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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 40-350

Complications des gastrectomies


D Mutter
J Marescaux

Résumé. – Les gastrectomies, partielles ou totales, sont marquées d’une morbidité et d’une mortalité
significatives dues aux complications périopératoires et aux troubles fonctionnels postopératoires. Les
reconstructions après gastrectomie partielle font appel à une anastomose gastroduodénale rétablissant le
circuit digestif physiologique ou à une anastomose gastrojéjunale. Chaque type de rétablissement présente
ses avantages et ses inconvénients. Précocement, on peut observer des fistules et des hémorragies digestives.
Plus tardivement, ce sont les troubles de l’évacuation et de la motricité gastrique, le reflux ainsi que les
troubles de l’alimentation qui dominent. La prise en charge de ces complications fait souvent appel à des
mesures diététiques, mais une solution chirurgicale est parfois nécessaire. À distance, les ulcères
anastomotiques et les cancers du moignon gastrique sont deux complications évolutives et imprévisibles, dont
la prise en charge chirurgicale est toujours difficile. Les gestes opératoires secondaires sont compliqués en
raison des antécédents chirurgicaux. Dans le cas de troubles fonctionnels, une amélioration n’est obtenue
après une reprise chirurgicale que dans 50 à 75 % des cas. Pour ces raisons, les indications opératoires
doivent être posées avec discernement. Les réinterventions consistent en la réfection d’un circuit digestif
physiologique ou, au contraire, en une résection gastrique complémentaire avec un nouveau montage. Dans
certains cas, la totalisation de la gastrectomie est nécessaire.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : gastrectomie, ulcère, cancer, chirurgie.

Introduction Accidents peropératoires

Le nombre des gastrectomies réalisées pour le traitement des cancers HÉMORRAGIE PEROPÉRATOIRE
diminue, en raison de la baisse de l’incidence observée des cancers
de l’estomac. La prise en charge médicale de la pathologie ulcéreuse ¶ Hémorragies par lâchage de suture vasculaire
et l’éradication d’Helicobacter pylori ont quasiment fait disparaître
les indications de gastrectomie pour complications de la maladie Une hémorragie peut survenir à l’occasion du simple « lâchage »
ulcéreuse dans les pays occidentaux. L’incidence de la chirurgie d’une suture vasculaire. Elle est d’abord contrôlée par compression
locale, puis par identification précise du mécanisme lésionnel et du
pour ulcère est estimée entre 45 et 60 pour 100 000 habitants dans
vaisseau atteint. Habituellement, la plaie est réparée par suture
les pays occidentaux [ 1 6 ] . Lorsqu’elles sont pratiquées, les
élective en utilisant un fil résorbable, non résorbable en cas
gastrectomies bénéficient d’une technique rigoureuse et de l’apport
d’hémorragie artérielle (type Prolènet 3/0 ou 4/0), ou par
de nouvelles technologies facilitant la réalisation du geste coagulation bipolaire. Dans tous les cas, on s’assure que la mise en
chirurgical. Les complications opératoires des gastrectomies peuvent place de la suture n’est pas responsable de l’oblitération d’un tronc
être liées à des conditions locales défavorables (envahissement vasculaire majeur, laquelle implique une réparation artérielle
tumoral ou inflammatoire imprévu, séquelles d’interventions préservant le flux sanguin. Ce risque existe en cas de lâchage de la
précédentes, cancer) ou à un incident opératoire. Les complications suture à l’origine de l’artère gastrique gauche. Le saignement est
postopératoires, en dehors des complications chirurgicales, sont responsable d’un hématome diffusant dans les mésos, rendant le
surtout fonctionnelles. Moins fréquemment, on peut observer la contrôle de l’hémorragie laborieux. L’application d’un point à
survenue d’ulcères ou de cancers. La prise en charge de ces l’aveugle peut prendre l’artère hépatique commune, l’artère
complications doit alors être adaptée et rapide pour éviter, par des splénique ou le tronc cœliaque. La palpation de ces pédicules
manœuvres inappropriées, une aggravation du problème rencontré. s’assure de leur perméabilité. Cette suture hémostatique peut
également inclure la voie biliaire principale, entraînant une
obstruction biliaire.
Une plaie des troncs vasculaires majeurs (artère hépatique, tronc
cœliaque) doit impérativement être réparée par une suture
Didier Mutter : Professeur des Universités, praticien hospitalier. microvasculaire (Prolènet 6/0, 7/0 ou 8/0 selon son diamètre), si
Jacques Marescaux : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Clinique chirurgicale A et European Institute of Telesurgery (EITS)-IRCAD, hôpital civil, 1, place de l’Hôpital,
possible sous contrôle de lunettes grossissantes. Une plaie de l’artère
67091 Strasbourg cedex, France. splénique impose en général une splénectomie de nécessité.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mutter D et Marescaux J. Complications des gastrectomies. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales
- Appareil digestif, 40-350, 2002, 19 p.
40-350 Complications des gastrectomies Techniques chirurgicales

Des saignements mineurs sont facilement contrôlés par une La dissection laborieuse du pédicule hépatique ou du premier
coagulation monopolaire ou au mieux de façon élective par une duodénum lors de la prise en charge d’ulcères chroniques ou lors
coagulation bipolaire. de la réalisation de curages peut être à l’origine de plaies de la voie
Les plaies veineuses sont souvent plus difficiles à contrôler et biliaire principale ou des canaux pancréatiques. Une plaie biliaire
imposent la mise en place de suture « en masse » au sein des tissus. peut être constituée par une plaie latérale, une section complète ou
La survenue d’une plaie veineuse lors de la dissection du confluent une résection segmentaire de la voie biliaire principale. La lésion
gastrocolique (tronc de Henlé) est difficile à contrôler. L’application des canaux pancréatiques peut consister en un arrachement de la
à l’aveugle d’une pince hémostatique doit être évitée, afin de ne pas papille ou un arrachement du canal de Santorini. Souvent, la plaie
provoquer de plaie latérale de la veine porte. La lésion doit être est liée à des conditions de dissection difficiles et est ignorée. Elle
identifiée avec certitude et la plaie suturée au fil fin (Prolènet 4/0, survient lors d’une manœuvre de mobilisation du duodénopancréas
5/0 ou 6/0). Lorsque la plaie est contrôlée, il faut aborder la veine à l’aveugle, par traction excessive sur des tissus fragilisés par une
mésentérique et la veine porte pour s’assurer de leur perméabilité. tumeur ou par une inflammation locale réactionnelle. L’opérateur
La prévention de ces lésions passe par une parfaite connaissance de est alors confronté à une fistule postopératoire, plus grave qu’une
l’anatomie locale, par la recherche systématique des éléments simple désinsertion de la papille, dont l’origine est difficile à mettre
vasculaires, et nous recommandons le « doublage » des ligatures en évidence dans ce contexte. Pour cette raison, il faut toujours
vasculaires par des clips ou des points appuyés en cas de doutes ou s’attacher à identifier l’origine de tout suintement souillant le champ
de difficultés de réalisation. opératoire en fin d’intervention. Au moindre doute, un test au bleu,
une cholangiographie peropératoire ou une wirsungographie
¶ Hémorragies parenchymateuses
s’imposent, à la recherche d’une lésion biliaire ou pancréatique.
Les manœuvres de dissection de l’estomac imposent l’écartement Test au bleu : le canal cystique est disséqué, et lié au contact de la
de la rate et du foie. Ces procédures sont parfois responsables de vésicule. Il est cathétérisé, et, après assèchement par une compresse
plaies parenchymateuses à l’origine de saignements pouvant être du champ opératoire, l’opérateur y injecte une solution de bleu de
importants.
méthylène dilué à 50 %. Pendant cette injection, l’opérateur
Plaies hépatiques recherche un écoulement du bleu dans le champ opératoire.
Une plaie hépatique est habituellement bénigne. Elle est traitée par Cholangiographie peropératoire : le canal cystique est disséqué, et lié
tamponnement. En cas d’échec, il est possible d’avoir recours aux au contact de la vésicule. Il est cathétérisé. Sous contrôle d’un
divers procédés d’hémostase des parenchymes solides disponibles : amplificateur de brillance, du liquide radio-opaque est lentement
coagulation à l’argon, coagulation bipolaire, colle biologique et instillé dans les voies biliaires, à la recherche d’un écoulement
compresses hémostatiques à base de collagène. À l’inverse, il faut anormal, d’un obstacle ou d’une désinsertion de la papille.
s’abstenir d’écarter les berges de la plaie pour chercher à obtenir
une coagulation en profondeur, ce geste risquant d’aggraver la ¶ Traitement d’une plaie de la voie biliaire principale
situation.
Une plaie latérale et peu importante du cholédoque peut être traitée
Plaies spléniques par suture directe, faite au fil fin résorbable (5/0), sous couvert d’un
Une plaie du parenchyme splénique implique une splénectomie de drainage biliaire par le biais d’un drain transcystique. Une plaie
nécessité si elle ne peut être contrôlée par tamponnement, au besoin latérale plus importante, ou exceptionnellement une section
associé à des compresses hémostatiques et à de la colle biologique. complète d’un cholédoque de bonne qualité, dans un contexte non
Le traitement conservateur est réservé à des érosions superficielles inflammatoire et sans perte de substance, peuvent être traitées par
de la capsule splénique. Il existe dans ce cas un risque significatif une suture terminoterminale transversale sous couvert d’un drain
d’hématome sous-capsulaire et de rupture secondaire de la rate. Le tuteur en T (drain de Kehr) (fig 1). Le drain est alors extériorisé par
placement de drains de surveillance est inefficace et la surveillance un trajet aussi court que possible. Il est conservé pendant une durée
échographique ne constitue pas une sécurité satisfaisante dans le minimale de 15 jours pour une plaie latérale, de 1 à 2 mois pour une
contexte de la période postopératoire immédiate. Il faut connaître le section, et une cholangiographie est effectuée avant son retrait. Dans
risque de dévascularisation du moignon gastrique après tous les autres cas, il est impératif d’avoir recours à une dérivation
gastrectomie subtotale. La ligature des vaisseaux spléniques est biliodigestive, qui est idéalement une suture biliodigestive sur anse
responsable de la suppression de la vascularisation de suppléance en Y (fig 2).
de l’estomac. La totalisation de la gastrectomie s’impose dans ce cas.
¶ Traitement d’une désinsertion de la papille
¶ Hémorragies de la tranche de résection
duodénale
ou de l’anastomose
Cette complication est le plus souvent liée à l’importante Cet accident survient après une dissection duodénale poussée loin
vascularisation de la paroi gastrique. Il est de ce fait impératif de sur le deuxième duodénum, lorsque la position de la papille a été
compléter la section de l’estomac par la réalisation d’un surjet mal évaluée. Pour la réparation, il est possible d’utiliser, comme
hémostatique sur la tranche. Cette complication est également une pour la voie biliaire, le duodénum ou une anse en Y. Le principe de
particularité des anastomoses mécaniques. Les pinces de section- la réparation consiste en la réalisation d’un « ventousage » digestif
agrafage linéaire appliquent des agrafes réalisant parfois une sur le moignon distal du pancréas.
compression insuffisante de la paroi de l’estomac ou de l’intestin Le montage peut utiliser le moignon duodénal. Il est mobilisé plus
grêle. Il peut en résulter une hémorragie de la tranche d’anastomose. en aval pour pouvoir couvrir totalement la tête du pancréas,
Il convient de ce fait de réaliser systématiquement une éversion de englobant la jonction biliopancréatique. Une suture latéroterminale
toute suture mécanique par agrafage, afin de s’assurer de la parfaite est effectuée entre le duodénum libéré et le moignon pancréatique.
hémostase de la tranche d’anastomose et, au besoin, de compléter Le premier plan de cette suture est réalisé à la face postérieure du
l’hémostase par électrocoagulation ou par application d’une suture pancréas, le second à sa face antérieure, par des points séparés de fil
hémostatique au fil résorbable 3/0 ou 4/0. résorbable 4/0 ou 5/0. L’intérêt de l’utilisation du duodénum est de
rétablir un circuit digestif physiologique, pouvant prévenir la
LÉSIONS BILIAIRES ET PANCRÉATIQUES survenue d’ulcères anastomotiques. Son inconvénient est d’être
Une plaie de la vésicule biliaire ou la ligature de l’artère cystique, réalisée sur un duodénum souvent de mauvaise qualité, parfois
qui est impérative au cours d’un curage du pédicule hépatique, sont ischémié par une dissection prolongée, exposant dans ces conditions
traitées par une cholécystectomie. à la fistule pancréatique postopératoire.

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Techniques chirurgicales Complications des gastrectomies 40-350

1 A. Plaie latérale du cholédoque.


B. Suture sous couvert d’un drain tuteur en T (drain de
Kehr).

*
A *
B

2 A. Section complète du cholédoque avec perte de sub-


stance.
B. Dérivation biliodigestive sur anse en Y.

*
A

*
B

Nous préférons l’utilisation d’une anse en Y montée au niveau de la NÉCROSES DIGESTIVES


tête du pancréas. Une anse en Y est prélevée. Le duodénum est
libéré de ses attaches pancréatiques et est refermé par une suture ¶ Nécrose gastrique après gastrectomie subtotale
longitudinale ou transversale en fonction de l’état local. L’anse pour cancer
montée est ouverte au contact du moignon pancréatique sur sa face Cet accident peu fréquent se rencontre après réalisation d’une
latérale, et un ventousage utilisant des points séparés est effectué gastrectomie des deux tiers ou des quatre cinquièmes. Il est dû à la
entre le bord latéral de l’anse montée et le moignon pancréatique. ligature simultanée du tronc de l’artère gastrique gauche, puis de la
Cette solution a comme inconvénient d’exposer à un ulcère plupart des vaisseaux courts, voire de l’artère cardiotubérositaire
peptique. Ce risque est prévenu par une vagotomie concomitante rejoignant la partie haute de la grande courbure à partir de l’artère
ou par un traitement médical adapté. Son avantage est d’utiliser une splénique. Cette dévascularisation peut également être la
anse grêle de bonne qualité et cette anastomose est toujours conséquence d’une splénectomie « de nécessité ». La vascularisation
réalisable. L’anastomose au pied de l’anse est effectuée à 60 cm en de suppléance est alors insuffisante et provoque une nécrose du
aval de la suture pancréatique (fig 3). moignon gastrique restant. Le diagnostic en est toutefois aisé au
cours de l’intervention, l’aspect de l’estomac prêtant rarement à
Dans tous les cas de figure de lésions biliopancréatiques, il convient confusion. Le geste à réaliser est une totalisation de la gastrectomie,
de court-circuiter la zone lésée par une dérivation du circuit digestif. avec rétablissement de la continuité par une anse montée en Y selon
Ceci est réalisé par une antrectomie ou par une exclusion duodénale, Roux avec anastomose œsojéjunale.
temporaire ou définitive. Le rétablissement de la continuité digestive
se fait par une gastrojéjunostomie. Le moignon duodénal est soit ¶ Nécrose du côlon transverse
refermé avec un drainage à son contact s’il est de qualité Elle est due à la ligature accidentelle ou de nécessité de l’artère
satisfaisante, soit drainé en fistule dirigée s’il est de mauvaise colique moyenne, chez un patient qui a une mauvaise suppléance
qualité. artérielle par absence de l’arcade bordante (arcade de Riolan). Elle

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3 Anastomose pancréati- Tableau I. – Complications postopératoires après gastrectomie,


cojéjunale sur anse en Y d’après Bozzetti et al [3] (624 gastrectomies partielles et totales) et
avec vagotomie tronculaire Hayes et al [8] (121 gastrectomies totales avec curage).
après désinsertion papil-
laire. Gastrectomie Gastrectomie
Type de complication
subtotale totale
Total de fistules 19 % [8]
[3]
Fistule gastro- ou œsojéjunale 1% 2,5 % [3] - 9 % [8]

Fistule duodénale 2 % [3] 1 % [3] - 0,15 % [8]


[3]
Autres fistules 0,6 % 2,5 % [3] - 10 % [8]

Abcès abdominal 0,6 % [3] 2,3 % [3]

Abcès de paroi 1 % [3] 1 % [3]


[3]
Hémorragie 1,5 % 1 % [3]

Décès 1 % [3] 2 % [3]

par une anémie biologique, une chute tensionnelle ou un


météorisme abdominal accompagné de douleurs.
Précoce, une hémorragie impose une reprise chirurgicale. Celle-ci
permet d’identifier la cause du saignement, d’en réaliser le
traitement étiologique (reprise de ligature, splénectomie) et de
réaliser un décaillotage complet de l’abdomen.
Des hémorragies peuvent toutefois survenir plus tardivement,
se manifeste par une pâleur segmentaire et un spasme colique. 5 jours, voire 10 à 12 jours après le geste opératoire. Les adhérences
L’exploration de la vascularisation colique confirme rapidement postopératoires précoces évitent parfois une diffusion de
l’absence de suppléance vasculaire. Le traitement consiste en la l’hémorragie dans l’ensemble de l’abdomen. Il est alors préférable
résection du segment colique ischémié, avec rétablissement de réaliser dans un premier temps une artériographie qui confirme
immédiat de la continuité digestive par une anastomose colocolique. la localisation de l’hémorragie et peut éventuellement la traiter par
une embolisation sélective des artères en cause.
¶ Nécrose de l’anse grêle montée
¶ Hémorragies digestives
La nécrose d’une anse montée en Y peut s’observer chez certains
patients. Son diagnostic est habituellement immédiat, marqué par Les hémorragies digestives après gastrectomie surviennent dans 1 à
l’aspect atone et pâle du segment intestinal. Elle nécessite le sacrifice 2,5 % des cas [3, 12]. Elles sont le plus souvent dues à la récidive d’un
de la zone nécrosée et l’utilisation du grêle d’aval pour la réalisation ulcère ou à une hémorragie sur le moignon gastrique.
d’une nouvelle anse en Y. La récidive hémorragique, complication classique du traitement de
l’ulcère hémorragique, peut survenir à tout moment au cours de la
période postopératoire. Le plus souvent, elle impose une reprise
Complications postopératoires chirurgicale, habituellement réalisable. Elle est plus rare depuis
l’avènement des thérapeutiques efficaces de la maladie ulcéreuse. Il
précoces est démontré que l’éradication d’Helicobacter pylori diminue
significativement les risques de récidive hémorragique de l’ulcère
Les complications postopératoires précoces après gastrectomie duodénal. Une récidive hémorragique implique dans un premier
surviennent dans la période périopératoire allant jusqu’aux temps la mise en œuvre d’un traitement médical comprenant une
trentième ou soixantième jours postopératoires, selon les auteurs. aspiration nasogastrique, l’administration d’inhibiteurs de la pompe
Elles touchent de 10 à 30 % des patients [3, 8]. Rarement anodines, à protons par voie intraveineuse et une correction de la volémie. En
elles sont responsables d’hospitalisations prolongées, d’une cas de persistance ou d’aggravation de l’hémorragie, il faut
importante mortalité postopératoire et d’un surcoût. Elles sont réintervenir afin de contrôler chirurgicalement de façon plus efficace
dominées par les hémorragies, les fistules et les abcès l’artère gastroduodénale. Dans les cas exceptionnels où la
postopératoires (tableau I). Une meilleure connaissance de la réintervention présente un risque majeur ou n’est pas possible, on
physiopathologie de ces lésions, la gravité des reprises chirurgicales peut tenter un contrôle de l’hémorragie par voie endoscopique, qui
et les possibilités de l’imagerie et de la radiologie interventionnelles a l’inconvénient d’exposer à un risque de fistule digestive, ou par
ont profondément modifié leur prise en charge. Si leur traitement une embolisation artérielle, qui expose au risque majeur de nécrose
est devenu souvent conservateur, il faut toutefois savoir ne pas d’un segment digestif dans ce contexte. Le contrôle de l’hémorragie
manquer le moment où un geste chirurgical simple permet de régler par voie endoscopique est effectué à l’aide d’injections locales
rapidement des problèmes aigus. Les pancréatites postopératoires, d’adrénaline ou de colle (colle biologique ou cyanoacrylates). Le
les troubles du transit et les écoulements lymphatiques abondants contrôle de l’hémorragie par un geste de radiologie interventionnelle
peuvent également compliquer la chirurgie de l’estomac. implique une embolisation sélective de l’artère gastroduodénale en
sus- et en sous-duodénal. L’hémostase temporaire permet au
¶ Hémorragies intrapéritonéales traitement médical d’agir et évite une intervention en urgence chez
Une hémorragie peut survenir à l’occasion du simple « lâchage » un malade instable. Cette approche reste exclue en période
tardif d’une suture vasculaire, parfois par la récidive d’une postopératoire immédiate, en raison du risque de lésion des
hémorragie d’un ulcère duodénal ou par rupture en deux temps anastomoses digestives.
d’une décapsulation splénique. Le diagnostic en est parfois difficile. La seconde étiologie des hémorragies digestives postopératoires est
Les drains ne sont qu’une fausse sécurité et souvent ne ramènent un saignement sur une des tranches de section de l’estomac ou
pas un sang qui coagule rapidement [15]. Il faut alors s’attacher à parfois sur l’anastomose digestive. L’hémorragie peut être précoce
reconnaître très vite les signes indirects de l’hémorragie, marqués et survenir dans les premières heures suivant le geste chirurgical.

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Techniques chirurgicales Complications des gastrectomies 40-350

4 A. Image tomodensitométrique : abcès sous-hépatique


secondaire à une fistule du moignon duodénal.
B. Ponction de l’abcès sous contrôle scanographique.

*
A *
B

Elle peut être plus tardive, due à une chute d’escarre survenant entre de la bile ou du suc pancréatique. Les fistules digestives sont
les septième et dixième jours postopératoires. Elle n’est pas caractérisées par le débit fistuleux, par la toxicité du produit
spécifique du type d’anastomose réalisée (manuelle ou mécanique). fistuleux et par sa septicité. Le débit de la fistule a une valeur
Elle est diagnostiquée par l’apparition d’un méléna ou par pronostique certaine. Un débit important entraîne une déperdition
l’aspiration de sang rouge par la sonde nasogastrique chez un majeure en liquides, électrolytes, protéines, vitamines, lipides, qui
malade gastrectomisé. Le traitement est dans un premier temps contribue à l’altération de l’état général du patient. À ces facteurs
conservateur avec maintien d’une aspiration gastrique et s’ajoutent une maldigestion par défaut en enzymes pancréatiques,
réanimation hydroélectrolytique. Cette hémorragie reste le plus une malabsorption et une anorexie. Le produit fistuleux est septique,
souvent modérée et ne nécessite pas de geste chirurgical. Un geste ce qui accroît son caractère délétère et augmente les besoins
endoscopique n’est pas indiqué en période postopératoire précoce, énergétiques du patient, aggravant de ce fait la dénutrition par
l’insufflation requise pour effectuer l’exploration risquant d’entraîner malabsorption.
une désunion anastomotique.
En cas de persistance ou d’aggravation, une hémorragie sur tranche ¶ Bilan des fistules digestives
de section gastrique doit être contrôlée par voie chirurgicale. Le La gravité d’une fistule dépend de son évolution clinique. Une fuite
geste consiste en une reprise de l’incision chirurgicale. La face minime, colmatée au plus près de l’organe, reste souvent
antérieure de l’estomac est exposée. Une gastrotomie verticale est asymptomatique. L’anastomose peut parfois évoluer vers une
réalisée au-dessus de l’anastomose. L’estomac est décaillotté et lavé. sténose secondaire. La fistule est le plus souvent mise en évidence
Un surjet hémostatique est mis en place sur la zone hémorragique. par des examens complémentaires (transit ou lavement opaques,
Il est conseillé à ce moment de doubler l’ensemble de l’anastomose tomodensitométrie) (fig 4). Une fuite peut être cloisonnée par une
par un surjet. L’estomac est ensuite refermé en double plan et réaction inflammatoire réactionnelle locale (péritoine ou organes de
drainé. voisinage). Dans ce cas, le contenu intestinal se draine vers la peau,
Exceptionnellement, une hémorragie peut être due à l’apparition cas le plus fréquent, ou vers un autre viscère. Il constitue une fistule
précoce d’un ulcère peptique anastomotique. Le traitement en est postopératoire, interne ou externe. Le taux de fistule observé en
médical, avant d’envisager une dégastrogastrectomie en cas de chirurgie gastrique est de 4 % pour les sutures œsophagiennes
résistance au traitement médical. intrathoraciques [6] et de 2,7 % pour les sutures gastriques. Enfin, une
fuite abondante et précoce aboutit à la constitution d’une péritonite
FISTULES DIGESTIVES généralisée ou multifocale. Cette péritonite postopératoire précoce
¶ Facteurs de risque des fistules digestives constitue une véritable catastrophe, responsable à ce jour d’une
mortalité globale de 50 %.
La principale étiologie des fistules digestives est la désunion
Les fistules sont mises en évidence par la surveillance clinique des
anastomotique. Rare pour les anastomoses gastrojéjunales, elle est
drainages, éventuellement complétée par des examens d’imagerie :
plus fréquente pour les anastomoses œsojéjunales (4 %) [6] ou sur les
échographie pour mettre en évidence un abcès, transit œsogastrique
fermetures du moignon duodénal (0,1 à 2 %) [3, 8] . Une faute
aux hydrosolubles pour visualiser un trajet fistuleux, épreuve au
technique peut avoir diverses origines qui sont : la réalisation d’une
bleu de méthylène. À terme, le bon sens détermine le plus souvent
anastomose en tension, l’existence d’une vascularisation insuffisante
l’urgence d’un geste de réintervention.
ou une mauvaise préparation des berges anastomotiques. Il peut
s’agir du résultat d’une agression viscérale peropératoire telle
¶ Traitement des fistules digestives
qu’une dépéritonisation ou une dilacération musculaire.
Certains facteurs favorisent la survenue d’une fistule postopératoire : Traitement médical des fistules digestives
le plus fréquent est la réalisation d’une anastomose sur un tube
digestif pathologique. Les fistules postopératoires surviennent Les fistules correctement et totalement drainées, qui ne
volontiers dans un contexte de réintervention et donc d’adhérences s’accompagnent pas d’un retentissement clinique ou septique
cicatricielles, sur maladies inflammatoires de l’intestin, sur affections important, peuvent être traitées par une simple prolongation de la
tumorales [13] ou sur lésions radiques. L’infection péritonéale et la durée du drainage.
distension intestinale par une occlusion altèrent la qualité de la De nombreux produits et techniques ont été proposés pour tenter
cicatrisation. Enfin, l’état général et les tares associées, telles que de favoriser le tarissement et la cicatrisation des fistules. Aucun
l’âge, la dénutrition, l’hypoprotéinémie, l’hypovitaminose C, produit n’a, à ce jour, fait la preuve de son efficacité. Seule
l’anémie, les pathologies vasculaires, certains médicaments comme l’administration de somatostatine (6 mg/j par voie intraveineuse
les corticoïdes, sont autant de raisons fréquemment invoquées, continue) accompagnée d’une mise au repos totale du tube digestif
même si elles sont rarement démontrées. (aspiration nasogastrique, alimentation parentérale totale) peut
significativement tarir les sécrétions digestives, entraînant une
¶ Clinique des fistules digestives fermeture précoce de la fistule. Il faut noter que ce traitement
La fistule digestive se définit par l’écoulement de liquide digestif n’augmente pas le taux de guérison des fistules. Ce traitement est
hors du tube digestif. Elle peut concerner du liquide « intestinal », complété par une antibiothérapie à large spectre. Enfin, la paroi

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40-350 Complications des gastrectomies Techniques chirurgicales

discute pas. Si la fistule s’est extériorisée progressivement sans


signes généraux, l’intervention est décidée en cas d’échec du
traitement médical. La reprise est toutefois rapide, car il s’agit d’une
fistule en prise directe sur le circuit digestif, entraînant une
déperdition hydroélectrolytique majeure et des lésions cutanées
extensives. La réintervention consiste en une révision abdominale
systématique, suivie le plus souvent du démontage de l’anastomose
déhiscente, d’une fermeture du moignon duodénal, d’une
gastrectomie itérative la plus économique possible et d’une
anastomose gastrojéjunale en tissus sains (cf infra). La suture simple
de la zone désunie est à proscrire, car elle expose à la récidive
fistuleuse rapide, la suture n’ayant pas plus de chances de cicatriser
que la première fois… Cette attitude n’est envisageable que devant
une fuite minime, si la reprise est effectuée rapidement (moins de
24 heures), sur un malade non infecté. On a intérêt à protéger la
suture par une gastrostomie de décharge ; la jéjunostomie
d’alimentation apparaît essentielle pour accélérer la cicatrisation.

Traitement d’une désunion ou d’une fistule sur une anastomose


gastrojéjunale
Cette fistule est exceptionnelle. Comme dans le cas précédent, le
lâchage postopératoire précoce et bruyant impose une reprise
d’urgence pour traiter la péritonite.
Devant une fistule chronicisée, il faut retarder le plus possible
5 Fistule du moignon duodénal : traitement par fistulisation dirigée et drainage au
contact, complété par une jéjunostomie d’alimentation.
l’heure chirurgicale en mettant en œuvre tous les moyens médicaux
possibles. En effet, la reprise chirurgicale débouche souvent sur une
dégastrogastrectomie difficile dans des tissus infectés, sur un
autour de l’orifice fistuleux fait l’objet de tous les soins. Un
estomac déjà réduit des deux tiers. La nouvelle anastomose
appareillage rigoureux, protégeant la surface cutanée de l’action
gastrojéjunale doit être faite sur une collerette de grosse tubérosité.
délétère des sucs digestifs, est réalisé. On utilise de la pâte de karaya,
Elle est difficile, de mauvaise qualité et parfois irréalisable. Il vaut
avec un appareillage des poches au plus près des orifices.
mieux réaliser d’emblée une totalisation de la gastrectomie, avec une
anastomose œsojéjunale sur anse montée en Y « à la Roux ».
Traitement chirurgical des fistules digestives
La fistule peut siéger sur la queue de la raquette après une
La reprise chirurgicale d’une fistule digestive, quelle que soit sa intervention selon Finsterer et doit être traitée médicalement,
localisation, reste toujours un exercice périlleux. L’opérateur se souvent avec succès (aspiration gastrique ; nutrition parentérale
trouve confronté à une situation difficile. Les tissus sont fragiles au exclusive pendant quelques jours).
cours de la phase précoce de la cicatrisation, avec des adhérences
diffuses et une infection localisée rendant toute suture illusoire. Le Traitement d’une fistule biliaire par plaie ignorée de la voie biliaire
risque d’aggraver les lésions est réel, avec parfois la nécessité de principale
totaliser une résection dans des conditions dramatiques. Le plus
souvent, l’objectif est de réaliser un geste de sauvetage. Il a pour but Cette complication est grave car souvent associée à un état septique
de limiter les gestes réalisés en effectuant un drainage externe de sévère. Le traitement chirurgical est difficile, nécessitant une
toutes les fuites et une exclusion temporaire ou définitive des anastomose biliodigestive sur une voie biliaire fine. En milieu
segments digestifs pathologiques. infecté, nous préconisons la réalisation en urgence d’une fistule
biliaire dirigée externe. La réparation de cette fistule biliaire sera
Traitement d’une fistule sur moignon duodénal effectuée à distance par une cholédocojéjunostomie sur une anse
en Y.
Il s’agit d’une fistule latérale ou terminale sur un duodénum exclu.
Il est « urgent d’attendre » : si la vidange intestinale est correcte en Traitement d’une désinsertion papillaire ignorée
aval, la fistule va se tarir spontanément en 1 à 3 semaines. Si la
fistule ne se referme pas dans des délais normaux, il faut C’est hélas souvent un tableau de pancréatite suraiguë et gravissime
réintervenir. L’intervention est menée par laparotomie médiane qui s’installe, avec écoulement biliopancréatique par les drains
itérative si la peau est en bon état ou par une incision sous-costale (dosage des amylases du liquide). Le traitement chirurgical est
ou pararectale droite si ce n’est pas le cas. La révision abdominale complexe et aléatoire : le ventousage de la papille par une anse en Y
doit être complète : il faut s’assurer de l’absence de cause mécanique montée comme nous l’avons décrit plus haut est logique, mais
à cette fistule (occlusion du grêle passée inaperçue, bride de la parfois irréalisable : une pancréatectomie plus ou moins étendue
première anse ou incarcération dans une brèche mésocolique). peut devenir la seule solution. Le pronostic est très sombre.
Ensuite, il faut réaborder la région duodénale et disséquer le
moignon. Si la brèche est minime, on peut tenter une nouvelle Traitement d’une fistule ou d’une désunion après gastrectomie
suture. S’il s’agit d’un lâchage complet du moignon duodénal, il faut totale
réaliser une « fistulisation dirigée » par un drainage au contact Si l’anastomose est sous-diaphragmatique, une fistulisation dirigée
(fig 5), une duodénostomie sur sonde de Foley ou de Pezzer ou, au associée à une jéjunostomie d’alimentation peut suffire. L’exclusion
stade chronique de la fistule, une duodénojéjunostomie sur anse en œsophagienne est à réserver aux grandes désunions dans l’attente
Y qui réalise un « patch ouvert ». La jéjunostomie d’alimentation d’une coloplastie secondaire (fig 6A).
représente, dans ce cas de figure, un complément très utile.
Si l’anastomose est sus-diaphragmatique, le drainage thoracique
large avec ou sans thoracotomie est le premier temps du traitement.
Traitement d’une désunion ou d’une fistule sur une anastomose
Si l’évolution n’est pas favorable, l’exclusion bipolaire de l’œsophage
gastroduodénale
peut devenir le seul recours (fig 6B). Il ne faut pas hésiter à réaliser
La réintervention est immédiate si la fistule n’est pas extériorisée ou cette procédure, qui peut sauver le patient lorsqu’elle est réalisée
paraît mal drainée : il s’agit d’une péritonite et la reprise ne se précocement, avant l’installation d’une médiastinite gravissime.

6
Techniques chirurgicales Complications des gastrectomies 40-350

6 A. Fistule sous-diaphragmatique après gastrectomie


totale : drainage abdominal, sonde nasogastrique et jéju-
nostomie d’alimentation.
B. Fistule sus-diaphragmatique après gastrectomie
totale : exclusion thoracique et œsophagostomie dirigée,
drainage thoracique et jéjunostomie d’alimentation.

*
B
*
A

Dans tous les cas de fistules postopératoires, il est associé au conditions difficiles. L’organe nécrosé doit être réséqué et son
drainage une alimentation hypercalorique par voie entérale si une remplacement par un élément anatomique de substitution envisagé
jéjunostomie d’alimentation a été mise en place ou le cas échéant dans des conditions opératoires défavorables, chez un malade en
une alimentation parentérale, ainsi qu’une antibiothérapie à large mauvais état général. Leur pronostic est redoutable. De ce fait, seul
spectre s’il existe des signes de sepsis. un geste de sauvetage avec résection des éléments nécrosés sans
reconstruction immédiate doit être effectué en urgence. La meilleure
ABCÈS POSTOPÉRATOIRE prévention des ischémies postopératoires est l’abstention de tout
Un abcès postopératoire est suspecté de principe devant l’apparition montage ou résection excessive sans test de clampage peropératoire.
d’une fièvre au décours de la réalisation d’une suture digestive. Les Il faut aussi s’assurer de la viabilité du segment digestif suturé, en
moyens d’imagerie moderne, le recours facile au scanner, permettent évitant tant le serrage ischémique d’une suture qu’une dissection
d’identifier rapidement les abcès. Ceux-ci sont si possible excessive des pédicules vasculaires.
ponctionnés et drainés sous contrôle radiologique (fig 4B).
¶ Nécrose duodénale
PÉRITONITE AIGUË POSTOPÉRATOIRE
Elle peut survenir après une dissection excessive du moignon
Une désunion anastomotique importante, responsable précocement duodénal ou parfois après ligature sus- et sous-duodénale de l’artère
d’un tableau clinique bruyant, impose une reprise chirurgicale. gastroduodénale. Proximale et limitée, elle est responsable d’une
L’objectif est alors un geste de sauvetage. fistule duodénale. Bien drainée, elle peut être traitée de façon
conservatrice, avec un drainage prolongé. En cas de reprise
PANCRÉATITES POSTOPÉRATOIRES chirurgicale, la partie proximale du moignon duodénal est réséquée,
Elles sont souvent déclenchées par un traumatisme peropératoire puis drainée en fistule dirigée. Une exceptionnelle nécrose étendue
du pancréas, qu’il s’agisse de lésions méconnues des canaux du duodénum qui survient sur un terrain débilité (patient
pancréatiques (en particulier de l’effraction du canal de Santorini) présentant une insuffisance vasculaire) impose une duodénectomie
ou de blessures des vaisseaux pancréatiques avec nécrose avec réimplantation de la papille ou une duodénopancréatectomie
pancréatique localisée. Mais l’obstruction aiguë de l’anse afférente céphalique de sauvetage. Le pronostic est sombre.
et le reflux dans le canal de Wirsung qu’elle provoque peuvent
également déclencher une poussée aiguë de pancréatite, volontiers ¶ Nécroses gastrique, colique ou grêle
suppurée et nécrosante.
Le traitement est celui de la pancréatite aiguë. Le pronostic est Ces complications sont dues aux ligatures des artères gastriques
sombre. gauches et de la plupart des vaisseaux courts pour l’estomac, des
artères coliques de suppléance en l’absence de l’arcade bordante
pour le côlon ou des pédicules vascularisant l’anse montée pour
ÉCOULEMENTS LYMPHATIQUES
l’intestin grêle. Si le diagnostic en est toutefois souvent réalisé au
Les curages lymphatiques étendus, tels qu’ils sont réalisés dans les cours de l’intervention (cf supra), il peut être retardé et mis en
gastrectomies D2 ou D3, sont souvent à l’origine d’écoulements évidence tardivement, en particulier chez un malade nécessitant une
prolongés. Une fistule pancréatique est éliminée par le dosage des réanimation difficile impliquant l’utilisation de drogues
amylases dans le liquide de drainage. Le traitement consiste en un vasopressives au cours de la période postopératoire. Elles se
drainage prolongé de l’écoulement.
manifestent par des douleurs abdominales et un état de choc,
rapidement complétés par une fistule digestive par lâchage des
ISCHÉMIES POSTOPÉRATOIRES anastomoses des segments en cause. Elles impliquent une reprise
Les lésions ischémiques postopératoires sont exceptionnelles mais chirurgicale urgente avec réalisation d’une nouvelle anastomose ou
graves. Elles impliquent toujours une reprise chirurgicale dans des le plus souvent un drainage de sauvetage.

7
40-350 Complications des gastrectomies Techniques chirurgicales

7 A. Obstruction de l’anse afférente : un seul niveau


liquide.
B. Dérivation de l’anse sténosée par une anastomose laté-
rolatérale au pied de l’anse, vagotomie tronculaire.

*
A
*
B

Troubles fonctionnels par laquelle s’écoulent toutes les sécrétions biliaires et pancréatiques,
aboutit rapidement à une gêne fonctionnelle importante.
L’obstruction survient parce que l’anse est trop courte et qu’elle est
TROUBLES DU TRANSIT
étirée sur le chevalet colique après un montage précolique, ou parce
Les vomissements postopératoires précoces sont fréquents et bénins. qu’elle est trop longue et qu’elle se volvule au remplissage.
Ils sont liés à un œdème de l’anastomose et sont traités par le Cliniquement, on peut palper une masse dans l’hypocondre droit.
maintien d’une aspiration digestive pendant quelques jours. On observe un tableau d’occlusion haute avec vomissements non
Les troubles tardifs de la vidange gastrique sont plus rares. Ils sont bilieux. À la radiographie abdominale sans préparation, on constate
explorés par une scintigraphie gastrique. Dans certains cas, ils un seul niveau liquide. La distension de l’anse peut être responsable
peuvent être liés à la vagotomie associée à l’antrectomie lors du d’une fistule anastomotique ou d’une nécrose de l’anse. Le
traitement d’un ulcère [2, 14]. Les vomissements tardifs peuvent avoir traitement consiste en une dérivation de l’anse sténosée par une
de nombreuses étiologies [7]. Certaines sont chirurgicales, d’autres anastomose latérolatérale au pied de l’anse (fig 7) ou en la réduction
uniquement médicales. Dans ce cas, de nombreux auteurs ont et la fixation de l’anse volvulée. Le suc biliopancréatique ne circulant
proposé différents produits pour améliorer le transit et l’évacuation plus au contact de l’anastomose gastrojéjunale, il faut essayer de
gastrique : ce sont les agents prokinétiques (métoclopramide, prévenir l’apparition d’un ulcère peptique en réalisant une
cisapride, renzapride) ou l’érythromycine pour son effet agoniste de vagotomie complémentaire.
la motiline [ 2 1 ] . Aucun n’a confirmé son efficacité. Une
dégastrogastrectomie avec anastomose œsojéjunale n’améliore que ¶ Obstructions chroniques
deux tiers des patients [2], confirmant l’origine non mécanique de ces Elles réalisent ce qui a été dénommé le « syndrome de l’anse
troubles. Les causes « chirurgicales » de troubles du transit sont afférente ». Ce syndrome est en rapport avec une gêne à l’évacuation
détaillées ci-après. des liquides biliopancréatiques, entraînant une distension
duodénale. La gêne à l’évacuation de l’anse afférente a de
STÉNOSES ANASTOMOTIQUES nombreuses causes, souvent mécaniques, parfois fonctionnelles :
Les sténoses anastomotiques après gastrectomie sont peu fréquentes. angulation d’une anse courte ; torsion de l’anse afférente ;
Au cours de la période postopératoire précoce, on peut observer, adhérence ; coudure par le mésocôlon transverse ; invagination de
après gastrectomie partielle, des sténoses anastomotiques modérées l’anse afférente dans la bouche anastomotique.
liées à un œdème opératoire. Elles peuvent être mises en évidence Le signe caractéristique est marqué par des vomissements qui
par la réalisation d’un transit opaque aux hydrosolubles. Elles se surviennent 10 à 20 minutes après le repas. Le malade ressent une
traitent par une aspiration digestive de quelques jours et cèdent gêne abdominale avec état nauséeux qui peut durer de quelques
spontanément. minutes à une heure. Le soulagement est obtenu par un
Après gastrectomie totale, les sténoses sont peu fréquentes, vomissement de nourriture et de bile. Ce tableau évocateur se
habituellement inférieures à 1 % [9], et quasi inexistantes lorsque le reproduit au repas suivant, après une période d’accalmie complète.
diamètre des anastomoses effectuées à l’aide d’une pince mécanique Le transit ou le scanner montrent une anse afférente distendue ; le
est supérieur à 28 mm [18]. Ces sténoses, qui sont présentes pendant tubage met en évidence l’apparition très retardée de bile dans l’anse
les 3 premiers mois, s’amendent spontanément dans la majorité des efférente.
cas. Le diagnostic, porté par la clinique, nécessite d’abord la Le traitement du syndrome de l’anse afférente n’est pas univoque. Il
réalisation d’une dilatation endoscopique, à même de venir à bout existe parfois une cause évidente : une adhérence à supprimer, une
des sténoses peu symptomatiques. Les reprises chirurgicales pour anse trop longue à raccourcir. Certains ont proposé une dérivation
réfection de l’anastomose sont exceptionnelles. de l’anse afférente par duodénojéjunostomie, mais un tel montage
favorise l’apparition d’un ulcère peptique.
TROUBLES DU TRANSIT APRÈS ANASTOMOSE ¶ Syndrome de l’anse borgne
GASTROJÉJUNALE (POLYA/FINSTERER)
On peut rattacher aux syndromes obstructifs de l’anse afférente le
¶ Obstruction aiguë de l’anse afférente syndrome de l’anse borgne.
L’anse afférente comprend le duodénum et le segment jéjunal allant Cette complication est difficile à reconnaître, car l’intervalle entre la
du duodénum à l’anastomose gastrique. L’obstruction de cette anse, gastrectomie et son apparition peut être long et les symptômes

8
Techniques chirurgicales Complications des gastrectomies 40-350

8 A. Récidive ulcéreuse après gastrectomie


selon Péan.
B. Transformation du montage avec nou-
velle gastrectomie partielle et rétablisse-
ment selon Polya.

*
A

*
B

subits non spécifiques. Le tableau clinique comprend une anémie, prolapsus muqueux dans l’anse efférente. Son diagnostic est
une stéatorrhée ou une diarrhée, souvent des signes de malnutrition. radiographique ou endoscopique. Elle est traitée chirurgicalement
Une gêne abdominale, des vomissements, sont rares. Le bilan par dégastrogastrectomie.
montre une dilatation de l’anse afférente, parfois l’image
radiologique de l’obstruction de l’anse afférente [4] : pas de passage ¶ Erreurs de montage
au transit, ou passage sur 1 à 2 cm puis arrêt abrupt, ou effet
Elles sont nombreuses et tout a été décrit.
pendulaire de passage et vidange dans l’estomac. Ce syndrome
serait lié à la prolifération des germes dans l’anse qui se vidange L’estomac peut avoir été anastomosé au côlon transverse, au
mal, avec une évacuation brutale du contenu septique de l’anse sigmoïde, voire au cæcum. Mais l’erreur la plus fréquente est la
expliquant les diarrhées. gastro-iléostomie qui conduit, en quelques mois, à un état de
malnutrition inquiétant. Le diagnostic de ces vices de montage est
Le traitement implique une remise en circuit du duodénum par
radiologique… ou parfois peropératoire au cours d’une reprise
conversion de l’anastomose gastrojéjunale en anastomose
chirurgicale pour troubles persistants. Le traitement est la réfection
gastroduodénale ou par anse interposée (cf infra).
des anastomoses.
¶ Obstruction de l’anse efférente
TROUBLES DU TRANSIT APRÈS ANASTOMOSE
Elle s’observe plutôt après montage transmésocolique et traduit une
GASTRODUODÉNALE (PÉAN)
incarcération de l’anse dans la brèche mésocolique ou une ascension
de l’anastomose à l’étage sus-mésocolique. Cliniquement, cet ¶ Dilatation aiguë du moignon gastrique
obstacle se présente sous la forme d’un tableau d’occlusion haute
avec des vomissements bilieux. Le cliché radiographique de Elle suit volontiers une vagotomie-antrectomie selon Péan, réalisée
l’abdomen montre plusieurs niveaux liquides sur le grêle proximal. pour sténose pylorique sur un estomac atone et dilaté : l’aspiration
Le traitement de ces occlusions est chirurgical si aucune amélioration gastrique couplée à une alimentation parentérale stricte suffit
ne se manifeste sous aspiration gastrique et alimentation parentérale souvent à rétablir l’évacuation gastrique. Si on doit réintervenir, une
exclusive. Il faut réaliser une nouvelle laparotomie pour identifier et gastrectomie itérative avec anastomose gastrojéjunale est logique et
traiter l’anomalie : désincarcérer une anse grêle ou réintégrer donne de bons résultats (fig 8) ; chez un malade fragile, une simple
l’anastomose à l’étage sous-mésocolique. Une anse efférente trop gastrostomie de décharge avec ou sans jéjunostomie peut représenter
longue doit être fixée. Dans certains cas, il est nécessaire de réaliser le geste salvateur.
une gastrostomie de décharge et une jéjunostomie d’alimentation de
sécurité. Le meilleur traitement de ces hernies internes est préventif ¶ Œsophagite peptique aiguë
avec une fermeture, lors de la première intervention, de toutes les Elle peut compliquer une ancienne hernie hiatale : la sonde gastrique
brèches mésentériques. ou l’étirement de l’angle de His après gastrectomie polaire inférieure
sont les facteurs déclenchants de cette œsophagite [1].
¶ Obstruction de la bouche anastomotique
Une gastrectomie partielle peut déclencher un reflux gastro-
Elle est due à l’invagination intragastrique du jéjunum ou à œsophagien bilieux agressif : il peut s’agir d’une gastrectomie
l’invagination intrajéjunale de l’estomac, sous la forme d’un polaire supérieure qui supprime le cardia, mais également d’une

9
40-350 Complications des gastrectomies Techniques chirurgicales

alimentaires. Une fibroscopie permet le plus souvent d’en faire


9 Diversion duodénale
simultanément le diagnostic et le traitement en fragmentant le corps
après anastomose gastro-
duodénale : nouvelle gas- étranger, mais une intervention pour l’évacuer est parfois
trectomie, fermeture du nécessaire [20].
moignon duodénal, réta-
blissement de la continuité [5]
SÉQUELLES DOULOUREUSES
par anastomose gastrojéju-
nale sur une anse en Y et Le syndrome ulcéreux peut récidiver après gastrectomie partielle : on
vagotomie associée. évoque, soit l’ulcère peptique, soit la réactivation d’un ulcère laissé
en place, soit la survenue d’un nouvel ulcère sur le moignon
gastrique. Si le traitement médical ne suffit pas, on peut être conduit
à proposer une dégastrogastrectomie.
Les brûlures postprandiales dévoilent une gastrite du moignon ou
« gastrite bilieuse », une stomite ou une jéjunite d’origine infectieuse
qui est localisée indifféremment sur l’une des deux anses
anastomotiques. L’endoscopie fait le diagnostic. Le traitement est
médical.
Le pyrosis est le signe du reflux gastro-œsophagien postopératoire :
60 cm après gastrectomie polaire inférieure, il provient d’un effacement de
l’angle de His par traction sur le moignon gastrique ou de
l’aggravation d’un reflux ancien.
40 cm Après gastrectomie polaire supérieure, il est constant du fait de la
suppression du cardia. Le traitement médical de l’œsophagite suffit
en général. Ce n’est qu’en cas d’échec qu’on peut proposer une
diversion duodénale : transformation de la gastro-entéroanastomose
en une gastrojéjunostomie sur anse en Y (fig 10).

AUTRES TROUBLES FONCTIONNELS

¶ « Dumping syndrome »
La fréquence de ce syndrome est variable : de 2 à 88 % selon que les
vagotomie-antrectomie, dont le temps hiatal endommage toujours troubles frustes et transitoires sont ou non inclus [2]. Il se voit plus
l’appareil sphinctérien inférieur de l’œsophage. Il est donc souvent après anastomose gastrojéjunale. Il comprend deux entités.
indispensable de refermer l’hiatus et de reconstruire l’angle de His
après vagotomie-antrectomie. – Le syndrome postprandial précoce survient aussitôt après le repas
Cette œsophagite peptique a pour caractéristiques d’être précoce, (5 minutes à 1 heure). Le malade ressent une impression de faiblesse
aiguë et grave, et de se traduire volontiers par des hématémèses. La qui l’oblige à s’étendre avec une sensation de chaleur, de plénitude
gastroscopie découvre des lésions ulcérées. Le risque est l’évolution gastrique, avec ballonnement et une rougeur du visage. Il existe
vers une sténose peptique qui peut nécessiter une réintervention. souvent une tachycardie et une hypotension associées. Dans les
Celle-ci peut être une simple réfection de l’hiatus ou, pour des tableaux sévères apparaissent des nausées et des vomissements,
raisons techniques (hiatus déjà abordé), on peut lui préférer une parfois des coliques intestinales avec diarrhée. De nombreuses
« diversion duodénale » (fig 9). théories ont été invoquées : l’arrivée massive dans l’anse efférente
d’aliments non préparés par une digestion gastrique entraîne du fait
Néanmoins, le traitement médical suffit le plus souvent : pansements de leur hyperosmolarité un appel de liquides au niveau de l’intestin
gastriques, soins posturaux et suppression de la sonde et provoque une chute du volume plasmatique. D’autres hypothèses
nasogastrique. ont été avancées, comme la sécrétion de sérotonine déclenchée par
l’arrivée des aliments qui entraîne un véritable flush.
¶ Dysfonctionnement de la bouche anastomotique
– Le syndrome postprandial tardif survient 2 à 3 heures environ après
La sténose cicatricielle tardive est rare et s’observe surtout après la le repas et est calmé par la prise d’aliments. Il s’agit d’une
réalisation d’une anastomose gastroduodénale mécanique lipothymie avec sueurs. Dans quelques cas, le tableau, sévère, est
(principalement après utilisation d’une pince à anastomose circulaire fait de tremblements, de confusion mentale, et peut conduire à une
de calibre insuffisant) [7]. perte de connaissance. Le syndrome tardif est en rapport avec une
hypoglycémie : l’absorption rapide des sucres au niveau de l’anse
efférente entraîne une hypersécrétion insulinique et une
SYNDROME DU « PETIT ESTOMAC » hypoglycémie secondaire importante.
Il s’observe après gastrectomie polaire inférieure étendue ; il est dû L’évolution est en général régressive, mais impose parfois une
à l’atonie et à la réduction de volume du réservoir gastrique. Il se reprise chirurgicale pour réaliser une interposition jéjunale, qui peut
traduit par une sensation de plénitude gastrique douloureuse améliorer le transit et diminuer les troubles. Le plus souvent, un
pendant le repas. Des vomissements alimentaires libérateurs suivi diététique permet l’amendement de ces symptômes.
soulagent ensuite le malade. L’évolution se fait spontanément vers
la guérison à l’aide de quelques conseils hygiénodiététiques simples ¶ Diarrhées
et de produits antiémétisants (Motiliumt). Le traitement chirurgical
Elles sont aspécifiques et suivent une gastrectomie partielle dans 5 à
possible est l’interposition d’une anse jéjunale.
20 % des cas. Le diagnostic est uniquement clinique. Elles sont
traitées par des règles hygiénodiététiques.
BÉZOARD
Un bézoard peut provoquer l’obstruction de l’anastomose, surtout Techniques chirurgicales
si la bouche est étroite (Péan ou Finsterer) ; il est souvent le corollaire
d’une gastroplégie chronique (vagotomie associée). Il se traduit par La décision de réaliser une reprise chirurgicale après une
des ballonnements épigastriques suivis de vomissements gastrectomie partielle n’est jamais anodine. Il faut définir

10
Techniques chirurgicales Complications des gastrectomies 40-350

10 Diversion duodénale après anastomose gastro-


jéjunale.
A. Section de l’anse afférente.
B. Rétablissement de la continuité par anastomose
jéjunojéjunale en Y à 60 cm et vagotomie associée.

60 cm

*
A

*
B

précisément la stratégie opératoire avant l’intervention, afin de INTERVENTIONS APRÈS GASTRECTOMIE


déterminer les réparations envisagées, dans l’unique objectif SELON POLYA OU FINSTERER (BILLROTH II)
d’améliorer le confort du patient [20]. Le bilan préopératoire impose
de prendre connaissance des gestes antérieurement réalisés, de ¶ Dégastrogastrectomie partielle ou gastrectomie
définir avec autant de précision que possible l’origine des troubles itérative
du patient, afin de proposer une solution thérapeutique simple et Il s’agit d’interventions reprenant l’ancienne dissection de l’estomac
réalisable. Nous ignorons volontairement nombre de procédés de façon à en réséquer un segment complémentaire, puis de rétablir
décrits qui, outre leur complexité, ne nous semblent plus de mise la continuité par un nouveau montage anatomique. Elle est utilisée
aujourd’hui : ce sont en particulier les procédés d’agrandissement pour corriger les erreurs de montage, les troubles du transit, les
gastrique et les remises en circuit complexes du moignon duodénal, sténoses anastomotiques, les syndromes obstructifs de l’anse
dont la dissection est toujours laborieuse et risquée. En cas afférente ou efférente.
d’ignorance des antécédents, une exploration préopératoire
rigoureuse (scintigraphie gastrique [20], transit œso-gastro-duodénal ¶ Interventions de reconversion
ou jéjunal, scanner, reconstruction 3D…) et une aide peropératoire
par endoscopie peuvent s’avérer utiles pour débrouiller des Le principe est de remettre en circuit le cadre duodénal : on espère
situations anatomiques qui semblent parfois inextricables en raison ainsi corriger un désordre nutritionnel grave et rebelle au traitement
des importantes adhérences postopératoires sus-mésocoliques. La médical ; toutefois, cette réintervention doit rester exceptionnelle
dissection doit être lente et prudente, en particulier au contact des après gastrectomie pour ulcère et être proscrite après chirurgie du
éléments du pédicule hépatique. Dans la majorité des cas, on tente cancer.
de réaliser ou de refaire une anastomose gastrojéjunale, montage La remise en circuit du duodénum après gastrectomie polaire
simple qui donne souvent d’excellents résultats. En cas de nécessité, inférieure comme le préconisait Henley (interposition d’une anse
une remise en continuité du circuit digestif est réalisée, surtout pour grêle entre le moignon gastrique et le duodénum) complique
la prise en charge des troubles fonctionnels. singulièrement l’intervention et il faut, si l’intervention de Péan est
impossible, réaliser sans hésiter une gastrojéjunostomie
conventionnelle.
INTERVENTIONS APRÈS GASTRECTOMIE Ces interventions de reconversion peuvent être réalisées de deux
SELON PÉAN (BILLROTH I) façons : en supprimant ou en conservant l’anastomose
gastrojéjunale.
Les complications d’une gastrectomie selon Péan peuvent être une
sténose duodénale anastomotique, la récidive de la maladie Suppression de l’anastomose gastrojéjunale
ulcéreuse au contact ou à proximité de l’anastomose, ou des troubles La reconversion directe consiste en la transformation d’un montage
fonctionnels majeurs. La meilleure solution consiste à reprendre la selon Polya en un montage selon Péan. L’intervention débute par la
gastrectomie selon Péan et à la transformer en une gastrectomie libération de la bouche anastomotique entre l’anse montée et
selon Polya [2]. Les principes de l’intervention sont les mêmes que l’estomac. Les deux pieds de l’anse jéjunale sont sectionnés.
ceux d’une intervention primaire. Toutefois, la dissection de la zone L’extrémité de l’anse afférente au niveau de la petite courbure est
de l’anastomose gastroduodénale est risquée en raison de la refermée par un surjet. L’extrémité de l’anse efférente au niveau de
proximité du pédicule hépatique. Dans ce cas, le geste est complété la grande courbure est mobilisée pour venir s’anastomoser au
par une vagotomie tronculaire si elle n’a pas encore été effectuée deuxième duodénum. Le rétablissement de la continuité intestinale
(fig 11). implique une gastrolyse pour libérer le moignon gastrique en

11
40-350 Complications des gastrectomies Techniques chirurgicales

11 Gastrectomie selon Péan (A)


transformée en gastrectomie selon Polya
(B) : la dissection de la zone de l’anasto-
mose gastroduodénale est risquée en rai-
son de la proximité du pédicule hépati-
que. Le geste est complété par une
vagotomie tronculaire.

*
A

*
B

12 Reconversion directe : transformation d’un mon-


tage selon Polya en un montage selon Péan.
A. Libération de la bouche anastomotique entre
l’anse montée et l’estomac, et section des deux
pieds de l’anse jéjunale.
B. Fermeture de l’anse afférente au niveau de la pe-
tite courbure par un surjet. Une gastrolyse est ef-
fectuée pour libérer le moignon gastrique et per-
mettre sa bascule vers le duodénum. L’extrémité
de l’anse efférente au niveau de la grande courbure
va venir s’anastomoser au deuxième duodénum.
L’anastomose jéjunojénunale réunissant l’extré-
mité libre de l’anse efférente à celle de l’anse affé-
rente, rétablissant ainsi un circuit physiologique
du jéjunum, est réalisée d’emblée.

*
A

*
B

disséquant surtout la grande courbure, puis une dissection du et l’anse est supprimée. L’estomac est refermé par un surjet ou par
moignon duodénal qui est anastomosé sur le moignon gastrique. agrafage à la pince à suture linéaire. L’anse isolée est anastomosée
L’extrémité libre de l’anse efférente est anastomosée à celle de l’anse entre l’estomac et le moignon duodénal, en terminal au niveau de
afférente, rétablissant ainsi un circuit physiologique du jéjunum. l’anse libre, et en latéral au niveau de l’estomac et du duodénum.
Cette procédure nous semble trop risquée dans le contexte de la L’extrémité libre de l’anse efférente est anastomosée à celle de l’anse
reprise chirurgicale (fig 12). afférente, rétablissant ainsi un circuit physiologique du jéjunum.
La reconversion indirecte (Henley) consiste à isoler un segment Cette procédure nous semble là encore trop risquée lors d’une
intestinal que l’on interpose entre le moignon duodénal et le reprise chirurgicale : les adhérences et la difficulté d’isoler une anse
moignon gastrique. Les deux pieds de l’anse jéjunale sont sectionnés libre exposent à un risque de nécrose de l’anse (fig 13).

12
Techniques chirurgicales Complications des gastrectomies 40-350

initiale est presque toujours un ulcère duodénal (96 %). Le délai


13 Reconversion indi-
d’apparition de l’ulcère peptique est très variable : 4 ans en
recte : isolement d’un seg-
ment intestinal que l’on in- moyenne. Il est marqué par une douleur vive siégeant à gauche avec
terpose entre le moignon irradiation postérieure. Il se complique d’hémorragies dans 50 % des
duodénal et le moignon gas- cas, de perforation en péritoine libre ou dans le côlon, et réalise alors
trique, en terminal au ni- une fistule gastro-jéjuno-colique.
veau de l’anse libre, et en la-
téral au niveau de l’estomac La cause principale de l’ulcère peptique serait la persistance d’une
et du duodénum. hyperacidité gastrique qui peut se manifester dans différentes
conditions [10] :
– insuffisance de l’exérèse gastrique ; lors d’un geste chirurgical
pour ulcère, une gastrectomie trop courte a été réalisée, laissant une
grande surface de muqueuse antrale où la gastrectomie a conservé
la muqueuse antropylorique ;
– persistance d’une hypersécrétion d’origine vagale que l’exérèse
gastrique n’a pas corrigée, en l’absence ou en cas de vagotomie
incomplète ;
– absence du tamponnement biliopancréatique sur la sécrétion
acide ; l’arrivée de suc gastrique acide se fait sur une muqueuse
jéjunale dont la résistance à l’acidité est diminuée par la suppression
du flux alcalin biliopancréatique ; c’est le cas des anastomoses
gastrojéjunales avec anse en Y ou avec une anastomose
jéjunojéjunale au pied de l’anse (la fréquence des ulcères peptiques
après ces montages entraîne leur condamnation) ;
– un syndrome de Zollinger-Ellison doit toujours être évoqué
Conservation de l’anastomose gastrojéjunale devant un ulcère peptique ; on doit penser à ce syndrome devant
des ulcères multiples, récidivés ou de siège atypique, avec une
L’objectif de ce montage est de transposer l’anse efférente sur le hypersécrétion et une hyperacidité gastrique considérables.
duodénum (fig 14). Ce procédé consiste :
Le traitement de l’ulcère peptique réside dans le traitement de sa
– à libérer la bouche anastomotique par voie sous-mésocolique cause, c’est-à-dire l’hyperacidité gastrique :
(fig 14A, B), de gauche à droite, en suivant et en disséquant
– si l’exérèse gastrique initiale est correcte, on peut parfois se
progressivement l’anse jéjunale, puis l’estomac (fig 14C) ;
contenter d’une vagotomie par voie abdominale ou par voie
– à disséquer le moignon duodénal succinctement ; thoracique ; en fait, une épreuve thérapeutique par des inhibiteurs
– à sectionner l’anse afférente, en refermant le côté gastrique à la de la pompe à protons, après éradication d’Helicobacter pylori est
main ou à la pince à agrafage linéaire ; toujours réalisée ; si elle guérit l’ulcère peptique, aucun geste
chirurgical, ou une simple vagotomie en cas de récidive, ne peut
– à sectionner l’anse efférente 30 à 40 cm en aval de l’anastomose et venir à bout de la maladie ; dans le cas contraire, un geste chirurgical
à la recouper en conservant son méso de sorte qu’elle soit bien de résection est envisagé ;
vascularisée (fig 14D) ;
– si l’on pense que l’exérèse gastrique est insuffisante ou s’il existe
– à rétablir la continuité digestive par anastomose jéjunojéjunale
un volumineux ulcère anastomotique, il faut associer une recoupe
terminoterminale (fig 14E) ;
gastrique à une vagotomie abdominale ; deux techniques sont
– à anastomoser l’anse efférente sur la partie latérale du moignon possibles selon le type d’anastomose de la gastrectomie antérieure.
duodénal (anastomose terminolatérale), ce qui évite d’avoir à
disséquer et à ouvrir le moignon duodénal ; l’anse peut être montée
par voie transmésocolique (fig 14F) ou précolique (fig 14G). ULCÈRE PEPTIQUE SUR ANASTOMOSE
GASTRODUODÉNALE
La section de l’anse efférente n’est toutefois pas indispensable. Si
l’anse efférente est suffisament libre et mobile, elle peut être amenée L’intervention est identique à une gastrectomie pour ulcère
au contact du duodénum, auquel elle est anastomosée en duodénal, avec la particularité d’intervenir sur un foyer opératoire
latérolatéral. En aval de cette anastomose, elle est occluse par une ancien et d’avoir à traiter un ulcère parfois loin situé sur le premier
ligature ou par application d’une pince à agrafage linéaire sans duodénum. Après la recoupe gastrique, il est préférable de ne pas
section (fig 15). L’anse afférente est alors anastomosée en aval de rétablir la continuité par une nouvelle anastomose gastroduodénale
cette interruption, en Y sur l’anse efférente. terminoterminale. On a le choix entre une anastomose gastrojéjunale
L’ensemble de la procédure peut être effectué à l’étage sous- et une anastomose gastroduodénale terminolatérale sur le deuxième
mésocolique : les anses efférente et afférente sont sectionnées sans duodénum, possible grâce à un bon décollement duodéno-
dissection de l’anastomose, le versant gastrique de l’anse afférente pancréatique et à l’abaissement du mésocôlon transverse.
étant refermé au ras de l’estomac (agrafeuse linéaire ou suture
manuelle). La continuité du grêle est rétablie immédiatement. On
ULCÈRE PEPTIQUE SUR ANASTOMOSE
repère ensuite le genu inferius en sous-mésocolique et on incise le
GASTROJÉJUNALE : DÉGASTROGASTRECTOMIE
péritoine en avant du deuxième duodénum : on libère ainsi sa face
antérieure et on y implante l’anse efférente (fig 16). La dégastrogastrectomie représente la chirurgie du traitement de
l’ulcère peptique. L’intervention consiste en une nouvelle
gastrectomie partielle emportant la portion de grêle anastomotique
Traitement de l’ulcère peptique (fig 17).
Le malade bénéficie d’une préparation colique systématique, en
On appelle ainsi l’ulcère survenant dans les suites d’une raison des risques de perforation colique et parfois des impératifs
gastrectomie sur le versant duodénal ou jéjunal de l’anastomose. Il de résection colique associés. On repasse habituellement par la
survient dans 1 à 2 % des gastrectomies pour ulcère [7]. La lésion cicatrice de l’incision précédente, en dépassant l’ombilic vers le bas.

13
40-350 Complications des gastrectomies Techniques chirurgicales

14 A. Reconversion avec conservation de l’anastomose


gastrojéjunale.
B. Restauration du circuit digestif physiologique.
C. Libération de la bouche anastomotique par voie
sous-mésocolique, de gauche à droite en suivant et en
disséquant progressivement l’anse jéjunale, puis l’es-
tomac.
D. Section de l’anse afférente et de l’anse efférente.

*
A

*
B

*
C
*
D

Le premier temps comprend la dissection des adhérences parfois région constitue un bloc inflammatoire et œdémateux. Il faut alors
importantes : il faut libérer le côlon transverse, le bord antérieur et mener la dissection en contrôlant le mésocôlon par ses deux faces,
la face inférieure du foie. Après exploration des lésions, la vagotomie en menant la dissection au bistouri ou aux ciseaux, éventuellement
(fig 17A) est effectuée, en s’aidant au besoin d’un rétracteur costal. bipolaires. Souvent l’ulcère est ouvert dans le mésocôlon ; il ne faut
Puis l’ulcère peptique est disséqué. En soulevant le côlon et en pas chercher à l’enlever, mais ouvrir l’ulcération et s’aider du doigt
exposant sa face inférieure, on commence la mobilisation de l’anse dans la lumière anastomotique pour sectionner les attaches au ras
anastomotique. On libère les deux pieds de cette anse et, par une de l’estomac. Une fois la brèche mésocolique libérée, la suite de
traction légère et constante, on pédiculise l’anastomose (fig 17B). Il l’intervention est plus simple. On examine l’importance de la lésion
est utile à ce moment de passer un lacs autour de l’anastomose, ce ulcéreuse : si l’ulcération est étendue sur le grêle, il faut faire une
qui permet de bien l’exposer. On sépare ensuite l’anastomose de la résection en passant à distance des lésions et en restant au ras du
brèche mésocolique en restant au ras de l’estomac. Le danger de ce mésentère. La continuité digestive est rétablie d’emblée par la
temps est la blessure de l’arcade colique. Cette libération est facile si confection d’une anastomose jéjunojéjunale terminoterminale
l’ulcère est petit, sans réaction inflammatoire, mais souvent cette (fig 17C).

14
Techniques chirurgicales Complications des gastrectomies 40-350

*
E *
F

14 (suite) E. Rétablissement de la continuité digestive par anastomose jéjunojéjunale ter-


minoterminale et anastomose de l’anse efférente sur la partie latérale du moignon duo-
dénal (anastomose terminolatérale).
F. Anse montée par voie transmésocolique.
G. Anse montée par voie précolique.

*
G

Le moignon gastrique, avec l’anse anastomotique réséquée, est attiré nouvel orifice mésocolique, car la brèche mésocolique antérieure est
dans l’étage sus-mésocolique. L’estomac est libéré des plans le siège de phénomènes inflammatoires risquant d’aboutir à une
postérieurs, la grande et la petite courbure dégagées jusqu’à la sténose de la bouche si elle est à nouveau utilisée. Elle est ensuite
hauteur désirée de la nouvelle section gastrique. La section gastrique refermée (fig 17D).
est effectuée selon la méthode habituelle (cf gastrectomie partielle
inférieure). La continuité est rétablie par anastomose gastrojéjunale,
en faisant monter une anse grêle située en général à une dizaine de RISQUE OPÉRATOIRE
centimètres en aval de l’anastomose jéjunojéjunale. Si la distance Au cours de la libération de l’anastomose, et surtout s’il existe un
séparant l’angle duodénojéjunal de la jéjunorraphie est volumineux ulcère remaniant la région, il y a un risque de blessure
anormalement longue, l’anastomose gastrojéjunale est faite en amont de l’arcade vasculaire du côlon transverse. La dissection doit être
de cette dernière. Il est préférable de faire passer l’anse à travers un menée par l’intérieur de la bouche anastomotique, en laissant le fond

15
40-350 Complications des gastrectomies Techniques chirurgicales

*
A

*
B *
C

15 Reconversion avec conservation de l’anastomose gastrojéjunale sans section de l’anse efférente.


A. Section de l’anse afférente.
B. L’anse efférente est amenée au contact du duodénum, auquel elle est anastomosée en latérolatéral. En aval de cette anastomose, elle est occluse.
C. L’anse afférente est anastomosée en aval de l’interruption, en Y sur l’anse efférente.

*
A
*
B
16 Reconversion effectuée en sous-mésocolique. B. On repère le genu inferius en sous-mésocolique et on incise le péritoine en avant
A. Les anses efférente et afférente sont sectionnées sans dissection de l’anasto- du deuxième duodénum : on libère ainsi sa face antérieure et on y implante l’anse
mose, en sous-mésocolique. efférente.

de l’ulcère dans le mésocôlon. Si une plaie de cette arcade survient TECHNIQUES CHIRURGICALES APPLICABLES
au cours de la dissection, il peut être nécessaire de pratiquer une AUX COMPLICATIONS DES ULCÈRES PEPTIQUES
résection colique segmentaire, d’où l’intérêt de réaliser une Deux complications révèlent volontiers l’ulcère peptique :
préparation colique systématique. l’hémorragie et la perforation.

16
Techniques chirurgicales Complications des gastrectomies 40-350

*
A
*
B

*
D

*
C

17 Gastrectomie itérative pour ulcère peptique après anastomose gastrojéjunale : C. La continuité digestive est rétablie d’emblée par la confection d’une anastomose
résection en « monobloc » de l’ulcère, de l’estomac et de la partie anastomotique du jéjunojéjunale terminoterminale.
jéjunum. D. Le moignon gastrique, avec l’anse anastomotique réséquée, est replacé à l’étage
A. Vagotomie. sus-mésocolique. L’estomac est libéré et la section gastrique est effectuée en em-
B. L’ulcère peptique est disséqué avec mobilisation de l’anse anastomotique : il portant le segment grêle attenant, puis la continuité est rétablie par anastomose
est utile de passer un lacs autour de l’anastomose, ce qui permet de bien gastrojéjunale en faisant monter une anse grêle située à une dizaine de centimè-
l’exposer. tres en aval de l’anastomose jéjunojéjunale.

¶ Ulcère peptique hémorragique


si l’ulcère est fissuré dans l’arcade de Riolan, la solution est
Lorsque la cause de l’hémorragie est l’érosion d’une artériole chirurgicale, car l’hémorragie risque d’être rapidement incontrôlable.
jéjunale, le traitement médical est en général efficace. En revanche, L’artériographie mésentérique confirme l’extravasation du produit

17
40-350 Complications des gastrectomies Techniques chirurgicales

*
B
*
A

18 Traitement d’une fistule gastro-jéjuno-colique sur ulcère peptique en un temps. B. Duodénojéjunostomie, anastomose colique terminoterminale, nouvelle gastrojéju-
A. Section des pieds de l’anse, colectomie segmentaire, recoupe gastrique. nostomie précolique.

de contraste. Il ne faut pas emboliser l’artère colique moyenne (colica • Dérivation externe préalable
media) en raison du risque de nécrose colique. Le traitement est la La réalisation d’une colostomie « de proche amont » semble la
dégastrogastrectomie ou la gastrectomie itérative, et surtout méthode la plus simple : elle permet d’attendre une amélioration de
l’hémostase chirurgicale de l’arcade colique, qui impose souvent une l’état général avec guérison de l’inflammation jéjunale et ne coupe
colectomie transverse de nécessité. aucun pont pour une intervention ultérieure (fig 19A, B). En cas de
¶ Ulcère peptique perforé perforation d’un ulcère en péritoine libre, donnant un syndrome de
péritonite, une intervention s’impose. Il faut dans ce cas réaliser un
La perforation peut être couverte et se faire dans la lumière colique : geste a minima (suture simple, gastrostomie de décharge…)
c’est la fistule gastro-jéjuno-colique. L’ulcère est souvent calleux, permettant d’attendre une amélioration de l’état général, avant
térébrant le mésocôlon qu’il rétracte ; le montage initial est presque d’envisager une dégastrogastrectomie qui s’impose.
toujours transmésocolique. Le diagnostic se pose devant un
syndrome diarrhéique avec amaigrissement, associé à des Dans tous les cas de perforation d’ulcère peptique, il est souhaitable
vomissements fécaloïdes et à une odeur fétide de l’haleine. Le de compléter le geste chirurgical par une jéjunostomie
lavement opaque visualise mieux la fistule que le transit. Selon le d’alimentation : elle permet une réalimentation entérale précoce,
degré d’urgence et la qualité de la préparation colique, l’intervention gage d’une cicatrisation accélérée et d’une amélioration rapide de
sera menée en un ou plusieurs temps. l’état nutritionnel.

Intervention idéale en un temps ¶ Place de la vagotomie dans le traitement des ulcères


L’incision médiane est reprise, les adhérences sont sectionnées, puis peptiques compliqués
l’anse jéjunale est libérée. Ses deux pieds sont sectionnés et
La vagotomie peut être le premier temps du traitement d’un ulcère
immédiatement réanastomosés. Souvent, la fistule siège au sein d’un
peptique hémorragique et il serait logique de la réaliser par voie
véritable « cal ulcéreux » et la résection est conduite en
thoracique. Elle peut être un complément du traitement chirurgical
« monobloc ». Elle est facilitée par l’utilisation des pinces
direct de la complication. Indispensable en cas de
mécaniques qui diminuent les temps septiques : les deux extrémités
dégastrogastrectomie pour ulcère peptique hémorragique, la
coliques sont sectionnées à la pince à section-anastomose
vagotomie tronculaire par voie abdominale peut être conseillée
longitudinale et réanastomosées ensuite (suture manuelle ou
également en cas de reprise pour péritonite par perforation d’ulcère :
triangulation mécanique à la pince à agrafage linéaire). La recoupe
les risques d’inoculation de l’hiatus et du médiastin sont sans doute
gastrique est facilement effectuée par application d’une pince à
plus théoriques que réels. Mais elle peut toujours, chez des malades
agrafage linéaire de 90 mm. La nouvelle gastrojéjunostomie
à haut risque, être réalisée secondairement par une courte
précolique ou sous-mésocolique peut être confectionnée selon une
thoracotomie gauche.
suture manuelle ou mécanique (fig 18A, B).
Intervention en plusieurs temps
Divers procédés ont été décrits ; ils visent tous à ne pas faire subir Cancer sur moignon gastrique
une intervention trop lourde à un malade dénutri et infecté.
La survenue d’un cancer sur le moignon gastrique est définie
• Dérivations internes comme un cancer développé sur le moignon gastrique plus de 5 ans
Les dérivations internes ont pour but d’exclure le transit colique de après une résection pour pathologie bénigne. Le délai habituel de
la fistule : iléocolostomie, iléosigmoïdostomie, colectomie partielle survenue est plus proche de 30 ans [19]. Classique, il complique de
avec rétablissement immédiat de la continuité ; elles sont peu 2,4 à 5 % des gastrectomies ou des gastroentéroanastomoses [17]. Sur
utilisées. le plan physiopathologique, on ne peut déterminer avec précision

18
Techniques chirurgicales Complications des gastrectomies 40-350

*
B

*
A

19 Traitement en deux temps d’une fistule gastro-jéjuno-colique. B. Cure radicale avec résection de la colostomie.
A. Colostomie de proche amont.

s’il s’agit d’un cancer du jéjunum lié à l’agression acide de l’estomac l’opérabilité : échographie hépatique à la recherche de métastases ;
ou s’il s’agit d’un cancer de l’estomac lié à l’agression par les sucs tomodensitométrie pour explorer la région cœliaque et les
biliaires et pancréatiques. En tout état de cause, son pronostic est connexions de la tumeur avec les viscères de l’étage sus-mésocolique
sombre. Son traitement fait appel aux techniques des gastrectomies et les gros vaisseaux. Le traitement chirurgical, quand il est possible,
habituelles. est la totalisation de la gastrectomie, avec splénectomie le plus
Rare, la cancérisation du moignon gastrique est grave, avec un souvent et parfois élargissement de nécessité au pancréas ou au
envahissement des organes de voisinage dans 40 à 50 % des cas [17]. côlon, voire au lobe gauche du foie. Le rétablissement de la
Son diagnostic est souvent retardé, car le tableau est trompeur. Les continuité est assuré par une anastomose œsojéjunale sur anse en Y.
signes d’appel sont variables : dyspepsie récente, baisse de l’état Toutefois, ce cancer reste particulièrement grave et il n’est pas établi
général, plus rarement dysphagie. Le diagnostic repose sur qu’un traitement agressif avec curage large soit bénéfique en termes
l’endoscopie avec biopsies ; le bilan d’extension permet d’apprécier de survie [11].

Références
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