mal – sont restés vides ces derniers jours. professeur Piriou. Lorsqu’un lit est vide, le
C’est quand même beaucoup moins stres­ service attend ainsi quarante­huit heures
sant que la montée où l’on ne sait jamais où en maintenant le personnel pour l’utiliser Dans le service
ça va s’arrêter… » Il n’empêche, l’équation de nouveau si nécessaire. Dix lits ont, fina­ de soins
n’est pas simple pour l’hôpital, alors que la lement, pu être refermés la semaine der­ intensifs
décrue paraît, enfin, clairement enclenchée nière. « Mais la baisse ne va pas aller aussi de l’hôpital
partout en France, après plusieurs semai­ vite qu’on pourrait [le] croire, précise­t­il. On Louis­Mourier,
nes de stagnation, avec 4 971 malades du garde les patients un peu plus longtemps à Colombes
Covid­19 dans les services de soins critiques pour les faire sortir dans de meilleures condi­ (Hauts­de­
au 9 mai, contre 6 001 au plus haut de la tions, qu’ils soient mieux stabilisés. » Des Seine),
troisième vague, le 27 avril. sorties qui avaient été accélérées au maxi­ le 4 mai. ALAIN
Il ne faut pas aller trop vite dans la réorga­ mum alors que l’épidémie flambait. JOCARD/AFP
nisation, ni trop doucement, entend­on chez
les médecins, confrontés à un dilemme un « BIEN TROP TÔT POUR DÉSARMER »
peu différent de celui des précédentes « La décroissance s’accélère », assure Jean­
sorties de crise. Refermer trop tôt les lits sup­ Yves Grall, patron de l’agence régionale de d’environ 50 % et doit tendre vers les 20 % [contre 180 au pic de la troisième vague]. »
plémentaires consacrés au Covid­19, c’est santé Auvergne­Rhône­Alpes. Les 862 pa­ dans la semaine qui vient. « ON EST  « Il est bien trop tôt pour désarmer quoi que
prendre le risque d’être débordé en cas de tients en réanimation au pic dans la région Rares sont les réanimateurs qui ont, néan­ BEAUCOUP PLUS  ce soit », soutient le médecin, qui n’envisage
rebond de l’épidémie, mais aller trop lente­ (dont 65 % souffrant du Covid­19) le 20 avril moins, l’espoir de voir leurs services retrou­ pas une véritable reprise de l’activité
ment retarde encore la reprise de l’activité sont redescendus à 802 patients, au 7 mai ver leur taille normale avant l’été. « Depuis PRUDENTS QU’AU  des blocs opératoires, tournant au ralenti,
déprogrammée ces derniers mois pour les (58 % atteints du Covid­19). « Mais nous le début du mois, la décrue en réanimation avec près de 40 % de déprogrammations,
opérations des autres patients. sommes dans une approche très prudente, ce est réelle, constate Antoine Vieillard­Baron, PRINTEMPS 2020,  avant la fin du mois.
Avec ceci de particulier que ce troisième n’est pas “on­off”, c’est un savant dosage chef de service en médecine intensive­réa­ Tout le monde le sent bien, la pression sur
reflux est placé sous le signe de l’incerti­ dans lequel nous diminuons progressive­ nimation de l’hôpital Ambroise­Paré (Bou­
LE DESSERREMENT  les services de réanimation ne va pas re­
tude. Jusqu’où le nombre de malades ment les capacités de réanimation, avec un logne­Billancourt), à l’Assistance publique­ DES MESURES  tomber de sitôt. « On est toujours plein »,
descendra­t­il, et à quel rythme ? S’arrêtera­ maintien des personnels mis à disposition Hôpitaux de Paris (AP­HP). Mais elle est rappelle la professeure Muriel Fartoukh,
t­il à un plateau ? Quelles seront les consé­ [par d’autres établissements et services] lente, et elle va le rester. » Pourquoi une telle DE FREINAGE EST  réanimatrice à l’hôpital Tenon, à Paris. Sur
quences des différentes étapes du déconfi­ tant qu’on a besoin d’eux. » La déprogram­ certitude ? « Les entrées se sont tassées, mais la trentaine de lits jusqu’ici occupés par des
nement, enclenché alors que les patients mation massive de l’activité chirurgicale on garde un flux de nouveaux malades du PLUS PRÉCOCE » patients Covid­19 (contre 15 lits habituelle­
Covid sont bien plus nombreux dans les pour les autres patients, décrétée le 6 avril, a Covid­19 qui n’a rien d’anodin : entre 80 et MARC LEONE ment), 5 le sont désormais par des patients
hôpitaux qu’à la sortie de la première ou de déjà été abaissée d’un cran à un palier 100 personnes par jour en Ile­de­France réanimateur à Marseille souffrant d’une autre pathologie. Des

Déconfinement : la mise en garde du conseil scientifique


L’instance s’inquiète du « décalage entre les conditions d’ouverture envisagées et le niveau de vaccination de la population » le 19 mai

O n ne lui a pas demandé


son « avis » sur le calen­
drier du déconfinement,
mais le conseil scientifique en­
tend bien faire savoir à quel point
pulation qui sera atteint » le 19 mai,
date à laquelle les commerces et
les terrasses de café rouvriront.
Mettant en garde contre « une
sortie précipitée », les scientifiques
respecté les gestes barrières et les
mesures de distanciation physi­
que, ils sont maintenant gagnés
par « une impression délétère de
ne plus voir le bout du tunnel ». « Le
seuil de 10 000 contaminations
quotidiennes est un peu en des­
sous de ce qui avait été atteint à la
levée du deuxième confinement,
celui de 5 000 correspond à la
semaine, « soit 10 000 nouveaux
cas par jour » (contre environ
20 000 actuellement), « les mois
qui viennent seront beaucoup plus
faciles à gérer ». Dans le cas con­
« Soyons prudents parce que ce
qui va se passer n’est pas forcément
ce qu’on a envie qui se passe », in­
siste Bruno Lina, inquiet de la « si­
tuation compliquée » qui nous at­
la stratégie du président de la Ré­ recommandent d’attendre que relâchement des mesures de res­ situation de la France au lende­ traire, ils « seront très incertains », tend si ces mutants continuent de
publique lui paraît risquée. Dans 35 millions de Français – soit deux triction ne doit pas être considéré main du premier confinement au insiste l’avis. « Avec un peu de gagner du terrain. « Nous avons
un document de 36 pages remis tiers de la population adulte – comme un signal de relâchement printemps 2020. chance, si la tendance des derniers beaucoup d’atouts. Ne gâchons
au gouvernement jeudi, l’ins­ aient reçu une première injection général », insistent­ils. Car, dans jours se confirme, on y arrivera au pas tout en laissant tout aller trop
tance qui conseille l’exécutif dans pour lever les mesures de freinage. ce cas, les effets bénéfiques de la « Ne gâchons pas tout » 19 mai », estime Bruno Lina, viro­ vite », défend­il.
la gestion de la crise du Covid 19 Cet objectif reste incertain : au vaccination pourraient ne pas Au rythme actuel, « on les attein­ logue et membre du conseil Pour le conseil scientifique, une
s’inquiète d’un calendrier décor­ 9 mai, seuls 17,8 millions de Fran­ suffire à éviter un rebond épidé­ drait respectivement les 25 mai et scientifique, en soulignant que la possibilité serait d’ajuster le degré
rélé des données épidémiologi­ çais avaient reçu au moins une mique comme le suggèrent les 15 juin 2021 », relève l’avis. « Par baisse du nombre de contamina­ d’ouverture dans chaque région,
ques. Elle plaide pour une réou­ dose. Selon le conseil, il faudrait scénarios de deux équipes de mo­ rapport à un plateau élevé, le choix tions est « plus rapide que prévu ». en fonction de la dynamique épi­
verture « prudente et maîtrisée » vacciner « 500 000 personnes par délisateurs – celle de Vittoria Co­ d’un plateau bas pour les semai­ La diffusion de versions plus démique, de la circulation des va­
afin d’éviter une « possible qua­ jour au moins » pour l’atteindre et lizza (Inserm) et de Simon Cau­ nes à venir permettrait d’atteindre contagieuses ou plus mortelles riants, du niveau de vaccination,
trième vague » de l’épidémie de limiter le risque de reprise épidé­ chemez (Institut Pasteur). un niveau de couverture vaccinale du virus reste cependant une et de la situation dans les hôpi­
Covid­19 dès cet été. mique. Au cours des sept derniers « La question fondamentale est suffisant (35 millions de primo­ épée de Damoclès au­dessus de taux. « Cette approche régionalisée
Le conseil – qui s’est « autosaisi » jours, un peu plus de 450 000 in­ celle du niveau auquel on souhaite vaccinées au 30 juin 2021) pour en­ nos têtes. On observe ainsi en Ile­ pourrait être mise en place dès la
pour rédiger cet avis, contraire­ jections ont été réalisées en voir l’incidence des cas se stabili­ visager sereinement le relâche­ de­France une augmentation du mi­mai », suggèrent les scientifi­
ment à d’autres, sollicités par l’exé­ moyenne par jour, mais le gouver­ ser, dans un contexte où l’élimina­ ment des mesures de restriction, et nombre de cas liés aux variants ques. Dans cette éventualité, l’ho­
cutif – reconnaît que la réouver­ nement anticipe un ralentisse­ tion n’est pas envisagée à court aborder la période estivale dans les ayant acquis la mutation 484K, ca­ rizon du déconfinement pourrait
ture est « souhaitable » car elle « ré­ ment avec les longs week­ends de terme », soulignent les scientifi­ meilleures conditions », défendent pables de déjouer en partie l’im­ bien s’éloigner pour les Franci­
pond à de fortes attentes et donne l’Ascension et de la Pentecôté. ques du conseil, en rappelant que les auteurs, en soulignant qu’il munité acquise par la vaccination liens : avec une incidence supé­
une perspective à l’ensemble de la Les scientifiques craignent par « l’intensité des mesures de frei­ s’agit du choix fait par plusieurs ou une première infection. « Il est rieure à 300 cas pour 100 000 ha­
société », avec des bénéfices psy­ ailleurs que la perspective du dé­ nage pour rester en plateau est la de nos voisins européens, dont encore possible de freiner leur bitants, l’Ile­de­France est en
chologiques, sociaux et économi­ confinement n’incite les Français même, que ce plateau soit à l’Irlande et le Portugal. diffusion », avance le scientifique, queue de peloton, bien loin der­
ques « sans doute majeurs ». Mais il à baisser la garde trop tôt. « Une 30 000, 10 000 ou 5 000 nouveaux Si, « au cours de la réouverture », plaidant pour un maintien « pen­ rière la Corse et la Nouvelle­Aqui­
s’alarme du « décalage entre les lassitude s’est installée chez nos cas par jour (qui correspondent à la circulation virale se stabilise à dant quelques semaines encore » taine, dont l’incidence dépasse à
conditions d’ouverture envisagées concitoyens », notent­ils, ajoutant des incidences respectives de 300, « une incidence inférieure à 100 » des gestes barrières et de la dis­ peine les 100 cas pour 100 000. 
et le niveau de vaccination de la po­ que, s’ils ont jusqu’à présent bien 100 ou 50/100 000/semaine) ». Le cas pour 100 000 habitants par tanciation physique. chloé hecketsweiler
0123
MARDI 11 MAI 2021 planète | 9

Comment la Bretagne accueille


les évacués sanitaires
Les établissements bretons ont été particulièrement sollicités
pour prendre en charge des malades venus de territoires surchargés

REPORTAGE « C’EST VIOLENT, J’AI 
tion reste élevé. « Au printemps
2020, on était à 500, le pic en no­
brest, vannes ­ envoyé spécial
DES TROUS DE MÉMOIRE.  vembre nous a fait atteindre

S ur le panneau d’affichage
de la salle de détente des
soignants, dans le service
de réanimation polyvalente de
l’hôpital La Cavale blanche, du
IL FAUT ABSOLUMENT 
QUE JE REMARCHE 
800 hospitalisations, et, là, on est
quand même à 740, dont près de
90 en réanimation », résume
Stéphane Mulliez. Trois fois par
semaine, une réunion se tient
centre hospitalier régional uni­
ET QUE JE ME RAPPROCHE  pour faire le point épidémiologi­
versitaire (CHRU) de Brest, DE MES ENFANTS  que, évoquer les évacuations sani­
l’écharpe blanche et verte « Allez taires possibles, les tensions hos­
les Verts », aux couleurs du ET PETITS­ENFANTS » pitalières éventuelles.
célèbre club de football de Saint­ JEAN-PIERRE GAMBA
Au centre hospitalier de Van­
Etienne, étonne. Dessous, un septuagénaire arrivé le 23 avril nes, on continue également à
mot : « Merci, chers amis méde­ en Bretagne surveiller les courbes et les chif­
cins, infirmiers, infirmières, aides­ fres. Ici, une quinzaine d’« éva­
soignants et femmes de ménage san » ont été accueillis. « Pour la
de m’avoir remis sur le chemin première vague, contrairement à
de la vie, je vous dois beaucoup et été contaminé. Arrivé le 23 avril celles qui ont suivi, on ne deman­
je ne vous oublierai jamais. en Bretagne, Jean­Pierre Gamba a dait pas aux malades ou à leurs
Kenavo. » La carte rappelle le sé­ pu voir une partie de sa famille en familles les autorisations pour
jour d’un patient venu de Roanne, « visio », le 1er mai. l’évacuation. On transférait tous
en Auvergne­Rhône­Alpes, et Au CHRU de Brest, 52 malades ceux qui étaient transférables »,
transféré en Bretagne. ont ainsi été accueillis, dont une explique le docteur Julien
De nombreux autres messages vingtaine depuis janvier. La Huntzinger, chef du service de
témoignent de cette reconnais­ Bretagne a vu d’abord des mala­ réanimation polyvalente.
sance. Ceux envoyés par les « éva­ des du Grand­Est et de l’Ile­de­
san », pour « évacuation sani­ France, puis, pour la deuxième Mise en place de « visios »
taire », sont peut­être les plus tou­ vague, de Provence­Alpes­Côte Les patients n’avaient même pas
chants. Endormis à Strasbourg, d’Azur et d’Auvergne­Rhône­Al­ idée qu’ils pourraient être trans­
Compiègne, Nice ou Paris, dans pes, principalement de Saint­ férés. « Il fallait leur annoncer, à
patients pris en charge pendant cette troi­ choc d’objectifs, j’ai prévenu les chirurgiens une situation alarmante, ils se ré­ Etienne, et, enfin, depuis le début leur réveil, qu’ils étaient à 400, 500
sième vague par le service d’anesthésie de qu’il allait falloir être très patient. » veillent, souvent de nombreux de l’année, des Hauts­de­France. kilomètres de chez eux et on n’était
l’hôpital, progressivement réintégrés en A l’hôpital Nord de Marseille, le réanima­ jours plus tard, à Brest, Lorient, Pour cette troisième vague, des pas sûrs qu’ils comprennent
réanimation. « Les asthmes aigus graves, les teur Marc Leone a, enfin, pu fermer « un Quimper, Rennes ou encore Van­ « jumelages » ont été organisés, la vraiment au début. La mise en
pneumonies, les patients suivis pour cancer… tableau de gardes » supplémentaires pour nes, loin de leurs familles. Bretagne accueillant les patients place des visios a été primordiale,
sont toujours là, résume la chef de service. ses médecins en fin de semaine et commen­ « La situation est toujours ten­ du nord de la France, ceux d’Ile­ pour stimuler le patient et rassurer
Ce sont nos malades habituels qui revien­ cer à remettre les infirmiers et les aides­soi­ due avec le Covid, notamment en de­France étant dirigés vers la les familles », témoigne Christo­
nent, toute une frange de la population gnants à un « rythme plus normal ». « Depuis raison des restrictions de visite, Nouvelle­Aquitaine. phe Chamaillard, kinésithéra­
qui s’était peut­être un peu mise de côté pen­ mercredi, on va vers le mieux, souligne le mais, pour les “évasan”, c’est en­ Avec près de 130 patients ac­ peute du service de réanimation.
dant la crise, en faisant des téléconsultations chef de service, qui a pu fermer une petite core plus compliqué. Et on oublie cueillis, la Bretagne a été, avec la Il se souvient avoir dû dessiner
et en s’automédiquant. » dizaine de lits. Mais tout est remobilisable aussi qu’il faut préparer le retour, Nouvelle­Aquitaine, la région la une carte de France pour une pa­
La répartition entre les lits Covid et non­ d’un jour à l’autre, et ça va rester tel quel le rapatriement dans leur région plus sollicitée depuis mars 2020 tiente arrivée de Nice afin de lui
Covid s’ajuste en permanence : « Il ne faut plusieurs semaines, prévient­il. On est d’origine, et celui­ci est souvent – 658 transferts ont eu lieu au to­ montrer où était Vannes.
pas se tromper, reprend Muriel Fartoukh. Ma beaucoup plus prudents qu’au printemps médicalisé », explique Jean­Marie tal en métropole, dont 189 lors de « Depuis la deuxième vague, des
seule inquiétude, c’est toujours celle du débor­ 2020, le desserrement des mesures de Tonnelier, anesthésiste et chef du la troisième vague. Plusieurs rai­ prises en charge ont été mises en
dement, si jamais un, deux, trois patients freinage est plus précoce, et on sait surtout pôle soins d’urgence et réanima­ sons à cela, explique Stéphane place afin que les familles n’aient
Covid de plus arrivent et qu’on n’a pas les lits qu’on ne reviendra pas à une situation tion du CHRU de Brest. Les mala­ Mulliez, le directeur de l’agence rien à débourser », insiste Béatrice
suffisants… même si, heureusement, la solida­ “zéro Covid” dans les mois qui viennent, il des peuvent passer jusqu’à deux régionale de santé (ARS) de Breta­ Nicolas, la directrice adjointe de
rité entre établissements est très forte. » va falloir s’organiser pour accueillir toujours mois loin de chez eux et, quand ils gne. « Nous avons été une région l’établissement, chargée des rela­
Chez elle comme ailleurs, une variable un peu plus de patients. » rentrent, ils devront être suivis. relativement épargnée par le Co­ tions avec les usagers. Malgré
nouvelle s’impose dans l’équation : l’épuise­ Ce sont aussi les infirmiers venus en vid, avec donc plus de latitude pour cela, les voyages restent compli­
ment plus sévère des personnels para­ renfort qui vont bientôt repartir vers leurs « Combler le trou noir » recevoir des malades. Ensuite, la qués pour les familles, avec des
médicaux et des médecins. A compter du services d’origine, augurant une « charge de Une boîte mail a été créée afin que Bretagne a toujours été une terre temps de visite sur place souvent
17 mai, la chef de service espère pouvoir travail qui ne va pas diminuer si vite que ça, les familles puissent laisser des de solidarité, je l’ai immédiatement contraints. Certaines d’entre elles
laisser certains médecins s’arrêter, ne se­ relève Sabine Valera, infirmière dans une messages, qui seront ensuite réu­ ressenti quand j’ai organisé les pre­ refusent d’ailleurs de voir leurs
rait­ce qu’une semaine : « Ça fait un an autre réanimation de l’hôpital marseillais. nis dans un carnet de bord, sur mières réunions, l’an dernier, de proches s’éloigner. « On doit être
que ça dure, le surrégime, et c’est loin d’être On a encore un peu de mal à croire que c’est le papier, avec des photos, la présen­ chefs d’établissements, prêts à se beaucoup plus précautionneux
fini », souligne­t­elle. bout du tunnel », reconnaît­elle. tation du service et des person­ mobiliser. Enfin, on s’est spécialisé, avec ces familles auxquelles on
Avec un sujet crucial que tous ont en tête : nels, que le malade pourra au fil de l’an, avec une équipe qui impose des choses difficiles, beau­
PAS AU MÊME RYTHME les vacances d’été à « préserver » à tout prix emporter avec lui. « Pour combler coordonne ces évacuations. » coup plus présents, grâce à des
Dans la région Hauts­de­France, la première pour les soignants. « Sinon on va perdre tout le trou noir, précise le docteur Depuis l’arrivée en Bretagne, dé­ vidéos dans lesquelles on se pré­
étape du désarmement doit intervenir, le monde », lâche un médecin. Dans les hôpi­ Laetitia Bodenes. Souvent, les but avril 2020, de 36 malades de sente, on montre les lieux », dit en­
lundi 10 mai, avec 80 lits de soins critiques taux, on réfléchit déjà aux leviers pour pas­ patients Covid sont un peu perdus l’Ile­de­France par deux TGV mé­ core le docteur Huntzinger.
qui vont fermer, dans des établissements ser cette période délicate. « On va faire les durant un voire plusieurs jours dicalisés, les choses ont évolué. Alban (qui ne veut pas donner
qui ont frôlé les 1 000 lits ouverts au pic de sorties d’école », dit, en riant à moitié, le pro­ quand on les extube, d’autant plus « Après cette première expérience, son nom de famille), 62 ans, est
la vague en avril, soit le double de la capa­ fesseur Olivier Claris, à la tête de la commis­ quand ils viennent de loin. » j’ai plaidé pour un changement de resté trente­deux jours en « réa » à
cité habituelle. « C’est un premier palier sion médicale d’établissement des Hospices Le CHRU de Brest, ce lundi 3 mai, méthode. Avec ces arrivées en Vannes. Hospitalisé à Cochin, à
prudent, mais nous espérons très vite aller civils de Lyon. Autrement dit : le responsa­ accueille encore neuf patients grand nombre, on savait qu’on Paris, fin mars 2020, il a été
plus loin », dit le docteur Jean­Paul Gouello, ble espère recruter un nombre d’infirmiers contaminés par le SARS­CoV­2 en aurait du mal à accueillir les pa­ transféré par TGV début avril. « A
conseiller médical à l’agence régionale de et d’aides­soignants plus élevé que l’effectif réanimation, dont un « rapasan », tients dans de bonnes conditions. mon arrivée, on m’a dit que j’étais à
santé chargé des soins critiques. Avec cette embauché habituellement. « Il va falloir être un rapatrié sanitaire en prove­ On a poussé pour un dispositif Vannes. Tout se brouillait, je
difficulté que la décélération ne va pas au le plus imaginatif possible pour convaincre le nance du Cameroun, et seize en d’évacuation sanitaire “perlée”, croyais être toujours à Cochin. On
même rythme selon les territoires : « Nous plus possible de diplômés. »  médecine post­urgence. Ce ser­ qui permet d’affecter les malades ne nous avait demandé ni à moi ni
souhaitons que tous les établissements, y camille stromboni vice vient d’accueillir le dernier au mieux de nos possibilités », à ma famille notre accord, mais ça
compris ceux encore très en tension, puissent évacué sanitaire en provenance poursuit Stéphane Mulliez. Pour s’est bien passé. Chaque jour, ma
revenir à des taux d’occupation raisonna­ de la « réa ». Et dans la chambre ces TGV spéciaux, à la logistique famille recevait un compte
bles », souligne le responsable. Pour cela,
des transferts de patients intrarégionaux
L’UE signe un nouveau contrat 123 qu’il a rejointe, Jean­Pierre
Gamba commence à trouver le
impressionnante, les équipes
bretonnes devaient venir à Paris,
rendu », raconte Alban.
Deux semaines après son arri­
étaient prévus durant le week­end, afin de avec BioNTech-Pfizer temps long. « Cela fait longtemps avec le matériel, les respirateurs vée, il a pu être extubé. « On était
libérer des places dans le Hainaut et l’Oise, La présidente de la Commission européenne, Ursula von der que je n’ai pas vu mes proches. Que par exemple, se loger à l’hôtel, contents de pouvoir se parler, de se
où la baisse est plus lente. Leyen, a annoncé samedi 8 mai la signature d’un nouveau je n’ai pas bougé aussi. C’est vio­ puis tout organiser. voir par visio. Quel que soit l’en­
« Notre vrai problème, c’est aussi de pou­ contrat pour acheter jusqu’à 1,8 milliard de doses de vaccin lent, j’ai des trous de mémoire et il Aujourd’hui, la région continue droit où vous vous trouvez, la
voir laisser les soignants qui en ont besoin anti-Covid à BioNTech-Pfizer. L’Union européenne n’a en faut absolument que je remarche. d’afficher sa disponibilité pour parole devient merveilleuse »,
prendre du repos dès la fin mai, souligne revanche pour l’instant pas renouvelé son contrat de fourni- Que je me rapproche aussi de mes l’accueil, à condition que la situa­ témoigne encore cet ingénieur
François René­Pruvot, président de la com­ ture de vaccin avec AstraZeneca à l’issue du mois de juin, enfants et petits­enfants. Ici, cela tion sanitaire y reste préservée. géologue, qui s’est promis de
mission médicale d’établissement du CHU a fait savoir dimanche le commissaire européen chargé fait trop loin pour qu’ils viennent », Mais la vigilance reste de mise. Si revenir dès qu’il le pourra en
de Lille. C’est le moment où l’on va pouvoir du marché intérieur, Thierry Breton, qui n’a pas voulu dire confie ce malade, venu de le taux d’incidence y est de 122 au Bretagne, pour revoir ceux qui
commencer à reprogrammer plus largement si le non-renouvellement actuel signifiait une fin Compiègne. Le septuagénaire ne 7 mai, quand il monte à 199 natio­ l’ont accompagné. 
l’activité chirurgicale, mais il va y avoir un de non-recevoir définitive. sait plus quand et comment il a nalement, le niveau d’hospitalisa­ rémi barroux
FRANCE
0123
10 | MARDI 11 MAI 2021

Le Pen reconstitue son capital politique
Quatre ans après 2017, le RN est de moins en moins vu comme un danger mais toujours jugé peu crédible

L
e Rassemblement natio­ Le niveau d’adhésion aux idées du Rassemblement La perception du danger représenté par le parti
-
nal (RN) se remet lente­ national (RN) Pensez-vous que le Rassemblement national représente un danger pour la démocratie en France ?
ment de l’échec de l’élec­ En % des réponses
Etes-vous en accord avec les idées défendues par le RN ?
tion présidentielle de
En % des réponses positives
2017 et a repris sa conquête de 75
l’opinion, tant au niveau du 2011 Février 2017 73 Oui, il représente Février 2017
70 un danger
soutien des idées qu’il défend Marine Le Pen 33 67
71
que de l’image de sa présidente, 32 prend la tête du parti 66 58
22 29 55
66 65 56
mais à un rythme mesuré. Il ap­ 28 28
62
49
paraît moins aujourd’hui 26 52
comme un danger pour la démo­ 43 50 47
cratie et fait résolument partie 42
du paysage politique – il reste
Février 2018 38 34
33
28
33
29 37 36 42
néanmoins à Marine Le Pen du 26 25
chemin à parcourir pour restau­ 18 24
25 26 Non, il ne représente
rer son image et revenir à son ni­ 23 pas un danger
veau record d’avant la dernière 11 19
* Sans opinion : 9 %
présidentielle.
Nov. Oct. Avril Mai Janv. Mai Oct. Oct. Sept. Juin Avril Mai Déc. Janv. Fév. Mai
Tels sont les principaux ensei­
1984 1991 1996 2002 2010 2021 1983 1987 1990 1993 1996 2002 2006 2010 2016 2021*
gnements du baromètre annuel
Kantar Public pour Le Monde et
Franceinfo, une enquête réalisée La capacité du RN à accéder au pouvoir L’image de Marine Le Pen
en face­à­face, du 29 avril au Pensez-vous que le RN puisse accéder au pouvoir un jour en France ? Pour chacun des qualificatifs suivants, diriez-vous qu’il s’applique bien
4 mai, sur un échantillon repré­ En % des réponses à Marine Le Pen ?
sentatif de 1 015 personnes selon Dont sympathisants… (Evolution 2020-2021) En % des réponses positives
la méthode des quotas. Les Capable de prendre
4 2 2 4 1
conclusions de ce baromètre Sans 70 69 69 des décisions
sont particulièrement intéres­ Oui opinion 26 12
53 56 (+ 1)
santes parce qu’il balaie, année
47
55 Non 44 42 (+ 3) 49 60 Comprend les problèmes
quotidiens des Français
par année, une période de plus (– 13) (+ 13) 53
(+ 4) 50 49 53
de trente ans.
46 Capable de rassembler
Le niveau d’adhésion aux thè­ Non 87 40 49 42 au-delà de son camp
40 38 72 42
mes lepénistes, sur une très lon­
gue période, est en effet assez
36 (– 3)
(– 2)
30 28
37 Honnête et inspire
Oui 52 56 34 confiance
stable : 26 % des Français étaient 47
(– 5) (+ 13) 20 22 24
globalement d’accord avec les (– 14) 24 Ferait une bonne
idées du parti en 1984, 29 % * Sans opinion : 9 % 10 présidente
aujourd’hui. Le pire moment de la République
pour le Front national (FN) a été Fév. Fév. Fév. Mai … de gauche ... LRM … de droite ... LR ... RN Janv. Fév. Fév. Fév. Mai
mesuré en mai 1999, après la 2018 2019 2020 2021* 2013 2015 2017 2019 2021
scission des partisans de Bruno
Sondage Kantar Public pour Le Monde, Franceinfo, effectué du 29 avril au 4 mai 2021, sur un échantillon de 1 015 personnes, représentatif de l’ensemble de la population
Mégret, qui a sérieusement Infographie : Le Monde
âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas et stratification par région et catégorie d’agglomération. Enquête réalisée en face-à-face au domicile des personnes interrogées.
ébranlé le parti. L’élection à la
tête du FN de Marine Le Pen
en 2011 a relancé une dynamique,
et l’adhésion aux thèses lepénis­
tes s’est stabilisée à 33 % ou 34 % çais estiment qu’il ne représente teur international pour les études mais sa crédibilité pour diriger la A un an de la peut faire sur son seul nom, et a
jusqu’en 2017, avant de s’effon­ plus un risque pour la démocra­ politiques de Kantar Public, alors France reste incontestablement des difficultés à trouver des al­
drer à 24 % après l’échec de Ma­ tie, soit une hausse de six points que le RN est en bien meilleure faible. « On est à mi­chemin entre présidentielle, liés. » La part des sympathisants
rine Le Pen. Depuis, année après depuis 2017, contre 49 % qui esti­ forme électorale : il y a bien une ac­ le très bon niveau de février 2017, l’atout principal des Républicains qui souhaitent
année, le RN grignote du terrain, ment que le RN est encore dange­ coutumance au RN dans l’espace 38 % des Français considèrent que une alliance avec le RN (33 %) a
pour atteindre aujourd’hui 29 % reux : c’est l’un des résultats les politique. » ce parti avait la capacité de parti­ de Marine Le Pen chuté de 15 points en un an, alors
d’adhésion – trois points, cepen­ plus serrés qu’ait enregistré le ciper à un gouvernement, note reste la solidité qu’ils envisagent facilement une
dant, au­dessous du niveau ob­ baromètre depuis 1983 – l’entre­ L’image de Le Pen progresse Emmanuel Rivière, et patatras ! alliance avec LRM.
tenu à la veille du scrutin de 2017. prise de « dédiabolisation » de Reste un problème récurrent de l’année suivante quand on refait
du socle A un an de la présidentielle,
Marine Le Pen a visiblement crédibilité. 55 % des Français esti­ le baromètre, on est à 28 %, dix de ses électeurs l’atout principal de Marine Le Pen
« Accoutumance au RN » porté ses fruits. ment certes que le RN finira par points de moins. Et aujourd’hui, reste la solidité du socle de ses élec­
La sympathie pour les thèses du Le taux de 2013 (47 % estiment accéder au pouvoir, 87 % des élec­ avec trois points de gagnés, on est teurs : 91 % d’entre eux souhaitent
RN se traduit naturellement sur que le RN est dangereux, 47 % qu’il teurs du RN bien sûr, mais aussi à mi­chemin. » ainsi pas entièrement restauré les qu’elle soit candidate en 2022, c’est
le plan électoral : le nombre ne l’est pas) est plus singulier. Ma­ 72 % les électeurs de droite, 56 % L’image de Marine Le Pen, de son éléments­clés de son image, la dy­ une spécificité propre au RN. En re­
d’électeurs qui envisagent de vo­ rine Le Pen avait obtenu 17,9 % au des sympathisants de La Républi­ côté, après le violent décrochage namique est incontestablement vanche, la réparation des dégâts
ter pour la première fois pour le premier tour de la présidentielle que en marche (LRM) ou 52 % de de 2017, progresse en un an sur plus difficile entre 2017 et 2022 après sa contre­performance de
parti augmente de quatre points l’année précédente, et le chiffre gauche. C’est finalement la fa­ quasiment tous les items : elle est qu’elle ne l’a été entre 2012 et 2017. 2017 est lente, notamment sur les
en un an, alors que celui de ceux s’explique par la conjonction d’un mille du parti Les Républicains volontaire, capable de prendre des L’amélioration la plus nette, questions de crédibilité. « On n’est
qui l’abandonnent ne recule que niveau élevé de soutien à ses idées, (LR) qui en doute le plus (47 %). décisions (+ 2), comprend les pro­ c’est sa capacité à rassembler au­ pas dans la banalisation, conclue
de trois points. Au total, 27 % des du changement d’image après la Pourtant, seulement 33 % des blèmes des Français pour 42 % des delà de son camp, 42 % en 2017, Emmanuel Rivière, au sens où l’en­
sondés envisagent de voter pour succession de son père, mais aussi personnes interrogées pensent sondés (+ 3), mais elle n’a toujours qui sont retombés à 30 % l’année vie de s’allier avec le RN reste faible
le RN, un niveau qui se rapproche par l’impression que le FN restait que le parti a la capacité de parti­ pas rattrapé son niveau de 2017, et suivante, et qui remontent, an­ chez les Républicains, mais on con­
des intentions de vote d’avant loin du pouvoir. Le climat a changé ciper à un gouvernement, que ce sur une période de huit ans, de­ née après année, pour atteindre sidère moins le parti comme un
2017 (29 %). Ce taux était lourde­ par la suite, avec la progression soit chez les électeurs de LRM puis janvier 2013, les indicateurs 37 % aujourd’hui. « Sa capacité à danger pour la démocratie. Son ins­
ment tombé après l’échec de la constante du FN, des européennes (24 %) ou de LR (31 %). Cependant sont tous en baisse : 24 % seule­ rassembler au­delà du RN s’est cription dans le paysage est réelle,
présidentielle, pour plafonner de 2014 (24,86 %) aux régionales de le nombre de sympathisants de ment des Français estiment qu’elle améliorée, mais reste relative­ au point que le scénario le plus pro­
en 2018, à 22 %. 2015 (27,70 %). « Ce qui est frappant, LR qui croient en la capacité de ferait finalement « une bonne pré­ ment limitée, constate Emma­ bable un second tour Macron­Le
Parallèlement, le RN apparaît c’est qu’on se rapproche gouverner du RN a augmenté en sidente de la République » – elle nuel Rivière. De fait, cela s’est Pen, semble la nouvelle normalité
de moins en moins comme un aujourd’hui du chiffre de 2013, ob­ un an de sept points : c’est encou­ était tombée à 16 % au lendemain bien vu aux municipales : le RN en politique. » 
parti dangereux, 42 % des Fran­ serve Emmanuel Rivière, direc­ rageant pour Marine Le Pen, de 2017. La présidente du RN n’a reste réduit aux conquêtes qu’il franck johannès

Les électeurs LR partagés entre la tentation RN et le recours LRM


Proches de l’extrême droite sur certaines questions de société, les sympathisants de droite sont 47 % à préférer une alliance avec le macronisme

L es électorats du Rassemble­
ment national (RN) et du
parti Les Républicains (LR)
ont beau être proches sur de nom­
breux points, notamment les
« les djihadistes binationaux doi­
vent être déchus de la nationalité
française », comme 88 % des sym­
pathisants LR. « On ne défend pas
assez les valeurs traditionnelles »
la possibilité de trouver des alliés,
estime Emmanuel Rivière, le di­
recteur des études internationales
de Kantar Public, et de se sortir du
corner qu’il n’est jamais vraiment
tour – et la situation s’est dégradée,
ils étaient 48 % en 2020. A l’in­
verse, 47 % des sympathisants de
LR jugent qu’ils devraient s’allier
ou fusionner avec LRM au second
Dans l’ensemble des sondés,
42 % estiment qu’il faut fusionner
ou se retirer au second tour pour
faire barrage au RN (27 % ne sont
pas d’accord). Près de la moitié des
La perspective, enfin, d’un prési­
dent ou d’une présidente de ré­
gion RN est assez massivement re­
jetée par l’ensemble des Français :
49 % des électeurs en seraient mé­
questions sécuritaires ou d’iden­ pour 90 % du RN et pour 79 % des parvenu à quitter. » Les choses tour. « A peu près la moitié des gens LR (46 %) sont favorables à ce front contents, et surtout 36 % en se­
tité, l’intention de s’allier avec le LR (contre 66 % pour l’ensemble bougent : 31 % des électeurs LR esti­ qui sont proches des Républicains républicain, c’est­à­dire à fusion­ raient « très mécontents », 13 % « as­
RN est modérément appréciée des Français). « La justice n’est pas ment que le RN pourrait participer regardent du côté de La République ner ou se retirer au profit de la liste sez mécontents ». « Le RN n’est pas
chez les sympathisants LR – le son­ assez sévère avec les petits délin­ à un gouvernement, soit sept en marche, résume Emmanuel Ri­ la mieux placée quelle qu’elle soit, complètement un parti comme les
dage Kantar Public pour Le Monde quants » estiment 88 % des sympa­ points de plus qu’en 2020. vière. Un tiers est attiré par le RN. même chose pour LRM (71 %), et autres, reprend Emmanuel Ri­
et Francinfo le prouve assez nette­ thisants RN, 85 % des LR, et 63 % Ça ne laisse pas grand monde sur la 62 % pour les sympathisants de vière. Il n’y a pas seulement un
ment. A la veille des élections ré­ pour l’ensemble de la population. Résistance du front républicain ligne chimiquement pure de l’état­ gauche. Hors front républicain, les nombre important de personnes
gionales de juin, les reports de 88 % des proches du RN estiment Mais Les Républicains souhaitent major des Républicains, ni LRM ni sympathisants de LRM sont tout à qui se disent mécontentes d’avoir
voix ne se présentent ainsi pas enfin qu’« il y a trop d’immigrés en moins une alliance avec le RN RN. » En revanche, les électeurs RN fait favorables à l’idée d’une fusion un président de région RN, ils le di­
sous le meilleur auspice pour le France », contre 67 % des LR et 46 % qu’avec La République en marche n’ont eux guère de problèmes à en­ avec LR (64 %) au second tour. Et si sent avec intensité, avec ces 36 %. Le
parti d’extrême droite. des Français. (LRM). 33 % seulement des LR esti­ visager une alliance avec Les Répu­ les LR sont prêts à s’allier avec LRM rejet d’un président de La France in­
LR et le RN partagent certes des « Mais l’une des questions fonda­ ment que leur parti devrait s’allier blicains (58 %) et volent volontiers pour faire barrage à la gauche soumise n’est, lui, par exemple, que
inquiétudes communes : 92 % des mentales par rapport à la destinée ou fusionner avec les listes Ras­ au secours du candidat de droite (41 %), les macronistes y sont en­ de 22 %. » 
électeurs lepénistes estiment que du RN et ses espoirs pour 2022, c’est semblement national au second au second tour. core plus favorables (51 %). f. j.
0123
MARDI 11 MAI 2021 france | 11

« Le plan
de relance,
on n’en a pas vu
la couleur »
Dans l’Aisne et dans la Somme,
où le taux de chômage figure
parmi les plus élevés de France,
certaines des entreprises aidées
par l’Etat ont continué de licencier,
nourrissant l’incompréhension

REPORTAGE Ils ont changé les codes du parking


pour qu’on ne puisse plus rentrer,
albert (somme), tergnier (aisne)
­ envoyée spéciale
ils avaient peur qu’on casse tout. »
Parmi les ouvrières licenciées,

I
ci, on fabrique des bracelets certaines veulent aller aux
de montre qui valent plus prud’hommes. Les élus locaux, La tête d’un Airbus A320, près de la gare d’Albert (Somme), le 10 février. GUILLAUME HERBAUT POUR « LE MONDE »
cher qu’un iPhone. Certaines eux, sont prudents. Pour la petite
pièces montent même à municipalité de Tergnier, la pré­
10 000 ou 15 000 euros. Cousus à sence de Camille Fournet est es­ d’avion vert, de R & D [recherche et Au sein de l’exécutif, on assure « Personne du (200 salariés), ou encore celui
la main, les modèles partent en­ sentielle. C’est l’un des plus im­ développement], mais nous ne que le plan de relance a bien voca­ d’Arkema (70 personnes), en 2014,
suite chez « Cartier, Rolex ou Patek portants employeurs de cette sommes pas du tout dans ces pha­ tion à créer de l’emploi dans l’in­ gouvernement où travaillaient encore 2 000 per­
Philippe », égrène fièrement Lau­ ville ouvrière aux maisons en bri­ ses­là, on fait de l’assistance techni­ dustrie. « C’est pour robotiser, pas n’est venu. Ce sonnes dans un passé pas si loin­
rence – les prénoms des salariés que rouge, qui a vu partir les usi­ que sur les avions… L’argent aurait pour licencier, insiste le ministre tain. Et surtout, l’usine historique
ont été modifiés –, une ancienne nes les unes après les autres. « Je dû aider à préserver l’emploi. » de l’économie, Bruno Le Maire. Je n’est pas comme de Saint­Gobain, ouverte en 1692
de la maison Camille Fournet, ne veux pas tirer sur une entreprise La crise, qui a cloué les avions ne veux pas de contraintes socia­ si le président par Colbert, et qui donna son
sous­traitant de grandes marques locale, il y a de l’emploi en jeu », ad­ au sol, a été d’une brutalité inouïe les. Mais cela n’empêche pas de nom à l’entreprise. La fierté régio­
d’horlogerie implanté à Tergnier, met Aurélien Gall, adjoint au pour les nombreuses PME qui tra­ veiller à ce que les entreprises ne
était d’Amiens ! » nale. « C’est là que fut coulé le verre
petite commune rurale de l’Aisne. maire dans cette ville commu­ vaillent pour Airbus, employeur fassent pas n’importe quoi. Il faut FRANÇOIS FALIZE de la grande pyramide du Louvre…
Laurence a 40 ans, deux enfants niste où Marine Le Pen est arrivée indirect de toute la région par le regarder au cas par cas. » secrétaire de l’union locale Mais, cinq ans après, le site fer­
en bas âge, un mari au chômage en tête en 2017, comme dans tou­ biais de sa filiale Stelia. Quelque CGT d’Albert (Somme) mait », raconte Frédéric Mathieu,
depuis six ans, et a été licenciée il y tes les communes environnantes. 800 postes ont été supprimés à Al­ « Première fois qu’on est aidés » le maire de cette petite com­
a quelques mois. Comme Marine, « Et puis la marge de manœuvre bert et dans sa périphérie, soit près Localement, ces injections d’ar­ mune. Il espère que le plan de re­
« la cinquantaine », congédiée elle des villes est faible », soupire­t­il. d’un tiers de l’emploi ouvrier de la gent public ont aussi permis à cer­ en France. Ils sont au Maroc, en Tu­ lance lui permettra de convertir
aussi, alors même, dit­elle, qu’elle Le cas de Camille Fournet n’est ville. Mais les licenciements secs taines PME d’investir pour se mo­ nisie, c’est difficile à accepter pour sa friche industrielle en une mai­
était en arrêt maladie. Au total, pas isolé. Parmi les 1 300 entrepri­ se sont concentrés chez les sous­ derniser et moins dépendre de une entreprise française. Pour son de santé, consacrée à une
14 ouvrières de cet atelier, qui ses aidées dans le cadre du plan de traitants – Simra, AAA, Laroche In­ l’aéronautique. « C’est la première nous, c’est impossible de lutter. population locale vieillissante.
n’emploie presque que des fem­ relance, certaines continuent à li­ dustries… « Personne du gouverne­ fois qu’on est aidés pour quelque Même au Portugal, le smic est à Souvenir d’une période bénie
mes, payées au smic ou un peu cencier. Parfois en profitant du ment n’est venu, soupirent les élus chose, admet Aurélie Desailly, 500 euros, et c’est à une heure et où les ouvriers formaient une
plus, ont été licenciées depuis l’été contexte sanitaire pour mener des CGT François Falize et Olivier Cau­ responsable d’une minuscule en­ demie d’avion ! » aristocratie du travail, les retrai­
2020, soit 6 % des effectifs. restructurations en gestation, par­ chois. Ce n’est pas comme si le pré­ treprise d’outillage aéronautique Le plan de relance lui a permis tés de Saint­Gobain gagnent
Pourtant, l’entreprise, comme fois parce qu’elles ont fait face à un sident était d’Amiens ! » dans la périphérie d’Albert. D’ha­ d’embaucher un directeur com­ aujourd’hui plus que les actifs de
d’autres dans la région, a été sélec­ effondrement des commandes. Le président de la région, Xavier bitude les tout petits comme nous mercial pour recruter des clients la ville – 2 200 euros pour cer­
tionnée pour toucher une sub­ Dans la Somme et l’Aisne, où le Bertrand (ex­Les Républicains), n’ont rien. » Grâce au plan de re­ hors de l’aéronautique, et dont le tains, dit­on.
vention de 500 000 euros dans le taux de chômage figure parmi les « a passé une tête » chez Simra, lance, elle a acheté une nouvelle salaire est pris en charge à 80 %
cadre du plan de relance au titre plus élevés de France et où le vote selon Hervé Guillerme, délégué machine, un investissement par l’Etat. Mais lui aussi a dû licen­ « C’est une insulte »
du « soutien à l’investissement d’extrême droite est en constante CGT. Sébastien Chenu, le candidat qu’elle n’aurait « pas pu faire cier 11 personnes sur sa cinquan­ A l’image de Saint­Gobain, l’éco­
industriel dans les territoires ». progression, les exemples ne sont du Rassemblement national (RN) avant au moins deux ans », expli­ taine de salariés en 2020. « C’était nomie de la région se réoriente
Camille Fournet, qui a subi une pas rares, nourrissant localement aux régionales, aussi. Mais tous que­t­elle dans son atelier. un gros traumatisme pour nous, vers les services, seul débouché
« baisse de 30 % à 40 % de son acti­ une réelle incompréhension. les salariés le disent, le plus pré­ Elle s’est contentée de ne pas re­ on n’avait jamais fait de licencie­ pour une main­d’œuvre ouvrière
vité » pendant le premier confine­ sent, « c’était [François] Ruffin », le nouveler deux CDD à cause de la ment, raconte­t­il la gorge nouée. peu qualifiée. « Tout ce qu’on nous
ment selon son directeur général Brutalité inouïe député « insoumis » de la Somme. crise, sur ses sept salariés, et fera On connaît la vie de famille de cha­ propose, c’est des formations pour
adjoint Jean­Yves Basin, affirme A une demi­heure d’Amiens, dans Le RN, aussi, a tenté de les con­ « peut­être une embauche » quand cun de nos salariés, certains devenir auxiliaire de vie, enchérit
que l’argent va lui permettre de la cité ouvrière d’Albert, où sont tacter « pour discuter », raconte elle aura reçu son équipement, sont chez nous depuis plusieurs gé­ un ouvrier d’Albert qui vient
se moderniser pour réduire de concentrés quantité de sous­trai­ François Falize, secrétaire de cet automne. Son concurrent di­ nérations. Mais c’était aussi pour d’être licencié. C’est une insulte,
moitié le temps de fabrication des tants aéronautiques, le cas de l’union locale CGT d’Albert. Après rect, Somepic, qui a reçu près sauver le reste des emplois. » c’est payé au smic, presque
bracelets et de recruter « 30 sala­ AAA, employeur local qui a licen­ tout, le terrain est propice. « Le d’un million d’euros dans le cadre Dans ces régions ouvrières où la 1 000 euros de moins. »
riés à terme ». Mais l’opération a cié près de 90 personnes sur plan de relance, les salariés n’en du plan de relance a, lui, licencié désindustrialisation se mesure au Beaucoup se dirigent aussi vers
du mal à passer chez « les filles », 138 salariés cet automne et a reçu ont pas vu la couleur », résume une vingtaine de personnes. nombre de panneaux « à vendre » la manutention ou la logistique –
comme elles disent. une subvention visant à « l’ins­ Olivier Cauchois, qui ne décolère Malgré le plan de relance, les accrochés dans les villages, le plan Amazon a ouvert l’un de ses plus
« Ça m’écœure que Camille Four­ crire dans une démarche industrie pas contre « les ordonnances Ma­ sous­traitants disent n’avoir pas de relance apparaît comme « un grosses plates­formes au nord
net licencie alors qu’ils touchent des du futur » et à « diversifier les acti­ cron et la réforme de l’assurance­ bénéficié des 15 milliards mobili­ sparadrap sur une jambe de bois », d’Amiens en 2016. Mais les em­
aides de l’Etat, s’emporte Marine. vités », selon le document envoyé chômage qui va faire perdre aux sés par l’Etat pour aider la filière résume Aurélien Gall. Pour lui, plois y sont bien plus précaires.
Il n’y a eu aucune contrepartie. Je aux pouvoirs publics, a suscité personnes licenciées jusqu’à 20 % aéronautique, dont l’essentiel a « on est en concurrence avec les « Les salaires sont au smic et n’aug­
croyais que le luxe, ça marchait l’indignation. de leur indemnité ». été capté par Airbus et Air France. pays de l’Est qui n’ont pas les mê­ mentent pas, alors que, dans la
bien. Je suis en colère, ils nous ont je­ Le montant de l’aide n’a pas été Les syndicats s’inquiètent aussi « Je comprends qu’on soutienne mes normes que nous. C’est métallurgie, un ouvrier qualifié
tées dehors sans même regarder révélé, au grand dam des salariés. du devenir de l’argent. « En 2008 Airbus, car, s’ils tombent, moi je comme si dans un match de foot, peut gagner jusqu’à 2 500 euros
nos situations familiales. » Le jour « On a donné de l’argent sans aussi, les entreprises avaient n’ai plus rien », admet Luc Bétran­ une des équipes devait jouer avec brut par mois, constate Nathalie
de son licenciement, Laurence aucune contrepartie, s’insurge Ju­ acheté des machines pour se mo­ court, patron d’une PME familiale les pieds, l’autre avec les mains », Cagny. Pour quelqu’un qui a un
a travaillé toute la journée. « A lien Da’Rolt, élu CFDT chez AAA. derniser, rappelle Nathalie Cagny, du même nom implantée dans la dit­il, rappelant que « le RN a pris crédit sur son pavillon, les revenus
17 heures, ils m’ont appelée et m’ont Le donneur d’ordre Stelia [filiale de la CFDT Picardie. Certaines sont région d’Albert depuis trois géné­ quatre cantons ici en 2015 ». A six sont divisés par deux ou presque.
dit “tu ne remets plus les pieds d’Airbus] continue de délocaliser, parties direct en Afrique du Nord. rations. « La question, c’est qu’on semaines des régionales, le parti Souvent, les femmes ne travaillent
dans l’atelier”. Ils m’ont juste dit personne ne leur a demandé de re­ Or, c’est de l’argent public, il faut leur a donné des milliards sans tapisse d’ailleurs les villages de pas, ou alors comme auxiliaire de
que les commandes avaient baissé. localiser en France. On nous parle un pilotage des aides. » aucune obligation de relocaliser ces affiches promettant « une ré­ vie. Le salaire médian à 1 700 euros
gion qui vous protège ». en France, on a l’impression que
Les restructurations dans ce c’est beaucoup, mais ça ne con­
Dupond-Moretti candidat dans les Hauts-de-France coin reculé de l’Aisne ne sont pas
de celles qui font les gros titres.
cerne pas tout le monde. »
Pour trouver du travail, Marine
Ce sont plutôt des dizaines d’en­ sait qu’elle devra sans doute aller
le ténor du barreau va pouvoir donner formation d’extrême droite. « Mme Le Pen danger pour la démocratie », a rétorqué treprises, petites ou moyennes, à Saint­Quentin ou à Soissons,
de la voix. Le ministre de la justice et an­ refuse de débattre avec moi. Elle ne veut pas M. Dupond­Moretti, lors d’une visite en qui, sous le radar, réduisent leur mais elle hésite. « La route est en
cien avocat, Eric Dupond­Moretti, a an­ venir à moi, alors je viens à elle », a­t­il in­ début d’après­midi sur un marché de activité, taillent dans les effectifs, mauvais état, l’hiver il ne faut pas
noncé, vendredi 7 mai, à La Voix du Nord sisté. Avant de lancer : « Je ne veux pas chas­ Lens. « Il n’y a que de la contestation, ja­ délocalisent, et finissent par fer­ s’y aventurer, dit­elle. Et puis, faire
qu’il sera candidat aux élections régiona­ ser sur les terres du Rassemblement natio­ mais l’ombre d’une proposition, jamais mer. Ici tout le monde peut les une heure de route avec l’essence
les dans les Hauts­de­France, les 20 et nal. Je veux chasser le Rassemblement na­ l’envie de débattre », a­t­il critiqué à énumérer : il y a eu NLMK, une à payer pour gagner 100 euros de
27 juin. Non pas à l’échelle de la région, tional de cette terre. » l’adresse d’une habitante. aciérie, à Beautor, qui à son heure plus que le chômage… » Le train ?
mais comme tête de liste La République en Ils ont livré leur première passe d’armes Alors que la liste LRM dans les Hauts­de­ de gloire employait jusqu’à 1 500 « Il y a de moins en moins de des­
marche (LRM) dans le Pas­de­Calais, dépar­ samedi dans le Pas­de­Calais. Marine Le France est largement distancée dans les personnes dans les années 1970, sertes. » Laurence, elle, veut ouvrir
tement dont Marine Le Pen a fait sa terre Pen a ouvert les hostilités, raillant « l’ob­ sondages par celle du président (ex­LR) et a périclité quand le plastique une « friterie » avec son mari, à
d’élection depuis près de quinze ans. session (…) relativement étrange » du mi­ sortant de la région, Xavier Bertrand, et a commencé à remplacer l’acier Beautor « car il y a encore quatre
« Je ne veux pas que cette terre file entre les nistre à son égard, à l’issue de la cérémo­ celle du candidat lepéniste, Sébastien dans les voitures. Le site, avec ses usines qui tournent bien ». L’une
mains du Rassemblement national [RN] », a nie du 8­Mai, dans son fief d’Hénin­Beau­ Chenu, les macronistes misent sur la force grands laminoirs décrépis, a et l’autre sont formelles. « Je ne
déclaré le soutien d’Emmanuel Macron, mont. « Il paraît qu’il reste quelques brace­ de frappe médiatique de l’ancienne star fermé il y a six ans, licenciant veux pas que mon fils soit ouvrier.
qui rappelle notamment être né à lets antirapprochement en rab, je suis des prétoires pour troubler le match an­ 200 personnes. Plusieurs sont Avant, on rentrait à l’usine à
Maubeuge, dans le Nord. Dans son entre­ preneuse », a­t­elle ironisé, en référence au noncé entre LR et RN. toujours au chômage. 14 ans, il y avait du travail, les salai­
tien au quotidien régional, le garde des dispositif de protection des femmes victi­ olivier faye Il y a aussi le site de Nexans, à res étaient bons. Mais c’est fini. » 
sceaux cible en priorité la présidente de la mes de violence. Le RN est « un véritable et alexandre lemarié Chauny, qui a fermé en 2010 elsa conesa
0123
12 | élections régionales MARDI 11 MAI 2021

Normandie
Des oppositions fragmentées
face au sortant centriste
Hervé Morin (Les Centristes) peut compter sur ses soutiens à
droite contre la majorité présidentielle, qui tente de s’imposer
rouen ­ correspondance M. Jumel, pronucléaire, proglyphosate »,
CONSEIL RÉGIONAL SORTANT insiste, de son côté, l’écologiste Laetitia

C’
est un fait : le contex­ Sanchez, binôme de Mélanie Boulanger.
te sanitaire et la dif­ L’enjeu de la tête de liste, revendiquée à
54 ficulté à faire campa­ la fois par le PCF et le PS, a également
gne avantagent les crispé les débats. Tout comme la ques­
19 élus en poste, bien tion du leadership politique à gauche en
19 identifiés. Mais n’al­ vue de la présidentielle de 2022, les so­
3 102 sièges
2 lez pas titiller Hervé Morin en lui par­ cialistes semblant peu enclins à servir
5
lant d’une prime automatique au sor­ les ambitions de La France insoumise. Et
Président : Hervé Morin (Les Centristes) tant et d’un scrutin régional qui serait on assiste aujourd’hui à ce dialogue de

Parti communiste français Les Républicains


déjà dans la poche. « Ah ! C’est nouveau NORMANDIE sourds où chacun appelle vainement
ça ! Ceux qui ont gagné d’avance vivent l’autre à le rejoindre, tout en se rejetant
et Front de gauche (LR) et alliés parfois de graves désillusions. J’en ai POPULATION (2020) : 3 305 218 hab. (10e) mutuellement la faute. Peut­être reste­
Europe Ecologie-Les Verts Rassemblement connu un récemment, il s’appelait Alain SUPERFICIE : 29 907 km2 (10e) t­il une mince chance d’accord sur
national Juppé, vous vous souvenez… », ironise le
PIB RÉGIONAL/HAB. (2018) : 28 651 € (10e)
l’autel d’une possible victoire aux élec­
Parti socialiste président (Les Centristes) de la région tions départementales en Seine­Mari­
et alliés Non-inscrits Normandie, candidat à sa réélection PRÉFECTURE : ROUEN time, qui auront lieu en même temps
en juin à la tête d’une liste alliant le cen­ que les régionales. Il y a six ans, ce dé­
tre et Les Républicains (LR). Prudent, partement avait basculé à droite de jus­
il admet tout de même préférer « être tesse. Et cette même droite repart, elle,
CONSEILS DÉPARTEMENTAUX là qu’ailleurs ». sur la nécessité d’un axe politique et unie au combat, avec la particularité
Sa place, pour l’heure, est celle de fa­ économique fort le long de la Seine. d’être rangée derrière un président LRM,
Président sortant vori, clairement en tête des derniers Affaiblie, la gauche normande ? Elle se Bertrand Bellanger.
sondages. Lui qui, en 2015, avait terminé présente, en tout cas, dangereusement
au coude­à­coude, à près de 28 % des fragmentée pour espérer reconquérir la « CANDIDATURE DE NEUTRALISATION »
Jean-Léonce
Dupont Bertrand voix au premier tour, avec le candidat région et le département de Seine­Mari­ Se présentant comme la « seule nou­
Bellanger frontiste, lors de la première élection time, perdus en 2015. Sauf revirement veauté » de ces régionales, la liste estam­
postréunification de la Normandie. A de dernière minute, encore envisagea­ pillée majorité présidentielle est portée
l’issue d’une triangulaire au second ble bien que mal engagé, la gauche avan­ par Laurent Bonnaterre. Cet ancien socia­
Marc Lefèvre tour, le centriste, 59 ans maintenant, liste désormais officiellement sans éti­
cera en ordre dispersé les 20 et 27 juin.
n’avait devancé son adversaire socialiste D’un côté, l’alliance entre le Parti socia­ quette, mais rattaché au mouvement
Pascal que de 4 700 voix à peine. liste (PS) et Europe Ecologie­Les Verts Territoires de progrès, l’aile gauche de la
Lehongre Dans la dernière enquête d’opinion, pu­ (EELV) – ainsi que quelques partis satelli­ macronie, a été poussé par Edouard Phi­
Christophe de Balorre bliée le 19 avril et réalisée par l’IFOP pour tes – emmenée par une nouvelle tête, lippe et Sébastien Lecornu, ancien pre­
Europe 1 et La Tribune, l’ancien ministre Mélanie Boulanger, maire PS de Cante­ mier ministre et actuel ministre des
Nouveau Centre La République en marche de la défense sous Sarkozy est, cette fois, leu et vice­présidente de la Métropole outre­mer, ex­LR normands désormais
crédité de 31 % des intentions de vote au Rouen Normandie. Créditée de 16 % des ralliés à la cause macroniste. Inconnu au
LR Divers droite premier tour, cinq points devant la liste intentions de vote d’après le dernier plan national, Laurent Bonnaterre, maire
du Rassemblement national (RN), menée sondage IFOP, la quadragénaire, esti­ de Caudebec­lès­Elbeuf, près de Rouen,
une fois encore par le député européen mant son duo « seul à même de challen­ ne l’est pas dans le sérail politique local : il
Nicolas Bay, pourtant en disgrâce ger Hervé Morin », devra combler un dé­ fut directeur de cabinet de Laurent Fa­
en 2020, à la suite de son éviction par Ma­ ficit de notoriété. De l’autre, le tandem bius à l’époque où celui­ci dirigeait l’ag­
PREMIER TOUR rine Le Pen de la commission d’investi­ formé par le Parti communiste (PCF) et glomération rouennaise, avant de quit­
DE LA PRÉSIDENTIELLE 2017 ture du RN – « Une surinterprétation », ar­ La France insoumise, rejoint par le Parti ter le PS avec pertes et fracas, en 2019.
gue le candidat d’extrême droite. radical de gauche. L’attelage est conduit Crédité de 13 % des intentions de vote
par le député PCF de Dieppe Sébastien dans le dernier sondage de l’IFOP, le qua­
« LE RN EST UNE VRAIE MENACE » Jumel, qui fait « le pari d’être le premier à dragénaire peut jouer les trouble­fêtes.
Cette marge, sur le papier, n’a guère in­ gauche » au soir du 20 juin. Le parlemen­ « Une candidature de neutralisation faite
cité Hervé Morin à troquer trop vite taire oscille entre 11 % et 14 % des inten­ pour prendre des voix à Morin », avance le
son costume de président pour celui de tions de vote, selon les études d’opinion. spécialiste en géographie politique Ar­
candidat, statut qu’il vient seulement « Globalement, la gauche totalise poten­ naud Brennetot. Maintien au second
d’officialiser mardi 4 mai. « Il n’a aucun tiellement un quart des voix au premier tour afin de faire entrer la majorité prési­
intérêt à lancer trop tôt une bataille qui tour, ce qui ne devrait pas être suffisant dentielle dans l’opposition à la région ?
ne rapporte rien », pose le politologue pour créer un différentiel avec Hervé Mo­ Ou, au contraire, fusion avec le candidat
caennais Christophe Boutin, qui juge rin », analyse le politologue Christophe centriste pour intégrer l’exécutif régio­
ce scrutin normand sans « grands en­ Boutin. « Ils ont quand même une carte à nal ? Toutes les options sont sur la table,
jeux politiques », aucun des sept candi­ jouer avec la possible dispersion des voix et même un éventuel rapprochement
dats ne montrant la moindre velléité centristes, du fait de la candidature de La avec la liste UDI dès le premier tour.
nationale. République en marche [LRM] », argue, Si Edouard Philippe s’est affiché aux
Si M. Morin peut jouer la montre, pour sa part, l’universitaire rouennais côtés de Laurent Bonnaterre en début
le RN, lui, ne semble même pas con­ Arnaud Brennetot. d’année, il reste désormais muet. Un
traint de mener campagne sur les terres Il n’empêche que cette « carte » aurait soutien minimaliste peu surprenant vu
normandes où, malgré ses vingt et été plus facile à jouer dans le cadre d’une ses ambitions nationales et, surtout, sa
un conseillers régionaux, il s’est fait très large union dès le premier tour. On avait position d’équilibriste entre des élus de
(Par commune, la taille est proportionnelle
discret ces cinq dernières années. Sur les pourtant cru un rapprochement possi­ sa majorité municipale havraise, à la fois
aux votes exprimés)
réseaux sociaux, Nicolas Bay se conten­ ble lors d’âpres tractations menées ces présents sur la liste Bonnaterre et sur la
E. Macron F. Fillon te de nationaliser l’enjeu et de parler in­ derniers mois, mais il a volé en éclats liste Morin, à commencer par son pre­
M. Le Pen J.-L. Mélenchon sécurité, islam et attentats. « Ce serait lors de l’officialisation du partenariat mier adjoint LR. En Normandie comme
présomptueux de dire qu’on va l’empor­ PS­EELV, début avril. « Un cadeau à Mo­ ailleurs, l’irruption macroniste a frag­
ter, mais le jeu est ouvert car la gauche est rin, à Bay, et un accord dicté par les états­ menté la droite. Un schéma très visible
affaiblie et beaucoup d’électeurs de majors parisiens qui met fin à toute pers­ dans le département de l’Eure où Sébas­
droite sont déboussolés », estime le qua­ pective de gagner la région et le départe­ tien Lecornu, le véritable patron, passé
dragénaire, même si l’issue d’une po­ ment de Seine­Maritime », tacle Sébas­ de LR à LRM, n’en finit plus d’éparpiller
Retrouvez nos trois premières tentielle triangulaire – voire quadrangu­ tien Jumel, par ailleurs proche de Jean­ la droite locale « façon puzzle ».
analyses régionales en scannant laire – à venir reste souvent peu favora­ Luc Mélenchon. « Nos militants ont dit Particulière et virtuelle, la campagne
ce QR code ou en allant sur ble au parti de Mme Le Pen. non à une écrasante majorité au profil de reste pour l’instant atone en Norman­
lemde.fr/regionales2021 « Je l’entends sur les marchés : le RN est die. Mais les angles d’attaque se profi­
une vraie menace et il y aura de mauvai­ lent doucement, tel le sujet du ferro­
Sources : région Normandie ; ses surprises », pressent la candidate et viaire et notamment l’imparfaite liaison
sénatrice UDI de l’Orne, Nathalie Goulet, Paris­Rouen­Le Havre, éternel point
CCI de Normandie ; Haropa ; Insee ; Géorisques ; SNCF ;
seule postulante originaire de l’ex­Bas­
AUCUN DES SEPT  noir. « Hervé Morin a mis beaucoup d’ar­
Nathan ; Corine Land Cover ; Teva Meyer, « Le nucléaire
et le territoire : regards sur l’intégration spatiale se­Normandie. Une spécificité révéla­ CANDIDATS N’A  gent, mais de façon inefficace », grince
des centrales en France », Géoconfluences, 2017 ; trice, selon elle, « d’une supériorité de Mélanie Boulanger. « Qu’ont fait les so­
Atlas de la Normandie 2019, ministère de la transition l’ancienne Haute­Normandie qui s’af­ D’AMBITIONS NATIONALES,  cialistes en vingt ans ? Rien. Maintenant,
écologique et solidaire et ministère de la cohésion des firme », portée, de fait, par deux poids on a de nouveaux trains et la ponctualité
territoires et des relations avec les collectivités territoriales lourds politiques, Edouard Philippe ET LA CAMPAGNE, POUR  s’est améliorée », répond en écho le cen­
Infographie Le Monde : Véronique Malécot, au Havre et le socialiste Nicolas Mayer­ L’INSTANT, RESTE ATONE  triste, prêt « à défendre [son] bilan ». La
Benjamin Martinez et Delphine Papin Rossignol à Rouen. Depuis quelque bataille ne fait que commencer. 
temps, ces deux­là s’accordent très bien DANS LA RÉGION gilles triolier
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MARDI 11 MAI 2021 élections régionales | 13

1 Un système portuaire structurant 2 Une région majeure pour le nucléaire 3 Des marges agricoles plus
pour la région et stratégique et les énergies renouvelables ou moins dynamiques
pour le pays La Normandie représente 17 % des capacités nucléaires
L’industrie agroalimentaire
Espace de polyculture
représente en 2016 12,9 %
nationales et produit 11 % de l'électricité française. Après le (céréales, vergers...)
L’axe Paris-Rouen-Le Havre est le premier ensemble de l’emploi salarié
démarrage de l’EPR de Flamanville, elle deviendra la deuxième industriel normand. La
portuaire français et le cinquième nord-européen. région la plus nucléarisée de France. Pilier économique local, le
Le 1er juin 2021, les trois ports vont fusionner dans Normandie est la première
secteur énergétique pourrait apporter 10 000 emplois indirects région productrice de
le cadre du projet Haropa, afin d’augmenter le trafic supplémentaires avec l’arrivée de quatre parcs éoliens offshore.
maritime de 10 % d’ici à 2025. fromages au lait de vache,
de beurre et de crème.
Axe de la Seine : fusion à venir des trois ports Centrale nucléaire en activité
L’industrie laitière
Le Havre, Rouen et Paris Construction de l’EPR de Flamanville représente un quart des
Axes du commerce maritime international emplois de l’agro-industrie.
Autre site nucléaire Espace de bocage
Principaux ports Parc éolien en fonctionnement (élevage laitier)
Usine agroalimentaire
Zone industrielle ou usine classée Seveso Projet de parc éolien offshore de plus de 500 salariés
Bassin où l’emploi industriel représente Zone d’emploi où la filière énergie représente plus de 5 % de Commune où la densité Communes de plus
plus de 25 % de l’emploi salarié total l’emploi salarié en 2013 (36 000 emplois pour la Normandie) de population est inférieure de 20 000 habitants,
à 25 hab./km2 en milliers d’habitants
Commune percevant en moyenne 75 % de recettes
de fonctionnement supplémentaires qu’une commune 20 50 172
de même taille, en 2013

Un projet de quatrième parc


Dieppe HAUTS-
éolien a été lancé
en 2020 au large du Cotentin D E- F R A N C E
Cherbourg-
en-Cotentin Fécamp
MANCHE

Le Havre-Antifer
(dépend du Havre)

SEINE-
Flamanville
Le Havre MARITIME
Rouen
A1
31

Ouistreham
Bayeux 3
A1

Caen
Hérouville-
JERSEY Saint-Clair
(RU) Lisieux EURE
Saint-Lô A1
3
Vernon Î L E- D E- F R A N C E
Evreux
MANCHE
C A LVA D O S
NORMANDIE
Granville
Baie Paris
du Mont-
Saint-Michel

Flers
ORNE C E N T R E-
B R E TA G N E VA L D E LO I R E

Alençon
20 km
LE TRAIN, POINT
P AY S D E L A LO I R E NOIR POUR LA RÉGION

Principale ligne interrégionale vers Paris

Energie Autre ligne ferroviaire


Temps perdu par rapport au meilleur temps
observé entre 1963 et 2017 pour relier Paris

La région veut jouer sur tous les tableaux aux principales villes normandes

Cherbourg Le Havre
Vers Amiens

rouen ­ correspondance Brennetot. Après plus de dix ans tente du choix gouvernemental, Vernon (Eure), le géant de l’aéros­ + 20 min + 19 min
d’atermoiements par manque de six candidats ont été présélec­ patiale ArianeGroup s’active dans

E nergie, en Normandie,
rime toujours avec nu­
cléaire et hydrocarbures,
synonymes d’emplois (36 000) et
de belles retombées fiscales. Ses
planification nationale et de pro­
cédures judiciaires en raison de la
vive opposition d’associations et
de pêcheurs locaux, cette filière
industrielle prend doucement
tionnés fin avril.
La Normandie, déjà dotée d’un
site à Cherbourg, accueille aussi
une nouvelle usine de produc­
tion de pales et nacelles, au Havre,
ce domaine.
Engagée sur le renouvelable, la
Normandie n’en oublie pas
l’atome. En dépit des aléas du
chantier de l’EPR de Flamanville,
Granville
Caen
+ 6 min
Rouen
+ 5 min

trois centrales, de la pointe du Co­ son envol. Sur les sept premiers qui équipera les parcs normands. les décideurs locaux réclament
tentin aux falaises de Seine­Mari­ parcs éoliens offshore français Quelque 750 emplois bienvenus à de nouveaux réacteurs nucléai­ Paris
time, et son usine de traitement devant être mis en service entre l’heure d’anticiper le potentiel dé­ res. Début janvier, le président
de déchets de La Hague (Manche), 2022 et 2027, trois se situent au clin de la filière pétrolière en val­ centriste de la région, Hervé Mo­
en font la quatrième région la large des côtes normandes. lée de Seine. Comme un symbole rin, épaulé par les communistes
plus nucléarisée de France. La ré­ A Fécamp (Seine­Maritime), de la mutation à l’œuvre, Siemens dieppois, est allé soutenir, auprès Vers Le Mans
gion se hissera même sur la les 71 éoliennes doivent tourner Gamesa se déploie au moment d’EDF, la candidature de la cen­
deuxième marche du podium d’ici à 2023, ce qui en ferait le où ferme, au Havre, une des der­ trale de Penly (Seine­Maritime),
une fois le futur premier réacteur deuxième parc français mis en nières centrales à charbon. ciblée par le groupe français pour Evolution du temps de trajet
pressurisé français (EPR) enfin activité, après Saint­Nazaire (Loi­ construire deux EPR. sur les principales lignes normandes
mis en service à Flamanville re­Atlantique), prévu en 2022. A Fer de lance de l’hydrogène La Normandie peut­elle jouer à
(Manche), a priori fin 2022. De Courseulles­sur­Mer (Calvados), Si la Normandie peine à dévelop­ la fois la carte du nucléaire et celle PARIS - ROUEN PARIS - CAEN
plus, la Normandie, forte de deux EDF Renouvelables, libéré des re­ per l’éolien terrestre et l’énergie du renouvelable ? « Les régions Meilleur temps
des plus grosses raffineries fran­ cours judiciaires rejetés par le solaire, elle se pose, en revanche, sont dans leur rôle : elles veulent observé entre 1963
1 h 22 1 h 44 1 h 50
et 2017 2 h 24
çaises, près du Havre, assure plus Conseil d’Etat, voit le bout du en fer de lance de l’hydrogène, de l’emploi. Mais la transition 1 h 03 1 h 08
d’un tiers de la capacité française tunnel. Le groupe a annoncé, fin axe stratégique national balbu­ énergétique n’est aujourd’hui pas
de raffinage de pétrole. février, le lancement du chantier tiant, coûteux, mais prometteur. financée. Pour l’instant, elle n’est
Mais le territoire normand se courant juin et la mise en route « Notre avantage est d’avoir un que politique », avance Nicolas 1963 1972 2017 1963 1996 2017
met graduellement à l’heure de la des 64 éoliennes en 2024. Cela marché direct, l’industrie chimi­ Goldberg, expert énergies au ca­
transition énergétique, avec un bloque, en revanche, du côté que et le raffinage », note Valérie binet Colombus Consulting. A ce
PARIS - LE HAVRE PARIS - CHERBOURG
maître mot : l’éolien en mer. de Dieppe et du Tréport, en Sei­ Rai­Punsola, déléguée générale niveau, si l’Etat décide seul d’im­
« Cela permettra à la Normandie, ne­Maritime, où le projet reste de Normandie Energies. Un im­ planter ou non de futurs EPR en 3 h 56 3 h 02
2 h 22 2 h 42
en queue de peloton des régions suspendu à une décision de jus­ posant complexe de production Normandie, une victoire de l’al­
1 h 45 2 h 04
françaises, de rattraper son retard tice, attendue en mai. Enfin, un d’hydrogène vert, porté par H2V liance PS­EELV aux régionales
en termes de production d’éner­ quatrième parc éolien en mer Normandy (avec Air liquide au ca­ créerait un contexte politique
gies renouvelables [à peine 6 %] », vient d’être mis sur les rails, à pital) est en gestation à Port­Jérô­ moins favorable. 
analyse le géographe Arnaud Barfleur (Manche). Dans l’at­ me­sur­Seine, près du Havre. A g. tr. 1963 1972 2017 1963 1996 2017
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14 | france MARDI 11 MAI 2021

IL  Y  A  QUARANTE  ANS,  MITTERRAND  PRÉSIDENT

Le PS honore Mitterrand en ordre dispersé


Pas de programme commun pour les socialistes : les uns se sont rendus au Creusot, les autres sont restés au siège

L
a bataille de la mémoire s’est
faite à distance et à fleurets
mouchetés. Au moment où se
multiplient les documentaires,
les émissions et les colloques
quarante ans après la victoire de
François Mitterrand à l’élection présiden­
tielle, les socialistes célèbrent leur mentor
dans la division. D’un côté, la vieille garde
avec François Hollande au Creusot (Saône­
et­Loire), dimanche 9 mai, de l’autre, la di­
rection du Parti socialiste autour d’Olivier
Faure, qui doit célébrer l’événement lundi
10 mai au siège d’Ivry­sur­Seine (Val­de­
Marne). Avec, en toile de fond, le bilan
controversé de la gauche gouvernementale.
Dimanche, ils sont partis presque tous en­
semble dans le train pour la ville­usine de
Saône­et­Loire, longtemps berceau d’un so­
cialisme conquérant : un ancien président
de la République, François Hollande, deux
anciens premiers ministres, Lionel Jospin et
Bernard Cazeneuve, mais aussi tout ce qui
reste de la Mitterrandie, tels les anciens mi­
nistres Jean Glavany, Pierre Joxe, l’ancienne
députée Béatrice Marre, le sénateur Jean­
Pierre Sueur ou encore le fils de l’ancien pré­
sident, Gilbert Mitterrand.
Etaient aussi présentes la maire de Paris,
Anne Hidalgo, et celle de Nantes, Johanna
Rolland. Le public est restreint, Covid­19
oblige, mais l’essentiel est de marteler l’im­
portance du message de François Mit­
terrand et de rappeler son héritage. Pour
François Hollande, venu pour assurer le dis­
cours d’ouverture de la cérémonie, il est im­
portant de se souvenir ce qu’a réalisé la gau­
che alors.

« ON EST HÉRITIERS D’UNE HISTOIRE » Les portraits d’anciens présidents de la République, dans la mairie de Montsauche­les­Settons (Nièvre), le 7 avril. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »
Car derrière la commémoration, l’ancien
président de la République veut rappeler la
filiation qu’il y a, à ses yeux, entre les deux mais toujours socialiste » en 2022. L’assis­ Ces nouvelles piques n’ont pas troublé le çois Mitterrand bâtisseur d’une union de la
mandats de Mitterrand, la victoire de Lionel tance a été témoin d’une nouvelle charge en « LA MEILLEURE  numéro un du PS qui, le même jour, partici­ gauche qu’il veut se référer. La direction du
Jospin, en 1997, et la sienne, en 2012 : celui demi­teinte contre le pas de deux qu’a en­ FAÇON D’ÊTRE FIDÈLE  pait à la marche pour le climat à Paris avec PS a ainsi prévu une soirée spéciale lundi,
d’une gauche responsable qui agit. L’ex­chef gagé le premier secrétaire du parti, Olivier ses camarades. Olivier Faure n’est pas allé au avec de nombreuses figures socialistes. Des
de parti ne s’est ainsi pas privé de faire à Faure, avec l’eurodéputé EELV et candidat À MITTERRAND, C’EST  Creusot, soucieux de ne pas trop associer les débats en visioconférence autour du thème
nouveau la leçon à son parti, dont il ne par­ déclaré à l’élection présidentielle Yannick Ja­ socialistes d’aujourd’hui à une gauche gou­ « 81­21 : réveillons l’espoir » se tiendront en
tage pas la ligne politique unitaire engagée dot en vue d’une candidature unitaire socia­ D’ÊTRE AUX CÔTÉS  vernementale qui n’a pas laissé que de bons présence de l’activiste écologiste Camille
depuis deux ans. « La gauche semble avoir le­écologiste pour 2022. souvenirs. Comme la réponse du berger à la Etienne, du jeune sénateur Rémi Cardon, de
perdu les clés d’un possible et nécessaire re­ François Rebsamen, président de la Fédéra­
DE LA JEUNESSE  bergère, le patron des socialistes précise : « Je l’ancienne ministre Emmanuelle Cosse ou
dressement », a­t­il lancé. Ajoutant aussitôt : tion nationale des élus socialistes et républi­ QUI SE MOBILISE  ne suis pas un gardien de musée mais le conti­ du premier adjoint d’Anne Hidalgo, Emma­
« Le socialisme a encore des solutions à ap­ cains, la puissance invitante, était ravi. « On a nuateur d’une volonté. Mon objectif n’est pas nuel Grégoire pour évoquer la nouvelle syn­
porter. Il n’en a pas fini avec sa mission réfor­ voulu rappeler à un certain nombre de nos ca­ POUR SE CRÉER  de rester enfermé dans l’histoire. » Pour le dé­ thèse autour de l’écologie et du social voulue
matrice, il n’a pas épuisé son message (…). Il marades qu’on est les héritiers d’une histoire puté de Seine­et­Marne, il n’était pas surtout par le PS. La séquence nostalgie ne sera ce­
faut toujours une force et une incarnation et que quand on la renie, on n’a pas beaucoup UN AVENIR » question d’être absent d’un rendez­vous pendant pas oubliée : à 20 heures, les specta­
qu’il faut imaginer. Il reste un an. » L’ancien d’avenir : Mitterrand a toujours eu la volonté OLIVIER FAURE écolo important : « La meilleure façon d’être teurs verront s’afficher sur leur écran la célè­
chef d’Etat a ensuite pris un malin plaisir de de la transmission, tout le contraire de ce qui premier secrétaire du PS fidèle à Mitterrand, c’est d’être aux côtés de la bre image pixélisée de François Mitterrand
répéter devant les micros qu’« il y aura un se passe aujourd’hui au PS où on ne porte plus jeunesse qui se mobilise pour se créer un ave­ apparue au soir du 10 mai 1981. 
candidat du socialisme, renouvelé et refondé, rien », a expliqué le maire de Dijon. nir », ajoute­t­il, expliquant que c’est au Fran­ sylvia zappi

Au milieu des gravats, la plaque abandonnée à Solférino


Le Parti socialiste n’a pas emporté le morceau de pierre qui ornait l’entrée de son ancien siège lorsqu’il l’a vendu pour se renflouer, en 2018

E lle gît là, couchée sur le


flanc au milieu des gravats.
Une lourde plaque en
pierre de près de trois mètres de
long et cinquante centimètres de
A quelques mètres de l’endroit
où les socialistes avaient offert à
François Mitterrand une Twingo
en guise de cadeau pour sa sortie
de l’Elysée en 1995, Philippe
qu’il a décidé de se porter acqué­
reur pour y installer son siège so­
cial et quelque 200 salariés à l’ho­
rizon de février 2022. Au moment
de la vente, la société Apsys lui a
tre les bétonneuses, les tractopel­
les, les échafaudages, les câbles et
les cloisons provisoires, il n’est
pas aisé de se souvenir de l’effer­
vescence passée des lieux. Il s’est
la salle Marie­Thérèse Eyquem,
celle où se réunissait le bureau na­
tional du parti, s’apprête à être
transformée en cafétéria. Les
sous­sols ont été creusés pour ac­
pas prévu l’émotion que provo­
querait en lui ce retour dans le
passé. « J’ai été surpris par des fan­
tômes illustres et des visages qui
me sont apparus à chaque pièce
large. Elle est fissurée par en­ Benacin, cofondateur d’Interpar­ remis un épais document retra­ pourtant passé tant de choses cueillir des salles de réunion et un traversée, je revoyais des gens,
droits, le coin gauche a été brisé fums, gare nonchalamment sa çant l’historique de ce qui fut à ici : des victoires et des défaites, amphithéâtre de 70 places. Mais des sourires et des souvenirs », ra­
sous le coup d’un burin, on y lit Porsche 911 sur le trottoir. Cet l’origine la demeure d’Albert de des rires et des larmes, des l’endroit que le nouveau proprié­ conte­t­il au Monde.
encore, gravés en lettres bâtons, homme aimable en jean slim et Broglie. Avant que le PS ne poings levés et des chants, des taire préfère est ce qu’il appelle L’ex­chef de l’Etat a senti son
ces deux mots : Parti socialiste. boots pointues est l’heureux ac­ l’achète en 1980, le 10 de la rue de embrassades et des engueulades, « la passerelle Ségolène Royal », cœur se serrer à la vue de la pla­
Lorsqu’ils ont quitté leur siège quéreur de ce qui fut pendant Solférino avait abrité la fédéra­ des conciliabules et des trahi­ comprendre la terrasse sur la­ que abandonnée : « On peut cer­
historique du 10, rue de Solférino près de quarante ans le siège du tion générale des fonctionnaires sons, des alliances et des perqui­ quelle la candidate à la présiden­ tes décider de quitter un lieu, mais
après l’avoir vendu en octo­ Parti socialiste (PS). Avec son as­ de la CGT en 1934. En 1940, Vichy sitions. Quarante ans d’histoire tielle de 2007 était montée tout il est important d’emporter avec
bre 2018 pour se renflouer, les so­ socié Jean Madar, il a payé ces avait chassé le syndicat pour y engloutis dans les décombres. de blanc vêtue, pour saluer ses soi des éléments d’identité qui
cialistes n’ont pas jugé bon d’em­ 3 700 mètres carrés en plein installer son secrétariat à l’infor­ partisans massés dans la rue au rappellent qu’on ne vient pas de
porter la plaque qui a si long­ cœur du très chic 7e arrondisse­ mation et à la propagande. C’est « Fantômes illustres » soir de sa défaite. Philippe Bena­ nulle part. Il faut être fier de son
temps accueilli les visiteurs. ment de la capitale 125 millions là, dans la cour pavée, que Phi­ Hormis la plaque, seuls quelques cin compte la transformer en so­ passé, garder au moins une pierre
L’acheteur, la société foncière d’euros. Une belle opération lippe Henriot fut abattu par la Ré­ autocollants du poing et de la rose larium, « un endroit ou boire un qui ne soit pas une pierre tombale,
Apsys, s’est chargé de la décro­ pour le vendeur Apsys qui avait sistance en juin 1944. collés aux fenêtres et un cadre mi­ café et bronzer ». Il a déjà com­ mais une pierre à partir de la­
cher de la façade. C’est l’actuel fait l’acquisition des murs au PS Philippe Benacin nous fait raculeusement récupéré compor­ mandé du mobilier de jardin à quelle on reconstruit. » Après
propriétaire des lieux, le groupe pour 45 millions d’euros trois ans aujourd’hui visiter le chantier en tant les photos de tous les pre­ Saint­Tropez. avoir rencontré François Hol­
côté en Bourse Interparfums plus tôt. La plus­value de 80 mil­ propriétaire averti. Il désigne son miers secrétaires du PS depuis sa Dix jours avant notre visite, il lande, Philippe Benacin a pris la
(Rochas, Montblanc, Boucheron, lions a été absorbée en partie par futur bureau, « celui de François fondation rappellent la présence avait cordialement proposé à décision de restaurer la plaque et
etc.), qui l’a retrouvée dans la l’acquisition d’un lot voisin Mitterrand », précise­t­il. Qu’im­ du Parti socialiste. L’ancienne François Hollande de lui ouvrir le d’en accrocher une copie dans la
cour sous une poussière de bé­ et par des travaux de rénovation porte si l’ancien président socia­ salle de presse abrite désormais chantier. L’ancien secrétaire na­ cour du bâtiment. L’original, il a
ton. Symbole d’un parti en ruine titanesques. liste l’a à peine occupé, déjà en les casques et des chaussures de tional du PS qui, pendant tant l’intention d’en faire cadeau à
qui a laissé derrière lui sa mé­ Philippe Benacin ne connais­ campagne électorale et élu à l’Ely­ chantier, le bureau de François d’années, arrivait presque chaque l’ancien président. 
moire et son passé. sait pas l’histoire des lieux lors­ sée quelques mois plus tard. En­ Hollande va être découpé en trois, jour à Solférino en scooter, n’avait vanessa schneider
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MARDI 11 MAI 2021 france | 15

« Plus personne n’incarne le parti, on ne sait plus »


A Montsauche­les­Settons, où François Mitterrand a été élu dès 1949, les militants socialistes se font rares

REPORTAGE Ici aussi, le socialisme se meurt.


Secrétaire de section dans le can­
A 20 km, la maire d’Alligny­en­
Morvan, Marie­Christine Grosche,
mais il vote à droite et préférerait
un dirigeant « qui serre un peu
« LES GENS SONT  che, il a choisi Macron. « Comme
beaucoup de vieux socialistes du
montsauche­les­settons
(nièvre) ­ envoyée spéciale
ton de Montsauche pendant plus se bat pour garder le sien. « La plus les boulons ». DÉSINTÉRESSÉS.  coin », justifie­t­il. C’est pendant le
de vingt ans, Marie Leclercq a Poste a envoyé une délégation de Plus haut sur le plateau du Mor­ quinquennat de François Hol­
DEMANDEZ : QUI CONNAÎT 
L a route en lacets serpente au
milieu de l’épaisse forêt. Le
bitume glacé se confond
avec la brume. Tout est noir et
blanc et le froid, mordant. Au
passé la main il y a trois ans.
D’une cinquantaine, le nombre
de militants PS a chuté à six. « Les
gens sont désintéressés, regrette la
maire. Demandez : qui connaît
cinq personnes pour me convain­
cre, raconte­t­elle. Je leur ai dit : re­
venez l’an prochain, je vous payerai
le café, mais je ne veux pas de
l’agence postale ! » Elle assure que
van, perdu dans la forêt, Planchez.
Haut lieu de la Résistance, ce vil­
lage de 300 habitants a lui aussi été
incendié en 1944, comme Dun­les­
Places, tout près, où ont été tués
OLIVIER FAURE ? »
MARIE LECLERCQ
lande, « lent à la décision », que « ça
a cassé ». Il voit bien que Macron
« est à droite » mais ça ne le gêne
pas dans une époque où « il n’y a
plus vraiment de droite ou de gau­
maire de Montsauche-les-Settons
creux du massif du Morvan, aus­ Olivier Faure ? Plus personne n’in­ restera sans doute ici le dernier bu­ 28 hommes, y compris le curé, che ». Lundi 10 mai, Dumarais ira
tère et préservé, le village de Mont­ carne le PS, alors on ne sait plus. » reau de poste du canton. « Une précipité de son clocher. Mit­ déposer une gerbe au pied de la
sauche­les­Settons, 535 habitants, Elle reconnaît toutefois que c’est question de principe », insiste la terrand venait chaque année, le Mitterrand, à cause du pro­ statue de Mitterrand à Château­
ancien chef­lieu du canton. Le « pareil chez Les Républicains » et maire du village de 630 habitants, 26 juin, aux commémorations et, gramme commun avec les com­ Chinon, avec l’ancien maire, René­
25 juin 1944, les Allemands l’ont que les « dernières élections ont qui voit partir à regret les services après lui, Danielle. L’ancien maire munistes. « Je les ai pris à 22 %, Pierre Signé. Mais ils iront « sans le
entièrement brûlé. D’où les faça­ fait du mal aux vieux partis ». publics, depuis le « mariage de de Planchez, François Dumarais, mais quand je partirai, ils seront en PS », parce qu’ils sont « fâchés ».
des ternes des maisons trop vite Elles­mêmes, les deux élues so­ force » entre le canton de Mont­ battu en 2020 à 80 ans à l’issue dessous de 10 », lui avait confié le François Mitterrand possédait
reconstruites, alignées dans un cialistes sont un peu perdues. sauche et celui de Château­Chi­ d’un mandat de trente­six ans, lo­ président, pour le rassurer. Qua­ aussi un étang à Planchez. Il n’était
bourg désert. En 2017, Marie­Claudine a voté non. L’agrandissement de la com­ geait l’épouse de l’ex­président rante ans plus tard, le RN a pris la pas pêcheur mais venait souvent
C’est ici, dans ce département de Macron dès le premier tour, pour munauté de communes, depuis la quand elle venait. Dans sa maison, place laissée vacante par le PCF. Ici s’y promener, pour écouter les bé­
la Nièvre rural et enclavé, que ne pas reproduire « l’erreur » de loi portant nouvelle organisation où il reçoit autour d’un porto, il y a aussi le parti d’extrême droite est casses, et cueillir les cèpes. Il enfi­
François Mitterrand a patiem­ 2002, un vote Taubira qui a fait territoriale de la République (« No­ encore « la chambre de Danielle ». arrivé en tête aux dernières euro­ lait des bottes et s’amusait à se­
ment construit son ancrage élec­ trébucher Jospin. Mais la tre ») de 2015, n’a rien arrangé, fai­ péennes (37,9 %) et le PS n’existe mer les journalistes en passant
toral pendant un demi­siècle : conseillère municipale est déçue sant perdre en efficacité. « Ces ré­ Le RN a pris la place du PCF quasiment plus (5,5 %). A une épo­ par la rivière, au côté de son ami
conseiller général du canton de par le nouveau pouvoir, qu’elle formes, Sarkozy en avait rêvé, Hol­ Pendant des années, lui et sa que, le maire, qui connaissait tout François Dumarais. L’étang existe
Montsauche­les­Settons de 1949 juge arrogant et solitaire. « Je sens lande les a faites, je ne lui pardonne femme ont tenu le Relais des Lacs, le monde, préparait ses estima­ toujours. Tout autour, des bou­
à 1981, président du conseil géné­ un mépris pour la basse popu­ pas, dit­elle. Aujourd’hui, quand à Planchez, où Mitterrand aimait tions les jours de vote, qui tom­ leaux enchevêtrés, rongés par la
ral pendant dix­sept ans, député lace », soupire­t­elle. Contraire­ vous appelez les gendarmes, ils venir dîner autour d’une grande baient toujours juste, à 2 ou 3 voix mousse, plient dans l’eau sombre.
de la Nièvre et maire de Château­ ment à certains maires des com­ mettent une heure et demie à arri­ tablée, au coin de la cheminée. An­ près. « Maintenant, c’est fini, lâche L’ancien maire aimerait bien que
Chinon, avant de tout quitter munes voisines, Marie Leclercq ver, alors on ne les appelle plus. Les ticommuniste, mais aussi anti­ Dumarais, en observant que l’élec­ « Gilbert », le fils, vienne s’en oc­
pour entrer à l’Elysée. Dans ses n’a pas basculé à LRM, un « parti gens vivent ça comme un abandon. gaulliste « à cause de ce que de torat paysan que Mitterrand avait cuper. Il faudrait aussi le vider.
lettres à Anne Pingeot, il décrit la sans ligne ». « Au moins, le PS avait Ça alimente le vote RN. » Gaulle a fait aux harkis pendant la su fédérer a disparu. Beaucoup Bref, en prendre soin. Et tenter,
« radieuse lumière » de cette « terre quelque chose dans le cœur », dit­ Aux européennes, le parti de guerre d’Algérie », Dumarais a tou­ sont au cimetière. » pourquoi pas, de lui redonner un
rude », qu’il sillonne au volant elle. Toutes deux espèrent voir Marine Le Pen est arrivé en tête à jours voté socialiste, même s’il Pour la première fois, en 2017, peu du lustre d’antan. 
d’une vieille DS, alternant les co­ émerger un candidat socialiste Alligny, avec 35 % des voix, devant n’était pas toujours d’accord avec l’ancien maire n’a pas voté à gau­ solenn de royer
mices agricoles et les réunions pour 2022, sans y croire vraiment. LRM à 20 %. La liste de Raphaël
enfumées avec les maires du can­ Glucksmann (PS) a fait 3 %. Mais
ton, autour d’un saucisson. « On est les oubliés » deux ans plus tôt, à la présiden­
Ici, tout ramène à lui. A la mairie, Le canton de Montsauche n’a tielle, Macron devançait Le Pen.
en haut du village, Marie­Claudine cessé de décliner depuis que Mit­ Femme de gauche, Marie­Chris­
Bouché­Pillon, 67 ans, conseillère terrand, qui a beaucoup fait pour tine Grosche regarde avec inquié­

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municipale depuis vingt ans, se la Nièvre, a quitté le pouvoir, tude les positions du RN se renfor­
souvient de Mitterrand s’arrêtant en 1995. Moins agricole que par le cer dans les villages alentour. A
au garage de ses parents, tandis passé – les exploitations ne trou­ 5 km, à Moux­en­Morvan, village

HISTOIRE de FRANCE
qu’elle jouait avec ses fils, Christo­ vent pas repreneur –, il vit essen­ où son grand­père et son père ont
phe et Gilbert. Quand il venait tiellement de la culture des sa­ successivement été maires,
dans le canton, même ministre ou pins de Noël et du tourisme, avec Le Pen est arrivée largement de­
président, il n’oubliait jamais per­ le parc naturel du Morvan, su­ vant Macron en 2017. « Le jour ou
sonne, aimant partager une ome­ perbe, et le lac des Settons. Le le RN est majoritaire dans ma
lette aux pommes de terre avec ses
amis morvandiaux. La maire de
mouvement des « gilets jaunes »
n’a pas fait d’émules ici et le Co­
commune, je démissionne, af­
firme l’élue, qui dit que la gauche LE CHEF-D’ŒUVRE DE JULES MICHELET
Montsauche, Marie Leclercq, feuil­ vid­19, pas un mort. Mais en quel­ a abandonné ces territoires péri­
lette l’album à la couverture fanée ques décennies, la population du phériques. On est les oubliés, la
où ont été légendées, à la main, des village a été divisée par deux et diagonale du vide. »
photos de Mitterrand, prises lors tous les commerces d’autrefois, Comme sa collègue de Mont­
d’inaugurations officielles. Celle du café du « p’tit Emile » à l’épice­ sauche, la maire d’Alligny espère,
du centre social, le premier du dé­ rie des sœurs Dupoux, ont fermé. notamment depuis la crise sani­
partement, en 1956. Ou celle du Aujourd’hui, la moitié des rési­ taire, que l’installation des néo­
collège, en 1990. Ce jour­là, il était dences sont secondaires. Mais la ruraux aide à redynamiser la Niè­ «On tua soigneusement,
venu en hélicoptère et avait posé maire rencontre de plus en plus vre. La fibre a été installée sur sa et les femmes, et les enfants,
une plaque, vestige d’une pré­ de jeunes urbains désireux de commune où tout se vend désor­ et même les enfants à naître,
sence qui s’estompe au fil du changer de vie, elle y voit un mo­ mais, y compris des maisons sans pour éteindre les familles...»
temps. D’autres photos de l’ancien tif d’espoir. charme mais considérées par
président, encadrées, ont été remi­ Le canton d’origine, qui regrou­ leurs acquéreurs comme des « re­
sées dans une pièce débarras, où pait dix communes, a disparu. Il a fuges possibles en cas de danger ».
l’on a rangé le plan cadastral et les été fondu avec le canton de Châ­ Dans l’hôtel de ville, derrière une
vieux dossiers. Elles ont besoin teau­Chinon et celui de Châ­ armoire vitrée, les œuvres com­
d’être époussetées. tillon­en­Bazois, dans le cadre du plètes de François Mitterrand, re­
redécoupage cantonal de 2014. liées. Marie­Christine se souvient
Le « la » des scrutins nationaux Une « sacrée bêtise », selon Marie bien du président socialiste, qui
En haut de l’escalier, la « galerie des Leclercq, qui regrette le bassin de venait souvent voir ses parents,
présidents » : Mitterrand au centre, vie d’antan, axé sur la « proxi­ dont il fut le témoin de mariage. Sa
entouré de Chirac et Giscard. Sur le mité ». S’il a perdu le titre de chef­ mère suivait la famille Mitterrand
mur d’en face, de Gaulle et Pompi­ lieu, Montsauche a gardé son col­ en vacances, pour garder les en­
dou. Le portrait de Hollande est lège, le centre social, et une poi­ fants. A chacun de ses voyages, le
posé par terre, à côté d’une ban­ gnée de gendarmes. Mais la com­ président envoyait une carte pos­
quette, et « on a perdu Sarkozy », mune a perdu la trésorerie, partie tale à son père. Marie­Christine les
s’excuse la maire, « il doit être quel­ à Château­Chinon, au sud de la a gardées dans un album, comme
que part, dans un placard ». Dans la Nièvre. Et le bureau de poste, qui les descendants de l’ancien maire
salle du conseil municipal, la tapis­ a déjà réduit l’amplitude de ses de Gouloux, Camille Marchand,
serie vieux rose se décolle par en­ horaires, pourrait fermer, rem­ qui a connu Mitterrand dans la
droits, sous le regard d’une Ma­ placé par une agence postale gé­ Résistance. Lui aussi possède
rianne en plâtre fatigué. Les hau­ rée par la mairie. toute une collection de cartes, du
tes fenêtres ouvrent sur le ciel gris, monde entier, « plus de 400 dans
au­dessus des toits d’ardoise et un classeur vert », assure son petit­
d’une forêt de hêtres. Il n’y a pas un fils, Pierre, 34 ans, qui travaille avec
« CES RÉFORMES LE N°5
CGA Christophe Goutal Artwoks - © akg-images / Erich Lessing

bruit. Politiquement, le pouls de son père Alain, dans la saboterie


Montsauche bat au rythme du [TERRITORIALES],  familiale.

9,99
pays, la commune ayant long­ A la tête d’une entreprise pros­
GUERRES DE RELIGION
temps donné le la lors des scrutins
nationaux. En 2017, Emmanuel
SARKOZY EN AVAIT RÊVÉ, 
HOLLANDE LES A FAITES, 
père de 60 salariés, l’un des plus
gros employeurs du canton, La plus grande histoire €
Macron est arrivé en tête avec 25 %
des voix, devant Marine Le Pen et
Alain Marchand, 60 ans, assure
qu’il est toujours possible d’en­ jamais racontée
François Fillon, 21 %. Le candidat
JE NE LUI PARDONNE PAS.  treprendre, même dans ce Mor­
socialiste, Benoît Hamon, n’a pas LES GENS VIVENT van reculé qui manque de con­ SEULEMENT
dépassé son score national, 6 %. fiance dans ses ressources et ses www.collection-michelet.fr
Aux européennes de 2019, La Ré­  ÇA COMME UN ABANDON.  capacités. Mais il estime qu’« on
publique en marche (LRM) et le perd, en France, le sens du vrai tra­
Rassemblement national (RN) ont ÇA ALIMENTE LE VOTE RN » vail ». Opposé aux 35 heures, il CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX ET collection-michelet.fr
fait jeu égal, à 19 %, devant le Parti MARIE-CHRISTINE GROSCHE juge que Macron « fait ce qu’il
socialiste (PS), 11 %. maire d’Alligny-en-Morvan peut » – « Le pays est ingérable ! » –
0123
16 | france MARDI 11 MAI 2021

Le référendum sur
le climat sujet à une
bataille de mots
Sénateurs et députés ne sont pas d’accord
sur le contenu du texte. Examiné à partir
de lundi au Palais du Luxembourg, il ne
sera sans doute pas voté conforme

A
bandon ou pas ? Di­ laye pas les incertitudes grandis­
manche 9 mai, le titre santes sur la tenue de ce scrutin.
de « une » du Journal Dimanche, le débat s’est polarisé Le premier
du dimanche (JDD), sur le conflit entre la majorité et la ministre,
« Ecologie : Macron enterre le ré­ droite sénatoriale, accusée de Jean Castex,
férendum », a provoqué une suc­ compromettre la promesse aux au Sénat, le
cession de réactions politiques, à 150 citoyens de la convention ci­ 1er avril 2021.
la veille de l’examen par les séna­ toyenne pour le climat – la modi­ MARTIN BUREAU/AFP
teurs du texte sur l’inscription de fication constitutionnelle est is­
la protection de l’environnement sue de leurs 149 propositions.
dans la Constitution, qui doit dé­ « Notre majorité a tenu l’engage­
buter lundi. Quelques heures ment du président devant les
après la parution de l’hebdoma­ membres de la convention, estime va être discuté en séance publique groupe Les Républicains (LR) au La majorité de auditions l’ont démontré », défend
daire, Emmanuel Macron est lui­ Pieyre­Alexandre Anglade, rap­ dans les prochains jours », a­t­il af­ Palais du Luxembourg, Bruno Re­ le président LR de la commission
même monté au créneau. « J’ai été porteur La République en marche firmé sur France 3. tailleau. « Le Sénat n’a pas à sortir droite au Sénat des lois, François­Noël Buffet.
surpris de ce qui a été inféré (…). Ce (LRM) du projet de loi constitu­ le président du mauvais pas dans voit dans le mot Les sénateurs de droite ont donc
dont je suis le garant et ça, je peux tionnel à l’Assemblée nationale. « Hypocrisie » de M. Macron lequel il s’est mis avec le “sans fil­ adopté une autre version en com­
vous le dire très clairement : il n’y Mais le Sénat fait un choix diffé­ Du côté de l’opposition, on dé­ tre” de la convention citoyenne », « garantir » mission : la France « préserve l’en­
aura pas d’abandon », a déclaré le rent, celui de vider de sa substance nonce « l’hypocrisie » d’Emma­ estime le président (LR) du Sénat, des risques vironnement ainsi que la diversité
chef de l’Etat, en marge d’une vi­ cette proposition citoyenne et il nuel Macron. « Avant même que le Gérard Larcher, dans Le Figaro. biologique et agit contre le dérè­
site au Parlement européen à crée les conditions pour que le réfé­ Sénat n’ait voté quoi que ce soit et Présents dans la rue, dimanche,
juridiques glement climatique, dans les con­
Strasbourg, à l’occasion de la Jour­ rendum ne puisse pas se tenir. » que la discussion avec l’Assemblée aux côtés des manifestants des multiples ditions prévues par la Charte de
née de l’Europe, avant d’ajouter : Le porte­parole du gouverne­ nationale ne s’engage, Emmanuel marches pour le climat, les élus l’environnement de 2004 ». Si cet
« Ce texte va vivre sa vie parlemen­ ment, Gabriel Attal, a lui aussi Macron nous accuse de blocage écologistes ont dénoncé la res­ amendement devait être adopté
taire, qui seule permet d’aller au ré­ cherché à imputer la responsabi­ pour justifier l’annulation d’un ré­ ponsabilité du chef de l’Etat. être adopté dans les mêmes ter­ mardi en séance publique, il re­
férendum si les sénateurs et les dé­ lité d’un éventuel échec aux séna­ férendum dont il ne voulait pas. La « C’est la faute d’Emmanuel Ma­ mes par les deux assemblées viendrait à l’Assemblée d’exami­
putés s’accordent. » teurs de droite. « Le Sénat cherche manœuvre et l’hypocrisie seront la cron », qui a fait « comme d’habi­ pour pouvoir être soumis au vote ner à nouveau le projet de loi à
A douze mois de l’élection prési­ probablement à l’enterrer. Il peut marque de cette dernière année de tude une promesse qu’il ne pouvait des Français. une date encore inconnue.
dentielle, cette clarification ne ba­ encore se raviser puisque le texte mandat », a tweeté le président du pas tenir », a accusé sur Fran­ Or, la majorité de droite au Sénat Les parlementaires comme
ceinfo le secrétaire national d’Eu­ voit dans le terme « garantir » des l’exécutif se préparent à l’hypo­
rope Ecologie­Les Verts (EELV), Ju­ risques juridiques multiples, car il thèse de plus en plus probable
lien Bayou. affirmerait la primauté de la pré­ d’un vote non conforme et à de po­
Le projet de loi, approuvé en pre­ servation de l’environnement sur tentielles négociations. « Si les cho­
mière lecture par les députés, le les autres principes constitution­ ses restent en l’état, il ne pourra pas
16 mars, modifie l’article 1er de la nels. « Lorsque l’on dit que la rédac­ y avoir de référendum », a reconnu,
Constitution pour y inscrire que tion qui est proposée [avec le verbe sur Radio J, le président (LRM) de
la France « garantit la préserva­ garantir] est une rédaction qui est l’Assemblée, Richard Ferrand. Le
tion de l’environnement et de la di­ constitutionnellement dangereuse projet n’est pas enterré mais son
versité biologique et la lutte contre du fait de son caractère incertain, pronostic vital paraît engagé. 
le dérèglement climatique ». Il doit on ne l’invente pas. Toutes nos mariama darame

Les militants du PCF lancent


Roussel dans la présidentielle
Les communistes s’éloignent un peu plus de Jean­Luc Mélenchon

C’ est désormais officiel.


Les militants commu­
nistes viennent de dési­
gner, via un vote organisé du 7 au
9 mai, leur secrétaire national Fa­
une chance pour la gauche, soit je
reste au ras des pâquerettes et ça
ne change rien pour la gauche, af­
firmait­il en avril. Je suis en rage.
Je veux porter la colère que je vois
mise (LFI) cherchait depuis de
nombreux mois le soutien du
Parti communiste. Le 4 mai,
M. Mélenchon leur a même
adressé un appel sur sa page Face­
bien Roussel, comme candidat à et lui donner une perspective poli­ book, rappelant que « la préémi­
PRÊTS À EXPLORER l’élection présidentielle de 2022
avec un score de 82,36 % des suf­
tique. » M. Roussel veut égale­
ment proposer un pacte législatif
nence électorale du pôle popu­
laire » avait été construite « en­
LA VILLE DE DEMAIN ? frages pour (sur un peu plus à l’ensemble des forces de gauche semble » et assurant qu’il restait
30 000 votants). et écologistes pour « construire « partisan de cette union get de l’or­
« Je suis enthousiaste de mener une majorité de gauche à l’Assem­ ganisation avec elle d’un rassem­
avec vous, pour vous, la bataille de blée nationale » où les communis­ blement aussi large que possible ».
l’élection présidentielle, a affirmé tes auraient, bien évidemment, Mais c’était inutile, le lien était
RETROUVEZ LE 1ER ÉPISODE Fabien Roussel, dimanche soir. toute leur place. déjà rompu. La direction du PCF
DE LA SAGA INOUT Reprenons ce pouvoir qui nous ap­ se méfie des « insoumis » et es­
partient. (…) Inversons la vapeur. Méfiance time qu’on ne peut pas leur faire
DÈS LE 10 MAI 2021 Relevons ensemble le défi des jours Ce sera donc la première fois de­ confiance. Ils en veulent pour
heureux. Le temps est venu d’abo­ puis 2007 que le PCF participera, preuve ce qu’il s’est passé dans

EST-IL POSSIBLE
DirCOM Ville de Rennes Rennes

lir les privilèges. » sous sa bannière, à l’élection su­ les Hauts­de­France, pour les
Cette décision n’a rien d’une prême. C’était alors la secrétaire élections régionales. Alors que
Métropole - mai 2021

DE BIEN VIVRE
surprise : il y a un mois, la confé­ nationale de l’époque, Marie­ M. Roussel devait conduire une
MCI France

rence nationale du Parti commu­ George Buffet, qui avait porté les liste d’union réunissant notam­
niste français (PCF) avait déjà fait couleurs communistes. Avec, fi­ ment communistes, « insou­

EN VILLE ? ce choix à une large majorité


(73,57 % des votes). Par ailleurs, Fa­
bien Roussel avait conquis la tête
nalement, un résultat médiocre :
1,93 %. Depuis, la Place du Colo­
nel­Fabien s’était effacée, préfé­
mis » et socialistes, les dirigeants
locaux de La France insoumise
ont « topé » avec Europe Ecolo­
du parti, fin 2018, sur la promesse rant un soutien à Jean­Luc Mé­ gie­Les Verts (EELV), forçant
de candidatures autonomes com­ lenchon, en 2012 et 2017. Mais les toute la gauche à se ranger der­
munistes aux élections, notam­ communistes sont échaudés. Ils rière la députée européenne éco­
À VOIR SUR ment la présidentielle. estiment avoir été méprisés et logiste Karima Delli. Plus grave
INOUT.RENNES.FR Selon lui, l’effacement électoral maltraités par l’ancien socialiste, pour les communistes : cette
LEMONDE.FR/SMART-CITIES du PCF a contribué à l’invisibilisa­
tion et donc à l’affaiblissement
et n’ont pas voulu reconduire
cette stratégie, malgré les appels
« manœuvre » était destinée, se­
lon eux, à empêcher M. Roussel
des communistes dans le débat à l’unité de certains de leurs dé­ d’avoir une rampe de lancement
politique. Fabien Roussel l’as­ putés, comme Mme Buffet. pour 2022. Ce qui les a confortés
sure : il n’est pas question de se re­ Une chose est sûre : c’est un dans leur volonté de se présen­
tirer de la course avant la fin. Il ira coup dur pour Jean­Luc Mélen­ ter, coûte que coûte. 
« au bout ». « Soit je décolle et c’est chon. Le chef de La France insou­ abel mestre
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MARDI 11 MAI 2021 france | 17

«Il est facile d’imputer les erreurs de l’Etat à l’énarchie»


Bruno Lasserre, à la tête du Conseil d’Etat, livre son analyse sur la réforme de la haute fonction publique

ENTRETIEN « Le Conseil Nous mettons en place des solu­


tions sur la conservation des don­

R
éforme de la haute fonc­ d’Etat n’attend nées qui marchent et inspirent
tion publique et sup­ confiance. Quand nous deman­
pression de l’ENA, ges­
pas 2030 dons au gouvernement de rééva­
tion dans l’urgence du ou 2050 luer tous les ans la menace notam­
contentieux lié à la crise sanitaire, ment terroriste sous le contrôle du
émergence d’une justice climati­
pour vérifier juge, c’est une garantie supplé­
que ou encore conservation géné­ que les objectifs mentaire. La solution, dans un dé­
ralisée des données de connexion, saccord comme celui­là, est politi­
autant de dossiers d’actualité qui
climatiques que. Le nœud du problème vient
propulsent le Conseil d’Etat sur le sont tenus » d’une directive de 2002, aujour­
devant de la scène. Bruno Lasserre, d’hui dépassée. Les Européens doi­
à la tête de l’institution depuis vent trouver un nouvel équilibre
trois ans, livre son analyse. qui ont choisi une destinée au sur la conservation des données et
sein du CAC 40. Je pense aux cen­ leur exploitation.
La réforme de la haute fonction taines de hauts fonctionnaires
publique est­elle une bonne loyaux, investis, courageux qui Pourtant, la Cour constitution­
nouvelle pour le Conseil d’Etat ? n’ont pas quitté le service de nelle belge a rendu, le 22 avril,
Je suis un réformiste. Et la haute l’Etat. Ce n’est pas les trahir que de une décision diamétralement
fonction publique ne peut pas dire qu’il y a chez eux, aujour­ opposée à la vôtre en annulant
rester à l’écart de la réforme. Dans d’hui, un peu d’amertume. la loi sur les données…
ce qui est annoncé, il y a beau­ La Cour belge était saisie d’un re­
coup de bonnes choses. Plus de L’école n’avait­elle pas cepen­ cours contre la loi. Elle dit que
diversité : j’approuve la création dant échoué sur de nombreux l’obligation de conservation géné­
des prépas Talents [lesquelles doi­ points, notamment l’absence ralisée et indifférenciée des don­
vent aider des jeunes de milieu mo­ de diversité des élèves ? nées de connexion n’est pas con­
deste à préparer les concours de On fait peser sur l’ENA une res­ forme au droit européen et ren­
l’administration]. Plus d’accom­ ponsabilité qui remonte à beau­ voie au législateur la responsabi­
pagnement, d’évaluation pour ai­ coup plus loin. On ne peut pas lui lité de définir un nouvel équilibre.
der les hauts fonctionnaires à me­ demander de réparer les insuffi­ Nous avons précisé les possibilités
ner une carrière intéressante. Et sances d’un système éducatif qui, et les contraintes qui s’imposent
je me réjouis qu’une direction en effet, concentre des inégalités. d’ores et déjà au gouvernement.
consacrée aux ressources humai­ Il faut bien sûr que l’on rende le re­ Nous avons remis le droit sur les
nes de l’Etat soit mise en place, car crutement plus représentatif de la rails. En Belgique, il va falloir at­
il y a là un manque cruel. société française. Ce que propose tendre le nouveau projet de loi.
Je regrette cependant que l’on l’ordonnance du gouvernement
n’ait pas consacré suffisamment est, de ce point de vue, très bien. De récentes décisions, comme
de temps à évaluer en profondeur Mais cela ne condamne pas l’ENA à celle du 3 février dans « L’affaire
les forces et les faiblesses du mo­ mes yeux. Comme toute institu­ du siècle », ont fait grand bruit.
dèle français de la fonction publi­ tion, elle doit se transformer. Etes­vous en train de créer
que, ainsi que les besoins de l’Etat. une justice climatique ?
Ses fonctions ont considérable­ L’ENA, c’est aussi la porte vers Cette décision mais aussi celle de
ment évolué. Et cela change la na­ les grands corps, lesquels l’assemblée du contentieux du
ture des profils dont il a besoin. offrent, selon Emmanuel 10 juillet « Les Amis de la Terre » et
Malheureusement, on a le senti­ Macron, une « protection celle du 19 novembre 2020 dans
ment que, parfois, on préfère la ta­ à vie » désuète, une rente… l’affaire dite de Grande­Synthe si­
ble rase à l’évaluation nuancée Ces termes nous choquent, ici, gnent l’irruption du juge adminis­
d’un système qui a fait ses preuves. au Conseil d’Etat. Et les mots tratif sur la scène climatique. Dans
L’Etat ne marche pas toujours « grands corps » sont trompeurs, ce domaine, les Français veulent
bien, c’est vrai. Mais il est un peu car ils recouvrent des réalités va­ que les engagements politiques ou
facile d’imputer ses erreurs à riées. Nous sommes la cour su­ les grands accords internationaux
la haute fonction publique et à prême de la justice administrative. comme celui de la COP21 soient
l’énarchie. L’institution doit donc être indé­ traduits dans les faits. En opérant
pendante et offrir des garanties ce contrôle, le juge administratif
Regrettez­vous que l’on dans le déroulé de la carrière des agit pour crédibiliser la parole po­
supprime l’ENA ? conseillers. Ce n’est pas une rente, litique. Ce n’est pas le gouverne­
J’ai de la reconnaissance pour c’est la clé de notre indépendance. ment des juges qui se substitue au
l’ENA. Je suis provincial. Je n’ai pas Que dirait­on d’une cour dont la pouvoir politique pour dire ce qui
fait Sciences Po Paris. J’ai voulu carrière des membres dépend de est désirable en matière de lutte
fonder ma carrière sur les seuls cri­ ceux dont ils jugent les décisions ? Bruno Lasserre, vice­président du Conseil d’Etat, à Paris, le 5 février 2020. BRUNO FERT POUR « LE MONDE » contre le réchauffement climati­
tères de la compétence et de l’en­ Nous avons aussi besoin de profils que, comme l’a fait la Cour consti­
gagement, sans avoir besoin de d’excellence, qui ont le goût du tutionnelle allemande.
m’enrôler en politique ou de quit­ droit mais aussi de l’action, pour ront occuper un emploi d’audi­ sées ? Il ne faut pas que ceux dont Le Conseil d’Etat s’investit dans
ter le service de l’Etat. L’ENA m’y a juger les 10 000 requêtes et sécuri­ teur deux ans après avoir ter­ nous jugeons les décisions y
« Il fallait sans le temps long et n’attend pas 2030
aidé, et m’a donné confiance. ser les 1 300 textes de l’exécutif ou miné leur formation, puis inté­ jouent un rôle. L’assemblée géné­ doute supprimer ou 2050 pour vérifier que les ob­
Par ailleurs, comme président du Parlement que nous recevons grer le corps après cinq ans. Mais rale du Conseil d’Etat rendra un jectifs sont tenus. Nous contrô­
du conseil d’administration de chaque année. serons­nous toujours aussi at­ avis, en droit, sur cette question.
le nom de l’ENA, lons que la trajectoire est crédible
l’ENA, j’ai accompagné le plan de tractifs ? Car, à chaque étape, une On peut d’ailleurs aussi se poser tant cette école avant qu’il ne soit trop tard. Il y a
transformation mis en place ces Cela est­il remis en question nouvelle sélection est instituée. la question à propos des inspec­ urgence à agir et nous saurons
dernières années par Patrick Gé­ par la réforme de la haute Qui acceptera, à l’âge où l’on re­ tions générales, dont les corps
est devenue faire exécuter nos décisions,
rard, le directeur. On a acté l’ouver­ fonction publique ? joint le Conseil d’Etat, de se sou­ vont disparaître. Je ne suis pas sûr mal-aimée » comme avec l’astreinte de 10 mil­
ture du concours pour les doc­ Je suis allé au front pour défen­ mettre à cette course d’obsta­ que la qualité de la décision lions d’euros par semestre pro­
teurs, les stages en PME, la réforme dre trois valeurs. La jeunesse, tout cles ? Paradoxalement, cela pour­ du responsable politique y ga­ noncée dans l’affaire « Les Amis
de la scolarité… J’en suis fier. Et je d’abord. Dans une institution rait décourager les internes [qui gnera, car il est bon que quel­ La réforme risque­t­elle de la Terre », pour que l’Etat res­
regrette que le nom de l’ENA n’ait comme la nôtre, le brassage des intègrent l’ENA par le concours qu’un puisse, avec franchise, le d’affaiblir votre institution ? pecte ses obligations en matière
pas été préservé parce que c’est générations est fondamental. L’ac­ ouvert aux fonctionnaires], les mettre en garde sur les consé­ J’ai confiance dans notre insti­ de qualité de l’air.
une marque forte, en France cueil chaque année d’une classe lauréats du troisième concours quences de ses choix… tution. La balle est dans notre
comme à l’étranger. C’est un levier d’âge nouvelle nous bouscule en [pour le privé], mais aussi les fem­ Enfin, troisième valeur, l’ouver­ camp. Nous avons les moyens de Allez­vous aussi contrôler le
d’influence. Des marques comme apportant le vent frais d’une so­ mes. Ce qui serait contraire à l’ob­ ture. Il est sain que les membres relever ce défi. En revanche, si no­ respect d’autres engagements
Polytechnique ou les Mines, per­ ciété qui bouge. C’est un gage jectif poursuivi. du Conseil d’Etat sortent et parti­ tre indépendance devait être ré­ politiques, par exemple la
sonne ne songe à les changer. d’adaptation. La deuxième valeur que j’ai dé­ cipent à l’action publique, pren­ duite, oui, cela nous atteindrait. réduction de la pauvreté ?
Mais il fallait sans doute ce sym­ fendue, c’est l’indépendance. Cela nent des risques, apprennent à Le droit climatique est une révo­
bole, tant cette école est devenue La réforme ne vous permet­elle renvoie à la question des commis­ encadrer des administrations. Et Le Conseil d’Etat n’a­t­il pas lution pour ceux qui pensaient
mal­aimée parce qu’assimilée à pas de continuer à recruter sions qui seront chargées, à cha­ il faut, en outre, accueillir des ta­ créé un précédent en prenant, que promettre n’est pas tenir. Ce
une école du pouvoir. Pourquoi ? des jeunes ? que étape, de sélectionner ceux lents de l’extérieur : professeurs le 21 avril, le contre­pied de la n’est pas un droit mou. Il oblige.
A cause du petit nombre de ceux Nous gardons des jeunes, mais qui souhaitent intégrer le corps. des universités, préfets, officiers… Cour de justice de l’Union
qui sont entrés en politique ou ils viendront plus tard. Ils pour­ Comment seront­elles compo­ La réforme conforte cela. européenne au sujet de Votre indépendance est
la conservation généralisée pourtant souvent mise en
des données de connexion ? cause du fait de devoir juger
Crise sanitaire : « Nous avons répondu dans le temps de l’action » Il y avait une tension entre le
droit européen et le droit national.
des décisions d’un Etat pour
lequel beaucoup de vos
Cette décision témoigne de la vo­ membres ont travaillé…
L’année écoulée vous a aussi donné l’action. Répondre plusieurs mois après confinement et la suite. Nous avons tenu lonté du Conseil d’Etat de résou­ Je récuse cette critique. Un juge
à juger dans l’urgence des questions n’aurait eu aucun sens. Cette prise compte de l’intensité du risque sanitaire. dre cette question non par la qui connaît l’administration, le
liées à la crise sanitaire… en compte du temps, qu’il soit long ou Mais cette crise a montré une perte de re­ guerre des juges mais par un dialo­ terrain sur lequel il intervient, sera
Nous avons été saisis en un an d’environ très court, est essentielle pour inspirer pères quant aux rôles respectifs du politi­ gue exigeant. Nous avons refusé sagace et audacieux. Regardez les
650 contestations de la gestion de la crise confiance dans le juge. Finalement, une que, de l’expert et du juge. Certains ont de­ de suivre le gouvernement qui juridictions européennes face aux
sanitaire. C’est beaucoup plus que partout cinquantaine de décisions ont suspendu mandé au Conseil d’Etat de se substituer nous demandait d’écarter la déci­ impératifs sanitaires récemment.
ailleurs en Europe. Il faut s’en réjouir, cela a des règles ou enjoint au gouvernement de au politique ! D’autres ont mesuré notre sion de la Cour de Luxembourg, La France et l’Allemagne, où il
permis de résoudre pacifiquement, dans le modifier ses pratiques. indépendance en comptant les points, car les conséquences auraient pu existe un juge administratif, ont
prétoire plutôt que dans la rue, la question comme si les requérants avaient toujours être dévastatrices. Notre décision fait prévaloir la liberté de manifes­
de l’équilibre entre respect des libertés et Le Conseil d’Etat n’a­t­il pas été moins raison et le gouvernement toujours tort. n’est pas qu’une combinaison de ter. Au Royaume­Uni et en Espa­
impératifs sanitaires. Cela démontre l’effi­ regardant sur le respect des libertés Mais si nous concluions dans 50 % des cas normes théoriques entre la Cons­ gne, où il n’y a pas de Conseil d’Etat
cacité de la procédure du référé. dans les premiers mois de la crise que l’exécutif est hors la loi, je ne pense pas titution et le droit européen. C’est pour juger les décisions publiques,
Personne n’aurait pensé à saisir le juge sanitaire pour laisser les mains libres que cela serait un signal de bonne santé de une conciliation opérationnelle ce droit a été mis en sourdine. 
administratif sur ces questions s’il n’avait au gouvernement ? l’Etat de droit, qui suppose que l’adminis­ entre la protection de la vie privée propos recueillis par
pas démontré sa capacité à répondre en Ce n’est pas le contrôle du juge qui a évo­ tration agisse légalement.  et la demande de sécurité de la benoît floc’h
quarante­huit heures, dans le temps de lué, mais les circonstances entre le premier propos recueillis par b.f. et j.­b.j. part des citoyens. et jean­baptiste jacquin
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18 | france MARDI 11 MAI 2021

Démarrage compliqué Meurtre d’un policier


à Avignon : des suspects
pour les autotests au lycée interpellés
L’opération de dépistage, qui débute lundi, souffre de retards de livraison Quatre personnes ont été appréhendées,
dont trois hommes sur l’A9 en direction de
Nîmes. Ils projetaient de fuir vers l’Espagne

N
e leur demandez pas « On est loin mais qu’il leur faudra pourtant
s’ils sont « contre » la ouvrir et répartir. LES CHIFFRES
campagne d’autotests. de l’opération Quand le compte y est, c’est le
Les proviseurs de lycée
l’ont réclamée, attendue… Mais
alors que ces autotests doivent
commencer à être distribués aux
lycéens, lundi 10 mai, l’« opération
simple
et indolore
présentée
stockage qui inquiète. « Il faut une
salle dédiée, à une température
contrôlée », rapporte Thierry Fau­
connier (SNPDEN­UNSA), à la tête
d’un établissement dans les Yveli­
4 992
C’est le nombre de classes fer-
mées en raison de l’épidémie de
Q uatre jours après l’ho­
micide d’Eric Masson,
un policier de 36 ans, à
Avignon dans des cir­
constances encore floues, la po­
A ce stade
de l’enquête,
le troisième
patine », selon de nombreux chefs
à la nation » nes. Lui a reçu, vendredi 7 mai, les Covid-19, sur un total de 528 400, lice a procédé, dimanche 9 mai, à
individu
d’établissement. De Paris à Mar­ VALÉRIE KROËS autotests nécessaires pour ses élè­ une semaine après la reprise de quatre interpellations, a annoncé aurait servi
seille, de Nantes à Grenoble, proviseure (ID-FO) à Nîmes ves ; deux jours plus tôt, il récep­ tous les élèves, selon le dé- le ministre de l’intérieur, Gérald
même constat : il sera difficile de tionnait ceux des enseignants. Et, compte du ministère de l’éduca- Darmanin, lundi matin. L’une des
de chauffeur
tenir le calendrier. pourtant, il n’est pas serein : « Si je tion communiqué vendredi 7 mai personnes appréhendées au aux deux autres
Et pour cause : les autotests ne Au total, 60 millions d’autotests bloque des salles pour les tests, on (à partir de données arrêtées la moins est fortement soupçonnée
sont pas arrivés partout. « La situa­ ont été promis au monde ensei­ les fait où, les cours ? Je pourrais veille). C’est aussi le cas de d’être liée au meurtre.
dans leur
tion est disparate d’une académie à gnant d’ici à l’été, les professeurs m’organiser autrement ; j’ai un in­ 32 structures scolaires (25 écoles, Trois hommes d’une vingtaine tentative de fuite
l’autre », rapportait, à la veille du volontaires du secondaire comme ternat : il me serait possible d’y rece­ 6 collèges et un lycée). d’années ont été interpellés sur
week­end, Philippe Vincent, porte­ du primaire peuvent se dépister voir les élèves et leurs familles de l’autoroute A9, au péage de Re­
parole du SNPDEN­UNSA, syndicat chez eux, à raison de deux auto­ 18 heures à 21 heures. Mais cela ne moulins, en direction de Nîmes, ligne­t­on à la police judiciaire.
majoritaire parmi les personnels tests par semaine fournis gratuite­ correspond pas au cadre fixé. » 0,18 % alors que plusieurs « tuyaux » re­ Dans leur traque, les policiers
de direction. Son lycée à Aix­en­ ment. Pour les lycéens, il est prévu Les proviseurs ont sorti leur cal­ C’est le pourcentage de tests sali- çus au cours des dernières qua­ ont pour une fois profité d’une
Provence (Bouches­du­Rhône) qu’ils se prêtent à l’exercice – sous culatrice : pour un lycée d’un mil­ vaires positifs sur les 207 554 tests rante­huit heures faisaient état de fausse piste : la photo d’un jeune
n’avait reçu, vendredi 7 mai, aucun autorisation préalable des familles lier d’élèves, à raison de deux sé­ réalisés sur les écoliers, qui ont leur volonté de tenter de quitter le homme diffusée sur les réseaux
dispositif de dépistage à proposer – une fois par semaine, au sein de quences d’une demi­heure d’auto­ repris les cours une semaine pays, vraisemblablement à desti­ sociaux et largement transmise
aux élèves. Pour les enseignants, leur établissement. tests par classe du fait du fonction­ avant les collégiens et les lycéens, nation de l’Espagne. Si aucune par SMS entre policiers. Or,
c’est mieux : « Les livraisons ont dé­ Après une année scolaire en nement en « demi­jauge », c’est un le 26 avril. Ecoliers et collégiens arme n’a été retrouvée à bord de l’homme figurant sur ce portrait
marré plus tôt, mais elles couvrent pointillé, une course contre la total de cinquante­huit heures ne sont pas, à ce stade, concer- leur véhicule, de l’argent liquide a, d’identité ne serait pas le tireur
rarement, à ce stade et avant un montre est donc engagée. « Per­ pour la réalisation des autotests nés par les autotests. en revanche, été découvert, pro­ d’après plusieurs sources concor­
réassort promis par l’éducation na­ sonnellement, j’aurais souhaité qu’il faudrait arriver à caler dans la bablement la somme qu’ils ont dantes. « La diffusion de cette pho­
tionale, plus de la moitié des be­ que ces autotests soient rendus semaine. « On est loin de l’opéra­ pu récolter avant de tenter de tographie, malencontreuse et ex­
soins. » Dans son lycée, qui compte obligatoires. Mais je ne me lance­ tion simple et indolore présentée à cation, en reprenant une modéli­ franchir la frontière. trêmement imprudente, a indirec­
260 personnels (enseignants et rai pas dans l’opération si les con­ la nation », dit Valérie Kroës, provi­ sation citée par le conseil scienti­ D’après une source policière, au tement permis une diversion en
autres), 169 autotests ont été ré­ ditions matérielles ne sont pas réu­ seure (ID­FO) d’un lycée profes­ fique et la Haute Autorité de moins deux d’entre eux auraient contribuant à rassurer les auteurs
ceptionnés. nies », assure Patrick Fuertes, pro­ sionnel à Nîmes. santé, dans leurs avis respectifs déjà eu affaire à la police et à la jus­ alors qu’ils étaient toujours en
Le 5 mai, SNPDEN­UNSA, SGEN­ viseur (SNPDEN­UNSA) près de sur les autotests en date des 22 et tice, en particulier pour des in­ fuite. De cette manière, il nous a été
CFDT et ID­FO ont signé un com­ Chambéry. « Notre priorité, ce doit « La stratégie perd en lisibilié » 23 avril. Tandis qu’une adhésion fractions à la législation sur les possible de continuer à travailler
muniqué commun valant « aver­ être le bac pour nos élèves de 1re et Cette « nouvelle arme pour sur­ de 75 % conduirait à une réduc­ stupéfiants et des « vols avec vio­ sur eux », avance un enquêteur.
tissement » : ils conseillent « très de terminale, le choix de spécialités veiller la pandémie », selon les tion de 50 % des contaminations. lence ». « En tout état de cause, des Au cours du week­end, la liste
fortement » à leurs adhérents de ne pour les secondes, témoigne, dans mots du premier ministre, Jean A ce stade, préviennent les pro­ délits sans commune mesure avec des suspects potentiels et de leurs
prendre « aucun risque » avec les la même veine, Dominique Faure, Castex, doit permettre d’amplifier viseurs, les demandes d’autorisa­ les faits dont ils sont désormais éventuels soutiens s’est resserrée
opérations de dépistage, y lit­on, proviseure (SNPDEN) dans l’ag­ la stratégie de dépistage en milieu tion adressées aux familles re­ suspectés », avance la même autour de quatre noms, parmi les­
pour ne les réaliser que « si toutes glomération de Nantes. Déjà scolaire, en renfort des tests sali­ viennent au compte­gouttes. Va­ source. A ce stade des investiga­ quels celui du jeune homme
et uniquement toutes les condi­ qu’avec le protocole sanitaire ren­ vaires proposés aux élèves du pri­ lérie Kroës, la proviseure de Nî­ tions, le troisième individu n’est soupçonné d’être l’auteur des
tions sont remplies au regard des forcé les classes ferment en pa­ maire et des tests antigéniques dé­ mes, n’a obtenu que quatre pas considéré par les policiers coups de feu mortels.
préconisations sanitaires ». gaille… » En quarante­huit heures, ployés en collège et lycée. Dans le réponses… sur 600 familles solli­ comme étant directement impli­ Mercredi 5 mai, en fin d’après­
Or « les lycées ne sont pas prêts, cette chef d’établissement a dû se premier cas, entre 65 % et 70 % de citées. « On en a parlé aux lycéens, qué dans la mort d’Eric Masson midi, Eric Masson, un brigadier de
prévient Sylvie Perron, du SGEN­ résoudre à fermer une classe et la « cible » se porte volontaire, esti­ mais après un an de crise sanitaire, mais aurait avant tout servi de 36 ans, père de deux fillettes de
CFDT, et ceux du sud de la France deux demi­groupes. me­t­on au ministère de l’éduca­ ils ne se bousculent pas pour se chauffeur aux deux autres dans 5 et 7 ans, avait été victime de
ont plus de mal à être livrés que L’éducation nationale a beau tion. Dans le second, entre le quart mettre un écouvillon dans le nez », leur tentative de fuite. deux tirs dans l’abdomen et la
dans le Nord. » Constat peu diffé­ avoir promis des renforts en per­ et le tiers des élèves répondraient à rapporte aussi Ronald Grec poitrine alors qu’il procédait à un
rent de Franck Antraccoli, leur sonnels pour encadrer la passa­ l’invitation. Et encore, ces ratios (SNPDEN­UNSA), chef d’établisse­ Fausse piste contrôle rue Rateau, à Avignon. Sa
homologue du syndicat ID­FO : tion (1 700 « médiateurs » ont déjà font débat. « On est plutôt à ment dans l’académie de Ver­ Depuis jeudi 6 mai, près d’une mort provoque un profond émoi
« Les colis arrivent… tout douce­ été recrutés, 2 800 doivent suivre), 10 %­15 % de volontaires dans le se­ sailles. D’où l’intérêt, affirment centaine d’enquêteurs de la direc­ au sein d’une institution déjà en­
ment, note ce proviseur à Nantes. les difficultés logistiques s’accu­ cond degré, avance Sylvie Perron, tous les proviseurs, d’une passa­ tion régionale de la police judi­ deuillée par l’assassinat à Ram­
Avec une semaine de deux jours et mulent. Aux colis qui n’arrivent du SGEN­CFDT. Il y a une vraie dis­ tion « à domicile », en présence ciaire et de la brigade de recherche bouillet (Yvelines), de Stéphanie
demi devant nous [du fait du pas (et qu’« il faut aller chercher soi­ torsion entre les chiffres qui revien­ – et sous l’autorité – des parents. et d’intervention (BRI) de Mont­ Monfermé, le 23 avril, par un dji­
pont de l’Ascension], je vois mal même en voiture », rapporte Ma­ nent dans la communication offi­ C’est ce que défendent les trois pellier, appuyés par des effectifs hadiste tunisien.
comment il pourrait se passer rie­Pierre Chabartier, proviseure cielle et ce qui se passe, concrète­ syndicats (SNPDEN­UNSA, SGEN­ de la BRI de Marseille et de la BRI Dimanche, environ 5 000 per­
grand­chose avant le lundi d’un lycée privé à Marseille) s’ajou­ ment, sur le terrain. La stratégie CFDT, ID­FO) partout où l’opéra­ nationale, exploraient toutes les sonnes se sont rassemblées de­
17 mai. » A cette date, il restera à tent les problèmes de condition­ globale perd d’autant en lisibilité. » tion poserait des problèmes logis­ informations susceptibles de me­ vant le commissariat d’Avignon
peine un mois de cours dans les nement et de « dispatching » : ici Peut­il en être autrement avec tiques. Devant la commission ner à l’arrestation du tireur et pour rendre hommage au poli­
lycées, bon nombre d’entre eux sont livrées des boîtes de six auto­ les autotests ? Une adhésion de éducation de l’Assemblée natio­ d’un éventuel complice, non en­ cier, avant une nouvelle cérémo­
envisageant de sonner la fin de tests, là des boîtes de dix, parfois 25 % à un dépistage hebdoma­ nale, jeudi, le ministre de l’éduca­ core formellement identifiés. Les nie prévue mardi 11 mai en pré­
l’année scolaire plus tôt que sans aucune notice en français. daire entraînerait une réduction tion nationale, Jean­Michel consignes ministérielles, adres­ sence du premier ministre, Jean
prévu – à une semaine des épreu­ Pour les élèves, ce sont des boîtes du nombre de cas de 30 % par Blanquer, a ouvert la voie à cet as­ sées à l’ensemble des services de Castex, et du ministre de l’inté­
ves du bac, pour éviter aux élèves de vingt­cinq qui arrivent, « insé­ rapport à la situation actuelle, souplissement.  police, avaient fait de l’interpella­ rieur, Gérald Darmanin. 
d’être « cas contacts ». cables », disent les proviseurs, défend­on au ministère de l’édu­ mattea battaglia tion, une « priorité absolue », sou­ antoine albertini

Sciences Po Grenoble : un rapport administratif sans concession


Après la polémique visant deux professeurs accusés d’« islamophobie », l’inspection générale fait état d’un « conflit disproportionné »

C’ est un rapport sévère,


qui dépeint un institut
d’études politiques (IEP)
en pleine crise, que l’inspection
générale de l’éducation, du sport
late, lui, le récit précis d’une con­
troverse qui a pour origine les con­
ditions de préparation, à distance,
en novembre 2020, d’une « se­
maine pour l’égalité et la lutte con­
joint de « présenter ses excuses à sa
collègue blessée par la virulence de
ses messages, ce que M. A fera par
deux fois, le 4 et le 16 décembre », in­
dique le rapport. Mais les choses
ment ». Sur les réseaux sociaux,
l’US va plus loin et réclame « que
des actes concrets soient pris », no­
tamment la suppression du cours
sur l’islam dispensé par M. B (pro­
résulté « d’erreurs d’appréciation,
de maladresses, de manquements
et de fautes plus ou moins graves »
de la part de tous les acteurs de
cette affaire. Elle invite la directrice
miscer dans la gestion des ressour­
ces humaines de l’IEP ». Aux ins­
pecteurs, celle­ci avait notam­
ment justifié son communiqué
« par le contexte des multiples atta­
et de la recherche (IGESR) a remis, tre les discriminations » prévue un ne feront que s’envenimer, avec fesseur qui était venu en soutien à à « procéder sans délai à un signale­ ques auxquelles faisaient face les
vendredi 7 mai, à la ministre de mois plus tard. l’intervention de deux autres en­ M. A). Le 22 février, par un « appel à ment au procureur de la Républi­ sciences humaines et sociales à ce
l’enseignement supérieur. Dans l’un des groupes de travail seignants : l’un prenant la défense témoignages » publié sur Face­ que des accusations d’islamopho­ moment­là dans le débat public
Après le collage, le 4 mars, d’affi­ associant huit étudiants et deux de M. A par e­mail et l’autre rédi­ book, l’US invite les étudiants à dé­ bie à l’encontre de M. B » et à « enga­ (notamment les débats sur l’“isla­
ches accusant nommément deux professeurs, un échange d’e­mails geant un communiqué au nom de noncer anonymement les propos ger sans attendre davantage une mo­gauchisme” soulevés dans l’es­
enseignants d’« islamophobie » et « au ton virulent » a opposé un en­ l’ensemble du laboratoire de islamophobes qui auraient pu être procédure disciplinaire à l’encontre pace public) », après les propos du
de « fascisme », et diffusées sur les seignant d’allemand (M. A) qui sciences sociales qu’elle dirige tenus dans ce cours. de chacun des dix­sept élus étu­ ministre de l’éducation nationale,
réseaux sociaux par des étudiants, contestait la légitimité de la no­ (Pacte) pour dénoncer de la part de Au cours de leur mission, les diants de l’US dans les différentes Jean­Michel Blanquer, réitérés par
Frédérique Vidal avait missionné tion d’islamophobie et sa mise sur M. A « une forme de harcèlement et deux inspecteurs n’ont relevé, instances de l’IEP ». Est aussi préco­ Frédérique Vidal en février.
deux inspecteurs afin d’établir les le même pied que les notions de une atteinte morale violente » à parmi tous les documents collec­ nisé un rappel à leurs obligations L’IGESR recommande enfin à
responsabilités et de « contribuer à racisme et d’antisémitisme dans l’encontre de Mme C. tés, « aucun propos susceptible de fonctionnaires à Mme C et à M. A, l’école de « faire évoluer son mode
rétablir la sérénité au sein de l’IEP » l’intitulé d’un débat, et une ensei­ d’être puni par la loi ou constitutif tout nouveau manquement de la de management et [d’]améliorer
de Grenoble. Après la publication gnante en histoire (Mme C) qui af­ Poursuites disciplinaires d’un manquement de caractère part de ce dernier engageant des son organisation pour permettre
du rapport, la ministre s’est pro­ firmait que la notion d’islamo­ L’affaire prendra un tour dramati­ déontologique de la part de M. B ». poursuites disciplinaires. un pilotage plus efficace ». L’IEP
noncée pour une sanction des étu­ phobie est « devenue évidente dans que le 9 janvier, lorsque les élus Ils estiment que ces accusations En ce qui concerne la directrice doit « s’attacher à combler des
diants concernés, dans un entre­ les sciences sociales », rapporte étudiants de l’Union syndicale justifiaient une action discipli­ du laboratoire Pacte, la mission manques criants en matière de for­
tien au Figaro, samedi 8 mai. l’IGESR. (US) demandent dans un courriel naire contre les élus étudiants de préconise que sa hiérarchie lui mation de ses étudiants dans le do­
Alors que l’enquête de police est Informée de l’incident, la direc­ à la directrice de l’IEP de « statuer l’US, ce que la direction de l’IEP n’a rappelle « le rôle qui est le sien, le­ maine des usages et des risques des
toujours en cours pour détermi­ trice de l’IEP, Sabine Saurugger, a sur [le] cas [de M. A] » et de « pren­ pas fait. quel ne l’autorise ni à signer un communications numériques »,
ner l’identité des poseurs d’affi­ « rappelé oralement » M. A au de­ dre des mesures pour lutter contre L’inspection générale conclut communiqué par délégation du soulignent les inspecteurs. 
ches, ce rapport administratif re­ voir de respect d’autrui et lui a en­ l’islamophobie dans l’établisse­ qu’un « conflit disproportionné » a président de l’université, ni à s’im­ soazig le nevé
ÉCONOMIE & ENTREPRISE
0123
MARDI 11 MAI 2021 | 19

La crise pousse à la baisse les loyers
L’absence de touristes et d’étudiants a entraîné la hausse des offres de location dans les grandes métropoles

L
a crise sanitaire peut
avoir du bon, notam­
ment pour les locataires
lorsqu’elle provoque ce
qui paraissait impossible, déten­
dre les marchés locatifs des villes
les plus chères et recherchées. Les
sites d’annonces et les agents im­
mobiliers constatent, en chœur,
un afflux inédit d’offres de loca­
tions. En mars 2021, le site SeLo­
ger a compté 79 % d’annonces en
plus pour des appartements
loués vides et 129 % de meublés
en plus que l’an dernier.
Le mouvement avait débuté dès
septembre 2020, mais a pris de
l’ampleur au premier trimestre
2021 et entraîne, même à Paris, Travaux
Lille ou Nice, une légère mais his­ sur un
torique baisse des loyers. En un immeuble,
an, le nombre d’annonces de loca­ à Paris,
tions a triplé à Nice comme à An­ le 30 juillet
necy, Rennes, Toulouse, et quin­ 2020. JOEL
tuplé à Bordeaux. L’afflux d’offres SAGET/AFP
montre l’emprise des plates­for­
mes touristiques de type Airbnb
qui s’exerçait, avant crise, sur les
marchés locatifs des centres his­
toriques des grandes villes, Bor­
deaux et Paris en étant les symbo­
les et principales victimes.
« A Paris, c’est du jamais­vu, con­
fie Stanislas Coûteaux, fondateur
et dirigeant de Book­A­Flat, qui
gère 3 000 appartements meu­
blés, plutôt haut de gamme, dans
la capitale. Sur le seul site SeLoger,
on trouve, aujourd’hui, 10 000 of­
fres de biens meublés à louer contre
5 000 habituellement et nos pro­
priétaires, jusqu’ici habitués à trou­
ver un locataire dans les huit jours, but mai 2021, toujours pas trouvé détaille M. Alban. Reste à convain­ mars 2020, nous avons assisté à meuble, et sont un exemple pour
mettent plusieurs semaines ou preneur ; un autre, près du Troca­ cre les bailleurs de fixer leurs loyers
« La moitié une vague de congés donnés par les autres », observe David Ben­
mois et doivent réduire leurs pré­ déro (16e arrondissement), a longue durée en respectant le pla­ de nos nouveaux des locataires pourtant stables, bassat, directeur du portail
tentions financières. » Ce gestion­ trouvé locataire après deux mois, fonnement réglementaire en vi­ mais dont les projets ont évolué en Bien’ici. La Ville de Paris, dans sa
naire a ainsi accueilli, depuis jan­ non sans une baisse de 6 % de gueur à Paris. »
clients ont décidé raison même des confinements : lutte contre la « Airbnb­sation »
vier, 300 nouveaux clients, pour la loyer. Non seulement les touris­ « Les tarifs plafonds autorisés de­ de passer départ en province, recherche d’un des quartiers, profite de l’accal­
plupart des propriétaires bailleurs tes ne sont pas encore revenus, puis le 1er juillet 2019 sont finale­ lieu plus confortable avec espace mie du marché pour pousser son
qui, jusque­là, louaient en meublé mais les étudiants sont rentrés ment conformes aux prix du mar­
à la location en extérieur…, raconte Jean­Michel avantage. A la faveur d’une déci­
et en courte durée à des touristes. chez leurs parents suivre les cours ché, rassure M. Coûteaux : “longue durée” » Camizon, président de Dauchez, sion de la Cour de cassation qui a,
à distance et les jeunes actifs ont 30 euros le mètre carré mensuel administrateur de biens qui gère le 18 février 2021, légitimé son dis­
ALEXIS ALBAN
Presque « les mêmes revenus » vu missions et stages reportés. loué vide, 40 euros en meublé, c’est 25 000 appartements. Notre stock positif de régulation des loca­
directeur de l’agence Lodgis
Le site De Particulier à Particulier Autant de locataires en moins et déjà beaucoup », juge­t­il. « Pour de logements disponibles a donc tions touristiques, elle a relancé
(PAP) enregistre aussi le bond de de logements libres en plus. les bailleurs qui ont un crédit à doublé, jusqu’à proposer 450 biens les 500 procédures, un temps sus­
l’offre de biens à louer, + 24 % Le portefeuille de Lodgis, filiale rembourser, le réalisme, c’est de ne à louer, mais il se résorbe aussi vite pendues, contre les propriétaires
pour la France entière et + 75 % de Foncia, gestionnaire spécia­ pas attendre le retour des touristes des Vosges, à Paris. Jusqu’alors en vue d’une reprise qui se profile. de ce que l’élu adjoint au loge­
rien qu’à Paris. « On reconnaît vite liste de la location en meublé avec et de passer à la location longue mis en location par une concier­ Je parie sur un retour assez rapide ment, Ian Brossat, appelle des
les appartements auparavant des­ 8 720 biens, a augmenté de 16,5 % durée », conseille Xavier De­ gerie américaine de luxe, il rap­ à la normale. » « hôtels clandestins ».
tinés aux touristes à leur décora­ à Paris. « La moitié de nos nou­ meuzoy, avocat qui défend cent portait 3 000 euros par mois, Les déboires des bailleurs font « Dans le cadre de la loi 4D [pour
tion soignée et standardisée, avec veaux clients ont décidé de passer vingt propriétaires de locations mais il fait aujourd’hui, pour l’affaire des locataires, dont cer­ différenciation, décentralisation,
l’indispensable cafetière Nes­ à la location en “longue durée”, saisonnières contestées par la deux fois moins cher, le bonheur tains profitent pour se loger déconcentration et décomplexi­
presso et parfois la mention “refait avec des baux d’un an, ou de neuf Ville de Paris. d’un kinésithérapeute « qui rêvait mieux et moins cher. Ce contexte fication] en discussion fin mai à
par un architecte d’intérieur”, sou­ mois pour étudiant, explique de cette adresse », se félicite particulier relance d’ailleurs la l’Assemblée nationale, nous allons
ligne Corinne Jolly, présidente de Alexis Alban, son directeur. Fi­ « Annonces plus attirantes » M. Coûteaux. Un deux­pièces de concurrence, pousse les bailleurs demander le droit, pour les villes,
PAP. Et ces biens restent parfois nancièrement, cette solution dé­ « Entre les procédures de la Ville de 33 m2 carrés, près de l’Opéra (9e ar­ classiques à faire un effort, amé­ de fixer le nombre de nuitées an­
plusieurs mois en attente », cons­ gage quasiment les mêmes reve­ Paris et les tracas avec les copro­ rondissement de Paris) a, lui, été liorer l’état de leurs biens, réaliser nuelles autorisées pour la location
tate­t­elle. nus que la location touristique, ap­ priétaires qui supportent mal le loué au long cours à un jeune ac­ des travaux, soigner la présenta­ de la résidence principale et d’im­
Un studio du 5e arrondissement paremment plus lucrative mais défilé de touristes, beaucoup de tif, pour 1 500 euros par mois au tion et l’information. « Les annon­ poser des quotas de location tou­
de Paris, dont l’annonce a été pu­ qui occasionne de nombreux frais ces bailleurs ne reviendront pas à lieu des 2 500 à 3 000 euros autre­ ces pour les meublés sont plus atti­ ristique dans les quartiers afin
bliée en novembre 2020, a vu son – ménage, conciergerie, entretien, la location type Airbnb », prédit fois facturés aux touristes. rantes, proposent des photos qu’ils accueillent les Parisiens »,
loyer mensuel passer de 1 500 à Internet… – pour un taux d’occu­ M. Coûteaux, qui cite l’exemple L’afflux d’offres concerne égale­ meilleures, nombreuses, incluant précise Ian Brossat. 
1 400 puis 1 300 euros et n’a, dé­ pation dépassant rarement 70 %, d’un studio de 22 m2, situé place ment les locations vides. « Depuis l’environnement, la façade de l’im­ isabelle rey­lefebvre

Après Paris et Lille, des villes veulent encadrer les prix des locations
En France, huit collectivités locales ont adressé une demande de limitation. En Allemagne, une mesure du Land de Berlin vient d’être annulée

L a crise sanitaire accorde un


répit aux locataires des
grandes villes de France tel­
les que Paris, Lyon, Bordeaux, Mar­
seille ou Lille, avec une offre plus
ris a ainsi déboursé 8,5 millions
d’euros pour préempter, dans le
très central quartier du Sentier
(2e arrondissement, dans le nou­
veau secteur Paris­Centre), déjà
A l’usage, le dispositif permet
d’écrêter les abus les plus criants et
a un léger effet modérateur. Mais
le mécanisme n’est guère contrai­
gnant et beaucoup de propriétai­
tercommunalité Plaine commune
(six villes de Seine­Saint­Denis) ; sa
voisine Est Ensemble (neuf com­
munes de Seine­Saint­Denis) de­
vrait aussi l’obtenir.
tendent, elles, les décisions préfec­
torales. La flambée des loyers et
leur déconnexion d’avec les reve­
nus ne sont pas qu’un mal fran­
çais et la question se pose dans
selon l’époque de construction,
entre 4 euros et 9,80 euros men­
suels le m2 (contre 30 euros à
40 euros à Paris) s’appliquant aux
baux déjà conclus, ce qui entraîne
abondante grâce aux logements li­ saturé de meublés de type Airbnb, res s’en affranchissent, sans grand toute l’Europe, avec une acuité une baisse immédiate du loyer et
bérés par les touristes, et, partant, un immeuble de bureaux que la risque de sanctions. La préfecture Nombreux arguments particulière à Berlin, la capitale al­ le remboursement du trop­perçu.
des loyers qui n’augmentent plus, société acheteuse Pierre Rénova­ d’Ile­de­France, chargée des con­ Leur proximité avec la capitale, les lemande. Cette ville­Etat, dont Et, surtout, elle autorise des amen­
voire baissent légèrement. Mais tion Tradition voulait affecter à trôles, a, en presque deux ans, en­ nombreux chantiers du Grand Pa­ 81,5 % des habitants sont locatai­ des allant jusqu’à 500 000 euros…
l’accalmie pourrait ne pas durer et cet usage et y créera dix­sept loge­ registré 102 signalements de dé­ ris qu’elles accueillent, la perspec­ res, connaît, depuis 2000, une Le 15 avril 2021, la Cour constitu­
les maires cherchent des solutions ments sociaux intermédiaires. passements dans la capitale, dont tive des Jeux olympiques de 2024 vive augmentation des loyers à tionnelle fédérale de Karlsruhe a
pour que leur marché locatif, une L’encadrement des loyers est un 75 ont été régularisés. Seulement et la flambée des loyers qu’elles l’initiative des grandes sociétés cependant invalidé cette loi édic­
fois la pandémie de Covid­19 pas­ autre levier de maîtrise de l’infla­ 9 ont fait l’objet d’une amende, ont enregistrée sont les argu­ propriétaires. Il s’agit de puissants tée par le land de Berlin, lui en con­
sée, ne redevienne pas aussi infla­ tion immobilière. La loi portant dont les montants ne dépassaient ments qui ont emporté la décision fonds d’investissement comme testant la compétence et s’en re­
tionniste et sélectif qu’auparavant. évolution du logement, de l’amé­ pas 1 500 euros, alors que la loi du préfet. Enfin, 11 des 24 commu­ Deutsche Wohnen ou Vonovia. mettant à l’Etat fédéral. « Nous tra­
Car les investisseurs, eux, res­ nagement et du numérique (loi autorise 5 000 euros pour les per­ nes de Grand­Orly Seine Bièvre Depuis février 2020, les autorités vaillons à l’union entre toutes les
tent à l’affût des rendements éle­ ELAN de 2018) autorise les villes à sonnes physiques et 15 000 euros (Val­de­Marne et Essonne) sont de la ville ont adopté une loi limi­ associations de locataires d’Allema­
vés qu’assure le tourisme et, à Pa­ réclamer un tel plafonnement au pour les personnes morales. sur les rangs, tout comme celles de tant les augmentations, avec effet gne pour parvenir à une loi natio­
ris par exemple, se précipitent préfet. Paris l’a mis en vigueur de Huit autres collectivités locales Grand Paris Sud, autour de Grigny rétroactif au 1er juin 2019. Elle est nale », confie Sandrine Woinzeck,
déjà pour acheter des bureaux et façon pérenne depuis le ont demandé la mise en place d’un (Essonne). Les villes de Bordeaux, plus contraignante qu’en France. porte­parole de l’Alliance contre
les transformer en suites hôteliè­ 1er juillet 2019, suivi par Lille, Hel­ encadrement de loyers : il entrera Lyon et Villeurbanne, Montpellier Outre un gel des loyers de cinq ans, les expulsions et la spéculation. 
res. Début avril 2021, la Ville de Pa­ lemmes et Lomme en mars 2020. en vigueur le 1er juin 2021 pour l’in­ et l’agglomération de Grenoble at­ elle impose des tarifs maximaux i. r.­l.
0123
20 | économie & entreprise MARDI 11 MAI 2021

« Le chemin de la reprise sera long en zone euro »


Le chômage ne baissera pas à son niveau de 2019 avant 2023, estime Philip Lane, économiste en chef de la BCE

ENTRETIEN « Nous devons

L’
Europe pourrait soute­ nous assurer
nir son économie bien
plus largement si,
que l’interruption
comme les Etats­Unis, progressive des
elle allait plus loin dans l’intégra­
tion budgétaire, explique Philip
aides ne soit pas
Lane, économiste en chef de la trop brusque ou
Banque centrale européenne
(BCE). Dans une interview au
trop sévère pour
Monde, il souligne que, si le plan les entreprises »
de relance européen de 750 mil­
liards d’euros soutiendra la re­
prise ces cinq prochaines an­ Le monde d’après ne sera plus le
nées, les gouvernements de­ même. Il y aura des changements
vront maintenir leurs aides pen­ structurels, il y aura des perdants
dant de longs mois encore. et des gagnants. Ceux qui tra­
vaillent dans les centres­villes et
Après la violente récession fournissent des services pour les
enregistrée début 2020, espaces de bureaux ou ceux qui
le produit intérieur brut (PIB) travaillent dans le secteur des
de la zone euro a de nouveau voyages, par exemple, seront plus
chuté fin 2020 et début 2021. touchés que ceux qui peuvent
Comment va l’économie poursuivre leurs activités en télé­
aujourd’hui ? travail, comme dans les technolo­
Plutôt que de suivre les chiffres gies de l’information.
de croissance trimestrielle, il vaut
mieux comparer avec le niveau Vous évoquez la nécessité
d’activité de 2019. Aujourd’hui, d’un fort soutien budgétaire.
nous nous situons probablement Le plan de relance de 750 mil­
4 % ou 5 % en dessous. C’est une liards d’euros de l’Union euro­
contraction considérable. Lors péenne (UE), Next Generation
d’une récession classique, le recul EU (NextGen), approuvé en
est plutôt de 2 % ou 3 %. juillet 2020, est toujours en
Je pense que nous sommes, en cours de ratification. L’UE en
mai et juin, à un tournant con­ fait­elle trop peu et trop tard ?
joncturel. Désormais, l’économie Lorsque l’on regarde la réponse Lors d’une conférence à l’occasion du Fortune Global Forum, à Paris, le 18 novembre 2019. ERIC PIERMONT/AFP
va croître rapidement, mais en budgétaire européenne, il con­
partant d’un bas niveau. Cela si­ vient d’additionner les réponses
gnifie que, même avec une crois­ nationales et ce fonds supplé­ les gouvernements européens Mais c’est un défi différent de celui même de l’Union européenne,
sance dynamique sur le reste de mentaire à l’échelon européen. s’inquiéteraient moins de leur ca­ posé il y a dix ans. Un grand nom­
« Avoir une serait renforcé par une union
l’année, la zone euro ne retrou­ En attendant la mise en œuvre du pacité à financer des déficits. Mais bre des mesures budgétaires, les économie bancaire complète, une union du
vera son niveau de PIB de 2019 plan NextGen, les politiques bud­ l’UE a joué un rôle positif. A quoi programmes d’aide aux entrepri­ marché des capitaux, un système
qu’au printemps de 2022. Sur le gétaires nationales peuvent four­ aurait ressemblé l’Europe durant ses et aux travailleurs vont expirer
très ouverte de paiement mieux intégré, une
marché du travail, le taux de chô­ nir les mesures d’urgence et un la pandémie sans les institutions mécaniquement avec la reprise de est un excellent monnaie numérique de banque
mage devrait retrouver son ni­ soutien macroéconomique. Il a communes et la BCE ? l’économie. Les recettes fiscales centrale.
veau de 2019 en 2023 seulement. toujours été clair que le plan Nous n’aurions jamais pu en vont augmenter. Les déficits bud­
tremplin pour Avant de penser à avoir des
Le chemin sera long. Il nécessitera NextGen avait un objectif de faire autant, en 2020, si nous avi­ gétaires, importants, se réduiront la souveraineté » champions européens sur les
un effort prolongé sur le plan moyen terme. Il s’agit pour l’es­ ons eu 19 monnaies nationales. pour une grande part de façon marchés mondiaux, on doit se de­
budgétaire et monétaire pour sentiel d’un plan à cinq ans, axé Cela souligne l’intérêt d’avoir une automatique. L’autre différence mander : en fait­on assez pour
soutenir la reprise. sur les investissements, afin d’as­ banque centrale unique. De majeure, c’est qu’on n’observe pas duisait, une large partie des det­ que nos meilleures entreprises
surer une reprise soutenue. même, sans l’euro, de nombreux de déficit des comptes courants. tes ont été émises à long terme. puissent se développer dans toute
Quelles cicatrices la pandémie petits pays européens auraient Les déficits publics ont essentielle­ Les investisseurs internationaux l’Europe ? On en est loin. Nous
de Covid­19 laissera­t­elle sur Mais, au regard du plan de re­ été obligés d’emprunter en mon­ ment pour contrepartie une forte l’ont d’ailleurs compris. Ils ne de­ n’avons pas de vrai marché uni­
l’économie ? lance du président américain naies étrangères, ce qui aurait été épargne des ménages. mandent pas des taux plus éle­ que, que ce soit pour les marchan­
Il y a des raisons d’être opti­ Joe Biden (1 900 milliards de une contrainte. La monnaie uni­ Nous aurons une forme de réé­ vés pour acheter ces obligations. dises, les services, l’union ban­
miste. Comparée à la décennie dollars) et de ceux de son pré­ que a augmenté la capacité bud­ quilibrage interne : les ménages Les niveaux actuels de dettes ne caire, les marchés de capitaux…
qui a suivi la crise financière de décesseur, celui de l’Europe ne gétaire de tous les Etats membres commenceront à dépenser plus, et sont pas une source d’inquiétude
2008, la pandémie sera un événe­ manque­t­il pas d’ambition ? de la zone euro. cela compensera la baisse des dé­ pour eux. Néanmoins, les gou­ Le commerce mondial a été
ment qui durera deux ou trois Je ne dirais pas cela. Nous ne fai­ De plus, avec le plan NextGen, penses des gouvernements. Cela vernements devront recons­ très perturbé par la pandémie.
ans. La récession sera plus courte sons pas la course : une croissance l’Europe a démontré qu’elle était n’a rien à voir avec le problème de truire leurs capacités budgétai­ Assiste­t­on à une forme
et les cicatrices pourraient rester plus forte aux Etats­Unis est une prête à se doter d’un instrument doubles déficits que nous avions il res une fois que la reprise écono­ de démondialisation ?
limitées. Mais il y a aussi des sour­ bonne nouvelle pour l’Europe. A de financement commun. Il ne y a dix ou quinze ans. mique sera solide. Aujourd’hui, on constate plutôt
ces d’inquiétude. Les fermetures un autre niveau, le plan de relance faut pas juger ce plan uniquement un fort rebond du commerce
liées au confinement n’ont pas américain souligne aussi le poten­ à l’aune des 750 milliards d’euros. Néanmoins, la dette des La pandémie a mis au premier mondial. Il a très bien résisté. La
seulement affecté l’économie. tiel qui pourrait être libéré, en Eu­ Grâce à lui, les investisseurs inter­ Etats a fortement augmenté plan le concept de souverai­ mondialisation a joué un rôle es­
L’éducation et la santé ont aussi rope, si nous avions une approche nationaux ont compris que l’Eu­ pendant la pandémie. Faut­il neté économique européenne. sentiel pour la fabrication de vac­
été perturbées, ce qui aura des commune plus forte des politi­ rope était solidaire. Le signal en­ s’en inquiéter ? Qu’est­ce que cela signifie ? cins, qui a été un effort mondial.
conséquences durables. Les effets ques budgétaires. Aux Etats­Unis, voyé par le plan NextGen a eu En 2008, les taux d’intérêt L’Europe doit­elle en faire Cela prouve que la solution n’est
de la pandémie sont également la capacité du gouvernement à fi­ pour effet immédiat de réduire les étaient relativement élevés et les plus pour ses principales pas de construire des circuits fer­
très concentrés dans certains sec­ nancer des déficits, quelle que soit taux d’intérêt à travers l’Europe. pays les plus endettés devaient industries ? més et redondants en Europe, en
teurs : l’hôtellerie et le tourisme, leur taille, n’est jamais mise en C’est bien plus important que le utiliser une large partie de leurs Il y a une certaine confusion Amérique et en Asie.
notamment, qui seront durable­ doute. Si nous avions une union simple volume des fonds. recettes fiscales juste pour rem­ entre les concepts de souverai­ Néanmoins, il faut minimiser
ment pénalisés. budgétaire plus étroite en Europe, bourser les créanciers. Aujour­ neté et d’ouverture économique. les goulots d’étranglement. Si
Les Etats européens d’hui, de nombreux pays dans le Avoir une économie très ouverte tout le monde dépend d’un
ne risquent­ils pas de retirer monde émettent des dettes à long est un excellent tremplin pour la même petit nombre de produc­
trop vite leur soutien budgé­ terme à des taux très bas. Le far­ souveraineté. Dans le contexte teurs pour certains composants
taire, et de commettre la même deau financier de ces dettes très de la souveraineté monétaire, essentiels, ou des mêmes routes
erreur qu’en 2010, après élevées restera très faible. par exemple, la monnaie unique maritimes, cela représente claire­
INTERNATIONAL TRIBUNAL la crise financière ? est un facteur solide de souverai­ ment un risque pour le com­
TRIBUNAL FOR INTERNATIONAL La reprise ne sera pas un proces­ Que se passerait­il si les taux neté. Encore une fois, imaginez à merce mondial. 
THE LAW DU DROIT sus très rapide, il faut en être cons­ remontaient ? quoi ressemblerait l’Europe sans éric albert (londres,
OF THE SEA DE LA MER cient. Elle nécessitera un soutien Nous ne voyons pas ce risque à monnaie unique. Ce partage de correspondance)
budgétaire et monétaire prolongé. l’horizon. Et même si cela se pro­ souveraineté, la définition et marie charrel

Le Tribunal international du droit de la mer (TIDM),


juridiction internationale qui a son siège à
Hambourg (Allemagne), annonce les vacances
« Les ingrédients d’une bulle ne sont pas réunis en Europe »
de poste ci-après : Si, pour vous, la dette souveraine n’est On ne voit pas cette forme de prise de ris­ Cela apporte beaucoup de stabilité. Tous les

• Traducteur principal/réviseur
pas un problème, quel est le principal que aujourd’hui. Les investisseurs euro­ segments de la courbe des taux sont im­
risque financier ? péens sont relativement prudents. Par portants : beaucoup d’entreprises emprun­
combinaison français-anglais ou Je voudrais souligner le risque concernant ailleurs, la valeur de différents actifs finan­ tent à un, trois ou cinq ans. Nous nous som­

anglais-français - Chef des


les entreprises. Beaucoup d’entre elles ont ciers a augmenté, mais c’est une réponse mes engagés à maintenir des conditions de
perdu des revenus et n’ont survécu que rationnelle à un monde de taux d’intérêt financement favorables. En mars, nous avi­
services linguistiques (P-5) grâce à un important soutien budgétaire.
Nous devons nous assurer que l’interrup­
bas. Enfin, une bulle est généralement am­
plifiée par un niveau élevé de dettes. Et
ons conclu que nous devions augmenter si­
gnificativement les achats d’actifs réalisés à

• Juriste (P-3) tion progressive de ces aides ne soit pas


trop brusque ou trop sévère, ce qui risque­
nous n’observons pas, dans l’ensemble, à
l’échelle européenne, une spéculation fi­
travers notre programme d’urgence face à
la pandémie [« Pandemic Emergency Pur­
rait de pousser inutilement des entrepri­ nancée par de la dette. chase Programme », PEPP]. Ce niveau
Pour ce qui est des qualifications et de l’expérience ses vers l’insolvabilité. d’achats, plus élevé, va continuer dans les
requises, ainsi que pour toute autre information En Europe, les taux augmentent pro­ semaines qui viennent. Nous ferons le
complémentaire, veuillez consulter les avis de vacance Craignez­vous une bulle financière ? gressivement depuis décembre 2020. point lors de notre réunion de juin, lorsque
Je ne pense pas que les ingrédients soient La BCE ne devrait­elle pas intervenir nous étudierons les conditions financières
publiés sur le site Web du Tribunal : réunis en Europe – je ne parle pas de ce qui plus vigoureusement ? et les projections d’inflation. Nous pouvons

www.tidm.org
se passe ailleurs. Pour avoir une vraie bulle, C’est vrai, les taux à dix ans ont augmenté, augmenter ou réduire nos achats d’actifs
il faudrait que la mesure du risque soit mais il faut noter que l’ensemble des taux en fonction des besoins, afin de maintenir
ignorée, comme c’était le cas avant 2008. demeurent relativement bas et bien ancrés. des conditions financières favorables. 
0123
MARDI 11 MAI 2021 économie & entreprise | 21

Les compensations
aux ex­propriétaires
d’esclaves mises
en ligne par le CNRS
Une équipe de chercheurs a rassemblé
la liste des bénéficiaires des indemnisations
décidées par la IIe République à la suite
de l’abolition de l’esclavage, en 1848

C
ent cinquante­trois ans Selon les calculs de Jessica Bal­ Au Mémorial
après l’abolition défini­ guy, doctorante à l’Ecole des hau­ ACTe, à Pointe­
tive de l’esclavage en tes études en sciences sociales à­Pitre, en
France, le 27 avril 1848, (EHESS), 30 % des propriétaires Guadeloupe,
une équipe de chercheurs du Cen­ d’esclaves en Martinique étaient en 2015.
tre national de la recherche scien­ noirs ou métis, pour la plupart des NICOLAS DERNE/AFP
tifique (CNRS) a mis en ligne, ven­ petits propriétaires. Parmi eux, on
dredi 7 mai, dans le cadre du pro­ retrouve certains affranchis, appe­
jet « Repairs », une base de don­ lés « libres de couleur », ayant ra­ créanciers en guise de rembour­ France de l’indépendance d’Haïti, bliée, en 2013, aux Royaume­Uni les réparations pour le préjudice
nées détaillant les indemnités cheté leurs enfants sans avoir les sement de dettes. Autrement dit, en 1825, ce n’est pas l’Etat français par l’Institut Legacies of British subi pendant l’esclavage. « La de­
versées par l’Etat français aux moyens de payer les taxes à l’Etat tous les propriétaires ne sont pas qui a donné des indemnités à des Slave­Ownership (LBS), rattaché à mande est à prendre au sérieux,
propriétaires d’esclaves. Des in­ pour les émanciper. Les femmes de riches exploitants de planta­ propriétaires d’esclaves, mais ces l’University College de Londres. c’est aussi une demande d’égalité
formations qui permettent de occupent également une place si­ tions et ont des profils variés. Le derniers qui en ont demandé à la En 1833, 20 millions de livres, soit qui peut difficilement se traduire
mieux comprendre la société es­ gnificative parmi les bénéficiaires plus riche est Louis Marie Gabriel nouvelle République haïtienne. 40 % du budget national britanni­ par un remboursement en nom in­
clavagiste de l’époque et de retra­ de l’indemnité coloniale. « On Le Coat de Kerveguen, originaire Une dette qui ne sera soldée par que, avaient été versés aux an­ dividuel », insiste Myriam Cottias.
cer l’origine d’investissements compte parmi ces femmes beau­ de La Réunion, qui a perçu 1,9 mil­ Haïti qu’à la fin du XIXe siècle. ciens propriétaires. Tandis que les Pour l’historien Pap Ndiaye, pro­
qui ont donné naissance à des dy­ coup de veuves de colons et des céli­ lion de francs or contre l’émanci­ chercheurs français veulent mon­ fesseur à Sciences Po, ces archives,
nasties entrepreneuriales ou des bataires qui possédaient quelques pation de 1 680 esclaves. Ou en­ Débats sur les réparations trer les complexités d’une société « précieuses », peuvent difficile­
entreprises qui existent encore esclaves », explique la chercheuse. core la famille Gradis, des négo­ Au milieu du XIXe siècle, la ques­ esclavagiste, en Angleterre, la ment servir de socle aux revendi­
aujourd’hui. ciants qui possédaient des centai­ tion des réparations a fait l’objet de base de données ne distingue pas cations de réparations. « La base de
Contrairement aux idées re­ Grande hétérogénéité nes d’esclaves et perçurent des débats. Partant du constat que la les personnes de couleur et donne données apporte des réponses en
çues, les 10 000 propriétaires d’es­ Les indemnités versées par l’Etat centaines de milliers de francs or propriété d’esclaves était légale, plutôt des indications sur le déve­ clair­obscur à nos questions con­
claves qui ont reçu à partir de français, allant de 72 à 672 francs et dont les descendants gèrent dé­ certains considéraient l’abolition loppement du capitalisme pen­ temporaines. Elle ne permet pas
1849 des indemnités de 126 mil­ or par esclave, dépendaient de sormais une société de gestion comme une expropriation méri­ dant la révolution industrielle. d’identifier de manière limpide les
lions de francs or (1,3 % du revenu leur prix sur le marché local. C’est d’investissements financiers. tant compensation. D’autres s’y La manne de l’indemnité colo­ personnes à qui demander des ré­
national, soit l’équivalent de dans les colonies sucrières, et en La base de données révèle égale­ opposaient, au nom de la justice niale a permis de soutenir le déve­ parations », explique­t­il.
27 milliards d’euros d’aujour­ particulier à La Réunion, là où les ment comment des spéculateurs morale et du principe selon lequel loppement de secteurs­clés de l’in­ L’historien met en garde contre
d’hui) n’étaient pas tous des co­ plantations sont en plein essor au se sont enrichis, comme ce mé­ un être humain ne peut être assi­ dustrie, comme le coton et les che­ toute instrumentalisation. « Au
lons blancs. « La loi d’abolition du moment de l’abolition, qu’ils sont tropolitain arrivé en Martinique milé à une propriété, voire deman­ mins de fer. Dans un article de lieu de nous interroger sur les répa­
27 avril 1848 est à l’origine d’une les plus élevés. La Réunion, la quelques mois avant l’abolition, daient réparation pour les désor­ 2015 dans la Revue d’histoire du rations, partons des inégalités ac­
confusion sémantique, explique Guadeloupe et la Martinique re­ racheter titre sur titre dans l’es­ mais ex­esclaves. « Même si Victor XIXe siècle, Fabrice Bensimon écrit tuelles. Qui, dans les anciennes co­
Myriam Cottias, chercheuse au çoivent ainsi l’essentiel des in­ poir d’en tirer un meilleur prix Schœlcher, l’un des artisans de que la base de données britanni­ lonies françaises, souffre le plus des
CNRS à la tête du projet de recher­ demnités, suivies par la Guyane, une fois le montant des compen­ l’abolition, défend au départ l’in­ que a permis d’établir une « conti­ inégalités ? Qui possède la terre ?
che « Repairs ». On peut y lire que le Sénégal, Nosy Be ou encore sations établi. « Il a remporté les demnisation des esclaves, il cède nuité entre l’argent de l’abolition et Les descendants d’esclaves sont au
les “colons”, c’est­à­dire des Blancs, Sainte­Marie de Madagascar. plus gros montants de l’île alors aux pressions des colons par calcul les patrimoines contemporains, plus bas de l’échelle sociale. Partons
doivent être indemnisés, alors que Autre découverte intéressante : qu’il n’avait rien à avoir avec l’es­ politique, pour que le décret soit comme celui de la famille de l’an­ de ces réalités pour apporter plus
ce sont les propriétaires d’esclaves, les titres d’indemnité terminent clavage. Beaucoup ont fait comme adopté », explique Mme Cottias. cien premier ministre David Came­ de justice sociale. » 
dont certains sont de couleur, qui souvent dans la poche de négo­ lui », constate Jessica Balguy. Plus La base de données française ron ». La publication de ces archi­ julien bouissou
reçoivent les indemnités. » ciants de la métropole, ou de tôt, à la reconnaissance par la succède à celle qui avait été pu­ ves risque de relancer le débat sur et coumba kane

PERTES & PROFITS | CYBERSÉCURITÉ
Liberty Steel envisage de vendre ses sites par phili ppe esc ande

sidérurgiques de Saint­Saulve et Hayange Un virus dans


Après la faillite de son partenaire financier, le groupe de Sanjeev Gupta recherche des fonds le pipeline
C’est une immense et solide ar­ intrusion du même genre avait

C e sont les suites prévisi­


bles de l’histoire qui s’écrit
depuis le 8 mars et la
faillite de Greensill, principal par­
tenaire financier du britannique
tir qu’il n’y ait pas de rupture d’ac­
tivité », promettant aux salariés
de ne « jamais les laisser tomber ».

Trouver de nouveaux clients


barre du tribunal de commerce.
Ceux d’Ascoval sortaient alors
d’une interminable quête d’un re­
preneur fiable, depuis la mise en
vente du site par Vallourec
nouveaux volumes et nous appor­
ter le soutien financier nécessaire.
La confiance est rompue. Alors s’ils
sont vendeurs, c’est tant mieux
pour nous », estime Nacim Bardi,
tère qui irrigue une bonne partie
de l’Amérique. Le Colonial Pipe­
line s’étend sur près de 9 000 ki­
lomètres, le long de la côte est des
Etats­Unis, de Houston à New
touché le système de commande
d’une unité de compression d’un
fournisseur de gaz. La société
n’avait aucun plan de réponse à
une telle agression.
Gupta Family Group Alliance Mais, en échange, l’Etat a exigé de en 2015. Pour ceux d’Hayange, si délégué CGT à Ascoval. Le ton est York en passant par Washington A l’image de la pandémie, dont
(GFG Alliance) : l’argent com­ GFG Alliance de mettre égale­ la cession se concrétise, ce sera le plus tempéré à Hayange. « Je ne et Atlanta. A lui seul, il fournit la venue avait été annoncée sur
mence à manquer pour faire ment 20 millions d’euros sur la quatrième changement d’action­ sais pas si rester dans Liberty se­ 45 % des besoins de la région en tous les tons par de nombreux
fonctionner les sites français du table avant le 31 mai pour finan­ naire en onze ans. rait la meilleure solution, mais essence, fioul, kérosène et autres experts depuis plus de dix ans, les
groupe. En cessation de paie­ cer la croissance du besoin en « Cette fois, on pensait vraiment cela nous éviterait un nouveau carburants raffinés au Texas. victimes tombent pourtant des
ments, trois fonderies d’Alvance, fonds de roulement. Or, il y a peu que ça allait durer, soupire Gré­ changement d’actionnaire, dit Mais le flot ne coule plus depuis nues quand le mal arrive. L’im­
branche aluminium de GFG, si­ de chance que GFG et Liberty, en gory Zabot, secrétaire CFDT du Grégory Zabot. A chaque fois, il vendredi 7 mai au soir. Une atta­ préparation est totale. Il ne s’agit
tuées dans l’Indre et la Vienne, grande fragilité financière, trou­ CSE de Liberty Rail. La complé­ faut tout remettre en cause : l’or­ que informatique a désorganisé le pourtant plus d’un cygne noir, cet
ont été placées en redressement vent l’argent d’ici là. La vente est mentarité qui a été montée avec ganisation, l’emploi, les investisse­ système d’information de la so­ événement très peu probable aux
judiciaire le 23 avril. Elles comp­ désormais une option examinée Ascoval est pertinente et nous ments… On y laisse des outils et des ciété exploitante du réseau. Des conséquences dévastatrices, mais
tent quelque 850 salariés. au grand jour. « Liberty Steel donnait des perspectives. Econo­ compétences. » pirates ont crypté les données et d’un risque désormais connu et
A son tour, Liberty Steel, la bran­ France, qui comprend Liberty As­ miquement, ça fonctionne. » Les Des offres sont espérées des demandent une rançon pour les balisé. Qu’ils soient cachés en
che acier du conglomérat, a con­ coval et Liberty Rail Hayange, a deux entreprises sont en effet groupes qui avaient manifesté débloquer. Dans l’incertitude, le Russie en Chine ou en Californie,
firmé, samedi 8 mai, s’être mise connu une réduction significative étroitement associées depuis leur leur intérêt en 2020, comme Ar­ gouvernement a décrété l’état les pirates attaquent désormais
en quête de repreneurs pour du soutien à son fonds de roule­ reprise : Liberty Rail est le princi­ celorMittal, le chinois Jingye d’urgence afin d’autoriser des ca­ des écoles, des hôpitaux et même
l’aciérie Ascoval de Saint­Saulve ment depuis l’effondrement de pal client d’Ascoval (80 % de sa Group ou l’indien Jindal. « Bercy mions­citernes à sillonner les l’administration. Tantôt pour in­
(Nord) et pour Liberty Rail (ex­ Greensill Capital », explique la so­ production). Celle­ci a pour cela suit le dossier de très près, assure le 17 Etats traversés par le réseau. fecter, voire détruire, tantôt pour
France Rail Industry) à Hayange ciété Liberty Steel Group dans modifié son procédé de coulée il y député de la Moselle Brahim Des bateaux sont réquisitionnés. prendre en otage des données et
(Moselle), respectivement 270 et une déclaration transmise au a six mois pour produire des bar­ Hammouche (MoDem). Et nous C’est la première fois qu’une at­ programmes essentiels.
430 salariés. Le Monde évoquait Monde. Tout en se disant con­ res d’acier carrées, transformées avons clairement défini un profil taque informatique touche aussi Les failles sont souvent les mê­
déjà, le 28 avril, la possibilité fiante pour trouver de nouveaux ensuite en rails à Hayange pour de repreneur. Ce doit être un indus­ violemment une infrastructure mes, au cœur des machines, des
qu’Ascoval change d’actionnaire. financements, Liberty Steel indi­ fournir notamment la SNCF. triel et pas un financier. Il doit être énergétique essentielle. Mais ce matériels anciens, datant d’avant
Une première alerte avait retenti que « par prudence » se mettre « à Liberty Rail présente des résul­ capable d’être transparent sur les n’est pas la première fois que les l’Internet, couplés à des systèmes
un mois plus tôt pour l’aciérie, explorer des options de vente pour tats positifs. Ascoval a multiplié actifs qu’il compte mobiliser. Cette professionnels sont prévenus. modernes branchés sur le réseau.
lorsque le ministre de l’économie, ces entreprises ». sa production et son chiffre d’af­ usine a besoin de stabilité. » Les re­ En 2016, selon le Wall Street Jour­ Les cambrioleurs utilisent l’un
Bruno Le Maire, avait annoncé le Un énième rebondissement faires par cinq ces derniers mois. présentants des salariés seront nal, le service de cybersécurité du pour toucher l’autre. La crimina­
déblocage d’un prêt de 20 mil­ dans la vie des deux sites que les Mais l’aciérie doit encore trouver reçus mardi à Bercy.  département de la sécurité inté­ lité numérique s’épanouit dans le
lions d’euros « pour payer les sa­ salariés accueillent avec lassi­ de nouveaux clients pour être aline leclerc rieure des Etats­Unis avait identi­ basculement du monde vers les
laires, la fourniture nécessaire tude, huit mois seulement après viable. « Liberty n’a jamais tenu et anthony villeneuve fié 186 vulnérabilités dans le sec­ réseaux. Il serait bon de s’y prépa­
pour faire tourner l’usine et garan­ leur rachat par Liberty Steel à la ses engagements pour trouver ces (metz, correspondant) teur de l’énergie et, en 2018, une rer sérieusement. 
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22 | économie & entreprise MARDI 11 MAI 2021

Des salariés
de la Fonderie
de Bretagne,
propriété
de Renault,
protestent contre
la mise en vente
du site, à Caudan
(Morbihan),
le 30 avril.
VALENTINO BELLONI/
HANS LUCAS VIA AFP

A la recherche de la
compétitivité perdue
DOSSIER
En 2020, la part de marché des produits français
de la zone euro a fondu à 13,5 % des ventes totales, contre sa part, Patrick Artus, chef économiste de la
banque Natixis. En effet, à l’heure où l’auto­

Q
ue pèse la France indus­
trielle sur l’échiquier
18 % en 2000. Une dégradation due notamment aux matisation est la clé des gains de producti­
vité et permet d’augmenter les exporta­
mondial ? De moins en
moins, si l’on en juge par
charges fiscales et sociales, au manque de compétences tions, comme le rappelle l’économiste Phi­
lippe Aghion dans un article publié en
les derniers indicateurs
de compétitivité. Et, pour
disponibles et à l’insuffisante attractivité des territoires janvier 2020, la France manque cruellement
de main­d’œuvre qualifiée et d’ingénieurs.
une fois, pas besoin d’in­ « Je ne connais pas un chef d’entreprise qui
criminer les Chinois. En 2020, sur le seul me dise : mon problème, c’est le coût du tra­
marché européen, la part des produits fran­ vail, poursuit Patrick Artus. En revanche, ils
çais a reculé d’un point. Ils ne représentent un gros effort budgétaire, reconnaît Emma­ d’achat, choisissant de faire financer une disent tous qu’ils ne parviennent pas à recru­
plus que 13,5 % des ventes totales de la zone nuel Jessua. Mais on partait de très haut. Les bonne part de son modèle social par les en­ ORIENTER L’ÉPARGNE  ter parce qu’ils ne trouvent pas les compéten­
euro, contre 18 % en 2000. C’est toute l’his­ impôts de production qui représentaient treprises plutôt que par les consommateurs. ACCUMULÉE  ces dont ils ont besoin. »
toire de la désindustrialisation qui défile 3,2 % du PIB sont tombés à 2,8 %. Nous res­ En réalité, « il n’y a pas d’outil magique, rap­
derrière ces chiffres, symbolisée par la dispa­ tons encore très au­dessus de la moyenne de pelle Xavier Ragot, président de l’Observa­ PENDANT LA CRISE  « LE COUPLE COÛT-COMPÉTENCES »
rition des grandes usines automobiles et de la zone euro, qui est de 1,6 % tandis que l’Alle­ toire français des conjonctures économiques Plus inquiétant encore, cette difficulté ne re­
leurs centaines de milliers d’emplois. On magne est à 0,4 %. » (OFCE). Pour améliorer la compétitivité, il faut DUE AU COVID VERS  lève pas seulement d’un dimensionnement
avait pourtant cru à une amélioration entre travailler sur tout l’environnement de l’entre­ LE CAPITAL­RISQUE  insuffisant de l’appareil de formation, mais
2017 et 2019. Mais, soudain, c’est la rechute. ABAISSEMENT DES COÛTS DU TRAVAIL prise : la formation, mais aussi l’attractivité du s’enracine dès l’école. En décembre 2020,
Cette « dégradation marquée », selon l’ins­ La faille est peut­être dans le diagnostic et les territoire, la stabilité administrative, la politi­ ET LA CROISSANCE  une étude internationale – le classement
titut COE­Rexecode qui a publié ces chiffres mesures prises depuis 2012, qui ont porté que industrielle… C’est presque une philoso­ Timss – plaçait la France à l’avant­dernier
en mars 2021, est bien sûr imputable au recul principalement sur l’abaissement des coûts phie économique en soi, qui ne doit pas se con­ DES ENTREPRISES  rang, avant le Chili, pour le niveau en mathé­
des échanges internationaux lié à la crise sa­ du travail ou de la fiscalité, deux handicaps centrer sur la seule question fiscale ». matiques et en sciences des élèves de CM2 et
nitaire. Celle­ci a durement affecté certains régulièrement mis en avant par les entrepri­ « Avant même de rendre la fiscalité plus in­
PEUT ÊTRE UNE  de 4e. « Ce qui compte, en matière de compéti­
secteurs traditionnellement exportateurs, ses et corollaires d’une politique qui, pen­ telligente, la première chose à faire est d’aug­ OPPORTUNITÉ tivité, explique M. Artus, c’est le couple coût­
comme l’aéronautique. Mais cela n’explique dant des décennies, aurait favorisé le pouvoir menter les compétences ! », s’exclame, pour compétences. Or, il s’avère qu’on a les coûts
pas tout… « Ce qui est préoccupant, c’est que
l’on assiste à une chute générale des parts
de marché à l’export pour chaque catégorie
de produits, ce qui n’est pas le cas dans les
« La perte de l’industrie a des conséquences économiques et sociales profondes »
pays voisins, précise Emmanuel Jessua, di­
recteur des études chez COE­Rexecode et vincent aussilloux est directeur de matériels et d’équipements. Les En quoi une économie qui repose les dernières décennies, notamment
auteur de la note. Les mauvaises performan­ du département économie de France Etats­Unis ont su développer toute sur l’industrie est­elle plus solide ? dans une partie du Grand­Est, ont
ces françaises ne s’expliquent donc pas par Stratégie. Il est le coauteur d’une une économie des plates­formes, no­ L’industrie est porteuse de gains de perdu beaucoup d’emplois, ce qui a
un effet de spécialisation. » étude sur « Les politiques industriel­ tamment les Gafam [Google, Apple, productivité, qui sont la principale fortement affecté les niveaux de vie
La France avait sensiblement regagné du les en France », en novembre 2020. Facebook, Amazon, Microsoft], qui ont source de la hausse des niveaux de et le dynamisme économique de ces
terrain ces dernières années grâce notam­ fortement tiré la croissance améri­ vie, d’emplois de qualité répartis territoires. La désindustrialisation,
ment aux mesures prises depuis 2012 par les Peut­on avoir une économie caine et creusé l’écart avec les niveaux sur le territoire et d’innovations. Elle qui n’a pas été compensée par un es­
différents gouvernements. Très contesté compétitive sans industrie forte ? de vie en Europe (+ 50 % par rapport à compte pour plus de 70 % des dépen­ sor suffisant des services à forte va­
sur le plan politique, le crédit d’impôt pour Si on définit l’industrie dans son pé­ la France en PIB courant par tête). ses privées en recherche et dévelop­ leur ajoutée, a donc des conséquen­
la compétitivité et l’emploi (CICE), porté par rimètre traditionnel, qui correspond à A part des pays fortement dotés en pement [R&D] du pays, alors qu’elle ces économiques, sociales et politi­
François Hollande, a joué un rôle dans cette la production de marchandises, oui il ressources naturelles, il y en a peu qui ne compte plus que pour 10 % de ques profondes.
amélioration relative, en allégeant le coût existe des économies performantes arrivent à avoir des niveaux de vie éle­ l’emploi total et 13 % du PIB. En outre, Des travaux ont montré, par exem­
du travail. De son côté, la baisse de l’impôt dans lesquelles le secteur manufactu­ vés et en croissance sans une indus­ un déficit commercial comme celui ple, que les territoires les plus touchés
sur les sociétés, qui a rejoint le niveau de ce­ rier s’est très affaibli. C’est, par exem­ trie forte ou, au moins comme les de la France dans le secteur manufac­ par la désindustrialisation sont ceux
lui en vigueur en Allemagne (28 %), a égale­ ple, le cas des Etats­Unis où la part de Etats­Unis, sans un secteur des servi­ turier engendre un déficit d’emplois qui sont gagnés par le vote populiste
ment eu un effet positif, tout comme la nou­ l’industrie dans l’économie a beau­ ces très inséré dans l’économie inter­ important, alors même que le pays avec des conséquences extrêmement
velle convergence des politiques économi­ coup baissé même si elle reste supé­ nationale. Certains pays se sont spé­ connaît un taux de chômage structu­ négatives, comme on a pu le voir aux
ques menées des deux côtés du Rhin. rieure à la France. Mais à la grande dif­ cialisés dans les services financiers rellement élevé. Etats­Unis avec Donald Trump. Cela
Comment sortir, dans ces conditions, du férence de la France, les Etats­Unis ont internationaux comme le Royaume­ génère un fort degré d’insatisfaction
trou d’air de 2020 ? Certes, sur le volet fiscal, développé des activités productives Uni, le Luxembourg ou Hongkong, A contrario, quels sont les risques d’une partie de la population, qui
l’effort se poursuit. « La baisse des impôts de qu’on ne compte généralement pas mais on connaît les limites et les ris­ liés à la désindustrialisation ? peut finir par conduire à une remise
production de 10 milliards d’euros, contenue dans l’industrie, notamment le sec­ ques d’une économie qui repose trop En France, les régions les plus tou­ en cause des règles démocratiques. 
dans le plan de relance de fin 2020, représente teur du numérique hors la production sur la finance. chées par la désindustrialisation dans propos recueillis par bé. m.
0123
MARDI 11 MAI 2021 économie & entreprise | 23

Pourquoi la France n’est plus compétitive ?


La France de moins en moins compétitive sur le marché mondial Une fiscalité
Parts de marché dans les exportations mondiales de marchandises, en % Commerce extérieur de produits industriels, en milliards d’euros désavantageuse•••
Poids des prélèvements
Solde Exportations Importations obligatoires pesant sur
15 les entreprises manufacturières
Une perte de terrain en % de la valeur ajoutée, en 2016
Chine Un déficit commercial structurel
sur ses voisins
13,2 depuis le début des années 2000
France Allemagne
0 500
12 12,1
Cotisations sociales effectives
– 5,4 à la charge des employeurs
– 2,6 % – 20
400
14
9 Etats-Unis
8,7 9,4
8,5
7,9 300 Impôts de production
Allemagne 9,7
6 – 40 4
5,1 Entre 2000 et 200
4,4 Impôts sur les sociétés
2016, la France a
3,9 France 4,2
3 perdu 2,6 % de – 60
3 parts de marché 100 3,8
Royaume-Uni par an par rapport à
2,5 – 65,2
l’Allemagne. Valeur ajoutée, en milliards d’euros
0 – 80 0
666,3
2000 2004 2008 2012 2016 2019 2000 2010 2020
236,1 €



Soldes sectoriels entre 2010 et 2019,
en milliards d’euros

+ 31
+ 15
Top 3 des secteurs +8 Top 3 des secteurs ••• qui favorise
excédentaires : déficitaires : énergie électronique automobile la délocalisation
aéronautique chimie, parfums agroalimentaire de la production
et spatial et cosmétiques En 2017, pour 100 emplois
— 17 — 15 en France, nos groupes
— 41 industriels ont...

En dépit de nombreuses mesures••• ••• le poids de l’industrie diminue dans 62


les dépenses en recherche et développement emplois à l’étranger
Part de l’industrie dans les dépenses totales de R&D dans... contre
2004 2008 2013 2020 ... les entreprises ... le financement public 52 Royaume-Uni

Les pôles Crédit d’impôt Crédit d’impôt pour Plan de relance


de compétitivité recherche (CIR) la compétitivité et l’emploi Réindustrialisation
70,1 % 38 Allemagne
2000
Promouvoir Améliorer l’attractivité (CICE) du pays : relocalisation, 77,4 %
26 Italie
des projets des activités de R&D Réduire le coût salarial numérisation... 48,4 %
2017
collaboratifs de R&D et d’innovation unitaire pour 80 % des 50,1 %
salariés 10 Espagne

Infographie : Benjamin Martinez, Marianne Pasquier Sources : OCDE, Eurostat, OMC, Insee, Rexecode, CAE, Timss

salariaux de l’Allemagne et les compétences cent Aussilloux. Pour 100 emplois en France, Y a­t­il malgré tout des raisons d’espérer ? La France peut aussi se faire une place sur
de l’Italie ou de l’Espagne. » nos groupes industriels ont 62 emplois à LA FORMATION  Quelques signaux plaident favorablement. les marchés mondiaux dans le développe­
La question de la formation est d’autant l’étranger, alors qu’en Allemagne c’est 38. A UN IMPACT  La France est parvenue à rester compétitive ment de nouvelles technologies comme l’or­
plus au cœur du problème qu’elle a un im­ D’ailleurs beaucoup d’entreprises, qui n’ont dans certaines filières bien spécifiques, dinateur quantique, l’intelligence artificielle,
pact direct sur un autre domaine : l’innova­ pas eu la possibilité ou la capacité de faire SUR L’INNOVATION,  grâce à une stratégie réussie de montée en la cybersécurité ou l’industrie connectée.
tion, la recherche et le développement, et ce choix, ont disparu ou ont été rachetées et gamme. C’est le cas dans l’aéronautique, Mais tout cela demande des conditions : une
les brevets, clés de la compétitivité hors prix vidées de leur substance. » LA RECHERCHE ET  avec Airbus, qui est devenu le leader mon­ main­d’œuvre formée et qualifiée, des terri­
et de la montée en gamme. En la matière, Le tissu productif a cruellement besoin dial, entraînant tout un écosystème. On toires attractifs et adaptés à la construction
la France « doit encore changer d’échelle », aujourd’hui d’entreprises de taille intermé­
DÉVELOPPEMENT,  peut également citer, au crédit des réussites de nouveaux écosystèmes, notamment.
explique Xavier Ragot, qui rappelle l’effort diaire (ETI) suffisamment fortes pour créer ET LES BREVETS,  françaises, l’industrie du luxe, qui est parve­ Autrement dit, comme le souligne Xavier Ra­
des entreprises électroniques coréennes, un effet d’entraînement dans les territoires nue à s’imposer grâce à un virage vers le très got, « il faut un Etat stratège ». A savoir un
dont certaines ont dépensé, en recherche, et générer les économies d’échelle indispen­ CLÉS DE LA  haut de gamme pris très tôt, et qui a su capi­ Etat capable de coordonner les différents ac­
près de 100 milliards d’euros sur dix ans, sables à l’abaissement des coûts et donc à taliser sur sa réputation. teurs, de fixer les règles du jeu, en matière de
soit le montant du plan de relance français. l’accroissement de leur compétitivité. « Faire COMPÉTITIVITÉ La France dispose aujourd’hui d’atouts certifications et de labels, de favoriser les
L’innovation est en outre bridée, selon croître les ETI serait une stratégie efficace, dans la pharmacie, les biotechnologies, la liens entre recherche et production… La crise
les travaux de France Stratégie, par un cadre abonde Philippe Martin, président du Con­ chimie verte… Le virage vers une économie née du Covid­19 aura peut­être eu une vertu,
réglementaire qui « méconnaît les besoins seil d’analyse économique, car ces entrepri­ circulaire est porteur, tout comme la vo­ celle de mettre en lumière cette urgence à re­
des entreprises » et dresse des « obstacles en­ ses sont plus innovantes que les grands grou­ lonté politique de bâtir des filières autour de bâtir une politique industrielle moderne. 
tre le monde de la recherche et celui de l’in­ pes, qui vont plutôt gérer les risques. » Quand l’hydrogène ou des batteries électriques. béatrice madeline
dustrie ». « Nous avons des grosses entrepri­ aux start­up ou aux PME innovantes, elles
ses très fortes, des PME assez faibles et pas sont le plus souvent rachetées soit par des
grand­chose entre les deux », souligne Denis
Payre, entrepreneur et fin connaisseur de
multinationales, soit par des entreprises
étrangères.
Flexisécurité et charges, les clés du modèle danois
l’industrie. Le nombre d’entreprises indus­
trielles de taille intermédiaire a accusé une « CONCURRENCE INTERNATIONALE » plusieurs pays européens, tels basculement de la fiscalité des en­ ments redeviennent positives.
baisse de 40 % en France entre 2000 et 2016, Depuis 2017, rappelle Pierre­André Buigues, que le Danemark, la Suède, la Fin­ treprises vers la consommation. Pour autant, la forte hausse des
alors qu’il progressait de 2 % en Allemagne. « quelque 500 entreprises de la French Tech lande, les Pays­Bas ou, plus loin de La première étape est la hausse taxes à la consommation ne fait
Aujourd’hui, on ne compte plus qu’environ ont été rachetées par des géants de la Silicon nous, l’Australie ou la Nouvelle­ de la TVA, qui passe de 8 % à 25 %, y pas flamber les prix, au contraire :
200 entreprises industrielles de plus de Valley ». Favoriser le capital­risque, qui a per­ Zélande, ont rebâti une économie compris pour les produits alimen­ de plus de 10 % au début des an­
5 000 salariés dans l’Hexagone. mis à l’économie américaine de renouveler compétitive et une croissance du­ taires. Seuls certains secteurs con­ nées 1990, l’inflation est ramenée
Rebâtir un tissu plus dense est d’autant son tissu productif, serait ainsi un levier rable dans les décennies passées. servent le taux initial de 8 % : santé, à 2 % en 1992. Le pays peut renouer
plus urgent que les grands groupes français en faveur de la compétitivité. Parmi les pre­ Des exemples de « pays phénix » éducation, services financiers, avec la croissance et devient l’un
ont largement désinvesti le territoire. « Les mières entreprises américaines, plusieurs dont la France pourrait s’inspirer, transports publics, presse quoti­ des plus riches d’Europe. En ter­
multinationales françaises sont les cham­ sont nées et ont grandi grâce au capital­ris­ comme l’expose Henri Lagarde, dienne et événements sportifs. mes de PIB par habitant, le Dane­
pionnes européennes de la délocalisation, que dans les quarante dernières années, rap­ chef d’entreprise, ancien PDG de Des produits de luxe ou considérés mark arrive, en 2020, au 5e rang
déplore Pierre­André Buigues, professeur à pelle France Stratégie. A cet égard, orienter, plusieurs grandes entreprises « non écologiques » – voitures, al­ européen après le Luxembourg, la
Toulouse Business School, ancien conseiller grâce à un dispositif adapté, l’épargne accu­ (Thomson Electroménager, Guyo­ cools, tabac, engrais chimiques – Norvège, l’Irlande et la Suisse, se­
économique de la Commission européenne. mulée pendant la crise due au Covid­19 vers marc’h et Royal Canin) dans son subissent, eux, de lourdes taxes lon les données Eurostat.
Ces entreprises réalisent la majeure partie de le capital­risque et la croissance des entre­ ouvrage Sortir de l’ornière (Presses supplémentaires, pouvant attein­ « L’explication tient en un mot :
leur activité et de leurs profits hors de France. prises peut être une opportunité. des Mines, 146 pages, 25 euros). dre 100 % des coûts de production. flexisécurité, résume Henri La­
Ce choix stratégique de développer les inves­ Enfin, la compétitivité, rappelle Xavier Ra­ Parmi ces pays, selon M. Lagarde, garde. L’objectif est de permettre
tissements directs à l’étranger plutôt que d’in­ got, est avant tout un « problème de concur­ « le Danemark fait clairement fi­ Résultats spectaculaires aux entreprises d’embaucher et de
vestir sur le sol national et d’exporter explique rence internationale, qui doit être pensé gure de champion et de précur­ Parallèlement, la part patronale licencier facilement tout en garan­
pour une large part le déficit commercial de comme tel ». Dans cette perspective, la prio­ seur ». Au début des années 1980, des cotisations sociales est réduite tissant aux individus des revenus et
la France. » rité serait d’opérer des ajustements dans la ce petit pays est en effet dans une à zéro. Le financement des charges des moyens de reconversion suffi­
Ce phénomène trouve d’ailleurs son ori­ zone euro pour mieux harmoniser les con­ situation difficile : le chômage se sociales revient désormais à l’Etat, sants en cas de perte d’emploi. »
gine, en grande partie, dans la faiblesse de ditions de production. On en est loin. La pro­ situe autour de 10 % de la popula­ les salariés supportant le finance­ Lors d’un déplacement à Copenha­
la compétitivité en France, et l’accélère en position française de coordonner les smic tion active, les déficits publics sont ment de leur retraite complémen­ gue, en 2018, Emmanuel Macron
même temps. Un cercle vicieux. « Face à la européens, formulée par l’économiste Oli­ importants, la balance des paie­ taire. Toujours dans l’optique d’al­ a vanté les vertus du modèle. Mais
dérive des coûts et à la baisse des marges, nos vier Blanchard, professeur au Massachu­ ments est déficitaire… A son arri­ léger les coûts de production, les la recette de la compétitivité à la
entreprises industrielles n’avaient pas beau­ setts Institute of Technology, s’inscrit dans vée au pouvoir, en 1982, le premier « taxes régionales » et l’impôt sur danoise repose sur un ingrédient
coup d’autres choix pour rester concurrentiel­ cette perspective. Les lignes bougent un ministre conservateur Poul Schlü­ les bénéfices sont réduits. qui manque cruellement dans
les, ce qui est la condition de leur survie, que peu : une directive européenne imposant ter met en œuvre d’importantes « Les résultats de cette politique l’Hexagone : le dialogue social en­
de déplacer leurs sites vers des pays où les des salaires minimaux dans les pays euro­ réformes fiscales visant à restaurer sont spectaculaires », selon Henri tre Etat, patronat et syndicats, et la
coûts de production sont plus faibles, expli­ péens était à l’ordre du jour du sommet so­ la compétitivité des entreprises. Lagarde. Dès 1988, la balance com­ forte adhésion de la population. 
que l’économiste de France Stratégie Vin­ cial qui s’est tenu, à Porto, les 7 et 8 mai 2021. L’une des plus spectaculaires est le merciale et la balance des paie­ bé. m.
24 | horizons 0123
MARDI 11 MAI 2021

Mai 1981
l’art à tout prix
1981­2021, LA CULTURE EN HÉRITAGE (2/6). Dès son arrivée au ministère, Jack Lang
négocie fermement ses budgets auprès du président Mitterrand.
Les milliards qu’il obtient malgré le tournant de la rigueur consacrent
la création et alimentent une politique flamboyante mais qui peine
déjà à favoriser l’accès des classes populaires à la culture

A
gir vite et frapper fort. C’est pressentiment », témoigne le conseiller. Sur­ Il n’y a que le patrimoine, secteur privilégié de­ teur « trop flou ». En fait, deux doctrines s’op­
l’obsession de Jack Lang et de prise : « Il manque 500 millions. » M. Chou­ puis de Gaulle – 40 % des crédits du temps posent. D’un côté celle défendue par Lang, qui
son équipe, en mai 1981, gnet décrit l’entourloupe dans une note, d’André Malraux –, qui augmente peu. Sallois, juge les maisons de la culture sclérosées, trop
quand ils prennent en main mais Lang oublie ce document en se rendant toujours : « Nous avons privilégié la création peu créatives par rapport à l’argent donné. Sa
le ministère de la culture. Ils à l’Elysée. Le conseiller doit filer sur son Solex par rapport au patrimoine. J’assume. » conviction est qu’il faut placer des artistes ta­
sont persuadés que la gauche vers le palais présidentiel. Le ministre peut Pour justifier son habit de Superman, Lang lentueux à leur tête. Ainsi, dès son arrivée,
ne tiendra pas longtemps. Lang a en tête le alors faire passer à Mitterrand un mot sous la répète qu’à son arrivée la France était un dé­ confie­t­il celle de Nanterre au metteur en
conseil de Pierre Mendès France : « Tout doit table : « On me roule dans la farine. » Le prési­ sert culturel. Son constat fait bondir la con­ scène Patrice Chéreau – charge à lui de faire
se faire dans les six premiers mois. » « Dans les dent ne bronche pas mais clôt le conseil en seillère d’Etat et spécialiste de la culture Ma­ table rase et d’inventer « son » théâtre. L’autre
deux mois », corrige aujourd’hui Jacques interpellant le ministre du budget, Laurent ryvonne de Saint­Pulgent, marquée à droite : ligne est celle défendue par Dominique
Sallois, son directeur de cabinet à l’époque. Fabius : « Nous sommes bien d’accord, c’est « C’est une blague ! Malraux avait trouvé un Wallon. Lui aussi, en ces années décisives, est
Résultat : en soixante jours, ils obtiennent le 0,75 % pour la culture… » désert à son arrivée, mais Lang, non. » De fait, agacé de voir ces « maisons » enkystées dans
doublement de leur budget et la loi sur le prix La guérilla continue dans les semaines sui­ à l’aube des années 1980, nombre de villes ne des débats politiques et sociétaux sans fin,
unique du livre. En septembre, le projet vantes. En juillet, l’acteur Lang surjoue l’em­ manquent pas d’initiatives et de talents, sou­ mais il souhaite qu’elles n’abandonnent pas
« Grand Louvre » est lancé. Soit trois victoires phase quand il écrit à Fabius : « Je t’en conjure. vent militants. Pour Michel Crespin, figure leur ancrage local. Bref, Lang veut privilégier
éclair et retentissantes. Rien de mieux pour 1 %, c’est 180 kilomètres d’autoroute ! » – une historique des arts de la rue, « c’est la province l’art et les créateurs, tandis que son conseiller
asseoir une crédibilité. image empruntée à Malraux. Ou encore au qui innove dans les années 1970 ». a plutôt la fibre sociale et territoriale. Autant
En ce printemps si particulier, ils débar­ premier ministre, Pierre Mauroy : « Je ne vois Toujours est­il que François Mitterrand affi­ dire que les crispations se multiplient. « Une
quent pourtant dans un ministère vide, rue pas quelles économies je pourrais proposer, che en tête de son programme la décentralisa­ bagarre permanente », d’après Robert Abira­
de Valois, adossé au jardin du Palais­Royal. sauf à imaginer de fermer des théâtres ou des tion, que met en œuvre le ministre de l’inté­ ched, le conseiller théâtre.
Pas un dossier, « même pas un trombone », se musées. » C’est ainsi que le budget de la cul­ rieur, le Marseillais Gaston Defferre. Jack Lang, Pourquoi, dans ces conditions, Jack Lang at­
souvient Robert Abirached, chargé du théâ­ ture passe, en 1982, de 3 milliards à 6 mil­ en échange d’un doublement des crédits, mais tribue­t­il tant de moyens au « développe­
tre. Jack Lang choisit le petit mais très symbo­ liards de francs. Aucun ministre de la Ve Ré­ aussi pour contrebalancer la construction à ment culturel » ? Parce que, à ses yeux, c’est le
lique bureau occupé dans les années 1960 publique n’a bénéficié d’un tel bond, Paris du Grand Louvre ou de l’Opéra Bastille, rôle de la gauche de démocratiser et de dé­
par André Malraux, laissant à Jacques Sallois d’autant que les coûteux « grands travaux » doit donner 500 millions de francs aux collec­ centraliser. Mais il entend le faire à sa façon :
un autre, cinq fois plus grand. que s’apprête à lancer le chef de l’Etat figu­ tivités locales. La somme est rondelette, l’af­ en développant l’« offre ». Il est persuadé
D’emblée, l’effervescence devient folle. Ça rent dans une enveloppe à part. faire sérieuse. Le ministre n’est pas décentrali­ qu’en multipliant les initiatives, en bâtissant
grouille, le téléphone ne cesse de sonner, des Chaque année, le scénario se répète. Jack sateur pour deux sous. L’argent, il veut bien le des lieux culturels, en soutenant financière­
artistes passent sans prévenir, beaucoup font Lang ne part jamais en vacances en août EN 1982,  donner mais aussi le contrôler. « Il craignait ment de grands noms de la création, en cher­
le siège dans les couloirs, certains poussent avant que son budget ne soit gravé dans le LE BUDGET PASSE  que ça serve à refaire les trottoirs, dit Jean­Fran­ chant l’excellence, en construisant aussi une
une porte sans s’annoncer. « Une ambiance ré­ marbre. Et, chaque année, il obtient un peu çois Chougnet. Les créateurs lui répétaient que dizaine d’écoles de formation (photographie
volutionnaire », s’amuse Jacques Sallois, qui plus. Mais sans atteindre le 1 % promis pour DE 3 À 6 MILLIARDS  les maires feraient n’importe quoi. » à Arles, bande dessinée à Angoulême, conser­
avait connu un ministère sans vie. « On rit 1983. Car, la même année, la gauche au pou­ vatoires de musique à Paris et à Lyon, design
beaucoup dans cette ruche », se souvient voir prend le rude virage de la rigueur budgé­ DE FRANCS. « BAGARRE PERMANENTE » à Paris, cirque à Châlons­en­Champagne,
Frédérique Bredin, qui rejoint vite le cabinet. Il taire. Quasiment tous les ministères doivent Un homme entre alors dans la danse : Domi­ etc.), le public suivra et, surtout, s’élargira, no­
y a tant à faire ! Les demandes pleuvent, au se serrer la ceinture, mais pas la culture. « Je
TOUS LES SECTEURS  nique Wallon, conseiller de Lang et décentra­ tamment aux populations modestes et défa­
point que la « boutique » est ouverte sept jours crois que nos opposants étaient épuisés par SONT GÂTÉS lisateur dans l’âme. Avec les 500 millions en vorisées, peu habituées à aller au théâtre, au
sur sept, jusque tard dans la nuit. Il arrive que notre énergie », dit Jacques Sallois. poche, il sillonne la France, jusqu’aux dépar­ musée ou au concert.
le conseiller budgétaire, Jean­François Ce dernier, au moment de la rigueur, dîne MAIS CERTAINS tements d’outre­mer, afin de dialoguer avec La méthode n’est pas nouvelle. C’est celle de
Chougnet, dorme sur place. Quant à Jacques chez Louis Schweitzer, patron du cabinet de les élus locaux et signer des conventions. Ce Malraux, qui la définissait en ces termes, dès
Sallois, il se fait installer des loupiotes sur ses Fabius, et lui arrache un bon budget entre le BIEN PLUS mot « techno » n’est pas nouveau, mais le mi­ 1959, en créant le ministère de la culture :
lunettes pour travailler la nuit sans déranger fromage et le dessert. Il s’en va, mais revient QUE D’AUTRES nistère contribue à le diffuser partout. Des « Rendre accessibles les œuvres capitales de
son épouse. Lang donne le tempo : quand on sur ses pas, sonne à la porte et dit qu’il ne par­ centaines de conventions sont signées, « des l’humanité, et d’abord de la France, au plus
lui dit qu’il faut une semaine pour obtenir tira pas sans avoir en poche la promesse écrite milliers même », d’après Claude Mollard, con­ grand nombre possible de Français. » La diffé­
telle chose, il accorde deux jours, quitte à et signée. La méthode est limite, mais elle est seiller de Lang. Le procédé est astucieux : rence est que Malraux privilégiait le patri­
bousculer les procédures. « Il a un côté un peu indissociable d’un ministère mineur, que ce l’Etat donne une partie de l’argent pour cons­ moine. Avec Lang, la création prime. Il faut
voyou », dit en riant un ex­conseiller. Un autre soit dans les chiffres ou dans les esprits. Cette truire un théâtre, rénover un musée ou déve­ dire que ce dernier dispose de beaucoup plus
résume : « Nous sommes un commando. » période, c’est une certitude, pose un socle : lopper une action ; les collectivités locales d’argent. « C’est l’ampleur du désir qui les dis­
L’obsession, c’est le budget, le budget, le bud­ durant les décennies suivantes, le budget de complètent. « C’est ça, la culture !, s’exclame tingue », note l’ex­ministre Jean­Jacques Ailla­
get. Sans beaucoup d’argent, le nouveau mi­ la culture ne redescendra plus dans les bas­ Jean­François Chougnet. Avec son argent, gon. « Lang reprend le flambeau de Malraux,
nistre pense qu’il ne peut rien faire. D’autant fonds, oscillant toujours autour du 1 %. Dès l’Etat implique les villes, mais il garde le con­ mais à une échelle inédite », confirme Jean­
que sous le précédent président, Valéry lors, un autre casse­tête surgit pour l’équipe trôle et impose son expertise. » Paul Claverie, ancien conseiller de Jack Lang.
Giscard d’Estaing, la culture est tombée de Lang : comment dépenser 6 milliards quand La culture passe également des conven­
0,61 % à 0,47 % du budget de l’Etat. Une mi­ il y en avait 3 ? « Ça peut paraître fou, mais, tions avec d’autres ministères : défense, agri­ ROCK, RAP ET BANDE DESSINÉE
sère. Dans les trois années qui ont précédé son avant 1981, le ministère était si faible et mal or­ culture, affaires étrangères, éducation… Ha­ Lang ouvre également la culture à des champs
arrivée aux affaires, Lang a préparé le terrain ganisé qu’il n’arrivait pas à consommer son ar­ bile pour leur prendre de l’argent. Du reste, que s’interdisait Malraux. Le rock ou la bande
et brandi le chiffre symbolique de 1 %, imaginé gent », témoigne Jacques Sallois. Alors, quand quand il présente son programme devant dessinée, le rap ou la mode. On lui reproche de
dans les années 1960 par le metteur en scène le gâteau est énorme… Tous les secteurs, du l’Assemblée nationale, en novembre 1981, transformer le public en consommateur et de
Jean Vilar et le Parti communiste français. théâtre au cinéma, sont gâtés, mais certains Lang fait sensation : « Il n’y a pas un, mais 43 galvauder le mot « culture » dans le « tout se
bien plus que d’autres. Les subventions sont ministères de la culture », soit l’ensemble du vaut » (Alain Finkielkraut, La Défaite de la pen­
« ON ME ROULE DANS LA FARINE » multipliées par deux, trois, cinq – impensable gouvernement. Dans le budget de 1982, une sée, Gallimard, 1987). Mais cette ouverture
Mitterrand, conscient que la culture est un de nos jours, où les compagnies de théâtre et ligne surprend par le montant (850 millions) s’inscrit encore dans une politique « de l’of­
ticket pour « changer la vie », reprend l’idée de danse, les musées et les festivals doivent se et par son intitulé, « Développement cultu­ fre », avec l’espoir, insiste Jacques Sallois, de
dans des discours ou des entretiens. 1 %, ça a battre chaque année pour grappiller quelques rel ». Le théâtre, le cinéma ou les musées, on « toucher des couches nouvelles et plus jeunes
de l’allure. Mais c’est beaucoup… « Je me dou­ euros. Ou ne pas les perdre. voit de quoi il retourne, mais qu’entendre par de la population ». Sauf que le logiciel « de l’of­
tais que je n’allais pas l’atteindre, alors j’ai fait Le sociologue de la culture Philippe Urfalino « développement culturel » ? Son responsa­ fre » a ses limites, que cerne Maryvonne de
monter les enchères », confie Jack Lang. Et a décrypté la méthode Lang pour éviter le gas­ ble est Dominique Wallon, le conseiller dé­ Saint­Pulgent : « Malraux croyait que si les
d’ajouter, en souriant : « J’ai emmerdé pillage : « On n’invente pas du jour au lende­ centralisateur. Son credo : l’action de terrain, gens n’allaient pas au théâtre, c’était parce qu’il
Mitterrand jour et nuit avec l’argent. » Des dé­ main la capacité de dépenser le double. Ça a été au plus près des gens, des associations loca­ n’y avait pas de théâtres. C’était, et c’est tou­
putés, aussi. Il remporte une première man­ fait d’une manière assez remarquable, avec très les, de la pratique en amateur. Il vient de jours, plus compliqué que ça. » Et c’est plus
che dans l’ascenseur de l’Elysée, seul avec le peu de bêtises. » (La Pensée de midi, 2005, n° 16.) Grenoble, une ville socialiste considérée compliqué pour Jack Lang aussi.
président, lequel lui lâche : « Ecoutez, je main­ Prenons secteur par secteur. Avec une subven­ comme un laboratoire en la matière. La douche froide lui tombe dessus en 1989.
tiens l’objectif, mais si je vous donne tout de tion multipliée par deux, le théâtre, dont est Le « développement culturel » finance, par Qu’elle jaillisse de ses propres troupes n’ar­
suite 1 %, vous ne saurez pas quoi faire de cet issu Jacques Lang (il a fondé le Festival mon­ exemple, à hauteur de 200 millions la créa­ range pas les choses. Le ministère de la cul­
argent. Je vous propose 0,75 %. Ce sera un qua­ dial de théâtre de Nancy, en 1963), peut sortir tion de 3 000 à 5 000 emplois précaires, es­ ture publie, en effet, une vaste enquête sur les
si­doublement. » Ce n’est qu’une parole d’as­ d’un état « catastrophique et d’une démoralisa­ sentiellement pour des jeunes. Il s’occupe pratiques culturelles des Français. Huit ans
censeur. Il reste à convaincre les décideurs du tion généralisée », affirme le conseiller du sec­ aussi d’opérations transversales et, à ce titre, après l’arrivée aux affaires de Lang, le bilan
ministère des finances. Quand le directeur teur, Robert Abirached. La danse, « la millième a l’autorité sur la dizaine de maisons de la est douloureux : l’intensification de l’offre
du budget glisse à Lang quelque chose du roue du carrosse » d’après Lang, se sent désor­ culture, imaginées par Malraux dans les an­ culturelle n’a pas réduit mais aggravé la frac­
genre : « Vous pouvez obtenir… », celui­ci le mais considérée. Idem pour les arts émer­ nées 1960, d’Amiens à Bourges, où l’on donne ture entre riches et pauvres. Les premiers
coupe : « Je crois que vous n’avez pas bien com­ gents, comme le nouveau cirque. Deux cents autant des pièces de théâtre que des con­ vont encore davantage au spectacle ou au
pris, nous voulons tout changer. » musées seront construits ou rénovés en dix certs, où l’on débat et refait le monde. musée, les seconds moins. Les deux études
Fin juin, alors que le budget de l’Etat est fi­ ans. Le cinéma, secteur privé habitué à fonc­ Quand on évoque aujourd’hui le rôle de suivantes, en 1997 et 2008, aboutiront au
celé et qu’il va être présenté en conseil des tionner en vase clos via une taxe prélevée sur Dominique Wallon devant Jack Lang ou son même résultat, tout comme d’autres, concoc­
ministres, le ministre demande tout de chaque billet, voit son obole exploser (de entourage de l’époque, on sent de l’embarras, tées cette fois au niveau européen. Lang le vit
même à Jean­François Chougnet de décryp­ 31 millions à 109 millions). Celle des bibliothè­ voire de l’agacement. Certains parlent à pro­ très mal. Aujourd’hui encore, il affiche son
ter ce qu’on leur promet. « Il a dû avoir un ques triple, alors qu’elles dépendent des villes. pos du « développement culturel » d’un sec­ agacement : « Ces études, je les conteste, et je
0123
MARDI 11 MAI 2021 horizons | 25

Le ministre
de la culture,
Jack Lang,
au Festival
international
de la bande dessinée
d’Angoulême
(Charente), en 1982.
FRANCOIS DUCASSE/GAMMA RAPHO

gié les professionnels de la culture, oubliant en


route le public. » Jack Lang a néanmoins bien
des raisons, bonnes ou mauvaises, de mino­
rer l’éducation populaire. Personne ou pres­
que en 1981, y compris au Parti communiste
français, ne conteste vraiment la politique
« de l’offre ». Le primat de l’artiste sur le pu­
blic est un socle. Quant aux centaines de mai­
sons des jeunes et de la culture, les fameuses
MJC, qui constituent souvent le premier con­
tact de la France populaire avec la création et
favorisent la pratique en amateur, elles dé­
pendent du ministère de la jeunesse et des
sports. Lang a beau jeu de rappeler qu’elles
sont en dehors de son périmètre. En fait, elles
ne l’intéressent pas. Son marqueur est l’ex­
cellence des œuvres, quand celui des MJC est
la formation des publics.

« UNE PART D’UTOPIE »


Selon Jacques Sallois, la démocratisation de
l’accès à la culture est un travail lent, haras­
sant, avec « une part d’utopie », hasardeux
aussi quand on n’a pas quinze ans devant soi.
Il ajoute un problème, sans doute le plus
lourd : Jack Lang, tout comme les ministres
de la culture avant et après lui, a échoué sur
l’éducation artistique à l’école. Non pas un
anecdotique cours de dessin ou la pratique de
la flûte, mais une confrontation des élèves,
dès le plus jeune âge, avec des œuvres. Pour
cela, il faut donner une place sérieuse à cet
enseignement dans les programmes scolai­
res. François Mitterrand en fait une priorité
en 1980. Mais, une fois au pouvoir, il refuse la
condition du succès : joindre la culture et
l’éducation dans un seul ministère. « Je l’ai in­
cité à me confier les deux portefeuilles, mais il
n’a pas voulu », regrette Jack Lang, qui, à la dif­
férence d’autres, a au moins tenté des choses.
En novembre 1981, il annonce devant les dé­
putés une loi sur l’éducation artistique, écrite
conjointement avec son collègue Alain
Savary, le ministre de l’éducation. Il la justifie
par ce constat : un Français sur deux ne va
pas au théâtre, trois sur quatre n’ont jamais
franchi la porte d’un musée. Cette loi ne verra
pas le jour. Trop de freins. Lang cumule les
deux portefeuilles en 1992, mais pendant un
an seulement. Trop court. En revanche, entre
2000 et 2002, il est à l’éducation et Catherine
Tasca à la culture. Ensemble, ils mettent en
place un plan massif d’éducation artistique.
Mais il sera stoppé net par la droite.
L’impuissance est telle, depuis quarante ans,
sur l’éducation populaire qu’une nouvelle
musique, aux airs de renoncement, s’est im­
posée. Pourquoi faudrait­il que tout le monde
aille à l’opéra ou au musée ? Pourquoi deman­
der à la culture de réduire les fractures sociales
alors que l’école n’y parvient pas ? Pourquoi
culpabiliser les artistes ? Jack Lang fait siennes
ces questions. Tout comme Arthur Nauzyciel,
directeur du Théâtre national de Bretagne :
« Le théâtre n’a pas à afficher 100 % de fréquen­
n’aurais pas dû les laisser continuer à se faire risés – Jacques Sallois lui­même le reconnaît. PSU, un parti à la fibre décentralisatrice, a tout tation, de toutes les origines sociales. Certains
de cette façon. » Que l’argent public, massive­ EN 1989, Les emplois­jeunes ont surtout servi à créer pour mener une politique culturelle de gau­ lisent et d’autres vont au basket. La question
ment investi par les socialistes, bénéficie aux des professionnels de la culture, au statut d’in­ che : le pouvoir, la nouveauté, l’argent. « Elargir dépasse celle de l’école : pourquoi des gens, à
gens aisés n’est pas facile à digérer. Pour Do­ DES ÉTUDES  termittent, moins aux publics. Cette direction les publics était mon obsession, assure­t­il. On chaque génération, reproduisent le même sen­
minique Wallon aussi, auquel on demande si est aussi la seule du ministère à avoir vu ses ne l’a pas fait et j’en suis malade. On ne l’a pas timent d’illégitimité à entrer dans un musée ou
la gauche a pratiqué la même politique que la PROUVENT QUE  crédits fortement rognés en 1984 et 1985. fait d’abord parce que Jack Lang n’en voulait un théâtre ? A cause d’un sentiment de classe. »
droite auparavant : « Non, je crois que le “déve­ Plus largement, et comme Malraux du pas. » Erik Orsenna, conseiller de Mitterrand, Au­delà de ce débat, loin d’être clos, la majo­
loppement culturel” a été positif à 75 %, qu’on a
L’INTENSIFICATION  reste, Lang n’a pas vraiment d’appétence pointe la conception jacobine de la culture rité des spécialistes reconnaissent l’« élan uni­
fait du bon boulot avec les élus locaux, dans les DE L’OFFRE  pour l’animateur social. « Il répétait qu’on ne d’un ministre qui privilégie « non pas ce que les que » donné en son temps par Jack Lang à la
entreprises ou les prisons. » Mais il admet : ferait rien si on ne faisait pas de l’art avant du gens aiment, mais ce qu’ils pourraient aimer ». culture et saluent les milliers d’équipements
« C’est vrai, les classes moyennes et supérieures CULTURELLE  social », confirme Robert Abirached. Il trouve Certains y voient un des exemples de la dé­ et actions, si précieux encore aujourd’hui. Ils
sont les gagnantes de notre politique. » surtout ce champ ringard. C’est l’avis de connexion progressive de la gauche avec les constatent que la quinzaine de ministres qui
Jack Lang, lui, n’en démord pas : « J’étais le mi­ A AGGRAVÉ LA  Bernard Faivre d’Arcier, ancien directeur du classes populaires – elle vaut encore en 2021, lui ont succédé s’inscrivent dans ses pas. Ils
nistre de tous les artistes et de tous les ci­ FRACTURE ENTRE  Festival d’Avignon : à l’époque, Lang est « hor­ du reste. Robert Abirached parle même d’un considèrent néanmoins, avec un soupçon de
toyens. » Quelques indices permettent de dou­ ripilé » par le militant de gauche en sandales, « affaissement de la pensée des socialistes sur cruauté, que l’enthousiasme de l’époque s’est
ter de cet équilibre idéal. Le précieux Fonds RICHES ET PAUVRES avec petit cartable et barbe, que Jérôme Des­ les questions de société ». Jean­Jacques Ailla­ perdu en route : l’Etat culturel était fort, il est
d’intervention culturelle, qui date de Georges champs caricature dans sa pièce La Veillée gon, ex­protégé de Jacques Chirac, s’étonne, devenu faible. Jean­Jacques Aillagon résume
Pompidou et qui servait aux actions de ter­ (1985) – il préfère l’artiste rayonnant. comme d’autres, que la gauche, en 1981, ne ainsi : « Le ministère de la culture est devenu un
rain, est supprimé en 1984. En regardant de Le plus meurtri dans cette affaire qui met en renoue pas avec la politique culturelle, très bibelot déposé sur la cheminée. » 
près, on s’aperçoit aussi qu’une bonne partie tension l’artiste et son public est Jacques Sal­ sociale, du Front populaire. Mais il a le même michel guerrin et brigitte salino
de l’argent du « développement culturel » lois. Il sait qu’en 1981 l’équipe autour de Lang, regret concernant son propre passage au mi­
n’était pas vraiment destinée aux gens défavo­ dont beaucoup de membres sont issus du nistère. « On a tous développé l’offre et privilé­ Prochain article Le temps des bâtisseurs
CULTURE
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26 | MARDI 11 MAI 2021

Des professionnels
venus pour
assister à
des lectures et
performances,
au Théâtre
national
de Bordeaux
en Aquitaine,
jeudi 6 mai.
PIERRE PLANCHENAULT

« Nous avons tant besoin de retrouvailles »
A Bordeaux, les responsables de la scène culturelle disent leur hâte et leurs doutes avant la réouverture

REPORTAGE parce qu’il a fallu adapter la


programmation aux conditions
pour maintenir la production ini­
tiale de Carmen en version scéni­
Que leurs structures soient ou
non subventionnées, les direc­
« Il va falloir aller En attendant, « l’humeur a
changé depuis quelques jours, on
bordeaux ­ envoyée spéciale
sanitaires et faire des compromis que au Grand­Théâtre avec teurs de lieux bordelais interrogés chercher les sent une dynamique, une envie de

L
e Théâtre national de financiers. 120 personnes sur le plateau, ex­ reconnaissent que les mesures de montrer, de transmettre, de rom­
Bordeaux en Aquitaine plique Olivier Lombardie. Il y a en­ soutien (chômage partiel, fonds
spectateurs, pre avec la privation sociale qu’on a
(TnBA) a rouvert avant Heureux mais soucieux core quinze jours, je pensais qu’on d’urgence, fonds de solidarité…) les convaincre de vécue », perçoit Dimitri Boutleux,
l’heure. Jeudi 6 et ven­ Si le TnBA reprendra, dès le 19 mai, annulerait jusqu’à septembre. » ont permis de surmonter la crise. adjoint écologiste à la mairie de
dredi 7 mai, la première édition le déroulé de sa programmation A quelques jours de la reprise, « En mars 2020, nous avons créé
faire à nouveau ce Bordeaux, chargé de la culture. Elu
du Focus Festival, imaginée avant avec Un ennemi du peuple, de Jean­ les responsables de la scène cultu­ l’Association des théâtres privés en qui était jusqu’à en pleine pandémie, cet urbanis­
la pandémie et la fermeture des François Sivadier, et Exécuteur 14, relle bordelaise naviguent entre régions pour faire entendre notre te­paysagiste reconnaît avoir été,
lieux culturels, s’est tenue. Mal­ d’Antoine Basler, il ne pourra pas, plusieurs sentiments : heureux voix et cela a porté ses fruits pour
présent interdit » depuis un an, « en formation accé­
gré tout. Comme une sorte en revanche, accueillir As de rouvrir leurs portes mais son­ obtenir des compensations », cons­ XAVIER VITON lérée : les circonstances nous ont
d’avant­première pour patienter Comadres, d’Ariane Mnouchkine, nés par l’année qu’ils viennent de tate Xavier Viton, dont les lieux directeur de théâtres privés fait entrer dans le dur des dossiers
jusqu’à la date tant attendue de la les comédiennes brésiliennes passer et soucieux face à l’avenir. fonctionnent en autoproduction et pas dans les petits­fours et les re­
réouverture au public, mercredi n’ayant pas le droit de voyager. Les souvenirs de cette période et font appel essentiellement à présentations extérieures ». Egale­
19 mai. Seule différence par rap­ L’Opéra de Bordeaux débutera, inédite affluent. « On a fait un tra­ des artistes de la région. Au Théâ­ « J’ai envie d’être optimiste, on ne ment président de la régie de
port au projet initial : les portes quant à lui, le 30 mai avec Carmen, vail de Pénélope, certains specta­ tre Fémina, qui dépend du groupe pourra jamais se passer du specta­ l’Opéra de Bordeaux, deuxième
de ce centre dramatique national l’essentiel en version concert. Côté cles ont été reportés quatre fois », Fimalac, la salle de 1 000 places est cle vivant mais il faut se réinterro­ employeur culturel en France avec
(CDN) n’ont été ouvertes qu’aux théâtres privés, beaucoup préfè­ témoigne Catherine Marnas, dont louée à des productions dans le ca­ ger sur la façon dont on produit les ses quelque 400 salariés, l’adjoint
professionnels. Des dizaines de rent attendre la jauge à 65 % et le la saison 2020­2021 s’est résumée dre de tournées. « L’absence de visi­ spectacles, et multiplier les initiati­ dit vouloir faire de cette institu­
programmateurs et directeurs de couvre­feu à 23 heures le 9 juin : la à dix­neuf représentations au lieu bilité a poussé tourneurs et produc­ ves pour aller chercher les publics tion « un pôle de ressources et de
salles ont pu assister à des lectu­ salle du Femina accueillera, le des cent quatre­vingts prévues. teurs à reporter leurs dates à la ren­ non acquis », défend l’administra­ synergie ». Le 19 mai, il ne sera pas
res, performances, esquisses de 22 juin, le nouveau spectacle de Tous gardent en mémoire le trée », explique la directrice, Ma­ teur général de l’Opéra. La saison au spectacle mais passera sa jour­
spectacles présentées par des ar­ l’humoriste Pierre­Emmanuel « coup de massue » du 15 décem­ lika Josse. Sur les quarante­cinq 2021­2022 s’annonce « plus riche » née dans les musées bordelais.
tistes « compagnons » du TnBA, Barré, et les théâtres Victoire, bre 2020, lorsque le premier mi­ spectacles prévus en avril­mai­ à cause des reports de spectacles
comme Baptiste Amann, ou issus Molière et Trianon reprendront nistre, Jean Castex, annonça la le­ juin au Fémina, seuls trois ont été mais aussi « plus compliquée » à « Une ombre plane »
de l’école supérieure du théâtre, leurs comédies et autres pièces de vée du deuxième confinement maintenus. établir budgétairement. Prudent, Bon nombre de responsables l’as­
tels que le collectif Les rejetons de boulevard la semaine du jeudi 10. mais le maintien de la fermeture le TnBA ne sortira qu’en septem­ surent : la crise aurait favorisé le
la reine. « Pour fêter notre retour nous des lieux accueillant du public. « Maintenir l’excellence » bre la plaquette de sa nouvelle sai­ dialogue entre les structures et les
« Nous avons hésité à maintenir avons opté pour une formule « On l’a appris en regardant la té­ « Combien de personnes dois­je son. « Sur les reports, nous donne­ élus, et entre secteur public et sec­
ce rendez­vous, mais il y a eu une qu’on pourrait appeler “facile, sim­ lévision, il y avait une grande co­ embaucher pour septembre ? », rons la priorité aux compagnies in­ teur privé. « La direction régionale
émulation dans l’équipe, nous ple et pas chère” », résume Olivier lère, une incompréhension alors s’interroge désormais la direc­ dépendantes, très impactées par la des affaires culturelles nous a con­
avons tant besoin de ces retrou­ Lombardie, administrateur géné­ que nous avions déjà une jauge ré­ trice, dont le lieu fonctionne, ha­ crise, et maintiendrons des créa­ viés à sa prochaine visioconférence
vailles ! », se réjouit la directrice ral de l’Opéra de Bordeaux. Soit, duite et une application stricte des bituellement, avec dix intermit­ tions », indique Catherine Marnas. avec les opérateurs culturels, C’est
du CDN, Catherine Marnas. pour 8 euros, un best of de gestes barrières », se souvient la tents techniciens et des dizaines En attendant, le CDN a fait le choix la première fois ! », se réjouit
Comme en écho à ce renouveau Carmen en une heure, par directrice du TnBA. « Une chape de d’étudiants pour des jobs de réduire sa pause estivale : il sera Xavier Viton.
du spectacle vivant, le comédien l’Orchestre national de Bordeaux plomb s’abattait. On fermait le ser­ d’ouvreurs. « Pendant la crise, ouvert jusqu’à fin juillet, propo­ Les artistes eux, n’ont qu’une
Jérémy Barbier d’Hiver, en ouver­ dans le bel auditorium. « Pour des vice public de la culture sans que mon responsable de billetterie est sera des spectacles en plein air et hâte : jouer. Mais, ressent Simon
ture de son projet Mine de rien, raisons budgétaires mais égale­ cela ne suscite beaucoup de réac­ devenu menuisier et mon régisseur reprendra dès le 24 août. Delgrange, membre du collectif
fait dire à son personnage : « C’est ment techniques, il était trop tard tions. On s’est mis à s’interroger chauffeur­livreur », confie­t­elle. Mais la crainte majeure est celle Les rejetons de la reine et ancien
bon de se voir, de se regarder, ça sur notre place, notre fonction Au CDN et à l’Opéra, le travail a de l’attitude du public. Sera­t­il au élève de l’école supérieure de
fait exister. » dans la société », rapporte Olivier continué avec les équipes perma­ rendez­vous de la réouverture ou théâtre de Bordeaux, « une ombre
A Bordeaux, que ce soit dans les Lombardie. « On avait mal à l’âme. nentes. Répétitions, accueil de frileux ? D’autant que mai­juin plane ». « Beaucoup ont continué à
institutions publiques ou les éta­
« Pour fêter notre O.K., il fallait limiter les flux, mais compagnies en résidence, multi­ est, traditionnellement, la moins créer, la grande question est celle
blissements privés, les théâtres retour, nous pourquoi ce tout ou rien, tous les plication des interventions en mi­ bonne période pour la fréquenta­ de l’embouteillage. Y aura­t­il des
clament : « On est prêts ! » Prêts à commerces ouverts, tous les lieux lieu scolaire, captations. « En dé­ tion du spectacle vivant. « Il va fal­ projets sacrifiés ? » Un poignard
renouer avec le public, à appli­
avons opté pour culturels fermés ? On avait la sen­ cembre, La Sylphide a été jouée loir aller chercher les spectateurs, dans la poche, le projet très pro­
quer de nouveau les gestes barriè­ une formule qu’on sation d’être mis sous l’escalier dix­sept fois sans public. Il était les convaincre de faire à nouveau metteur présenté par le collectif
res, à tourner cette page doulou­ comme un enfant puni », regrette fondamental de maintenir ce qui était jusqu’à présent inter­ au Focus Festival du TnBA est
reuse d’une culture à l’arrêt. Mais
pourrait appeler Xavier Viton, ancien artiste lyri­ l’excellence des danseurs, musi­ dit », résume Xavier Viton. « Et à la prévu pour la saison… 2022­2023.
tous ne rouvriront pas le 19 mai. “facile, simple que devenu codirecteur de trois ciens et choristes de la maison », rentrée, quels seront les protocoles, Créer, produire et diffuser un
Soit parce que la jauge imposée à théâtres privés en centre­ville (le insiste Olivier Lombardie. Cette y aura­t­il encore de la distancia­ spectacle reste un processus « de
35 %, doublée d’un couvre­feu à
et pas chère” » Victoire, le Molière, le Trianon), période a aussi été celle de la tion ? », s’interroge Malika Josse, longue haleine », constate le jeune
21 heures, n’est économiquement OLIVIER LOMBARDIE cumulant quelque 600 places. réflexion : quelle organisation pour qui les mises en vente des comédien. Et le temps perdu est
pas tenable et peu attirante quant administrateur général Mais, ajoute­t­il, « grâce aux aides, pour l’après­crise, quels choix de dix­sept spectacles prévus en sep­ difficilement rattrapable. 
à l’ambiance dans les salles, soit de l’Opéra de Bordeaux nos lieux sont restés debout ». programmation ? tembre tournent au casse­tête. sandrine blanchard
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MARDI 11 MAI 2021 culture | 27

A Cabourg,
une villa pour
retrouver le
temps de Proust
La cité du Calvados inaugure,
le 19 mai, un musée consacré
à l’écrivain et à la Belle Epoque

REPORTAGE explique l’ex­président d’Arte Jé­


rôme Clément, admirateur de
cabourg (calvados)
Proust et l’une des chevilles

A
yant appris qu’il y ouvrières du projet. La façade de
avait, à Cabourg, un brique à croisillons losangés, en­
hôtel, le plus conforta­ tièrement restaurée, n’est pas
ble de toute la côte, j’y sans charme.
suis allé. Depuis que je suis ici, je Les promoteurs de la Villa du
peux me lever et sortir tous les temps retrouvé, ne disposant pas
jours, ce qui ne m’était pas arrivé de collection propre, ont pris le La plupart des meubles du musée Villa du temps retrouvé ont été prêtés par le Mobilier national. VILLE DE CABOURG
depuis six ans. » Dans une lettre parti de ne pas circonscrire le mu­
écrite en 1907, Marcel Proust évo­ sée à Proust, mais de l’élargir à la
que son amour (re) naissant pour Belle Epoque dans son ensemble. collections privées. « La durée des visite privée, cela lui a beaucoup sur le piano Pleyel », sourit Jérôme été prévu. La première est consa­
la cité balnéaire normande, déjà « C’est un lieu qui évoque l’âge d’or prêts va de six mois à cinq ans. plu », assure M. Neutres. Le Musée Neutres. Quelque huit cents livres crée à l’univers de Fantômas, fi­
fréquentée dans son enfance. de Cabourg et de la côte nor­ Chaque année, 80 % de l’exposi­ Rodin, à Paris, s’est engagé quant d’époque ont aussi été disséminés gure de la littérature populaire du
Huit ans durant, jusqu’à la pre­ mande, dont Proust est la figure tion permanente sera renouve­ à lui à prêter plusieurs bronzes du un peu partout et pourront être début du XXe siècle. Au total, la
mière guerre mondiale, l’écrivain tutélaire. Nous serons dans la fa­ lée », détaille Jérôme Neutres, qui sculpteur chaque année. feuilletés. Plusieurs dispositifs ville espère attirer 30 000 visi­
y viendra en villégiature, trou­ brique du texte, sur comment y voit un argument pour inciter Outre les tableaux et dessins or­ numériques ont été intégrés à des teurs par an dans la Villa du temps
vant dans ses promenades en Proust invente A la recherche du les visiteurs locaux à venir régu­ nant les murs, la villa a été meu­ meubles anciens. Un projecteur retrouvé. Un chiffre qui ne devrait
bord de mer et dans le bocage de temps perdu », explique Jérôme lièrement à la villa. Pour son blée avec des canapés, fauteuils et Kok de Pathé a par exemple été pas être difficile à atteindre. 
l’arrière­pays l’inspiration néces­ Neutres, l’ex­patron de la Réunion ouverture, le musée a obtenu le tables d’époque. La plupart ont restauré pour diffuser de courts cédric pietralunga
saire à la rédaction de son grand des musées nationaux, à qui le prêt de quelques très belles piè­ été prêtés par le Mobilier national films de Max Linder (1883­1925).
œuvre, A la recherche du temps projet a été confié. « Ce n’est pas ces, comme Vue générale de et pourront être utilisés par les vi­ Pour finir, deux jardins de Villa du temps retrouvé,
perdu, dont les sept tomes furent un musée sur Marcel Proust, mais Rouen (1892), un tableau signé siteurs. « Ce sont des meubles 2 000 mètres carrés ont été amé­ 15, avenue du Président­
publiés entre 1913 et 1927. un musée avec Marcel Proust », Claude Monet, le peintre favori de d’usage, cela veut dire qu’on nagés devant et derrière la villa, Raymond­Poincaré, à Cabourg
Malgré cette proximité, la ville abonde Roma Lambert, la direc­ Proust, propriété du Musée des pourra s’asseoir sur les fauteuils, avec des plantes citées dans les ro­ (Calvados). Du mercredi au lundi,
de Cabourg (Calvados) – rebapti­ trice des lieux. beaux­arts de Rouen. On y voit les faire une partie de cartes sur une mans de Proust. Un espace d’ex­ de 11 à 18 heures. Entrée : 8 euros,
sée Balbec dans les romans de Confiée à l’agence Sunmetron, flèches de la cathédrale de la ville table et même jouer de la musique position temporaire a également gratuit pour les moins de 18 ans.
Proust – ne disposait jusqu’ici la scénographie de ce « musée­ normande émerger d’un camaïeu
d’aucun lieu permettant de célé­ maison » met particulièrement de rose.
brer l’illustre dandy. Seule la en valeur les œuvres des peintres
chambre 414 du Grand Hôtel, de la Belle Epoque. Les tableaux, Huit cents livres disséminés
dans lequel il avait séjourné, res­ signés Jacques­Emile Blanche, Le musée réunit aussi pour la pre­
taurée avec une décoration Belle Paul­César Helleu, Eugène Bou­ mière fois les deux seuls portraits
Epoque, gardait la trace de son din ou Félix Vallotton, sont accro­ de Marcel Proust réalisés par Jac­

FESTIVAL
passage. L’ouverture, le 19 mai, chés au mur comme ils devaient ques­Emile Blanche. Le premier,
d’un musée, situé au cœur de la l’être dans les villas de l’époque, le plus connu, une huile où l’on
ville et judicieusement baptisé sans véritable logique ni thémati­ voit l’écrivain âgé de 21 ans, en
« Villa du temps retrouvé », répare que. On pourrait y voir un sympa­ queue­de­pie (1892), propriété du
enfin cette injustice. Voulu par thique capharnaüm, on est au Musée d’Orsay, impressionne par

INTERNA-
Tristan Duval, producteur de contraire conquis par l’intimité ses contrastes, le noir de la redin­
spectacles et actuel maire (DVD) que créent les accrochages. Le gote faisant rejaillir le blanc du vi­
de Cabourg, le projet a mis six ans parti pris d’utiliser des papiers sage et du plastron. Le second,
à voir le jour et a coûté quelque peints contemporains pour ha­ simple dessin au crayon (1891), ap­
4,5 millions d’euros. Une gageure biller les six pièces de la villa ren­ partenant à la Bibliothèque natio­
pour une commune de seule­ force ce sentiment, même si l’on nale de France (BNF), étonne par

TIONAL
ment 3 600 habitants (environ peut regretter la relative exiguïté le regard charbonneux du dandy.
40 000 l’été). des lieux : seulement 300 mètres Plus exceptionnel encore, la BNF a
carrés sont consacrés à l’exposi­ accepté de prêter au musée le ma­
Première présentation publique tion permanente. nuscrit d’A l’ombre des jeunes
Pour accueillir ce musée, la muni­ Les œuvres exposées, contem­ filles en fleurs, deuxième tome de

DE JOUR-
cipalité a restauré l’une des in­ poraines de la Belle Epoque, ont La Recherche, dont c’est la pre­
nombrables villas Belle Epoque dans l’ensemble été prêtées par mière présentation publique. Un
qui parsèment la ville et font son d’autres musées ou sont issues de carnet où les ratures sont innom­
charme. Bâtie dans les années brables, signe de la quête obses­
1860 par l’architecte Clément Pa­ sionnelle de l’auteur pour un

NALISME
rent, un ami de la famille Proust, style parfait.
la villa Bon Abri avait été rachetée Petite touche de contemporain
par Bruno Coquatrix, l’ex­patron
Le projet a mis dans cette exposition où l’impres­
de l’Olympia, lorsque ce dernier six ans à voir sionnisme et le postimpression­
était maire de la commune, et ser­ nisme dominent, deux toiles du
vait depuis les années 1970 de lieu
le jour et a coûté britannique David Hockney, voi­
d’accueil pour les associations de quelque sin des lieux puisqu’il réside
Cabourg. « C’était dans un état la­ aujourd’hui près de Cambremer
mentable, il a fallu tout refaire
4,5 millions (Calvados), ont été pendues aux 9, 10, 11 juillet 2021
pour retrouver l’état d’origine », d’euros cimaises. « On lui a organisé une

Couthures-sur-Garonne
A RTS ministre a pris la décision de C’est le premier festival d’im­
19 œuvres retrouvées reconnaître à cet ensemble le portance en France depuis la
des Arts incohérents statut de trésor national en re­ crise sanitaire : Catherine
classées trésor national fusant de lui accorder une Ringer, Alain Souchon ou en­
La ministre de la Culture, autorisation d’exportation », a core Feu ! Chatterton seront
Roselyne Bachelot, a attribué,
vendredi 7 mai, le statut de
annoncé un communiqué du
ministère. « Le délai de trente
parmi les têtes d’affiche du
Printemps de Bourges, qui a
REJOIGNEZ-NOUS CET ÉTÉ !
« trésor national » à 19 œuvres mois ouvert par cette procé­ confirmé vendredi 7 mai sa
du mouvement des Arts dure de refus d’exportation tenue du 22 juin au 27 juin. festivalinternationaldejournalisme.com
incohérents, précurseur, au permettra d’approfondir le « C’était impensable de faire
XIXe siècle, de Dada et des parcours et la connaissance de deux éditions blanches à la
surréalistes. Ces objets d’art ces œuvres remarquables, qui suite », a expliqué directeur UN ÉVÉNEMENT GROUPE LE MONDE
avaient été retrouvés dans ont vocation à venir enrichir du festival, Boris Vedel.
une malle, chez des particu­ les collections conservées par « Les artistes ont tous accepté
liers qui en ignoraient la va­ le Musée d’Orsay ». Pour Mme de jouer avec des jauges
leur. Les objets avaient été ex­ Bachelot, il s’agit de « témoins à 65 % et, d’après les éléments
posés au début de l’année par d’une étape importante et mé­ en place, on doit pouvoir
le galeriste parisien Johann connue de l’histoire de l’art boucler notre budget ». Le
Naldi. Sur la proposition du moderne ».– (AFP.) Printemps, qui avait attiré
Musée d’Orsay « et à la lu­ 200 000 personnes en 2019,
mière de l’avis favorable rendu M US I Q U E ne devrait au mieux accueillir
par la Commission consulta­ Catherine Ringer et Alain que « 10 000 » festivaliers,
tive des trésors nationaux, la Souchon à Bourges selon le directeur. – (AFP.)
28 | télévision 0123
MARDI 11 MAI 2021

«Mitterrand a fini par apprivoiser “l’œil noir”» NOTRE


SÉLECTION
MARD I 11 MAI
Serge Moati revient sur les relations entre l’ancien président de la République et la télévision
TCM Cinéma
La Poursuite impitoyable
FRANCE 2 20.50 Western d’Arthur Penn (1966)
MARDI 11 - 23 H 45 avec une distribution de rêve :
DOCUMENTAIRE Marlon Brando, Robert Redford,
Jane Fonda, Angie Dickinson.

J
ournaliste, écrivain, réalisa­ Dans une petite ville du Texas,
teur, Serge Moati fut celui le redoutable shérif Calder (Marlon
qui, pendant des années, su­ Brando) a beaucoup de soucis.
surra à l’oreille de François
Mitterrand. Depuis ce jour Toute l’histoire
où, après le congrès d’Epinay Blum et ses premières ministres
en 1971, le nouveau chef du Parti 21.30 Documentaire inédit de Maud
socialiste lui confia détester la té­ Guillaumin. Dès 1936, avec l’arrivée
lévision, il n’aura de cesse de le ré­ au pouvoir du Front populaire, Léon
concilier avec ce média sans lequel Blum accueillait des femmes dans
on ne pouvait plus exister politi­ son gouvernement : Suzanne Lacore,
quement. Dans un documentaire Selon Serge Cécile Brunschvicg et Irène Joliot-
composé de multiples archives, Moati, Curie, trois militantes féministes.
l’ancien patron de France 3 ra­ François
conte les coulisses de ce « je t’aime Mitterrand Mezzo
moi non plus » avec le petit écran. « n’aimait pas Fractus V
la caméra, 21.55 Ballet enregistré à Lyon
Pourquoi François Mitterrand cet “œil noir”, en 2017. Les belles idées
avait­il en horreur comme il du chorégraphe belge Sidi Larbi
la télévision ? l’appelait ». INA Cherkaoui, sur des musiques
François Mitterrand était un venues du Japon, de Corée, d’Inde
homme de l’écrit et des préaux et d’Afrique. Un spectacle intense.
d’école, des meetings. Il n’aimait
pas la caméra, cet « œil noir », Arte
comme il l’appelait. Pour lui, Général Soleimani :
c’était un objet froid, qui ne réa­ le stratège de l’Iran
gissait pas et ne permettait pas 22.40 Tué à Bagdad en janvier 2020
de savoir à qui l’on s’adressait. par une frappe de drone américain,
Je lui ai dit que, derrière la caméra, le général Ghassem Soleimani
il y avait peut­être des jolies fem­ était considéré comme le numéro
mes qu’il fallait imaginer séduire ! bre de plans selon leur valeur, l’émission « Cartes sur table », rière un pilier l’ayant remis sur le pâle. Devant les caméras, ce deux du pouvoir iranien. Ce
Pour la première fois, il s’est dé­ le temps de parole, persuadés que Alain Duhamel demande à bon chemin… soir­là, il dira, impeccable : « L’an­ documentaire inédit, signé Magali
tendu et a souri. Plus sérieuse­ l’équipe d’en face refuserait. Sauf Mitterrand ce qu’il ferait, élu, Autres sueurs froides, à la sortie née prochaine, c’est mon succes­ Serre, retrace le parcours de ce fils
ment, la mise en scène l’intéres­ qu’à notre grande surprise tout a concernant la peine de mort. du Panthéon, il pleut dru et seur qui vous présentera ses de paysan devenu héros national.
sait beaucoup. Il me questionnait été accepté. Il a donc fallu y aller… Le candidat répond : « Pas plus Mitterrand doit attendre, trempé, vœux. Là où je serai, je l’écoute­
régulièrement : « Pourquoi tel sur cette question que sur les que l’Orchestre de Paris, dirigé rai. » C’est la dernière fois que je L’Equipe TV
plan, comment tel effet ? », etc. Et, cette fois, c’est Mitterrand autres, je ne cacherai ma pensée par Daniel Barenboim, ait ter­ l’ai vu vivant. Master and Commander :
qui a la formule qui claque, (…), je suis contre la peine de miné de jouer le dernier mouve­ de l’autre côté du monde
En quoi les deux face­à­face en assénant à VGE qu’il est mort. » Ce soir­là, les Français ont ment de la 9e Symphonie de Finalement, que retenir 21.05 Un film de facture classique
avec Valéry Giscard d’Estaing, « l’homme du passif », et sème entendu battre son cœur. Beethoven ! D’interminables mi­ de cette longue histoire entre de Peter Weir, avec Russell Crowe
en 1974 et en 1981, premiers du le trouble chez son rival avec nutes qui rendent fou de rage Mitterrand et la télévision ? en capitaine anglais menant
genre, ont­ils été déterminants ? le fameux dossier jaune… Autre mémorable moment, Gaston Defferre (futur ministre Il a eu une façon incroyable de une chasse impitoyable contre
Hélas, trois fois hélas, en 1974, Oui, c’est une ruse dont je ne la « disparition » de Mitterrand de l’intérieur), inquiet que le mettre en scène la présidence. Il a un corsaire français en 1805,
Mitterrand n’avait rien voulu pré­ suis pas très fier. J’avais dit à au Panthéon, le 21 mai 1981… nouveau président ne soit la lancé la télévision de proximité dans l’océan Pacifique. Superbe
parer. Quand Giscard l’a qualifié Mitterrand que, si Giscard l’aga­ La cérémonie avait été abon­ proie facile d’un attentat ! – souvenez­vous quand il invitait adaptation de la saga maritime
d’« homme du passé » et lui a signi­ çait, il devrait tapoter un dossier damment discutée, répétée : le les enfants fêter Noël à l’Elysée –, du romancier Patrick O’Brian, avec
fié qu’il n’avait pas « le monopole jaune que je lui avais donné. président élu devait déposer trois D’autres images télévisées tout en gardant une certaine hau­ deux Oscars : meilleure photographie
du cœur », nous avons compris J’avais prévenu le réalisateur qu’à roses sur les tombeaux de Jean fortes à retenir… teur, une certaine solennité. Il a et meilleur montage de son.
que l’élection était perdue. En 1981, un moment je demanderais un Jaurès, Jean Moulin et Victor Peut­être Verdun, en 1984. Les fini par apprivoiser « l’œil noir ».
nous avons donc décidé de répé­ gros plan. En dix minutes, tout Schœlcher. Une séquence télévi­ images avec le chancelier Kohl, RMC Story
ter. Laurent Fabius « jouait » Valéry l’Elysée était au courant, croyant suelle émouvante, mais, je main dans la main, après tant de Que penserait­il des nouveaux La Face cachée de… la Corée
Giscard d’Estaing. Prenant son qu’il y avait là des révélations sur l’avoue, un peu lourdingue… Tout guerres entre les deux pays. Hau­ médias, de Twitter à TikTok, du Nord : la dynastie Kim
rôle à cœur, il décida de ne poser les diamants de Bokassa quand, était en place, mais je n’avais ja­ tement symbolique, cette image qu’utilise aujourd’hui 21.05 La première dynastie
que des questions économiques en vérité, le dossier était vide… mais fait de direct. fera d’ailleurs le tour du monde. Emmanuel Macron ? communiste de l’histoire fonctionne
pointues. Mitterrand s’énerve et, A un moment, Mitterrand dis­ Pas le plus grand bien, sans comme une mafia. Entre fausse
lançant un « ça suffit, Messieurs Pourquoi dites­vous que c’est paraît littéralement de l’écran. On Et quelle est celle qui vous doute…  monnaie, drogue, cyberespionnage,
Laurent d’Estaing et Serge Fellini ! », deux mois avant ce fameux l’avait perdu ! Blême, j’imagine le tient le plus à cœur ? propos recueillis par le dernier héritier en date, Kim
claque la porte ! Il ne voulait pas de débat que l’élection s’est sans pire et mon heure dernière… Sans doute le 31 décembre 1994. émilie grangeray Jong-un, ne recule devant rien
ce débat. Alors, on a imaginé tou­ doute gagnée ? Heureusement, il finit par réap­ Une heure avant les vœux adres­ pour financer ses armes nucléaires,
tes sortes de règles sur la distance Sur Antenne 2, le 16 mars 1981, paraître dans le champ, un jeune sés aux Français, Mitterrand est Mitterrand et la télé, de Serge sans que le peuple nord-coréen
entre les deux candidats, le nom­ dans les dernières minutes de socialiste bénévole caché der­ introuvable. Il est au lit, affaibli, Moati (Fr., 2021, 53 min). ait son mot à dire.

0123 est édité par la Société éditrice


HORIZONTALEMENT du « Monde » SA. Durée de la société :

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IDÉES
0123
MARDI 11 MAI 2021 | 29

Suppression de l’IGAS :
la diversité des profils et des parcours est
essentielle à l’exercice de nos missions
Alors que le gouvernement prévoit de supprimer rience toute relative donc. Des hom­ cessaire, dans des associations, des mai­ profils et parcours est essentielle à l’exer­
mes ? Les « sorties ENA » qui ont rejoint sons de retraite, des hôpitaux ou des cice de nos missions.
l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS ces dix dernières années sont crèches. Nous sommes aux prises avec A titre d’exemple, dans le seul champ
un collectif de 131 de ses membres rappelle majoritairement des femmes (53 %). La des sujets cruciaux pour l’avenir de no­ de la santé, les trois quarts de nos mis­
parité est une valeur dont nous som­ tre pays comme la protection de l’en­ sions mobilisent des compétences spéci­
que ce travail nécessite « un cadre professionnel mes fiers. fance maltraitée. fiques (médecins, pharmaciens, cadres
qui expose le moins possible aux pressions » Déconnectés des réalités ? Au cours de Un tremplin vers une carrière dans le de santé, ingénieurs sanitaires). Car que
ses cinquante années d’existence, l’IGAS privé ? Moins de 4 % des membres de serait l’IGAS, par exemple, sans ses mé­
a fait de sa proximité au terrain et de l’IGAS sont partis définitivement dans le decins ? Il ne faudrait pas qu’à l’avenir

D
l’écoute des usagers sa marque de fabri­ privé. Il s’agit parfois d’entreprises mais disparaisse cette diversité de compéten­
e la réforme de la fonction publi­ nes autistes, dont les conclusions équili­ que. De nombreuses illustrations en souvent de caisses de sécurité sociale, de ces de l’IGAS. Or, c’est la perspective d’un
que qui sera présentée en conseil brées ont inspiré le film Hors normes, sont d’ailleurs données dans Histoire des mutuelles ou d’associations. N’ayons pas engagement long, et pas seulement d’un
des ministres le 26 mai, c’est la d’Olivier Nakache et Eric Toledano. politiques sociales. 30 ans d’expertise de peur des mots : nous revendiquons le ti­ poste à durée déterminée, qui incite ces
suppression de l’ENA qui a retenu Notre métier d’inspecteur a comme l’IGAS, un ouvrage collectif qui vient de tre, peut­être désuet, de serviteurs de profils à réorienter leur parcours vers
toute l’attention. Mais un autre aspect exigence première d’établir la vérité des paraître aux Presses de l’EHESP (240 pa­ l’Etat, du service public et de la protec­ l’inspection, et ce souvent sans possibi­
moins débattu mérite d’être porté à la faits. Cette vérité, nous voulons aussi la ges, 32 euros). tion sociale. lité de retour dans leur métier d’origine.
connaissance de nos concitoyens : la rétablir pour dire qui nous sommes, avec Et comment pourrait­il en être autre­ Porter des constats utiles nécessite en­
suppression des trois corps d’inspection rigueur et précision. Le cliché d’un jeune ment ? Pour nos missions, de Mayotte à Indépendance de jugement fin le respect de règles déontologiques,
générale interministérielle que sont homme de 25 ans fraîchement sorti de Saint­Denis en passant par la Creuse, Venons­en à ce qui nous importe le plus, une capacité à faire preuve de discerne­
l’inspection générale de l’administra­ l’ENA, déconnecté des réalités et qui uti­ nous nous rendons partout où c’est né­ la mission qui nous est confiée : celle ment et de sens critique, et un cadre
tion (IGA), l’inspection générale des af­ lise l’inspection comme tremplin vers d’évaluer les politiques sociales et d’éclai­ professionnel qui expose le moins pos­
faires sociales (IGAS) et l’inspection gé­ une carrière dans le privé est un fan­ rer les décideurs publics, bien sûr, mais sible aux pressions, divers rapports l’ont
nérale des finances (IGF). De ces inspec­ tasme qui ne résiste pas à l’épreuve des aussi les acteurs du social (monde asso­ montré (Mediator, Dépakine…). Or, cette
tions, plusieurs médias ont véhiculé ces faits. L’IGAS est une inspection plurielle ciatif, syndicats, collectivités…) dans le liberté d’appréciation requiert des ga­
dernières semaines une image erronée, dans son recrutement et sa composition. sens de l’intérêt général. Notre objecti­ ranties statutaires, telles que celles qui
à la fois de leurs membres et du travail vité et notre indépendance de jugement existent aujourd’hui pour les membres
qui y est réalisé.
En tant que membres de l’IGAS, nous
Proximité au terrain
Des jeunes de 25 ans fraîchement sortis
PORTER DES nous permettent de réduire les conflits,
de rétablir un dialogue et de la confiance,
de l’IGAS.
Pour l’intérêt que nous portons à notre
voulons rectifier cette représentation car de l’ENA ? L’âge moyen d’entrée dans le CONSTATS UTILES de réconcilier des positions divergentes métier, mais surtout pour notre volonté
les sujets dont nous traitons, santé, pro­ corps de l’IGAS est de 38 ans. Près de la autour de diagnostics partagés et de pro­ de servir au mieux l’intérêt général,
tection sociale, travail, emploi, pauvreté moitié des membres de l’IGAS ne sont NÉCESSITE positions librement exprimées. Les con­ nous sommes prêts à contribuer aux
et discriminations, touchent l’ensemble pas ce que l’on appelle des « sorties ditions d’exercice de ces missions doi­ réflexions en cours afin de porter
de nos concitoyens. Parmi tant d’autres, ENA », à savoir des personnes qui ont re­
LE RESPECT DE RÈGLES vent être préservées. cet idéal. 
deux exemples récents l’illustrent. Le joint l’IGAS juste après avoir fait l’ENA, DÉONTOLOGIQUES, Il faut le rappeler, être inspecteur, c’est
congé de paternité d’abord : c’est sur la mais elles l’ont intégrée en cours de car­ avant tout un métier. Un métier qui re­
base d’un rapport produit par l’IGAS, rière (médecins, inspecteurs du travail, UNE CAPACITÉ quiert des compétences ad hoc pour me­
en 2018, que le gouvernement a décidé pharmaciens, ingénieurs, directeurs ner des investigations et établir des
l’allongement du congé de paternité, d’hôpital…). En outre, parmi les « sorties À FAIRE PREUVE preuves, compétences longues à acqué­
avancée sociétale majeure pour nos con­ ENA », la moitié a plusieurs expériences DE DISCERNEMENT rir. Un métier qui nécessite aussi une ex­ Collectif de 131 membres
citoyens. Citons aussi l’inspection me­ professionnelles préalables à son actif pertise approfondie du champ social et de l’inspection générale
née sur une association qui aide de jeu­ avant de rejoindre l’IGAS. Une inexpé­ ET DE SENS CRITIQUE sanitaire. Sur ce plan, la diversité des des affaires sociales

Premiers secours : distinguer l’urgent du non-urgent


Un collectif de représentants de services des urgences et de responsables politiques appelle à la
mise en place d’un numéro unique d’appel pour répondre de manière efficace à toutes les situations

L
a crise sanitaire que nous débordé et devenir injoignable devenues des dispensaires, les l’usage des moyens. Le 112 com­
traversons depuis plus au moment où il était investi professionnels de santé de ville plété d’un numéro d’accès aux
d’un an confirme les nom­ d’une fonction nouvelle. ont été désinvestis de leur rôle soins non urgents, le 116 117 par
breuses questions que Au­delà de la crise, ce système de premier recours, et les acteurs exemple, qui est un numéro
pose notre système de soins, de­ de prise en charge des urgences du secours – au premier rang européen déjà utilisé par trois Premiers signataires :
LA MULTIPLICITÉ puis ses moyens jusqu’à son or­ est souvent dépassé, et devenu desquels les sapeurs­pompiers régions françaises, faisant ainsi Dominique Bussereau,
DES NUMÉROS ganisation, en particulier en ma­ obsolète. Le bon traitement volontaires – sont soumis à une passer les options de treize nu­ président de l’Assemblée des
tière de gestion de l’urgence. La des situations de détresse im­ pression opérationnelle pour méros d’urgence aujourd’hui départements de France ;
D’URGENCE, LA pression à laquelle font face les médiate, et notamment de des motifs non urgents. disponibles à deux. Renaud Muselier, président
soignants, mais aussi les acteurs l’arrêt cardiaque, suppose que C’est forts de notre connais­ de Régions de France ; Olivier
COORDINATION du secours, conduit à interroger l’ensemble de ces appels soient sance des territoires et de leurs Sortir des cloisonnements Richefou, président du conseil
TROP FAIBLE ENTRE notre mode de fonctionnement. pris en trente secondes, selon acteurs que nous appelons à une Cette mesure, étudiée en France départemental de la Mayenne,
Cette situation ne va pas aller les recommandations scientifi­ réforme de l’action publique vi­ depuis 2004, a fait l’objet d’un président de la Conférence
SAPEURS-POMPIERS, en s’améliorant. L’embolie qui ques actuelles. La persistance à sant à distinguer clairement l’ur­ engagement du président de la nationale des services d’incen-
touche et touchera les hôpitaux maintenir un point d’entrée gent du non­urgent. Ce que nous République dès 2017. La pro­ die et de secours ; colonel
SAMU ET se répercute aussi sur l’ensem­ unique pour toutes les situa­ voulons affirmer aujourd’hui, position de loi du député Fabien Grégory Allione, président
AMBULANCIERS ble de la chaîne de secours.
En 2030, il y aura 30 % d’octogé­
tions médicales sans distinction
ne permet pas cette perfor­
c’est la nécessité criante de re­
mettre à plat la manière dont est
Matras, étudiée à l’Assemblée
nationale dans les semaines qui
de la Fédération nationale des
sapeurs-pompiers de France
PRIVÉS ONT RENDU naires en plus et quinze millions mance, nous en faisons le cons­ organisé notre système de se­ viennent et signée par 500 dé­ (FNSPF) ; Docteur Luc
de Français atteints de maladies tat chaque jour. L’objectif qu’un cours. La multiplicité des numé­ putés de tous bords, porte cette Duquesnel, président Les Gé-
NOTRE SYSTÈME chroniques. Le problème dé­ professionnel décroche dans les ros d’urgence, la coordination réforme. Elle permet justement néralistes-CSMF ; contrôleur
passe amplement la crise liée à trente secondes ne serait réali­ trop faible entre sapeurs­pom­ de sortir des cloisonnements, général Eric Faure, prési-
INEFFICIENT l’épidémie de Covid­19 ; il est sable qu’au prix d’une augmen­ piers, SAMU et ambulanciers ministériels ou administratifs, dent d’honneur de la FNSPF ;
structurel, tangible et quotidien. tation considérable de la res­ privés sont autant de spécificités et des logiques corporatistes docteur Philippe Vermesch,
Cette congestion s’exprime source humaine des centres 15. françaises qui ont rendu notre pour proposer à nos concitoyens président du Syndicat des
particulièrement en première système inefficient. une organisation efficace du médecins libéraux (SML) ;
ligne, dans les services des ur­ Pour une réorganisation La mise en place d’un numéro secours d’urgence. contrôleur général Laurent
gences et les SAMU­centres 15, Les failles de notre système de unique d’appel d’urgence, le 112, Nous demandons au président Ferlay, président de l’Associa-
asphyxiés à chaque crise sani­ secours découlent du choix est nécessaire et salutaire. Cette de la République de porter la ré­ tion nationale des directeurs et
taire. Il convient de tirer rapide­ d’orienter toutes les alertes de mesure de simplification per­ forme du numéro unique, le 112, directeurs adjoints des services
ment toutes les conséquences de santé vers les urgences hospita­ mettrait de garantir une ré­ pour transformer en profondeur d’incendie et de secours ;
la situation qui a vu le 15, désigné lières. Alors que seuls 5 % des ap­ ponse rapide, proche et efficace le secours d’urgence aux person­ Michel Fournier, président
par le gouvernement comme pels aux centres 15 concernent à toutes les situations d’ur­ nes et garantir à nos concitoyens de l’Association des maires
numéro d’appel pour les cas de des situations d’urgence réelle, gence, d’améliorer la coordina­ le meilleur traitement des situa­ ruraux de France.
Covid, être malheureusement les urgences hospitalières sont tion des services et d’optimiser tions de détresse.  Liste complète sur Pompiers.fr
0123
30 | idées MARDI 11 MAI 2021

La France doit reconnaître sans délai


le gouvernement d’unité nationale birman
Alors que l’armée maintient son contrôle et aux enfants. Enfin, un quart des mi­ La constitution de ce gouvernement si­ une action claire contre le fait accompli.
nistres ne sont affiliés à aucune forma­ gnifie une volonté farouche de sortir le La troisième raison relève de la cohé­
du pays par la violence, le gouvernement tion politique mais ont été choisis pour pays de l’ornière dans laquelle l’enfonce rence de notre engagement auprès de la
parallèle représente un immense espoir leur compétence. l’armée depuis des décennies. société civile : on ne peut pas contribuer
Le SAC maintient son contrôle sur le Dans les conditions actuelles, la France à son éclosion (en participant notam­
pour les citoyens et mérite d’être soutenu, pays par la violence, la terreur et l’intimi­ doit reconnaître sans délai le gouverne­ ment à des programmes de formation et
plaide un collectif de spécialistes de la Birmanie dation au sein des ministères et des ad­ ment d’unité nationale. Avec quels objec­ de soutien) sans avaliser une initiative
ministrations locales ; avec ce mode opé­ tifs concrets ? Les raisons sont nombreu­ qui prend le risque de mettre en place les
ratoire, il ne doit pas être considéré ses et variées. Parmi les plus essentielles, valeurs prônées. Le NUG s’inscrit dans la

L
comme un choix car il enferme l’avenir on retiendra l’attachement des Birmans légitimité démocratique des dernières
e 1er février dernier, l’armée bir­ gagement d’hommes et de femmes de de la Birmanie. Non seulement le SAC au processus de transition démocratique. élections. Sur le plan sécuritaire, les jeux
mane (Tatmadaw) reprenait le tous les horizons du pays constitue un met à risque la stabilité et l’intégrité du Une transition certes imparfaite mais sont clairs : la Tatmadaw a tout intérêt à
pouvoir, instaurait l’état d’urgence progrès encourageant. Car c’est bien l’in­ pays par une reprise attendue des con­ réelle : il suffit de comparer les scrutins une crise générale – quitte à plonger le
et instituait le SAC, le Conseil ad­ clusivité qui caractérise ce gouverne­ flits ethniques et des attentats, mais il de 2010, 2015 et 2020 pour mesurer l’im­ pays dans le chaos – pour justifier son
ministratif d’Etat. En réponse à ce coup ment : sa composition même envoie un met à mal les objectifs autorédigés par plication des citoyens, et l’amélioration emprise et valider son coup de force. Un
de force, un groupe de parlementaires message positif et constitue indéniable­ l’armée avec la Constitution de 2008 (ne concrète de leur qualité de vie ; la transi­ scénario syrien ne doit pas être négligé
élus en novembre 2020 réagissait pour ment une avancée vers la résolution des plus avoir à gérer l’Etat mais garder un tion a constitué un appel d’air mental et et aurait des conséquences sur la stabi­
refuser le fait accompli et créer le CRPH, problèmes qui minent la Birmanie de­ rôle de gardien politique). un élan. Elle a aussi apporté l’espace poli­ lité régionale.
le comité représentant le Parlement. Ils puis des décennies. Le gouvernement d’unité nationale, tique nécessaire pour entamer des négo­ Enfin, quatrième raison essentielle, il
ouvraient ainsi une fenêtre dans un hori­ lui, joue la confiance : entre ses membres ciations constructives, même erratiques, est bon de reconnaître l’intelligence de la
zon apparemment bouché. Jouer sur la confiance et avec les citoyens. C’est à ce contrat de avec les guérillas armées. résistance et le courage d’un peuple. Car
Ce comité, composé de juristes, a tra­ Parmi les 26 ministres et secrétaires confiance que les Birmans ont souscrit. c’est aussi montrer l’authenticité de no­
vaillé dans des conditions très difficiles. d’Etat, 13 ne sont pas Bamars [l’ethnie ma­ Scénario syrien tre attachement à des valeurs et princi­
Ses membres ont dû s’exiler et ont été ac­ joritaire]. En l’absence du président de la La deuxième raison est d’éviter un bain pes que nous prétendons universels. 
cusés par le SAC de « haute trahison », pas­ République U Win Myint et de la con­ de sang. L’armée pourrait y recourir si les
sible de la peine de mort. Ils ont dû seillère d’Etat Aung San Suu Kyi, au se­ blocages persistent, parce qu’ils entra­
échanger et s’organiser avec une extrême cret à Naypyidaw, l’exécutif est confié à vent sa capacité de contrôle et d’enrichis­
prudence. La réflexion qu’ils ont engagée Duwa Lashi La (de l’ethnie Kachin), vice­ sement. Mais les plus désespérés du
en matière constitutionnelle a débouché président, et à Mahn Win Khaing Than IL EST URGENT mouvement de désobéissance civile
sur une charte posant les principes fon­ (Karen), premier ministre ; Lian Hmung pourraient aussi décider de passer à la vi­ Premiers signataires :
dateurs pour la rédaction d’une nouvelle Sakhong, vice­président du Chin Natio­ DE SOUTENIR tesse supérieure, pour signifier claire­ Sophie Boisseau du Rocher,
Constitution fédérale afin de remplacer nal Front (le Front national Chin), de­ ment leur refus de l’option Tatmadaw. chercheuse au Centre Asie de l’IFRI ;
celle rédigée par l’armée en 2008. Mais ce vient ministre des affaires fédérales.
UNE INITIATIVE Il est donc urgent de soutenir une ini­ Vanina Bouté, ethnologue
n’était pas la seule tâche à laquelle ils se Huit femmes ont été désignées, comme QUI PRÔNE LA PAIX, tiative qui prône la paix, la réconciliation et codirectrice du Centre Asie
sont attelés. Le 16 avril, un gouvernement Zin Mar Aung aux affaires étrangères ou nationale et qui s’inscrit dans la logique du Sud-Est (CNRS-EHESS-Inalco) ;
d’unité nationale (NUG) était annoncé. Shwe Pon à la santé. Des jeunes sont pro­ LA RÉCONCILIATION démocratique que la France a soutenue Romain Caillaud, chercheur associé
Ce gouvernement constitue pour les ci­ mus, comme Ei Thinzar Maung, 26 ans, depuis 2010. Il faut faire vite avant que à l’Iseas-Yusof Ishak Institute ;
toyens birmans un immense espoir dans ministre adjointe, au côté d’une autre NATIONALE ne s’installe une normalité que le SAC ap­ Frédéric Debomy, écrivain ;
un contexte éprouvant. Au­delà d’un femme, la Karen Naw Susanna Hla Hla ET LA LOGIQUE pelle de ses vœux : en l’isolant par une Jean-Louis Margolin, historien.
pays qui tourne au ralenti, au­delà d’une Soe, d’un nouveau département minis­ série de mesures appropriées, la France Retrouvez la liste complète
armée qui reste soudée et puissante, l’en­ tériel consacré aux femmes, aux jeunes DÉMOCRATIQUE et l’Union européenne montreraient des signataires sur Lemonde.fr.

Tierno Monénembo En Guinée, la répression est en passe


d’égaler les années les plus noires de Sékou Touré
Depuis sa première investiture, en 2010, le président de la République de Guinée, Alpha Condé, s’est approprié
les ressources du pays et a dévoilé sa nature de despote, affirme l’écrivain guinéen

E
n décembre 2010, Alpha On pensait naïvement qu’il s’y passé la journée à les éreinter Lorsque, en 1998, Lansana Conté bilan pourrait être bien plus désigner comme successeur !) y
Condé est investi prési­ serait sérieusement attelé pour dans les meetings des amphis et l’a arrêté pour le motif futile de lourd si l’on ajoutait les détenus ont un droit de regard.
dent de la République de tourner la page de son élection dans les manifestations de rues. s’être offert une petite prome­ morts en prison et les victimes Les pillages de nos minerais,
Guinée, au terme une élec­ contestée. On pensait naïvement Docteur Jekyll et M. Hyde ! Et, de­ nade du côté de la frontière ivoi­ des effroyables massacres de les détournements des deniers
tion à rallonge. Cinq mois entre qu’il aurait opéré une rupture puis qu’il est au pouvoir, bien plus rienne, les démocrates de tous Womé, Zogota et Galapaya. publics, les prisons et les répres­
deux tours ! Du jamais­vu ! Mais avec le passé et sorti le pays du cy­ Hyde que Jekyll ! les pays se sont mobilisés pour « Alpha Condé est une décep­ sions sanglantes, les Africains y
bon, la Guinée venait de tenir cle maudit de la haine, de la mi­ Le 23 avril, il n’a pas ressenti exiger sa libération. Depuis, l’exer­ tion », a affirmé l’ancien prési­ sont habitués, tant du moins que
son premier scrutin digne de ce sère et de la répression. C’était le besoin de cacher ses larmes cice du pouvoir a produit son ef­ dent du Niger [Mahamadou Is­ cela vient des soudards et des
nom, les apparences étaient sau­ bien mal le connaître ! lors des funérailles de son ami fet : l’agneau est devenu loup. On soufou], dont nous avons chau­ illettrés. Le hic, c’est qu’Alpha
ves. Les chantres de la démagogie Idriss Déby, et pour cause ! Elle est ne peut cependant imaginer ces dement applaudi l’élégance avec Condé n’est ni un soudard ni
et les gourous des cabinets de L’agneau est devenu loup révolue, l’heure du camouflage, belles âmes regretter leur acte (un laquelle il a quitté le pouvoir un illettré. C’est un docteur en
communication pouvaient y al­ Cet homme qui a sans doute lu tous les masques sont tombés. démocrate, un vrai, ne regrette au terme de ces deux mandats. droit, paraît­il, un ancien profes­
ler de leurs fanfares et de leurs Machiavel sait que « gouverner, A présent, tout le monde connaît pas d’avoir fait reculer le rouleau Mais non, M. le Président, Alpha seur à la Sorbonne, paraît­il.
superlatifs : « opposant histori­ c’est faire croire ». Longtemps, il la nature réelle du sieur Alpha compresseur de l’arbitraire). Elles Condé n’est pas une déception, Houphouët­Boigny se disait pré­
que », « premier président démo­ nous a fait croire qu’il était un Condé : celle d’un despote de la éprouveraient tout de même une c’est une catastrophe. Il a fermé sident­paysan ; eh bien, Alpha
cratiquement élu », « le Mandela fervent panafricaniste, un démo­ même abominable trempe que sérieuse envie de vomir si elles une à une les vannes des acquis Condé, c’est le président­profes­
de la Guinée », etc. crate, un révolutionnaire roman­ Sékou Touré, Mobutu, Bokassa ouvraient les yeux sur ce qui se arrachés de haute lutte au ré­ seur ! Comment voulez­vous que
Blasés de tout, les Guinéens tique, opposé à toute forme de ou Macias Nguéma. passe en ce moment à Conakry. gime de Lansana Conté. notre cœur ne saigne pas quand
n’y trouvèrent pas à redire. « Une néocolonialisme, toute forme de Il a bradé les mines au profit de notre président­professeur fait
élection pure, c’est du domaine de dictature, toute forme de corrup­ Lecture primitive de l’histoire sa famille et de son clan. Passée encore pire que les despotes qu’il
l’utopie, se dirent­ils, surtout sous tion. Et quand le souffle de la vé­ La corruption dépasse de mille subitement de 15 millions de ton­ a combattus dans ses jeunes an­
les doux cieux d’Afrique. Alpha a rité a soulevé le voile qui recou­ bornes celle qui avait cours au nes à 75 millions, la production nées parisiennes ?
sûrement triché, mais il a un avan­ vrait son visage, on a découvert temps du régime ignare et vé­ de la bauxite n’a pas pour autant Un président­professeur qui a
tage sur ses concurrents : il n’a col­ que c’était un vieil ami des pires reux de Lansana Conté. La répres­ eu d’impact sur les conditions de une lecture tout à fait primitive
laboré avec aucun de ses prédéces­
seurs, ni avec Sékou Touré ni avec
dictateurs du continent.
On a réalisé, avec un désagréable
ON PENSAIT sion est en passe d’égaler les an­
nées les plus noires de Sékou
vie du Guinéen. Les malades pro­
fitent de la nuit pour s’échapper
de l’histoire. Terrible, cet homme
ne sait pas évoquer la nation
Lansana Conté. Il se pourrait bien haut­le­cœur, qu’il avait de tout NAÏVEMENT Touré quand, au Camp Boiro, on des mouroirs que sont devenus autrement que sous un angle tri­
qu’il nous offre un nouveau dé­ temps baigné dans le milieu inter­ torturait à plein­temps et que les hôpitaux. Les écoles man­ bal. Ah, l’insondable fumisterie
part. » Dans la tête du citoyen lope (journalistes, hommes d’af­ QU’ALPHA CONDÉ chaque manguier de la ville avait quent de bancs, certaines n’ont de l’intelligentsia africaine ! 
lambda, ce nouveau départ signi­ faires et politiciens) qui fait la son lot de pendus. même pas de toiture. Quant aux
fiait deux choses : restaurer les pluie et le beau temps en Afrique,
AURAIT OPÉRÉ Les organisations des droits routes, ma foi… il faut onze heu­
droits de l’homme, gravement décide à sa guise de ce qui est vrai UNE RUPTURE de l’homme estiment à 260 au res pour parcourir les 300 kilo­
endommagés par ses prédéces­ et de ce qui est faux. L’ancien lea­ moins le nombre de Guinéens mètres qui séparent Conakry de
seurs, et, surtout, améliorer les der de la Fédération des étudiants AVEC LE PASSÉ fauchés dans les manifestations Mamou.
conditions de vie des Guinéens d’Afrique noire en France (FEANF) de rue depuis que « le premier Les Guinéens savent qu’ils n’ont Tierno Monénembo
qui crèvent de faim alors que, sur dînait le soir avec les « chiens cou­ ET SORTI LE PAYS président démocratiquement rien à attendre de ce côté­là. C’est est un écrivain guinéen
le plan aussi bien agricole chants de l’impérialisme », comme DU CYCLE MAUDIT élu » a accédé au pouvoir. Elles une affaire de famille, le diamant, francophone.
que minier, leur pays est l’un des il se plaisait à appeler les chefs estiment à 2 000 au moins le le fer, la bauxite et l’or. Seuls lui Prix Renaudot en 2008 pour
mieux dotés de la planète. d’Etat africains alors qu’il avait DE LA HAINE nombre de blessés. Ce macabre et son fils (qu’il voudrait, dit­on, « Le Roi de Kahel » (Seuil).
0123
MARDI 11 MAI 2021 idées | 31

LE LIVRE
Après Trump, la dérive délétère
du Parti républicain EN FRANCE,
ANALYSE lisation dans le comté le plus peuplé
de l’Arizona, effectué dans l’opacité L’ADHÉSION À L’IDÉE  LE RELIGIEUX
I
l a été beaucoup question des par une société sans expertise électo­ D’UNE FRAUDE 
cent jours de Joe Biden, confor­
mément à un état des lieux
symbolique inventé par Fran­
rale et dont le responsable avait
épousé, pendant l’hiver, la théorie du
complot d’une fraude massive.
DÉMOCRATE EST  RECONFIGURÉ
DEVENUE LE 

D
klin Delano Roosevelt (président des Suivi attentivement par Donald
Etats­Unis de 1933 à 1945), moins de Trump, cet audit n’a d’autre but que epuis des années, les problématiques liées aux questions
ceux du Parti républicain depuis son d’étayer ses obsessions, quand bien
CRITÈRE MAJEUR  religieuses ont envahi les discours politiques, les chaînes
départ du pouvoir. A tort. En l’espace même il n’aurait aucune valeur lé­ SÉPARANT  d’information et les amendements parlementaires. Du
de trois mois, le Grand Old Party s’est gale, au risque de saper les bases de la voile islamique à l’organisation du culte musulman, de
abandonné à une dérive délétère. République américaine en entrete­ LES « BONS »  l’enseignement privé confessionnel à la radicalisation, du mariage
Officiellement, les républicains se nant l’idée d’une présidence illégi­ pour tous à la bioéthique, elles sont omniprésentes. Elles ont réins­
sont résignés à la victoire du démo­ time de Biden. Il s’agit d’une répli­ DES « MAUVAIS »  tallé dans le débat public une question que l’on avait cru résolue
crate, constatée dans les urnes et que, en plus dangereux, de la thèse RÉPUBLICAINS depuis des lustres : celle de l’articulation entre le politique et le reli­
confirmée dans les Etats décisifs tels également véhiculée par l’ancien gieux, entre l’Etat et les « Eglises », selon le modèle fixé par la loi de
que la Géorgie et l’Arizona par les homme d’affaires qui prétendait que 1905. La laïcité est redevenue conflictuelle.
autorités républicaines locales. Barack Obama n’était pas né aux Donald Trump. Le second considère, Certains ont discerné dans ces diverses manifestations un « retour
Chaque fois qu’elle a été sollicitée, la Etats­Unis et qu’il ne pouvait donc au contraire, que la victoire de 2016 a du religieux » d’autant plus paradoxal qu’il s’inscrit dans une pro­
justice n’a rien trouvé à y redire. Y pas occuper le bureau Ovale. validé une stratégie de conquête cen­ gression constante de la désaffiliation confessionnelle. Entre 1952 et
compris les juges nommés par trée sur les cols bleus. Ses partisans 2018, les Français ne se réclamant d’aucune religion sont passés de
Donald Trump. Y compris la Cour Un exode silencieux mais réel ont cependant été plus mobilisés par 4 % à 58 %. Il est vrai que cette tendance ne touche pas toutes les tra­
suprême, la plus haute instance judi­ Cette idée est d’autant plus dévasta­ la désignation de boucs émissaires ditions de la même manière. Si de nombreuses églises catholiques
ciaire du pays, en dépit d’une majo­ trice que Donald Trump est parvenu, afin d’apaiser une anxiété sociale se vident – mais pas toutes –, des mosquées
rité conservatrice renforcée. en cent jours, à faire de l’adhésion liée à l’inexorable transformation s’agrandissent, des églises évangéliques
Dans les faits, le double discours aveugle à une fraude électorale in­ des Etats­Unis, notamment démo­ ouvrent chaque mois et des temples boudd­
est pourtant permanent. Si l’élection ventée le principal critère qui sépare graphique, que par l’impact d’une histes font recette. Comment s’y retrouver
présidentielle et les élections géné­ les « bons » des « mauvais » républi­ politique dont le principal accom­ dans ce maelström de données, de discours,
rales, qui ont d’ailleurs souvent cains. Parce qu’elle dénonce depuis le plissement a été une réforme fiscale de crispations, d’évolutions dont certaines
tourné à l’avantage des républicains début un « grand mensonge », Liz favorable aux plus riches. semblent contradictoires ?
et qui n’ont jamais été contestées, Cheney, élue du Wyoming, est ainsi Ce trumpisme­là, avec ou sans l’an­ Les sociologues et historiens des religions
ont été loyales, pourquoi donc les en passe de perdre son poste de cien président, est certainement ma­ Philippe Portier et Jean­Paul Willaime, qui
Etats conservateurs multiplient­ils numéro trois de la minorité répu­ joritaire aujourd’hui au sein du ont tous deux dirigé le Groupe sociétés, reli­
les lois restrictives visant, comme blicaine à la Chambre. Bien que privé Grand Old Party, comme le montre gions, laïcités (GSRL) de l’Ecole pratique des
toujours, des électorats qui leur sont de son compte Twitter, Donald l’analyse d’Henry Olsen. Mais cette hautes études, proposent une mise en pers­
le moins favorables ? Trump mène lui­même la chasse prééminence est potentiellement pective de ces mutations à la lumière du pas­
Les responsables du Grand Old en multipliant les communiqués fragile. Le « grand mensonge » ne sage de nos sociétés de la modernité à un ré­
Party se retranchent derrière l’argu­ injurieux envers ceux qui ne sous­ peut qu’alimenter l’exode silencieux LA RELIGION  gime d’ultra­modernité. L’ultra­modernité,
ment d’une confiance ébranlée des crivent pas à sa thèse. mais réel de républicains exaspérés DANS LA FRANCE  c’est, en quelque sorte, la modernité ré­
électeurs qu’il faudrait raffermir. Deux Partis républicains sont dé­ par le « culte de la personnalité anti­ CONTEMPORAINE flexive, celle qui applique à ses réalisations
Mais ils ont eux­mêmes inoculé le sormais aux prises, avec deux lignes démocratique » qui entoure l’ancien de Philippe Portier sociales (la confiance dans la raison, incar­
poison du doute dans leur électorat politiques différentes, comme l’a homme d’affaires, comme l’a écrit et Jean-Paul Willaime, née par l’Etat et son école, dans le progrès, la
et ils continuent de l’entretenir en montré une étude conduite par un Liz Cheney dans une tribune vigou­ Armand Colin, science…), souvent sacralisées, ses propres
refusant, pour la majorité d’entre expert du Grand Old Party, Henry reuse publiée, le 5 mai, par le 320 pages, 29 euros armes : la lecture critique, le doute. Sous l’in­
eux, de reconnaître sans ambages ni Olsen, pour l’American Enterprise Washington Post, sans parler de son fluence des bouleversements environne­
réserves une défaite indiscutable. Institute, un cercle de réflexion con­ effet répulsif sur les indépendants. mentaux, scientifiques, numériques, la
Les républicains ne se sont pas servateur de Washington. L’ivresse de la purge détourne en croyance au progrès qui a accompagné la
libérés du bâillon de la couardise qui Liz Cheney, comme le chef de la outre l’attention de l’offensive lan­ modernité a laissé place à un certain désenchantement, les crain­
les avait rendus muets face aux ex­ minorité républicaine au Sénat, cée par Joe Biden pour reconquérir tes se sont substituées aux certitudes. « Les promesses de bonheur
cès du mandat de l’ancien homme Mitch McConnell, militent pour un les électeurs de Barack Obama qui terrestre par lesquelles on avait cru pouvoir remplacer les promesses
d’affaires. Rares sont ceux qui osent retour aux sources : un conser­ s’étaient tournés vers Donald Trump de bonheur céleste ont été, à leur tour, décrédibilisées », écrivent­ils,
s’indigner de l’audit en cours de réa­ vatisme à la fois fiscal et social, et en 2016 et dont certains lui sont res­ et « leur dimension d’espérance s’est dissipée ».
une politique étrangère musculeuse tés fidèles quatre ans plus tard. Tou­ Cette mutation des quatre ou cinq dernières décennies a des
qui ne dédaigne pas les interven­ jours selon la même étude, cet élec­ conséquences majeures sur le religieux. Autant la modernité avait
tions militaires. Celui qu’incarne torat décisif est bien moins hostile conduit à une sécularisation des individus et des institutions et à un
L’ANCIEN PRÉSIDENT  l’ancien président plaide, au con­ au « Big Government » que le socle ré­ effacement tendanciel du religieux, autant l’ultra­modernité lui of­
traire, pour une insularité améri­ publicain classique, et son opposi­ frirait des conditions propices à une nouvelle forme d’actualité. Non
MÈNE LA CHASSE,  caine face aux chaos du monde, tout tion à la dépense publique est de pas à travers la présence d’antan, héritée et encadrée par un disposi­
en flattant un national­populisme même beaucoup plus tiède s’il peut tif hiérarchique complet. Mais une place renouvelée, ajustée aux in­
MULTIPLIANT  qui divise les Américains entre « pa­ en être le bénéficiaire. terrogations et aux incertitudes des sociétés contemporaines. Loin
LES COMMUNIQUÉS  triotes » et « mondialistes ». Le trumpisme a ardemment be­ de renvoyer au passé, soutiennent les auteurs, les transformations
Le premier camp tire les leçons de soin d’additionner les voix pour actuelles traduisent une reconfiguration du religieux qui affecte
INJURIEUX  la défaite présidentielle en se fixant triompher dans les urnes le moment tout autant ses dimensions privées que sociales et politiques.
comme objectif la reconquête des zo­ venu. Le ressassement d’une fraude
ENVERS CEUX QUI  nes périurbaines qui se sont détour­ électorale imaginaire est, pour l’ins­ La croyance au paradis et à l’enfer a progressé
NE SOUSCRIVENT  nées du Parti républicain par exaspé­ tant, la garantie du contraire.  Cette grille de lecture donne sens à la masse impressionnante de
ration face à la présidence bavarde, gilles paris données sociologiques, institutionnelles, intellectuelles qu’ils ont
PAS À SA THÈSE tumultueuse et incompétente de (washington, correspondant) rassemblées sur les pratiques et les croyances, les rapports entre la
puissance publique et les cultes, l’évolution des acteurs religieux
dans la France d’aujourd’hui. Chiffres à l’appui, ils décrivent la di­
versification du paysage cultuel longtemps surplombé par le
catholicisme, le dynamisme d’un islam qui fait jeu égal chez les
plus jeunes avec l’appartenance au catholicisme. Les transforma­
Matriochka | par selçuk tions de la pratique sont impressionnantes. Les catholiques consti­
tuaient 95 % de l’ensemble des pratiquants réguliers (12 % de la po­
pulation) en 1981, ils n’en sont plus que 53 % aujourd’hui, consé­
quence de la poussée de l’islam et de l’évangélisme.
Sous l’influence de la mondialisation et des migrations, les fidèles
tiennent compte des courants transnationaux. Ils optent pour des
regroupements sur la base affinitaire. Des pôles libéraux et ortho­
doxes s’affirment au sein de chaque confession. Les croyances
n’ont pas reculé aussi vite que les appartenances. Sait­on ainsi que
la croyance en une vie après la mort, au paradis, à l’enfer, à la réin­
carnation, a nettement progressé entre 1981 et 2018 ? Et cette pro­
gression est plus forte encore chez les jeunes (moins de 30 ans) que
chez leurs aînés. Ces bouleversements se sont répercutés sur l’arti­
culation entre les religions et le politique. Après le moment sépara­
tiste et sa stabilisation, la Ve République a engagé une inflexion vers
une « laïcité de reconnaissance ». Loi Debré sur le contrat d’associa­
tion avec les écoles privées (1959), essentiellement catholiques, les
accords Lang­Cloupet (1992­1993) sur la formation des maîtres, les
aides financières aux cultes des collectivités locales, entre autres,
ont été autant de témoignages d’une forme de collaboration entre
les divorcés d’hier. Plus récemment, le politique a fait place aux re­
présentants de traditions religieuses sur les questions éthiques, par
exemple au Comité consultatif national d’éthique.
Depuis le début du siècle, une troisième configuration s’est mise
en route, née de la crainte de la fragmentation sociale sous la
poussée d’affirmations identitaires de segments de l’islam. Elle a
produit des dispositifs (lois sur les signes religieux à l’école et la
non­dissimulation du visage dans l’espace public, chartes de la laï­
cité en tout genre, enseignement moral et civique) et se manifeste
dans le projet de loi contre le « séparatisme » actuellement discuté
au Parlement. « Ce parcours récent de la laïcité (…) signale l’affai­
blissement du partage du privé et du public, du religieux et du politi­
que, des Eglises et de l’Etat que la première modernité avait insti­
tué », écrivent les auteurs. 
cécile chambraud
32 | carnet 0123
MARDI 11 MAI 2021

Marion et Antoine Millon, Timothée et Ambreen Sotinel- Isabelle Réghi,

Oscar Castro Le Carnet


sa fille et son gendre,
Suzanne, Gabrielle et Octave,
ses petits-enfants,
Pascal et Patsy Durieux,
Mahammad,
Joseph et Elizabeth Sotinel,
Pablo Sotinel,
ses enfants,
leur père, Thomas Sotinel,
sa compagne,
Claire et Waldeck,
ses enfants,
Sa famille,
Ses amis,

Dramaturge Christine Durieux-Dubreuil,


Denis et Françoise Durieux,
Vincent et Sylvie Durieux,
Piero Cannizzaro,
son compagnon,
Sa famille,
font part du décès de

Francis MOREAU,
Vous pouvez nous faire
franco­chilien parvenir vos textes
Eric Durieux,
leurs enfants et leurs petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès


Ses amis,

ont la douleur de faire part du décès


de
1940-2021
artiste-peintre traduisant
par des formes et des couleurs
ses interrogations sur le monde,
soit par e-mail : de militant de la première heure
Michèle LÉRIDON, pour la liberté, l’égalité,
carnet@mpublicite.fr la fraternité, la laïcité,
Anne DURIEUX, survenu à Paris, le 3 mai 2021.
(en précisant impérativement
survenu le 4 mai 2021.
votre numéro de téléphone survenu le 6 mai 2021.
Roch-Olivier Maistre, La crémation aura lieu au
et votre éventuel numéro président, cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e,
La cérémonie religieuse aura lieu
d’abonné ou de membre Les membres du collège, le 17 mai, à 13 heures et la dispersion
le mercredi 12 mai, à 10 heures, en Et l’ensemble des équipes du des cendres dans le Jardin du
de la SDL) l’église de Saint-Didier-au-Mont-d’Or. Conseil supérieur de l’audiovisuel, souvenir, le 25 mai, à 11 h 15.

soit sur le site : Fréjus. ont l’immense tristesse de faire part « Un jour, pourtant,
du décès de un jour viendra couleur d’orange… »
https://carnet.lemonde.fr Mme Claude Gaye, Aragon.
son épouse,
L’équipe du Carnet Michèle LÉRIDON, Catherine Audard et Olivier Piron,
Caroline et Damien,
membre du Conseil depuis 2019, ses parents,
reviendra vers vous Virginie et Pierre-Henry, journaliste,
Julie et Thierry, Sarah-Anne, Elisabeth, Jérémie,
ancienne directrice de l’information Simon et Thomas,
dans les meilleurs délais Dorothée et Serge, de l’Agence France-Presse, ses enfants,
pour vous confirmer Gautier et Margot, Pierre Duguay,
ses enfants et leurs conjoints, son compagnon,
la parution. Elliott, Emma, Philippine, Paul, survenu le lundi 3 mai 2021. Laure-Hélène et Sylvain,
Camille, Marine, Edgard, Eugénie, sa sœur et son frère,
Blanche, Gaston, Suzie, Ils adressent à sa famille, à ses
carnet@mpublicite.fr proches, ainsi qu’à ses anciens avec une peine immense annoncent
ses petits-enfants,
confrères de l’AFP, leurs sincères le décès de
https://carnet.lemonde.fr condoléances.
ont la tristesse de faire part du décès Florence PIRON,
de professeure-chercheuse à l’université
AU CARNET DU «MONDE» Fabrice Fries, Laval, Québec, Canada,
Bernard GAYE, PDG de l’Agence France-Presse, maman dévouée et
Le conseil d’administration de l’AFP, citoyenne du monde engagée,
A Ivry­sur­Seine, Décès Les personnels de l’AFP en France
survenu le 6 mai 2021, à Fréjus, et dans le monde, survenu le 26 avril 2021, à Québec,
en mai 2015. Lyon. à l’âge de quatre-vingt-six ans. à l’âge de cinquante-quatre ans.
LUCILE METOUT/MAXPPP
ont la profonde douleur de faire part
Colette Bernadac, La cérémonie religieuse sera du décès de Ile de Batz (Finistère).
née Chevallier, célébrée le 12 mai, à 14 h 30, en
son épouse, l’église Saint-André, à Malaussanne Françoise,
(Pyrénées-Atlantiques). Michèle LÉRIDON, son épouse,

T
Jean-François, Dominique (†), ancienne directrice Ses enfants,
riste journée pour le 13 MAI 1947 Naissance de l’information,
Philippe, Richard, Marie-Pierre, Agnès, 522, avenue Jean-François-Millet, Ses petits-enfants,
théâtre. » C’est par ces à Santiago du Chili leur collègue Son arrière-petit-fils
ses enfants et leurs conjoints, 83370 Saint-Aygulf.
mots que Consuelo Val­ 1968 Crée le Théâtre Aleph pendant trente-sept ans, Et toute la famille,
dès, ministre de la 1976 Exil en France, il
Aline, Martin, Julien, Estelle, Stéphane, Olivier et Cécile Granat, ont le chagrin de faire part du décès
culture du Chili, a annoncé le dé­ installe son théâtre à Ivry- ses enfants, survenu le lundi 3 mai 2021, de
Baptiste, Alexandre, Blandine, Alice,
cès d’Oscar Castro, dramaturge, sur-Seine (Val-de-Marne) Marie, Xavier, Hélène, Sophie, Louis et Antoine, à l’âge de soixante-deux ans.
comédien, metteur en scène, 25 AVRIL 2021 Mort à Paris ses petits-enfants, François PONCHELET,
ses petits-enfants et leurs conjoints, journaliste,
directeur du Théâtre Aleph, le Son exigence professionnelle et
ont la douleur de faire part du décès son attention à autrui ont inspiré grand reporter,
25 avril, à l’hôpital Cochin, à Paris. Ses vingt-trois arrière-petits-enfants plusieurs générations de salariés
de
La vie de ce franco­chilien né à haut­de­forme et vêtu d’un frac, Et toute la famille Chevallier, de l’AFP, avant qu’elle rejoigne survenu le 3 mai 2021,
Santiago du Chili, le 13 mai 1947, récupérés dans un sac d’habits de Claude GRANAT, le Conseil supérieur de l’audiovisuel à l’âge de soixante-dix-huit ans.
fut une pièce épique. Alors qu’il la Croix­Rouge, il se fait trans­ ont la douleur de faire part du rappel née RICHARD, en 2019.
Une cérémonie civile a eu lieu
étudie le journalisme à l’uni­ porter en brouette et accueille à Dieu de docteur en chirurgie dentaire, le 10 mai, en Bretagne.
L’AFP adresse à sa famille, à
versité catholique de cette les nouveaux prisonniers par un survenu le 4 mai 2021, ses proches, ainsi qu’au collège et
Louis BERNADAC, «Homme libre,
même ville, en 1968, il crée le discours de bienvenue. Mais, sur­ à l’âge de quatre-vingt-dix ans, aux équipes du CSA ses sincères toujours tu chériras la mer».
général de division, condoléances.
Théâtre Aleph avec une bande tout, il crée les vendredis cultu­ à Paris.
anciens enfants de troupe (AET),
d’amis autodidactes et provoca­ rels pour lesquels il écrit une (Le Monde du 6 mai.)
commandeur de la Légion d’honneur, Les obsèques auront lieu à Paris Remerciements
teurs, dont Michelle Bachelet, qui, nouvelle pièce chaque semaine. croix de guerre, dans l’intimité familiale.
bien plus tard, sera élue par deux « Le public étant le même, il fal­ médaille de la Gendarmerie nationale, Sa famille
fois présidente du Chili. lait bien la changer », confiera­t­il 59, rue Claude-Bernard, Et ses amis,
Son théâtre qui se réfère, entre plus tard, contribuant ainsi, le 3 mai 2021, dans sa quatre-vingt- 75005 Paris.
ont la tristesse de faire part du décès
autres, aux univers de Jorge Luis comme il l’avait souhaité, « à dix-neuvième année. de
Borges, Neruda, Garcia Marquez transformer ce camp en colonie Eve et Marine,
et Fellini, et qui mêle humour, de vacances ». Justifiant aussi la La cérémonie a eu lieu le 7 mai, ses filles,
poésie, dérision, musique, drame, devise que s’étaient donnée ces en l’église Saint-Augustin, à Lyon. La Francine Solal, Jean MESTDAGH,
messe a été célébrée par l’aumônier sa belle-sœur, directeur général HR
danse, comédie, engagement, à la rebelles passifs : « S’ils nous voient Ses petits-enfants, Conseil de l’Union européenne, La Fédération des Aveugles
régional de la Gendarmerie, le père
fois grave et festif, est foisonnant tristes ils nous auront enfermés Sa famille, de France
Davaine, suivie de l’inhumation au rend hommage
comme la vie. Et Aleph devient une seconde fois. » cimetière de la Croix-Rousse. Ses amis,
à Paris, Lyon, Marseille, Genève, survenu le 21 avril 2021, à Bruxelles. à ses généreux bienfaiteurs.
une référence de la scène latino­
américaine. Une œuvre considérable Nendaz, aux USA, en Uruguay et au En désignant notre association
Jérôme, Olivier et Amélie, Japon, Marie Cariès,
Le 30 août 1973, il est de retour Libéré grâce à la pression inter­ comme bénéficiaire
ses frères et sœur, Lucie Cariès, de leur patrimoine,
d’une tournée qui l’a conduit au nationale, il débarque en France Richard Séguin, ont la tristesse de faire part du décès ses filles, ils contribuent à améliorer
Festival mondial de théâtre de en 1976 – il obtiendra la nationa­ Danny Lalrinsanga, de Serge Moati, la vie quotidienne
Nancy, dans divers pays euro­ lité française en 1995 – et s’installe ses beaux-frères, son frère, des personnes aveugles
péens et à Cuba. C’est alors que, le à Ivry­sur­Seine (Val­de­Marne). Louis, Charles, Armand et Antoine Any Françoise KLEIN, Adrien, Élie, Raphaël, Anna, et malvoyantes.
née HECKER, ses petits-enfants, Leur mémoire restera à jamais
11 septembre, les militaires s’em­ Il réactive Aleph avec d’autres Bonnafont, Jean-Baptiste, Gabrielle et ancrée dans nos souvenirs.
cheftaine aux EI de Lyon, Yann-Joël Collin,
parent du pouvoir. Le travail d’Os­ exilés, est accueilli par le Théâtre Geneviève Séguin, Moïse Lalrinsanga, Vincent Lévy, Nous ne les oublierons jamais.
ses neveux et nièces, maître-nageur-sauveteur,
car Castro ne tarde pas à être cen­ du Soleil puis est hébergé dans fondatrice du CGAN, Olivier Raffet,
suré. Dénoncés auprès des puts­ divers squats, à l’église Saint­Eus­ ses gendres, Fédération des Aveugles
élève de l’Ecolint de Genève de France,
ont la tristesse de faire part du décès Sophie Moati,
chistes pour avoir abrité une per­ tache et au Bataclan, passant, en 1943-1945. 6, rue Gager-Gabillot,
de sa belle-sœur,
sonne recherchée, Oscar et sa comme il dit, « de la misère à la Victor, Irène et Félix Moati, 75015 Paris.
sœur sont internés à la villa Gri­ pauvreté ». En 1983, il obtient le Elle a été inhumée le 9 avril, au ses neveux, sa nièce Tél. : 01 44 42 91 91.
Anne BONNAFONT, cimetière Nouveau de Neuilly, auprès
maldi, un sinistre centre de déten­ prix du meilleur texte et de la ainsi que leurs enfants,
de son époux,
tion et de torture, proche de San­ meilleure mise en scène pour survenu le 5 mai 2021, Communication diverse
font part du décès de
tiago. Sa mère et son beau­frère sa pièce La Nuit suspendue, aux dans sa soixante-deuxième année. Pierre
qui leur rendent visite trois jours Rencontres Charles­Dullin, à Vil­ Nine MOATI CARIÈS,
après leur arrestation disparaî­ lejuif (Val­de­Marne). La cérémonie religieuse sera célébrée et de son fils, écrivain.
tront sans laisser de traces. En 1995, Pierre Gosnat (PCF), le mardi 11 mai, à 10 h 30, en l’église
Saint-Paul-Saint-Louis, Paris 4e. Paul. La famille remercie pour leur
Oscar est ballotté entre trois alors adjoint à la mairie d’Ivry, soutien Raja Mahendran, Annabella
camps d’internement, Puchun­ lui trouve des locaux dans une piezoklein@gmail.com Macedo et Jean-Marc Etifier.
cavi, Tres Alamos et, surtout, Rito­ ancienne usine de carton… rue L’inhumation aura lieu dans
l’intimité familiale, au cimetière de Les circonstances imposent que
que. C’est dans ce dernier camp, Christophe­Colomb. En 2013, tout Lyon.
Laplume (Lot-et-Garonne). les obsèques aient lieu dans la plus
où il reste le plus longtemps, qu’il en maintenant celui d’Ivry, il re­ MASTERS
stricte intimité, le mercredi 12 mai LLCER, relations internationales,
décide de combattre avec les seu­ crée un Théâtre d’Aleph à Santi­ Cet avis tient lieu de faire-part. Annick Lacroix, 2021, au cimetière du Montparnasse, enseignement, communication
les armes qui lui restent, l’imagi­ ago avec de jeunes comédiens son épouse, Paris 14e. interculturelle, traduction et
nation, la création, la dérision, chiliens et, trois ans plus tard, Cédric Lacroix, interprétation, sciences du langage,
Aix-en-Provence. Marine Lacroix (†), Ses amis de Paris et de Tunis
devenant ainsi un guérillero de la avec les indemnités que lui verse management et commerce
Lionel et Karine Lacroix, pourront se réunir dans un an, pour international…
culture. Celui qu’on surnommait, l’Etat chilien pour la disparition Les familles Gateau et Buffile ses enfants, saluer sa mémoire. Campagne d’inscriptions en Master
depuis l’enfance, « El Cuervo » de sa mère, il construit une salle, Mathis, Alice, Antoine, jusqu’au 10 mai 2021
(« Le Corbeau »), en raison de son un grand hangar, pouvant abriter ont le regret de faire part de la ses petits-enfants, Ni fleurs ni couronnes. sur www.inalco.fr
nez busqué dû à ses origines pi­ une centaine de spectateurs. disparition de Sa famille,
cunches (une ethnie indienne Oscar Castro, qui aura travaillé Ses amis,
Société éditrice du « Monde » SA
de la région de Maule), retourne notamment avec Pierre Richard, Mme Monique BUFFILE, Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
ont la douleur de faire part du décès Directeur du « Monde », directeur délégué de la publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
alors la situation et crée une nou­ Pierre Barouh, Claude Lelouch, née GATEAU. de Directrice de la rédaction Caroline Monnot
Direction adjointe de la rédaction Grégoire Allix, Maryline Baumard, Hélène Bekmézian, Philippe Broussard, Nicolas
velle réalité en décrétant que Ri­ Luis Sepulveda, laisse une œuvre Chapuis, Emmanuelle Chevallereau, Emmanuel Davidenkoff (Evénements), Alexis Delcambre,
toque est « l’unique territoire libre considérable que Natacha Moyer­ Elle s’est éteinte le 2 mai 2021. M. Jean LACROIX, Marie-Pierre Lannelongue, Harold Thibault
Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
du Chili, défendu par des barbe­ soen estime à deux cents pièces expert d’assurances, Directrice déléguée au développement des services abonnés Françoise Tovo
Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles van Kote
lés tout autour », raconte avec et qu’elle entend continuer à faire Les obsèques ont eu lieu ce lundi Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert
émotion Natacha Moyersoen, sa vivre : « On va remonter nos man­ 10 mai 2021, dans l’intimité familiale. survenu le 5 mai 2021, Rédaction en chef Laurent Borredon, Laetitia Clavreul, Michel Guerrin, Christian Massol, Franck Nouchi (Débats et Idées)
à l’âge de quatre-vingts ans. Chef d’édition Sabine Ledoux
plus proche collaboratrice depuis ches et continuer à faire rêver, Directrice du design Mélina Zerbib
3, chemin des Belvédères, Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
vingt­cinq ans. comme il disait, ne serait­ce que La messe de funérailles sera Photographie Nicolas Jimenez
Il réinvente toute une société, trois personnes pendant dix minu­ 13100 Aix-en-Provence. célébrée le mercredi 12 mai, à 9 h 30, Infographie Delphine Papin
Directrice des ressources humaines du groupe Emilie Conte
une sorte d’« Etat libre » dont il tes, à chaque pièce. »  PF. Pincedé Gardanne. en l’église du Saint-Nom-de-Jésus, Secrétaire général de la rédaction Sébastien Carganico
Tél. : 04 42 58 35 89. Lyon 6e. Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président, Sébastien Carganico, vice-président
s’improvise « maire ». Coiffé d’un francis gouge
0123
MARDI 11 MAI 2021 0123 | 33

ÉCONOMIE | CHRONIQUE BORIS JOHNSON 


par st éphane l au e r
DANS LE PIÈGE  pendance – le Parti national écossais (SNP) qu’une opposition prolongée de sa part ne
et les Verts – aux élections du jeudi 6 mai fera que renforcer le camp indépendan­
ÉCOSSAIS
Une étrange sonne comme un nouveau signal d’alarme
pour l’union entre l’Angleterre et l’Ecosse
scellée voici 314 ans. Le Brexit, manifesta­
tiste. Mme Sturgeon, qui a besoin de l’aval de
Londres et refuse l’hypothèse d’une con­
sultation sauvage à la catalane, envisage de
« bidenmania » tion d’un nationalisme anglais longtemps
contenu, a légitimé un nationalisme écos­
sais déjà renforcé par les transferts de pou­
faire voter dès 2022 par le Parlement
d’Edimbourg une loi appelant à un nou­
veau référendum. Le conflit avec Londres

G
eorge Washington avait voir au gouvernement local et l’intelligence lui permettrait alors de nourrir un procès
énoncé cette belle et L’UNANIMISME  des dirigeants du SNP. Alex Salmond puis en déni de démocratie. Déjà, son parti ac­
juste idée : “La nation
qui se livre à des senti­
QUI ENTOURE LA  Nicola Sturgeon ont transformé un parti
autrefois folklorique en une efficace ma­
cuse M. Johnson de se comporter en « suze­
rain » de l’Ecosse.
ments d’amour ou de haine envers POLITIQUE MENÉE  chine politique proeuropéenne, d’inspira­ L’indépendance de l’Ecosse ne va nulle­
une autre devient en quelque sorte tion sociale­démocrate, capable de conju­ ment de soi, ni d’un point de vue économi­
esclave. Elle est esclave de sa haine PAR LE PRÉSIDENT  guer un nationalisme hostile à « Westmins­ que – la province est subventionnée par
ou de son amour” », écrit Alexis de
Tocqueville dans De la démocra­
tie en Amérique.
La maxime tirée du « testa­
ment » du premier président des
AMÉRICAIN 
SE NOURRIT 
D’APPROXIMATIONS
P rès de sept ans après le vote des Bri­
tanniques en faveur de la sortie de
l’Union européenne (UE), quatre
mois après un accord signé à l’arraché, le
Brexit est tout sauf un dossier clos. Non
ter » à une vraie ouverture aux immigrés.
Confortée par le vote de jeudi, Mme Stur­
geon, première ministre du gouvernement
d’Edimbourg, promet un nouveau référen­
dum sur l’indépendance d’ici deux ans et
Londres – ni politique – quid de la frontière
entre une Ecosse membre de l’UE et l’Angle­
terre ? Mais le Brexit, en entraînant contre
leur gré les Ecossais hors de l’UE, en a ren­
forcé la rhétorique. Le choix de M. Johnson
Etats­Unis trouve aujourd’hui seulement pour les voisins européens des demi alors que, en 2014, 55,3 % des Ecossais d’un divorce violent d’avec l’Europe et les
une certaine résonance avec l’at­ Britanniques, avec lesquels aucun des avaient choisi de rester dans le Royaume­ multiples incertitudes liées au nouvel iso­
titude d’une partie de la gauche taux marginal de l’impôt sur le re­ grands dossiers de la séparation – procédu­ Uni. Elle y est encouragée par une série de lement du pays nourrissent aussi les ten­
française, prise soudainement de venu est déjà de 5 points supérieur res douanières, Irlande, pêche, équivalen­ sondages favorables. Boris Johnson, lui, dances centrifuges. De même que son re­
« bidenmania ». Après avoir vo­ à celui que propose d’instaurer ces financières – n’est vraiment réglé. Mais maintient son refus d’une nouvelle consul­ fus de consulter Edimbourg pendant la
lontiers versé dans un antiaméri­ M. Biden et le revenu fiscal de réfé­ aussi pour le Royaume­Uni lui­même, où le tation des Ecossais, insistant sur la néces­ pandémie. Un premier ministre qui a agité
canisme viscéral, elle tombe en rence à partir duquel ce taux s’ap­ Brexit exacerbe les tendances séparatistes sité de rassembler toutes les forces contre avec succès l’idée de souveraineté pour jus­
pâmoison devant l’actuel loca­ plique est inférieur de moitié. En dans les deux « nations » – Ecosse et Irlande le Covid­19 et spéculant sur un récent recul tifier la sortie de l’UE pourra­t­il longtemps
taire de la Maison Blanche, Joe Bi­ appelant à imiter les Etats­Unis, du Nord – qui, ayant voté majoritairement des opinions indépendantistes. dénier aux Ecossais le droit d’exercer la leur
den, qui serait devenu la boussole LFI risque surtout de devenir le pour demeurer dans l’UE, se sentent trahies Avec le reflux de la pandémie, espère­t­il, vis­à­vis de l’Angleterre ? Le Brexit a déclen­
de toute politique fiscale, budgé­ « parti des riches ». par le « Brexit dur » de Boris Johnson. les électeurs reporteront davantage d’at­ ché une réaction en chaîne des nationalis­
taire, voire environnementale. Quant à l’impôt sur les sociétés Dans ce contexte, la majorité renforcée tention sur les performances moyennes du mes, au risque d’un scénario longtemps
Florilège : « L’épidémie que Ma­ (IS), la nouvelle coqueluche améri­ remportée au Parlement d’Edimbourg par gouvernement écossais dans certains do­ inimaginable : le délitement progressif du
cron redoute le plus : la bidenite. caine de la gauche propose de le re­ les deux partis écossais favorables à l’indé­ maines, comme l’éducation. Mais il sait Royaume­Uni. 
“Taxer les riches et les multinatio­ monter à 28 %, un taux équivalent
nales.” Et si ce virus traversait l’At­ à celui en vigueur en France. Fa­
lantique ? », s’interroge le député bien Roussel peut avoir l’impres­
(La France insoumise, LFI) de la sion que M. Biden a pris sa carte au
Somme François Ruffin. « Je suis PCF, c’est surtout ce dernier qui a
Biden plutôt que Macron », fanfa­ bien changé. A la fin des années
ronne le premier secrétaire du 1980, imagine­t­on l’ex­premier
Parti socialiste, Olivier Faure. « J’ai secrétaire Georges Marchais appe­
l’impression que Joe Biden a pris sa ler Ronald Reagan à rejoindre le
carte au Parti communiste », ose Parti, sous prétexte que l’IS aux
Fabien Roussel, le candidat du Etats­Unis était alors à 34 % ? Rela­
PCF à la présidentielle de 2022. tivisme, quand tu nous tiens.
Quant à Yannick Jadot, l’eurodé­
puté Europe Ecologie­Les Verts, il
Il faut bien évidemment se ré­
jouir du virage social et fiscal né­ AU CŒUR DE LA MYTHOLOGIE
déclarait, le 29 mars : « Moi, je suis gocié par Joe Biden. Les baisses
pour la sortie du nucléaire, à 100 % d’impôts décidées par son prédé­
(…). Soyons dans le camp de Biden
(… ) et pas dans celui d’un conser­
vatisme terriblement dangereux. »
cesseur, Donald Trump, non seu­
lement confinaient à l’obscénité
sur le plan moral, mais elles n’ont
La grande encyclopédie de référence
pas été non plus capables de dé­
L’amour rend aveugle montrer leur utilité macroécono­
Cet unanimisme est touchant, mique. Les effets sur l’investisse­
mais il se nourrit de beaucoup ment des entreprises n’ont pas été
d’approximations, voire d’une au rendez­vous. En revanche, les
méconnaissance des Etats­Unis. inégalités n’ont jamais été aussi
L’amour rend bien aveugle. Le importantes. Les 400 Américains
constat fonctionne aussi lorsqu’il les plus riches, qui bénéficient
s’agit de prendre ses distances d’un taux de prélèvement infé­
avec l’Oncle Sam. En témoigne la rieur à celui appliqué aux autres
récente prise de parole d’Anne Hi­ catégories de contribuables, dé­
dalgo dans Le Journal du diman­ tiennent aujourd’hui 19 % du PIB
che sur son éventuelle candida­ des Etats­Unis, contre 7 % en 2010.
ture à la présidentielle de 2022. Comme le notent Patrick Artus
« Je ne suis pas favorable à une pri­ et Marie­Paule Virard dans leur
maire. Une primaire à l’américaine dernier livre, La Dernière Chance
s’adresse à tout le corps électoral. du capitalisme (Odile Jacob, 240 p.,
En France, ce n’est pas la même lo­ 20,90 €), le néolibéralisme triom­
gique : elle mobilise surtout les mi­ phant a fini par sombrer dans une
litants ou les sympathisants. » caricature qui menace la cohésion
Bref, comme… aux Etats­Unis, où, de nos sociétés démocratiques. Il
dans une majorité d’Etats, seuls n’y a qu’une poignée de partisans Le n°4

12 €
les électeurs inscrits comme affi­ ivres de la détestation de l’Etat­
liés à un parti ont le droit de parti­ providence pour ne pas se rendre Beaux livres - format album 235 x 312 mm
ciper à la désignation du candidat compte qu’un retour de balancier Une collection ,99
qui représentera leur camp. s’imposait aux Etats­Unis. présentée par seulement
Pas de chance non plus pour La fascination à gauche pour Bi­ Barbara Cassin,
M. Jadot, car M. Biden n’est pas le den n’en est pas moins étrange. La helléniste et philosophe,
militant antinucléaire qu’il idéa­ France, qui dispose de l’un des sys­ membre de l’Académie
lise. Cette énergie, neutre sur le tèmes les plus redistributifs au française
plan des émissions de carbone, est monde grâce à un taux de fiscalité
l’un des leviers que les Etats­Unis élevé, n’a pas à s’inspirer des Etats­
comptent actionner pour attein­ Unis. Ceux­ci ne font que se met­
dre les objectifs fixés dans le cadre tre à niveau dans ce domaine. Plu­ « Dieux et héros de la mythologie
© Edouard Caupeil

de l’accord de Paris sur le climat tôt que de réclamer dans un ré­ nous apprennent que la mesure
qu’ils viennent de réintégrer. flexe pavlovien de nouvelles haus­
Le bal des illusions est encore ses d’impôts, peut­être est­il
de l’homme c’est d’être à sa place
plus flagrant à propos de la fisca­ temps de nous interroger sur la fa­ et de ne jamais y rester. »
lité. « Il est temps que les très riches çon de dépenser l’argent public.
et les grandes entreprises commen­ De la même façon, ceux qui sont
cent à payer leur juste part », af­ ébahis par les montants des plans
firme M. Biden pour promouvoir de relance américains par rapport
les plans d’investissement colos­ aux efforts déployés par la France
saux qu’il propose au Congrès. Si comparent des choux avec des ca­ Le numéro 4
spectaculaire que soit le revire­
ment aux Etats­Unis après qua­
rottes. « Les trois plans Biden sont
en partie consacrés à remédier à
LES DIEUX DE L’OLYMPE
rante ans de libéralisme économi­ des déficiences proprement améri­ Portraits croisés d’une famille hors norme
que, n’en déplaise à François Ruf­ caines en matière de protection so­
fin, l’Hexagone a contracté depuis ciale, d’accès à l’éducation et d’in­
Dans chaque volume, rédigé par des spécialistes, les aventures
longtemps la « bidenite ». Dans frastructures, et ne nous paraissent
cette France « ultralibérale », qu’il pas nécessaires pour la France », mouvementées des grands personnages de la mythologie expliquées
critique à longueur de temps, le rappellent les économistes Olivier
et illustrées avec plus de 80 documents iconographiques.
Blanchard et Jean Pisani­Ferry
dans une note publiée par le Grou­ Revivez le spectacle fascinant des héros et des dieux !
LE BAL DES  pe d’études géopolitiques.
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Pour une fois, c’est l’Amérique
ILLUSIONS EST  qui s’inspire du modèle européen.
Ne soyons pas esclaves d’une bi­
PLUS FLAGRANT  denmania, qui est surtout révéla­ Pour découvrir un extrait gratuit, rendez-vous sur www.mythologiegeohistoire.fr
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domine, à un an de la présiden­
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