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Réseaux sociaux et développement

linguistique
Une étude de cas en français L2

Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning


Stockholm University

Cette étude longitudinale contribue aux recherches sur l’acquisition d’une


langue seconde (L2) dans le contexte de séjour linguistique à l'étranger
(Study Abroad), où l’on s’intéresse de plus en plus à comprendre comment
les facteurs non-linguistiques interagissent avec le développement linguis-
tique. Elle étudie le rôle de la nature du réseau social (au sens sociologique)
de l’apprenant dans le développement de la production orale en français L2
chez deux étudiants suédois qui passent un semestre en France et dont les
niveaux d’intégration dans la communauté de la langue cible (LC)
s’opposent. L’analyse suggère qu’un réseau social plus riche en relations en
LC confère un avantage supplémentaire en ce qui concerne le développe-
ment du répertoire des expressions polylexicales (EPL) de l’apprenant, mais
non pas le développement de l’exactitude grammaticale, de la diversité lexi-
cale et de l’usage des marqueurs discursifs. Ainsi, l’étude vient partiellement
à l’appui de la supposition que le réseau social de l’apprenant explique la
variation individuelle dans le développement linguistique.

Mots clefs: séjour linguistique, développement linguistique, variation


individuelle, réseau social, production orale

1. Introduction

Cette étude s’inscrit dans la recherche sur l’acquisition d’une langue seconde
(L2) dans le contexte du Study Abroad, un phénomène global qui touche un
nombre important de jeunes adultes s’installant temporairement dans un autre
pays dans le but d’étudier, de faire un stage ou de travailler (Howard, 2016).
Depuis les années 1990, Study Abroad (désormais séjour linguistique) constitue
aussi le contexte de multiples recherches sur l’acquisition d’une L2 (AL2) et
aujourd’hui, il s’agit d’un champ de recherche en plein essor (voir Howard,

https://doi.org/10.1075/lia.19004.arv
Language, Interaction and Acquisition 10:2 (2019), pp. 255–288. issn 1879-7865 | e‑issn 1879-7873
© John Benjamins Publishing Company
256 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

2016). Pendant la première phase des recherches menées dans ce contexte, l’on
s’est notamment intéressé à évaluer l’effet du séjour linguistique sur l’apprentis-
sage d’une L2, parfois en comparant les apprenants en milieu naturel avec les
apprenants en milieu guidé (voir Pérez-Vidal, 2017). Dans ces études, la connais-
sance ou la performance linguistique de l’apprenant est souvent documentée et
quantifiée avant/après le séjour linguistique, et un taux de développement (gain
score) est calculé pour chaque apprenant en évaluant la différence de niveau
de connaissance ou de performance linguistique avant et après. En général, on
constate que le séjour à l’étranger ne favorise pas nécessairement le dévelop-
pement grammatical plus que le contexte d’apprentissage formel (par exemple,
DeKeyser, 2010 ; Isabelli-García, 2010), mais qu’il peut entraîner un dévelop-
pement linguistique considérable, notamment en ce qui concerne le lexique et
les compétences linguistiques liées à l’interaction sociale, l’aisance, l’usage du
langage formulaire et la compétence pragmatique et sociolinguistique (Kinginger,
2013 ; Llanes, 2011). Cependant, on observe systématiquement que les apprenants
présentent une variation individuelle importante (Howard, 2016 ; Kinginger,
2013 ; Pérez-Vidal, 2017). Cette observation marque le passage à une deuxième
phase de ces recherches, où l’on cherche à comprendre cette variation individuelle
dans le développement linguistique (Pérez-Vidal, 2017). Un certain nombre de
facteurs non-linguistiques sont présumés en être à la base et parmi les facteurs les
plus étudiés se trouvent les pratiques linguistiques et sociales des étudiants voya-
geurs, elles aussi hautement variables (Dewey, Belnap, & Hillstrom, 2013 ; Dewey,
Bown, & Eggett, 2012 ; Mitchell, Tracy-Ventura, & McManus, 2017). Plusieurs
études ont constaté que le taux d’utilisation de la langue cible (LC) isolé ne prédit
pas le taux développemental amenant certains à suggérer qu’un apprentissage
réussi nécessiterait plutôt une expérience « qualitative » avec la LC, celle qu’offre
l’interaction sociale dans la LC (voir par exemple, Baker-Smemoe, Dewey, Bown,
& Martinsen, 2014).
L’importance de l’interaction pour le développement linguistique est
conforme aux théories de l’AL2 telles que les approches interactionnelles et les
approches basées sur l’usage, qui la considèrent comme étant constitutive du
développement langagier (par exemple, Long, 1981 ; The Douglas Fir Group,
2016), et explique l’intérêt croissant pour le réseau social (au sens sociologique)
que construit l’étudiant international pendant son séjour à l’étranger. Un réseau
social (social network) désigne la totalité des relations sociales d’un individu
(Milroy, 1980) et détermine en partie son accès à l’interaction sociale dans la LC.
Le réseau social des étudiants internationaux constitue actuellement un aspect
central des recherches dans ce domaine (voir Tyne, 2017) et, selon certains, la
nature du réseau social de l’apprenant explique une partie importante de la varia-
bilité entre apprenants en termes du développement linguistique (Coleman, 2015).
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Cependant, les preuves empiriques restent relativement limitées et son rôle pour
le développement d’une L2 n’est pas encore entièrement compris. Par exemple,
étant donné que différents aspects de la langue sont souvent analysés isolément,
il reste peu clair si le réseau social influence le développement des tous les aspects
de la L2 dans la même mesure, ou si une expérience accrue de la LC à travers les
relations sociales favorise le développement de certains traits linguistiques plus
que d’autres. Il nous semble important d’accumuler des preuves empiriques de
l’interaction entre l’intégration sociale et l’apprentissage d’une L2 étant donné le
grand nombre d’individus qui sont actuellement concernés par l’apprentissage
d’une nouvelle langue en milieu naturel, que ce soit dans le cadre d’une mobilité
internationale ou dans un contexte de migration. Cette étude longitudinale vise
à contribuer à ces recherches. Son objectif est d’explorer la manière dont l’expé-
rience avec la LC à travers l’interaction sociale dans des réseaux sociaux influence
la production linguistique de l’apprenant. Avant de présenter l’étude, nous dresse-
rons un aperçu des études antérieures qui examinent le rôle des réseaux sociaux
dans le développement d’une L2 en contexte de séjour linguistique.

2. Recherches antérieures

Dans les études antérieures, le réseau social de l’apprenant est typiquement étudié
à l’aide d’un questionnaire. Dans ce questionnaire, l’apprenant énumère les
personnes avec lesquelles il interagit régulièrement, et ajoute de l’information
concernant entre autres la nature de leur relation, la langue qu’ils utilisent, et
la fréquence avec laquelle ils interagissent, et/ou à travers des entretiens appro-
fondis, où l’apprenant raconte ses relations sociales et ses habitudes langagières
(pour un aperçu, voir Dewey, 2017). Quelques études utilisent des approches
quantitatives afin d’analyser statistiquement le rapport entre différents indicateurs
du réseau social de l’apprenant et le taux de développement linguistique, conçu
et mesuré de différentes manières, aussi bien subjectivement qu’objectivement.
Par exemple, l’on a observé que le développement de la compétence orale dans
une L2 est lié à un réseau social dispersé (l’apprenant appartient à plusieurs
groupes sociaux) (Dewey et al., 2012) ou à la proximité des relations avec les
locuteurs natifs compris dans le réseau social de l’apprenant (Dewey et al., 2013),
ou les deux, comme dans l’étude de Baker-Smemoe et al. (2014). Les études
citées ci-dessus conceptualisent le développement de la compétence orale d’une
manière globale. Mais comment l’expérience avec la LC à travers l’interaction
sociale influence-t-elle la production linguistique de l’apprenant ? Y a-t-il des
traits linguistiques qui sont plus affectés par une telle expérience avec la LC que
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d’autres ? Les études incluant des mesures linguistiques spécifiques demeurent


encore rares.
Deux études se sont penchées sur le rôle de l’intégration sociale dans le déve-
loppement, entre autres, de l’exactitude (accuracy) dans la production orale en
français L2 et en espagnol L2. Dans le projet de recherche LANGSNAP, Mitchell
et al. (2017) analysent la relation entre le réseau social de plus de 50 étudiants
internationaux qui passent une année en Espagne, au Mexique ou en France, et
leur développement linguistique en français L2 et en espagnol L2. À partir du
Social Networks Questionnaire (SNQ), les auteurs calculent un social network
index (SNI) pour chaque apprenant qui représente son degré d’intégration
sociale, qui va de 1 à 5 (pour un compte rendu précis, voir Mitchell et al., 2017) ;
pour la production orale des apprenantes. Ils ont effectué des analyses de corré-
lation entre le SNI et trois mesures du développement linguistique, à savoir
la compétence orale générale (oral proficiency), le débit de parole (speech rate)
et l’exactitude conceptualisée comme pourcentage de propositions exemptes
d’erreurs. Ils ont trouvé que le SNI est positivement et significativement corrélé au
taux de développement du débit de parole, mais non au taux de développement de
l’exactitude ni au développement de la compétence orale générale. Ces résultats
suggèrent que l’interaction régulière et fréquente avec les locuteurs natifs de la LC
n’exerce pas forcément la même influence sur tous les aspects de la compétence
linguistique.
De même, les résultats présentés dans l’étude de cas de Isabelli-García (2006)
suggèrent que l’expérience en LC n’entraîne pas forcément un développement
plus marqué de l’exactitude grammaticale dans la production orale. Son analyse
concerne l’expression du temps (présent/passé), de l’aspect (imparfait/prétérit),
et de l’accord grammatical. Les deux étudiants, Stan et Tom, qui ont développé
un réseau social comprenant plusieurs Argentins pendant leur semestre en Argen-
tine, ont certainement développé leur exactitude grammaticale en espagnol L2,
mais ceci vaut également pour les deux participantes dont les interactions sociales
avec les Argentins étaient limitées, Jennifer et Sam.
Le développement de l’exactitude dans la production orale ne semble donc
pas dépendre des habitudes sociales et langagières de l’apprenant ; ces habitudes
cependant, semblent affecter d’autres domaines de la L2, telle que la compétence
sociolinguistique. Deux études récentes comprenant des étudiants américains en
France ont montré que l’appropriation de l’usage des variantes sociophonolo-
giques (l’élision de /l/ dans le pronom personnel en troisième personne, l’omis-
sion de « ne » et les liaisons facultatives) a été la plus nette chez les étudiants dont
le réseau social leur permettait d’interagir fréquemment et régulièrement dans la
LC (Gautier & Chevrot, 2015 ; Terry, 2017).
Réseaux sociaux et développement linguistique 259

En plus de permettre la maîtrise des variantes sociolinguistiques, l’on peut


penser que la participation fréquente et régulière dans l’interaction sociale en
LC se traduit par un usage accru des expressions polylexicales (EPL) et des
marqueurs discursifs (MD), les deux étant étroitement liés aux pratiques socio-
culturelles de la communauté de la LC et contribuant à un usage linguistique idio-
matique (Dörnyei, Durow, & Zahran, 2004 ; Sankoff et al., 1997). L’apprenant qui
forme un réseau social comprenant des locuteurs natifs de la LC a une possibi-
lité particulière de s’exposer à la gestion des conversations informelles en LC, et
à l’usage des MD, et d’une variété d’EPL qui relève de la langue parlée. Ce type
d’information ne serait pas forcément disponible à l’apprenant qui ne noue pas
de relations sociales dans la LC. Cependant, il est étonnant de noter l’absence
quasi totale de recherches qui incluent ces traits linguistiques dans leur étude du
rapport entre le réseau social et le développement linguistique en milieu naturel.
L’étude de cas d’Adolphs et Durow (2004) est à notre connaissance la seule
à s’intéresser au lien entre l’intégration sociale et le développement de l’usage
des EPL. Dans un contexte britannique, ils analysent la production orale de
deux étudiantes chinoises ayant un degré d’intégration socioculturelle contrasté
et observent que le développement de l’usage des EPL est nettement plus articulé
chez Beth dont le degré d’intégration est plus élevé que chez Ann, dont le contact
avec les locuteurs natifs de la LC est fortement limité. L’étude de Sankoff et al.
(1997) ne se déroule pas dans le contexte d’un séjour linguistique, mais dans un
contexte canadien de contact de langues. Les auteurs analysent l’emploi des MD
en français L2 chez des locuteurs d’anglais L1 et constatent que le taux d’usage des
MD en français L2 est lié au degré d’exposition à un environnement francophone.
Enfin, l’on peut suggérer que le réseau social influence la diversité lexicale
dans la production orale en L2. L’interaction sociale dans la LC avec des
personnes du réseau social permettrait à l’apprenant de se familiariser avec le
lexique lié à différents sujets de conversation et à différents contextes, ce qui pour-
rait entraîner une diversification du lexique employé par l’apprenant lui-même.
Cette supposition n’a toutefois toujours pas, à notre connaissance, été examinée.
Dans une étude similaire, Pérez-Vidal et Juan-Garau (2011) constatent que les
pratiques linguistiques (les auteurs ne font que mentionner l’instrument sans
préciser de quelles activités il s’agit) n’ont pas exercé une influence statistiquement
significative sur le développement de la diversité lexicale dans la production orale
en anglais L2 chez 20 apprenants espagnols.
Les réseaux sociaux que forment les étudiants internationaux sur place dans
leur pays hôte varient considérablement selon l’apprenant et, souvent, les
étudiants internationaux éprouvent des difficultés à entrer en contact avec les
locuteurs natifs (Coleman, 2015 ; Dewey et al., 2013). La tendance à interagir avec
les locuteurs natifs et à nouer des liens d’amitié avec eux dépendent de l’initiative
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personnelle et de facteurs individuels tels que les attitudes vis-à-vis de la commu-


nauté hôte, la motivation pour apprendre la L2, le sentiment d’auto-efficacité de
l’apprenant, ses activités en dehors de la salle de classe, mais aussi de la situa-
tion de logement et du programme d’études (Isabelli-García, 2006 ; Jackson, 2017 ;
Mitchell, 2015). Typiquement, les étudiants internationaux nouent des relations
d’amitié entre eux et ils maintiennent souvent le contact avec les personnes dans
leur pays d’origine, ce qui influence les contacts langagiers de l’apprenant, parfois
au détriment de l’intégration sociale avec les autochtones (voir par exemple,
Coleman, 2015 ; Mitchell, 2015). Les caractéristiques du réseau social de l’appre-
nant aboutissent à différents types de contact langagier. Ceux qui socialisent prin-
cipalement avec des compatriotes ont typiquement un contact moins intense avec
la LC (Coleman, 2015), qui, l’on peut le supposer, tend alors à se limiter aux
conversations brèves ou à un usage transactionnel lors des visites dans les restau-
rants et dans les supermarchés (Arvidsson, soumis). Le contact avec d’autres
étudiants internationaux peut certainement aussi donner accès à l’interaction en
LC dans les cas où elle constitue la langue (ou l’une des langues) de communi-
cation (Mitchell et al., 2017). Ce n’est d’ailleurs pas toujours le cas que l’interac-
tion avec les locuteurs natifs se déroule dans la LC ; l’interaction implique souvent
l’alternance entre l’usage de la LC et de l’anglais comme lingua franca (Dewey
et al., 2013). Il semble toutefois clair que le fait d’avoir des locuteurs natifs de la LC
dans son réseau social offre de nombreuses occasions d’avoir des conversations
prolongées et fréquentes dans la L2 (Dewey et al., 2013 ; Mitchell et al., 2017).
Les études antérieures ont certainement apporté des éléments importants.
Elles ont démontré que la formation du réseau social pendant le séjour linguis-
tique est un processus complexe, lié à nombre de facteurs internes et externes à
l’apprenant, et qui influe sur les possibilités de l’apprenant de s’engager dans des
conversations informelles en LC. Cependant, le rôle du réseau social pour le déve-
loppement linguistique en L2 n’est pas entièrement compris (Salaberry, White, &
Burch, 2019). Quels sont les bénéfices de l’interaction sociale à travers le réseau
social en termes de développement de la L2 ? Est-ce que l’expérience avec la LC
dans l’interaction sociale favorise le développement de tous les aspects de la L2 ou
est-ce que certains traits linguistiques sont plus touchés que d’autres ? La majorité
des études antérieures ont examiné l’incidence du réseau social sur le développe-
ment d’un seul trait ou d’un nombre limité de traits linguistiques, ce qui ne permet
d’obtenir qu’une image fragmentaire du développement linguistique. Cette étude
constitue une tentative pour combler cette lacune et vise à répondre aux questions
de recherche suivantes :
1. Un réseau social plus riche en relations en L2 confère-t-il un avantage en
termes du développement linguistique dans la production orale ?
Réseaux sociaux et développement linguistique 261

2. Si oui, cet avantage est-il constant à travers tous les traits linguistiques
concernés par l’étude ?

3. L’étude

À l’instar de plusieurs travaux réalisés à partir du début des années 2000, notre
recherche constitue une étude de cas (par exemple, Adolphs & Durow, 2004 ;
Isabelli-García, 2006). Nous contrastons ici le développement linguistique chez
deux apprenantes dont le niveau d’intégration dans la communauté de la LC
s’oppose, ce qui nous permet de voir comment l’expérience en LC influe sur la
production linguistique. Comme le constate Duff (2008), l’échantillonnage est
une question capitale dans la réalisation des études de cas. Pour cette recherche,
nous utilisons la même stratégie d’échantillonnage qu’Adolphs et Durow (2004).
Ainsi, nous avons sélectionné deux apprenantes types parmi un échantillon plus
large, sur la base de leur degré d’intégration dans la communauté de la LC
opposée. Il s’agit donc d’une stratégie d’échantillonnage de variation maximale
(Dörnyei, 2007). Les deux apprenantes, qui seront présentées dans la Section 4,
devaient aussi recevoir une quantité d’input en français comparable au cours du
semestre afin de pouvoir attribuer les différences possibles dans leur dévelop-
pement linguistique à leurs différentes expériences en LC à travers l’interaction
sociale plutôt qu’à différents degrés d’apport linguistique. Enfin, il était capital que
les participantes aient le même niveau de compétence orale (oral proficiency) au
début du semestre, étant donné que celui-ci peut influencer les comportements
pendant le séjour linguistique ainsi que le taux de développement linguistique
(voir par exemple, DeKeyser, 2007) (voir la section 3.1). Afin d’établir le niveau de
compétence orale des participantes, deux personnes expérimentées ont évalué un
extrait du premier entretien conduit en français (Temps 1) de chaque apprenant,
selon l’échelle du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL)
(Conseil de l’Europe, 2001). Le taux d’accord entre les évaluateurs a été de 100%.
Les apprenantes ont participé à un projet de recherche plus large qui vise
à examiner l’expérience du séjour linguistique (du point de vue linguistique,
social et psychosocial) dans une perspective longitudinale chez différents profils
d’étudiants voyageurs suédois, une population fortement sous-représentée dans
les recherches menées en contexte de séjour linguistique. Pour le projet, la
première auteure a constitué un corpus longitudinal pendant le printemps 2017
comprenant des données linguistiques et non linguistiques auprès de quatre
apprenants qui avaient répondu à une invitation à participer dans le groupe Face-
book « Suédois à Paris », qui rassemble plus de 8 000 personnes.
262 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

Nous avons analysé les habitudes langagières et les relations sociales des
apprenantes à partir du Language Engagement Questionnare (LEQ) et le Social
Network Questionnaire (SNQ), développés et utilisés dans le projet de recherche
LANGSNAP (http://langsnap.soton.ac.uk/) (McManus, Mitchell, & Tracy-
Ventura, 2014), remplis par les participantes à quatre reprises au cours du
semestre, ainsi qu’à partir de quatre entretiens traitant de l’expérience du séjour
linguistique, menée en suédois par la première auteure. Le LEQ permet d’obtenir
de l’information sur la fréquence à laquelle l’apprenant participe à 27 activités
différentes comprenant l’utilisation aussi bien passive qu’active de la langue cible.
Les options de réponse vont de 0 (jamais) à 5 (tous les jours). Nous avons calculé
un taux moyen d’utilisation du français en additionnant la valeur de chacune des
activités et en divisant ce total par 27.
Dans le SNQ le participant énumère tous les individus avec qui il est en
contact régulier dans cinq contextes différents (à l’université/pendant son stage,
les activités organisées, le temps libre, le contexte domestique et le monde virtuel).
De plus, le participant précise la nature de la relation avec chaque personne
énumérée, et dans quelle(s) langue(s) et avec quelle fréquence ils communiquent
entre eux. Les profils des cas d’apprenantes étudiés, leurs expériences avec la LC
dans l’interaction sociale et leurs réseaux sociaux seront présentés de manière
détaillée dans la Section 4. Dans la section suivante, nous présentons les données
et la procédure retenue pour l’analyses réalisées.

3.1 Données et analyses linguistiques

À l’instar des études citées plus haut, et étant donné que nous cherchons à établir
le développement linguistique au cours du séjour linguistique en tant qu’unité
temporelle, notre analyse se penche sur des données linguistiques collectées au
début (T1) (Février 2017) et à la fin du semestre (T4) (Juin 2017), obtenues à
travers des entretiens conduits en français.
Une locutrice native de la même tranche d’âge a interrogé les participantes.
Elle a reçu l’instruction de faire un effort pour créer une atmosphère détendue et
encourager la personne interrogée à parler le plus possible. Un bon rapport s’est
établi entre la locutrice native et les participantes, ainsi qu’en attestent les décla-
rations spontanées qu’ont faites les deux participantes à la première auteure, lors
des rencontres respectives.
La nature semi-structurée des entretiens a permis d’obtenir des données
linguistiques comparables aussi bien du point de vue inter- qu’intra-individuel. Le
script a été inspiré par le projet de recherche LANGSNAP (http://langsnap.soton
.ac.uk/) et les entretiens recouvrent des thèmes relatifs aux situations individuelles
(famille, amis, occupation quotidienne) et aux expériences quotidiennes (acti-
Réseaux sociaux et développement linguistique 263

vités sociales, habitudes, évènements particuliers, études). Les entretiens d’une


durée d’environ 20 minutes ont été enregistrés simultanément sur un iPhone et
un dictaphone, et ont ensuite été transcrits sur Microsoft Word. Les entretiens ont
été transcrits par une assistante de recherche selon les conventions de CLAN, et
ont ensuite été vérifiés par l’un des auteurs. Le Tableau 1 contient le nombre de
mots1 produits par chaque participant.

Tableau 1. Nombre de mots produits dans les entretiens


Février 2017 (T1) Juin 2017 (T4)
Vera 1216 2142
June 1212 2527

L’objectif de l’étude étant d’examiner comment le réseau social de l’apprenant


influence la production orale dans une L2, nous avons cherché à couvrir différents
aspects de la compétence linguistique. Afin de déterminer les traits linguistiques
cibles, nous nous sommes penchés sur les études antérieures qui documentent le
développement linguistique en milieu naturel ainsi que sur les données linguis-
tiques elles-mêmes (Adolphs & Durow, 2004 ; Isabelli-García, 2006 ; Mitchell
et al., 2017 ; Sankoff et al., 1997). L’étude se concentre sur quatre traits linguis-
tiques, à savoir l’exactitude grammaticale, la diversité lexicale, l’utilisation des
marqueurs discursifs et les expressions polylexicales. Ainsi, l’analyse concerne la
mise en pratique des connaissances grammaticales, deux aspects de l’usage du
lexique et un aspect qui est étroitement lié à la production orale en tant que
mode discursif, c’est-à-dire l’utilisation des marqueurs discursifs. Si la recherche
antérieure montre que les variantes sociolinguistiques sont intéressantes à étudier
en lien avec les réseaux sociaux, les données ne contiennent pas assez d’occur-
rences de variantes sociolinguistiques pour motiver l’inclusion de cet aspect de
la langue dans l’étude. Les analyses linguistiques ont été effectuées manuellement
(sauf l’analyse de la diversité lexicale). Afin de réduire la subjectivité, nous avons
suivi la démarche suivante pour chaque analyse linguistique :
1. L’une des auteures a identifié des occurrences du trait en question (ainsi que
des occurrences problématiques) dans la production linguistique relevant de
chacun des entretiens.
2. Une deuxième auteure a répété cette étape.
3. Les deux auteures ont discuté de l’inclusion ou de l’exclusion des cas repérés
comme étant « problématiques ».

1. Ici, « mot » se réfère à une ou un ensemble de lettres séparées par une espace (ou par une
apostrophe) sans prendre en compte de critère sémantique. Ainsi, « c’est » est compté comme
deux mots, « et » comme un mot ainsi que l’hésitation du type « euh ».
264 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

Dans la sous-section 3.1.2, nous décrirons la méthode utilisée pour étudier le taux
de développement de chaque trait linguistique chez les deux participantes.

3.1.1 Traits linguistiques et méthode d’analyse


Dans les sous-sections suivantes, nous introduisons le trait linguistique en ques-
tion et nous précisons la méthode d’analyse que nous avons utilisée.
3.1.1.1 L’exactitude grammaticale
L’exactitude (accuracy) se réfère à « la capacité de produire des énoncés exempts
d’erreur » « (notre traduction de Lennon, 1990 : 390) ; son étude s’effectue de
diverses manières. Dans cette recherche, nous nous inspirons d’Isabelli-García
(2006) et analysons le taux d’exactitude grammaticale à travers (1) l’accord du
genre sur le déterminant2 et (2) l’expression du passé (le passé composé et l’impar-
fait).
Le français distingue deux genres grammaticaux, le masculin et le féminin. Le
genre est probablement acquis de façon individuelle pour chaque nom (Bartning,
2000). Le genre est marqué sur les déterminants définis, indéfinis et possessifs,
les démonstratifs, les adjectifs et les pronoms personnels. Pour cette étude, nous
avons examiné les catégories suivantes au singulier (la marque du genre disparaît
avec le pluriel) :
a. Déterminant défini (le, la)
b. Déterminant indéfini (un, une)
c. Déterminant possessif (mon, ma, ton, ta etc.)
d. Déterminant démonstratif (ce, cette)
À l’instar de Bartning (2000), nous avons exclu la forme élidée « l’ » comme dans
« l’année » et les amalgames « au » et « du ». De plus, nous avons exclu les occur-
rences de déterminant possessif et démonstratif devant un nom dont la première
lettre est une voyelle (par exemple, « mon ami/e », « cette année »). Dans le cas
d’une répétition, nous n’avons pris en compte que la dernière forme (par exemple,
« une un livre »). Nous avons calculé un taux d’exactitude en divisant le nombre
d’occurrences correctes (accord de genre entre le déterminant et le nom) par le
nombre d’occurrences total de « déterminant + nom ».
Pour ce qui est de l’expression du passé, nous avons tout d’abord identifié
les contextes obligatoires pour chacun des traits concernés. Ensuite, nous avons
compté le nombre d’occurrences correctes que nous avons ensuite divisé par le
nombre de contextes obligatoires, ce qui produit le taux d’exactitude. Voici des

2. Nous conservons le terme général « accord » pour les deux phénomènes « accord du genre »
et « attribution du genre » (cf. Bartning, 2000 ; Dewaele & Véronique, 2000).
Réseaux sociaux et développement linguistique 265

exemples de formes considérées comme « correctes » (les formes cibles ont été
mises en italique) :
(1) Fragment 13 (T1)
1. Int: d’accord ok ok (1.0) ehm ehm c’était la première fois que tu étais à
Paris ↑ ?
2. June: oui eh ma première fois
3. Int: la première fois en France ↑ ?
4. June: euh non euh pas en France euh j’ai visité la Côte d’Azur
(2) Fragment 2 (T1)
1. Int: donc la vie à Paris te plaît ?
2. Vera: euh (0.5) oui
3. Int: ça va ↑ ? [riant]
4. Vera: oui me plaît (0.5), mais aussi un peu diffé-
5. Int: oui
6. Vera: eh como mhm euh j’ai dit à à
7. Int: à PRÉNOM
8. Vera: à PRÉNOM eh que me parait un un un peu bureaucratique
9. Int: ah oui ↑ ?
10. Vera: pour moi le (0.5) parce que il y a par exemple, une semaine une
semaine pour seulement euh (0.5) en- envoyer ↑ ou euh euh (0.5) pour
faire la inscription
11. Int: d’accord
12. Vera: que j’ai j’ai déjà ↑ (0.5) euh une contract euh entre le départem- le-
l’ université en Stockholm et Sorbonne, mais quand je suis arrivée ici c-
euh non (0.5) euh non
(3) Fragment 3 (T4)
1. Int: tu vas au cinéma de temps en temps ↑ ?
2. Vera: non ↑, mais je pensais que euh serait une bonne idée

et des formes considérées comme « incorrectes » :


(4) Fragment 4 (T1)
1. June: euh (0.5) la (0.5) l’année dernière ↑
2. Int: oui l’année dernière oui oui ↑
3. June: oui l’année dernière *j’habite (pour j’ai habité) à Hong-Kong

3. Dans les fragments des entretiens qui suivent, les parenthèses marquent une pause intra-
tour et le chiffre mis entre parenthèses en précise la longueur en secondes. Le symbole “↑”
marque une intonation montante et le symbole “↓” une intonation descendante. Le symbole
[rit] indique que le locuteur rit et le symbole « [riant] » signale que le locuteur produit son
énoncé en riant. Le point d’interrogation (« ? ») indique qu’il s’agit d’une question. Enfin, les
marques d’accentuation sont indiquées par des soulignés.
266 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

(5) Fragment 5 (T1)


Int: ok super ↓ (1.0) tu es arrivée à Paris quand ?
June: mm oh oui euh *j’arrive (pour je suis arrivée) euh dernier euh lundi ?
non ?
(6) Fragment 6 (T1)
1. Int: [rit]
2. June: ehm ehm un copain euh *je rencontre (pour j’ai rencontré) quand
*j’ai (pour j’avais) euh onze ans euh et elle (1.0) aussi euh
3. Int: à Paris ↑ ?
4. June: à Paris oui (0.5) et elle euh euh (0.5) a lu elle euh like euh voit

Nous sommes conscientes de la complexité de l’analyse des contextes obligatoires


des deux temps respectifs (le passé composé et l’imparfait), étant donné qu’il y
a variation parmi les emplois usuels des natifs (par exemple, j’ai dit/je disais).
Par conséquent, il y a des cas ambigus chez les locuteurs natifs qui font qu’un
même contexte permettrait aussi bien l’emploi du passé composé que de l’impar-
fait. Cependant, nous estimons que le nombre de cas ambigus dans la production
orale des deux apprenantes reste faible, mais voici deux exemples que nous avons
pu repérer.
(7) Fragment 7 (T4)
1. Int: derrière ↑ ? pour aller dans les Arènes ↑ ?
2. June: oui oui oui euh je suis allée
3. Int: avec eux ↑ ?
4. June: avec eux [riant] et c’est c’est amusant et c’est c’est
5. Int: interdit aussi [riant]
6. June: oui oui c’est interdit, mais, mais euh euh nous *sommes très très
calmes pas euh
(8) Fragment 8 (T1)
1. Int: c’était facile de trouver un appartement à Paris ?
2. June: mm ah non non (0.5) eh *c’est très difficile

Nous avons considéré le contexte (7) ci-dessus comme un contexte obligatoire du


passé composé et le contexte (8) comme un contexte obligatoire de l’imparfait.
En conséquence, nous avons compté les deux formes comme « incorrectes ». Ces
deux contextes auraient toutefois permis l’emploi d’un des deux temps (nous
étions très très calmes et ça a été très difficile). Malgré ces cas ambigus, nous
n’avons pas voulu que les difficultés d’interprétation ou les subtilités d’un usage
très poussé des « natifs » empêchent une analyse de l’expression du passé des
apprenantes. La majorité des occurrences consistent en des formes de simplifica-
Réseaux sociaux et développement linguistique 267

tion (voir (4), (5) et (6) ci-dessus), où le contexte nécessite clairement l’expression
du passé, mais où l’apprenant emploie le présent.
Pour ce qui est de l’emploi de l’imparfait, beaucoup d’études ont montré que
l’émergence des formes de l’imparfait se fait sur les verbes avoir/être avant les
verbes lexicaux (je pensais…) (Bartning & Schlyter, 2004) comme dans (9) de Vera
au temps 4 :
(9) Fragment 9 (T4)
1. Int: tu as eu les résultats et c’est bon ? tout est bon ?
2. Vera: la résu- ouais c’est pas que je suis pas une étudiante doué, mais j’ai
passé tous les cours et c’était mon mon objectif donc je suis contente
ouais ↓

Dans un examen plus approfondi, il faudrait tenir compte de la différence entre


l’usage de l’imparfait auprès de différents verbes, les verbes lexicaux et les verbes
avoir et être (voir Bartning & Schlyter, 2004 ; Kihlstedt, 1998). Cependant, vu le
nombre limité d’exemples dans cette étude, nous avons regroupé toutes les formes
de l’imparfait.
3.1.1.2 La diversité lexicale
Comme le constate Schmitt (2010), un nombre de types de mots relativement
élevé indiquerait un vocabulaire plus large et plus riche. L’on peut calculer cette
diversité lexicale à travers le calcul type-token ratio (nombre de types/nombre de
tokens × 100, Schmitt, 2010 : 213), mais étant donné que ce calcul est sensible à la
longueur du texte, et que le nombre de mots produit par les apprenantes au début
et à la fin du semestre divergent, nous nous sommes basées sur un type-token ratio
standardisé (Schmitt, 2010). L’analyse a été effectuée à l’aide du logiciel Word-
Smith Tools 6.0 qui répartit un texte en un nombre d’échantillons de 100 mots, et
qui calcule leur type-token ratio pour ensuite générer un type-token ratio moyen.
Le taux va de 0 à 100 et plus le taux est élevé, plus grande est la diversité lexicale.
À l’instar de Yu (2010), nous n’avons pas lemmatisé les données. Cela veut dire
que nous avons compté par exemple, les désinences verbales « ai » et « avons »
comme deux types.
3.1.1.3 Les marqueurs discursifs
Les marqueurs discursifs sont des éléments facultatifs qui n’affectent pas le
contenu sémantique ou la structure syntaxique d’un énoncé (Fuller, 2003) ; ils
sont définis par Schiffrin (1987 : 31) de la manière suivante : « éléments séquentiel-
lement dépendants qui mettent entre parenthèses les unités de parole »4 [traduc-
tion de l’auteur]. Afin d’identifier des MD, nous avons suivi une approche ascen-

4. “[…] sequentially dependent elements which bracket units of talk […]”.


268 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

dante (bottom up), c’est-à-dire que nous n’avons pas établi une liste de DM a
priori, mais nous avons repéré dans les transcriptions toutes les occurrences qui
remplissent les critères d’identification proposés par Fuller (2003), à savoir que
le MD peut être enlevé sans que (1) la relation sémantique entre les éléments liés
par le MD change et sans que (2) la grammaticalité de l’énoncé soit perdue. Ainsi,
nous avons compté « donc » comme un MD dans l’exemple (10) ci-dessous, mais
non pas dans l’exemple (11).
(10) Fragment 10 (T4)
1. June: de techno oui, mais c’est pour moi je trouve que c’est un peu bizarre
parce que c’est c’est pas euh comme hip-hop ou des choses comme ça (1.0)
c’est très dr dr dr
2. Int: oui oui
3. June: et donc euh (1.0) mais mais c’est amusant
(11) Fragment 11 (T4)
1. Vera: la résu- ouais c’est pas que je suis pas une étudiante douée, mais j’ai
passé tous les cours et c’était mon mon objectif donc je suis contente
ouais ↓

Après avoir repéré les occurrences de MD employés par l’apprenant, nous avons
créé un taux de MD correspondant à la fréquence de MD par 100 mots en suivant
la formule suivante : nombre de MD/le nombre de mots produits par l’appre-
nant × 100. Le Tableau 2 contient les MD que nous avons ainsi repérés.

Tableau 2. Marqueurs discursifs


voilà en fait
alors sinon
donc quoi ( final)
mais alors

3.1.1.4 Les expressions polylexicales (EPL)


La difficulté de définir et d’identifier des EPL est admise en règle générale (Wray,
2002). Dans cette étude, nous nous penchons sur les travaux antérieurs
d’+++Arvidsson (2019), Forsberg (2010) et Gustafsson et Verspoor (2017) et nous
définissons une expression polylexicale (EPL) comme une séquence, continue ou
discontinue, de deux ou plusieurs mots exprimant un concept ou une fonction
communicative d’une manière conventionnelle dans une communauté linguistique
donnée (voir Forsberg, 2010 : 126 et Gustafsson & Verspoor, 2017 : 238). À l’instar
de Erman et Warren (2000), Forsberg (2010) et Gustafsson et Verspoor (2017),
nous utiliserons une méthode d’identification manuelle. Nous avons pourtant pris
Réseaux sociaux et développement linguistique 269

des mesures afin de réduire la subjectivité inhérente à une telle démarche. Nous
avons procédé de la manière suivante pour repérer les EPL dans la production
linguistique des apprenantes :
1. Deux des auteures ont identifié, indépendamment l’un de l’autre, les
séquences lexicales qui correspondent à la définition donnée plus haut (par
exemple, en fait, c’est ça, du coup). Nous avons décidé d’inclure seulement les
EPL qui sont spécifiques à la LC, c’est-à-dire qui n’ont aucune équivalence
mot-à-mot quand elles sont traduites en suédois qui est la première langue
des deux apprenantes, tout en respectant l’ordre de mots et la grammaire de
la langue suédoise, étant donné que l’emploi d’une EPL équivalente dans les
deux langues pourrait constituer le résultat d’un transfert positif plutôt que le
résultat de l’exposition à la LC (pour le rôle de la L1, voir par exemple, Paquot
& Granger, 2012). Le taux de chevauchement de l’analyse était de 92%. Nous
avons discuté les divergences dans nos analyses et, en cas de désaccord, nous
avons exclu l’EPL en question.
2. Afin de confirmer que chaque séquence lexicale ainsi identifiée soit en effet
conventionnelle dans la communauté linguistique cible, nous avons demandé
à deux locuteurs natifs de français résidant dans la région parisienne d’indi-
quer s’ils trouvaient chacune des EPL naturelle ou peu naturelle (pour une
approche similaire, voir Forsberg, 2010). Seulement les séquences lexicales
qui ont été considérées naturelles ont été comptées comme des EPL et rete-
nues pour l’analyse. Le Tableau 3 ci-dessous donne quelques exemples des
EPL disponibles dans les données et dans les Exemples (12) et (13), deux
d’entre elles sont présentées dans leur contexte original.5

Tableau 3. Exemples d’expressions polylexicales


avec plaisir d’accord mettre en scène
avoir le droit de de temps en temps petit à petit
bien sûr en fait tous les gens
c’est ça il y a un peu

(12) Fragment 12 (T1)


2. Vera: euh (0.5) oui et je vais je vais bien sûr euh aller à Louvre euh
blablabla je ne
3. Int: oui (0.5) pas eu le temps encore ↓

5. Nous n’avons marqué que les EPL dans la production de l’apprenant.


270 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

(13) Fragment 13 (T1)


1. Int: mais euh pour la viande on dit à point
2. June: ah d’accord

Ensuite, nous avons calculé deux taux d’EPL. Le premier taux (taux de fréquence
d’EPL) exprime la fréquence d’utilisation des EPL par 100 mots et a été calculé à
partir de la formule nombre total d’EPL produites/nombre total de mots × 100. Le
deuxième taux (taux de variation d’EPL) exprime le nombre de types d’EPL par
100 mots et a été calculé à partir de la formule nombre total de types/nombre total
de mots × 100.

3.1.2 Analyse du développement linguistique et hypothèses préliminaires


À l’instar des études citées dans la section 2 (Adolphs & Durow, 2004 ; Isabelli-
García, 2006 ; Mitchell et al., 2017), qui s’intéressent également à la production
linguistique dans une perspective développementale, nous avons calculé un taux
de développement (gain score) pour chacun des traits linguistiques concernés.
Ce taux de développement se base sur la formule suivante : le taux de la fin du
semestre moins le taux du début du semestre. À l’instar des études mentionnées
dans la section 2, nous considérons qu’un taux de développement positif constitue
un indice de progression par rapport au début du semestre.
L’étude est exploratoire, mais étant donné le lien étroit entre les EPL, les MD,
le lexique et les pratiques sociales (voir Dörnyei et al., 2004 ; Sankoff et al., 1997),
on pourrait poser l’hypothèse préliminaire que ces aspects du développement
linguistique seraient plus affectés par une utilisation plus fréquente de la LC à
travers l’interaction sociale avec les locuteurs natifs que l’exactitude grammaticale.
Si cette hypothèse se vérifiait, nous observerions un développement plus net de
l’usage des EPL, des MD et de la diversité lexicale, chez l’apprenante avec le réseau
social plus étendu.

4. Les profils d’apprenantes : Vera et June

Dans cette section, nous ferons tout d’abord une présentation générale des deux
apprenantes de l’étude, Vera et June (désignées par des pseudonymes). Leur profil,
leur réseau social et leurs expériences en français dans l’interaction sociale seront
ensuite décrits séparément, et en détail, dans les sections 4.2. et 4.3. Leur dévelop-
pement linguistique respectif, c’est-à-dire les résultats des analyses linguistiques,
sera présenté dans la section 5.
Réseaux sociaux et développement linguistique 271

4.1 Présentation générale des participantes

Le Tableau 4 fournit une présentation socio-biographique des deux participantes,


Vera et June. Malgré les différences liées à l’âge de début d’acquisition et la
durée de leurs études antérieures de français, nous constatons qu’elles avaient
un niveau de compétence générale de français similaire lors de leur arrivée en
France, comme l’indique l’évaluation du niveau CECRL (et l’analyse de l’exacti-
tude du début du semestre, voir Tableau 6). Vera, 28 ans, vit en colocation avec
deux jeunes femmes suédoises pendant la majorité du semestre, après avoir initia-
lement loué une chambre chez une femme franco-italienne plus âgée. June, 20
ans, vit seule dans un studio pendant son semestre en France.

Tableau 4. Aperçu des deux participantes


Pseudonyme Âge Durée des Âge de Niveau de Occupation Logement
études début compétence
antérieures d’acquisition orale au début
de français du semestre
(CECRL)
Vera 28 10 mois 27 A2 Étudiant Co-
Erasmus location
June 20 6 ans 12 A2 Étudiant de Vit seule
langue et
civilisation
françaises

Pour ce qui est de leur occupation et leur contact quotidien avec le français, Vera
arrive en France dans le cadre de sa formation en Suède, où elle étudie les lettres.
En France, elle suit des cours de lettres destinés aux étudiants francophones de
maîtrise dans une des universités parisiennes. Vera a des cours pratiquement tous
les jours et le nombre d’heures de cours s’élève à environ 18 heures par semaine.
June a passé son bac en Suède l’été avant de venir en France, et elle venait de
passer un semestre à Hong-Kong, où elle avait étudié le chinois. Elle arrive de
manière autonome en France, où elle suit un cours de FLE destiné aux étudiants
internationaux dans une des universités parisiennes. Le programme comprend
des cours magistraux sur la culture et la civilisation française et des modules de
grammaire, de phonétique et de communication orale. Le nombre d’heures de
cours s’élève à environ 20 heures par semaine distribuées également sur les cinq
jours. Même si la nature de l’apport diffère (enseignement destiné aux franco-
phones et non-francophones respectivement), toutes les deux sont exposées à
un degré comparable à la langue française au cours de leurs études pendant le
semestre en France.
272 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

La Figure 1 montre la quantité d’utilisation générale du français des partici-


pantes au cours du semestre. Les taux moyens fournis se basent, nous le rappe-
lons, sur la fréquence d’utilisation du français à travers 27 activités différentes (par
exemple, la lecture, la rédaction, l’interaction etc.). Nous pouvons constater que
de manière générale et en termes purement quantitatifs, Vera et June se sont enga-
gées dans des activités en français à un degré similaire, même si le taux est quelque
plus élevé chez Vera. De plus, le taux de Vera reste plus consistant au cours du
semestre que celui de June, qui connaît une hausse entre les mois de février et
mars et une baisse légère entre les mois d’avril et de juin. Cependant, il y a des
différences qualitatives marquées liées à leur contact avec le français au cours du
semestre. Comme le font ressortir le SNQ et les entretiens approfondis, Vera et
June se distinguent nettement quant à la nature des activités qu’elles ont menées
en français en dehors de la salle de classe. Il s’avère en effet que June a utilisé
le français dans l’interaction sociale à travers son réseau social dans une mesure
considérablement plus grande que Vera, qui a notamment utilisé le français dans
le cadre de ses études (révision des cours, lecture des œuvres et rédaction des
textes).

Figure 1. Taux d’utilisation du français (5 = tous les jours, 0 = jamais)

Le Tableau 5 expose le nombre de personnes avec lesquelles les participantes


interagissent en français (ou partiellement en français) à travers les cinq contextes
sociaux concernés. Il est à noter que les mêmes personnes peuvent figurer dans
plusieurs contextes, mais si nous regardons uniquement le nombre de personnes
qu’elles voient régulièrement dans leur temps libre, nous constatons que June
forme un réseau social comprenant un nombre important de francophones alors
que le nombre de francophones dans le réseau de Vera reste restreint.
Réseaux sociaux et développement linguistique 273

Tableau 5. Nombre de locuteurs francophones* dans le réseau social des deux


participantes
Vera June
Contexte Février Mars Avril Juin Février Mars Avril Juin
Université/École 2 1 1 n.a. n.a. 10  9  8
Temps libre organisé n.a. n.a. n.a. n.a. n.a. n.a. n.a. n.a.
Temps libre 0 1 1 2 2  8  8  7
À la maison 1 0 0 0 0  0  0  0
Activités sociales sur Internet 0 1 0 0 3  3  2  2
Total 3 3 2 2 5 21 18 17
* Ce terme réfère aussi bien aux locuteurs natifs qu’aux locuteurs non natifs du français.

Passons à une présentation plus détaillée des données socio-biographiques des


deux apprenantes. Les citations proviennent des quatre entretiens qui ont été
conduits avec chaque participante en suédois ; nous nous y référons à travers les
codes T1, T2, T3 et T4 (T = temps). Elles ont été traduites du suédois au français
par la première auteure.

4.2 Le cas de Vera

Lors de notre premier entretien, Vera venait de commencer les cours à l’université.
À la question de savoir pourquoi elle est venue en France pour étudier, elle déclare
avoir cherché un changement temporaire par rapport à sa vie en Suède, et que
le choix était naturellement tombé sur la France, étant donné son amour pour la
littérature et la philosophie. Elle cherche surtout à passer un semestre agréable et
elle est pressée de faire de nouvelles connaissances, une motivation qui décroît
toutefois avec le temps. En ce qui concerne la dimension linguistique, l’objectif
initial de Vera est d’améliorer son français en général. Cet objectif est graduelle-
ment remplacé par celui de réussir les cours de français, motivation qui revêt ainsi
de plus en plus un caractère instrumental.
Pendant son temps libre, les études universitaires et son intérêt pour la litté-
rature et l’écriture l’amènent à passer beaucoup de temps à lire, à écrire et à
étudier aussi bien en français qu’en suédois. De plus, il lui arrive régulièrement de
passer du temps à la maison avec ses colocataires ou de sortir dans des bars avec
des connaissances qu’elle a rencontrées. Comme il est indiqué dans le Tableau 5
plus haut, Vera constitue un réseau social comprenant un nombre limité de locu-
teurs francophones. En février, son cercle social comprend trois personnes avec
qui elle interagit partiellement en français. Elle loue une chambre dans l’apparte-
ment d’une femme plus âgée qui lui adresse la parole en français ou en anglais.
274 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

À l’université, Vera est entrée en contact avec quelques étudiants Erasmus, qui
communiquent entre eux aussi bien en espagnol qu’en français. Elle s’étonne
devant le fait que les jeunes femmes dans sa classe s’intéressent si peu à adresser la
parole aux étudiants étrangers, incluant elle-même, ce qui réduit l’accès aux inter-
actions sociales dans le contexte universitaire.
À la question de savoir si elle estime avoir assez d’occasions d’utiliser le fran-
çais, elle dit que, certes, « ce serait bien de trouver d’autres contextes franco-
phones où j’ose parler en français » (‘jag skulle behöva hitta mer sammanhang där
jag vågar prata franska’, T2), mais seulement si cela se produit de façon naturelle ;
elle ne veut pas forcer des contacts sociaux uniquement dans le but de parler fran-
çais. En général, elle trouve qu’« il est difficile d’entrer en contact avec les Fran-
çais » (‘det är svårt asså typ å få kontakt med fransmän’, T2). À quelques reprises,
elle a fait un « tandem linguistique » avec un camarade de classe français, en
échangeant mutuellement le français et l’anglais. Elle trouve ce modèle fructueux,
car les conditions sont similaires entre les interlocuteurs ; les deux se trouvent face
à la tâche difficile d’interagir dans une deuxième langue.
En mars, il semble que le contact avec les étudiants Erasmus a diminué et
Vera passe de plus en plus de temps avec un autre camarade de cours. Ils déve-
loppent une histoire amoureuse et se parlent surtout en anglais. Pour elle, il est
plus naturel de lui parler en anglais étant donné que « son anglais est mieux
que mon français » (‘hans engelska är bättre än min franska’, T2). En dehors des
contacts mentionnés, Vera apprécie le lien d’amitié qui s’est établi entre elle et ses
deux colocataires suédoises.
Au mois d’avril, le contact avec le jeune homme s’est intensifié avec qui elle
continue à parler notamment en anglais. Elle est d’avis qu’elle « ne parle pas
assez » en français (‘jag pratar inte tillräckligt med franska’, T3). Parfois, elle révise
ses examens finaux avec son camarade de classe français, mais eux aussi commu-
niquent notamment en anglais. En dehors de ces relations, son cercle social
comprend surtout les colocataires suédoises, mais aussi un étudiant étranger dont
elle vient de faire la connaissance, avec qui elle parle anglais. De plus, les étudiants
étrangers de l’Amérique de Sud refont également surface et ils sont de nouveau
sortis quelques fois ensemble. En plus des contacts en France, le contact avec les
amis en Suède s’intensifie au fur et à mesure que le temps passe. Elle déclare que
son groupe d’amis en Suède lui manque. Lors de notre dernier rendez-vous en
juin, Vera déclare que ses cours étaient déjà terminés au début du mois de mai,
et que depuis, elle n’a « peut-être pas eu autant de [apport en] français » (‘jag
har inte fått så mycket input’, T4). Son cercle social s’est également transformé
depuis la fin des études. Elle n’entretient plus le contact avec son partenaire de
tandem, et son histoire d’amour s’est terminée. Pendant les six dernières semaines
du séjour à Paris, Vera passe beaucoup de temps seule et fait quelques rencontres
Réseaux sociaux et développement linguistique 275

occasionnelles. Par exemple, elle revoit, à quelques reprises, deux étudiants étran-
gers dont elle avait fait la connaissance vers la fin du semestre universitaire. Ces
deux personnes parlent « parfaitement le français » (‘dom pratar perfekt franska’,
T4), mais ses difficultés perçues d’interagir en français l’amènent à leur parler en
anglais.
Selon Vera, son utilisation du français dans l’interaction sociale pendant le
semestre reste fortement limitée et elle a tendance à utiliser l’anglais à la place du
français dans l’échange, ce qui semble être lié à un manque de confiance linguis-
tique en français. Elle revient à plusieurs reprises sur le sentiment de tension et
d’anxiété que l’interaction sociale en français provoque chez elle, et elle déclare
qu’elle « aurait dû trouver plus de contextes dans lesquels [elle a] le courage de
parler français » (‘jag skulle behöva hitta mer sammanhang där jag vågar prata
franska’, T2). D’après elle, elle n’a pas fait de véritable effort pour parler français
pendant le semestre (« je sens que je n’ai vraiment pas fait un effort pour parler »
(‘det är väl nånting jag känner att jag har varit dålig på, att verkligen prata’, T4).
Elle exprime un certain étonnement devant le fait d’avoir amélioré son français
académique, tandis que, selon elle, elle « arrive à participer dans les séminaires
à l’université, mais [qu’elle] n’arrive pas à mener une conversation banale » (‘jag
kan delta i seminarier på universitetet men jag lyckas inte hålla en helt vanlig
konversation’, T4).

4.3 Le cas de June

Les cours de June devaient commencer la semaine après notre premier rendez-
vous au début de février. June déclare alors être venue en France parce que ce
« serait quelque chose d’amusant » (‘för jag tänkte att det vore en kul grej å göra’,
T1) et pour apprendre le français, une langue qu’elle aime, et enfin parce qu’elle
envisage une carrière dans la diplomatie. Tout au long du semestre, June exprime
(et manifeste) une forte motivation à améliorer sa capacité de parler le français
et de faire la connaissance de Français (« je veux bien sûr connaître des Français
aussi »/’men jag vill ju lära känna fransmän också’, T1).
En dehors de la salle de classe, June mène une vie sociale très active et exprime
une préférence nette pour pratiquer le français à travers l’interaction sociale plutôt
qu’à travers des études solitaires. Elle développe un réseau social dynamique et fait
de nombreuses connaissances, aussi bien francophones qu’internationales. Elle
ne ressent aucune difficulté à entrer en contact avec les Français, qu’elle trouve
« très sympathiques » (‘väldigt trevliga’, T1, T4). Déjà lors de notre premier entre-
tien, elle a fait des connaissances francophones ici et là. Par exemple, elle interagit
quotidiennement avec le gestionnaire du supermarché du quartier. En plus, elle
s’est fait un ami en visitant l’appartement qu’elle loue, un lien social qui lui permet
276 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

de parler français, même s’ils interagissent aussi bien en français qu’en anglais. En
plus de ces connaissances, June est sortie dans les restaurants ou les bars avec des
Suédois qu’elle a connus à travers le groupe Facebook « Suédois à Paris ».
Lors du rendez-vous en mars, il s’avère que June a établi un cercle social
comprenant plusieurs relations qu’elle entretient en français. Elle s’est fait des
amies dans la classe, avec qui elle parle aussi bien français, anglais que mandarin.
Elles se voient également en dehors de la classe, ce qui lui permet de parler fran-
çais quotidiennement. En plus de ce groupe d’amis, elle a noué des liens d’amitié
avec plusieurs francophones, qu’elle a connus en sortant en ville le soir, surtout
dans des bars. Elle a également fait la connaissance d’un couple, qui lui fait visiter
Paris et avec qui elle sort parfois le soir, et d’un autre jeune homme avec qui elle
sort régulièrement, de façon romantique. Elle insiste pour utiliser le français avec
lui, malgré la tendance de ce dernier à passer à l’anglais quand il lui parle.
En avril, June semble avoir gardé le contact avec certaines personnes qu’elle
voyait régulièrement au début du semestre. Certains d’entre eux semblent toute-
fois avoir été remplacés par d’autres. Comme le révèle le Tableau 5, le nombre de
contacts francophones dans le cercle social de June reste toutefois relativement
élevé. Elle ne sort plus avec le même jeune homme, mais avec un autre, lui aussi
francophone. Ils se sont connus lors d’une soirée, et ils avaient en commun de
vouloir apprendre la langue que maîtrise l’autre ; lui, il apprend le suédois et elle,
le français. Ils passent beaucoup de temps ensemble. Elle continue également à
approfondir le lien d’amitié avec le couple mentionné plus haut. Apparemment,
ils partent pour un week-end ensemble à Milan en Italie quelques semaines plus
tard. En avril, June déclare avoir « l’impression d’avoir beaucoup parlé français »
(‘jag har pratat massa av franska’, T3).
Lors de notre dernière interview en juin, June semble plus ou moins avoir
gardé le cercle social tel qu’il avait été formé lors de l’entretien 3, sauf qu’elle
déclare avoir rompu avec le jeune homme avec qui elle était sortie pendant un
certain temps. Cela ne semble pas la déranger : « c’est pas grave, j’ai rencontré
d’autres gens, tous francophones, et avec eux je n’ai parlé qu’en français » (‘men
det gör inget, eh, men så träffat nya människor, fransmän allihopa, och med dem
har jag bara pratat franska’, T4). Selon elle, son cercle social croît « exponentiel-
lement » au fur et à mesure qu’elle se fait d’autres connaissances en sortant le soir.
June regrette d’avoir à rentrer en Suède quelques jours après, justement pour cette
raison. À la question de savoir comment elle vit le fait d’utiliser le français avec
les personnes de son cercle social, June dit aimer bien parler français « c’est très
gratifiant, juste le fait de l’utiliser » (‘det är kul och prata franska och så där, asså
det är väldigt roligt, bara och få använda det’, T4). En dehors son cercle social sur
place en France, June maintient le contact avec sa famille et ses amis à travers les
moyens virtuels tout au long du semestre.
Réseaux sociaux et développement linguistique 277

L’accès régulier et fréquent à l’interaction sociale dans la LC de June


s’explique en partie par le réseau social qu’elle a constitué au cours du semestre,
mais aussi par sa tendance prononcée à saisir toute occasion de parler français.
June déclare aimer beaucoup parler français - « j’aime beaucoup parler français »
(‘jag tycker att det är jättekul att prata franska’, T3) - et manifeste une certaine
confiance linguistique. Elle engage fréquemment et régulièrement des conversa-
tions en français, aussi bien avec ses amis qu’avec des inconnus, souvent dans les
bars lors de soirées en ville. Même si elle reconnaît une certaine frustration quand
elle se rend compte qu’elle n’arrive pas à présenter une image juste d’elle-même à
travers l’interaction sociale en français, elle continue à s’investir dans des conver-
sations en français (« ce n’est pas grave si je me trompe en parlant, si le contexte
est compris, je me lance »/’det gör inte så mycket om det blir fel liksom (…) asså så
länge man förstår vad man, kontexten typ, så babblar jag på’, T3).
Les profils des deux apprenantes étudiées se distinguent considérablement.
Passons maintenant aux résultats des analyses linguistiques.

5. Le développement linguistique chez Vera et June

Le Tableau 6 contient les résultats des analyses linguistiques relatifs à chaque trait
linguistique (les données brutes sont disponibles en annexe, voir le Tableau 7,
qui fait ressortir que le nombre de certaines occurrences reste relativement bas,
comme dans le cas des MD employés par June).
Afin de répondre aux questions de recherche et de savoir si un réseau social
plus riche en relations en L2 confère un avantage en termes du développement
linguistique et si cet avantage est consistant à travers les traits linguistiques, nous
comparerons le développement linguistique des deux apprenantes pour chacun
des traits retenus. Si un réseau social étendu confère un avantage pour le déve-
loppement linguistique, June devrait présenter des taux de développement plus
grands que ceux de Vera. Les taux de développement présentés dans Tableau 6
nous amènent à répondre qu’un réseau social plus riche en relations dans la L2
confère un certain avantage, mais cet avantage n’est pas consistant par rapport
à tous les traits concernés. Plus précisément, un réseau social plus riche en rela-
tions dans la L2 ressort comme étant particulièrement bénéfique pour le dévelop-
pement du répertoire d’EPL (« taux de types d’EPL ») dont le développement est
considérablement plus marqué chez June (+0,47) que chez Vera (−0,35). Faisons
un survol des tendances développementales liées à chaque trait linguistique chez
les deux participantes et rappelons que les taux sont calculés selon différentes
formules, ce qui implique que l’ampleur des différents taux de développement des
traits examinés ne se laisse pas comparer entre eux.
278 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

Tableau 6. Résultats de l’analyse linguistique


Vera June
Février Juin Taux de Février Juin Taux de
2017 2017 développement 2017 2017 développement
Exactitude
Accord en   76,67%   80,56%   +3,89%   83,33%   81,93%   −1,41%
genre
Expression du   50,00%   69,23% +19,23%   21,05%   44,68% +23,63%
passé
Diversité 27,50 23,35 −4,15 23,30 22,70 −0,60
lexicale
Marqueurs  0,25   1,12 +0,87  0,17  0,36 +0,19
discursifs
Expressions
polylexicales
(EPL)
Taux de  2,30   2,94 +0,64  2,81  3,68 +0,87
fréquence
d’EPL
Taux de types  1,56   1,21 −0,35  0,99  1,46 +0,47
d’EPL

Quant au développement de l’exactitude, Vera fait preuve d’un développement


positif par rapport à l’accord en genre sur le déterminant (+3,89%) alors que
June manifeste une tendance inverse comme l’indique son taux de développement
négatif (−1,41%). En ce qui concerne le taux d’exactitude lié à l’expression du passé
(le passé composé et l’imparfait), les deux participantes manifestent un dévelop-
pement considérable et cette fois-ci c’est June qui représente un développement
plus marqué, mais la différence est marginale (+23,63% chez June par rapport à
+19,23% chez Vera). Autrement dit, l’exactitude de l’accord en genre sur le déter-
minant de June est plus basse à la fin du semestre qu’au début, alors que les deux
expriment de manière plus exacte le temps passé à la fin du séjour qu’au début de
leur séjour en France.
Passons au développement de la diversité lexicale, qui, tout comme pour
l’exactitude grammaticale du genre, révèle une tendance développementale néga-
tive (−4,15 chez Vera et −0,60 chez June). La diversité lexicale dans la production
orale des deux participantes est donc moins élevée à la fin du semestre par rapport
au début du semestre, même si cette tendance est encore plus prononcée chez
Vera.
Quant à l’usage des MD, les deux apprenantes augmentent leur utilisation au
cours du semestre, une tendance qui est plus prononcée chez Vera qui multiplie
Réseaux sociaux et développement linguistique 279

plus de quatre fois son usage alors que June le double (+0,87 chez Vera et +0,19
chez June).
Passons enfin au développement de l’emploi des EPL. Comme le montre le
Tableau 6, les tendances développementales divergent en fonction de l’indice. Si
les deux participantes augmentent leur usage d’EPL (+0,64 chez Vera et +0,87
chez June), nous observons que ce n’est que June qui augmente le nombre de types
d’EPL au fur et à mesure que le semestre avance (+0,47). Au contraire, Vera utilise
un nombre de types d’EPL relativement moindre à la fin du semestre par rapport
au début (−0,35).
Pour résumer, les résultats suggèrent qu’un réseau social riche en relations
sociales en L2 confère un avantage pour le développement d’EPL (taux de types),
mais que cet avantage n’est pas consistant à travers les traits linguistiques
examinés.

6. Discussion et conclusion

Cette étude a cherché à répondre aux questions de savoir si un réseau social


plus riche en relations dans la L2 confère un avantage en termes du dévelop-
pement linguistique dans la production orale et, si cet avantage est consistant
à travers tous les traits linguistiques retenus pour cette étude. L’analyse montre
qu’un réseau social plus riche en relations entretenues en L2 confère un avantage
supplémentaire, mais seulement en ce qui concerne le développement de l’usage
des EPL, et plus précisément l’élargissement du répertoire d’EPL de l’apprenant.
Notre hypothèse préliminaire n’a donc été que partiellement corroborée. Nous
discutons ci-dessous les résultats relatifs à chacun des traits linguistiques.
Il n’y a aucun lien net entre le développement de l’exactitude grammaticale et
le niveau d’intégration dans la communauté de la LC. Tandis que June réduit son
taux d’exactitude de l’accord du genre, Vera l’augmente, et si June manifeste un
développement de l’exactitude de l’expression du passé légèrement plus impor-
tant que Vera, cette différence n’est pas frappante. Dans l’ensemble, cela suggère
que l’interaction sociale en L2 en tant qu’activité communicative ne confère pas
nécessairement d’avantages supplémentaires. Cela est conforme à l’observation
faite dans d’autres études, où le réseautage social avec des locuteurs de la LC
n’a pas entraîné un effet significatif sur le développement de l’exactitude dans
la production orale en L2 (Isabelli-García, 2006 ; Mitchell et al. 2017). Vera dont
l’expérience avec la LC dans l’interaction sociale a été limitée au cours du semestre
a investi un effort important et continu dans ses études universitaires et déclare
avoir passé beaucoup de temps à réviser les cours, à lire et à rédiger des textes en
français qui lui ont ensuite été rendus et corrigés par les professeurs de l’univer-
280 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

sité. Il est possible que cette expérience avec la L2 ait encouragé une attention à la
grammaire qui lui a permis de développer cet aspect de la L2. Le fait que l’exacti-
tude grammaticale paraisse plus résistante à l’apport disponible dans l’interaction
sociale peut s’expliquer par la complexité qui caractérise la situation d’interaction
sociale dans une L2 (Hall & Pekarek Doehler, 2011). L’interaction sociale engage
un nombre de fonctions cognitives simultanément et l’on peut se demander si la
complexité de la situation communicative a pour conséquence que l’apprenant se
focalise sur d’autres aspects de l’échange verbal, tel que le contenu des tours de
parole et le sens des entités lexicales utilisées par l’interlocuteur.
Le fait que le taux d’exactitude de l’accord en genre de June baisse au cours
du semestre signale éventuellement que les connaissances linguistiques de l’appre-
nant sont en train de se restructurer et qu’une « régression » d’un domaine de
la L2 donné a lieu au profit du développement d’un autre domaine de connais-
sance ou de compétence de la L2. Ou bien, comme Collentine (2004) le propose,
le fait d’élargir le répertoire des formes linguistiques peut avoir pour conséquence
que l’apprenant fait plus de fautes au fur et à mesure que le séjour linguistique
avance. Il est possible que, lors de l’entretien à la fin du semestre, June utilise des
mots qu’elle vient d’apprendre, mais dont elle ignore toujours le genre gramma-
tical (Dewaele & Véronique, 2001), ou bien dont elle a une connaissance décla-
rative sans avoir eu la possibilité d’automatiser cette connaissance en production
spontanée (DeKeyser, 2010).
L’expérience en LC à travers le réseau social de June ne semble pas non plus
avoir entraîné une diversité lexicale plus élevée. À notre connaissance, cette étude
est la première à examiner le rapport entre le réseau social et le développement
de la diversité lexicale, mais ce résultat est conforme avec celui obtenu par Pérez-
Vidal et Juan-Garau (2011), qui n’observent aucun lien entre les activités linguis-
tiques des étudiants internationaux et leur développement lexical. Indépendam-
ment de leur expérience avec la LC, les deux participantes réduisent leur diversité
lexicale au cours du semestre, ce qui est de prime abord quelque peu surpre-
nant. Le nombre de mots brut produit par les apprenantes lors des entretiens qui
ont toutes une durée d’environ 20 minutes signale pourtant que leur production
linguistique est plus abondante à la fin du semestre par rapport au début. Il est
possible que les apprenantes automatisent l’emploi d’un échantillon de mots qui
leur permette justement de gagner en termes d’aisance, probablement aux dépens
de la diversité lexicale.
Le réseau social de June ne semble pas non plus lui avoir conféré un avantage
pour le développement de l’usage des MD. En fait, l’usage des MD de June
augmente moins que celui de Vera durant le semestre. Cette observation va à
l’encontre des résultats obtenus dans l’étude de Sankoff et al. (1997), où l’usage
des MD apparaissait comme étant une fonction de l’expérience en LC. Il est
Réseaux sociaux et développement linguistique 281

intéressant de constater que Vera augmente autant son usage des MD, bien que
pendant le semestre en France, elle ait tendance à s’exprimer en anglais au lieu
de parler français quand l’occasion s’en présente. Comme le constatent Sankoff
et al. (1997 : 214), « les MD constituent un trait vernaculaire dont l’usage approprié
nécessiterait l’exposition au vernaculaire » (notre traduction). Se peut-il que les
MD soient si fréquents et saillants dans l’apport linguistique qu’il suffit à l’appre-
nant de s’y exposer afin de les incorporer dans son répertoire et qu’un engagement
actif dans l’interaction ne soit pas nécessaire ?
Nous constatons que le taux de développement lié à la fréquence d’utilisation
des EPL augmente davantage chez June que chez Vera, mais que cette différence
reste minimale. Cependant, si nous passons au taux de types d’EPL, qui est une
mesure de la variation, nous constatons que June fait preuve d’un développement
nettement plus prononcé que Vera. L’observation de ce lien entre l’intégration
sociale de l’apprenant et le développement de l’usage des EPL coïncide avec celle
faite par Adolphs et Durow (2004) et laisse entendre que la formation d’un réseau
social riche en relations en L2 favorise le développement de l’idiomaticité.
Les résultats de cette étude préliminaire permettent de nuancer la recherche
antérieure, où le réseau social de l’étudiant international est mis en avant comme
un aspect central pour comprendre la variation individuelle dans le développe-
ment linguistique pendant le séjour dans le pays de la LC (voir Baker-Smemoe
et al., 2014 ; Dewey et al., 2012 ; Mitchell et al., 2017). Le fait que ce ne soit qu’à
travers le développement du répertoire des EPL que nous avons pu observer une
différence marquée entre les deux apprenantes nous amène à constater que l’usage
des EPL s’avère être une variable linguistique particulièrement pertinente pour
comprendre comment les expériences sociales des étudiants étrangers contri-
buent à forger leur répertoire linguistique (voir aussi Adolphs & Durow, 2004). Il
est sans aucun doute prématurée de conclure à un tel lien avant une étude plus
étendue. Cette observation a d’ailleurs des implications théoriques éventuelles.
Le fait que June, qui s’est entourée de la LC dans l’interaction sociale, incor-
pore un plus grand nombre de types d’EPL dans son répertoire verbal soutient le
postulat des approches basées sur l’usage, à savoir que l’acquisition d’une langue
en milieu naturel consiste dans une grande mesure en la mémorisation graduelle
de chunks (morceaux) qui se répètent dans l’apport linguistique et qui sont atta-
chés à une fonction donnée (par exemple, Ellis, 2003). De plus, cette observation
vient nuancer la constatation de Coleman (2015), selon laquelle les différences
liées aux réseaux sociaux des étudiants étrangers expliquent une large partie de la
variation individuelle dans le développement linguistique pendant le séjour dans
le pays de la LC.
Cette étude de cas nous a permis de constater que certains aspects de la L2
semblent moins affectés que d’autres par les expériences de l’apprenant avec la
282 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

LC et les membres de la communauté hôte. C’est seulement l’emploi des EPL qui
semble particulièrement touché par l’expérience fréquente et régulière de l’inter-
action en L2 de June, mais il est possible que cette expérience ait influé positive-
ment sur sa compétence orale, en règle générale, ainsi que l’ont observé d’autres
études (Baker-Smemoe et al., 2014 ; Dewey et al., 2012, 2013 ; Mitchell et al., 2017),
et ainsi que le suggèrent les entretiens en suédois où les apprenantes commentent
leur progression.
Les observations faites dans cette étude ne se basent que sur le cas de deux
individus, ce qui rend difficile de généraliser les conclusions et ne nous laisse
pas savoir dans quelle mesure les itinéraires de développement des apprenantes
sont représentatifs. De plus, il y a d’autres facteurs n’ayant pas été pris en compte
dans l’étude qui ont pu influer sur le développement linguistique des apprenantes,
comme par exemple, la durée préalable des études de français, l’âge du début
de l’acquisition ou le fait que les deux apprenantes aient reçu une formation
de nature différente pendant le semestre. Des facteurs individuels comme par
exemple, l’aptitude langagière des apprenantes, la motivation à apprendre la LC
et les attitudes vis-à-vis de la communauté hôte ont également pu influer sur la
tendance des apprenantes à s’engager avec l’apport linguistique disponible dans
ce contexte d’apprentissage et d’en profiter en ce qui concerne le développe-
ment linguistique. Enfin, la caractérisation des expériences des apprenantes en LC
repose sur les rapports et les récits des participantes, qui dépendent nécessaire-
ment de leur désir de faire part de celles-ci. Malgré ces limitations, nous avons pu
faire des observations qui méritent d’être examinées par des recherches futures.
Afin de mieux comprendre le rôle des réseaux sociaux dans le développement
linguistique, il est nécessaire de poursuivre la recherche chez une population plus
étendue. De plus, dans l’objectif de compléter notre compréhension pour la rela-
tion entre les facteurs non linguistiques et le développement d’une L2 en milieu
naturel, les études futures pourraient explorer les données linguistiques selon
plusieurs points de vue, en incluant aussi bien des mesures objectives telles que
celles pratiquées dans la présente étude, mais aussi des mesures subjectives où
un nombre de personnes de la communauté hôte évalue la production linguis-
tique des apprenantes, par exemple, selon la compréhensibilité perçue (perceived
comprehensibility) ; ce critère nous semble avoir une réalité psychologique pour
l’apprenant adulte (ainsi que pour l’interlocuteur) faisant face à la tâche d’utiliser
une nouvelle langue dans un nouveau milieu (pour une analyse de la compré-
hensibilité perçue en contexte de séjour linguistique, voir del Río, Juan-Garau, &
Pérez-Vidal, 2018). Aussi, les études futures pourraient se baser sur des produc-
tions spontanées relevant de différentes situations et de différentes tâches commu-
nicatives pour accroître l’authenticité des données linguistiques. De telles données
permettraient dans une plus grande mesure l’analyse d’autres compétences et
Réseaux sociaux et développement linguistique 283

variables linguistiques telles que différents aspects de la compétence interaction-


nelle, de la compétence pragmalinguistique et de la compétence sociolinguistique,
susceptibles d’être touchées par une expérience accrue en LC grâce à l’interaction
sociale.

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Réseaux sociaux et développement linguistique 287

Annexe

Tableau 7. Données brutes de l’analyse linguistique


Vera June
Février 2017 Juin 2017 Février 2017 Juin 2017
Exactitude
Emplois Emplois Emplois Emplois Emplois Emplois Emplois Emplois
corrects incorrects corrects incorrects corrects incorrects corrects incorrects
Accord en
genre sur le
déterminant
Défini  8 2 15  6 11 4 33  6
Indéfini 13 2 38  6  6 1 28  6
Possessif  1 2  4  2  8 0  6  3
Démonstratif  1 1  1  0  0 0  1  0
Total accord 23 7 58 14 25 5 68 15
en genre
Expression CO Formes CO Formes CO Formes CO Formes
du passé correctes correctes correctes correctes
Passé 10 5 24 13 15 3 31 18
composé
Imparfait  6 3 15 14  4 1 16  3
Total 16 8 39 27 19 4 47 21
expression
du passé
Diversité
lexicale
Tokens 1219 2164 1220 2552
Types  316  394  270  404
Marqueurs
discursifs
Occurrences    3   24    2    9
brutes
Expressions
polylexicales
EPL   30   63   34   93
occurrences
EPL types   19   26   12   37
CO = Contexte obligatoire
288 Klara Arvidsson, Fanny Forsberg Lundell et Inge Bartning

Abstract
Currently, Study Abroad researchers seek to understand how non-linguistic factors relate to
second language (L2) development during a stay in the target language country. This longitu-
dinal case study contributes to this research by exploring the role of social networking for the
development of spoken French L2. It includes two Swedish learners with contrasting experi-
ences with the target language (TL) through social networks during a semester in France. The
analysis is based on interviews in L2 French from the beginning and the end of the semester,
and focuses on the development of grammatical accuracy, lexical diversity, use of discourse
markers, and multiword expressions (MWEs). The results suggest that social networking with
members of the target language community particularly promotes the development of the
learner’s MWE repertoire, and partly lend support to the assumption that the nature of the
learner’s social network explains the individual variation in L2 development in the Study
Abroad context.

Adresses des auteurs

Klara Arvidsson Inge Bartning


Stockholm University Stockholm University
Department of Romance Studies and Classics Department of Romance Studies and Classics
Romanska och klassiska institutionen Romanska och klassiska institutionen
Universitetsvägen 10 B Universitetsvägen 10 B
S-106 91 Stockholm S-106 91 Stockholm
Sweden Sweden
klara.arvidsson@su.se Inge.Bartning@su.se
Fanny Forsberg Lundell
Stockholm University
Department of Romance Studies and Classics
Romanska och klassiska institutionen
Universitetsvägen 10 B
S-106 91 Stockholm
Sweden
fanny.forsberg.lundell@su.se

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