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Pris sur un mur "ancien" !

Ananda Devi, Manger l'autre, Grasset, janvier 2018, 218 pages, 18€ (déjà sorti depuis le 3 janvier)

page 161 à page 163:

"Sa main danse, sa bouche est de nouveau sur ma poitrine, je me raidis, perds le souffle et la tête,
vertige, tourbillon délicieux qui s'intensifie de plus en plus jusqu'à ce qu'un orgasme puissant vienne me
secouer pendant de longues secondes où je suis livrée à l'absolu des sensations. Un cri amputé se
transforme en plainte, puis en une mélodie basse et ventrale. Il défait son pantalon, se place au-dessus
de moi et, mes cuisses écartées des deux côtés du lit, mes chairs repoussées comme un rideau pour
libérer le passage, il me pénètre, soupirant lorsqu'il transperce mon hymen et se retrouve tout entier en
moi.

"Son mouvement de va-et-vient accroît la sensibilité que je découvre à cet endroit, ça me brûle un peu
mais, bientôt, je ne ressens plus que l'étrange intimité de nos corps, l'imbrication poisseuse, je grésille
de partout, ma surface étincelle, chaque point de contact avec son corps est magnifié par le plaisir. Plus
vite, sa peau rougit brutalement, plus vite, son souffle est brûlant, plus vite, et il gémit en éjaculant. Il"
s'écroule sur moi, le visage emprisonné entre mes seins. J'éprouve une tendresse curieusement
maternelle face à ce relâchement total, cet abandon d'un homme empreint de vulnérabilité.

"Un temps. La moiteur nous colle l'un à l'autre. Il ne pèse pas lourd. Il ne fait pas la moitié de ma largeur.
J'ai l'impression qu'il va s'enliser, ou alors qu'il laissera l'empreinte de son corps dans le mien lorsqu'il se
retirera. Ma main sur son dos découvre de très curieuses formes, des saillances, des anfractuosités, des
omoplates pointues (les miennes sont depuis si longtemps enfouies qu'il faudrait un archéologue pour
les excaver); un long creux vertical suit sa colonne vertébrale, et puis de petites fesses serrées et velues,
double miracle de fermeté, je les caresses sans honte, trop étonnée par ce corps si étranger au mien, si
dissemblable que nous pourrions ne pas appartenir à la même race.

"Il soupire - presque un grondement - et s'agite doucement.

"Continue, c'est bon, dit-il. Il guide ma main entre ses fesses, vers la cavité intime et humide, puis vers
l'envers de ses testicules, c'est si facile de tout atteindre de lui, aucun effort, il est accessible, un livre
ouvert. Il bande de nouveau, guide ma caresse, me dit: plus fort, plus fermement, aïe, là, c'est trop, oui,
comme ça, continue, continue, continue...

"Il ne voit pas la larme d'émerveillement qui court se dissoudre dans mes draps.

"Je suis une femme.

"Une telle reconnaissance. Cet homme est un saint. Je ferme les yeux, m'attarde sur ces sensations
inédites de douleur et de plaisir mêlés, sur ce soleil né en mon centre. Et je m'endors.
"L'impossible m'est arrivé."

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