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Réception des retraitants

Mes chers Messieurs, permettez-moi, en tant que Directeur de la Retraite, de vous


souhaiter une cordiale bienvenue. Soyez ici comme chez vous, dans cette maison si
accueillante !
Vous avez quitté vos familles, vos affaires, vos soucis, certains pour retrouver dans le
calme et la solitude la possibilité d'un renouveau spirituel, d'autres, qui viennent pour la
première fois, pour affronter cette chose inconnue d'eux et qu'ils appréhendent peut-
être: la retraite fermée, une retraite de cinq jours ! … Mais rassurez-vous… Dieu ne
vous a pas tendu un piège en vous appelant ici … Non ! C'est au contraire une très
grande grâce qu'Il vous accorde là…
Oui, la retraite est une très grande grâce; et parce que vous êtes venus ou revenus faire
les exercices, toute votre vie (si vous les faites bien) en sera transformée. Et non
seulement la vôtre, mais celles de votre femme, de vos enfants et aussi peut-être de gens
que vous aurez l'occasion de fréquenter !
Eh bien, nous allons d'ores et déjà en remercier le Seigneur et Le supplier qu'Il veuille
bien nous assister durant ces exercices, car il y a Quelqu'un, mes chers Messieurs,
Quelqu'un qui sera le véritable directeur de la retraite : ce sera l'Esprit-Saint…, le Saint-
Esprit ! Nous ne commencerons d'ailleurs aucun exercice sans Lui demander son aide !
Veuillez prendre votre livre à la page 331 où se trouve la prière du "VENI CREATOR
SPIRITUS" par laquelle nous implorons, au début de cette retraite, l'assistance du Saint-
Esprit. La première strophe se chante à genoux, les autres debout.
"VENI CREATOR SPIRITUS"…
Après l'oraison:
Vous savez aussi, mes chers Messieurs, que toutes les grâces nous sont données par
l'intermédiaire de la très Sainte Vierge, la médiatrice de toutes grâces, et que nous ne
saurions faire une bonne retraite sans la prier ardemment, sans lui demander qu'elle
intervienne auprès de son divin Fils pour nous obtenir de nombreuses grâces de lumière.
Saluons-la, elle aussi, par le chant du "SALVE REGINA", page 69.
Après l'oraison:
Mes chers Messieurs, veuillez vous asseoir quelques minutes. Je ne vous retiendrai pas
longtemps, puisque c'est l'heure du déjeuner.
Je vous disais tout à l'heure que la retraite était une très grande grâce qui vous était
faite. Mais elle ne peut en être une qu'à la condition que vous le vouliez vous-mêmes,
c'est-à-dire que vous fassiez votre retraite avec générosité, avec ponctualité, avec un
grand désir de plaire à Dieu. S'il en est ainsi les conséquences en seront incalculables,
croyez-moi !
On dit qu'après sa retraite, Saint FRANÇOIS XAVIER a converti plus d'un million
d'âmes…
- Que Saint FRANÇOIS de SALES est devenu le grand saint que l'on sait après avoir
fait les exercices;
- Saint VINCENT DE PAUL était un bon prêtre, oui, mais il n'est devenu le grand Saint
Vincent de Paul, celui qui brûlait de charité, qu'après avoir fait, en 1611, les exercices
de SAINT IGNACE…
- De même Saint CHARLES BORROMÉE qui en fut bouleversé.
Eh bien ! parce que vous n'avez pas hésité à laisser votre femme, vos enfants, vos
occupations, pour vous instruire des choses de Dieu, et parce que vous aurez sacrifié ces
cinq jours, votre vie en sera changée, si paradoxal que cela puisse vous apparaître
maintenant.
Et cela sera grâce à des exercices méthodiques, que vous ferez avec une méthode
d'Église … qui nous donne de ce fait toute sécurité, méthode louée par tous les Papes
depuis Paul III et qui constitue, nous dit PIE XI, ,,le code le plus universel des lois du
salut et de la perfection des âmes !”, reçu par Saint Ignace dans sa fameuse retraite de
Manrèse, comme des mains même de la Mère de Dieu !
Ces exercices constituent aussi, nous dit le même Pape, un ,,aiguillon irrésistible”, à
condition évidemment qu'on les fasse, qu'on s'y donne tout entier ! Pour cela, il ne s'agit
pas d'être un érudit ou un savant: ils sont à la portée de toutes les classes sociales et
s'adaptent à tous, que l'on soit riche, pauvre, savant ou primaire, patron ou ouvrier, tiède
ou fervent, croyant ou incroyant. Tous vous y trouverez grand profit à la condition que
votre volonté, votre bon vouloir tendent à les bien faire !
Mais pour faciliter cette condition, il importe au premier chef que les retraitants
observent le silence…
C'est d'ailleurs la seule obligation que nous imposons et qui doit être suivie de bon
gré… Alors, parole d'honneur ! pas de conversation entre vous, pas de regards
complices… etc.… cela serait non seulement l'échec de votre retraite, mais aussi de
celle de votre interlocuteur. Remarquez, Messieurs, que ce silence extérieur est
rigoureusement exigé pour faciliter le silence intérieur dont on vous reparlera, silence
indispensable pour communiquer avec Dieu. ,,Retraite silencieuse = retraite
merveilleuse !” disait le Père VALLET, ,,ce n'est que dans le silence que l'âme
progresse et peut s'entretenir avec le Seigneur !”
Néanmoins, il reste évident que pour vos besoins matériels vous pouvez vous adresser
au frère. De même, pour tous vos besoins spirituels, vous aurez fréquemment à
consulter les Pères qui sont là pour vous aider à faire votre retraite dans les meilleures
conditions possibles.
Cela dit, nous allons nous rendre en silence à la salle à manger pour le dîner, mais
auparavant récitons le saint Angélus, page 13 de votre libre bleu.
"L'Ange du Seigneur

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Leçon d'ouverture
Mes chers Messieurs, au travail ! A votre arrivée tout à l'heure, je vous disais que la
retraite, une retraite bien faite, était une grande grâce, et qu'elle aurait des conséquences
extraordinaires si vous la faites avec générosité ! Que vous serez heureux alors d'avoir
vécu cette expérience ! Un retraitant me faisait part dernièrement de ses joies familiales,
il me disait ne bien comprendre sa femme et ses enfants que depuis sa retraite; et c'est
vrai cela, car ces joies prennent alors, pourrait-on dire, comme une dimension
d'éternité ! Oui, parce que le papa aura fait les exercices le nom du Seigneur sera
respecté dans la famille, la voie restera ouverte aux vocations, il aura fait en sorte que
ceux qu'il aime soient sur le chemin de la vertu et de l'amour de Dieu !
Je vous disais aussi que ces exercices sont irrésistibles. Saint Vincent de Paul, lui, les
faisait deux fois par an, ,,une fois pour lui, une fois pour les autres”, disait-il, et il ne
voulait pas qu'on renvoyât quelqu'un faute de place: ,,Prenez ma chambre si vous
voulez, mais qu'il fasse les exercices !” Une autre fois, il se mit à genoux devant un
évêque qui donnait les exercices chez lui, mais n'en suivait pas la méthode apportée par
Notre-Dame à Saint Ignace !”.
C'est pourquoi il est indispensable de suivre point par point cette méthode. Vous ne
venez pas ici faire la retraite du Père Un Tel, non ! … C'est une grosse erreur de
s'attarder aux qualités purement humaines, car cela peut constituer un obstacle au fruit
spirituel que la méditation doit apporter: nous devons au contraire, nous attacher à la
Vérité qui se dégage de la méthode et repenser, ruminer, (si l'on peut ainsi s'exprimer)
cette vérité pendant la méditation, quelle que soit l'éloquence avec laquelle elle nous a
été présentée.
Le Pape PIE XI appelle ce petit livre un code: Pour le code de la route, par exemple, il
faut bien s'y tenir ! et ils ont raison de l'exiger. Pour la sainteté, c'est exactement pareil,
il y a aussi un code et celui-là,. dit encore Pie XI, est le code le plus sage, le plus
universel des lois du salut et de la perfection des âmes ! Des gens pourraient croire que
les exercices sont bons pour les Jésuites, les Bénédictins, les Dominicains, certaines
familles religieuses. Non, non ! Toutes les écoles de spiritualité ont été transformées par
les exercices ! Et c'est vrai qu'à l'expérience ils se sont avérés irrésistibles, mais à une
condition, c'est qu'on les fasse vraiment ! C'est une vérité de La Palisse, bien sûr: si
vous ne les faites pas, ils ne seront pas irrésistibles, vous n'en retirerez pas tout le fruit,
c'est pour cela d'ailleurs que nous ne voulons pas d'enfants ici: Nous faisons un travail
destiné aux hommes et c'est un travail qui leur est personnel.
Nous, les Père, ne sommes là que pour vous apprendre à les faire, je vous expliquerai
comment bientôt. Mais il y a dans les exercices une suite logique qu'il ne faut pas
couper.
Je m'imagine un retraitant qui a acheté son transistor et qui écoute les nouvelles« c'est
fini ! Il manque sa retraite ! Même un peu de bavardage, (ce n'est pourtant pas grave),
eh bien, cela suffit parfois à vous la couper. Ou bien prendre un livre, même un livre de
spiritualité, s'il n'est pas adapté au moment, il vous sort de la retraite ! …
C'est que celle-ci est un rouage délicat: c'est un peu comme une machine où un peu de
graisse coupe le contact, et vous laisse en panne sur la route ! Alors faites les exercices,
mais faites-les bien. Pour cela, je vais vous donner ce que nous appelons les règles du
jeu… afin que vous les suiviez comme il faut et que vous vous y appliquiez.
- Prenez votre livre bleu: jusqu'à la page 331, c'est un livre de prières. Vous y trouverez
beaucoup de bonnes choses que vous pourrez lire dans votre particulier pour votre
édification, mais pas pendant les méditations.
A la page 335: l'horaire. Nous le suivrons en principe et quand il y aura une
modification, nous vous préviendrons. Par exemple aujourd'hui, la méditation qui est
prévue pour quinze heures a lieu à seize heures…
Remarques importantes au bas de la page 336. Je vous prie de les relire au temps libre.
D'abord sur le silence: ,,retraite silencieuse = retraite merveilleuse”. Je vous l'ai déjà dit,
mais le silence extérieur n'est fait que pour favoriser le silence intérieur auquel nous
devons tendre. On peut ne pas prononcer une parole et malgré cela faire marcher son
imagination en éveillant la curiosité de notre esprit dissipé; en conséquence, il faut
éviter les occasions de marcher côte à côte pendant vos temps libres. Dans la mesure du
possible, évitez de vous rencontrer, du moins ceux qui se connaissent… voire même de
vous regarder. Que vos pensées fuient l'imagination et soient uniquement centrées sur le
sujet des méditations en cours ou précédentes.
Quand la cloche sonne, rapprochez-vous du lieu de l'exercice pour être là dès qu'il
commencera: que le frère ne soit pas obligé de courir après vous ! Au premier temps
libre, vous pourrez écrire une carte à votre famille pour les rassurer, mais de grâce,
évitez tout ce que l'imagination vous apportera soit de la ferme, soit de vos amis, soit de
vos affaires !
Pendant la retraite, il faut être tout à Dieu ! Oui, confiez tous vos tracas aux Saints
Anges. Je vous certifie que si vous priez votre Ange gardien, il protégera votre famille
et vos affaires pendant votre absence ! Concentrez vos facultés pour ne penser qu'à la
retraite. C'est peut-être un peu dur au début, mais c'est indispensable. Il faut y arriver !!!
Profitez de vos temps libres pour vous aérer, pour lire dans les livres mis sur la table à
votre disposition: livres de catéchisme, d'apologétique, d'Évangile, etc., vous pouvez
rendre visite au Saint Sacrement à la chapelle, remercier le Seigneur des grâces et des
lumières reçues, en solliciter d'autres, ou encore continuer à penser aux vérités que l'on
vous a déjà proposées. Profitez-en aussi pour consulter un Père. On ne vient pas les voir
pour bavarder, mais pour leur faire part de la marche de votre retraite: si vous avez été
gêné par telle ou telle méditation, si vous avez ressenti quelque consolation, quelque
désolation, etc.… Qu'il puisse aviser et vous conseiller utilement ! … S'il y a du monde
qui attend: frappez quand même à la porte, n'hésitez pas, de telle sorte que le Père
puisse vous fixer, soit vous faire attendre, soit vous faire revenir au prochain temps
libre.
Il n'est pas interdit de fumer, sauf dans la salle à manger et la salle des exercices: dans
votre chambre, oui, mais ne mettez pas pour cela le feu à la literie, n'est-ce pas ?
S'il vous manque quelque chose de matériel, des fournitures, adressez-vous au frère. Il
se fera un plaisir de vous les procurer.
Nous allons maintenant traiter de la méditation. Que ce mot n'intrigue pas deux qui
viennent ici pour la première fois. Tout le monde médite ! Méditer, c'est réfléchir,
approfondir une idée. Nous faisons cela dans tous les domaines de l'activité humaine.
Un ingénieur reçoit l'ordre de lancer un pont sur une rivière: voilà un problème très
pratique, n'est-il pas vrai ? D'abord, pourquoi s'adresse-t-on à lui ? Parce qu'il a fait des
études particulières. Les principes qu'il connaît, les connaissances qu'il possède, il se les
rappelle d'abord par la mémoire. Puis il applique ces principes au problème: Il s'agit de
lancer un pont sur cette rivière, à tel endroit ! Par son intelligence, il fait tous ses
calculs, dessine ses plans sur le papier en appliquant les principes qu'il connaît, puis,
enfin, il entre dans la phase de l'exécution: il commande des matériaux, il commande
des ouvriers: alors, c'est la volonté qui entre en jeu.
Mémoire, intelligence, volonté.
Pour un paysan, c'est pareil: J'ai une campagne; l'année dernière j'y avais telle
plantation; cette année que vais-je y mettre ? etc. Il met sa mémoire en action pour se
rappeler; ensuite, il se dit: ,,Qu'est-ce que cela va me rapporter ? Comment vais-je m'y
prendre ?” C'est l'intelligence qui calcule… Il passe alors à l'exécution, prend son
tracteur, défonce, etc. L'intelligence a décidé et la volonté a pris les moyens.
Vous le voyez: nous faisons constamment cela pour les choses matérielles en faisant
agir les trois puissances de l'âme: - la mémoire qui rappelle les principes se rapportant à
la question; - l'intelligence, qui applique ces principes au problème pour en dégager la
solution; - la volonté enfin qui exécute les décisions qui en résultent. Nous voyons donc
clairement que nous savons très bien méditer sur les affaires matérielles c'est-à-dire
réfléchir. Eh bien, méditer, c'est réfléchir de la même façon dans un domaine
strictement moral et religieux; c'est réfléchir sur les grandes vérités et les problèmes de
la foi; mais cette réflexion, cette méditation comme il convient de l'appeler, nous ne la
faisons pas seul, nous la faisons en présence de Dieu et avec Lui.
Alors on se sert de la mémoire en Lui demandant qu'Il veuille bien nous aider à nous
rappeler et à nous éclairer sur les vérités proposées. Ensuite par l'intelligence, nous en
demandons le pourquoi (et c'est un malheur que les hommes ne cherchent pas
davantage à approfondir ces questions à la lumière de la raison), mais toujours avec
Dieu. Le prophète Jérémie qui vivait six cents ans avant Jésus-Christ, disait déjà: ,,La
terre est désolée de désolation parce que personne ne médite dans son cœur”.
Il faut croire à la raison, mais à la raison éclairée par la Foi et les dons du Saint-Esprit.
Ainsi cette recherche du pourquoi par l'intelligence se fait toujours avec Dieu.
On fait ensuite des actes de volonté: par exemple on tire des conclusions, on fait des
demandes au Seigneur, on le remercie. On peut aussi avoir à Lui demander pardon et à
Lui promettre nos efforts. Les saints appellent la méditation: ,,la respiration de l'âme”:
l'âme respire Dieu.
Mais appliquez-vous à méditer par votre travail personnel, tout d'abord en n'omettant
pas les actes du début:
1. - Présence de Dieu: Dieu est là, présent. Je Lui dois un grand respect, dans mon
attitude d'abord, ensuite dans ma façon de m'entretenir avec Lui. On appelle cela
adoration.
2. - L'oraison préparatoire: Qu'il y ait en moi un grand désir. Messieurs, il faut être des
hommes de grand désir: grand désir d'aimer Dieu, d'être tout à Dieu.
3. - La composition de lieu: généralement Saint Ignace conseille de se représenter la
scène que l'on va méditer. Certains le font d'emblée, d'autres pendant la méditation, c'est
au gré de chacun, mais cette composition aide beaucoup à fixer l'esprit dans un cadre
approprié qui facilite la réflexion et évite à notre esprit d'être la proie de l'imagination
qui le ferait s'évader du sujet.
4. - Enfin et surtout: la grâce à demander. N'oubliez pas que dans ce livre, les
méditations sont appelées exercices et qu'avant toute méditation, il y a une grâce
spéciale à solliciter. Avant de méditer, on doit demander cette grâce à Dieu. Par
exemple, la prochaine méditation est celle qui aura trait au salut: on demandera donc la
grâce de bien comprendre le but de la vie avant de commencer et on peut même insister
et la redemander en cours de méditation.
Ensuite, sur chacun des points, on applique les trois puissances de l'âme: la mémoire,
qui rappelle la vérité et les commentaires qui l'ont accompagnée. Il faut s'attarder
humblement devant Dieu, à la lumière du Saint-Esprit, sur ces vérités très saintes et
bien s'en pénétrer pour voir plus clair en soi-même.
Quand, par exemple, on se trouve dans une grotte plongée dans les ténèbres, au
commencement on n'y voit goutte, ce n'est qu'après s'y être attardé qu'on devine là un
escalier, là un couloir, etc.
Attardez-vous… Par votre intelligence, voyez le pourquoi, les raisons… Tirez les
conclusions !
Si tout étant bien examiné, vous êtes bien d'accord; si, jusqu'à présent vous étiez sur la
bonne voie; en demandant au Saint-Esprit de vous aider… enfin, vous ouvrir à la prière,
aux inspirations; faire des demandes, des remerciements, des promesses, mais toujours
avec Dieu.
Ensuite, au second point, on recommence de même: mémoire, intelligence, volonté !
Voyons maintenant, page 337, la manière de faire l'examen de sa méditation. Après
chaque méditation, qu'il n'y ait pas de confusion: on sonnera deux fois deux petits
coups: - ding, ding - ding, ding. Il ne faut pas sortir de sa chambre à ce moment-là.
Certains en effet se trompent et la quittent avant le moment voulu, ce qui peut gêner les
autres et les inciter à sortir aussi; donc, attention !
A ces petits coups, cessez la méditation et mettez-vous à votre table pour faire un peu
d'examen et prendre quelques notes en repassant votre méditation à l'aide du
questionnaire de la page 337. Si vous avez eu quelque négligence, vous en demandez
pardon au Bon Dieu; si, au contraire, elle a été fructueuse, remerciez-Le de vous avoir
accordé cette grâce.
A la page 339 vous avez la prière "Âme de Jésus-Christ" ainsi que celle de Saint Ignace
récitées généralement après le colloque de chaque méditation.
A la page 340, nous avons les règles du jeu en annotations qui vous permettront de
mieux comprendre et de mieux faire votre retraite. Je vais vous les commenter, mais
auparavant, il serait bon de voir le pourquoi des exercices.
Saint Ignace nous le dit à la page 348: ,,Exercices spirituels… pour se vaincre soi-
même… et pour ordonner sa vie sans se déterminer sous l'effet d'aucun amour
désordonné”.
Voilà donc le but des exercices.
Nous, hommes, ne manquons pas d'amour, mais, très facilement, nos amours sont pleins
de désordres. L'orgueil n'est pas un manque d'amour, l'avarice non plus, ni la luxure, la
colère, la paresse, l'envie: ces passions ne sont pas des manques d'amour ! Prenez
l'orgueil: quelle est sa définition ? "amour désordonné de soi-même". De même la
gourmandise n'est pas un manque d'amour ! Tout au contraire, et c'est très visible, c'est
un très grand amour… pour la nourriture… ou pour la boisson ! Ce sont des désordres
dans nos amours.
Saint Ignace nous fait faire ces exercices pourquoi ? pour nous vaincre !…
Généralement on fait des exercices pour vaincre les autres: dans les stades, les
vélodromes, les casernes, on fait des exercices pour cela, vaincre, gagner, être le
premier !
Ici, nous allons faire des exercices pour nous vaincre nous-mêmes ! C'est cela la grande
victoire ! se vaincre soi-même !
Et comment ? … En mettant de l'ordre dans nos amours, en réglant notre vie sans
jamais nous laisser commander par nos amours, par nos passions ! C'est magnifique
comme programme, n'est-ce pas vrai ? … Une machine à laver déréglée … au lieu de
vous laver le linge, elle vous le coupe en petits morceaux… c'est intéressant comme
spectacle ! … De même les hommes: très facilement ils se dérèglent en laissant
introduire du désordre dans leurs amours; ils ne sont plus à même alors, de conduire, de
vivre leur vie dans l'ordre voulu par le Créateur …
Il y a désordre aussi lorsque la volonté se complaît dans des amours dont la hiérarchie
n'est pas respectée. Par exemple, on peut préférer les carottes et aimer le bon vin: ce
n'est pas défendu ! Toutefois, il ne faut pas aimer les carottes plus que sa femme, quand
même ! … Ni aimer le bon vin plus que Dieu !
Ce qu'il faut, voyez-vous, est au fond très simple: c'est obéir à Dieu dans l'usage du bon
vin, dans l'usage de toute chose ! … Oui, voilà pourquoi nous faisons les exercices:
pour éliminer de nos attachements, de nos amours, tout ce qui est irrationnel et nous
empêche de vivre selon l'ordre voulu par Dieu.
Dans ce que nous appelons les règles du jeu (page 340), Saint Ignace le dit bien:

1ère Annotation:
Qu'est-ce que vous venez faire ici ? Eh bien, vous venez faire du sport. - Mais quel
sport ? - de la natation, du vol à voile, du ski ? non ! mais des exercices spirituels: un
sport pour l'âme.
,,De même que marcher, courir, sont des exercices corporels, de même les différents
modes de préparer et de disposer l'âme à se défaire de ses attachements désordonnés en
vue de son salut, et, après les avoir enlevés, à chercher et trouver la volonté de Dieu,
s'appellent exercices spirituels”.
Sport le plus noble, le plus enrichissant, le sport de l'âme ! C'est ce que nous allons
faire: un sport spirituel. A certains, cela pourra paraître dur, mais n'ayez aucune crainte,
nous le ferons avec l'aide de notre bonne Mère du Ciel.
Saint Ignace veut déjà nous proposer le but à atteindre: nous allons régler notre vie en
vue du salut, du salut éternel…
Pourquoi sommes-nous là sur la terre ? Voilà… voilà le problème ! Que nous soyons
croyant ou incroyant, qu'est-ce qu'il y a après la vie ? Pourquoi suis-je ici, sur la terre ?
Que de gens courent par le monde sans savoir où ils vont, sans connaître le but de leur
vie ! Mais nous, il faut que nous soyons bien fixés là-dessus. C'est la première des
choses.
Et il ne faut pas me dire: ,,Ça ne me regarde pas; ça ne m'inquiète pas…”. Non, non !
Pour tout le monde la question se pose. Si parmi vous il s'en trouvait qui n'aient pas le
bonheur d'avoir la Foi, eh bien, qu'ils se rassurent, nous ne leur demanderons rien contre
leur conscience; cependant, si certains étaient dans ce cas, ils auraient besoin de
quelques explications supplémentaires – (que nous ne donnons pas généralement car
nous présupposons que notre auditoire est composé de gens croyants) – donc qu'ils
viennent me voir dès cet après-midi et je leur indiquerai comment ils devront agir. Mais
tout incroyant peut faire ces exercices, même les prières, et cela très loyalement, car
enfin, il est facile de voir qu'il y a des gens intelligents qui croient en Dieu (et je
suppose que vous nous prenez pour des gens moyennement intelligents), et donc, celui
qui ne croit pas, même s'il n'est pas sûr que Dieu existe, risque, je dis bien: risque, qu'il
y en ait Un et qu'en conséquence il peut se trouver devant un très grand personnage !
Dès lors, il est normal qu'il puisse le prier tout au moins sous condition: ,,Mon Dieu, si
vous existez, daignez m'éclairer !”. Un homme loyal peut et doit faire cette prière !
Indépendamment, tous les jours à 11 heures, il sera donné un cours d'apologétique. En
cinq jours, on ne peut pas tout voir évidemment, mais l'essentiel sur les preuves de la
divinité de notre religion, Oui ! Tous ceux qui font la retraite pour la première fois
devront s'y rendre, tandis que les autres auront, pendant ce temps, un cours d'ascétisme.
Cette question, le but de la vie, se pose donc à tout le monde. Eh bien pourquoi ne s'en
occupe-t-on pas davantage ? Vous voulez le savoir ? – C'est qu'on n'est pas libre !…
Alors Saint Ignace nous dit: Il faut se rendre libre.
Mais mon Père, je suis libre, moi !
Non Monsieur, vous n'êtes pas libre… Vous, vous aimez la bouteille… Vous,
Monsieur, c'est Georgette… Vous n'êtes pas libre puisque vous faites des sottises à
courir après elle… Vous, c'est ça: c'est l'argent… Ah ! l'argent… les affaires ! Je n'ai
pas le temps: les affaires ! Pas de temps pour l'essentiel ! … Pour les examens: oui…
mais l'essentiel ? on l'oublie.
On a toujours du temps pour devenir ingénieur, mais, malheureux ! Ne voyez-vous
donc pas le poteau télégraphique ou l'arbre de la route qui vous attend au tournant ? …
Alors, vous rendre libres…
C'est vous qui faites les exercices, Messieurs, et vous avez intérêt à relire ces
annotations, même les anciens, pour mieux les comprendre et mieux faire la retraite, si
c'était possible.
Je n'ai pas, quant à moi, à faire des discours pour flatter votre oreille, mais seulement à
vous faire comprendre que chacun, devant Dieu, doit sérieusement étudier la question
… sa question ! Cela vous regarde et personne ne peut le faire à votre place ! Nous les
Pères, on pourrait nous assimiler à des moniteurs de gymnastique qui disent: ,,Un, deux,
trois, quatre - un, deux, trois, quatre” ! afin que vous fassiez bien l'exercice. Croyez-
moi, cela vaut mieux que de vous faire écouter de belles envolées sans exercices ! Notre
rôle consiste à vous aider à les faire !

3ème Annotation:
Attention ! Dieu est Dieu ! C'est un très grand personnage ! … Quand nous nous
adressons à Lui, nous devons le faire dans le plus grand respect ! - C'est un scandale de
constater comment certains journalistes parlent de la Majesté infinie ! - Oui, avec un
grand respect et Dieu parlera… Oui, Messieurs, Dieu vous parlera !
Un ouvrier anarchiste était venu faire sa retraite en Espagne, et le troisième jour, il
arrêtait ses camarades: ,,Dieu m'a parlé ! Dieu m'a parlé !” Très certainement, il avait dû
recevoir quelque grande grâce et, qui sait, peut-être quelque communication mystique !
Je ne sais pas si Dieu vous donnera des grâces de cette nature, mais Il parlera à votre
âme c'est certain, Dieu vous donnera des lumières … Soyez donc toujours pleins d'un
très grand respect et s'il vous est nécessaire, en cours de méditations, d'utiliser les trois
facultés de l'âme en parlant directement à Dieu, ou si Dieu daigne se communiquer à
vous, ayez ce qu'on appelle la vertu de religion, c'est-à-dire le plus grand respect.
De même, lorsqu'il s'agit d'une vérité que Dieu a Lui-même révélée, une vérité "de Foi"
dit-on: alors n'allez pas la discuter, car cela ne se discute pas, que vous soyez d'accord
ou non ! Dieu en sait plus que vous, sans doute et nous devons accepter ces vérités de
foi avec la plus filiale obéissance… C'est Saint Paul qui nous dit: ,,Sans la Foi, il est
impossible de plaire à Dieu…”. L'acte de foi est un acte de totale soumission à Dieu,
n'oublions pas cela mes chers Messieurs…

4ème Annotation:
Nous allons suivre l'itinéraire ignacien: d'abord en première étape la connaissance de
nous-même où nous aurons à pleurer nos péchés, bien sûr; la deuxième nous fera suivre
Notre-Seigneur dans son enfance et sa vie, puis nous contemplerons sa Passion et enfin
sa Résurrection. Voilà les quatre semaines ! Vous êtes ici pour quatre semaines, mais…
n'ayez pas peur, tout sera terminé samedi et vous pourrez repartir.

5ème Annotation:
C'est la plus importante: Saint Ignace nous dit: ,,Il faut y entrer avec le plus grand
courage et une grande générosité”. Il a même un mot plus fort puisqu'il dit: ,,une grande
libéralité”. Voulez-vous faire une bonne retraite ? Entrez-y avec une grande générosité
de cœur et une grande libéralité.
On est heureux d'être généreux ! Saint Ignace fait remarquer que vous ne risquez pas de
trop Lui en donner puisqu'Il est le Créateur et que tout ce que nous avons, c'est Lui qui
nous le donne !
Dieu aime les âmes généreuses: Notre-Seigneur a dit dans les Béatitudes: ,,Heureux
ceux qui ont faim et soif de justice”. Il faut avoir de grands désirs de sainteté, de grands
désirs de plaire à Dieu ! Voulez-vous savoir, Messieurs, quel est celui d'entre vous qui
fera le mieux sa retraite ? Je vais vous le dire: C'est celui qui le voudra le plus !
Un jour, les sœurs de Saint Thomas d'Aquin lui demandèrent comment il fallait faire
pour se sanctifier. Saint Thomas de leur répondre: ,,Il faut le vouloir !”.
Dans le MAGNIFICAT, il y a un mot terrible de Notre-Dame où, sans le vouloir, elle
trahit son âme:
,,Esurientes implevit bonis et divites dimisit inanes”. Esurientes: ceux qui ont faim et
soif de la charité…
Mon Dieu, moi je suis comblé de biens matériels, mais elle, elle était comme dévorée
du désir de se sanctifier, et Dieu l'a comblée, et tous les jours elle avançait en sainteté !

Et divites: Voyons ! Mon Père, c'est moi qui organise les enchères à l'américaine à la
kermesse de Monsieur le Curé, je suis assez bon catholique, non ? Pourquoi changer ?
ce n'est pas pour moi ça !
Alors très bien, Cher Monsieur, si ce n'est pas pour vous, allez donc vous promener !
car … “ceux qui se trouvent riches, Il les renvoie les mains vides !" - Oui Messieurs,
ayons de grands désirs !
Êtes-vous des hommes de désirs ? Demandez cette grâce à Dieu ! Vous ne savez pas les
lumières que vous recevrez si vous êtes bien dans ces dispositions. Mais si vous estimez
au contraire, n'avoir rien à changer parce que vous êtes un Monsieur très bien, vous
resterez dans la médiocrité ! Courage ! Ayez de grands désirs ! Voyez-vous, la
sanctification est une question d'espérance. C'est par Dieu, qui s'emploie à faire du bien,
que nous nous sanctifions. Pour se sanctifier, c'est comme pour traverser l'Atlantique: à
la nage, par vos propres moyens, c'est impossible; en bateau, en avion, c'est très facile:
six heures et quart d'Orly !
Vous seul, cher ami, il n'y a rien à faire; mais si vous vous livrez au Saint-Esprit, c'est
Lui qui vous sanctifiera; l'inconvénient, la difficulté, c'est que nous avons peur de nous
livrer au Saint-Esprit ! Nous voudrions voir d'abord s'il est bien vrai qu'Il nous aime;
puis nous voudrions aussi le corriger un peu, le Saint-Esprit, car nous avons peur qu'Il
aille trop loin, et nous nous rebutons d'avance d'avoir trop à faire, n'est-il pas vrai ? Et
pourtant, si nous le voulons bien, Dieu peut faire de nous des saints …
- Oh, mon Père, pas moi, sans doute, je suis trop vieux pour commencer, c'est trop tard

- Non Monsieur, il n'est pas trop tard. Le Bon Dieu a bien des fois pris justement des
vieux, et il en a fait des saints.
- Mais moi, mon Père, pensez, je suis un jeune fou ! …
- Bon, cher ami, ne vous tracassez pas: le Bon Dieu en a pris aussi de ceux-là et Il en a
fait des saints.
- Et moi, mon Père, je suis un homme très occupé. Comment voulez-vous ?
Non Monsieur, la sainteté d'abord. Dieu fait des offres pour cela, à vous d'accepter. Les
difficultés, c'est Lui qui les aplanira …
- Et qu'est-ce qu'il faut faire ?
- Mes chers Messieurs, ce qu'il faut, c'est avoir confiance. Il faut vous livrer à Dieu de
toute votre âme, sans réserve aucune. C'est le mot de Saint Paul: Le Seigneur le
renverse de son cheval sur le chemin de Damas: ,,Qui êtes-vous Seigneur ?”
- ,,Je suis Jésus que tu persécutes”.
Saint Paul a bien compris, aussi demande-t-il: ,,Que voulez-vous que je fasse ?”.
Cette demande de Saint Paul, faites-la vous aussi au Seigneur. Demandez-Lui du fond
du cœur: ,,Que voulez-vous que je fasse ?” et le Bon Dieu vous le dira ! Oui, voilà le
vrai but de la vie: se livrer à Dieu, mais rassurez-vous, ,,Dieu est fidèle !”. Il fera son
travail même si vous avez toutes sortes de péchés. Il vous aidera, croyez-le, qui que
vous soyez ! …

6ème Annotation:
La bagarre va commencer maintenant et Saint Ignace veut nous prévenir. Notre âme
aura des "consolations", joies spéciales que vous ne trouverez qu'avec Dieu; ou bien des
"désolations"... Les démons, déjà furieux de vous voir en retraite, feront tous leurs
efforts pour vous inquiéter, vous troubler et vous la faire manquer. Sachez que c'est un
très bon signe, cela montre qu'il n'est pas content, donc que vous êtes sur la bonne voie.
Dans les exercices, il y a toujours de la bagarre, et il serait anormal qu'il en soit
autrement: ou consolation ou désolation. Saint Ignace dit: ,,Si un retraitant ne reçoit ni
consolation ni désolation, que le directeur de la retraite l'interroge, c'est qu'il a dû faire
quelque chose: se distrait, bavarde, ne fait pas ses méditations, ou se trouve là en
"observateur" !”
Mais chez quelqu'un qui fait bien sa retraite, cette action du bon ou du mauvais esprit
dans son âme doit être ressentie..

9ème Annotation:
Le directeur de la retraite jugera, selon le mouvement de vos âmes, (mais pour cela il ne
faudra pas hésiter ou négliger d'aller voir un Père), quelle sera la manière la plus
adéquate à retenir pour la poursuite des exercices.
Ne faites pas votre retraite seul, vous la manqueriez ! Il faut confier les mouvements de
votre âme à l'un des Pères qui saura vous conseiller utilement.

11ème Annotation:
Il y en a qui sont tentés de savoir ce que l'on fera après. Vous avez des jeunes gens qui
viennent pour connaître s'ils entrent au séminaire ou s'ils se marient ! Bon, c'est très
bien ! … mais chaque question doit être étudiée à son tour et celle-là le sera au moment
voulu.
Si vous voulez y voir clair: défense d'empiéter sur ce qui se fera le lendemain, car cela
annihilerait immanquablement le fruit de la journée présente. Il y a un itinéraire à
suivre: mettez toutes vos forces, toute votre humilité à garder la paix en vous.
Aujourd'hui, par exemple, ce seront des méditations sur le salut: faites-les en regrettant
vos péchés sans vous inquiéter de ce qui se fera demain. Toutefois, il est toujours
loisible de revenir en arrière. Dans les temps libres, vous pouvez "ruminer" tout ce qui a
été déjà dit sur les vérités qui ont été proposées.
Soyez attentifs à bien suivre ces indications, car la retraite est un ensemble qu'un rien
peut déranger. Par ailleurs, il est certain que le Seigneur Lui-même récompensera votre
bonne volonté à vous assujettir de bon gré à ces règles.

12ème et 13ème Annotations:


Messieurs, ne raccourcissez jamais le temps de la méditation, même si elle vous paraît
ennuyeuse, si c'est dur, si cela vous fatigue… Tant qu'on n'a pas sonné la fin, continuez,
recommencez: mémoire, intelligence, volonté ! Souvent le démon, qui a compris
l'importance de votre méditation, essaie de tout faire rater. Donc, ne la raccourcissez
pas et même (13ème annotation sur la grande tactique ignacienne de la contre-attaque)
si vous vous apercevez qu'au cours de la méditation il est venu vous suggérer d'en
abréger le temps, non seulement il faut en repousser l'idée, mais quand sonnera la fin il
faudra la prolonger quelque peu, pas beaucoup, car le temps libre vous est nécessaire,
mais une à deux minutes. Qu'il comprenne que vous êtes bien décidé.

14ème Annotation:
Ne pas faire de vœux sans venir consulter, car c'est une chose très grave que de faire un
vœu. Dans un moment d'enthousiasme, on serait porté à cela et l'on regretterait ensuite
d'avoir trop promis en n'ayant pas le courage de l'accomplir. Donc, ne pas faire de vœu
inconsidéré. Consulter auparavant.

15ème Annotation:
Sur la vocation: nous en reparlerons.

16ème Annotation:
Le petit lapin blanc. Vous connaissez l'histoire du petit enfant que sa maman
interrogeait avant Noël:
- ,,Quel jouet vas-tu donner pour les pauvres du petit Jésus ?
- Oh ! maman, pour les petits pauvres, oui, je vais donner … tiens, je donne tout”. Puis
il se ravise: ,,Je donne tout, mais pas mon petit lapin blanc, tu sais, le lapin blanc que
m'a donné marraine ! J'y tiens trop !”.
Souvent, nous aussi, nous avons notre petit lapin blanc; ce n'est pas toujours important,
n'empêche que c'est lui qui s'oppose à notre décision. Alors, si vous avez un petit lapin
blanc… je veux dire si vous avez peur que le Bon Dieu vous demande un sacrifice,
qu'est-ce qu'il faut faire ? Eh bien, ne faites pas de prière imprudent, mais dites
seulement:
- ,,Seigneur, si telle est votre volonté, daignez me le montrer, daignez aussi me donner
la force de l'accomplir, mais je veux faire votre volonté … même si elle est ce que je ne
voudrais pas !”.

17ème Annotation:
Très importante; voir un Père dès que quelque chose ne va pas, et même si vous n'avez
rien à lui dire, rendez-lui visite tous les jours, car en vous voyant, il saura si vous faites
bien la retraite ou non.

20ème Annotation:
Avec la 5ème, c'est la plus importante: Retraite silencieuse = retraite merveilleuse ! Il
est indispensable de rester recueilli, et pour cela, de préférer la solitude. Il ne s'agit pas
seulement de la solitude extérieure, mais surtout de l'intérieure. Saint Ignace dit qu'il y a
trois avantages à cela, parmi beaucoup d'autres.
1) C'est d'un grand mérite ! Le jour où nous arriverons devant le Seigneur au Jugement,
nous pourrions nous entendre dire: ,,Tu as un grand mérite: te rappelles-tu à Martillac ?
pendant cinq jours, tu t'es astreint à garder le recueillement et le silence de tout ton
cœur, et grâce à cela tu es arrivé à gagner une couronne éternelle !”.
Un degré de bonheur et de gloire à cause de cela ! …
2) L'esprit ne se partage pas. Or nous avons à régler une grande affaire, l'unique grande
affaire de notre vie ! … Toutes les autres, nous les laisserons. Donc ne pas avoir l'esprit
partagé, mais attentif. Un peu comme la pression dans la machine à vapeur: si vous
laissez les soupapes ouvertes, la machine ne marchera jamais; pour qu'elle démarre, il
lui faut un certain degré de pression. De même ici: pas de contraction, mais de
l'attention.
3) Dans le silence et le recueillement l'âme se prépare à l'union divine. C'est déjà s'unir
à Dieu que de comprendre ce que Saint Ignace veut nous dire. C'est dans le
recueillement que nous obtiendrons cette union.

Dernier avis:
Nous demandons que les deux premiers jours de leur retraite, les laïcs, même s'ils en
avaient la très bonne habitude, s'abstiennent de la Communion et que Messieurs les
Ecclésiastiques s'abstiennent de célébrer. C'est sur la recommandation des Saints que
nous demandons cela. On en retire des avantages: devant Dieu d'abord pour attirer ses
grâces sur nos misères; par charité ensuite pour ceux qui ne pourraient s'approcher
encore du sacrement de l'Eucharistie. Toutefois, il ne s'agit pas là d'une règle absolue et
si notamment un prêtre avait une raison majeure de célébrer, il aurait à en informer le
Père Directeur pour les dispositions à prendre.
Maintenant, mes chers Messieurs, vous avez temps libre pendant trente minutes. Allez
écrire une carte à votre famille pour la rassurer et relisez, réfléchissez, approfondissez
en les relisant ces annotations qu'il est indispensable d'observer pour faire une bonne
retraite.
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Principe et fondement - Première partie


Nous allons maintenant, mes chers Messieurs, faire la première des méditations de la
retraite: page 348 de votre livre, la belle méditation du "PRINCIPE ET FONDEMENT"
de Saint Ignace, celle qui sera comme la clé de toutes les autres.
Mais d'abord, pourquoi ce titre ? Principe et fondement, qu'est-ce que cela veut dire ?
Eh bien, voyez dans le mot "principe" son radical: prince. Qu'est-ce qu'un prince ? Un
prince, dans la vie sociale, civique ou politique, est celui qui dirige les autres. Même en
démocratie, nos préfets, nos maires par exemple sont ceux qui dirigent les autres. Des
princes ! …
Eh bien, un principe est une vérité qui en dirige d'autres, qui en éclaire d'autres, qui
donne à d'autres leur raison d'être. Nous sommes ici dans le domaine de l'intelligence…
ce qu'il faut connaître, ce qu'il faut savoir. Le principe: idée qui préside à notre activité,
qui lui donne des directives, sur laquelle nous avons constamment à nous appuyer…
Puis il y a le fondement. Avec lui, nous passons dans le domaine de l'activité libre, dans
les modalités d'exécution, dans ce qu'il faut faire, mais en se basant toujours sur ce que
définit le principe. Car, si on ne sait pas comment il faut agir, comment agira-t-on ?
Prenons un exemple: Chez ceux qui admettent que la vie de l'homme commencée au
sein maternel, se termine au trou du cimetière et que c'est fini, plus rien après
(remarquez Messieurs, que nous retrouvons là le principe même du matérialisme !), il
est évident qu'ils envisagent la vie de façon à en profiter le plus possible, en trafiquant
ou non, selon le tempérament de chacun !
Mais si l'on part du principe - vrai, celui-là autant que le précédent est faux - que la vie
ne se termine pas à la mort, mais a, à ce moment-là, un prodigieux et formidable
rebondissement, c'est-à-dire, s'il est vrai que l'homme soit créé pour une vie éternelle et
que sur cette terre il ne fait qu'ébaucher cela, il est certain que ce principe nous amène,
logiquement, à conduire notre vie d'une tout autre façon ! …
Ainsi donc, le principe, c'est ce qu'il faut savoir; et le fondement, c'est ce qu'il faut faire,
compte tenu de ce que l'on sait.
Je m'excuse, Messieurs, de ces explications un peu spéculatives, mais la suite vous en
fera mieux connaître le pourquoi. La méditation que nous allons faire est en effet
capitale, fondamentale.
Le Pape Léon XIII, qui écrivit plus de cent encycliques sur tous les problèmes humains
qu'il connaissait bien, qu'ils soient individuels, familiaux, professionnels, sociaux,
politiques, internationaux, avait coutume de dire que la méditation du principe et
fondement de Saint Ignace était capable, à elle seule, de résoudre dans un sens chrétien
tous les problèmes de la cité.
Le Pape Pie XII écrivait à son tour, qu'il apparaissait bien que Saint Ignace était comme
"fait" pour notre époque troublée. Sa méthode, dit-il, est ,,le code des grandes batailles
des grandes victoires de la vie”.
Récemment encore, le Pape Paul VI félicitait l'Archevêque de Boston de ce que quatre
cents maisons de retraite aient pu donner la retraite fermée à cinq mille participants, et
recommandait la méthode de Saint Ignace comme le modèle de toutes les méthodes
utilisées. Vous voyez ainsi, mes chers Messieurs, qu'en la suivant nous sommes en
bonne compagnie et que nous ne risquons pas de nous fourvoyer !
Cette méditation du "Principe et fondement" compte une quinzaine de lignes, mais elle
est tellement importante dans son développement que nous la ferons en deux parties.
Pour le moment, nous ne retiendrons que le premier paragraphe:
,,L'homme est créé pour … louer Dieu notre Seigneur, le révérer, le servir, et:
moyennant cela, sauver son âme” … Bien !
Dès le commencement, voyez-vous, Saint Ignace pose le problème, et c'est devant Dieu
que vous aurez à méditer cette phrase à la fois si courte et si capitale.
Après les explications que je vais vous donner, vous irez dans votre chambre, et là, bien
recueillis, restez une minute debout, réalisant la présence de Dieu avec le plus grand
respect ! … Dieu me voit. Il est là, présent: ce n'est pas une fiction mais une réalité …
Mon Dieu, je vous adore … Vous vous mettez ensuite à genoux pour faire l'oraison
préparatoire:
- ,,Mon Dieu, vous m'avez mis sur cette terre pour vous aimer et vous servir. Que je ne
manque pas ma vie, que j'aie un grand désir de vous aimer et de réaliser ma destinée !
…”
Puis la grâce à demander. Pour cette méditation, la grâce à demander sera celle qui a
fait Saint François Xavier: celle de bien comprendre le but de la vie. Ignace lui
répétait: ,,Quid hoc ad aeternitatem ?” François, à quoi cela sert-il pour l'éternité ? Et
François, qui pensait à ses projets d'avenir, qui était un jeune homme plein
d'enthousiasme, parlait sans arrêt, mais quand il avait fini, Ignace lui répétait: ,,Quid
hoc ad aeternitatem ?” et tout s'évanouissait, s'écrasait devant cette question …
Oui, il faut que vous compreniez bien le but de la vie, notre destinée éternelle; c'est la
grande grâce de la retraite que vous devez demander au Seigneur et que, de toutes vos
facultés, vous devez étudier. Pour faciliter votre méditation, les compositions de lieu n'y
manquent pas: vous pourriez par exemple, retenir l'histoire de Damoclès, ce serviteur
plein de suffisance, qui prit place au festin de son maître et qui, tout en savourant son
bonheur, surprit l'œillade de ses voisins, ce qui lui fit lever la tête. Et il vit, là, au-
dessus, la lourde épée, le glaive tranchant suspendu et retenu par un cheveu !
Vous pouvez prendre, si vous la préférez, l'image du manège de foire sur lequel les
enfants s'amusent bien, y montent puis en descendent, figure de notre passage sur cette
terre tournant autour du soleil … Nous avons un certain nombre de révolutions à faire:
la moyenne est de cinquante-six, certains un peu plus, d'autres moins, mais comme les
enfants sont obligés de quitter le manège, nous aussi serons obligés de quitter la terre,
avec la différence que si les enfants rentrent à la maison pour continuer à se divertir,
nous, les hommes, nous rentrerons à la maison du Père pour rendre compte de notre
activité ici-bas ! …
Vous pourriez aussi retenir pour mieux fixer en vous la vanité des choses d'ici-bas, cette
histoire authentique du chasseur d'aigles…
Une certaine année, où en Suisse les lois n'étaient pas aussi sévères pour la chasse aux
aigles, un paysan avait repéré, dans la falaise du Vanil Noir, une aire d'aigle, d'aigle
royal. Il en avait averti deux amis, montagnards comme lui, et au printemps, alors qu'ils
pensaient trouver quelque chose au nid, ils montèrent par derrière, côté le moins
escarpé, et l'un d'eux, un bon varapeur, descendit avec une corde vers l'aire qui se
trouvait environ vingt mètres au-dessous du sommet… En effet, il y avait là deux
aiglons que l'on pouvait emporter. Cela se vend bien, aux zoos, à Bâle ou ailleurs. Il mit
les deux oiseaux dans la musette et, au moment où il allait tirer sur la ficelle d'appel
pour avertir les copains, deux grandes ombres au-dessus de lui. Ah !… le père et la
mère qui revenaient ! Les hommes, nous n'aimons pas qu'on nous enlève les enfants: les
animaux non plus, surtout ceux-là. Mais il avait plus ou moins prévu le cas et s'était
muni d'un gros couteau de boucher. Il le sortit et se mit à fourrager avec. Il reçut un bon
coup de bec qui lui ouvrit le cuir chevelu, se convrit de sang, pas très dangereux mais
très gênant ! puis quelques coups de serres dans les mains; cependant il réussit à blesser
l'un, à blesser l'autre et à s'en débarrasser…
Mais, au moment où, soulagé, il allait demander à être remonté, il s'aperçoit qu'en
jouant du couteau, il a sectionné les trois quarts de sa corde ! Ah !…
Alors, mes chers Messieurs, vous êtes hommes, vous aussi, vous voyez la situation ? Je
vous demande de vous imagnier qu'à ce garçon, suspendu au-dessus d'un abîme (la
chute ne pardonnerait pas évidemment), imaginez qu'à ce moment-là, ses camarades
commencent à lui raconter quelque histoire, quelque cancan de village: ,,Hé ! tu sais, il
paraît que la vieille Rosalie a trouvé Philibert… il paraît que Marguerite va se
marier…”.
Vous croyez qu'il écouterait volontiers ces cancans alors que peut-être, sans doute, il va
tomber… il va décrocher, comme disent les alpinistes… et sans rémission, Hein ? …
Essayez de vous imaginer, de vous mettre dans sa peau, de vous mettre plutôt dans son
état d'âme à ce moment-là… Essayez ! d'autant plus, mes chers Messieurs, que c'est
votre histoire que je raconte là, c'est votre histoire à tous ! … même à vous, là,
Monsieur, et au plus jeune aussi. Et c'est la mienne aussi; c'est notre histoire ! …
J'ai là, devant moi, soixante-quinze Messieurs, avec votre serviteur, cela fait soixante-
seize. Lorsque nous sommes arrivés au monde, nous avions une belle corde neuve qui
nous a tirés du néant, oui ! mais à dix ans, nous avons cassé un premier cordonnet; à
vingt ans, nous avons cassé un deuxième cordonnet; à trente ans un troisième, à
quarante ans un quatrième ! Il peut y en avoir huit ou neuf; c'est rare qu'il y en ait dix.
On fait alors une grande fête quand on s'en aperçoit… pour le centenaire… mais c'est
rare ! … Combien vous en reste-t-il de cordonnets ?
J'ai ici quelques notes prises en 1961. Cette année-là, on parlait beaucoup de Gérard
Philippe, le premier du cinéma français ! On lui présidait un avenir extraordinaire. On
disait qu'un jour, probablement, il aurait plus de films que Fernandel, ce qui n'était pas
peu dire ! mais, en réalité, Monsieur Gérard Philippe n'avait aucun avenir de cinéaste
devant lui ! Pourquoi ? Parce qu'à sa corde il n'avait que trois cordonnets et trois
ficelles… et à trente-six ans, il est parti, il est mort !
La même année, M. Albert Camus, écrivain réputé, reçut le prix Nobel. A lui aussi on
prédisait un avenir extraordinaire; il aurait disait-on une œuvre littéraire considérable.
Mais M. Albert Camus n'avait en fait aucun avenir littéraire. Pourquoi ? parce que
quelques jours après avoir reçu le prix Nobel, il s'est tué en automobile ! … A sa corde,
il n'avait que quatre cordonnets et une ficelle…
La même année encore, rappelez-vous Fausto Coppi, le campionissimo, l'Anquetil
italien italien: il est allé, avec des amis, faire un tour en Afrique noire pour donner
quelques coups de pédale et quelques coups de fusil à des fauves, si c'était possible. Il
en est revenu après avoir attrapé le microbe de la malaria. C'était banal, n'est-ce pas ?
Mais, mal soigné, Coppi, à quarante-deux ans: Pfuit ! il est parti lui aussi; un homme
qui avait une musculature formidable ! Lui également n'avait à sa corde que quatre
cordonnets et une ficelle…
Combien en avez-vous, vous ? Qui saura le dire ?
En tous cas, je vais faire une prophétie à peu de frais: il est possible qu'en l'an de grâce
2047, dans quatre-vingts ans, il y ait encore des retraites ici… la maison paraît assez
solide… mais aucun de vous ne les suivra; ce n'est pas moi qui les prêcherai, pourquoi ?
C'est facile, c'est que toutes les cordes qui sont ici se seront cassées… toutes ! … et
beaucoup d'autres cordes (je vois là quelques têtes qui sont un peu comme la mienne,
qui blanchissent bien), beaucoup de cordes seront cassées depuis fort longtemps ! Nous
sommes d'accord n'est-ce pas ? Et même parmi les plus jeunes ! …
Quelquefois les jeunes, quand on parle de ça, ont l'air de regarder les têtes blanches à
côté: ,,Tiens le Père parle pour les vieux !” Mais non, je parle pour tout le monde, nous
avons tous notre corde, elle est déjà abîmée, combien reste-t-il de cordonnets ?
Et un jour, sans être averti – vous ne serez pas avertis – on n'est jamais averti, mes chers
Messieurs; il n'a pas été averti Albert Camus, de son dernier voyage ! Il n'a pas été
averti Coppi, lorsqu'il est parti en Afrique noire qu'il en rapporterait la mort. Il n'y serait
sans doute pas allé ! Vous ne serez pas avertis non plus, c'est très rare, très, très rare, il
ne faut pas y compter, c'est un miracle…
Oui, alors, qu'est-ce que nous faisons là, suspendus à la corde, nous ne savons même
pas combien il nous reste de cordonnets !
Qu'est-ce que nous faisons ? … Monsieur le Curé, c'est très clair, disait un jour un
bonhomme pendant la guerre, nous sommes ici pour gagner du "fric", du "pognon" …
Voyez en effet, le pauvre monde autour de vous, demandez, posez la question: pourquoi
ils sont sur la terre ? Ils vous feront à peu de chose près la même réponse…
Voici des gens intelligents: prenez cet industriel, il se donne un mal fou pour son usine
et tous ses tracas, conférences, affaires (il faut qu'il s'en occupe, c'est vrai), mais,
Monsieur, tout cela vous le laisserez, que vous le vouliez ou non, la mort arrive et les
autres se débrouilleront à votre place ! Mais vous, vous aurez à rendre compte ! …
Ce jeune ingénieur, ce jeune docteur, ils sont pleins d'avenir, travaillent à plein,
prennent femme, ont des enfants. Cela dure vingt ans, trente ans, et puis après, vous
aussi Messieurs, il faudra mourir ! …
Et toute cette jeunesse qui travaille d'arrache pied pour le diplôme, pour avoir la place,
mais pour l'éternité ils ne font rien ! ou presque rien !
Eh oui ! je regrette beaucoup, mes chers Messieurs, que beaucoup n'y pensent pas, car
nous sommes immortels ! Le fait est que notre corde cassera un jour et nous tomberons
alors dans l'éternité ! nous continuerons à dire "je", à dire "moi", pas sur la terre, mais
ailleurs ! La négation de cent mille ou de cent millions d'hommes ne change rien à cette
réalité: deux et deux font quatre, c'est comme ça ! Ce "je", ce "moi", qui sont la marque
de l'esprit, sont comme lui immortels. Le fait de quitter la terre ne nous fera pas quitter
la vie… nous resterons en vie ! … Notre principe vital, l'âme, ne dépend pas des sens, il
est immatériel et n'a pas de parties; il est donc simple et ne peut se diviser…
Un principe chimique dit que rien ne se crée, rien ne se perd et, à la mort, le corps se
séparant de l'âme se désagrège en poussière, en gaz, en liquide… rien ne se perd !
Pourquoi voudriez-vous que l'âme disparaisse ? Il n'y a aucune raison à cela ! Et, par
ailleurs, si elle est simple, elle ne peut se désagréger ! Notre intelligence en conclut
donc que notre âme est immortelle !
Mais notre raison, que Dieu nous a donnée en partage, peut-elle aller plus loin ? Bien
sûr que oui: Voyez les infiniment grands, les infiniment petits, voyez, sans aller dans
ces mystérieuses profondeurs, notre propre corps, cette merveilleuse usine à
transformation, voyez ce monde si beau, ce haricot, cette petite fleur. Cette châtaigne si
bien préparée et si bien enveloppée !
Mais si ce monde est beau, il y a aussi des choses qui ne le sont pas beaucoup: par
exemple le mal que l'on oublie de punir, le bien qui ne se récompense pas toujours;
aussi notre intelligence est-elle conduite à conclure que cet Ingénieur suprême, qui a
tout si bien préparé, doit avoir prévu un endroit où le mal serait puni et le bien
récompensé ! Remarquez que ces convictions morales que nous donne l'intelligence et
la raison, sont déjà, par elles-mêmes des certitudes, mais ce n'est pas tout. Peut-on en
savoir encore davantage ? – Oui, on peut en savoir davantage, si Celui qui a créé le
monde révèle ce qu'il y a après ! Et là, mes chers Messieurs, nous n'avons pas affaire
aux tireuses de cartes, hein ? … Oh non !
Mais, mon Père, à moi Dieu ne m'a rien dit…
Voyons, cher Monsieur, quand une loi entre en vigueur, le gouvernement est-il obligé
d'aller le dire à chacun ? il y a des preuves, c'est affiché, les journaux en parlent, nul
n'est censé l'ignorer: si vous n'y faites pas attention, on "vous met dedans" et c'est tout !
Eh bien, Dieu a parlé, Dieu a donné des preuves qu'Il a parlé. C'est dans le cours
d'apologétique qu'on vous développera celles qui sont essentielles: les miracles, la
notion indirecte du bien et du mal, la contingence des êtres, la révélation et la survie
permanente de l'Eglise de Jésus-Christ.
Mais si Dieu a parlé, Il nous a donné aussi l'intelligence pour comprendre sa parole et
cette intelligence (qui nous autoriserait à ne pas croire si elle pouvait discerner que Dieu
n'a pas parlé), doit au contraire, si elle établit bien que Dieu a parlé, nous obliger à
croire cette parole ! …
C'est ainsi que nous sommes fixés sur notre sort, sur le but de la vie ! Et Saint Paul dit
qu'ils sont "inexcusables" ceux qui ne veulent pas croire, avec toutes les preuves que
Dieu donne à leur intelligence.
Je vous disais donc que dans quatre-vingts ans, chez nous tous, la corde aurait cassé et
que nous resterions en vie… Oui ! Et nous aurons les mêmes besoins d'amour, d'absolu,
de joie, de bonheur, de perfection ! La négation d'un tas de malheureux ou de fous ne
change rien à cette réalité: nous sommes immortels et nous irons ailleurs…
Alors, qu'est-ce que nous faisons ici ? Saint Ignace nous le dit: ,,L'homme est créé
pour… etc…”. Je vous disais que dans quatre-vingts ans, on ne parlera plus de vous; et
si je remonte à quatre-vingts ans en arrière, parlait-on de vous ? Même lorsque votre
mère vous portait dans son sein, elle ne savait pas qui vous seriez: garçon ou fille !
Maintenant, je sais bien qu'au bout d'un certain temps de gestation on arrive à connaître
plus ou moins le sexe par la radio, mais en se trompant souvent… oui ! Garçon ou
fille ? grand ou petit ? quelle couleur auront ses yeux ? Brun ou blond ? gentil ou
méchant ? Intelligent ou bèbête ? … Votre mère ne vous connaissait pas. Votre mère,
comme votre père, n'ont été que des instruments ! Eux-mêmes sont passés par là,
comme leurs parents à eux ! Mais il y avait Quelqu'un qui vous connaissait ! Oui,
Quelqu'un ! Et l'explication à cela, Saint Jean nous la donne: ,,Deus caritas est”.
Saint Thomass nous dit que le propre de l'amour est de se donner et de se répandre. On
le voit déjà sur la terre: lorsque le mariage est bien compris, il tend à cela, autrement il
est un égoïsme à deux ! Mais Dieu, qui est infini, a un besoin infini de se donner et de
se répandre ! Cela se réalise tout d'abord dans le mystère de la Sainte Trinité: cet amour
infini de Dieu s'étanche (si l'on peut s'exprimer ainsi, bien imparfaitement), dans
l'amour réciproque des trois personnes divines et cet amour, je dirai incommensurable,
déborde en quelque sorte la très Sainte Trinité, et Dieu, dans toutes les possibilités de sa
puissance et de son amour, nous a choisis, nous: c'est pourquoi nous sommes sur la
terre…
Mes chers Messieurs, nous sommes créés, comme toutes les choses d'ici-bas d'ailleurs,
nous sommes créés pourquoi ? Mais pour faire la joie de Celui qui nous a créés ! pour
réaliser son rêve d'amour ! pour que nous acceptions son plan d'amour sur nous, son
plan d'amour à Lui ! … pas le nôtre… le sien !
Remarquez une chose, mes chers Messieurs: Dieu a imposé une perfection relative aux
êtres non libres: le soleil, par exemple, obéit parfaitement à Dieu; les étoiles, les
planètes, les animaux: le chat est chat vingt-quatre heures par jour; un chien fait le
chien, il ne sait pas faire autrement; nous avons deux vaches à l'étable, là, vingt-quatre
heures par jour elles font la vache; heureusement d'ailleurs pour notre café du matin !
De même les végétaux: le Bon Dieu a dit au haricot: tu feras des haricots… et il obéit; il
ne fait jamais de lentilles ! … il obéit ! Il a dit au pommier: toi, tu feras des pommes…
Tous obéissent: les minéraux, les végétaux, les animaux, la lumière, tous obéissent !
Heureusement qu'ils obéissent ! Imaginez que le soleil un jour oublie de se lever ou que
le plant de vigne se mette à donner des figues ! … Oui, la perfection relative que Dieu a
donnée aux êtres non libres se réalise parfaitement, mais ils n'ont aucun mérite à le
faire, pourquoi ? parce qu'ils ne sont pas libres, parce que cela leur est imposé !
Mais, entre les êtres non libres et nous, il y a des différences essentielles. Nous allons le
voir:
Même un enfant peut établir la distinction entre les êtres non libres et des êtres
libres: ,,Dis, Janot, pourquoi n'amènes-tu pas ton chat à l'école, il pourrait apprendre à
lire lui aussi !”. Eh bien, l'enfant vous répondra: ,,Non, le chat est une bête”. Il sait que
le chat n'est pas fait pour ça; ce qu'il sait, et il le sait bien, c'est que le chat court plus
vite que lui, que le cheval est plus fort que lui; mais il sait que le chat est une bête ainsi
que le cheval et il a compris cette différence essentielle entre les bêtes et nous.
C'est que chez l'homme existe un principe vital que Dieu met en nous, qui ne dépend
pas des sens, tandis que le principe vital de l'animal dépend exclusivement des sens.
C'est ce qui fait aussi que nous sommes libres, tandis que l'animal ne l'est pas. Si nous
étions des bêtes, la doctrine du déterminisme marxiste serait vraie, du moins en partie,
mais nous ne sommes pas déterminés, nous sommes libres ! L'animal est conditionné
par ses seuls sens, sens de la vue, de l'odorat, du goût, du toucher et par certains sens
internes tels que l'imagination et la mémoire sensible qui interviennent dans certains de
ses comportements.
Prenons des exemples: le chien qui voit un bifteck et qui a faim, saute dessus et le
mange; s'il n'a pas faim, il le laisse, ou bien, s'il a déjà reçu des coups pour avoir mangé
du bifteck, s'il aperçoit un bâton au moment où il s'apprête à sauter sur la viande, la peur
des coups – mémoire sensible – sera plus forte que son instinct qui le pousse à se jeter
sur le bifteck ! …
On dit aussi que les bêtes font des choses intelligentes: l'abeille fait son miel, elle
fabrique les alvéoles utiles; les oiseaux font leurs nids, les castors leurs huttes, oui, tout
cela paraît intelligent, mais l'intelligence n'est pas dans la bête, l'intelligence est dans
Celui qui a donné à la bête un instinct qui la conduit à travailler avec l'ordre et la
précision que nous admirons en elle. Mais, cet instinct, elle ne peut le changer, il lui est
imposé, elle n'est donc pas libre…
Nous-mêmes, les hommes, avons en nous certains instincts de cet ordre… Par exemple
le petit enfant tète sa mère sans savoir pourquoi; cet après-midi, nous digérons le plat de
macaronis du déjeuner et nous avons, à cette fin actionné divers muscles, sans savoir
lesquels, et tout cela automatiquement. Mais, en dehors de ces instincts, le principe de
liberté qui découle de notre volonté autorise celui qui a faim à ne pas manger
(notamment ceux qui font la grève de la faim) et autorise celui qui n'a pas faim de
manger quand même ! C'est que nous sommes libres ! De plus existent en nous des
notions diverses, telle la notion de patrie, la notion d'humilité, la notion de bonheur, etc.
… cela ne se voit pas… Nous avons la possibilité de former des jugements, de
raisonner, comparer, tirer des conclusions ! Non et non ! rien de semblable chez les
êtres non libres ! En bref: Dieu nous a dotés d'intelligence pour raisonner et de volonté
pour nous déterminer, c'est ce qui fait que nous sommes libres. Mais qu'est-ce que la
liberté ? …
Ah ! voilà ! A notre époque, on fausse comme à plaisir la notion de liberté. Certains
s'imaginent qu'être libre, c'est faaire ce que l'on veut ! Oh non ! Messieurs, on n'a pas le
droit de faire ce que l'on veut: ni vous ni moi nous n'avons le droit de faire ce que nous
voulons. La liberté ainsi comprise s'appellerait du libertinage, ni plus ni moins ! La
liberté découle de ce que Dieu nous a donné la possibilité, avec notre intelligence, de
discerner où est le bien, et avec notre volonté d'opter pour lui sans aucune coercition
externe… de nous-mêmes ! Voilà la liberté !
Et pour respecter cette liberté, Dieu ne nous impose pas la perfection qu'Il a imposée
aux êtres non libres, car Il ne peut pas nous l'imposer. Nous l'imposer consisterait en
effet à nous contraindre, à violenter notre choix. Or l'amour procède de la liberté. Il ne
doit pas être forcé; il ne doit pas être contraint ! Alors Dieu fait beaucoup mieux. Il nous
offre cette perfection ! Il nous offre de la réaliser avec Lui, en collaborant avec Lui,
avec sa grâce, pour arriver à faire un jour de nous des élus dans le ciel. Et Dieu nous
aidera à cela ! …
Effectivement, le Principe et Fondement, mes chers Messieurs, vaut pour Dieu avant de
valoir pour nous ! je veux dire que dans son plan, dans sa Création, Dieu ne voit que
cela, son but: donner à des êtres sortis du néant une joie divine ! ,,Haec est voluntas Dei
sanctificatio vestra” – Dieu veut que nous soyons des saints, que nous soyons dans
l'éternité comme Lui, que nous partagions son bonheur ineffable dans un mariage
divin ! Et cette joie divine que Dieu possède de toute éternité, Il nous l'offre ! Mes chers
Messieurs, comprenons bien cela, c'est à la fois inconcevable et véridique !!
Oui, nous sommes libres pour accepter le plan de Dieu et mériter de devenir des saints
dans une éternité qui dépasse toutes nos conceptions ! Vous savez que Saint Paul, qui
avait un peu connu cela, l'homme du troisième ciel, nous dit: ,,L'œil de l'homme n'a pas
vu… son oreille n'a pas entendu… son esprit ne peut même pas concevoir ce que Dieu
réserve à ses élus !”. Une joie divine, la joie même de Dieu, Il nous l'offre ! … Et voilà
pourquoi nous faisons, comme on dit, quelques tours sur la machine ronde: dix, vingt,
trente, soixante, quatre-vingts … guère plus, vous savez, d'après le nombre de
cordonnets que nous avons à notre corde ! Et puis, un jour, la corde casse et c'est fini !
nous tombons dans l'éternité et rendons compte à Dieu de la collaboration que nous
avons réalisée ou non ici-bas.
L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu ! Si oui: une joie divine ! Nous
verrons Dieu face-à-face, tel qu'Il est, nous dit Saint Jean. Une joie qui dépasse tout ce
que nous pouvons imaginer ! Et Saint Paul, toujours lui, regardant les choses de la terre,
même les plus belles qu'il avait connues (il était très artiste, on le voit bien dans ses
lettres, il était très enthousiaste et aimait la vie), eh bien ! Saint Paul, regardant toutes
ces choses belles qu'il avait connues auparavant et les comparant à la connaissance du
Christ et aux joies spirituelles qui étaient maintenant son partage, dit: ,,Tout ça =
Stercora !”. On ne peut traduire en français, alors on traduit: ,,Tout ça = de la boue, du
fumier !” … Saint Paul écrivant sous l'inspiration du Saint-Esprit ! à côté de ce qui nous
attend dans l'éternité ! …
Une joie que toutes les joies de la terre réunies ne peuvent approcher… Joie de la
musique, joie de connaître les sciences, les arts, les étoiles, les secrets atomiques
maintenant, joies très pures de l'affection et de l'amour d'ici-bas: tout ça, … c'est rien…
zéro… stercora ! …
Mais hélas, de cette liberté que Dieu nous donne, nous pouvons abuser et cet abus, s'il
montre bien que nous sommes libres, n'est pas une perfection de la liberté (tout comme
un malade montre qu'il est en vie, mais la maladie n'est pas, pour autant la perfection de
la vie), ainsi apparaît-il impensable qu'on puisse choisir cet abus de la liberté et,
délibérement, refuser la perfection que Dieu nous offre !
Pourtant sur cette terre, nous obéissons bien à tous les impératifs d'ordre matériel qui
nous contraignent: nous obéissons bien dans les gares, par exemple, où l'on nous traite
comme des enfants: ,,Ne traversez pas les voies, ne descendez pas à contre voie,
empruntez le passage souterrain” … On obéit, là ! On obéit en temps de guerre à un
officier qui vous envoie à la mort ! oui, on obéit ! Aussi apparaît-il insensé de ne pas
obéir à Celui qui, en jouant, a fait les étoiles dans le ciel ! "Ludens in orbe terrarum".
Eh oui ! nous sommes libres de refuser… hélas ! … On peut refuser de deux façons: il y
a d'abord la façon bête et absurde des sans-Dieu et des marxistes: beaucoup de gens qui
ne réfléchissent pas, qui suivent de mauvais bergers: ,,Il n'y a pas de bon Dieu ! Ce sont
les curés qui ont inventé ça !”. Remarquez, Messieurs, qu'ils ne suppriment pas Dieu: ils
le suppriment dans leur tête, maisa cela ne change rien à la question ! En tous cas, s'il y
a une chose que je trouve stupide, c'est la vaine gloriole que l'on donne à ces hommes,
francs-maçons pour la plupart, – ils ont là une espèce de paradis sur terre avec leurs
noms inscrits sur les plaques de rue – et qui maintenant traînent peut-être leur misère
devant le Seigneur ! Je n'ai pas reçu de révélation spéciale à leur sujet et s'ils se sont
convertis au dernier moment, tant mieux, oh oui, tant mieux ! mais ce dont je suis sûr et
certain, c'est qu'ils ne sont plus francs-maçons ni marxistes après leur mort, et savent
très bien que c'est Dieu qui a le dernier mot ! …
Il y a aussi une deuxième façon de refuser: celle de beaucoup de catholiques qui ne
refusent pas Dieu, ni son plan, qui trouvent même que le Bon Dieu et bon… ah oui,
bien sûr, mais qu'Il est un peu ancien ! Il ne lit pas les journaux sans doute et ne doit pas
être au courant de certaines besoins de l'âme contemporaine ! comme on écrit parfois…
Alors le Bon Dieu, on peut en prendre et en laisser, hein ? … Il est bon, ah oui, Il est
même si bon qu'on peut arranger, qu'on peut corriger son plan !
Voyons, Monsieur le Curé: alors, d'après vous, nous sommes encre régis, en 1967, par
la loi de Moïse ? loi qui avait été faite pour des tribus, une loi tribale, en 1967 ? mais
vous retardez, Monsieur le Curé ! Restons bons amis, mais vous ne me ferez pas suivre
le sixième commandement tel qu'il est encore conçu… rien à faire ! Le sixième
commandement, il faut me l'arranger…”.
,,Pardon, pardon, cher Monsieur, mais vous me demandez là quelque chose d'insensé…
Prenez donc un crucifix entre vos mains et, en regardant le Seigneur pantelant sur la
Croix, demandez-Lui vous-même s'Il peut vous faire un rabais ? Cela m'étonnerait,
vous savez, qu'Il y consente: cela Lui a coûté si cher ! Quant à moi, cher Monsieur, je
ne suis qu'un employé… oui, l'oint du Seigneur, celui qu'Il a envoyé non pour altérer sa
loi, mais pour la transmettre avec fidélité, pour être, en bref, un simple écho de sa
parole…”.
,,Comment ? Comment ? Vous ne pouvez pas, vous ne voulez pas ? Eh bien, je me
l'arrange tout seul ! Avec un commandement de moins, surtout celui-là, ça va déjà
mieux: au lieu de dix feux rouges, plus que neuf ! …”.
,,Ah ! Monsieur le Curé, tant qu'on est à arranger: il y a aussi le septième: ce n'est pas à
la page ça ! il n'y a pas de mensonge… il y a des "business" … imaginez que tous les
avocats, les représentants de commerce, les hommes d'affaire se mettent à dire la vérité
au sens où vous l'entendez… Il n'y aurait plus moyen de s'entendre, on se ferait rouler
par les autres… alors, la notion de mensonge: il faut me l'arranger aussi…
Vous ne voulez pas ? vous ne pouvez pas ? alors je vais l'arranger moi-même ! Tant
pis !
Oh ! mais faisons les choses bien, monsieur le CUré, tant qu'on y est, il y a aussi le
huitième commandement: … il n'y a pas de vol… voyez là (gentiment… doucement…
à cause des gendarmes !) mais on ne peut pas faire autrement, vous devriez le
comprendre ! vous seriez dans le commerce, vous feriez pareil, Monsieur le Curé… je
suis bien obligé de vivre, hein ? et de faire vivre ma famille, n'est-ce pas vrai ?
Comment, celui-là non plus, vous ne pouvez pas ? Eh bien, nous l'arrangerons quand
même ! et avec sept commandements au lieu de dix, cela commence à mieux aller ! …”.
Sur les routes de la terre, il y a de plus en plus de feux rouges… Imaginez un professeur
d'auto-école qui dirait à ses élèves: ,,Voyez-vous, Messieurs, il y a un peu trop de feux
rouges, c'est une vraie calamité, il n'y a plus moyen de circuler en ville, alors, moi, je
fais une petite moyenne… Oui, je m'arrête évidemment, quand l'agent est là, il faut être
prudent, bien sûr, mais s'il n'y a rien ? "Pfuit" ! tant pis pour le feu rouge !”.
Vous croyez que cela marcherait longtemps comme cela ?
Mes chers Messieurs, il faut obéir, sur la route, ou on devient un danger public !
Dans les chemins de fer, les usines, les barrages, partout il faut obéir à l'ingénieur en
chef et à son plan préétabli, qui organise le rendement, la sécurité ! Il faut suivre
toujours le plan, si l'on veut que ça marche… évidemment !
Chez les êtres libres la chose se réalise d'abord là, dans le cerveau: même un paysan qui
veut construire une baraque, si la baraque n'est pas d'abord là, dans sa tête, elle
n'existera jamais dans la réalité (ce qu'il veut réaliser, le but qu'il poursuit, les matériaux
qu'il devra acquérir, etc.). Un plan est toujours préétabli.
De même Dieu a fait le plan, le plan qui doit nous permettre de suivre la route qui
conduit à l'éternité. Voilà comment il faut faire: les feux rouges, les commandements de
Dieu…
Notre-Seigneur est venu nous expliquer à cet effet la loi évangélique et depuis vingt
siècles, les Souverains Pontifes ajoutent (ou plutôt n'ajoutent pas mais précisent)
certains comportements devant des problèmes nouveaux, mais en partant des mêmes
principes.
Il y a toujours un plan préétabli, mes chers Messieurs, et un plan oblige toujours à agir
d'une certaine façon, suppose des contraintes, requiert telles exigences, telles modalités,
autrement c'est la catastrophe ! …
Ce que j'ai dit du plan peut se dire des lois.
Quand les lois civiles sont un dictamen de la raison, il faut les suivre: exemple le code
de la route; – évidemment il faut les suivre ! … – Celui qui se croit malin sur la route
devient un danger public dès qu'il ne suit plus le code. Eh bien, sur la route qui mène à
Dieu, c'est identique, il faut obéir aux lois de Dieu; c'est autrement un effroyable péril
qui est encouru, rendons-nous en compte ! …
Voilà par exemple des écrivains qui sont non seulement des dangers publics mais de
véritables catastrophes lorsqu'ils perdent les pédales, comme on dit, lorsqu'ils perdent
les principes… Ils scandalisent les âmes !
L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu: voilà la raison de notre présence
sur la terre. Dieu est Amour, Il ne nous impose pas la perfection, Il nous l'offre et nous
obtenons cette perfection, évidemment, à condition de collaborer avec Lui.
Si au contraire, nous voulons faire nos caprices ? Ah ! alors, mes chers Messieurs, nous
jouons gros jeu: nous sommes sur terre pour mériter notre destinée éternelle, mais, si
nous ne la méritons pas, nous ne l'aurons pas ! Si nous la voulons, nous l'aurons, parce
que Dieu est fidèle ! Mais si nous ne nous inquiétons pas de faire ce qu'il faut pour
l'avoir: nous ne l'aurons pas ! L'apôtre Saint Paul nous dit encore:
,,Attention, Dieu est fidèle, mais Il ne peut se renier, et si nous le renions, Lui, Il nous
reniera”.
Voilà l'alternative tragique, voilà pourquoi on l'appelle "LE SALUT" ! Tant qu'on ne l'a
pas, on n'est pas sauvé ! Je m'imagine des naufragés en mer, ils se cramponnent là où ils
peuvent pour ne pas couler; arrive une chaloupe qui les repêche: sont-ils sauvés pour
cela ? Non, et même arrivés en vue du port, ils ne le sont pas encore ! On en a vu qui se
sont noyés même dans le port !
De même pour notre salut, nous pouvons au dernier moment le manquer, le perdre !
C'est pourquoi Saint Paul nous dit: ,,Opérez votre salut avec crainte et tremblement”, et
afin d'attirer notre attention sur cette alternative terrible, Saint Ambroise disait: ,,Il est
nécessaire que nous tombions dans l'une ou l'autre éternité”. Ou ce sera un bonheur
éternel, un bonheur que nous ne pouvons même pas concevoir, ou ce sera le malheur
éternel. Je vous ai déjà cité ce mot terrible de Notre-Seigneur:
,,Allez, maudits, au supplice éternel”.
Alors, mon Père, du premier coup vous nous parlez de l'enfer ?
Oui Messieurs, soit le ciel, soit l'enfer; nous sommes devant ces deux issues possibles.
Voilà pourquoi nous devrions avoir une véritable angoisse de ne pas faire assez pour
gagner ce qui est le but de la vie, le but de notre passage ici-bas: celui de jouir de Dieu
pendant l'éternité ! …
Malheureusement, à notre époque, beaucoup de chrétiens se sont peu à peu laissés
pénétrer par cette impiété satanique: la foi sans les œuvres… Dieu est bon, et, parce
qu'Il est bon, je peux faire impunément ce que je veux et me moquer de Lui !
Ah ! non ! c'est justement parce que Dieu est bon qu'Il ne peut pas tolérer le mal… Si
vous faites ce que vous devez faire, vous aurez votre salut… Dieu est fidèle !
Mais si vous ne faites pas ce que vous devriez faire, ne vous faites pas d'illusion ! Vous
ne l'aurez pas ! Notre-Seigneur nous a prévenus: ,,Les uns iront à la vie éternelle et les
autres iront au supplice éternel”.
Et Saint Paul ajoute: ,,Nolite errare, Deus non irridetur” – ne vous faites pas d'illusion,
on ne se moque pas de Dieu – et il ajoute des paroles que tout cultivateur comprendra
bien: ,,Ce que l'homme aura semé, c'est ce qu'il récoltera”.
Il est évident qu'une religion au rabais serait plus facile à observer, mais soyons
logiques: … Comment ! Le Fils de Dieu se fait homme, passe trente ans sur terre et
nous laisse sa loi évangélique; Il nous invite à Lui ressembler par le renoncement et
nous montre le chemin de la Croix pour nous permettre de trouver celui du ciel: de plus,
Il meurt Lui-même sur la croix pour nous racheter ! Et ceux-là seraient assez illogiques
pour décider d'une petite religion à eux ? et assez absurdes pour penser que la justice
divine tolérerait – et ici j'emprunte les paroles mêmes de Pie XII – : ,,une telle
déformation de son image et de ses desseins, un tel abus de ses dons, un tel mépris de sa
volonté et, surtout, une telle dérision pour le sang innocent de Son Fils versé pour
nous ? …”.
Quand même ! Réfléchissons ! Et si, au jour du jugement, ceux-là sont accueillis avec
sévérité et mis au nombre des réprouvés, qu'ils n'en accusent pas le juste Juge !
Remarquez d'ailleurs comment Saint Ignace nous précise cet effroyable risque: Au lieu
de dire: ,,et en faisant cela, sauver son âme”, il aurait pu avec autant de vérité dire: ,,et
en faisant cela, arriver au ciel”, ou ,,en faisant cela, contempler l'éternelle béatitude”,
etc.… Non, au contraire, il met en relief la notion de notre salut, l'alternative terrible de
la damnation si nous refusons Dieu et de la gloire infinie qui sera notre partage si nous
acceptons et suivons son plan d'amour !
L'homme est créé pour louer Notre-Seigneur, le révérer, le servir, et en faisant cela,
sauver son âme…
Je termine cet exposé par une histoire aussi absurde que tragique mais qui peut vous
aider à graver dans vos cœurs le but de la vie, celui de gagner Dieu dans une éternité
bienheureuse…
Au Mexique, il y a une loterie nationale, et pour l'année 1961, le gros lot consistait en
deux millions de dollars.
Ce gros lot a été gagné par un paysan des environs de Mexico. Il avait fait une folie,
s'était payé un billet complet ! Il avait commencé par faire une crise de larmes, et à
chaque instant, il demandait à Pierre et à Paul: ,,C'est bien moi qui ai gagné ? c'est bien
moi ? ”.
A tel point que l'alcade du pays avait fait faire une grande banderole sur laquelle était
porté: ,,C'est notre concitoyen Perez qui a gagné le gros lot avec le numéro …”.
Ainsi, même en pleurant, il pouvait voir les numéros hauts d'un mètre ! Bien…
Trois semaines plus tard, il devait se rendre à Mexico pour toucher la somme. Il avait
invité tous les hommes du coin à qui il devait payer là-bas une tournée à tout casser;
cinq ou six cars partirent. Mais en route, d'autres hommes voulaient profiter de l'aubaine
et chaque fois que quelqu'un montait, mon Perez recommençait son manège: ,,C'est bien
moi qui ai gagné ? c'est bien moi ? ”.
Alors les gens lui disaient: ,,Mais tu es idiot, Perez, si tu n'avais pas gagné, on ne
t'accompagnerait pas, tu comprends bien, ne viens pas encore nous ennuyer avec ta
marotte !”. Enfin, on fait quelques kilomètres de plus, le chemin tournait, là, sur un pont
de bois ou trois bonshommes attendaient. Ils montent dans le car où se trouvait Perez
qui, une fois de plus, recommence son manège: ,,C'est bien moi qui…”. Tout d'un coup,
une rafale de vent… Pouf… le billet qui voltige dans la nature… Catastrophe: une
rivière rapide, des buissons épineux… Ah !
Ces hommes descendent, on commence à pérorer. Bref, ils ont cherché un jour, ils ont
cherché deux jours, là, pays désert, puis, tout d'un coup, l'un d'eux s'écrie: ,,Mais Perez,
avec ton imbécillité de nous montrer ton billet, tout le monde sait, tout le monde a vu
ton billet, nous sommes trois cents à témoigner pour toi, allons à Mexico !”.
Ils sont allés à l'hôtel des monnaies, et après les avoir écoutés, on leur dit: ,,Vous êtes
bien gentils, Messieurs, mais il ne s'agit pas d'une question de témoignage, vous seriez
trois mille, cela serait pareil. Il s'agit d'un billet: si vous avez le billet, vous aurez les
sous… Vous savez bien où vous l'avez perdu ce billet ? Il est bien quelque part, allez le
chercher !”.
Ils ont repris les cars, ils ont encore cherché le billet; cela faisait quatre, cinq jours déjà.
Ils se sont lassés, plus d'espoir. Et ils sont repartis dans leur village, assez penauds de
l'aventure; et les derniers ont vu Perez qui ne voulait pas partir, lui… Il était accoudé à
la balustrade du pont et regardait l'eau qui défilait ! On ne l'a plus revu… On ne l'a plus
revu ou plutôt on l'a revu trois semaines plus tard, là-bas, tout gonflé, beaucoup plus bas
! Il n'avait pu supporter l'aventure. Avoir eu en mains, lui, paysan, une somme
équivalente à dix millions de nos francs et bêtement la perdre ! Il n'avait pu le supporter
!
Mes chers Messieurs, lorsque vous êtes arrivés sur la terre, vous avez reçu, tous, en
même temps qu'une corde un billet d'éternité: le jour du baptême, un billet d'entrée au
ciel, un billet de grâce sanctifiante, un billet qui valait plus d'un million de dollars, qui
valait plus d'un milliard de dollars, un billet d'une éternité de joie indicible, tout petit,
vous ne vous rendiez pas compte… tandis qu'il s'inscrivait dans votre âme d'enfant de
Dieu ! …
Réalisez le jour où votre corde cassera, peut-être au moment où vous y penserez le
moins, si vous vous présentez devant le Seigneur sans avoir le billet, sans avoir la grâce
qu'il représente ! … Que ferez-vous à ce moment-là ?
Vous restez immortels ! Le Seigneur vous dira:
,,Mon petit, tu n'as pas voulu de moi pendant ta vie, Moi je ne veux plus de toi
maintenant !”. Où irez-vous ?
Voilà votre méditation, mes chers Messieurs.
Je vous rappelle l'histoire de l'aigle. Qu'est-ce que nous faisons ici-bas ? Nous sommes
suspendus au-dessus de l'éternité.
Combien reste-t-il de cordonnets à notre corde ? Qu'est-ce que nous faisons ? L'homme
est créé par amour, Dieu nous propose un plan d'amour. Si nous acceptons ce plan, en
collaborant avec Dieu, nous atteignons cette perfection que Dieu nous destine. Et si, au
contraire, nous refusons ce plan, en abusant de notre liberté, en faisant nos caprices ?
C'est très grave, mes chers Messieurs, c'est très, très grave… C'est le Seigneur qui le dit
Lui-même dans l'Évangile.
Vous allez donc méditer là-dessus, Comme je vous le disais au début, dès que vous
serez dans votre chambre, attachez-vous bien à faire les actes préliminaires: présence de
Dieu, oraison préparatoire, la grâce à demander, puis, avec votre mémoire, en gros,
vous revoyez l'histoire qui vous sert de composition de lieu et vous aidera dans vos
réflexions avec Dieu. Attardez-vous en revoyant l'importance du salut, l'importance du
salut, l'affaire la plus importante de votre vie ! Il faut que je le fasse coûte que coûte !
sinon tout est perdu ! c'est le malheur éternel ! si oui, le bonheur ineffable de jouir de
Dieu, voilà le problème ! C'est Notre-Seigneur, Lui-même qui l'a défini. Est-ce que,
jusqu'à présent, je m'en suis préoccupé ?
Au contraire, ai-je suivi la mauvaise voie en me mettant au nombre de ces moutons de
Panurge qui suivent de mauvais bergers ?
Ce n'est pas parce qu'ils sont nombreux qu'ils ont raison ! Le nombre des fous est infini,
dit la sainte Écriture. L'homme aura beau faire, il ne changera rien à la Vérité ! Et
qu'est-ce que Dieu exige de moi ? Qu'est-ce qu'un père exige de son enfant pour lui
laisser son héritage ? Oh rien ! ou presque rien ! Qu'il le reconnaisse comme son Père et
qu'il obéisse aux commandements que, dans sa sagesse, il a établis pour le protéger…
Dans une vingtaine de minutes, on sonnera les coups doubles… Ne partez pas, ne
quittez pas vos chambres, mais arrêtez la méditation…
Dans la méditation, vous allez demander la lumière à Dieu. Au fond, vous savez, vous
connaissez déjà ce que je vous ai dit: pas les détails, mais la chose, oui ! Alors
demandez à Dieu une pleine, une vive lumière sur ce problème du salut !
Bien souvent, et peut-être parmi vous, y en a-t-il dont les accus spirituels sont à plat…
Les accus vous les avez… Demandez au Seigneur de vous les recharger, vos accus, de
vous donner une grande lumière !
Alors, à la sonnerie double, disais-je, faites un colloque avec Dieu pour le remercier
dans un cœur-à-cœur plein de ferveur: Dieu est Dieu. Écoutez ce qu'Il vous dit, offrez-
vous à Lui, puis vous réciterez un Pater noster avec un grand respect, à genoux si vous
le pouvez. Ensuite, à votre table, avec votre carnet et la page 337 de votre livre, vous
ferez un peu d'examen de la méditation: Qu'est-ce qui m'a frappé, qu'est-ce qui aurait dû
me frapper ? que faut-il que j'en garde, etc.… Quelques minutes plus tard, seconde
sonnerie, un roulement, vous aurez alors temps libre.
Allez ! Allez vite faire cette méditation: c'est très important !

Principes et fondement - Deuxième partie


Nous allons voir, Messieurs, la suite du "PRINCIPE ET FONDEMENT", page 348, au
bas de la page. Dans la première partie nous avons retrouvé deux, on pourrait même
dire trois grandes vérités: d'abord Dieu, le Créateur, le Père, le Tout-Puissant… l'Infini,
l'Immense… Dieu qui est Amour ! C'est la plus belle définition qu'on puisse donner de
Dieu. Or, c'est le propre de l'amour de se donner et de se répandre… C'est pour cela que
tout existe ! Alors, d'abord: DIEU.
Et puis l'homme: créature de Dieu, qui a été fait pour réaliser un plan d'amour. Dieu est
l'Être aussi, sans limite: Il a répondu à Moïse: ,,Je suis celui qui suis”. Notre-Seigneur
dit un jour à Sainte Gertrude: ,,Moi, je suis celui qui "est" et toi, tu es celle qui n'est
pas”. Nous sommes les créatures de Dieu, mais ses enfants aussi, et, nous traitant
comme des êtres libres, Il nous offre de collaborer avec Lui ! …
Dieu, qui a imposé une perfection relative aux êtres non libres, minéraux, végétaux,
animaux, ne l'impose pas aux hommes. Mais sa volonté est que nous devenions des
saints: ,,Haec voluntas Dei sanctificatio vestra”. Il nous l'offre sans nous forcer, sans
nous contraindre, nous traitant comme des êtres libres, comme ses enfants ! Alors Dieu:
Première vérité. Seconde vérité: l'HOMME, enfant de Dieu.
Dès qu'on écarte l'homme de Dieu, on ne sait plus ce que c'est que l'homme ! Après
tout: les négations de Dieu ne peuvent rien contre Dieu, mais elles peuvent contre
l'homme. Parce que si l'homme n'est plus enfant de Dieu, qu'est-ce qu'il est ? Ah ! …
L'empereur Néron, il y a dix-neuf siècles, après avoir mis, semble-t-il, l'incendie à
Rome et en avoir accusé les chrétiens, avait trouvé un moyen de les utiliser: il faisait
enduire ces chrétiens de poix et s'en servait comme lampadaires pour éclairer ses fêtes
du Vatican ! Néron avait trouvé un emploi pour l'homme: l'homme va servir de
lampadaire, voilà !
On prétend que Napoléon Ier, s'adressait un jour à Metternich et le menaçant, lui
disait: ,,Monsieur, j'ai derrière moi un capital dépensable de cinq cent mille hommes”.
Napoléon avait trouvé un autre sens de l'homme, lui… l'homme chair à canons !
Karl Marx: l'homme est un fabricant d'outils, l'animal qui fait des outils… oui, tout est
matière… matière première, transport, usinage, outils ! Quel est donc l'idéal ? … un peu
plus de matières premières, un peu plus de transport, un peu plus d'usinage, un peu plus
d'outils… L'homme est un robot, il faut qu'il soit bien nourri ! bien, oui… c'est ça: bien
nourri, pas de souci, un peu comme les animaux du zoo ! Ils n'ont pas de souci non plus,
ils sont bien nourris: on ne veut pas les perdre évidemment car ils coûtent cher, ils sont
même climatisés ! Les fauves du zoo de Vincennes sont climatisés, mais si on pouvait
leur demander leur avis, peut-être préféreraient-ils leur savane ou la jungle ?
Les soldats aussi sont climatisés maintenant dans les casernes: ils sont bien nourris, ils
ont la télévision, et pourtant, ils rêvent toujours de la "quille" ! Comme c'est curieux
cela ! Eh oui, remarquez que si l'homme n'est pas un enfant de Dieu, tout devient
possible comme tentative sur l'homme ! …
Si l'Église nous trompe en nous disant par saint Ignace ce que nous avons médité tout à
l'heure: à savoir que l'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu… Si ce n'est
pas vrai, cela, qu'est-ce que c'est que l'homme ? N'importe quel tyran qui aura avec lui
la puissance pourra toujours imposer sons sens de l'homme: Kroutchev l'a fait
récemment, il n'y a pas beaucoup plus de dix ans, aux ouvriers de Budapest ! …
Eh oui, mes chers Messieurs, ce qui libère l'homme c'est cela: c'est la réalité de Dieu qui
nous libère et il n'y a que cela qui puisse nous libérer… Il n'y a que l'Eglise qui libère, et
n'importe quel tyran qui se dresse à l'hoprizon comprend toujours que l'Eglise, l'Eglise
catholique et romaine est pour lui l'ennemi numéro un, pourquoi ? … Parce qu'elle
rappelle la grandeur de l'homme ! Parce que l'homme a été créé par Dieu, pour réaliser
avec Dieu, aidé par Dieu, mais librement, son plan d'amour. C'est ça qui fait la grandeur
de l'homme ! Oui, nous avons retrouvé cela:
DIEU, l'HOMME et le PLAN de DIEU: trois vérités.
Mais nous n'avons qu'à ouvrir les yeux pour voir des choses qui ne sont pas Dieu, qui
ne sont pas l'homme non plus; eh bien, ces choses, il faut maintenant que nous en
connaissions la signification.
Voulez-vous prendre votre livre, page 348: je cite: ,,Les autres choses (je dis les autres
choses parce que nous avons déjà expliqué Dieu et l'homme créature et enfant de Dieu),
les autres choses, sur la face de la terre sont créées pour l'homme, pour l'aider dans la
poursuite de la fin pour laquelle il a été créé”, (cette fin qui est la gloire de Dieu,
évidemment, mais qui est aussi la gloire de l'homme).
Dans cette phrase, il y a des mots plus importants: "pour l'aider", les choses sont là pour
nous aider.
… ,,d'où il suit (nouvelle conséquence) que l'homme doit faire usage de ces choses afin
qu'elles l'aident à poursuivre sa fin, à atteindre son but, et qu'il doit s'en défaire, de ces
choses, autant qu'elles l'en empêchent”.
Dans cette dernière phrase, il y a aussi des mots plus importants: les mots répétés:
"autant que…"
,,Pour cela (garder le "autant que…") il est nécessaire de nous rendre indifférents, (voilà
un mot qu'il faudra expliquer aussi) à toute chose créée, à tout ce qui est laissé au choix
de notre libre arbitre et ne lui est pas défendu, de telle manière que nous ne voulions, de
notre part, pas plus la santé que la maladie, pas plus la richesse que la pauvreté, pas plus
l'honneur que le mépris, pas plus une vie longue qu'une vie courte et ainsi de tout le
reste, désirant et choisissant seulement ce qui nous conduit davantage à éla fin pour
laquelle nous sommes créés”.
Vous avez remarqué au passage, mes chers Messieurs, une série de vérités qui se
dégagent par voie de conséquence logique les unes des autres. Je vais donc les
reprendre, vous les commenter un petit peu et puis, comme tout à l'heure, vous irez dans
votre chambre pour "ruminer", pour méditer.
On ne vous demande pas de vous casser la tête dans votre chambre pour faire de belles
méditations, on vous demande seulement de vous efforcer… l'un de vous me disait, tout
à l'heure, qu'il en avait mal à la tête !
Si vous partiez d'ici la tête cassée, cela n'arrangerait rien… Alors, faites cela
gentiment… demandez aussi au bon Dieu de vous aider. Sachons demander à Dieu
comme des mendiants, dans des colloques fervents… Le colloque est une prière, une
conversation encore plus intime avec Dieu et le colloque ne fatigue pas: cela ne fatigue
pas d'aimer !
Voilà une maman qui est professeur de mathématiques: si elle fait huit heures de
mathématiques par jour, cela doit la fatiguer, bien sûr, mais aimer son mari et ses
enfants vingt-quatre heures par jour ne la fatigue pas !
Je veux dire que, dans votre chambre, faites pour le mieux, efforcez-vous et le bon Dieu
fera le reste…
Ainsi donc, mes chers Messieurs, nous nous trouvons devant le problème des choses –
les autres choses – c'est-à-dire, tout ce qui n'est ni Dieu, ni nous… Ces autres choses,
vous l'avez appris en classe, déjà tout petits, peuvent se classer en trois grandes
catégories: les minéraux, les végétaux, les animaux, parmi lesquels l'homme: animal
raisonnable.
Mais, si vous voulez un peu plus de détails, les choses, ce sont d'abord les biens: les
biens immeubles, maisons, prairies; les biens meubles: valeurs financières, bancaires,
l'or, l'argent, les outils… avions, tracteurs, autos et autres machines ! Les choses, c'est
aussi la science, la possession d'une science qui est une richesse intellectuelle, qui rend
de grands services d'ailleurs, et, avec la science, les études, les diplômes…
Les choses, c'est encore l'art, la musique, la peinture, l'architecture, la sculpture, etc.
C'est aussi la nourriture, la boisson, les petits plats et les gfrands, les banquets, les
liqueurs, les vins…
Les choses, c'est aussi les loisirs et les moyens que nous prenons pour les occuper: les
stades, la télévision, le cinéma, le théâtre, le chant, la plage, la montagne, le ski, la
varape, le cyclisme, le hockey…
Bien ! tout cela ce sont les choses.
Les choses, sont aussi les événements qui passent, les situations sociales plus ou moins
belles et aussi les circonstances dont nous ne sommes pas toujours les maîtres, le milieu
social dans lequel nous sommes obligés de vivre; nous sommes toujours obligés d'avoir
un milieu social et civique qui nous entoure, un milieu familial aussi ! On peut en
changer, bien entendu, de temps à autre, mais pas trop souvent quand même parce que
pierre qui roule…
On ne peut pas changer de famille n'est-ce pas ! et s'il est permis de changer de rue ou
de quartier, on ne peut le faire quatre fois par mois comme les quartiers de la lune !
Alors donc un milieu social qui s'impose à nous et, dans ce milieu social des contraintes
à subir, certaines qui nous portent au bien, d'autres qui nous gênent.
Je me rappelle un retraitant qui me racontait ses petites misères, il habitait dans une
banlieue de petite ville et il me disait qu'à hauteur de son appartement il avait à sa
gauche un voisin qui était "un poison" ! ,,Il est toujours, me confiait-il, en procès avec
quelqu'un, un mauvais coucheur ! Un poison embêtant au poswsible” ! Et il me dit: ,,Je
ne peux tout de même pas déménager pour cela: je risquerais d'en trouver un autre !”.
,,Mais par contre, à ma droite, j'ai une voisine… ah ! charmante, gentille comme tout !
sympathique et veuve… elle est veuve par-dessus le marché ! Alors mon travail permet
de lui donner quelques conseils ! Ma femme est jalouse ! pourtant je ne cherche rien !
… Eh bien, vous savez, la petite veuve me pose plus de problèmes que le voisin
empoisonnant de gauche, mais pas les mêmes problèmes, tout à fait différents, opposés:
problèmes d'antipathie et problèmes de… sympathie ! …
Eh oui, le social … Tout cela c'est les choses !
Et d'où viennent-elles ?
Elles viennent du même constructeur, du même ingénieur en chef ! Vous savez que
Dieu a créé les ANGES. Les anges n'ont pas de corps et par cette seule remarque, que
les anges n'ont pas de corps, nous comprenons que le problème des anges (il y a eu un
problème pour eux, évidemment), était très différent du nôtre ! Pour l'instant, nous le
laissons de côté.
Alors Dieu a voulu créer des êtres qui soient à la fois esprit et matière: l'homme, esprit
et corps. Mais, pour que Dieu résolve ce problème, se sont posées à Lui toute une série
de conditions: Dieu n'était pas obligé de nous créer, mais du moment qu'Il décida de le
faire dans ces conditions, c'est-à-dire, esprit et corps, Dieu, pour suivre les lois de son
Être à Lui, dut réaliser un certain nombre de conditions préliminaires, nécessaires à la
vie du corps. Car c'est ce dernier qui pose des problèmes, ce n'est pas l'âme !
L'âme évidemment a des problèmes d'un autre ordre comme celui de la collaboration
avec DIeu, celui de l'éternité … mais le problème quotidien de la vie, c'est le corps qui
le pose ! …
Tenez, prenez la vie d'un catholique français moyen: il y vingt-quatre heures par jour,
comme tout le monde, mais regardez comment il passe ces vingt-quatre heures: D'abord
un tiers couché, soit huit heures où il essaie de perdre connaissance et d'être homme le
moins possible. Bien, il reste à table environ deux heures et demie à faire des choses pas
très spirituelles, vous savez ! Le reste du temps, il travaille pour se gagner sa croûte,
toujours pour le corps. Acheter des vêtements, faire bâtir une maison: c'est pour le corps
et le reste, s'il en reste, pour l'âme, pour l'esprit. Oui, c'est le corps qui pose tous les
problèmes matériels !
Alors, Dieu décide de nous créer et pour cela, il a dû envisager une machine pour
recevoir les hommes: Il a créé la terre à cet effet.
Il aurait pu la faire plus grande, comme Jupiter, ou plus petite comme Mars, mais pour
que l'homme puisse vivre sur terre avec son corps, il a fallu que Dieu réalise d'autres
conditions: Physico-chimiques, hydrogène, oxygène et autres gaz; il fallait une
température adéquate parce que la matière et les gaz se comportent différemment selon
la chaleur, alors le Seigneur a dû créer un calorifère qui serait en même temps un phare
pour réchauffer et éclairer; et Il a mis cela à huit minutes de marche et quelques
secondes: la petite banlieue, quoi ! Et grâce au soleil, la lumière, la chaleur, le
rayonnement avec le jeu admirable de la physique, de la chimie, de la chlorophylle,
etc… et grâce à cela: les plantes … et puis un jour… les animaux … et lorsque tout a
été prêt: l'homme ! Tout ça pour l'homme, pour aider l'homme ! …
Messieurs, rappelons-nous le but: c'est la possession de Dieu dans l'éternité, une joie
divine ! La petite Thérèse de l'Enfant Jésus, écrivant à sa sœur, s'enthousiasmait en
pensant que bientôt elles seraient comme des dieux ! Les saints pensaient souvent à
cela, à cette destinée inconcevable, dont nous connaissons le but: c'est Dieu. Nous
sommes ici de passage, nous sommes ici en transit; nous allons ailleurs, nous devons
vivre ailleurs !
Qu'est-ce que c'est que les quatre-vingts ans à passer ici-bas pour ceux d'entre nous qui
arriveront au bout de huit ou neuf cordonnets, qu'est-ce que quatre-vingts ans en regard
de l'éternité ? Mes chers Messieurs, dans mille ans, lorsqu'on se rappellera (je ne sais
pas où nous serons, mais je pense que la retraite étant une grande grâce et marque
d'amour de la part de Dieu, nous nous reverrons là-haut, tous), alors on parlera de la
terre: ,,Vous vous rappelez, en 1964, oui, le tour de France, la chaleur, le général de
Gaulle, Kroutchev, tout ça ! … les réunions par-ci, les réunions par-là, les bombes
atomiques … bah ! au fond, on était bien bêtes de se créer tant de soucis ! …
Evidemment, il faut avoir des soucis, mais le Seigneur nous a dit: ,,Cherchez d'abord le
royaume des cieux” … Oui, mes chers Messieurs, nous connaissons le but, la
possession de Dieu, nous sommes les enfants de Dieu, un jour notre corde cassera …
Alors, ces choses qui nous entourent, ces autres choses ne sont que des moyens pour
atteindre ce but, cette destinée. Tout est moyen et dès qu'on parle de moyen, on parle
d'une notion corrélative; celle de mesure. Voilà deux choses qui vont toujours
ensemble.
C'est facile à prouver: vous prenez un train qui est un "moyen" de transport, vous le
prenez "autant que…": la mesure.

Par exemple, vous allez de Valence Dijon: d'abord il n'y a pas de train dans tous les
villages, alors, vous allez à Valence, à dix kilomètres. Là, dans la gare, il y a des salles
d'attente. Pourquoi ? Parce que le train bon pour moi n'est pas toujours en gare.
Remarquez qu'en soi, tous les trains sont bons, mais ils ne sont pas tous bons pour moi,
c'est pour cela qu'il y a des salles d'attente et lorsque le train bon pour moi arrive, je le
prends, mais je le prends "autant que…" c'est-à-dire qu'arrivé à Dijon je descends.
Il y a trois catégories de gens qui ne font pas "l'autant que" et qui restent dans le train
bien qu'ils soient arrivés au but: d'abord les petits enfants, les tout petits; heureusement
les parents veillent sur eux et les font descendre quand il faut; il y a aussi les vieux
pépés qui, passé quatre-vingt-dix ans, sont dans la deuxième enfance comme les petits,
ils prennent le train sans trop savoir où ils vont; c'est d'ailleurs assez gênant ! … et puis
il y a les gens qui dorment. Les premiers n'ont pas encore la raison, les seconds ne l'ont
plus et les troisièmes n'en ont pas l'usage au moment où il faut. D'ailleurs en se
réveillant à Paris, ils sont sans doute bien ennuyés… ,,et dire que j'avais un rendez-vous
urgent !” … Mais un homme conscient, en prenant le train fait "autant que …". Le seul
fait de ne pas faire "autant que…" montre que, dans sa tête il y a quelque chose qui ne
marche pas bien ! Même chose dans les cars: on prend le bon, celui qui vous mène au
but, même s'il n'est pas rouge (moi j'aime beaucoup le rouge …).
A chaque instant, nous faisons cela: l'autant que, la mesure. Vous payez une facture:
,,Autant que”. ,,Combien vous dois-je boulanger pour le pain de la quinzaine ?” ,,Cher
Monsieur, vous me devez dix-huit francs”. Eh bien, vous alignez dix-huit francs. Vous
ne devez pas plus, vous ne pouvez donner moins! ,,Quand même, je peux bien donner
vingt francs si ça me plaît! … Remarquez que le boulanger ne demandera pas mieux et
les gardera, mais dès que vous serez sorti, il dira à sa femme, j'en suis certain: ,,Ce
Monsieur est bien gentil, mais doit avoir quelque chose qui ne va pas bien! Pourquoi ?
Regarde, il me doit dix-huit francs et m'en donne vingt sans raison”. Quand votre
famille apprendra que sans motif, vous donnez vingt pour cent de plus en payant vos
factures, on va parler de psychiâtre, croyez-moi!
Oui, ,,autant que”, c'est pareil pour tout! On construit un immeuble "autant que"… Il y a
des lois d'équilibre dont on ne peut ignorer l'existence et qu'il faut appliquer, sinon
l'immeuble dégringolera sur la tête des gens! On ne fait pas ce qu'on veut, les lois de
pesanteur jouent. On ne fait pas ce qu'on veut en construisant les barrages… Ah! Il y a
des lois. Partout c'est l'admirable nécessité de l'"autant que", de la mesure…
Imaginez qu'en France on supprime la mesure dans la musique. Nous, Français, gardons
la musique, mais supprimons la mesure… Hé! si vous supprimez la mesure, il n'y a plus
de musique, il n'y a plus d'immeubles, il n'y a plus de barrages, plus de machines, plus
de technique… Il n'y a plus rien sans la mesure!
Donc, à la mesure, nous ne pouvons manquer, parce que si on oublie la mesure dans
une fabrique pyrotechnique, dans une usine chimique, attention, hein! cela peut être la
catastrophe. Si on oublie la mesure dans les chemins de fer, c'est pareil. Partout nous
trouvons l'insécurité et la catastrophe.
Alors, pour tout ça, dans tous ces domaines matériels, nous faisons attention et avec
raison… Le grand malheur, c'est que nous manquons à la mesure dans nos relations
avec Dieu… pour l'essentiel…
Nous savons que Dieu a posé des défenses, qu'Il a fait un CODE pour aller à Lui, mais,
nous les hommes, nous faisons un peu comme le petit que je voyais un jour dans un
train, sur les genoux de sa mère, une jeune maman et son fils qu'elle appelait Riri: trois
ans environ. A chaque instant, elle le menaçait: ,,Si tu continues, Riri, tu vas recevoir
une gifle!” Et comme la gifle ne descendait jamais, Riri continuait de plus belle! A un
moment donné, il met la main dans le sac de sa mère… ,,Si tu mets la main dans le sac,
tu vas voir!” Elle y était déjà la main!… ,,Si tu sors quelque chose du sac, gare à toi!”.
Et comme le petit voyait que tout le monde souriait et que la claque ne descendait pas, il
sort la boîte de poudre de riez! ,,Si tu ouvres la boîte, tu vas voir ce que tu vas recevoir!
… Et le petit, non seulement ouvre la boîte, mais ils étaient tous couverts de poudre de
riz, après! Alors la mère, voyant qu'elle avait affaire à un petit prodige, a refermé la
boîte sur le peu qui restait et elle l'a embrassé. Elle était heureuse!…
Eh bien, nous, nous avons la tentation de faire un peu comme cela: on touche au plan
divin, on regarde le patron – d'ailleurs on ne le voit pas – on continue à tricher, on fait
comme Riri. Et comme la gifle ne descend pas, on croit… Hein ? … Oui! Nous avons
facilement tendance à manquer à l'"autant que"… à nous laisser entraîner par nos
passions, nos passions qui ne voient que le plaisir immédiat, qui ne voient pas le but et
nous entraînent de ce fait; les passions qui nous portent à ce qui nous plaît, qui nous
portent à échapper à ce qui nous déplaît aussi…
Je me rappelle encore une histoire: ce petit soldat avait eu un accident, on l'avait mené à
l'hôpital et, quelques jours après, le chirurgien passe dans les chambres. Il regarde la
fiche du blessé et dit à l'infirmière: ,,Ma Sœur, aujourd'hui trois pansements! pas un,
trois! et pour le remonter, vous lui donnerez un doigt de champagne”. Bien, la journée
se passe et la sœur revient dans la soirée voir le petit blessé: Ah! troisième pansement!

,,Encore, ma Sœur, trois!”
,,Mais, mon petit, ce n'est pas vous qui commandez; le chirurgien, ce matin a dit trois!”
,,Oh! le chirurgien, le chirurgien… Il a dit: ce soir vous lui donnerez du champagne,
voilà ce qu'il a dit le chirurgien!”
Bien, elle est patiente, elle s'en va et revient avec une bouteille de champagne et un
verre, puis elle lui verse un doigt de champagne.
,,Comment, ma Sœur, c'est ça que vous me donnez?”
,,Mon petit, je l'ai marqué sur ma feuille, un doigt!”
,,Oui, ma Sœur, j'ai entendu qu'il a dit un doigt, mais pas un doigt comme ça, j'en suis
sûr ma Sœur, je suis sûr de ça! Allez, ne faites pas de chichis, versez, ma Sœur!…”
Et il le fait durer le plaisir… Enfin, il arrive au bout, elle est là, patiente…
,,Et le pansement?”
,,Oh! encore, ma Sœur…”
,,Allez, allez, mon petit, moi je n'ai pas de temps à perdre, allez ouste! Trois
pansements, pas deux”
Et malgré ses cris, elle lui fait le troisième pansement!
Eh bien, c'est l'image de notre comportement à tous! Quand cela nous plaît, nous avons
tendance à augmenter la dose, tous – même Monsieur le chanoine, là – et même moi
aussi! nous avons tous la tendance, tous, même les saints l'avaient, la tendance! Ah! ils
ne cédaient pas à la tendance, mais ils l'avaient: augmenter la dose lorsque ça nous
plaît!
Nous sommes faits pour le bonheur et, comme Adam, nous voudrions l'avoir ici-bas;
par contre, lorsque ça nous déplaît, nous avons la tentation de supprimer la chose! Mais,
mes chers Messieurs, c'est dangereux cela, pourquoi ?
Parce que, pour réaliser le plan de Dieu, il y a un code à suivre, comme sur les routes de
la terre; il y a des contraientes à subir et il faut faire, pour arriver au but, des choses
pénibles!…
Mes chers Messieurs, vous ne réaliserez pas le plan de Dieu si vous ne voulez pas faire
des choses pénibles!… On n'a pas encore trouvé le moyen sur la terre d'arriver à Dieu
sans faire des choses pénibles.
Je parle au moins pour les adultes: Il y a quelquefois des enfants qui meurent dès le
baptême et ne sont pas dans ce cas; mais en ce qui concerne les hommes, depuis l'âge
de raison, il n'y a pas moyen d'arriver au but sans faire au moins quelques petites choses
pénibles!
L'Eglise, dans son martyrologe, nous rappelle tous les jours quelques saiants,
quelquefois nombreux et parmi eux nous trouvons des fillettes: le 31 janvier, nous
fêtions sainte Agnès, douze ans, une patricienne de Rome. Pour arriver au but, elle a dû
passer par la prison et a été décapitée.
Je cite sainte Agnès, parce qu'il semblerait qu'elle aurait dû avoir un rabais, cette petite
de douze ans! Elle n'a pas eu de rabais! Saint Tarcisius non plus n'a pas eu de rabais, ce
petit garçon de dix ans, enfant de chœur. Saiante Foy, la patronne d'Agen, à côté de
Bordeaux, là-bas, elle non plus n'a pas eu de rabais. Sainte Cécile, une patricienne de
dix-huit ou dix-neuf ans, non plus! pas plus que sainte Catherine d'Alexandrie, ni sainte
Marguerite. Elle n'a pas eu de rabais sainte Jeanne d'Arc qui avait dix-neuf ans! Notre-
Seigneur ne lui a pas fait cadeau d'une nuit de Rouen ou du bûcher!…
Quelquefois, c'est la maladie qu'il faut accepter pour arriver au but, c'est parfois le
déshonneur. Des quantités de saints ont été déshonorés; des martyrs ont été déshonorés;
Jeanne d'Arc, par exemple et bien d'autres! Oui, mes chers Messieurs, pour arriver au
but, il faut faire parfois, avec la grâce de Dieu des choses pénibles…
Et voyez la contre-partie: des hommes vont rater leur éternité pourquoi ? parce qu'ils
veulent abuser des choses qui leur plaisent. Vous avez des hommes qui vont rater leur
éternité parce que, là, c'est bon dans la gorge, sur quatre centimètres!…
D'autres, ce sera à cause de la pêche: ce n'est pas mal de pêcher. C'est peut-être
légitime, mais… "autant que" … le dimanche, pour eux, c'est la truite! Voilà! …
d'autres, c'est la chasse: Ah! la chasse!… d'autres, c'est le sport, c'est la plage, c'est tout
ce que l'on voudra! il ne manque pas de moyens de remplacement maintenant!…
Et donc, mes chers Messieurs, il ne me semble pas que le Seigneur ait annoncé un
rabais pour les hommes vivant au vingtième siècle! Et la Sainte Vierge, apparaissant à
La Salette, à Lourdes, à Fatima ou ailleurs n'a pas annoncé, ce me semble, un rabais
pour nous, tout au contraire!
Aussi reste-t-il très dangereux de nous laisser entraîner par nos passions qui, elles, ne
voient pas le but, qui ne voient que le plaisir immédiat.
Nous devons, avec la grâce de Dieu, réfréner nos passions. C'est diofficile et c'est
pourquoi saint Ignace nous dit: ,,Il faut nous rendre indifférents”. Pour garder l' "autant
que", il est nécessaire de nous rendre indifférents. Qu'est-ce que cela veut dire?
Eh bien, il y a trois sortes d'indifférences … différentes. Il y a d'abord l'indifférence des
stoïciens, de ceux qui ne sentent rien. On prétend que l'un d'eux (c'était un philosophe
esclave en même temps) était torturé par son maître à cause d'une vétille et son maître
lui faisait tordre la jambe pour le faire souffrir. Alors, il paraît que ce philosphe esclave
et stoïcien lui disait: ,,Si tu me la tords comme ça, tu vas me la casser … tu vas me la
casser … et qu'est-ce que je ferai pour travailler avec une jambe cassée ? … Tu vas me
la casser … Crac! … Tu vois, tu me l'as cassée … Je suis beau, maintenant, avec une
jambe en moins!…”.

Mais ça, c'est dans les livres!… Mais même si un homme était capable de faire ça en
stoïque, l'indifférence dont nous parle saint Ignace, n'est pas celle-là, celle des stoïciens.
Il y a aussi l'indifférence d'apathie. Un jour, un garçon me dit: ,,Alors, mon Père, si je
comprends bien, il faut se fiche de tout… Si je me marie, je prends la plus vilaine du
pays ?” – Eh non! Si vous prenez la plus vilaine du pays, trois mois après, vous serez
séparés tous les deux! Ce n'est pas ça non plus! Celle-ci est une indifférence d'apathie…
or le chrétien n'est pas un apathique.
Il s'agit, suivant saint Ignace, d'une indifférence de volonté. Moi, je veux réaliser ce
plan en moi, ce plan qui est général, mais aussi particulier à chacun de nous. Je veux le
réaliser quoiqu'il arrive! les autres, faites ce que vous croyez devoir faire, mais moi,
mon Dieu, donnez-moi la force de réaliser votre plan sur moi!
C'est quelquefois très pénible. Vous croyez que c'était amusant pour les martyrs, de
réaliser ce plan ? Mais, avec sa grâce, ils l'ont fait et ils l'on fait en beauté, tous ces
martyrs et bien d'autres qui ne sont pas martyrs, mais qui, pour réaliser le plan de Dieu,
ont dû faire des choses très pénibles!
Donc, nous rendre indifférents! Pas plus portés à ceci qu'à cela: Qu'est-ce qui est le
mieux pour moi ? – Je n'en sais rien, mais jamais un péché, même véniel, pour tout l'or
du monde! Être indifférent à tout ce qui se présente. Une indifférence de volonté à tout
ce qui se présente sur notre route.
Comme dit l'oraison d'une messe: ,,A travers toutes les choses de la terre, je veux
partout suivre le plan de Dieu…”.
C'est exactement comme pour un voyage: Tenez, l'an passé, je suis allé au Canada, mais
pour y aller, j'ai dû d'abord passer par l'Italie, c'est-à-dire prendre un moyen qui tournait
le dos à l'endroit où je voulais me rendre. Ici, pour prendre le train de Paris, on
commence à prendre la route qui va directement vers le sud, puis on bifurque sur une
route qui va droit sur l'ouest et cela parce qu'il faut se rendre à la gare de Valence. Tout
est commandé par le but.
De même nous devons être indifférents aux cheminements que Dieu nous impose…
Moi, je veux arriver au but, je veux réaliser le plan de Dieu quoiqu'il arrive. Alors saint
Ignace nous dit: ,,pas plus porté à la santé qu'à la maladie”.
Nous ne sommes pas fous, les catholiques, nous ne voulons pas dire par là que santé
égale maladie! nous savons bien que la santé est un bien naturel que nous devons
sauvegarder autant qu'il est en notre pouvoir! Mais s'il y a un litige entre ma santé d'ici-
bas et ma santé de l'éternité: tant pis pour ma santé d'ici-bas!…
C'est ce que Notre-Seigneur nous dit: ,,Ton œil te scandalise ? arrache-le et jette-le loin
de toi parce qu'il vaut mieux entrer borgne au ciel que d'aller avec deux yeux en enfer”.
De même, nous dit Notre-Seigneur, que vous vous livrez au chirurgien pour perdre un
œil afin de sauver le reste, faites pareil pour l'éternité, et à plus forte raison faites pour
l'âme ce que vous faites pour le corps! Alors, mon Dieu, bien sûr, je préférerais aller à
Vous avec la santé, mais si vous comprenez que par la santé je vais perdre mon éternité,
alors envoyez-moi la maladie!…
C'est une grande chose de comprendre cela. Tout ce que Dieu nous envoie est
commandé par la Providence et n'a pas d'autre but que de nous faire gagner le ciel.
Vous avez un cancer: vous devez tout faire pour vous soigner, ça bien sûr, mais en
l'acceptant comme purification de vos péchés, en offrant vos souffrances à Dieu, vous
ne savez pas quel degré de mérite vous pouvez obtenir…
Mais si, au contraire, quelqu'un se sert de l'épreuve que Dieu lui envoie pour
blasphémer le Ciel, on peut dire qu'après avoir passé un enfer sur la terre, il se prépare à
avoir l'enfer pour l'éternité!…
Il en est de même pour la richesse: Nous savons bien que la richesse peut être un don de
Dieu, mais la richesse peut être aussi une gêne pour le salut puisqu'il sera très difficile
aux riches de se sauver. Alors, mon Dieu, comme le disait Salomon, envoyez-moi non
pas la misère, mais envoyez-moi la pauvreté plutôt que la richesse, si par la richesse je
dois perdre mon éternité…
C'est identique pour l'honneur et le mépris: je préférerais évidemment aller à vous par
l'honneur, l'honneur est une valeur naturelle, mais si, par l'honneur et les honneurs qu'on
me fera je dois perdre mon éternité, mon Dieu, tant pis pour les honneurs de la terre!…
Pareil pour notre vie: c'est le plus grand bien que nous ayons ici-bas, la vie!… mais,
mon Dieu, je ne veux pas garder la vie de mon corps si elle doit entraîner la mort de
mon âme et me faire perdre la vie éternelle! Plutôt mourir si telle est votre volonté!
C'est un choix, voyez-vous, mais pour choisir, il faut être indifférent, ne pas mettre en
avant ces valeurs: santé, richesse, honneur, pour les conserver!…
Vous avez beaucoup de catholiques maintenant qui, pour conserver un certain standard
de vie, manquent aux lois de Dieu! Ah non! on n'a pas le droit! on n'a pas le droit, pour
obéir à un certain respect humain devant les autres de manquer à la loi de Dieu; pour
faire le malin!
Comme disait un jour un jeune homme: ,,Moi, je lis Sartre parce que, dans une réunion
d'étudiants, si on n'a pas lu Sartre, on passe pour un ballot”. Alors voilà!… On se
pourrit l'âme, et souvent le corps…
Eh non! Tant pis, la loi de Dieu avant tout! Être indifférent en allant au plus sûr,
désirant et choisissant uniquement ce qui nous conduit davantage à la fin pour laquelle
nous sommes créés!…
Mes chers Messieurs, voyez-vous, cette indifférence, il faut bien la comprendre!…
L'indifférence de volonté dont parle saint Ignace est une attitude préliminaire qui nous
permet de bien choisir.
Reprenons l'exemple de la gare: je veux prendre à Valence le train qui me mènera à
Perpignan. Bien. Mais le train de Perpignan n'est pas en gare! Alors, je dois attendre
avec indifférence. Cette indifférence me permettra de bien choisir le train qui me
mènera à Perpignan. Que ferait quelqu'un qui manquerait d'indifférence à ce moment-
là ? Il verrait au troisième trottoir un joli train rouge et vert: Hou! Il me plaît ce train-là,
je le prends…
– Mais, où mène-t-il, ce train, cher Monsieur ?
– Il est rouge et vert, il me plaît, je le prends…
Vous êtes sûr que ce Monsieur, qui manque d'indifférence n'arrive pas à Perpignan. Il
arrivera plutôt de l'autre côté du Rhône, à Privas, dans la grande maison de psychiatrie!
Là, oui!
Mais, si je suis bien indifférent, il m'importera peu que le train soit rouge, jaune ou vert,
qu'il parte de la voie "1" ou de la voie "5", faisant en sorte de prendre le train de
Perpignan et non un autre.
De même pour aller au but, pour bien choisir, nous devons faire abstraction de ce qui
nous entoure. Qu'aucune considération ne joue sur notre volonté d'indifférence.
Par exemple: où me mènera la richesse ? Je ne veux rien en savoir. La pauvreté serait-
elle mieux ? Je n'en sais rien et ne veux pas le savoir! Pour bien choisir: être d'abord
indifférent! Cette indifférence de volonté permettra seule de bien choisir les moyens.
Ensuite, je ferai une enquête pour savoir ce qui est le mieux pour moi. Dans l'exemple
choisi: arriverais-je mieux au but par la richesse que par la pauvreté, etc…
Mais partout, dans toutes les choses qui m'entourent, je veux d'abord faire la loi de Dieu
en allant au plus sûr, oui, en allant au plus sûr… Il s'agit de travailler à ma destinée
éternelle, il s'agit donc pour moi de prendre le meilleur moyen de faire la volonté de
Dieu le mieux possible, en allant au plus sûr, en mettant tout le prix qu'il faut…
Dans l'Évangile, Notre-Seigneur, pour nous le montrer utilise la parabole de la
marguerite, c'est le nom que les anciens donnaient au diamant: Voilà un employé qui
laboure un champ où il y a beaucoup de cailloux, ce qui rend le travail difficile, mais il
a trouvé dans ce terrain des diamants: le tout est de les extraire. Lui, ne voit qu'un
moyen, c'est d'acheter le champ. Le propriétaire veut bien, mais lui n'a pas assez
d'argent pour le payer: que fait-il ? Il remonte à la maison, vend tous ses biens, ses
meubles, pourquoi ?
,,Mais, vous n'êtes pas fou, Monsieur, de tout vendre ainsi pour un champ de
cailloux ?”.
Que non pas! il réalise tout et, une fois le champ acheté, il sait que la fortune est à lui.
C'est ainsi, si nous avons compris la valeur de notre destinée éternelle, que nous serons
décidés à y mettre le prix, n'importe quel prix…
Dans notre vie de tous les jours, c'est pareil. Partout nous allons u plus sûr, si nous
réfléchissons tant soit peu.
Voilà un papa qui a son fils malade et on lui dit: oui, tel docteur pourrait sans doute le
sauver, mais vous savez, les docteurs se trompent parfois! Un autre lui dit: Cher
Monsieur, je ne vous cache pas que votre fils est en danger. Dans ce cas-là, l'opération
s'impose et je connais un bon chirurgien. Il est vrai que c'est plus cher, mais c'est plus
sûr. Que fait le Papa ? Eh! Il ne regarde rien pour le bien de son fils. Il va au plus cher
et au plus sûr! Il opte pour l'opération! Il n'hésite pas!
Vous avez un litige d'environ – mettons cinq mille francs – avec un de vos voisins.
Vous ne voulez pas perdre cinq mille francs, n'est-ce pas ? mais, pour cette somme
relativement modique, vous n'allez pas voir le plus grand avocat de la ville, quand
même! Il vous demanderait plus de la moitié en honoraires! C'est vraiment idiot de faire
un procès pour ne rien y gagner! Bien! Alors, vous allez voir un petit avocat, vous lui
confiez votre affaire et vous lui promettez dix pour cent; vous sacrifiez cinq cents francs
afin de sauver le reste.
Maintenant, vous avez un litige plus important: mettons de cinq millions. Alors, là,
vous allez voir un avocat de renom, qui a ses entrées, et à lui aussi, vous promettez dix
pour cent!
Mais, voici que votre oncle d'Amérique vient de mourir et vous lègue une formidable
fortune, estimée huit cent millions de dollars (or)… Il y a des bateaux, des mines de
zinc et d'étain, des pétroles, que sais-je, moi, des actions haut comme ça!… huit cent
millions de dollars or, au bas mot!…
Malheureusement, vous portez un nom ennuyeux pour un français, vous vous appelez
DUPONT, ou bien pour un valaisan RODUIT ou CARRON: qu'est-ce que vous faites
alors ? Eh bien, pour un cas pareil, vous allez voir le plus grand avocat de la capitale,
car tous les DUPONT de France et tous les CARRON de Suisse vont vouloir leur part
du gâteau! Vous lui dites: ,,Maître, voilà mon histoire (d'ailleurs, il la connaît déjà
mieux que vous, votre histoire) et vous lui promettez deux pour cent… Cela fait déjà
une grosse somme: seize millions de dollars! (Or). Mais le maître dit non! ,,Monsieur,
vous savez que je suis dans la politique, aussi, je vous fais réussir, hein! mais je réclame
cinq pour cent! Ah!… 5 % … Ca fait quarante millions de dollars. Qu'est-ce que vous
allez faire ? Eh bien, vous allez au plus sûr, vous acceptez!… Pourquoi sacrifiez-vous
quarante millions de dollars (or), une grosse fortune ? … Pour sauver le reste: vous
allez au plus sûr!…
Si vous ne faites pas cela, qu'est-ce qui va vous arriver ? Dans sept ou huit ans, vous
aurez cent procès avec quelques DUPONT de France ou CARRON de Suisse, vous
aurez mangé votre fortune, elle aura fondu: il y a des gens experts à cela, à faire fondre
les fortunes, ce n'est pas perdu pour tout le monde, mais pour vous, oui! Vous aurez
perdu aussi les quelques sous que vous aviez avant et vous serez dans une maison de
santé… voyez! Alors, vous allez au plus sûr et vous sacrifiez une partie de la fortune
pour sauver le reste…
Eh bien! Notre-Seigneur nous dit: Faites-le pour les yeux, sacrifiez la main, sacrifiez un
pied! ce que vous faites pour le chirurgien faites-le pour l'éternité!
C'est une question de FOI: allez au plus sûr, jamais de péché délibéré! nous rendre
indifférents. Voilà une belle méditation mes chers Messieurs.
Alors, il s'agit du problème des choses, minéraux, végétaux, animaux; ces choses-là,
l'argent, les situations, les diplômes, les loisirs, tout… tout… tout est là pour nous aider.
Donc "autant que".
Est-ce que je fais "autant que", moi ? Ah! voilà le problème! Est-ce que je fais "autant
que" pour la boisson… pour le vin ? Ah! Mon Père, le bon vin de Bourgogne, ah! ce
Beaujolais… "autant que"! … Ah! Ce Ricard 45! Ce pastis de Marseille! … "autant
que" … La pêche, nous avons une rivière, "autant que" ! … La musique, le ski, le sport,
la plage! … "autant que"! L'habillement … l'habillement, mes chers Messieurs: "autant
que" "pas plus que", "pas moins que" … nous rendre indifférents, aller au plus sûr! Il
s'agit de l'éternité, il ne s'agit pas de huit cent millions de dollars or! C'est fabuleux, cela
fait, je crois quatre milliards de nouveaux francs et j'ai pris ce chiffre astronomique
exprès pour vous faire comprendre combien l'enjeu est bien plus grand que cela! Mes
chers Messieurs! Il s'agit, rappelez-vous, d'un billet d'éternité, d'un billet de joie divine!

Dieu, qui t'a créé sans toi, ne te sauvera pas sans toi! Que chacun, dans sa chambre,
s'examine: ,,Est-ce que moi, je fais "autant que" ? Est-ce que je fais "autant que" pour
ça… pour certains plaisirs… dans les affaires… Est-ce que je fais "autant que" pour la
boisson… pour la nourriture ? "Autant que, pas plus que" …
Est-ce que je fais "autant que" pour la prière, pour les communions, pour les
confessions, pour ma vie spirituelle ? Chez beaucoup de catholiques, il y a des abus et il
y a des manques: trop de boissons, trop de bavardages, trop de manger, trop
d'amusements, trop de… Pas assez de prière, pas assez de communions, pas assez de
confessions, pas assez de vie surnaturelle, pas assez de lecture spirituelle, pas assez…
pas assez…
Voyez, Messieurs, dans votre chambre, sous le regard de Dieu, allez réfléchir à cela:
c'est très important, vous le comprenez bien! Et puis, comme tout à l'heure: mémoire,
intelligence, volonté…
Et lorsque sonneront les coups doubles, vous réciterez un "Pater" bien fervent, et sur
votre carnet, en faisant l'examen de la méditation, vous prendrez quelques notes, vous
aurez temps libre après le roulement jusqu'à l'heure à laquelle aura lieu dans la chapelle
la récitation du chapelet.
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PÉCHÉ- Premier exercice


Vous voyez, Messieurs, la marche des exercices: Nous avons commencé, et c'est
normal, par voir de quoi il s'agit. Il paraît que c'était la remarque de Foch lorsque des
officiers d'État-major plus ou moins nombreux, lui amenaient un tas de renseignements,
parlaient, commentaient, etc… Et aussitôt il demandait: ,,De quoi s'agit-il ?”.
A nous aussi saint Ignace dit d'emblée: Voilà de quoi il s'agit: L'homme est créé pour
louer, honorer et servir Dieu, et en faisant cela, sauver son âme. Dieu est amour, nous
l'avons vu; amour infini et le propre de l'amour est de se donner et de se répandre, voilà
la grande raison pour laquelle nous sommes ici-bas.
Dieu, qui a imposé une perfection relative aux êtres non libres, ne nous impose pas cette
perfection, Il nous l'offre et nous arrivons au but à condition de collaborer avec Lui:
L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, mais saint Ignace, je vous le
faisais remarquer, a pris la question sur le plan négatif, qui est plus effrayant, n'est-ce
pas ? … ,,et en faisant cela, sauver son âme”… ,,les choses qui nous entourent sont
faites pour nous aider”…
En effet, tout est bien, tout est bon, (je le prends au sens universel: "bonum" en latin),
mais tout n'est pas bon pour moi. J'ai justement une intelligence pour discerner ce qui
est un bien, ce qui est bon pour moi; c'est l'exemple des trains: tous les trains sont bons,
mais tous les trains ne sont pas bons pour moi, pour m'emmener à mon but…
Vous avez donc bien compris cela, qu'il faut une mesure dans le choix des choses qui
nous entourent: elles sont tellement différentes, multiples, disparates… A l'avance, tant
qu'on ne sait pas, devant le choix, il faut être indifférent. Puis, le choix étant fait en
toute indifférence, des enquêtes nous montrent ensuite: ça, oui… ça, non… et en allant
toujours au plus sûr!
Pour l'exemple que je vous citais dans la précédente méditation, j'avais pris exprès
l'image d'une formidable fortune: huit cent millions de dollars (or); mais il s'agit de bien
plus que cela: il s'agit de notre éternité! Nous sommes immortels et la négation de
millions d'hommes levant le poing et vivant comme des sans-Dieu, ne change pas la
réalité! Dieu existe. Ils suppriment Dieu dans leur tête, mais pas plus! Dieu continue
d'exister, on ne peut pas le supprimer, Dieu est l'Être Nécessaire… et nous, nous
sommes immortels; un jour il nous faudra quitter le manège!…
Alors, maintenant se pose un problème pratique: (ce sont des problèmes pratiques que
nous vous posons les uns après les autres): L'homme est créé pour louer, honorer, … si
je ne veux pas ? Si je veux faire mes caprices ? Ah! mes chers Messieurs, nous
comprenons déjà la gravité de faire ses caprices sur une route goudronnée… c'est grave!
Mais c'est plus grave à priori ici, avant toute discussion et information, puisque l'enjeu
est l'éternité… voyez! et nous en tirons une première conséquence: ,,L'Homme est
créé… et en faisant cela…” – ,,Les choses sont là pour nous aider…” et si je ne veux
pas le faire ? Eh bien, vous mettez en jeu ce qui est annoncé au premier paragraphe que
vous avez médité: ,,en faisant cela sauver son âme”.
Il semble qu'il ne devrait pas y avoir de problème là!… De même qu'on obéit à
l'ingénieur en chef qui est à l'usine: celui qui ne veut pas, c'est vite fait, il est prié de
passer à la caisse et de s'en aller; ou bien dans un barrage où le plan est toujours fait à
l'avance, si un ouvrier ou un ingénieur veut faire à sa tête on l'envoie promener. Oui! il
semble qu'il n'y a pas de problème…
Lorsque l'Ingénieur en Chef a créé le monde en se jouant: ,,ludens in orbe terrarum” ce
petit microbe d'homme qui a reçu la vie de Lui grâce à son amour, il semblerait qu'il
n'ait qu'une chose à faire, celle d'obéir… suivre le Code, les modalités du plan… Mais
nous sommes libres, libres pour mériter… libres pour que nous puissions collaborer
avec Dieu et gagner le Ciel, pourrait-on dire, à la pointe de l'épée, aidés par Sa Grâce.
Mais cette liberté nous laisse également libres d'en abuser. De ce fait, nous pouvons
manquer au plan de Dieu. Nous pouvons faire ce que les théologiens appellent:
"PECCATUM", nous pouvons faire le péché.
Faire un péché n'est pas une perfection de cette liberté; cela montre simplement la
présence de cette liberté en nous, cela en est une preuve, non une perfection. De même
être malade n'est pas une perfection de la vie; être malade montre qu'on est encore en
vie, (un mort n'est plus malade), mais la maladie n'est pas une perfection de la vie…
imaginez un bossu qui crierait à tous les échos: ,,Moi, j'ai une bosse, j'ai une bosse… tu
n'en as point, toi! … Moi, j'ai une bosse!”.
On ne se vante pas d'une infirmité, pourquoi ? parce que ce n'est pas une perfection.
Alors faire le péché est possible parce que nous sommes libres, mais ce n'est pas une
perfection de la liberté. Le péché, au fond nous le comprenons déjà, est un suicide
moral; nous pouvons le faire, nous sommes libres… Nous pouvons dire à Dieu: ,,Non!”.
Un tas de gens disent non à Dieu d'une façon radicale, un tas de marxistes, un tas de
sans-Dieu, de francs-maçons, d'athées, etc… Alors, pour eux, il n'y a pas de Dieu et
donc… il n'y a pas de plan de Dieu et il ne restera que des plans d'hommes… Et nous
les connaissons, les plans d'hommes, depuis ceux de Néron et de Dioclétien jusqu'à
celui de Napoléon, de Karl Marx, de Staline, et des autres…
Certains catholiques ne font pas cela, ils ne suppriment pas Dieu, ni son plan, mais ils
trouvent – on ne le dit pas comme ça mais on le pense quand même – que le Bon Dieu
exagère un peu et qu'Il ,,n'est pas au courant des besoins de l'âme contemporaine”!
comme disait quelqu'un… oui… Ou alors, le Bon Dieu ne lit pas "Le Monde" ni "La
Gazette de Lausanne", certaines de ses prescriptions ne sont plus à la page, sont
anciennes, anachroniques!… Alors on se permet d'arranger… de corriger le plan… Il
faut modifier un peu, là, on transforme, on embellit… en bref, ils font mieux que le
Seigneur!…
Ils disent eux, qu'ils embellissent et eux… moi j'en suis et vous aussi d'ailleurs… Alors,
est-ce grave de faire ainsi ? Dieu nous a donné des lois, des commandements pour bien
user des créatures; mais en face d'un commandement de Dieu, moi je dis: ,,non”…
aujourd'hui c'est moi qui suis dieu; aujourd'hui je ne tiens pas compte de ses
commandements. Aujourd'hui, je sais que Dieu le défend, mais je le fais quand même.
Aujourd'hui, j'aime mieux Georgette! Aujourd'hui j'aime mieux la bouteille, j'aime
mieux le péché, j'aime mieux cet argent qui ne m'appartient pas, j'aime mieux
m'occuper de mes affaires que de m'occuper de Dieu; aujourd'hui, je ne veux pas passer
pour un imbécile devant les hommes du café, tant pis pour les commandements de
Dieu: voilà ce qu'on appelle le péché.
Saint Thomas le définit: se détourner de Dieu pour lui préférer la créature – avec son
intelligence, avec plein consentement en matière grave …. Eh bien! est-ce grave d'agir
ainsi ? Que dit-on autour de nous ? On dit que ce n'est pas grave; que tous les jeunes
gens le font… que tous les hommes le font… Si vous lisez les journaux, on vous
représente ces choses-là comme normales; on n'ose l'écrire, mais ils laissent entendre
qu'il n'y a que les imbéciles qui se gênent!
La créature qui ose dire à son créateur: ,,Moi, je n'obéirai pas!” c'est devenu quelque
chose de normal. Le livre de Job disait déjà: ,,ils boivent l'iniquité comme l'eau”!.
Et vous Messieurs, que pensez-vous du péché ?…
Nous subodorons déjà que cela doit être très grave… il y a un problème à notre époque,
pourquoi ? Justement parce qu'un grand nombre de gens qui trônent dans nos facultés,
surtout de lettres, dans les écoles célèbres, écrivains, académiciens, diplômés, disent: ,,il
n'y a pas de péché!”. Selon eux un acte peut faire tort à l'homme dans son
comportement, un homme entraîné par ses passions peut nuire à sa famille, à la
société… mais une dette envers un Être infini qui demandera des comptes ? Non, cela
n'existe pas! La notion de péché n'est plus soutenable à notre époque… d'autant moins
que certaines catégories de péchés sont, au contraire, des choses très bien, qui
enrichissent l'homme et permettent des expériences très riches! … Il y a GIDE (André)
qui a dit cela: et d'autres… SARTRE a écrit au moins deux fois, donc cela n'a pas
échappé à sa plume: ,,Le meurtre est l'un de ces actes où l'homme montre le mieux sa
personnalité”… voilà, un universitaire… payé par le gouvernement français pour faire
des conférences en Amérique, au Brésil et ailleurs!…
Oui, c'est un problème, précisément pour cela!…
Alors, d'un côté, d'une part, ces gens-là et leurs disciples plus ou moins nombreux vous
disent: ,,Le péché ? mais non, il n'y a pas de péché; il y a des actes qui peuvent être
nocifs à l'homme ou à la société, mais une dette envers un Être éternel au sens compris
par l'Église catholique ? tout ça, ça n'existe pas!…
Mais d'autre part, la théologie catholique, les Saints, la Vierge Marie, et tous les
Souverains Pontifes vous disent: ,,Voilà comment il faut faire; le péché est une chose
très grave, très grave… on perd en le faisant, le sens de la route, on marche à l'envers…
Alors qui ? … que ? … quoi ? … que faut-il en penser ?
C'est grave ou ce n'est pas grave ? Qui faut-il écouter, ceux-ci ou ceux-là ? … Vous
voyez le problème!
Car il y a un problème d'autant plus que chez beaucoup de catholiques on minimise de
plus en plus… de plus en plus… dans certaines revues, dans certains propos on ergote,
on coupe les cheveux en quatre, puis en huit, puis en douze pour arriver à prouver, à
force de fin du fin que, dans ce cas-là…
On nous dit aussi que d'une part il y a une montée formidable de l'Humanité vers
Dieu… vers Dieu ? plutôt vers un Christ cosmique… que sais-je moi! une montée
formidable… et d'autre part, on nous dit que la plupart de nos contemporains sont
incapables de faire un péché… Pourtant, au temps de Sodome et Gomorrhe le Bon
Dieu: … Paf! … il les a arrangés, hein ? parce qu'ils savaient ce qu'ils faisaient! Oui! Et
Saint Paul nous dit des païens eux-mêmes ,,qu'ils sont inexcusables!”.
Oui, mes chers Messieurs, il y a un problème tragique, très grave, très important, qui
engage l'éternité de chacun de nous et notre vie ici-bas.
Lorsqu'un enfant se trouve devant un problème auquel il ne sait pas donner de réponse,
l'enfant a une norme très sûre, une règle très facile: il regarde son père, ou sa mère, c'est
la même chose pour lui. Je me rappelle un jour à un enterrement, on y avait conduit un
petit de cinq ans (on aurait mieux fait de la laisser à la maison, mais enfin il était là et
on comprenait combien ce petit était déconcerté). Les gens étaient endimanchés comme
pour un jour de fête, et fête pour un enfant, est synonyme de joie! Mais lorsqu'il
regardait les gens qui avaient pris le masque du jour, l'enfant ne savait que penser: mais
c'est fête ou c'est pas fête ? Il se met à regarder son père. Son père avait également mis
le masque du jour. Alors, lui aussi prend le même masque renfrogné, triste… puis il voit
que son père se met à pleurer, il fait comme papa!
Le même phénomène se renouvelle de façon opposée au cinéma, au théâtre.
Quelquefois, il y a sur la scène quelque passage désopilant, tout le monde rit, mais le
petit, qui ne comprend pas bien ce mouvement de foule, il en a même peur, regarde sa
mère et voit que sa mère est en train de rire, alors, il se met à rire! Voyez, en regardant
son père ou sa mère, l'enfant a une règle très sûre…
Eh bien, chers Messieurs, nous allons maintenant faire pareil, nous allons regarder notre
Père des cieux, pour voir sa réaction à Lui, pour voir ce qu'Il en pense, du péché… Page
355… nous avons là le premier exercice.
Voyez où nous en sommes, n'est-ce pas, devant ce problème du péché, d'un homme qui
fait ses caprices face à la loi de Dieu, qui supprime cette loi ou la corrige, l'arrange…
Qu'est-ce qu'il faut en penser ?

Premier exercice: c'est la méditation des péchés.


,,Elle renferme, après l'oraison préparatoire, deux préambules, trois points et un
colloque.
La prière préparatoire consiste à demander à Dieu notre Seigneur la grâce nécessaire
pour que tous mes choix, toutes mes intentions, mes options intérieures et extérieures,
que tout cela soit sûrement dirigé au service et à la louange de Notre Seigneur”.
Voyez: ,,L'homme est créé pour…” Mon Dieu, donnez-moi la grâce dont j'ai besoin
afin que, malgré ma faiblesse, désormais dans mes activités j'agisse toujours par rapport
au but, par rapport à ma fin. C'est une très belle prière, vous voyez, orientée vers Dieu,
vers ma fin dernière. En bref, nous demandons de réaliser en nous le "Principe et
Fondement" que vous avez déjà médité.
Premier préambule: Saint Ignace pour nous aider à bien faire nos méditations et capter
notre imagination qui a tendance à s'évader, attire notre attention: pendant la
méditation, ne regardez pas, par exemple par la fenêtre – vous pouvez voir des avions!
Passe une comète blanche dans le ciel: ,,Hou! qu'il va vite celui-là!”. Et vous partez
avec l'avion vous aussi. Hé non! Laissez les avions: Ils font leur travail, mais vous,
faites le vôtre. Saint Ignace donc, pour capter votre attention, vous propose une
composition de lieu, un cadre si vous préférez, plus ou moins artificiel dans lequel nous
ferons nos réflexions.
Alors, page 356:
,,Dans la contemplation d'une chose invisible comme est ici celle des péchés, la
composition de lieu, ce cadre, sera de voir avec les yeux de l'imagination et de
considérer mon âme comme en une prison dans ce corps mortel”.
Pourquoi sommes-nous dans un corps mortel ? au début de l'humanité, à la création, il
n'y avait pas la mort! Comment la mort est-elle entrée dans le monde ? Saint Paul
répond dans l'épître aux Romains: ,,C'est par le péché que la mort est entrée dans le
monde” et l'homme se trouve maintenant placé dans une vallée de larmes (lacrymarum
valle).
Quelques-uns parmi vous viennent du Valais. Avez-vous remarqué hier en chantant le
Salve Regina, il y a ces mots "lacrymarum valle", dans une vallée de larmes! Le Valais,
du nom de "Vallis" donné par les Romains, est une vallée caractéristique entre deux
formidables murailles de montagnes: L'Oberland bernois avec ses pics de plus de 4'000
et les Alpes Pennines avec le Cervin, la Dent Blanche, le Weisshorn, le Grand
Combin… Et dans le fond de la vallée, le début du Rhône. Il n'est pas fier, vous savez!
En sautant, on peut le franchir! Cependant, parfois, je le regarde aussi à Tarascon, il est
large, fier, majestueux, comme un gros bourgeois! pourquoi ? parce que depuis son
départ, là-haut, de la Furka, tout le long, il a reçu des affluents et grossi… grossi,
jusqu'à avoir plusieurs centaines de mètres de large à Tarascon…
Eh bien l'Église nous fait chanter que nous sommes dans une vallée de larmes, oui, sur
les bords d'un fleuve de larmes. Où prend-il sa source ? Dans un paradis de délices… et
par un seul péché, cette source a jailli et est devenue un immense fleuve alimenté par
des millions d'yeux qui pleurent.
En ce moment-ci, des millions d'yeux pleurent, depuis les enfants qui arrivent jusqu'aux
vieux qui vont partir et puis toute la gamme des larmes, des angoisses morales ou
physiques… in hac lacrymarum valle, à cause du péché, conséquence du péché…
Je continue: ,,parmi des animaux privés de raison”:
Qu'est-ce qui fait paraître l'homme privé de raison ? Eh bien, c'est de se laisser entraîner
au péché. En trois traits, comme un peintre qui produirait une fresque belle et riche de
sens, Saint Ignace nous dresse le tableau du péché, le cadre du péché: la mort, les
larmes, la déraison… Prenons donc ce cadre comme le veut Saint Ignace.
Deuxième préambule: ,,Pourquoi vais-je faire ces réflexions ? Quelles grâces voudrais-
je obtenir ? Alors, ici, je demanderai la honte, la confusion de moi-même en voyant
combien ont été condamnés pour un seul péché mortel et combien de fois, moi, j'ai
mérité d'être condamné pour toujours à cause de mes nombreux péchés”.
Voilà ce que nous recherchons: honte et confusion. Pour cela, Saint Ignace va nous faire
considérer trois péchés types:
- premier point: le péché des anges
- deuxième point: le péché de nos premiers parents
- troisième point: le péché d'un homme quelconque

PREMIER POINT: Le péché des ANGES


,,J'appliquerai ma mémoire pour me rappeler, puis mon intelligence pour en tirer les
conséquences, ma volonté enfin pour en déduire les conclusions. Me rappeler comment
les anges ont été créés par Dieu dans la grâce et, ne voulant pas faire ce qui dépendait
de leur liberté pour rendre révérence et obéissance à leur Créateur et Seigneur, ils sont
tombés dans l'orgueil. Ils furent alors changés de grâce en malice et précipités du ciel en
enfer. Je raisonnerai avec mon intelligence pour essayer de mieux assimiler cette vérité
qu'il m'importe tellement de comprendre parce que c'est mon sort qui se joue là aussi; et
ensuite, j'exciterai en moi des affections de mon cœur avec la volonté”.
Alors, maintenant, mes chers Messieurs, quelques traits pour vous aider à faire cette
partie de votre méditation.
Vous savez que Dieu, avant de créer l'homme, avait créé les anges qui, eux, n'ont pas de
corps: purs esprits doués d'une intelligence, d'une puissance formidables.
Ce qu'il y a en nous, ce qui nous fait homme, ce n'est pas tant la force du corps, parce
qu'au point de vue force, le moindre bœuf est plus fort que nous, a fortiori l'éléphant ou
la baleine… Mais nous, nous avons autre chose: nous avons l'intelligence, nous avons
l'esprit. Plus un homme est intelligent, plus il arrive à capter les forces de la nature et à
les mettre à son service. Les anciens avaient bien compris cela: ,,c'est l'esprit qui
entraîne la matière”. Dieu a donc créé de purs esprits, n'ayant pas comme nous ce
mélange avec la matière: des intelligences d'une puissance incomparable que nous ne
pouvons concevoir parce que nous sommes très limités à ce point de vue. Il est facile de
voir que nous sommes limités: nous ne pouvons assimiler les diverses connaissances,
science et technique, par exemple, que par petits morceaux, au fur et à mesure,
exactement comme dans l'exemple du pain. Si vous avez très grand faim et avez devant
vous un pain de quatre livres bien doré, bien croustillant, vous ne pouvez pas le manger
d'un coup, n'est-il pas vrai ? Il faut d'abord le couper en tranches, puis ces tranches en
bouchées et celles-ci, les mastiquer une à une. Au point de vue intellectuel, c'est la
même chose: devant la vérité qui nous est extérieure et que nous voulons connaître,
nous sommes contraints à la décomposer par arguments. Deux et deux font quatre, cela
se voit d'un coup, mais dès que la vérité devient un peu complexe, devant des
problèmes de mathématiques, de biologie, de physique nucléaire extrêmement ardus,
nous sommes obligés d'aller pas à pas. Pourquoi ? Parce que nous sommes limités. Mais
les anges, eux, ne sont pas limités et de même qu'on pourrait imaginer quelqu'un
capable d'assimiler un pain de dix kilos d'un coup, on peut dire que les anges n'ont en
fait aucun des problèmes intellectuels qui assaillent les hommes: pas besoin d'école, les
Anges n'ont pas de problème naturel. Tous les problèmes devant lesquels les hommes
se penchent depuis des millénaires: sciences, origines, formation des étoiles,
rayonnement de la lumière, – par exemple, nous savons que c'est la lumière qui nous
éclaire, mais on ne sait pas comment elle rayonne, c'est un mystère… – Problèmes des
origines de la vie, des galaxies, de physique ondulatoire, atomique, etc… Tout cela n'est
rien pour la puissance intellectuelle des anges.
De même pour l'action sur la matière: nous, les hommes, notre puissance se limite à nos
membres; avec ces membres, nous pouvons faire des outils, et, avec ces outils, des
choses grandioses comme des croiseurs de bataille et des avions… Mais, au départ,
nous n'avons pouvoir que sur nos membres tandis que les Anges ont pouvoir direct sur
la matière par la puissance de leur intelligence de sorte que, s'il y avait une raison de le
faire, un ange de la dernière hiérarchie pourrait prendre Paris et le transporter au
Sahara!
On pense qu'il y en a des milliards: Saint Thomas d'Aquin dit que l'une des marques de
la puissance de Dieu est que, plus les êtres sont parfaits, plus ils sont nombreux.
Lorsqu'on parle des végétaux et des animaux qui n'ont pas d'âme, seule l'espèce compte,
tandis que les hommes, dont chacun est un monde de par l'esprit, se dénombrent tous.
Que dire par rapport à nous de ce monde grandiose des Anges rangés hiérarchiquement
et très aimés de Dieu ?
Dieu a dû leur proposer une épreuve en rapport avec leur liberté et avec leur puissance.
Des théologiens pensent… (mais ce n'est pas de foi) que Dieu a proposé aux Anges
l'Incarnation de son Fils se faisant Homme-Dieu dans le temps pour sauver les hommes
et leur a demandé d'adorer ce Fils devenu homme! (Les Anges étaient très éclairés sur
le plan naturel, mais ne voyaient pas Dieu face à face; ils n'en avaient qu'une
connaissance naturelle étant, comme nous sommes maintenant, en temps d'épreuve).
Nous savons aussi, par la Sainte Écriture, qu'un certain nombre d'entre-eux, entraînés
par Lucifer, ont refusé d'obéir.
Certains théologiens estiment que pour refuser ils mirent en avant que pour l'honneur
même de Dieu on ne pouvait adorer un dieu-homme. Mais en fait, ce motif
apparemment noble, n'était que la manifestation de leur orgueil. Si Dieu demande
d'obéir, il n'y a qu'à le faire, n'est-il pas vrai ? car si quelqu'un est au courant de
l'honneur de Dieu, c'est bien Dieu Lui-même!…
Aussitôt dit la Bible, Dieu créa l'enfer qui n'existait pas. On pense (tout n'est pas de foi
dans le trésor de l'Église) que le tiers des anges y aurait été précipité pour ce seul péché
d'orgueil. Péché mortel évidemment, les anges ne pouvant faire de péché véniel: c'est la
faiblesse de notre nature, à nous, qui permet de minimiser la gravité de certains de nos
péchés, mais la puissance de la nature des Anges fait qu'ils s'engagent à fond et en
voient les conséquences dans une lumière que nous ne pouvons comprendre!
Voilà comment Dieu réagit pour le premier péché! Imaginons cette formidable armée
de puissances merveilleuses foudroyées par Dieu pour un seul péché de pensée, de
pensée d'orgueil!…
Cependant pourriez-vous dire: Oh, mon Père, tout ça, allez-y voir… Les Anges, leur
problème n'est pas le nôtre! Les Anges des esprits si puissants, si riches, si éclairés,
après tout qu'est-ce que ça peut nous faire ? Cela ne nous concerne pas…
Oui Messieurs, cela vous concerne: il y a là un péché, une désobéissance à Dieu. Voyez
la réaction qu'elle a provoquée!…
Mais abandonnons les ANGES:

DEUXIÈME POINT:
Faire la même chose, nous dit Saint Ignace, ,,appliquer les trois facultés de l'âme:
mémoire, intelligence, volonté, au péché de nos premiers parents. Rappeler à la
mémoire comment, pour ce péché, ils firent tant de pénitences, quelle corruption en
découla pour le genre humain, tant de personnes depuis se dirigent vers l'enfer!
Alors, nous rappelant comment Adam, alors au paradis terrestre, reçut de Dieu une
compagne avec la permission de se servir de toutes les richesses du paradis. Mais Dieu
leur avait dit ,,Cet arbre, là, vous n'y toucherez pas”.
Remarquez qu'Adam et Eve avaient sûrement un code, comme nous, mais ces
commandements leur étaient adaptés et la Bible ne fait ressortir que celui auquel ils
manqueront après… Il y avait ce commandement-là: ,,Cet arbre-là, je me le réserve,
vous n'y toucherez pas”.
Vous savez qu'un jour, Eve, plus accessible, plus faible, a été prise à partie par un ange
déchu. Remarquez aussi que l'ange déchu ne peut pas nous obliger à pécher: s'il nous
forçait, nous ne serions plus libres et de ce fait il n'y aurait pas de péché; trop malin
pour forcer la créature, il insinue, il suggère dans sa pensée.
Pour son malheur, Eve a discuté avec lui et a désobéi! ,,Mange du fruit et tu sauras le
bien et le mal, tu sauras tout, tu seras comme Dieu, tu n'auras plus besoin de Dieu!…”.
Celui qui sait n'a pas besoin de l'autre! Un de vos enfants trafique avec s bicyclette;
vous vous penchez pour l'aider, mais le petit vous dit: ,,Non, Papa, je sais!”. Cela veut
dire: Je n'ai pas besoin de toi, je sais!…
,,Tu sauras tout, le bien et le mal, tu n'auras plus besoin de Dieu, tu seras Dieu!”. Alors
elle a mangé du fruit défendu et puis elle en a présenté à son mari. Son mari, lui, n'a pas
été trompé, nous précise saint Paul, il n'a pas été trompé par la chose, mais c'est pour
faire plaisir à sa femme qu'il l'a fait. C'est banal, cela!
Eh bien, pour ce péché banal, Dieu les chasse du paradis! Ils n'y rentreront plus, c'est
fini! Ils ne rentreront plus au paradis terrestre. Vous mourrez de mort! et avant la mort,
la souffrance… et Adam a commencé à souffrir, la terre était dure: ,,tu gagneras ton
pain à la sueur de ton front” et ,,toi, la femme, tu enfanteras dans la douleur…”.
Dieu voyait les conséquences de l'acte qu'Il faisait en chassant l'humanité du paradis, il
voyait chaque génération gravissant son calvaire… finissant à la mort, après tant de
souffrances, tant d'angoisses, tant de larmes! Dieu a vu les conséquences de l'acte qu'Il
faisait en chassant l'humanité du paradis et Il a dit: ,,Dignum et justum est!”: cela est
digne et juste.
Les hommes sur la terre disent que Dieu a exagéré. Dieu ne peut pas exagérer, mes
chers Messieurs, s'Il a fait cela, c'est qu'Il devait le faire. Oui, c'est ce qui nous apparaît
banal qui a déterminé cette désharmonie de l'humanité.
Adam, donc était pris entre deux amours: l'amour de son Dieu qui se rappelait à lui par
ses exigences et ses commandements et l'amour de sa femme. Il y a eu un semblant de
litige, un faux litige parce que, s'il avait obéi à Dieu, il n'aurait pas manqué à sa femme!
un faux litige, oui, alors il a dû hésiter devant le risque, il a dû hésiter un moment entre
ces deux amours, puis il a dit à Dieu: ,,Mon Dieu, on reste bons amis, mais, aujourd'hui,
ce n'est pas à vous que je veux faire plaisir, aujourd'hui, je vais faire plaisir à ma petite
femme!…”.
Ah! Catastrophe!… Parce qu'Adam devait aimer comme ceci- Dieu d'abord, Dieu
premier servi, et puis la femme… C'est là qu'il aurait fait du bien à sa femme, en
gardant l'ordre! Mais lui, il a renversé l'ordre: d'abord ma femme, d'abord elle, et Dieu
après… s'il en reste; Dieu ? Après! Catastrophe!… Il a détruit la grande loi de l'amour,
il a détruit l'équilibre de l'amour, c'est fini… Il faudra désormais les souffrances d'un
Dieu pour le rétablir, car c'est fini, il a tout brisé, il a détruit la grande loi de l'amour!
Voyez, il a fait passer sa femme avant Dieu… Cela paraît banal! Pourquoi ? Parce que,
au cours des siècles, des millions d'hommes, des milliards d'hommes vont recommencer
cela pour faire plaisir à leur femme… ou à une autre… Pour faire plaisir à eux-mêmes
sous le couvert de faire plaisir à leur femme, car c'est son égoïsme personnel que
l'homme recherche le plus souvent, très souvent… Voilà!
Cependant, Messieurs, vous pourriez dire encore: Oh! Adam et Eve, tout ça est bien
loin: deux êtres créés dans la justice et la sainteté, deux êtres qui étaient immaculés dans
leur conception – et c'est vrai – ils étaient sortis directement des mains de Dieu, l'un et
l'autre; ils n'avaient pas notre atavisme, ils n'avaient pas hérité d'une humanité abîmée
comme celle que nous recevons en naissant, fatiguée d'un voyage millénaire où
s'accumulent tous les actes, tous les désordres commis par nos ancêtres et qui se
retrouvent dans notre chair à nous. Alors le problème d'Adam et Eve, quand même est
différent du nôtre!…
Alors Saint Ignace nous met face au troisième point: le seul péché mortel d'un homme
qui mourrait sans être pardonné:

TROISIÈME POINT:
,,De la même manière, utiliser les trois facultés de l'âme sur le cas particulier d'un
homme qui a commis un seul péché mortel et qui est mort sans qu'il soit pardonné”.
Mes chers Messieurs, nous sommes tous des pécheurs, nous sommes tous des
descendants d'Adam: nous le savons par expérience et nous savons aussi que nous
sommes mortels. Saint Alphonse de Liguori dit: ,,Il y a un péché pour toi qui sera le
dernier!”. Est-ce que tu auras le temps de demander le pardon ? Nous sommes pécheurs,
mais nous sommes mortels et tous les jours meurent des gens qui n'ont pas été avertis.
On n'est pas averti! D'après certaines statistiques, un individu sur cinq meurt
subitement. J'ai toujours été étonné de cette forte proportion et dans les vallées, en
Valais notamment, cette proportion est encore plus forte, à Aoste et en Suisse.
Nous sommes mortels et obligés de descendre du manège sans en être avertis; et alors,
si nous venons de pécher juste avant et que nous n'ayons pas le temps de nous en
repentir ?
Un de nos pères a bien connu à Barcelonne un jeune qui désirait entrer dans les ordres,
vingt ans, très bon, pieux même, de bonne famille. Ses frères et amis, assez mondains,
voulurent le sortir et lui faire faire une virée avant qu'il entre au noviciat: opérette plus
ou moins propre et quelques danses ensuite dans un cabaret: Il était un peu inquiet et ne
voulait pas y aller.
Mais, viens donc, sois tranquille! tu rentres au noviciat après, tu t'en confesseras!
Enfin, à force d'insister, ils l'emmenèrent à ces danses, opérette, promenade. Et il rentra
chez lui, à quatre heures du matin, fatigué… ,,Mais qu'as-tu donc ? Tu feras peau neuve
là-bas!” Il s'est couché et il ne s'est jamais réveillé; il avait quelque chose au cœur, on le
savait plus ou moins, cela ne paraissait pas grave, mais il ne s'est pas réveillé… Où
était-il allé ? Je n'en sais rien, mais c'est tout de même navrant. Et Notre-Seigneur ne
nous a pas pris en traître, Lui, Il nous a dit: ,,J'arriverai comme un voleur”, c'est-à-dire,
au moment où vous y penserez le moins: les voleurs, en général, n'avertissent pas…
Que nous comprenions, mes chers Messieurs, qu'il nous faut aller au plus sûr: jamais de
péché – être toujours prêt – comprendre que le péché ça ne se fait pas! que cela ne doit
même pas être mis en discussion! Laisser de côté tout ce qui est de nature à entraîner au
péché: les fausses théories, le respect humain, les slogans, les illustrés corrompus. Avoir
présent à l'esprit ce que mérite le péché, en voyant comment Dieu a puni le péché des
Anges, a puni le péché de nos premiers parents, a puni le péché d'un homme
quelconque…
Or les sentences que Dieu a portées ne peuvent être que parfaites et la sentence est
équivalente à la gravité de la faute! Nous ne pouvons pas douter de la bonté de Dieu et
de sa justice, puisque c'est Lui qui a payé! Il a payé en nous donnant son Fils! C'est dire
si le péché est grave, si l'offense faite à Dieu est infinie!…
Tous les malheurs de la terre, toutes les souffrances, toutes les larmes réunies depuis le
paradis terrestre jusqu'à la fin du monde ne pouvaient pas payer un seul péché, s'il n'y
avait eu la mort du Fils de Dieu qui, elle, ayant un prix infini, a pu apaiser la justice
divine! Si nous voulions mettre cela en formule algébrique, l'inconnue X (gravité du
péché) on pourrait dire: X = les souffrances du monde… non, ce ne serait pas exact. Il
faudrait dire:
X plus grand que toutes les souffrances du monde réunies, sans la mort du Fils de Dieu!

Voilà notre méditation, mes chers Messieurs, très virile, très belle et qui doit nous
mettre devant la réalité. C'est la vérité qui délivre et on doit regarder en face la réalité,
les perspectives, les risques aussi…
Sur la route, on doit circuler sans prendre de risques, mais sur la route de l'éternité non
plus il ne faut pas en prendre, et à plus forte raison car il s'agit là d'un risque effroyable:
l'enjeu, c'est votre éternité!…
Alors, en deux mots, je résume tout cela et vous rappelle le cadre de votre méditation:
Notre âme est dans un corps mortel, dans une vallée de larmes, au milieu d'animaux
privés de raison, des hommes qui se laissent entraîner par leurs passions. Quelle grâce
voudrais-je obtenir ? Pourquoi, dans ma chambre, vais-je faire cette méditation ? –
mémoire, intelligence, volonté – sur le péché des anges, sur le péché de nos premiers
parents, sur le péché d'un homme quelconque. Oui… Pourquoi ? … Pour obtenir la
grâce d'avoir honte et confusion de moi-même en pensant combien de fois j'ai pu
commettre le même péché d'orgueil et manquer au plan de Dieu.
Combien de fois j'ai fait passer les créatures avant mon Dieu, comme Adam! Combien
de fois j'ai accepté l'effroyable risque de me coucher après avoir commis un péché
grave! Combien de fois ? Honte et confusion! Qu'est-ce qui aurait pu m'arriver!
Alors, quand sonneront les petits coups doubles, dans vingt ou vingt-cinq minutes,
n'oubliez pas non plus, je vous le conseille fortement, d'écrire vos principales
réflexions. Faites vos méditations dans une semi-obscurité, tant qu'on le peut, car cette
belle lumière de printemps pousse à la joie évidemment. Pendant la première semaine
d'exercices, supprimez cette clarté en fermant vos volets, il est ainsi plus facile de
méditer. D'ailleurs celle-ci est simple, vous n'avez même pas besoin du livre, je vous l'ai
assez expliquée.
Alors, aux coups doubles, en faisant un peu de clarté, vous ferez le colloque page 330.
Je vous l'ai déjà dit, le colloque est une prière plus intime avec Notre-Seigneur ou avec
Dieu le Père, ou avec le Saint-Esprit, ou avec la Très Sainte Vierge parfois. Le colloque
est au milieu de la page et vous le faites comme un ami qui parle à son ami ou comme
un serviteur à son Seigneur, à qui vous voulez communiquer vos problèmes et solliciter
ses grâces.
Le colloque sera d'imaginer Notre-Seigneur en Croix, là, devant moi, et je Lui
demanderai pourquoi Il a accepté de quitter sa vie éternelle pour venir dans une vie
temporelle souffrir et mourir pour moi, pour mes péchés ? Et puis je me regarderai moi-
même, je me demanderai: ,,Qu'ai-je fait pour Jésus-Christ, pour vous, Seigneur, pour
répondre à votre appel, à votre amour ?…
Je lui demanderai aussi ce que je fais pour Lui et enfin ce que je devrai faire dorénavant
pour le Christ , Lui qui m'a sauvé et qui m'offre sa grâce!… Et en le voyant en cet état,
crucifié sur la Croix, je raisonnerai ce qui s'offrira à mon esprit.
Pour parler à Notre-Seigneur, je pense que vous avez tous un crucifix dans votre
chambre; vous ferez cela à genoux, pour ceux qui le peuvent bien entendu. Et vous
terminerez par un "Notre Père" bien fervent et aussitôt après, votre carnet habituel, et
avec la page 337, vous ferez un peu d'examen et prendrez quelques notes.
Allez dans vos chambres, Courage!
Mémoire – Intelligence – Volonté!
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Rappel des points (le matin, avant la Messe)
Il consiste en un résumé de l'exposé précédent. Après la méditation proprement dite, le
père conclut:

COLLOQUE
Tombons à genoux pour faire notre colloque au pied du Crucifix ensanglanté!… Si
nous avons commis ces fautes, et peut-être combien de fois, tout espoir est-il perdu ?
Sachons qu'il n'y a pas de plus grand malheur que de ne pas vouloir revenir à Dieu.
Mais nous voulons nous convertir:
Regardons Celui qui est Dieu, le Créateur, cloué sur la Croix. Il a pris une nature
humaine, un corps et une âme pour pouvoir souffrir et c'est Lui qui a payé, donnant à sa
Passion un prix infini, car Il est vraiment Dieu et Il a payé pour nous.
Il nous tend les bras, regardez-le: Il nous dit à tous: ,,Reviens à moi, aie confiance. Tu
as peut-être mérité d'être éternellement condamné, malheureux! Reviens! J'ai payé pour
toi! Mais reviens loyalement; reviens décidé à ne plus jamais remettre en question cela,
décidé à ne plus te détourner de Dieu. Reviens à moi et tu vivras, aie courage, crois-
moi, Je t'aiderai, Je te soutiendrai, Je veux que tu reviennes à Moi!
Malheureux! si la mort te surprenait dans le péché mortel, cela serait trop tard…
Reviens à moi et tu vivras”.
Oh! Jésus, oui, je reviens à vous, je vous demande pardon d'avoir fait tant de fois cette
folie du péché, cette monstruosité du péché. O ma bonne Mère, refuge des pécheurs,
daignez intercéder pour moi auprès de votre divin Fils. Daignez offrir Son sang d'un
prix infini, Ses saintes plaies très cruelles, Sa couronne d'épines, Sa flagellation pour
mes péchés. Daignez l'offrir pour moi qui suis votre enfant, moi qui me consacre à
vous: O Cœur Immaculé et douloureux de Marie, daignez venir à mon secours,
intercédez auprès de Jésus crucifié, promettez-lui de ma part, dites-lui que je veux à
l'avenir l'aimer et ne plus jamais l'offenser; qu'avec sa grâce je suis prêt à mourir plutôt
que de mettre en discussion cette folie, cette monstruosité, cette méchanceté qu'est le
péché; à fuir toute cette quincaillerie du monde où tout essaie de me séduire; je suis
décidé, ô ma bonne mère à ne plus pécher. Daignez m'aider pour cela.
Père Éternel, par les mains très pures de ma Mère Immaculée, je vous offre les saintes
plaies de votre divin Fils. Vous ne pouvez pas me les refuser, elles sont d'un prix infini!
Daignez me pardonner, daignez m'accorder la grâce de la persévérance et de mourir
plutôt que de pécher.
Ensemble:
,,Notre Père qui êtes aux Cieux… etc. AMEN
En attendant la messe, continuez ce colloque. Écoutez ce que Jésus vous dit au fond du
cœur.
-+-+-+-+-

PÉCHÉ - Deuxième exercice


Mes chers Messieurs, avec notre guide Saint Ignace, nous vous avons rappelé la vision
catholique des choses, la seule réelle, la seule vraie. De même que deux et deux font
quatre et que les réponses qui s'en écartent: deux et deux font trois, deux et deux font
cinq, deux et deux font mille… sont fausses, de même les réponses qui s'écartent de
cette vision catholique des choses s'écartent de la vérité!
Dans les méditations précédentes, Saint Ignace vous a mis en face de cette réalité et il
vous a demandé ce que vous faisiez ici-bas… Il y a quelques décades, personne ne
parlait de vous; votre mère, quand elle vous portait, ne savait pas qui vous seriez! Votre
mère, comme votre père, n'ont été que des instruments. Eux-mêmes sont passés par là et
son arrivés par le même moyen, admirable d'ailleurs: la famille!
L'homme est créé pour quoi ? – Pour gagner du "fric" comme ont dit dans certains
milieux, ou du "flouse" ou du "pognon" ? Quoi! C'est ça la vie ?… Ah non, Messieurs,
vous n'êtes pas là pour ça! Il faut en gagner, bien sûr et vivre à la sueur de votre front,
mais vous n'êtes pas sur la terre pour ça! Vous êtes sur la terre pour accepter les
modalités que l'Ingénieur en chef a édictées lorsqu'il a bâti le monde: vous êtes là pour
louer, honorer, et servir Dieu et, en faisant cela, sauver votre âme…
Saint Ignace vous a aussi rappelé qu'il y a un plan préétabli: un plan est toujours préparé
à l'avance. On veut faire un immeuble, il faut d'abord faire appel à un architecte, puis il
y a des études, des travaux préliminaires. On fait un barrage, grand ou petit, c'est pareil.
Si on fait une nouvelle route ou une nouvelle ligne de chemin de fer, il y a toujours des
travaux qui précèdent afin d'établir un plan, dans l'ensemble et dans le détail. Et puis
ensuite, il faut suivre ce plan.
Dans ce qui nous occupe, c'est identique. L'Ingénieur en chef qui a fait le monde, que
l'on considère celui-ci sous n'importe quel aspect, qu'il soit nucléaire, astronomique, ou
empruntant tous les aspects que nous découvrent les sciences humaines, lesquelles
d'ailleurs ne font que retrouver le plan original dans sa matérialité, on voit bien que c'est
un joli travail, du travail ordonné, fini! Nous sommes là pour accepter les modalités de
ce plan qui a un but.
Quel but ?
Dieu est Amour, dit Saint Jean, et Dieu, dans l'infini de son amour, a voulu que nous
puissions jouir de Lui pendant l'éternité et son plan n'a d'autre but que de nous y faire
parvenir.
Et ce plan préétabli (rappelons-nous que tout plana est préparé d'avance et que la
construction d'une simple baraque par un paysan exige qu'il en ait d'abord le plan dans
la tête, dans son intelligence, sinon elle ne sera jamais dans la réalité) Dieu l'a donc
préparé, ce plan. C'est pourquoi l'on dit communément que c'est de toute éternité que
Dieu a pensé cela, a eu son dessein et puis, un jour dans le temps, Il l'a réalisé avec
toutes les admirables choses que les sciences modernes retrouvent: vraiment
admirables! On y voit un ordre, un ordre relatif mais parfait. Oui, il y a un plan préétabli
et Dieu, par ce plan, a imposé une perfection relative aux êtres non libres, aux choses
qui nous entourent et qui atteignent cette perfection lorsqu'elles sont dans l'habitat voulu
parce qu'elles obéissent à ce plan. Mais elles n'ont aucun mérite à cela puisqu'elles ne
sont pas libres.
Mais nous, nous sommes libres… Et ce plan ne nous laisse pas libres pour que nous
abusions de notre liberté, non! Il nous laisse libres pour pouvoir acquérir des mérites et
atteindre cette perfection. Nous devons rechercher, mériter cette perfection, c'est-à-dire
devenir des êtres qui acceptent parfaitement toutes les modalités du plan… pour être
des saints comme Dieu le veut.
L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu et, en faisant cela, sauver son âme.
Et les choses qui nous entourent, nous devons nous en servir autant qu'elles nous
permettent de réaliser ce plan d'amour, pas plus.
Mes chers Messieurs, comprenons bien cela: que le plan est préétabli. Les
commandements de Dieu nous le rappellent et depuis deux mille ans l'Église le fait
aussi (et même les lois civiles quand elles sont un dictamen de la raison) car si pour
l'essentiel rien ne change, l'Église peut avoir à édicter des formules nouvelles imposées
par les évolutions successives du monde et des divers peuples, par une humanité de plus
en plus grande et de plus en plus modernisée dans ses attributions et ses occupations,
mais tout cela dans le respect absolu des normes qui reviennent toutes au plan de DIEU.
La sainteté nous est donc offerte mes chers Messieurs, mais encore une fois, elle
sollicite de nous une collaboration pleine et entière au plan de Dieu. Et nous l'aurons si
nous le méritons!… Mais si nous ne la méritons pas, nous ne l'aurons pas!…
Et oui! c'est qu'étant libres, nous pouvons abuser de notre liberté, évidemment! Nous
pouvons refuser cette collaboration d'une manière radicale, comme font ceux qui nient
l'Ingénieur en chef et son plan. Je m'excuse, Messieurs, pour les nouveaux venus dont je
ne connais pas les idées, mais je suis obligé de vous parler franchement!
Que dit l'Écriture Sainte ? (et moi, je crois à l'Écriture) ,,Le nombre de fous sur terre, on
ne peut pas le compter!”.
Et quels sont les fous ?
,,Seul l'insensé a dit dans son cœur: il n'y a pas de Dieu!”. L'insensé, c'est-à-dire celui
qui a perdu le sens de la vie.
Imaginez quelqu'un qui, sur une autoroute perdrait le sens et marcherait à l'envers! Ce
serait du joli!… et il n'irait pas loin d'ailleurs! Il y a un mois, sur l'autostrade Genève-
Lausanne, une voiture, dans une embardée, a coupé la ligne de ceux qui passaient de
l'autre côté: cinq morts… et ça a été vite fait!… Ca ne pardonne pas si quelqu'un perd le
sens de la route!
Pour les avions aussi, au-dessus de certains aérodromes, New-York, Orly, Tempelhof
ou ailleurs, il faut obéir: et l'altitude, et la vitesse, et la piste, etc.… Il faut obéir… vous
avez parfois une douzaine d'avions au-dessus, dans le brouillard! Il faut obéir…
L'avion qui perd son contrôle parce que ses appareils ne marchent pas bien, devient un
danger effroyable, là, en l'air, au-dessus des grands aérodromes!… De même, un
homme qui devient "insensé" est un danger, non seulement pour lui, mais pour les
autres aussi… Comme sur la route! Ce n'est pas moi qui le dit: c'est l'Écriture!
,,Insensé celui qui dit dans son cœur: Il n'y a pas de Dieu!”.
Insensé, car il a perdu la compréhension même de la vie, il ne sait plus diriger sa vie, il
ne sait plus où il va!
Oui, alors les choses, les autres choses sont là pour nous aider; ce sont des moyens,
nous devons les prendre "autant que". D'abord on prend le bon train, on ne prend pas
n'importe lequel et puis, ce bon train, on le prend "autant que": au but, on descend!
Voilà! Si nous nous servons de notre liberté pour faire nos caprices, comme sur la route,
c'est très grave… très grave! C'est une question de logique cela! Voyez mon argument:
si, sur la terre, pour des choses purement matérielles, un homme insensé qui veut faire
ses caprices: à l'usine, il ne veut pas obéir, au barrage, il veut faire à son idée, dans le
chemin de fer, sur une belle locomotive, ,,les feux rouges, moi je m'en balance!” … –
mais ils deviennent des dangers ces gens-là!… Sur la route ils récriminent contre le
code et traitent de "poison" l'ingénieur qui l'a conçu, ou enfreignent les prescriptions
qu'il édicte en pressant sur le champignon sous prétexte qu'ils ont une puissante voiture!
Imaginez, mes chers Messieurs! – Alors, dis-je, si pour les choses matérielles les
conséquences sont terribles, que sera-ce sur le plan spirituel ?…
Vous savez que les théologiens ont un mot pour exprimer cela: ils appellent ce geste de
l'homme qui veut faire ses caprices, ce geste de l'homme qui fait passer les créatures, les
autres choses, avant Dieu, ce geste qui refuse de se soumettre au plan: ils l'appellent
"PECCATUM", le péché.
Alors se pose un problème: est-ce grave, le péché ?
Pourquoi y a-t-il un problème là, alors qu'il ne devrait pas y en avoir ? C'est pourtant
logique: si dans les contingences terrestres c'est grave de faire ses caprices, de ne pas se
soumettre aux lois de la physique, de la chimie, aux lois de la biologie, aux lois de
l'électronique et des autres techniques, – car nous devons nous soumettre, les hommes,
à ce plan naturel – si sur ce plan-là déjà la désobéissance amène des catastrophes,
imaginez donc sur le plan spirituel, pour l'essentiel, sur le plan de l'esprit, sur le plan de
Dieu, d'où dépend notre éternité!
Par simple logique, nous devrions déduire qu'il ne devrait pas y avoir de problème!
Mais voilà: il y a beaucoup d'insensés sur la terre… des gens qui ont perdu le sens et
qui veulent le faire perdre aux autres; des gens qui marchent sur la tête et qui prétendent
que tout le monde doit faire pareil et marcher sur la tête! C'est pour cela qu'il y a un
problème.
Il y a un problème parce que les gens disent: ,,Il n'y a pas de péché!” – ,,La notion de
péché, au vingtième siècle est ((impensable))
((fin de la page 60))

PRINCIPES ET FONDEMENT - Deuxième partie

Nous allons voir, Messieurs, la suite du "PRINCIPE ET


FONDEMENT", page 348, au bas de la page. Dans la première
partie nous avons retrouvé deux, on pourrait même dire trois
grandes vérités: d'abord Dieu, le Créateur, le Père, le Tout-
Puissant… l'Infini, l'Immense… Dieu qui est Amour ! C'est la plus
belle définition qu'on puisse donner de Dieu. Or, c'est le propre de
l'amour de se donner et de se répandre… C'est pour cela que tout
existe ! Alors, d'abord: DIEU.
Et puis l'homme: créature de Dieu, qui a été fait pour réaliser un
plan d'amour. Dieu est l'Être aussi, sans limite: Il a répondu à
Moïse: ,,Je suis celui qui suis”. Notre-Seigneur dit un jour à Sainte
Gertrude: ,,Moi, je suis celui qui "est" et toi, tu es celle qui n'est
pas”. Nous sommes les créatures de Dieu, mais ses enfants aussi,
et, nous traitant comme des êtres libres, Il nous offre de collaborer
avec Lui ! …
Dieu, qui a imposé une perfection relative aux êtres non libres,
minéraux, végétaux, animaux, ne l'impose pas aux hommes. Mais
sa volonté est que nous devenions des saints: ,,Haec voluntas Dei
sanctificatio vestra”. Il nous l'offre sans nous forcer, sans nous
contraindre, nous traitant comme des êtres libres, comme ses
enfants ! Alors Dieu: Première vérité. Seconde vérité: l'HOMME,
enfant de Dieu.
Dès qu'on écarte l'homme de Dieu, on ne sait plus ce que c'est que
l'homme ! Après tout: les négations de Dieu ne peuvent rien contre
Dieu, mais elles peuvent contre l'homme. Parce que si l'homme
n'est plus enfant de Dieu, qu'est-ce qu'il est ? Ah ! … L'empereur
Néron, il y a dix-neuf siècles, après avoir mis, semble-t-il, l'incendie
à Rome et en avoir accusé les chrétiens, avait trouvé un moyen de
les utiliser: il faisait enduire ces chrétiens de poix et s'en servait
comme lampadaires pour éclairer ses fêtes du Vatican ! Néron avait
trouvé un emploi pour l'homme: l'homme va servir de lampadaire,
voilà !
On prétend que Napoléon Ier, s'adressait un jour à Metternich et le
menaçant, lui disait: ,,Monsieur, j'ai derrière moi un capital
dépensable de cinq cent mille hommes”. Napoléon avait trouvé un
autre sens de l'homme, lui… l'homme chair à canons !
Karl Marx: l'homme est un fabricant d'outils, l'animal qui fait des
outils… oui, tout est matière… matière première, transport, usinage,
outils ! Quel est donc l'idéal ? … un peu plus de matières premières,
un peu plus de transport, un peu plus d'usinage, un peu plus
d'outils… L'homme est un robot, il faut qu'il soit bien nourri ! bien,
oui… c'est ça: bien nourri, pas de souci, un peu comme les animaux
du zoo ! Ils n'ont pas de souci non plus, ils sont bien nourris: on ne
veut pas les perdre évidemment car ils coûtent cher, ils sont même
climatisés ! Les fauves du zoo de Vincennes sont climatisés, mais si
on pouvait leur demander leur avis, peut-être préféreraient-ils leur
savane ou la jungle ?
Les soldats aussi sont climatisés maintenant dans les casernes: ils
sont bien nourris, ils ont la télévision, et pourtant, ils rêvent toujours
de la "quille" ! Comme c'est curieux cela ! Eh oui, remarquez que si
l'homme n'est pas un enfant de Dieu, tout devient possible comme
tentative sur l'homme ! …
Si l'Église nous trompe en nous disant par saint Ignace ce que nous
avons médité tout à l'heure: à savoir que l'homme est créé pour
louer, honorer et servir Dieu… Si ce n'est pas vrai, cela, qu'est-ce
que c'est que l'homme ? N'importe quel tyran qui aura avec lui la
puissance pourra toujours imposer sons sens de l'homme:
Kroutchev l'a fait récemment, il n'y a pas beaucoup plus de dix ans,
aux ouvriers de Budapest ! …
Eh oui, mes chers Messieurs, ce qui libère l'homme c'est cela: c'est
la réalité de Dieu qui nous libère et il n'y a que cela qui puisse nous
libérer… Il n'y a que l'Eglise qui libère, et n'importe quel tyran qui se
dresse à l'hoprizon comprend toujours que l'Eglise, l'Eglise
catholique et romaine est pour lui l'ennemi numéro un, pourquoi ?
… Parce qu'elle rappelle la grandeur de l'homme ! Parce que
l'homme a été créé par Dieu, pour réaliser avec Dieu, aidé par Dieu,
mais librement, son plan d'amour. C'est ça qui fait la grandeur de
l'homme ! Oui, nous avons retrouvé cela:
DIEU, l'HOMME et le PLAN de DIEU: trois vérités.
Mais nous n'avons qu'à ouvrir les yeux pour voir des choses qui ne
sont pas Dieu, qui ne sont pas l'homme non plus; eh bien, ces
choses, il faut maintenant que nous en connaissions la signification.
Voulez-vous prendre votre livre, page 348: je cite: ,,Les autres
choses (je dis les autres choses parce que nous avons déjà
expliqué Dieu et l'homme créature et enfant de Dieu), les autres
choses, sur la face de la terre sont créées pour l'homme, pour
l'aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il a été créé”, (cette
fin qui est la gloire de Dieu, évidemment, mais qui est aussi la gloire
de l'homme).
Dans cette phrase, il y a des mots plus importants: "pour l'aider", les
choses sont là pour nous aider.
… ,,d'où il suit (nouvelle conséquence) que l'homme doit faire usage
de ces choses afin qu'elles l'aident à poursuivre sa fin, à atteindre
son but, et qu'il doit s'en défaire, de ces choses, autant qu'elles l'en
empêchent”.
Dans cette dernière phrase, il y a aussi des mots plus importants:
les mots répétés: "autant que…"
,,Pour cela (garder le "autant que…") il est nécessaire de nous
rendre indifférents, (voilà un mot qu'il faudra expliquer aussi) à toute
chose créée, à tout ce qui est laissé au choix de notre libre arbitre et
ne lui est pas défendu, de telle manière que nous ne voulions, de
notre part, pas plus la santé que la maladie, pas plus la richesse
que la pauvreté, pas plus l'honneur que le mépris, pas plus une vie
longue qu'une vie courte et ainsi de tout le reste, désirant et
choisissant seulement ce qui nous conduit davantage à éla fin pour
laquelle nous sommes créés”.
Vous avez remarqué au passage, mes chers Messieurs, une série
de vérités qui se dégagent par voie de conséquence logique les
unes des autres. Je vais donc les reprendre, vous les commenter
un petit peu et puis, comme tout à l'heure, vous irez dans votre
chambre pour "ruminer", pour méditer.
On ne vous demande pas de vous casser la tête dans votre
chambre pour faire de belles méditations, on vous demande
seulement de vous efforcer… l'un de vous me disait, tout à l'heure,
qu'il en avait mal à la tête !
Si vous partiez d'ici la tête cassée, cela n'arrangerait rien… Alors,
faites cela gentiment… demandez aussi au bon Dieu de vous aider.
Sachons demander à Dieu comme des mendiants, dans des
colloques fervents… Le colloque est une prière, une conversation
encore plus intime avec Dieu et le colloque ne fatigue pas: cela ne
fatigue pas d'aimer !
Voilà une maman qui est professeur de mathématiques: si elle fait
huit heures de mathématiques par jour, cela doit la fatiguer, bien
sûr, mais aimer son mari et ses enfants vingt-quatre heures par jour
ne la fatigue pas !
Je veux dire que, dans votre chambre, faites pour le mieux,
efforcez-vous et le bon Dieu fera le reste…
Ainsi donc, mes chers Messieurs, nous nous trouvons devant le
problème des choses – les autres choses – c'est-à-dire, tout ce qui
n'est ni Dieu, ni nous… Ces autres choses, vous l'avez appris en
classe, déjà tout petits, peuvent se classer en trois grandes
catégories: les minéraux, les végétaux, les animaux, parmi lesquels
l'homme: animal raisonnable.
Mais, si vous voulez un peu plus de détails, les choses, ce sont
d'abord les biens: les biens immeubles, maisons, prairies; les biens
meubles: valeurs financières, bancaires, l'or, l'argent, les outils…
avions, tracteurs, autos et autres machines ! Les choses, c'est aussi
la science, la possession d'une science qui est une richesse
intellectuelle, qui rend de grands services d'ailleurs, et, avec la
science, les études, les diplômes…
Les choses, c'est encore l'art, la musique, la peinture, l'architecture,
la sculpture, etc. C'est aussi la nourriture, la boisson, les petits plats
et les gfrands, les banquets, les liqueurs, les vins…
Les choses, c'est aussi les loisirs et les moyens que nous prenons
pour les occuper: les stades, la télévision, le cinéma, le théâtre, le
chant, la plage, la montagne, le ski, la varape, le cyclisme, le
hockey…
Bien ! tout cela ce sont les choses.
Les choses, sont aussi les événements qui passent, les situations
sociales plus ou moins belles et aussi les circonstances dont nous
ne sommes pas toujours les maîtres, le milieu social dans lequel
nous sommes obligés de vivre; nous sommes toujours obligés
d'avoir un milieu social et civique qui nous entoure, un milieu familial
aussi ! On peut en changer, bien entendu, de temps à autre, mais
pas trop souvent quand même parce que pierre qui roule…
On ne peut pas changer de famille n'est-ce pas ! et s'il est permis
de changer de rue ou de quartier, on ne peut le faire quatre fois par
mois comme les quartiers de la lune !
Alors donc un milieu social qui s'impose à nous et, dans ce milieu
social des contraintes à subir, certaines qui nous portent au bien,
d'autres qui nous gênent.
Je me rappelle un retraitant qui me racontait ses petites misères, il
habitait dans une banlieue de petite ville et il me disait qu'à hauteur
de son appartement il avait à sa gauche un voisin qui était "un
poison" ! ,,Il est toujours, me confiait-il, en procès avec quelqu'un,
un mauvais coucheur ! Un poison embêtant au poswsible” ! Et il me
dit: ,,Je ne peux tout de même pas déménager pour cela: je
risquerais d'en trouver un autre !”.
,,Mais par contre, à ma droite, j'ai une voisine… ah ! charmante,
gentille comme tout ! sympathique et veuve… elle est veuve par-
dessus le marché ! Alors mon travail permet de lui donner quelques
conseils ! Ma femme est jalouse ! pourtant je ne cherche rien ! …
Eh bien, vous savez, la petite veuve me pose plus de problèmes
que le voisin empoisonnant de gauche, mais pas les mêmes
problèmes, tout à fait différents, opposés: problèmes d'antipathie et
problèmes de… sympathie ! …
Eh oui, le social … Tout cela c'est les choses !
Et d'où viennent-elles ?
Elles viennent du même constructeur, du même ingénieur en chef !
Vous savez que Dieu a créé les ANGES. Les anges n'ont pas de
corps et par cette seule remarque, que les anges n'ont pas de
corps, nous comprenons que le problème des anges (il y a eu un
problème pour eux, évidemment), était très différent du nôtre ! Pour
l'instant, nous le laissons de côté.
Alors Dieu a voulu créer des êtres qui soient à la fois esprit et
matière: l'homme, esprit et corps. Mais, pour que Dieu résolve ce
problème, se sont posées à Lui toute une série de conditions: Dieu
n'était pas obligé de nous créer, mais du moment qu'Il décida de le
faire dans ces conditions, c'est-à-dire, esprit et corps, Dieu, pour
suivre les lois de son Être à Lui, dut réaliser un certain nombre de
conditions préliminaires, nécessaires à la vie du corps. Car c'est ce
dernier qui pose des problèmes, ce n'est pas l'âme !
L'âme évidemment a des problèmes d'un autre ordre comme celui
de la collaboration avec DIeu, celui de l'éternité … mais le problème
quotidien de la vie, c'est le corps qui le pose ! …
Tenez, prenez la vie d'un catholique français moyen: il y vingt-
quatre heures par jour, comme tout le monde, mais regardez
comment il passe ces vingt-quatre heures: D'abord un tiers couché,
soit huit heures où il essaie de perdre connaissance et d'être
homme le moins possible. Bien, il reste à table environ deux heures
et demie à faire des choses pas très spirituelles, vous savez ! Le
reste du temps, il travaille pour se gagner sa croûte, toujours pour le
corps. Acheter des vêtements, faire bâtir une maison: c'est pour le
corps et le reste, s'il en reste, pour l'âme, pour l'esprit. Oui, c'est le
corps qui pose tous les problèmes matériels !
Alors, Dieu décide de nous créer et pour cela, il a dû envisager une
machine pour recevoir les hommes: Il a créé la terre à cet effet.
Il aurait pu la faire plus grande, comme Jupiter, ou plus petite
comme Mars, mais pour que l'homme puisse vivre sur terre avec
son corps, il a fallu que Dieu réalise d'autres conditions: Physico-
chimiques, hydrogène, oxygène et autres gaz; il fallait une
température adéquate parce que la matière et les gaz se
comportent différemment selon la chaleur, alors le Seigneur a dû
créer un calorifère qui serait en même temps un phare pour
réchauffer et éclairer; et Il a mis cela à huit minutes de marche et
quelques secondes: la petite banlieue, quoi ! Et grâce au soleil, la
lumière, la chaleur, le rayonnement avec le jeu admirable de la
physique, de la chimie, de la chlorophylle, etc… et grâce à cela: les
plantes … et puis un jour… les animaux … et lorsque tout a été
prêt: l'homme ! Tout ça pour l'homme, pour aider l'homme ! …
Messieurs, rappelons-nous le but: c'est la possession de Dieu dans
l'éternité, une joie divine ! La petite Thérèse de l'Enfant Jésus,
écrivant à sa sœur, s'enthousiasmait en pensant que bientôt elles
seraient comme des dieux ! Les saints pensaient souvent à cela, à
cette destinée inconcevable, dont nous connaissons le but: c'est
Dieu. Nous sommes ici de passage, nous sommes ici en transit;
nous allons ailleurs, nous devons vivre ailleurs !
Qu'est-ce que c'est que les quatre-vingts ans à passer ici-bas pour
ceux d'entre nous qui arriveront au bout de huit ou neuf cordonnets,
qu'est-ce que quatre-vingts ans en regard de l'éternité ? Mes chers
Messieurs, dans mille ans, lorsqu'on se rappellera (je ne sais pas où
nous serons, mais je pense que la retraite étant une grande grâce
et marque d'amour de la part de Dieu, nous nous reverrons là-haut,
tous), alors on parlera de la terre: ,,Vous vous rappelez, en 1964,
oui, le tour de France, la chaleur, le général de Gaulle, Kroutchev,
tout ça ! … les réunions par-ci, les réunions par-là, les bombes
atomiques … bah ! au fond, on était bien bêtes de se créer tant de
soucis ! …
Evidemment, il faut avoir des soucis, mais le Seigneur nous a
dit: ,,Cherchez d'abord le royaume des cieux” … Oui, mes chers
Messieurs, nous connaissons le but, la possession de Dieu, nous
sommes les enfants de Dieu, un jour notre corde cassera …
Alors, ces choses qui nous entourent, ces autres choses ne sont
que des moyens pour atteindre ce but, cette destinée. Tout est
moyen et dès qu'on parle de moyen, on parle d'une notion
corrélative; celle de mesure. Voilà deux choses qui vont toujours
ensemble.
C'est facile à prouver: vous prenez un train qui est un "moyen" de
transport, vous le prenez "autant que…": la mesure.

Par exemple, vous allez de Valence Dijon: d'abord il n'y a pas de


train dans tous les villages, alors, vous allez à Valence, à dix
kilomètres. Là, dans la gare, il y a des salles d'attente. Pourquoi ?
Parce que le train bon pour moi n'est pas toujours en gare.
Remarquez qu'en soi, tous les trains sont bons, mais ils ne sont pas
tous bons pour moi, c'est pour cela qu'il y a des salles d'attente et
lorsque le train bon pour moi arrive, je le prends, mais je le prends
"autant que…" c'est-à-dire qu'arrivé à Dijon je descends.
Il y a trois catégories de gens qui ne font pas "l'autant que" et qui
restent dans le train bien qu'ils soient arrivés au but: d'abord les
petits enfants, les tout petits; heureusement les parents veillent sur
eux et les font descendre quand il faut; il y a aussi les vieux pépés
qui, passé quatre-vingt-dix ans, sont dans la deuxième enfance
comme les petits, ils prennent le train sans trop savoir où ils vont;
c'est d'ailleurs assez gênant ! … et puis il y a les gens qui dorment.
Les premiers n'ont pas encore la raison, les seconds ne l'ont plus et
les troisièmes n'en ont pas l'usage au moment où il faut. D'ailleurs
en se réveillant à Paris, ils sont sans doute bien ennuyés… ,,et dire
que j'avais un rendez-vous urgent !” … Mais un homme conscient,
en prenant le train fait "autant que …". Le seul fait de ne pas faire
"autant que…" montre que, dans sa tête il y a quelque chose qui ne
marche pas bien ! Même chose dans les cars: on prend le bon, celui
qui vous mène au but, même s'il n'est pas rouge (moi j'aime
beaucoup le rouge …).
A chaque instant, nous faisons cela: l'autant que, la mesure. Vous
payez une facture: ,,Autant que”. ,,Combien vous dois-je boulanger
pour le pain de la quinzaine ?” ,,Cher Monsieur, vous me devez dix-
huit francs”. Eh bien, vous alignez dix-huit francs. Vous ne devez
pas plus, vous ne pouvez donner moins! ,,Quand même, je peux
bien donner vingt francs si ça me plaît! … Remarquez que le
boulanger ne demandera pas mieux et les gardera, mais dès que
vous serez sorti, il dira à sa femme, j'en suis certain: ,,Ce Monsieur
est bien gentil, mais doit avoir quelque chose qui ne va pas bien!
Pourquoi ? Regarde, il me doit dix-huit francs et m'en donne vingt
sans raison”. Quand votre famille apprendra que sans motif, vous
donnez vingt pour cent de plus en payant vos factures, on va parler
de psychiâtre, croyez-moi!
Oui, ,,autant que”, c'est pareil pour tout! On construit un immeuble
"autant que"… Il y a des lois d'équilibre dont on ne peut ignorer
l'existence et qu'il faut appliquer, sinon l'immeuble dégringolera sur
la tête des gens! On ne fait pas ce qu'on veut, les lois de pesanteur
jouent. On ne fait pas ce qu'on veut en construisant les barrages…
Ah! Il y a des lois. Partout c'est l'admirable nécessité de l'"autant
que", de la mesure…
Imaginez qu'en France on supprime la mesure dans la musique.
Nous, Français, gardons la musique, mais supprimons la mesure…
Hé! si vous supprimez la mesure, il n'y a plus de musique, il n'y a
plus d'immeubles, il n'y a plus de barrages, plus de machines, plus
de technique… Il n'y a plus rien sans la mesure!
Donc, à la mesure, nous ne pouvons manquer, parce que si on
oublie la mesure dans une fabrique pyrotechnique, dans une usine
chimique, attention, hein! cela peut être la catastrophe. Si on oublie
la mesure dans les chemins de fer, c'est pareil. Partout nous
trouvons l'insécurité et la catastrophe.
Alors, pour tout ça, dans tous ces domaines matériels, nous faisons
attention et avec raison… Le grand malheur, c'est que nous
manquons à la mesure dans nos relations avec Dieu… pour
l'essentiel…
Nous savons que Dieu a posé des défenses, qu'Il a fait un CODE
pour aller à Lui, mais, nous les hommes, nous faisons un peu
comme le petit que je voyais un jour dans un train, sur les genoux
de sa mère, une jeune maman et son fils qu'elle appelait Riri: trois
ans environ. A chaque instant, elle le menaçait: ,,Si tu continues,
Riri, tu vas recevoir une gifle!” Et comme la gifle ne descendait
jamais, Riri continuait de plus belle! A un moment donné, il met la
main dans le sac de sa mère… ,,Si tu mets la main dans le sac, tu
vas voir!” Elle y était déjà la main!… ,,Si tu sors quelque chose du
sac, gare à toi!”. Et comme le petit voyait que tout le monde souriait
et que la claque ne descendait pas, il sort la boîte de poudre de
riez! ,,Si tu ouvres la boîte, tu vas voir ce que tu vas recevoir! … Et
le petit, non seulement ouvre la boîte, mais ils étaient tous couverts
de poudre de riz, après! Alors la mère, voyant qu'elle avait affaire à
un petit prodige, a refermé la boîte sur le peu qui restait et elle l'a
embrassé. Elle était heureuse!…
Eh bien, nous, nous avons la tentation de faire un peu comme cela:
on touche au plan divin, on regarde le patron – d'ailleurs on ne le
voit pas – on continue à tricher, on fait comme Riri. Et comme la
gifle ne descend pas, on croit… Hein ? … Oui! Nous avons
facilement tendance à manquer à l'"autant que"… à nous laisser
entraîner par nos passions, nos passions qui ne voient que le plaisir
immédiat, qui ne voient pas le but et nous entraînent de ce fait; les
passions qui nous portent à ce qui nous plaît, qui nous portent à
échapper à ce qui nous déplaît aussi…
Je me rappelle encore une histoire: ce petit soldat avait eu un
accident, on l'avait mené à l'hôpital et, quelques jours après, le
chirurgien passe dans les chambres. Il regarde la fiche du blessé et
dit à l'infirmière: ,,Ma Sœur, aujourd'hui trois pansements! pas un,
trois! et pour le remonter, vous lui donnerez un doigt de
champagne”. Bien, la journée se passe et la sœur revient dans la
soirée voir le petit blessé: Ah! troisième pansement!…
,,Encore, ma Sœur, trois!”
,,Mais, mon petit, ce n'est pas vous qui commandez; le chirurgien,
ce matin a dit trois!”
,,Oh! le chirurgien, le chirurgien… Il a dit: ce soir vous lui donnerez
du champagne, voilà ce qu'il a dit le chirurgien!”
Bien, elle est patiente, elle s'en va et revient avec une bouteille de
champagne et un verre, puis elle lui verse un doigt de champagne.
,,Comment, ma Sœur, c'est ça que vous me donnez?”
,,Mon petit, je l'ai marqué sur ma feuille, un doigt!”
,,Oui, ma Sœur, j'ai entendu qu'il a dit un doigt, mais pas un doigt
comme ça, j'en suis sûr ma Sœur, je suis sûr de ça! Allez, ne faites
pas de chichis, versez, ma Sœur!…”
Et il le fait durer le plaisir… Enfin, il arrive au bout, elle est là,
patiente…
,,Et le pansement?”
,,Oh! encore, ma Sœur…”
,,Allez, allez, mon petit, moi je n'ai pas de temps à perdre, allez
ouste! Trois pansements, pas deux”
Et malgré ses cris, elle lui fait le troisième pansement!
Eh bien, c'est l'image de notre comportement à tous! Quand cela
nous plaît, nous avons tendance à augmenter la dose, tous – même
Monsieur le chanoine, là – et même moi aussi! nous avons tous la
tendance, tous, même les saints l'avaient, la tendance! Ah! ils ne
cédaient pas à la tendance, mais ils l'avaient: augmenter la dose
lorsque ça nous plaît!
Nous sommes faits pour le bonheur et, comme Adam, nous
voudrions l'avoir ici-bas; par contre, lorsque ça nous déplaît, nous
avons la tentation de supprimer la chose! Mais, mes chers
Messieurs, c'est dangereux cela, pourquoi ?
Parce que, pour réaliser le plan de Dieu, il y a un code à suivre,
comme sur les routes de la terre; il y a des contraientes à subir et il
faut faire, pour arriver au but, des choses pénibles!…
Mes chers Messieurs, vous ne réaliserez pas le plan de Dieu si
vous ne voulez pas faire des choses pénibles!… On n'a pas encore
trouvé le moyen sur la terre d'arriver à Dieu sans faire des choses
pénibles.
Je parle au moins pour les adultes: Il y a quelquefois des enfants
qui meurent dès le baptême et ne sont pas dans ce cas; mais en ce
qui concerne les hommes, depuis l'âge de raison, il n'y a pas moyen
d'arriver au but sans faire au moins quelques petites choses
pénibles!
L'Eglise, dans son martyrologe, nous rappelle tous les jours
quelques saiants, quelquefois nombreux et parmi eux nous trouvons
des fillettes: le 31 janvier, nous fêtions sainte Agnès, douze ans,
une patricienne de Rome. Pour arriver au but, elle a dû passer par
la prison et a été décapitée.
Je cite sainte Agnès, parce qu'il semblerait qu'elle aurait dû avoir un
rabais, cette petite de douze ans! Elle n'a pas eu de rabais! Saint
Tarcisius non plus n'a pas eu de rabais, ce petit garçon de dix ans,
enfant de chœur. Saiante Foy, la patronne d'Agen, à côté de
Bordeaux, là-bas, elle non plus n'a pas eu de rabais. Sainte Cécile,
une patricienne de dix-huit ou dix-neuf ans, non plus! pas plus que
sainte Catherine d'Alexandrie, ni sainte Marguerite. Elle n'a pas eu
de rabais sainte Jeanne d'Arc qui avait dix-neuf ans! Notre-Seigneur
ne lui a pas fait cadeau d'une nuit de Rouen ou du bûcher!…
Quelquefois, c'est la maladie qu'il faut accepter pour arriver au but,
c'est parfois le déshonneur. Des quantités de saints ont été
déshonorés; des martyrs ont été déshonorés; Jeanne d'Arc, par
exemple et bien d'autres! Oui, mes chers Messieurs, pour arriver au
but, il faut faire parfois, avec la grâce de Dieu des choses
pénibles…
Et voyez la contre-partie: des hommes vont rater leur éternité
pourquoi ? parce qu'ils veulent abuser des choses qui leur plaisent.
Vous avez des hommes qui vont rater leur éternité parce que, là,
c'est bon dans la gorge, sur quatre centimètres!…
D'autres, ce sera à cause de la pêche: ce n'est pas mal de pêcher.
C'est peut-être légitime, mais… "autant que" … le dimanche, pour
eux, c'est la truite! Voilà! … d'autres, c'est la chasse: Ah! la chasse!
… d'autres, c'est le sport, c'est la plage, c'est tout ce que l'on
voudra! il ne manque pas de moyens de remplacement maintenant!

Et donc, mes chers Messieurs, il ne me semble pas que le Seigneur
ait annoncé un rabais pour les hommes vivant au vingtième siècle!
Et la Sainte Vierge, apparaissant à La Salette, à Lourdes, à Fatima
ou ailleurs n'a pas annoncé, ce me semble, un rabais pour nous,
tout au contraire!
Aussi reste-t-il très dangereux de nous laisser entraîner par nos
passions qui, elles, ne voient pas le but, qui ne voient que le plaisir
immédiat.
Nous devons, avec la grâce de Dieu, réfréner nos passions. C'est
diofficile et c'est pourquoi saint Ignace nous dit: ,,Il faut nous rendre
indifférents”. Pour garder l' "autant que", il est nécessaire de nous
rendre indifférents. Qu'est-ce que cela veut dire?
Eh bien, il y a trois sortes d'indifférences … différentes. Il y a
d'abord l'indifférence des stoïciens, de ceux qui ne sentent rien. On
prétend que l'un d'eux (c'était un philosophe esclave en même
temps) était torturé par son maître à cause d'une vétille et son
maître lui faisait tordre la jambe pour le faire souffrir. Alors, il paraît
que ce philosphe esclave et stoïcien lui disait: ,,Si tu me la tords
comme ça, tu vas me la casser … tu vas me la casser … et qu'est-
ce que je ferai pour travailler avec une jambe cassée ? … Tu vas
me la casser … Crac! … Tu vois, tu me l'as cassée … Je suis beau,
maintenant, avec une jambe en moins!…”.

((fin page 40))

((page 4l ss))

Mais ça, c'est dans les livres!… Mais même si un homme était
capable de faire ça en stoïque, l'indifférence dont nous parle saint
Ignace, n'est pas celle-là, celle des stoïciens.
Il y a aussi l'indifférence d'apathie. Un jour, un garçon me dit:
,,Alors, mon Père, si je comprends bien, il faut se fiche de tout… Si
je me marie, je prends la plus vilaine du pays ?” – Eh non! Si vous
prenez la plus vilaine du pays, trois mois après, vous serez séparés
tous les deux! Ce n'est pas ça non plus! Celle-ci est une indifférence
d'apathie… or le chrétien n'est pas un apathique.
Il s'agit, suivant saint Ignace, d'une indifférence de volonté. Moi, je
veux réaliser ce plan en moi, ce plan qui est général, mais aussi
particulier à chacun de nous. Je veux le réaliser quoiqu'il arrive! les
autres, faites ce que vous croyez devoir faire, mais moi, mon Dieu,
donnez-moi la force de réaliser votre plan sur moi!
C'est quelquefois très pénible. Vous croyez que c'était amusant
pour les martyrs, de réaliser ce plan ? Mais, avec sa grâce, ils l'ont
fait et ils l'on fait en beauté, tous ces martyrs et bien d'autres qui ne
sont pas martyrs, mais qui, pour réaliser le plan de Dieu, ont dû
faire des choses très pénibles!
Donc, nous rendre indifférents! Pas plus portés à ceci qu'à cela:
Qu'est-ce qui est le mieux pour moi ? – Je n'en sais rien, mais
jamais un péché, même véniel, pour tout l'or du monde! Être
indifférent à tout ce qui se présente. Une indifférence de volonté à
tout ce qui se présente sur notre route.
Comme dit l'oraison d'une messe: ,,A travers toutes les choses de
la terre, je veux partout suivre le plan de Dieu…”.
C'est exactement comme pour un voyage: Tenez, l'an passé, je suis
allé au Canada, mais pour y aller, j'ai dû d'abord passer par l'Italie,
c'est-à-dire prendre un moyen qui tournait le dos à l'endroit où je
voulais me rendre. Ici, pour prendre le train de Paris, on commence
à prendre la route qui va directement vers le sud, puis on bifurque
sur une route qui va droit sur l'ouest et cela parce qu'il faut se
rendre à la gare de Valence. Tout est commandé par le but.
De même nous devons être indifférents aux cheminements que
Dieu nous impose… Moi, je veux arriver au but, je veux réaliser le
plan de Dieu quoiqu'il arrive. Alors saint Ignace nous dit: ,,pas plus
porté à la santé qu'à la maladie”.
Nous ne sommes pas fous, les catholiques, nous ne voulons pas
dire par là que santé égale maladie! nous savons bien que la santé
est un bien naturel que nous devons sauvegarder autant qu'il est en
notre pouvoir! Mais s'il y a un litige entre ma santé d'ici-bas et ma
santé de l'éternité: tant pis pour ma santé d'ici-bas!…
C'est ce que Notre-Seigneur nous dit: ,,Ton œil te scandalise ?
arrache-le et jette-le loin de toi parce qu'il vaut mieux entrer borgne
au ciel que d'aller avec deux yeux en enfer”. De même, nous dit
Notre-Seigneur, que vous vous livrez au chirurgien pour perdre un
œil afin de sauver le reste, faites pareil pour l'éternité, et à plus forte
raison faites pour l'âme ce que vous faites pour le corps! Alors, mon
Dieu, bien sûr, je préférerais aller à Vous avec la santé, mais si
vous comprenez que par la santé je vais perdre mon éternité, alors
envoyez-moi la maladie!…
C'est une grande chose de comprendre cela. Tout ce que Dieu nous
envoie est commandé par la Providence et n'a pas d'autre but que
de nous faire gagner le ciel. Vous avez un cancer: vous devez tout
faire pour vous soigner, ça bien sûr, mais en l'acceptant comme
purification de vos péchés, en offrant vos souffrances à Dieu, vous
ne savez pas quel degré de mérite vous pouvez obtenir…
Mais si, au contraire, quelqu'un se sert de l'épreuve que Dieu lui
envoie pour blasphémer le Ciel, on peut dire qu'après avoir passé
un enfer sur la terre, il se prépare à avoir l'enfer pour l'éternité!…
Il en est de même pour la richesse: Nous savons bien que la
richesse peut être un don de Dieu, mais la richesse peut être aussi
une gêne pour le salut puisqu'il sera très difficile aux riches de se
sauver. Alors, mon Dieu, comme le disait Salomon, envoyez-moi
non pas la misère, mais envoyez-moi la pauvreté plutôt que la
richesse, si par la richesse je dois perdre mon éternité…
C'est identique pour l'honneur et le mépris: je préférerais
évidemment aller à vous par l'honneur, l'honneur est une valeur
naturelle, mais si, par l'honneur et les honneurs qu'on me fera je
dois perdre mon éternité, mon Dieu, tant pis pour les honneurs de la
terre!…
Pareil pour notre vie: c'est le plus grand bien que nous ayons ici-
bas, la vie!… mais, mon Dieu, je ne veux pas garder la vie de mon
corps si elle doit entraîner la mort de mon âme et me faire perdre la
vie éternelle! Plutôt mourir si telle est votre volonté!
C'est un choix, voyez-vous, mais pour choisir, il faut être indifférent,
ne pas mettre en avant ces valeurs: santé, richesse, honneur, pour
les conserver!…
Vous avez beaucoup de catholiques maintenant qui, pour conserver
un certain standard de vie, manquent aux lois de Dieu! Ah non! on
n'a pas le droit! on n'a pas le droit, pour obéir à un certain respect
humain devant les autres de manquer à la loi de Dieu; pour faire le
malin!
Comme disait un jour un jeune homme: ,,Moi, je lis Sartre parce
que, dans une réunion d'étudiants, si on n'a pas lu Sartre, on passe
pour un ballot”. Alors voilà!… On se pourrit l'âme, et souvent le
corps…
Eh non! Tant pis, la loi de Dieu avant tout! Être indifférent en allant
au plus sûr, désirant et choisissant uniquement ce qui nous conduit
davantage à la fin pour laquelle nous sommes créés!…
Mes chers Messieurs, voyez-vous, cette indifférence, il faut bien la
comprendre!… L'indifférence de volonté dont parle saint Ignace est
une attitude préliminaire qui nous permet de bien choisir.
Reprenons l'exemple de la gare: je veux prendre à Valence le train
qui me mènera à Perpignan. Bien. Mais le train de Perpignan n'est
pas en gare! Alors, je dois attendre avec indifférence. Cette
indifférence me permettra de bien choisir le train qui me mènera à
Perpignan. Que ferait quelqu'un qui manquerait d'indifférence à ce
moment-là ? Il verrait au troisième trottoir un joli train rouge et vert:
Hou! Il me plaît ce train-là, je le prends…
– Mais, où mène-t-il, ce train, cher Monsieur ?
– Il est rouge et vert, il me plaît, je le prends…
Vous êtes sûr que ce Monsieur, qui manque d'indifférence n'arrive
pas à Perpignan. Il arrivera plutôt de l'autre côté du Rhône, à
Privas, dans la grande maison de psychiatrie! Là, oui!
Mais, si je suis bien indifférent, il m'importera peu que le train soit
rouge, jaune ou vert, qu'il parte de la voie "1" ou de la voie "5",
faisant en sorte de prendre le train de Perpignan et non un autre.
De même pour aller au but, pour bien choisir, nous devons faire
abstraction de ce qui nous entoure. Qu'aucune considération ne
joue sur notre volonté d'indifférence.
Par exemple: où me mènera la richesse ? Je ne veux rien en savoir.
La pauvreté serait-elle mieux ? Je n'en sais rien et ne veux pas le
savoir! Pour bien choisir: être d'abord indifférent! Cette indifférence
de volonté permettra seule de bien choisir les moyens.
Ensuite, je ferai une enquête pour savoir ce qui est le mieux pour
moi. Dans l'exemple choisi: arriverais-je mieux au but par la
richesse que par la pauvreté, etc…
Mais partout, dans toutes les choses qui m'entourent, je veux
d'abord faire la loi de Dieu en allant au plus sûr, oui, en allant au
plus sûr… Il s'agit de travailler à ma destinée éternelle, il s'agit donc
pour moi de prendre le meilleur moyen de faire la volonté de Dieu le
mieux possible, en allant au plus sûr, en mettant tout le prix qu'il
faut…
Dans l'Évangile, Notre-Seigneur, pour nous le montrer utilise la
parabole de la marguerite, c'est le nom que les anciens donnaient
au diamant: Voilà un employé qui laboure un champ où il y a
beaucoup de cailloux, ce qui rend le travail difficile, mais il a trouvé
dans ce terrain des diamants: le tout est de les extraire. Lui, ne voit
qu'un moyen, c'est d'acheter le champ. Le propriétaire veut bien,
mais lui n'a pas assez d'argent pour le payer: que fait-il ? Il remonte
à la maison, vend tous ses biens, ses meubles, pourquoi ?
,,Mais, vous n'êtes pas fou, Monsieur, de tout vendre ainsi pour un
champ de cailloux ?”.
Que non pas! il réalise tout et, une fois le champ acheté, il sait que
la fortune est à lui.
C'est ainsi, si nous avons compris la valeur de notre destinée
éternelle, que nous serons décidés à y mettre le prix, n'importe quel
prix…
Dans notre vie de tous les jours, c'est pareil. Partout nous allons u
plus sûr, si nous réfléchissons tant soit peu.
Voilà un papa qui a son fils malade et on lui dit: oui, tel docteur
pourrait sans doute le sauver, mais vous savez, les docteurs se
trompent parfois! Un autre lui dit: Cher Monsieur, je ne vous cache
pas que votre fils est en danger. Dans ce cas-là, l'opération
s'impose et je connais un bon chirurgien. Il est vrai que c'est plus
cher, mais c'est plus sûr. Que fait le Papa ? Eh! Il ne regarde rien
pour le bien de son fils. Il va au plus cher et au plus sûr! Il opte pour
l'opération! Il n'hésite pas!
Vous avez un litige d'environ – mettons cinq mille francs – avec un
de vos voisins. Vous ne voulez pas perdre cinq mille francs, n'est-ce
pas ? mais, pour cette somme relativement modique, vous n'allez
pas voir le plus grand avocat de la ville, quand même! Il vous
demanderait plus de la moitié en honoraires! C'est vraiment idiot de
faire un procès pour ne rien y gagner! Bien! Alors, vous allez voir un
petit avocat, vous lui confiez votre affaire et vous lui promettez dix
pour cent; vous sacrifiez cinq cents francs afin de sauver le reste.
Maintenant, vous avez un litige plus important: mettons de cinq
millions. Alors, là, vous allez voir un avocat de renom, qui a ses
entrées, et à lui aussi, vous promettez dix pour cent!
Mais, voici que votre oncle d'Amérique vient de mourir et vous lègue
une formidable fortune, estimée huit cent millions de dollars (or)… Il
y a des bateaux, des mines de zinc et d'étain, des pétroles, que
sais-je, moi, des actions haut comme ça!… huit cent millions de
dollars or, au bas mot!…
Malheureusement, vous portez un nom ennuyeux pour un français,
vous vous appelez DUPONT, ou bien pour un valaisan RODUIT ou
CARRON: qu'est-ce que vous faites alors ? Eh bien, pour un cas
pareil, vous allez voir le plus grand avocat de la capitale, car tous
les DUPONT de France et tous les CARRON de Suisse vont vouloir
leur part du gâteau! Vous lui dites: ,,Maître, voilà mon histoire
(d'ailleurs, il la connaît déjà mieux que vous, votre histoire) et vous
lui promettez deux pour cent… Cela fait déjà une grosse somme:
seize millions de dollars! (Or). Mais le maître dit non! ,,Monsieur,
vous savez que je suis dans la politique, aussi, je vous fais réussir,
hein! mais je réclame cinq pour cent! Ah!… 5 % … Ca fait quarante
millions de dollars. Qu'est-ce que vous allez faire ? Eh bien, vous
allez au plus sûr, vous acceptez!… Pourquoi sacrifiez-vous
quarante millions de dollars (or), une grosse fortune ? … Pour
sauver le reste: vous allez au plus sûr!…
Si vous ne faites pas cela, qu'est-ce qui va vous arriver ? Dans sept
ou huit ans, vous aurez cent procès avec quelques DUPONT de
France ou CARRON de Suisse, vous aurez mangé votre fortune,
elle aura fondu: il y a des gens experts à cela, à faire fondre les
fortunes, ce n'est pas perdu pour tout le monde, mais pour vous,
oui! Vous aurez perdu aussi les quelques sous que vous aviez
avant et vous serez dans une maison de santé… voyez! Alors, vous
allez au plus sûr et vous sacrifiez une partie de la fortune pour
sauver le reste…
Eh bien! Notre-Seigneur nous dit: Faites-le pour les yeux, sacrifiez
la main, sacrifiez un pied! ce que vous faites pour le chirurgien
faites-le pour l'éternité!
C'est une question de FOI: allez au plus sûr, jamais de péché
délibéré! nous rendre indifférents. Voilà une belle méditation mes
chers Messieurs.
Alors, il s'agit du problème des choses, minéraux, végétaux,
animaux; ces choses-là, l'argent, les situations, les diplômes, les
loisirs, tout… tout… tout est là pour nous aider. Donc "autant que".
Est-ce que je fais "autant que", moi ? Ah! voilà le problème! Est-ce
que je fais "autant que" pour la boisson… pour le vin ? Ah! Mon
Père, le bon vin de Bourgogne, ah! ce Beaujolais… "autant que"! …
Ah! Ce Ricard 45! Ce pastis de Marseille! … "autant que" … La
pêche, nous avons une rivière, "autant que" ! … La musique, le ski,
le sport, la plage! … "autant que"! L'habillement … l'habillement,
mes chers Messieurs: "autant que" "pas plus que", "pas moins que"
… nous rendre indifférents, aller au plus sûr! Il s'agit de l'éternité, il
ne s'agit pas de huit cent millions de dollars or! C'est fabuleux, cela
fait, je crois quatre milliards de nouveaux francs et j'ai pris ce chiffre
astronomique exprès pour vous faire comprendre combien l'enjeu
est bien plus grand que cela! Mes chers Messieurs! Il s'agit,
rappelez-vous, d'un billet d'éternité, d'un billet de joie divine!…
Dieu, qui t'a créé sans toi, ne te sauvera pas sans toi! Que chacun,
dans sa chambre, s'examine: ,,Est-ce que moi, je fais "autant que" ?
Est-ce que je fais "autant que" pour ça… pour certains plaisirs…
dans les affaires… Est-ce que je fais "autant que" pour la boisson…
pour la nourriture ? "Autant que, pas plus que" …
Est-ce que je fais "autant que" pour la prière, pour les communions,
pour les confessions, pour ma vie spirituelle ? Chez beaucoup de
catholiques, il y a des abus et il y a des manques: trop de boissons,
trop de bavardages, trop de manger, trop d'amusements, trop de…
Pas assez de prière, pas assez de communions, pas assez de
confessions, pas assez de vie surnaturelle, pas assez de lecture
spirituelle, pas assez… pas assez…
Voyez, Messieurs, dans votre chambre, sous le regard de Dieu,
allez réfléchir à cela: c'est très important, vous le comprenez bien!
Et puis, comme tout à l'heure: mémoire, intelligence, volonté…
Et lorsque sonneront les coups doubles, vous réciterez un "Pater"
bien fervent, et sur votre carnet, en faisant l'examen de la
méditation, vous prendrez quelques notes, vous aurez temps libre
après le roulement jusqu'à l'heure à laquelle aura lieu dans la
chapelle la récitation du chapelet.
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PÉCHÉ- Premier exercice


Vous voyez, Messieurs, la marche des exercices: Nous avons
commencé, et c'est normal, par voir de quoi il s'agit. Il paraît que
c'était la remarque de Foch lorsque des officiers d'État-major plus
ou moins nombreux, lui amenaient un tas de renseignements,
parlaient, commentaient, etc… Et aussitôt il demandait: ,,De quoi
s'agit-il ?”.
A nous aussi saint Ignace dit d'emblée: Voilà de quoi il s'agit:
L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, et en faisant
cela, sauver son âme. Dieu est amour, nous l'avons vu; amour infini
et le propre de l'amour est de se donner et de se répandre, voilà la
grande raison pour laquelle nous sommes ici-bas.
Dieu, qui a imposé une perfection relative aux êtres non libres, ne
nous impose pas cette perfection, Il nous l'offre et nous arrivons au
but à condition de collaborer avec Lui: L'homme est créé pour louer,
honorer et servir Dieu, mais saint Ignace, je vous le faisais
remarquer, a pris la question sur le plan négatif, qui est plus
effrayant, n'est-ce pas ? … ,,et en faisant cela, sauver son
âme”… ,,les choses qui nous entourent sont faites pour nous
aider”…
En effet, tout est bien, tout est bon, (je le prends au sens universel:
"bonum" en latin), mais tout n'est pas bon pour moi. J'ai justement
une intelligence pour discerner ce qui est un bien, ce qui est bon
pour moi; c'est l'exemple des trains: tous les trains sont bons, mais
tous les trains ne sont pas bons pour moi, pour m'emmener à mon
but…
Vous avez donc bien compris cela, qu'il faut une mesure dans le
choix des choses qui nous entourent: elles sont tellement
différentes, multiples, disparates… A l'avance, tant qu'on ne sait
pas, devant le choix, il faut être indifférent. Puis, le choix étant fait
en toute indifférence, des enquêtes nous montrent ensuite: ça,
oui… ça, non… et en allant toujours au plus sûr!
Pour l'exemple que je vous citais dans la précédente méditation,
j'avais pris exprès l'image d'une formidable fortune: huit cent
millions de dollars (or); mais il s'agit de bien plus que cela: il s'agit
de notre éternité! Nous sommes immortels et la négation de millions
d'hommes levant le poing et vivant comme des sans-Dieu, ne
change pas la réalité! Dieu existe. Ils suppriment Dieu dans leur
tête, mais pas plus! Dieu continue d'exister, on ne peut pas le
supprimer, Dieu est l'Être Nécessaire… et nous, nous sommes
immortels; un jour il nous faudra quitter le manège!…
Alors, maintenant se pose un problème pratique: (ce sont des
problèmes pratiques que nous vous posons les uns après les
autres): L'homme est créé pour louer, honorer, … si je ne veux
pas ? Si je veux faire mes caprices ? Ah! mes chers Messieurs,
nous comprenons déjà la gravité de faire ses caprices sur une route
goudronnée… c'est grave! Mais c'est plus grave à priori ici, avant
toute discussion et information, puisque l'enjeu est l'éternité…
voyez! et nous en tirons une première conséquence: ,,L'Homme est
créé… et en faisant cela…” – ,,Les choses sont là pour nous
aider…” et si je ne veux pas le faire ? Eh bien, vous mettez en jeu
ce qui est annoncé au premier paragraphe que vous avez
médité: ,,en faisant cela sauver son âme”.
Il semble qu'il ne devrait pas y avoir de problème là!… De même
qu'on obéit à l'ingénieur en chef qui est à l'usine: celui qui ne veut
pas, c'est vite fait, il est prié de passer à la caisse et de s'en aller;
ou bien dans un barrage où le plan est toujours fait à l'avance, si un
ouvrier ou un ingénieur veut faire à sa tête on l'envoie promener.
Oui! il semble qu'il n'y a pas de problème…
Lorsque l'Ingénieur en Chef a créé le monde en se jouant: ,,ludens
in orbe terrarum” ce petit microbe d'homme qui a reçu la vie de Lui
grâce à son amour, il semblerait qu'il n'ait qu'une chose à faire, celle
d'obéir… suivre le Code, les modalités du plan… Mais nous
sommes libres, libres pour mériter… libres pour que nous puissions
collaborer avec Dieu et gagner le Ciel, pourrait-on dire, à la pointe
de l'épée, aidés par Sa Grâce. Mais cette liberté nous laisse
également libres d'en abuser. De ce fait, nous pouvons manquer au
plan de Dieu. Nous pouvons faire ce que les théologiens appellent:
"PECCATUM", nous pouvons faire le péché.
Faire un péché n'est pas une perfection de cette liberté; cela montre
simplement la présence de cette liberté en nous, cela en est une
preuve, non une perfection. De même être malade n'est pas une
perfection de la vie; être malade montre qu'on est encore en vie, (un
mort n'est plus malade), mais la maladie n'est pas une perfection de
la vie… imaginez un bossu qui crierait à tous les échos: ,,Moi, j'ai
une bosse, j'ai une bosse… tu n'en as point, toi! … Moi, j'ai une
bosse!”.
On ne se vante pas d'une infirmité, pourquoi ? parce que ce n'est
pas une perfection. Alors faire le péché est possible parce que nous
sommes libres, mais ce n'est pas une perfection de la liberté. Le
péché, au fond nous le comprenons déjà, est un suicide moral; nous
pouvons le faire, nous sommes libres… Nous pouvons dire à
Dieu: ,,Non!”.
Un tas de gens disent non à Dieu d'une façon radicale, un tas de
marxistes, un tas de sans-Dieu, de francs-maçons, d'athées, etc…
Alors, pour eux, il n'y a pas de Dieu et donc… il n'y a pas de plan de
Dieu et il ne restera que des plans d'hommes… Et nous les
connaissons, les plans d'hommes, depuis ceux de Néron et de
Dioclétien jusqu'à celui de Napoléon, de Karl Marx, de Staline, et
des autres…
Certains catholiques ne font pas cela, ils ne suppriment pas Dieu, ni
son plan, mais ils trouvent – on ne le dit pas comme ça mais on le
pense quand même – que le Bon Dieu exagère un peu et qu'Il
,,n'est pas au courant des besoins de l'âme contemporaine”! comme
disait quelqu'un… oui… Ou alors, le Bon Dieu ne lit pas "Le Monde"
ni "La Gazette de Lausanne", certaines de ses prescriptions ne sont
plus à la page, sont anciennes, anachroniques!… Alors on se
permet d'arranger… de corriger le plan… Il faut modifier un peu, là,
on transforme, on embellit… en bref, ils font mieux que le Seigneur!

Ils disent eux, qu'ils embellissent et eux… moi j'en suis et vous
aussi d'ailleurs… Alors, est-ce grave de faire ainsi ? Dieu nous a
donné des lois, des commandements pour bien user des créatures;
mais en face d'un commandement de Dieu, moi je dis: ,,non”…
aujourd'hui c'est moi qui suis dieu; aujourd'hui je ne tiens pas
compte de ses commandements. Aujourd'hui, je sais que Dieu le
défend, mais je le fais quand même. Aujourd'hui, j'aime mieux
Georgette! Aujourd'hui j'aime mieux la bouteille, j'aime mieux le
péché, j'aime mieux cet argent qui ne m'appartient pas, j'aime mieux
m'occuper de mes affaires que de m'occuper de Dieu; aujourd'hui,
je ne veux pas passer pour un imbécile devant les hommes du café,
tant pis pour les commandements de Dieu: voilà ce qu'on appelle le
péché.
Saint Thomas le définit: se détourner de Dieu pour lui préférer la
créature – avec son intelligence, avec plein consentement en
matière grave …. Eh bien! est-ce grave d'agir ainsi ? Que dit-on
autour de nous ? On dit que ce n'est pas grave; que tous les jeunes
gens le font… que tous les hommes le font… Si vous lisez les
journaux, on vous représente ces choses-là comme normales; on
n'ose l'écrire, mais ils laissent entendre qu'il n'y a que les imbéciles
qui se gênent!
La créature qui ose dire à son créateur: ,,Moi, je n'obéirai pas!” c'est
devenu quelque chose de normal. Le livre de Job disait déjà: ,,ils
boivent l'iniquité comme l'eau”!.
Et vous Messieurs, que pensez-vous du péché ?…
Nous subodorons déjà que cela doit être très grave… il y a un
problème à notre époque, pourquoi ? Justement parce qu'un grand
nombre de gens qui trônent dans nos facultés, surtout de lettres,
dans les écoles célèbres, écrivains, académiciens, diplômés, disent:
,,il n'y a pas de péché!”. Selon eux un acte peut faire tort à l'homme
dans son comportement, un homme entraîné par ses passions peut
nuire à sa famille, à la société… mais une dette envers un Être infini
qui demandera des comptes ? Non, cela n'existe pas! La notion de
péché n'est plus soutenable à notre époque… d'autant moins que
certaines catégories de péchés sont, au contraire, des choses très
bien, qui enrichissent l'homme et permettent des expériences très
riches! … Il y a GIDE (André) qui a dit cela: et d'autres… SARTRE a
écrit au moins deux fois, donc cela n'a pas échappé à sa plume:
,,Le meurtre est l'un de ces actes où l'homme montre le mieux sa
personnalité”… voilà, un universitaire… payé par le gouvernement
français pour faire des conférences en Amérique, au Brésil et
ailleurs!…
Oui, c'est un problème, précisément pour cela!…
Alors, d'un côté, d'une part, ces gens-là et leurs disciples plus ou
moins nombreux vous disent: ,,Le péché ? mais non, il n'y a pas de
péché; il y a des actes qui peuvent être nocifs à l'homme ou à la
société, mais une dette envers un Être éternel au sens compris par
l'Église catholique ? tout ça, ça n'existe pas!…
Mais d'autre part, la théologie catholique, les Saints, la Vierge
Marie, et tous les Souverains Pontifes vous disent: ,,Voilà comment
il faut faire; le péché est une chose très grave, très grave… on perd
en le faisant, le sens de la route, on marche à l'envers…
Alors qui ? … que ? … quoi ? … que faut-il en penser ?
C'est grave ou ce n'est pas grave ? Qui faut-il écouter, ceux-ci ou
ceux-là ? … Vous voyez le problème!
Car il y a un problème d'autant plus que chez beaucoup de
catholiques on minimise de plus en plus… de plus en plus… dans
certaines revues, dans certains propos on ergote, on coupe les
cheveux en quatre, puis en huit, puis en douze pour arriver à
prouver, à force de fin du fin que, dans ce cas-là…
On nous dit aussi que d'une part il y a une montée formidable de
l'Humanité vers Dieu… vers Dieu ? plutôt vers un Christ cosmique…
que sais-je moi! une montée formidable… et d'autre part, on nous
dit que la plupart de nos contemporains sont incapables de faire un
péché… Pourtant, au temps de Sodome et Gomorrhe le Bon Dieu:
… Paf! … il les a arrangés, hein ? parce qu'ils savaient ce qu'ils
faisaient! Oui! Et Saint Paul nous dit des païens eux-mêmes ,,qu'ils
sont inexcusables!”.
Oui, mes chers Messieurs, il y a un problème tragique, très grave,
très important, qui engage l'éternité de chacun de nous et notre vie
ici-bas.
Lorsqu'un enfant se trouve devant un problème auquel il ne sait pas
donner de réponse, l'enfant a une norme très sûre, une règle très
facile: il regarde son père, ou sa mère, c'est la même chose pour lui.
Je me rappelle un jour à un enterrement, on y avait conduit un petit
de cinq ans (on aurait mieux fait de la laisser à la maison, mais
enfin il était là et on comprenait combien ce petit était déconcerté).
Les gens étaient endimanchés comme pour un jour de fête, et fête
pour un enfant, est synonyme de joie! Mais lorsqu'il regardait les
gens qui avaient pris le masque du jour, l'enfant ne savait que
penser: mais c'est fête ou c'est pas fête ? Il se met à regarder son
père. Son père avait également mis le masque du jour. Alors, lui
aussi prend le même masque renfrogné, triste… puis il voit que son
père se met à pleurer, il fait comme papa!
Le même phénomène se renouvelle de façon opposée au cinéma,
au théâtre. Quelquefois, il y a sur la scène quelque passage
désopilant, tout le monde rit, mais le petit, qui ne comprend pas bien
ce mouvement de foule, il en a même peur, regarde sa mère et voit
que sa mère est en train de rire, alors, il se met à rire! Voyez, en
regardant son père ou sa mère, l'enfant a une règle très sûre…
Eh bien, chers Messieurs, nous allons maintenant faire pareil, nous
allons regarder notre Père des cieux, pour voir sa réaction à Lui,
pour voir ce qu'Il en pense, du péché… Page 355… nous avons là
le premier exercice.
Voyez où nous en sommes, n'est-ce pas, devant ce problème du
péché, d'un homme qui fait ses caprices face à la loi de Dieu, qui
supprime cette loi ou la corrige, l'arrange… Qu'est-ce qu'il faut en
penser ?
Premier exercice: c'est la méditation des péchés.
,,Elle renferme, après l'oraison préparatoire, deux préambules, trois
points et un colloque.
La prière préparatoire consiste à demander à Dieu notre Seigneur la
grâce nécessaire pour que tous mes choix, toutes mes intentions,
mes options intérieures et extérieures, que tout cela soit sûrement
dirigé au service et à la louange de Notre Seigneur”.
Voyez: ,,L'homme est créé pour…” Mon Dieu, donnez-moi la grâce
dont j'ai besoin afin que, malgré ma faiblesse, désormais dans mes
activités j'agisse toujours par rapport au but, par rapport à ma fin.
C'est une très belle prière, vous voyez, orientée vers Dieu, vers ma
fin dernière. En bref, nous demandons de réaliser en nous le
"Principe et Fondement" que vous avez déjà médité.
Premier préambule: Saint Ignace pour nous aider à bien faire nos
méditations et capter notre imagination qui a tendance à s'évader,
attire notre attention: pendant la méditation, ne regardez pas, par
exemple par la fenêtre – vous pouvez voir des avions! Passe une
comète blanche dans le ciel: ,,Hou! qu'il va vite celui-là!”. Et vous
partez avec l'avion vous aussi. Hé non! Laissez les avions: Ils font
leur travail, mais vous, faites le vôtre. Saint Ignace donc, pour
capter votre attention, vous propose une composition de lieu, un
cadre si vous préférez, plus ou moins artificiel dans lequel nous
ferons nos réflexions.
Alors, page 356:
,,Dans la contemplation d'une chose invisible comme est ici celle
des péchés, la composition de lieu, ce cadre, sera de voir avec les
yeux de l'imagination et de considérer mon âme comme en une
prison dans ce corps mortel”.
Pourquoi sommes-nous dans un corps mortel ? au début de
l'humanité, à la création, il n'y avait pas la mort! Comment la mort
est-elle entrée dans le monde ? Saint Paul répond dans l'épître aux
Romains: ,,C'est par le péché que la mort est entrée dans le monde”
et l'homme se trouve maintenant placé dans une vallée de larmes
(lacrymarum valle).
Quelques-uns parmi vous viennent du Valais. Avez-vous remarqué
hier en chantant le Salve Regina, il y a ces mots "lacrymarum valle",
dans une vallée de larmes! Le Valais, du nom de "Vallis" donné par
les Romains, est une vallée caractéristique entre deux formidables
murailles de montagnes: L'Oberland bernois avec ses pics de plus
de 4'000 et les Alpes Pennines avec le Cervin, la Dent Blanche, le
Weisshorn, le Grand Combin… Et dans le fond de la vallée, le début
du Rhône. Il n'est pas fier, vous savez! En sautant, on peut le
franchir! Cependant, parfois, je le regarde aussi à Tarascon, il est
large, fier, majestueux, comme un gros bourgeois! pourquoi ? parce
que depuis son départ, là-haut, de la Furka, tout le long, il a reçu
des affluents et grossi… grossi, jusqu'à avoir plusieurs centaines de
mètres de large à Tarascon…
Eh bien l'Église nous fait chanter que nous sommes dans une vallée
de larmes, oui, sur les bords d'un fleuve de larmes. Où prend-il sa
source ? Dans un paradis de délices… et par un seul péché, cette
source a jailli et est devenue un immense fleuve alimenté par des
millions d'yeux qui pleurent.
En ce moment-ci, des millions d'yeux pleurent, depuis les enfants
qui arrivent jusqu'aux vieux qui vont partir et puis toute la gamme
des larmes, des angoisses morales ou physiques… in hac
lacrymarum valle, à cause du péché, conséquence du péché…
Je continue: ,,parmi des animaux privés de raison”:
Qu'est-ce qui fait paraître l'homme privé de raison ? Eh bien, c'est
de se laisser entraîner au péché. En trois traits, comme un peintre
qui produirait une fresque belle et riche de sens, Saint Ignace nous
dresse le tableau du péché, le cadre du péché: la mort, les larmes,
la déraison… Prenons donc ce cadre comme le veut Saint Ignace.
Deuxième préambule: ,,Pourquoi vais-je faire ces réflexions ?
Quelles grâces voudrais-je obtenir ? Alors, ici, je demanderai la
honte, la confusion de moi-même en voyant combien ont été
condamnés pour un seul péché mortel et combien de fois, moi, j'ai
mérité d'être condamné pour toujours à cause de mes nombreux
péchés”.
Voilà ce que nous recherchons: honte et confusion. Pour cela, Saint
Ignace va nous faire considérer trois péchés types:
- premier point: le péché des anges
- deuxième point: le péché de nos premiers parents
- troisième point: le péché d'un homme quelconque
PREMIER POINT: Le péché des ANGES
,,J'appliquerai ma mémoire pour me rappeler, puis mon intelligence
pour en tirer les conséquences, ma volonté enfin pour en déduire
les conclusions. Me rappeler comment les anges ont été créés par
Dieu dans la grâce et, ne voulant pas faire ce qui dépendait de leur
liberté pour rendre révérence et obéissance à leur Créateur et
Seigneur, ils sont tombés dans l'orgueil. Ils furent alors changés de
grâce en malice et précipités du ciel en enfer. Je raisonnerai avec
mon intelligence pour essayer de mieux assimiler cette vérité qu'il
m'importe tellement de comprendre parce que c'est mon sort qui se
joue là aussi; et ensuite, j'exciterai en moi des affections de mon
cœur avec la volonté”.
Alors, maintenant, mes chers Messieurs, quelques traits pour vous
aider à faire cette partie de votre méditation.
Vous savez que Dieu, avant de créer l'homme, avait créé les anges
qui, eux, n'ont pas de corps: purs esprits doués d'une intelligence,
d'une puissance formidables.
Ce qu'il y a en nous, ce qui nous fait homme, ce n'est pas tant la
force du corps, parce qu'au point de vue force, le moindre bœuf est
plus fort que nous, a fortiori l'éléphant ou la baleine… Mais nous,
nous avons autre chose: nous avons l'intelligence, nous avons
l'esprit. Plus un homme est intelligent, plus il arrive à capter les
forces de la nature et à les mettre à son service. Les anciens
avaient bien compris cela: ,,c'est l'esprit qui entraîne la matière”.
Dieu a donc créé de purs esprits, n'ayant pas comme nous ce
mélange avec la matière: des intelligences d'une puissance
incomparable que nous ne pouvons concevoir parce que nous
sommes très limités à ce point de vue. Il est facile de voir que nous
sommes limités: nous ne pouvons assimiler les diverses
connaissances, science et technique, par exemple, que par petits
morceaux, au fur et à mesure, exactement comme dans l'exemple
du pain. Si vous avez très grand faim et avez devant vous un pain
de quatre livres bien doré, bien croustillant, vous ne pouvez pas le
manger d'un coup, n'est-il pas vrai ? Il faut d'abord le couper en
tranches, puis ces tranches en bouchées et celles-ci, les mastiquer
une à une. Au point de vue intellectuel, c'est la même chose: devant
la vérité qui nous est extérieure et que nous voulons connaître,
nous sommes contraints à la décomposer par arguments. Deux et
deux font quatre, cela se voit d'un coup, mais dès que la vérité
devient un peu complexe, devant des problèmes de
mathématiques, de biologie, de physique nucléaire extrêmement
ardus, nous sommes obligés d'aller pas à pas. Pourquoi ? Parce
que nous sommes limités. Mais les anges, eux, ne sont pas limités
et de même qu'on pourrait imaginer quelqu'un capable d'assimiler
un pain de dix kilos d'un coup, on peut dire que les anges n'ont en
fait aucun des problèmes intellectuels qui assaillent les hommes:
pas besoin d'école, les Anges n'ont pas de problème naturel. Tous
les problèmes devant lesquels les hommes se penchent depuis des
millénaires: sciences, origines, formation des étoiles, rayonnement
de la lumière, – par exemple, nous savons que c'est la lumière qui
nous éclaire, mais on ne sait pas comment elle rayonne, c'est un
mystère… – Problèmes des origines de la vie, des galaxies, de
physique ondulatoire, atomique, etc… Tout cela n'est rien pour la
puissance intellectuelle des anges.
De même pour l'action sur la matière: nous, les hommes, notre
puissance se limite à nos membres; avec ces membres, nous
pouvons faire des outils, et, avec ces outils, des choses grandioses
comme des croiseurs de bataille et des avions… Mais, au départ,
nous n'avons pouvoir que sur nos membres tandis que les Anges
ont pouvoir direct sur la matière par la puissance de leur intelligence
de sorte que, s'il y avait une raison de le faire, un ange de la
dernière hiérarchie pourrait prendre Paris et le transporter au
Sahara!
On pense qu'il y en a des milliards: Saint Thomas d'Aquin dit que
l'une des marques de la puissance de Dieu est que, plus les êtres
sont parfaits, plus ils sont nombreux. Lorsqu'on parle des végétaux
et des animaux qui n'ont pas d'âme, seule l'espèce compte, tandis
que les hommes, dont chacun est un monde de par l'esprit, se
dénombrent tous. Que dire par rapport à nous de ce monde
grandiose des Anges rangés hiérarchiquement et très aimés de
Dieu ?
Dieu a dû leur proposer une épreuve en rapport avec leur liberté et
avec leur puissance.
Des théologiens pensent… (mais ce n'est pas de foi) que Dieu a
proposé aux Anges l'Incarnation de son Fils se faisant Homme-Dieu
dans le temps pour sauver les hommes et leur a demandé d'adorer
ce Fils devenu homme! (Les Anges étaient très éclairés sur le plan
naturel, mais ne voyaient pas Dieu face à face; ils n'en avaient
qu'une connaissance naturelle étant, comme nous sommes
maintenant, en temps d'épreuve). Nous savons aussi, par la Sainte
Écriture, qu'un certain nombre d'entre-eux, entraînés par Lucifer,
ont refusé d'obéir.
Certains théologiens estiment que pour refuser ils mirent en avant
que pour l'honneur même de Dieu on ne pouvait adorer un dieu-
homme. Mais en fait, ce motif apparemment noble, n'était que la
manifestation de leur orgueil. Si Dieu demande d'obéir, il n'y a qu'à
le faire, n'est-il pas vrai ? car si quelqu'un est au courant de
l'honneur de Dieu, c'est bien Dieu Lui-même!…
Aussitôt dit la Bible, Dieu créa l'enfer qui n'existait pas. On pense
(tout n'est pas de foi dans le trésor de l'Église) que le tiers des
anges y aurait été précipité pour ce seul péché d'orgueil. Péché
mortel évidemment, les anges ne pouvant faire de péché véniel:
c'est la faiblesse de notre nature, à nous, qui permet de minimiser
la gravité de certains de nos péchés, mais la puissance de la nature
des Anges fait qu'ils s'engagent à fond et en voient les
conséquences dans une lumière que nous ne pouvons comprendre!
Voilà comment Dieu réagit pour le premier péché! Imaginons cette
formidable armée de puissances merveilleuses foudroyées par Dieu
pour un seul péché de pensée, de pensée d'orgueil!…
Cependant pourriez-vous dire: Oh, mon Père, tout ça, allez-y voir…
Les Anges, leur problème n'est pas le nôtre! Les Anges des esprits
si puissants, si riches, si éclairés, après tout qu'est-ce que ça peut
nous faire ? Cela ne nous concerne pas…
Oui Messieurs, cela vous concerne: il y a là un péché, une
désobéissance à Dieu. Voyez la réaction qu'elle a provoquée!…
Mais abandonnons les ANGES:
DEUXIÈME POINT:
Faire la même chose, nous dit Saint Ignace, ,,appliquer les trois
facultés de l'âme: mémoire, intelligence, volonté, au péché de nos
premiers parents. Rappeler à la mémoire comment, pour ce péché,
ils firent tant de pénitences, quelle corruption en découla pour le
genre humain, tant de personnes depuis se dirigent vers l'enfer!
Alors, nous rappelant comment Adam, alors au paradis terrestre,
reçut de Dieu une compagne avec la permission de se servir de
toutes les richesses du paradis. Mais Dieu leur avait dit ,,Cet arbre,
là, vous n'y toucherez pas”.
Remarquez qu'Adam et Eve avaient sûrement un code, comme
nous, mais ces commandements leur étaient adaptés et la Bible ne
fait ressortir que celui auquel ils manqueront après… Il y avait ce
commandement-là: ,,Cet arbre-là, je me le réserve, vous n'y
toucherez pas”.
Vous savez qu'un jour, Eve, plus accessible, plus faible, a été prise
à partie par un ange déchu. Remarquez aussi que l'ange déchu ne
peut pas nous obliger à pécher: s'il nous forçait, nous ne serions
plus libres et de ce fait il n'y aurait pas de péché; trop malin pour
forcer la créature, il insinue, il suggère dans sa pensée.
Pour son malheur, Eve a discuté avec lui et a désobéi! ,,Mange du
fruit et tu sauras le bien et le mal, tu sauras tout, tu seras comme
Dieu, tu n'auras plus besoin de Dieu!…”.
Celui qui sait n'a pas besoin de l'autre! Un de vos enfants trafique
avec s bicyclette; vous vous penchez pour l'aider, mais le petit vous
dit: ,,Non, Papa, je sais!”. Cela veut dire: Je n'ai pas besoin de toi, je
sais!…
,,Tu sauras tout, le bien et le mal, tu n'auras plus besoin de Dieu, tu
seras Dieu!”. Alors elle a mangé du fruit défendu et puis elle en a
présenté à son mari. Son mari, lui, n'a pas été trompé, nous précise
saint Paul, il n'a pas été trompé par la chose, mais c'est pour faire
plaisir à sa femme qu'il l'a fait. C'est banal, cela!
Eh bien, pour ce péché banal, Dieu les chasse du paradis! Ils n'y
rentreront plus, c'est fini! Ils ne rentreront plus au paradis terrestre.
Vous mourrez de mort! et avant la mort, la souffrance… et Adam a
commencé à souffrir, la terre était dure: ,,tu gagneras ton pain à la
sueur de ton front” et ,,toi, la femme, tu enfanteras dans la
douleur…”.
Dieu voyait les conséquences de l'acte qu'Il faisait en chassant
l'humanité du paradis, il voyait chaque génération gravissant son
calvaire… finissant à la mort, après tant de souffrances, tant
d'angoisses, tant de larmes! Dieu a vu les conséquences de l'acte
qu'Il faisait en chassant l'humanité du paradis et Il a dit: ,,Dignum et
justum est!”: cela est digne et juste.
Les hommes sur la terre disent que Dieu a exagéré. Dieu ne peut
pas exagérer, mes chers Messieurs, s'Il a fait cela, c'est qu'Il devait
le faire. Oui, c'est ce qui nous apparaît banal qui a déterminé cette
désharmonie de l'humanité.
Adam, donc était pris entre deux amours: l'amour de son Dieu qui
se rappelait à lui par ses exigences et ses commandements et
l'amour de sa femme. Il y a eu un semblant de litige, un faux litige
parce que, s'il avait obéi à Dieu, il n'aurait pas manqué à sa femme!
un faux litige, oui, alors il a dû hésiter devant le risque, il a dû
hésiter un moment entre ces deux amours, puis il a dit à Dieu: ,,Mon
Dieu, on reste bons amis, mais, aujourd'hui, ce n'est pas à vous que
je veux faire plaisir, aujourd'hui, je vais faire plaisir à ma petite
femme!…”.
Ah! Catastrophe!… Parce qu'Adam devait aimer comme ceci- Dieu
d'abord, Dieu premier servi, et puis la femme… C'est là qu'il aurait
fait du bien à sa femme, en gardant l'ordre! Mais lui, il a renversé
l'ordre: d'abord ma femme, d'abord elle, et Dieu après… s'il en
reste; Dieu ? Après! Catastrophe!… Il a détruit la grande loi de
l'amour, il a détruit l'équilibre de l'amour, c'est fini… Il faudra
désormais les souffrances d'un Dieu pour le rétablir, car c'est fini, il
a tout brisé, il a détruit la grande loi de l'amour!
Voyez, il a fait passer sa femme avant Dieu… Cela paraît banal!
Pourquoi ? Parce que, au cours des siècles, des millions d'hommes,
des milliards d'hommes vont recommencer cela pour faire plaisir à
leur femme… ou à une autre… Pour faire plaisir à eux-mêmes sous
le couvert de faire plaisir à leur femme, car c'est son égoïsme
personnel que l'homme recherche le plus souvent, très souvent…
Voilà!
Cependant, Messieurs, vous pourriez dire encore: Oh! Adam et
Eve, tout ça est bien loin: deux êtres créés dans la justice et la
sainteté, deux êtres qui étaient immaculés dans leur conception – et
c'est vrai – ils étaient sortis directement des mains de Dieu, l'un et
l'autre; ils n'avaient pas notre atavisme, ils n'avaient pas hérité d'une
humanité abîmée comme celle que nous recevons en naissant,
fatiguée d'un voyage millénaire où s'accumulent tous les actes, tous
les désordres commis par nos ancêtres et qui se retrouvent dans
notre chair à nous. Alors le problème d'Adam et Eve, quand même
est différent du nôtre!…
Alors Saint Ignace nous met face au troisième point: le seul péché
mortel d'un homme qui mourrait sans être pardonné:
TROISIÈME POINT:
,,De la même manière, utiliser les trois facultés de l'âme sur le cas
particulier d'un homme qui a commis un seul péché mortel et qui est
mort sans qu'il soit pardonné”.
Mes chers Messieurs, nous sommes tous des pécheurs, nous
sommes tous des descendants d'Adam: nous le savons par
expérience et nous savons aussi que nous sommes mortels. Saint
Alphonse de Liguori dit: ,,Il y a un péché pour toi qui sera le
dernier!”. Est-ce que tu auras le temps de demander le pardon ?
Nous sommes pécheurs, mais nous sommes mortels et tous les
jours meurent des gens qui n'ont pas été avertis.
On n'est pas averti! D'après certaines statistiques, un individu sur
cinq meurt subitement. J'ai toujours été étonné de cette forte
proportion et dans les vallées, en Valais notamment, cette
proportion est encore plus forte, à Aoste et en Suisse.
Nous sommes mortels et obligés de descendre du manège sans en
être avertis; et alors, si nous venons de pécher juste avant et que
nous n'ayons pas le temps de nous en repentir ?
Un de nos pères a bien connu à Barcelonne un jeune qui désirait
entrer dans les ordres, vingt ans, très bon, pieux même, de bonne
famille. Ses frères et amis, assez mondains, voulurent le sortir et lui
faire faire une virée avant qu'il entre au noviciat: opérette plus ou
moins propre et quelques danses ensuite dans un cabaret: Il était
un peu inquiet et ne voulait pas y aller.
Mais, viens donc, sois tranquille! tu rentres au noviciat après, tu t'en
confesseras!
Enfin, à force d'insister, ils l'emmenèrent à ces danses, opérette,
promenade. Et il rentra chez lui, à quatre heures du matin, fatigué…
,,Mais qu'as-tu donc ? Tu feras peau neuve là-bas!” Il s'est couché
et il ne s'est jamais réveillé; il avait quelque chose au cœur, on le
savait plus ou moins, cela ne paraissait pas grave, mais il ne s'est
pas réveillé… Où était-il allé ? Je n'en sais rien, mais c'est tout de
même navrant. Et Notre-Seigneur ne nous a pas pris en traître, Lui,
Il nous a dit: ,,J'arriverai comme un voleur”, c'est-à-dire, au moment
où vous y penserez le moins: les voleurs, en général, n'avertissent
pas…
Que nous comprenions, mes chers Messieurs, qu'il nous faut aller
au plus sûr: jamais de péché – être toujours prêt – comprendre que
le péché ça ne se fait pas! que cela ne doit même pas être mis en
discussion! Laisser de côté tout ce qui est de nature à entraîner au
péché: les fausses théories, le respect humain, les slogans, les
illustrés corrompus. Avoir présent à l'esprit ce que mérite le péché,
en voyant comment Dieu a puni le péché des Anges, a puni le
péché de nos premiers parents, a puni le péché d'un homme
quelconque…
Or les sentences que Dieu a portées ne peuvent être que parfaites
et la sentence est équivalente à la gravité de la faute! Nous ne
pouvons pas douter de la bonté de Dieu et de sa justice, puisque
c'est Lui qui a payé! Il a payé en nous donnant son Fils! C'est dire
si le péché est grave, si l'offense faite à Dieu est infinie!…
Tous les malheurs de la terre, toutes les souffrances, toutes les
larmes réunies depuis le paradis terrestre jusqu'à la fin du monde
ne pouvaient pas payer un seul péché, s'il n'y avait eu la mort du
Fils de Dieu qui, elle, ayant un prix infini, a pu apaiser la justice
divine! Si nous voulions mettre cela en formule algébrique,
l'inconnue X (gravité du péché) on pourrait dire: X = les souffrances
du monde… non, ce ne serait pas exact. Il faudrait dire:
X plus grand que toutes les souffrances du monde réunies, sans la
mort du Fils de Dieu!…
Voilà notre méditation, mes chers Messieurs, très virile, très belle et
qui doit nous mettre devant la réalité. C'est la vérité qui délivre et on
doit regarder en face la réalité, les perspectives, les risques aussi…
Sur la route, on doit circuler sans prendre de risques, mais sur la
route de l'éternité non plus il ne faut pas en prendre, et à plus forte
raison car il s'agit là d'un risque effroyable: l'enjeu, c'est votre
éternité!…
Alors, en deux mots, je résume tout cela et vous rappelle le cadre
de votre méditation: Notre âme est dans un corps mortel, dans une
vallée de larmes, au milieu d'animaux privés de raison, des hommes
qui se laissent entraîner par leurs passions. Quelle grâce voudrais-
je obtenir ? Pourquoi, dans ma chambre, vais-je faire cette
méditation ? – mémoire, intelligence, volonté – sur le péché des
anges, sur le péché de nos premiers parents, sur le péché d'un
homme quelconque. Oui… Pourquoi ? … Pour obtenir la grâce
d'avoir honte et confusion de moi-même en pensant combien de fois
j'ai pu commettre le même péché d'orgueil et manquer au plan de
Dieu.
Combien de fois j'ai fait passer les créatures avant mon Dieu,
comme Adam! Combien de fois j'ai accepté l'effroyable risque de
me coucher après avoir commis un péché grave! Combien de fois ?
Honte et confusion! Qu'est-ce qui aurait pu m'arriver!
Alors, quand sonneront les petits coups doubles, dans vingt ou
vingt-cinq minutes, n'oubliez pas non plus, je vous le conseille
fortement, d'écrire vos principales réflexions. Faites vos méditations
dans une semi-obscurité, tant qu'on le peut, car cette belle lumière
de printemps pousse à la joie évidemment. Pendant la première
semaine d'exercices, supprimez cette clarté en fermant vos volets, il
est ainsi plus facile de méditer. D'ailleurs celle-ci est simple, vous
n'avez même pas besoin du livre, je vous l'ai assez expliquée.
Alors, aux coups doubles, en faisant un peu de clarté, vous ferez le
colloque page 330. Je vous l'ai déjà dit, le colloque est une prière
plus intime avec Notre-Seigneur ou avec Dieu le Père, ou avec le
Saint-Esprit, ou avec la Très Sainte Vierge parfois. Le colloque est
au milieu de la page et vous le faites comme un ami qui parle à son
ami ou comme un serviteur à son Seigneur, à qui vous voulez
communiquer vos problèmes et solliciter ses grâces.
Le colloque sera d'imaginer Notre-Seigneur en Croix, là, devant
moi, et je Lui demanderai pourquoi Il a accepté de quitter sa vie
éternelle pour venir dans une vie temporelle souffrir et mourir pour
moi, pour mes péchés ? Et puis je me regarderai moi-même, je me
demanderai: ,,Qu'ai-je fait pour Jésus-Christ, pour vous, Seigneur,
pour répondre à votre appel, à votre amour ?…
Je lui demanderai aussi ce que je fais pour Lui et enfin ce que je
devrai faire dorénavant pour le Christ , Lui qui m'a sauvé et qui
m'offre sa grâce!… Et en le voyant en cet état, crucifié sur la Croix,
je raisonnerai ce qui s'offrira à mon esprit.
Pour parler à Notre-Seigneur, je pense que vous avez tous un
crucifix dans votre chambre; vous ferez cela à genoux, pour ceux
qui le peuvent bien entendu. Et vous terminerez par un "Notre Père"
bien fervent et aussitôt après, votre carnet habituel, et avec la page
337, vous ferez un peu d'examen et prendrez quelques notes.
Allez dans vos chambres, Courage!
Mémoire – Intelligence – Volonté!
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Rappel des points (le matin, avant la Messe)
Il consiste en un résumé de l'exposé précédent. Après la méditation
proprement dite, le père conclut:
COLLOQUE
Tombons à genoux pour faire notre colloque au pied du Crucifix
ensanglanté!… Si nous avons commis ces fautes, et peut-être
combien de fois, tout espoir est-il perdu ? Sachons qu'il n'y a pas de
plus grand malheur que de ne pas vouloir revenir à Dieu.
Mais nous voulons nous convertir:
Regardons Celui qui est Dieu, le Créateur, cloué sur la Croix. Il a
pris une nature humaine, un corps et une âme pour pouvoir souffrir
et c'est Lui qui a payé, donnant à sa Passion un prix infini, car Il est
vraiment Dieu et Il a payé pour nous.
Il nous tend les bras, regardez-le: Il nous dit à tous: ,,Reviens à moi,
aie confiance. Tu as peut-être mérité d'être éternellement
condamné, malheureux! Reviens! J'ai payé pour toi! Mais reviens
loyalement; reviens décidé à ne plus jamais remettre en question
cela, décidé à ne plus te détourner de Dieu. Reviens à moi et tu
vivras, aie courage, crois-moi, Je t'aiderai, Je te soutiendrai, Je veux
que tu reviennes à Moi!
Malheureux! si la mort te surprenait dans le péché mortel, cela
serait trop tard… Reviens à moi et tu vivras”.
Oh! Jésus, oui, je reviens à vous, je vous demande pardon d'avoir
fait tant de fois cette folie du péché, cette monstruosité du péché. O
ma bonne Mère, refuge des pécheurs, daignez intercéder pour moi
auprès de votre divin Fils. Daignez offrir Son sang d'un prix infini,
Ses saintes plaies très cruelles, Sa couronne d'épines, Sa
flagellation pour mes péchés. Daignez l'offrir pour moi qui suis votre
enfant, moi qui me consacre à vous: O Cœur Immaculé et
douloureux de Marie, daignez venir à mon secours, intercédez
auprès de Jésus crucifié, promettez-lui de ma part, dites-lui que je
veux à l'avenir l'aimer et ne plus jamais l'offenser; qu'avec sa grâce
je suis prêt à mourir plutôt que de mettre en discussion cette folie,
cette monstruosité, cette méchanceté qu'est le péché; à fuir toute
cette quincaillerie du monde où tout essaie de me séduire; je suis
décidé, ô ma bonne mère à ne plus pécher. Daignez m'aider pour
cela.
Père Éternel, par les mains très pures de ma Mère Immaculée, je
vous offre les saintes plaies de votre divin Fils. Vous ne pouvez pas
me les refuser, elles sont d'un prix infini! Daignez me pardonner,
daignez m'accorder la grâce de la persévérance et de mourir plutôt
que de pécher.
Ensemble:
,,Notre Père qui êtes aux Cieux… etc. AMEN
En attendant la messe, continuez ce colloque. Écoutez ce que
Jésus vous dit au fond du cœur.
-+-+-+-+-
PÉCHÉ - Deuxième exercice
Mes chers Messieurs, avec notre guide Saint Ignace, nous vous
avons rappelé la vision catholique des choses, la seule réelle, la
seule vraie. De même que deux et deux font quatre et que les
réponses qui s'en écartent: deux et deux font trois, deux et deux
font cinq, deux et deux font mille… sont fausses, de même les
réponses qui s'écartent de cette vision catholique des choses
s'écartent de la vérité!
Dans les méditations précédentes, Saint Ignace vous a mis en face
de cette réalité et il vous a demandé ce que vous faisiez ici-bas… Il
y a quelques décades, personne ne parlait de vous; votre mère,
quand elle vous portait, ne savait pas qui vous seriez! Votre mère,
comme votre père, n'ont été que des instruments. Eux-mêmes sont
passés par là et son arrivés par le même moyen, admirable
d'ailleurs: la famille!
L'homme est créé pour quoi ? – Pour gagner du "fric" comme ont dit
dans certains milieux, ou du "flouse" ou du "pognon" ? Quoi! C'est
ça la vie ?… Ah non, Messieurs, vous n'êtes pas là pour ça! Il faut
en gagner, bien sûr et vivre à la sueur de votre front, mais vous
n'êtes pas sur la terre pour ça! Vous êtes sur la terre pour accepter
les modalités que l'Ingénieur en chef a édictées lorsqu'il a bâti le
monde: vous êtes là pour louer, honorer, et servir Dieu et, en faisant
cela, sauver votre âme…
Saint Ignace vous a aussi rappelé qu'il y a un plan préétabli: un plan
est toujours préparé à l'avance. On veut faire un immeuble, il faut
d'abord faire appel à un architecte, puis il y a des études, des
travaux préliminaires. On fait un barrage, grand ou petit, c'est pareil.
Si on fait une nouvelle route ou une nouvelle ligne de chemin de fer,
il y a toujours des travaux qui précèdent afin d'établir un plan, dans
l'ensemble et dans le détail. Et puis ensuite, il faut suivre ce plan.
Dans ce qui nous occupe, c'est identique. L'Ingénieur en chef qui a
fait le monde, que l'on considère celui-ci sous n'importe quel aspect,
qu'il soit nucléaire, astronomique, ou empruntant tous les aspects
que nous découvrent les sciences humaines, lesquelles d'ailleurs ne
font que retrouver le plan original dans sa matérialité, on voit bien
que c'est un joli travail, du travail ordonné, fini! Nous sommes là
pour accepter les modalités de ce plan qui a un but.
Quel but ?
Dieu est Amour, dit Saint Jean, et Dieu, dans l'infini de son amour, a
voulu que nous puissions jouir de Lui pendant l'éternité et son plan
n'a d'autre but que de nous y faire parvenir.
Et ce plan préétabli (rappelons-nous que tout plana est préparé
d'avance et que la construction d'une simple baraque par un paysan
exige qu'il en ait d'abord le plan dans la tête, dans son intelligence,
sinon elle ne sera jamais dans la réalité) Dieu l'a donc préparé, ce
plan. C'est pourquoi l'on dit communément que c'est de toute
éternité que Dieu a pensé cela, a eu son dessein et puis, un jour
dans le temps, Il l'a réalisé avec toutes les admirables choses que
les sciences modernes retrouvent: vraiment admirables! On y voit
un ordre, un ordre relatif mais parfait. Oui, il y a un plan préétabli et
Dieu, par ce plan, a imposé une perfection relative aux êtres non
libres, aux choses qui nous entourent et qui atteignent cette
perfection lorsqu'elles sont dans l'habitat voulu parce qu'elles
obéissent à ce plan. Mais elles n'ont aucun mérite à cela
puisqu'elles ne sont pas libres.
Mais nous, nous sommes libres… Et ce plan ne nous laisse pas
libres pour que nous abusions de notre liberté, non! Il nous laisse
libres pour pouvoir acquérir des mérites et atteindre cette perfection.
Nous devons rechercher, mériter cette perfection, c'est-à-dire
devenir des êtres qui acceptent parfaitement toutes les modalités du
plan… pour être des saints comme Dieu le veut.
L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu et, en faisant
cela, sauver son âme. Et les choses qui nous entourent, nous
devons nous en servir autant qu'elles nous permettent de réaliser ce
plan d'amour, pas plus.
Mes chers Messieurs, comprenons bien cela: que le plan est
préétabli. Les commandements de Dieu nous le rappellent et depuis
deux mille ans l'Église le fait aussi (et même les lois civiles quand
elles sont un dictamen de la raison) car si pour l'essentiel rien ne
change, l'Église peut avoir à édicter des formules nouvelles
imposées par les évolutions successives du monde et des divers
peuples, par une humanité de plus en plus grande et de plus en
plus modernisée dans ses attributions et ses occupations, mais tout
cela dans le respect absolu des normes qui reviennent toutes au
plan de DIEU.
La sainteté nous est donc offerte mes chers Messieurs, mais encore
une fois, elle sollicite de nous une collaboration pleine et entière au
plan de Dieu. Et nous l'aurons si nous le méritons!… Mais si nous
ne la méritons pas, nous ne l'aurons pas!…
Et oui! c'est qu'étant libres, nous pouvons abuser de notre liberté,
évidemment! Nous pouvons refuser cette collaboration d'une
manière radicale, comme font ceux qui nient l'Ingénieur en chef et
son plan. Je m'excuse, Messieurs, pour les nouveaux venus dont je
ne connais pas les idées, mais je suis obligé de vous parler
franchement!
Que dit l'Écriture Sainte ? (et moi, je crois à l'Écriture) ,,Le nombre
de fous sur terre, on ne peut pas le compter!”.
Et quels sont les fous ?
,,Seul l'insensé a dit dans son cœur: il n'y a pas de Dieu!”.
L'insensé, c'est-à-dire celui qui a perdu le sens de la vie.
Imaginez quelqu'un qui, sur une autoroute perdrait le sens et
marcherait à l'envers! Ce serait du joli!… et il n'irait pas loin
d'ailleurs! Il y a un mois, sur l'autostrade Genève-Lausanne, une
voiture, dans une embardée, a coupé la ligne de ceux qui passaient
de l'autre côté: cinq morts… et ça a été vite fait!… Ca ne pardonne
pas si quelqu'un perd le sens de la route!
Pour les avions aussi, au-dessus de certains aérodromes, New-
York, Orly, Tempelhof ou ailleurs, il faut obéir: et l'altitude, et la
vitesse, et la piste, etc.… Il faut obéir… vous avez parfois une
douzaine d'avions au-dessus, dans le brouillard! Il faut obéir…
L'avion qui perd son contrôle parce que ses appareils ne marchent
pas bien, devient un danger effroyable, là, en l'air, au-dessus des
grands aérodromes!… De même, un homme qui devient "insensé"
est un danger, non seulement pour lui, mais pour les autres aussi…
Comme sur la route! Ce n'est pas moi qui le dit: c'est l'Écriture!
,,Insensé celui qui dit dans son cœur: Il n'y a pas de Dieu!”.
Insensé, car il a perdu la compréhension même de la vie, il ne sait
plus diriger sa vie, il ne sait plus où il va!
Oui, alors les choses, les autres choses sont là pour nous aider; ce
sont des moyens, nous devons les prendre "autant que". D'abord on
prend le bon train, on ne prend pas n'importe lequel et puis, ce bon
train, on le prend "autant que": au but, on descend! Voilà! Si nous
nous servons de notre liberté pour faire nos caprices, comme sur la
route, c'est très grave… très grave! C'est une question de logique
cela! Voyez mon argument: si, sur la terre, pour des choses
purement matérielles, un homme insensé qui veut faire ses
caprices: à l'usine, il ne veut pas obéir, au barrage, il veut faire à
son idée, dans le chemin de fer, sur une belle locomotive, ,,les feux
rouges, moi je m'en balance!” … – mais ils deviennent des dangers
ces gens-là!… Sur la route ils récriminent contre le code et traitent
de "poison" l'ingénieur qui l'a conçu, ou enfreignent les prescriptions
qu'il édicte en pressant sur le champignon sous prétexte qu'ils ont
une puissante voiture! Imaginez, mes chers Messieurs! – Alors, dis-
je, si pour les choses matérielles les conséquences sont terribles,
que sera-ce sur le plan spirituel ?…
Vous savez que les théologiens ont un mot pour exprimer cela: ils
appellent ce geste de l'homme qui veut faire ses caprices, ce geste
de l'homme qui fait passer les créatures, les autres choses, avant
Dieu, ce geste qui refuse de se soumettre au plan: ils l'appellent
"PECCATUM", le péché.
Alors se pose un problème: est-ce grave, le péché ?
Pourquoi y a-t-il un problème là, alors qu'il ne devrait pas y en
avoir ? C'est pourtant logique: si dans les contingences terrestres
c'est grave de faire ses caprices, de ne pas se soumettre aux lois
de la physique, de la chimie, aux lois de la biologie, aux lois de
l'électronique et des autres techniques, – car nous devons nous
soumettre, les hommes, à ce plan naturel – si sur ce plan-là déjà la
désobéissance amène des catastrophes, imaginez donc sur le plan
spirituel, pour l'essentiel, sur le plan de l'esprit, sur le plan de Dieu,
d'où dépend notre éternité!
Par simple logique, nous devrions déduire qu'il ne devrait pas y
avoir de problème! Mais voilà: il y a beaucoup d'insensés sur la
terre… des gens qui ont perdu le sens et qui veulent le faire perdre
aux autres; des gens qui marchent sur la tête et qui prétendent que
tout le monde doit faire pareil et marcher sur la tête! C'est pour cela
qu'il y a un problème.
Il y a un problème parce que les gens disent: ,,Il n'y a pas de
péché!” – ,,La notion de péché, au vingtième siècle est
((impensable))
((fin de la page 60))

((page 61 ss))

impensable”, écrivent Sartre… et les autres. ,,Du moment qu'il n'y a


pas de Dieu, il n'y a pas de péché!”. – A ce point de vue là, il aurait
raison, étant parti du faux principe qu'il n'y a pas de Dieu; il
continuait: ,,Et s'il n'y a pas de Dieu, il n'y a plus de morale!”. Là
aussi, il aurait raison, mais pourquoi les philosophes du dix-
neuvième siècle qui avaient supprimé Dieu nous disaient-ils: ,,Ah!
mais ça continue quand même, la morale! Il faut continuer à
convoler en justes noces… Il faut continuer à faire des enfants… Il
faut continuer à ne pas trop embêter ses voisins!…”.
Mais de qui se moque-t-on ? … Non, Monsieur, il ne faut plus
continuer, dans ce cas. S'il n'y a plus de Dieu, moi, Monsieur, je fais
ce qui me plaît. Pourquoi garder une morale à ce moment-là ?
Pourquoi y aurait-il deux règles ? Pourquoi faudrait-il que je
respecte le voisin ? Moi je m'en … fiche du voisin!
On nous dit encore, après avoir rejeté Dieu (mais pas les devoirs
envers le voisin), que le singe est notre arrière-grand-père… Alors,
si je comprends bien, lui qui est plus démuni que mon voisin, voilà
que j'aurais des devoirs aussi envers le singe ? … Histoire à dormir
debout! S'il n'y a pas de Dieu, encore une fois, tout ce qui est
possible est permis…
Les sophistes grecs l'avaient remarqué comme un philosophe
allemand: ,,S'il n'y a pas de Dieu, il n'y a pas de morale…”.
Eh oui! problème: Le péché, est-ce grave ou non ?
Dans la méditation précédente, notre guide Saint Ignace nous a fait
voir les réactions divines. Devant un problème, c'est un geste très
humain: quand un enfant se trouve devant un cas embarrassant, il
regarde ses parents pour voir leur réaction. Vous avez fait pareil.
Qu'est-ce qu'il faut penser du péché ? … Vous avez regardé ce que
fait le Père. Un père de la terre pourrait se tromper, mais Celui-là ne
peut pas se tromper et vous avez vu ses réactions ? … Des anges
qui ont dit "non"! ,,Non serviam!” dans un cas pareil on n'obéit pas,
on ne peut pas obéir! Remarquez qu'ils ont pu mettre en avant un
motif très noble: l'honneur de Dieu: ,,pour l'honneur de Dieu, nous
ne pouvons pas!”. Mais le vrai motif était l'orgueil! Vous avez vu la
réaction de Dieu devant cette autonomie déclarée par les
anges ? …
Cependant, nous pourrions échapper à ce spectacle terrible de
milliards d'anges semble-t-il, d'intelligences merveilleuses qui
tombent en enfer, alors Saint Ignace nous dit: ,,regardez maintenant
vos premiers parents”. C'est eux qui ont commencé l'aventure
humaine les premiers. Un jour Adam, qui devait avoir au cœur deux
amours: il devait aimer son Dieu, il devait aimer sa femme aussi –
s'il y a eu une femme belle sur la terre, ce dût être celle-là, sortie
immaculée des mains de Dieu, la première Eve – il devait y avoir
deux amours; mais un jour, il y eut un litige entre ces deux amours.
Adam a dû hésiter un moment, il était trop intelligent pour ne pas
voir la gravité de son acte, puis il a dit: ,,Seigneur, Seigneur, on
reste bons amis, mais aujourd'hui, c'est à ma petite femme que je
vais faire plaisir… Eve d'abord, vous ensuite… s'il en reste!”.
C'est le péché, ça, voyez: dans les deux amours, Dieu, et sa femme
au-dessus. Adam a renversé l'ordre: madame d'abord et puis Dieu
après. Il a tout défait. C'est fini, et pour réparer cette coupure, il
faudra tout le sang d'un Dieu fait homme, il faudra toutes les
souffrances du Christ, et il faut en ce moment quatre cent mille
messes par jour pour nous ramener à son plan depuis cette casse-
là, depuis cette fracture, depuis ce renversement…
Mais vous pourriez dire encore: Oh! ça s'est cassé, c'est entendu,
mais avec le temps, les réflexes s'émoussent… Alors Saint Ignace
vous a précisé: Un homme qui paraît ce jour devant le Seigneur,
avec un seul… un seul… un seul péché mortel non pardonné: la
réaction divine est la même: ,,Allez, va-t-en… tu n'as pas voulu
m'écouter, va-t-en!…
Voilà, nous continuons notre étude sur un sujet pénible, mais elle
est salutaire… Voyez à la page 358 de votre livre, deuxième
exercice. C'est la méditation des péchés. Elle renferme, après
l'oraison préparatoire deux préambules, cinq points et un colloque.
Je vais vous expliquer cela rapidement, les anciens le savent, les
autres non. Alors rappelez-vous ces points et vous irez dans vos
chambres continuer le bon travail de réflexion en vous servant de la
mémoire pour essayer de vous rappeler, de votre intelligence pour
appliquer ces données à vos problèmes à vous et enfin de votre
volonté pour en tirer des conclusions pratiques pour votre vie.
Ces conséquences pratiques, vous ne pouvez les réaliser ici
d'ailleurs, mais vous les réaliserez lorsque vous serez revenus dans
vos milieux dans quelques jours, sous la forme de résolutions,
résolutions qui devront se prendre et se préciser au cours des cinq
jours.
Si vous étiez capables de prendre des résolutions pratiques dès le
début, vous n'auriez plus besoin de nous, n'est-ce pas ? Donc vos
résolutions ne doivent avoir pour le moment qu'un caractère
général.
Dès que vous êtes distraits dans votre méditation, recommencez:
mémoire, intelligence, volonté! un peu comme la ménagère du
siècle dernier qui travaillait encore au rouet avec des morceaux de
laine: mettait au rouet, hop, ça casse… on recommence. Hop, ça
casse… on recommence… Vous faites de même, dès que le fil de
la méditation est cassé, recommencez… Mais avec calme quand
même, en y mettant tout votre cœur et toute votre bonne volonté!
Vous verrez, le Bon Dieu ne sera pas sourd s'il en est bien ainsi!
Premier Préambule:
La même composition de lieu que dans l'exercice précédent. Nous
reprenons donc ce cadre tragique qui nous rappelle le péché, la
mort, les douleurs de la terre et l'imbécillité des hommes lorsqu'ils
se laissent entraîner par leurs passions. Il y en a sept, vous le
savez, qui nous poussent à manquer au plan de Dieu, toutes…
toutes… les sept passions capitales!
Deuxième Préambule:
Que voudrais-je obtenir en faisant ces réflexions ? Eh bien, ici, je
demanderai une forte et intense contrition pour toutes les fois où j'ai
manqué à ce plan, où j'ai manqué au code de la route de l'éternité,
où j'ai fait des folies, et je demanderai des larmes pour cela.
Demandez-le, moi je ne peux pas vous donner les larmes! Alors, en
allant dans votre chambre, demandez déjà cette grâce d'avoir une
ferme et intense contrition et des larmes!
L'âme reçoit la grâce de la componction quand elle a compris la
gravité du péché… Si vous voulez être admis par Dieu à une union
d'amour intime, il faut commencer par pleurer, sinon de vos yeux,
du moins de votre cœur, vos péchés. Ceux qui veulent parler
d'amour sans parler du péché, Saint Augustin dit d'eux ,,qu'ils ne
savent pas de quoi ils parlent”.
Le péché est juste le contraire de l'amour et si nous voulons que
Dieu nous octroie des grâces de prédilection et d'amour qu'on
appelle componction, il faut que nous fassions effort pour
comprendre la gravité de nos péchés, pour pleurer nos péchés.
Puis je vous expliquerai les cinq points de votre méditation.
Messieurs, vous n'êtes pas obligés de voir les cinq points dans
l'exercice. Saint François de Sales, qui était un fils spirituel de Saint
Ignace et se réclamait par ailleurs de cette filiation, nous donne une
belle image pour nous faire comprendre cela. Il nous dit: ,,Regardez
un petit veau qui tette sa mère: le petit veau a quatre tétines à sa
disposition; alors il e prend une, tire, tette… sans succès. Ah! le lait
ne vient pas! Il passe à l'autre, toujours rien; passe de l'autre côté,
s'impatiente, donne un coup de tête à la mamelle et tire encore.
Mais dès que le lait arrive, il cesse d'être impatient… il boit… il boit
la vie. Il ne va pas chercher ailleurs pour voir si c'est meilleur, non, il
boit…
Eh bien, de même dans ce qui nous occupe, vous avez à votre
disposition cinq tétines… pardon cinq points, si vous trouvez à
pleurer vos péchés, la compréhension et la grâce au premier point,
abandonnez les autres: règle générale, voyez! Si le premier ne vous
fait pas obtenir ce regret, passez au second point, puis au troisième,
etc… Saint Ignace le dit dans sa règle: ,,Si vous trouvez la grâce de
pleurer vos péchés à un point, abandonnez les points suivants”.
Premier point:
,,Je ferai le procès de mon passé. Je me rappellerai par la mémoire
les péchés de ma vie, la regardant d'année en année, d'époque en
époque. Là, trois choses me seront profitables: regarder les lieux et
les maisons où j'ai habité, les relations que j'ai eues avec d'autres
personnes, les endroits où j'ai vécu”.
Mes chers Messieurs, dans les vingt-cinq minutes de votre
méditation, vous n'aurez pas beaucoup la possibilité de voir tout
votre passé dans le détail, mais il ne s'agit pas de cela d'ailleurs.
Vous avez pu remarquer, dans le parc, un bassin qu'on appelle le
lac. L'eau y est très limpide, c'est une eau de source qui vient de
très loin grâce à des souterrains recouverts. Lorsqu'il faut beau
temps, l'eau très transparente laisse voir quelques truites. Mais il y a
des arbres avec des dépôts de feuilles mortes et pourries en
certains endroits et lorsqu'on s'amuse à remuer un peu le fond avec
un bâton, l'eau est polluée, troublée de milliers de petits points
noirs…
Eh bien! c'est ce qu'il faut faire, voyez… chacun de vous va remuer
le fond de sa conscience en se rappelant les endroits où il a habité
étant tout petit d'abord, voir le grouillement du passé, les relations
avec les voisins, voisines, etc.
Plus tard, les responsabilités acceptées dans la vie, pour ceux
d'entre vous qui en ont eues déjà, voyez, se servir de votre mémoire
pour regarder ce grouillement. Ces multiples points noirs, ce sont
des péchés mortels ou d'autres qui sont un peu moins grands mais
qui sont des péchés quand même…
Jean-Jacques Rousseau, le grand Genevois, comme on l'appelle
parfois, un utopiste… il avait une belle plume et c'est tout! avec la
tête un peu tordue, le pauvre! il a dit que les enfants naissaient
bons… Et dans ses livres, il nie le péché originel et ses suites: les
enfants naissent bons, voilà!… Le plan de Dieu tel que l'Église nous
le rappelle, lui ne l'accepte pas dès le départ. C'est pourquoi je dis
qu'il est un peu tordu, même beaucoup!… Et selon lui, ces enfants
qui naissent bons, c'est la société qui les abîme après! Mais
Rousseau qui a eu plusieurs enfants, de femmes différentes
d'ailleurs, comme ces enfants le gênaient, ce grand philanthrope les
mettait à l'assistance publique… donc il ne pouvait pas savoir
comment cela se passait! Mais n'importe quel père de famille sait si
les enfants naissent bons!…
J'ai appris beaucoup de choses, un jour, dans un jardin d'enfants.
Un salle très aérée, un peu moins grande que celle-ci.! il y avait là
une trentaine de petits hommes et de petites femmes de trois à six
ans. Heureusement il y avait une jeune assistante pour les
surveiller, car à certains moments on surprenait comme un
commencement d'émeute, de petites révolutions, et toujours pour
les mêmes motifs que ceux qui divisent les hommes: il y avait des
tas de sable et des jouets, alors c'était des bagarres pour les tas de
sable; on s'égratignait par-ci, on se tirait par-là… Et des bagarres
aussi pour la possession des automobiles et des avions. Il y avait
des bagarres pour la possession d'images et des bagarres pour la
possession de poupées et de poupons… Tout comme les
hommes… comme les hommes!…
Lorsque je parcours le vaste monde, j'ai toujours cette impression
du jardin d'enfants qui me revient… Oui, dans ce monde qui est un
grand jardin d'enfants et où se trouvent des millions et des millions
de gamins de vingt ans, de trente ans, de soixante ans même qui se
battent… et pourquoi ? pour des espèces de tas de sable aussi; et
si dans le sable il y a du pétrole, la bagarre est encore plus terrible.
Il y a des bagarres aussi pour des jouets…
Comme Saint Bernard le disait, ,,les enfants ont des jouets à leur
grandeur, mais les hommes, ils ont des jouets un peu plus gros”.....
Des jouets qui nous rendent service, je le sais bien, mais pour
lesquels on se bat… Les hommes se bagarrent aussi pour des
images, des images sales où il paraît qu'il y a des millions de
microbes, mais où il y a des chiffres aussi: 100 francs 500 francs…
On aime beaucoup ces images-là. Et puis les hommes se bagarrent
aussi pour des poupées et pour des poupons… Je n'insiste pas!…
Le grand jardin d'enfants!
Alors, rappelez-vous, tout petit, là, à l'ouverture de la raison, j'avais
affaire à mes petits frères, mes petites sœurs, mes camarades; déjà
je sentais en moi le grouillement des sept vipères, comme on les a
appelées: L'ORGUEIL… MOI!
Souvent, cela arrive comme ça dans les familles: le petit de six ans
reçoit une tape de sa sœur qui est plus grande. Il tombe, se relève
et pour se rappeler, pour échapper au complexe, s'en va frapper sa
sœur… celle qui est plus petite… Alors elle pleure un peu, se
relève, et à son tour, va donner une gifle au frère qui est encore
plus petit. Il en est toujours ainsi: ça descend! Ah oui! les enfants
naissent bons! Et même les meilleurs, Hein!
L'orgueil, l'avarice, l'égoïsme… il y a combien de petits Hitler qui
sommeillent dans le cœur des enfants!…
Puis, un peu plus grands, comme une recherche de certaines
choses mystérieuses, on savait que c'était malhonnête, on se
cachait, n'est-ce pas ?
La gourmandise, la colère, la paresse… Il y en a qui prennent des
colères folles, à en mourir… Oui, puis j'ai grandi… à l'école j'avais
affaire à de petits camarades et un jour, quel âge avais-je, dix ans,
onze ans ? un camarade m'a expliqué certaines choses… il m'a
initié… et il y a eu une recrudescence de certains péchés
mystérieux!… Je n'aurais jamais osé faire ça devant ma mère!… Je
me cachais, je comprenais bien que c'était mal! bien sûr que l'on
comprend quand c'est mal. Il n'y a pas besoin de faire des études
pour comprendre que c'est péché!
Voyez, mes chers Messieurs, la nature humaine, elle est bien
faite… on sait très bien que ce n'est pas bien de voler… de… oui!
même les petits le savent. Rappelons-nous, la puberté…
quelquefois le premier vol, les mensonges… ça marche ensemble
le vol et le mensonge! Eh oui, nécessairement! Quelquefois, vers
l'âge de treize ans, on vole pour s'acheter des cigarettes, on croit
que, pour être un homme, il faut faire de la fumée! on n'est pas un
homme si on ne fait pas de la fumée… Et puis, le même
bonhomme, à trente-cinq ans, vous dit: ,,Je suis un homme, je ne
fume plus!”.
Drôle de bonhomme, cet homme, quand même! A treize ans il fume
pour être un homme et à trente-cinq il ne fume plus pour paraître un
homme!
Oh, je ne dis pas qu'il ne faille pas fumer, je le comprends très bien,
et le soldat, à quoi passerait-il son temps ? Mais enfin, quand on
pense qu'en 1962, un spécialiste de la régie des tabacs de Paris
m'a fourni ces chiffres: les Français, chaque année, dépensent 360
milliards d'anciens francs pour fumer. Un milliard par jour s'en va en
fumée!
La même année, il a été donné seulement 25 milliards, soit dix fois
moins, pour l'ensemble des missionnaires du monde entier, pas de
la France, non du monde!
Je veux dire par là que de temps en temps on pourrait penser un
peu à ça, à ces missionnaires qui sont freinés dans leur travail
parce qu'ils auraient besoin d'un bulldozer, par exemple, c'est un
rêve qu'ils ne pourront jamais réaliser, ou plus simplement d'une
jeep qui leur rendrait des services énormes… Et le Français, lui,
préfère s'attarder à faire de la fumée… on commence à dix ans à
faire de la fumée!
Puis, en revoyant ma vie, je suis allé faire un tour du côté de la ville
pour voir certaines choses… On ne voulait pas me laisser entrer…
J'ai failli même avoir un coup de pied au derrière pour cela, parce
que je voulais entrer… Mais quand j'ai eu l'âge… il a fallu que j'y
entre… parce que je suis un homme… moi! Moi! Là aussi est le mal
moderne, pour l'âme et le corps… Et qu'on ne vienne pas nous
raconter des histoires pour vouloir défendre cela!… Oui, seize ans,
dix-sept ans, l'âge ingrat…
J'ai pu faire quelques études, moi, en tout cas plus que mes
parents, alors, à la maison, on veut jouer au professeur, on se croit
un petit quelqu'un… la vanité… bête!… devant les autres on croyait
tout savoir, et encore toujours les sept vipères qui s'agitaient: la
gourmandise… la paresse… tout ça pallié par des mensonges,
coloré d'intentions fausses, tout un domaine d'hypocrisie
grandissant avec l'âge.
Voyez… essayez de voir clair là-dedans! dans ce grouillement…
Puis la caserne… la caserne, mes chers Messieurs, qui est un
désastre pour certaines âmes plus ou moins conservées jusque
là… le déracinement…
Et puis, ces choses pénibles dans les récents événements,
l'Indochine, l'Algérie, toutes ces promiscuités… Puis, plus tard, j'ai
accepté des responsabilités familiales – les règles du mariage: il y a
beaucoup de gens maintenant qui s'en croient dispensés et ils
pèchent parfois très gravement parce que, même par simple
réflexion, on peut comprendre que notre activité conjugale ne peut
être laissée au caprice des époux! C'est une question de logique!
On (peut) mettre beaucoup de sauce sur ce sujet, même dans les
revues dites catholiques, le problème est toujours le même! Oui, le
Pape a dit que la science cherchait pour l'avenir, mais il n'y a rien
de changé dans la morale, et la morale ne changera pas, quoiqu'en
disent certains organes de presse plus ou moins fous! Sachez qu'il
y a pas mal d'écrivains un peu tordus qui écrivent dans les
journaux…
Puis, voyez aussi dans les affaires, dans les "business" comme on
dit maintenant, les affaires… TOUT … TOUT … TOUT … est régi.
Toute l'activité humaine est régie par les principes… la justice, par
exemple. etc…
Vous pouvez, n'est-il pas vrai trouver beaucoup de choses dans ce
premier point.
Deuxième point:
,,Peser nos péchés, regardant la laideur et la malice que chaque
péché commis renferme en soi, même s'il n'était pas défendu”.
Mes chers Messieurs, le péché est un acte irrationnel; c'est un acte
passionnel, donc l'homme, qui est un être raisonnable, ne doit pas
faire de péché, même en dehors de toute religion. Les païens
savent qu'il ne faut pas être orgueilleux, qu'il ne faut pas voler, qu'il
ne faut pas prendre la femme du voisin, qu'il ne faut pas être
paresseux, qu'il ne faut pas s'adonner à la boisson; ils le savent
cela, pourquoi ? Parce que raisonnables, eux comme nous! Ils le
savent, les païens, en dehors de toute religion. Sur le plan
simplement humain, il est irrationnel de se laisser entraîner par les
passions et si Dieu nous a donné la liberté et la raison, c'est pour
que nous puissions recevoir de Lui sa grâce, mais chaque fois que
nous quittons ce domaine du raisonnable, du rationnel, nous
échappons à la grâce de Dieu, nous ne pouvons plus recevoir les
grâces de Dieu, c'est facile à comprendre.
Prenons un homme pris de boisson: Il y a quelque temps, je me
rendais de Bordeaux à La Rochelle. Dans le compartiment voisin
est monté un vieux légionnaire – il était saoul, le pauvre! – alors, il
s'est mis à côté de moi pour me raconter ses histoires… Qu'y faire ?
On ne peut rien pour ces gens-là, ils ne font que vous faire perdre le
temps… Pourquoi ? Mais parce qu'ils ont quitté le rationnel! On ne
peut rien faire pour eux si ce n'est de les empêcher de tomber et de
se casser la tête, mais pour le reste, non! Alors, je l'ai pris par les
épaules, je l'ai ramené à son compartiment et j'ai refermé la porte
sur lui pour qu'il me laisse tranquille!
Oui, les passions font quitter le domaine du rationnel et, par le fait
même, les grâces de Dieu ne peuvent plus nous atteindre et c'est
grave cela! et chaque fois que nous faisons un péché, en nous
laissant entraîner, nous quittons le rationnel. Le bonhomme qui
avait son compte reviendra de sa soulographie, du moins, je le
pense, mais celui qui est orgueilleux, quand reviendra-t-il de son
orgueil ? Ah! Alors vous comprenez le danger de l'orgueil ? …
Le péché est une chose irrationnelle, même si le Bon Dieu ne s'en
occupait pas! Que nous comprenions cela, de ne pas nous laisser
entraîner. Je parle de l'orgueil, mais toutes les passions peuvent
nous amener à quitter le rationnel…
Voilà un homme qui a trois enfants, même de beaux enfants, mais
ce sont les voisins qui s'en occupent et leur mère quand son travail
le lui permet. Lui, il est incapable de s'en occuper, pourquoi ? parce
que presque tous les soirs il rentre éméché; puis il a une façon à lui
de dire bonjour à sa femme, surtout le samedi soir… il a une drôle
de façon de lui montrer son amour! … Mais ce n'est pas normal,
cela! Pourquoi scandalise-t-il ses enfants, ses voisins, se rend-il
malade lui-même ? Il désespère sa femme, il perd son Dieu, il perd
sa nature humaine, il perd son argent, pourquoi ? Parce que c'est
bon, là… sur deux centimètres! Voilà! … C'est lui-même qui se rend
malade, mais à cause de ces deux centimètres, il sacrifie sa femme,
sa santé, sa raison, sa réputation… tout… tout… tout…
C'est pareil pour toutes les passions, mes chers Messieurs, la
luxure aussi, on appelle ça l'amour! Pardons, gardons le mot amour
pour des choses plus propres, je vous en prie! Tous nos films, nos
magazines, sont remplis de cette pourriture! Ce n'est pas de l'amour
cela, c'est de la luxure… Laissons aux choses leur caractère et
l'expression pour le désigner que le bon sens leur donne… luxure…
pas amour. L'amour est un trésor qui vient de Dieu, ne le
mélangeons pas avec cette pourriture-là! Oui, voyons la malice et la
laideur du péché, c'est laid, le péché!…
Troisième point:
,,Je considérerai qui je suis en m'efforçant par diverses
comparaisons de paraître de plus en plus petit à mes yeux”.
Mais comment, mon Père ? Comme vous nous parlez! Qu'on me
parle comme ça, à moi qui suis avocat, moi qui suis fondé de
pouvoir dans ma maison, moi qui suis professeur, moi qui suis
médecin ?
Eh bien, regardez qui je suis, mais dans la bonne lumière. Non pas
dans la lumière des hommes, non, non! mais dans la lumière de
Dieu…
Premièrement: ,,Voyons comme je suis petit en comparaison de
tous les hommes”.
Trois milliards d'êtres humains sur la terre! Avez-vous vu cette
fourmilière ? Quelquefois, en montagne, les grandes fourmilières
ressemblent à de grosses éminences, surtout dans les sapinières,
vous y donnez un coup de pied… ouf, ça grouille, il y en a des
millions!… A Paris, c'est pareil: des trous partout et les Parisiens
comme des fourmis partout qui font ta, ta, ta, ta, ta, ta, très vite dans
leurs évolutions. Et il y en a sept ou huit millions de ces fourmis-là
et, dans le vaste monde, des milliards… et moi, je suis une de ces
fourmis-là, pas la plus grosse, d'ailleurs! Qu'est-ce que je suis, moi,
en comparaison de tous ceux-là ?
Deuxièmement: ,,Qu'est-ce que je suis en comparaison des Anges
et de tous les saints du Paradis ?”
Rien qu'un Ange, nous ne pourrions le voir sans mourir! Les saints
divinisés, nous ne pourrions les voir, la joie nous tuerait.
Troisièmement: ,,Que sont toutes les créatures en comparaison de
Dieu ?”
Qu'est-ce que cela en comparaison de Dieu ? de Dieu qui a tout fait
en se jouant ,,lumens in orbe terrarum…”. Qu'est-ce que les
milliards d'Anges, les milliards de saints, les milliards d'étoiles à côté
de Dieu ? Le néant… comme le néant.
Quatrièmement: ,,Je considérerai et regarderai toute la corruption et
la laideur de mon corps”.
Cinquièmement: ,,Je me regarderai comme un abcès ou une plaie
purulente d'où sont sortis tant de péchés, tant de méchancetés, une
peste si grande!… Je m'abîmerai, je verrai combien ma bassesse
est grande!”
Regardez ces jeunes gens qui sortent "impecs" le dimanche. Vous
les voyez, là, la raie au pantalon, bien rasouillés, bien poudrés, oui,
ça, c'est l'extérieur!… mais à l'intérieur ? Ils ne sortiraient jamais,
n'est-ce pas, avec une tache de cirage sur le nez, ils seraient trop
vexés qu'on la leur fasse remarquer, mais en ce qui concerne
l'intérieur ? … Pouah! … Notre-Seigneur a eu une parole terrible
aux pharisiens: voyez à l'extérieur vous êtes beaux, mais à
l'intérieur, quelle pourriture "sépulcres blanchis !" leur a-t-il dit.
Oui, sépulcres blanchis a dit Notre-Seigneur aux pharisiens, mais
c'est aussi valable pour nous!
Quatrième point:
,,Considérez qui est Dieu suivant ses attributs et les comparant à
ma petitesse: la sagesse de Dieu à mon ignorance… sa toute-
puissance à ma faiblesse… sa justice à mon iniquité… sa bonté à
ma malice”.
Même lorsque je fais le bien, il se mêle très facilement dans mes
intentions des motifs inavouables, que je n'oserais voir révéler au
grand jour, même lorsque je fais le bien. C'est pourquoi le prophète
Isaïe, que nous fêtions la semaine dernière, le grand Isaïe disait:
,,Un jour Dieu sondera tes justices…”. Même tes actes bons, Dieu
les pèsera dans ses balances à Lui. Oui, je regarderai ce que je
suis devant Dieu.
Cinquième point:
,,Un cri d'étonnement, avec une grande adhésion du cœur. Je
raisonnerai face aux créatures, leur demandant comment elles
m'ont laissé la vie ? comment elles ont concouru à me la
conserver ? Je demanderai aux Anges, qui sont le glaive de la
justice divine comment ils m'ont supporté et gardé ? comment ils ont
même prié pour moi; aux saints comment ils ont aussi intercédé et
prié pour moi. Je m'étonnerai que le soleil, la lune, les étoiles et les
éléments, les fruits de la terre, les oiseaux, les poissons et les
animaux, que toutes les créatures aient continué à me servir et ne
se soient point élevées contre moi; que la terre ne se soit pas
entrouverte pour m'engloutir, creusant de nouveaux enfers où je
devais brûler éternellement!”.
Mes chers Messieurs, j'ai mieux compris ce cinquième point, qui
apparaît assez mystérieux à première vue, il y a quelques années à
peine. Ici même un séminariste de Bretagne qu'on avait renvoyé
d'Allemagne où il était prisonnier, comme grand malade, me
racontait le jour où il a le plus souffert là-bas. ,,Un jour de grande
fête, Toussaint, si mon souvenir est exact, les Allemands nous
laissaient tranquilles dans le stalag où je me trouvais. Dans cette
baraque, nous nous rappelions entre camarades les joies familiales
passées et chacun de sortir de son portefeuille une ou plusieurs
photos, qui de sa femme, qui de ses enfants, qui de sa toute
dernière, qui d'un groupe familial. Moi, séminariste, j'ai sorti la photo
de ma mère, ma mère qui, restée veuve à vingt-cinq ans, m'a élevé,
car mon père avait été tué dans un accident de travail; moi, je
n'avais que ma mère, elle n'avait plus que moi; tenez, voilà sa
photo, une sainte femme. Et on voyait en effet une bonne Bretonne
de 45 ans environ. Alors, je leur ai montré la photo de ma mère, et,
tout d'un coup, je suis appelé pour une corvée qui devait durer trois
minutes et je laisse mon portefeuille et la photo de ma mère sur la
table, pensant revenir aussitôt. En réalité, la corvée dura plus de
trois quarts d'heure. Quand je revins, grand émoi dans la baraque,
tout le monde riait! Contraste, de qui riait-on ? on riait de ma mère:
un camarade, après mon départ, pour réagir contre leur désolation,
s'était mis à rire en dessinant une barbe et des moustaches à la
photo de ma mère. Tout le monde se moquait! Je n'avais que cette
photo, je dus la déchirer. Voilà le jour où j'ai le plus souffert en
Allemagne!”.
Après l'histoire du séminariste, j'ai mieux compris ce 5ème point. En
effet, au baptême, le Bon Dieu a mis en nous une beauté indicible.
Sainte Thérèse d'Avila, qui avait vu cela, disait qu'il y avait de quoi
mourir de joie de voir une âme en état de grâce, tellement c'est la
beauté de Dieu qui se reflète là, c'est Dieu qu'on voit.
Eh bien, le péché salit, abîme, détruit, souille ce qu'il y a de plus
beau en nous.
Pourquoi les Anges n'ont-ils pas bondi de me voir salir en moi
l'image de Dieu ? Pourquoi les Anges continuent-ils à prier ?
Pourquoi le soleil continue-t-il à m'éclairer, me réchauffer, oui,
pourquoi ?
C'est parce que Dieu, qui est père, leur a dit: ,,Mes Anges, j'ai
besoin que vous continuiez d'intercéder pour lui, de prier pour lui.
Toi soleil, j'ai besoin que tu continues à lui permettre de vivre…
Peut-être que si je lui fais faire une retraite comprendra-t-il alors,
peut-être trouvera-t-il quelques larmes pour pleurer ce qu'il a abîmé
en lui de ces splendeurs que je voulais y mettre, Moi…”.
Voilà une belle méditation, mes chers Messieurs, très virile, qui doit
vous mettre devant la réalité. Vous ne pouvez pas tout voir, mais
lorsqu'on sonnera les coups doubles, faites le colloque de la
miséricorde, en prenant le crucifix dans vos mains, demandez-lui
pardon. Qu'il vous donne la grâce de pleurer vos péchés et d'avoir
abîmé en vous la grâce de votre baptême. Oui, demandez-Lui
pardon et récitez ensuite le Pater Noster du fond de votre cœur.
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PÉCHÉ - Troisième exercice
On demandait un jour à Saint Ignace quel jésuite, de son temps,
donnait le mieux les exercices. Sans hésiter, Saint Ignace
répondit: ,,C'est Favre”. On peut dire, en effet, que ce dernier a
arrêté le protestantisme en donnant les exercices dans les
couvents, car, à ce moment-là, tout le monde était un peu
déboussolé – un peu comme aujourd'hui – et Favre, le Bienheureux
Pierre Favre avait un don et l'exploitait aux endroits où il sentait
psychologiquement qu'il devait se rendre, et plus spécialement dans
les couvents dont il convertissait les moines en leur donnant les
exercices.
Et le second ? le second était Salmeron, un des sept qui
prononcèrent leurs vœux à Montmartre avec Pierre Favre. Celui-ci
était le seul prêtre, Saint Ignace ne l'était pas encore.
C'était un homme savant qui avait fait des livres de morale; il fut l'un
des deux que Saint Ignace envoya au Concile de Trente, à la
demande du Pape Pie IV pour en activer la finition. Le Pape dit à
Saint Ignace: ,,N'auriez-vous pas deux des vôtres qui pourraient me
faire marcher cela, qui soient saints et savants ?” … Saint Ignace
envoya Lahimet qui fut son premier successeur et Salmeron; mais
des deux, au dire de Saint Ignace, Salmeron était le plus fort pour
donner ces exercices.
Un petit détail, en passant, montre l'importance de l'humilité: Saint
Ignace leur commanda d'aller deux heures à l'hôpital tous les
matins pour y vider les pots de chambre et faire les lits. A ce mont-
là, c'était loin d'être aussi confortable et commode qu'aujourd'hui! Et
ce n'est qu'après qu'ils allaient servir de conseillers aux Pères du
Concile!
Et le troisième ? Le troisième fut Domenech; le quatrième ? sans
hésiter, Saint Ignace répondit: le quatrième est Villanueva. Le père
Villanueva était un Jésuite espagnol: il vivait du temps de Saint
Ignace, mais la congrégation s'étant propagée très vite, on peut
considérer qu'il était de la deuxième vague des Jésuites.
Or, voici ce qui arriva: Villanueva était un homme très savant,
recteur des facultés de l'Université d'Alcala, dans la banlieue de
Madrid. Près d'Alcala, il y avait justement un couvent de religieux,
"frères", non prêtres. C'était au moment de l'extension du
protestantisme et dans les couvents, dans certains couvents, on
était très relâché.. Ce couvent de frères était presque un scandale
dans la région… et surtout son économe! Il faisait beaucoup parler
de lui et s'enrichissait; tout le monde tremblait devant lui et on
n'osait rien lui dire, mêmes ses confrères! Entre eux, parlant de la
conduite de leur économe, procurateur du couvent, ils disaient: ,,Il
se damne! Il se damne!”. Il y avait malgré tout la foi à l'époque! … Il
se damne et qu'y faire ?
L'un dit: ,,Oh! il n'y a rien à faire, il faudrait l'envoyer en prison pour
l'empêcher de faire le mal!”, C'était une solution, mais n'en
trouverait-on pas de meilleure ?
Un autre suggéra: ,,Je connais un remède! Il faudrait l'envoyer au
Père Villanueva!”. On dit qu'avec ses exercices fameux, il change
un homme du tout au tout. C'est vrai, il faut faire ça. Il faut faire ça.
Le tout était de pouvoir attacher le grelot… et nous avons peur
généralement de le faire… Et nous avons tort d'avoir peur, mes
chers Messieurs, parce que, dans le cœur des autres, même
endurcis, le Saint-Esprit travaille pour nous! On a tort d'avoir peur
d'aller proposer!
Enfin, quelqu'un se risqua à dire au Procureur: ,,Oh! Cher frère
Procureur, vous devriez aller chez le Père Villanueva; on dit que
c'est un homme extraordinaire, il convertit beaucoup de monde”. Et
l'autre, qui comprenait qu'il en avait lourd sur la conscience et qu'il
en aurait besoin, répondit: ,,Eh oui! c'est vrai, il faudrait que j'y aille
un jour”.
On avertit immédiatement le supérieur de cet accueil et de ce désir.
Le supérieur l'appela et lui dit: ,,Voilà, frère Procureur, j'ai une
commission pour le Père Villanueava, allez lui porter cette lettre de
ma part, et je vous permets, si cela vous fait plaisir, de rester
quelques jours avec lui, on dit que c'est un homme extraordinaire!
faites donc comme il vous plaira!”.
Il se mit alors à préparer son petit baluchon et alla à Alcala, à la
résidence des jésuites. Là, il voit un petit bonhomme perché sur une
échelle en train de peindre. ,,Hé! dis-donc, tu ne connais pas le
Père Villanueva ?”. L'interpellé descend et dit: ,,C'est moi!” … ,,C'est
toi ?” … Le procureur s'attendait à voir un grand homme et un
homme grand, or le père était tout petit, avec un sarrau et ne payait
de mine! ,,Bon, mais je m'en retourne, alors…”.
Mais le père prit la lettre; c'était un homme savant, grand en
sainteté, connaissant le scandale de ce couvent, il comprit très
vite. ,,Non, non, ne partez pas! nous allons vous soigner; on va
vous donner une belle chambre, venez vous rafraîchir, le frère va
s'occuper de vous!”. Et faisant le tour du couvent, à tous les moines
qu'il rencontrait, il disait: ,,Faites des prières et des pénitences, il
nous arrive un "gros poisson", faites des sacrifices pour qu'il se
convertisse!” …
Bien! la retraite commence comme vous l'avez vu hier: le but de la
vie, l'usage des créatures, puis le lendemain, les deux méditations
que vous avez faites ce matin, le Premier Exercice: comment Dieu
punit le péché: celui de Lucifer, celui d'Adam, celui d'un homme qui
n'a fait qu'un seul péché mortel. Ensuite, au deuxième exercice, les
péchés personnels… 
Il faisait assez bien ses méditations, avait l'air bien recueilli, mais
tous les soirs, le Père Villanueva venait se rendre compte:
,,Alors, ça va ?”
,,Oui, ça va…”
,,Vous avez bien médité ?”
,,Oui, mon Père…”
,,Vous avez de la douleur de vos péchés ?”
,,Heu! Oui, mon Père…”
,,Mais avez-vous eu honte de vous ?”
,,Oh ça non, mon Père…”
,,Mais est-ce que vous avez pleuré vos péchés ?”
,,Oh non, mon Père!”
,,Mon cher ami, vous n'avez rien compris, alors, il faut remettre ça,
recommencer; il faut que vous arriviez à comprendre la gravité du
péché! Bien… ”
Le lendemain:
,,Ca va ?”
,,Oui, mon Père…”
,,Vous avez compris ?”
,,Oui, mon Père…”
,,Vous avez eu honte de vous ?”
,,Oh non, mon Père…”
,,Mais, mon cher ami, vous n'y êtes pas, vous n'avez pas encore
compris, il faut recommencer…”
Troisième jour, quatrième jour, dixième jour...
,,Vous avez pleuré vos péchés ?”
,,Non, mon Père…”
,,Vous avez eu honte de vous ?”
,,Non, mon Père…”
Vingtième, vingt et unième jour, vingt-deuxième jour! Mais alors,
cette fois-là, il avait sans doute compris! Dans toute la maison on
entendait des cris: ,,Mon Dieu, mon Dieu, je suis un misérable…
Mon Dieu… Pardonnez-moi!…”
Tous les moines étaient étonnés, disant: ,,Padre, que passa ?”
,,Heu, Heu! ça va bien, ça va bien, il commence à comprendre
maintenant!…”
Oui, certains critiquent les pères de Chabeuil, disent qu'ils
exagèrent en donnant les exercices!… Ce que je sais, est que celui
désigné par Saint Ignace comme le quatrième au monde à donner
le mieux les exercices, a laissé ce pauvre procureur vingt-deux
jours, vous entendez! vingt-deux jours sur la méditation que vous
avez faites ce matin! Je crois qu'en tout il l'a gardé quarante jours,
soit dix jours de plus que les trente jours que durent les exercices
complets. Mais je vous assure que revenu à son couvent, il était
tout changé: d'abord, il avait maigri, puis il était devenu modeste; les
autres, en le voyant, se mettaient à rire: ,,Mais qu'est-ce qu'on t'a
fait ?”. Et lui de se rendre à la communauté où il demanda à genoux
pardon de tous les scandales qu'il avait pu provoquer; puis il se
releva et leur dit: ,,Vous m'avez envoyé là-bas, je ne vous en
remercierai jamais assez! Je pense que le Bon Dieu m'a pardonné,
car j'étais scandaleux, mais vous aussi, hein ? Vous ne suivez pas
la règle, vous aussi vivez dans le péché! Vous m'y avez envoyé et
je vous en remercie, mais maintenant il faut que vous y alliez tous,
et vous irez tous les faire!
Et le supérieur les y a tous envoyés et ils se sont convertis. Se
convertissant, ce couvent qui avait fait tant de mal, convertit toute la
région qui constata la conversion de ces moines!
Eh bien, Messieurs, nous ne pouvons vous laisser vingt-deux jours
sur les deux méditations de ce matin, mais il ne faut pas passer
dessus aussi rapidement. Saint Ignace ne veut pas que nous
quittions trop vite cette notion du péché pour plusieurs raisons.
Voyez page 341, la remarque en lettres grasses: ,,Ce n'est pas de
savoir beaucoup qui remplit et rassasie l'âme, mais de sentir et
goûter les choses intérieurement”.
Comme l'indique un philosophe contemporain, certaines choses qui
nous entourent ont un aspect "problème", par exemple toutes les
techniques, tandis que d'autres ont un aspect "mystère". C'est ainsi
qu'en face d'un problème technique, une fois résolu, on n'y trouve
plus d'intérêt: c'est compris, c'est fini. Comme une orange pressée,
on jette le zeste et c'est fini…
Mais dans les choses qui ont un aspect "mystère", on n'arrive
jamais au bout et on peut toujours y entrer davantage… Ici il s'agit
d'approfondir le mystère du péché et cette étude nous permettra
d'abord de mieux comprendre la Rédemption.
Pourquoi la Rédemption ? Eh bien pour détruire le péché, et comme
la finalité d'une chose fait comprendre la chose elle-même,
lorsqu'on explique la finalité de la Rédemption, qu'est le péché, on
comprend mieux la Rédemption elle-même!
C'est pourquoi, Saint Ignace ne veut pas que nous quittions trop vite
cette notion du péché, parce qu'ainsi nous saisirons mieux, en
lumière indirecte, la nécessité de la crèche, les humiliations de
Notre-Seigneur, la Croix, la messe, le pourquoi de la souffrance, la
nécessité de la mortification, du renoncement, et de la lutte contre
nos tendances mauvaises, etc…
Car le péché a infligé à la nature humaine une telle blessure qu'elle
ne peut s'en relever maintenant que par le sang du Christ.
Nous allons donc faire à cet effet le troisième exercice: veuillez
prendre à la page 332 de votre livre. C'est la répétition du premier et
du deuxième exercice; on y ajoute trois colloques.
On se doute que Saint Ignace veut nous faire arracher le morceau,
c'est-à-dire obtenir de haute lutte la grâce demandée.
On fera le premier colloque à Notre-Dame, le deuxième au Sacré-
Cœur de Jésus, le troisième au Père Éternel.
Voici comment vous ferez cet exercice: après la prière préparatoire
et les deux préambules, recueillez-vous profondément à genoux:
,,Dieu me voit”, adorez le front jusqu'à terre si la santé le permet,
puis la prière préparatoire: ,,Mon Dieu, que je ne gâche pas ma vie,
que je l'emploie à vous aimer et vous servir”.
Comme premier prélude, je vous conseille beaucoup de prendre
celui de la miséricorde. Vous avez peut-être admiré ce tableau si
évocatif de Fra Angelico, où Saint Dominique est au pied d'une
grande croix d'où le sang de Jésus lui tombe dessus. Eh bien,
représentez-vous au pied de la croix de Jésus avec son sang qui
coule sur vous pour pardonner vos péchés si vous le voulez…
La grâce à demander: c'est d'avoir honte de nous et de pleurer nos
péchés, de comprendre que le péché dépasse tout, qu'il est quelque
chose d'abominable, quelque chose que l'on ne doit pas faire pour
rien au monde; et de demander cette grâce comme de vrais
mendiants. C'est une très grande grâce que d'obtenir cela;
demandez aussi un ferme propos, la ferme résolution de mourir
plutôt que de mettre en discussion si nous pécherons ou non! Que
je comprenne qu'on ne se moque pas de Dieu!
Voilà ensuite la façon de faire: je vous l'ai dit, c'est une répétition,
mais une répétition qui s'attache à revoir surtout les points où déjà
vous auriez ressenti quelque consolation ou quelque désolation au
cours des deux précédents exercices.
La consolation est cette joie intérieure, inexprimable, que seul le
Seigneur donne à l'âme, qui se concrétise parfois par des larmes
d'amour. Commencez alors par cet endroit; Saint Ignace pense que
la source est là et qu'elle continuera à donner. De toutes façons,
ces larmes, qu'elles soient réelles ou non, il faut les demander au
Seigneur… Je ne puis vous les donner; comme disait un jour Saint
Bernard à ses moines: ,,Bien heureux quand on peut en avoir un
peu pour soi, mais en donner aux autres, on ne peut pas!”.
Alors demandez, criez au Seigneur, dans le silence de votre cellule,
qu'il vous donne des larmes de repentir! Et si Dieu vous donne une
lumière sur le péché, vous en trouverez, des larmes!… Notre-
Seigneur, au jardin de Gethsémani a trouvé non seulement des
larmes, mais il a voulu encore pleurer des larmes de sang par tous
les pores de son corps!
Si vous avez trouvé une consolation dans les méditations des
premier et deuxième exercices, encore une fois revenez-y, on
pourrait la considérer comme étant un filon à exploiter.
La désolation, maintenant: c'est le contraire de ce que nous avons
dit pour la consolation. Obscurité dans l'âme, trouble, excitation aux
choses basses et terrestres, inquiétude qui vient de diverses
agitations et tentations qui portent à la défiance, sans espérance,
sans amour. L'âme est toute paresseuse, tiède, triste, comme
séparée de Dieu.
D'abord, on ne voit plus clair: ,,Mon Père, moi je suis un bon
catholique, me disait un retraitant, voyez, je suis arrivé dans cette
maison, décidé à faire une bonne enquête religieuse, et depuis
qu'on a commencé à parler de l'éternité, moi je ne sais plus où j'en
suis, je vois tout trouble!…”.
Excitation aux choses basses et terrestres, c'est-à-dire, évasion:
dans la vie courante, on a quelquefois des désolations qui
commencent, mais on a aussi des facilités d'évasion pour échapper
au "cafard" comme on dit. Il y a quelque temps, en face de moi,
dans l'autobus de Grenoble, il y avait des Marseillaises (des
vraies!), deux femmes du peuple qui discutaient. L'une d'elles
regardait un hameau perdu là-haut sur la montagne au-dessus de la
vallée de la Durance: ,,Dis-moi, ma belle, ces femmes qu'elles sont
en haut, quand elles ont le cafard, comment elles font ?” – ,,Quand
tu as le cafard, toi, comment que tu fais à Marseille ?…” – ,,Moi, je
vais à la Canebière, je regarde les magasins!…” – ,,Tiens, et moi je
vais au cinéma pour le passer, et puis il y a un grill-room en haut: on
s'amuse un peu…”.
Eh oui! Les hommes, eux, vont au café et ils boivent un déci! …
deux, trois, quatre s'il faut, pour noyer le cafard! Mais voilà, à la
retraite, on ne peut pas faire ça… Il y a bien quelques temps libres,
mais d'abord il ne fait pas beau, et si l'on se promène dans le parc
on en rencontre d'autres… qui ont aussi leur tête d'enterrement…
Ah! Ah! la cloche sonne et il faut rentrer et même pas le temps de
finir la cigarette!… on se précipite à la chapelle et puis ça
recommence… Oh! la la la la … et puis les méditations n'en parlons
pas! … Le péché, le péché… puis le repéché! Et il faut encore
approfondir, qu'ils nous disent, et puis… et puis je sens venir la
chose, vous allez voir qu'on va nous parler encore ce soir de l'enfer,
puis de la mort… Ah non! … : la désolation, quoi! …
Mais la désolation, mes chers Messieurs, c'est très bon! C'est le
signe infaillible que le démon n'est pas content et qu'il a intérêt à
torpiller votre méditation! … Retournez-la: mémoire, intelligence,
volonté. Insistez!
Vous commencez donc par le premiers exercice, puis par le
second, aux points où votre âme a ressenti, a éprouvé un goût
spirituel plus marqué. Et s'il n'y a eu aucun de ces mouvements,
vous revoyez les trois points du premier exercice et les cinq points
du second en vous servant de votre livre. Je vous les rappelle
rapidement:
Comment Dieu, la Bonté Infinie, n'a pas pu ne pas punir le péché
d'orgueil de Lucifer et de ses anges entraînés par lui, un tiers des
anges, peut-être des milliards! on ne sait pas le nombre des anges,
mais d'après un texte de l'apocalypse, il semble bien qu'un tiers des
anges ait suivi Lucifer! Et si chaque homme a un ange gardien
différent, comme le pensent les théologiens (et les anges gardiens
ne sont pas tous les chœurs des Anges, car il y a neuf chœurs
différents dans cette hiérarchie céleste), cela doit faire des milliards
de ces intelligences supérieures condamnées au feu éternel pour
un péché en face de Dieu! ,,Non serviam!”…
Est-ce que c'est grave, le péché ? Je ne sais pas. Eh bien regardez
cette réaction divine instantanée; pourtant Dieu les aimait infiniment
et Dieu, la Bonté même, n'a pas pu exagérer, puisque sa Justice est
infinie!…
Pour Adam et Eve et pour toute l'humanité, c'est pareil. Cela n'a pas
été l'enfer parce que nous ne voyons pas comme les anges les
conséquences de nos actes, notre nature étant faite d'esprit et de
chair, mais la réaction divine, toutes proportions gardées, a puni la
désobéissance de nos premiers parents avec la même promptitude,
la même rigueur… Et pourtant on ne peut pas douter de l'amour de
Dieu!…
Quand le communisme veut se propager dans un pays, il fait du
travail d'approche: il a le roman classique… on commence par
féliciter les jeunes mamans de leurs beaux petits, à leur promettre
monts et merveilles. Quand le grelot est attaché, on parle tout à
coup de l'horrible… de l'horrible guerre… et puis les bombes, les
enfants innocents écrasés et les cris d'épouvantes des mamans.
Alors, quand le cœur de ces dernières commence à faire toc-toc, on
lance le blasphème: S'il y avait un Dieu, ça n'arriverait pas!…
MENTEURS! … IGNORANTS! … C'est le Seigneur qui a tout payé!
Dieu a aimé le monde au point de lui donner son Fils unique! Vous
n'avez pas à hésiter sur l'amour de Dieu: C'est Lui qui a payé!
Alors, il faut comprendre: la leçon à comprendre, c'est la gravité du
péché. Pour que cela mérite cette punition, cette souffrance, ces
deuils, ces guerres, ces morts, qu'est-ce donc qu'un péché ? Et ce
qu'Adam n'a fait qu'une fois, combien de fois l'ai-je fait, moi ? Et si
Dieu n'a pas rendu aux hommes les privilèges qu'Adam avait
perdus, c'est que nous autres, nous les aurions perdus aussi, cela
ne fait pas l'ombre d'un doute: Et pas une fois, mais très souvent!
Dieu a payé l'essentiel, il a payé pour nous rouvrir la porte du ciel
que le péché d'Adam avait fermée.
Dans le deuxième exercice, vous verrez d'abord le nombre de nos
péchés, la multitude de nos pensées. Il y en a qui se confessent
tous les cinquante ans et ils vous disent ingénument qu'ils n'ont pas
de péché: ,,Moi, je n'ai pas de péché, je n'ai ni tué, ni volé…”. Mais,
à l'œil nu on pourrait leur en découvrir! Que de péchés dans la vie
des hommes! Que de péchés!
Il faut revoir, voyez-vous, Saint Ignace vous dit, année par année,
période par période… et il vous demande aussi de les peser pour
voir leur gravité.
Quelle injure pour Dieu! Qu'est-ce que vous avez préféré au Bien
Infini… Dites-moi, si c'était encore quelque chose de bien!… mais
nous avons préféré quoi ? des choses dont nous aurions honte
qu'on le dise!… Nous avons préféré au Bien Infini, à l'Éternel,
quelque chose qui dure un instant à peine, un spasme… ou quelque
chose qui soit doux, qui caresse la gorge sur quatre centimètres!
Quelle honte! Quelle injure à Dieu!…
Saint Ignace vous dit: faites-vous petit pour bien comprendre
l'offense contre Dieu… Montez sur la montagne, là-bas, vous voyez
sur la route cet homme ? cette femme ? Qui est-ce ? Je n'en sais
rien, un Préfet ? un ministre ? un mendigot ? C'est pareil!…
Mais, au lieu de monter sur la montagne, montez dans la lune,
prenez une longue-vue, voyez-vous là-bas ce crachat sur la terre ?
ça, c'est Rome, ça c'est Londres, ça Paris, je crois. Et ce petit point
noir ?
- Ca ? c'est l'auto du roi du pétrole, Monsieur…
- Alors, ce sont ces petits points noirs qui s'attaquent à Dieu ?
- Hé oui, Monsieur…
- Mais, ils vivent longtemps ?
- Oh non! Monsieur, un certain nombre d'années, quelques minutes
quoi! (Même si vous vivez quatre-vingt-quinze ans, cela ne fait
qu'un nombre limité de minutes!).
- Alors, ce sont eux qui s'attaquent à l'Éternel ?
- Oui, Monsieur.
- Mais, ils sont fous!
- Oui Monsieur, mais des fous responsables hein!…
- Mais est-ce qu'ils sont costauds, ces gens-là ?
- Non Monsieur, non! Quelques degrés de froid, quelques degrés de
chaud et il n'y a plus d'hommes! Est-il malade, il faut que sa femme,
avec une petite cuiller, lui fasse passer quelques gouttes de liquide,
encore en verse-t-il la moitié à côté!…
- Et c'est lui qui se révolte ? Mais il est fou, alors!
- Oui, Monsieur, mais un fou responsable, et ce fou c'est moi: un fou
qui sait ce qu'il fait!
- Puissant ? non, un tout petit peu de pus au fond de la dent et il
n'est plus bon à rien. Un Monsieur vient le voir: ,,Cher Monsieur, j'ai
une affaire urgente à traiter de suite…
- Oh non! monsieur, repassez!
- Mais je vous assure que c'est très presse!
- Non, non, aïe! aïe!
- Mais, Monsieur, qu'est-ce donc ?
- C'est terrible, Monsieur, j'ai un peu de pus au fond de la dent,
j'attends le dentiste, je souffre trop… on verra après! - Voilà!
- Et c'est ce monsieur qui se révolte contre Dieu ?
- Oui Monsieur!
- Mais il est donc fou!… et ce fou c'est moi!
Je ne sais pas si vous avez bien compris le numéro 59.. Voulez-
vous le prendre, c'est la base de la contrition parfaite.
C'est là que l'on comprend pourquoi nous ne comprenons pas!
Saint Ignace nous dit: faites l'antithèse entre Dieu, la sagesse
infinie et mon ignorance (car je ne sais même pas ce qu'il y a
derrière cette porte), entre sa toute-puissance et mon impuissance
(car sans Lui, je ne peux pas faire ça, remuer le petit doigt), même
pour offenser Dieu, ils sont obligés d'utiliser les secours que Dieu
leur donne… Ces jeunes gens qui pèchent le dimanche après-midi,
si Dieu ne leur donnait pas l'après-midi, si Dieu ne leur donnait pas
l'intelligence, si Dieu ne leur donnait pas la santé, ils ne pourraient
pas pécher! Même pour offenser Dieu, ils sont obligés d'utiliser les
forces qu'Il leur donne…
Voyez cette antithèse, cette justice en face de ma méchanceté;
cette bonté infinie en face de ma malice… Dites-moi!
Saint Thomas d'Aquin nous explique la gravité du péché par ces
paroles:
,,Le péché commis contre Dieu possède une certaine malice infinie
qui vient de la Majesté divine offensée, laquelle est infinie”.
Je ne sais si vous avez compris! Saint Thomas nous dit en
substance qu'on mesure la gravité du péché, non pas à la force du
coup donné, mais à la dignité de la personne offensée. Or Dieu
offensé ayant une Majesté infinie, le péché a une malice infinie!
Quand j'étais aumônier militaire, j'avais une comparaison que les
soldats comprenaient de suite: Voilà un jeune soldat qui donne un
soufflet à son camarade: très mal! deux jours de salle de police et
on n'en parle plus!
Ce même soldat donne le même soufflet à un autre camarade du
même âge, mais qui a sur la manche deux sardines: un caporal,
Messieurs, j'ai vu passer en conseil de guerre pour moins que cela!
- Mais je n'ai pas frappé plus fort!
- Non, mais tu as frappé plus haut. Au lieu d'un caporal, c'est un
officier… on sera beaucoup plus sévère! C'est maintenant le tour du
Colonel dans l'exercice de ses fonctions!… Mon cher Ami, tu
risques d'être fusillé et tu l'aurais bien cherché!
- Mais je n'ai pas frappé plus fort!
- Oui, mais tu as frappé encore plus haut et c'est encore plus
grave… Mais au lieu du colonel, c'est l'empereur… Malheureux!
mais tu as offensé tout un peuple!
- Monsieur, je n'ai pourtant pas frappé plus fort!…
- Cela n'a rien à voir, mais c'est d'autant plus grave que tu as frappé
plus haut.
Après tout, entre le deuxième classe et l'empereur, ce sont deux
hommes; mais si je m'attaque maintenant à l'ÊTRE INFINI, la
gravité de l'acte devient en quelque sorte infinie; mais comme notre
esprit limité ne peut pas comprendre l'infini, il n'a de l'infini qu'une
idée toute négative, il ne peut pas comprendre la gravité du péché
dans toute son horreur! S'il pouvait discerner un peu cette gravité, il
conclurait de suite: ,,Mais oui, la punition est méritée!”.
C'est parce que nous ne comprenons pas cela que Saint Ignace
nous dit:
Cri d'étonnement de mon âme, comment Dieu me supporte-t-il ? et
vous les Anges, glaives de la justice divine, qu'attendez-vous pour
me jeter en enfer ? Comment la terre ne s'entrouvre-t-elle pas pour
m'engloutir, creusant de nouveaux enfers où je devais brûler
éternellement ?
Sainte Gertrude, la grande mystique du Moyen Age, disait au
Sacré-Cœur que la plus grande grâce qu'elle trouvait qu'Il fasse
était de supporter que la terre la porte… Et elle n'exagérait pas,
cette sainte, elle avait compris la gravité du péché et il lui semblait
que Jésus devait faire un miracle pour qu'elle ne soit pas engloutie.
Voilà la gravité du péché! Voilà pourquoi Saint Ignace ne veut pas
eu nous passions trop rapidement sur cette notion du péché.
Il insiste aussi pour que nous fassions trois colloques au lieu d'un.
Le premier à la très Sainte Vierge, le refuge des pécheurs, notre
Bonne Mère. Et que doit-on lui demander ? on doit lui demander
trois doubles grâces. Saint Ignace veut par là qu'elle nous aide à
comprendre suffisamment la gravité du péché pour décider notre
volonté:
- Trois grâces de lumière pour notre intelligence et trois grâces pour
notre volonté, afin de voir tous nos péchés, le nombre de nos
péchés, leur injustice, leur impiété! pour voir aussi la malice, la
monstruosité, l'audace et le ridicule de nos péchés…
Que nous voyons cela: voilà ce que j'ai fait envers ce Père si bon,
que je le comprenne!…
Puis enfin, une grâce de force pour pleurer mes péchés:
- Sainte Vierge, faites-moi cette grâce que je sois prêt à mourir
plutôt que de discuter, plutôt que d'accepter de mettre en discussion
si je vais pécher ou non…
Que je voie ensuite le désordre de mes opérations; que je voie au
fond de mon cœur de quel côté je suis porté: moi c'est vers l'orgueil,
moi c'est vers la sensualité, moi vers l'avarice, etc…
Mais, ne voyez pas seulement vos petites misères: beaucoup de
gens disent ,,mon gros péché, c'est l'impureté”. Non, voyez surtout
la cause de vos péchés! Pourquoi êtes-vous dans l'impureté ?
Parce que vous êtes un paresseux… la paresse est la mère de tous
les vices, voyez-vous; ou bien vous, vous êtes trop gourmand et
sujet aux excès, vous prenez trop d'excitants: viande, fumée, café,
alcool! Vous, vous êtes imprudent, vous voulez tout voir, vous
passez des heures sur la plage, et, forcément, vous avez des
tentations terribles… Voyez donc la cause de vos péchés, le
désordre de vos actions. De quel côté suis-je porté ? Soyez décidé,
coûte que coûte à lutter courageusement!
Enfin, tout ce qui me porte au péché du dehors: que de gens se
laissent influencer par la mode, les femmes surtout, pourquoi ?
Parce qu'elles ont vu ce journal de modes, mais, Mesdames,
attention! Suivez la mode pour vous habiller, mais laissez donc de
côté celles qui sont impudiques et où vous manqueriez de respect
envers vous-mêmes.
Et les jeunes gens, ah!… Qu'est-ce qu'ils en disent les copains ?
Que pense-t-on autour de moi, qu'est-ce que disent les confrères ?
Et ça y est! Voilà, on subit ainsi l'emprise du monde sur nous…
Puis, quelles sont les influences qui nous portent à pécher.
Malheureux! Défendez-vous à coups de hache s'il le faut, plutôt que
de pécher!
Le terminer par un AVE MARIA.
Dans le colloque au cœur de Jésus, de Jésus si bon qui a vu tous
mes péchés et qui me les montrera au jour du Jugement, je lui
demanderai de daigner me les montrer dès maintenant avec toute
leur malice, dégoûtants, odieux; ce manque de réflexion, cette folie,
cette impiété, ce ridicule! Oh! Jésus, Vous qui les avez pleurés au
Jardin des Oliviers, à la colonne de la Flagellation, et du haut de la
Croix, daignez m'accorder de les pleurer, coûte que coûte et que je
voie tout ce qui me porte vers le péché. Vous qui avez maudit le
monde: ,,Malheur au monde et à ses scandales!”. Faites que je ne
sois plus l'esclave du respect humain et que je me décide à lutter
contre lui par la prière.
Terminer par la prière: ÂME DE JÉSUS-CHRIST (page 339).
Dans le troisième colloque au Père Éternel, au Fils et au Saint-
Esprit, offrez-Lui la Passion de Jésus. Le Père ne peut pas refuser
cela: qu'Il me donne de voir mes péchés et leur cause, toute leur
malice; que je les pleure. Qu'Il me donne de voir mes tendances
dans ce monde pervers; que je réagisse, que je ne me laisse pas
entraîner et que je ne recherche que Dieu seul!
Terminer par le PATER NOSTER.
Vous prendrez le Crucifix à la main et vous essaierez de lui arracher
ces trois doubles grâces. Que de péchés, Messieurs!
((fin page 80))

((page 81 ss))

D'abord les péchés contre la Foi:


A notre époque, tout le monde discute tout. Même des revues
catholiques qui vous demandent votre avis! Alors, sur cent
réponses, il y en a soixante affirmatives et quarante de négatives!
Qu'est-ce que cela peut faire ? Si Dieu a parlé, cela ne se discute
pas! Et votre avis, pas plus que celui des autres n'a rien à voir là-
dedans… Dieu est Dieu! On doit obéir à la Foi dit Saint Paul, que ça
nous plaise ou non! car Dieu ne peut ne se tromper, ni nous
tromper.
L'Eucharistie, l'Enfer, l'Église, on discute tout maintenant… Non et
Non! Il s'agit de péchés graves contre la Foi: attention! ça ne se
discute pas!
Un jour, j'étais à Paris, invité par un retraitant; on se mit à parler et
la conversation s'aiguilla sur l'enfer, sans doute parce que j'étais là.
A côté de moi, une petite dame dit: ,,Vous savez, mon Père, ce
n'est pas mon avis…”. - ,,Heu, ma pauvre dame, sachez donc que
votre avis n'a rien à voir là-dedans! Il s'agit de savoir si Dieu a parlé
de l'enfer ou non! Or, Il en a parlé”.
Le plus fort est que cette dame allait paraît-il à la messe et allait
communier! Je pense qu'elle croyait certaines choses, mais si elle
ne le croyait que parce que c'était "son avis", l'avis de madame! ce
n'est pas la Foi, cela!… Or, nous n'avons pas à croire parce que
c'est notre avis, nous devons croire parce que Dieu l'a révélé et que
Dieu ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Voilà pourquoi on dit
que la Foi est "irréfragable", parce que c'est basé sur la parole
même de Dieu, et Dieu n'accepte pas que l'on doute de Lui…
Et les péchés contre l'Espérance:
Il y en a qui pensent ne pas pouvoir vivre en chrétien parce que
c'est trop difficile. Par exemple ne pas pouvoir vivre en chrétien
dans le mariage parce que l'on aura trop d'enfants et qu'on ne
pourra pas les nourrir tous ? Il s'agit là de péchés contre
l'espérance, car ce ne sont pas les parents qui nourrissent les
enfants, (ils ne sont que les intermédiaires) c'est le Bon Dieu qui les
nourrit tous!… Moi, je suis issu d'une famille pauvre et nombreuse
et il a fallu que je prenne la robe pour être habillé de neuf: cela ne
m'a pas empêché de devenir grand et gros comme vous le voyez!…
C'est le Bon Dieu qui nourrit tout le monde et c'est pécher contre
l'espérance que de faillir à son devoir par manque de confiance en
sa Providence…
Et les jeunes gens qui pensent que les tentations sont plus fortes
que notre nature et qu'ils doivent y céder! la belle excuse, n'est-ce
pas ? Non, non! vous ne devez pas céder! fuyez les occasions,
priez, faites des pénitences, allez vous confesser, communiez, et
vous verrez que vous y arriverez et beaucoup plus facilement que
vous ne croyez. Il est plus facile de se sauver que de se damner,
mais à une condition: il faut en prendre les moyens. Si vous ne
voulez pas en prendre les moyens, vous n'y arriverez pas…
Maintenant, les péchés contre l'ESPÉRANCE, mais en sens
inverse: ,,Moi, je crois, mon Père, que Dieu est bon et que,
finalement, nous serons pardonnés”… Bien sûr qu'Il est bon et qu'Il
vous pardonnera si vous travaillez à vous convertir, oui, mais si
vous vous moquez de Lui! Non, mon cher Monsieur, ne savez-vous
pas que la bonté de Dieu, la patience de Dieu, la longanimité de
Dieu, sont pour vous amener à la pénitence ? Attention, Dieu est
Dieu! et ,,De Dieu, on ne se moque pas” répète Saint Paul. C'est un
péché contre l'espérance d'agir ainsi et Dieu n'accepte pas cela…
Et la Charité ?
On n'a peut-être jamais tant parlé de charité qu'à notre époque, et
peut-être jamais plus mal compris ce qu'est la charité. Qu'est-ce que
la charité ?…
Mon Père, c'est de faire faire un repas à tous les vieux du quartier!
… La charité c'est d'envoyer un colis aux soldats! La charité c'est de
boire des apéritifs à la kermesse de Monsieur le Curé! La charité
c'est d'être un chic type avec les autres!
Non! Monsieur, vous vous trompez, la charité, ce n'est pas cela! La
charité c'est d'aimer Dieu par-dessus tout! pardessus votre femme,
par-dessus vos enfants, par-dessus votre place et même par-
dessus votre vie! Et cela n'est pas destiné aux seuls curés et
bonnes sœurs, non, non! C'est le premier des commandements.
Attention, ce n'est pas quelque chose de facultatif! Dieu veut que
nous l'aimions par-dessus tout!
Cela ne veut pas dire toutefois que nous manquions de sensibilité à
l'égard de ceux qui nous sont chers et aux choses d'ici-bas, non!…
Mais ne pour plaire à votre femme, ni pour plaire à vos enfants, ni
pour plaire au qu'en dira-t-on, ni pour sauver votre peau, vous
m'entendez ? vous ne devez pécher, tout au moins mortellement!
Dieu doit être au-dessus de tout, voilà ce que doit être pour vous la
charité; et puis, alors, l'amour du prochain par amour pour Dieu,
c'est-à-dire voir Dieu dans votre prochain…
Saint Paul le confirme assez clairement: ,,Quand même je
donnerais tous mes biens aux pauvres (et ce n'est pas peu de faire
cela!) si je n'ai pas la charité, cela ne me servira de rien!”. Tout ce
que je fais, c'est par amour pour Dieu que je dois le faire.
Et les sacrilèges!… On appelle sacrilège profaner des personnes ou
des choses (saintes) sacrées. Le sacrilège le plus fréquent se
trouve dans les confessions et les communions mal faites: certains
osent recevoir le Corps du Christ en état de péché mortel, sans se
réconcilier au préalable avec le Christ. Voilà le sacrilège et celui qui
le fait de façon déterminée mange et boit sa propre condamnation,
nous dit Saint Paul.
Évitons donc en confession de cacher des péchés mortels (je ne dis
pas oublier, non, je dis cacher sciemment). Parmi les hommes, il y a
beaucoup de confessions sacrilèges: pourquoi ? Parce qu'ils sont
généralement orgueilleux et certains éprouvent le besoin de
camoufler la vérité. Ils peuvent tromper le confesseur, mais ils ne
trompent pas Dieu!
Et la confession sacrilège qui entraîne la communion sacrilège!
Quand je pense que de pauvres gens vivent toute leur vie dans le
sacrilège, dites-moi s'il n'y a pas de quoi frémir!
Et le blasphème! Je ne parle pas ici des gros mots de charretiers,
mais de ceux qui accusent Dieu de manquer de bonté et de justice
parce qu'il a plu ou parce qu'il n'a pas plu, et parce qu'il y a des
inondations ou des incendies! On accuse Dieu de manquer de
justice! Mais Dieu n'accepte pas ces blasphèmes!
Et les dimanches ? Combien d'hommes croient, que de jeunes gens
s'imaginent avoir le droit de faire ce qu'ils veulent le dimanche. Eh
bien, Messieurs, le dimanche, on n'a pas le droit de faire ce qu'on
veut; le dimanche est le jour du Seigneur, voilé! On doit s'en servir
pour le sanctifier, au moins par le saint sacrifice de la messe.
Combien de gens ne connaissent pas le B A = BA de la religion…
C'est parce qu'ils ne sanctifient pas le dimanche! Qui pensera à
s'accuser de ne pas connaître sa religion ? Et il y a tant de
catholiques qui ne connaissent même pas leur catéchisme. Mais
c'est grave! Le pape Jean XXIII nous le dit: ,,C'est un grand
malheur!”. Voilà des gens qui ont poursuivi des études jusqu'à
trente ans pour être physiciens ou techniciens, et, au point de vue
religion, ils n'en savent – si encore ils se les rappellent – que les
rudiments appris lorsqu'ils avaient huit ans! C'est un scandale! Et
vous vous étonnez qu'ils perdent la foi, ces gens-là ? Est-ce qu'ils
songeront à s'en accuser ?
Et le quatrième commandement: Oui, tu sais, mon petit, il faut bien
obéir à papa et à maman, autrement le Bon Dieu te punira… Et
c'est vrai, il faut le leur dire parce que c'est vrai, mais ce
commandement n'est pas seulement pour les petits, hein ? Il est fait
aussi pour les parents; il est fait aussi pour tous ceux qui exercent
une autorité à quelque titre que ce soit. Que l'on soit chef
d'entreprise, directeur, ou tout autre état, il y a là de nombreux
devoirs. Ce n'est pas toujours amusant d'être patron, n'empêche
qu'on aura bien des comptes à rendre à Dieu!
Sur les devoirs de JUSTICE: il y a différentes justices. La justice
commutative se rapporte à l'individu: tant d'heures, tant de travail,
tant de salaire. Il y a aussi la justice sociale: celle-ci n'est pas en
rapport seulement avec l'individu, elle doit être considérée comme
une vraie dette envers la société. Celle-ci se doit de faire vivre les
vieux qui ne peuvent plus gagner leur vie, de faire soigner les
malades, de secourir les sinistrés, de venir en aide aux jeunes
mamans et cette justice sociale n'est pas facultative. A elle se
rattachent aussi les impératifs du code de la route: Beaucoup trop
de gens en prennent à leur aise avec le code et on peut faire bien
des péchés mortels en ne le respectant pas: vous prenez le
tournant à toute allure à votre gauche! Il n'y avait personne en face,
heureusement!… remerciez-en le Bon Dieu! Mais vous auriez pu
faire une catastrophe! Et le péché, vous l'avez fait quand même,
ayant commis l'imprudence de propos délibéré! Peu de gens
s'accusent de péché mortel contre le code de la route, et pourtant il
y en a combien ? Faites seulement trois cents kilomètres sur la
grande route, vous m'en donnerez des nouvelles! Il y a aussi le
devoir d'assistance en cas d'accident: Il est aussi impératif et c'est
un péché grave de s'y dérober.
Et sur le cinquième commandement: le meurtre!
Pauvre France… C'est par millions maintenant qu'avec ces
méthodes nouvelles on assassine des enfants dans le sein de leur
mère. Dès l'enfant conçu, Dieu lui donne une âme: que de péchés
graves, dites-moi! Car, en plus de la maman, il y a généralement le
papa qui y consent et tous ceux qui y participent, la tireuse de
cartes qui a vendu la drogue, comme l'amie qui a cru rendre service
en disant comment il fallait s'y prendre et qui a peut-être facilité la
chose! Que de crimes, en France, en Suisse, sans parler des autres
pays, que de péchés! Et vous ne voulez pas que Dieu nous châtie ?
Il y a aussi un autre assassinat qu'on appelle le scandale. Je
n'appelle pas scandale le fait de faire crier les gens du village, –
quand ces derniers crient, cela peut leur faire du bien –, mais
j'appelle scandale être responsable des péchés mortels commis par
d'autres! Et puis, généralement cela se propage!
Et le pardon: c'est parfois très ennuyeux et très pénible de
pardonner, et pourtant, Messieurs, si nous ne pardonnons pas,
nous ne serons pas pardonnés! Notre-Seigneur le dit Lui-même
dans la prière à son Père, donc attention!
Quelle responsabilité, mes chers Messieurs! Le Saint roi David
faisait cette prière au Seigneur:
,,Daignez me purifier de mes fautes cachées!”.
Effectivement, nous ne connaissons pas tous nos péchés. Ne vous
désespérez pas car ces péchés, Dieu accepte de vous les
pardonner à condition que vous demandiez pardon de tous ceux
dont vous vous souvenez et de tous ceux dont vous ne vous
souvenez pas. Dans sa bonté, Dieu vous les pardonnera tous: c'est
ce qu'on appelle la contrition universelle. Mais ils ont pu être
commis! Que de péchés!
Et les péchés contre l'impureté: Saint Alphonse de Ligori nous dit
que sur cent pécheurs qui tombent en enfer, quatre-vingt-dix-neuf y
sont à cause du péché d'impureté: regards, pensées, paroles,
péchés de désir… mais attention, ne confondez pas tentation et
péché, ne confondez pas voir et regarder, ne confondez pas sentir
et consentir. Pour qu'il y ait péché mortel, tant pour l'impureté que
pour les autres commandements, il faut trois choses (Si les trois n'y
sont pas, il n'y a pas de péché mortel) il faut d'abord que ce soit un
commandement grave (et l'impureté l'est toujours), qu'il y ait pleine
advertance et qu'il y ait plein consentement. Si vous dormez à
moitié, il n'y a pas pleine advertance; sachant ce que l'on fait, il peut
y avoir alors péché plus ou moins grave dans la mesure de cette
advertance même. Il faut qu'il y ait plein consentement: quelquefois
on ne veut pas, on s'en défend, puis on y pense quand même: le
péché mortel n'est pas évident. Mais les trois conditions réunies, il y
a péché mortel, même si ce n'est qu'en pensée ou en désirs. Que
de péchés!
Et les bals!… Alors, mon Père, les bals ce sont des péchés ? – Non,
les bals en eux-mêmes ne sont pas des péchés, mais ils sont la
source de péchés, l'occasion de péchés. Quand on organise un bal
dans une paroisse, sachez qu'il y aura beaucoup de péchés mortels
qui se feront soit pendant le bal, soit à côté du bal, soit après le bal,
même longtemps après le bal. Qu'on ne vienne pas me raconter
des histoires sur ce sujet! Que de péchés, Messieurs!
Et le péché solitaire… Pauvres jeunes gens, chez beaucoup, quelle
obsession tyrannique qui en devient un vice!
Et le péché de fornication qui est celui de relations sexuelles entre
deux sexes différents en dehors du mariage… Dans le mariage, ces
relations constituent un acte sain, noble, grand, quand elles sont
pour la fin à laquelle elles doivent tendre, mais en dehors du
mariage, c'est toujours un péché mortel grave. Si l'un d'eux est
marié, cela se double d'un adultère et si tous les deux sont mariés, il
y a double adultère.
Et le péché qu'on appelle le divorce, dites-moi! Le Bon Dieu a fait
une loi, les hommes se permettent de légiférer en cette matière et
promulguent cette injustice: le divorce, qu'ils appellent loi. Pour tous
ceux qui ont fait un peu de droit, ils savent bien qu'on ne peut
appeler loi ce qui n'est pas porté par l'autorité compétente et n'est
pas fait en faveur du bien public. S'il n'y a pas ces deux conditions,
ce n'est pas une loi. Sont-ils une autorité compétente, ces députés
qui ont décidé qu'il est loisible de séparer ceux que Dieu a unis ?
Dites-moi: ils ne sont pas l'autorité compétente? Et croyez-vous
qu'ils travaillent au bien public, quand on pense à ces millions de
petits laissés à la traîne ? Quel malheur!
Et le péché dans le mariage ? Dieu a mis un plaisir à cet acte pour
favoriser l'échange, mais vouloir goûter le plaisir par des moyens
qui interdisent la procréation, c'est ce qu'on appelle l'onanisme, du
nom d'Onan. Ce dernier était un petit-fils de Jacob qui fit cela et la
Sainte Écriture dit qu'Onan commettait un crime abominable et qu'il
fut condamné à mort par Dieu pour avoir osé faire cela.
- Mais, mon Père, tout le monde fait cela maintenant!…
- Oui, ils font cela, mais s'ils ne se convertissent pas ils se damnent
parce que Dieu est Dieu et Dieu n'a pas démissionné.
- Mais pourtant, mon Père, on m'a déjà donné l'absolution…
- Mon cher ami, la loi de Dieu reste toujours la même: ce n'est pas
le vingtième siècle qui la fera changer, car elle ne changera jamais,
et personne au monde n'a le droit de modifier cette loi qui est la
doctrine de la Sainte Église. On peut peut-être tromper le
confesseur par l'ambiguïté de certains aveux, et généralement, ce
dernier fait confiance au pénitent qui récite: ,,Mon Dieu, j'ai une
extrême douleur…” mais si dans la pensée le pénitent a l'intention
de recommencer autant dire qu'une absolution ainsi reçue est un
emplâtre sur une jambe de bois, car elle n'est valable qu'autant qu'il
veut se convertir.
Et les péchés contre la justice ?
A notre époque on n'en parle presque pas. Attention! Notre Dieu est
un Dieu de justice et Il n'a pas démissionné! Restitution ou
Damnation! A chacun son dû, ne l'oubliez pas! car ,,Le Ciel et la
terre passeront plutôt que soit retranché un seul iota de ma loi!”.
On s'imagine qu'au vingtième siècle on n'est plus obligé de tenir
compte du décalogue comme au Moyen-âge! – cela m'a été dit à
Paris! – Oui, là aussi, Dieu est Dieu, et la justice doit être
intégralement observée, pas seulement en paroles, mais en
pensées aussi: tous ces jugements téméraires, ces médisances,
toutes ces calomnies; nous sommes tenus de réparer le mal que
nous avons pu faire!
Et les commandements de l'Église ? L'Église a le droit de porter des
commandements. Si l'on désobéit à l'Église, c'est à Dieu qu'on le
fait. Il y en a, ô combien! qui s'arrogent le droit de critiquer le Pape,
de critiquer les Évêques… Attention, mes chers Messieurs, il nous
faut sentir avec l'Église… Dans les réunions de onze heures on
vous développera cela…
Et les péchés capitaux ? On les appelle ainsi parce qu'ils sont la
source des péchés. L'orgueil, la gourmandise, la luxure, la jalousie,
l'avarice, avec tous les péchés que cela entraîne; par exemple, ceux
qui se livrent au jeu… On n'a pas le droit de jeter son argent comme
cela alors que votre famille en a besoin pour vivre, que vos enfants
ont leurs études, que vous risquez peut-être des dettes!
Et la colère, la gourmandise et l'ivrognerie: des vices dont il faut se
corriger! C'est d'ailleurs relativement facile, mais quelqu'un qui ne
voudrait pas s'assujettir à se corriger pècherait gravement. C'est
encore Saint Paul qui dit à ce sujet: ,,Ni les incrédules, ni les
impudiques, ni les voleurs, ni les onanistes, ni les ivrognes
n'entreront dans le royaume des cieux…”.
C'est Saint Paul qui dit ça, inspiré par le Saint-Esprit!
Que de péchés, mes chers amis, et si vous y ajoutez les occasions
de péché, les habitudes de péché!…
On en prend l'habitude, mon Père, ce n'est plus grave!…
Mon cher ami, sachez que c'est encore plus grave et, si vous ne
voulez pas vous corriger de l'habitude, vous compromettez
gravement votre salut éternel!
Et ces états de péché, état de sacrilège, état d'incrédulité, état de
pécheur public, que de péchés!… Et vous ne voulez pas que Dieu
nous châtie ?
Allez faire, mes chers Messieurs, cette méditation salutaire. Il s'agit
de revoir devant Dieu votre passé, non pour préparer point par point
votre confession, mais surtout pour voir votre passé en général à
l'aide des divers points des premier et deuxième exercices où vous
avez déjà senti quelque mouvement en votre âme. Devant toutes
ces bassesses du genre humain et vos propres fautes, criez vers le
Seigneur qu'Il vous accorde les larmes d'une contrition parfaite qui
vous réconciliera avec Lui.
Je vous rappelle les trois colloques que vous ferez en Lui
demandant pardon du fond du cœur, quand sonneront les coups
doubles:
- Le premier à la Sainte Vierge, terminé par AVE MARIA
- Le deuxième au Sacré-Cœur, terminé par ÂME DE JESUS-
CHRIST
- Le troisième au Père Éternel, terminé par PATER NOSTER.

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ENFER : Peine du Sens
En préambule: sur le mariage

Mes chers Messieurs, les confessions seront entendues demain.


Que chacun la prépare tranquillement… Nous avons tous notre
paquet n'est-ce pas ?… On vous conseille beaucoup de faire une
confession générale prenant toute la vie ou une partie de la vie; on
vous en parlera d'ailleurs plus longuement tout à l'heure. A la page
323 de votre livre, vous avez une préparation assez bien faite, mais,
(et je dis cela pour les hommes mariés) pensez, dans votre examen
de conscience, à cette question du mariage sur laquelle on dit
beaucoup de bêtises, surtout en ce moment…
Je mettrai les choses au point par quelques lignes du Pape PIE XII
à ce sujet, car il s'agit d'inepties que l'on colporte même dans des
revues et journaux catholiques.
Saint Paul nous dit que la femme se sauvera par l'enfantement, non
pas que l'Église soit nataliste "à tout crin" comme on dit. Non! …
mais l'Église nous dit que les gens mariés ne doivent pas pécher
dans le mariage, et l'onanisme est une chose contre nature que
Dieu lui-même appelle dans l'Écriture "Pessimachose très
mauvaise" . Dans cette fonction humaine de collaborer au plan de
Dieu par la procréation, afin que le Ciel se peuple d'élus, on prend
le plaisir qui y est attaché tout en écartant les conséquences de
l'acte. C'est ce qu'on appelle l'onanisme conjugal… une chose très
mauvaise que les époux n'ont jamais le droit de faire.
Je vous rappelle, à la suite du Pape qui le fait avec grande force,
que lorsqu'on limite l'acte aux périodes de stérilité naturelle – ce
qu'on dénomme méthode OGINO-KNOX ou semblables, de
températures, ou autres que la science pourrait définir – il est licite
d'en faire usage, mais il faut en avoir des raisons graves.
,,Cependant (c'est le Pape qui parle), la permission morale d'une
telle conduite des époux serait à affirmer ou à nier, selon que
l'intention d'observer constamment ces périodes est fondée ou non
sur des motifs suffisants et sûrs. Le seul fait pour les époux de ne
pas pervertir l'acte naturel et d'être prêts à accepter l'enfant qui,
malgré leurs précautions, viendrait au monde, ne suffirait pas à lui
seul à garantir la rectitude des intentions et la moralité absolue des
motifs. La raison est que le mariage oblige à un état de vie, qui, s'il
confère des droits certains, impose aussi l'accomplissement d'une
œuvre positive qui est en rapport avec ce même état. Alors dans ce
cas, on peut appliquer le principe général suivant lequel une
prestation, c'est-à-dire de fournir des enfants, peut être omise si de
graves motifs, indépendants de la bonne volonté de ceux qui y sont
tenus, établissent que cette fourniture, cette prestation est
inopportune et même, n'est-ce pas, que le requérant (le genre
humain) ne peut pas la réclamer”.
Alors, quand est-ce que cette chose est inopportune ? Eh bien le
Pape dit: ,,Il suit que l'observation des périodes d'infécondité peut
être licite (méthode Ogino ou autres semblables) permise, morale,
lorsque ces conditions se réalisent. Certains peuvent être dispensés
en effet, même pour longtemps, même pendant toute la durée du
mariage, pour des motifs sérieux comme ceux qu'il n'est pas rare de
compter dans ce qu'on appelle "l'indication médicale", c'est-à-dire le
médecin qui dit: Non, votre femme en ce moment ne peut pas avoir
d'enfant! Alors, dans cette hypothèse, on peut se servir de la
méthode Ogino, ou bien dans l'indication eugénique, voire même
économique; dans les difficultés passagères, économiques et
sociales, dans les perturbations sociales: guerres ou autres. Si
cependant, ajoute le pape, il n'y a pas selon un jugement
raisonnable et juste de semblables raisons personnelles ou graves,
ou provenant de circonstances extérieures, la volonté d'éviter
habituellement la fécondité de leur union, tout en continuant à
satisfaire leur sensualité ne peut provenir que d'une appréciation
fausse de la vie et de motifs étrangers aux droites règles de la
morale”.
Et dans un autre endroit, le Pape fait remarquer:
,,Il est un terrain sur lequel cette éducation de l'opinion publique et
sa rectification s'impose avec une urgence tragique. Elle s'est
trouvée sur ce terrain pervertie par une propagande que l'on
n'hésiterait pas à appeler funeste (bien qu'elle émane cette fois de
sources catholiques) et qu'elle vise à agir sur les catholiques,
même si ceux qui l'exercent ne paraissent pas se douter qu'il sont, à
leur insu, illusionnés par l'esprit du mal : nous voulons parler
d'écrits, de livres, d'articles touchant l'initiation sexuelle qui souvent
obtiennent de nos jours d'énormes succès de librairie, inondant le
monde entier, envahissant l'enfance, submergeant la génération
montante, troublant les fiancés et les jeunes époux”.
Alors, mes chers Messieurs, si quelques-uns d'entre vous ont des
difficultés à ce sujet, des inquiétudes, des choses pas claires, nous
ne pouvons pas, même en assemblée de seuls hommes, entrer ici
dans trop de détails, vous le comprenez ? … Venez donc nous
trouver en particulier avant ou après la confession; mais il y a là, à
notre époque, c'est certain, un sujet très important, voire même
essentiel, sur lequel les catholiques ne sont pas toujours éclairés
comme il se devrait. Ce que je vous ai dit à ce sujet, ce sont les
paroles même du Pape Pie XII, et sur cette question, il avait quand
même quelque chose à dire, n'est-il pas vrai ?
Tout récemment encore, cet enseignement vient d'être confirmé on
ne peut plus clairement par le pape Paul VI, actuellement régnant,
dans l'encyclique sur la régulation des naissances "HUMANAE
VITAE" qui vient de paraître. Nous vous conseillons de vous la
procurer et de l'étudier. Après tout le bruit qu'on a fait sur les
contraceptifs, il est bon que vous soyez bien instruits de cette
question pour être à même de rétablir la vérité si contestée de nos
jours.
Mes chers Messieurs, nous allons maintenant faire la première des
deux méditations sur l'enfer.
Voulez-vous prendre la page 450 de votre livre; il y a là les
dernières lignes écrites par Saint Ignace dans sa méthode:
18ème Règle pour sentir avec l'Église:
,,Bien qu'on doive estimer par-dessus tout le service généreux de
Dieu, Notre-Seigneur, par le motif du pur amour, nous devons
cependant louer beaucoup la crainte de la Divine Majesté parce que
non seulement la crainte filiale est chose pieuse et très sainte, mais
même la crainte servile, quand on ne s'élève à rien de meilleur et de
plus utile, aide beaucoup à sortir du péché mortel, et lorsqu'on en
est sorti, on parvient facilement à la crainte filiale qui est tout aussi
agréable et chère à Dieu parce qu'elle ne fait qu'un avec son
amour”.
J'attire d'abord votre attention sur le fait que ce livre de Saint
Ignace, cette méthode approuvée depuis quatre siècles par les
Souverains Pontifes, ne les a pas amenés à dire, ce me semble,
que cette dernière règle était de trop et qu'il fallait arracher cette
dernière page! … C'était d'autant plus facile qu'il s'agissait des
dernières lignes! … C'était fini et on n'en aurait plus parlé! … Non,
non ! et que nous dit Saint Ignace dans cette dernière Règle sinon
que, dans nos rapports avec Dieu, il devrait y avoir de la part de
l'homme une réponse d'amour ?
Dieu est amour, amour éternel. Dieu nous a créés par amour. Dieu,
répétons-le, nous a proposé de collaborer avec Lui pour réaliser son
rêve d'amour qui dépasse toutes nos conceptions; alors, nous dit
Saint Ignace, la réponse de l'homme devrait être du même ordre
semble-t-il! L'Amour nous ayant sortis du Néant, nous devrions
répondre à cet Amour par notre amour! … cela serait normal: dans
les familles où les enfants sont ce qu'ils doivent être, il n'est pas
nécessaire que la maman ou le papa, à chaque instant, brandisse
un martinet ou tende une pièce de 5 francs pour les faire marcher ?
… Non ! … papa commande, maman demande et on obéit pour
faire plaisir. Et après avoir rappelé ce qui devrait être, ce qui serait
normal dans nos rapports avec Dieu, Saint Ignace nous prend
comme nous sommes: pauvres hommes avec nos passions, nos
défaillances, nos faiblesses, nos misères et il ajoute: ,,que bien
qu'on doive estimer par-dessus tout le service généreux de Dieu par
pur amour, nous devons cependant louer beaucoup la crainte de la
Divine Majesté, non seulement la crainte filiale qui est chose pieuse
et très sainte, mais même la crainte servile”.
A ce point de vue, Messieurs, il faut nous rappeler qu'il y a trois
sortes de crainte: une crainte excellente, une crainte bonne, une
crainte mauvaise.
La crainte excellente est celle qu'on appelle la crainte filiale: elle
regarde la faute mais ne la fait pas parce que cela va faire de la
peine… voyez… c'est par amour qu'elle ne commet pas la faute…
le motif qui fait agir ainsi est en soi très noble, très élevé…

La crainte qu'on appelle servile est bonne, quoique pas excellente:


cette crainte regarde la faute, mais elle regarde aussi les
conséquences de la faute, c'est-à-dire la punition qui doit en résulter
pour rétablir la justice. Pour ne pas encourir cette punition, elle évite
la faute… Vous le voyez vous-même, ce n'est pas très relevé! …
Cependant, nous dit encore Saint Ignace, ,,la crainte simplement
service, lorsqu'on n'a pas de motif meilleur, aide beaucoup à sortir
du péché mortel et même de l'habitude du péché véniel qui conduit
au péché mortel”.
Et puis il y a enfin une crainte mauvaise qu'on appelle "servilement
servile" : par exemple quelqu'un qui dirait à Dieu: ,,Mon Dieu, vous
savez, heureusement qu'il y a un Enfer, parce que s'il n'y en avait
pas, j'en ferais des cabrioles avec votre loi, hou là là! … mais
comme il y en a un, je vais tâcher de me tenir à carreau…”.
C'est mauvais, même blasphématoire, c'est se moquer de Dieu…
Alors résumons: une excellente, une bonne, une mauvaise.
L'excellente marche avec l'amour, la bonne, bien que très peu
relevée, peut conduire à l'amour, et enfin, la crainte servilement
servile, mauvaise en soi.
Et que pense-t-on de l'Enfer ?
J'ai ici un discours du Pape Pie XII aux prédicateurs du Carême lors
de l'année sainte à Rome. Il leur fait d'abord un tableau du monde
moderne qui n'est pas très réjouissant, et termine en disant que
,,pour réveiller l'esprit de pénitence et de prière, la prédication des
vérités fondamentales de la Foi et des fins dernières de l'homme,
non seulement n'a rien perdu de son opportunité en notre temps,
mais elle est devenue plus nécessaire et plus urgente que jamais”…
Qu'appelle-t-on prédication des vérités fondamentales ?
Eh bien, rappelez-vous hier, au commencement de la retraite, nous
avons vue le "Principe et Fondement", la Vérité fondamentale; et le
devoir pour les prédicateurs est de rappeler à leurs auditeurs, aux
fidèles, ce qui pour eux est le fondement de leur destinée: le salut et
l'éternité…
Qu'appelle-t-on prédication des fins dernières ?
Comme le mot l'indique, c'est ce qui arrive à l'homme en dernier
lieu, c'est-à-dire après la dernière maladie: la mort, le jugement
particulier, le jugement général, le Ciel, l'Enfer… Voilà ce que la
prédication apostolique pendant vingt siècles désigne comme "fins
dernières", et le pape nous dit que ,,non seulement elle n'a rien
perdu de son opportunité, mais qu'elle est devenue plus urgente et
plus nécessaire que jamais”.
,,Cette remarque, dit encore le Saint-Père, vaut aussi pour les
sermons sur l'Enfer (remarquez que ces derniers sont déjà inclus
dans la prédication des fins dernières, donc le Souverain Pontife en
fait une mention spéciale). Certes, continue-t-il, il s'agit d'un sujet
qui doit être traité avec dignité et avec sagesse, mais, quant à la
substance de cet enseignement, l'Église a, devant Dieu et devant
les hommes, le devoir sacré de l'annoncer sans aucune atténuation,
comme le Christ l'a révélé. Sans doute, le désir du Ciel est en soi un
motif plus parfait que la crainte des peines éternelles, mais il ne s'en
suit pas qu'il soit toujours et partout le plus efficace pour écarter les
hommes du péché et pour les ramener à Dieu”.
Donc, au témoignage du Saint-Père, un motif peut être plus parfait
qu'un autre et être moins efficace…
Saint Ignace disait: ,,Seul devrait nous guider le seul motif de
l'amour” cela serait normal, mais il nous dit cependant ,,que le motif
de la crainte servile est bon”. D'où conclusions identiques, bien
qu'exprimée différemment.
Alors, mes chers Messieurs, pour en tenir compte et suivre notre
guide, nous allons faire une méditation sur l'Enfer…
Beaucoup de catholiques, à notre époque surtout, font ce qu'on
appelle l'argument de l'autruche: ils pensent que de fermer les yeux
à la réalité vont les libérer de cette réalité, alors que cela ne change
absolument rien.
On veut bien nous dire que l'autruche, quand elle se voit en danger,
poursuivie par les chasseurs, les lions ou autres fauves, met sa tête
dans le sable derrière une pierre, se croyant sauvée parce que ne
voyant plus le danger. (Remarquez en passant que les autruches
ne sont pas si bêtes que ça, hein! J'ai vu un jour un spécialiste de la
grande chasse en Afrique, et il m'a dit: ,,Pensez-vous que les
autruches soient si bêtes, quand même!”). Ainsi, les autruches, en
réalité, ne le font pas! Mais les hommes, oui! Et il y a combien de
catholiques qui le font ? …
C'est formidable! … lorsqu'on entend ce qu'en dit le Pape; lorsqu'on
sait ce qu'en ont dit les Saints; lorsqu'on sait ce qu'en a dit Notre-
Seigneur lui-même, on se demande vraiment si c'est sérieux de leur
part! …
J'ai pris la peine de relever dans les évangiles les endroits où Notre-
Seigneur parle de l'Enfer, directement ou en parabole indirectement:
eh bien 63 fois, alors qu'il n'a parlé qu'à deux reprises du baptême,
et chaque fois que je vois une Croix, je comprends, moi, que cela
doit être sérieux!…
Si Notre-Seigneur Jésus-Christ a pris un moyen pareil, Lui, le Fils
de Dieu, cela doit quand même nous inciter à réfléchir, non ? …
A voir tant de gens déboussolés à notre époque, on aurait parfois
l'impression que ce n'est pas sérieux, que c'est de la rigolade cette
histoire-là, que tout le monde va au Ciel en 404, sans rien faire,
quoi!…
Pourtant, c'est partout que nous voyons chez les hommes l'épreuve
s'installer: il y a des épreuves à subir pour obtenir des diplômes,
pour des situations, pour être député… Il y a des épreuves pour les
sportifs… pour tout… pour tout il y a des concours, des
éliminatoires… et ce n'est que pour le Ciel qu'il n'y aurait plus
d'épreuve maintenant ? Tout le monde pourrait y arriver sans rien
faire ? … au fond, les imbéciles… ce sont ceux qui se gênent, qui
croient encore à l'Enfer… d'après ce que pensent tous ces gens-
là…
Mes chers Messieurs, je vous l'ai déjà dit et j'y reviens: lorsqu'on
sait ce qu'en pensent Notre-Seigneur, la Sainte Vierge, les Saints et
les Papes, croyez-moi, on est en bonne position, car ils en ont parlé
eux, de l'Enfer…
Un jour, un religieux me dit: ,,Mais, mon Père, vous devez leur faire
peur à ces hommes!… moi, je crois qu'en leur parlant d'amour…".
Écoutez, mon Révérend Père, lui ai-je rétorqué, je voudrais que
Saint Bernard vous prêche une retraite, lui, le chantre de Marie!
Vous en entendriez des choses! Et Saint Thomas d'Aquin, Saint
Louis Marie de Montfort, le Saint Curé d'Ars, et même Saint
François d'Assise, hein ?… oui, je voudrais que vous puissiez les
écouter… La Sainte Vierge aussi y croyait à l'Enfer, et s'il était
tombé en déconfiture depuis le moyen-âge, elle nous l'aurait sans
doute dit!…
Mais, comme vous le savez, elle est apparue à La Salette, là-bas
dans les Alpes, puis elle est revenue à Lourdes, dans les Pyrénées,
réclamant toujours des pénitences et des prières, et puis au
Portugal à Fatima; et si une bombe atomique était tombée sur
l'enfer, elle nous l'aurait dit: ,,Mon petit, maintenant, moi, lo, (((???)))
hein ?… L'enfer "Ffuit"… Vous serez bien tranquilles dorénavant…”.
Mais voilà, la Sainte Vierge a exactement dit le contraire: A Fatima,
en plein 20ème siècle, elle a entrouvert l'enfer à trois petits enfants,
et pour accréditer cela, elle a confirmé son message par un miracle
extraordinaire, le Prodige solaire…
Lorsqu'on lit la Bible, l'Ancien Testament et qu'on arrive par
exemple au miracle des Hébreux qui traversaient la Mer Rouge, ou
bien au miracle de Josué qui a arrêté le soleil pour avoir la victoire,
il y a des gens qui se croient malins en laissant entendre que tout
cela c'était du folklore… alors qu'il y a à peine 50 ans, et que vivent
encore des témoins oculaires, le prodige solaire a été constaté à
Fatima par 70'000 spectateurs venus de partout!… Les francs-
maçons, qui pullulaient au Portugal et se trouvaient nombreux dans
cette lande pour en ricaner ont vraisemblablement dû se rappeler
quelques prières quand ils ont vu le soleil leur tomber dessus… Ah!
ils y ont cru à ce moment-là… même le rédacteur en chef du "O
Seculo" journal libre-penseur qui, relatant le prodige parce qu'il
l'avait constaté, fut mis à la porte du parti par son Comité Central
l'accusant d'avoir touché de l'argent des Curés pour dire cela…
Et oui, Messieurs, la Sainte Vierge a montré l'enfer et elle a prouvé
que c'était elle qui parlait et un évêque italien a appelé les
apparitions de Fatima "une nouvelle révélation de l'Enfer à un
monde qui ne veut plus y croire". Par ailleurs, Lucie, encore en vie,
l'aînée des trois (les deux autres ont été rappelés à Dieu peu après)
a écrit ,,qu'il était certain qu'on n'avait pas donné à ces apparitions
les suites qu'elles auraient dû compter”. En France, on a appris ces
choses-là plusieurs années plus tard!… et Dieu sait pourtant si les
journaux savent nous raconter des histoires plus ou moins vraies,
même les "oh" d'une vedette plus ou moins connue… mais de ces
choses-là, ils ne veulent pas en parler… ou le moins possible,
lorsqu'il y sont contraints…
Et le Saint Curé d'Ars en a parlé lui aussi, quand il disait tous les
dimanches à ses jeunes ,,vous vous damnez” … Pourtant il
connaissait l'amour brûlant du Cœur de Jésus, et les bals, à cette
époque, étaient plus convenables que maintenant, cela ne fait
aucun doute, mais il savait que pour gagner le Ciel il faut laisser de
côté toutes les occasions, toutes les sources de péchés, et qu'il vaut
mieux cent fois faire des sacrifices que de se dissiper…
Oui, mes chers Messieurs, je voudrais bien pouvoir vous faire un
rabais, mais croyez-moi, si cela était possible, je le ferais d'abord
pour moi, n'est-il pas vrai ?… Un jour Saint Augustin dit à ses
auditeurs d'Hippone: ,,Vous avez tremblé, mais j'ai tremblé avant
vous!” … parce que les prêtres, nous, nous serons soignés au
passage, hein ?… C'est évident! et c'est normal! C'est normal,
parce que c'est nous qui détenons les plus grosses responsabilités
puisque c'est nous qui devons rappeler aux autres leurs devoirs…
Alors, moi, je vais essayer de dégager la mienne… Vous, vous êtes
libres, mais remarquez que vous aussi, comme moi, vous aurez à
rendre compte!……
Eh oui, il y a un Enfer et c'est une méditation très salutaire que vous
allez faire. Je n'ai pas le temps de vous lire la vision qu'a eue Sainte
Thérèse d'Avila, la grande Thérèse, mais je peux vous dire
cependant les effets de sa vision qu'elle raconte au chapitre 32ème
de sa vie par elle-même.
Elle a écrit cela par obéissance.
Elle se voit donc en enfer, à l'endroit où ses péchés l'auraient
conduite, si elle ne s'était pas ressaisie et convertie. Remarquez
que Sainte Thérèse s'est convertie assez tard. Elle était auparavant
une bonne religieuse, mais sans plus, elle ne "cassait" rien! vous
voyez ce que je veux dire, et puis, à 40 ans, elle a complètement
changé de vie et c'est à partir de là qu'elle a avancé à pas de géant
dans la sainteté.
Effets de la vision: Premièrement du courage.
,,Je ne sais, écrit-elle, comment cela se fit, mais je compris que
c'était pour moi une très grande grâce. La torture du feu de ce
monde est bien peu de chose en comparaison du feu de l'enfer.
Aussi, je fus épouvantée et je ne crains pas de le dire, c'est là une
grâce des plus insignes que le Seigneur m'ait jamais accordée; j'en
ai tiré le plus grand profit. Elle m'a ôté la crainte des tribulations et
des contradictions de la vie; elle m'a donné le courage de tout
supporter; cette vision m'a procuré en outre une douleur immense
de la perte de tant d'âmes. Il me semble en vérité que pour délivrer
une seule âme d'aussi horribles tourments, je souffrirais volontiers
mille fois la mort. Je ne sais comment nous pouvons vivre en repos
quand nous voyons tant d'âmes que le démon entraîne avec lui en
enfer”.
Dieu sait pourtant si cette Sainte connaissait l'amour de Dieu, elle,
la grande amante de Notre-Seigneur Jésus-Christ!…
Deuxièmement:
,,Désireux de sauver notre âme à tout prix, cela conduit à désirer
que dans l'affaire si importante du salut, nous ne soyons satisfaits
qu'à la condition de faire tout, tout ce qui dépend de nous. Ainsi est-
il dangereux de nous contenter de nos faibles vertus et une âme
qui, à chaque pas tombe dans le péché mortel, ne devrait goûter ici-
bas, ni repos, ni joie. Aussi, pour l'amour de Dieu, retirons-nous des
occasions dangereuses et Notre-Seigneur nous aidera comme Il l'a
fait à mon égard. Plaise à la Divine Majesté de ne point
m'abandonner de sa main, afin que je ne retombe plus à l'avenir,
car j'ai déjà vu la demeure où je devais aboutir. Que le Seigneur ne
le permette jamais, je l'en supplie par ses perfections infinies”.
Je vous disais ce matin, qu'au témoignage de ses confesseurs (ils
ont pu le faire après sa mort), Sainte Thérèse n'a jamais commis de
péché mortel, mais elle était dans une vie facile, dans un couvent
de carmélites qui se trouvait quelque peu relâché. Et puis, elle a
changé de vie; elle a compris par cette vision que si elle ne l'avait
pas fait, elle serait allée beaucoup plus loin. On voit comment tous
les petits désordres mènent loin parfois, car les habitudes de péché
véniel conduisent tôt ou tard au péché grave.
Nous allons donc faire cette méditation que Sainte Thérèse appelle
"une très grande grâce".
Mais pourquoi les prédicateurs modernes ne peuvent-ils plus
généralement faire obtenir cette grâce ? Eh bien, parce qu'ils
restent impuissants devant beaucoup de catholiques qui ne croient
plus à l'enfer, ou bien, s'il y en a un, on ne sait pas si c'est un
endroit: ou une idée: ou un folklore du moyen-âge!…
Il y a quelques années, je prêchais une retraite à Chaillé les Marais,
dans la Vendée; un jeune étudiant catholique de Niort, dans les
Deux-Sèvres, vint me voir au temps libre qui suivait cette méditation
en entrant en coup de vent dans ma chambre:
– ,,Mon Père, moi, je n'encaisse pas l'enfer” …
– ,,Mais moi non plus, mon Cher, que je lui dis… d'abord calmez-
vous, asseyez-vous là… il ne s'agit pas, voyez-vous de savoir si
vous encaissez l'enfer, vous et moi, … il s'agit de savoir ce qui "est",
du verbe ÊTRE, ce qui est… s'il existe ou non…”.
Alors, un peu déconcerté, il me dit:
– ,,Mais alors, c'est sérieux ? C'est que moi, je n'en ai jamais
entendu parler… ou si peu! Je croyais que c'était une histoire
inventée pour faire peur aux types, n'est-ce pas, aux pauvres
chrétiens infantiles, mais maintenant que nous sommes adultes…”.
Ah! ce jargon d'à présent… Chrétiens adultes! quelle absurdité! un
mot plein d'ambiguïté, pourquoi adultes ? Est-ce parce que nous
avons pris de l'âge ? Mais alors chrétiens conscients de nos
responsabilités serait mieux, ou même "chrétiens" tout court, n'est-il
pas vrai ? Mais dans cet esprit moderniste qui envahit tout,
chrétiens adultes devient le synonyme de chrétiens affranchis, de
chrétiens qui discutent, de chrétiens qui contestent quoi!… Allons
donc, Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus a été proclamée par le Pape
Pie XII la plus grande Sainte des temps modernes parce qu'elle a
su nous rappeler justement que nous devions rester "enfants", pas
adultes, non, "enfants" dans notre vie de chrétiens.
Chrétiens adultes!… Évidemment qu'il faut être des chrétiens
raisonnables et avertis, mais nous devons rester "enfants" à ce
point de vue surtout, Notre-Seigneur l'a assez dit…
Oui, Messieurs, Notre-Seigneur a parlé de l'enfer, la Sainte Vierge a
parlé de l'enfer… donc il y a un enfer!…
Mais attention! C'est que quelquefois, on nous dit qu'il y a un enfer,
mais qu'il n'y a personne dedans… Hé! c'est pareil, c'est comme si
on le niait! Mais les saints, eux, ne sont pas de cet avis, je vous le
faisais remarquer. Lisez donc ce qu'en disent tous les saints à ce
sujet, ceux que je vous citais et les autres… Saint Jean Bosco: on a
découvert un peu avant la guerre de 1938, dans un vieux bahut
niché dans un grenier à Turin, 60 schémas de sermons pour ses
jeunes gens et enfants, 40 étaient axés sur les fins dernières… on
est quand même sur le bon chemin en écoutant les saints… il n'y a
pas que Saint Ignace qui en parle…
Et vous verrez aussi qu'il s'agit d'une méditation très sanctifiante…
Je me souviens à ce sujet d'une retraite à Montmartre, où, il y a
quelques années, un jeune publiciste était venu faire une enquête
religieuse entraîné par un ami.
Élevé dans un milieu bien pensant, il avait eu la foi, mais l'avait
perdue. Il s'est converti et, à la fin de la retraite, il me disait:
,,Au début, je m'amusais follement dans ma chambre; je rigolais de
bon cœur, parce que je retrouvais là des notions qui me
paraissaient folkloriques, en bref ce qu'on m'avait appris dans mon
enfance, c'est-à-dire: le Paradis terrestre, Adam et Eve, rien n'y
manquait!…
Je m'amusais… Ah! ça fait du bien de rire un peu… et puis vous
êtes arrivé au "truc" de l'enfer… moi, je n'y croyais pas et vous,
vous aviez l'air d'y croire!… Alors, je me suis dit: des deux, il y en a
bien un qui se trompe… ou c'est le Curé… ou c'est moi! Et puis,
vous avez mis en avant des arguments (que j'avais connus étant
enfant sans pouvoir les approfondir) alors ces arguments oubliés, je
les ai retrouvés ici et j'ai ensuite essayé de voir, moi, sur quelles
bases j'établissais ma croyance qu'il n'y avait pas d'enfer… et je me
suis trouvé bien obligé d'admettre que je n'avais aucune certitude et
que ma croyance était absurde, qu'elle était uniquement centrée sur
les dires de certains bonshommes de mon genre qui avaient intérêt
à ce qu'il n'y ait pas d'enfer et qui, au fond, pratiquaient l'argument
de l'autruche, en voulant se faire croire à eux-mêmes, qu'il n'y avait
pas d'enfer…
A ce moment, m'a-t-il dit, j'ai commencé à avoir "mal au ventre",
parce que, vous savez, je n'ai quand même pas envie de souffrir
éternellement, je ne suis pas fou à ce point!…
Elle a commencé comme cela, ma conversion, par un "mal au
ventre", et si, auparavant, je n'étais pas dans la retraite, à partir de
ce moment-là, je me suis mis à la faire sérieusement, avec ce mal
au ventre qui s'est par ailleurs accentué…”.
Eh oui, Messieurs, très souvent (cela fait plus de 700 retraites que
je prêche en 25 ans), j'en ai vu des "mal au ventre", mais rassurez-
vous, c'est très salutaire et très sanctifiant; ne vous étonnez pas,
c'est un mal qu'on ne ressent qu'ici! Avec beaucoup de raison
d'ailleurs, on a parfois comparé la première semaine de Saint
Ignace à une purge… et si l'on prend une purge, c'est que d'abord,
ça ne va pas« puis après l'avoir prise, il est normal que "ça
gargouille" un peu, mais on est bien… après, et après, pour vous,
cela sera demain, après les confessions…
Alors, courage, si vous ressentez un peu cela, c'est bon signe, c'est
que le courant passe… que cela produit son effet…
Veuillez donc prendre la page 361. Nous avons là le 5ème exercice:
la méditation sur l'enfer.
Elle renferme, outre la prière préparatoire, deux préambules, cinq
points et un colloque.
La prière préparatoire ne change pas.
Le premier préambule ou composition de lieu:
Je verrai ici, avec l'imagination, la longueur, la largeur, la profondeur
de l'enfer.
Messieurs, l'enfer est un lieu. L'enfer n'est pas une imagination
d'illuminés du moyen-âge. Il n'est pas une idée baroque! L'enfer est
un endroit, un lieu…
L'Église ne l'a pas défini comme tel, c'est pourquoi on ne présente
pas cela comme étant de "foi", mais l'Écriture et l'Église sont
tellement pourvus de citations à ce sujet qu'on dit que c'est de la foi
divine, voyez… c'est Dieu lui-même qui a révélé qu'il y a un enfer…
Il en est de même de beaucoup de vérités qui découlent du trésor
de la Révélation non encore définies par l'Église, raison pour
laquelle on dit communément qu'elles ne sont pas de foi, bien
qu'elles aient été révélées.
Ainsi donc, composition de lieu: nous allons en enfer, voir par
l'imagination ce qui s'y passe. Nous pourrions nous servir très
utilement de la vision même des trois pastoureaux de Fatima,
puisque c'est la Sainte Vierge elle-même qui la leur a présentée.
Ils nous ont raconté cette vision: De même qu'au Portugal en
automne on brûle des monceaux de feuilles mortes, ce qui produit
des flammes dans une épaisse fumée avec de nombreux remous
projetant les feuilles enflammées, soulevées qu'elles sont par les
courants ascendants de l'air chaud, eh bien, dans cette vision, il y
avait aussi un abîme effroyable, un abîme de flammes et de fumées
où l'on voyait monter des choses brillantes comme le sont les
feuilles incandescentes et cela était les âmes reprises dans de
terribles remous, comme des explosions d'étincelles dans les
grands incendies.
C'est la vision des 3 enfants de Fatima: vous pouvez vous en servir
comme cadre de méditation, si vous le voulez.
Deuxième préambule: la demande de grâce.
Que voudrais-je obtenir en faisant cette méditation ?
Saint Ignace nous dit:
,,Ici, je demanderai une connaissance intime des peines que
souffrent les damnés, afin que, si j'oubliais l'amour du Seigneur
éternel à cause de mes fautes, la crainte des peines éternelles
m'aidât à ne point tomber dans le péché”.
Vous voyez, toujours la même idée: nous devons aller tout à Dieu
par amour, mais nos passions nous faisant oublier cet amour,
(combien de fois, comme je vous le disais ce matin, combien
d'hommes ont promis un amour "éternel" à une pauvre fille qui leur
a fait confiance et puis la passion de boire, celle de la chasse, la
passion d'une autre femme, que sais-je, leur font oublier leurs
serments… et à ce moment-là, ils s'en moquent bien de leur femme,
de la vraie… de la légitime! Ah! les passions sont terribles)… eh
bien, quand les passions parlent trop fort, il faudrait nous souvenir
que Dieu, un jour, nous demandera des comptes "afin que si
l'amour du Seigneur, qui seul devrait nous conduire, était oublié à
cause de mes passions et de mes fautes, du moins la crainte des
peines m'empêche de tomber dans le péché”.
Alors, quelle grâce vais-je demander ? Eh bien, celle qu'a eue
Sainte Thérèse, la grâce qu'ont eue aussi les 3 enfants de Fatima et
combien d'autres! Oui, demandez cette grâce. Tâchez de l'obtenir…
Il est évident que si vous compreniez un peu la souffrance des
damnés, le péché deviendrait pour vous impossible à envisager…
Sainte Thérèse disait que c'était l'une des plus grandes grâces que
le Seigneur ait pu lui faire! alors… demandez-la!
Mais en même temps, faisons bien nos petits efforts personnels
pour ne pas nous évader de cette méditation. A cet effet, Saint
Ignace va nous la simplifier: il va nous faire faire une méditation par
application de nos cinq sens. C'est très facile: il vous suffira de voir,
d'entendre, de respirer, de goûter et de toucher, voyez-vous!… vous
servir de vos sens pour mieux comprendre (je vous recommande
aussi de tirer vos volets pendant la méditation, cette lumière crue du
soleil contribuerait à vous sortir du sujet). Donc, après la prière
préparatoire, et la demande de grâce:
Premier point - Regarder
Nous regardons l'enfer en nous servant de la vision des enfants de
Fatima: Nous regardons ce feu immense comme le dit Saint Ignace
et ces âmes comme des corps de feu.
Vous l'avez peut-être remarqué: Saint Ignace est très sobre
d'expressions et de mots… A notre époque nous avons des images
tout aussi effroyables.
Pendant la dernière guerre, par exemple, la capitale de la Saxe,
Dresde, ville ouverte de plus d'un million d'habitants, qui en avril
1945 était par surcroît encombrée de gens, femmes et enfants
fuyant devant les armées russes triomphantes, fut le théâtre, au
cours d'une nuit, d'un bombardement terrible de forteresses
volantes anglaises et américaines. Sur le moment, on avait parlé de
500'000 morts; par la suite ce chiffre a été ramené à 200'000, mais
quand même ce fut une formidable hécatombe!… sans compter
d'innombrables blessés et disparus… C'était la fin du IIIème
Reich…
Vous pouvez aussi vous rappeler celui d'Hiroshima au Japon avec
les effroyables effets d'une seule bombe atomique… On chiffra
80'000 morts d'un seul coup et plus de 120'000 dans la seule année
qui suivit, tués des rayonnements de la radioactivité. Sans compter
tous ceux qui sont décédés depuis. Et maintenant, il y a paraît-il,
des bombes H mille fois plus fortes que celle qui fut utilisée à ce
moment-là, et on expérimente toujours davantage, là-bas en
Arizona, dans le Névada et dans le Pacifique où des Atolls ont été
complètement détruits…
Mais, si puissantes que soient ces bombes, si nombreux que soient
les morts qu'elles entraînent, qu'est-ce cela en comparaison de
l'enfer, où se trouvent les âmes perdues depuis le commencement
pour l'éternité ? On ne peut avancer de chiffres, mais si vous faites
bien votre méditation, peut-être vous demanderez-vous sans vouloir
pour autant préjuger sur leur sort que Dieu seul connaît, s'il ne se
trouve pas parmi les réprouvés certaines connaissances, certains
parents peut-être ?
Si vous montez dans le séjour des bienheureux, là aussi, sans
doute, trouveriez-vous parmi les élus des Saints de votre paroisse,
qui vous ont approché et précédé dans la vie… sans les connaître
et les préciser, il est certain qu'il y a en enfer bien des gens que
nous avons connus… Et ils y sont pour l'éternité… C'est fini pour
eux… fini… fini…
Deuxième point - Entendre
Quelquefois, sur la terre, on parle de bruits d'enfer, de cris de
damnés. Sauf miracle, sur la terre, il ne peut pas y avoir de bruits
d'enfer, ni de cris de damnés. Cependant, il peut y avoir des bruits
effroyables comme certains bombardements: Berlin, par exemple,
vers la fin d'avril 1945, Berlin qui était bombardé plusieurs fois en 24
heures, de jour comme de nuit.
La population vivait dans des caves, mais il fallait bien manger
n'est-ce pas ? Alors, on sortait pour faire la queue et à la nouvelle
alerte, au nouvel hululement de la sirène, on reprenait le souterrain,
mais, entre temps, on s'apercevait qu'il manquait de nouvelles
maisons et que certains qui se trouvaient avec vous n'y étaient plus!
Quelle horreur! Ensevelis dans les décombres…
On s'habituait néanmoins à tout; on pensait que ce n'était que
provisoire, que la guerre finirait bien un jour!…
Mais en enfer, c'est beaucoup plus terrible: là oui, il y a des bruits
d'enfer! là oui, il y a des cris de damnés! Si vous prêtez attention,
vous percevrez un cri qui revient souvent, qui se répète sans cesse,
des phrases qui commencent toujours ainsi: Ah! si… Ah! si… Ah! si
j'avais écouté ma femme qui me disait que je devenais
insupportable… ah! si j'avais écouté cet ami qui s'est dérangé
plusieurs fois pour me faire faire une retraite, et je l'envoyais
promener en lui disant que je n'avais pas le temps!… Vous êtes 30
ici, alors qu'il y a des milliers de gens à la ronde qui devraient (au
moins) essayer de se rendre compte, de faire un minimum
d'enquête et la seule enquête qu'ils font c'est, pour y revenir encore
une fois: l'argument de l'autruche… se fermer les yeux… se
boucher les oreilles… Vous avez des milliers de personnes dans les
Landes, le Gers, et les Pyrénées qui devraient venir, on devrait faire
la queue pour s'inscrire à une retraite, mais non… Ils n'ont pas le
temps! Que c'est navrant!!…
Mais, ceux qui par leur négligence sont maintenant en enfer, ils ont
le temps de faire des retraites, voire même de les recommencer,
même de 30 jours, si ça leur chante… Ici, ils ne voulaient pas
prendre la peine de faire le bilan de leur vie, mais là-bas, oui! Ils font
des bilans, des bilans tragiquement inutiles et chaque fois pour en
terminer avec: Ah! si: Oh! si. Idiot que j'étais… misérable… Ah! si
j'avais écouté! Ah! si j'avais changé de vie… Ah! si j'avais coupé
avec cette habitude… Ah! si j'avais rompu cette liaison… Ah! si…
mais c'est fini… L'enfer est éternel avec ses cris, ses pleurs, ses
hurlements… ses blasphèmes…
Troisième point - Respirer
Respirer, l'odorat, la fumée, le soufre, les odeurs, la sentine, le
pourri.
Je vois encore ce soldat de la guerre 14/18… oui, l'hiver, les
tranchées, l'humidité: j'ai vu des batteries entières avec leurs
chevaux qui disparaissaient dans la boue! Mais l'été ? Je me
souviens d'un été en Champagne pouilleuse: nous étions à
quelques mètres des Allemands, et le secteur étant très actif, plus
que jamais nous avions des attaques très sanglantes, et là, entre
les tranchées, dans les fils de fer barbelés, il y avait des corps qui
pourrissaient au soleil! Allemands et français, tout cela avec des
grosses mouches vertes… quelle horreur!… C'est je crois le plus
mauvais souvenir que j'ai gardé de cette guerre… on retrouve des
situations semblables dans les tremblements de terre… combien de
villes qui sont comme rasées dans des craquements sinistres:
Rappelez-vous Agadir, il y a à peine quelques années; maintenant
la Sicile, avec tous ces morts enfouis dans les décombres, qui
dégagent une odeur infecte, pestilentielle… ajoutez-y l'odeur
nauséabonde du soufre dégagée par ces tremblements et vous
aurez ainsi une faible image de ce que l'on doit respirer en ce lieu
où se trouvent ceux dont l'âme était corrompue.
Quatrième point - Goûter
Avec le goût, goûter toutes les amertumes, les larmes, la tristesse,
le ver de la conscience (Saint Ignace donne ici évidemment un sens
très spirituel)…
Dans le tympan des cathédrales gothiques on y a sculpté
généralement un jugement dernier: celui de Bazas est
particulièrement remarquable, tellement la pierre donne l'impression
de parler: les gens semblent jaillir de terre pour être jugés, et tandis
qu'on voit les Saints monter avec Notre-Seigneur au Ciel, on voit les
autres descendre en enfer… Mais à Sainte-Cécile à Albi, c'est en
peinture qu'il est représenté derrière l'endroit où se situait l'autel (qui
n'y est plus en fait, depuis que notre République Française a fait un
musée de cette magnifique cathédrale en briques rouges!), donc on
voit là Notre-Seigneur très haut et puis, devant les spectateurs, les
damnés, les démons grimaçants… les peintres ont rendu avec une
très grande force, la tristesse qui se dégage de tous ces visages de
damnés, travail réalisé par des spécialistes florentins… oui, comme
elle est bien rendue là, cette effroyable tristesse des réprouvés!…
Cinquième point - Toucher
Saint Ignace nous ramène aux flammes: il y a là une souffrance que
nous croyons connaître un peu. Qui ne s'est pas brûlé plus ou
moins en touchant un objet très chaud ? Mais qu'est-ce cela en
comparaison de l'enfer ?
Je me rappelle comment, jeune militaire à Marseille, je fus au
courant de l'accident d'une femme qui, en trafiquant avec un produit
à essence près de son fourneau, fut brûlée comme une torche. Elle
a agonisé pendant 3 jours et 3 nuits, elle criait tout le temps, on en
était malade! Mais les tortures de l'enfer, ce n'est pas comparable…
Ce n'est pas 3 jours que cela dure, ce n'est pas 3 semaines, ce
n'est pas 3 mois, ce n'est pas 3 ans, ce n'est pas 3'000 ans, ce n'est
pas 3'000 siècles… l'enfer c'est à tout jamais ,,Allez, maudits, au feu
éternel qui a été préparé pour vous et les mauvais anges”! Allez
maudits… allez… C'est Notre-Seigneur qui a dit cela… C'est Notre-
Seigneur qui maudit…
Que le péché est donc grave pour qu'il en soit ainsi!
Vous allez faire maintenant cette importante méditation, qui peut
vous faire beaucoup de bien, comme elle en a fait à Sainte
Thérèse… comme elle en a fait à beaucoup d'autres… vous
voyez… très salutaire… elle peut sauver votre éternité! Faites-la
donc de tout votre cœur.
Après la prière, n'oubliez pas de demander à Dieu, dans un élan
éperdu, de comprendre un peu en votre imagination ce que
ressentent les damnés en revoyant, pour vous en faciliter la chose,
les cinq points que je vous ai développés, à savoir:
Regarder – entendre – respirer – goûter – toucher.
Remarquez, qu'en regardant vous entendrez aussi, vous toucherez,
etc… c'est évident… et puis alors, au moment des coups doubles,
vous ferez un peu de lumière et vous lirez alors lentement, de tout
votre cœur, le colloque que vous avez à la page 362 et vous
terminerez par le Pater; puis un examen de la méditation avec la
page 337, et, comme à l'ordinaire, quand sonnera le roulement,
vous aurez temps libre… Courage!…
-------

((page 101))

ENFER : PEINE DU DAM


En préambule: Sur la Confession générale
Veuillez prendre la page 355: Confession générale et communion. Je vous
rappelle que c'est demain que nous entendrons les confessions. Comme on a
dû vous le dire tout à l'heure, on conseille beaucoup la confession générale,
c'est-à-dire, une confession qui reprend toute la vie, ou une partie de la vie…
mais, je vous rassure tout de suite, cela n'est pas si difficile qu'on pourrait le
supposer et c'est une grande grâce de le faire.
Saint Ignace dit qu'il y a à cela de nombreux avantages dont voici les trois
principaux:
Premier avantage: C'est de se mieux préparer à paraître devant Dieu.
Si je prends un exemple courant: Ce n'est pas quand vous aurez la tête dans le
pare-brise ou la direction dans l'estomac, tandis que votre DS sera démolie et
que l'agent viendra voir si vous êtes encore en vie, qu'il vous sera très loisible
de vous préparer à la mort, vous le comprenez bien!… Un jour témoin d'un
grave accident, je me trouvais arrêté sur la Nationale 2, au nord de Paris en 2
CV avec le frère; je remontais donc à pied un grand nombre de voitures quand
je vis enfin un grand camion de boissons gazeuses renversé et 3 autres
voitures de tourisme qui avaient percuté sur lui ou entre elles, je ne sais pas.
On avait emporté les blessés (ou les tués), mais ce qui était tragique, c'était
l'impossibilité où l'on se trouvait de dégager le chauffeur du camion qui se
trouvait coincé dans cet amas de ferraille. Son bassin était probablement brisé
et un homme lui soutenait les épaules pour lui permettre de respirer. Je me suis
approché (et ce n'était pas commode, car il y avait pas mal de gens autour d'un
agent, impuissant à secourir le moribond). Enfin, j'ai pu me trouver face à lui;
j'ai fait le signe de la croix sur son front en lui disant de demander pardon de
ses péchés et de se recommander à Dieu… il m'a regardé… A-t-il pu me
comprendre et faire en lui-même un acte de contrition ?… Je l'espère, mais je
n'en suis pas sûr… Je lui ai donné l'absolution présumant qu'intérieurement il
avait pu en avoir le désir… Ce pauvre homme avait la figure blême avec les
sueurs de la mort et une souffrance que l'on devinait terrible!
J'ai toujours demandé à Dieu de ne pas mourir comme cela sans avoir le temps
ou la possibilité de supplier la Divine miséricorde!…
Oui, je vous le répète, n'attendez pas un moment semblable pour vous
préparer; il vaut mieux le faire aujourd'hui, tranquillement dans votre cellule ou
à la chapelle en revoyant tous les péchés de votre vie comme si vous aviez à
paraître devant Dieu… N'attendez pas qu'il soit trop tard!…
Deuxième avantage: C'est de s'humilier beaucoup, ce qui permet de retirer en
abondance les grâces que cette attitude vous fait obtenir. C'est une grande
grâce en effet, de pouvoir faire une rétrospective de toute la vie, avec ses
péchés comme s'ils défilaient au jour du jugement…
Troisième avantage: C'est de se mieux connaître, de mieux voir tous nos
défauts et les points faibles de nos penchants, ce qui permet, évidemment, de
se mieux protéger.
Indépendamment sont attachés à la confession générale trois autres avantages
particuliers:
En premier lieu, il faut comprendre que le péché, même pardonné, laisse en
nous deux choses dont l'une est une dette, une peine à payer (bien qu'il soit
certain qu'étant pardonné, il ne nous mérite plus l'enfer).
Effectivement, tous nos caprices sur cette terre, tous nos péchés, il faudra les
payer: eh oui, il faudra les payer. Bien que pardonnés, il faudra qu'il y ait une
compensation de ces fautes et comment cela ? … où ça ? … eh bien … ou sur
la terre par nos larmes, nos épreuves, nos souffrances, nos peines, nos
pénitences, nos sacrifices, nos mortifications ou alors, en supposant que l'on
meure en état de grâce, si la dette n'est pas payée ou est insuffisamment
payée: au purgatoire.
Et les souffrances du purgatoires, mes chers Messieurs, méritent qu'on s'y
arrête et qu'on réfléchisse!… Je ne sais pas si nous aurons le temps de faire
une méditation là-dessus, mais sachez que le séjour du purgatoire est terrible:
Saint Thomas pense que la plus petite peine du purgatoire est plus atroce que
la plus grande peine de la terre!
Oui, si l'on se souvient que même un péché véniel a une répercussion éternelle
(on vous en parlera plus longuement tout à l'heure) nous avons à craindre ce
purgatoire, et c'est pourquoi il faut savoir que toute nouvelle absolution tombant
sur un péché déjà pardonné par une absolution précédente, enlève un peu et
quelquefois beaucoup de cette dette restant à payer…
En second lieu, cette nouvelle absolution enlève un peu de la "FOMES
PECCATI" de cette racine de péché, de cette source de péché.
Les péchés pardonnés laissent en effet en nous une tendance au péché,
comme une racine de péché… N'avez-vous pas remarqué vous-mêmes
combien les anciens péchés continuent à nous travailler ? Ils laissent en nous
une tendance à les recommencer: l'ivrogne pour reboire, ,,Qui a bu boira” a dit
le proverbe et c'est vrai si l'on ne prend pas les moyens pour se corriger;
l'avare, lui, n'en a jamais assez; l'impudique n'est jamais assouvi, le gourmand
jamais rassasié, l'orgueilleux l'est de plus en plus… tout péché nous entraîne,
nous remet sur son chemin.
Or, il faut savoir que toute nouvelle absolution enlève non seulement une partie
de cette dette restant à payer, mais aussi de cette tendance qui nous entraîne
à retomber dans le péché, et c'est la raison pour laquelle la Sainte Église
permet que l'on confesse à nouveau des péchés déjà pardonnés.
Et je précise que cette nouvelle absolution peut enlever non seulement une
partie de tout cela, mais même la totalité de tout ce qui nous resterait à souffrir
si elle extirpe la totalité de ces racines mauvaises, suivant que notre âme se
trouvera ou non dans les dispositions de ferveur et de contrition nécessaires:
oui, si nous recevons cette absolution avec une grande foi, une grande douleur
de nos péchés et un grand et ferme propos, elle peut tout enlever!…
Saint Ignace va vous proposer quelque chose en conséquence: en effet, quand
dans votre paroisse, vous vous êtes confessés le matin à 7 h. 25 pour la messe
de 7 h 30 alors que vous étiez encore 12 à passer et que Monsieur le Curé était
pressé pour sa messe, quelle contrition avez-vous ? Heu, tout juste peut-être
pour qu'elle soit valide!… mais maintenant que vous avez mieux compris la
gravité du péché, que le péché ,,ça ne se fait pas”!, sa malice, ses
conséquences tragiques, eh bien Saint Ignace vous suggère: Profitez donc!…
recevez sur vos aveux une bonne absolution qui vous enlèvera peut-être tout!
… et au moment de votre mort vous pourrez dire ,,Merci Saint Ignace! Merci
Père Barrielle… merci mon Dieu de les avoir écoutés! Grâce à cette confession
générale, j'aurai peut-être 500 ans de moins à faire au purgatoire!…”. Ne nous
trompons pas… Bien sûr il n'y a pas là-bas de lever et de coucher de soleil,
c'est une façon de parler à notre pauvre entendement humain pour désigner les
plus ou les moins dans la balance divine…
Si nous pouvions voir le nombre de nos péchés véniels commis en une seule
journée, nous serions alarmés de ce que nous amassons pour le purgatoire,
alors, il faut prier beaucoup, mes chers Messieurs, pour ces âmes qui s'y
purifient… c'est un très grand malheur de constater qu'on ne pense
généralement pas à elles! Quels regrets auront ceux qui pendant leur vie se
dépensent pour soulager des misères humaines et qui peut-être laissent
souffrir leur père et mère en purgatoire sans même songer à les en faire sortir
par leurs prières…
En troisième lieu enfin: la communion produit alors plus de fruits. Pourquoi des
gens qui communient souvent voient-ils leur communion porter si peu de
fruits ? est-ce que le Seigneur, dans la Sainte Eucharistie n'aurait pas la même
puissance ? Cette puissance qui guérit subitement la femme qui toucha son
vêtement ? Ce serait un blasphème que de le supposer.
Lui, Notre-Seigneur, a la même puissance, mais c'est nous qui n'avons pas les
dispositions voulues pour accepter ce que Dieu pourrait faire de nous.
Dans l'explication de ce miracle, Saint Jérôme fait observer: Il y avait beaucoup
de monde qui touchait Notre-Seigneur, puisque Saint Pierre lui dira: ,,Tu
demandes qui te touche, alors que nous sommes si serrés ?”.
Mais, dans cette foule, il n'y avait que cette pauvre femme qui priait du fond du
cœur, qui avait un grand désir d'amour pour Notre-Seigneur et une grande foi
en Lui.
Si donc, après avoir reçu l'absolution de toutes nos fautes, notre âme est mieux
disposée, nos communions seront bien plus ferventes et porteront beaucoup
plus de fruits parce que nous ne ferons qu'un avec Notre-Seigneur et nous
avancerons davantage dans la sainteté.
La confession générale n'est pas obligatoire, mais Saint Ignace la conseille
fortement… A la page 323/328 vous avez deux méthodes pour la préparer:
l'une, la méthode logique qui fait intervenir chaque commandement, l'un après
l'autre. Vous voyez dans cette nomenclature des possibilités de péchés,
beaucoup de péchés auxquels vous ne songez peut-être pas parce qu'on arrive
à s'y habituer suivant l'expression du livre de Job: ,,Ils boivent l'iniquité comme
l'eau”.
Et puis, la méthode chronologique, qui prend la vie depuis l'âge de raison par
tranches, par périodes de la vie: par exemple jusqu'à la communion, puis à
l'âge de la puberté, pendant la jeunesse, le service militaire, les fiançailles, le
mariage, etc…
On peut aussi les faire intervenir toutes les deux, mais l'essentiel de l'examen
de conscience, Messieurs, je vous en supplie, n'est pas tant de rechercher tous
vos péchés (de toute façon, vous en oublierez), mais bien de regretter d'avoir
offensé Dieu et d'être décidés à mourir plutôt que de mettre en discussion si
nous pécherons ou non!… Voilà l'essentiel, et il ne faut pas attendre d'être aux
pieds du prêtre pour faire ces actes de regret… Non!… C'est au fur et à mesure
que se poursuit l'examen de conscience que l'on demande pardon à Dieu de
tous ses péchés…
Pour ceux qui font la confession générale pour la première ou deuxième fois, je
leur conseille vivement de la faire selon la méthode chronologique, période par
période, on vide mieux son sac!…
Pour les anciens, ils peuvent soit la faire à nouveau (cela aide beaucoup à
l'humilier), soit la prendre à partir d'un fait saillant de leur vie, par exemple leur
dernière confession générale ou leur dernière retraite…
Faut-il écrire ses péchés ?… Ce n'est pas défendu! ce n'est pas obligatoire non
plus… de toute façon, vous en oublierez! Mais, si vous craignez de vous
troubler, mettez une note, une indication qui puisse vous mettre sur la voie,
mais tout cela en toute sérénité d'esprit, l'essentiel étant, comme je vous le
disais, de revenir à Dieu loyalement et fermement décidés à changer.
Le démon, qui est un menteur, essaie de nous troubler, de nous faire peur avec
la confession alors qu'elle est une invention (j'allais dire incroyable) de la part
du Cœur de Jésus pour nous délivrer et non pour nous torturer, et par laquelle
Il nous montre toute sa bonté. Il veut tout nous pardonner, gratuitement
pourrait-on dire. Profitez donc car ce qu'Il aura effacé à cette confession, Il ne
vous le reprochera pas au jour du jugement.
Un dernier conseil: Si vous avez peur de ne pas bien vous confesser, voulez-
vous que je vous donne un moyen infaillible ? Eh bien, (gardez cette recette
toute votre vie) faites une très bonne prière à la Très Sainte Vierge. Je vous
garantis qu'avec elle vos confessions seront toujours bonnes.
Vos confessions seront donc entendues demain, non pas pendant les
méditations (celle-ci n'ont pour objet que de vous faciliter la contrition), mais
entre deux exercices, la seule chose importante étant de revenir à Dieu
loyalement, sans arrière pensée et d'accuser au moins tous les péchés mortels
dont on se souvient et qui n'ont pas été déjà accusés dans une bonne
confession. C'est le minimum.
Il y aurait également à dire les péchés véniels plus ou moins graves, mais
omettre un péché véniel, ne rend pas une confession sacrilège. Veillez aussi,
dans le ferme propos, d'être décidés à prendre les moyens pour lutter et ne
plus pécher délibérément.
Quelqu'un qui voudrait obtenir le pardon sans vouloir prendre les moyens pour
ne pas récidiver, ne serait pas loyal envers le sacrement de pénitence.
*****
Voulez-vous prendre la page 366 ? Nous allons voir maintenant les points de la
méditation que vous allez faire, la méditation des peines morales de l'enfer.
A première vue, il n'apparaît pas qu'elle soit prévue dans le livre des exercices,
mais nous l'ajoutons à cet endroit, car en fait elle est implicitement renfermée
dans les premier et deuxième exercices sur le péché dont elle est une reprise.
Saint Ignace, dans la méditation précédente vous a fait descendre en enfer
pour bien vous montrer la gravité du péché et vous faire en quelque sorte
toucher du doigt ce qu'il mérite, que ce n'est pas pour rire!… que de Dieu, on
ne se moque pas… que ceux qui veulent jouer au petit soldat et faire les forts
n'auront pas le dernier mot… NOLITE ERRARE DEUS NON IRRIDETUR nous
dit Saint Paul dans sa lettre aux Galates ch.6. Ne vous faites pas d'illusions,…
de Dieu on ne se moque pas… Ce que l'homme aura semé, c'est ce qu'il
récoltera… et en un autre endroit de son épître aux Hébreux, il nous dit encore:
,,Il est horrifiant de tomber entre les mains du Dieu vivant”.
Oui, du Seigneur on ne se moque pas. Il faut n'avoir là-dessus aucune
hésitation.
Vous remarquerez que Saint Ignace parle d'amour depuis le début, mais sans
en prononcer le mot. De son temps déjà on le profanait tellement!… un peu
comme à notre époque où on le met toujours en avant, tout en faisant le
contraire de ce qu'il exige… eh bien, c'est dans le 5ème exercice qu'il emploie
ce terme pour la première fois en nous disant: ,,de façon que si j'oubliais
l'amour du Seigneur éternel à cause de mes fautes, du moins la crainte des
peines m'aide à ne pas tomber dans le péché”.
C'est la demande que vous avez formulée tout à l'heure et en fait, vous avez
médité comme le demandait Saint Ignace, en faisant application des sens.
Il voulait que vous vous rendiez compte; il voulait que vous obteniez la grâce
que le Cœur de Jésus accorda à Sainte Thérèse d'Avila. Elle raconte cela dans
sa vie par elle-même, au chapitre 32ème, cette grâce qui fut aussi celle que
Notre-Dame de Fatima obtient pour les trois petits bergers auxquels elle confia
un message terrible, un message que le monde ne voudrait pas recevoir (et
qu'il ne veut pas recevoir, bien qu'une grande partie de ce qui avait été
annoncé alors en 1917 soit déjà arrivé) et pour sauver et fortifier les enfants,
elle obtint pour ces petits la grâce de la vision de l'enfer.
Sainte Thérèse d'Avila raconte que religieuse un peu relâchée le démon lui
avait préparé sa place en enfer, mais le Cœur de Jésus, qui voulait de Thérèse
faire une grande Sainte, lui donna successivement toute une série de visions
sur la Passion (Il lui avait fait voir déjà les peines de l'enfer) mais cette fois, il lui
fit ressentir les peines qu'elle aurait endurées à la place que le démon lui avait
préparée.
Le pape qui a béatifié Sainte Thérèse a dit qu'elle n'avait jamais fait de péché
mortel, donc elle n'a jamais mérité l'enfer, mais elle se relâchait et elle
raconte: ,,Six ans après, mon sang se glace dans mes veines rien que d'y
songer!”. Elle dit encore que le feu de la terre était un feu en peinture à côté de
celui de l'enfer.
A la fin de sa vie, elle écrit en épilogue un chapitre où jetant un regard sur son
passé, elle répète que parmi toutes les grâces qu'elle avait eues: visions
nombreuses, extases, elle considérait comme la plus insigne celle de l'enfer où
elle avait ressenti ce qu'on y souffrait!…
Les enfants de Fatima, eux, furent bouleversés: François était un beau petit qui
ne s'en faisait guère, mais après avoir eu cette vision de l'enfer il ne fut plus le
même; il ne pensait alors qu'à faire des sacrifices car la Sainte Vierge avait dit
qu'il fallait en faire pour sauver les pauvres pécheurs. Il ne savait point ce
qu'était "faire un sacrifice". Il interrogea sa cousine Lucie: ,,Si je donne mon
pain aux brebis, c'est un sacrifice, cela ?…”. Eh bien oui, et dès qu'il partit, non
loin de la maison, il donnait aux brebis toute sa nourriture, son pain, son
fromage, restant toute la journée sans manger et le soir, quand il rentrait à la
maison, il faisait encore des sacrifices. La maman qui ignorait ce qui s'était
passé, lui disait: ,,François, tu es fatigué, va te reposer…” et lui de
répondre: ,,Oh Maman, si je pouvais encore arracher une âme à l'enfer… si tu
savais!…”.
La petite Jacinta, dans le peu de vie que Dieu lui laissa (elle eut une maladie de
consomption, la tuberculose des os, je pense, car on devait l'amputer au fur et
à mesure) à l'hôpital, en voyant les internes avoir parfois une attitude douteuse
avec les infirmières, disait à sa voisine de lit (à 10 ans, cela ne peut
s'inventer): ,,Les malheureux! s'ils savaient ce qui les attend en enfer!…” et
tous les trois ont indiqué que si la Sainte Vierge ne les avait assurés de les
emmener au Ciel avec elle, ils seraient morts de peur à cette vision…
Jacinta et François sont morts peu après.
Oui, on ne se moque pas de Dieu… il faut que cet impératif se grave dans votre
cœur.
C'est par amour que Dieu nous a révélé l'enfer et a tant insisté pour nous
mettre en garde… S'Il ne l'avait dit qu'une seule fois, cela aurait dû suffire, mais
Il en a parlé très souvent pour nous pénétrer de cette réalité; vous avez pu en
voir déjà quelques textes et Saint Ignace, dans cette méditation, a voulu que
nous nous rendions bien compte de ce péril en obtenant un peu de cette grâce
que Sainte Thérèse et les trois enfants de Fatima ont eue afin que nous
comprenions davantage que le péché ,,ça ne se fait pas”, qu'on n'a même pas
à mettre cette possibilité en discussion…
Voyez-vous, mes chers Messieurs, Dieu nous a créés pour jouir de Lui. Il est
notre fin dernière et faire le péché, c'est renoncer à cette fin pour lui préférer…
quoi ? Dites-moi!… quelque chose de vil… les créatures… nos passions… nos
caprices… l'argent ou le qu'en dira-t-on! voilà!… et vous avez médité la peine
du SENS, où chaque sens est puni par où il a péché, mais elle est surtout: le
FEU.
Eh bien, sachez que vous n'avez pas encore médité la plus grande,
l'essentielle peine de l'enfer…
La peine du Sens est la plus petite peine de l'enfer, et Saint Bonaventure va
jusqu'à dire que Dieu aurait ajouté le feu à l'enfer par Charité pour nous, pour
nous faire éviter la plus grande, car le feu nous comprenons ce que c'est,
tandis que la vraie peine de l'enfer est infiniment au-dessus de notre
entendement.
La vraie peine de l'enfer, c'est la peine du DAM (D A M) ou la damnation, le
,,Retirez-vous de moi, maudits” …
Être maudit de Dieu… être séparé de Dieu à jamais!…
Nous allons essayer de le méditer pour mieux comprendre la gravité du péché,
pour comprendre que le péché mortel est le commencement de ça!… On peut
dire en effet du péché mortel ce que l'on peut dire de l'état de grâce, mais à
l'inverse…
L'état de grâce est le commencement du ciel parce que la Trinité Sainte habite
alors en notre âme avec la différence toutefois que sur la terre, nous ne le
savons que par la foi… cela ne se sent pas, cela ne se mesure pas et, de plus,
tant que nous sommes en vie, nous pouvons perdre cet état de grâce: ,,Opérez
votre salut avec crainte et tremblement” disait Saint Paul parce que tant que
nous respirons nous risquons de le perdre; mais, dès que la mort intervient, si
nous sommes en cet état de grâce c'est cet état, cette vie divine en nous qui
s'épanouit pour l'éternité dans une extase sans fin, dans un mariage divin, une
joie infinie, un face à face avec Dieu, un amour ineffable! Voilà ce qu'est l'état
de grâce: le commencement de ce bonheur…
Et nous disons également du péché mortel qu'il détourne de Dieu, notre fin
dernière. Le pécheur se met en état de damnation, se détache du Bien Infini.
Au moment de la mort, l'âme verra que Dieu est la Vie éternelle, l'Amour
incomparable, le Bien sans limites. Elle sentira comme une poussée, une
attraction vers l'ÊTRE ainsi connu, mais son refus de Dieu sur la terre, son
péché entraînera, produira une attraction inverse de telle sorte que l'âme du
réprouvé sera tiraillée, comme écartelée entre ces deux courants opposés
parce qu'elle s'est détournée volontairement de Dieu… Voilà la peine du
DAM… un déchirement éternel de l'âme…
Ici-bas, le péché mortel est le commencement de cela: renoncer à sa fin
dernière et lui préférer la créature…
Et oui, ceux-là font ainsi: s'ils pouvaient supprimer Dieu qui les gêne, ils le
feraient… S'ils pouvaient faire leur bonheur éternel de telle vile jouissance, ils
le feraient…
Comment ? Mais mon pauvre ami, tu te moques de l'Infini, de Dieu, de sa
Bonté, de sa Puissance ?

- Ca m'est égal…
- Mais malheureux, songe qu'Il est Immense, Il voit tout, juge tout…
- Ca m'est égal…
- Mais Il est la Bonté, la Miséricorde infinie, reviens à Lui…
- Ca m'est égal. Moi je veux mettre mon plaisir ailleurs…
- Mais Il est la Sagesse infinie…
- Ca m'est égal, moi je veux faire mes caprices…
- Mais Il est la Toute Puissance.
- Ca m'est égal, je veux même utiliser ses dons pour l'offenser, si je pouvais le
supprimer, je le ferais…
Voilà le péché mortel, ce détournement volontaire de la loi divine…
Et quel sera son châtiment ? Ce ne sera pas le Feu (oui, il y a du feu, il ne faut
pas le minimiser car du feu, il y en a, c'est Notre-Seigneur qui l'a dit et il
emploie même le mot "flamme" dans l'histoire du mauvais riche. Oui, il y a du
feu en enfer bien que nous n'en connaissions pas la nature, mais), ce n'est pas
de lui que viendra la plus grande peine: la plus grande peine sera d'avoir perdu
le Bien infini.
Sur la terre, plus le bien que l'on perd est grand, plus on est malheureux:
perdre une somme d'argent, perdre une situation, perdre une épouse ou un
enfant chéris,, il y a là divers degrés qui font que notre peine est différente,
mais ce n'est pas une peine infinie!… et c'est vrai que la plus grande peine de
la terre (nous le voyons bien par nous-mêmes et autour de nous) finit par
s'atténuer, par s'adoucir… après tout, le temps cicatrise, tempère, efface…
mais la perte du Bien Infini, nous ne pouvons la comprendre parce que notre
esprit limité est impuissant à réaliser l'Infini…
Et pourtant notre âme est fait pour un bonheur infini, pour des satisfactions
infinies, c'est pour cela d'ailleurs que rien sur terre ne peut arriver à nous
satisfaire pleinement ce qui faisait écrire à Saint Augustin: ,,Tu nous as faits
pour Toi, Seigneur, et notre cœur est inquiet tant qu'il ne se repose pas en Toi”.
Mais, à la mort, notre âme prendra sa dimension d'éternité: elle sera devant le
Bien Infini: elle se sentira infiniment attirée par Lui, par ce Bien pour lequel elle
a été créée "BONUM QUOD OMNIA APPETUNT" dit l'adage scolastique (le
Bien c'est ce que tout le monde recherche) et le Bien Infini attirera infiniment.
Le pécheur s'apercevra que son péché empêchera, annihilera cette attraction
et que cette séparation sera éternelle… eh bien, le péché mortel est le
commencement de cet état, de cet état qui sera son châtiment le plus
effroyable, avec cette différence toutefois, que, sur terre, on en comprend
difficilement la gravité… une petite fille disait un jour à l'un de mes
confrères: ,,Oh! Monsieur le Curé, du Bon Dieu nous n'en avons plus besoin!
…”. Dites-moi, comme si, depuis son premier biberon et son premier bouillon,
elle n'avais pas eu besoin de Dieu pour respirer, pour manger, pour vivre!…
Oui, les gens sont bien irréfléchis quand il s'agit de Dieu mais surtout, ils le sont
lorsqu'il s'agit des devoirs envers Dieu!… et alors, comme l'infini échappe à nos
sens, on se contente de vivre ainsi en ne cherchant pas à le pénétrer, mais
cela ne disculpe pas pour autant hein ?… C'est comme si l'on disait à quelqu'un
sur la route, là-bas, il y a un accident, qu'un homme y a trouvé la mort, mais on
ne lui a pas dit qu'il s'agit de son père; alors, il continue à parler, à rire, à jouer,
mais orphelin, il l'est déjà, n'est-il pas vrai ?…
Celui qui a commis un péché mortel c'est pareil!… il est déjà en état de
condamnation; il est déjà détourné de Dieu, avec cette seule différence que
tant qu'il est en vie, il lui est encore possible de se convertir: le tic-tac de
l'horloge lui répète sans arrêt: Convertis-toi… convertis-toi… reviens…
reviens… Oui, mais que le dernier tic-tac arrive avec la mort réelle, prenant
cette âme détournée de Dieu ,,Là où l'arbre tombe, il reste” dit la Sainte
Écriture… Celui qui meurt détourné de Dieu reste à jamais détourné de Dieu!
… 
Pourquoi les damnés ne pourront-ils pas se convertir ?
Vous ne le savez pas ?
Eh bien, parce qu'ils n'auront plus le temps! Et nous, nous croyons que quand
nous n'aurons plus de temps, nous aurons quand même du temps.
Mes chers amis, quand on n'aura plus de temps, cela sera fini, on n'aura plus
de temps!… voilà pourquoi les damnés ne pourront pas se convertir, parce
qu'ils n'auront plus de temps…
Mais vous, vous en avez encore aujourd'hui. Qu'il est bon le Seigneur de nous
donner encore de ce temps pour revenir à Lui et combien nous devrions
craindre qu'il n'en soit pas ainsi. Regardez cette foule qui se rue allègrement
dans le péché: ,,Oh! qu'on s'est bien amusé dans cette surprise-partie… on a
pu faire des péchés à cœur joie…
Malheureux!…mais tu est en état de damnation!… tu ne connais pas ton
malheur jeune homme!… que la mort te surprenne et te mette devant ton
Créateur, devant le Bien Infini, tu t'apercevras trop tard du malheureux que tu
es!… Il faut que vous méditiez bien pour comprendre en partie au moins cette
gravité du péché qui nous place ainsi devant ce risque effroyable.
Faites la comparaison entre perdre un enfant chéri, une épouse ou quelqu'un
qu'on aime bien et le Bien Infini: Je me souviens, alors que j'étais Curé, d'un
Monsieur qui avait monté une petite affaire industrielle qui marchait bien; il avait
plusieurs enfants dont l'aîné, 20 ans. Il en était très fier et s'apprêtait à
l'adjoindre à son affaire. Mais le jeune homme tomba malade et un matin, à 10
heures, on entendit tout à coup des hurlements dans la rue. Mais qu'arrive-t-il
donc ? A-t-on assassiné quelqu'un ?… Non, c'était le petit jeune homme qui
venait de mourir et le père, un homme habituellement très calme, très pondéré,
poussait ces hurlements en perdant toute dignité, tout contrôle de lui-même.
Mais, qu'est-ce cela ? Si cruelle qu'était sa douleur, il n'avait pourtant perdu
qu'une chose qui passe… un amour humain. Cela n'était qu'un bien limité, son
fils n'était pas un bien infini!
Et si on peut tant souffrir et arriver à pousser des hurlements en perdant tout
contrôle que sera-ce si nous perdons Dieu par notre faute, Lui, le Bien Infini ?
Vous avez sans doute remarqué dans l'Évangile ces paroles un peu
mystérieuses: "Les ténèbres extérieures" ?
Sur la terre, nous avons quelques consolations, même quand nous conduisons
un être cher au cimetière: on a tenté de nous consoler, nous avons ensuite
repris notre travail; quelques distractions, refusées au début, ont pris à nouveau
leur place: en bref, le temps a passé… comme je vous l'ai déjà dit, le temps
guérit tout…
Oui, sur la terre il y a des amis, il y a du temps, mais en enfer, il n'y aura plus
de temps, il n'y aura plus d'amis…
Pardon, mon Père, il y aura sans doute ma femme, mes enfants, certains de
mes amis ?
Oui, Monsieur, c'est probable dans bien des cas, parce que généralement, un
homme ne se damne pas seul et en entraîne beaucoup d'autres avec lui, peut-
être votre femme, votre frère, votre ami, mais en enfer, il n'y aura plus de
femme, plus de frère, plus d'ami…
N'avez-vous pas remarqué un foyer où l'on ne s'aime plus ? on appelle cela "un
enfer"… Eh bien, en enfer, la haine règne en maîtresse: ,,Sous maudit, toi mon
mari, c'est à cause de toi que je suis maintenant en enfer, tu aurais dû être mon
protecteur et au contraire tu m'as aidée à pécher… sois maudit éternellement,
je suis torturée à cause de toi, maudit sois-tu… Sois maudit, toi mon papa, c'est
à cause de toi… sois maudit, toi mon ami, j'étais malade et tu savais que je
vivais dans le péché mortel et me rassurais sur toi, sois maudit…”.
Messieurs, essayons de comprendre que le péché mortel non pardonné, c'est à
cela qu'il aboutit…
Deuxième point: ce qui aggravera encore la perte du Bien Infini, sera le
souvenir cuisant de tout ce qu'on aura fait pour le perdre.
Notre-Seigneur, dans l'Évangile, reprend le mot du prophète et du Psaume
"UBI VERMIS EORUM NON MORITUR"… Qu'il est bon d'avoir tellement
insisté d'attirer notre attention sur l'enfer, sur le "Ver qui ronge et ne meurt pas".
Qu'est-ce cela, si non le remords de tout ce que j'aurais fait ?… Imbécile que
j'étais!… Tous les damnés seront obligés de reconnaître que Dieu les avait
créés pour le bonheur éternel et qu'il aurait été facile de se sauver, car il est,
mes chers amis, plus facile de se sauver que de se damner si on en prend le
chemin: Dans une montagne, ce n'est que si vous prenez le sentier que vous
arriverez au sommet, avec un peu de peine, bien sûr, et avec de la joie dans
cette peine, au fur et à mesure que les horizons nouveaux se découvrent; mais,
si vous ne prenez pas le sentier, vous finirez par vous perdre et par tomber
dans le précipice… Le réprouvé verra combien il lui aurait été facile, avec la
grâce de Dieu, de gagner le Ciel: il suffisait qu'il se jette aux genoux d'un prêtre
et de confesser ses péchés… il suffisait qu'il supplie la Sainte Vierge de
l'aider… il suffisait de fuir les mauvaises occasions, de ne plus être l'esclave de
ses amis et du respect humain, tant au café que chez le coiffeur… les amis ne
l'auraient respecté que davantage s'il avait agi en homme et en chrétien…
imbécile que j'étais!…
Saint Jean dans l'Apocalypse nous parlant des damnés dit: ,,Ils ne pourront
même pas supporter le regard de l'Agneau”.
Qui est-ce donc l'Agneau ?… l'Agneau, c'est le Fils de Dieu, c'est Notre-
Seigneur mort sur la Croix. L'Agneau de Dieu qui a porté les péchés du monde,
ils ne pourront pas le regarder!
Comment ? J'ai payé tous tes péchés… oui, j'ai tout payé et toi tu n'as pas
voulu de mon sacrifice! Et les réprouvés s'écrieront ,,Montagnes, écrasez-
nous!”. Ils chercheront la mort, dit Saint Jean, et la mort les fuira, et ce sera la
mort seconde!… une mort tragique… tragique!… bien pire que la mort terrestre.
Ils se souviendront de cela; ils comprendront que s'ils avaient vécu en bons
chrétiens, ils auraient eu une vie beaucoup plus belle.…
Je ne sais pas si vous voyagez beaucoup, mais allez directement d'un pays
très chrétien à un pays où il n'y a pas la foi, eh bien, cela vous serre le cœur
d'en voir les différences; dans l'un, les épreuves supportées avec plus de foi,
de résignation, plus de sérénité, de charité, tandis qu'ailleurs, on se demande
pourquoi ces croix existent et l'on ne sait alors que lever le poing parce qu'elles
arrivent…
Imbécile que j'étais… je me suis moi-même privé de joies sur la terre par
respect humain, pour faire comme les autres… sachez que c'est souvent par
respect humain, car les femmes, de nature, adorent les enfants qui sont en
même temps leur santé, leur équilibre et leur bonheur ici-bas. Mais c'est
généralement par respect humain qu'elles les limitent: elles ne le disent pas,
mais, c'est pour cela, pour faire comme tout le monde, pour éviter les
sourires…
,,Malheur à toi, fleuve de respect humain” disait Saint Augustin… Oui, par
respect humain, j'ai offensé Dieu… Imbécile que j'étais!… et maintenant, me
voilà damné éternellement… et le damné sera obligé de convenir que Dieu
l'avait poursuivi, l'avait pourchassé en ne lui ménageant pas les
avertissements: chaque année, il voyait tomber les feuilles, il voyait couler
l'eau, il voyait les années qui fuyaient, il a vu mourir ses camarades de classe
l'un après l'autre, ses parents aussi… lui-même s'est trouvé dans un accident
où il aurait pu mourir… oui, tous ces avertissements sans nombre… et puis
cette maladie grave où il aurait été loisible de revenir à Dieu… Imbécile que
j'étais!… Ah! Si j'avais su…
Il m'appelait, frappait à la porte de mon cœur et Il attendait… et moi, je n'ai pas
voulu, souvent d'une façon idiote, par lâcheté, par respect humain… qu'est-ce
qu'ils diraient les copains ?…
Imbécile que j'étais! Et qu'ai-je préféré au Bien Infini ? Alors, il se dégoûtera lui-
même, les démons se moqueront de lui: ,,Ah! on t'a eu, hein, imbécile!… tu t'es
laissé tromper par un peu de cette quincaillerie du monde, par un galon en
papier, par un sourire menteur…”.
Imaginez quelqu'un qui s'endormirait enfant et qui se réveillerait à l'âge
d'homme en ayant sur son lit ces poupées en caoutchouc et ces petites autos
en plastic!… Imbécile, cela m'est égal que tout cela à présent… et il verra ce
qu'il a préféré au Bien Infini, toute cette quincaillerie humaine, toute cette
bimbeloterie, cette verroterie… il verra cela éternellement et il verra aussi cette
Infinie Bonté de Dieu qu'il méprisait par le péché…
Troisième point enfin, auquel nous devons nous arrêter, que les Saints
appellent l'enfer de l'enfer = l'ÉTERNITÉ.
Si je vous demande: ,,Pardon Monsieur, est-ce que vous avez bien compris ce
que cela veut dire ?”. Je crains que vous me répondiez ,,oui” ! car, mes chers
Messieurs, ni vous ni moi ne pouvons comprendre l'éternité.
Dès qu'on en parle, nous pourrions dire: oui, cela fait sans doute beaucoup…
beaucoup d'années!
- Non, Monsieur.
- Ah! Pardon, alors beaucoup… beaucoup de siècles ?
- Non, Monsieur, ce n'est pas cela. Parfois des prédicateurs essayent de faire
comprendre l'éternité en utilisant des figures qui, en fait, sont inexactes, par
exemple: la comparaison du petit oiseau qui chaque année viendrait enlever
une goutte à l'océan, il en faudrait des milliers et des milliers de siècles pour
faire baisser l'océan; mais quand bien même il arriverait à le vider, l'éternité ne
serait ni épuisée, ni même commencée!…
Il n'y a aucune comparaison possible, voilà ce que nous ne pouvons pas
comprendre parce que nous regardons tout avec la notion de temps que seul
notre esprit admet et saisit…
Saint Augustin a une image qui m'apparaît plus appropriée. Il nous dit: ,,Judas
est en enfer depuis tant d'années. Caïn est en enfer depuis tant d'années,
combien ont-ils d'années de moins à souffrir ? Essayez de résoudre ce
problème: aujourd'hui, Judas après 2'000 ans et Caïn après 6'000 ans, mettez-
en davantage si vous croyez devoir le faire. Combien ont-ils de moins à
souffrir ?
Et Saint Augustin répond: ,,C'est une question vaine”. Pourquoi ? ,,Quoniam
Eternitas non habet quando”. Parce que l'éternité ne peut répondre à la
question ,,Quand”, à la question ,,Combien”. C'est pour cela que d'avoir souffert
déjà 2'000 ou 6'000 ans est identique.
Ici, sur terre, quelqu'un qui est condamné aux travaux forcés à perpétuité peut
se dire au bout de 30 ans qu'il a 30 années de moins à souffrir et qu'en fin de
compte arrivera bien un jour où il sera libéré, ne serait-ce que par sa mort. Mais
Judas, lui ne peut pas dire qu'il a 2'000 ans de moins à souffrir, Caïn non plus
qu'il a 6'000 ans de moins…
Oui, nous voyons les choses avec la notion du temps. Or le temps est une
succession de "futur - passé - futur- passé…" le présent, dans le temps, cela
n'existe pas. C'est un point sur la ligne du temps. Ce qui, à la seconde même
était du futur, est déjà du passé, tandis que dans la notion d'éternité, c'est tout
le contraire: dans l'éternité, il n'y a pas de futur, il n'y a pas de passé, il n'y a
que le présent immuable… Voilà ce que notre esprit est incapable de
comprendre mais que les damnés comprennent, eux!… Ils savent que pour
eux, c'est fini à jamais, pour toujours… toujours… jamais… jamais!
Le fiévreux, lui, se retourne sur son lit et il a l'illusion d'avoir un peu de
soulagement… pour le damné ce sera toujours, toujours… le désespoir à
jamais…
Voilà ce que, par la méditation, nous devons essayer de réaliser un peu.
Pourquoi Dieu nous donne-t-il encore du temps ? Pourquoi avons-nous reçu tel
ou tel avertissement ? n'est-ce pas pour que nous puissions nous convertir ?
car nous avons encore de ce temps précieux, de ce temps qui nous est donné
si miséricordieusement ?
Même quelqu'un qui jouerait son éternité une seule fois dans sa vie par un seul
péché mortel, quel risque!… quelle folie!
On ne peut pas jouer à cela, encore moins que de jouer à tuer son père ou sa
mère… on ne s'amuse pas à cela… mais quelqu'un qui ose vivre dans le péché
mortel ? Quelle folie, quelle aberration!
Voilà ce qu'il faut que vous compreniez et nous dirons avec Saint Augustin: ,,O
mon Dieu, ici-bas brûlez-moi, ici-bas hâchez-moi, ici-bas réduisez-moi en
poudre, ici-bas ne m'épargnez pas, mais épargnez-moi pendant l'éternité…”.
*****
Le Père Vallet, notre regretté fondateur, était professeur à Saragosse. Son
collège était dans une rue déserte et il avait remarqué que tous les matins, à la
même heure, passait sur le trottoir un aveugle. La rue n'était pas très
fréquentée et l'aveugle marchait assez vite. Quand il arrivait à hauteur du
croisement de rues, il faisait son petit "Stop" et la traversait en tenant son bâton
blanc. Les gens lui facilitaient évidemment cette sujétion.
Un matin, le Père Vallet, homme plein de cœur, se rappelle qu'on a coupé la
rue plus loin par une tranchée non protégée par un garde-fou; on s'est contenté
de placer un lumignon rouge pour la nuit et un drapeau pour le jour. Et le père
de se dire: mais ce pauvre aveugle va tomber dans la tranchée si personne ne
l'arrête!… Il se précipite, court à la Conciergerie, mais la porte en était fermée.
Le temps d'en avoir la clé, l'aveugle était déjà passé. Le Père se met donc à
courir derrière pour le prévenir, il se dit ,,Tant pis”! et dans la rue, il se met à
hurler: ,,Aveugle! Aveugle! Aveugle!…”.
L'aveugle se retourne enfin: ,,Mais Monsieur, vous êtes fou de crier comme
cela!”.
Le Père Vallet, un peu vexé d'être traité ainsi par cet aveugle à qui il rendait un
si grand service, lui dit: ,,Tenez, Monsieur, venez constater si je suis fou…” et il
le conduit près du trou, près de la tranchée. ,,Vous avez ici, devant vous, un
fossé, une tranchée profonde… tenez… touchez là…”. Alors l'aveugle, avec
son bâton, tâte la tranchée et se rend bien compte en effet que c'était profond.
Il réalise alors le danger auquel il vient d'échapper, lui qui était aveugle… si
maintenant il s'était cassé les jambes ? Comment aurait-il fait pour vivre ?
Comprenant bien le service que ce Monsieur venait de lui rendre et qu'il a dû,
par sa réponse, peiner profondément, il lui prend les mains et lui dit d'une voix
émue ,,Merci… Merci…”.
Nous tous, plus ou moins, sommes des aveugles devant la nécessité du salut,
devant le danger de l'enfer.
Nous avons besoin qu'on nous parle comme à des aveugles à qui il faut faire
toucher du doigt l'horrifiante perspective de la damnation…
Mes chers Messieurs, ce n'est pas à moi que vous devrez dire «Merci», comme
le fit l'aveugle au Père Vallet, mais pendant votre colloque, tenant embrassé
votre crucifix, dans une prière éperdue, c'est à Lui qu'il vous faudra dire
,,Merci… Merci Seigneur, d'avoir payé pour nous, pour nous éviter de tomber
en Enfer…”.
- Allez, allez vite méditer…
-------
ENFER : Rappel des points pour la méditation avant la messe.
Après le rappel des points de méditation, le Père fait faire les actes de début:
PRÉSENCE DE DIEU -
Recueillons-nous et mettons-nous en présence de Dieu. Adorons-le: faisons-
nous petits devant Celui dont on ne se moque pas… O mon Dieu, je vous
adore et reconnais humblement votre souverain domaine sur moi et sur toutes
choses. J'en ai tant de fois abusé dans ma vie. Pardon mon Dieu, je reviens à
Vous !
ORAISON PRÉPARATOIRE -
O mon Dieu, que cette journée et toutes celles que vous me donnerez de
passer encore sur la terre, soient jusqu'au dernier moment employées
uniquement à vous aimer et à vous servir.
COMPOSITION DE LIEU -
L'Enfer: le puits de l'abîme ou l'étang de feu.
LA GRÂCE A DEMANDER -
O mon Dieu, daignez m'accorder de pleurer aujourd'hui mes péchés et de
mourir plutôt que de mettre en discussion si je vous offenserai à l'avenir.
Je vous laisse à votre méditation: La peine du DAM, le remords, l'Éternité.
*******
Après la méditation: colloque terminal.
Nous allons faire les trois colloques prévus par Saint Ignace.
Le premier à la Très Sainte Vierge Marie:
D'abord: O ma bonne Mère, refuge des pécheurs, nous avons tous péché plus
ou moins, peut-être, avons-nous mérité d'être damné éternellement ? Nous
étions détournés de votre Fils bien-aimé, notre doux Sauveur et aujourd'hui,
par votre intercession, nous avons la grâce de pouvoir pleurer nos péchés. O
notre bonne Mère, daignez nous aider et nous obtenir ces grâces que nous
demandons instamment, pieusement, de voir tous nos péchés sans nous faire
d'illusions, de voir leur méchanceté, leur injustice, vis-à-vis de Dieu, d'en voir
même le ridicule! de voir nos péchés avec leur complexité, le même acte
pouvant avoir plusieurs malices et des circonstances aggravantes que j'ai peut-
être oubliées; de me faire voir tout cela et d'obtenir de votre Souverain Fils, ô
ma bonne Mère, Cœur Immaculé et Douloureux de Marie, une douleur intense
et profonde d'avoir offensé Dieu, un vrai et ferme propos; daignez m'obtenir de
pleurer mes péchés, m'obtenir cette grâce que je sollicite sans la mériter! Mais
obtenez-la moi!…
Deuxièmement: O ma bonne Mère, daignez me montrer le désordre de mes
opérations, tout ce qui me pousse au péché, tous mes instincts mauvais, mes
péchés capitaux, mes vices et mes défauts. Que je sois décidé, coûte que
coûte, à les extirper dans leurs racines les plus profondes…
Troisièmement: Daignez me montrer le néant et la vanité du monde et combien
j'en suis l'esclave.
Ensemble: Je vous salue Marie, etc.
Le Deuxième au Cœur de Jésus.
D'abord: Il s'appelle Jésus, c'est-à-dire "Sauveur". Vous êtes venu me sauver,
daignez me montrer mes péchés comme vous me les montrerez au jour du
jugement, sans que je me fasse d'illusions, avec leur nombre incalculable, avec
leur malice, leur méchanceté, leur monstruosité, leur ridicule! J'ai osé
m'insurger contre vous: daignez m'accorder une douleur intense et profonde et
des larmes! O vous, qui avez pleuré mes péchés au jardin des Oliviers ou
attaché à la colonne et sur la croix, daignez m'accorder de pleurer vraiment
mes péchés et qu'aujourd'hui j'en reçoive le pardon de votre part…
Deuxièmement: Que je voie les dérèglements et tout ce qui m'incite à pécher;
que je sois décidé à me vaincre, à fuir toutes les occasions dangereuses.
Troisièmement: Vous qui avez maudit le monde ,,Malheur au monde et à ses
scandales”, daignez m'accorder aujourd'hui d'en avoir un réel dégoût pour tout
ce qu'il a de pervers; que je voie ce qu'il y a de quincaillerie dans ses
promesses trompeuses et qu'au lieu de me laisser séduire comme un enfant,
que j'en voie le néant, la vanité et que plus que jamais, je ne me laisse prendre
par ce maudit respect humain, cause de la damnation de tant d'âmes!…
Ensemble: Âme de Jésus-Christ… (page 339)

Le Troisième et dernier colloque au Père Éternel.


O Père éternel, je vous offre la Passion de Jésus car elle est d'un prix infini.
Vous ne pouvez pas la refuser parce qu'elle est celle de votre Fils bien aimé;
par elle je vous demande de me montrer mes péchés, de m'en montrer la
malice autant que je puisse le comprendre sur la terre, d'en avoir le plus
profond écœurement.
Daignez m'accorder d'avoir une vraie douleur de mes péchés, intense et
profonde et des larmes: que je voie aussi tous mes mauvais instincts qui me
détournent de vous; que je voie également tout ce qui du monde me trompe et
m'attire vers le péché…
Ensemble: Notre Père etc.

En attendant la messe, continuez à vous entretenir avec Notre-Seigneur. Voyez


ce qu'Il vous dit dans le plus profond de votre cœur.
-------
LA MORT ET LES JUGEMENTS
Nous continuons, Messieurs, cette étude très pénible, mais encore une fois
salutaire que nous appelons la première semaine. Nous touchons à sa fin.
Nous essayons de comprendre le péché, acte très mystérieux, d'abord parce
qu'il est libre.
La liberté est une chose très mystérieuse, c'est pourquoi on dit tant de sottises
à son sujet: je pourrais vous donner 30, 40 définitions différentes de la liberté
qui sont autant d'obstacles qu'on enlève devant un but qu'on prétend atteindre
ou désirer, donc, autant de libérations, de telle sorte que, parfois, il peut
sembler y avoir contradiction dans les définitions données, pourquoi ?… Il est
vrai, en effet, selon qu'on se fixe un but élevé ou un but très bas, qu'il y a des
définitions et des libérations différentes paraissant opposées, par exemple: …
voilà un bonhomme qui sort de prison et qui dit ,,je suis libre”…
Vous êtes libre de quoi ?… des murs de votre prison ? oui, peut-être… mais
êtes-vous libre de la passion qui vous fit entrer en prison ?… Non ?… Eh bien
alors, vous y retournerez à la prison car vous n'êtes pas libre!…

Voyez, nous avons là deux définitions différentes de la liberté… d'une part, la


libération des murs de la prison, d'autre part, la libération d'une passion, tout à
fait intérieure, celle-là…
Eh oui, quelqu'un qui se fixe un but très élevé, les Saints par exemple: afin
d'arriver à la sainteté, ils font des vœux de pauvreté, de chasteté, d'obéissance,
pour se libérer des biens extérieurs tels que les soins d'une femme ou
l'affection d'un foyer, pour se libérer même de leur propre direction en la
confiant à un autre…
Voyez, vous avez là encore une autre définition de la liberté, mais on est
obligé, lorsqu'on accepte des libérations d'un côté, d'accepter des jougs de
l'autre: il est certain que les vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance
sont des jougs, mais des jougs qui libèrent les sommets!…
Par contre, celui qui veut se donner à des plaisirs très vils, très bas,
évidemment, c'est par en-bas qu'il se libère celui-là; par contre il doit accepter
des jougs par en-haut, notamment celui des passions, et il en devient
forcément l'esclave!
Nous devons donc choisir. C'est pourquoi le péché reste mystérieux, parce que
c'est un acte libre, mais aussi, nous l'avons dit, parce que c'est une injure qui
s'adresse à Dieu, de telle sorte que nous avons pu avoir du péché un aperçu
comme en lumière indirecte…
Notre-Seigneur l'a dit: ,,Vous jugerez l'arbre à ses fruits”. Un bon arbre a
quelques fois des fruits qui deviennent mauvais, mais, c'est par accident…
Ce pommier, qui est là, dans le verger, c'est un bon arbre, mais ses fruits ont
été frappés par la grêle ou bien ont été visités par un insecte qui y a déposé
ses œufs devenus des larves… Le fruit est devenu mauvais par accident.
Tandis que si les fruits deviennent mauvais sans accident, c'est que l'arbre est
mauvais. Oui, vous jugerez l'arbre à ses fruits…
Si nous avions le temps dans nos retraites de cinq jours (cela se fait dans
celles de 8 et 30 jours), nous étudierions que les maux qui écrasent le monde
ont tous pour origine les passions: on y trouve l'orgueil, l'avarice, la luxure,
l'envie, la gourmandise, la colère et la paresse… Tous les maux qui écrasent
les hommes, tous, ont pour origine le péché, même les maux naturels comme
les cataclysmes qui n'auraient jamais nui à l'homme s'il n'y avait eu le péché
originel: ce ne sont pas des vues romantiques, c'est la réalité même physique
qui découvre ce déséquilibre biologique, minéral, je dirais même
astronomique… vous jugerez l'arbre à ses fruits… et après avoir étudié
certaines des conséquences du péché originel et du péché actuel nous avons
vu la plus terrible de toutes: l'Enfer… L'enfer qui est très mystérieux aussi, mais
remarquez qu'il est moins mystérieux que le péché, car s'il n'y avait pas le
péché, il n'y aurait pas l'enfer…
Nous allons maintenant nous arrêter devant une autre conséquence du péché,
une conséquence qui nous prend tous à la gorge, une échéance que nous
trouverons devant nous, et je vous ramène à nouveau à cette image que je
vous donnais au début de la retraite: le chasseur d'aigle qui a sectionné les 3/4
de sa corde, les cordonnets se rompant les uns après les autres… Comme je
vous le disais, c'est notre histoire à tous et un jour, sans que nous soyons
avertis, le dernier cordonnet cassera et nous tomberons dans l'éternité… Oui,
la mort!…
Alors, comme composition de lieu, je vous en donne deux, au chaux, pour
mieux fixer vos idées.
D'abord la première mort:
Nos premiers parents avaient été condamnés à mort, mais ils n'avaient pas
réalisé ce que c'était, puisque cela n'existait pas encore…

Ah! la souffrance oui, la peine oui… leur sort était bien différent de l'état
privilégié où ils se trouvaient avant le péché: la terre produisait des épines et il
fallait la travailler, se baisser, suer pour qu'elle donne des fruits. Ils étaient
arrivés à comprendre cet effort pénible, mais la mort ?… Non!… ils n'avaient
pas réalisé.
Et puis un jour (nous devinons la chose, car le livre de la Genèse est
évidemment discret sur certaines circonstances et nous laisse imaginer d'après
les vraisemblances psychologiques), un jour donc, la pauvre femme, la pauvre
mère, a découvert derrière un buisson le corps ensanglanté de son petit Abel;
et nous pouvons supputer les efforts qu'elle a pu faire pour essayer de ramener
la chaleur dans ses membres froids, le pressant contre elle; puis, l'arrivée de
son mari, d'Adam, joignant ses efforts aux siens, assez gauches d'ailleurs,
comprenant sans comprendre, car l'enfant restait inerte et devenait de plus en
plus froid!… 
Ils ont dû penser alors l'un et l'autre: ,,Ça ? cela doit être la mort!”. Mais c'était
la première fois et tout était problème! Ils ont décidé sans doute de le laisser
sur son lit de feuilles sèches, et il est possible que la maman ait pensé: ,,Oui,
c'est la mort, mais j'aurai cependant quelques compensation: il restera toujours
là, je pourrai le regarder tant que je voudrai, je pourrai en jouir puisqu'il ne
partira plus; évidemment, je ne verrai plus le feu de son regard et je n'entendrai
plus le son de sa voix:”. Elle pensait, en bref, qu'elle ne le perdrait pas tout à
fait!
Et vous devinez ce qui s'est passé au bout d'une trentaine d'heures… une
odeur fade qui envahissait la pauvre cahute…
Mais, d'où vient cette odeur ?… on dirait qu'elle vient du petit ? Eh oui, l'odeur
venait du petit et elle est devenue telle, qu'il a bien fallu aviser!… Maintenant,
on sait bien ce qu'il faut faire, mais la première fois ?
Alors, ils ont dû se rappeler la parole divine, cette parole que les prêtres disent
le mercredi des Cendres: ,,MEMENTO HOMO QUI A PULVIS ES ET IN
PULVEREM REVERTERIS - Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que
tu retourneras dans la poussière” … Ce n'est pas l'Église qui a décidé de cette
phrase dans la liturgie… Non! nous la trouvons au début même de la Genèse:
C'est Dieu qui a dit cela après le péché en s'adressant à l'homme, et, par là,
vous voyez la différence d'action entre le démon et Dieu: le démon dit à
l'homme ,,Si tu manges du fruit, tu deviendras Dieu, tu seras Dieu, tu auras la
science du Bien et du Mal”, tandis que Dieu dit à l'homme ,,Souviens-toi,
homme, que tu es poussière…”. Voyez!… la réalité… et tu retourneras dans la
poussière. Pauvre petit bonhomme qui ose s'égaler à Dieu!…
Tout ce que tu as vient de moi, ton Père, et tu ne veux pas m'obéir ? Tu veux te
rendre heureux à ta façon ? Alors rappelle-toi que tu es poussière et tu
retourneras… tu retourneras… et donc, il va falloir faire un trou… et le petit
retournera dans la poussière… Et, en effet, le petit disparut. Ils comprirent à ce
moment-là que la mort était en réalité plus pénible, plus terrible que ce qu'ils
pouvaient penser; que ceux qui meurent sont arrachés à la tendresse de ceux
qui restent…
Il n'est pas défendu d'imaginer non plus que 8 jours après ils ont pu se dire l'un
à l'autre: Qui sait si le petit n'aurait pas quelque besoin dans l'état où il se
trouve ? Vous savez que très souvent, dans les civilisations anciennes,
lorsqu'on découvre des sarcophages en Égypte, dans les civilisations pré-
colombiennes, centre-Amérique, les Mayas, les Astèques et autres, très
souvent, il (((on ?))) y constate des objets divers, de ce qui fut de la nourriture
(on voit bien par là leur croyance à l'immortalité de l'âme) et ces peuples
pensaient que dans le voyage qui suit la mort, le défunt pouvait encore avoir
besoin de certaines choses de la terre.
Il y a là une démarche qui montre avec évidence la croyance à la survie et
l'immortalité de l'âme… et en pensant que le petit aurait besoin de quelque
chose, ils sont allés le retrouver huit jours après.
Nous réalisons facilement ce qu'ils ont trouvé. Sans doute ont-ils pu se dire
,,Mais qu'est-ce que le péché pour que le Père, notre Dieu, nous ait
condamnés à devenir ça!…”. avant, ils comprenaient sans comprendre car le
cadavre conserve plus ou moins son aspect extérieur, mais 8 jours après, on
voit ce que c'est!
Oui, qu'est-ce que le péché pour que Dieu nous condamne à passer tous par
là! Depuis cette première mort, combien de fois des mamans qui avaient donné
la vie à leur enfant n'ont pas pu la rendre (les mères ne sont que des
instruments, elles donnent la vie et puis c'est fini, elles ne sont pas maîtresse
de la vie et de la mort, les mamans!) Eh oui, c'est fini et c'est arrivé des
milliards de fois que des mamans n'ont pu rendre la vie à leur petit… C'est
arrivé des milliards de fois aussi que des enfants ayant encore besoin de leur
mère, qui s'accrochaient à leurs jupons (c'était navrant et terrible pour eux) ont
été écartés et leur mère a disparu dans une grande boîte en bois sur laquelle
on a mis un couvercle et cela a été fini; ils n'ont plus jamais revu leur mère…
Des milliards de fois… une hécatombe effroyable, conséquence d'un seul
péché!…
Et remarquez que Dieu ne peut pas exagérer: Si vous désobéissez, avait-il dit,
vous mourrez de mort. Dieu avait fait un miracle pour les rendre immortels…
En désobéissant, ils sont devenus mortels… Ce privilège d'immortalité qu'ils
ont perdu, ils ne pouvaient plus le transmettre, évidemment, tout comme il reste
impossible de transmettre en héritage une fortune perdue… Oui, si vous
désobéissez, vous mourrez de mort!…
Si vous voulez une autre composition de lieu, un autre cadre, vous pouvez
prendre la mort de l'impératrice Isabelle, la femme de Charles Quint, une des
femmes les plus célèbres du 16ème siècle par sa beauté et son intelligence…
Elle mourut dans le nord de l'Espagne après une courte maladie. Comme
Charles Quint était en train de bagarrer en Allemagne, son cousin le duc de
Gandie (François de Borgia, vice-roi d'Espagne) dut conduire la dépouille de sa
cousine Isabelle à Grenade où on devait l'ensevelir au tombeau de ses
ancêtres, dans la cathédrale…
Le duc de Gandie accompagna donc la dépouille de l'impératrice sa cousine en
traversant l'Espagne en plein mois d'août, avec les moyens de son temps,
c'est-à-dire avec des chevaux et au milieu d'un grand concours de population à
travers la vieille Castille, la nouvelle Castille, l'Estramadure, l'Andalousie pour
arriver enfin à Grenade après plus de dix jours de voyage et là, dans la
cathédrale, devant le peuple réuni, devant les édiles de la ville, François de
Borgia dut livrer son dépôt.
On ouvrit officiellement le cercueil. Il y avait d'abord un cercueil de noyer, puis
un second en plomb, soudé et muni des sceaux officiels et puis, enfin, un
dernier cercueil de chêne finement sculpté qui épousait un peu les formes de
l'impératrice.
Lorsqu'on ouvrit ce cercueil, ce fut une catastrophe!… un spectacle
effroyable… indicible!… Les gens tombaient comme des mouches… une peste!
… et sommé de répondre si c'était le corps de la très haute et très noble dame
Isabelle de Portugal, ------((fin de la page 120))--------

((p... 121))
épouse du très haut et très noble empereur des Romains Charles cinquième,
François de Borgia, qui avait vu là, 12 jours auparavant le corps d'une femme
très belle… 33 ans… dans l'épanouissement de sa beauté, ne put que
balbutier: ,,Je suis certain qu'on l'a mise là, Isabelle, ma cousine, je l'ai
accompagnée nuit et jour, vous avez constaté l'intégrité des sceaux et je suis
certain qu'on n'y a pas touché, mais vous dire que c'est elle… j'en suis
incapable!…”. On avait mis là une femme très belle… il n'y avait plus qu'un
cloaque innommable qui devenait un danger public. Il fallut fermer rapidement
le cercueil et alors qu'on devait faire le service funèbre avant, on descendit
aussitôt la bière dans le caveau… on s'en débarrassa… et puis le service
funèbre eut lieu… après.
François de Borgia prit la décision de renier la cour. Grand chrétien, tout avait
pour lui désormais un goût d'amertume, il ne pouvait se défaire de ce
spectacle, et il conclut: ,,Moi, j'en ai assez de servir des hommes, des
empereurs, des impératrices, des rois et des reines qui deviennent… ça! Moi,
je veux consacrer ce qui me reste de vie au Roi du Ciel!”.
Il avait 6 enfants. Il arrangea ses affaires et dès qu'il put être libéré de ses
devoirs d'humanité envers les siens, il entra dans la Compagnie de Jésus
naissante. Il en devint par ailleurs le troisième Général, mais il devint surtout
Saint François de Borgia dont nous célébrons la fête tous les ans le 10
octobre… Vous pouvez vous servir de ce cadre si vous le voulez.
Maintenant, quelques idées pour que vous puissiez faire votre méditation, en
commençant par celles qui ne sont pas dans le livre et qui ont trait à la
confession des péchés, puisque c'est bientôt le moment de vous approcher du
Sacrement de pénitence.
Prêtres, nous confessions évidemment dans la retraite, mais nous confessons
parfois dans les paroisses. Nous voyons, le cas est fréquent pour Pâques, des
hommes qui ne se sont pas confessés depuis un an, déclarer ingénument ne
pas trouver de péchés à accuser… vraiment, il y a des saints qui s'ignorent!… Il
y a un an qu'ils n'ont pas pris contact avec le tribunal de la pénitence et ils n'ont
pas de péchés!
On doit cependant se confesser, et, par charité, nous les aidons à voir quand
même s'il n'y a réellement pas de péchés et nous ouvrons nous-mêmes le sac!
… Et on en trouve alors, même des péchés très gros, d'habitudes parfois très
graves…
Rappelez-vous, Chers Messieurs, que le prêtre, dans le Sacrement de
pénitence, réalise quatre grandes missions qui sont l'honneur du sacerdoce: le
prêtre d'abord est juge et en tant que tel il doit dresser un dossier avec des
pièces, et ces pièces, c'est le pénitent lui-même qui peut et doit les fournir; c'est
pourquoi, le prêtre doit interroger pour déterminer la grandeur du pardon qu'il
doit donner et la qualité des conseils qu'il doit prodiguer.
Mais, il n'est pas que juge, il est aussi docteur: il doit à ce titre instruire, car
dans le péché, il y a parfois une part d'ignorance; il faut mettre le pénitent en
garde pour ne pas récidiver.
Le prêtre doit guérir aussi, il est médecin à ce moment-là; mais, pour prescrire
les remèdes utiles, il est obligé de connaître les plaies de l'âme; c'est pour cela
qu'il interroge…
Enfin, le prêtre est Père: Père, il doit consoler. Quelqu'un qui comprend un peu
le sens de la nature humaine et celui de notre passage ici-bas, voit bien que le
péché est la plus rude des croix que puisse porter un homme. C'est pourquoi le
prêtre doit consoler et encourager.
Vous voyez ainsi les admirables missions que le prêtre assume dans le
sacrement de pénitence: il est juge, docteur, médecin et père et c'est pour
remplir ces divers rôles qu'il peut être amené à interroger le pénitent. C'est pour
cela aussi qu'il y a parfois des hommes qui commencent par dire qu'ils n'ont
pas de péchés, puis, lorsqu'on leur en a trouvé et qu'on leur dit qu'il faut faire
telle chose, prendre tel moyen pour échapper à telle habitude, se récrient et
vous disent: Mais, Mon Père, vous comprenez, je suis un homme, moi… que
voulez-vous, vous en demandez trop! il me semble que vous êtes un peu trop
dur, trop rigoriste… etc…
Mais, Monsieur, mon fils, on ne peut pas vous faire de rabais!… Nous, les
prêtres, nous ne sommes que des employés, voyez! Vous pouvez toujours
demander au Patron qu'Il vous fasse un prix, mais ça m'étonnerait qu'Il y
consente vous savez, parce que le Patron Lui, a dit: ,,Que celui qui veut être
mon disciple se renonce, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive!”… Et pas une
croix en carton pâte, en sucre d'orge ou en chocolat… non, non!… la croix
quoi!… la vraie Croix!… Mon fils, nous ne pouvons, et personne ne peut vous
faire de rabais… si vous voulez guérir de vos maux, voilà ce qu'il faut faire…
Oui, il y a des hommes qui se récrient d'avoir à changer une habitude, à rompre
une liaison ou autre chose… cependant, Notre-Seigneur a parlé très clair: Ton
œil te scandalise ? arrache-le et jette-le loin de toi… ta main te scandalise ?
arrache-la et jette-la loin de toi pour ne pas avoir la tentation de la reprendre;
ton pied te scandalise ? arrache-le et jette-le loin de toi, car en vérité je vous le
dis, il vaut mieux entrer borgne, manchot ou boiteux au Ciel que d'aller avec
deux mains, deux pieds, deux yeux en enfer…
Notre-Seigneur est radical n'est-il pas vrai ? Il réalise en cela le "Principe et
Fondement" que vous avez médité; nous sommes sur la terre pour arriver au
but: prenez donc les moyens, enlevez les obstacles quels qu'il soient, il
vaudrait mieux arracher l'œil, etc… : Vous le voyez, c'est très logique!
De nous-mêmes, nous nous livrons bien au chirurgien pour nous faire enlever
un œil lorsque la vie du corps en dépend; nous nous livrons à lui pour nous
faire enlever une main, un pied, un rein, in morceau d'estomac, d'intestin ou
tout autre organe, si c'est nécessaire… pour le corps, nous faisons tout cela
lorsqu'il faut, mais à plus forte raison nous devons le faire pour l'éternité,
soyons logiques!…
Eh bien, mes chers Messieurs, si nous nous livrons au chirurgien pour sauver
le reste – je ne sais pas si vous êtes déjà monté sur une table d'opération
– mais un jour viendra où tous, nous monterons sur une grande table
d'opération… là on ne nous enlèvera pas un œil, une main ou un pied, là, on
nous enlèvera les 2 yeux, les 2 mains, les 2 pieds, les 4 membres, le corps et
la tête… La mort est l'ablation de tout le corps et par le fait même, pensons aux
conséquences:
Vous perdrez vos yeux et vous ne verrez plus vos beaux horizons: les parisiens
leur Île de France et les provinciaux leurs belles vaches laitières, les ruisseaux
limpides, les belles montagnes, la grande bleue, la mer; vous ne verrez plus
votre petit coin, là, avec vos livres, votre atelier avec ses outils, votre transistor,
votre télé, … fini tout cela… vous ne verrez plus votre belle voiture qui vous
donnait tant de joie, votre Citroen, votre Renault, votre Peugeot, fini toutes ces
choses… on ne vous verra plus dans vos rues de Paris, on ne vous rencontrera
plus sur cet escalier de Montmartre venant faire votre retraite ici…
Qu'est-ce qui vous sera enlevé aussi ? … Il vous sera enlevé le temps: il y a
beaucoup de gens qui passent le temps, qui perdent le temps, qui tuent le
temps… on a inventé cette expression de "tuer le temps", essayer de "tuer le
temps"! Grand Dieu, alors qu'il est si précieux… tuer le temps!… Le jour où le
dernier cordonnet cassera on s'apercevra alors de la valeur qu'avait le temps,
quelle marchandise inappréciable était le temps! Ah! si l'on pouvait encore avoir
un peu de temps à ce moment-là pour pouvoir revenir en arrière et se convertir,
mais il n'y aura plus de temps, ce sera fini à jamais…
Comme je vous le disais hier, tant que nous sommes ici-bas, dans le cadran de
notre vie psychologique, l'aiguille de notre liberté joue, nous restons libres
d'agir à notre gré. Mais, dès que la mort arrive, c'est fini… l'aiguille se cale,
nous gardons le cadran, mais l'aiguille est calée à tout jamais, c'est fini, plus de
temps: plus de temps pour changer de vie, plus de temps pour faire cinq jours
de retraite qui auraient été salutaires, plus de temps pour réaliser tel ou tel
projet, c'est fini, fini… fini… dans l'éternité de l'éternité, plus de temps… fini…
fini…
Qu'est-ce qui nous sera enlevé aussi ? Nos idées, en ce qu'elles ont
d'inadéquat avec la vérité, nos idées fausses, erronées, hérétiques…
Beaucoup d'hommes ici-bas ont leurs idées! Je vous racontais hier ce
bonhomme qui était venu à Chabeuil et avait "ses idées". Il est parti le
deuxième jour pour garder "ses idées"… je ne sais pas ce qu'il est devenu,
mais un jour, il sera bien obligé de les laisses… "ses idées“, car, lorsqu'on
arrive au dernier portillon, il y a la douane et puis… et puis il n'y a rien à faire
hein ? il y a des marchandises intellectuelles qui ne passent pas! C'est fini, tout
cela y est arrêté et on est bien contraint de laisser là toutes les idées fausses!

Messieurs, de l'autre côté, il y a, comme vous le savez, deux chemins… un qui
monte, un qui descend, mais en haut comme en bas, on croit au CREDO… Là,
en effet, il n'y a plus de communistes, de marxistes, d'athées… Staline n'est
plus communiste, Hitler n'est plus raciste… j'en suis certain: remarquez que je
ne sais où ils sont, je n'ai pas reçu de révélation à leur sujet, mais, je puis vous
certifier que leur étiquette, ils l'ont perdue, tout comme Rosenberg, Goebels ou
Goering… Mussolini n'est plus fasciste, lui… il ne rêve plus de chemises noires!
… tout ça c'est fini… de l'autre côté on croix intégralement depuis CREDO IN
DEUM PATREM jusqu'à la dernière phrase ET VITAM VENTURI SECULI, il n'y
a qu'ainsi-soit-il qu'ils ne peuvent plus dire…
Oui, voilà ce qui nous sera enlevé… nos idées inadéquates par rapport à la
vérité…
Autre idée, pour vous aider à faire votre méditation: la mort. A notre époque
surtout, elle a deux caractères différents: un caractère joyeux et cela paraît
paradoxal, et un caractères ennuyeux, pénible…
La mort a un caractère joyeux: de là, la vogue de certains films américains, les
Western, avec coups de revolver -pa-pa-pa-pa-pa-, des carabines -pa-poum-
pa… il y a des morts et des blessés à chaque instant… et on aime ça!… J'ai vu
en passant dans une rue de Paris une affiche avec un nouveau film en
Technicolor sur Buffalo Bill, ah! on aime ça! et un retraitant qui était un peu de
la partie me disait que même un peu décousus, ces films étaient toujours en
vogue, avaient toujours du succès. Oui, on aime ça, beaucoup de bruit,
beaucoup de mort, beaucoup de sang; de là aussi, la vogue des romans
policiers avec des crimes plus ou moins parfaits, des magazines de police
comme "Détective" ou autres, on aime ça… et, dans un salon parisien,
lorsqu'un convive parle de la mort de cette façon, en racontant avec brio un de
ces crimes, tout le monde est sous le charme et la maîtresse de maison dit à
son mari: Oh! comme ce Monsieur est intéressant, on l'invitera encore n'est-ce
pas ? C'est tellement bien!
Mais la mort a aussi un caractère très différent, pénible à certains,
profondément religieux: qui nous fait penser à Dieu, à l'éternité, au Jugement.
De ça, on ne veut pas en entendre parler.
Imaginez que dans le même salon parisien, avec toute la mondanité vaine que
caractérise cette appellation, un convive se mette à parler de la mort de la
façon suivante: ,,Un jour n'est-ce pas, nous mourrons et paraîtrons devant
Dieu, le juste juge, pour rendre compte de notre vie et puis, après le jugement,
ou le Ciel… ou l'enfer!… Hou, hou, hou… tout le monde a alors mal au cœur,
tout le monde regarde de travers ce pauvre bougre qui a osé parler de la mort
ainsi et la maîtresse de maison, outrée, dit à son mari… ,,Ah! un salon comme
le nôtre! entendre des choses pareilles! Quel homme stupide et maladroit, c'est
un malpropre, on ne l'invitera plus hein?… d'ailleurs, il me semble que ce type-
là va faire des retraites à Chabeuil !!!…”.
Eh oui, l'ennemi numéro 1… quelle hypocrisie… oui, la mort amusante, la mort
religieuse.
Pourtant, quoiqu'ils en disent, la mort religieuse s'impose à eux, dans le journal
d'abord: des catastrophes d'avions tous les jours il y en a, mais, comme on ne
veut pas trop embêter les lecteurs, on raconte celles qui ne sont pas trop loin
survenant aux Douglas, aux Comet, à Boing, mais des autres, on n'en parle
pas… je n'ai pas besoin de vous raconter ce qui se passe sur les routes de
France et d'ailleurs avec les autos; tous les jours il y a des accidents dont on ne
relate que les plus gros; les autres sont relatés en toutes petites lettres ou on
ne les met pas du tout, on n'en parle même pas…
Bien sûr, la mort: Vous passez à la dernière page du journal, vous avez encore
la mort sous une forme différente: Avis de décès, anniversaires, avis de
messes, de trentains, etc… Remerciements, que sais-je moi ? surtout dans les
journaux régionaux et locaux…
Vous laissez le journal pour prendre la radio ou la télé: toujours la mort qui
apparaît sous une forme ou une autre "Accident de chemin de fer: X morts…
Mesdames et Messieurs, des savants américains viennent de trouver un
produit chimique dont un gramme suffira pour tuer des milliers de personnes!…
Alors, pour échapper au journal, à la radio et à la télé, vous descendez dans la
rue pour vous trouver nez à nez avec un corbillard… ah!… on salue… on salue
et là, dans le cortège, avec hypocrisie, on porte le masque du jour… on montre
qu'on a de la peine… mais on en murmure pas moins… Oh! tu sais, c'était bien
son tour! Il avait l'âge d'y passer quand même! tiens, vieux, donne-moi du feu!
… Eh oui, un frère en humanité qui est parti… dont la corde vient de casser, et
tous les jours il y en a 120'000 comme cela, de telle sorte que dans les jours
qui viendront – c'est déjà marqué à l'avance – le scénario est tout prêt – dans
les jours ou les années qui nous séparent de l'échéance, les uns après les
autres, pour vous… vous… vous… et moi aussi d'ailleurs, la corde cassera,
nous serons dans l'éternité! A moins que vous ayez reçu une révélation
spéciale vous précisant que vous resterez comme graine sur la terre, ce qui
m'étonnerait!
Et pourtant, un marseillais, m'a dit cela un jour: il avait 82 ans, était venu à
Chabeuil faire sa première retraite malgré son âge; en partant, il disait toute sa
joie aux autres retraitants: ,,Moi, à mon âge, je suis tellement content que
l'année prochaine, si je suis encore en vie, je reviendrai, parce qu'à Marseille,
ajoutait-il, nous mourrons presque tous”… Ah! presque tous!… En tout cas, il
ne faisait pas partie de ces "presque", parce qu'il n'est pas revenu… il est mort
dans l'année. A Marseille, nous mourrons "presque tous", façon de parler, bien
sûr, mais un jour, la corde cassera, pensez-y…!
Autre idée encore pour votre méditation: ce moment arrivera bien vite…
Lorsqu'on est jeune, qu'on a 20 ans et qu'on se trouve à la retraite, quand le
Père parle de ces choses-là, on regarde un peu les voisins à côté, les cheveux
blancs ou grisonnants et on se dit intérieurement: Tiens, le Père parle pour les
vieux… Non, non, je parle pour tout le monde et souvent des jeunes partent
avant les vieux; voyez dans les accidents de voitures dans les accidents de
travail… voyez en Indochine: je croix que la France y a laissé plus de 3'000
officiers jeunes; je ne sais combien il en est resté en Algérie et cela sans
compter les noirs, les indochinois; je n'ai point parlé non plus des sous-officiers
et des soldats… Oui, la mort arrivera bien vite. Qu'est-ce que c'est 80 ans pour
celui d'entre nous qui ira le plus loin ? qui partira le dernier ? oui, qu'est-ce que
cela en regard de l'éternité ? Pour tous la mort arrivera bien vite…
Deuxième point de votre méditation: Le jugement particulier.
Saint Paul nous le dit: dès que la personne meurt, l'âme comparaît devant Dieu
pour être jugée. Après quelques heures, le corps est transporté au cimetière,
mais, aussitôt la mort réelle, l'âme comparaît devant Dieu pour rendre des
comptes. C'est normal!…
Saint Ignace essaie de nous faire vivre ce tête à tête avec le Seigneur; les
anciens aussi ont quelquefois essayé de reproduire des scènes imaginatives
sur ce qui suivra la mort, des choses plus ou moins grotesques parfois.
Évidemment, il y a eu et il y aura toujours du mystère dans tout ce qui entoure
la mort, mais nous, chrétiens, nous savons ce qui va se passer: Qu'une
personne meure là, dans la rue, sur la route, en auto ou autre, qu'elle meure
dans sont lit, brûlée, noyée ou de maladie, peu importe; aussitôt que la mort
intervient, on est jugé par Dieu.
Dieu projette alors Sa Sainteté éternelle à l'intérieur de l'âme, y fait resplendir
sa lumière divine de telle sorte que les moindres aspérités morales prennent un
relief extraordinaire: Si l'âme est d'une pureté diaphane et cristalline comme
peuvent l'avoir les enfants mourant après leur baptême avant l'âge de raison et
les grands Saints qui sont passés par de grandes purifications des sens et
surtout de l'esprit, alors on peut dire que la mort, le jugement et la béatitude
éternelle coïncident; mais si l'âme a la moindre tache, même une ombre de
tâche de péché véniel qui prend à cette lumière de la Sainteté divine un relief
extraordinaire, alors le Purgatoire… parce qu'au Ciel, attention, mes Chers
Messieurs, au Ciel rien de souillé ne peut entrer, rien… rien…
Je me rappelle, lorsque j'étais encore enfant, de ma mère qui faisait la lessive
et ensuite il y avait une corvée qui ne me plaisait guère, c'était celle de plier les
draps. Ma mère, qui regardait bien disait: Ah! ce drap n'est pas assez blanc, on
va le remettre; et on le remettait dans la bassine pour le relaver…
Eh oui, il y a des gens qui sont en état de grâce, qui vivent hors du péché
mortel, mais dont l'âme n'est pas assez propre… et il est terrible ce rôle de
purification qu'a le Purgatoire, le mot le dit, c'est pour purger et en purgeant on
se purifie! Nous savons déjà sur la terre qu'un vêtement de valeur à nettoyer
c'est une misère pour le faire comme il faut: il faut y aller doucement surtout
avec certains tissus d'or et d'argent finement tissés, c'est un véritable problème!
… Mais, pour nettoyer une âme!… pour effacer les traces de ses péchés, pour
la rendre apte à paraître devant Dieu ? Imaginons la somme des souffrances
qui seront nécessaires!…
Tous les Saints ont parlé de ce rôle terrible du Purgatoire.
Mais si l'âme a un seul péché mortel non pardonné qui prend lui, un relief
extraordinaire dans cette lumière divine, d'elle-même elle ira en enfer comme
dans le seul endroit qui puisse la recevoir… d'elle-même!… Sans jugement de
Dieu à proprement parler: c'est elle-même qui prononcera son jugement devant
l'évidence de la Sainteté de Dieu; de par son état elle se sentira indigne de
paraître ainsi… voyez, c'est pour cela d'ailleurs que l'on dit: ,,On se damne” …
oui, on se damne sur la terre d'abord et on se damne à ce moment-là aussi…
Troisième point: Le jugement général.
Lorsque l'Église parle du Jugement, elle parle surtout du jugement général.
Vous savez que dans sa liturgie, l'Église n'ouvre jamais un nouveau cycle, au
premier Dimanche de l'Avent, sans rappeler le Jugement dernier… l'Église
aussi n'achève jamais l'année liturgique au 24ème dimanche après la
Pentecôte sans rappeler le Jugement dernier. Oui, l'évangile du premier, du
dernier dimanche du Cycle sont sur le Jugement dernier et nous savons qu'à
ce moment-là seront jugées surtout les élites devant les subordonnés.
Tout sera remis en place. Les Saints exultaient beaucoup à la pensée du
jugement dernier. Je vous ai déjà rapporté, je crois cette parole de Sainte
Thérèse de l'Enfant Jésus écrivant à sa sœur: ,,J'exulte à la pensée que bientôt
nous serons comme des Dieux”. Tout sera rétabli à ce moment-là. Sainte
Thérèse d'Avila, sa mère spirituelle, la réformatrice du Carmel, lorsqu'elle
entendait chanter le Credo et qu'on arrivait à la fin "CUJUS REGNI NON ERIT
FINIS" ne pouvait s'empêcher de pleurer de joie en pensant à l'éternité, en
pensant à la grande victoire du Christ-Roi que sera le Jugement dernier.
Tout y sera rétabli. Des gens qui se trouvaient à l'avant-scène du monde,
vedettes de la politique, vedettes du cinéma, vedettes du sport, etc… qui
accaparaient l'attention du monde, les magazines, les journaux, (pas
nécessairement toutes, n'est-ce pas ?) n'auront en tant que telles aucune
lumière; par contre, de pauvres femmes, de pauvres hommes perclus de
douleurs dans des hôpitaux, des gens qui auront supporté l'épreuve grâce à la
prière et aux sacrements resplendiront plus que des soleils…
Tout sera changé, tout prendra alors un visage d'éternité et lorsque le Christ
viendra comme nous le lisons dans l'Évangile, lorsque Notre-Seigneur viendra
avec sa Croix pour juger, c'est l'attitude que nous aurons eue devant la Croix
qui portera le Jugement… Oui, avec tous ses Saints, Notre-Seigneur viendra
juger!
Alors, où iront se cacher ceux qui auront manqué à leurs devoirs d'époux, qui
auront sali leur lit conjugal ? On peut s'imaginer leurs femmes les accusant
,,Oui, on avait avec toi le droit de tout faire, tu l'as bien cherché” ! Mais souvent,
c'est ensemble qu'ils se damnent, s'entraînant l'un et l'autre… où iront se
cacher ceux qui par égoïsme auront refusé la vie aux enfants qu'il devaient
avoir ?
Où iront se cacher ceux qui auront manqué aux devoirs de la justice ? Vous
savez qu'on pourrait trouver 30 à 40 verbes maintenant pour justifier le vol:
Avant, "voler" consistait à prendre le portefeuille dans la poche du voisin ou à
fracturer sa maison! mais, maintenant, il y a de multiples façons de voler! C'est
même devenu officiel! Vous avez en Amérique de grands buildings occupés par
de grandes firmes… c'est tout pour le vol! On vole d'une façon organisée,
d'après les lois mêmes, avec les avocats qui s'en mêlent, tout ça par une
escroquerie devenue officielle!… Et le gouvernement n'y peut rien! Il faudrait
refaire toutes les lois!… Alors, il se contente d'imposer pour avoir une part du
vol… une part de la fraude…
Oui, où iront se cacher ces gens-là ? parce que devant le tribunal de Dieu, il n'y
a pas de Société anonyme, hein ?… il n'y a que des âmes avec leur conduite!

Où iront se cacher ceux qui auront manqué à leurs devoirs, à leurs
responsabilités dans l'industrie, dans le commerce, dans la finance… Que de
choses on va voir à ce moment-là!… dans la politique aussi… dans la politique!
… tout sera découvert, tout sera mis à la face du monde, on en verra des
choses malpropres, là, dans ce panier de crabes… C'est la justice qui le
demande! Elle n'existe pas ici-bas, mais là, oui! Et le Christ demandera à
chacun des comptes sur l'emploi de son temps, à tous les chefs devant leurs
subordonnés…
Où iront se cacher tant d'hommes politiques, tant de Messieurs qui étaient
comme à l'avant-scène du monde, dans la haute finance, plus ou moins
connue, la haute maçonnerie aussi qui ne fait que le jeu du démon et ne rêve
qu'à combattre l'Église, où iront-ils se cacher ? Ils occupent les plus hautes
places – moi, je crois que de leur vivant il y a pour eux comme une jouissance
par anticipation, une sorte de Paradis terrestre, à voir ces noms inscrits un peu
partout: les Voltaire, les Rousseau, les Edgar Quinet, les Gambetta, tous ces
gros maçons figurant sur le frontispice des écoles laïques et dans nos rues!…
Où iront se cacher ceux qui auront manqué à leurs devoirs de chef dans la vie
militaire, l'armée, la marine, l'aviation… quelquefois les chefs, en temps de
guerre surtout, ont de très graves responsabilités… Il y en a parfois qui, pour se
faire un certain renom de gloire ou pour éviter quelque humiliation, sacrifieront
des hommes sur un champ de bataille… Ah! C'est grave cela!…
Où iront se cacher les chefs de l'intelligence, les écrivains, les journalistes…
Ah! les journalistes!… Souvent le Pape, à l'occasion du Concile, a pu rappeler
leurs devoirs aux journalistes… C'est effarant ce que ces gens-là peuvent, sous
prétexte d'informations, émettre d'imbécillités, non seulement sur le Concile,
mais sur toutes choses… Combien de têtes ont été troublées en France par
certains articles au sujet du Concile! Oui, les journalistes…
Les écrivains aussi! Le mal qu'on peut faire avec un livre surtout si l'homme est
intelligent! Où iront-ils se cacher lorsque des millions de bras se lèveront pour
accuser: Seigneur, si je me suis pourri l'âme et le corps, c'est à cause de ce
Monsieur, regardez-le!… il portait un habit vert, il était académicien en France,
ce saligaud, c'est lui!… Ah! comment pourront-ils se sauver tous ces gens-là
après avoir souillé, sali des millions de jeunes gens et de jeunes filles par leurs
écrits ? Oui, je me demande où ils iront se cacher…
Où iront se cacher ceux des consacrés qui, ayant une tâche sublime à remplir,
auront manqué à leurs devoirs ? Ah! ils seront plus sévèrement jugés, et c'est
normal!… C'est normal, puisque les plus hautes responsabilités, c'est eux qui
les détiennent! Il y en a qui ne seront pas à la noce hein ?… et les directeurs de
retraites non plus, nous serons soignés au passage, mais, je n'insiste pas, j'ai
mon paquet aussi… Bien!
Voilà une belle méditation, mes chers Messieurs, qui doit vous remettre devant
la réalité.
Je vous rappelle les deux compositions de lieu: la mort d'Abel, la mort
d'Isabelle.… mais il reste évident que vous pouvez y substituer tout autre
composition de lieu, dont une très opportune, qui serait celle de vous voir vous-
même sur votre lit de mort pour en tirer les enseignements.
1er point: la mort : La mort est un chirurgien qui nous enlèvera tout; elle nous
enlèvera toutes nos richesses, tous nos horizons, elle nous enlèvera aussi le
temps… plus de temps! elle nous enlèvera nos idées fausses, toutes ces idées
inadéquates avec la vérité; la mort, on l'oublie trop à notre époque, elle
s'impose pourtant à nous. Enfin, la mort arrivera bien vite… Qu'est-ce que c'est
le peu de temps qui nous reste à vivre en regard de l'éternité ? nous avons déjà
cassé certains trois cordonnets, d'autres cinq, alors qu'est-ce qui reste ? même
pour le plus jeune ?
Deuxième point: le jugement particulier : Ce tête à tête avec Dieu qui suit
immédiatement la mort. Que va-t-il arriver à ce moment-là ? et nous partons
sans être avertis!…
Troisième point: le jugement dernier ou jugement général : jugement des élites
devant leurs subordonnés.
Chacun d'entre nous, nous avons des responsabilités différentes…

N'oubliez pas, à la fin, de faire un fervent colloque en regardant la croix:


Demandez à Notre-Seigneur Jésus-Christ: Seigneur, pourquoi avez-vous subi
tous ces jugements infâmes ? Anne, Caïphe, Pilate, Hérode, Barrabas.…
Pourquoi avez-vous accepté cette mort effroyable ? Ne serait-ce pas pour que
je réfléchisse, moi, à ma mort et à ces jugements ?
Vous direz ensuite le PATER du fond du cœur. Soignez ensuite votre examen
de la méditation en vous aidant de la page 337.
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PÉCHÉ VÉNIEL
Jeune soldat pendant la guerre de 1914-18, j'avais comme camarade un
Malgache qui me raconta les circonstances de la mort de son père.
C'était l'époque où les Français avaient conquis l'Île de Madagascar pendant le
règne de la Reine Ranavalo…
Ils avaient construit là une centrale électrique et tendu des fils à haute tension
qui amenaient le courant à la ville; sur les poteaux, on avait placé une tête de
mort et écrit en français et en malgache: "Défense de toucher aux fils mêmes
tombés à terre, danger de mort". Mais, allez faire comprendre à des indigènes
que dans ces fils, là-haut, il y a un fluide qui peut donner la mort! C'est des
histoires de Français, cela!…
Un jour, le père de mon camarade devait labourer son champ. Une tempête
avait renversé quelques poteaux pas trop solides et les fils, empêchant notre
laboureur de faire son travail, il décida de les repousser plus loin. Il s'assura
d'abord qu'il n'y avait aucun Français pour lui reprocher d'y toucher, et se mit à
la besogne. Vous devinez ce qui arriva!…
A la maison, ne voyant pas le père revenir, la mère envoya un de ses fils voir
ce que faisait papa… lorsqu'il vit son père la figure toute convulsée, les dents
serrées, il prit peur et s'en retourna épouvanté porter la nouvelle au village.
Or, ensuite, les hommes voulurent retirer le corps de ce maudit fil; l'un d'eux le
prit à bras le corps et s'électrocuta lui aussi, puis un troisième, puis un
quatrième… Alors les autres commencèrent à comprendre que là, dans le fil, il
y avait bien la mort, comme le disaient les Français… quelque chose qui
donnait la mort…
Eh bien, pour le péché, nous faisons exactement pareil« nous ne pouvons pas
arriver à croire que c'est grave puisque tout le monde le fait…
Or, nous avons vu les réactions divines: par le péché: l'enfer créé; par le péché:
la mort est entrée en ce monde; comprendrons-nous enfin que c'est grave ?
Cette étude du péché que nous faisons actuellement n'est point du tout
amusante, c'est vrai, mais elle est très salutaire en ceci qu'elle nous fait mieux
comprendre la Rédemption. Elle nous la fait mieux comprendre pourquoi ?
Pour une raison philosophique très profonde qu'on exprime dans l'axiome:
"RES SPECIFICANTUR A FINE – Les choses sont spécifiées par leur finalité".
Prenons quelques exemples pour bien nous pénétrer de ce principe: Voilà un
avion qui s'écrase dans une clairière de l'Afrique Équatoriale dans la grande
forêt, les pilotes réussissant à échapper à l'accident en parachute… Passe
bientôt un indigène qui n'a jamais vu d'avion: il regarde cet engin démoli, là,
écrasé… En voyant les roues, il le prend pour un char et se demande comment
il a bien pu venir dans cette clairière alors que les sentiers sont si étroits… Il
n'arrive pas à comprendre mais voilà que passe un deuxième indigène
connaissant, pour être allé en Europe, la civilisation moderne. Il sait que cet
engin est un avion et se met en devoir d'expliquer au premier en quoi cela
consiste. Pourra-t-il le faire sans préciser que l'engin est conçu pour voler ? Il
ne pourra pas. C'est en effet en indiquant pourquoi la chose est faite qu'on peut
expliquer ce qu'elle est: ,,Ce que tu vois, mon cher, ce n'est pas un char, c'est
un oiseau, c'est fait pour voler!…”.
– Comment ? Un oiseau en fer ?
– Oui, un oiseau en fer! Ces diables d'Européens, vois-tu, ils ont inventé ça et
tu vois là, ce que tu prends pour les roues du char, ce sont des pattes pour se
poser… enfin il lui explique cela à sa manière, mais s'il ne disait pas le
pourquoi de la chose, son compatriote ne pourrait comprendre évidemment.
Un autre exemple: dans un grand champ de céréales se trouve une faucheuse-
lieuse. Un Parisien qui n'est guère sorti de sa capitale, se trouve un jour en
présence de cet engin. Il trouve qu'il manque vraiment d'aérodynamisme et se
dit alors: ,,Si on me donnait cette grosse machine, je commencerai par enlever
tout ce qui dépasse…
– Mais, mon cher Monsieur, c'est une faucheuse-lieuse cela!”. Et comme il n'a
pas l'air de comprendre, je lui en explique le fonctionnement.
Vais-je pouvoir le faire sans parler d'épis à couper ? Eh non! je ne le pourrai
pas: Voyez-vous, Monsieur, dans ce champ d'orge, on coupait autrefois les
épis avec la faucille; le soir on en avait les reins cassés… puis on s'est
perfectionné et on a utilisé la faux… enfin, avec les progrès sensationnels de la
technique, on a inventé ce drôle d'engin qui fait toutes les opérations
simultanément: il coupe presque à toute vitesse les épis, avec un jeu de
plusieurs lames et, vous vous en doutez, pas l'un après l'autre, donc
rationnellement (imaginez un coiffeur qui vous taillerait les cheveux un à un!)
ensuite, vous voyez cette excroissance qui fait que vous trouvez l'instrument
peu aérodynamique ?… elle est composée de grands bois chargés de rabattre
les épis. En plus, il y a un "truc" pour les enrober, les mettre en gerbes, lier ces
dernières et enfin, un autre instrument qui renvoie et écarte la gerbe…
Ah! oui… j'ai compris… une faucheuse-lieuse!…
Mais, là aussi, il a fallu donner le pourquoi de l'engin pour l'expliquer, c'était
indispensable…
Eh bien, maintenant, posons-nous la question: Quel est le pourquoi, le but de la
Rédemption ?
Chez les théologiens, deux grandes écoles donnent des réponses
sensiblement différentes à la question de savoir si la Rédemption eût été
nécessaire sans le péché.… en d'autres termes: si l'humanité n'avait pas
commis le péché, est-ce que l'Incarnation aurait eu lieu ?
Est-ce que le Fils de Dieu se serait incarné quand même ?
A cela, une école répond oui, tandis que l'autre dit non en indiquant que le Fils
de Dieu n'aurait pas pris la condition humaine.
Cependant, les deux écoles sont d'accord pour dire que si, en fait, en dehors
du péché, le Verbe de Dieu s'était incarné, cette incarnation aurait été une
incarnation de gloire exclusivement: il n'y aurait pas eu la crèche, et surtout, il
n'y aurait pas eu l'ignominie, la souffrance, la Passion et la Croix, c'est évident!
De ce fait, la Rédemption n'aurait pas eu lieu, elle n'aurait eu aucune raison
d'être. Il n'y aurait eu que la venue du Christ dans son humanité en tant que
Christ-Roi, Christ de gloire!…
Mais alors, pourquoi la Rédemption ?
Uniquement pour le péché, à cause du péché, pour détruire le péché! Donc, si
la finalité de la Rédemption est de détruire le péché, en étudiant le péché, nous
étudions la Rédemption! Nous ne la comprendrons bien que dans la mesure où
nous étudierons le péché. A l'avance, en procédant à cette étude, nous voyons
déjà la forme de la Rédemption, sans cela, rien à faire: Essayez de comprendre
le sacrement du Baptême sans parler du péché!… Essayez de comprendre les
sacrements de pénitence et d'extrême-onction sans parler du péché!… On ne
peut pas!
Pourquoi l'Eucharistie ? Pourquoi se lever plus tôt le matin afin d'assister à une
messe où l'on pourra communier, oui… pourquoi ? pourquoi me renoncer ?
pourquoi ne pas suivre les forces que je sens en moi et qui me portent à
certains plaisirs? pourquoi lutter ? pourquoi la souffrance ? pourquoi la Croix ?
Mais, à cause du péché! De telle sorte que si, dans une prédication
quelconque, par parti pris ou sous le prétexte que c'est du négatif, on écarte ou
on cache cette notion du péché, on ne peut plus dès lors se réclamer de la
Rédemption!…
Bien sûr, cette étude n'est pas amusante, n'est pas intéressante, mais encore
une fois, elle est très salutaire, très éclairante aussi!…
Et c'est pourquoi, mes chers Messieurs, nous allons maintenant essayer de
mieux comprendre le péché en revenant sur un détail de la première semaine
de Saint Ignace, un simple détail que nous allons approfondir: nous allons
étudier le péché sous ses formes apparemment bénignes pour mieux en
percevoir la subtilité. Peut-être, le terrible mystère du péché sera-t-il plus
éclairé pour vous en le voyant sous ses formes vénielles.
La composition de lieu: Comme celle de l'enfer. A sa place, nous verrons le
purgatoire.
La grâce à demander: "Ressentir ce que souffrent les Âmes du purgatoire afin
que si mes habitudes mauvaises, vénielles me faisaient oublier l'amour que je
dois à Dieu, que du moins la crainte de ces peines m'arrête".
Alors, premier point: Qu'est-ce que le péché véniel ?
C'est un dérangement volontaire, contraire à la loi de Dieu, soit en pensée, en
action ou en omission. C'est un péché de propos délibéré.
Les saints et la théologie morale font une distinction entre le péché véniel non
délibéré (dit encre de "fragilité") et les péchés véniels de propos délibéré. Ces
derniers seuls sont retenus comme étant vraiment des péchés véniels.
Les premiers, de fragilité, sont ceux qui sont faits sans réflexion et échappent
aux meilleurs: des mouvements d'impatience, par exemple. A proprement
parler, ils sont plutôt des imperfections puisque cela échappe à la volonté et
sont consécutifs au tempérament. Saint Paul lui-même nous a montré que lui
aussi n'en était pas exempt puisqu'il s'attrapait avec Saint Barnabé ! et même
Saint Pierre ! … et le Saint Concile de Trente dit que, sans miracle, un homme
ne peut vivre longtemps sans faire de péchés véniels de fragilité… on le
regrette ensuite, mais cela échappe aux meilleurs.
Ces péchés de fragilité ne sont donc pas graves en eux-mêmes et ne peuvent
devenir dangereux que si l'on ne faisait rien pour s'en corriger et qu'ils
deviendraient ainsi, par cela même, une habitude qui, elle, serait un péché…
Notre étude aura donc pour objet le véritable péché véniel, de propos délibéré,
réfléchi, qui est un dérèglement volontaire contraire à la loi divine.
Il ne donne pas la mort à l'âme, il ne détourne pas de Dieu, il ne nous fait pas
mériter l'enfer… d'accord ! de même un péché véniel non confessé ne rend pas
la confession sacrilège… c'est vrai! Mais il n'en constitue pas moins une
offense à Dieu. "Véniel", contrairement à ce que l'on pense généralement, ne
veut pas dire "léger". Véniel veut dire "pardonnable", c'est-à-dire qu'il est une
offense qui ne nous coupe pas de Dieu.
Après le péché mortel, c'est le plus grand de tous les maux que nous puissions
connaître: plus grave que les guerres, les maladies et les destructions
matérielles! Saint Anselme, grand docteur de l'Église, archevêque de
Cantorberry dit que si nous pouvions payer toutes les souffrances de l'enfer par
un seul péché véniel nous ne devrions pas le faire… Dieu ne l'accepterait pas!
La proposition est absurde, bien entendu, mais elle a pour objet de nous faire
comprendre jusqu'à quel point le péché véniel est un très grand mal, le plus
grand après le péché mortel…
Le plus intéressant pour nous, c'est de comprendre les effets du péché véniel.
C'est d'abord un dérèglement, un désordre volontaire contraire à la loi de Dieu.
Au début de la retraite, je vous ai parlé de cette théorie du dérèglement: une
machine déréglée ne peut plus faire son travail, son office; une magnéto
déréglée ne produit pas l'étincelle et on ne peut plus rouler… un jeu de freins
déréglé devient dangereux, etc… eh bien, nous aussi, le péché véniel nous
dérègle et notre rendement spirituel diminue dans la mesure où le dérèglement
est plus ou moins fort. Si, dans votre auto le dérèglement se situe simplement
dans les freins, on peut y obvier en partie en roulant doucement, mais si vous
avez également la boîte à vitesse déréglée, la direction déréglée, plus les
organes de la machine sont déréglés, plus il vous sera dangereux de conduire
avec. De même pour nous: une seule habitude de péché véniel dérègle, et s'il y
a plusieurs habitudes de péché véniel, le dérèglement n'en est que plus grave!

Autre effet du péché véniel: il remplit l'âme de ténèbres, de brouillard. Vous
savez qu'en circulation automobile, le brouillard est l'ennemi N° 1. C'est plus
grave que les ténèbres. La nuit, on peut rouler à l'aise avec de bons phares,
mais avec le brouillard, c'est très dangereux et parfois même impossible.
Il y a environ 3 ans, je revenais de Saint Jacut de la Mer à Paris avec un
retraitant dans une Lancia, voiture très rapide qui permettait sur la route droite
des pointes à 160 km à l'heure quand, tout d'un coup, nous sommes tombés
dans un brouillard très épais; on ne voyait plus rien: au contraire les phares
augmentaient cet aspect d'insécurité et c'est à 10 à l'heure que nous avons dû
marcher en suivant la ligne d'herbe de l'accotement… On y voyait surgir du sol
des ombres insoupçonnées prenant un aspect fantasmagorique; en bref c'est à
tâtons que nous avons dû franchir cette nappe de brouillard.
De même le péché véniel répété par l'habitude donne à l'âme de la tiédeur et
l'environne comme d'un brouillard de plus en plus épais de telle sorte qu'elle
devient incapable de discerner le bien du mal.
Ces deux notions du Bien et du Mal perdent de leur opposition et on ne se rend
plus compte; on a alors perdu le sens du péché!
Que de chrétiens se font illusion et se considèrent presque comme des
préférés de Dieu alors qu'ils en sont très loin par le seul fait de ces péchés
véniels!…
Autre effet du péché véniel: Il salit ce qu'il y a de plus beau ici-bas: l'état de
grâce.
Nous comprenons bien imparfaitement ce qu'est une âme en état de grâce,
mais les Saints, eux, voyaient cela dans la lumière divine: Le petit Louis de
Gonzague avait commis deux grands péchés dans sa vie et il les jugeait
comme tels: le premier: Son père était Général de Charles Quint, le marquis de
Montferrat et le petit Louis, se trouvant au milieu des soldats, avait répété des
mots grossiers sans savoir ce qu'il disait; le deuxième: une autre fois, un
artilleur avait laissé sa corne à poudre sur une table, et le petit, qui regardait
faire les artilleurs (c'était un peu compliqué de ce temps-là, puisqu'il fallait
charger le canon par la bouche) prit un jour la corne à poudre, bourra et tira un
coup de canon! Il avait alors 8 ans…
Eh bien, il s'est confessé de ces deux péchés toute sa vie (il est mort à 24 ans)
et parfois, il tombait en syncope à côté de son confesseur en se rappelant les
deux péchés de son enfance. Cela vous fait sourire et on pourrait penser qu'il
s'agissait d'un petit nerveux, d'un hypersensible ?… Non, Non! Mais Louis de
Gonzague était un saint et dans la lumière de l'éternité, il comprenait ce qu'un
désordre, même véniel, abîme dans une âme en état de grâce!…
Je vais me servir d'un autre exemple: il y a quelques années, un retraitant me
disait qu'il ne pouvait regarder sa dernière fille (il avait 6 enfants) sans que les
larmes ne lui viennent aux yeux: Et comme je luis en demandais la raison, il
m'a expliqué que quelques années auparavant, sa petite avait à ce moment-là
3 ans, elle était très jolie avec un ensemble de couleurs qui rendait son visage
très attrayant et remarquable, à tel point que sur notre passage avec la petite,
les gens se retournaient…
Évidemment, nous en étions très fiers! Un dimanche matin, nous nous
trouvions dans notre cuisine. Sur un poêle bas j'avais mis de l'eau à bouillir
pour me raser avec mon Gilette et la petite, en chemise de nuit, gambadait
entre ma femme et moi. Tout d'un coup, elle culbuta la queue de la casserole
où l'eau était bouillante ou presque. Elle reçut cette eau en plein visage.
Il y avait, pas loin de la maison, une clinique; nous l'y avons emmenée aussitôt
et le soir on m'a dit que c'était beaucoup moins grave qu'on pouvait le penser.
La petite est quand même restée 12 jours en clinique.
Moi, je ne pouvais me décider à aller la voir. Je ne sais quel pressentiment me
retenait… Enfin elle est revenue; effectivement, ce n'était pas grave, mais ce
dont je me doutais était arrivé! la beauté, c'était fini!… des taches marbrées, les
narines pincées, abîmées! la beauté… finie!… et chaque fois que je regarde la
petite – cela me fait penser bien sûr à mon imprudence – mais j'ai les larmes
aux yeux…
L'incidence pourtant n'était que vénielle et nous la comprenons parfaitement
parce qu'elle se situe sur un plan naturel: la beauté perdue de ce visage
d'enfant; mais les Saints, eux, ont les mêmes réactions sur le plan spirituel! De
même qu'il faut peu de chose pour rompre l'équilibre d'un beau visage d'enfant,
il faut également peu de chose, pour salir une âme qui, dans le domaine du
spirituel peut présenter une splendeur encore plus délicate que la beauté d'un
visage d'enfant sur le plan naturel.
Saint Louis de Gonzague transposait les désordres véniels dont il s'était rendu
coupable du plan naturel au plan spirituel et c'est pourquoi, toute sa vie, il a pu
les regretter…
L'Église aussi nous les fait voir dans un angle identique.
Dans la liturgie de la messe, c'est le prêtre qui parle, mais il est bon que notre
attention soit attirée là-dessus: prenez la page 52, la prière d'offertoire (je ne
sais si vous en avez jamais approfondi les termes): ,,Recevez, ô Père très
Saint, Dieu éternel et tout-puissant, cette hostie sans tache que je vous offre,
moi, votre indigne serviteur; je vous l'offre à vous mon Dieu vivant et véritable,
pour mes péchés, mes offenses, pour mes négligences sans nombre” etc…
C'est un prêtre qui parle et il ne s'agit pas là de choses graves, sans doute,
mais il s'agit de ces désordres dont je parle maintenant. Avant d'entamer le
sacrifice, il s'accuse à nouveau, après avoir pourtant récité le Confiteor au
début… ,,pour mes péchés, mes offenses, mes négligences sans nombre”…
oui, sans nombre!…
C'est ainsi que par la répétition de ces petits péchés d'habitudes, nos bonnes
œuvres perdent tout ou partie de leur valeur! même les actes bons!… les
intentions sont moins droites les sentiments sont moins nobles, les affections
sont moins pures, les motifs humains et terrestres prennent le dessus lorsqu'on
fait le bien; dans le regret de nos péchés (un retraitant me le confirmait
aujourd'hui même) ce n'est pas toujours l'offense à Dieu que l'on regrette, mais
c'est notre orgueil qui souffre de s'être laissé entraîner.
Manquements aussi à la vertu de religion: combien de personnes qui assistent
à la messe le dimanche en y discutant, en pérorant; on y est distrait et même
quelquefois on va plus loin, hein ? oui, des paysans qui discutent sur leurs
bêtes: ,,Tu me l'achètes cette vache, dis ?” – Quand même, la messe n'est pas
une foire!…
Manquements à la pauvreté aussi: Notre-Seigneur a dit que pour arriver au Ciel
il faut se dépouiller de tout: évidemment, vous, les pères de famille, vous êtes
obligés de nourrir vos femmes et enfants et de les élever normalement, mais
sans excès!…
Manquements à la tempérance: comme il est facile de se laisser entraîner, un
verre de plus, un verre de moins, combien qui ne respectent pas "l'autant que"
et dépassent la mesure:
Péchés de sensualité aussi, dans les regards, dans les affections, dans les
lectures, dans les conversations…
Ah! comme on comprend alors ce que lit le prêtre. Et c'est l'Église qui veut cela,
et sur l'autel même du sacrifice!… ,,mes paroles, mes offenses, mes
négligences sans nombre”! Ah! si nous savions regarder le fond de notre
conscience, combien nous en trouverions de ces désordres! La vanité dans les
paroles, on exagère un petit peu pour se faire valoir! Sa cupidité, un orgueil
secret; la modestie oubliée: on n'est pas maître de ses regards, on regarde tout
ce qui passe et vous le savez, à notre époque, ce n'est pas que sur les plages!
… vous comprenez ce que je veux dire.
Il y a aussi ce respect humain qui joue beaucoup dans certains manquements,
paroles, omissions… Quel monde que l'omission! Le bien que nous pourrions
faire et que nous ne faisons pas, par lâcheté, par paresse… le temps perdu à
un journal,. à la radio, à la télévision, les jeux, un monde… un monde!… Un
jour, Dieu fera le bilan de nos activités et il nous demandera des comptes:
,,Mon petit, je t'avais donné tant d'années, tant de mois, tant de semaines, tant
de jours, tant d'heures, qu'as-tu fait de tout cela ? Ah!…
Et la médisance ? on peut commettre des péchés graves avec, mais on
commet également avec beaucoup de péchés véniels! Que de fois on se laisse
entraîner à la médisance, aux critiques: c'est si facile de critiquer, de critiquer
ses chefs, de se critiquer les uns les autres…
Et les manquements aux lois de l'Index ? Quand on pense aux imbécillités
qu'on a pu dire ou écrire contre l'Index, même dans des journaux qui se disent
catholiques!… On trouve anormal qu'il y ait des index partout! Or, qu'est-ce que
cela veut dire l'Index ? Eh bien, l'Index c'est une autorité qui montre le mal!
Dans toutes les gares, par exemple, vous avez des index pour le public: ,,Ne
traversez pas les voies, prenez le passage souterrain, ne descendez pas à
contre-voie", mais parce que l'Église montre des auteurs qui sont nocifs pour la
morale, alors on crie "Haro" sur elle!… Le code de la route lui aussi est rempli
d'index, il n'y a qu'à le lire, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'on nous
considère comme des gamins, mais il nous montre les dangers!… Eh bien, de
même l'Église a le droit de montrer les dangers offerts par certaines lectures
nocives, ce qui est encore plus grave… Et vous avez des jeunes gens, des
jeunes filles, et même hélas des prêtres!… qui acceptent en nourriture
intellectuelle des auteurs catastrophiques qui ne peuvent qu'influer sur leur
comportement moral, psychologique, et qui tendent à leur faire abandonner la
foi, sans qu'ils s'en doutent; cela devient malheureusement parfois une réalité
pourquoi ?… Parce qu'ils ont manqué de cette vertu de prudence dans le choix
de leurs lectures…
Ah! mes chers Messieurs, comme il est certain que vous en trouverez des
péchés, si vous savez regarder!… Et ne serait-ce que dans l'omission! dans le
temps perdu!… Le péché véniel va se glisser même dans nos actes bons, dans
les actes de notre pratique religieuse par exemple, qui normalement, devraient
chanter la louange de Dieu alors, que peut-être ils Lui sont sans mérite et
parfois odieux! C'est ainsi qu'on voit souvent dans nos églises des gens qui s'y
distraient et même s'y amusent, cela n'est pas rare chez nos jeunes: chaque
fois qu'une fille passe ont fait une réflexion, ou on parle du spectacle qu'on ira
voir à la sortie; vous croyez que cela plaît à Dieu ? Il vaudrait mieux dans ce
cas ne pas assister au Saint Sacrifice!…
Oui, chaque péché véniel nous prive d'un degré de grâce et de gloire, et de
gloire pour Dieu aussi, dans des proportions que nous ne pouvons imaginer,
mais qui nous effraieraient si nous pouvions le comprendre…
Autre conséquence du péché véniel: la sainteté devient impossible.
Saint Jean de la Croix, le grand docteur de la mystique est péremptoire à ce
sujet:
,,Si quelqu'un a une habitude vénielle dit-il, qu'il ne veut pas corriger, il peut
garder la grâce, mais monter dans la sanctification, il ne le peut pas!” … Et il
prend l'exemple de l'oiseau: Mettez un oiseau dans une cage ou bien attachez-
le par un fil, il ne pourra pas s'envoler. De même pour l'homme, que celui-ci soit
attaché par le fardeau d'une habitude grave, mortelle, évidemment, s'il meurt
c'est beaucoup plus grave pour lui, mais que cette habitude soit simplement
vénielle, impossible alors de se sanctifier; il reste la grâce, puisqu'il n'y a pas de
péché mortel, mais impossible pour lui de monter plus haut.
Pourquoi tant de religieux, de religieuses, de prêtres, de bons chrétiens aussi,
qui usent largement des sacrements de pénitence et d'eucharistie, pourquoi
n'en profitent-ils pas davantage ? … De tous leurs exercices de piété une seule
communion semble-t-il devrait suffire à sanctifier davantage… oui, pourquoi ?
Incontestablement, ces habitudes de péchés véniels les en empêchent!
Notre-Seigneur entre dans l'âme par la communion, mais s'il la trouve attachée
à des affections désordonnées, Il ne peut faire dans cette âme ce qu'Il voudrait,
du fait que l'intime collaboration qu'Il souhaite n'y est pas!
Et cela, remarquez-le, même chez de très bonnes âmes, c'est ce qui arrête leur
ascension! Voyez combien il est dommageable que des habitudes vénielles en
viennent à freiner la Rédemption et que le rayonnement de la sanctification ne
puisse se constater davantage!… Un Saint disait à ce sujet: ,,Sainte Thérèse
fait beaucoup plus de travail à elle seule qu'un ensemble qui n'est pas saint”.
Imaginez que nous rencontrions 10 Curés d'Ars, 10 Jean Bosco, imaginez le
travail qu'ils feraient!… Mais le démon fait tout ce qu'il peut pour freiner la
sainteté en utilisant ce qu'on appelle les infiniment petits…
Vous savez que certaines maladies sont provoquées par des microbes, des
virus, même des ultra-virus, ce qu'on appelle les infiniment petits… Eh bien,
dans le spirituel, dans les maladies de l'âme, chez ceux qui sont la partie
choisie du Seigneur, qui veulent être de vrais enfants de Dieu, ce sont ces
infiniment petits, ces manquements véniels qui font obstacle à la Rédemption
divine pourtant si puissante…
On a dépensé des milliards pour contrer les maladies contagieuses: le
paludisme, la malaria, la tuberculose, on le fait maintenant pour lutter contre le
paupérisme, afin d'alléger la souffrance de ces gens qui n'ont rien ou presque
rien, mais que fait-on pour lutter contre le péché véniel, ce microbe spirituel ?
Enfin, conséquence générale des habitudes de péché véniel: la tiédeur et le
péché mortel.
De même que sur le plan naturel, les blessures et maladies mal soignées
s'enveniment et créent peu à peu un état de moindre résistance ne pouvant
évoluer que vers le mal, l'habitude du péché véniel accepté amène la tiédeur,
et la tiédeur, nous disent les théologiens et les moralistes, conduit au péché
mortel par une pente insensible. Nous lisons cela d'ailleurs dans l'écriture
sainte ,,QUI SPERUIT MODICA PAULATIM DECIDET” , c'est-à-dire que celui
qui méprise les petites choses, peu à peu dégringole, tombe, et tout contribue à
cela: l'âme est de plus en plus faible; elle se blase, elle s'endurcit, le brouillard
devient de plus en plus épais, la répétition des actes crée des habitudes
tyranniques par aboulie; le démon devient de plus en plus audacieux, car
chaque péché véniel lui donne des gages nouveaux (remarquez que mille
péchés véniels ne font pas un péché mortel, ça jamais!) mais il y a là une pente
insensible qui se fait chaque fois un peu plus rapide, plus glissante et un jour
vient une tentation plus redoutable et on franchit cette barrière qui sépare le
péché véniel du péché mortel…
Dans la morale étudiée, écrite, on fait la nomenclature des péchés en précisant
les conditions qui caractérisent le péché mortel: il faut d'abord qu'il y a matière
grave, évidemment. Il faut le savoir… il faut le vouloir, c'est vrai; et s'il manque
un de ces éléments, il ne peut y avoir de péché mortel, d'accord; mais dans la
vie pratique quelqu'un qui a l'habitude de commettre le péché véniel franchit ce
pas même sans s'en rendre compte! Tenez, prenez par exemple les questions
d'impureté: où se trouve la barrière ? … d'autant plus que Dieu, qui donne des
grâces spéciales dans les cas de grande tentation aux âmes ferventes, les
refuse aux âmes négligentes et tièdes!…
Saint Bernard a des passages très suggestifs à ce point de vue là: Il parle de
prêtres, de religieux et de bons chrétiens qui avaient reçu de grandes grâces et
qui sont tombés. Leur chute ne vient pas d'un coup, comme cela, non! Mais elle
est préparée souvent par des périodes très longues… de même que pour les
maladies graves, il y a une période d'incubation dont on ne se rend pas
compte, lorsque la maladie est déclarée c'est déjà trop tard; c'est le cas pour le
cancer maintenant, c'était le cas avant pour la tuberculose. Alors, de plus en
plus, on tâche de dépister par des examens chez les enfants, chez les
adolescents. Mais, avant, quand on n'avait pas les moyens des analyses et des
radios, on ne savait que penser d'une personne qui donnait des signes de
faiblesse, et quand on décelait finalement la présence du bacille de Koch,
c'était trop tard, c'était déclaré… de même, on constate un jour la chute d'un
serviteur de Dieu ayant déjà fait du bien, c'est évident, mais croyez, dit Saint
Bernard, qu'il ne s'agit pas là d'un accident, oh que non! mais cela a été amené
petit à petit par des négligences répétées parfois pendant des mois, voire
même des années!… et le Saint de prendre l'exemple d'une maison:
Les maisons sont construites pour durer (de ce temps-là c'était fait pour des
siècles) mais si l'une d'elles s'écroule, c'est que d'une part il y a des
intempéries.
La maison y étant exposée, il est vraisemblable que des gouttières ont apparu.
On ne peut guère empêcher la pluie de tomber, le vent de souffler, les
infiltrations de se faire, mais il est loisible au propriétaire de veiller sur sa
maison et lorsqu'une gouttière se manifeste d'y remédier en en supprimant la
cause…
De même pour les bateaux, qui, autrefois, étaient en bois: on ne pouvait pas
empêcher les petits vers de se mettre dans le bois, bien sûr, comme à notre
époque il n'est pas possible d'éviter que le sel marin corrode les peintures,
mais le malheur serait de voir un capitaine ne veillant pas sur son bateau et ne
faisant pas faire les travaux d'entretien qui s'imposent!…
Je me rappelle encore cette catastrophe terrible en 1922 avec le "CANADA",
vieux "sabot" qui faisait pour la dernière fois son "dernier voyage" … on aurait
dû le vendre à la ferraille il y a longtemps; je crois même qu'un capitaine avait
refusé de le conduire!
Le "CANADA" était parti de Bordeaux. Il avait à bord 22 missionnaires, une
trentaine religieux qui s'en allaient à Dakar…
Il avait quitté Case par une mer d'huile, un temps splendide et il disparut corps
et biens! on n'a plus entendu parler de lui, mais, pour les gens au courant, il
n'aurait jamais dû partir!…
Il a dû s'ouvrir en deux, comme un fruit pourri!
On ne peut donc pas empêcher le mal de se faire, mais il reste malheureux
qu'un père de famille ne veille pas sur sa maison, qu'un capitaine ne veille pas
sur son navire et qu'un chrétien ne veille pas sur son âme!…
Eh oui, il faut faire attention, mes chers Messieurs, que d'illusions à ce point de
vue!
Alors, vous comprenez maintenant pourquoi le purgatoire… Dieu nous envoie
dès ici-bas des souffrances terribles parfois pour des choses qui nous
apparaissent, à nous, de peu d'importance; à nous demander même si elles
donnent lieu à péché… L'exemple le plus formidable en est Moïse que l'écriture
sainte appelle "l'Ami de Dieu", lui qui parlait de bouche à oreille avec le
Seigneur!… et comme les Juifs criaient contre Dieu parce qu'il faisait très
chaud, qu'il n'y avait pas d'eau et qu'ils allaient mourir dans le désert, Il dit à
Moïse: ,,Voilà, tu frapperas le rocher, là. et l'eau jaillira pour le peuple et pour
les troupeaux”. Mais, Moïse, surexcité par les cris des Juifs, a frappé le rocher
par deux fois au lieu d'une fois et Dieu lui a dit alors: ,,Tu ne m'as pas témoigné
ta confiance devant le peuple!… tu as manqué de confiance en moi! en
punition, tu ne rentreras pas dans la Terre Promise. Il a vu cette montagne
qu'on appelle la montagne de Moïse; de Jordanie, il a vu la Palestine, mais il
n'y est pas rentré: punition pour avoir frappé le rocher deux fois au lieu d'une…
Cela ne nous paraît pourtant pas grave!…
Dans le livre des Rois de l'ancien testament, nous voyons un prophète qui
devait accomplir une mission de Dieu et revenir sans prendre ni nourriture, ni
boisson: arrivé à l'endroit où il devait aller, un autre prophète, très bon de
nature, lui dit: ,,Mais mange donc, tu te trompes, il te reste une longue course à
faire, tu ne le peux sans manger un morceau!”… Il a donc mangé et Dieu l'a
frappé de mort. Cela ne veut pas dire qu'il se soit damné, non! Mais il avait
désobéi et Dieu l'a fait frapper de mort!…
Messieurs, un jour, nous comprendrons ce qu'est la Sainteté infinie de Dieu…
Au ciel, rien d'impur ne rentrera jamais et Saint Jean et Saint Paul le répètent:
Ni les voleurs, ni les avares, ni les impudiques, ni les efféminés, ni les invertis,
ni les égoïstes n'entreront dans le royaume: pour les uns ce sera l'enfer; pour
ceux dont les fautes n'auront pas mérité l'enfer, ce sera dans le purgatoire qu'ils
les décanteront dans des souffrances que nous ne pouvons pas imaginer!…
Sainte Marguerite-Marie nous raconte une de ses visions se rapportant à des
sœurs qu'elle avait connues au couvent et qui lui apparurent un jour, alors
qu'elles étaient mortes depuis longtemps et l'une d'elles lui dit: ,,Je suis dans
des souffrances terribles, ma Sœur, j'ai comme un chancre sur la langue (il n'y
a pas de chancre, ni de langue en purgatoire, c'est une façon de parler pour
traduire la souffrance de l'âme)”.
Et Marguerite-Marie de lui demander ingénument: ,,Mais, ma Sœur, qu'est-ce
que vous avez dû faire pour que la Justice Divine vous châtie si sévèrement ?”

,,Ma Sœur, j'ai un jour manqué de charité en récréation…”.
Une autre lui dit: ,,Ma Sœur, j'ai critiqué Mère Supérieure, nous avons comme
un chancre sur la langue, c'est intenable” … et un autre jour, c'est un saint
bénédictin qui lui apparût environné de flammes: ,,Ma sœur, je ne puis plus
tenir, veuillez prier, veuillez demander des prières!” . …
,,Oui, je vous le promets, si Mère Supérieure est d'accord”. Et elle alla trouver
Mère Supérieure, qui l'envoya gentiment promener: ,,Écoutez, ma fille, avec
vos visions, laissez-moi tranquille!” … Et sans permission, il n'y eût pas de
prières!… Mais cela ne faisait pas l'affaire de l'âme du bénédictin qui revint
trouver Marguerite-Marie: ,,Ma Sœur, vous n'avez donc pas de cœur ? Je
souffre, daignez m'aider!” … Et elle alla encore trouver sa Supérieure sans
résultat. Mais, le Bon Dieu le permettant, l'âme du bénédictin alla enfin trouver
directement la Mère Supérieure. Elle en fut tellement effrayée qu'on dut lui
donner ((fin page 140))
((p. 141…)) un cordial; elle donna toutes les permissions… On fit dire des
messes et tout le couvent se mit à faire des prières, des pénitences, des
sacrifices et Sainte Marguerite-Marie, qui savait les faire, n'y allait pas de main
morte!… ce n'est qu'après que l'âme du bénédictin alla la remercier avant
d'entrer au Ciel. Qu'est-ce qu'il avait fait ? Oh, rien de grave, rien de ce que
nous appelons grave: il avait eu un peu d'attache naturelle pour des âmes qu'il
dirigeait. Il prenait trop de goût, trop de satisfaction personnelle à les
conduire…
Eh bien, mes chers Messieurs, quel est le moyen d'échapper à cela: il n'y en a
qu'un: c'est le contrôle… autrement, on ne peut pas… le contrôle de ses actes,
répété tous les jours, l'examen général et particulier.
Sans cet examen, dont on vous parle dans les causeries de 11 heures, on ne
se rend pas compte… Combien de bons chrétiens se font illusion, même des
consacrés… ils ne se rendent pas compte…
Parce qu'il n'y a pas de faute grave dans leur vie, ils ne s'astreignent pas à ce
contrôle minutieux et ne s'aperçoivent pas que leurs rapports avec Dieu, en
raison de ces innombrables petits manquements, deviennent inefficaces, même
si leur pratique religieuse reste maintenue: aux yeux du Seigneur, elle n'a plus
que peu ou pas de mérite…
Voilà pour vous, Messieurs, une belle méditation. Elle peut vous faire beaucoup
de bien. Demandez au Bon Dieu de bien comprendre.
Il est possible qu'en considérant le péché sous ses formes vénielles vous
saisissiez mieux que le plus petit péché délibéré est une offense à la Sainteté
infinie parce qu'il est un dérèglement volontaire à sa Loi.
Il ne donne pas la mort à l'âme, mais, après le péché mortel, il est le plus grand
malheur.
Je rappelle rapidement ses effets nocifs:
1- Il dérègle notre âme plus ou moins.
2- Il remplit l'âme de brouillard, empêche de distinguer nettement entre le Bien
et le Mal.
3- Il salit tout ce qu'il y a de plus beau dans une âme: l'état de grâce, et ses
rapports avec Dieu perdent l'efficacité qu'ils devraient avoir.
4- A cause de ces péchés véniels, la Sainteté devient impossible.
5- Une seule habitude désordonnée suffit à faire écran. C'est le chemin de la
tiédeur et quelquefois du péché mortel.
Conséquence: Pour payer ces péchés véniels, s'en purifier, le Purgatoire. Allez
faire cette méditation pour mieux comprendre. N'oubliez pas vos examens et,
par le fait même, vous n'en préparerez que mieux votre confession.
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Amour miséricordieux
Aussitôt après l'explication de la méditation, que je vais vous donner, les
confessions auront lieu. Nous confesserons dans nos chambres respectives.
Faites en sorte de vous partager car vous trouverez le même prix partout! Nous
ne pouvons pas faire de rabais ni les uns, ni les autres! Nous ne sommes que
les employés du Seigneur, vous le savez, et comme Lui ne peut vous faire
meilleur marché, nous non plus, vous le comprenez bien!…
Répartissez-vous donc. Saint Ignace veut en effet que nous commencions la
deuxième partie des exercices les retraitants dûment confessés, c'est pourquoi
j'attire votre attention sur la nécessité de ne pas trop prolonger cette sujétion…
D'autre part, une confession générale peut être bien faite, même rapidement, à
condition que soit enlevé tout ce qui ne concerne pas la confession proprement
dite: par exemple certains nous disent parfois les péchés des autres, sans le
vouloir évidemment: ,,Mon Père, j'ai un fichu caractère, c'est vrai, mais si vous
saviez, Hou! j'ai une belle-mère, elle ne perd pas une occasion!…”. Allons,
allons, vous n'êtes pas venu ici je suppose pour confesser votre belle-mère!…
ou bien: ,,Mon Père, j'ai été élevé dans une famille chrétienne, j'ai fait ma
première communion, je fais ma prière le matin et le soir, je vais à la messe le
dimanche…”. mais mon cher, ce ne sont pas des péchés cela… non, non…
dites vos péchés seulement, simplement vos péchés…
Il y en a aussi, quelquefois qui nous font des exhortations comme ,,J'aurais
dû… ma mère était une sainte femme… puis j'ai été élevé dans un collège
religieux avec des jésuites…”. Inutile mon cher: les péchés tout court, avec leur
nombre (remarquez que pour les péchés déjà dits dans une confession
antérieure, cette précision n'est même pas nécessaire, cependant, si quelqu'un
avait pu faire auparavant une confession sacrilège qui n'aurait jamais été
arrangée, alors celui-là devrait reprendre son examen à la dernière confession
sûrement bonne, voyez!… On n'avait pas, c'est très probable, l'intention de
faire un sacrilège, mais on se rappelle certaines confessions de la jeunesse ou
de l'adolescence plus ou moins bâclées… Je me souviens à ce sujet avoir eu
dans une certaine paroisse une centaine d'hommes et j'en voyais deux ou trois
qui essayaient de gagner des places (c'était en Haute Loire et nous étions
douze à confesser, mais il était déjà tard) alors chaque fois que l'un des deux
faisait un geste pour gagner une place, un gros gaillard de paysan l'attrapait
par les épaules et HOP!… il le faisait reculer d'autant… eh oui, même à mes
scouts qui arrivaient en trombe et s'arrangeaient pour se faufiler devant les
femmes qui attendaient!… Quand on se rappelle ces choses-là… tenez, une
fois je dis à l'un d'eux: ,,Récite l'acte de contrition… Mon Dieu j'ai une extrême
douleur… (puis un petit rire retenu) de vous avoir offensé…”. C'était l'autre qui
lui tirait les pieds par derrière! Évidemment, on n'a pas voulu faire un sacrilège,
mais lorsqu'on se rappelle des confessions ainsi faites, on pourrait se dire:
Était-ce bien sérieux cela ?…
Alors, voyez-vous, les confessions générales sont faites pour arranger ces
ennuis, pour calmer ces inquiétudes.
Il arrive aussi qu'on peut avoir au sujet d'un péché plus ou moins grave un
problème moral qui se greffe dessus et pour l'explication duquel il faut de
longues paroles, 20 minutes parfois… dans ce cas, dite le péché simplement et
pour la décision morale pour laquelle vous avez besoin de conseils, vous
reviendrez trouver le Père dans la soirée ou le lendemain, car vous êtes 30
ici… si le premier reste 3/4 d'heure pour se libérer, le dernier pourrait se dire: Si
je passe moi, cela sera dimanche prochain!
Éliminez donc tout ce qui est inutile. Dans vos paroisses où vos prêtres sont
plus facilement accessibles, la confession et la direction spirituelle peuvent se
faire en même temps, mais ici, par charité pour les autres aussi, séparez cela
en deux en ne disant que vos péchés, tout simplement et nettement, et vous
verrez que la confession ne vous en sera que plus facile! Toutefois, si vous
éprouvez quelque difficulté, n'hésitez pas à demander au prêtre: Mon Père, j'ai
ça… Qu'est-ce que vous en pensez ?
*****
Jusqu'à présent, avec notre guide Saint Ignace, on vous a rappelé la justice de
Dieu. Et il fallait bien qu'on vous la rappelle dans ce monde, même catholique,
où l'on oublie trop souvent ce que nous devons à Dieu.
Souvent, dans l'Écriture Sainte, Dieu, donnant des règles, des directives au
peuple par Moïse, répète: ,,Moi, je suis le Seigneur, EGO DOMINUS; EGO
DOMINUS, c'est le Seigneur qui parle! Eh oui, c'est le Seigneur, c'est l'Éternel,
c'est l'Infini, n'oublions pas cela… Si à notre époque on oublie précisément ce
qu'est Dieu, c'est qu'on oublie le caractère sacré de Sa parole et par là, on
oublie facilement ce qu'est l'injure faite à Dieu, on oublie le respect qui Lui est
dû… il fallait bien qu'on vous rappelle cela!…
Dieu est infiniment juste, oui, et c'est parce qu'Il est infiniment juste, qu'Il punira
ceux qui ne lui auront pas obéi et donnera son Ciel à ceux qui auront fait sa
volonté, … donner à chacun ce qui lui revient est une conséquence de la
justice… cependant, si Dieu est infiniment juste, Il est aussi infiniment
miséricordieux…
Voyez-vous, au fond, nous ne savons pas en faire la distinction, parce que
nous sommes très limités. En effet, les hommes sont obligés de voir Dieu par
des perspectives différentes, car, en même temps qu'INFINI, Il est infiniment
SIMPLE et cela, nous le comprenons mal; alors nous regardons sa justice, puis
nous regardons sa miséricorde, puis sa douceur, puis son amabilité et puis son
amour, voyez ?… des perspectives superposées… mais, en fait, la meilleure
définition, celle que nous comprenons le mieux, c'est celle de Saint Jean:
,,DEUS CARITAS EST” – Dieu est amour! et son amour est infiniment juste, il
est infiniment miséricordieux; son amour est infiniment aimable, infiniment
puissant, infiniment doux, infiniment joyeux, tout comme justice est infiniment
miséricordieuse et sa miséricorde infiniment juste. Tout cela ne fait qu'un…
mais précisément à cause de nos limites, après avoir vu la justice de Dieu,
nous allons voir sa miséricorde bien qu'en Dieu, justice et miséricorde se
confondent.
D'ailleurs, c'est ce que fait Saint Ignace. Je ne sais si vous l'avez remarqué:
dans la méditation des trois péchés typiques, il nous montre les réactions
divines devant le péché des anges, puis devant le péché de nos premiers
parents et enfin devant le péché d'un homme quelconque… C'est un fait: Dieu
réagit ainsi et Il ne pouvait faire autrement parce qu'Il est infiniment juste;
cependant dans le colloque (il est facile de nous en convaincre, veuillez
prendre la page 358) Saint Ignace nous le fait faire ainsi:
,,Imaginant Jésus-Christ Notre-Seigneur devant moi, mis en Croix, je ferai un
colloque et je lui demanderai comment, de Créateur, Il en est venu à se faire
Homme, comment de la vie éternelle, Il en est venu à la mort temporelle et à
mourir ainsi pour mes péchés. Puis, je me regarderai moi-même et me
demanderai ce que j'ai fait pour Lui, ce que je dois faire et le voyant en croix,
suspendu ainsi en cet état je raisonnerai sur ce qui s'offrira à mon esprit”.
Vous voyez là le Dieu infiniment miséricordieux. Eh bien, nous retiendrons ce
cadre et comme toile de fond, nous prendrons le Calvaire. Pour notre
méditation, nous ne pouvons trouver mieux que ce monticule rocheux ayant
vaguement la forme d'un crâne, d'où son nom de "KALVARIELOCUM – le
rocher du crâne" et si nous avions vécu là, il y a 2'000 ans, nous aurions pu voir
sur ce rocher, à présent recouvert des marbres de la basilique du Saint-
Sépulcre, trois croix dressées: à gauche un bandit; à droite un autre bandit et
entre les deux, assimilé à ces malfaiteurs, regardons quel est Celui qui meurt…
Pourquoi meurt-il ? pour qui ? Voilà le tableau qui va nous servir de
composition de lieu.
Remarquez ensuite le colloque suivant, page 360: ,,Je terminerai par un
colloque de miséricorde, raisonnant et rendant grâce à Dieu Notre-Seigneur,
parce qu'Il m'a épargné jusqu'à maintenant et m'a laissé la Vie”. S'il m'avait
appelé en telle ou telle circonstance, tel accident, tel bombardement, tel danger
dans lequel je me trouvais où serais-je maintenant ?
Merci Mon Dieu! Oui, j'exalterai la miséricorde du Seigneur.
Remarquez aussi qu'après ce colloque faisant suite à la méditation des 3
péchés typiques, Saint Ignace ne veut pas que nous quittions le 3ème exercice
sans que nous fassions encore appel à la miséricorde divine par 3 colloques
successifs: le 1er à la Reine de miséricorde, Notre-Dame, le 2ème à Notre-
Seigneur avec la belle prière "Âme de Jésus-Christ", le 3ème au Père Éternel
avec le Pater Noster, il ne veut pas non plus que nous quittions le 5ème
exercice sur l'enfer sans rendre grâce à Dieu de sa miséricorde page 362, ,,Je
reverrai ces catégories d'hommes qui se sont perdus pour l'éternité et après
cela je rendrai grâce à Dieu qui ne m'a laissé tomber dans aucun de ces
groupes en mettant fin à ma vie. Je le remercierai de la manière dont jusqu'à
présent Il a toujours eu pour moi tant de miséricorde, tant de pitié”.
Nous allons donc prendre ces colloques de miséricorde et en faire une
méditation. La toile de fond: le Calvaire. La grâce que nous demandons:
comprendre la miséricorde de Dieu.
Nous savons bien que Dieu est infiniment miséricordieux; nous le savons en
théorie mais nous voudrions, n'est-il pas vrai, que cela ne soit pas pour nous
une théorie, une vérité froide, intellectuelle; nous voudrions (comme disent les
saints) qu'elle devienne savoureuse, c'est-à-dire expérimentée et encore une
fois, mes chers Messieurs, moi je ne peux pas vous donner cela, bien heureux
lorsqu'on peut en avoir un peu pour soi, comme le disait saint Bernard; alors
demandez vous-même et tâchez d'obtenir cette grâce.
Pendant que tout à l'heure vous méditerez en attendant votre tour, demandez
au Seigneur de comprendre et vivre l'expérience savoureuse de sa
miséricorde!…
Ceux qui passeront les premiers, faites-le après votre confession, mais de toute
façon, il faudra que vous fassiez vos petits efforts personnels afin de vous
mettre dans la meilleure perspective pour recevoir cette grâce, ce don gratuit
de Dieu!
*******
D'abord, qu'est-ce que cela veut dire "miséricorde" ?
Eh bien, dans ce vocable français, vous avez deux idées: misère et cœur: un
cœur qui se penche sur sa misère.
Justement sur la terre, nous avons de belles amours de miséricorde qui
pourront vous faire comprendre, vous faire soupçonner, par analogie, mais en
les multipliant à l'infini, ce qu'est l'amour de Dieu!…
Sur la terre, vous le savez, il n'y a rien de plus démuni, en arrivant au monde,
que l'enfant des hommes: le petit veau, au bout de 3/4 d'heure, se tient déjà
debout et va téter sa mère lui-même; les petits poussins, n'en parlons pas, à
quelques minutes de leur sortie de l'œuf, ils commencent à gratouiller pour se
chercher la nourriture; de petits mammifères, le chien par exemple, restent
aveugles quelque temps; les oiseaux aussi ne se plument pas de suite, mais ça
ne dure pas et un mois après, ils s'envolent!… L'enfant des hommes, lui, il faut
de très longs mois avant qu'il soit capable de se tenir sur ses jambes (fait
unique dans la biologie) de longs mois avant de pouvoir se tenir debout!…
L'enfant des hommes, il lui faut de longues années avant qu'il puisse trouver
lui-même sa nourriture, et sur cette misère naturelle, il y a un cœur qui se
penche, plein de délicatesse, de beauté, de richesse, d'industrie, de puissance
incroyables… le cœur d'une mère, le plus bel amour au monde sur le plan
naturel… et dans les guerres, souvent, des aumôniers, des camarades ont pu
remarquer et rapporter que de petits soldats frappés à mort sur le champ de
bataille, alors qu'ils n'avaient plus que quelques instants à vivre, spontanément,
instinctivement appelaient celle qui leur avait donné le jour… ils appelaient à
leur secours leur maman… Eh bien, cet amour sublime des mères qui, en ce
monde plein de vilenies est encore ce qu'il y a de plus beau grâce aux enfants
et grâce à la maternité, qui conserve ainsi à l'humanité une certaine noblesse,
d'où vient-il cet amour ?
En ce moment-ci, sur la terre, il y a peut-être, je ne sais pas, moi, cinq cent
millions de mères! d'où vient cet amour ? où l'ont-elles trouvé ? Dans les
magasins, en libre service ? ,,Donnez-moi pour 10 francs d'amour maternel !
…”.
Eh non! vous le savez aussi bien que moi. Cet amour maternel les mères l'ont
trouvé en elles avec la maternité et cela vient de plus haut, évidemment!…
Quelquefois, dans les montagnes, on voit des ruissellements, des émergences,
de l'eau qui jaillit, belle, pure, limpide, mais cela vient de plus haut. Plus haut, il
y a le glacier, un réservoir inépuisable… Eh bien, cet amour des mères est
aussi une sorte de ruissellement qui vient de plus haut, non pas d'un glacier,
mais d'un foyer incomparable, infini et l'amour des mères, de toutes les mères
réunies ne peut pas nous donner idée de ce qu'est l'amour de Dieu!
Moi, je rêve qu'on nous traduise en français les œuvres de ce grand mystique
espagnol qui s'appelait Alphonse Rodriguez: il avait été marié, avait 4 enfants,
un commerce, puis il a tout perdu: sa femme et ses enfants. Il est alors rentré
dans la Compagnie de Jésus comme "frère" et on le mit comme concierge dans
un couvent. C'est là, dans sa cellule de concierge, qu'il est devenu un très
grand mystique.
Avant sa mort, on lui fit écrire ses expériences. Ce sont des merveilles! Il y a
plusieurs chapitres où il explique comment Dieu agit avec les âmes. Il avait vu
sa femme jouer avec ses enfants: par exemple le petit qui ne voulait pas
prendre le sein: alors la maman, par une petite tape, par un pincement faisait
rechigner le petit et en profitait pour faire gicler un peu le sein sur le visage,
alors l'enfant hurlait de plus belle et elle l'embrassait, le pinçait à nouveau,
etc… eh bien, Dieu fait un peu comme cela avec les âmes. Dieu aime les âmes
plus qu'une mère aime son poupon, mais nous ne le comprenons pas; nous ne
savons pas l'apprécier, nous restons trop hommes, voyez-vous! Mais, si nous
étions un peu enfants, c'est-à-dire assez humbles comme les saints l'étaient,
nous saisirions mieux les grandeurs, les splendeurs et les délicatesses de
l'amour de Dieu, amour incommensurable, qui dépasse tout ce que l'on peut
imaginer.
Essayez de réaliser un amour infini sur la terre; d'abord cela n'existe pas;
même un amour de mère est limité, mais Lui, c'est d'un amour infini qu'Il nous
aime. Il joue avec nos âmes: quelquefois, il nous tapote: une petite gifle de
Dieu nous apparaît être une croix terrible!… à une pince de Dieu, nous
hurlerions à mort et pourtant… et pourtant si nous savions deviner que tout est
amour de sa part… si nous savions voir!…
Sur la terre, il y a aussi un autre amour qui ne fait qu'un avec le premier.
Différent, bien sûr… on dit que la mère est mère avant la naissance, mais que
le père est père après! sans doute parce qu'on a remarqué souvent que des
hommes jeunes qui étaient, comment dirais-je, très insouciants avant, avaient
compris la grandeur de leurs responsabilités paternelles en voyant dans un
berceau le fruit de leur amour!…
Ils ont changé de vie! Même, sont devenus beaucoup plus sérieux; ils ont
compris là la paternité.
D'où vient cet amour si beau que quelques-uns d'entre vous connaissent ? Eh
bien, de ce même réservoir unique. Comme le remarquait déjà Tertullien:
personne n'est aussi père que Dieu et aucune homme ne serait père sur la
terre si Dieu ne l'était avant lui.
Comme la maternité, la paternité est une invention de Dieu, mais Lui nous aime
plus que tous les pères et toutes les mères ensemble… dans l'Écriture Sainte,
en comparant son amour à celui d'une mère, Il nous dit: ,,Est-ce qu'une mère
peut oublier son enfant ? cela arrive malheureusement, mais Moi, dit le
Seigneur, Moi je ne t'oublierai pas; si tu obéis à ma voix, je te porterai sur mes
genoux, je te caresserai comme un enfant qu'une mère porte à son sein”.
Il y a d'autres amours sur la terre, admirables aussi: l'amour des Saints.
Lorsque nous lisons la vie de certains saints, même des plus récents, elles sont
toutes belles, toutes variées: La vie d'un Saint Jean Bosco, d'un Saint Curé
d'Ars, par exemple; nous restons bouleversés de cette flamme pure, admirable;
on se demande comment des choses pareilles peuvent s'épanouir ainsi sur la
terre!… 
C'est de Dieu que cela vient aussi… un miracle de Dieu! Et pourquoi ? C'est
parce que les saints laissaient Dieu travailler en eux, en se donnant totalement
à Lui. C'est là qu'on voit comment Dieu s'épanouit dans un homme, dans une
femme, avec des ressources, des attentions encore plus belles, plus délicates
que celles des mères!…
C'est bien hier que nous avons eu à célébrer la fête d'un très grand saint sorti
d'une famille landaise très pauvre, devenu l'un des géants de la sainteté, Saint
Vincent de Paul ! et il y en a d'autres… la France n'en manque pas… n'en
manquait pas!
Oui, l'amour des saints; mais il y a un autre amour encore plus fort: la Sainte
Vierge.
La Sainte Vierge est une créature de Dieu, la plus belle, un chef-d'œuvre de la
part de Dieu que nous ne pouvons qu'entrevoir: Elle a été faite par Dieu, pour
Lui, oui, mais pour nous aussi, afin de nous faciliter le retour dans la maison du
Père.
Il y a en effet des hommes qui auraient eu des difficultés à se convertir en ne
voyant que le Père, mais Elle, elle n'est pas Juge, elle est Mère et avocat des
pécheurs; alors Dieu, sachant que grâce à cette femme, le retour des pécheurs
serait facilité, l'a inventée et lui a donné les plus belles qualités qui se puissent
attribuer…
Si nous, pauvres hommes que nous sommes, nous pouvions faire nos mères, il
est certain que nous inventerions les choses les plus belles, c'est évident, mais
voilà, nous arrivons après, nous ne pouvons donc pas; mais Lui, Il est de
toujours, et il me semble qu'on ne puisse rien dire de plus grand: que Dieu, de
toute éternité, a rêvé à ce qu'Il donnerait à sa Mère comme joyaux
incomparables!… alors imaginez! Il est le Dieu Infini, le Tout-Puissant! on ne
peut donc rien dire sur la Sainte Vierge de plus grand que ce que Dieu lui-
même en a fait et en dit!… et Il a voulu qu'Elle soit la Mère de son Fils et notre
Mère à nous! Mère de la miséricorde, elle aussi aime ses enfants d'un amour
immense…
Nous ne pouvons aller plus loin: l'amour des Mères,. l'amour des pères, l'amour
des saints, l'amour de la Vierge Marie, et nous savons que tous ces amours
réunis ne sont que le reflet de celui que Dieu a pour nous! mais comment
comprendre, comment concevoir, palper en quelque sorte une vérité qui nous
échappe ? Car il reste que nous sommes de pauvres hommes très limités, de
pauvres hommes qui, très souvent, faisons le geste d'Adam.
Adam, vous le savez, devait avoir au cœur deux amours: l'amour de son Dieu
et l'amour de sa femme.
Un jour, il a rompu l'ordre de l'amour: il a fait passer sa femme avant Dieu!…
Catastrophe! Et nous avons tous tendance à faire pareil: Nous savons comme
Adam que Dieu nous aime d'un amour infini, mais Dieu se cache, voilà le
drame… Dieu se cache, car Dieu est un pur esprit, mais la créature, elle, ne se
cache pas!… au contraire, elle nous influence car nous sommes très
dépendants de nos sens; la créature, nous la voyons, nous l'entendons, nous la
touchons; en nous, elle fait vibrer des résonances mystérieuses, sentimentales,
qui nous troublent… et souvent, nous faisons comme notre père Adam: nous
oublions l'amour incomparable de Dieu, cet amour infini, et nous courons
derrière la pauvre petite créature qui nous offre, là, de petites satisfactions
misérables… nous faisons comme Adam, oui… Catastrophe alors! de telle
sorte que parfois, nous aurions la tentation de dire: ,,Mon Dieu, je sais que
vous m'aimez, je le sais, mais en lumière froide, en théorie… je sais que c'est
vrai que vous m'aimez d'un amour infini, mais comme je ne vous vois pas, je
suis obligé de faire des théorèmes, n'est-ce pas, pour me rappeler de cela… et
ce n'est guère facile, de faire des théorèmes!… Tandis que là, avec la créature
qui m'attend, je n'ai pas à en faire… Oui Mon Dieu, je préférerais que vous
m'aimiez un peu moins et que je puisse mieux réaliser votre amour!”.
Le Bon Dieu le savait cela… C'est Lui qui nous a faits… Il connaît nos besoins
et Il a voulu répondre à ce que nous pourrions nous dire, par un miracle, un
miracle d'amour…
Encore maintenant, à la fin de la messe, vous l'avez remarqué (cela durera
encore quelques jours) nous avons lu le commencement de l'évangile de Saint
Jean qui nous rappelle la générations éternelle du Verbe ,,IN PRINCIPIO ERAT
VERBUM - Au commencement était le Verbe et le Verbe était en Dieu et le
Verbe était Dieu. C'est par Lui que tout a été fait et rien de ce qui a été fait n'a
été fait sans Lui”.
Et Saint Jean termine cette page admirable qui nous remplirait de joie si nous
pouvions la comprendre: ,,ET VERBUM CARO FACTUM EST ET HABITAVIT
IN NOBIS - Et le Verbe s'est fait chair et Il est resté parmi nous”. Remarquez: il
n'est pas "passé simplement" n'est-ce pas ? Non!… Il est resté avec nous et
Saint Jean ajoute: ,,Il a habité et nous l'avons vu”.
Vous voyez la conséquence: ET VIDIMUS - Et nous l'avons vu.
Dans sa première épître, le même Saint Jean (qu'on a pu appeler l'apôtre de
l'amour, monté si haut, car vous savez que chaque évangéliste a un signe, un
symbole particulier: celui de Saint Jean est l'aigle, l'aigle qui monte très haut et
cela évoque les deux grandes visions spirituelles que Saint Jean a eues à
Pathmos où l'avait relégué Domitien, visions relatées dans l'Apocalypse; dans
ses diverses épîtres, il revient toujours sur ce thème: Aimez-vous… Aimez-
vous… c'est le commandement du Seigneur) mais, dans sa première épître
donc, il dit: ,,Celui que les siècles antérieurs n'avaient pas connu, Il était caché
dans le sein du Père, le Verbe éternel, et voilà que nous l'avons entendu
parler… nous l'avons vu s'asseoir, fatigué, sur la margelle du puits de Jacob…
nous avons cheminé à côté de Lui sur les routes de Palestine, de Samarie et
de Galilée… nous avons mangé avec Lui… nous l'avons vu dormir le Verbe et
nos pauvres mains ont touché, ont palpé le Verbe de Dieu, voilà la bonne
nouvelle que nous venons vous annoncer!”.
Dieu s'est ainsi humanisé, Dieu s'est rapproché de nous pour nous parler de
bouche à oreille, pour nous faire comprendre les grandeurs de son amour,
alors, mes chers Messieurs, dès maintenant et jusqu'à la fin de la retraite – car
il vous faudra continuer après – avec notre guide Saint Ignace, nous allons
essayer, par l'évangile où il se révèle le mieux à nous, de connaître Notre-
Seigneur Jésus-Christ, le Verbe de Dieu. Nous le connaîtrons aussi par la
Sainte Eucharistie que vous recevrez demain, bien sûr, mais l'évangile nous
donnera surtout des renseignements intellectuels, des images très belles, des
leçons aussi dont nous devrons titrer profit avec la grâce divine, car l'Évangile,
par lui-même, n'est qu'un résumé de faits purement matériels et de vérités que
Dieu fait ensuite épanouir en nous par la Sainte Eucharistie.
En d'autres termes, c'est dans l'évangile que nous trouverons Notre-Seigneur
présent dans son église tandis qu'à la messe Il se manifestera à nous dans la
communion.
Par ces moyens puissants, nous nous attacherons à mieux comprendre le
Verbe de Dieu qui s'est rapproché de nous en s'incarnant. Sainte Thérèse
d'Avila raconte dans sa vie par elle-même qu'un jour, elle crut bien faire, pour
aller plus profondément dans la compréhension de Dieu, de laisser de côté
l'humanité de Notre-Seigneur et Jésus lui fit entendre qu'elle faisait une erreur
qu'elle avoue par ailleurs très humblement; vous savez aussi que dans sa
prière officielle l'Église ne fait jamais une demande qui ne passe par ,,PER
EUMDEM CHRISTUM DOMINUM NOSTRUM!”:
Nous allons donc faire pareil et pour comprendre l'amour et la miséricorde de
Dieu envers nous, nous allons nous servir de l'Évangile.
Les anciens qui sont ici connaissent bien cette synthèse telle que nous la
donnons parfois; nous allons la concrétiser en quatre tests et nous
continuerons à la développer au cours de la retraite…
Pour mieux saisir l'amour du cœur de Jésus, le Verbe incarné, nous nous
servirons du test concernant les enfants, de celui qui se rapporte aux malades,
puis du test des affligés et enfin de celui qui a trait aux pécheurs, voyez, 4 tests
pour essayer, je dirais pour faire jaillir et découvrir l'amour du cœur de Jésus… 
Les enfants:
En provençal, un terme qu'on ne peut pas traduire directement, mais que tout
le monde comprend est que les enfants ont une "sentide", vous voyez d'où
vient le mot, une sentide pour découvrir les gens de cœur… un sens spécial!
C'est de ma jeune sœur que je tiens ce trait: elle a 10 enfants et il y a quelques
années de cela, elle avait encore au bras la petite Marie-Odile âgée de 22
mois. Entre une dame qui venait faire une commission dans ce foyer; regardez
la dame: elle est bien pomponnée, bien frisouillée, parfumée, élégante,
fourrure, peinture, rien n'y manque!… Elle salue la maîtresse de maison et puis
dit un petit bonjour à Marie-Odile: ,,Bonjour Marie-Odile” Voyez la petite: c'est
une grimace qu'elle fait. Voyons, dis bonjour à la dame lui dit sa mère: une
grimace encore voulant dire non… Mais voyons, voyons Marie-Odile, insiste la
maman, veux-tu dire bonjour à la dame!…
Non! et catégorique, hein!
La dame s'avance pour l'embrasser quand même, mais rien à faire, la petite se
détourne; alors un peu confuse, la dame pose sa commission et s'en va…
Deux minutes plus tard c'est le charbonnier qui arrive; il travaille, il est tout noir,
verse le charbon dans le réduit puis il s'éponge et la maman dit: Vous boiriez
bien coup, hein ?
Ah, vous savez Madame, il fait froid dehors, mais en travaillant, on transpire…
et ça fait le poids hein! Si vous voulez un coup de rouge ça nous va mieux à
nous, c'est pas de refus!
Elle sort la bouteille, un verre, lui verse un canon et lui, le charbonnier, regarde
la petite qui mange sa soupe; elle en est d'ailleurs toute barbouillée, même
dans les cheveux… Cou-cou… cou-cou…
La petite s'est arrêtée de manger sa soupe et ils parlent déjà comme deux
vieux amis, la petite serait même capable de l'embrasser ce monsieur tout noir,
mais qui a de si bons yeux!…
Et sur le point de partir: Vous savez Madame, j'aime beaucoup les petits: J'en
ai cinq à la maison: Monique qui va faire la communion, j'ai Colette aussi qui va
sur ses 0 ans et puis Mimile, eh! et a déjà 7 ans Mimile! J'ai Robert qui a 3 ans
et puis ma petite Marie-Laure, Laurette qu'on l'appelle, 8 mois… tu vois, tu
vois… toi tu est une grande fille à comparer… Adieu, Marie-Odile, adieu! et il lui
fait signe de lui envoyer des baisers!…
Tiens, pourquoi la petite a-t-elle fait un accueil si différent à cette dame si bien
frisée et parfumée et à ce monsieur tout noir qu'elle aurait presque embrassé ?
C'est que la petite a "senti" le cœur…
Eh bien, appliquez cela à Notre-Seigneur. Saint Marc dans son Évangile, nous
fait remarquer dès le premier chapitre, que les mamans juives qui avaient
deviné le cœur de Jésus lui couraient derrière avec les petits. Il les prenait, les
embrassait et les bénissait en les rendant à leur mère; les garçons et filles
venaient aussi et nous pouvons nous imaginer, par exemple lors du sermon sur
la montagne la ribambelle de bambins qui se trouvaient là, et à tous les
sermons qu'Il faisait, c'était pareil, toujours des quantités d'enfants: les
évangiles précisent pour la multiplication des pains qu'il y avait 5000 hommes;
vous pensez bien que des femmes et des enfants il devait y en avoir encore
davantage!… En principe, lorsqu'il y a beaucoup d'enfants, il y a évidemment
un vacarme correspondant, beaucoup de bruit. A ce sujet, faisant mon service
militaire à Gabes comme tirailleur, j'avais été invité par un ami pour être témoin
de mariage… un autre soldat… il avait seulement oublié de me dire qu'il était
juif… J'ai donc assisté à la cérémonie mais au repas également où il y avait
une ribambelle d'enfants, tous plus beaux les uns que les autres et parmi, des
petites juives avec trois tresses derrière le cou, ce qui donnait aux garçons la
tentation permanent de tirer dessus… puis les filles, ça grogne, ça caquette, ça
fait du bruit… alors, dans ces rassemblements populeux, les apôtres
essayaient bien de faire faire un peu de silence… ils croyaient de leur devoir de
mettre de l'ordre! d'ici vous voyez la scène, n'est-ce pas ? … une tape aux
filles, un coup de pied au derrière des garçons, un coup de casquette par-ci,
autre par-là… Hé! marmaille: allez donc jouer au ballon plus loin!… il n'y a plus
moyen de s'entendre ici!… Il est venu prêcher aux hommes! fichez le camp!…
alors les enfants qui s'arrangeaient toujours pour se faufiler devant reculaient
un peu, puis cela recommençait de plus belle de l'autre côté, et à la fin, Notre-
Seigneur se mettait en colère (si l'on peut dire) mais pas contre les enfants,
non!… contre les Apôtres: Laissez donc venir à moi les petits enfants!… et
comme les Apôtres ne voulaient pas comprendre, Il a pris un jour un petit juif
par le bras et l'a mis au milieu d'eux, un bel enfant, bronzé, avec des cheveux
noirs et des yeux de braise (ils sont très bruns en général) et Il leur a dit: ,,Si
vous ne devenez semblables à ces petits, vous n'entrerez pas dans mon
Royaume”:
Le Pape Pie XII a appelé Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus la plus grande
sainte des temps modernes surtout parce qu'elle a rappelé cela à l'humanité,
l'humanité qui se croit adulte!… Sainte Thérèse par sa vie a rappelé cette
grande vérité que Dieu est Père et que nous nous sommes ses enfants qui
devraient se conduire comme des enfants… mais hélas!… Passons!…
Oui, Notre-Seigneur a beaucoup aimé les enfants et encore maintenant, mes
chers Messieurs, votre rôle à vous, les pères consiste a faire de vos foyers des
serres chaudes où puissent vraiment s'épanouir les vertus chrétiennes, afin
que vos enfants deviennent de belles fleurs pour son Ciel… Il vous les confie!
C'est pour cela que vous êtes là!… Quelquefois en effet, le matérialisme
ambiant, aidant à cela, on fait de ses enfants des idoles: bien habillés, bien
pomponnés, bien grassouillets et on oublie le principal: on oublie qu'ils ont une
âme… Oui, c'est là qu'on voit le cœur de Dieu, son amour pour ces petits à
l'âme encore innocente… et les saints, s'ils sont devenus des saints, c'est qu'ils
ont su rester enfants…
Les Malades:
Les malades sont comme les enfants: ils sont mineurs, ils ont besoin des
autres; dans les hôpitaux, les cliniques, dans tous les endroits où l'on souffre,
on voit bien qu'ils s'accrochent toujours aux gens de cœur parce qu'il arrive
fréquemment qu'on abuse d'eux.
Je me souviens avoir été opéré dans un hôpital servi par des religieuses. L'une
d'elles était Sœur infirmière au service de chirurgie et les opérés la réclamaient
toujours, c'était Sœur Ombeline…

Si l'on demandait à l'un d'eux: Qui voulez-vous qu'on appelle ? Sœur Ombeline,
répondait-il. Si on lui précisait qu'elle était occupée donc indisponible, il disait:
eh bien, j'attendrai…
Remarquez que les autres sœurs faisaient bien leur service, de tout leur cœur
même, mais Sœur Ombeline, avait toujours le sourire, de jour comme de nuit;
c'est en souriant qu'elle savait répondre ou donner un jus de fruit, un bonbon,
elle consolait, rayonnante, voilà!
Notre-Seigneur a beaucoup aimé les malades et les malades l'ont beaucoup
aimé aussi. L'Évangile est plein de traits confirmant cela.
Quelquefois même il s'assujettissait à des tournées, mais lorsqu'il rentrait le
soir à Capharnaüm, sa ville, comme on disait alors, ou dans d'autres villes, on
allongeait les malades tout le long comme on le fait parfois à Lourdes… Il
passait devant, les bénissait et les guérissait tous et Saint Jean, en terminant
l'évangile, nous dit que s'il fallait rapporter tout ce que Notre-Seigneur a fait à
ce point de vue-là, le livre en remplirait le monde (une métaphore bien sûr)
mais qui signifie quelque chose quand même!
Notre-Seigneur a fit des prodiges, des miracles sans nombre, l'évangile n'étant
qu'un résumé de tout cela…
Mais il arrivait parfois aussi qu'Il s'écartait le soir, alors que les apôtres, de
retour de ces prédications fatigantes étaient harassés (harcelés qu'ils étaient
par cette foule avide de renseignements), et tandis qu'ils aspiraient à un repos
bien gagné, soucieux d'être enfin tranquilles puisque le travail était fini, et à
pouvoir manger leur soupe (nous savons par saint Matthieu que c'était la belle-
mère de Pierre qui faisait la soupe du soir, une épaisse soupe de poissons
sans doute, pour pêcheurs qu'ils étaient); nous pouvons aussi nous imaginer le
plat accommodé avec des macaronis à l'italienne, arrosé d'un bon coulis…
Nos apôtres rêvaient ainsi d'une bonne nuit quand, tout à coup, Notre-Seigneur
jouait au trouble-fête en décidant d'aller voir un malade…
Nous pouvons également voir Pierre se mettre en colère: Il était très bon
Pierre, mais il était loin d'être un saint à ce moment-là: ,,Quand même,
Seigneur! Il est 8 heures du soir!”.
Mais, Pierre, il faut bien que j'aille voir ce petit malade, la maman m'a dit qu'il y
avait que 80 m.
Oui, elle a dit ça, la maman, mais moi je sais qu'il y a au moins 300 m..! On
abusait bien sûr de la bonté de Notre-Seigneur, mais Lui allait quand même car
il aimait beaucoup les malades…
Un des traits les plus bouleversants à ce point de vue s'est produit le jour des
Rameaux. Notre-Seigneur avait fait deux miracles stupéfiants: d'abord la
guérison de l'aveugle-né que tout le monde connaissait à la porte du temple et
puis surtout la résurrection de Lazare enterré depuis quatre jours et sentant
mauvais.
Comme les fêtes de Pâques étaient proches la foule était venue de fort loin
plus nombreuse que jamais, non seulement pour accomplir les prescriptions de
la loi, mais aussi pour voir ce fameux prophète!
Les gens demandaient donc aux petits enfants de chœur du temple: Et ce
prophète ? Et ce Jésus ?
Eh bien, on n'avait pas le droit à Jérusalem de lui donner asile, les pharisiens
ayant menacé d'excommunication quiconque enfreindrait cet ordre.
Effectivement, Notre-Seigneur allait dormir à Béthanie où Il avait des amis.
Comme on voyait depuis l'esplanade du Temple le mont des Oliviers, là-haut,
un petit qui avait de bons yeux cria: ,,Oui, le voyez-vous ? Il arrive là-bas avec
ses douze!”:
Ce fut ensuite, pour Jésus un triomphe extraordinaire avec cette foule. Les
gens sortaient de partout, cela dévalait des pentes du Cédron comme cela
sortait des portes de Jérusalem, une foule immense se portant à la rencontre
de Notre-Seigneur; on mettait sur son passage des branches d'arbres, des
palmes et des rameaux en criant de joie; beaucoup enlevaient leur manteau
(vous savez que les juifs ont des manteaux multicolores en crêpe de chine, en
soie, flamboyants) spontanément offerts pour le Roi qui s'avançait très
humblement monté sur une ânesse au milieu de cette foule en délire qui
poussait des cris de joie "HOSANNA au fils de David!…".
Notre-Seigneur arrive donc au temple qui se situe derrière cette immense
esplanade rectangulaire entourée par le peuple, et, de là, il aperçoit tout d'un
coup les vendeurs.
Eux ne perdaient pas de temps, un peu comme à Lourdes derrière leurs
attrape-sous, et une sainte colère prend Notre-Seigneur: Il les avait déjà
chassés une première fois deux ans auparavant, mais en voyant que de la
maison de Son Père on en faisait une caverne de voleurs (il y avait là les
changeurs avec leur or, il y avait aussi le coin du ravitaillement et des
sandwichs comme celui où l'on vendait les bêtes pour le sacrifice et tous ces
paysans portant leurs paniers, ces cris, ces discussions, une foire quoi! Rien de
religieux en tout cas! Alors, Notre-Seigneur, voyant cela, fait un martinet avec
des cordes et se met à frapper (Il ne devait pas en faire le simulacre) et à
renverser les tables, et allez allez! Les changeurs n'ont pas dû demander leur
reste, mais ils se sont arrangés, sans nul doute, pour avertir les prêtres juifs
qui, eux, étaient encore plus coupables, puisque c'est eux qui organisaient ce
commerce en louant les emplacements dans le temple et en prélevant
également un impôt sur les ventes!… 
Monsieur le Grand Prêtre, venez! venez vite! un scandale, on nous empêche
de vendre!…
Imaginez les prêtres arriver au pas de course, mais quand d'un coup d'œil, ils
mesurent les effets de la colère divine, hou! Ils deviennent prudents car ils
savent bien qu'elle retomberait sûrement sur eux s'ils intervenaient…
Et c'est de leur résidence qu'ils vont suivre le déroulement de la scène, sans
manquer toutefois d'avertir à leur tour le capitaine des gardes.
Il y avait là une caserne de soldats romains à la tour Antonia qui donnait dans
le temple pour en surveiller les abords et ces soldats de la coloniale romaine
n'étaient pas des fillettes, on se l'imagine aisément.
Le capitaine, au courant du scandale, se met à la tête du piquet de garde
,,Allez, vous autres… pas gymnastique!”… mais quand, à son tour, il aperçoit
Jésus dans sa sainte colère… ça il ne l'avait jamais vu… dans sa vie de
combats, il avait pu apprécier bien des situations dramatiques, mais un homme
seul venant à bout de centaines de personnes dont de gros paysans musclés,
ça, jamais!…
Oh, oh! se dit-il, s'il me voit que va-t-il se passer ?
Il n'en demande pas tant et demi-tour là aussi: comme les prêtres, il regardera
de sa fenêtre et Notre-Seigneur reste Maître du terrain, ses cordes à la main…
un des plus beaux miracles de sa vie!…
Saint Jean a une expression: ,,On aurait cru une torche, le zèle de la maison de
Son Père le dévorait!”.
La foule était sidérée, terrorisée même, les vendeurs cherchant à se cacher
dans les portiques royaux, les portiques de Salomon.
C'est à ce moment-là, et c'est à cela que je voulais en venir, que de l'intérieur
du temple, par la porte Spéciosa, on voit arriver quelques centaines d'estropiés,
de malades, de grabataires, d'infirmes… Ces pauvres gens attendaient tout
d'abord Notre-Seigneur qui devait passer par là pour entrer dans la cour des
femmes et aller ensuite dans la cour des juifs, tous ces malades ont constaté
l'énorme foule des rameaux et ils ont dû se dire: ,,Jésus ne pourra pas
s'occuper de nous aujourd'hui…”. En effet, le Maître disparaissait au milieu de
cette marée humaine d'où impossibilité pour eux de l'approcher…
Et puis, de loin, ils ont aussi assisté à cette expulsion des vendeurs et aux
divers mouvements de foule comme disent nos journaux aujourd'hui; enfin, ils
le voient seul avec ses cordes au milieu du temple…
Eux connaissaient le cœur de Jésus! eux n'auront pas peur et vous devinez la
suite!… Ils se disent les uns aux autres: Oh! profitons de ce qu'Il est seul,
dépêchons-nous… alors boitant d'un côté, boitillant de l'autre, ils s'approchent
de Notre-Seigneur avec une grande confiance.
Rembrandt, le grand peintre flamand clair-obscur a essayé de réaliser ce
tableau magnifique de "Jésus et les malades"; il n'a pu d'ailleurs terminer
entièrement cette œuvre, mais ce tableau, comme éclairé d'une lumière douce
permet d'admirer la grandeur de la scène; toute cette misère humaine
entourant Notre-Seigneur le visage tout illuminé…
A la vue de ces malades, de ces estropiés, la colère lui passe d'un coup. Il était
très maître de Lui, on s'en doute. Il jette ses cordes, puis un divin sourire…
(l'évangile nous parle plusieurs fois des larmes du Christ; jamais, on ne dit qu'Il
ait ri, mais comme Il était très maître de Lui, je ne pense pas Lui manquer de
respect en pensant qu'Il a pu à cet instant sourire) son visage illuminé a été
très bien rendu par Rembrandt: on y voit tout le sérieux de Notre-Seigneur dans
une joie contenue…
Puis Il les bénit et Il les guérit tous… vous voyez, les malades n'ont pas été
déçus par Lui.
Les infirmes et les affligés:
Saint Paul écrira un jour: ,,Nous devons pleurer avec ceux qui pleurent”, mais
Notre-Seigneur a vécu cela avant de le faire écrire par Saint Paul!
Nous savons qu'un jour, Il arrivait avec ses douze dans un village de Galilée
qui s'appelait Naïm, et là, Il croise un convoi navrant, lamentable… des jeunes
gens portaient un des leurs à sa dernière demeure, le fils unique d'une pauvre
veuve et, derrière la maman en larmes suivie de tous les gens du village.
Nous savons que le cœur de Jésus n'a pu résister à ces larmes: Il a arrêté le
cortège, fait descendre le cercueil et a rendu l'enfant à sa mère!
Les commentateurs notent qu'Il aurait pu, semble-t-il, dire à ce garçon ainsi
ressuscité: Viens avec moi, je ferai de toi un pêcheur d'homme!… Non, Il l'a
rendu à sa mère par pure bonté!
Rappelons-nous aussi le deuil de Jaïre, archiprêtre de Capharnaüm: Vous
savez que les prêtres juifs se mariaient et l'archiprêtre, grosse situation, sans
charges de famille importantes, n'avait qu'une petite (peut-être avait-il fait son
plan lui aussi comme cela arrive malheureusement trop souvent: comme cela,
l'héritage, c'est elle qui l'aura, et pas de disputes à craindre!)..
Et puis ce petit bonheur humain est menacé par un événement qui survient
parfois dans les familles: la petite tombe gravement malade.
Je passe sur les détails: le médecin, les consultations, les derniers remèdes…
et, malgré cette lutte fébrile des parents et des médecins, la petite meurt…
A ce moment-là, dans les rues étroites de la vieille ville, on entend des cris et le
père demande ce que c'est… Alors, un des serviteurs lui glisse à l'oreille: ,,
'est le prophète qui passe…”.
Jaïre avait appris quelques jours auparavant le miracle de Naïm qui n'était pas
très loin (15 km à peine) mais il était parmi les pharisiens, pensant comme eux
que la foule avait été bien crédule et que ce prétendu Messie n'était qu'un
perturbateur… Mais là, devant le cadavre de sa fille, il n'a plus envie de se
moquer maintenant et un espoir fou le saisit.… Il sort pour se mêler à la foule.
Un miracle prodigieux venait de se produire: C'était une femme affectée d'un
flux de sang: Jésus venait de la guérir rien qu'en la touchant…
Il arrive donc devant Notre-Seigneur et tombe à genoux, respectueux car son
malheur l'a beaucoup humilié. Ce n'est plus le même homme et il avoue sa
grande peine: ,,Seigneur, je n'avais qu'une petite de 12 ans, je l'ai perdue!”.
Notre-Seigneur voit bien que cet homme-là n'a pas une grande foi, qu'il n'avait
pas la foi du Centurion, et bien… Il ira quand même!…
Je vous suis… et la foule qui a comme senti l'odeur d'un nouveau miracle
emboîte le pas.
On arrive à la maison de l'archiprêtre. Dans ces pays, vous le savez peut-être,
la mort est entourée de beaucoup de bruit; un reste de paganisme fait qu'on
essaie d'éloigner les mauvais esprits en faisant du bruit (j'ai vu cela aussi en
Afrique, chez les Arabes, chez des Maltais aussi… un peu à Marseille
également avec des Napolitains, ce sont les mêmes traditions; beaucoup de
bruit… si on ne crie pas, il n'y a pas de douleur… alors, c'est à qui criera le plus
fort et pour éviter qu'il n'y ait pas assez de bruit, on paie à cet effet des
pleureuses à gages, on les paie pour crier pendant 1 heure, 2 heures, 3
heures, selon la situation de fortune de la famille).
Notre-Seigneur arrive donc tandis qu'il y avait ce tintamarre de cris dans cette
maison… (Ah! mes chers Messieurs, Dieu n'aime pas ces bruits de
convention…).
Arrêtez, voyons!… tenez, commencez par faire taire ces pleureuses!… 
Évidemment, la maîtresse des pleureuses ne l'entend pas de cette oreille: Mais
Seigneur, Monsieur Jaïre nous a payées pour pleurer, il faut bien que nous
gagnions notre croûte, n'est-ce pas ?……
Madame, allez vous-en, vous dis-je, la petite dort…
La petite dort ? Oh! Monsieur Jésus, on ne paie pas d'avance pour ces choses-
là; si on nous a appelées pour pleurer, c'est bien qu'elle est morte!…
Eh bien, allez vous promener Madame! et elles sont parties, nous dit Saint Luc,
en se moquant de Lui, parce qu'Il avait osé dire que la petite dormait alors que
tout le monde savait qu'elle était morte… Les gens ne sont pas fous quand
même pour se tromper à ce point-là!…
Notre-Seigneur est entré et a fait sortir tout le monde: allez dehors, dehors,
dehors!…… Il a pris trois témoins cependant: Pierre, Jacques et Jean...... Il a
suivi le papa jusqu'à la chambrette où se trouvait la maman, effondrée près de
la petite, et alors se passa une courte scène d'une puissance, d'une beauté
incroyable: Notre-Seigneur va droit à la petite et lui prend la main… Fillette!…
et elle ouvre les yeux (C'est Dieu qui parle, et quand Il parle, Messieurs, on doit
ouvrir les yeux, on doit savoir écouter!). Lève-toi!… et elle se lève… Vous
savez que les enfants grandissent beaucoup pendant les maladies et voici que
celle-ci se lève plus grande qu'elle n'était, avec des couleurs splendides… La
maman n'en croit pas ses yeux, elle n'en reconnaît presque pas son enfant
qu'on prendrait pour une jeune fille maintenant, mais se revoyant en toute
lucidité, la petite se jette dans les bras de sa maman qui l'embrasse à l'étouffer;
le papa la lui arrache et en fait autant.… la marraine, qui a entendu la voix de
sa filleule, se précipite et fait de même… Imaginez!… La porte de la chambre
en saute et tout le monde déferle devant ce nouveau miracle.… tous ces gens
veulent à leur tour embrasser la petite… une scène magnifique!
Notre-Seigneur est resté. Pourquoi ? Vous allez voir: tout ce monde qui est là
fait qu'il n'y a plus d'air dans la pièce et la petite qui avait de si belles couleurs,
blêmit, trébuche, ses narines se pincent et elle va tomber là, prise d'un grand
malaise!
C'est facile à en découvrir la raison, non seulement l'air manque, mais elle n'a
pas mangé depuis 15 jours!… Notre-Seigneur lui a rendu la vie, bien sûr, mais
Il ne peut se substituer à nous pour nos propres devoirs quand même!… 
Et la maman s'affole… alors Notre-Seigneur de lui dire: ,,Mais Madame,
donnez-lui donc à manger, vous ne voyez donc pas que votre enfant a faim ?
…”.
Eh bien, mes chers Messieurs, il y avait là un cœur qui veillait plus que la
Maman et que le papa… Quel magnifique trait de la délicatesse du cœur de
Jésus.…
Dernier test, rapidement, car le temps passe.
Les pécheurs:
Ce que Notre-Seigneur a pu faire pour les pécheurs!
Rappelez-vous cette admirable parabole de l'Enfant prodigue (elle vous sera
commentée demain à votre messe de communion). C'est Notre-Seigneur Lui-
même qui a voulu raconter ce que son Père (ce que Lui, c'est la même chose)
fait pour ses brebis égarées…
Rappelez-vous aussi Marie-Madeleine, la vedette, celle qui était allée à
Tibériade pour briller dans ce que nous appelons de nos jours des dancings ou
des music-halls, et un jour, elle en a eu la nausée de cette misère; comme
beaucoup de ces filles, elle pensait probablement y échapper par le suicide et
Notre-Seigneur l'a sortie du fumier, cette vedette…
Il l'a nettoyée, Il l'a ornée, Il en a fait un beau diamant pour son Ciel, oui, de
Madeleine, la pécheresse, Il en a fait Sainte Marie-Madeleine!…
Quel trait admirable aussi que celui de Faustine, la Samaritaine! : Notre-
Seigneur traversait la Samarie en pleine chaleur, sous un soleil de feu, pas
d'arbres, la Samarie Pétrée, et Notre-Seigneur, fatigué, pas loin d'un village
qu'on voyait là, dans le creux de la colline, s'arrêta et s'assit sur la margelle
d'un puits bâti par Jacob; il y avait au fond de l'eau fraîche.. Il est à remarquer
que Notre-Seigneur n'a jamais fait de miracle pour se satisfaire Lui-même,
d'ailleurs, Il désirait autre chose que de l'eau fraîche… tout d'un coup débouche
par un autre chemin une dame venant au puits chercher de l'eau.
Rien qu'à la voir, on se doute du genre: des habits voyants, une démarche! un
air conquérant… en Provence, on dit pour le désigner ,,c'est quelqu'un” (en
patois, bien entendu!)… Elle a eu cinq maris (elle doit en changer comme de
saisons) eh bien, pour cette pauvre fille, pour cette traînée de village comme on
dit parfois, Notre-Seigneur Jésus-Christ s'est servi de l'eau pour lui parler de
l'eau qui rejaillit jusque dans la Vie éternelle…
Elle, complètement bouleversée, en oublie sa cruche, va raconter au village
cela, et le lui amène; oui, de cette pauvre fille de village, Notre-Seigneur en a
fait Sainte Faustine, la Samaritaine…
Et la femme adultère! quelle conversion que celle-là aussi! Je n'ai pas le temps
de m'y étendre, mais comme on y voit bien l'amour de Notre-Seigneur pour les
pécheurs quand Il lui dit: Où sont-ils ceux qui t'accusaient ?…
Ils sont partis Seigneur…
Eh bien, moi non plus je ne t'accuserai pas, je ne suis pas venu pour cela, mais
va… va et ne pèche plus. Voila le mal… le péché… va et ne pèche plus…
Quelquefois, on essaie ici sur terre de nous donner des films plus ou moins
historiques sur ce qui s'est passé avant, mais au Ciel nous reverrons cela; nous
reverrons ces tableaux magnifiques avec leurs protagonistes: nous écouterons
ces conversations sublimes où jaillit tout l'amour de Jésus pour les pécheurs et
beaucoup pleureront de joie… on verra là ce que Notre-Seigneur a fait non
seulement pour Madeleine, pour la Samaritaine, pour la femme adultère, pour
Zachée, pour Saint Pierre, mais ce qu'Il a fait aussi pour Judas… pour Judas!…
si Judas avait demandé pardon, nous aurions, mes Chers Messieurs, un Saint
Judas sur les autels, à côté de Saint Pierre… Le Seigneur l'aurait aidé à le
devenir! oui, il y a beaucoup d'hommes qui pleureront en pensant à ce que le
Seigneur a fait pour eux…
Voilà, n'oubliez pas de faire cette belle méditation soit avant, soit après votre
confession, selon que vous serez des premiers à passer ou non.
Je vous en rappelle rapidement les données:
Comme composition de lieu: Le Calvaire.
La grâce à demander: Comprendre la miséricorde de Dieu qui nous pardonnera
tout si nous revenons loyalement à Lui.
1er point: On comprend cette miséricorde par l'amour des mères, l'amour des
pères, l'amour des Saints, l'amour de la Très Sainte Vierge.
2ème point: On comprend l'amour du cœur de Dieu fait homme par l'amour
qu'Il a montré envers les enfants, envers les malades, envers les affligés,
envers les pécheurs dont nous sommes tous.
Vous allez vous confesser maintenant. Approchez-vous avec une grande joie
du Sacrement de la Pénitence. Partagez-vous bien, nous sommes, les prêtres,
les représentants du Christ, mais nous sommes pécheurs nous aussi et obligés
de nous confesser comme vous; mais à travers la Parole, à travers le geste du
prêtre, c'est le Christ Lui-même qui va vous pardonner, c'est le Christ qui va
vous laver, c'est le Christ qui va vous faire tout neuf comme un petit enfant…
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L'APPEL DU ROI
Je pense que tout le monde a pu se confesser; si certains d'entre vous
restaient encore à passer, qu'ils veuillent bien venir nous trouver aussitôt leur
méditation terminée… Mais après la confession, il ne faut pas oublier, mes
chers Messieurs, de remercier le Bon Dieu de cette grâce reçue gratuitement.
Par le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vous avez reçu le pardon de vos
péchés, et, s'il est vrai que l'on songe généralement à Le remercier après la
communion, il arrive fréquemment qu'on oublie de le faire après le pardon reçu
au sacrement de pénitence!… C'est pour cela d'ailleurs, je le crois, qu'Il permet
au démon de nous tracasser et il est bien possible, nous le savons par
expérience, que le malin vienne vous importuner après la bonne confession
que vous avez certainement faite: Hé! tu ne t'es pas bien confessé… Hé! tu en
as oublié… Et qui sait si… Et qui sait si tu peux aller faire la Sainte
Communion… qui sait si le Père t'a bien compris… qui sait si…
Vous le savez déjà, le démon est un menteur! il ne cherche qu'à vous troubler,
car, comme le dit le livre de l'Imitation, il n'aime pas une bonne confession…
Mes chers Amis, ne soyez pas scrupuleux; le Bon Dieu ne veut pas que l'on
soit scrupuleux, mais Il veut que nous croyons à son amour et à sa générosité!
… vous êtes allés le trouver loyalement.… peut-être maladroitement et en
avouant vos fautes, il est possible qu'un peu d'émotion ait entraîné l'oubli de
certains péchés que vous aviez l'intention d'accuser… ne vous effrayez pas! si
votre confession a été loyale, c'est-à-dire que si, sciemment, vous n'avez pas
caché un péché grave, soyez sans inquiétude, tout est pardonné et de cela
vous devez en remercier le Seigneur… Il sait que nous sommes faibles et
imparfaits, mais Il exige, on vous le lisait hier, les actions de grâce qui Lui sont
dues.
Sachons donc dire merci… on apprend bien aux enfants à dire merci quand on
leur donne quelque chose! Or, ici, le Seigneur vous a octroyé une grâce
insigne, la grâce du pardon. Pensez-y!
Mais, me direz-vous, et les péchés oubliés ?
Eh bien, les péchés que vous avez oubliés, sont également pardonnés.
Notre-Seigneur ne pardonne pas à moitié: mais il faut le savoir, si les péchés
oubliés sont sûrement des péchés mortels, sûrement commis, sûrement jamais
confessés, comme l'obligation de les accuser existe (Notre-Seigneur a précisé
dans l'évangile d'accuser tous les péchés mortels et de les présenter, comme
dit la théologie, au pouvoir des clefs) si donc, il vous revenait à l'esprit un ou
des péchés mortels que vous auriez oubliés d'accuser, ils sont pardonnés,
mais il vous faudra les accuser à votre prochaine confession. Vous n'êtes pas
tenus d'y (((fin page 160))).

((page 161))
aller exprès… non! et il faut le savoir: un samedi soir, par exemple, vous vous
apercevez avoir oublié un péché mortel à votre confession faite après votre
journée de travail… vous avez omis involontairement de l'accuser, vous n'allez
pas quand même réveiller votre curé la nuit pour lui dire ça ? non!… Votre
péché est effacé et vous pouvez très bien aller communier, même les jours
suivants, mais il vous restera l'obligation de l'accuser la fois après, en disant à
votre confesseur: ,,Voilà, mon Père, la dernière fois, j'ai oublié d'accuser
ceci…”.
Mais mon Père, si je l'oublie encore ?
Eh bien, vous l'accuserez la fois suivante, ce n'est pas difficile… et si le péché
que vous avez oublié a été dit déjà dans une bonne confession, plus besoin d'y
revenir… s'il n'était que véniel, dit ou pas dit précédemment, pas besoin d'y
revenir non plus.
Ah! mon Père, maintenant je doute s'il était mortel ou pas. Je doute si je l'ai
déjà confessé ou non…
Alors, mon cher Ami, sachez que si vous doutez réellement, l'Église n'oblige
pas à accuser un péché douteux… si vous vous êtes confessé loyalement,
point besoin d'y revenir…
Ah! mon Père, maintenant, je doute que je doute!… 
Eh bien, allez en paix, ne craignez rien, n'allez pas vous confondre avec
quelqu'un qui cache exprès un péché mortel! Sachez que le Bon Dieu n'a pas
institué le Sacrement de pénitence pour vous torturer, mais pour vous
tranquilliser et vous apaiser. Mais, mes chers Messieurs, vous avez été
pardonnés à condition de prendre le chemin du salut et quel est ce chemin ? Il
n'y en a qu'un, c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ! ,,Je suis la Voie, la Vérité et
la Vie. Personne ne vient à mon Père si ce n'est par moi”.
*******
Vous avez pu remarquer sans doute la marche des exercices:
Nous avons commencé par voir le plan de Dieu, cet admirable plan,
l'inconcevable, l'indicible plan d'amour: nous sommes promis à une joie divine,
éternelle… si nous essayons de comprendre cela, nous n'y parvenons pas.
La petite Thérèse de l'Enfant Jésus exultait en écrivant à sa sœur Céline:
,,J'exulte à la pensée que bientôt nous serons comme des dieux” … c'est ce
que les hommes (même ceux qui ont la foi) ne parviennent pas à réaliser. Les
Saints, eux, pleuraient de joie à la pensée de l'éternité et c'est la réalité: nous
sommes ici en un temps d'épreuve qui sera vite terminé! Oui, nous avons vu
cet admirable plan de Dieu: l'homme a été créé pour louer, honorer et servir
Dieu et, en faisant cela, sauver son âme… en faisant cela, gagner le ciel… en
faisant cela, arriver à la béatitude éternelle!… 
Pourquoi Saint Ignace nous dit-il cela ? Eh bien, nous l'avons vu, parce que
Dieu nous demande une collaboration libre, spontanée et il nous précise: Voilà
le code de la route d l'Éternité, les commandements de Dieu que vous
connaissez; voilà le Fils de Dieu qui est venu sur la terre nous apprendre la loi
évangélique et comment il faut s'y prendre pour l'accomplir… c'est cela que
vous devez suivre…
Alors s'est posé un problème pratique: Si je refuse ? Si je ne veux pas suivre ce
code, ces commandements, est-ce grave ?
Mes chers messieurs, si vous refusez, en agissant ainsi vous mettez ni plus ni
moins votre éternité en litige, tout simplement!
De même si quelqu'un prend le volant sans vouloir suivre le code de la route,
serait-il très habile, il va sûrement à la catastrophe, c'est évident!… 
Il a fallu vous convaincre de cela. A cet effet, nous avons vu les réactions
divines devant la désobéissance; nous en avons vu les conséquences et nous
avons terminé cette étude, pénible, mais salutaire, par une bonne confession…
Voyez, il a fallu le Sang du Christ Rédempteur pour nettoyer nos âmes; même
nos petits péchés véniels ne peuvent être pardonnés sans le Sang de Notre-
Seigneur et quand nous faisons un acte de sacrifice, de renoncement ou de
pénitence qui diminue notre dette parce que cet acte est méritoire en soi, c'est
encore grâce au Sang du Christ versé pour nous que nous en bénéficions, ne
l'oublions pas!… 
Ainsi, maintenant, nous voilà débarrassés du péché. Nous avons fait là un
travail préliminaire indispensable. Cela nous a mis dans les dispositions
voulues pour commencer, à présent, l'essentiel de la retraite avec une
méditation qui sera à la fois la conclusion de la première semaine et comme un
nouveau fondement, comme un tremplin pour nous élancer dans la deuxième
semaine à la suite de Notre-Seigneur Jésus-Christ!
Pour gravir les sommets en haute montagne, il faut prendre un guide, sans
quoi, on est perdu, mais ici sur terre, pour arriver à ce sommet qu'est la
sainteté, auquel tous nous sommes appelés, nous devons également prendre
un guide, un chef… Et maintenant que nous sommes débarrassés du péché,
nous comprenons déjà mieux que nous sommes tous engagés dans une lutte
pénible, terrible même, car il s'agit de lutter contre des ennemis intérieurs… Le
grand Saint Paul lui-même, l'homme du troisième Ciel, l'avait remarqué: ,,le
bien que je voudrais faire, disait-il, je n'arrive pas le faire, et le mal que je
crains, j'y tombe! Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps
de mort ?”. Et chacun de nous pourrait dire pareil… nous voulons faire le bien,
évidemment, nous commençons à le faire et puis nous faisons aussi le mal!
Nous sentons en nous comme une sorte de fatalisme avec les passions qui
nous entraînent, presque malgré nous je dirais, parce qu'il y a toujours la liberté
qui joue, alors, n'aurions-nous pas, nous aussi, un chef qui nous entraîne ?
Ce chef, c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ..!
Jusqu'à présent, nous avons vu et étudié son enseignement, mais maintenant,
c'est Lui que nous allons suivre!… 
Il est le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs!
L'histoire nous montre souvent des hommes à la vie médiocre qui se sont
transformés au contact d'un chef qui les a enthousiasmés et entraînés dans
une aventure héroïque!
Eh bien, dans cette lutte, dans cette guerre intestine, devant laquelle tous les
saints ont gémi d'une façon ou d'une autre, la deuxième partie des exercices,
appelée aussi deuxième semaine, va nous permettre justement de découvrir ce
Chef, Notre-Seigneur Jésus-Christ, et de la suivre!…
Voulez-vous prendre la page 370: l'Appel du Christ-Roi, et tout d'abord, l'appel
d'un roi temporel pour aider à contempler la vie du Roi éternel.
La prière préparatoire ne change pas: Nous demandons à Dieu de réaliser son
plan d'amour: le Principe et Fondement.
Le premier préambule: La composition de lieu, le cadre dans lequel je vais faire
ma méditation sera de voir ici, avec la vue de l'imagination, les synagogues, les
bourgs et les villages où Notre-Seigneur prêchait: Je vais donc me mêler à ces
lieux qui les premiers ont entendu cette parole du Christ, le Verbe de Dieu, dont
la puissance a éclaté dans la création. Saint Paul nous le dit: Nous n'avons
qu'à regarder l'œuvre de Dieu pour remonter jusqu'à son auteur! Il y a là les
plus belles marques de la puissance de Dieu… mais les hommes n'ont pas
voulu entendre cette Parole, cette Puissance, et pour pouvoir alors nous parler
de bouche à oreille, le Verbe de Dieu a pris une nature humaine pour se
rapprocher de nous et c'est ainsi que nous allons nous mêler à ces populations
juives, qui, les premières ont entendu cette Parole; c'est pourquoi Saint Ignace
vous demande de voir, par l'imagination, ces lieux où Jésus prêchait.
Deuxième préambule: La grâce que je veux obtenir. Ici, je demanderai à Notre-
Seigneur la grâce de ne pas être sourd à son appel, d'abord de ne pas fermer
mes oreilles et ensuite d'être prompt et diligent à accomplir Sa très Sainte
Volonté: donc une grâce pour l'intelligence, à savoir de connaître l'appel du
Christ et une grâce pour la volonté, afin qu'elle soit à même de réaliser la
volonté de Dieu
*******
Première partie: l'APPEL DU ROI TEMPOREL
Pour bien comprendre cette première partie, il faut d'abord nous rappeler deux
événements historiques:
Le premier: Saint Ignace était un chef de guerre, un chevalier qui vivait à la fin
du moyen-âge, exactement le contemporain de Luther. La même année (on
vous le signalait dans une lecture le premier jour de la retraite) la même année
où Luther rompait avec sa Mère la Sainte Église, en déchirant la bulle du Pape
à Nuremberg, la même année, Saint Ignace, blessé au siège de Pampelune,
quitte la vie militaire pour se consacrer à Dieu, en 1521. Mais il est resté soldat
toute sa vie et il quitte simplement le service du roi de Castille, pour lequel il
combattait, pour passer au service du Roi Jésus.
Vous avez pu remarquer que le livre de Saint Ignace n'est pas l'œuvre d'un
littérateur, mais plutôt celle d'un officier qui donne des directives pour bien
combattre. Et pour concrétiser la continuation du combat, vous savez qu'il a
voulu offrir à son meilleur suzerain, le Roi Jésus, une Compagnie. Au moyen-
âge, les croisades rassemblaient les seigneurs et leurs mercenaires décidés à
ces entreprises armées: Ignace de Loyola, lui, offrira au Roi Jésus une
compagnie intellectuelle et spirituelle, une compagnie d'élites qu'il appellera "la
Compagnie de Jésus".. Comme il le dit lui-même: ,,Je suis resté soldat toute
ma vie”.
Le deuxième: Il y avait alors les infidèles, l'Islam. Se rappeler:
- que la bataille de Poitiers où Charles Martel écrasa les arabes marchant au
cœur des Gaules a eu lieu en 732.
- que celle de Lépante, alors que l'Europe était en grand péril, a eu lieu en
1575, soit 8 siècles plus tard.
- la bataille de Vienne en Autriche, avec une formidable armée musulmane qui
était sous ses murs, a eu lieu en 1682 au moment de l'apogée de Louis XIV et
il n'y a pas longtemps encore, au commencement du 20ème siècle, le nôtre, les
musulmans possédaient tous les Balkans… des pays chrétiens entiers étaient
sous le joug musulman. (Remarquez qu'ils ont changé de joug maintenant et il
n'est guère meilleur!). On peut dire donc que pendant plus de mille ans, la
Méditerranée a été un lac musulman… Ils pirataient la mer, écumaient les
côtes chrétiennes… Lorsqu'on connaît un peu les vieux villages de la
Catalogne, du Languedoc, de la Provence, de Ligurie et autres côtes de l'Italie,
pays chrétiens, on voit ces villages perchés là-haut sur des rochers, pourquoi ?
Mais à cause de l'Islam, car lorsqu'ils arrivaient à surprendre des villages,
même des villes (on voit bien Avignon entourée de forteresses, Agde,
Narbonne…) ils pillaient tout, prenaient les richesses, le bétail et surtout la
richesse humaine, les enfants même, les jeunes gens, les jeunes filles. Les
hommes, n'en parlons pas, et tous étaient vendus comme esclaves sur les
marchés de tous les ports de l'Afrique du nord, qui, en même temps que
repaires de pirates, étaient aussi des geôles où l'on conduisait les chrétiens par
milliers, en péril pour le corps, en péril pour l'âme aussi…
De là donc les croisades… dans le but de desserrer l'étau musulman. C'est
pour cela qu'on a pu appeler le Croissant, emblème des musulmans: l'étau qui
a essayé de prendre la chrétienté par l'Espagne et par les Balkans…
Des croisades donc pour se défendre, pour survivre… des croisades qui ont
été prêchées par des saints et entreprises par eux!
On dit parfois beaucoup de sottises sur l'objection de conscience et sur les
motifs qui ont motivé ces croisades mais Saint Louis, qui en a entrepris deux
n'a aucune leçon à recevoir de certains soi-disant théologiens modernes; ni
Saint Bernard qui a prêché la deuxième, ni Saint Pie V, le grand pape
dominicain qui a prêché celle de Lépante, ni Saint Jean de Capistran et bien
d'autres… C'est exact: Le Pape Paul VI, à la réunion de l'ONU, en octobre
1965, a bien dit qu'à notre époque une guerre serait impensable; et il a raison,
car les moyens que l'on possède actuellement entraîneraient des catastrophes
incalculables, c'est vrai, mais nous étions au moyen-âge et si les croisades
n'avaient pas été entreprises on peut se demander si nous aurions encore un
héritage catholique… On peut affirmer que pendant plus de mille ans, les
musulmans étaient comme les maîtres de la Méditerranée; on ne pouvait
s'aventurer un peu plus loin sans risquer d'être enlevé par eux et, aussitôt, on
était réduit à l'esclavage comme "Roumi". Le chrétien était un être
méprisable… on crachait par terre devant lui…
Eh oui, il faut se rappeler cela, cet effort formidable des croisades pour pouvoir
vivre… et si la France en 1830, quoiqu'on en dise, a entrepris la conquête de
l'Algérie, elle avait de très bonnes raisons de le faire car c'était sa défense qui
était en jeu!… Et je dis cela parce que, parfois, on voudrait presque nous créer
des complexes devant l'ISLAM, alors qu'il est en train de brider tout le Soudan
à l'heure actuelle!…
N'oublions donc pas que si nos rois chrétiens ont pu avoir quelques défauts,
l'Islam, lui, a les siens aussi; rappelons-nous également que Saint Ignace vivait
dans le pays des basques et des espagnols qui a mis 8 siècles à reconquérir
son indépendance sur l'Islam…
Première partie donc: nous comprendrons mieux, maintenant, pourquoi Saint
Ignace, dans ce qu'il nous propose, fait allusion à la conquête de cette terre
des infidèles, histoire qu'il nous faudra transposer, dans la deuxième partie, sur
le plan spirituel.
PREMIER POINT:
Nous envisagerons un roi humain, choisi par la main de Dieu, Notre-Seigneur,
à qui font révérence et obéissent tous les princes et tous les hommes de la
chrétienté.
A cet effet, nous pourrions penser à Saint Louis, ce roi chrétien qui a pu et a
été le seul à entreprendre deux croisades. Faite à leurs frais, la croisade était
une entreprise extraordinaire, une grande source d'ennuis financiers et
d'organisation: Richard Cœur de Lion a failli en perdre son royaume
d'Angleterre!… Alors, on faisait cela une fois dans la vie, mais Saint Louis fut le
seul à en réaliser deux et sa première, la 7ème croisade, elle fut entreprise
parce qu'atteint d'une grave maladie à 29 ans, il fit vœu de se croiser. Il
annonça la croisade dès qu'il fut remis et les préparatifs demandèrent 2 ans. Il
fut fait prisonnier, non pas de l'Islam, mais de la dysenterie et du scorbut et
puis, 25 ans plus tard, il entreprit la 8ème croisade où il mourut du choléra et de
la peste.
Oui, un saint qui entreprend une guerre et des familles saintes qui allaient se
battre autant que… pas plus que… Donc, pour ce premier point, il est normal
que nous pensions à Saint Louis, roi indiscutable et indiscuté car à 30 ans déjà,
il était un homme à la réputation établie, un héros qui avait montré sa vaillance
dans diverses batailles. Son audace, son courage, son génie lui auraient
permis de conquérir l'Orient, mais les desseins de Dieu ne sont pas les nôtres,
et, automatiquement, nous sommes en chrétienté, toutes les bonnes volontés
se cristallisent autour de lui…
DEUXIÈME POINT.
Ainsi, après avoir vu l'homme, la valeur de ce roi humain, voyons maintenant
l'entreprise:
,,Regardons, écoutons, comment ce roi parle à tous les chrétiens en leur
disant: Ma volonté est de conquérir toute la terre des infidèles”.
Cette expression, qui vient ici sous la plume de Saint Ignace, ne nous laisse
aucun doute: il s'agit bien d'une croisade; il s'agit, pour ces chevaliers
chrétiens, d'une entreprise qui doit les enthousiasmer car c'est afin de mettre
un terme aux injustices commises par l'Islam et de délivrer ces milliers de
chrétiens qui agonisent dans les geôles musulmanes… il s'agit de faire cesser
ce scandale… d'aller pour cela à la croisade!…
Et maintenant, voyons les conditions: ,,Par conséquent, qui voudra venir avec
moi doit se contenter de manger comme moi, de boire et être vêtu comme moi,
etc… de même, il doit travailler comme moi pendant le jour et veiller pendant la
nuit etc… afin qu'ainsi il ait ensuite part avec moi à la victoire comme il aura eu
part aux durs travaux”.
Au fond, le roi m'appelle… nous partons pour la guerre, et la guerre c'est
pénible!… A la guerre on n'a point de confort, on n'y mange pas à sa faim« on
donne des coups mais on en reçoit aussi! Nous partons pour la guerre, mais
tranquillisez-vous: …je serai avec vous… je serai partout… vous n'aurez qu'à
me suivre pour les corvées comme pour les blessures; vous mangerez ce que
je mangerai, vous boirez ce que je boirai, nous serons égaux en toutes
choses…
Il est donc facile de s'engager avec un Chef aussi équitable; nous pourrions
nous rappeler à cet effet la formule de Henri de la Roche Jacquelin, que
Napoléon lui-même admirait tant. Il est mort à 20 ans et disait à ses
Vendéens: ,,Si j'avance, suivez-moi… si je tombe, vengez-moi… si je recule,
tuez-moi…”. Oui, nous pourrions nous rappeler cela: nous partons pour la
guerre et il y aura de l'inconfort et des bagarres, mais attention à la suite, c'est-
à-dire: que nous aurons part à la victoire comme nous aurons eu part aux
travaux… et cela, mes chers Messieurs, c'est du roman de chevalerie qui ne
s'est jamais réalisé! En effet, Saint Ignace suggère que la victoire est certaine
d'avance!…
Quand est-ce qu'un roi de la terre peut avoir la victoire certaine ?
Napoléon a fait tout ce qu'il pouvait pour avoir la victoire… mais l'histoire est là
pour nous confirmer qu'on gagne parfois 10 batailles et qu'on perd la onzième,
celle qui eût été décisive! Évidemment, ce n'était pas toujours de sa faute,
comme à Aboukir par exemple… Trafalgar… Waterloo… eh oui… mais il a tout
perdu: on voit par là que les plus forts capitaines ne peuvent à l'avance décider
d'une victoire…
Mais admettons que cette victoire soit obtenue, or voilà un roi qui laisse aussi
entendre qu'on l'obtiendra sans morts! C'est encore plus romantique! Quel est
le roi de la terre qui puisse promettre une victoire sans qu'il y ait des morts ?
Nous savons ce qu'il en est en pratique!…
Et ce roi ajoute encore qu'il récompensera ses soldats au prorata de leurs
travaux!… Sur la terre c'est parfois la victoire, mais c'est surtout l'échec; les
vrais héros sont ceux qui sont tués tandis que ceux qui récoltent les
récompenses, le danger passé, ce sont en général les embusqués qui sortent
de leurs trous… Vous en voulez des rubans et des médailles ? Venez donc! il y
a de la place…
Non, vous le voyez, nous sommes là dans le roman, dans l'idéal!…
Et à un roi qui fait de pareilles promesses sans se tromper, que devraient
répondre les chevaliers dans un cas pareil ?
Alors, TROISIÈME POINT: page 370.
,,Considérer ce que doivent répondre les bons sujets à un roi aussi libéral et
aussi humain; et par conséquent, si l'un d'eux n'acceptait pas la requête d'un
roi semblable, combien il mériterait d'être méprisé par tout le monde et
considéré comme un pervers chevalier”.
Vous savez, mes chers Messieurs, que nous possédons les récits des
croisades et Joinville, en particulier, a raconté entièrement la septième croisade
à laquelle il a pris part: le Sire de Joinville était Sénéchal de Champagne,
conseiller de Saint Louis; il est parti avec lui alors qu'il avait plus de 50 ans. Des
dépôts de vivres avaient été constitués en Sicile, à Malte, à Chypre et lorsque
les préparatifs furent terminés, on annonça le départ pour la fin du printemps. Il
n'y avait pas de télégraphe à cette époque, mais les nouvelles, en un rien de
temps, arrivaient pourtant aux confins de la chrétienté et, petit à petit, les
chevaliers parvenaient à proximité du port d'embarquement désigné: soit
Aigues-Mortes (maintenant loi de la mer) ou Marseille… le vieux port
évidemment.
Ils arrivaient des marches hispaniques, anglo-saxonnes, danoises, bataves,
frizonnes, nordiques, helvétiques, austriaques, germaniques, etc… et cela se
rassemblait dans d'immenses camps qu'il fallait ravitailler, bien sûr et puis, à la
fin mai, début juin, par beau temps, des centaines de galères embarquaient
tout ce bazar: les armures, les cuissardes, les épées, lances, flèches… les
chevaux aussi. Joinville raconte qu'au vieux port de Marseille il fallut scier le
bordage des galères pour embarquer directement les chevaux dans le fond des
cales, car ils prenaient peur au franchissement des passerelles.
Il fallait embarquer la nourriture aussi: des barils de harengs surtout (n'oublions
pas que pendant des siècles, les armées furent nourries au hareng saur, qui
était le plat de résistance), des tissus grossiers, des barils d'eau douce comme
boisson, etc… et vogue la galère…
Et alors, au premier coup de chien dans le golfe du Lion, l'eau de mer entrait
plus ou moins dans les cales et vous devinez ce qui arrivait! Non seulement il
fallait ensuite astiquer les armures, mais les réserves de biscuits secs n'en
portaient plus que le nom! les harengs saurs, à peine mangeables bien
conservés, imaginez-les quand l'eau de mer se mélangeait avec! Moins qu'à
présent, on connaissait la valeur des agrumes et des légumes verts pour pallier
à l'échauffement de nos organes de digestion, aussi pouvons-nous entrevoir
les conséquences de cette nourriture toujours la même: harengs, biscuits et
haricots secs avec comme boisson de l'eau saumâtre!…
Il fallait au moins un mois pour rallier Chypre! Tout le monde était malade!… Le
roi lui-même n'avait plus de pantalons, dispensez-moi de vous dire pourquoi,
mais si le roi était comme ça et qu'on dut à la première escale acheter du drap
pour refaire ses chausses, que dire de tous les autres ?
Joinville raconte aussi que sa galère resta devant une île trois jours et trois
nuits; impossible d'aborder dans ce repaire de pirates… Il le put enfin à
Samagousse, le port de Chypre et grand fut alors l'étonnement de tous en y
voyant de grandes pyramides vertes: les dépôts de vivre et de céréales qui
avaient germé!…
La Croisade n'était donc pas une promenade.
Cependant, nous savons que pendant les premières croisades surtout, les
châteaux se dépeuplaient de leurs éléments masculins… tous les hommes
partaient. On sait que des enfants de 12 et 13 ans sont allés à la croisade ainsi
que des hommes de 65 et 70 ans, les premiers dans la fougue de leur âge, les
seconds afin de faire quelque chose pour le Christ, quelque chose de bien
avant de mourir… le plus souvent c'était pour gagner une indulgence plénière:
des barons plus ou moins paillards qui se voyaient donner comme pénitence
par leur chapelain de partir à la croisade… allez!… comme ça le Bon Dieu vous
pardonnera plus vite! et ils partaient…
Pas de femmes… cependant Saint Louis se fit accompagner de la sienne,
Marguerite de Provence qui est restée 3 ou 4 ans avec lui là-bas… lorsque la
croisade eût un échec dans une bataille, il avait mis à côté d'elle un vieux
chevalier qu'il connaissait bien qui devait lui trancher la tête si les musulmans
arrivaient à les prendre!… et Marguerite le savait… oui, tout n'était pas rose à
la Croisade…
Il ne restait donc que des femmes. Lorsque le dimanche après la messe elles
se retrouvaient de château à château, on parlait évidemment des absents et
lorsqu'un troubadour venait à chanter les hauts faits de l'armée chrétienne là-
bas en Orient, plus ou moins légendaires, bien sûr cela entretenait la ferveur du
souvenir… des réunions de femmes, quoi!…
Mais si, dans ces réunions s'égaraient parfois un chevalier, surtout s'il avait de
20 à 45 ans, les femmes s'indignaient: Tiens, qu'est-ce qu'il fait là le comte des
Vieilles Gargouilles ? Qu'est-ce qu'il fait là le Marquis de Trompe la Lune ?
Alors les plus âgées, celles qu'on appelait les douairières, expliquaient aux plus
jeunes: Vous ne savez pas, Mesdemoiselles, il paraît que Monsieur le Comte,
le jour du départ de Louis IX, avait sa colique chronique… il paraît que le
marquis, le jour où la croisade est partie, avait sa crise de goutte… Vous vous
doutez du mépris qu'ils inspiraient à ces femmes dont les maris, les frères, les
fiancés, les fils étaient partis!… Surtout lorsque ces messieurs s'aventuraient à
faire les beaux devant les filles!
Joinville raconte encore que, lorsqu'on revenait de la croisade, 4 ou 5 ans
après, beaucoup étant morts là-bas, de retour en chrétienté, on faisait une
grande fête pour célébrer le retour des chevaliers…
Vous vous imaginez sans peine les réflexions qu'ils pouvaient faire à ceux qui
n'étaient pas partis: ,,Comment ? vous osez porter encore les éperons devant
moi ? mais, monsieur le baron, vous n'y avez plus droit! On vous donnera, si
vous le désirez, des pantoufles ou du tilleul, mais des éperons, vous n'avez
plus le droit de les porter… et puis, disparaissez de devant moi, hein ?
Ah! oui, mes chers Messieurs, d'autant plus que ceux qui revenaient auraient
pu répondre aux objections de ces lâches: oui, c'est vrai, nous sommes partis
parfois avec des chefs cupides (n'oublions pas en effet que la République de
Venise a fait rater la 4ème croisade par cupidité), c'est vrai aussi qu'on est parti
parfois avec des Chefs incapables: il est avéré que le roi de Sicile a fait perdre
une armée en Anatolie par sa bêtise; il est vrai aussi qu'on a pu partir avec des
chefs tyranniques, tel Frédéric Barberousse, empereur d'Allemagne, qui s'est
noyé dans le Rhône… mais, au moins, nous nous sommes battus pour un
idéal, nous nous sommes battus pour nous défendre de l'Islam!…
Mais au lieu de cette réalité, la proposition est faite, dans le récit de Saint
Ignace, par un roi choisi par Dieu, par un saint!… la victoire est certaine: pas de
morts, chacun est récompensé au prorata de ce qu'il aura fait… donc,
Monsieur, si vous refusez, vous êtes fou!… vous êtes fou de manquer cette
possibilité unique, car c'est l'occasion qui ne se renouvellera jamais plus pour
vous de vous distinguer, et vous ne partez pas ?…
Vous ratez, Monsieur, l'occasion de votre vie; elle ne se représentera pas…
c'est là qu'il fallait partir: la victoire était certaine, vous étiez sûr de revenir et
d'être récompensé!
Que d'hommes, mes chers Messieurs, ratent ainsi cette occasion!
La vie est l'occasion qui nous est offerte… dans l'éternité du passé nous ne
l'avons pas eue; après notre mort, nous ne l'aurons pas non plus…
L'occasion… elle est là, à présent! C'est maintenant qu'il faut la saisir, après
cela sera trop tard, cela sera fini… Si vous ratez l'occasion qu'est votre vie,
jamais plus vous ne la retrouverez… combien, oui, combien d'hommes ratent
cette occasion qu'est la vie!… 
Voyez comment Saint Ignace suggère dans ce troisième point beaucoup de
choses: non seulement les chevaliers qui n'ont pas voulu partir sont des lâches,
mais ils sont aussi des imbéciles, des fous qui ne retrouveront plus l'occasion
qui leur était offerte…
*****
Deuxième partie maintenant
Ce qui était du roman dans la première partie va devenir une réalité
maintenant: Il s'agit d'appliquer l'exemple précédent du roi temporel à Jésus-
Christ Notre-Seigneur, conformément aux trois points indiqués.
PREMIER POINT
,,Si nous prenons en considération un semblable appel d'un roi temporel à ses
sujets, combien plus est chose digne de considération de voir Jésus-Christ
Notre-Seigneur, Roi Éternel, et devant Lui tous les hommes du monde entier”. Il
les appelle tous et chacun en particulier en disant: ,,Ma volonté est de
conquérir tout le monde et mes ennemis, et d'entrer ainsi dans la Gloire de mon
Père. Par conséquent qui veut venir avec moi doit peiner avec moi afin que, me
suivant dans l'affliction, il me suive aussi dans la gloire”.
Ce qui, pratiquement, ne pouvait se réaliser tout à l'heure: victoire certaine, pas
de morts, récompense certaine, va se faire à présent et devenir la réalité à
cause du Christ.
Rappelons-nous: nous avons été précédés dans la vie chrétienne par des
millions de héros et l'Église, tous les jours, dans le martyrologe, nous en situe
un grand nombre. Cependant, comme il est certain que tous ne sont pas
connus, une fois l'an, à la Toussaint, elle nous montre tous ces vainqueurs qui
vivent là-haut, les vainqueurs qui suivent l'Agneau en chantant le cantique
éternel… oui, la Toussaint…
Rappelons-nous donc que nous sommes les héritiers de ces vainqueurs…
DEUXIÈME POINT
,,Considérer que tous ceux qui ont jugement et raison offriront entièrement
leurs personnes à la peine”.
Évidemment, ceux qui réfléchissent et pratiquent dans la lumière du "Principe
et Fondement" qui est VÉRITÉ: pas la vérité catholique seulement, mais la
VÉRITÉ tout court se diront: ,,Comment ? Notre-Seigneur m'a mis sur la terre…
ici… pour gagner la Victoire avec Lui ? Il m'aidera, m'entraînera… je serai
récompensé au prorata de mes travaux à un taux incroyable et je lésinerai avec
Lui ?”.
Je ne suis pas fou, moi! Remarquez qu'il y a beaucoup de fous sur la terre, ce
n'est pas moi qui le dit, c'est la Sainte Écriture: je vous ai déjà rappelé cela:
"NUMERUS STULTORUM INNUMERABILIS EST", le nombre de fous sur la
terre on ne peut pas le compter… oui, beaucoup qui ne pensent qu'au
"business" qu'à la matière, qu'à la concupiscence et se croient des caïds par-
dessus le marché en faisant les malins… ce sont nos "idées" disent-ils!… eh
bien ils se situent dans la catégorie des fous dont parle la Sainte Écriture…
mais moi, je sais que là il y a un grand danger, qu'il faut fuir le péché parce qu'il
fait de la peine à Dieu et que mon éternité en dépend!… Je ne veux pas être un
de ces fous, moi!…
Nous pourrions alors nous rappeler à ce point de vue ce que précise en nous
ce deuxième point: Moi, je suis un chevalier du Christ depuis le baptême et
surtout depuis la confirmation. Qu'ai-je fait pour mon Roi jusqu'à maintenant ?
Est-ce que je me suis montré un chevalier courageux, sérieux ? dans ma
famille, ma profession, mon milieu qu'il soit social, professionnel, civique,
paroissial ? … Et si les actions de Jésus-Christ ne marchent pas, ne sont pas à
la hauteur où elles devraient être dans ces milieux où je suis contraint
d'évoluer, ne faudrait-il pas que je me frappe la poitrine ? Qu'est-ce que j'ai fait
de sérieux pour Lui ?
Nous pourrions comparer et voir en nous souvenant de ce qu'on a fait pour une
Patrie qui vous mobilisait en vous faisant abandonner femme et enfants pour
des guerres atroces, où il n'était pas rare de se faire traiter d'"andouille" par un
caporal, avec tout juste le droit de ne rien dire… de se geler dans des
tranchées et dans la boue pendant des années… de subir les fluctuations de
batailles où les plus grandes promesses étaient de recevoir une croix de
guerre, ou une croix… de bois!
On pourrait aussi se rappeler ce qu'on a fait pour un Hitler, par exemple: des
millions d'allemands ont tout sacrifié pour leur idole!… Hitler a trouvé des
volontaires pour s'enfermer dans des cercueils d'acier appelés sous-marins…
Savez-vous qu'à la dernière guerre, les allemands en ont perdu 780 ? (je dis
780 parce qu'on a retrouvé les archives du 3ème Reich; cent cinquante tonnes
d'archives). Hitler a trouvé aussi des volontaires pour s'enfermer dans des
cercueils d'acier qu'on appelle "avions". A eux seuls ils en ont perdu 16'000…
Hitler a également trouvé des volontaires pour s'enfermer dans des cercueils
d'acier appelés "tanks"…
En Cyrénaïque, en août 1941, un pays où il faut 5 litres de liquide par homme
et par jour: pas un arbre, une sécheresse extraordinaire supérieure à celle du
Sahara, un soleil de feu… lorsque l'aviation anglaise a réussi à détruire les
convois de Rommel, le général allemand, les soldats des tanks n'avaient plus
qu'une demi-tasse d'eau tiède, et pas plus… et il n'y avait pas que des
volontaires dans l'AFRICA CORPS…
Nous pourrions nous souvenir aussi de ce qu'on a fait pour la patrie russe, la
patrie italienne, la Japonaise, l'Américaine, etc… le Pape Pie XII, s'adressant
au "Front des familles françaises", en 1943, disait: ,,On n'aurait jamais cru,
dans les siècles passés, que l'on puisse constater une telle débauche
d'héroïsme dans la dernière guerre et parfois, ajoutait le Saint-Père, pour des
idéologies fumeuses, souvent douteuses!…
Voilà ce qu'on a fait pour des patries, pour des Hitler, des Staline, des
Mussolini… pour des fous, pour de pauvres types… et qu'est-ce qu'on fait pour
Dieu ? que fait-on pour le Christ, qu'ai-je fait de sérieux, moi, pour Lui ?
Ah, oui… j'ai fait beaucoup de grimaces pour le Christ! Mon Dieu, je vous
aime… Oh! ça, oui!… mais qu'on ne vienne pas toucher au portefeuille hein ?
ni à mes petits plaisirs…
Que chacun réfléchisse…
Mes chers Messieurs, pour bien comprendre ce troisième point, il faut se
rappeler que Saint Ignace était un chevalier, un chevalier de guerre, un
chevalier de goût, de race, de nom, d'idéal… Il rêvait… oui, il rêvait de batailles
toujours… et lorsqu'il a quitté l'armée pour se mettre au service du Christ, il
rêvait d'une bataille… spirituelle évidemment!… comme il était soldat de
vocation, il connaissait très bien les mœurs de l'armée, et dans toutes les
armées du monde, il y a toujours eu au moins deux groupes d'hommes: les
timides, pourrait-on dire, et les vaillants.
Les timides: vous les voyez arriver, dans les mobilisations générales surtout,
par exemple 2 août 1914 - septembre 1939. Ah!, ils ne sont pas très fiers et ils
seraient bien restés à la maison si on avait voulu les laisser tranquilles: ,,Ah!
mon capitaine, que voulez-vous!! moi je ne suis pas un bagarreur, que voulez-
vous, je suis comme ça! C'est ma grand'mère et des femmes qui m'ont élevé et
rien que de voir un fusil, j'ai mal au ventre! Mon capitaine, on ne se refait pas
n'est-ce pas ? mais je ne suis pas fou, mon capitaine, je n'ai pas envie d'être
fusillé hein ?… Non! je ne suis pas fou et je veux faire mon devoir… mais pas
dans la bagarre!… par contre, mon capitaine, je tape assez bien à la machine à
écrire… si des fois vous aviez une place au bureau du bataillon ou à la
compagnie, vous pourriez penser à moi, je rendrai peut-être des services!!…”.
Et ce petit, qui n'est pas un bagarreur, mais qui ne veut pas être fusillé quand
même, quelquefois, par force, peut devenir un héros!
Tout le monde comprend cependant que s'il n'y avait que des gens comme
celui-là, la victoire n'avancerait guère!… 
Mais il y a aussi un groupe très différent qu'on pourrait appeler celui des
vaillants:
On demande des volontaires pour les corps francs, pour les missions spéciales
?… Moi, moi, moi! répond-on… que voulez-vous, il y a des gens qui aiment
ça…
Alors ce troisième point intéresse ceux qui veulent se signaler non pas pour les
bagarres modernes, non pas pour les guerres imbéciles de la terre, non!…
mais pour le Roi du Ciel… se signaler… et à ce moment, agissant contre leur
sensualité et l'amour de leur chair et du monde – ce qui est obligatoire pour tout
le monde même pour les non vaillants – ils feront des offrandes de plus haut
prix et de plus grande importance.
Ces offrandes de plus haut prix, Saint Ignace va nous les faire faire dans un
émouvant colloque. Dans cette belle prière, il va nous faire rejeter les deux
premières passions capitales.
Vous vous rappelez qu'il y a sept passions qui nous portent à manquer au plan
d'amour: l'orgueil, l'avarice, la luxure, l'envie, la gourmandise, la colère et la
paresse, mais les deux premières sont plus fondamentales que les autres.
L'orgueil: l'homme veut être plus qu'il n'est. Être, la possession… être au-
dessus des autres! Mais être au-dessus des autres suppose le besoin de
posséder des choses… Voyez, comme disait Pascal: Un roi en chemise de nuit
et bonnet de coton n'est guère roi, mais si on le voit, n'est-il pas vrai, sous un
habit somptueux et caracolant sur son cheval au milieu de soldats richement
vêtus, accompagné d'une vingtaine de trompettes qui font du tintamarre, là on
voit qu'il est roi, car les sens en sont frappés… Oui… pour s'élever au-dessus
des autres on a besoin de posséder, d'avoir les moyens, ce qui fait que
l'orgueil, la plus dangereuse des passions, la plus subtile aussi, est
nécessairement accompagnée de la seconde: l'avarice, la possession, la
cupidité! celle en bref qui permet aux gens de la terre de se payer le paradis
terrestre, qui, lui, joue avec les autres passions: la luxure, la gourmandise, la
paresse. Et si, par hasard, on n'arrive pas à se les payer on a en compensation
l'envie… et la colère… en attendant que vienne le petit matin du grand soir ou
on changera un petit peu: on pendra les riches et on se mettra à leur place…
Alors, Saint Ignace, dans ce colloque, nous fait rejeter ces deux passions
fondamentales qui empêchent de répondre à Notre-Seigneur, je cite: ,,Éternel
Seigneur de toutes choses, je vous fais mon offrande. Avec votre faveur et
aide, devant votre infinie bonté et devant votre glorieuse Mère et tous les Saints
et Saintes de la cour céleste, je déclare que je veux et désire, et que c'est ma
détermination délibérée, pourvu que ce soit pour votre plus grand service et
louange, vous imiter en souffrant toutes injures, tous mépris et toute pauvreté,
aussi bien effective que spirituelle, si votre très sainte Majesté veut bien me
choisir et accepter en ce genre de vie et état”.
Il ne s'agit pas là, mes chers Messieurs, d'aller au séminaire, au noviciat ou aux
missions, non!… d'ailleurs les trois quarts d'entre vous, dès que vous seriez au
séminaire et qu'on verrait votre tête on vous dirait que vous auriez pu y penser
avant que vous n'étiez pas faits pour ça!…
Il ne s'agit pas de ça, mais il s'agit de savoir si Notre-Seigneur pourra compter
sur vous: là, dans cette ferme, il y a un homme que j'ai conquis… là dans cet
atelier, il y a un homme qui se ferait tuer pour moi… là dans cette usine, u
jeune sur lequel je puis compter, là dans ce laboratoire, dans cette banque,
etc…
Mais qu'est-ce qui empêche Notre-Seigneur de compter sur nous ? Eh bien:
l'orgueil et l'avarice, voyez!… Alors, pour s'en défaire, il faut faire, du fond de
votre cœur, cette prière en regardant la Croix.…
*******
Voilà votre belle méditation.
Je vous rappelle rapidement les points:
Me mêler à ceux qui ont entendu la parole divine. Avant tout, avoir le désir de
vouloir écouter, de ne pas être sourd à son appel.
Puis, la Croisade: le Roi choisi par Dieu a entrepris la croisade dans des
conditions extraordinaires: victoire certaine, pas de morts, récompense au
retour.
Que doit répondre le chevalier ?
S'il reste et laisse partir les autres, c'est non seulement un lâche, mais c'est
aussi un imbécile qui va rater l'unique occasion de sa vie. Il ne la retrouvera
plus.
Deuxième partie: Ce qui était du roman devient réalité, le Christ appelle ses
sujets. Moi je suis un des leurs, un chevalier du Christ: Qu'ai-je fait jusqu'à
maintenant ? Que ferai-je dorénavant ?
Alors ceux qui sont décidés à suivre le Christ – et tout le monde veut avoir cet
honneur – lorsqu'on sonnera les petits coups, prenez la page 372 pour faire cet
important colloque – il est très beau – et vous vous offrez alors à Notre-
Seigneur, que vous soyez marié ou non, religieux, vieux, peu importe!… Notre-
Seigneur vous dira ce qu'il faut faire… Même un homme de 70 ans, en se
sanctifiant, peut sauver beaucoup d'âmes, ne l'oubliez pas!
Allez faire cette belle méditation. Ah! une remarque, Saint Ignace vous dit:
,,Vous êtes en deuxième semaine”. Vous pouvez entrouvrir les volets pour
méditer, non pour regarder les oiseaux ou les avions bien sûr, mais pour
profiter un peu de cette belle lumière naturelle.… Allez!…
-------
LA TRÈS SAINTE INCARNATION
Mes chers Messieurs, je vous l'ai déjà dit: c'est avec cette contemplation que
nous entrons pour de bon dans la retraite. Jusqu'à présent, nous avons fait un
travail préliminaire, un travail de préparation afin de nous mettre dans les
conditions voulues… A ce titre, certains ont fait un sérieux effort pour chasser
le péché et pourraient avoir l'impression qu'avec les confessions, tout est
terminé!…
Que non pas! C'est maintenant que nous allons aborder la partie essentielle,
mais pour cela il nous faut l'aide du Saint-Esprit et le Saint-Esprit, Lui,
n'accepte de travailler en nous qu'à la condition que nous soyons débarrassés
du péché…
C'est chose faite… demandez-lui donc beaucoup… Saint Paul nous dit: ,,Nous
ne savons pas ce que le Bon Dieu pourrait faire en nous si nous avions un peu
de bonne volonté”… Demandons, implorons en conséquence… Pauvres
hommes que nous sommes, lorsqu'on nous sollicite c'est bien vite que nous
arrivons au bout de nos possibilités car, en donnant, on appauvrit son avoir
n'est-ce pas ? mais le Bon Dieu, Lui, est infiniment riche, Il a un réservoir de
grâces inépuisable et Il peut donner sans compter! S'Il nous limite ses dons,
c'est parce que nous ne les demandons pas ou que nous le faisons du bout
des lèvres. Or, si nous ne les demandons pas, n'est-ce pas parce que nous
hésitons à nous mettre dans les conditions nécessaires pour les recevoir ?
Remarquez d'ailleurs que ces grâces que vous rapporterez de la retraite, ces
grâces que Dieu vous aura données seront profitables à vos épouses, vos
enfants, vos parents et à tous ceux que vous approchez dans les milieux où
vous évoluez… ils en bénéficieront, c'est certain, alors, n'hésitez pas à
demander au Seigneur… plus Il vous comblera, plus vous pourrez distribuer
autour de vous.…
Dans la méditation précédente, nous avons décidé de mourir plutôt que de ne
pas suivre Notre-Seigneur. Le Roi qui nous a fait entendre son appel nous
l'indique: C'est maintenant qu'il va falloir partir pour la Croisade… mais pour
suivre ce Chef, il faut d'abord le connaître, et pour le connaître, il importe de
l'étudier!
Beaucoup de chrétiens se fabriquent un Christ à leur taille et à leur goût.., un
Christ en guimauve, quoi!… ce qui leur permet une morale de situation: quand
cela gêne, on laisse ça de côté, voilà.… Ah! non… Non! nous n'avons pas à
inventer le Christ; nous avons à nous mettre devant Lui pour l'étudier
sérieusement et nous devons entrer dans cette étude avec un grand esprit de
foi… Saint Jean-Baptiste disait aux juifs: ,,Le Père aime le Fils; Il a mis toutes
choses entre ses mains, si quelqu'un croit au Fils, il aura la vie éternelle et si
quelqu'un est incrédule au Fils, il ne verra pas la vie et la colère de Dieu restera
sur lui éternellement”. Ayons donc une grande foi. Demandons-la en
commençant cette étude, sachant que Jésus-Christ est vraiment le Christ-Roi…
Saint Paul l'appelle "PRIMO GENITUS INTER CREATURAS - le premier-né de
toute créature", de toute la création… Il n'y a pas d'homme plus fort, plus
savant, plus puissant… alors ? C'est lui qui a raison!… Et qu'il s'agisse de
politique, de sociologie, de morale familiale ou individuelle, c'est Lui qui a
raison, car Il est Dieu, Il ne peut ni se tromper ni nous tromper!
Nous l'étudierons donc sachant que c'est Lui qui a raison mais, attention!
… C'est que très vite nous allons nous apercevoir que, souvent, nous ne
serons pas d'accord avec Lui!… Or, si nous ne sommes pas du même avis,
c'est qu'il y en a un des deux qui se trompe.… ou Lui.… ou nous… et c'est
vraiment là, mes chers Messieurs, qu'une grande foi est nécessaire: c'est que
nous l'avons déjà vu, cela ne peut être Lui qui se trompe, Il est Dieu!… C'est
donc nous qui sommes égarés, qui ne sommes pas sur la bonne voie, qui
avons peut-être suivi des gens qui ont fabriqué un Christ à leur idée!…
Nous allons donc l'étudier pour le suivre, avons-nous dit; mais en arrivant par
l'étude à le mieux connaître, nous arriverons à l'aimer, à nous enthousiasmer
de Lui, et, dès lors, il nous sera facile de déduire que si nous n'étions pas
d'accord, c'est que nous nous trompions et qu'en conséquence il nous
appartient de nous corriger…
Combien de gens s'imaginent être de bons chrétiens: Moi, Monsieur, je fais les
enchères à l'américaine à la kermesse de Monsieur le Curé… moi, je suis le
chef de la chorale… moi ceci… moi cela… non, non!… Ce n'est pas cela qui
donne le titre de chrétien authentique!
Être chrétien, c'est imiter Jésus.… c'est réagir comme Il réagirait, mais, pour
faire cela, il faut d'abord "vouloir" le connaître: Sainte Thérèse d'Avila disait
,,Mon Jésus n'est pas aimé parce que mon Jésus n'est pas connu”.
Eh oui, nous voyons des gens qui s'enthousiasment pour une fille qui a le nez
en trompette, pour un général dont on dit qu'il a de la valeur. Nous avons vu
des soldats se faire tuer pour un Alexandre le Grand, pour un Napoléon, pour
un Hitler… et nous ne pourrions pas nous enthousiasmer pour Notre-Seigneur
Jésus-Christ ?
On peut dire que notre sainte religion repose sur la révélation de trois mystères
principaux qui sont: le mystère de la Très Sainte Trinité, puis celui de la Très
Sainte Incarnation et enfin le mystère de la Rédemption… de la Croix, pour
nous sauver et nous racheter.
Bien sûr, il y a d'autres mystères. S'il y en a d'innombrables dans la nature, a
fortiori il y en a autour de Dieu et, ici, nous allons étudier la première de ses
leçons… quelque chose d'inconcevable et de déconcertant: en relation avec le
mystère de la Très Sainte Trinité, nous approfondirons le mystère de
l'Incarnation où le Verbe de Dieu se fait homme pour nous sauver. C'est dans
cette leçon, en regardant le Verbe de Dieu et Marie, sa divine Mère, son plus
parfait miroir, que nous découvrirons l'esprit chrétien.
*****
Voulez-vous prendre votre livre à la page 372.
Première contemplation: Vous allez maintenant faire des contemplations, c'est-
à-dire que vos méditations seront le fruit de contemplations où l'on regarde des
scènes historiques. On regarde des personnes, on écoute ce qu'elles disent, on
examine ce qu'elles font… ce n'est pas difficile… On se sert toujours de la
mémoire, évidemment, puis de l'intelligence pour mieux approfondir et de la
volonté pour prendre des résolutions, mais on le fait en regardant un tableau ou
une scène qui vous est proposée.
PREMIER PRÉAMBULE: Il sert à rappeler l'histoire de la chose à contempler.
Je me rappellerai comment les trois Personnes divines, contemplant la surface
de la terre couverte d'hommes et voyant que tous se précipitent en enfer,
décrètent en leur éternité que la Seconde personne de l'auguste Trinité se
fasse homme pour sauver le genre humain et comment ce mystère s'accomplit
lorsque, dans la plénitude des temps, l'Archange Gabriel fut envoyé à Marie.
Saint Ignace prend le mystère après le péché originel et avant le décret de
l'Incarnation – c'est à remarquer – bien qu'il soit évident que le décret de
l'Incarnation, tout comme celui de la Création, est de toute éternité…
De toute éternité, Dieu voyait qu'Il créerait les Anges, qu'Il créerait les hommes,
qu'ils pécheraient et qu'Il enverrait son Fils pour les sauver… de toute éternité
Dieu connaissait le nombre de ses élus! D'un seul regard, Dieu voit tout cela
---– s'il est permis de s'exprimer ainsi – Il voit tout ce qui, pour nous arrive dans
le temps, mais Saint Ignace, voyez-vous, pour mettre cela à portée de notre
mesure humaine nous dit en substance: Après le péché originel, voyant que
tous les hommes descendent en enfer, Dieu met en application le décret de
l'Incarnation qui, lui, est décrété de toute éternité!… et cette plénitude des
temps étant arrivée, Il va envoyer l'ange Gabriel à Notre-Dame…
Voilà le mystère que nous allons contempler: le mystère de l'Incarnation.
DEUXIÈME PRÉAMBULE: C'est la contemplation visuelle du lieu.
Ici, je me représenterai l'immense étendue de la terre, peuplée de tant de
nations diverses; puis je considérerai en particulier la maison et la chambre de
Notre-Dame, dans la ville de Nazareth, en Galilée.
Messieurs, au moyen-âge, on jouait souvent du théâtre, mais le théâtre, à cette
époque, était éminemment religieux. Il nous en reste quelques vestiges: dans
certains pays, on joue encore la Passion du Christ; en Provence, à Nancy, en
Bavière aussi. En Provence, notamment, on continue à jouer le mystère de la
Nativité, on en a fait même des disques et des Noëls pour alimenter la
pastorale… on appelait cela des "mystères" et on les jouait avec les moyens de
ce temps-là – ce n'est point pour les critiquer, mais il y avait en principe dans
ces théâtres trois plans
- le plan des hommes, c'est-à-dire l'humanité en son passage sur terre;
- plus illuminé, et au-dessus, le plan supérieur représentant le Ciel;
- enfin, un plan inférieur avec des espèces de soupiraux baignés d'une lumière
plus ou moins rougeâtre qui représentait l'enfer où l'on voyait passer, comme
en ombres chinoises, des diables cornus, des fourches… voyez, trois plans
superposés et, dans le plan médian de l'humanité, des trappes étaient
ménagées pour permettre aux acteurs doit de tomber dans le plan inférieur
représentant l'enfer, soit d'accéder, par un jeu de ficelles, au plan supérieur
figurant le Ciel…
Nous pourrions donc, si vous le voulez, nous représenter cela… un cadre très
facile à retenir que ces trois plans et là, sur la terre, une oasis de paix où se
trouve une jeune fille priant dans un oratoire! Voilà…
Quelle grâce allons-nous demander ?
Alors TROISIÈME PRÉAMBULE:
Ici, je demanderai une connaissance intime du Seigneur qui s'est fait homme
pour moi, afin de l'aimer et de le suivre davantage.
Voilà la grâce que nous demandons. Dans les 30 jours, que nous donnons une
fois par an, cette deuxième semaine, de loin la plus chargée, dure au moins 12
jours, pendant lesquels matin et soir, on demande cette même grâce à savoir:
la connaissance intime du Seigneur.
Qu'est-ce qu'une connaissance intime ?
Eh bien, disons d'abord ce qu'elle n'est pas: nous avons des théologiens
catholiques et protestants qui connaissent à fond l'Écriture Sainte et les
prophéties, donc tout l'ancien testament et le nouveau, notre évangile; on peut
dire qu'ils connaissent Notre-Seigneur à fond, de ce qu'on appelle une
connaissance scientifique ou exégétique. Ce n'est pas cela que nous voulons,
bien que cette connaissance suppose des années et des années d'études…
On peut faire état aussi d'une connaissance esthétique ou artistique: vous avez
des gens qui en ont une extrême habitude et à première vue, en voyant un
tableau de maître dans un musée, ils en décèlent l'auteur: tiens, ça c'est de
l'école espagnole de Murillo, ça c'est de l'école italienne de Florence, ça c'est
de l'école flamande de Jérôme Bosc, ça de l'école française, etc. une
connaissance artistique… ce n'est pas cela non plus que nous voulons, bien
qu'elle exige elle aussi une certaine formation exégétique.
Nous voulons quelque chose de bien plus grand, de bien plus profond: nous
voulons une connaissance intime c'est-à-dire, eh bien, prenons encore des
exemples:
A la réunion l'autre soir, un jeune homme a parlé, vous le connaissez, ce
garçon ?
Oui,
Mais bien ?
Oh non! c'est une vague connaissance…
Tout à l'heure, nous avons rencontré dans la rue un Monsieur qui nous a salué,
vous le connaissez ce Monsieur ?
Oui, assez bien.
C'est une connaissance intime ?
Oh non! on travaille parfois ensemble pour la paroisse… bonjour, bonsoir, mais
c'est tout…
Et ce garçon que nous allons voir pour le congrès, vous le connaissez ?
Ah, si je le connais celui-là! on peut dire que je le connais par cœur, tout petits
nous avons usé nos pantalons ensemble sur les bancs de l'école… plus tard
nous faisions tous les deux des randonnées en vélo… à la guerre également
nous nous sommes suivis. Il vient chez moi, je vais chez lui, nous partageons
les mêmes idéaux, les mêmes buts, nous n'avons pas de secret entre nous,
oui, c'est pour moi une connaissance intime…
Bien! transposons:
Vous connaissez Jésus, le Fils de Marie ?
Oueh!…
Mais, vous le connaissez bien ?
Bôh… bonjour… bonsoir…
Mais, pardons Monsieur, connaissez-vous le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu fait
homme ?
Oui, assez, c'est un ami dont on me parle quelquefois.
C'est pour vous une connaissance intime ?
Oh non! je vais bien le voir quelquefois à sa grande maison, le dimanche –
quand ce n'est pas cependant l'ouverture de la chasse – c'est un ami bien sûr,
mais il y en a d'autres vous savez!
Vous voyez les différences, n'est-ce pas ? Or, il faudrait que Notre-Seigneur
devienne pour nous ce qu'Il était pour les Saints: une connaissance intime!…
Lorsqu'on connaît intimement quelqu'un, lorsqu'on sait tout ce qu'il a, là dans le
cœur, que l'on partage ses idéaux et que partout on réagit en toutes
circonstances comme Il le ferait, voilà, mes chers Messieurs, la grande grâce
que nous recherchons, une grâce qui n'est pas faite d'avance… Encore une
fois, vous ne pouvez pas vous rendre au magasin pour demander 10 fr. de
connaissance intime, n'est-ce pas ? Eh bien, demandez au Seigneur qu'Il vous
l'accorde cette grâce, qu'Il vous apprenne à le connaître intimement… et vous
n'avez pas 12 jours pour le faire, tout juste 24 heures… ne perdez donc pas de
temps et remarquez en outre que la retraite est déjà bien entamée bien qu'elle
ne commence véritablement qu'à présent.
Alors, comment faire cette méditation, cette contemplation comme il convient
de l'appeler ?
1er point: voir les personnes
2ème point: entendre ce qu'elles disent
3ème point: regarder ce qu'elles font.
Voyez… personnes, paroles, actions, tout comme au théâtre…
Là, le rideau se lève, puis les personnages arrivent et disent leur rôle en faisant
des gestes… eh bien, ici, cela sera pareil: nous regardons ce théâtre
magnifique, ce théâtre à la fois humain et divin. Rappelez-vous donc les trois
plans:
- le plan des hommes où se trouve une oasis de paix
- le plan supérieur avec Dieu, les trois personnes divines
- le plan inférieur recevant les hommes dont beaucoup tombent en enfer.
PREMIER POINT. voir d'abord les personnes.
,,Cette face de la terre avec une si grande diversité, aussi bien de vêtements
que de visages: certains sont blancs, d'autre sont noirs. Certains sont en paix,
d'autres en guerre; un grand nombre pleurent, un grand nombre rient; certains
sont en bonne santé, d'autres sont malades; quelques-uns naissent, tandis que
d'autres meurent”.
En cinq lignes Saint Ignace vous récapitule tout ce que vous lisez dans les
journaux quotidiens ou hebdomadaires et dans vos magazines… tout ce que
vous entendez à la radio et à la télé… en cinq lignes vous l'avez là: sur la
surface de la terre, il y a trois milliards d'êtres humains (dans les ports, à
Marseille, par exemple, on voit mieux cette diversité -– on y rencontre des
blancs, des noirs, des africains, des jaunes, des chinois, des nordiques)… les
uns en paix, les autres en guerre et partout on tue: on tue au Congo en ce
moment, on tue au Vietnam aussi… partout des assassinats, des bombes… en
quelque point du globe il y a toujours la guerre, d'autres sont en paix… en
attendant la prochaine!…
Les hommes, je vous l'ai déjà dit je crois, dépensent tous les jours trois
milliards de N.F. pour la guerre… on a compté pour la seule année passée que
divers peuples avaient dépensé pour préparer la guerre, mille milliards de
francs lourds et on signalait, dans l'Osservatore Romano, que le Saint-Père
était écrasé de douleur à cause de toutes ces menaces de guerre et ces
guerres effectives qui se multiplient…
En 3 ans, au Congo on a tué près de trois cents missionnaires catholiques sans
compter les protestants et des milliers de catéchistes…
Oui, certains qui pleurent, d'autres qui rient… que d'yeux qui pleurent en ce
moment!… les mamans qui voient mourir leurs enfants, les épouses leurs maris
et soutiens… dans les hôpitaux que de gens abandonnés des leurs,
complètement désespérés devant un avenir très sombre, sans foi non plus
susceptible de les réconforter… Il y a trois jours j'étais à Grenoble avec un de
nos amis, très bon… A 30 ans, il venait de perdre sa femme le laissant avec 3
petits enfants; il se demandait comment peuvent supporter des coups
semblables les gens qui n'ont pas la foi. Moi, me disait-il, mes retraites et ma foi
m'ont beaucoup aidé, ma femme est morte bien préparée, cela a été pour moi
un grand adoucissement… eh oui, des gens qui pleurent sans aucune
espérance, c'est effroyable!
Imaginez: sur toute la surface de la terre des millions ((fin page 180))

((p. 181-...))
de personnes qui en ce moment-ci pleurent tandis que d'autres rient et
s'amusent, profitent en vous disant: ,,C'est ça, la vie!”.
Mais, cela se renverse, n'est-il pas vrai ? … Tel qui rit ce soir, pleurera demain!

Regardons encore: tous les jours, il y a des dizaines de milliers de petits qui
naissent et, tous les jours, il y a aussi des dizaines de milliers de personnes qui
s'en vont… Voilà… Elles ont fini le périple, leur rôle est terminé par la mort. Et
parmi ces hommes, un nombre toujours croissant de ceux qu'on désigne
comme étant des "intellectuels", d'ailleurs plus ou moins formés, plus ou moins
intelligents. Beaucoup, parmi eux, se croient des petits dieux: ils s'arrogent le
droit de discuter Dieu, de nier Dieu, de lever le poing contre Dieu, de se dire
sans Dieu, de nier le plan de Dieu!… Pauvres petits microbes! Ils passent
quelques années ici-bas, et, comme le dit si bien le Psaume 102: ,,à peine le
vent l'a-t-il effleuré qu'il n'est déjà plus et la place qu'il occupait ne le reconnaît
plus…”. Ils s'en vont dans le néant, dans la poussière plutôt comme l'Église le
rappelle le jour des Cendres: ,,Souviens-toi, homme, que tu es poussière…”.
Ah! si tous les chefs de gouvernement, tous les dirigeants pouvaient entrer
dans nos églises ce jour-là… recevoir un peu de ces cendres sur le front et
comprendre ce symbole admirable: ,,Souviens-toi, homme, que tu es
poussière…”. Souviens-toi Hitler que tu es poussière… Souviens-toi Staline,
Mao, De Gaulle… Souvenez-vous! ne croyez-vous pas que cela leur ferait du
bien de méditer cela?… Regardons…
DEUXIÈMEMENT: Nous passons au plan supérieur
Voir et considérer les trois Personnes divines comme assises sur leur trône
royal – c'est une façon de parler, une façon humaine de nous représenter la
divinité – comme elles regardent la face de la terre et tous les gens qui vivent
en si grand aveuglement et comment ils meurent et descendent en enfer.
Contemplation silencieuse et émouvante:
Dieu regarde son Œuvre abîmée et souillée par la désobéissance, par la
révolte, par le péché… Dieu qui a conçu ce plan d'amour (nous savons aussi
que le Fils engendré de toute éternité, contemple également ce renversement)
… et nous devinons ce qui va arriver: Le Saint-Esprit, l'Esprit d'Amour va
allumer le feu de l'Amour au milieu de cette haine qui écrase les hommes…
regardons cela, les trois Personnes divines contemplant leur œuvre abîmée par
les hommes…
C'est parce qu'il est Amour, que Dieu est TRINITÉ. Dieu, dans sa puissance
illimitée, infinie, réalise sa richesse dans une idée unique qui est son Fils, son
Verbe et ce Fils, aussi riche que son Père, aime son Père autant que le Père
aime le Fils. Notre esprit limité ne permet pas que nous comprenions ce
mystère, mais c'est de cette effusion inconcevable, incommensurable d'amour
mutuel qui porte le Père vers le Fils et le Fils vers le Père que jaillit le Saint-
Esprit: le Saint-Esprit qui est l'Amour, un mystère d'amour, d'amour infini!…
Et dire que nous, les hommes, nous sommes créés pour contempler cela
éternellement!… pour jouir de cette joie indicible que l'éternité même ne pourra
épuiser, la joie de contempler à jamais ce mystère insondable d'amour!… le
premier et le dernier des mystères, celui qui renferme tout… le commencement
et la fin… l'Alpha et l'Oméga… oui, regardons cela… contemplons Dieu
regardant son œuvre…
TROISIÈMEMENT:
Voir Notre-Dame et l'ange qui la salue et réfléchir pour tirer profit à la vue de
tout cela.
Saint Ignace nous dit de regarder successivement les personnes, les paroles,
les actes, mais il est à remarquer que déjà, il parle d'acte vous le voyez… Nous
pouvons faire comme lui et nous rendre au Ciel trouver cet Ange dont nous
savons qu'il va partir pour assumer une grande mission. Cet ange est un des
plus hauts séraphins de la cour céleste: il s'appelle GABRIEL qui veut dire
"Force de Dieu". En effet, le mot "el" dans toutes les appellations anciennes de
l'ancien testament veut dire Dieu: Raphaël, médecine de Dieu; Michel, qui est
comme Dieu; Daniel, désir de Dieu« Elie veut dire: de Dieu… demandons donc
à l'ange Gabriel vers qui il va partir:
,,Monseigneur l'Ange, je suis chargé par mon journal Paris-Presse de vous
interviewer; je sais que vous avez une grande mission pour notre terre, quelle
est donc cette princesse qui va recevoir une ambassade si glorieuse ?” – Vous
savez qu'à ce moment-là, il y avait de très grandes dames connues par leurs
richesses, leur savoir, leur esprit, leur beauté… à Rome, à Alexandrie, dans
toutes ces grandes métropoles de l'antiquité, à Jérusalem… Cléopâtre par
exemple, Bérénice, que sais-je moi ? – ,,Alors, Monseigneur l'Ange, vers
laquelle de ces princesses allez-vous partir ? vers quelle capitale, vers quel
château ?”.
- Monsieur, je vais partir pour Nazareth, en Galilée…
- Qu'est-ce que ce pays, Nazareth ? Si je regarde mon guide Michelin, cela
n'existe même pas!
- Oui Monsieur, en pays de protectorat, perdu dans les montagnes de la
Palestine, un pays occupé par les romains…
- Et elle s'appelle cette princesse ?
- Elle s'appelle Marie, fiancée à un homme dont le nom est Joseph…
- Merci, Monseigneur l'Ange, vous permettez n'est-ce pas que j'aille à Nazareth
faire un tour avant vous ?
Mais à Nazareth, il n'y a pas de bureau de renseignements pour les touristes…
ah! une idée… allons au lavoir public, là, nous saurons tout ce qui intéressera
notre journal.
Bonjour! Pardon Madame, je voudrais quelques renseignements sur une
certaine Marie…
Marie ? Il y en a au moins cinq dans le village!… C'était un nom courant que
celui de Myriam…
Ah! Madame… je sais aussi qu'elle est fiancée à un nommé Joseph…
Ah! oui, je vois maintenant… oui, une bonne petite, un peu timide et réservée,
mais vous savez, le pauvre homme, il ne fera pas une bonne affaire, il n'y a pas
beaucoup de… ça, hein! Vous me comprenez ? … pas beaucoup d'avenir!…
Pas beaucoup d'avenir, voilà comment les hommes jugent! Et que les desseins
de Dieu sont différents des nôtres! Oui, on pourrait croire en effet qu'il y avait là
un accident historique! Eh bien non! passons si vous le voulez quelques
siècles:
Les Huns s'avancent vers Lutèce, vers Paris, rien ne leur résiste… les parisiens
sont perdus, mais une jeune fille de Nanterre qui s'appelle Geneviève leur dit
alors: ,,Voilà, pour être sauvés il faut faire ceci, il faut faire cela, et Geneviève,
Sainte Geneviève a sauvé Paris… encore une jeune fille…
Passons encore quelques siècles: La France est envahie, il n'y a plus de
ressources; le petit roi de Bourges a quelques chevaliers autour de lui, lui-
même n'a plus confiance et qu'est-ce qui va sauver le royaume de France ?
Encore une petite pastourelle de Domrémy qui s'appelle Jeanne d'Arc… Elle ne
savait même pas signer son nom, mais elle connaissait son catéchisme!……
Passons quelques siècles encore, au siècle de Luther – qu'est-ce qui va sauver
l'Église de la réforme, de la prétendue réforme ? Ignace de Loyola qui se
convertit lui-même, qui, de chevalier du roi, devient l'homme au sac, le pauvre
de Jésus-Christ!… Saint Pierre d'Alcantara, un grand franciscain qui vit
d'humilité… Saint Jean de la Croix qui passera sa vie en prison!… Sainte
Thérèse d'Avila aussi, la grande réformatrice!
Au 19ème siècle, au grand siècle de la prétendue lumière, le siècle moderne:
Qui a donné de grandes leçons au monde ?
Eh bien, là-bas, dans les Pyrénées, une petite fille qui s'appelait Bernadette.
Son père était un meunier très pauvre et ruiné habitant dans un caveau.
Et puis Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus aussi, entrée à 15 ans au Carmel. Elle
en est sortie à 24 ans, d'une façon banale! par la tuberculose…
Voilà celles qui vont donner de grandes leçons au monde: Pie XII appelait
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus la plus grande sainte des temps modernes!
Non Messieurs, il n'y a pas là un accident, avec Marie… le Bon Dieu fait
comme cela, il recherche les humbles,… oui, regardons celle que l'ange va
saluer…
DEUXIÈME POINT
Entendre ce que disent les personnes sur la face de la terre, c'est-à-dire
comment elles parlent les unes avec les autres, comment elles jurent, comment
elles blasphèment, etc.… 
Les paroles des hommes ? ah oui! parlons-en! pour une chose de sensée,
combien de choses dites pour rien, inutiles, quand elles ne sont pas encore
cause de péché!…
Je voyage assez: on aimerait, surtout après une journée fatigante de
prédication, par exemple, être un peu tranquille! Mais vous avez toujours des
hommes, des femmes qui parlent sans arrêt, pour ne rien dire, souvent,
remarquez-le, dans le désert! Ah Madame, il fait froid maintenant, hein ? mais
ce n'est pas étonnant, c'est l'hiver, mais l'année dernière il faisait encore plus
froid, vous savez, mais le froid de cette année on dirait qu'il est plus froid
encore, et le froid vous savez, il vaut mieux l'avoir que la pluie parce qu'avec la
pluie vous savez… et ça dure des heures comme ça… alors l'été, c'est le
chaud: Oh! qu'il fait chaud! oh oui, on transpire, mais peut-être que ce soir ce
sera un peu moins chaud et si demain le sud s'en mêle, il fera encore plus
chaud… et allez… allez… allez!… Oh oui, il fait chaud, apportez-moi une bière,
avec cette chaleur! Quand même! Enfin jusqu'à présent, ce n'est pas encore
méchant, c'est bébête tout simplement, mais lorsqu'il y a deux ou trois hommes
ensemble, nous nous doutons bien sur quoi la conversation évolue
quelquefois… hélas… et puis les élections, et puis les vacances, et puis.
surtout si on a un verre dans le nez, allez!… tout le monde paie sa place, non ?
et puis un tel… comment, vous ne savez pas ? Et allez… encore un verre…
Pauvre monde… que de paroles!… 
Une fois, en Allemagne, on a joué un tour à des français qui travaillaient dans
une usine de guerre et comme, évidemment, ils en savaient plus que les
autres, on leur a un jour desserré l'étreinte en leur enlevant la surveillance
militaire. On leur a laissé seulement le contremaître français pour savoir
comment cela marcherait. Ce qu'ont fait les français ? Ils ont commencé à
pérorer puis à s'exciter. Bien! cela a duré trois jours, et ensuite, on les a invités
à une séance de cinéma: on avait enregistré toutes leurs paroles et tous leurs
gestes et c'était joli!… mais la preuve était faite… oui, un drôle de tour qui
montre un peu le côté humoristique de l'histoire, mais s'ils avaient pu effacer
tout ce qu'ils avaient dit!…
Pour vous montrer encore jusqu'où va l'exploitation de ce besoin qu'ont les
hommes de ces bavardages inutiles, je vous dirai qu'au Canada, où je me suis
rendu l'an passé, j'ai été très étonné de voir sur les berges du Saint Laurent –
cet énorme fleuve qui a trois km de large en moyenne – de formidables collines
de troncs d'arbres. Pendant tout l'hiver des milliers d'ouvriers ont réuni ces
troncs tirés des immenses forêts canadiennes. A la débâcle des glaces, on les
fait descendre directement au fil de l'eau, puis, aux endroits choisis on les
accroche, on les hisse à la grue et on dresse ces collines de ce bois qui servira
à approvisionner les usines à papier situées à proximité. Sachez que le Canada
est le plus grand producteur de pâte à papier du monde; d'ailleurs, dans ce
pays, il y a des journaux quotidiens qui ont au moins 60 pages! et, s'il vous
plaît, il n'y a rien à y lire dedans – je veux dire d'intéressant – rien, rien, rien! je
suis resté très étonné de l'absurdité… du vide de ces journaux américains: rien
que des bêtises, des réclames, du tape à l'œil… Il fait chaud… il fait froid… 60
pages pour ne rien dire, grâce à l'énorme machine linotype de 50 mètres de
long qui remplissent d'encre ces kilomètres de papier… et pour quoi ?… pour la
parole des hommes!… car il n'y a pas que la parole parlée, il y a avec ces
journaux la parole écrite! et quand vous y échappez, c'est pour tomber sur ce
que les hommes ont trouvé de mieux maintenant, vous tombez sur la radio: là
où un homme parle pour des millions qui peuvent l'entendre! Et qu'ils sont
heureux à présent: non seulement on entend le bonhomme ou la bonne
femme, mais qui plus est, on peut les voir maintenant, avec le petit écran: Ah!
là, c'est l'idéal!… et allez, vas-y… même au dépend de votre équilibre nerveux
et de votre sommeil, car pour une chose qui serait bonne, combien de bêtises à
la radio, à la télé, et que de choses nocives aussi!… 
Lorsqu'on pense à la grandeur de l'homme, ce à quoi il est destiné et qu'on
entend ce qui sort de ces pauvres machines… alors qu'il pourrait en sortir de si
belles choses! Ce qu'on en sort généralement c'est la platitude, la sottise et
l'imbécillité… le péché en bref, quelque chose qu'on ose offrir comme amour
alors que c'est de la pourriture d'amour!… Et puis, pas content de ça, on
surenchérit encore avec le tourne-disques…
Oui, les paroles des hommes… quel besoin nous avons d'aller un peu dans les
retraites, non plus pour écouter la parole des hommes, mais écouter les
paroles du Ciel, la parole de Dieu… oui, quel calme de ne plus entendre la
parole des hommes!…
Deuxièmement:
De même écouter ce que disent les personnes divines, les paroles de Dieu:
Opérons la Rédemption du genre humain.
Cette parole divine qui transcende tout, crée tout… "FIAT", et tout a été fait…
Cette parole divine qui va faire s'épanouir la charité sur la terre et toutes ces
vertus qui accompagnent la charité, les paroles de Dieu qui atteignent l'âme
dans ses profondeurs, comme le dit Saint Bernard. Maintenant écoutons aussi
les paroles de l'ange de Notre-Dame, paroles merveilleuses que Saint Luc
nous rapporte au chapitre deuxième de son évangile. En quelques lignes,
l'évangéliste qui écrit sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, nous raconte plusieurs
grands mystères: le mystère de la Très Sainte Trinité, le mystère de
l'Incarnation, le mystère de la Rédemption, le mystère de l'Immaculée
Conception, de la maternité divine…, oui en quelques lignes: Je te salue…
pleine de grâce.
La salutation, dans l'Afrique musulmane comme dans les pays du Moyen Orient
c'est: "Salamalec". Salem veut dire "paix" et Salamalec, la "paix à toi". On peut
dire que c'est vraisemblablement cette parole-là qui a été dite par l'Ange
"Salamalec" parce qu'en araméen – la langue de la Sainte Vierge – (en patois
hébreu comme en Arabe il y a beaucoup de mots qui reviennent souvent, par
exemple Jéru-salem – vision de paix)… ce "Je vous salue Marie" a dû
commencer par le mot de Salamalec… pleine de grâce, le Seigneur est avec
toi, tu es bénie entre toutes les femmes…
Paroles merveilleuses heureusement recueillies par les hommes et qui les
sauve… En ce moment-ci en France où partout la nuit tombe, il y a des milliers
de mamans qui couchent leurs petits qui ont un an, 2 ans, qui commencent à
parler, et les mamans leur apprennent à murmurer ces mots: Je vous salue,
pleine de grâce… chez les petits ce sont leurs premières paroles après papa et
maman dans les foyers catholiques! Vous-mêmes, tout à l'heure, au chapelet,
vous réciterez cette prière universelle…
La semaine dernière je suis passé à Lourdes: j'ai pu revoir la grotte tout
illuminée et des fidèles qui priaient; quelques jours avant, de très bon matin
c'était pareil, d'innombrables AVE MARIA qui montaient vers Dieu: dans des
millions d'églises ou de chapelles, le soir, il y a des gens qui vont y réciter leur
chapelet; parfois il n'y a même pas de prêtre car il manque beaucoup de
prêtres dans notre pays, mais il y a là une dame ou un homme ou un enfant qui
récite le chapelet. On le récite aussi dans combien de familles!… Au Canada,
dans tous les diocèses, à la radio tous les soirs à 10 heures il est reproduit pour
tous les collèges et hôpitaux; tout est catholique là-bas et ils sont rares ceux qui
ne récitent pas leur chapelet. Aux États-Unis aussi, on voit beaucoup cette
chose-là: des millions d'AVE MARIA qui montent comme des fleurs offertes à la
Ste Vierge.
Même en Russie, derrière le rideau de fer, des Ave Maria montent vers le Ciel
dans toutes les langues: en allemand, en polonais, en russe et, par des
témoignages formels, on a la preuve que le soir – même des gens du parti –
lorsqu'ils sont ainsi un peu tranquilles ouvrent l'armoire aux Icônes et en sortent
de belles images de la Sainte Vierge – on allume les lampes à huile et on prie
devant la Reine de la Paix, même si, le lendemain, on est contraint de faire
chorus et de crier contre Dieu… mais le soir, en famille, c'est en pleurant qu'on
implore la Reine du Ciel… 
Si nous pouvions les voir monter comme des papillons blancs ou comme la
neige, nous serions émerveillés de voir s'élancer vers le Ciel ces paroles que
l'ange a dites lors de sa salutation à Marie… Oui, écoutons…
TROISIÈME POINT
Premièrement:
Regarder ce que font les personnes sur la surface de la terre par exemple:
blesser, tuer, aller en enfer, etc…
Qu'est-ce qu'ils font effectivement ? Ils s'attaquent, ils se blessent, ils se tuent,
ils tombent en enfer. Que faisaient les hommes il y a 2'000 ans, au moment de
l'Incarnation ?
Il y avait là la paix romaine, la PAX ROMANA, mais comme les barbares
s'ébranlaient sur les frontières de l'empire, les légionnaires romains aiguisaient
leurs glaives en répétant l'axiome, le proverbe: ,,SIVIS PACEM PARA BELLUM
– si tu veux la paix, prépare la guerre”.
Que faisaient les hommes il y a 4 siècles lorsque Saint Ignace écrivait sa
méthode ? … François Ier roi de France et Charles Quint, empereur
d'Allemagne ? Ils se battaient… ces grands rois catholiques! ces grands rois
chrétiens, ils se battaient!…
Et à notre époque, je vous l'ai déjà dit, sans parler encore des ruines
accumulées par les guerres précédentes, les nations dépensent trois milliards
de francs par jour pour préparer la guerre! Voilà: ils se tuent, et ils tombent
dans les enfers. Regardons cela… ce n'est pas du roman, nous la vivons cette
époque, c'est la déplorable réalité…
Deuxièmement:
Regardons ce que font les Personnes divines: elles opèrent la Très Sainte
Incarnation
Le Verbe de Dieu, qui est l'égal du Père nous dit Saint Paul, va faire une chute
effarante, Lui, l'égal de Dieu!
Il se fait homme!… Il s'humilie jusqu'à se faire homme, pour se faire le dernier
des hommes. Nous savons qu'Il a voulu naître dans une crèche, dans une
écurie!… S'il était né dans un château, certains auraient peut-être reculé pour y
entrer… dans un château tout le monde n'y entre pas, mais dans une écurie! Et
il finira son aventure sur une Croix…
Vous voyez, les hommes ont voulu se faire des petits dieux en désobéissant eh
bien, comme dit Saint Augustin, Dieu va se faire homme et Il leur dit: Imitez-moi
maintenant! Vous voulez devenir Dieu ? Imitez-moi donc -
voyez comment je commence: dans une crèche!
voyez comment je vais finir: sur une Croix!
voyez ce que je vous prêche: Les Béatitudes!
Alors, si vous voulez arriver au but, voilà comment il faudra faire… il n'y a pas
d'autres chemins: ,,Que celui qui veut être mon disciple se renonce à lui-même,
qu'il prennent sa Croix et qu'il me suive!…
Troisièmement:
Regardons aussi ce que font l'Ange et Notre-Dame, c'est-à-dire l'ange
remplissant son office de légat et Notre-Dame s'humiliant et rendant grâce à la
Divine Majesté
Pour l'Ange Gabriel, c'est une grande joie d'obéir à Dieu, mais c'est aussi très
humiliant pour un des plus grands princes de la cour céleste que de s'adresser
ainsi à une jeune fille de la terre…
Après la salutation angélique devant Marie étonnée, il va lui dire: ,,Marie, ne
craignez pas, voici que vous avez trouvé grâce devant Dieu; voici que vous
concevrez dans votre sein et vous enfanterez un fils, et il sera grand, il sera
appelé le Fils du Très-Haut et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David
son Père et il régnera sur toute la maison de Jacob, et son royaume n'aura pas
de fin” : La Vierge Marie a bien compris. Tout cela a déjà été annoncé par les
prophéties messianiques… Elle savait aussi que c'était l'époque où le Messie
devait naître… Elle savait qu'Il devait naître d'une Vierge et en toute humilité,
elle aurait bien désiré être la servante, l'esclave de cette vierge qui serait
choisie par Dieu, mais elle n'avait jamais pu penser que ce fut elle!… 
Mais va-t-elle répondre tout de suite ? Non, – car cela pourrait être… oui, cela
pourrait être un piège du démon… On comprend, à la question qu'elle va poser
à l'ange, que Marie a l'habitude de lutter contre lui, non pas qu'il puisse lui
proposer quelque chose de mal qu'il savait qu'elle ne l'aurait jamais fait, non!…
mais en essayant de la tromper en lui proposant quelque chose de bien (ces
admirables règles du discernement des esprits que vous étudiez par ailleurs
aux réunions de 11 heures) et, docile au Saint-Esprit, Marie, avant de répondre,
veut être fixée si cette demande n'est pas un piège du démon: Comment cela
se fera-t-il, dit-elle, puisque je ne connais point d'hommes ?
Il est nécessaire que nous approfondissions ici par quelques explications
supplémentaires: En lisant l'évangile vous avez pu remarquer que Marie était
mariée à Joseph. Certaines traductions utilisent le vocable de "fiancée", parce
que, en fait, Joseph et Marie ne vivaient pas encore ensemble, mais ils étaient
bien mariés. En effet les anciens n'avaient pas ce stade, ce passage, cette
situation de "fiancés", cela se passait comme cela se fait toujours chez les
Arabes: le jeune homme venait trouver les parents… Bien! S'il plaisait on lui
indiquait le prix qu'on en voulait… Il versait la somme et, à partir de ce moment
la fille lui appartenait. On ne se mettait pas forcément tout de suite ensemble:
on attendait pour la fête que le cousin Isaac soit arrivé ou bien que les
vendanges soient terminées, etc… mais, dès l'argent versé, elle était son
épouse et il pouvait la considérer comme telle.
On voit bien, en lisant Saint Matthieu, que Marie était déjà l'épouse de
Joseph… et l'ange aurait pu lui répondre: C'est très simple! Votre mari Joseph
vous donnera un enfant!… 
Et s'il en avait été ainsi, Marie n'aurait pas accepté, n'aurait pas prononcé son
"fiat" puisque, elle, elle savait qu'elle avait fait vœu à Dieu de garder sa
virginité…
Disons en passant qu'il est dommage qu'à notre époque on ne comprenne plus
la grandeur de la virginité, de cette virginité gardée par amour pour Dieu et il a
fallu, il y a quelques années à peine, que le Pape, Pie XII, pour répondre à
certains groupements qui prétendaient que la vocation du mariage était
supérieure à celle de la Virginité, rétablisse la sublimité et la supériorité de la
Virginité dans un discours aux supérieures de maisons religieuses et publie,
l'année suivante, la magnifique encyclique "SACRA VIRGINATAS" pour définir
et consacrer cette supériorité.
Ainsi donc, Marie avait fait vœu. Mais cela ne suffit pas toujours. En effet, aux
jeunes juives, on ne leur demandait pas en principe leur avis! Il fallait que le
mariage se fasse autant que possible dans la famille pour éviter le
démembrement des terres et la dispersion de l'argent… alors, généralement,
les parents s'entendaient entre eux et on interrogeait le jeune homme: Voyons,
mon ami, mais sais-tu que tu es à l'âge de prendre femme, qu'attends-tu
donc ?
Oh, je ne suis pas pressé. Eh bien, que dirais-tu de la petite Sarah! C'est une
brave petite, elle est jolie comme un cœur…
Et que les enfants intéressés le veuillent ou non les parents concluaient
l'affaire, l'argent était versé… et leu tour était joué! Si par hasard la fille osait
dire quelque chose on lui disait: ,,Quoi, il ne te plaît pas ? c'est pareil ma fille,
tu t'y feras, tu verras…”.
C'est ce qui risquait d'arriver à Marie.…
On pense que conseillée par le vieillard Siméon inspiré par le Saint-Esprit,
Marie trouva le grand moyen d'y remédier en allant trouver son cousin Joseph,
jeune homme très beau, qu'elle savait très saint, aimant Dieu et voulant se
donner à Lui. Nous devinons la conversation:
Écoutez Joseph, j'ai fait vœu, moi, de garder la Virginité par amour pour Dieu.
S'il est exact que vous vouliez vous vouer à Lui et faire comme moi, épousez-
moi donc… Vous m'aiderez à garder ma virginité, moi je vous aiderai à garder
la vôtre…
Oui, cousine Marie, mais je suis pauvre vous savez, je n'ai pas assez
d'argent…
Ça ne fait rien, je connais ma mère, elle sera très heureuse de cette solution et
se contentera de ce que vous apporterez… Vous êtes comme moi de la race
de David, nous nous marierons, vous serez bien à moi, je serai bien à vous et
personne n'aura rien à nous dire; nous pourrons ainsi rester purs aux yeux de
Dieu!
Ils étaient donc liés légalement mais point pressés de se mettre ensemble
puisqu'ils avaient l'un et l'autre fait vœu de virginité.
Donc, pour en revenir à l'ange, cette question de Marie: Comment cela se fera-
t-il puisque je ne connais point d'homme ? n'aurait eu aucun sens s'il n'en avait
été ainsi et c'est bien pour savoir si cela venait de Dieu que Marie l'a posée.
L'ange lui dit alors: ,,Voici que vous avez trouvé grâce devant Dieu et le Saint-
Esprit vous couvrira de son ombre; ce qui naîtra de vous sera Saint, sera
appelé Fils de Dieu car rien n'est impossible à Dieu”. Elle apprend ainsi que sa
cousine Élisabeth âgée de 72 ans, va être mère de Jean-Baptiste.
Marie comprend alors que cela vient bien de Dieu réellement… et puisque cela
vient de Dieu il n'y a pas à discuter; elle répond alors: ,,Ecce ancilla Domini -
voici la Servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole”.
Dans votre contemplation, vous pouvez vous joindre à l'ange et à la Vierge
Marie… : Oh, Vierge Marie, dites oui, car si vous ne dites pas votre Fiat nous
sommes perdus, dites oui, Vierge Marie!
Et celui qui est le plus humble de tous, c'est le Verbe de Dieu qui est tombé
dans le sein d'une Vierge, une femme!… Vous! le Verbe de Dieu, la parole
éternelle de Dieu!
Oui, Il s'humilie, l'Ange s'humilie, la Vierge s'humilie et moi, je ne m'humilierai
donc pas ?
Je réfléchirai pour tirer profit de ces considérations.
Voilà votre contemplation, très belle, très facile…
Rappelez-vous le triptyque, les trois plans: celui des hommes avec l'oasis de
paix à Nazareth; le plan supérieur avec les 3 Personnes divines et le plan
inférieur, celui des démons.
Regardons d'abord les personnes: les hommes blancs, noirs qui pleurent, qui
rient et regardons Dieu qui contemple cette scène. Puis les hommes qui se
croient des dieux et qui se précipitent en enfer.
Regardons l'Ange qui va partir; regardons celle qui est choisie: Marie.
Deuxième point: Écoutons les paroles des hommes - bla - bâ - bâ - bla, bara,
baratin! - les paroles des hommes puis la parole de Dieu qui décide d'opérer le
salut du genre humain, les paroles de l'ange Gabriel saluant Notre-Dame.
Troisième point: Ce que les hommes font: ils attaquent, ils se tuent, ils tombent
en enfer. Ce que fait Dieu ? Il opère l'Incarnation; ce que fait l'Ange; la réponse
prudente de Marie qui a fait vœu de virginité mais qui veut être sûre que ce qui
lui est proposé vient vraiment de Dieu.
Vous pourrez vous aider si vous voulez de votre livre, page 372, des numéros
102 à 109. Essayez de tirer profit de cette contemplation et lorsque sonneront
les petits coups vous ferez le colloque en demandant à Dieu ses lumières;
Qu'est-ce que je dois dire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ? ou au Verbe
incarné et à la Très Sainte Vierge Marie ? N'est-ce pas que j'aurai quelque
chose à leur demander ? Et tout ce que je pourrai leur dire sera pour obtenir la
grâce de mieux comprendre le Fils, afin de la connaître davantage pour en
avoir une connaissance intime pour mieux l'aimer et le servir.
Vous terminerez par un PATER NOSTER très fervent.
*****
NATIVITÉ DE NOTRE-SEIGNEUR
Saint Ignace nous dit au n° 130: Aussitôt réveillé, j'exciterai en moi un vif désir
de connaître davantage le Verbe incarné pour le suivre de plus près et le servir
avec plus de fidélité.
Avez-vous ce grand désir ? C'est pourtant ce que nous disions tout à l'heure en
récitant notre prière du matin: ,,Adorable Jésus, divin modèle de la perfection à
laquelle nous devons aspirer, je vais m'appliquer autant que je le pourrai à me
rendre semblable à vous: doux, humble, obéissant, chaste, zélé, patient,
charitable et résigné comme vous…”.
Toute notre retraite maintenant - et tout notre vie ensuite - doit tendre à nous
appliquer à suivre Notre-Seigneur, c'est-à-dire à imiter Notre-Seigneur et,
comme dit Saint Paul, à nous revêtir du Christ… il faut - permettez-moi cette
expression qui indique bien ce qu'il faut faire - qu'en quelque sorte nous
"changions de peau", que nous chassions le vieil homme afin de vivre comme
Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin de faire nôtres ses vertus pour qu'elles
s'épanouissent dans notre comportement!
C'est le but vers lequel nous devons tendre mais il faut, pour cela, en avoir
d'abord un grand désir: demandez cette grâce, demandez à la Sainte Vierge,
elle, la médiatrice de toute grâce, qu'elle vous fasse obtenir cela.
Voulez-vous prendre votre livre à la page 374/375..
Hier au soir, le Père vous a donné les points de méditation sur la Très Sainte
Incarnation. Le Fils de Dieu a fait cela: Il s'est anéanti, Il s'est fait un rien, Il s'est
fait petit fœtus dans le sein de l'humble Vierge Marie, Il s'est réduit à néant par
amour pour nous… Par le péché, par sa désobéissance, l'homme a voulu se
mettre au-dessus de Dieu… alors, comment le Fils de Dieu va-t-il réparer ce
péché, cette faute, cette rupture entre l'homme et Dieu ? … Eh bien, en se
mettant au-dessous de tout, en décidant de naître d'une humble vierge…
Voilà la grande leçon de la Très Sainte Incarnation… c'est incroyable!… oui…
c'est un mystère!… C'est ainsi pourtant qu'Il est venu pour nous sauver, qu'Il
est descendu du Ciel pour notre salut - nous le chantons au Credo.
Vous pouvez faire cette contemplation en vous attardant sur les trois points que
vous donne Saint Ignace et que l'on vous a développés hier au soir.
Pour mieux pénétrer un mystère il faut considérer les personnes, puis écouter
les paroles, voir aussi ce qu'elles font: c'est une façon de se rendre compte, de
mieux découvrir l'esprit chrétien, mais je vous invite à faire cette contemplation
de l'Incarnation devant le petit Jésus qui vient de naître en la nuit de Noël dans
la grotte de Bethléem!… 
L'Enfant Jésus vient de naître. La Vierge Marie l'a enveloppé de langes et l'a
couché dans la mangeoire des animaux.
Elle priait; l'âne et le bœuf se trouvaient l'un à droite l'autre à gauche pour
couper la froidure et là, tout à l'heure, de pauvres bergers vont venir adorer
l'enfant… La composition de lieu est donc toute faite; elle vous aidera sans
doute à mieux comprendre cet anéantissement…
La grâce à demander, toujours la même: une grâce pour l'intelligence afin de
mieux connaître le Verbe de Dieu qui s'est fait homme…
Si nous le connaissions comme on arrive à connaître un ami intime ou un Chef
qui aurait un grand cœur - et qu'est-ce cela à côté du Fils de Dieu ? - nous
nous enthousiasmerions pour Lui!… Saint Benoît avait dans sa règle: ,,NIHIL
AMORI CHRISTI PRAEPONERE - ne faire rien passer avant l'amour de Notre-
Seigneur Jésus-Christ”, donc grâce d'intelligence pour le mieux connaître, mais
aussi une grâce pour la volonté, afin de mieux le suivre… Saint Paul écrivait
aux Philippiens: ,,Arrivez à avoir en vous les mêmes sentiments qui sont dans
le Cœur du Christ Jésus”.
Devant cette grotte de la Nativité, devant cette crèche, essayons de pénétrer,
de découvrir l'esprit chrétien, l'esprit du Christ, du Christ-Roi, et vous
remarquerez qu'à tout moment nous ne serons pas d'accord avec Lui!… que,
nous autres, nous n'aurions pas fait comme cela…
Il y en a donc un qui se trompe, mais cela ne peut être Lui puisqu'Il est le Fils
de Dieu!… Comme le disait Pie X dans l'encyclique Quas Primas où il rappelle
que Jésus est le Christ-Roi: ,,En vertu de l'union hypostatique, Il est à la fois
Dieu et Homme…” la même personne est à la fois Dieu et Homme donc elle ne
peut se tromper, en conséquence c'est nous qui ne sommes pas de vrais
chrétiens…
Faisons donc cette étude avec un grand désir de le devenir en nous
conformant à Lui comme Saint Paul l'écrit encore: ,,Il faut que nous devenions
conformes à ce modèle qu'est Notre-Seigneur Jésus-Christ”.
Regardons d'abord les personnes: On vous l'a déjà expliqué. On vous a
commenté ces n° 114 et 115 dans lesquels Saint Ignace nous apprend à
contempler.
Il faut que nous nous pénétrions de l'importance de la contemplation pour
arriver à mieux découvrir les sentiments des personnes en cause:
Regardez la Vierge Marie, pleine de grâce, l'Immaculée, le "Speculum Justiciæ"
comme l'appellent les litanies, le miroir de la Justice et de la Sainteté! Personne
ne ressemble mieux à Jésus que Marie: En la voyant vous voyez toutes les
vertus de Notre-Seigneur. Ils se ressemblent comme deux gouttes
d'eau… c'est elle qui a le mieux imité Notre-Seigneur…
Joseph aussi… le grand silencieux, le grand Saint Joseph, le plus parfait
imitateur de Jésus et de Marie. C'est lui qui a la direction de la Sainte Vierge et
il est arrivé à la plus haute perfection, à la plus parfaite imitation de Jésus grâce
à Marie que tout le temps il avait comme modèle devant lui; c'est ainsi qu'il a pu
imiter parfaitement ses vertus, le grand Saint Joseph!…
Regardez-le: vous apprendrez ce qu'est un homme chrétien, un chef chrétien,
un père de famille chrétien, un ouvrier chrétien!…
Regardez aussi la servante: Saint Ignace pense que Saint Joseph avait loué
une petite servante par modestie pour aider la Ste Vierge dans ses couches…
Regardez l'Enfant Jésus lorsqu'Il sera né: voyez-le enveloppé - j'allais dire
"ficelé" dans les langes comme on le faisait encore au début du siècle, les bras
contre le corps, il n'y avait que la figure qui sortait - Oui, tout entier dans les
langes, c'est le Fils de Dieu, c'est le Créateur! C'est Celui qui porte le monde!…
Non! ce n'est pas possible!!!… Voyez pourquoi Il a fait cela ?…
Mais, Jésus, ils ne voudront pas venir vous voir!… et ils ne sont pas venus!
Ils ne prêteront pas garde à vous!… et ils n'ont pas pris garde… Il a été en effet
le scandale des Juifs qui s'attendaient, eux, à voir apparaître un Messie habillé
en Charlemagne tout rutilant d'or, à cheval accompagné d'officiers chamarrés…
quoi! c'est ça le Messie ?… Un petit bohémien ?… Un scandale vraiment… et Il
a été la risée des païens… Comment, c'est ça que vous adorez ? Vous n'êtes
pas fous ?…
Non, nous ne sommes pas fous. C'est Lui que nous adorons dans le grand
mystère de la Très Sainte Incarnation…
Je vous ai dit qu'on ne serait pas d'accord… voilà la leçon qu'il fait que nous
retenions bien.
Mais, Jésus, vous ne faites pas ce que vous voulez dans vos langes, les bras
attachés… eh oui, Il a besoin de quelques gouttes de lait pour vivre, Lui qui
nourrit tous les oiseaux du Ciel, c'est l'hymne de Noël qui le chante… Quel
exemple!… 
Mais nous, les Indépendants, nous qui aimons le "m'as-tu-vu" et qui
recherchons si âprement cette "quincaillerie du monde", nous n'aurions pas fait
comme Lui, bien sûr!, mais alors, puisque Lui ne peut se tromper et qu'Il a
raison, c'est donc que nous avons besoin de réviser nos conceptions, de refaire
notre mentalité, il faut que ,,nous nous revêtions de l'homme nouveau” comme
dit Saint Paul, il faut que nous devenions de "véritables disciples" …
Pour cela nous devons entrer dans le jeu comme nous l'indique le vénérable
Père Chevrier: Oui, je me ferai comme un petit pauvre, comme ces mendiants
qui vous talonnent à l'entrée des gares ou à la porte des églises:
M'sieur, donnez-moi une pièce…
Hé, laisse-moi tranquille.
M'sieur, M'sieur achetez-moi un crayon!…
Mais laisse-moi donc en paix!
M'sieur, M'sieur… et ils ne se fâchent pas…
comme un petit esclave indigne de paraître devant eux… dites, Saint Joseph,
bon Saint Joseph! veuillez avoir pitié de moi qui ne suis qu'un pauvre homme…
Je ne suis guère chrétien, vous savez, je suis comme un païen dans l'âme!
Saint Joseph, je veux devenir chrétien… voulez-vous m'obtenir cette grâce ? …
Voulez-vous dire un mot pour moi à votre très sainte épouse ? … Si vous
parlez pour moi, je suis sauvé.…
Eh oui, parlez comme cela cœur à cœur avec Saint Joseph… et vous pouvez
insister… Ne vous fâchez pas s'il ne vous répond pas tout d'un coup!…
Je les regarderai ? … Regardez-le bien, le grand Saint Joseph, comme il
s'applique à tous ses devoirs, le grand silencieux… il est le modèle de toutes
les vertus…
Croyez-moi, si vous gardez toujours Saint Joseph comme modèle devant vos
yeux, soyez persuadés que vous resterez un homme chrétien.
Regardez aussi Notre-Dame… quelle modestie! voyez le petit Jésus troussé
dans ses langes…
Je les regarderai, je les contemplerai, je les boirai des yeux…
En Provende une coutume veut que pour la Noël on fasse une crèche.
remarquez que cela se fait un peu partout dans le monde entier dans les foyers
catholiques, mais en Provence c'est un peu spécial… non seulement on
expose sur une commode ou sur une cheminée le petit Jésus sur un peu de
paille avec la Sainte Vierge, Saint Joseph, l'âne et le bœuf, mais on y place
aussi des personnages de toutes catégories… d'abord ceux que l'on y met par
la tradition: les bergers et les mages avec leurs présents, mais encore des
hommes, des femmes et des enfants venant à la crèche apporter leurs dons:
par exemple le chasseur avec son gibier, le paysan avec un lapin ou une poule;
on y voit des femmes qui portent des douzaines d'œufs, des commerçants avec
des draps, quelques couvertures, un pêcheur qui vient offrir ses poissons, etc…
Il y a à Marseille, la semaine qui précède Noël, une foire spéciale appelée "foire
des SANTONS", des petits Saints. On y vend ces personnages de toutes
sortes et de toutes grandeurs, généralement faits en terre cuite et peints de
couleurs multicolores très voyantes… Parmi ces personnages il y en a un qu'on
nomme en provençal "LOU RAVI" - celui qui est ravi… Il n'en revient pas!
… C'est un homme que l'on voit les deux mains en l'air… la bouche bée,
grande ouverte!… Il n'en revient pas de ce que le Fils de Dieu s'est anéanti
pareillement!… Il n'en revient pas, c'est une stupeur pour lui…
Eh bien, pour contempler ce n'est pas difficile… faites "Lou Ravi", faites comme
lui, regardez en pensées surtout avec votre cœur…
Mais c'est méditer cela ? …
Oui, c'est contempler de telle sorte que cette vue de l'anéantissement du Fils
de Dieu se gravera en vous, voyez.… ce n'est pas difficile, et votre âme
s'imprégnera de cette contemplation à condition que vous la fassiez avec un
grand amour et le grand désir de devenir un vrai chrétien, que vous soyez
pleins d'admiration et de reconnaissance, le cœur animé d'un grand désir d'être
à Lui… et cela même sans le Lui dire… point besoin de parler pour cela…
Regardez-le avec amour cela suffit… Faites "Lou Ravi"…
Entrez dans le jeu: je les servirai dans leurs nécessités comme si je me
trouvais présent avec tout le respect et révérence possibles.
Dites: ,,Saint Joseph permettez-vous que je balaie ce coin de la grotte sans
faire de poussière ? … Voulez-vous que j'aille chercher un peu de bois sec
pour faire un peu de feu afin de réchauffer la Sainte Vierge et l'Enfant Jésus ?
… Saint Joseph, voulez-vous que je courre au village acheter un peu de
fromage et de pain pour le déjeuner de la Sainte Vierge ? …
Mais mon Père, c'est enfantin cela!…
Oui, Messieurs, c'est enfantin, mais si vous ne devenez comme de petits
enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux!… Mes chers amis,
faisons-nous petits enfants… entrons dans le jeu… et vous verrez qu'alors vous
comprendrez mieux… 
Mais, mon Père, c'est un anachronisme… cela s'est passé il y a 2'000 ans,
comment voulez-vous que je fasse moi ?
C'est une erreur… nous y étions! et le petit Jésus, couché dans sa mangeoire
nous voyait!, Lui, l'Éternel! Il nous voyait contemplant sa Très Sainte
Incarnation et sa Très Sainte Nativité dans cette chapelle de Poyanne! Il nous
ménageait déjà des grâces pour que nous devenions de véritables disciples,
oui, Il nous voyait méditant ici ce matin…
S'il nous reste du temps nous recommencerons à regarder mais d'une autre
façon… en pesant chaque parole je regarderai, je ferai attention, je
contemplerai les paroles qu'ils prononcent.
Qu'est-ce qu'Il dit le petit Jésus ?
Nous le savons, c'est dans le Psaume 39ème ,,Mon Père, vous m'avez donné
un corps, me voici! Je viens pour faire votre volonté”.
Et à vous, que va-t-il dire ?
Ah! peut-être vous dira-t-il: ,,Regarde-moi, orgueilleux, il faut que tu cesses, il
faut que tu te décides à m'imiter… il faut que tu deviennes un petit enfant – non
par tes membres – mais par ton âme, oui… Attention!… Je désire que tu ne
veuilles plus faire ta volonté, que tu ne veuilles plus jouer à la grande personne
mais que tu fasses la volonté de Dieu à chaque instant…
Regardez Notre-Dame… que dit-elle à Dieu, à son divin Fils, qu'est-ce qu'elle
vous dit ?
Il est facile de le deviner: Elle vous dit ce qu'elle a dit aux domestiques de
Cana: ,,Faites tout ce que mon Fils vous dira”.
Écoutez-la bien… Et si elle voulait vous prêter son petit Jésus ? Comme elle l'a
prêté à Saint Gaëtan, à Saint Antoine de Padoue et d'autres, cela serait une
grâce insigne, mais nous n'y avons pas droit!… 
Qu'est-ce qu'il vous dit le grand silencieux, le bon Saint Joseph ? Écoutez-le
bien lui aussi… il vous fera comprendre ce que vous devez faire…
Mais écoutez aussi là-haut sur la montagne, c'est la voix des Anges ,,Bergers,
je vous annonce une grande nouvelle qui sera une grande joie pour tout le
peuple. Dans la cité de David il vous est né le Christ, le Sauveur, – et les
bergers tout naturellement, pensent à un Messie habillé tout en or avec une
armée de serviteurs à son service – et vous le reconnaîtrez à ceci: C'est un
petit enfant enveloppé de langes et couché dans une mangeoire…”.
C'est tellement fort qu'ils n'ont pas réalisé et ils entendent alors dans les airs
cette mélodie, cette harmonie de millions de voix célestes qui
s'enchevêtrent ,,Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre… non
pas à tout le monde, mais aux âmes de bonne volonté!… 
Et au petit jour nos bergers descendent au village prêts à contempler le Messie
et à se mettre à sa disposition.
Puissiez-vous lui dire vous aussi que vous voulez vous mettre à son service!
Ils descendent donc de la montagne, et en passant devant la grotte aux
bestiaux ils s'aperçoivent qu'elle est occupée.
On peut s'imaginer leur conversation:
Tiens, de pauvres gens ont passé la nuit là, avec le froid qu'il fait!… Mais… ils
ont en enfant couché dans la mangeoire… c'est ici alors ? …
Voyons, voyons, t'es pas fou ? le Fils de Dieu ici, tu veux rire!…
Mais pourtant, l'ange a dit qu'on le reconnaîtrait à ce signe… et c'est bien un
petit enfant entouré de langes…
Bôh, bôh, tu radotes voyons, le Très-Haut ne peut pas se trouver dans une
écurie, nous avons dû mal comprendre, cela n'existe pas, dans une écurie!… 
Mais voilà Saint Joseph qui s'approche, un bon sourire sur les lèvres:
Oui, oui, Messieurs, c'est bien ici que ce grand mystère s'est accompli!…
Entrez donc… Ils voient alors la Très Sainte Vierge en contemplation devant
son divin Fils, à genoux, la figure éclairée par la flamme d'une bougie qui leur
fait signe d'avancer en souriant…
Les premiers adorateurs ? Eh oui! ils seront des humbles, des pauvres, des
bergers, des gens simples!…
Voyez-les, enlevant leur béret et s'agenouillant… Ils ne voient pas sa divinité;
ils ne voient que sa Sainte humanité, mais ils l'adorent parce qu'ils croient à la
parole de l'ange…
Vous aussi, tout à l'heure, vous vous agenouillerez devant Lui. Caché sous les
apparences de l'humble hostie, vous ne verrez ni sa divinité ni son humanité,
mais vous croirez, non pas à la parole de l'ange, mais à sa parole à Lui qui a
dit: ,,Ceci est mon corps, ceci est mon sang, si vous mangez ma chair et si
vous buvez mon sang, vous aurez la vie en vous” et, plus heureux que les
bergers, vous, vous pourrez le recevoir dans votre cœur.
S'il nous reste encore du temps nous verrons les actions:
Regarder et considérer ce qu'ils font, comment ils voyagent avec tant de peine
pour que le Seigneur en vienne à naître dans une suprême pauvreté et au
terme de tant de peine, de faim, de soif, de chaleur et de froid, d'injures et
d'affronts, Il en arrive à mourir sur une Croix! Et tout cela pour moi!
Même dès la crèche, toujours cette croix dans le fond: Voilà la contemplation
que nous allons faire.
*****
Nous nous mettons à genoux:
Mettons-nous en présence de Dieu et adorons-le!
,,O mon Dieu, je vous adore. Trinité Sainte, Père, Fils et Saint-Esprit, je vous
adore dans mon cœur.
Je vous adore ô Jésus, là présent dans le Très Saint Sacrement! Tout à l'heure
je vous recevrai dans mon cœur. Je crois à votre présence, Vous, la deuxième
personne de la Très Sainte Trinité, avec votre Divinité, votre Corps, votre Sang,
votre Âme sous les apparences de la Sainte hostie, je vous adore, ô Jésus de
tout mon cœur”.
Oraison préparatoire: Oui, mon Dieu, je décide de commencer une vie
nouvelle, toute chrétienne, pour vous aimer et vous servir, pour vous imiter ô
Jésus!
Nous allons contempler l'Enfant Jésus qui vient de naître, couché dans la
mangeoire, dans cette grotte à bestiaux de Bethléem.
La composition de lieu: cette grotte de la Nativité.
La grâce à demander: La grâce de connaître Jésus et la grâce de le suivre.
Mon Jésus n'est pas aimé parce que mon Jésus n'est pas connu disait Sainte
Thérèse. Mettez en vous les mêmes sentiments qui sont dans le cœur de
Jésus et je vous laisse à votre contemplation. Faites "Lou Ravi".
Voyez les personnes, écoutez les paroles, regardez-les manœuvrer dans les
divers points pour devenir de véritables disciples.
Après la contemplation, le Colloque final.
Nous allons faire le colloque: adressons-nous d'abord au petit Jésus:
,,O Jésus, Fils de Dieu, anéanti pour nous, quel amour pour moi, vous, le
Créateur du monde, qui avez accepté de vous mettre au-dessous de tout, petit
enfant emmailloté, couché dans une mangeoire comme un petit bohémien. Il
nous dit avec Saint Jérôme: ,,Qui n'aimerait Celui qui nous a tant aimés!…”.
Mais Jésus, après cet exemple, est-ce que je vais continuer à rechercher les
honneurs du monde, les louanges et les admirations des autres ? … Quand je
vous vois pauvre à ce point est-ce que je vais continuer à être l'esclave de
l'argent, des biens de ce monde ? l'esclave des examens, l'esclave de la
place ? l'esclave aussi de ce que les gens vont dire de moi ? O, Jésus, hier je
me suis mis résolument à votre suite et je veux continuer avec votre grâce, je
veux vous imiter…
O Marie, ma bonne mère, qui avez été la plus parfaite imitatrice de votre divin
Fils, qui êtes le miroir de la Sainteté, daignez m'apprendre ces vertus
chrétiennes dont vous avez été le plus parfait exemple, je me consacre à
vous…
O grand Saint Joseph, daignez me conduire à Marie.… apprenez-moi à vivre
cette vie chrétiennement au lieu d'être l'esclave du qu'en dira-t-on, du respect
humain. Avec votre protection et votre aide, je veux vivre en vrai chrétien…
Tous ensemble page 339:
Âme de Jésus-Christ, sanctifiez-moi
Corps de Jésus-Christ, sauvez-moi
Sang de Jésus-Christ, enivrez-moi
Eau du côté de Jésus-Christ, purifiez-moi
Passion de Jésus-Christ, fortifiez-moi
O bon Jésus, exaucez-moi
Dans vos plaies sacrées, cachez-moi
Ne permettez pas que je me sépare de vous
Contre l'esprit du mal, défendez-moi
A l'heure de ma mort, appelez-moi
Et commandez que je vienne à vous
Afin qu'avec vos Saints je vous loue
Dans les siècles des siècles – Amen.
Continuez à lui parler et à l'écouter et, pendant cette messe, offrez-vous à Lui
pour devenir un véritable disciple de Jésus.
*****
HOMÉLIE SUR LA PARABOLE DE L'ENFANT PRODIGUE
Mes chers Amis, nous fêtons aujourd'hui dans notre retraite et en particulier au
cours de cette messe un grand événement capable de marquer toute notre
existence, je dirais même notre éternité! Nous l'appelons d'un nom significatif
que les anciens connaissent bien… la fête de l'Enfant Prodigue!… 
Hier, vous avez médité cette parabole toujours émouvante: Un père avait deux
fils. Le plus jeune – le plus fou aussi – va trouver son père: je veux mon argent,
c'est mon droit!… 
Il prend la part qui lui revient tandis que le père, le cœur serré, le voit partir au
loin… à la ville…
Et là, libre de toute entrave, de toute contrainte, ce fils de famille dissipe son
argent en vivant dans la débauche.
Quand on a de l'argent, les amis ne manquent pas, mais, à ce train, plus
d'argent bientôt!… Et plus d'argent… plus d'amis!… 
Nous avons alors vu le changement, l'envers du décor: le jeune homme, ne
pouvant plus vivre, est obligé de se placer comme esclave dans une ferme
dirigée par un contremaître lui-même esclave, sans cœur, autoritaire, dur!
… Les mercenaires qu'il emploie sont durs aussi et personne ne se prend
d'amitié pour lui.
Pendant toute la journée il est obligé de courir après les troupeaux – non de
bovins ou de brebis – mais de pourceaux, la bête immonde considérée comme
telle par les juifs. On lui donne tout juste sa portion congrue… ses 200
grammes… au point qu'il en envie ce que mangent les bêtes…
Écœuré, il va trouver celui qui est chargé de la nourriture des bêtes: ,,Donne-
moi un peu de farine car je meurs de faim…”.
,,Tu n'y as pas droit!…” et vlan, un coup de baguette sur les doigts…
Quel changement!!!
Là-bas, au château, il était chez son père, le fils chéri de la maison – son père
qui était si bon, même pour les domestiques, même pour les étrangers – et la
figure de son père revient continuellement à sa pensée…
Si j'y retournais ? … Je pourrais demander à mon père qu'il m'embauche
comme le dernier de ses domestiques ? … Mais non! après la conduite odieuse
que j'ai eue envers lui je n'ai plus le droit de paraître devant mon père!…
Mais la pensée de cet homme si plein de cœur le poursuit sans cesse en un
jour il se dit: ,,Je me lèverai et j'irai… je lui dirai: Mon père, j'ai péché contre le
Ciel et contre vous, je ne suis plus digne d'être appelé votre fils… traitez-moi
donc comme l'un de vos serviteurs…
Oui, il se lève et il part mais cette fois tout dépenaillé, amaigri, hâve, hirsute… il
fait peur!… dès qu'il s'approche d'une ferme on lui envoie les chiens…
Ah! comment mon père va-t-il me recevoir ?
Après avoir marché longtemps, il retrouve enfin le paysage de son enfance…
tout là-bas la toiture du château, les bosquets si connus de lui… alors son cœur
se met à battre plus fort… oui, mon père comment va-t-il me recevoir ?
Son père, on le devine, venait tous les jours sur le seuil de la porte, regardant
d'instinct cette route au loin jusqu'au dernier détour pour voir s'il ne verrait pas
revenir son fils! et dès qu'il l'aperçut son cœur ne se trompa point. C'est lui!
c'est lui qui revient!!… Il l'a reconnu tout de suite et c'est en courant qu'il part
sur la route au devant de lui…
Là, le jeune homme tombe à genoux au milieu du chemin, mais dès qu'il
commence la prière qu'il avait préparée: ,,Mon père, j'ai péché contre le Ciel et
contre vous”, son père ne le laisse pas achever; il le relève, le presse sur son
cœur en s'écriant: ,,j'avais perdu mon fils et je l'ai retrouvé”.
Et nous disions, avec les Pères de l'Église, que ce Père c'est Dieu, et ce
prodigue c'est nous tous qui, plus ou moins, avons été des fils prodigues… Par
l'intercession du Cœur Immaculé de Marie nous sommes venus à cette retraite,
c'est Elle qui nous y a conduits – la retraite est une grâce disait le Père Vallet
– nous y avons vu notre misère; nous y avons un peu compris le péché et le
cœur brisé de douleur nous avons entrevu nos responsabilités, décidés
désormais à ne plus jamais nous séparer de Dieu, et, comme l'enfant prodigue,
nous sommes tombés aux pieds du ministre de Notre-Seigneur Jésus-Christ
pour dire comme lui ,,Mon Père j'ai péché…” et à peine avions-nous dit cela
que toutes nos fautes ont été pardonnées au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit!
Mais la parabole ne s'arrête pas là: ce père ne veut pas que l'on voit son fils
dans cet état… il court au château, prends une robe neuve de Fils de Maître,
l'anneau d'or, de belles sandales, une ceinture neuve et il revient, peigne son
fils, lui met ces vêtements neufs et ce n'est qu'alors qu'il entre avec lui au
château. Là il appelle tous ses domestiques et leur dit: Ce soir grande fête ici…
vous, allez tuer le veau gras… vous, allez quérir les musiciens… vous, tirez le
bon vin… vous, ornez la salle du banquet… ce soir grande fête!!!
Grande fête!… et pourquoi Monsieur ?
Pourquoi ? Parce que j'avais perdu mon fils que voilà et je l'ai retrouvé!
C'est ainsi, ajouta Jésus, qu'il y aura plus de joie dans le Ciel pour un pécheur
qui fait pénitence que pour 99 justes qui n'ont pas besoin de faire pénitence!
Oui, mes chers amis, il y a grande joie aujourd'hui au Ciel, grande joie dans le
cœur immaculé de notre bonne Mère, grande joie au cœur de Saint Joseph
dont nous commençons
((fin page 200))

((page 201))
aujourd'hui la neuvaine de sa fête, grande joie aux cœurs de nos saints
Patrons de baptême, de tous les saints anges; de celui de notre Ange gardien.
Grande joie aussi aux cœurs de ces parents, de ces amis qui étaient là au
matin de notre première communion, heureux de voir la pureté de nos yeux et
notre bonheur ce jour-là et qui, les uns après les autres, sont partis: un père…
une mère… une grand-maman, un parrain, un prêtre qui nous a formé dans
notre enfance… ils priaient pour nous dans le Ciel, peut-être inquiets de la
tournure que prenait notre vie!…
Mais aujourd'hui les voici autour de vous comme au matin d'une nouvelle
première communion! les voilà de nouveau pleins de joie en voyant le désir que
nous avons de suivre Jésus jusqu'au bout!…
Mais peut-être le démon est-il venu déjà vous tracasser ? Oui… tu as essayé
tant de fois!… tu sais bien que tu n'y arriveras pas, c'est inutile… je t'aurai
toujours… etc…
Mes chers amis, le démon est un menteur! c'est Jésus qui le dit dans
l'Évangile, oui, menteur, père du mensonge, homicide depuis le
commencement!…
Rassurez-vous, ne croyez pas qu'il puisse être le plus fort… Jésus ne vous a
pas tendu piège, Lui qui a peiné toute sa vie et versé son sang pour nous
sauver!… La vie chrétienne est facile… il suffit de prendre le chemin qui permet
de la suivre: c'est comme pour monter sur une montagne! Si vous ne voulez
pas prendre le sentier qui mène à son sommet jamais vous n'arriverez là-haut,
vous tomberez dans les précipices, jamais vous n'atteindrez la cime!… Mais si,
au contraire, vous avez bien soin de suivre le sentier qui monte, cela sollicitera
vos efforts, bien sûr, la fatigue se fera sentir, mais après ? … Après il y a un
grand bien-être; on est récompensé de son effort par la vue qui s'étend,
s'élargit et enfin on arrive là-haut avec la joie de l'obstacle vaincu!… Il suffisait
de prendre le chemin… eh bien, de même, pour vivre en bon chrétien, c'est
facile: il faut en prendre le chemin, c'est-à-dire en prendre les moyens.
Dieu est fidèle, nous dit Saint Paul et il le répète souvent que Dieu est fidèle: Il
ne permettra pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces. Dans la
tentation Il vous donnera les secours nécessaires pour en sortir avec succès…
Oui, le démon essaiera de vous avoir mais il sera impuissant si de votre côté
vous demeurez fidèles à Notre-Seigneur Jésus-Christ, parce qu'alors c'est Lui
qui vous aidera à vaincre tous les assauts du Malin!… Si vous fuyez les
occasions de péché – bien sûr ,,celui qui aime le péril y périra” nous dit la
Sainte Écriture – mais si vous fuyez les occasions de péché, si vous priez…
Ah! mes chers amis, la prière!… Croyez à la prière: N'oubliez pas ce mot de
Saint Alphonse de Liguori que je voudrais vous voir graver dans le cœur de vos
enfants: ,,Celui qui prie se sauve, celui qui ne prie pas se damne!…”. Si vous
priez, si vous recevez les sacrements: sacrement de pénitence où l'âme est
guérie de ses blessures… où l'âme reçoit une force spéciale pour la lutte contre
les tentations; si vous recevez le Sacrement de la Très Sainte Eucharistie,
sacrement que la Sainte Église appelle le "Très Saint Sacrement" où le Corps
du Christ, en s'incorporant en nous nous incorpore en Lui afin de nous
communiquer sa force alors, mes chefs Messieurs, les attaques du démon
resteront vaines et vous ne risquerez rien, car Jésus nous a donné sa
parole: ,,Si vous mangez ma chair, si vous buvez mon sang, vous aurez la vie
en vous”.
Ne craignez pas, Jésus tient parole!…
Combien de fois, à des jeunes gens qui me disaient ,,Mon père, je n'arrive pas
à vaincre un vice invétéré”, je leur disais: Mais d'abord, êtes-vous décidés à en
prendre les moyens ?
Oui mon Père.
Eh bien, allez communier tous les jours… et j'ai vu ces jeunes gens tous les
matins venir en coup de vent à la messe de 7 h le matin qui, en costume de
travail, qui, avec sa serviette d'étudiant, venir à la Sainte Table prendre le pain
qui donne la force: à l'époque, il n'y avait pas tous les privilèges que la Sainte
Église a octroyés pour faciliter la Sainte Communion. A l'époque on observait le
jeûne le plus absolu: on ne pouvait même pas boire une goutte d'eau depuis
minuit; mais maintenant c'est très simplifié – je le dis pour ceux qui pourraient
ne pas le savoir – il suffit d'une heure de jeûne, c'est donc très facile… mais à
l'époque il n'en était pas ainsi et je sais que souvent ces jeunes gens, pour
tromper les craintes sans doute exagérées d'une maman, jetaient furtivement
leur café au lait dans l'évier et partaient au travail ou au lycée avec un morceau
de pain sec dans la poche, mais ce que je sais aussi c'est que tous, bientôt,
arrivèrent à vaincre le vice dont ils étaient l'esclave!… 
O Sacrum Convivium in quo Christus sumitur – ô banquet sacré, nous fait
chanter la Sainte Église, ô Sacrement dans lequel c'est le Corps du Christ Lui-
même qui est reçu!!!
,,Mens impletur gratia et futuræ gloriæ nobis pignus datur - notre âme y est
remplie de grâce et nous y recevons non seulement la promesse mais un
gage!” le gage que nous tiendrons toujours éternellement ce salut éternel pour
lequel nous avons été créés et placés ici-bas.
Et cela avec le secours de notre bonne Mère. Saint Bernard s'écrie: ,,On n'a
jamais entendu dire que quelqu'un qui a eu recours à sa protection ait été
abandonné… Si tu la tiens par la main écrit-il encore, tu ne tomberas pas… si
Elle te protège tu n'as rien à craindre… RATIO SPEI MEAE MARIE ! – toute ma
raison d'espérer c'est Marie” s'écriait-il!
Si vous partiez d'ici, mes chers amis, avec une vraie dévotion à la Très Sainte
Vierge, si vous êtes fidèles à votre chapelet quotidien en contemplant les
mystères du Rosaire, ne craignez point mes chers Messieurs, l'Enfer ne pourra
rien contre vous!
Oui, avec Elle et les sacrements de pénitence et d'Eucharistie il est très facile
de persévérer! Voilà la résolution que vous devez prendre aujourd'hui.
Vous allez vous approcher maintenant de la Sainte Table et recevoir, par un
privilège spécial accordé aux Retraites, la Communion sous les deux espèces,
recevoir le Corps et le Sang du Christ, ce qui vous transformera en Lui, vous
donnera toute sa force et comme au matin de votre première communion,
promettez-Lui de rester fidèle et Jésus vous aidera et vous gardera. Amen!
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit – Amen.
*****
LES TRIBULATIONS DE LA SAINTE FAMILLE
Dans les retraites de 8 jours, à fortiori de 30, on a davantage le temps de
développer en deuxième semaine la vie cachée de Notre-Seigneur Jésus-
Christ. Dans nos pauvres 5 jours ici nous sommes bien contraints de passer
assez rapidement et c'est bien dommage!, mais on ne peut faire autrement…
Mais pour vous résumer néanmoins l'essentiel, nous faisons une sorte de
synthèse que nous appelons "les Épreuves" ou si vous voulez "les Tribulations
de la Sainte Famille".
Nous essayerons donc de faire revivre ces épreuves en plusieurs tableaux
successifs, tableaux qui vous donneront une idée de ce qu'on appelle
"l'évangile de l'Enfance".
Veuillez prendre votre livre à la page 378.
PREMIER PRÉAMBULE: l'Histoire
Nous verrons dans l'ordre:
- la visitation de Notre-Dame à Sa vieille cousine Élisabeth.
- les doutes de Joseph.
- la grotte de la Nativité (déjà vue dans votre contemplation de ce matin).
- l'adoration des Mages.
- la fuite et le séjour en Égypte.
- le retour à Nazareth.
- la perte et le recouvrement de Jésus au Temple.
DEUXIÈME PRÉAMBULE: la composition de lieu.
Elle variera évidemment et sera fournie au fur et à mesure par les situations
que vous aurez à contempler, puisqu'il s'agira d'une sorte de documentaire: Le
Pape PAUL VI, il y a 3 ans, a fait ce merveilleux voyage en Orient sur la terre
même où Notre-Seigneur a évolué et cela a donné lieu à d'admirables prises
de vues sur les bords du Jourdain, à Nazareth, à Bethléem, à Jérusalem; nous
pourrions y penser et revoir, par l'imagination, ce chemin de Nazareth à
Bethléem et la Palestine – chemin muletier évidemment car il n'y avait pas de
routes goudronnées en ce temps-là! Nous verrons de même cette grotte de la
Nativité qui était alors une écurie municipale, etc…
TROISIÈME PRÉAMBULE: la grâce à demander.
Ce sera la même et sous la même forme que dans la contemplation
précédente: nous demanderons cette connaissance intime de Notre-Seigneur
qui seule peut nous permettre de l'aimer et de le suivre davantage.
Le Seigneur Lui-même l'a dit: ,,HAEC EST VITA AETERNA UT
COGNOSCANT TE SOLUM VERUM ET QUEM MISISTI JESUM CHRISTUM –
la vie éternelle c'est qu'ils vous connaissent Vous, le seul vrai Dieu, et Celui
que Vous avez envoyé Jésus-Christ (St Jean XVII-3), c'est donc une grande
grâce, et il nous faut absolument l'obtenir pour ne pas ressembler à beaucoup
de nos catholiques: .… oui, le Dimanche par exemple, il est navrant de
constater que bien peu d'hommes communient… c'est un scandale de voir
avec quelle indifférence beaucoup considèrent le Sacrement de l'Eucharistie!…
Ah! le jour de Pâques… oui… et encore!… puis ils ne reviennent pas; c'est pour
cela que le jour du Seigneur ils donnent l'impression de venir à la messe
comme pour acquitter une assurance!… on s'imagine aisément qu'ils pensent
en eux-mêmes: ,,Oui, il est possible qu'après la mort il y ait un rebondissement,
alors, en cas, on s'assure soi-même… oui, on assure la femme, la ferme, l'auto,
le bétail, la moisson même et si, par hasard les faits donnaient un jour raison à
Monsieur le Curé, que l'on soit tranquille sur cette éventualité!…
Notez par surcroît que beaucoup de catholiques la payent au plus bas prix,
cette assurance, mais attention!…
Vous savez aussi bien que moi, Messieurs, que lorsqu'il s'agit de régler un
accident, on s'aperçoit souvent trop tard qu'on a oublié en s'assurant
d'envisager la clause qui justement aurait permis de vous faire indemniser!… 
Alors, voilà, ils observent les commandements de Dieu et de l'Église à leur
façon à eux et, au moment du sinistre, ils s'imaginent pouvoir toucher la forte
somme ?
Ah, non!… tant qu'à payer l'assurance, qu'ils la payent au moins
convenablement! et qu'ils sachent que dans une vie chrétienne il y a tout de
même autre chose que dans un contrat d'assurance! car, au départ, ne
l'oublions pas, c'est plus qu'une question d'intérêt…, c'est une question
d'amour!… 
Vous voyez ainsi que la grâce que vous sollicitez est une grande grâce, celle
qui fait les Saints: connaître à fond Notre-Seigneur, qu'Il ne soit pas pour vous
un personnage historique plus ou moins vague, perdu dans le passé, qui a fait
des commandements assez embêtants, qui a fait des promesses assez
hypothétiques: c'est vraiment idiot que de raisonner ainsi et pourtant, combien
de catholiques le font! oui, c'est idiot car… ou bien Dieu n'est rien, ou IL EST
TOUT!…
Et s'Il est Tout, s'Il est vraiment Notre Père et qu'Il nous a créés pour Lui, nous
devons y répondre d'une façon convenable…
Ne pas agir ainsi c'est manquer de logique; mais pour comprendre cela il faut
d'abord le connaître et ne pas s'occuper seulement dans la vie de "Bla-bla-bla-
bla et de business", tandis que le Catéchisme est oublié, que de l'évangile on
en sait quelques vagues choses et que de la messe – si on y va – on en écoute
le sermon de telle sorte qu'il entre par une oreille et en ressort par l'autre!
Eh non Messieurs! maintenant que c'est lu en français, vous avez pu voir
combien sont riches toutes ces lectures du Carême: elles prennent un relief
extraordinaire et sont aussi belles les unes que les autres… malheureusement
on ne les connaît pas parce qu'il n'y a personne pour les écouter… pour
envoyer les hommes à la messe il faudrait un tracteur pour les y tirer!…
J'exagère peut-être un peu mon pessimisme mais n'est-ce pas l'aspect offert
par beaucoup de nos paroisses ?
Nous allons donc voir ce théâtre vivant en suivant Notre-Seigneur.
Comme aux contemplations précédentes nous regarderons les personnes,
nous les écouterons, nous verrons ce qu'elles font pour mieux nous pénétrer de
leurs réactions et découvrir davantage l'esprit chrétien. Quelques idées pour
cela:
La Sainte Vierge a appris par l'ange Gabriel la grandeur de sa vocation: elle a
été choisie pour être la mère de Dieu. A priori il semble qu'elle aurait pu
savourer elle-même dans le silence la grandeur de cette révélation!… Non! elle
a appris que sa vieille cousine Élisabeth allait devenir mère.
Elle décide alors d'aller l'assister et pour rendre service, nous dit Saint Luc, elle
devra pour cela commencer par traverser la Palestine du Nord au Sud. Elle se
doutait bien qu'elle aurait tout à faire, sa vieille cousine marchant sur ses 72
ans! Élisabeth habitait dans la montagne qui borde la vallée d'Ebron, à Aîn-
Karim; c'est elle qui, normalement pétrissait la farine, coupait le bois, faisait la
lessive mais la pauvre vieille, qui en était à son sixième mois, se demandait
bien comment on pourrait suppléer à son incapacité prochaine et voilà que
Marie, dans sa charité, a pensé à l'assister, et puisqu'il faut une bonne, c'est
elle, Marie, qui en fera l'office!
Elle part donc avec la permission de son époux pour Aîn-Karim, heureuse de
pouvoir servir.
En arrivant elle salue sa cousine la première – c'est dans les détails qu'on
remarque cela – non! elle ne fait pas de manières… La pauvre vieille, avant
même de se retourner, en entendant sa voix dira, éclairée par le Saint-Esprit
pendant que son petit tressaille par miracle dans son sein: ,,D'où me vient ce
bonheur que la Mère de mon Dieu daigne venir à moi ? … car à peine votre
voix a-t-elle frappé mon oreille – (c'est donc que la Vierge Marie a salué la
première en toute humilité) – que l'enfant a tressailli dans mon sein. Heureuse
êtes-vous qui avez cru”.
Qu'est-ce que fait alors la Vierge Marie ?
Toute autre personne aurait peut-être dit:
Hé oui, cousine, c'est moi maintenant qui suis la Reine d'Israël ? … Oh non!…
la Vierge Marie renvoie la gloire à Dieu et elle s'abaisse autant qu'elle peut:
,,Magnificat! mon âme glorifie le Seigneur et le Tout-Puissant a fait en moi de
grandes choses. Il a regardé l'humus (la boue) de son esclave! RESPEXIT
HUMILITATEM”.
Oui, voilà comment on doit faire et c'est ce qu'elle va faire: elle va faire la
servante, la bonne: astiquer la maison, faire la cuisine, faire la vaisselle, faire la
lessive, préparer les langes du petit et la Vierge Marie – remarquez qu'au fond
on ne sait pas ce qu'elle a fait exactement – mais il est plus que vraisemblable
qu'elle l'a fait! ? … Elle est restée si humble et si obscure que lorsque le petit
Jean-Baptiste sera né et que les cousins viendront pour la fête de la
circoncision il ne sera même pas question d'elle au point que cela vient
confirmer qu'en général on ne s'occupe guère de ceux qui font le travail, de
ceux qui font cuire le poulet, moulent les gâteaux et font la vaisselle!
La Sainte Vierge reste si effacée que lorsqu'Élisabeth n'a plus besoin d'elle, elle
quitte Aîn-Karim pour s'en retourner à Nazareth afin de retrouver Joseph…
Mais 4 mois se sont écoulés. Il est visible qu'à son tour la Vierge Marie va être
maman… Pour les gens du village, c'était quelque chose de normal puisqu'ils
étaient mariés, mais ces choses-là alimentent généralement les conversations
car on s'en aperçoit vite et, au lavoir public, on sait faire des pronostics! et puis
les commères, elles ont une façon à elles d'interpeller et de féliciter le présumé
papa: Ah! Monsieur Joseph! ah! très bien, très bien… bientôt nous aurons un
baptême!… Mais Joseph qui, lui, avait tout vu sans comprendre, n'a pas voulu
faire de jugement téméraire!… Mais vous devinez la douleur de cet homme ?
… et Marie qui ne lui disait rien!
Marie, de son côté, voyait bien que Joseph était troublé, mais elle ne pouvait
rien lui en dire, le secret ne lui appartenait pas! Si le Saint-Esprit avait
renseigné Zacharie et Élisabeth, il avait sans doute ses raisons pour ne pas
renseigner Joseph!, vous voyez dans quel déchirement cette situation mettait
Joseph et Marie ? …
Est-ce que le Bon Dieu n'aurait pas pu leur éviter cela ? Pourquoi ne l'a-t-il pas
fait ? Voilà ce qu'il faut que vous découvriez dans votre contemplation… Nous
autres: jamais souffrir, jamais mourir, pas de contrariétés, pas d'histoires… oui,
voyez pourquoi le Bon Dieu a permis cela! S'il y avait au monde deux créatures
qu'Il aimait, c'étaient bien ces deux-là, n'est-il pas vrai ? - Et pourtant, Il a
permis que leurs cœurs soient déchirés!… 
Alors le démon s'acharnait sur Joseph: voyons, tu vois bien, c'est évident, elle
est donc parjure, qu'attends-tu pour la dénoncer ? Tu sais bien que la loi de
Moïse t'oblige à la répudier! En effet, toute femme adultère devait l'être. Cette
répudiation était un véritable cinéma: On réunissait les deux familles, parents,
amis, voisins; les griefs étaient exposés tandis que les deux familles
s'invectivaient à qui mieux mieux, et, à la fin, le mari crachait à la figure de sa
femme, prenait sa sandale et la lui envoyait à la tête avec une bordée d'injures;
la répudiation était ainsi consommée, elle l'était publiquement! Mais il y avait
aussi une autre méthode, moins scandaleuse: Le mari outragé prenait deux
témoins qui dressaient par écrit le "Libellé de répudiation" en présence de
l'intéressée et le tour était joué, mais Joseph ne pouvait songer à cela:
comment aurait-il pu la désigner, la dénoncer comme parjure alors que la
pureté rayonnait d'elle ? Mais vous savez que le démon lorsqu'il ne réussit pas
d'un côté s'acharne de l'autre, le Bon Dieu le permettant d'ailleurs – ,,Parce que
tu as été agréable à Dieu, disait l'archange Raphaël à Tomie, il était nécessaire
que la tentation t'éprouvât” et celle-ci recommença, mais maintenant plus
subtile, sous apparence de bien: en effet Joseph connaissait bien les écritures:
il savait qu'une vierge devait enfanter, et il savait aussi que les temps étaient
révolus. Alors il a pu se poser la question: mais ne serait-ce pas Marie qui par
son vœu unique de virginité a donné prise à cette maternité divine ? Alors,
dans ce cas, on va croire que c'est moi le Père du Messie, alors que je suis
étranger à ce mystère ? …, et le Seigneur, qui a éclairé Zacharie et Élisabeth,
laisse Joseph dans l'obscurité et la détresse et celui-ci, après avoir bien
réfléchi, bien prié, décide de partir…
Voyez la différence avec Adam: Adam notre premier Père, se trouvait devant
un litige semblable, un litige entre les deux amours qu'il devait avoir au cœur:
l'amour de son Dieu et l'amour de sa femme. Vous savez qu'il a fait passer sa
femme la première!
Saint Joseph se trouve devant un litige identique: Il ne s'agit plus maintenant de
la première Eve, mais de la seconde, comme la Sainte Vierge a été appelée
aussi, la deuxième mère des vivants… Il réfléchit et il part. Lui, Joseph, fait tout
le contraire voyez-vous, il ne transige pas avec le devoir!… il faut que je parte,
c'est-à-dire Dieu premier servi!
Mes chers Messieurs, c'est beau de lire cela dans l'Évangile, que Joseph avait
décidé de partir… mais essayez de réaliser cela… on nous dit que lorsque
Bernadette dut quitter Lourdes pour se rendre à Nevers pour sa profession
religieuse, la Sainte Vierge n'y était pourtant plus à Lourdes – eh bien, il a fallu
qu'on l'arrache de son rocher de Massabielle, et nous autres, qui avons eu la
joie d'aller à Lourdes où la Sainte Vierge a laissé comme un parfum de son
passage, nous comprenons cela… alors si Bernadette a tellement souffert de
quitter son rocher, imaginez ce qu'a pu souffrir Saint Joseph! Jamais un homme
n'a jamais une femme comme Joseph a aimé la sienne, jamais… jamais…
jamais… parce qu'un homme n'a eu jamais un pareil trésor à aimer! Voyez…
une beauté physique, morale, spirituelle, intellectuelle! jamais aussi un homme
n'a été aimé par sa femme comme Joseph l'a été par la sienne; jamais sur terre
il n'y a pu avoir un amour conjugal aussi parfait, aussi pur, aussi sublime, aussi
élevé!…
Et il décide de partir… Pour lui, c'est pire que la mort… j'irai travailler, se dit-il, à
l'étranger, sans doute à TYR ou à SIDON, j'irai travailler comme un malheureux
et j'essaierai d'oublier si je peux, j'essaierai d'oublier… Là on voit le chrétien
mes chers Messieurs, qui ne transige pas avec ce que sa conscience et son
devoir lui dictent, et qui se résigne humblement à la faire sans accuser
personne…
Mais la tentation ne dure pas une minute de plus que le temps jugé nécessaire
par le Bon Dieu…
Encore une fois, la Sainte Vierge aurait pu l'éclairer, mais Vierge très prudente
– VIRGO PRUDENTISSIMA – elle ne pouvait se substituer au Saint-Esprit!
Alors que souffrant elle-même elle ne pensait plus le revoir, voilà qu'en ouvrant
ses volets toute triste, elle voit Joseph arriver la figure tout illuminée…
Ah! c'est qu'il doit être au courant… Dans la nuit en effet l'ange lui a dit: ,,Ne
crains pas Joseph de prendre Marie pour épouse, ce qui naîtra d'elle sera
appelé le Fils de Dieu et toi tu lui donneras ton nom, tu l'appelleras Jésus car il
vient pour sauver le peuple”.
Or, Jésus veut dire Sauveur en Araméen, et comme c'était au père à donner le
nom, Joseph serait ainsi considéré comme son père.
La divine Providence, après lui avoir envoyé la croix, lui envoyait la Joie, la joie
d'être le gardien de la Sainte Famille, et vous aussi Messieurs, si vous êtes de
vrais chrétiens, vous aurez des joies, mais vous aurez des croix aussi… ne
vous attendez pas à aller au Ciel sans Croix!… 
Ensuite le temps passe et nous voilà dans la petite bourgade de Nazareth,
dans le silence de l'atelier de Saint Joseph! Saint Bernard, qu'on a appelé avec
juste raison le chantre de Marie, se demande: Mais, bien que leur intimité fût si
belle et si pure, ils menaient quand même une vie conjugale c'est-à-dire qu'ils
mangeaient ensemble, ils devaient deviser dans leurs moments libres, surtout
le travail terminé, mais de quoi pouvaient-ils parler dans leurs conversations ?
Malgré leur discrétion, de quoi pouvaient-ils parler ? Peut-être, en transposant
pour l'époque nos choses d'aujourd'hui, du Tour de France cycliste ? de rugby
ou de régates ? ou peut-être aussi de la machine à laver qui serait nécessaire
pour le petit qui allait arriver ?
Messieurs, il est facile de se douter des conversations de Marie et de Joseph:
Prenez le Magnificat, en le commentant un peu vous aurez l'essentiel des
conversations qu'ils devaient faire!… 
Cependant les mois passent, 9 mois déjà et Saint Joseph, sans nul doute, a dû
demander à la Sainte Vierge ce qu'elle en pensait:…
Qu'est-ce que nous faisons ? Nous partons ? …
C'est qu'en effet l'enfant devait naître à Bethléem, c'était un rude voyage à
envisager car il fallait plusieurs jours pour traverser la Palestine avec les
moyens du temps. Vraisemblablement Saint Joseph a dû ainsi interroger la
Sainte Vierge plus éclairée que lui!…
Écoutez, Joseph, vous êtes le Chef de la famille, si vous commandez, nous
partons aussitôt!…
Non, je ne vous commande pas, je vous demande simplement votre avis ? … 
Puisque vous me demandez mon avis, Joseph, moi il me semble qu'il vaudrait
mieux attendre; le Bon Dieu sait mieux que nous que son Fils doit naître à
Bethléem; attendons parce qu'on pourrait supposer après coup que c'est nous
qui avons fait réaliser les prophéties, que nous leur avons donné un coup de
pouce!… 
Bien, Marie, attendons…
Encore une semaine et il ne restait que quelques jours pour le terme et Joseph,
lui, devait s'accuser d'incapacité devant la décision à prendre… l'enfant va
naître à Nazareth par ma faute!… 
Huit jours avant la nativité, un crieur public arrive sur la place de Nazareth!
… Saint Joseph n'était pas curieux, mais poussé par l'Esprit-Saint, il se rend
sur la place – il n'y avait pas de journaux à l'époque – et il entend alors une
nouvelle stupéfiante: ,,Ordre aux habitants de la Palestine d'aller se faire
recenser dans leur ville d'origine, et de s'y rendre immédiatement et sans délai
sous peine d'amende. N'oubliez pas de porter le prix d'un bœuf, tribut imposé
par César en sa capitale à Rome! Qu'on se le dise !!!…
Les gens sont bouleversés, … dans la ville d'origine!… et immédiatement!
La Sainte Vierge et Saint Joseph sont de Bethléem; ils n'ont plus qu'à se
préparer et à partir… Mais qui en donne l'ordre ? César!…
Remarquez que César satisfait son orgueil: combien ai-je de sujets autour de la
Méditerranée ? dans mon empire romain ? et puis, imposer le prix d'un bœuf
par famille – c'est lourd pour le paysan le prix d'un bœuf – vous voyez là sa
cupidité. Ces deux premières passions que Saint Ignace nous fait rejeter dans
le colloque du Roi Temporel, les deux capitales, vous les avez là, et le
Seigneur se sert des passions de César, orgueilleux et qui a toujours besoin de
sous, il se sert de lui pour que son Fils naisse à Bethléem, comme les
prophéties l'ont indiqué! Voilà, qui en donne l'ordre ? César!… 
Alors, les voilà se préparant et, le lendemain matin, ils sont sur la route malgré
les commérages:
Comment vous déménagez Mr Joseph ? vous partez ?
Eh oui, vous n'avez pas entendu le crieur public ? Je suis de la race de David,
je dois me faire recenser à Bethléem… 
Ah! vous partez à Bethléem, mais vous partez seul, Monsieur Joseph ? Vous
ne pouvez pas partir avec elle quand même, vous ne voyez pas dans quel état
elle est ? il va vous arriver une catastrophe sur la route!… 
Eh non! il faut qu'elle vienne avec moi!…
Et malgré les commères de Nazareth, les voilà partis tous les deux… oui, nous
pourrions sans doute les accompagner un peu sur la route la Sainte Vierge et
Saint Joseph, elle, montée sur un petit âne, c'était la monture des pauvres:
…… dites, Saint Joseph, autorisez-moi à vous accompagner et à vous rendre
quelques petits services ? Comme le dit Saint Ignace, il est bon que vous vous
mêliez un peu avec eux… leur parler, c'est comme cela que la contemplation
est profitable et si, dans votre chambre tout à l'heure, vous pouviez converser
un peu eux, peut-être vous diraient-ils le pourquoi de bien des choses, et
pourquoi le Bon Dieu ne leur a pas évité ces tracasseries et ces peines!… 
Et nous nous apercevrions aussi que ce qui est arrivé au soir de la Noël à
Bethléem, repoussés de partout et par tous, est arrivé à chaque gîte d'étape! Ils
sont pauvres, cela se voit à leur extérieur, et pour les pauvres, tout est
problème, même à notre époque! les gens riches, eux, n'ont pas de problèmes!
… Vous avez quelquefois, dans les villes d'eau ou de tourisme, des hôtels soi-
disant archi-pleins, 3 étoiles, 4 étoiles… Vous y avez des concierges qui sont
habillés comme des amiraux anglais… lorsqu'ils voient s'arrêter près de la
porte une 2 chevaux, ils ont un de ces regards!… mais si c'est une Cadillac
toute rutilante, là on se précipite, et à ces clients-là, même s'il n'y a pas de
place, on leur en trouve une dans l'hôtel! oui, tout est problème pour les
pauvres… combien de refus ils ont dû essuyer!
Enfin, après une semaine de marche, ils aboutissent enfin à Bethléem et ils
arrivent en haut d'une rue, c'est là qu'habite la tante Sarah.
Nous pouvons imaginer leur conversation:
Où descendrons-nous Joseph ? …
Je pense Marie, que nous pourrions voir chez la Tante Sarah, c'est dans cette
rue et je sais qu'elle a de la place… Ils étaient vite d'accord Joseph et Marie,
leurs disputes n'étaient pas longues… Nous y voilà, nous sonnons à la grande
cloche près du portail, et la tante ouvre… Regardez: d'un côté un poulet à
moitié vidé et plumé, de l'autre une bouteille d'huile d'olive:
Ah! bonjour Joseph, bonjour petite Marie, oh! vous venez pour le
recensement ? … Mais pourquoi ne pas nous avoir prévenus ! figurez-vous que
nous avons en ce moment nos cousins d'Alexandrie, vous savez, les grands
armateurs ? et ils en ont, eux!… ils ont pris presque toute la place, j'ai même dû
donner ma chambre… que je regrette!… mais écoutez, on pourrait arranger
ça… Si vous alliez voir la cousine Rebecca, à la rue droite, sûrement qu'elle
pourra vous loger… bonsoir Joseph, bonsoir petite Marie… Venez nous dire
bonjour avant de partir!
Et, après avoir trouvé le lieu où perchait la cousine Rebecca qui vit avec le
cousin Zabulon:
Quelle surprise! Bonsoir Joseph, bonsoir petite Marie, ah! vous cherchez de
quoi loger, ce n'est pas facile vous savez, tout est pris et nous avons nos
parents de Damas, ils sont venus… avec des dromadaires!… des
dromadaires !!… des étoffes… et de l'or… de l'or!… Nous regrettons beaucoup,
à l'impossible nul n'est tenu! Et allez!… Et puis, une fois la porte refermée: dis,
tu l'as vue la petite Marie, dans quel état elle est, elle attend un bébé,, si ça lui
arrivait ici, avec les gens que nous avons!… Quand même!… Qu'ils se
débrouillent après tout…
Alors que faire, la nuit tombe, ils pensent qu'au caravansérail ils pourront enfin
trouver un petit coin et s'asseoir au moins car ils sont morts de fatigue… Et
dans ce hangar, avec leur petite lanterne, ils cherchent à tâtons car c'est plein
partout et là aussi ils se font rabrouer:
Hé, ferme donc la porte… fiche-nous la paix, il n'y a plus de place… laisse-
nous tranquilles…, si tu continues, c'est nous qui allons te sortir!… 
Ah! mon Dieu, mais où aller ? La nuit est complètement tombée, il fait froid,
c'est l'hiver, et Saint Joseph se rappelle tout d'un coup que là-bas, au flanc de
la colline, à 500 m. environ, il y a une falaise crayeuse avec une grotte qui sert
aux animaux quand il pleut; c'est assez vaste d'ailleurs, mais une grotte qui est
une écurie et qui appartient à tout le monde… peut-être que là… et il dit à
Marie: ,,Il nous faut bien nous mettre quelque part” et il s'excuse de ne pouvoir
lui proposer que cette misère, si indigne d'elle… Mais la Sainte Vierge le
rassure, heureusement la grotte est vide, et Joseph est vaillant, ingénieux, il fait
un balai avec des genêts, il nettoie une partie de la grotte, celle où ils vont
essayer de se reposer, il tâche de fermer les courants d'air, avise la mangeoire
aux agneaux, tiens, ça va faire un berceau cela, 4 morceaux de ficelle, un peu
de paille et un linge par-dessus, et, à minuit, le Verbe de Dieu, qui avait rêvé de
cela de toute éternité, naît là, dans cette grotte, dans cette nudité, dans cette
pauvreté!… dans cette misère!…
Est-ce que le Bon Dieu n'aurait pas pu éviter cela ?
Oui, Il aurait pu le faire, il s'Il ne l'a pas fait, c'est qu'Il voulait que nous en tirions
une grande leçon!… Nous autres, nous n'aurions pas fait comme cela; nous
aurions voulu le grand confort, la sécurité de la clinique… Je vous ai déjà dit
que nous ne serions pas d'accord avec lui! Nous autres, c'est le Paradis sur
terre que nous cherchons, mais le Paradis, mes chers amis, il s'est terminé
avec le Péché; et si nous le voulons dorénavant, le vrai, celui du Ciel, l'éternel,
il faudra le mériter, le gagner à la force du poignet pourrait-on dire, et comment
cela ? Eh bien, en faisant comme Notre-Seigneur!
Voilà la grande leçon qu'Il nous a donnée et à laquelle nous ne voulons pas
croire! Nous pensons toujours que le rêve c'est d'être heureux ici-bas, et si j'en
suis sûr, on installait place de la Concorde un bureau où il suffirait de se faire
inscrire pour vivre ici éternellement, il y en aurait des volontaires!… alors que le
Paradis il est là-haut, au bout de nos épreuves et de nos croix!…
La Sainte Vierge a pris l'enfant dans ses bras et l'adore éperdument avec Saint
Joseph! Larmes de Joie. Isaïe le prophète nous dit que l'âne et le bœuf ont
reconnu leur maître… oui, une scène grandiose, touchante, que l'on devrait
garder dans nos maisons: ces crèches où avec la Ste Famille l'âne et le bœuf
et les petits santons provençaux, on sait si bien représenter la simplicité et la
pauvreté de la naissance du Sauveur; maintenant on vous fait des crèches
avec des usines, des laboratoires… c'est idiot, permettez-moi cet avis; un jeune
ingénieur me dit un jour: je sors de mon usine, j'en ai par-dessus la tête; je vais
à l'église pour prier un peu et qu'est-ce que j'y vois: encore une usine dans la
crèche qu'on a dressée, c'est idiot… L'histoire de Jésus-Christ elle est belle
dans sa simplicité, c'est là qu'on retrouve ce qu'elle a de plus sublime, je ne
suis pas venu à l'église pour retrouver mon usine quand même!! Et Saint
Bernard se demande s'il n'y aurait pas eu une erreur dans le cantonnement ?
Eh non! Le Seigneur, de toute Éternité, a rêvé de sa crèche pour montrer aux
hommes la valeur de la pauvreté, sachant que les hommes n'arriveraient pas à
comprendre autrement, cependant il eût vite des adorateurs! Et Saint Bernard
de se poser encore la question: Et si j'avais eu, moi, à me choisir des
adorateurs, qui aurais-je averti ? Sans doute les bourgeois de Jérusalem –
Jérusalem était à 8 km – les prêtres d'abord, vraisemblablement! Ils le seront
d'ailleurs quelques jours plus tard par une caravane extraordinaire, mais ils ne
se dérangeront pas, les prêtres, et nous savons pourquoi… Hérode le Grand,
Hérode était en train de dépenser des millions pour la restauration du temple,
et les prêtres ont pensé que ce n'était pas le moment de déranger un roi si
bénéfique pour eux pour un si petit roi qui arrivait là, dans une écurie!… Ils ne
se dérangeront pas; ils attendront, pour faire plaisir à Hérode, qu'il veuille bien
se déranger lui-même au retour des mages… mais comme les mages ne
repasseront pas par Jérusalem, tous ces gens-là, ces prêtres en particulier,
auront raté l'occasion de leur vie. comme je vous le faisais ressortir dans la
méditation de l'Appel du Roi!
Alors, qui avertir, les bourgeois ? … Ils sont en train de compter leurs sous,
vous pensez bien, pas sur les bénéfices du Tour de France, non, mais sur ceux
que le recensement leur fait ramasser; c'est pareil, le recensement, ça fait
remuer les sous… vous savez combien cela se loue une chambre au cours de
la saison ? … Moi, j'en ai des chambres, m'sieur, m'sieur… j'ai une chambre
pour vous… et il y a 3 mois de saison, ça vaut la peine! Oui, cela fait travailler
et on compte les sous, comment voulez-vous qu'on ait le temps de rendre
visite… eux aussi ils manqueront l'occasion…, rien ne change, et de nos jours
c'est pareil!…, car Jésus est là qui attend dans son tabernacle les bonnes
volontés… Qui songe à lui rendre visite ? … Ne soyons donc pas de ceux qui
ratent les multiples occasions de rendre hommage à Notre-Seigneur et de
l'adorer…
Mais qui donc avertir alors ? … eh bien, les Bergers qui travaillent dans les
alpages, tout là-haut dans la montagne, voilà ceux qui sont avertis par un ange:
,,Vous trouverez un enfant couché dans une mangeoire enveloppé de langes,
c'est une grande nouvelle! allez l'adorer!…”.
Et les bergers au petit jour, descendent et trouvent comme l'ange le leur a dit le
petit Jésus couché dans la mangeoire de la grotte. Ils l'adorent dans sa
pauvreté…, eux aussi sont pauvres, mais ils ont du cœur, ils ont porté quelques
provisions: du lait, du fromage, un petit réchaud; oui, ils ont apporté leurs
pauvres richesses dans leur humilité!… 
Remarquez qu'ils sont bien payés de leur geste: cet enfant est un enfant, mais
pas comme les autres: ils sont bouleversés rien qu'à regarder le regard déjà
profond de ce petit enfant, rien qu'à voir le sourire si doux de cette jeune
maman si belle, à recevoir la poignée de main de cet homme qui est là aussi, si
bon, … ah! ils sont bien payés les bergers de leur générosité… Au matin, ils
vont annoncer la nouvelle au village qui n'est pas très loin, mais on ne les croit
pas, on se moque d'eux…
Hé, … tu as entendu les bergers ? … dis Rebecca, tu ne sais pas ? le petit de
la Marie, il paraît que c'est le fils de Dieu!… Ah! ces bergers…, ils en ont de
bonnes… ils sont toujours dans leurs alpages là-haut avec leurs bestioles… ils
regardent les étoiles… ils font des poésies… pauvres bergers!… alors qu'il y a
tant de sous à gagner dans la vallée… Ils vendent leur fromage au prix d'avant
guerre!… Ils ne comprennent rien à la vie ces gens-là!…
Non, on ne croit pas les bergers, ce sont des pauvres!…
Cependant, un rebondissement formidable se fait dans l'histoire du petit cousin:
Plusieurs semaines après, une caravane extraordinaire de richesses arrive de
l'Orient en suivant une étoile pour le voir… Ah, quel esclandre de famille à
Bethléem! :
,,Mais alors, c'est vrai ce que les bergers ont dit, ce sont des gens qui viennent
de très loin avec des dromadaires!… et ils ont des sous ceux-là; ils ont même
de l'or dans leurs chapeaux et leurs cravates, ils paient rubis sur l'ongle!…
Rebecca… si nous avions reçu la Marie l'autre jour, ils seraient venus chez
nous voir le petit Jésus… on aurait pu mettre sur la devanture: "A l'hôtel des 3
Mages" … Catastrophe!…”.
C'est à cause de toi Zabulon, imbécile!…
C'est ta faute, idiote… il paraît aussi qu'un des rois a apporté une cassette d'or,
de l'or… et voilà, comme on sait que nous sommes parents, on nous fait des
visites maintenant: Vous savez, Joseph et nous, on est un peu parents!… On
se rappelle, alors qu'on est "parent"!… Lorsque Bernadette habitait avec ses
parents dans ce four à Lourdes, on ne les connaissait pas, mais maintenant,
lorsqu'on peut mettre sur l'hôtel "Petit neveu des Soubirous" … Hou… Hou…
c'est une affaire! – même les Juifs le font!
Les mages sont restés quelques jours là à adorer et ils sont repartis laissant
leurs présents, très humbles, très simples, mais très enrichis spirituellement
aussi. Avertis par un ange, au lieu de revenir à Hérode qui voulait les voir pour
faire ses dévotions lui aussi – on sait bien celles qu'il voulait faire! – ils ont pris
pour le retour un autre chemin; Joseph, qui les a vus arriver avec une grande
joie, les voit partir avec satisfaction, pourquoi ? parce que Joseph et Marie sont
des silencieux qui vivent dans la méditation; dans le bruit il est difficile, si non
impossible de méditer; c'est aussi une fatigue supplémentaire que toutes ces
visites du matin au soir dont beaucoup ne sont motivées que par la vaine
curiosité, surtout pour la Sainte Vierge évidemment!… Je m'imagine donc – car
l'évangile nous laisse deviner beaucoup de choses – j'imagine aisément Saint
Joseph disant à la Sainte Vierge:
Ah, puisque ces messieurs sont partis, vous êtes fatiguée, demain, grasse
matinée, n'est-ce pas ? – on ne monte pas le réveil – demain on ne se lève pas
avant 7 heures; le petit lui aussi paraît fatigué; il commence à faire ses dents, il
faut nous reposer!… Bien!
Et vous savez ce qui est arrivé au milieu de la nuit: Un ange apparaît et l'ange
ne fait pas de prières lui… Il indique des impératifs qui se succèdent: ,,Joseph,
Fils de David, lève-toi, prends l'enfant et sa mère… fuis en Égypte… tu y
demeureras tant que je ne te dirai pas de retourner, Hérode veut tuer
l'enfant…”.
Tout autre que Joseph aurait semble-t-il fait quelques remarques à l'ange:
Mais, Monseigneur l'ange, vous auriez pu y penser avant!… Nous serions
partis avec les dromadaires, ils auraient été si heureux, les Mages, de nous
emmener avec eux!… Et puis, en pleine nuit, comme ça, nous ne connaissons
pas même la route!…
Saint Joseph n'a fait aucune remarque – je vous ai déjà dit que nous nous
n'aurions pas fait comme ça – Saint Joseph sait que Dieu peut avoir des
raisons qui nous échappent!… Le Bon Dieu est un grand artiste! Il a besoin
comme instruments des gens qui n'aient pas leurs idées à eux… Il a besoin
d'instruments dociles… Et avec Joseph, Il avait bien choisi; car Joseph n'a pas
d'idées à lui: il obéit, tout simplement; voyez pourtant ce qu'il y avait de terrible,
là, de partir ainsi, en pleine nuit et en plein désert!…
Il réveille la Sainte Vierge, avec un grand respect…
Mes chers Messieurs, essayez de mesurer la sainteté de Joseph… Saint
Joseph a vécu des années dans l'intimité de la Sainte Vierge Marie et de
l'enfant Jésus qui grandissait… eh bien, Saint Joseph n'a jamais dit une parole,
n'a jamais eu une inflexion de voix n'a jamais eu un geste qui aient pu choquer
la Sainte Vierge! C'est pourtant facile et fréquent à la maison de se dire des
bêtises comme ça!… eh bien Saint Joseph n'a jamais dit une parole qui soit
déplacée car l'Enfant Jésus surtout ne l'aurait pas toléré. Oui, essayez de
mesurer la sainteté de cet homme bien que l'Évangile ne rapporte d'eux
aucune parole!…
Il réveille la Sainte Vierge avec une grande délicatesse et une demi-heure
après ils étaient sur la route – ce n'était pas un déménagement comme on en
voit maintenant: j'imagine la Sainte Vierge enveloppant son trésor dans une
couverture, un baluchon de quelques langes, quelques provisions, le petit âne
qui suit aussi et allez!… de telle sorte qu'au petit jour, ils avaient passé les
confins de la Palestine… et, derrière eux, vous savez ce qui se passe: un
véritable carnage… Les Saints Innocents!
Ils ont vraisemblablement dû prendre la route la plus longue celle qui longe la
Méditerranée, elle est un peu moins sauvage…
Ah, mais ce qu'ils ont dû souffrir… Après 2'000 ans on retrouve encore leurs
traces à Makérée, dans le delta du Nil et surtout à Héliopolis, Memphis… il y
avait là les colonies juives et l'on sait, d'après les traditions, que Joseph a dû se
placer comme manœuvre ou comme docker. Mais il y a 2'000 ans, il n'y avait ni
syndicats, ni bureau de bienfaisance, pas plus que la journée de 8 heures, et
Saint Joseph, pour faire vivre sa famille a dû s'atteler aux seules possibilités du
moment: en Égypte le travail était surtout sur les quais du Nil. On y déchargeait
les chalands qui arrivaient de la Haute Égypte, chargés de blé, on transbordait
ces sacs de 80 kgs dans les galères romaines qui emportaient la marchandise
en Sicile, en Italie, en Afrique, en Espagne, etc… Ce travail était fait par des
esclaves, 14 heures par jour; ils portaient ces balles sous un soleil de plomb…
Et on les faisait marcher à la cravache!… Même actuellement, chez les Arabes,
on a conservé cette habitude, alors, dites, qu'est-ce que cela devait être à
l'époque ? Alors, le pauvre Joseph, pas habitué, qu'est-ce qu'il a dû prendre
pour gagner la vie à sa famille ? On peut se l'imaginer aisément le soir, peu
payé et fatigué, achetant quelques oignons et un peu de pain qu'il portait à la
Sainte Vierge!… Celle-ci se rendait bien compte qu'elle mangeait la sueur de
son époux, mais il fallait bien qu'elle se nourrisse pour avoir un peu de lait à
donner à l'enfant Jésus!…
Ils ont dû vivre incognito pour ne pas donner prise aux investigations possibles
d'Hérode et, si nous les accompagnions, nous aurions pu voir une jeune
femme, très modeste mais très belle, qui, pour augmenter un revenu
insuffisant, s'astreignait à faire de grosses lessives, le petit attaché dans le dos,
comme on le faisait à cette époque!… oui, imaginons aussi le petit Jésus sans
défense, les moches et les moustiques autour des yeux!
Est-ce que le Bon Dieu n'aurait pu leur éviter cela ? Si, Il l'aurait pu… et
pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Voilà ce qu'il faut que nous découvrions…
On peut penser que cette situation dut enfin s'améliorer grâce à leur vaillance à
tous les deux et que Joseph put enfin s'installer pour travailler de son métier de
charpentier. Le petit grandissait et courait auprès de sa maman,
l'accompagnant dans ses courses pour acheter les légumes, ne dépensant pas
un sou de plus qu'il ne fallait… Nous pourrions les voir aussi dans leur
maisonnette très pauvre mais très propre aussi; nous pourrions contempler
l'enfant Jésus grandissant commençant à faire de petites commissions, portant
chez les clients de son père quelques factures et se faisant souvent rabrouer…
Si vous voulez, dans l'intimité de leur vie de famille, nous pourrions voir Jésus
grimpé sur les genoux de Saint Joseph lui taquinant la barbe: vous savez que
les petits aiment faire ça pour faire rire leurs parents!… Ils étaient pauvres,
mais ils avaient la joie! Les Saints, eux, demandaient à rentrer dans cette
intimité: ils y restaient le plus longtemps possible et, en sortant, Saint François
d'Assise, comme Saint Bonaventure, comme Saint Dominique, comme Saint
Ignace et combien d'autres chantaient la joie parfaite, cette joie que les
hommes cherchent inutilement avec tant de machines… les saints, eux, la
trouvaient dans la contemplation des mystères de la Sainte Famille!
Tandis que le petit Jésus grandissait, l'ange revient: ,,Saint Joseph, tu peux
revenir maintenant…”. On pense généralement que la Sainte Famille put
rentrer au pays avec une caravane; Joseph croyait sans doute s'arrêter à
Bethléem pour revoir sa famille, mais, au passage de la frontière, imaginons-le
interrogeant les fonctionnaires, inquiet qu'il était sur Hérode:
Comment, vous ne savez pas ? Hérode est mort, c'est son fils Archelaüs qui lui
a succédé!…
Ah, et ce prince est sans doute un bon roi ? …
Oh, que dites-vous ? Son père était un bandit, mais lui, il l'est encore dix fois
plus!… 
Alors Joseph changea son fusil d'épaule, et au lieu d'aller à Bethléem comme il
l'aurait désiré, pour la sécurité du petit, il préféra emprunter la grande route qui
longe la mer… et ce n'est qu'après plusieurs étapes qu'enfin ils arrivèrent en
vue de Nazareth où Joseph pensait bien se remettre vite au travail…
Mais qu'avez-vous Joseph ! ? …
J'essaie de reconnaître notre maison, mais je ne la distingue plus…
Ce n'était pas étonnant… à leur départ Joseph avait laissé les clés aux cousins
et vous savez ce qui peut arriver: … en l'absence du propriétaire, on a vite fait
de prendre ce dont on a besoin, qui une casserole, qui un matelas, qui une
chaise… et puis le vent soufflait en tempête parfois, les tuiles emportées si on
ne les remplace pas c'est un désastre car l'eau de pluie pénètre… et comme ce
n'était que la maison du cousin, on ne s'en inquiétait guère, tout au contraire, la
maison était devenue le ramassis des poubelles des alentours… Tout juste si,
en rentrant prendre les clés, Joseph ne reçut pas le reproche d'être revenu!…
Enfin, Joseph est vaillant, il se remettra à l'ouvrage pour mettre son foyer à
l'abri et pourvoir à sa subsistance…
Et c'est là, à Nazareth, que va commencer le mystère de la vie cachée de
Notre-Seigneur. Certains enfants ont eu un destin prodigieux: le petit Mozart, à
7 ans avait déjà composé une sonate; Blaise Pascal, à 12 ans, avait fait une
invention retentissante; à 15 ans, Louis XIV prenait en mains la direction du
royaume de France; à 18 ans, Jeanne d'Arc délivrait Orléans; à 25 ans,
Bonaparte avait fondé un royaume, Alexandre lui, un empire! Pourquoi le Fils
de Dieu, qui avait tant de choses à gagner, tant de batailles à remporter,
pourquoi n'a-t-il pas commencé son ministère plus tôt ? …
Mais voyons, Seigneur, qu'attendez-vous donc ? Vous ne pouvez pas aller à
Rome prendre la place de l'Empereur ? Aller à Athènes et à Alexandrie pour
faire de beaux discours ? Mais vous perdez du temps Seigneur !!…
Je vous ai déjà dit que nous ne serions pas d'accord et que, nous, nous
n'aurions pas fait comme ça! Lui, il a voulu attendre 30 ans! Quel mystère! alors
que son cœur le portait au salut des âmes! Il a voulu obéir à son Père qui
voulait qu'Il passe 30 ans dans le silence et 3 ans seulement pour se faire
connaître, faire des miracles et mourir pour nous…
Et à Nazareth, qu'y fait-on ? On y vit les béatitudes, ces béatitudes que Notre-
Seigneur prêchera un jour dans le sermon sur la montagne, et auxquelles nous
ne voulons pas croire:
Bienheureux les pauvres ? oh, oh… bienheureux les pauvres… pour eux
hein…
Bienheureux ceux qui pleurent ? … Bienheureux les doux, les pacifiques ?
… Moi, quand on me marche sur le pied, vous croyez que je me laisse faire
comme ça ? …
Tout cela, Jésus a voulu le vivre pendant 30 ans. Quel mystère !!! Et c'est parce
qu'Il savait que nous ne voudrions pas le croire qu'Il a fait cela… et Jésus a
appris à obéir à Joseph et à sa mère en tout et pour tout. Il a appris à mettre de
l'ordre dans la maison, à prendre la cruche pour aller chercher de l'eau pour sa
maman à la fontaine… la petite cruche quand il avait 6 ans, la grande quand il
en a eu douze; il a appris à porter les factures de son père, et quand il a été
assez grand, son père l'a initié aux secrets du métier et comment faisait-il ? A
cette époque, il n'y avait pas de scie mécanique: eh bien, tu vois, tu prends la
boîte à clous, puis tu prends le mange de pioche et la râpe et tu fais… comme
ça!… Et le petit Jésus faisait… comme ça! et il faisait tout en s'appliquant… On
se doute bien que Jésus aurait pu lui dire: ,,Écoutez, mon père, j'ai 18 ans, je
suis le fils de Dieu, j'en sais plus que vous ne croyez!… il aurait pu lui
confectionner sur le champ une scie électrique pour mouler le bois et faire des
manches de pioche en série!… Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Voilà ce qu'il faut
découvrir… Quelle leçon !!
Qu'est-ce qui est le plus important sur la Terre ? … Mon Père, c'est d'être
champion du Tour de France; moi, mon Père, c'est de l'être au rugby, moi, mon
Père c'est d'être professeur à la Sorbonne, moi, c'est de gagner beaucoup
d'argent et d'avoir une vie facile; moi d'être général en chef, moi…
Mes chers Messieurs, Jésus nous a donné l'exemple et c'est là que nous
voyons que nous ne sommes pas d'accord avec Lui. Voilà ce qu'il faut que
nous découvrions; nous nous disons chrétiens et nous ne le sommes que très
peu; alors quelle est cette chose, cette seule chose qui compte ? … 
La seule chose qui compte et sur laquelle nous serons jugés quand nous
aurons quitté cette vie, ce sera: ,,d'avoir fait la volonté de Dieu, là où le Bon
Dieu nous veut” … c'est la seule chose qui compte. Et la volonté de Dieu,
comment la connaît-on ? Eh bien mes chers amis, la Volonté de Dieu on ne se
la fabrique pas hein ? La Volonté de Dieu elle est dans l'obéissance aux
commandements de l'Église; elle est dans l'obéissance aux ordres légitimes de
nos supérieurs légitimes; elle est enfin dans l'obéissance aux événements
providentiels, – il pleut, pourquoi maugréer… j'ai un voisin grincheux, etc… et
comme Jésus savait que nous ne voudrions pas l'admettre, Lui, le Fils de Dieu,
pendant 30 ans "ET ERAT SUBDITUS ILLIS - Il leur était soumis" … que ce
soit le Jésus de 7 ans, le Jésus de 20 ans ou le Jésus de 29 ans; même à cet
âge, il allait chercher de l'eau à la fontaine si sa maman le lui commandait!
Dommage si une pareille leçon nous laissait indifférents.
Toutefois, il semblerait à première vue qu'il ait dérogé une fois, si l'on peut dire,
et nous allons voir là, pour terminer, l'enseignement qui se dégage de cet
épisode de la perte de Jésus au temple et de son recouvrement, alors qu'il
avait douze ans.
Ses parents l'avaient emmené pour la première fois au temple à Jérusalem. On
y restait 8 jours pour la durée des fêtes et c'étaient de véritables caravanes qui
convergeaient ainsi vers la ville. On marchait 2, 3 jours et le soir, à l'étape, on
dormait à la belle étoile après avoir mangé. La caravane où se trouvaient Marie
et Joseph faisait donc sa halte à la tombée de la nuit; les époux se retrouvaient
alors, car les femmes marchaient groupées entre-elles devant, les hommes
groupés entre-eux derrière. Tout surpris, ils ne virent point Jésus au gîte
d'étape. Ils firent le tour de leurs proches, demandèrent ici et là nous dit Saint
Luc; on interroge les gamins: mais, Madame Marie, nous ne l'avons pas vu
Jésus, il n'était pas avec nous !…
La Sainte Vierge, elle, pensait pendant le chemin que le petit Jésus était avec
son père; Saint Joseph, lui, pensait qu'il était avec la Sainte Vierge; imaginez
alors la première dispute entre Joseph et Marie – mais je vous autorise moi, à
vous disputer comme cela avec votre femme!
Oh! Joseph, je n'aurais pas dû, j'aurais dû veiller, c'est ma faute…
Non, Marie, c'était à moi à m'en occuper, j'aurais dû vérifier… c'est ma faute…
Ils passent évidemment, une nuit terrible; le lendemain matin les voilà, désolés,
refaisant l'étape à l'envers sans résultat d'ailleurs, demandant des nouvelles
aux personnes rencontrées, mais vous savez que là, aussi, il y a toujours des
âmes charitables pour retourner le couteau dans la plaie; non seulement on ne
répond pas à la question posée mais on pose d'autres questions:
Ah, c'est vous Madame qui avez perdu le petit ? Quel âge qu'il avait votre
enfant ? … 
Il avait 12 ans mon Jésus!… 
12 ans ? Il n'a pas de langue alors, 12 ans, quand même !… ou bien…
Oui, c'est moi qui ai perdu le petit Jésus.
Et combien en avez-vous de petits Madame ?… 
Je n'avais que lui Madame…
Comment vous n'aviez que lui et vous le perdez ?… Voyez, moi, j'en ai cinq de
petits, et je ne les perds pas, il faut faire attention Madame…
Les voilà revenus à Jérusalem sans Jésus, le cherchant affolés, dans la grande
ville. Évidemment, cela fait du bruit, tout le monde s'en occupe et tout le monde
interroge la Sainte Vierge, si douce, si délicate, 3 jours et 3 nuits ils vont le
chercher… 
Enfin le 3ème jour, étant montés au Temple, ils retrouvent Jésus au milieu des
docteurs. Son cœur a dû sauter de joie. Elle se dit: Dès qu'Il va me voir Il va
me bondir dessus, c'est le moins que l'on puisse penser d'après l'amour qui les
unit et cette cruelle séparation forcée. Elle s'approche donc, et Notre-Seigneur
qui l'a vue, lui fait un petit signe… oui, pour lui montrer qu'il l'avait vue, mais pas
un pas de plus !!! Après avoir pris congé des docteurs il revient vers elle,
tranquillement, comme si de rien n'était… La Sainte Vierge a alors extériorisé
son inquiétude: ,,Mon Fils, pourquoi avoir fait cela ? Votre Père et moi, nous
vous cherchions le cœur plein d'angoisse ?”. … Réponse, un coup de poignard:
,,Pourquoi me cherchez-vous ma mère ? Ne savez-vous pas qu'il faut que je
sois aux ordres de mon Père du Ciel ?”. … C'est comme s'il lui avait dit: Je ne
suis pas venu, ma mère, pour votre plaisir, je suis venu pour sauver les
hommes, et là, dans cette scène, Il a fait comme une répétition de ce qu'il ferait
20 ans plus tard; de ce que ferait la Sainte Vierge, aussi, mais cela sera alors
beaucoup plus terrible: elle souffrira jusqu'au paroxysme pendant 3 jours et 3
nuits après l'avoir reçu dans ses bras, écrasée, au pied de la Croix.
Oui, Notre-Seigneur a montré là à sa mère qu'elle était associée à la
Rédemption et, au cours des siècles, Notre-Seigneur a voulu appeler par
millions des jeunes gens, des jeunes filles qui, eux aussi, feraient des
objections. Mais, Seigneur, on a besoin de moi à la ferme, on a besoin de moi à
l'atelier; que va devenir mon père ? qui va subvenir à ma mère ? elle comptait
sur moi, on n'a plus de servante, mon père comptait sur moi pour sa
succession…
Hé Mademoiselle, moi aussi j'ai besoin d'épouses pour les missions, pour me
faire connaître là-bas; moi aussi, j'ai besoin de prêtres – 50 grands séminaires
ont fermé en France depuis la fin de la guerre – la France qui avait chaque
année un appoint de 1'300 prêtres par an, n'en a pas même 500 maintenant, …
alors, ce jour-là, Notre-Seigneur a voulu écraser le cœur de sa mère, … le
cœur de son père… et le sien, pour pouvoir dire aux cours des siècles à ces
jeunes gens et à ces jeunes filles: ,,Allez, laissez tout… laissez tout… venez
travailler avec moi au Royaume des Cieux…
*******
Voilé mes chers Messieurs, quelques belles images à contempler: Je vous
rappelle les difficultés de Joseph au retour de la Sainte Vierge qui était allée
aider pendant plus de 4 mois sa vieille cousine Élisabeth, lorsqu'il s'aperçoit
que Marie, elle aussi, va devenir maman. Le départ pour Bethléem. Qui en
donne l'ordre ? Un païen, César. Les accompagner sur la route. Ils sont
pauvres et c'est toujours difficile pour les pauvres. Chassés de partout, même
par leurs parents; le caravansérail, puis la grotte enfin. La naissance de Notre-
Seigneur dans la plus grande pauvreté. Adorez avec les Bergers. Offrez vos
présents. L'arrivée et l'adoration des Mages. La fuite en Égypte, le séjour en
Égypte et le retour de la Sainte Famille à Nazareth. 30 ans dans l'humilité,
l'obéissance. Pourquoi cela ? Nous devons faire la volonté de Dieu là où il nous
veut. Enfin la perte de Jésus au Temple et son recouvrement après 3 jours de
recherches. Regardez les personnes, les écouter, voir ce qu'elles font.
Nourrissez-en votre âme, mais pour les jeunes, je leur conseillerai de s'attarder
de préférence au dernier tableau. Peut-être que Jésus vous parlera plus
particulièrement. Allez, allez faire vite cette belle contemplation.
* * * * * * * ((fin page 220))

((page 221))
LES DEUX ÉTENDARDS
Nous allons passer maintenant, mes chers Messieurs, aux choses pratiques.
Page 380 au N° 135:
Préambule pour la considération des divers états de vie: Nous venons, dans la
contemplation précédente, de considérer l'exemple de Notre-Seigneur Jésus-
Christ dans deux états de vie:
Le premier, qui est celui de l'observation des commandements, lorsqu'il était
sous l'obéissance de ses parents.
Le second, qui est celui de la perfection évangélique, lorsqu'Il resta dans le
Temple, abandonnant son père adoptif et sa mère selon la nature, pour vaquer
uniquement au Service de son Père éternel. Nous commençons donc ici, tout
en contemplant sa vie, à rechercher devant Dieu et à Lui demander avec
instance la grâce de nous faire connaître en quel état ou genre de vie sa divine
Majesté veut se servir de nous…
Comprenons bien, Messieurs, ces lignes au sens un peu énigmatique. Notre-
Seigneur est venu donner l'exemple à tous les hommes: à ceux qui vivent en
famille mais aussi à ceux qui se consacrent totalement à Dieu. Je dis
"totalement", parce que d'une façon générale, nous sommes déjà tous des
consacrés de par notre baptême… donc, Notre-Seigneur Jésus-Christ, étant
notre modèle, se devait de faire cela et c'est en laissant sa famille pendant trois
jours pour aller dans le Temple qu'Il a donné l'exemple aux consacrés: prêtres,
religieux, religieuses.
Ensuite Saint Ignace vous dit qu'en regardant la vie et les exemples de Notre-
Seigneur, vous demandiez à Dieu en quel état ou genre de vie vous devez
vous mettre pour répondre à son plan: L'état, voyez-vous, concerne en
particulier les jeunes gens qui n'ont pas encore choisi. Quel état de vie vais-je
choisir, moi ? … Fonder un foyer chrétien, c'est-à-dire un foyer qui observera
les lois du mariage ? … ou bien le Bon Dieu ne voudrait-il pas plutôt que je
devienne prêtre dans une paroisse ? – les séminaires en France se ferment les
uns après les autres! – ou bien missionnaire, religieux, ou encore dictins, les
Franciscains, les Dominicains, les Trappistes, que sais-je moi ? … ça, c'est
l'état de vie, choisir un état, c'est-à-dire une chose stable… et puis alors: le
genre de vie, qui, lui, concerne ceux qui ont déjà choisi, par exemple: moi je
suis marié, moi je suis prêtre, moi j'ai ce travail, j'ai mes enfants… donc il faut
que je recherche quel genre de vie je dois adopter pour répondre pleinement à
ce que le Bon Dieu attend de moi… j'ai déjà ma femme, mes enfants, mon
travail, mes habitudes… quelques-unes bonnes, quelques-unes pas très
bonnes, d'autres médiocres, peut-être mauvaises… Que faut-il que j'arrange ?
Quel genre de vie devrais-je adopter, là, dans un état qu'il ne m'est plus
possible de changer mais qu'il me faut sanctifier pour répondre aux avances
divines ? …
Vous voyez donc la différence et je résume: Nous commençons – tout en
contemplant la vie de Notre-Seigneur, notre modèle – à rechercher en quel état
(ceux qui n'ont pas encore choisi) ou en quel genre (les autres) la Divine
Majesté veut se servir de moi.
3ème paragraphe N° 135: Pour entrer en quelque manière en cet examen,
nous verrons d'un côté l'intention de Notre-Seigneur Jésus-Christ et, de l'autre,
celle de l'ennemi de la nature humaine…
Nous allons voir là, Messieurs, l'un des facteurs capitaux, un facteur qui joue
dans notre destinée et que l'on oublie beaucoup à notre époque, à savoir:
l'intention de Notre-Seigneur Jésus-Christ de nous sauver pour que nous
puissions répondre à l'appel de son Père et celle qui lui est contraire, de
l'ennemi de la nature humaine essayant de nous perdre.
Je continue: et, en connaissant bien ce double jeu, en quelles dispositions nous
devons nous mettre pour parvenir à la perfection en n'importe quel état ou
genre de vie que Dieu Notre-Seigneur nous a amenés de choisir.
Il y a là beaucoup de vérités. Cela montre aussi que le Bon Dieu, à l'avance, a
décrété les chemins que nous devons prendre pour arriver au but… dans une
retraite, il nous appartient de les rechercher: quel état Dieu veut-Il que je
choisisse ? Quel genre de vie dois-je adopter pour parvenir à la perfection ?
Autre vérité aussi: beaucoup s'imaginent que la perfection n'est réservée
qu'aux prêtres ou aux religieux… Non! la perfection doit être recherchée par
tous, c'est ainsi que Saint Paul nous dit dans sa première aux
Thessaloniciens: ,,HAEC EST ENIM VOLUNTAS DEI SANTIFICATIO VESTRA
_ Ce que Dieu veut c'est que nous devenions des Saints” !
Permettez-moi de vous rappeler à cet effet une vérité de bon sens qu'on oublie
trop souvent: Un jour, au Ciel, il n'y aura que des Saints!… oui, un jour au Ciel
– je répète la proposition – il n'y aura que des Saints et Saint Paul, comme
Saint Jean l'apôtre de l'amour, nous répète: ni les voleurs, ni les impudiques, ni
les invertis, ni les efféminés, ni les avares, ni les ivrognes, etc… n'entreront
dans le Royaume des cieux… eh oui, ne l'oublions pas car nous en sommes
certains, au Ciel, il n'y a que des Saints!…
Je ne veux pas dire par là qu'il n'y a que des Saints canonisés et définis
comme tels par la liturgie ou la commission des Rites, non! c'est une autre
question car ceux-là ont eu le privilège de pouvoir montrer une sainteté
héroïque… oui, rappelons-nous de cela que tous nous devons arriver à la
perfection et je vous répète: Dieu qui a imposé une perfection relative aux êtres
non libres, ne l'impose pas à nous; Il nous l'offre, à condition bien entendu, que
par toute notre vie nous acceptions les modalités de ce plan! Voyez… nous
revenons toujours au Principe et Fondement, vous le remarquerez, Saint
Ignace y revient chaque fois…
****
Ceci dit, nous allons maintenant faire la méditation des deux Étendards: l'un de
Jésus-Christ, notre chef souverain et Seigneur, l'autre de Lucifer, ennemi
mortel de la nature humaine.
Certaines traductions portent "ennemi capital" – je préfère ce dernier terme; il
est plus exact en ceci qu'il indique mieux un ennemi qui "frappe à la tête".
La prière préparatoire ne change pas.
Le premier préambule consiste à se rappeler le fait historique de la méditation:
Ici, c'est, d'un côté, Jésus-Christ qui appelle tous les hommes et veut les réunir
sous son étendard; de l'autre c'est Lucifer qui les appelle sous le sien.
Mes chers Messieurs, cette méditation va vous faire comprendre quelques
grandes vérités trop oubliées à notre époque, d'abord:
- qu'il n'y a que deux camps, ni plus, ni moins; deux camps qui sont
nécessairement dressés l'un contre l'autre; deux camps par la volonté même
de Dieu…
Après le péché originel, Dieu, s'adressant au démon lui dit: ,,Je posera une
inimitié entre toi et la femme, entre sa race et la tienne; tu chercheras à la
mordre au talon mais elle t'écrasera la tête”. La femme vous savez qui est-ce:
c'est la femme par excellence, la Vierge Marie, l'Immaculée qui a donné le jour
au Verbe incarné; oui… c'est pourquoi elle t'écrasera la tête! – c'est pourquoi
d'ailleurs les Statues traditionnelles de la Sainte Vierge la représentent presque
toujours écrasant la tête du démon, du serpent infernal – je poserai, Moi, (c'est
Dieu qui parle) une inimitié entre sa race et la tienne et déjà, dans l'Ancien
Testament, nous voyons les deux groupes s'affronter sans arrêt dans une
guerre mortelle: des prophètes de Dieu qui ont été tués, qui ont été sciés
comme dit Saint Paul; torturés par les autres, les prophètes de BAAL, les faux
prophètes… On le voit surtout dans le livre des Rois, cette lutte entre Elle le
grand prophète, Elisée aussi son disciple, contre les faux prophètes de Baal et
des païens…
Ces deux groupes sont encore plus affirmés dans le nouveau testament par
exemple: les Anges qui à Noël chantent "Gloire à Dieu au plus haut des cieux
et sur terre paix aux hommes de bonne volonté". Donc: il y a des hommes de
bonne volonté mais il y a les autres, ceux qui ne le sont pas et cela fait deux,
n'est-il pas vrai ?
C'est encore affirmé dans le mystère du 2 février: l'Enfant Jésus est porté au
Temple par sa mère 42 jours après sa naissance pour être offert à Dieu et un
saint vieillard, rempli de l'Esprit de Dieu, nous dit Saint Luc, vient au temple,, il
reconnaît l'enfant Jésus au milieu de tous ceux qui se trouvaient là pour le
même motif, le prend des bras de sa mère et il l'offre au Père en disant: ,,Cet
enfant sera un signe de contradiction… il est venu pour la ruine des uns et le
salut des autres afin qu'un jour les pensées cachées dans un grand nombre de
cœurs soient révélées – ,,ut revelentur ex multis cordibus cogitationes” la
contradiction, en logique, nous avons appris cela en philosophie, c'est le oui
apposé au non, l'un étant la destruction de l'autre; il ne peut y avoir
d'accommodement entre les deux… c'est le même antagonisme qu'entre l'eau
et le feu, qu'entre la lumière et les ténèbres et le Saint vieillard d'expliquer: ,,Il
est venu pour la ruine des uns et le salut des autres”.
Il est assez rare de voir commenter ce verset en chaire catholique: que Notre-
Seigneur est venu pour la ruine des uns (c'est dit en toutes lettres) et pour le
Salut des autres! C'est très mystérieux n'est-il pas vrai ? je veux dire par là que
quels que soient nos efforts nous ne pouvons pas tout sauver… car on nous dit
quelquefois que si on n'a pas sauvé tel ou tel, c'est la faute aux catholiques…
c'est possible… mais on oublie de dire que le démon était derrière… car il y a
des gens qu'on ne peut pas arriver à sauver!… lorsque nous voyons dans
l'évangile tout ce que Notre-Seigneur a fait pour sauver Judas, Judas qu'Il avait
pourtant choisi!… Il l'a gardé 3 ans avec Lui!… Judas a sans doute fait des
miracles et cependant, Judas, qui avait au cœur deux passions non maîtrisées,
la cupidité et surtout l'orgueil, car toutes les passions nourrissent l'orgueil, le
Moi, – Satan s'est servi de cette passion pour entraîner ce disciple jusque dans
l'abîme… il est donc certain que nous ne pouvons pas sauver tout le monde…
nous devons essayer de le faire, ça oui, mais à l'arrière plan nous devons tenir
pour vraie cette vérité qu'il y a des gens pour lesquels il n'y a rien à faire… Ils
sont démoniaques, ils veulent se damner, ils ne veulent rien faire de ce que
Dieu attend d'eux, ils sont méchants: c'est une réalité qu'il y a des méchants
sur la terre et on est dans l'erreur de croire le contraire, comme Victor Hugo,
par exemple, qui disait que chaque fois qu'on ouvrait une école, on fermait une
prison!… oh, oh! on en a ouvert des écoles depuis Victor Hugo, mais on a
multiplié aussi les prisons et pourquoi ? … Parce qu'il y a des gens méchants et
nous-mêmes le sommes aussi, plus ou moins… nous comprenons bien que si
nous nous laissons entraîner le mal augmentera en nous!!… Voyez… il faut
faire effort pour nous arracher peu à peu aux griffes du péché originel et pour
répondre à Dieu.
Oui, il y a deux camps sur la terre: ceux qui veulent sérieusement se sauver
grâce à Notre-Seigneur Jésus-Christ et aux moyens qu'Il a laissés à son Église,
et les autres: ceux qui ne le veulent pas. Ces deux groupes, vous les trouvez
partout!… 
Il ne faut pas croire que c'est le groupe des catholiques et des non catholiques,
ce n'est pas vrai cela! C'est ainsi que Saint Augustin dit un jour à l'Église:
,,Vous avez des enfants parmi vos ennemis, mais vous avez des ennemis
parmi vos enfants” parmi ceux qui paraissent chrétiens, qui sont baptisés, qui
sont catholiques, vous avez des ennemis!… 
Par contre, parmi ceux qui ne sont pas catholiques, des protestants, des païens
et autres mais qui se conduisent avec les lumières qu'ils ont reçues dans leur
pauvre religion eh bien, s'ils sont de bonne foi, de bonne volonté, le Bon Dieu,
s'il faut, leur enverra des missionnaires… on a d'admirables cas où l'on voit que
le Bon Dieu agit d'une façon extra-légale pourrait-on dire, par des moyens
presque miraculeux pour sauver des gens de bonne foi dans le paganisme,
l'Islam ou autres religions…
N'oublions pas cela, que les deux camps existent partout, on le voit même en
nous. Pourquoi ? Je vous faisais remarquer hier ce que disait Saint Paul à ce
sujet: ,,le bien que je veux faire je n'arrive pas à le faire et le mal que je crains,
j'y tombe. Malheureux homme que je suis”. Vous constatez donc ce dualisme,
nous le sentons en nous: nous y avons les racines du péché originel, mais
nous y avons aussi les racines du baptême; nous avons en nous l'héritage
d'Adam c'est-à-dire celui du refus, de la désobéissance, du péché, mais nous
avons aussi l'héritage reçu du baptême, la grâce de Jésus-Christ… voyez!… le
vieil homme… et le nouvel homme, tout cela existe en nous et nous devons
nous garder de ne pas nous laisser entraîner car il y a des passages continuels
d'un camp à l'autre par exemple: Saint Paul qui était d'abord dans le mauvais
camp, en se convertissant sur le chemin de Damas est passé dans le bon;
Judas, qui était dans le bon, a déchu et est passé dans le mauvais pour arriver
à se damner.
A notre époque, – car rien ne change – c'est pareil: Combien de gens qui se
convertissent, qui changent de vie passant ainsi du mauvais camp dans le bon;
par contre, hélas, combien de ceux qui sont dans le bon camp passent dans le
mauvais… même des prêtres… qui défroquent. qui se marient bêtement. ils
s'en vont… pourquoi ? Et c'est de leur faute, … c'est de leur faute… comme
c'est notre faute à nous lorsque nous sombrons dans le péché… nous savons
en effet que nous avons les moyens pour nous défendre et nous sauver mais:
ou nous ne voulons pas les prendre, ou alors, voulant faire les malins, nous
nous laissons entraîner par notre orgueil, par nos passions, nos attirances car
le démon est là… il y a un démon, Messieurs, comprenons bien cela, ces deux
camps, c'est très mystérieux, mais c'est un fait…
Ah! autre vérité aussi: beaucoup de gens qui apparemment sont dans le camp
de Jésus-Christ parce qu'ils ont certains gestes chrétiens sont en réalité dans le
camp de Satan… je ne me rappelle pas quel saint disait aussi qu'on pouvait
avoir les gestes de la Charité et ne pas avoir la Charité du tout: on l'a lu encore
récemment dans la belle épître de Saint Paul: ,,Quand je donnerai tous mes
biens aux pauvres, si je n'ai pas la Charité…” donc on peut tout donner aux
pauvres et ne pas avoir la charité… il le dit en toutes lettres… oui, il y a des
gens qui se font illusion à ce point de vue: ils ont une certaine pratique
chrétienne, ils ont des gestes de la foi, ils ont même quelquefois des gestes de
Charité mais par le fond de leur vie ils sont avec Satan, par leurs goûts et par
leurs choix, – nous allons le voir – et ces gens-là, qui extérieurement paraissent
être dans le camp de Jésus-Christ, sans arrêt, apportent du mauvais camp des
marchandises avariées qui abîment les chrétiens, sans arrêt… sans arrêt…
Vous pourriez vous rappeler aussi cette belle parabole de l'ivraie et du bon
grain: Ce père de famille qui avait semé du bon grain dans ses terres et, au
printemps, au moment où les pousses commencent à sortir du sol, s'aperçoit
que mêlée au blé, il y a aussi de l'ivraie, plante mauvaise qui gêne le blé. Et
comme on lui affirme que c'est bien du froment qui a été semé, il en conclut
que c'est l'ennemi qui a fait cela pendant que les ouvriers dormaient. Mais il
leur interdit d'arracher l'ivraie car en l'arrachant on arracherait aussi le blé et il
ordonne de laisser croître le blé et l'ivraie pour que, au moment de la moisson
le froment puisse être engrangé et l'ivraie brûlée.
Cette parabole est très claire aussi: on y retrouve ce mélange du bon et du
mauvais et tant que nous serons sur la terre nous trouverons ce mélange, ces
deux camps.
Enfin, autre vérité aussi: l'existence du démon.
Il y a des gens qui ne croient plus au démon, qui ne croient plus de même aux
anges. Le démon – ne faisons pas du manichéisme n'est-ce pas ? Saint
Augustin, avant sa conversion, était manichéen, c'est-à-dire qu'il croyait à deux
principes égaux en puissance: un principe bon et un principe mauvais, Dieu
était le bon, le démon le mauvais… Non! c'est complètement faux: il n'y a que
Dieu éternel et tout puissant, tout bon, tout amour… et le démon n'est qu'un
vaincu de Dieu, un ange déchu… les démons sont tous des anges déchus,
mais le Bon Dieu permet aux démons de faire certaines choses pour réaliser
ses desseins à Lui (ce sont ces règles que vous étudiez plus spécialement
dans les réunions de 11 heures). Ne croyons donc pas à deux puissances
égales, le démon n'est qu'une créature foudroyée par Dieu et, encore une fois,
il s'agit d'anges déchus à qui Dieu a laissé la puissance de leur nature; de ce
fait ils n'ont pas de problèmes naturels et ils peuvent tenter les hommes autant
que le Bon Dieu le leur permet; c'est ainsi que si les hommes se donnent à eux
en se laissant aller à leurs passions leur influence peut aller très loin, car ils
peuvent alors dire à Dieu: Pardon, ceux-ci nous ont donné tels gages et nous
obéissent, ce qui oblige le Bon Dieu – si l'on peut ainsi s'exprimer – à leur
accorder de nouvelles possibilités de tentation!… 
Comprenons donc bien ces trois vérités:
1.- Il y a deux camps sur la terre, opposés, en lutte jusqu'à la fin des temps.
La Sainte Écriture commence (en ???) nous rappelant cela: Après le péché
originel c'est Dieu lui-même qui dit: ,,Je poserai une inimitié entre toi et la
femme”. Dans la dernière page de son Évangile, Saint Jean, dans ses
révélations de Pathmos où il avait été exilé par l'empereur Domitien, nous
raconte à l'avance la fin des temps où il voit les grandes luttes dernières qui se
termineront par la victoire totale du Christ-Roi au jugement dernier, mais,
auparavant, par la lutte incessante entre les bons et les mauvais, où, bien
souvent, l'Église aura beaucoup à souffrir des méchants! Remarquez que
l'Écriture Sainte commence en affirmant cette vérité et se termine en
réaffirmant à nouveau cette lutte jusqu'à la fin des temps, sans arrêt… Partout
ces deux groupes! Nous voyons également en nous cette dualité: nous
risquons donc de nous laisser entraîner dans le mauvais camp.
2.- Beaucoup de ceux qui paraissent être extérieurement dans le camp de
Jésus-Christ sont en réalité dans celui de Satan, portant sans arrêt dans le
camp de Jésus-Christ des marchandises avariées.
3.- Le démon existe. Il a de grandes possibilités; c'est un ange déchu vaincu de
Dieu qui a conservé la puissance de sa nature. Si nous lui donnons des gages,
Dieu lui permet de nous tenter davantage et lui accorde les nouveaux droits
qu'il réclame.
Le deuxième préambule est la composition de lieu:
Ici, on se représentera un grand camp dans cette région de Jérusalem
(Jérusalem, je vous le rappelle, en Araméen et en Arabe veut dire "vision de
paix") où se trouve le Chef de tous les bons, Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est
du symbolisme bien sûr. Saint Ignace nous situe là, en bref, les grands
quartiers généraux des deux camps tandis que les troupes, comme le montre le
premier préambule, sont très mélangées, comme dans une guerre de
mouvement… on ne sait pas toujours à qui on a à faire mais les quartiers
généraux, eux, sont très séparés. Nous avons donc: d'une part, Jérusalem,
vision de paix, avec Notre-Seigneur qui est appelé le prince de la Paix et,
d'autre part, un autre camp qui se situe dans la région de Babylone (Rappelez-
vous, Babel, la tour de Babel, tour de confusion et de désordre où les langues
se sont opposées) Babylone, où se trouve le Chef de l'ennemi.
Vous voyez ainsi l'opposition: le Prince de la paix d'un côté, le Chef de la
confusion et du désordre de l'autre.
Troisième préambule: Ici je demanderai 4 grâces:
Premièrement: la connaissance des tromperies du mauvais Chef et l'aide pour
m'en garder (donc deux grâces: connaître les ruses, les tromperies d'une part;
puis le secours, l'aide pour m'en garder d'autre part;
Secondement: deux autres grâces pour: en premier lieu, connaître la véritable
doctrine enseignée par le vrai chef et, en second lieu, suivre cette doctrine et la
vivre.
Comme vous le constatez, 4 grâces allant deux par deux, que nous ne pouvons
pas séparer c'est-à-dire que: si nous voulons connaître les ruses du démon
(première grâce), et nous en défendre (deuxième grâce), nous devons
connaître la véritable doctrine (troisième grâce) et la vivre (quatrième grâce).
Il y a une vingtaine d'années, ici même, un militant communiste faisait sa
retraite… il arrive assez souvent que des militants marxistes viennent faire une
enquête qu'ils n'ont jamais faite par logique. Il l'a donc faite entièrement mais
n'a pas voulu se confesser ni par conséquent communier. Au départ, je l'ai
accompagné au portail et je lui ai dit alors: ,,Mais enfin, vous déclarez vous-
même avoir recouvré la foi, si donc vous persistez dans ce refus catégorique
de ne pas vouloir vous confesser c'est pour vous la damnation si la mort vous
surprend dans ces dispositions…”.
Eh bien, me dit-il, c'est possible, je le vois bien, mais je ne peux faire
autrement!
Le mois suivant, il nous a envoyé un de ses amis, communiste aussi. Il a fait sa
retraite, s'est confessé, a communié, bref a tout fait et nous avons eu, ensuite,
l'occasion de parler de son ami.
Mais pourquoi a-t-il agi ainsi ?
Ah, je vais vous l'expliquer: il vit avec une femme qui n'est pas légitime, une
véritable tigresse! Il voyait clair effectivement… logiquement, s'il s'était
confessé il devait rompre avec cette femme n'est-il pas vrai ? Elle était capable
de le tuer s'il avait rompu avec, voyez!…
Donc, une grâce pour connaître les ruses du démon… mais aussi pour m'en
garder… et ce n'est pas la même!… Il voyait clair en effet mais il n'a pas eu le
courage de rompre!
Et comme, il y a 4 ans, je passais dans son pays dans les Hautes Alpes, je
demandais au secrétaire qui lui aussi avait fait la retraite avec lui: Mais, qu'est
donc devenu votre ami ? Il me dit alors: ,,Pendant un an il est venu à la messe
tous les dimanches; il avait bien retrouvé la Foi mais restait éloigné des
sacrements; il venait au cercle d'étude, encourageant même de jeunes
communistes à aller faire leur enquête religieuse et c'est vrai, plusieurs sont
venus à Chabeuil pour cela…
Et maintenant ?
Eh bien, maintenant il a été repris par le parti, il milite à nouveau. Il s'est marié
civilement il y a quelque temps avec la femme d'un député de Marseille,
marxiste comme lui; comme chez eux le mariage libre est admis facilement, ils
acceptent la situation ainsi créée, voilà!…
Alors, voyez-vous, grâce pour connaître les ruses et grâce pour m'en défaire de
ces ruses… mais si je veux avoir ces deux grâces, il faut que j'obtienne les
deux autres: celle de connaître la vraie doctrine et celle de la vivre…
Connaître la vraie doctrine et la vivre:
En ce moment, même à l'intérieur du catholicisme, existent beaucoup de
courants: des courants donc quelques-uns sont mauvais, voire même
hérétiques et destructeurs de la Foi. Pourquoi ?
Parce que, chez beaucoup d'entre nous – nous sommes enfants d'Adam – il y
a une tendance, chez ceux qui ont la foi, à vouloir arriver au Ciel évidemment!
mais une tendance aussi à minimiser le prix pour l'atteindre, pour le conquérir,
c'est-à-dire que nous traitons avec Dieu comme on traite en affaires… En
affaires, lorsqu'on revend, on tâche de le faire le plus chef possible, bien
sûr… ce sont les affaires, le business!… eh bien, avec le Bon Dieu, on veut
faire pareil: on veut bien aller au Ciel mais on demande un rabais pour l'obtenir!
… Mais comme ce rabais n'est pas possible eh bien, on se l'accorde… je vois à
cet effet beaucoup de monde et pas seulement en France, mais en Suisse, en
Italie, en Belgique, en Espagne; j'ai prêché également au Canada et au
Portugal et partout j'ai pu y rencontrer des catholiques qui se sont accordé un
prix… qui ont arrangé deux ou trois commandements et qui viennent ensuite
vous dire: Oui, mais le Révérend Père m'a dit que… Hé non, mes chefs
Messieurs, dans l'hypothèse où il est exact que vous ayez bien compris ce qu'il
a voulu vous dire, le Révérend UNTEL n'a pas, que je sache, le droit de
corriger le Christianisme voyons!… Notre-Seigneur est justement venu sur la
terre pour nous dire comment il fallait faire!…
Alors, on pourrait comme cela corriger Notre-Seigneur Jésus-Christ ? Ça ne
tient pas debout, vous le voyez bien… nous avons quand même assez de
logique pour cela… à moins que nous préférions ne pas vouloir comprendre ?
Mais alors attention!… 
C'est qu'en ce moment on connaît un peu plus de 23'000 sectes Chrétiennes
sur la terre parmi lesquelles il y a au moins un nom et parfois quelques
centaines d'adhérents (statistiques publiées, connues, au point de vue
religieux) c'est-à-dire qu'il y a au moins 23'000 fous, depuis 4 siècles surtout,
qui ont essayé de corriger Notre-Seigneur Jésus-Christ, peu ou prou, parce que
toutes ces sectes ont, évidemment, une religion à elles, plus facile remarquez-
le, que celle de Notre-Seigneur, … aucune ne l'a plus dure, plus difficile, c'est
curieux!… 
Même dans le catholicisme nous voyons des tendances pareilles, pourquoi ?
Mais parce que dans le cœur de beaucoup d'entre-nous il y a un petit Mahomet
qui sommeille!… Un jour, un catholique de Paris, publiciste, me disait: ,,Mon
Père, on ne peut pas se sauver en étant musulman ? C'est qu'en prenant trois
ou quatre femmes, moi ça m'intéresserait!!”. Eh oui, bien sûr que c'est plus
facile dans l'Islam… évidemment! Chez Luther aussi c'est plus facile… Luther,
qui était moine a quitté son couvent puis il a pris une religieuse pour fonder un
foyer chrétien modèle – j'emprunte le fait à l'histoire – puis il décide du libre
examen… c'est plus facile oui, mais ce n'est pas la religion de Notre-Seigneur,
c'est la religion revue et corrigée par Martin Luther.
C'est plus facile bien sûr et tous nous avons plus ou moins tendance à nous
accorder un prix aussi alors, comprenez-le bien: une grâce pour avoir la
connaissance de la ruse, de la tromperie du démon; une deuxième pour m'en
garder; puis ensuite une troisième pour connaître la véritable doctrine
enseignée par le suprême et vrai capitaine qui a son représentant à Rome,
enfin une quatrième grâce pour l'imiter (attention au mot "l'imiter" ne supprimez
pas l'apostrophe parce qu'au lieu de "l'imiter pour faire pareil" vous auriez "pour
limiter les dégâts". Alors, pas d'histoire…).
PREMIER POINT:
Dans ce premier point, nous demandons ces 4 grâces…
Je représenterai le Chef du parti ennemi dans ce vaste camp de Babylone,
comme assis dans une chaire élevée, toute de feu et de fumée, sous des traits
horribles et d'un aspect épouvantable.
Sous forme de récit historique Saint Ignace nous découvre une scène
symbolique, nous représentant d'abord le démon assis sur une chaire élevée.
Quels sont ceux qui montent dans une chaire élevée ? Généralement les
grands professeurs de sciences…
Au début de l'humanité, le démon a réussi à faire tomber l'homme par l'appât
de la science… je vous rappelle que les anges déchus ont conservé la
puissance de leur nature et leur intelligence est telle qu'il n'y a pour eux aucun
des problèmes naturels sur lesquels butent les hommes qu'ils soient de
physique, de chimie, de paléontologie, de biologie, de gravitation, de formation
des astres, etc… 
Ils savent que l'intelligence de l'homme est beaucoup plus faible et qu'elle ne
prend la vérité que par petits morceaux: un peu comme quelqu'un qui, même
s'il a grand faim, ne peut avaler un pain entier d'un seul coup et se trouve
contraint de le couper en tranches et de le manger bouchée après bouchée, il
en est de même au point de vue intellectuel et nous n'assimilons que
progressivement, par argumentations successives. Sachant cela le démon très
puissant et très intelligent, nous propose la science pour nous élever: ,,Mange
du fruit de l'arbre et tu aurais la science” !
Voyez, dès le début il a frappé à la tête et il continue – dans les retraites de 30
jours où on a le temps, nous montrons ce processus dans l'histoire… 
Pourquoi les Juifs ont-ils déchu et se sont-ils dressés contre Notre-Seigneur, eh
bien sous couvert de science!… Dans le paganisme, qui sont ceux qui dirigent
tout ?… Les sorciers… eux qui prétendent avoir la science et, effectivement, ils
ont parfois des pouvoirs très grands qui leur sont donnés par le démon, et ils
s'imposent ainsi à ces pauvres gens… Si nous avions le temps nous vous
expliquerions comment, depuis un siècle surtout, la lutte a été menée contre
l'Église catholique et ses bases, au nom de la science, de la science médicale
par exemple, avec la Salpêtrière; de la science des origines de la vie avec les
théories évolutionnistes, expliquant d'une façon matérielle les origines du
christianisme, essayant de se servir de la Bible pour saper les bases du
christianisme; puis dans l'Évangile, essayant d'expliquer que Jésus-Christ
n'était qu'un Homme, que c'était les Apôtres qui l'avaient ressuscité dans leur
imagination,… supprimant le miracle!… tout ça au nom de la science!…; de
plus, le démon cherche à frapper les élites d'abord, parce que, par les élites, il
dévore tout le monde après, c'est évident, le peuple suit après; les chefs de
l'Intelligence, les grands philosophes – ou plutôt ceux qu'on appelle les grands
philosophes! Il les recherche ces gens-là, et lorsqu'il trompe un homme qui a
une grande puissance intellectuelle, il sait très bien que cet homme-là fera des
livres, des conférences, et qu'il incitera des centaines de milliers de gens à le
suivre et à se révolter aussi…, un mauvais livre, imaginez… (((à vérifier ce
dernier mot!!!)))
Voyez le mal qu'a pu faire un Voltaire qui était très intelligent, un Rousseau
aussi. Ce sont ces gens-là qui arrivent à dévoyer les autres… donc le démon
frappe à la tête…
Ensuite le démon se sert des passions, pourquoi ? Mais parce qu'il sait que
pour répondre au plan de Dieu, l'homme a besoin de rester dans le rationnel.
Dès que nous quittons le domaine du rationnel et entrons dans celui du
passionnel nous ne pouvons plus répondre au plan de Dieu… C'est pourquoi
sans arrêt le démon cherche à nous placer dans le passionnel…
C'est facile à voir dans le monde actuel n'est-il pas vrai, combien le
débordement des passions est grand! l'orgueil, la cupidité, la haine, la colère…
Voyez dans le marxisme par exemple: Ils écrasent les autres au nom de le
liberté: Rappelez-vous il y a quelques dix ans les pauvres ouvriers du Budapest
qui voulaient un peu respirer, eh bien ils ont été écrasés par les tanks russes…
Cette nation qui se dit anticolonialiste par excellence, elle a bien montré
comment il fallait faire pour avoir des colonies… ou pays assimilés, en les
écrasant, et il faut marcher droit, hein ?… 
Les passions!… On déchaîne les passions; on se croit dès lors libres alors
qu'en fait on vit en pleine anarchie… on est libre pour faire le mal, mais on n'est
pas libre pour faire le bien!… Remarquez par exemple le cinéma: il pourrait
faire tant de bien ! c'est en effet une chose admirable en tant qu'invention, avec
tous les perfectionnements actuels, couleurs, grands écrans, pureté
remarquable dans les images et dans le son, c'est admirable au point de vue
naturel, mais !!… ce qu'on y met là-dedans! Regardez une affiche de cinéma,
sur 10 vous en voyez 9 avec une femme dépoitraillée qui vous menace d'un
revolver: les passions, la haine, la luxure très souvent: ou bien beaucoup de
Tarzan aussi avec de gros muscles… il est toujours mis en relief ce mélange
de passions dans les romans, la presse, la politique… même dans la
philosophie on les y fait entrer…
Sur le plan religieux, on estime les contraintes tyranniques, mais lorsque les
passions sont libérées de ces contraintes, on se croit libre, alors qu'on en est
devenu le prisonnier!… Et elles sont aidées à grand renfort de publicité qui
nous montre toutes ces impudicités, vantant la chair avec des femmes très
belles, parées des feux du studio, des Apollons, etc: et on vous répète cela
sans arrêt par l'affiche, la forme audiovisuelle, la forme sonore, pour imposer…
voyez… tout ça travaille pour le démon! Lorsqu'on voit en France tant de cafés,
tant de bistrots où un fleuve d'alcool roule sans cesse, emportant tant d'argent
et tant de gens, sans compter les établissements nécessaires à la
descendance qui révèle des enfants anormaux, les hôpitaux d'éthyliques et les
instituts de psychiatrie! Tout cela résulte des passions qui œuvrent pour le
démon…
Oui, une chaire élevée, tout de feu et de fumée…
Le feu, c'est les passions; mais la fumée en est la conséquence: Lorsque vous
avez beaucoup de matières grasses qui brûlent, vous avez beaucoup de
fumée. A Marseille, où il y a beaucoup de huileries et de savonneries, il n'est
pas rare d'en voir brûler une – je n'ai pas à en chercher les raisons, mais c'est
un fait – elles brûlent et les gens qui contemplent ce spectacle doivent rester à
une grande distance parce que les fumées sont très épaisses et très toxiques;
Les pompiers doivent utiliser le masque à gaz; si malencontreusement une
saute de vent conduit ces fumées vers vous les yeux pleurent, on est pris par la
toux, les formes deviennent fantomatiques, fantasmagoriques, hallucinantes;
elles perdent leur relief et on ne sait plus où l'on se trouve dans cette fumée
épaisse; eh bien, ici, sur le plan des idées c'est pareil: on est en plein dans la
confusion et on l'entretient avec des imprécisions voulues, des grands mots
vides et creux, des sottises, des sophismes, des propositions qui au premier
abord paraissent vraies et fondées, mais qui trompent le public parce qu'il y a à
l'intérieur un vice dans la proposition!… Voyez par exemple: au moment de la
Révolution – dite française puisqu'elle a été préparée à Londres, Amsterdam,
Berne et Paris – on avait mis partout (et cela continue d'ailleurs en France) la
devise: LIBERTÉ - ÉGALITÉ - FRATERNITÉ… Bien! Mais au nom de la Liberté
on vous met souvent les gens en prison… tous ceux qui ne veulent pas suivre
on les met en prison, cela s'est vu combien de fois!… ÉGALITÉ: alors tous
ceux qui dépassent, car il y en a toujours de deux-là, on leur enlève la tête pour
qu'ils ne soient pas plus que les autres… Le cardinal Thierry, dans ses
admirables exhortations à ses prêtres l'a rappelé, à savoir que beaucoup de
folies actuelles viennent d'une Révolution – il ne veut pas citer la France, n'est-
ce pas – mais on a commencé par dresser une guillotine sur toutes les places
publiques pour ramener les gens à l'égalité, et puis, enfin, la FRATERNITÉ:
vous savez où l'on en est maintenant; il n'y a qu'à lire les annales de la
Révolution française pour voir ce que c'est que la fraternité…, remarquez aussi
que cela continue, car quand est-ce qu'on a pu empêcher les gros d'écraser les
petits ?…
Ou bien autre slogan: LE PAIN, LA LIBERTÉ, LA PAIX. Les marxistes eux, sont
très forts pour promettre ça, mais lorsqu'on regarde une carte d'EURASIE,
d'Europe-Asie, on voit comment la Russie a partout installé son rideau de fer,
mais eux, les marxistes, ne sont pas colonialistes – qu'ils disent! mais les
peuples, les uns après les autres, ils les ramassent; et puis il faut obéir hein ?…
Et l'on nous parle d'un paradis… alors qu'à Berlin existe ce qu'on appelle le mur
de la Honte… Si c'est vrai cela, que la vie y est paradisiaque, tout le monde
devrait chercher à y entrer n'est-il pas vrai ?… mais comme c'est drôle, tout au
contraire, tout le monde cherche à s'en échapper, même au péril de la vie!… Et
je me demande à ce sujet comment nos marxistes français peuvent manquer
de logique au point de ne pas voir ces choses-là,… un paradis où on n'a qu'un
désir… s'en aller!!
Rappelez-vous aussi, il y a quelque 7 ou 8 ans, au Nord Vietnam, lorsque le
communisme, après avoir écrasé Dien-Ben-Phu, 800'000 personnes ont dû filer
au sud, laissant tout, parmi lesquels des païens qui avaient peur et avec raison,
ils ont filé aussi; rappelons-nous la Pologne martyrisée, rappelons-nous
Budapest! Oui, drôle de pain…, drôle de liberté…, drôle de paix… et partout
l'on voit cela, des confusions: On ne sait plus où est le vrai, on ne sait plus où
est le bien, toutes les notions du vrai et du faux sont noyées dans la fumée des
idées. Les marxistes en particulier – et ceux qu'ils mettent dans leur jeu – sont
très forts pour ces choses-là avec leur dialectique, et les francs-maçons aussi,
pour noyer les gens avec des mots sonores et creux qui ne veulent rien dire et
qui trompent.
Autres exemples pour illustrer cette science fumeuse: il est fréquent maintenant
d'entendre parler d'une humanité qui se dirige vers une Christ "cosmique"! Que
veut-on dire ? Est-ce le Christ Notre-Seigneur qui a vécu il y a environ 2'000
ans et qui nous a sauvés en mourant sur une croix ? ou veut-on dire qu'il s'agit
d'un nouveau Christ qu'on est en train de confectionner avec l'appui des
encyclopédistes, des philosophes, des biologistes, de certains théologiens et
des syndicats ? Mais si cela est- dites-le… ou bien on vous parle d'un monde
où le Christ descendra sur la terre pour nous juger comme le précise l'Évangile,
point n'est besoin d'appeler ainsi ce jour J, mais, c'est pour désigner autre
chose qui heurterait notre foi, précisez donc votre pensée!!… Non!… c'est du
fumeux, c'est l'équivoque… c'est même l'erreur puisqu'il a été avancé que
l'esprit peut sortir de la matière!!…
Autre exemple: Dans les manifestes de Marx ou d'Engels, on ne vous dira pas
qu'on ne veut plus de morale… oh! non… ils feraient sursauter tous ceux qui y
croient encore… mais ils vous disent: ,,nous ne voulons plus de cette morale
bourgeoise corrompue” … et c'est vrai qu'il y a des bourgeois corrompus et
nous n'en voulons pas non plus!… mais il n'y a pas de morale bourgeoise,
sachez-le bien, il y a une morale tout court!… et ils font ainsi passer toute la
morale dans une réprobation générale, à cause des turpitudes possibles des
bourgeois corrompus; quant à nous, ce que vous appelez "morale bourgeoise
corrompue", nous nous appelons cela "l'immoralité des bourgeois corrompus",
mais comme peut-être le lecteur n'aura pas fait attention, il trouvera comme
justifiée la nouvelle morale qu'ils nous fabriquent… Voyez, du fumeux!…
De même, vous constaterez, notamment dans les livres boudhistes
régulièrement publiés à Paris, comment ils s'y prennent pour ébranler la foi
chrétienne lorsqu'elle n'est pas bien accrochée: on ne vous dira pas que le
Christ n'est pas Dieu – cela ne se vendrait pas s'ils l'affirmaient – mais ils vous
disent entre autre que si le Christ, quand il est venu sur terre, avaient connue le
boudhisme, sans aucun doute il se serait fait boudhiste! Et puis lorsque le
lecteur arrive à la dernière page, sans en savoir le pourquoi, il ressent comme
un malaise qui peut-être ébranlera sa foi. On n'aura pas dit les choses pour
faire cabrer mais on les aura dites quand même pour glisser le doute dans
l'esprit du lecteur!…
Donc une chaire (((à confirmer, document imprimé dit "chaise"))) élevée,
toute de feu et de fumée, toute de feu et de fumée… la science fumeuse qui se
sert des passions pour mieux tromper les gens, et cela pour détruire le plan
d'amour et entraîner par haine les hommes dans l'Enfer…
DEUXIÈME POINT
,,Je considérerai comment le démon appelle autour de lui des démons
innombrables et comme il les répand, les uns dans une ville, les autres dans
une autre, ainsi dans tout l'univers, n'oubliant aucune province, aucun lieu,
aucune condition, aucune personne en particulier”.
Mes chers Messieurs, on vous l'a déjà dit, en pense – bien que cela ne soit pas
de foi – que des milliards d'anges ont été déchus et sont devenus des démons
acharnés à notre perte; le Bon Dieu le permettant, ils cherchent à nous dévorer.
Nous avons cette belle prière à Saint Michel Archange que nous lisons après la
messe pendant quelques jours encore: ,,Saint Michel Archange, défendez-nous
dans le combat, soyez notre soutien contre la perfidie et les embûches du
démon. Que Dieu réprime son audace, telle est notre humble prière. Et vous,
prince de la milice céleste, par la vertu divine, refoulez en Enfer Satan et les
autres esprits mauvais qui sont répandus dans le monde pour perdre les
âmes”… Et la sainte Église nous fait lire tous les jours dans le bréviaire le
,,Fratres sobrii estote et vigilate… Mes frères soyez sobres et veillez” parce que
votre adversaire le Diable est là rugissant, cherchant quelqu'un à dévorer. Oui,
le démon n'oublie rien, n'oublie personne, surtout dans les maisons de
retraites… Hou! les démons s'y multiplient pourquoi ? … parce que les hommes
qui viennent en retraite sont des dangers pour eux!… Croyez-moi, d'ores et
déjà vous êtes soulignés à l'encre rouge; après la retraite, après une bonne
retraite, attention! Vous êtes le type à surveiller… et ils vous feront la guerre, il
faut que vous le sachiez cela!… Et je vous fais remarquer, Messieurs, que
l'Église y croit au démon… et tous les matins et tous les soirs elle fait répéter à
tous ses consacrés ces prières, et il y en a d'autres… Oui, le démon n'oublie
aucun état, aucune personne, et plus un homme peut avoir contre lui de
l'influence mieux il s'en occupe pour essayer de le faire trébucher.
TROISIÈME POINT (le plus important)
Considérer le discours qu'il leur fait (à ses démons) comment il les
admoneste… dans le monde de Satan, voyez-vous, il n'y a aucun respect de la
personnalité; c'est l'écrasement, il faut accepter ou bien on est broyé, que ce
soit dans la franc-maçonnerie ou chez les sorciers… on n'est pas assez au
courant de ces choses-là, à savoir que dans les pays primitifs les pauvres
sauvages sont terrorisés par les sorciers qui tiennent du démon certains
pouvoirs! Les marxistes font pareil aussi: Rappelez-vous les purges au moment
de Staline, les tortures, les lavages de cerveaux, nous pourrions parler
maintenant de celle de MAO-TSE-TUNG!
Souvenons-nous aussi de celles de la République française! Au début il y avait
l'Assemblée constituante, beaucoup de braves gens qui voulaient faire un
changement qui était d'ailleurs nécessaire, mais un petit groupe d'extrémistes
existait à droite et à gauche. La gauche s'appelait la Montagne, et puis peu à
peu à la faveur de quelques forts en invectives, ils ont pu terroriser les autres,
ils les ont progressivement éliminés; ceux qui avaient du cran et qui ne se
laissaient pas éliminer, on s'en débarrassait en les assassinant ou en les
mettant en prison; ensuite, quand les montagnards furent les maîtres, il y eut
des bagarres entre eux parce qu'il y en avait qui étaient toujours plus purs que
les purs, et on est arrivé aux groupes de Robespierre, de Danton et d'Albert
Duchesne; puis Danton et Robespierre réussirent à écraser Duchesne; ensuite
Robespierre écrasa Danton et tous ses amis, guillotinés les uns après les
autres, mais, à ce moment-là, il y eut un sursaut des peureux qui se lièrent
entre eux, et ils ont eu à leur tour Robespierre et l'ont supprimé lui aussi!…
Oui, dans le monde de Satan, c'est la haine, on tue, on écrase… ,,Donc,
comment il les admoneste, leur ordonnant de jeter des filets et des chaînes. Ils
doivent tenter les hommes en leur inspirant d'abord le désir des richesses afin
de les conduire plus facilement à l'amour du vain honneur du monde, et de là, à
un orgueil sans bornes. De sorte que le premier degré de la tentation ce sont
les richesses, le second les honneurs, le troisième l'orgueil, et de ces trois
degrés il porte les hommes à tous les autres vices”..
Oui, allez doucement d'abord, et puis des filets de plus en plus! D'abord, tenter
les hommes par leur cupidité, leur faire prendre peu à peu tous les moyens
pour arriver à posséder une belle situation (alors que la loi de Dieu nous
appelle à avoir, par la pauvreté spirituelle, le détachement des biens d'ici-bas)
et pour arriver aux richesses, éliminer tout ce qui gêne…
Quand vous allez à la pêche, si vous y allez avec une ficelle et rien à
l'hameçon, vous pouvez y rester longtemps, les truites tourneront autour, vous
feront le pan de nez avec leur queue et vous rentrerez bredouille. Si vous
voulez prendre un beau poisson, eh bien, mettez du fil invisible, couvrez bien
votre hameçon avec un ver, ne faites pas de bruit, il y a là deux yeux qui
guettent et le poisson se dit sans doute: il n'est pas faux celui-là c'est bien un
vrai, et hop! ça y est!… Le démon n'est pas plus bête que vous, quand il veut
attraper les hommes, il a deux vers, le premier c'est l'argent, ça peut être la
propriété, la place, l'examen, le confort, que sais-je ? le second c'est les faux
honneurs du monde et avec ça, il fait marcher tous les hommes qui ne se
tiennent pas en garde contre lui! voilà un jeune couple très gentil. Ils ont fait un
bon petit mariage chrétien, ils sont pleins de bonnes intentions! Très bien,
décidés à élever leurs enfants bien chrétiennement, etc… Ils sont bien partis…
Posons les vers: Ça coûte cher les enfants! ah oui, ça coûte cher! comment
faire pour ma permanente et mes toilettes, comment acheter la voiture,
comment être libre ?… comment ferez-vous quand vous en aurez 14 ?…
Ah oui, c'est vrai, comment je ferai ?… et hop, elle a mordu; et pour avoir la
voiture, on éliminera les gosses!…
Remarquez qu'à partir de ce moment-là ils iront toujours à la messe… et même
à la Kermesse! mais Notre-Seigneur ne sera plus à sa place dans cette famille,
pourquoi ? Parce que ça coûte cher les enfants, on péchera pour ne pas se
priver, et Dieu ne sera plus Dieu dans ce foyer; c'est en plus un péché contre
l'espérance, car Dieu s'arrange toujours pour nourrir tous les enfants qu'on
voudra si le papa et la maman observent sa Loi! Moi je sors d'une famille
pauvre et nombreuse; il a fallu que je prenne la robe de prêtre pour être habillé
de neuf, cela ne m'a pas empêché de devenir grand et gros… Et puis il y a
aussi dans les "business" les coups bas et tant de choses qui sont horribles et
tout ça pour arriver sans se soucier de ceux qu'on écrase…
Ah!… il y en aura des révélations au Jugement dernier! Des gens qui
extérieurement paraissent mener une vie régulière, mais à l'intérieur!!… Ce
qu'ils auront fait au point de vue injustices par exemple pour arriver plus vite à
la possession des richesses!… Et lorsqu'on a les richesses, alors on arrive plus
facilement aux vains honneurs du monde; on se croit quelqu'un, on monte!…
Le premier qui a gagné à la loterie nationale en France, il s'appelait Bonhoure.
Il était coiffeur à Tarascon vers 1928, il y a bientôt 40 ans; il a gagné 5 millions,
en Provence surtout, on les tutoie et, en entrant dans la boutique on leur tape
sur l'épaule… Ha, Ha: Bonhoure!… avec un petit mot en provençal… mais… !!
dès qu'il a eu gagné les 5 millions, il ne fallait plus le tutoyer hein ? et il fallait lui
dire "Monsieur Bonhoure" et si on pouvait c'était encore mieux, chapeau à la
main! D'abord il a vite vendu son truc… il n'était plus coiffeur, c'était Monsieur,
une automobile et il ne regardait plus ses amis, Ho, Ho, Ho! imaginez!… avec 5
millions d'alors! Voyez!… l'argent, la situation, le confort, la réussite, si on ne
fait pas attention… je ne veux pas dire par là qu'il est interdit d'avoir des
réussites dans la vie, c'est une autre question cela, il faut bien que l'intelligence
de certains serve à aider les autres même en les dirigeant, il faut bien des
chefs; je ne dis pas non plus que ces chefs n'ont pas droit à un certain confort
puisqu'ils ont un rang à tenir, mais ce qu'il faut, c'est que l'accession à ces
situations ne leur donne l'occasion d'un vain honneur et d'un orgueil démesuré,
il faut qu'ils se tiennent en garde contre les tentations du Démon et qu'ils ne s'y
complaisent !
Nous allons passer maintenant à la 2ème partie.
A l'opposé, on se représentera également le Chef souverain et véritable, qui est
Jésus-Christ Notre-Seigneur.
PREMIER POINT
,,Je considérerai comme Notre-Seigneur se tient dans un lieu humble, dans le
camp près de Jérusalem, beau et plein de grâce”
Vous voyez l'opposition: le démon sur une chaire élevée, avec l'orgueil, la
science fumeuse, les passions… Notre-Seigneur, Lui, dans un lieu humble. Il
parle simplement et tout le monde le comprend. Dans son royaume à Lui, il y a
un primat, c'est celui de l'humilité, et c'est très visible cela: par exemple dans
l'évangile de Saint Jean, Chapitre III: Nicodème, un professeur chevronné de
l'université de Jérusalem, qui a entendu les paroles de Notre-Seigneur, a vu
ses miracles, est troublé par cette puissance et, de nuit – vous voyez le respect
humain, car il craint que ses confrères s'aperçoivent de ce qu'il demande un
entretien à Notre-Seigneur – de nuit donc, il vient demander à Jésus des
renseignements, et comme il manifeste par là qu'il est homme de bonne
volonté, Notre-Seigneur va lui répondre. Maintenant cet homme-là s'appelle
Saint Nicodème car c'est lui qui s'est compromis au moment de
l'ensevelissement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais à ce moment-là,
troublé, il vient voir Notre-Seigneur qui lui dit:
,,Voyez pour entrer dans mon royaume, il faut renaître par l'eau et par l'Esprit”.
Alors mon Nicodème se récrie: Il faut renaître à mon âge, à 60 ans ? Il faudra
que je retourne dans le ventre de ma mère ?
,,Quand même! Nicodème! tu devrais savoir ces choses-là, tu es docteur en
Israël toi! Je vous parle des choses de la terre mais que sera-ce lorsque je
vous parlerai des choses du Ciel ?”.
Vous voyez, Nicodème ne comprenait pas bien, il était gêné par sa culture! Il
avait une bonne volonté évidente mais… et cela, nous le voyons quelquefois
dans les retraites, des hommes qui ont une bonne volonté à s'instruire de la
parole de Dieu, mais on les voit gênés par leur culture qui, malgré eux, leur
donne un certain genre, un certain esprit de supériorité parce qu'ils sont
cultivés…
Mais revenons à Saint Jean, au chapitre IV maintenant, dans l'épisode de la
Samaritaine: Notre-Seigneur a traversé avec ses disciples le désert de
Samarie, un désert de pierre, pas d'arbres; les apôtres font un détour; il y avait
un petit village, là, perdu dans les rochers. Notre-Seigneur s'asseoit sur la
margelle du puits de Jacob où il y avait de l'eau fraîche; par un autre chemin
arrive une femme qui venait du village et qui vient chercher de l'eau fraîche car
elle a une cruche et une corde. Rien qu'à la voir marcher on devine qui cela
peut être, eh bien, Notre-Seigneur, à cette pauvre femme, se servant de
l'image de l'eau va lui parler de la vie éternelle et lui faire une conversation
beaucoup plus sublime que celle de Nicodème: Elle comprend plus vite que
Nicodème, à tel point qu'elle en oublie sa cruche; elle court au village: J'ai
trouvé le Messie, leur a-t-elle dit, il m'a indiqué tout ce que j'avais fait!… et elle
lui ramène tout le monde! Eh oui, la Samaritaine FAUSTINE a mieux compris
que le grand docteur qu'était Nicodème, parce qu'elle n'était pas gênée par sa
culture, elle, une pauvre vie, vaniteuse comme les femmes, mais pas
orgueilleuse; ce n'est pas la même chose, la vanité et l'orgueil, oui, elle a mieux
compris, donc primat de l'humilité.
DEUXIÈME POINT
,,Je considérerai comment le Seigneur de tout le monde choisit un si grand
nombre de personnes, les Apôtres, les disciples et tant d'autres, et comment il
les envoie dans tout l'univers répandre sa doctrine sacrée parmi les hommes
de tous les âges et de toutes les conditions”
Enseignez-leur ce que je vous ai appris, les Béatitudes, bienheureux les
Pauvres, bienheureux les pacifiques, bienheureux les purs, bienheureux ceux
qui pleurent, bienheureux les doux, bienheureux ceux qui souffrent persécution
pour la justice, qui auront faim et soif de justice – Enseignez-leur cela.
TROISIÈME POINT
,,Dans le troisième point je considérerai ce que Notre-Seigneur recommande à
ses serviteurs et amis qu'Il envoie à ces expéditions: Il leur recommande
d'aider tous les hommes en les attirant premièrement à une entière pauvreté
spirituelle, et non moins à la pauvreté réelle si la divine Majesté l'a pour
agréable et veut les appeler à cet état”…
Mes chers Messieurs, sans la pauvreté spirituelle nous ne pouvons pas arriver
au but. Quelle différence y a-t-il entre la pauvreté spirituelle et la pauvreté réelle
?
Eh bien, la pauvreté spirituelle, c'est celle qui consiste à avoir des moyens,
mais à ne pas y être attaché. Un père de famille a bien le droit de pourvoir aux
besoins de la maisonnée; un tel a une usine, un autre est médecin, un autre
avocat: évidemment, il faut qu'ils aient un intérieur convenable, en rapport à
leur situation, mais la pauvreté spirituelle consiste à rester indifférent à ces
biens, à n'avoir pour eux aucun attachement.
Par contre, la pauvreté réelle, c'est de se débarrasser de tout cela comme le
font les religieux par exemple: nous quand nous partons et cela nous arrive
fréquemment, nous allons trouver le Père économe et nous lui disons: Voilà
mon Père, si le Bon Dieu veut, je pars demain matin pour la retraite de
Bordeaux, voyez, le train Aller-Retour, cela doit me revenir à tant: puis un
sandwich à tel endroit, mon Père donnez-moi 50 francs, ou bien donnez-moi
100 F et au retour je lui présente ma note, voilà j'ai dépensé ça et ça, puis je
rends ma monnaie; j'ai besoin d'un timbre, je le demande, j'ai besoin d'une
enveloppe, aussi… vous voyez… pauvreté réelle… là, on se débarrasse
réellement; mais on ne peut pas faire ça quand on a de la famille n'est-ce pas ?
Imaginez l'un de vous qui dirait: Maintenant fini hein!… Pauvreté réelle… alors
plus de sous ?… et les petits ? vous avez 4 enfants et la femme, comment
allez-vous faire ? – Alors voyez la règle – avoir ce qu'il faut, mais aucun
attachement pour tout l'or du monde !…
Rapidement, à ce sujet, je vais vous raconter une histoire vécue, un cas de
réaction de pauvreté spirituelle: il y a une vingtaine d'années, un de nos amis
qui est ingénieur avait dû faire un devis pour une usine détruite à la frontière
italienne aux fins de réparations importantes après destruction partielle par
bombardement, réparations qui rentraient dans le compte des dommages de
guerre, et il nous racontait lui-même – c'était alors sa 5ème retraite – qu'il avait
adressé le dossier à Paris au Centre qui s'occupait de cela, et si je me rappelle
bien, il avait conclu à un dommage de 50 millions. Puis il me dit: Dieu merci,
j'avais autre chose à faire que cela et, alors que je n'y pensais même plus, je
vois arriver un jour chez moi deux messieurs dans une belle voiture américaine.
Ils entrent dans mon bureau en possession du dossier que j'avais de suite
reconnu. Ils étaient les représentants de la firme propriétaire de l'usine où de
grands capitaux étaient en jeu. Ils me dirent: Monsieur, nous avons fait
expertiser votre dossier, qui est très bien sans doute, mais qui sous-évalue
certaines choses. Par ailleurs, vous avez omis certaines particularités, alors,
nous vous demandons de bien vouloir refaire ce dossier, car nous avons conclu
avec les experts qu'il faudrait que vous montiez à 80 millions…
Ah! Messieurs, leur ai-je dit, comme tout le monde, je puis me tromper dans
mes évaluations, mais de 50 à 80 millions savez-vous que cela fait une marge
importante et je doute fort de m'être trompé à ce point!…
Et puis, comme ils n'ont pas été sans remarquer le sursaut que j'avais eu à
l'annonce de leur chiffre,…
Ah, mais M. l'Ingénieur, nous comprenons que cela va vous donner du travail,
mais vous nous comprenez ?… et de me dire alors (comment avaient-ils su
cela que j'étais directeur des brancardiers de Lourdes pour mon diocèse!) peut-
être, ajoutait-il en souriant, il se pourrait qu'il y ait 2 millions pour Notre-Dame
de Lourdes!…
Alors, vous savez mon Père, heureusement que j'avais déjà fait 4 retraites!…
mais 2 millions supplémentaires dans la bourse d'un ingénieur qui avait 4
enfants, ça mettait quand même du beurre sur les épinards! Ah, oui, Notre-
Dame de Lourdes! j'ai compris… je me suis rappelé les 2 étendards… je me
suis levé – mais laissez-moi vous dire aussi que notre retraitant était bâti en
athlète, un gros gaillard sportif, 35 ans – je n'ai pas dit un mot, je leur ai ouvert
la porte et, au passage, rappelez-vous qu'ils ont pris quelque chose dans le
derrière!… Saligauds! pan et pan!… Je n'en ai plus entendu parler!
Mes chers amis, voilà une belle réaction de pauvreté spirituelle; c'eût pourtant
été vite fait pour lui que de refaire le dossier dans les conditions suggérées, 2
heures de travail et… 2 millions… personne n'aurait rien vu! Il a eu la réaction
qu'il fallait, il les a envoyés promener.
Voilà mes chers Messieurs, mais cela ne suffit pas pour suivre Notre-Seigneur
Jésus-Christ jusqu'au bout!… La pauvreté spirituelle est en effet indispensable
pour arriver au but puisque sans cela pas de Ciel; c'est avoir des moyens sans
en avoir aucun attachement; il faut même aller jusqu'à la pauvreté réelle si la
divine Majesté devait en tirer service!…
Remarquez que ce sont quelquefois les événements eux-mêmes qui nous
imposent cette pauvreté réelle… par exemple au cours des dernières guerres,
depuis que cela a éclaté en Espagne en 1936, combien de pères de famille
avec enfants à charge ont été complètement ruinés par faits de guerre,
complètement dépouillés et ont tout perdu dans le Nord de la France et dans le
monde entier, écrasés par les bombardements, et les deuils… A ces moments-
là, est-ce qu'ils n'ont pas eu le courage nécessaire ?… Alors, ici, puisqu'il s'agit
de suivre Notre-Seigneur Jésus-Christ, ne pouvons-nous pas pratiquer la
pauvreté spirituelle, et si le Bon Dieu jugeait bon de nous l'imposer, la pauvreté
réelle ?…
Continuons maintenant ce 3ème point:
,,Non seulement la pauvreté spirituelle ou réelle, mais le désir des opprobres et
des mépris, parce que de ces deux choses naît l'humilité”
Messieurs, il n'y a pas cinquante chemins pour arriver à l'humilité qui, elle,
détruit en nous le grand obstacle à la Sainteté qu'est l'orgueil; il n'y a pas
cinquante moyens: c'est l'humiliation; et Notre-Seigneur nous en a montré le
chemin en commençant son aventure dans une étable, pour la terminer sur une
Croix! Il a tout perdu… pour nous montrer les opprobres et les mépris dont il a
été abreuvé afin que nous les désirions nous aussi pour arriver à l'humilité…
Mais vous voyez la contrepartie: Le démon lui pousse à la belle situation, à
l'argent, au respect humain, à l'honneur mondain et l'orgueil de soi.
Notre-Seigneur c'est tout à fait le contraire: pauvreté, au moins spirituelle,
mépris du respect humain, du jugement des hommes – qui très souvent sont
eux-mêmes des girouettes, nous savons bien ce que c'est que l'opinion ! – et
c'est par là qu'on arrive à l'humilité, et voyez les conséquences: de telle
manière qu'il y a 3 échelons – le premier: la pauvreté opposée aux richesses; le
second: les opprobres et le mépris opposés à l'honneur mondain; le troisième:
l'humilité opposée à l'orgueil, et de ces trois degrés, ils induisent les hommes à
toutes les autres vertus.
Voilà mes chers Messieurs, votre méditation. Elle va consister en ceci: Dans
quel camp je suis moi ? Par ma vie profonde, dans quel camp me suis-je placé
jusqu'à présent ? C'est le discours programme de l'un et de l'autre Chef qui me
l'indique. Quel est mon programme ?
Ah!… Nous sommes là au pied du mur, n'est-il pas vrai ? Dans quel camp je
suis, dans quel camp je veux être désormais ? Que faut-il que je fasse pour
être dans le camp de Jésus-Christ ? Il ne s'agit pas seulement de pratiques
extérieures - rappelons-nous qu'on peut aller à la messe et être dans le camp
de Satan! La marque vous l'avez là: dans quel camp suis-je et que faut-il que je
fasse pour rester dans le camp de Jésus-Christ ?…
Eh bien, moi je veux aller au camp du Christ car c'est nécessaire pour arriver
au but, mais les conditions sont difficiles: la pauvreté spirituelle et même réelle
si le Bon Dieu le juge bon, le désir des mépris et des opprobres pour arriver à
l'humilité! C'est dur cela!… 
Alors, Saint Ignace vous dit: A cette intention ne faites pas un colloque, mais
faites en trois:
-Le premier à Notre-Dame pour qu'elle m'obtienne de son Fils et Seigneur la
grâce d'être reçu sous son étendard – premièrement par la parfaite pauvreté
spirituelle, et même, si la divine Majesté l'a pour agréable et veut me choisir et
m'admettre à cet état, par la pauvreté réelle; secondement, en souffrant les
opprobres et les injures, afin de l'imiter en cela plus parfaitement, pourvu que je
puisse les souffrir sans péché de la part du prochain, et sans déplaisir de sa
divine Majesté. AVE MARIA
-Dans le second colloque, je m'adresserai à Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour
qu'Il m'obtienne de Dieu le Père la même grâce et je réciterai la prière ÂME de
Jésus-Christ (page 339)
- Dans le troisième colloque, je demanderai la même grâce à Dieu le Père, le
suppliant de me l'accorder Lui-même - PATER NOSTER.
Allez, allez vite…
*****
((fin page 240))
((page 241)) N° 18
LES 3 CLASSES D'HOMMES
Mes chers Messieurs, vous vous rendez compte, je le pense du moins, du
processus si logique des exercices: Nous avons commencé par voir de quoi il
s'agissait: le Principe et Fondement… l'homme est créé, etc… les choses qui
nous entourent sont là pour nous aider et nous devons nous en servir autant
qu'elles nous conduisent à réaliser ce plan d'amour. Mais si nous faisons nos
caprices ? eh bien, comme sur la route au plan naturel, cela entraîne des
catastrophes, et bien plus terribles, sur le plan spirituel – c'est une question de
bon sens. Nous avons donc terminé cette étude par une bonne confession;
c'était la première semaine des exercices.
En deuxième semaine nous avons éprouvé le besoin d'avoir un guide, un chef.
Or, le Bon Dieu nous donne encore mieux que cela, puisqu'il nous donne un
modèle, Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est venu nous dire: ,,Je suis la Voie,
la vérité, la Vie, et personne ne va au Père si ce n'est par moi”. Nous avons pu
voir quels sont ses goûts, ses vertus et, dans ses exemples, ce qu'Il en pense
de cette "quincaillerie" du monde que sont les richesses, les vains honneurs et
le qu'en dira-t-on!… Nous avons ainsi compris que nous n'étions pas
d'authentiques chrétiens et qu'il fallait le devenir; nous avons demandé, essayé
alors de nous revêtir du Christ, comme le dit Saint Paul.
Malheureusement, avec nos pauvres cinq petits jours, c'est très rapidement
que nous avons vu cela: nous avons vu un peu comment fait Notre-Seigneur: Il
nous appelle, en bref, au renoncement. Tout ce qu'Il prêchera un jour, les
Béatitudes, là, devant nous. Il les a vécues; avant d'enseigner Il a commencé
par "faire" lui-même et Il nous dit: ,,Que celui qui veut être mon disciple se
renonce à lui-même, (à ses idées de fils d'Adam qui recherche son bonheur ici-
bas en faisant ses caprices) qu'il prenne sa Croix et qu'il me suive”.
Mes chers Messieurs, vous le voyez, il s'agit d'un changement de vie, d'une
conversion… Nous avons tous besoin de conversion, de retourner en arrière
pour reprendre le sens unique, le bon chemin car, sans arrêt, la vie nous en
détourne, actuellement surtout, il y a des dérives… on ne se rend plus
compte… il faut donc nous remettre délibérément devant le but et tenir jusqu'à
la prochaine retraite. Pour cela, nous avons tout à l'heure fait la grande
méditation des deux Étendards qui est l'Esprit du Christ, c'est-à-dire de l'esprit
de pauvreté et de renoncement aux biens de ce monde avec l'acceptation des
humiliations… Quelqu'un qui reste l'esclave de l'argent, quelqu'un qui fuit les
humiliations flanchera inéluctablement et cédera au respect humain!… 
Il faut que nous comprenions bien cette opposition irréductible entre l'esprit du
monde et l'esprit chrétien. Beaucoup tendent à marier cela, à prendre un peu
de l'un et un peu de l'autre; vous avez vu que cela n'était pas possible, cette
méditation vous l'a bien démontré. Saint Augustin le disait sous une autre
forme: ,,Deux amours ont fait deux cités: l'amour de soi jusqu'au mépris de
Dieu a fait la cité du Diable, tandis que l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi
a fait la cité de Dieu”.
Elle vous a montré aussi qu'il y a non seulement les passions humaines qui
jouent, mais que des esprits très subtils et intelligents, cachés, se servent de
tout, même de nos bonnes qualités pour essayer de nous entraîner à l'abîme le
Bon Dieu le permettant d'ailleurs… Encore une fois, ne faisons pas du
manichéisme: ne considérons pas d'un côté le Bon Dieu avec sa puissance et
de l'autre côté le démon avec la sienne,… non!… le Bon Dieu se sert du démon
pour des tentations (les règles du discernement des esprits que vous étudiez
aux réunions de 11 heures font mieux comprendre cela) et nous savons, avec
toute l'Écriture, que la tentation ne sera jamais au-dessus des forces de deux
qui se confient en Dieu! Mais Dieu veut par ce moyen nous rappeler notre
faiblesse, notre misère et nous montrer le besoin que nous avons d'avoir
recours à Lui, le besoin que nous avons des Sacrements et de la prière… alors,
de quoi s'agit-il maintenant ?
Eh bien, de plus en plus, il s'agit de préparer l'avenir: La première semaine a
arrangé le mauvais passé, la deuxième prépare l'avenir: Que faut-il que je
fasse, moi X, pour ressembler au Christ ? Au cours de la retraite, mais
davantage maintenant, vous avez pu remarquer qu'il y avait dans votre vie des
choses qui vous empêchaient d'être au Christ comme il le fallait… que ces
choses-là il fallait les arranger, les guérir… Et Saint Ignace, parce que cela est
difficile, parce que cela va contre nos instincts, nous l'a fait demander par 3 fois
en trois colloques: d'abord à notre bonne Mère – Saint Louis Marie de Montfort
disait qu'elle avait le don de couvrir de sucre les croix les plus amères – puis à
Jésus, doux et humble de cœur, et puis enfin au Père en lui offrant, pour le
remercier de nous octroyer une pareille grâce (celle d'obtenir l'esprit chrétien) la
passion de son Jésus, humilié et dépouillé de tout…
Il semblerait donc que nous n'ayons plus à hésiter, mais Saint Ignace a peur
que le démon ne vienne nous décourager en utilisant deux torpilles:
- Première torpille: oui, bien sûr, il faut se convertir, mais tu as encore le
temps… profite encore un peu, à ton âge comment feras-tu ?… remets donc à
plus tard… mais plus tard, il sera trop tard!… 
- Deuxième torpille: d'accord, cela découle de source, il faut se convertir, tu
feras ce qu'on te demande, sauf… sauf justement le sacrifice qu'il faudrait
faire…
Pour obvier à ce danger Saint Ignace va nous faire faire maintenant une courte
contemplation que l'on pourrait appeler "le percuteur" de sa méthode,
contemplation qui va décider de notre conversion réelle ou non.
Veuillez prendre la page 383: les 3 classes d'Hommes. C'est une façon de
parler: on dit aussi les 3 paires d'Hommes comme on dirait les 3 paires d'amis;
nous pourrions les appeler également les 3 binaires.
La prière préparatoire est toujours la même: Nous demandons à Dieu la grâce
de réaliser son plan.
Premier préambule, l'histoire: Ici c'est celle des trois binaires d'Hommes et
chacun a acquis dix mille ducats d'or (ce qui représente un million de nouveaux
francs, c'est-à-dire une grosse somme). Ils l'ont acquises honnêtement bien
sûr; il n'y aurait pas de problème n'est-ce pas s'il en était autrement car ils
devraient la rendre, tout simplement; ils l'ont donc acquise honnêtement mais
sans se proposer purement et uniquement le motif de l'amour de Dieu
(rappelons-nous que tout doit nous servir par rapport à Dieu puisque toutes les
créatures, y compris l'argent, doivent nous aider à louer et servir Dieu) et ils
veulent se sauver et trouver Dieu dans la paix, en se déchargeant d'un poids
qui les arrête et en surmontant l'obstacle qu'ils rencontrent à leur dessein dans
l'affection au bien qu'ils ont acquis.
Évidemment, cette fortune qui vient d'entrer dans leur vie constitue un poids, un
attachement, et bien que cette fortune soit légitime, cet attachement ne va-t-il
pas leur nuire pour trouver Dieu dans la paix ?
Si donc, moi j'ai un attachement semblable dans ma vie, ne va-t-il pas me faire
dévier dans la route qui mène à Dieu ? Voilà le problème!… 
Deuxième préambule, la composition de lieu, le cadre: Ici, je me verrai moi-
même devant Notre-Seigneur et tous les Saints, dans la disposition de désirer
et de connaître ce qui sera le plus agréable à Sa divine bonté.
Oui, il faudra le demander, mais d'abord désirer et connaître ce qui sera le plus
agréable à Dieu par rapport à moi. On appelle cela, dans les exercices, la
grande composition de lieu, celle où Saint Ignace nous met devant Dieu et
devant tous les Saints!… Nous sommes là en effet dans un moment
pathétique, un des moments les plus importants… Pour vous le faire mieux
comprendre je vais me servir d'une image, un peu vulgaire il est vrai, pour
mieux concrétiser cette composition de lieu:
En Provence, comme dans certaines régions, tous les Dimanches il y a des
fêtes de village ou de quartier où l'on trouve des vire-vire comme on dit en
Provence, des carrousels, des chevaux de bois, maintenant remplacés par les
automobiles ou des avions, peu importe; il y a aussi divers amusements et,
parmi, l'un des plus populaires est celui de la marmite: … Là, dans la rue
centrale, on plante deux piquets reliés par une corde à environ 3 m de haut sur
laquelle on attache une marmite remplie d'eau; les jeunes gens qui veulent
prendre part au concours et gagner le prix se voient bander les yeux. A 5 ou 6
mètres de la marmite on leur place un bâton de 3 m dans les mains. Celui qui
réussit à détruire la marmite en 3 cours de pâton gagne le prix.
Alors imaginez! de chaque côté il y a une haie de spectateurs pour jouir du
spectacle. Quant aux concurrents, ils essaient un peu avant de prendre
quelques points de repère soit avec la foule qui crie, soit avec un semblant de
lueur solaire sous le bandeau, mais c'est quand même difficile de taper
exactement… souvent c'est sur la corde qu'ils frappent mais, dans l'assistance,
il y a toujours des petits frères ou des petites sœurs du grand frère qui prend
part au concours et ils voudraient, c'est évident, que le grand frère remporte le
prix! vous les voyez alors: Emile, … un pas en avant… non, tape un peu à
gauche, etc… et les commissaires du jeu, chargés d'empêcher ces
irrégularités: Taisez-vous, gamins, ici, c'est la justice!!… 
Eh bien, au Ciel, en ce moment c'est pareil: au balcon du Ciel nous avons là
tous les Saints qui nous ont précédés dans la vie et nous ont connus,… les
Saints de notre famille, de notre quartier, de notre paroisse! et ils nous
regardent…
Ah! qu'est-ce qu'il va faire le petit maintenant ? Il arrive au moment pathétique!
Voyons s'il va bien frapper sur la marmite ou s'il va taper à côté ? Voyez, tous
nos Saints nous regardent pour voir – en transposant l'histoire – quelle décision
va-t-il prendre ? va-t-il choisir la bonne ou décider à côté ?
Troisième préambule, demander ce que je veux obtenir:
Ici je demanderai la grâce de choisir ce qui sera en effet le plus glorieux à la
divine Majesté et le plus avantageux au salut de mon âme.
Ah! Messieurs, il faut une grâce pour cela, pour choisir effectivement. Tout à
l'heure je demandais de connaître… maintenant je vais demander de choisir.
Vous voyez la différence, il faut que je me décide à choisir en fait ce qui sera
davantage pour la gloire de Dieu et le salut de mon âme…
Revenons maintenant aux 3 binaires pour voir ce qu'ils vont faire:
Premier binaire:
Le premier binaire voudrait (vous voyez, dès le départ, nous avons un
conditionnel, un mais qui éclaire tout le reste), il voudrait enlever l'attache qu'il a
à la chose acquise pour se trouver dans la paix de Notre-Seigneur, pour être
capable de se sauver, mais il n'en prend pas les moyens jusqu'à l'heure de la
mort…
Mes chers Messieurs, vous avez beaucoup de gens qui renvoient. Ils ne disent
pas non!… Bien souvent, des recruteurs pour la retraite nous parlent de ces
difficultés, de personnes qu'ils ont contactées,… je suis allé voir Monsieur un
tel, il ne m'a pas dit non…
Mais il ne vous a pas dit OUI ? Donc ceux qui renvoient: ils ne disent pas non,
mais comme le problème est ennuyeux, ils préfèrent se défiler en le renvoyant
à plus tard! Il y a des retraitants aussi qui font cela dans la retraite… par
exemple: un homme que l'on invite à arranger quelque chose dans la vie et qui
vous répond: ah oui, je pense qu'à la prochaine j'aurai mieux compris…
…Mais, pourquoi à la prochaine ? Pourquoi pas à celle-ci ? Qu'est-ce qui vous
dit que vous aurez une prochaine retraite ? … oui, on renvoie, un peu comme
dans la chanson de Malborough… il reviendra à Pâques… ou à la Trinité, la
Trinité se passe!… et toujours on renvoie…
On peut prendre là de nombreux exemples: celui si connu du bonhomme qui a
une crise d'appendicite, douleurs violentes très localisées au bas-ventre,
vomissements, température; il va donc voir le médecin qui lui dit: Mon cher
Monsieur, vous avez telle chose, ce n'est pas grave à notre époque, on arrange
cela assez facilement, quand on s'y prend à temps!… il vous faut aller à la
clinique…
A la clinique docteur ? au moment où je dois aller en vacances, mais vous n'y
pensez pas ? pas d'histoire, d'abord la famille! après les vacances peut-être!…
Mon cher Monsieur, c'est sérieux, c'est à vos risques et périls…
Bien! Le voilà au milieu des vacances au bord de la mer où il a une seconde
crise: il se fait encore soigner en refusant l'opération et en promettant de faire
attention, mais ce qui devait arriver arrive: en rentrant, il a une troisième crise et
là on est bien obligé de le mettre en clinique, qu'il le veuille ou pas! Et on
l'opère à chaud; il a un très bon chirurgien, l'opération réussit admirablement,
mais… quelques complications et il meurt des suites…
Voilà l'histoire de beaucoup de gens qui renvoient, qui renvoient… qui
renvoient… et sur le plan spirituel c'est pareil…
Deuxième binaire:
Le deuxième veut enlever l'attachement, mais de telle sorte qu'il conserve le
bien acquis; il voudrait amener Dieu à son propre désir et ne peut se
déterminer à quitter ce qu'il possède pour aller à Dieu, quand bien même cela
serait meilleur pour lui.
Ce second cas, vous voyez, est un peu différent du premier: le premier renvoie,
solution facile mais absurde quant au résultat; le second, lui, ne renvoie pas,
mais s'il prend des moyens il ne prend pas les moyens nécessaires, par
exemple l'Ivrogne: s'il le faut, il acceptera d'aller à Lourdes à pied, de donner de
l'argent aux pauvres, de faire des pénitences, ça oui! mais de se priver de boire
du vin ? Ah ça, non! pas possible!… Quelqu'un qui a une relation coupable…
oui, oui, c'est entendu, il promettra de dire le chapelet avec elle, de ne plus
pécher… mais ce n'est pas ça qu'il faut faire Monsieur!, ce que le Bon Dieu
attend de vous, c'est de ne plus la voir, c'est de donner un coup de hache!…
Mais revenons à l'appendicite… nous avons un nouveau cas, évidemment,
puisque le premier est mort des suites… même symptômes: coups de
poignard, même diagnostic…
Oui docteur, les médecins à présent n'ont que ça à la bouche… le billard, le
billard, le billard!… on ne m'y fera jamais monter sur un billard!…
… Mais Monsieur…
Non, Non, docteur, comment faisait-on au siècle dernier ? Allez, donnez-moi un
bon petit régime, avec ça il y a des gens qui s'en sortent quand même!…
Oui, mais pas vous, je connais votre façon de vivre, je sais la vie que vous
menez comme représentant…
Allez docteur, laissez-vous faire! et quinze jours plus tard nouvelle crise…
Que voulez-vous docteur, j'étais chez des amis, ils ont tué un lièvre, je n'ai pas
pu refuser!…
… Je vous l'avais dit, il faut vous opérer…
… Ah ça! jamais docteur, je veux d'abord essayer… on m'a parlé d'une certaine
Mlle Adélaïde qui faisait un bouillon avec du foie de vipère et un rossignol tué à
la pleine lune, il paraît que c'est radical pour ça!…
Mais quelques jours plus tard, nouvelle crise et, cette fois, malgré ses cris, on
est bien obligé de l'opérer à chaud lui aussi; l'opération réussit admirablement,
mais, comme le premier, il meurt des suites!…
Oui, que de catholiques qui font cela, qui prennent le moyen à côté, mais vous
pourriez me dire: Oui, Saint Ignace nous donne cet exemple, mais je n'ai pas
reçu 10'000 ducats d'or moi,…
Non, non! ce n'est pas qu'il faille s'arrêter à cet exemple: le mot enrichissement
doit se traduire ici par un attachement, une affection, en bref quelque chose
que nous possédons, voire même une habitude qui peut faire obstacle à notre
sanctification.
Prenons quelques nouveaux exemples pour bien comprendre cela:
Voilà un jeune homme qui réfléchit et qui se dit: ,,Moi, au fond, je suis gêné
dans ma vie de chrétien par les bals… Comme le Père le dit, c'est le moment
de prendre des résolutions sérieuses, alors, désormais, je ne fréquenterai que
les bals catholiques… que les bals pieux quoi!… et puis, dans ces bals, je ne
choisirai que des jeunes filles très modestes… et puis, par ma façon de danser,
je tâcherai de rendre le bal plus sanctifiant!… un autre: Moi, c'est le cinéma;
alors je consulterai dorénavant la cote de la paroisse et je n'irai qu'à ceux qui
sont réservés aux moins de 16 ans… si par ailleurs il y a quelques passages
scabreux, alors je fermerai les yeux: mais il n'y a pas que le film n'est-ce pas ?
au poulailler, là-haut, c'est bien moins cher et il y a les… à côté de la salle…
alors, pour m'en préserver, je prendrai chaque fois de l'eau bénite… Eh oui,
c'est le moment des résolutions! Un autre encore: sur les mauvaises
fréquentations: ah! c'est entendu, je vais acheter le livre vert, là,
l'apologétique… je vais le potasser, et tous les copains, je les emmène à la
prochaine retraite avec un car!… Pourvu qu'il revienne même tout seul avec
une trottinette celui-là, ce sera déjà pas mal! Eh oui, il y a des gens qui voient
dans leur vie une chose qu'il faudrait corriger, mais on prend des moyens à
côté; il y a des retraitants aussi qui font leur retraite et qui prennent des…
résolutionettes, de petites résolutions, bonnes… mais la Résolution, avec un
grand R, la résolution que le Bon Dieu attend depuis 10 ou 20 ans, celle-là, ils
ne veulent pas la prendre… ils prennent des résolutions qui font bien, des
résolutionettes, mais ce n'est pas ça que le Bon Dieu veut… le Bon Dieu veut la
Résolution!, celle qu'il vous en coûte de prendre…
On pourrait aussi rappeler l'histoire de lapin blanc de ce petit à Paris: On était
en train de passer dans les maisons bourgeoises de la paroisse pour le Noël
des petits pauvres; Riri avait une chambre encombrée de jouets; alors sa
maman de lui demander:
Dis Riri, on passe pour la Noël des petits pauvres, qu'est-ce que tu vas donner
pour les petits pauvres ?
Oh, bien… maman… tiens, prends ce jeu de patience… il est un peu cassé,
mais pour les petits pauvres… tiens… prends aussi la boîte des chevaux de
plomb, mais la vieille boîte tu sais…
Quand même Riri, tu pourrais donner quelque chose de mieux pour les petits
pauvres, c'est à Jésus que tu donnes tu sais ?…
Ah! Maman… je ne sais pas moi…
Dis Riri, pourquoi ne donnerais-tu pas ton petit lapin blanc ? – Quelques jours
auparavant, sa marraine, pour son anniversaire, lui avait donné un petit lapin
blanc en peluche, et il ne pouvait pas s'endormir sans le petit lapin blanc à côté
de lui.
… le petit lapin blanc ? Oh, non Maman, ça jamais, ce n'est pas possible…
c'est un cadeau de marraine, oh, non Maman tiens, prends le cheval
mécanique… tiens, prends la boîte de soldats de plomb… la neuve… mais pas
le petit lapin blanc…
Il y a des retraitants qui font ça aussi, mon Dieu, prenez ça,… ça,… ça, mais
pas le petit lapin blanc!…
Alors, mes chers Amis, cherchez quel est votre petit lapin blanc… En tout c as,
le petit Riri n'était pas content le soir, le lendemain non plus, et sa maman lui a
demandé… ,,Mais, Riri, tu l'as pourtant gardé ton petit lapin blanc” ? Il n'était
pas heureux, et tant qu'il n'a pas lâché son petit lapin blanc, il n'a plus été
heureux… alors que chacun cherche dans sa vie son petit lapin blanc et qu'il le
donne, qu'il le donne… Il y a des dépouillements qui enrichissent, Messieurs,
évidemment! Notre-Seigneur n'a pas besoin de nous. C'est pour nous enrichir
qu'il veut que nous fassions cela; quel est mon petit lapin blanc ?…
Et alors troisième binaire:…
Le troisième binaire veut enlever l'attache mais de telle sorte qu'il n'a même
pas d'attachement à posséder la chose qu'à ne pas la posséder; il veut
seulement la vouloir ou ne pas la vouloir selon que Dieu le mettra en lui-même.
Donc, en attendant, il renonce d'abord à la chose acquise; puis il fait une
enquête pour savoir ce qu'il doit faire, – mais d'abord il renonce –, il fait une
retraite pour demander à des personnes impartiales ce qu'il doit faire… dans
les Retraites – nous le voyons souvent – il nous arrive de conseiller des
personnes qui ont réfléchi que, peut-être, ils devraient monter davantage dans
leur profession alors qu'ils hésitent devant de plus lourdes responsabilités à
endosser, il nous arrive donc de les encourager dans cette voie; à d'autres, au
contraire, il faut dire on… Je me rappelle à ce sujet Monsieur B… ministre de la
Suisse qui a fait sa retraite ici il y a un an environ: eh bien, il est évident que cet
homme-là, plein de talent, avait besoin d'être encouragé et Dieu fasse que tous
nos ministres de France et de Navarre, ou d'ailleurs, fassent une retraite; on ne
doit pas toujours dissuader, non, au contraire!… ce n'est pas non plus qu'il faille
renoncer même à la fortune… Non, mais on peut s'en servir pour la gloire de
Dieu, avec des règles, mais pour être bien sûr, d'abord on renonce, et puis on
fait une enquête pour savoir ce qu'il faut faire: si on me dit que je peux le faire
pour la gloire de Dieu, alors je la reprendrai, mais si on me dit d'y renoncer, je
l'ai déjà fait…
*****
Nous allons faire ensemble les 3 colloques maintenant, et Saint Ignace nous
fait une remarque préalable très importante: Il faut remarquer que quand nous
sentons une attache (non pas nécessairement à une richesse financière –
comprenons bien cela – une attache à telle habitude, à telle façon de vivre, telle
façon de voir même, une attache qui est un enrichissement pour nous, c'est-à-
dire qui nous plaît) que nous sentons donc une attache à telle chose, ou une
répugnance à nous appauvrir de cela; – (voyez, il ne faut pas que le mot de
richesse ou de pauvreté nous fasse illusion à ce point de vue, car il ne s'agit
pas seulement de finances, mais de n'importe quel attachement) – quand donc
nous ne sommes pas indifférents à cette pauvreté ou à cette richesse, le
retraitant tire grand profit, pour éteindre une telle attache désordonnée, à
demander dans le colloque – bien que cela soit contre l'inclination de la chair –
que Notre-Seigneur le choisisse pour cette pauvreté effective, et à protester
que lui-même le veut, le demande, l'en supplie!…
Je me rappelle ce jeune homme, il y a quelques années de cela; il se sentait
appelé pour le Bon Dieu, mais ne se décidait pas à couper l'attache…
Mon Père, que voulez-vous, je connais Lucienne depuis tant d'années, nous
nous sommes promis l'un à l'autre, vous ne croyez pas qu'il vaudrait mieux
qu'on fasse un mariage très bien ? Nous aurions des enfants, et si le Bon Dieu
le veut, on enverrait les garçons au séminaire, mais moi, il me semble qu'il faut
que je me marie…
Alors je lui ai dit: Non, si vous vous sentez appelé, il faut faire la chose, il faut
couper avec Lucienne…
Mais mon Père, elle va pleurer…
Eh bien, ça lui fera de beaux yeux, mais vous, il est possible que le Bon Dieu
vous demande ça,… pas que vos futurs garçons aillent au séminaire, mais que
vous, vous renonciez jusqu'à plus ample informé,…
Alors, voyez-vous, faites cette demande, malgré l'inclination de la chair…
Nous faisons nos 3 colloques à genoux:
Premier colloque à Notre-Dame pour qu'elle nous obtienne de son Fils, – page
382 – de son Fils et Seigneur: premièrement la grâce nécessaire pour être reçu
sous son étendard, d'abord par la pauvreté spirituelle – (encore une fois la
pauvreté spirituelle, c'est d'avoir les moyens, mais aucun attachement à ces
choses-là: on ne peut pas demander aux dirigeants de ne pas avoir leur voiture
et de coucher dans une écurie, on comprend bien cela; on se sert de ces
moyens sans s'y attacher); et même si le Bon Dieu le veut, par la pauvreté
réelle (comme font les religieux par exemple ou certains qui laissent tout pour
le Seigneur, par pauvreté effective)!

Deuxièmement, en souffrant opprobres et injures afin de mieux l'imiter en cela


à condition seulement que je puisse souffrir sans péché de personne et que ce
soit sans déplaisir à Notre-Seigneur.
- AVE MARIA -
Deuxième colloque: C'est le même colloque mais adressé maintenant à Jésus,
le fils de Marie, le Verbe de Dieu incarné.
Voyez, demandez la même grâce, celle d'être reçu sous son étendard, au
moins par la pauvreté spirituelle, et même réelle s'il le veut pour moi, et puis en
souffrant les injures et les opprobres comme Lui afin d'arriver à l'Humilité.
C'est le seul moyen. Demandons cette grâce-là à Notre-Seigneur Jésus-Christ
en récitant la prière:
ANIMA CHRISTI - Page 339
Rappelons-nous toujours le colloque du Roi temporel: si beaucoup de
catholiques ne répondent pas à leur Roi comme ils devraient le faire, la raison
c'est qu'ils se laissent entraîner par les deux passions qui sont capitales:
l'orgueil et l'avarice et, sans arrêt, Saint Ignace va nous faire lutter contre ces
deux passions, c'est pourquoi il nous fait faire ces colloques, voyez, toujours il
revient au même endroit!…
3ème colloque: Nous nous adressons maintenant à Dieu le Père pour lui
demander la grâce d'être reçu sous l'étendard de son Fils, d'abord par la
suprême pauvreté spirituelle et même s'Il le veut pour moi, tout autant que je
suis libre de faire cela, c'est-à-dire pas de famille à nourrir, etc…, la pauvreté
réelle, et enfin et surtout, en souffrant injures et opprobres afin d'imiter mieux
en cela Notre-Seigneur Jésus-Christ, à condition qu'il n'y ait péché de
personne. Demandons cette grande grâce à Dieu le Père.
PATER NOSTER
Maintenant, comme nous avons peu de temps, allez goûter directement si vous
le désirez, mais prenez l'air aussitôt et, en vous promenant, vous avez 30
minutes de temps libre, demandez-vous: quel est mon petit lapin blanc à moi,
qu'est-ce qui me gêne dans ma sanctification pour répondre au plan de Dieu ?
Et l'ayant trouvé, ne faites pas comme le premier binaire qui renvoie; ne faites
pas non plus comme le second qui ne renvoie pas, lui, mais qui prend des
résolutions à côté, mais soyez vaillants pour renoncer d'abord comme le 3ème
binaire, pour prendre les moyens de couper s'il le faut, et en tout cas de bien
arranger la chose. Courage!!…
*****
N° 19
RÈGLES POUR UNE SAGE ÉLECTION
Je vous avais annoncé, Messieurs, une soirée chargée. Courage! Ce n'est
d'ailleurs pas une méditation que nous allons faire, mais simplement nous
arrêter sur les conseils que Saint Ignace nous donne pour préparer
sérieusement l'avenir.
Voulez-vous prendre la page 340 ? Nous y retrouvons un texte déjà vu, mais il
est bon que nous nous rendions bien compte de l'efficacité de la méthode
ignacienne; Je cite: ,,Exercices spirituels pour se vaincre soi-même et pour
ordonner sa vie sans se laisser déterminer sous l'effet d'aucun amour
désordonné”.. Nous l'avons vu au début: les hommes, nous ne manquons pas
d'amour; on ne peut pas faire autrement puisque, même en faisant le pire mal
nous aimons, mais alors nous aimons mal, nous aimons dans le désordre. Oui,
très facilement, le désordre entre dans nos amours et Saint Ignace, vous l'avez
remarqué, fait en sorte que tous les exercices tendent à ce que nous mettions
un peu d'ordre dans nos amours en nous vainquant nous-mêmes, et cela est
pénible… c'est pénible de couper certaines habitudes, c'est-à-dire des attaches
à des choses qui nous plaisent, à certaines façons de voir ou d'agir… oui, se
vaincre soi-même et régler sa vie sans se laisser déterminer par aucun amour
désordonné… C'est admirable comme programme!…
Remarquez aussi que dans son "Principe et Fondement", Saint Ignace ne parle
pas directement d'amour; c'est qu'il ne veut pas que nous nous gargarisions
d'amour mais il n'a qu'une idée: celle de nous mettre dans les conditions
voulues pour réaliser le plan d'amour de Dieu.
Nous verrons en effet mieux ce soir, et demain que l'amour consiste moins en
paroles qu'en actes! A notre époque on parle beaucoup de charité… Saint
Ignace, lui, ne se fait pas beaucoup d'illusions sur notre aptitude à cela et nous
comprenons un peu pourquoi bien des personnes ne l'aiment pas à ce Saint…
Les raisons n'en sont pas très nobles et vous l'avez peut-être constaté: Saint
Ignace, peu à peu, nous met au pied du mur… Il a commencé par les deux
Étendards, puis par les trois classes d'Hommes où nous voyons ceux qui
voudraient échapper au plan en renvoyant le décision à plus tard, et puis ceux
qui en prennent une mais pas celle qu'il convient… Non, non! attention, il faut
choisir en sachant ce qu'il faut faire pour être un vrai chrétien, c'est pour cela
qu'on ne l'aime pas!
Il y a quelques mois un jeune Abbé me disait: ,,Mon Père, moi je n'aime pas
Saint Ignace, il est trop caporal… ” et je lui rétorquais: Pardon, Monsieur l'Abbé,
il était au moins capitaine, mais vous, quel est donc votre Saint préféré ?…
Oh! moi, je préfère l'amour. Saint François de Sales…
Ah! Monsieur l'Abbé, vous tombez mal, c'est que Saint François de Sales se
réclamait avec une grande force de Saint Ignace; il l'appelait son Père spirituel
et, voyez, il a écrit de lui cette chose formidable: ,,le livre de Saint Ignace a
moins de lettres qu'il n'a fait de conversion”, aussi je vous dis peut-être je me
trompe et ne voudrais pas faire de jugement téméraire qu'il est bien possible,
Mr l'Abbé, que vous ne connaissiez pas beaucoup ni Saint François de Sales ni
Saint Ignace!, hélas!…
Oui, Saint Ignace nous met au pied du mur… il ne veut pas que nous nous
enthousiasmions de paroles et il vous dit: voilà, si vous voulez réaliser le plan
d'amour, répondre à l'amour, voilà comment il faut faire, non pas par des
paroles, mais par des actes… mais, vous le savez, Messieurs, pour nous
empêcher de répondre, il y a sept ressorts qui mettent le désordre et qu'en
effet, Saint Ignace a plus loin une autre comparaison, elle se situe dans les
règles du discernement des esprits, page 440, 14ème règle – ,,de même il (le
démon) se comporte comme un chef de guerre pour vaincre et voler ce qu'il
désire parce que, ainsi qu'un capitaine chef de l'armée en campagne établit son
camp et examine les forces ou les dispositions d'un château fort ou d'une
citadelle pour l'attaquer et le combattre par le point le plus faible, de même,
l'ennemi de la nature humaine rôde sans cesse autour de nous, examinant
toutes nos vertus, théologales, cardinales et morales, et c'est par où il nous
trouve plus faibles et plus misérables en vue de notre salut éternel qu'il nous
attaque et s'efforce de nous perdre”.
Déjà, dans les méditations précédentes, vous avez pu comprendre combien le
démon est intelligent; lorsqu'il y a des litiges, qu'ils soient sportifs,
commerciaux, militaires, sentimentaux ou autres, il cherche à connaître les
points faibles de l'adversaire afin d'en profiter. Dans la vie courante par
exemple pour un match important de football, il y a généralement des réunions
qui précèdent afin d'arrêter la tactique à suivre: Capitaine, il paraît que l'arrière
gauche et l'ailier droit sont deux casseroles… alors, mes petits, on va essayer
d'attaquer par là, hein ?… Quand on me fit essayer de la boxe on m'a d'abord
expliqué: tu vois, lorsque tu as devant toi un adversaire que tu ne connais pas,
tu essayes à tour de rôle le foie, la rat, le menton, et lorsque tu t'aperçois qu'il
réagit mal é un de tes coups, profite, reviens là, le point faible!… Pourquoi les
représentants de commerce vont-ils au café et y discutent ? Il semble qu'ils y
perdent le temps et boivent sans soif ? en fait, ils ne perdent pas de temps… ils
amorcent des conversations… parlent sports, pêche, politique, mer, montagne,
machine à laver, famille, et lorsque le présumé client réagit sur un sujet…
apportez encore un verre mademoiselle!… puis ils poussent l'enthousiasme de
leur interlocuteur à bout pour entamer, enfin, la question marchandise à
vendre…
Eh bien, le démon fait pareil, ou plutôt, il a, comme dit Saint Ignace, à découvrir
le point faible et il suffit qu'il y en ait un seul pour qu'il passe car il a un
avantage sur le voyageur de commerce, c'est que lui a vite fait de connaître le
point faible de chacun de nous… Pour l'avenir, en ce qui vous concerne, il
prépare d'ores et déjà son petit plan à lui: … le petit blond, là, je l'aurai par les
bals, … le grand brun, ce sera par sa femme… ou une autre… ce représentant
de commerce, qui va souvent au café, je l'aurai par la bouteille, celle qu'il a
maintenant il va la casser, mais je lui en trouverai une plus grosse!… alors,
mes chers Messieurs, que doit faire le capitaine qui défend la citadelle, sachant
qu'il va faire porter son effort sur le point faible ?… Eh bien, le capitaine
responsable va faire une enquête avec une commission d'officiers spécialistes
pour découvrir les points faibles de la place qu'il défend, rapidement les fortifier,
les colmater pour résister avec succès… là, un blockhaus avec des
mitrailleuses, … là, des tireurs d'élite protégés avec des sacs de terre; ah, là …
on mettra une batterie de canons à tir rapide, mais comme ce château gêne le
tir de mes canons, on va le faire sauter…
Pardon, mon général, pensez, ce château est une beauté architecturale qui fait
courir les touristes, un château Renaissance! la splendeur du pays!…
Messieurs, on m'a confié la citadelle qui protège la cité et défend le chemin qui
mène au cœur de la nation, je prends donc les moyens pour tenir la citadelle et
ne supporterai aucune résistance à ce sujet…
Mes chers Messieurs, savez-vous combien dépensent les diverses nations de
la terre pour se protéger disent-elles ? Elles dépensent 3 milliards de N.F. tous
les jours, et Dieu sait si pendant nos deux guerres on en a fait sauter des
châteaux et des maisons, sans compter les hommes - 52 millions de morts!
Mes chers Messieurs, pour arriver au but, il faut savoir faire quelques
sacrifices: là, il faut couper; là il faut rompre, là, il y a des habitudes mauvaises
à arracher, d'autres à arranger; c'est le moment donc de prendre des
résolutions pratiques, sérieuses, viriles, peu nombreuses mais qui vous
aideront vraiment à vous sanctifier.
Quelquefois il suffit d'une seule résolution, si nous savions prendre "la
Résolution", celle que le Bon Dieu attend de nous, celle qui contrerait le mieux
notre défaut dominant, celui qui nous gêne le plus. Oui, il suffirait de celle-là, si
on la prend bien!… Il ne faut pas prendre des résolutions en l'air comme par
exemple: Désormais je communierai davantage…
C'est zéro ça, que faisiez-vous auparavant ?
Je communiais tous les Dimanches…
Que voulez-vous faire désormais ? …
Eh bien communier une fois de plus en semaine…
Quel jour ? …
Le jeudi…
Alors marquez – ,,désormais je communierai chaque Dimanche et chaque
Jeudi” … ou encore comme celle-ci: ,,à l'avenir je serai un militant d'envergure”
– oui, vous irez loin, avec ça! Qu'est-ce que cela veut dire ? Zéro, ce n'est pas
sérieux.
Il y en a d'autres aussi qui prennent des résolutions pour les autres, mais pas
pour eux. On nous pose quelquefois des questions: Mon Père, vous prêcheriez
une retraite pour belles-mères ? Remarquez qu'il en existe, mais pas prêchées
par nous, toutefois sachez, cher Monsieur, que si vous rentriez à la maison un
peu converti, la belle-mère irait beaucoup mieux, moi j'en suis certain! Je me
rappelle aussi ce retraitant de Provence, il était bon; c'était sa 4ème retraite et il
avait dû lire la belle vie de Saint Nicolas de Flue, patron national de la Suisse.
En congé payé, il avait remarqué dans les Alpes une belle grotte! Il vit me voir
et me dit: Mon Père, j'ai eu une illumination, je crois qu'il faut pour ma
sanctification que j'aille vivre dans cette grotte!…
Très bien, très bien… tout comme Saint Nicolas de Flue, mais remarquez qu'à
ce dernier qui avait 10 enfants, sa femme lui en a refusé la permission pendant
2 ans, et il n'est parti que lorsque sa femme la lui a donnée… Mais, est-ce que
vous avez l'autorisation de Madame ?… 
Ah! il me dit, non!…
Je sais que vous avez aussi 3 enfants et vous pensez que tout ce monde vivra
avec vous dans la grotte ?… Le démon se sert même de notre enthousiasme
parfois pour nous faire faire des sottises… oui, des résolutions pratiques,… et
ce retraitant de la banlieue de Marseille: il n'avait rien dit à personne de sa
résolution et nous ne l'avons connue qu'après, par d'autres retraitants. Il était
épicier: il ouvre son magasin le lendemain de la retraite et voilà qu'arrivent les
ménagères qui lui demandent qui, un kilo de sucre, qui, un kilo de pâtes; il pèse
la marchandise et la donne sans dire un mot; alors elles: combien c'est
maintenant le sucre ? combien les pâtes ? (Réponse par signes).
Oh qu'est-ce qui vous arrive M. Durand, vous ne parlez plus ? Et on ne vous a
pas vu de la semaine…
Chut, chut, mimait-il! il avait pris la résolution de ne plus parler… remarquez
que c'était pratique, mais s'il avait demandé conseil! vous pensez, un épicier! et
vous devinez la suite; à Marseille, les commères ont vite fait, elles n'ont pas les
yeux dans la poche ni la langue non plus« elles sont allées avertir les autres
commères de la place qui sont venues voir ce phénomène les unes après les
autres; il paraît qu'à 10 heures il a pris une colère à tout casser, et la résolution
est partie avec!… 
Mes chers Messieurs, plus on va dans les retraites, plus on s'aperçoit que,
comme le remarquent les anciens, si la persévérance n'a pas été assurée
comme elle aurait dû l'être, c'est que ces résolutions ont été, ou bien mal
prises, ou bien elles étaient bien prises mais un jour on les a laissées de côté,
on n'a plus eu le courage de les suivre… alors, voyez-vous, bien faire cela«
c'est un travail qui vous reste à faire avant de partir, parce que le passé nous
l'avons vu, nous l'avons assez vu, et il fallait le voir, n'est-il pas vrai ? mais à
présent, il s'agit de l'avenir; le passé c'est fini, il est ce qu'il est, nous ne
pouvons pas le changer, mais vous pouvez arranger, vous pouvez compenser
les anciennes insuffisances par un avenir bien réglé, si le Bon Dieu vous en
donne le temps! Des résolutions précises, pratiques, peu nombreuses, mais qui
vous aident vraiment à vous sanctifier…
Prenons une autre image: vous avez sans doute remarqué que l'art du
caricaturiste consiste à ce qu'il a le talent de prendre dans un visage humain
les grandes lignes essentielles du visage en cause, mais leur art consiste aussi
à accentuer certains traits, ou bien à en escamoter d'autres, et alors cela fait
rire; par exemple un champion cycliste avec un nez proéminent! Coppi, avec un
nez en coupe-vent, on s'en est donné à cœur joie; pour un autre, ce sera une
mâchoire qui a l'air de déborder… un homme politique aussi, avec deux jambes
qui n'en finissent plus et un nez!… on reconnaît… ou encore une artiste de
cinéma avec un casque d'or… oui, ils soulignent certains traits; avant-guerre en
Italie, il y avait la caricature classique d'un énorme Mussolini avec à côté un roi
d'Italie ridiculement petit, c'était courant (surtout en dehors de l'Italie) eh bien,
mes chers Messieurs, nos Églises le Dimanche sont remplies de gens dont
beaucoup ressemblent au Christ d'une façon caricaturale, pourquoi ? parce que
dans leurs traits, dans leur comportement chrétien, il y a des traits top
accentués: par exemple il y a trop de vin, il y a trop de liqueurs, de bonne
chère, il y a trop de loisirs, il y a trop de jeux, de pêche, que sais-je moi!
Remarquez, des choses légitimes parfois, mais il y en a trop, trop de baratin au
café, trop de temps perdu le soir; et puis, il y a d'autres traits qui sont
escamotés: pas assez de prières, pas assez de sacrements, pas assez de
bonnes lectures, pas assez d'étude, pas assez de bilans de la vie spirituelle;
alors il se produit un déséquilibre tel que ces hommes sont des caricatures de
chrétiens!
Mes chers Messieurs, il faut arranger cela, vous le comprenez! il faut supprimer
ce qu'il y a de trop et compléter ce qui manque… Alors, maintenant, nous
allons essayer de suivre Saint Ignace de plus près et nous continuons…
A la page 388, Préambule pour faire élection, c'est-à-dire pour choisir les
moyens qui vont nous permettre d'être chrétien, de ressembler au Christ. Je lis,
n° 169 - ,,En toute bonne élection, autant que cela dépende de nous, l'œil de
notre intention doit être simple, regardant seulement le but pour lequel j'ai été
créé” … (vous voyez comme Saint Ignace nous ramène sans cesse au principe
et fondement ? de quoi s'agit-il ?) Il s'agit de la louange de Dieu Notre-Seigneur
et du salut de mon âme – ,,Donc, quelle que soit la chose que je me décide à
choisir cela doit être pour qu'elle m'aide à obtenir cette fin; me gardant de
subordonner et d'attirer la fin au moyen, mais dirigeant le moyen vers la fin. Un
grand nombre de personnes commencent souvent par se déterminer à
embrasser l'état conjugal, par exemple, qui n'est qu'un moyen, puis à servir
dans cet état Dieu Notre-Seigneur ce qui est notre fin; de même il en est
d'autres qui d'abord veulent avoir des bénéfices et ensuite servir Dieu en ces
bénéfices. Aucune de ces personnes ne va droit à Dieu, mais toutes veulent
que Dieu vienne à leurs affections déréglées et, par conséquent, elles font de la
fin le moyen, et du moyen la fin. Elles mettent en dernier lieu ce qu'elles
devraient avoir premièrement en vue. Car nous devons en premier lieu nous
proposer de servir Dieu, qui est notre fin et, en second lieu d'accepter un
bénéfice ou de choisir l'état du mariage, si cela nous paraît plus convenable, ce
qui est le moyen pour arriver à notre fin. Ainsi, aucune chose ne doit me
pousser à prendre ces moyens-là ou à m'en priver, si ce n'est le service et la
louange de Dieu Notre-Seigneur et le salut éternel de mon âme”.
En d'autres termes, Saint Ignace dénonce là une utilisation absurde des
facteurs, de la prudence; or le but, c'est Dieu« et rappelons-nous que tout est
moyen…: par exemple: voilà un jeune qui, réfléchissant (mal d'ailleurs) se dit: je
vais me marier avec Philomène; elle est blonde, elle a deux yeux couleur
pervenche et elle répond parfaitement à mon idéal au sujet de la femme et
puis, une fois mariés, nous ferons une neuvaine à Sainte Thérèse de l'Enfant
Jésus pour savoir comment nous allons mener notre barque… c'est-à-dire,
d'abord se marier, puis ensuite faire l'enquête pour savoir: c'est comme
quelqu'un qui arriverait à la gare de Lyon Perrache pour aller, mettons à
Bordeaux: Oh! là-bas, ce joli train rouge et vert, il me plaît celui-là; il s'y installe
et puis par la portière il crie à l'employé: M. l'Employé, je vais à Bordeaux,
arrangez-vous pour que ce train aille à Bordeaux! non! on n'opère pas comme
ça, on finirait dans un asile; on monte dans le bon train, même s'il est noir…
mais pour la femme, pour la fille à marier oui, on opère comme ça; c'est cela
que Saint Ignace dénonce et l'enquête, c'est avant qu'il faut la faire pour
savoir : d'abord si vous devez vous marier, puis, ensuite, si c'est bien avec
Philomène que vous devez le faire. Eh oui, c'est parce qu'on ne réfléchit pas;
on part, on envisage son bonheur sur des choses extérieures: on la rencontre
un jour au bureau, allant à l'atelier, à la faculté… Hou… elle est bien!… et on
s'arrange pour la revoir; on lui paie une glace, puis on va au cinéma; enfin, un
jour, on publie les bans… nous sommes faits l'un pour l'autre!… sans même
s'être posé la question! Hélas… Hélas!… Si elles n'existaient pas, on devrait
les inventer les retraites pour obliger les jeunes gens de 18 à 20 ans à
s'astreindre à réfléchir à ce grave problème qu'est leur engagement dans le
mariage, même sur le plan naturel!…
Remarquez que Saint Ignace dénonce aussi les bénéfices dans les choses
ecclésiastiques. Ces dernières sont saintes par elles-mêmes mais elles ne sont
pas nécessairement pour moi. Il faut voir. Tenez, il y a quelques années, un
chanoine avait été nommé évêque, et puis, le jour de la consécration, il n'a pas
voulu faire le pas – il y a un pas à faire, comme pour le sous-diaconat – eh
bien, il a reculé au dernier moment; Saint Ignace rappelle cela…, c'est très bien
pour un chanoine d'être en violet, d'avoir des bas violets, mais, écoutez… il
vaut mieux rester habillé de noir et aller au Ciel que de l'être en violet et de finir
en enfer!… Nous devons toujours regarder le but et les moyens pour y arriver,
même le clergé!
Le choix des moyens est toujours sérieux; Saint Paul dit même qu'il est bon de
désirer, mais à condition qu'on ait les qualités nécessaires!… 
Ensuite Saint Ignace nous fait quelques remarques pour que nous sachions sur
quoi nous avons à faire élection; il y a en effet, surtout à notre époque, des
choses qu'on ne peut pas choisir; car celles sur lesquelles nous pouvons nous
arrêter doivent être d'elles-mêmes propres, bonnes et acceptées par l'Église…
Je me rappelle à ce sujet, il y a quelques années un garçon qui vint me voir:
,,Mon Père, il paraît que j'ai un nez de limier et on m'a offert de rentrer dans
une firme de détectives privés”. Grâce à Dieu, un de nos amis qui était
inspecteur de la sûreté m'avait expliqué cela quelques mois avant, alors j'ai dit
au garçon: ,,Vous allez faire là un drôle de travail… votre beau travail de
détective privé va être de prendre en filature des hommes ou des femmes pour
réaliser des divorces, oui, un travail très sanctifiant!, allez, laissez-moi ça!…”
Un autre… Mon Père, on m'a offert une situation de tonnerre pour diriger un
dancing à Cannes…
Cannes ? La Sodome moderne ?…
Oui mon Père, mais maintenant que j'ai compris je rendrai sans doute le
dancing moins compromettant ?…
Eh non, il y a des sacrifices qu'il faut savoir faire, il y a des choses qu'on ne
peut plus envisager de prendre à notre époque…, alors, voyez, au départ, une
chose propre, acceptée par le bon sens et par l'Église…
Autre remarque: il y a des élections qui laissent la chose révocable; d'autres qui
la rendent irrévocable par exemple: on est fiancé, c'est révocable; on est
typographe, c'est révocable… un jour, un retraitant vint me voir: ,,Mon Père, je
crois que j'ai la vocation pour être prêtre, mais je suis typographe…
Eh bien, vous n'êtes pas marié avec la typographie ? Laissez-la et rentrez au
séminaire!…
Bien des fois aussi: ,,Ah,! mon Père, je crois que j'ai la vocation mais je suis
marié”… Là, ce n'est pas la même chose, vous ne pouvez laisser votre femme
voyons, à moins qu'elle ne meure, vous ne pouvez pas la tuer non plus n'est-ce
pas ?… Plus de problème…
Il y a donc des élections irrévocables, mais comme d'autres sont révocables ça
pose ici un problème: Voilà quelqu'un qui dans le passé
a mal fait une élection irrévocable; ça peut arriver, exemple: il y a 7 ou 8 ans un
Monsieur 40 ans, vient me trouver pour me dire: Mon Père, moi je suis un
damné…
Très heureux de faire votre connaissance, asseyez-vous. Pourquoi êtes-vous
damné ?…
Ah! me dit-il, j'avais la vocation, j'ai fait alors 3 ans de grand séminaire à Paris,
je portais la soutane et puis un jour, dans le Puy de Dôme, en vacances, je me
suis amouraché de ma cousine. J'ai balancé ma soutane et me suis marié, j'ai
eu 5 enfants, je suis damné…
Mais, non,… c'est sérieux et voilà ce qu'il faut faire: … ne pas revenir sur le
passé… c'est fini… demander pardon pour la faute initiale, celle d'avoir refusé
votre don à Dieu, après il n'y aura plus de problème… vous aurez à faire ce
que doit faire un bon époux, vous aurez à faire ce que doit faire un bon père de
famille et tâcher de devenir un Saint dans l'état que vous avez choisi, bien qu'il
ne vienne pas de Dieu, il n'y a plus à revenir sur le passé.
Par contre, nous dit Saint Ignace, quelqu'un qui a mal fait une élection
révocable doit la refaire, non pas parce qu'elle est révocable, mais parce qu'elle
a été mal faite. Beaucoup de gens font des élections révocables qui sont mal
faites:…Voyez tous ces petits novices, nos religieux et nos religieuses aussi qui
n'ont fait encore que des vœux triennaux ou même pas encore de vœux, cela
ne veut pas dire que chaque fois qu'ils ont fait des vœux révocables ils ont à les
révoquer, non! mais si on a des raisons à cela, oui, il faut le faire« c'est pour ce
motif que l'Église demande à ses religieux et à ses prêtres de réfléchir pendant
assez longtemps, même des années, avant de prononcer les vœux définitifs!…
A la page 390 nous allons voir les 3 temps opportuns pour faire une bonne et
sage élection:
Le premier temps: ,,Quand Dieu meut et attire la volonté de manière que, sans
douter ni pouvoir douter, cette âme dévote suit ce qui lui est montré, comme le
firent Saint Paul et Saint Matthieu en suivant Jésus-Christ Notre-Seigneur”.
On pourrait ajouter Sainte Jeanne d'Arc, des prêtres, des religieux et bien
d'autres!… Ils voudraient douter qu'ils ne le pourraient pas! les lumières que
Dieu leur donne sont telles qu'ils ne peuvent douter, alors, là, c'est facile,
puisque c'est Dieu lui-même qui prend la solution à notre place… allons mon
petit, prends ce chemin, je te guiderai… ça va tout seul voyez!…
Le deuxième temps: ,,quand on recueille assez de lumière et de connaissance
par l'expérience de consolations et de désolations ou par l'expérience du
discernement des esprits”.
Les anciens et les prêtres voient ces admirables règles dans nos réunions de
11 heures. Elles permettent de bien diriger les âmes lorsqu'on les possède.
Le troisième temps: ,,Considérant d'abord pour quel but l'homme est né et
désirant cela, on choisit comme moyen une vie ou un état parmi ceux que
l'Église approuve pour être en bonnes conditions de servir Notre-Seigneur et de
sauver son âme”.
,,Mais dans ce troisième temps, il faut que l'âme ne soit pas agitée de divers
esprits et puisse user de ses facultés naturelles librement et tranquillement”.
Lors donc qu'une élection n'est pas le fruit du premier ou du deuxième temps,
pour la faire le troisième temps est utilisé, et dans ce cas on peut avoir recours
à deux modes différents:
1er mode pour faire choix dans le 3ème temps:
Donc à froid, tranquillement, en se servant de ses facultés naturelles.
Premièrement: On se rappelle d'abord le problème, la chose en question: le
mariage avec Philomène ou avec Baptistine etc… ou bien ne vaudrait-il pas
mieux que je parte en mission ? ou bien encore, moi qui suis marié, on m'offre
une situation à tel endroit, est-il opportun de le faire ? Donc, se rappeler la
chose… d'ailleurs, même sur le plan naturel, on fait cela…
Deuxièmement, me rappeler en même temps le but:… Rappelons-nous mes
chers Messieurs, et cela est capital d'y penser, tout doit être en fonction de ce
but; tout est moyen, mais tout n'est pas un moyen pour moi. C'est toujours
l'exemple des trains. Tous les trains qui roulent sont bons mais tous ne sont
pas bons pour moi et quand je vais quelque part, il faut que je prenne le bon
train et que je le prenne autant que…, pas plus que…; tout ce que le Bon Dieu
a créé est bon, mais tout n'est pas bon pour moi; il y a des choses qui sont
bonnes pour d'autres qui ne le sont pas pour moi. En bref, nous rappeler la
chose en question, puis revoir le but parce que je ne sais pas encore si cette
chose en question va me permettre d'arriver au but. A cet effet, rappelez-vous
les 3 binaires, ces hommes qui avaient reçu une grosse somme d'argent; au
départ ils n'avaient pas pensé au but et, en fin de compte, un seul des trois a
pu régulariser!…, donc, revoir le but; puis, ensuite, nous dit Saint Ignace, pour
nous permettre de bien choisir, nous trouver dans une entière indifférence, pas
plus porté à prendre la chose qu'à la laisser, me trouvant comme en équilibre
sur la balance tant que je ne sais pas ce qu'il faut faire… si c'est bien un bon
moyen pour moi: encore une fois, comme dans la grande gare, je ne monte pas
dans le premier train que je vois, il faut d'abord que j'enquête, que je me
renseigne et reste indifférent quant à la couleur des trains et l'endroit où ils se
trouvent; c'est pareil ici: il faut être indifférent pour faire une enquête impartiale,
mais sur quoi celle-ci portera-t-elle ? Eh bien, tout d'abord vers la prière qui
peut être plus ou moins longue selon l'importance du sujet afin de demander au
Bon Dieu qu'Il mette en moi ce que je dois choisir; ensuite peser les raisons
pour et les raisons contre. Tous les jeunes gens ont des problèmes, tout au
moins celui de leur avenir, beaucoup de messieurs ne les ont plus,
évidemment, mais ils peuvent encore avoir des problèmes de choix – je dis
cela entre parenthèses pour que les messieurs qui n'ont pas d'élection à faire
ne s'encombrent pas de ces feuilles d'Élection que vous trouverez à votre
disposition sur la table et qu'ils pourraient se croire tenus de remplir: mais ceux
que la feuille intéresse, automatiquement, ils auront à traiter sur chaque feuille
un seul problème, de telle sorte que si l'un de vous par exemple, trois
problèmes sur lesquels il doit faire élection, il aura trois feuilles à remplir.
Je me rappelle ce jeune homme qui était employé dans une administration de
transport de cars de pèlerinages qui vint me dire: Mon Père, au cours de
l'année sainte, j'ai fait 11 voyages à Rome et 7 à Lourdes, au cours de ceux-ci
j'ai connu trois jeunes filles très gentilles, Monique, Colette et Marie-Laure, je
ne sais pas laquelle prendre ?…
Alors, je lui ai répondu: c'est simple, prenez 4 feuilles, une pour Monique, une
pour Colette, une pour Marie-Laure et la quatrième pour savoir si le Bon Dieu
n'attendrait pas autre chose de vous…
Il est possible que parmi les jeunes gens qui ont à choisir leur état de vie,
certains – et bien qu'ils n'aient pas leur volonté directement attirée par Dieu,
comme il a été dit dans le premier temps – comprennent que c'est dans le
sacerdoce qu'ils se sanctifieront davantage et qu'ils assureront plus sûrement
leur salut; qu'ils n'hésitent pas! Vous connaissez le proverbe chinois; ,,Si tu
pars en voyage prie une fois; si tu pars à la guerre, prie deux fois, mais si tu
dois te marier, prie trois fois”… mais il faut savoir que tout homme peut être
prêtre à condition:
1. - D'avoir fait une bonne élection, donc ne pas vouloir aller là où Dieu ne vous
veut pas.
2. - D'avoir les dispositions requises. Si on n'a pas les dispositions requises
pour être prêtre, il ne faut pas s'acharner à l'être; elles ne sont pas les mêmes
si vous voulez être curé, trappiste ou chartreux, et si par exemple vos
possibilités intellectuelles ne sont pas jugées suffisantes, ne vous fâchez pas,
sachez que des "frères" sont devenus de très grands saints!
3. - Il faut vouloir en accepter les règles. La Sainte Écriture nous dit qu'il vaut
mieux ne pas faire de vœux que de les faire et ne pas les tenir.
4. - Il ne faut pas de contre-indications. En médecine, vous savez ce que cela
veut dire, si vous avez mal au foie, défense de manger du chocolat; de même,
dans le droit canon il y a quelques contre-indications par exemple: si vous avez
des dettes, eh bien, il faudra les rembourser avant; si votre papa est encore de
ce monde et n'a plus que vous pour vivre, il faudra attendre, etc…
5. - Il faut trouver un évêque ou une congrégation qui vous accepte. J'ai connu
un licencié en droit canon théologique qui remplissait toutes les conditions,
mais il n'a pas trouvé d'évêque qui le veuille – ils avaient sans nul doute leurs
raisons – eh oui, il est nécessaire d'être admis. Par contre, voilà un jeune
homme qui se serait marié volontiers, une douzaine de filles tournent autour de
lui, mais il comprend, en voyant le manque de prêtres, qu'il servirait Dieu
beaucoup plus utilement et ferait là une grande chose! Il a les dispositions
requises et avec la grâce de Dieu est décidé à en accepter les charges; il n'a
pas non plus de contre-indications et trouvera sans doute une congrégation ou
un évêque qui l'accepte, est-ce qu'il peut se donner au Bon Dieu ?… Oui,
Monsieur…
Mais Georgette pleurera!…
Eh bien, n'ayez pas peur: ou elle se consolera, ou elle en prendra un autre, à
moins qu'elle ne se fasse religieuse elle aussi; oui, il peut très bien se donner à
Dieu, même s'il n'en a pas envie et qu'il soit porté au mariage; il a le droit de
renoncer à ce plaisir légitime qui est un état de vie chrétienne afin d'aller plus
haut. Croyez qu'il y a beaucoup d'erreurs sur la vocation.
Mais alors mon Père, si tout le monde avait la vocation, ce serait la fin du
monde ? Oui, Monsieur, mais la plus belle fin du monde! Saint Thomas disait: Il
faut plus de motifs pour ne pas se faire religieux que pour se faire religieux; être
religieux ce n'est pas la sainteté acquise, mais c'est un état de perfection à
acquérir!
Comme nous sommes tous appelés à nous sanctifier il semblerait que nous
devrions tous envisager cette solution, mais ne vous en faites pas, il n'y en a
pas beaucoup qui essaient de monter à la corde lisse!…
Et si je dis non ?
Si vous dites non, mon cher ami, il y a des gens qui doivent être sauvés qui ne
le seront peut-être pas!
Alors, voyez, que ce soit pour le sacerdoce, pour le mariage ou tout autre choix
peser le pour, peser le contre, ne suivant que la raison et non pas les
sentiments. car on dit en effet que l'amour est aveugle – pas l'amour divin car
lui n'est jamais aveugle – mais les amours d'ici-bas le sont et en même temps
qu'eux il y a aussi l'amour de soi, l'orgueil, qui est aveugle; en un sens c'est vrai
parce que c'est toujours un amour désordonné; l'amour exagéré des richesses
aussi est aveugle, comme l'amour exagéré des sens; l'amour exagéré de la
boisson est aveugle, même les sentiments et les impressions sont parfois
aveugles… mais rappelons-nous, mes chers Messieurs, Dieu nous a rendus
raisonnables pour que nous puissions recevoir ses grâces, et dès que nous
quittons le raisonnable pour suivre le passionnel nous ne pouvons plus recevoir
les grâces de Dieu.
Ainsi donc, ..après avoir ainsi réfléchi (page 392) et raisonné en tous les points
sur la chose en question, regarder où la raison s'incline davantage, et ainsi,
selon la plus grande impulsion de la raison, et non des sentiments, doit se faire
le choix sur la chose en question”.
Ensuite, l'élection ou le choix étant fait, je vais l'offrir à Dieu Notre-Seigneur
sous la forme d'un écrit ou d'un don: ,,Mon Dieu, voilà ce que je fais pour vous,
voilà la résolution que j'ai prise, voilà la décision que j'ai prise pour être
vraiment chrétien”. Saint Ignace ne pose à cela qu'une condition: c'est que la
décision ait été prise avec indifférence, c'est-à-dire dans cette attitude
préliminaire qui permet de bien choisir, comme dans l'exemple des trains; mais
ensuite, quand on a choisi, il faut sortir de cette indifférence pour pouvoir agir,
autrement on ferait comme l'âne de Buridan! C'est un philosophe qui avait
inventé ça: mettez dit-il, un âne qui a grand faim entre deux picotins d'avoine
placés à égale distance l'un de l'autre. Comme les 2 picotins l'attirent avec la
même force et se neutralisent, l'âne va mourir de faim! Remarquez qu'au fond,
le plus âne de tous, c'était le philosophe, parce que dans la réalité, l'âne aurait
eu vite fait de manger pas un, mais les deux picotins! mais dans la théorie,
admettons la chose, alors Saint Ignace nous dit qu'il faut sortir de l'indifférence
après avoir choisi, comme nous en sortons pour prendre le bon train après
nous être renseignés. Mais comprenons bien l'importance capitale de cette
indifférence préliminaire, pour une bonne élection car, quelqu'un qui n'est pas
indifférent ne peut pas bien choisir, pourquoi ?… mais parce qu'il a déjà choisi!
tout simplement! Tandis que l'indifférence permet, elle, l'enquête impartiale qui
détermine le choix, et le choix fait, on sort de l'indifférence pour dire: Ce train, je
le veux; cette fiancée, je veux la prendre, qu'elle soit ma femme. On ne peut
plus être indifférent puisque la résolution est prise, c'est le bon train pour vous!
Il faut bien comprendre cela voyez-vous, attitude préliminaire qui nous permet
de bien choisir… Prenons un cas concret pour illustrer encore cela: Voilà un
garçon en face du problème de son avenir; il prend les feuilles, commence à
écrire, rature, efface, perd un peu la tête… Ah oui, le Père il allait vite lui! lui
avait fait son choix, mais moi je n'ai pas fait le mien!… la théorie c'est beau,
mais la pratique!! Ah! je n'y arrive pas…
Pourquoi cher Monsieur, vous n'y arrivez pas ?…
Je ne sais pas moi, mais c'est vrai, je n'arrive pas à me décider…
Mais, voyons, est-ce qu'il n'y aurait pas quelque chose entre vous et la feuille ?
… ou quelqu'un ?… Êtes-vous indifférent, vous ?…
Ah, mon Père, indifférent moi ? Il n'y a rien à faire pour ça, d'ailleurs, si vous la
connaissiez, vous ne seriez pas indifférent, elle a de ces yeux!…
Ainsi, voyez-vous, au début, ce garçon n'est pas indifférent pour pouvoir
choisir, et si, ici, cela joue pour une fille, ça peut jouer pareillement pour la
colonie, pour l'aviation, pour une /// (fin page 260)) situation, que sais-je,

((début 261))
une situation, que sais-je, un amour… irréfléchi ? je ne dis pas désordonné
mais encore irréfléchi ? alors comment faire dans ce cas-là pour bien choisir et
obtenir cette indifférence préalable qui est indispensable ? Parce qu'il est
évident que ce garçon n'est pas indifférent, puisque son cœur est déjà pris!…
Eh bien, dans ces cas-là – vous allez voir comme c'est admirable au point de
vue psychologique – Saint Ignace va provoquer cette indifférence
artificiellement si l'on peut ainsi parler:
2ème mode pour faire une bonne et sage élection (page 392) 1ère Règle – ,,Il
faut que cet amour qui me pousse et me fait choisir cette chose-là descende de
l'amour de Dieu, de sorte que celui qui fait élection sente d'abord en lui que cet
amour plus ou moins grand qu'il a pour la chose sur laquelle il délibère est
seulement pour son Créateur et Seigneur”.
Un jour, je posais la question à un garçon qui était dans ce cas – la réponse je
le connaissais d'avance car elle est toujours la même – le jeune homme
réfléchit un moment, tout d'un coup son visage s'éclaire, un sourire et: ,,Ah oui
mon Père, ça vient sûrement de Dieu… Saint Ignace aussi connaissait la
réponse, aussi, pour être certain qu'il en est bien ainsi, il va procéder à 3 tests
dans les règles suivantes:
Remarquez au préalable, comme le disait un prêtre que j'ai beaucoup aimé et
qui est mort maintenant, que dans certains cas, dans les mariages notamment,
il faut apporter dans le choix une grande prudence; évidemment il y a des
exceptions, mais d'une façon générale, si vous choisissez une fille qui a 7 ou 8
frères et sœurs, si gentille que soit la belle-maman, il est à peu près acquis que
vous ne l'aurez pas toujours à la maison« mais si vous prenez une fille unique,
vous prendrez en réalité deux femmes, la fille et la mère! alors attention, même
si la fille a une bonne dot!… 
Évitez aussi de choisir une épouse qui ne serait pas catholique, comment
mèneriez-vous l'éducation des enfants,… Il est préférable aussi d'avoir un
niveau d'érudition sensiblement le même pour éviter des froissements
possibles et de choisir sa femme, sa compagne devant Dieu, parmi celles qui
ont du jugement, du cœur, et qui ont surtout la Foi, en raisonnant que ces
qualités et vertus n'ont pas de comparaison avec ce que pourraient avoir
d'attrayant les seules qualités physiques qui sont si éphémères…
Donc trois tests:
Premièrement ,,Regarder un homme que je n'ai jamais vu ni connu, lui désirant
toute la perfection souhaitable possible, considérer ce que je lui dirais qu'il
fasse ou choisisse pour la plus grande gloire de Dieu Notre-Seigneur et plus
grande perfection de son âme. Et le faisant moi-même, garder la règle que je
pose pour autrui”.
Quelqu'un que je ne connais pas… Pour préciser, prenons un exemple… Voilà
un jeune homme qui quitte la retraite samedi. Il prend le train, faisons le courir à
Bordeaux si vous le voulez. Monte dans son compartiment un garçon de son
âge. Ils sont assis face à face et très rapidement ils fraternisent ayant même
gabarit spirituel. Il se trouve que ce garçon lui fait connaître un problème
exactement semblable au sien. Il lui demande conseil. Alors, comme il vous
demande un conseil impartial, qu'est-ce que vous lui conseilleriez de faire dans
un cas pareil ?
Je lui dirai de faire ça… de faire comme ça…
Bien. Et ce conseil est bon; ce conseil que vous donneriez à autrui dans ce
cas-là, prenez-le pour vous, parce qu'il est bon à condition que vous ne
connaissiez pas celui à qui vous le donnez, parce que si vous le connaissez,
c'est très différent. Nous allons le voir: Prenons maintenant comme exemple
deux jeunes gens qui se connaissent très bien, deux amis de la même
paroisse. Ils ont fait la retraite ensemble, ils prennent le train pour rentrer à
Lyon et ils sont assis côte à côte dans le compartiment. L'un d'eux est triste à
ce point que son ami lui dit:
,,Mais mon vieux, tu devrais pourtant être gonflé ?…”.
Ah, mon chef, ne m'en parle pas de la retraite! depuis le truc de l'élection, là je
ne vois plus clair, ça allait bien d'abord… tiens, tu es un bon copain toi, donne-
moi un tuyau, un bon conseil, qu'est-ce que je dois faire, aller au séminaire ou
me marier ?…
Moi mon cher, je te connais trop justement, il vaut mieux que tu demandes au
Père l'année prochaine…
L'année prochaine ?… l'année prochaine j'aurai 25 ans, toi aussi d'ailleurs, on
devrait voir clair à notre âge!…
Oui, d'accord, mais tu ne vas pas de marier après-demain quand même!
Pas après-demain non, mais si j'y voyais clair, peut-être que bientôt…
Ah! donc, tu connais quelqu'un à la paroisse ?
Oui…
Tu me demandes conseil, est-ce que je pourrais savoir qui est-ce ?… 
Oui, c'est… Solange…
Solange, tu me dis!… Mon cher, tu as bien entendu le Père que les Séminaires
se ferment les uns après les autres en France! Moi je crois que tu as la
vocation tu sais, tu ferais sans doute bien de rentrer au Séminaire!
Mais voilà, il trouve que son copain a la vocation depuis qu'il a entendu le nom
de Solange après laquelle il court lui aussi!… 
Vous comprenez bien que dans ce cas-là, le conseil ne vaut rien. Saint Ignace
a tout prévu: un homme que vous ne connaissez pas; alors le conseil que l'on
donne est impartial parce que c'est un conseil que l'on donne à quelqu'un que
l'on ne connaît pas.
Après que Saint Ignace nous a mis artificiellement dans l'indifférence en
changeant de personnes, il va maintenant, dans le deuxième test, nous y
mettre en changeant de temps, en nous transportant au moment de la mort…
En effet, à ce moment-là, quelqu'un qui a la Foi est indifférent. Précisons
cependant la question:
Un accident de la route: transport en clinique, beaucoup de perte de sang,
transfusions, le docteur prend le pouls et regarde l'infirmier… foutu… encore 3
minutes… Le docteur ne s'en est pas rendu compte mais, vous, vous avez tout
entendu: 3 minutes, j'en ai encore pour 3 minutes, dans 3 minutes je serai
devant Dieu… alors, Messieurs, à ce moment-là vous comprenez très bien que
toutes les histoires de la terre ne comptent plus pour quelqu'un qui a la Foi. Je
vais paraître devant Dieu; à ce moment-là on se rappelle la retraite qu'on a faite
à tel moment, à Chabeuil ou ailleurs, la résolution prise… ou pas prise… tenue
depuis… ou pas tenue… qu'est-ce que j'aurais voulu faire en pratique,
maintenant que je vas paraître devant le Seigneur ?… Eh bien, cette résolution,
qu'à votre mort vous souhaiteriez avoir prise, prenez-la maintenant, aujourd'hui
même…, encore un bon moyen que Saint Ignace imagine en nous plaçant
dans un moment où nous serions sûrement dans l'indifférence, car devant la
mort on est indifférent des choses d'ici-bas.
Enfin 3ème test: il nous transporte au Jugement dernier, à la Résurrection
générale. Je me retrouve avec mon corps, tout le monde sort du tombeau et les
anges commencent à faire le tri, et là, il n'y a pas de récrimination: allez… à
droite… à gauche… à droite… à gauche et je comprends que c'est cet ange si
puissant qui va me mettre d'un côté ou de l'autre, au Ciel ou en Enfer et il va
vite, hein!… alors je me rappelle cette résolution prise… ou pas prise… tenue…
ou pas tenue… Qu'est-ce que j'aurais voulu avoir fait, maintenant que je vais
être mis à droite ou à gauche ?… Remarquez que cette pensée peut vous aider
et que cela n'est pas automatique comme dans les gares où pour 1 franc les
machines automatiques vous sortent des chocolats ou des bonbons… mais
bien que non automatique, ce moyen peut vous aider, ces moyens que Saint
Ignace met à votre disposition.
Voilà donc pour ceux qui ont à faire élection, qui doivent se fixer un état de vie,
donc les jeunes en général. Mais tous – c'est valable pour tout le monde – nous
avons à faire l'Amendement de notre vie pour mieux progresser dans la voie de
la perfection et du salut.
A cet effet, il vous est remis un triptyque qui comporte de multiples annotations.
D'abord les Résolutions principales, celles dont je vous parlais tout à l'heure, la
résolution qui vous aidera vraiment à vous sanctifier parce qu'elle va supprimer
l'obstacle le plus grand que vous avez rencontré jusqu'à présent dans votre vie
pour votre sanctification. On y parle aussi d'un examen particulier. Les anciens
l'ont déjà vu et verront demain à 11 heures ce qu'est exactement cet examen
qui se superpose à l'examen général, et qui permet de faire le bilan des
progrès ou des reculs de la journée. L'examen de conscience est indispensable
à tout le monde: un commerçant qui ne fait pas son bilan est vite en prison à
notre époque, et dans le "business", vous me comprenez!… il y a des
concurrents: tout cela est vrai… mais dans la vie spirituelle il y a aussi des
démons qui veulent profiter de nos difficultés, même matérielles; il y a les
passions et malheureusement, nous n'avons pas de cadrans pour nous
montrer cela! Il faut voir ça dans un avion moderne: J'ai pris un jour au Canada
un DC 6 quadrimoteur et le commandant – ce sont des erreurs qu'on peut faire
dans la vie – m'a pris en effet pour le Cardinal Léger – il paraît que je lui
ressemble un peu – et il m'a conduit dans sa cabine de pilotage et m'a montré,
là, tous ces appareils de contrôle« il y en avait 340 m'a-t-il dit! Qui me donnera,
à moi, ces cadrans pour mesurer la puissance de mon orgueil, de ma
sensualité, de ma susceptibilité, de ma gourmandise ?… etc… Eh bien, nous
n'avons pas cela, et le cadran, il faut le remplacer par le contrôle rigoureux de
nos actes, au fur et à mesure, par l'examen, et cela au moins tous les soirs,
c'est capital de savoir comment cela se passe en nous.
Je vois aussi mentionné le coucher: Messieurs, la première des choses à
arranger c'est le coucher. Pourquoi ? Mais parce que le lever dépend du
coucher. Quelqu'un qui ne sait pas se coucher ne sait pas se lever. Or, à notre
époque, trop d'attractions sollicitent des pertes de temps le soir, la télé, le
cinéma, etc… aux dépens bien entendu de ce qui pourrait être fait dans l'ordre
spirituel! On ne vous dit pas de faire tout ce qui est marqué sur ce triptyque,
vous le comprenez: ce sont des indicatifs qui peuvent vous suggérer certaines
décisions pratiques; c'est d'après votre vie habituelle, d'après votre horaire
journalier et professionnel, d'après la famille – il y a évidemment beaucoup de
facteurs qui jouent – vous devez voir ce que vous pouvez faire ou améliorer
compte tenu, d'autre part, de votre caractère et de votre tempérament!
Mais n'ayez pas peur de mettre du carburant pour nourrir votre piété. D'abord la
prière du matin et du soir, un peu de lecture de l'Imitation de Notre-Seigneur, ça
c'est un minimum. Se réserver le temps utile à une lecture spirituelle journalière
sur laquelle pourrait porter votre méditation. Même chose: à quel moment ?
combien de temps ? On devrait faire effort pour augmenter les possibilités
d'assistance à la messe; la communion doit être envisagée au moins tous les
dimanches, sans ça vous ne tiendrez pas, mais pourquoi pas tous les jours,
c'est une décision dont ceux qui sont dégagés des sujétions de travail devraient
pouvoir retenir. Au moyen âge on disait: ,,celui qui va à la messe tous les jours
ne meurt jamais de faim”, et sachez que c'est vrai, j'ai vu ça en plein quartier
ouvrier très populeux, Dieu donne les grâces nécessaires à ceux-là! Le
chapelet tant recommandé par Notre-Dame de Fatima doit être récité tous les
jours, pourquoi pas en famille! Lorsque les enfants sont trop petits, il ne faut
pas leur imposer un chapelet entier, bien sûr, mais vous organiser pour le
mieux et toujours avec le sourire, dans l'intention de plaire au Bon Dieu et de
travailler pour sa gloire, tout en vous sanctifiant vous-même et en aidant votre
famille et votre entourage à se sanctifier.
Au titre "Confessions" : Le sacrement de la pénitence renferme de très grandes
grâces. Le Pape Pie XII le rappelait dans l'encyclique sur la liturgie ,,Il y a
beaucoup de chrétiens qui ne comprennent pas la valeur de ce grand
sacrement”.. Je vous parlais il y a 2 jours de Saint François de Borgia, c'était un
très grand saint et il se confessait tous les matins avant de dire sa messe. Eh
bien, il en trouvait des choses!
Mes chers Messieurs, si nous savions voir en nous tout le bien que nous
devrions faire et que nous ne faisons pas, même sans qu'il y ait de péché
caractérisé, nous pourrions nous aussi en trouver des choses à nous faire
pardonner. Oui, se confesser souvent.
Sanctifier le Dimanche: ah! il y en a qui croient que le Dimanche on a le droit de
faire ce qu'on veut. C'est une erreur. Le Dimanche est le jour du Seigneur.
D'abord on ne doit pas en profiter pour nettoyer les écuries, on ne coup pas
son bois et on ne fait pas la lessive à moins de circonstances exceptionnelles le
justifiant vraiment, on doit s'arranger pour le faire en semaine. Le Dimanche on
doit normalement faire la Sainte Communion et on ne va pas s'y confesser à 7
h 25 pour la messe de 7 h 30, non, on fait ça la veille. On doit vivre sa messe,
prendre part au sacrifice et on devrait en sortir bouleversé. Saint Ambroise
nous dit: Prends bien garde que cet "Amen" que tu dis des lèvres de le dire du
fond du cœur! Mais c'est Dimanche toute la journée, vous irez voir ce cousin
qui est à l'hôpital, lui porter quelques oranges et réconforter sa Foi« le préparer
doucement en vous inquiétant de son âme; s'il est en danger, vous ferez au
besoin une démarche auprès de l'aumônier; le Dimanche vous irez ramoner le
poêle de cette pauvre vieille et lui couper son bois, ça c'est permis… Vous
assisterez s'il le faut à la réunion de l'A.C.; vous accompagnerez vos enfants
voir les grands-parents, ils y ont droit!
Le Dimanche c'est jour de fête et il faut le marquer! A table il y aura un petit
dessert et vous saurez remplir votre devoir d'éducateur, c'est à chaque instant
qu'il faut le faire, mais il y a des moments qui sont plus psychologiques que
d'autres: Maman, est-ce que Jacqueline dit toujours des mensonges ? Est-ce
que Pierrot chaparde toujours du sucre ? Est-ce que Jeannot hausse toujours
les épaules ? Toi, explique-moi ton catéchisme, montre-moi tes notes…
Croyez-moi, Messieurs, vos enfants vous conserveront une reconnaissance –
je dis éternelle en pesant le mot – vous m'entendez! si vous savez ainsi remplir
votre devoir d'éducateur.
Et le Dimanche après-midi ? Mes chers amis, eh bien, c'est toujours Dimanche;
il faut en profiter, non pas pour perdre son temps mais pour vous instruire sur
votre religion si vous ne disposez pas d'autres loisirs. Beaucoup d'hommes
perdent la Foi parce qu'ils ont poursuivi leurs études techniques et classiques
alors qu'au point de vue religion ils en sont restés à ce qu'ils savaient (ou ne
savaient pas) quand ils avaient 8 ans. Alors chez eux, c'est un véritable
déséquilibre que l'on constate: si vous parlez de Moïse, ils se rappellent
vaguement avoir vu un enfant dans une corbeille au cinéma; vous parlez de
Job ? Ils pensent alors au papier à cigarette; c'est une véritable honte; on n'est
pas ignorant lorsqu'on ne sait pas ce que l'on ne doit pas savoir: par exemple
on ne vous en voudra pas de ne pas savoir la médecine comme un médecin;
mais on est ignorant lorsqu'on ne sait pas ce que l'on devrait savoir, et nous
devons tous connaître au moins les éléments de notre religion et de son
histoire, au moins ça, en gros, et on ne peut le savoir qu'en l'étudiant.
Tout chrétien, serait-il ouvrier ou cultivateur doit donc se réserver un certain
temps d'étude religieuse par semaine, à fortiori les intellectuels. Mes chers
Messieurs, un jour, on fera le bilan de vos lectures, et cela très sérieusement!
Ah! il fallait que je lise "Match"! il fallait que je lise "Ici Paris" ou "Le Dauphiné
Libéré"… ou pas libéré… comme si le temps nous avait été donné pour le
perdre!… Je ne dis pas qu'il ne faille pas connaître les grosses nouvelles, on
les sait d'ailleurs. Nous, nous n'avons jamais de journaux, mais elles passent
même par-dessus le mur des couvents! on perd beaucoup de temps; des
prêtres aussi perdent beaucoup de temps au journal, aux revues et… à la boîte
magique, oui on perd beaucoup d'un temps qui serait précieux à nous former;
alors, voir, se réserver pour l'étude un temps chaque semaine, voire un peu
tous les jours et, à plus forte raison, les intellectuels. Combien de gens qui
écrivent dans des journaux, dans des revues, même des livres entiers sans
connaître la question. Ils inventent out, ou alors ne disent que des choses
superficielles, c'est effarant… avec leurs idées à eux, tout ça… épouvantable;
oui, lire des choses sérieuses, évangiles expliqués, catéchèse pour adultes,
apologétique, c'est-à-dire des manuels; c'est là qu'on se forme, dans des
manuels, et non pas dans des revues; imaginez que dans les facultés pour
devenir médecin, pour devenir avocat, on lise des revues! Remarquez qu'une
revue bien faite peut éclairer un problème, mais on y a vu professeur le plus
connu au moins connu, alors ? Non, on acquiert la science par des manuels
sérieux; pour l'étude c'est pareil: un chrétien qui arrive à bien connaître sa
religion peut faire un bien immense autour de lui… Jamais on n'a comme à
présent manqué de doctrine alors qu'il y a tant de moyens pour l'information et
pour la diffusion des idées; il serait donc possible de nous former. Un
catholique bien formé dans une usine, Messieurs, même les communistes
viendraient à lui car ils verraient la lumière jaillir, là, d'un ouvrier formé, d'un
ouvrier qui connaisse bien la doctrine sociale de l'Église! mais ces choses-là ne
s'inventent pas, elles doivent s'apprendre, c'est évident.
Depuis cent ans surtout sont venues de Rome des lumières splendides qu'on
ne connaît pas; les communistes, très souvent, les connaissent mieux que
nous. Ils sont plus au courant que nous, c'est épouvantable… c'est
épouvantable que nous ne soyions pas au courant de tant de lumières! Oui,
étudier l'histoire de l'Église, les documents pontificaux sur la doctrine sociale de
l'Église et sur les grands problèmes actuels. Tout cela existe, nous avons
toutes les directives voulues pour bien faire.
Alors piété, étude, action. C'est l'ancienne devise de l'A.C.J.F. Remarquez que
si les problèmes de piété et d'étude sont bien réglés, l'action sera bonne
nécessairement.
On vous indique encore là vos devoirs d'état: familiaux d'abord avec votre
épouse, vos enfants, fiancée, frère, parents, etc… professionnels aussi, comme
il est bon d'être formé dans sa profession, de devenir un homme qui la connaît
vraiment, en être un spécialiste pour pouvoir y rayonner et avoir avec tous des
rapports confiants dans la compétence et la justice: c'est la clé de tout
apostolat dans ce domaine. Voyez tout le bien qui peut se faire là, mais vous
ne pouvez tout faire, il faut savoir se limiter car nous sommes bornés. Alors, où
me dévouerai-je ? Il y a des gens qui peuvent mieux rendre dans la Légion de
Marie, d'autres dans les conférences de Saint Vincent de Paul ou dans certains
secteurs de l'Action Catholique; il faut voir, n'est-ce pas ?
Autre sujet aussi: aider les missions: Pour les missions nous ne faisons pas
assez, les protestants font beaucoup plus que nous. Un employé de la Régie
des Tabacs à Paris m'a affirmé qu'en 1962 les Français avaient dépensé 360
milliards d'A.F. à faire de la fumée, 1 milliard d'A.F. par jour à griller du tabac et
la Propagation de la Foi, qui couvre le monde entier, n'a reçu en tout que 35
milliards soit 10 fois moins que les Français font de fumée. Il y a là un
problème… c'est évident! Nos pauvres missionnaires pourraient quelquefois
faire beaucoup plus de bien s'ils disposaient d'une puissante moto ou d'une
Jeep, ou de tracteurs pour pouvoir rayonner et ils sont là, en panne, pendant
que les Français, eux, font de la fumée…
Je ne veux pas dire qu'il ne faille point fumer, mais quand même, ne croyez-
vous pas qu'on pourrait s'en priver un peu ? C'est très bien que de parler de
peuples sous-alimentés, mais nos missionnaires, eux, font un travail qui aurait
été à même de résoudre, en partie du moins, les problèmes actuels en Afrique
ou ailleurs si on les avait aidés, mais on ne l'a pas fait et maintenant on donne
des milliards pour aider certains bonshommes plus ou moins noirs, là-bas; mais
on n'y aurait pas perdu n'est-il pas vrai, si on avait un peu plus pensé à nos
missionnaires!
Tout cela c'est de l'Action Catholique. Les Papes sont revenus fréquemment là-
dessus. Œuvres des vocations, apostolat des malades, catéchismes, œuvres
de Retraites, voir ce que vous pouvez faire là aussi en vous unissant sur le plan
paroissial pour revaloriser toutes les œuvres par des hommes qui ont compris
qu'on doit être au service du Christ dans la paroisse, devoirs sociaux, devoirs
religieux. Qu'est-ce que je fais moi pour le règle social de Jésus-Christ dont les
papes parlent tellement ?
Page suivante – Usage de certaines choses: C'est à régler ça aussi, toutes ces
choses qui sont déréglées dans ma vie, parfois l'argent. Ne dois-je pas
renoncer à m'en procurer par n'importe quel moyen ? Est-ce que je n'en fais
pas un usage illicite dans des plaisirs superflus, à la boisson, dans le jeu, les
loteries: Est-ce que j'établis une hiérarchie dans la priorité à donner à mes
dépenses et en tenant compte, notamment de mes devoirs d'aumône, 10 % du
superflu au moins, denier du culte, soutien aux écoles catholiques, œuvres
missionnaires, etc… Les catholiques ne font pas assez pour cela…
Utilisation du temps – Ah! le temps, le temps perdu! Avoir du temps pour prier,
pour mettre un peu d'ordre dans notre vie. Combien d'hommes qui
deviendraient des Saints, dit Saint Jean de la Croix, s'ils mettaient un peu
d'ordre dans leur vie.
Loisirs – Divertissements: là encore attention, le mauvais, l'éliminer; le
dangereux, l'écarter.
Prudence: User avec parcimonie de tout ce qui sert l'esprit du monde, alors
attention aux bals, cinéma, télévision, café, boissons, tabac, que de choses à
arranger!! Les Sports, c'est très bien les sports, mais là aussi combien d'abus!

Voilà mes chers Messieurs. Vous avez maintenant du pain sur la planche
jusqu'à votre départ samedi. N'essayez pas de résoudre ces problèmes ce soir,
pensez-y seulement… mais je vous conseille d'aller prendre l'air, la journée a
été fatigante, chargée, il vaut mieux vous décontracter, vous aérer, c'est vrai…
ne venez pas nous voir non plus, je suis fatigué moi aussi, et ce soir et demain
nous serons plus dispos. Nous allons dire une courte prière et puis allez vous
promener tout en réfléchissant tranquillement en écoutant les rossignols pour
laisser décanter un peu tout cela ne pensant à votre avenir.
,,Nous vous rendons grâce, pour tous vos bienfaits, ô Dieu tout puissant, qui
vivez et régnez dans les siècles des siècles – Amen”.
*******
N° 20
PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR – LA CÈNE
Mes chers Messieurs, nous avons commencé par voir: ,,de quoi s'agit-il ?” eh
bien, de la finalité!… de cette fin qu'il importe d'abord de connaître et ensuite
d'atteindre; pour y arriver: choisir les moyens qui peuvent nous y conduire.
Nous avons vu: nous sommes sur la terre pour réaliser un plan d'amour qui
suppose des modalités, des exigences rappelées par les commandements. Un
problème s'est alors posé: est-ce grave de les transgresser, de faire nos
caprices ? Nous avons étudié cela dans la première partie des exercices dont
la conclusion a été pour vous une bonne confession de vos péchés. Ensuite
nous avons éprouvé la nécessité d'avoir un guide, un chef, un modèle et nous
avons compris qu'il n'y en a qu'un: c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ. A son
sujet Saint Paul nous dit ceci que nous ne devrions jamais oublier: ,,QUOS
PROESERIVIT ET PRAEDESTINAVIT CONFORMES FIERI IMAGINIS FILII
SUI _ Ceux que Dieu dans sa prescience éternelle a connus comme élus, Il les
a prédestinés à être conformes à l'image de son Fils”, c'est-à-dire que pour
réaliser ici-bas le plan d'amour de Dieu nous devons imiter le Christ, être
d'autres Christ ,,CHRISTIAMUS ALTER CHRISTUS”, réagir comme Lui en
toutes circonstances. Pour cela il faut le connaître intimement, c'est la grâce
que nous n'avons cessé de demander pendant la deuxième semaine; en la
terminant, regardant notre modèle, nous avons préparé l'avenir, décidés d'agir
ainsi en prenant une règle de vie et des résolutions pratiques afin de pouvoir
vivre en chrétiens dans tous les milieux où nous devons évoluer.
Il semblerait que l'on pourrait en terminer là puisque sont obtenus les deux
éléments de contrition et de conversion – qui en fait sont les mêmes: l'un
regardant le passé (maintenant effacé), l'autre regardant l'avenir pour le
préparer… ,,Mon Dieu j'ai un extrême regret et je prends la ferme résolution”
récitons-nous, il s'agit bien des deux éléments de la contrition et de la
conversion. Pourquoi donc continuer la Retraite, pourquoi cette troisième partie
? Eh bien parce que Saint Ignace ne veut pas nous laisser avant que nous
comprenions ce qu'est le véritable amour, l'amour de charité, celui qui vient de
Dieu ! Vous l'avez sans doute remarqué, dans le monde, à notre époque
surtout, on dénomme amour des choses qui sont de la pourriture, que vingt
siècles de civilisation chrétienne appellent "luxure", de telle sorte que sans
nous en douter ce mot devient la signification de plaisir et de jouissance: eh
bien non, Saint Ignace veut nous faire comprendre que l'amour-plaisir 'est pas
le véritable amour ici-bas… Au Ciel, oui, il y aura un amour-plaisir qui
dépassera tout ce que nous pouvons imaginer et je reviens à ce que nous dit
Saint Paul: ,,l'esprit de l'homme ne peut même pas concevoir ce que Dieu
réserve à ses élus”; tous les mystiques, forcément énamourés de Dieu, en
parlent aussi et nous disent que l'on ne peut s'imaginer mais ici, sur la terre,
l'amour vrai égale, s'identifie avec le Sacrifice… Oui, ici, au Centre du
Royaume de l'Amour, une Croix est plantée…
Dans cette troisième semaine nous verrons comment Dieu aime et comment
nous devons aimer: amour égale sacrifice; sans sacrifice il n'y a plus d'amour!
Or, de cet amour de charité les hommes sont très démunis. C'est facile à nous
en convaincre par quelques exemples: Nous avons un ami malade à l'hôpital:
on va le voir, on lui porte deux douzaines d'oranges et quelques bonbons pour
le consoler. Mais il est toujours malade: on va encore le voir le Dimanche
suivant; on lui porte bien sûr quelques oranges, mais, déjà, on a oublié les
bonbons… Il est encore malade la semaine suivante: on fait un sérieux effort
pour y aller de nouveau, mais cette fois on ne porte plus rien!… Ah! il est
encore malade ? Quand même, il exagère: Il ne peut donc pas guérir ? Alors on
n'y va plus… on attendra qu'il se remette…
Il faut mauvais temps, il y a du verglas, un voisin vient demander un coup de
main, sa voiture a dérapé dans une congère: on y va avec le sourire, on est
catholique ou on ne l'est pas, n'est-il pas vrai ? Bien! Deux heures après un
autre voisin vient solliciter du renfort une conduite ayant éclaté dans la chambre
du petit et tout est inondé: bien sûr qu'on y va, mais, remarquez-le, le sourire a
disparu! Une heure après un troisième se présente, il ne peut arriver à mettre le
moteur en marche: alors on laisse éclater sa mauvaise humeur… et pourtant,
s'il arrive en troisième position ce n'est guère de sa faute… voyez-vous, on était
déjà au bout pour rendre service… Évidemment, certains pourraient aller plus
loin dans l'abnégation, mais, au bout du rouleau comme on dit, on y arrive
toujours très rapidement parce que nous sommes très démunis…
A notre époque on parle beaucoup de charité: beaucoup de gens, catholiques
et autres aiment beaucoup les sous-alimentés… mais là encore, plus de bruit
que d'effets… Oui, ils aiment les sous-alimentés mais la belle-mère qu'ils ont à
la maison ils ne peuvent quelquefois pas la blairer et de les voir traiter leur
voisin de "poison" c'est fréquent à constater… Je sais bien que c'est parfois
difficile, mais le Christ est venu nous faire faire des choses difficiles, Messieurs,
et ce n'est pas celui qui criera "Seigneur, Seigneur!" qui entrera au Royaume
des Cieux, mais celui qui fera la volonté de mon Père, et Moi, dit Jésus, je fais
la volonté de mon Père!… 
Nous allons donc maintenant étudier la Passion de Notre-Seigneur Jésus-
Christ. Nous allons voir comment Dieu aime les hommes. En effet, nous
oublions trop souvent que Dieu n'avait aucun intérêt à une Création où l'homme
lui refuserait son amour; aucun intérêt non plus à décider d'une Incarnation et
d'une Rédemption, surtout d'une Rédemption pareille!… Pourquoi donc l'a-t-il
fait ? La réponse est toujours la même: DEUS CARITAS EST – Dieu est amour
– amour infini! La grande réponse à l'Incarnation, à la Rédemption et toutes ses
souffrances, la voilà, c'est ça!…
La semaine de la Passion, appelée par la liturgie la "grande semaine" est dans
les exercices celle des grandes grâces, des grandes conversions! Vous y
recevrez des grâces non seulement pour votre retraite, mais même pour plus
tard… Plus tard vous aurez besoin des grâces reçues aujourd'hui!
Notre-Seigneur a voulu souffrir pour nous, assurer la Rédemption comme
cela… Pourquoi ? Vous le lui demanderez… Saint Albert le Grand nous dit qu'il
est plus méritoire de méditer la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec
ferveur que de se donner la discipline jusqu'au sang et de jeûner au pain et à
l'eau. Saint Bonaventure, lui, dit que la Passion de Jésus fait fondre d'amour les
cœurs durs comme la pierre et Saint Augustin, à son tour, nous enseigne qu'il
ne connaît pas de remède plus efficace aux attaques de la concupiscence que
la Passion de Notre-Seigneur. Saint Bernard également dit à ce sujet: ,,le
roitelet ou le passereau, pour fuir l'épervier, va se réfugier dans le creux du
rocher; de même, l'âme qui veut fuir les pièges du démon n'a qu'à se réfugier
dans les plaies de Jésus et elle sera à l'abri de toutes les attaques…”. Sachez
que c'est vrai, la Passion a une puissance extraordinaire dans les tentations,
dans les peines, il faut le savoir… Il vous arrivera peut-être d'avoir de grandes
croix, de grands déchirements, de grandes épreuves… Si ce n'est vous, elles
affecteront peut-être des amis, des parents, alors que leur direz-vous ? Bon
courage? …
Quand j'étais curé un de mes paroissiens, 40 ans, était atteint d'un cancer
généralisé. Je n'ai jamais vu souffrir si intensément: aucun calmant n'y pouvait
rien. Une seule chose apaisait un peu l'acuité de la douleur, c'était la vue du
Crucifix, cela seul lui redonnait quelque courage…
Oui, la méditation de la Passion nous méritera de grandes grâces. Entrons
dans cette semaine avec un grand amour pour Notre-Seigneur Jésus-Christ.
C'est par là surtout que vous deviendrez des âmes d'oraison…
Veuillez prendre la page 398 - n° 190: La première contemplation de la Passion
est de voir comment Jésus-Christ Notre-Seigneur va de Béthanie à Jérusalem
pour la dernière Cène. Elle renferme l'oraison préparatoire, trois préambules,
six points et un colloque.
Premier préambule: Il sert à rappeler l'histoire. C'est ici comment Jésus envoya
de Béthanie deux disciples à Jérusalem pour préparer la Cène. Ensuite lui-
même y alla avec les autres disciples et comment, après avoir mangé l'agneau
pas cal et avoir dîné, Il leur lave les pieds et Il sonna son très Saint Corps et
son Précieux Sang à ses disciples, leur faisant un discours après que Judas
s'en fut allé vendre son Seigneur.
Deuxième préambule: C'est la composition visuelle du lieu. Ce sera ici de
considérer le chemin de Béthanie à Jérusalem. De même le lieu de la Cène. Ce
mot "Cène" désigne le repas du soir, tant en latin qu'en italien, et le Cénacle, le
lieu où eut lieu ce repas.
Troisième préambule: Demander la grâce que je veux obtenir. Ce sera ici
douleur, regret et confusion, parce que c'est pour mes péchés que le Seigneur
va à sa Passion.
A première vue, cette demande ressemble à celle de la première semaine.
Vous vous rappelez sans doute les méditations sur les 3 péchés du premier
exercice où nous avions demandé honte et confusion de nous-mêmes. Dans le
deuxième exercice se rapportant aux péchés personnels nous avions demandé
douleur intense et larmes, la honte et la confusion. Maintenant nous
demandons regrets, douleur et confusion; cela apparaît se ressembler mais
voyez combien le motif a changé: dans la première semaine, au fond, nous
demandions honte, confusion et larmes parce que le péché mortel conduit loin
de Dieu – en enfer – nous le demandions par crainte, et la crainte est bonne au
départ… elle est un peu, pour employer une image, comme l'aiguille qui pique
et pénètre l'étoffe en entraînant le fil. Mais ensuite, de l'aiguille, on en a plus
besoin et c'est ainsi qu'au cours de notre retraite nous avons fait le chemin, le
bond dirais-je, qui sépare la crainte de l'amour et maintenant nous demandons
par amour. Vous voyez la différence, parce que le Seigneur va à sa Passion
pour moi, Il va me remplacer… alors je vais demander regrets, douleur et
confusion par amour!
Pour les points prévus ils seront les mêmes que dans les contemplations
précédentes: je verrai les personnes de la Cène et je réfléchirai pour m'efforcer
d'en tirer quelque profit spirituel. Au deuxième point j'entendrai ce qu'elles
disent, j'écouterai les paroles, les silences; je verrai ce qui m'est suggéré,
j'essaierai aussi de deviner leurs attitudes pour en tirer quelque profit, et enfin
je regarderai ce qu'elles font.
Les autres points seront examinés lors de la contemplation suivante.
*****
Quelques idées maintenant pour vous faciliter cette contemplation:
Nous sommes donc au matin du Jeudi-Saint. Notre-Seigneur Jésus-Christ, tous
les jours depuis un certain temps prêche dans le temple mais comme la
Synagogue a défendu absolument à quiconque de le recevoir sous peine
d'excommunication, Notre-Seigneur Jésus-Christ chaque soir remonte à
Béthanie. Il a là, vous le savez des amis sûrs parmi lesquels Lazare, Marthe et
Marie.
Mais au matin du Jeudi-Saint, Notre-Seigneur ne se rend pas à Jérusalem
comme Il a coutume de le faire; essayons dès lors de deviner ce que peuvent
penser les apôtres tandis qu'on approchait de ce grand repas juif, le repas de
pâques…
D'abord se situait le repas rituel, ensuite le repas de fête qui était le plus grand
banquet de l'année. Malgré l'enseignement de leur Maître, les Apôtres étaient
encore loin d'être des Saints et ils devaient sans doute supputer que ce repas
se ferait à Béthanie où ils savaient que Marthe, excellent cordon bleu, ne
manquerait pas de les soigner!… On peut s'imaginer qu'ils ont dû en parler
entre eux et en éprouver à l'avance un certain goût spirituel, car l'âme elle-
même bénéficie de joies très grandes à la suite de satisfactions purement
matérielles selon le proverbe latin: ,,Tout ce qui est reçu dans un être est reçu
selon la nature de l'être”; c'est-à-dire que l'âme étant spirituelle, les joies
naturelles qu'elle escompte ou se rappelle par la mémoire sont en elles reçues
spirituellement. Ils pouvaient donc se délecter à l'avance de ce repas, un peu
comme le chasseur qui raconte ses prouesses, qui en invente aussi, arrive à y
croire lui-même… Notre-Seigneur Jésus-Christ, Lui, pense aussi à un
banquet… et nous savons qu'il ne sera pas le même. Voyez ainsi le contraste
de leurs pensées… et c'est pourquoi, dans la matinée, Jésus appelle les
apôtres autour de Lui et leur dit: ,,Ce soir, nous mangerons la Pâques à
Jérusalem”… Représentez-vous un peu la tête des apôtres!… ce n'est donc
pas à Béthanie, mais c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui commande…
Judas, qui détient la bourse, se présente pour régler les détails du repas, mais
Notre-Seigneur ne veut pas de Judas pour le banquet dont il rêve: très
délicatement, et sans que personne s'en aperçoive, il va l'écarter… Judas
voudrait bien savoir où se fait ce banquet, il a besoin de ce renseignement pour
son plan à lui, mais Notre-Seigneur s'arrange pour le lui cacher car Il veut être
tranquille jusqu'à l'heure qu'Il s'est fixée; alors Il appelle Pierre et Jean: ,,Pierre,
Jean, vous allez partir et vous rendre à Jérusalem – (Judas bien sûr est tout
oreilles) – allez dans la ville, vous verrez un homme qui vient prendre de l'eau à
une fontaine portant une cruche. Vous le suivrez. Vous irez voir son patron et
vous lui direz que le Maître vous envoie pour la Pâques. Il vous montrera une
salle et vous préparerez tout pour cela”.
Pierre et Jean s'en vont aussitôt et les Apôtres en sont réduits aux conjectures.
Notre-Seigneur avait des amis à Jérusalem qu'on ne connaissait pas et Judas
en est pour ses frais! La journée se passe et en fin d'après-midi – il y avait 8 km
à faire pour se rendre de Béthanie à Jérusalem en passant par la colline des
oliviers – Notre-Seigneur part avec ses apôtres… Pour situer l'était d'esprit de
ces derniers, nous pouvons nous l'imaginer en lisant Saint Marc qui nous fait
remarquer: quelques jours auparavant, Notre-Seigneur Jésus-Christ revenait à
Jérusalem avec les apôtres qui ne voulaient pas y monter, car s'il est vrai qu'ils
avaient peur pour leur Maître, ils avaient surtout peur pour eux, parce que si on
lapidait le Maître, il y avait de très grandes chances que quelques pierres
s'égarent sur les disciples! Ils ne venaient donc pas volontiers et restaient à la
traîne… Nous pourrions les voir aussi discuter pour savoir à qui
appartiendraient les places dans le royaume… on peut s'en douter en nous
remémorant les discussions misérables qui se déroulent parfois dans nos
sphères politiques lorsqu'on se partage les dépouilles d'un gouvernement ou
qu'on doit en constituer un nouveau. Eh bien, là, les évangélistes le font
remarquer, les Apôtres se disputent pour l'attribution des portefeuilles… voilà
les conversations des Apôtres au jour du Jeudi-Saint…
Laissons-les et rejoignons Notre-Seigneur Jésus-Christ… Nous pourrions très
respectueusement lui demander: ,,Seigneur vous allez sans doute recevoir la
couronne ? Vous avez fait une répétition générale le jour des Rameaux, la foule
est vraiment enthousiaste, elle a chanté pour vous les beaux cantiques
préparés pour l'arrivée du Messie et sans doute que maintenant, après l'avoir
conquise, vous allez accepter la couronne royale ?… Et si les apôtres se
disputent pour les places, ne pourriez-vous pas penser un peu à moi aussi, qui
suis un bon catholique ??…
Mais arrivons au Cénacle. Depuis la Pâques d'Égypte, dans les familles on
savait bien ce qu'il fallait faire! On dressait une table en forme de fer à cheval et
au milieu, dans des plats, un agneau rôti, des fruits coupés en quatre, des
laitues amères et devant chaque convive, quatre coupes qui rappelaient, avec
4 vins différents, les grandes promesses faites à Abraham, le père des
croyants. On mangeait debout, le bâton à la main, des sandales de voyage aux
pieds, la ceinture autour des reins, le sac sur l'épaule comme étant prêts à
partir! C'était cela le repas rituel. Après la première coupe – c'était traditionnel –
le plus jeune de la famille interrogeait le père de famille par la phrase rituelle
que l'on retrouve encore maintenant chez les juifs pratiquants et qui était celle-
ci: ,,Père, pourquoi ce repas n'est-il pas comme les autres ?”. Alors le Père
répondait d'après les prescriptions de la moi Mosaïque.
Les juifs, à la suite de l'histoire de Joseph, fils de Jacob, s'étaient fixés en
Égypte. Au bout de plusieurs siècles, il y avait là tout un peuple vivant au milieu
des Égyptiens, très prolifique, qui se multipliait de plus en plus. Les
changements de dynastie pharaoniques permettaient d'oublier les promesses
faites à Joseph et le nouveau Pharaon, inquiet de ce peuple juif qui risquait de
devenir plus puissant que les Égyptiens eux-mêmes, avait réussi à le réduire
en esclavage. Dieu dans la Terre promise: Moïse recueilli enfant sur les bords
du Nil, ayant comme nourrice sa propre mère choisie par la fille du Pharaon, fut
élevé à la cour mais savait qui il était. Il dût s'enfuir un jour dans le désert après
avoir défendu un juif, et c'est là que, marié avec Séphora, fille du prêtre Malian,
Dieu l'envoya en mission en Egypte avec son frère Aaron. C'est grâce aux dis
plaies d'Égypte que, peu à peu, ils décidèrent le Pharaon à laisser partir le
peuple juif. C'est ainsi qu'à chaque nouvelle plaie le Pharaon promettait, mais
dès que Moïse suspendant les effets terribles de la plaie, il levait la permission
donnée et reprenait les juifs car il craignait en fait de perdre ainsi des centaines
de milliers d'esclaves… Par le livre de l'Exode nous savons qu'ils étaient
500'000 hommes à peu près. Il y eut enfin la 10ème plaie et celle-là fut
efficace. L'Ange du Seigneur dit à Moïse: ,,Le 10ème jour du mois qui
commence vous prendrez un agneau mâle ou un chevreau sans tache; vous
l'introduirez avec une fête dans vos demeures (je vous fais remarquer que ce
10éme jour du mois correspond avec le Dimanche des Rameaux, c'est
symbolique cela) et le 14ème jour de ce mois de Nisan vous immolerez
l'agneau. Vous recueillerez son sang et vous en mettrez sur le linteau extérieur
de la porte en formant (selon certains commentateurs juifs) la lettre + , le T
hébraïque qui a la forme d'une croix. Vous mangerez l'agneau rôti en même
temps que des salades amères et des fruits qui vous rappelleront les briques
que vous faisiez pour les monuments du Pharaon en tant qu'esclaves; vous
demanderez à vos voisins égyptiens de vous prêter des vases d'or et d'argent;
vous prendrez du pain sans levain car vous n'aurez pas le temps de le faire
lever. Vous mangerez un agneau par famille et ne briserez pas ses os; dans la
nuit l'Ange du Seigneur passera et toutes les maisons qui ne porteront pas la
marque du sang de l'Agneau, connaîtront la mort de leur premier né, même
dans celle du Pharaon. Alors à ce moment il y aura une grande clameur de
souffrance et le Pharaon vous donnera l'ordre de partir; vous partirez aussitôt,
rapidement, sans vous préparer autrement. Vous mangerez debout et
emporterez les vases d'or et d'argent qu'on vous aura prêtés et vous vous
dirigerez vers la Mer Rouge”,
Donc, Notre-Seigneur, étant chef de famille, devait rappeler cela, ce qu'on
appelait le départ pour la Terre promise, puis on mangeait l'agneau pascal.
Mais Notre-Seigneur, Lui, a dû continuer à parler: ,,Cet agneau que vous
voyez, là, ce pauvre animal, ce n'est qu'un symbole, le vrai agneau pascal, il
n'est pas là… Jean, te rappelles-tu comment le Baptiste m'a appelé lorsque
pour la première fois il m'a montré à toi ? … Vous imaginez bien comment Jean
l'évangéliste, le bien-aimé, se rappelait cela!… On représente parfois Jean-
Baptiste le précurseur la main levée, parce que les prophètes dans l'Ancien
Testament ont parlé du Christ comme venant plus tard, mais lui, Jean-Baptiste,
l'a directement montré: ,,ECCE AGNUS DEI, Voici l'Agneau de Dieu, voici Celui
qui ôte les péchés du monde”, vous pensez bien combien il se la rappelait cette
leçon de son maître, au moment où il avait suivi Notre-Seigneur avec André…
Ah! oui, Seigneur, il t'a appelé l'Agneau de Dieu…, eh oui, a dû ajouter Notre-
Seigneur Jésus-Christ (encore une fois l'évangile n'étant qu'un court résumé,
nous avons le droit d'appeler vraisemblables les déductions psychologiques
que nous pouvons deviner sur ce qui s'est passé) cet agneau n'est qu'une
figure… le vrai agneau c'est Moi! et bientôt je serai comme rôti de douleur; c'est
ma chair qui donnera la vie au monde et c'est mon sang qui lui donnera la
force, la force de passer ce désert et d'arriver à la Terre promise. Et Saint Jean
devait se rappeler cela quand il eut à Pathmos où il était relégué par Domitien,
cette grande vision qu'il raconte dans l'apocalypse: ,,Au ciel, dit-il, ce sera le
grand défilé des Saints, de tous ceux qui ont blanchi leur robe dans le sang de
l'Agneau et qui suivront l'Agneau en chantant le cantique éternel: Sanctus,
Sanctus, Sanctus”!…
Cet agneau restera gravé dans leur esprit et Saint Pierre pourra écrire plus tard
aux chrétiens: ,,Souvenez-vous de ce que vous avez été rachetés non pas
avec de l'or et de l'argent, mais par le sang de Celui qui est comme l'agneau
immaculé”.
Après le repas pascal, les Apôtres s'asseoient pour la cérémonie traditionnelle
du lavement des pieds. On remarque bien dans l'évangile, par exemple à
l'occasion de la conversion de Ste Marie Madeleine, cet usage de la
bourgeoisie juive: … Quand on recevait, l'hôte avait un domestique qui se
tenait à la porte. Dès que ce dernier voyait arriver celui ou ceux qu'on attendait,
il frappait un gong pour aviser ses patrons et dès que l'invité franchissait le
seuil, l'esclave se précipitait, lui enlevait les sandales, lui lavait les pieds, les
essuyait, les parfumait, rafraîchissait la figure qui suait généralement dans ces
pays chauds d'Orient, donnait un coup à la barbe, bref ce que nous ferions
nous-mêmes dans nos lavabos actuels, et c'est à ce moment que l'hôte se
présentait pour donner le baiser de paix à son invité. Ce cérémonial, en cette
circonstance, devait être observé après la manducation de la Pâque.
Mais Notre-Seigneur est sorti et les Apôtres le voient revenir avec un esclave
portant une cuvette, de l'eau, des parfums; Notre-Seigneur Jésus-Christ a un
torchon devant lui et tout étonnés, ils le voient tomber à genoux devant Saint
Pierre. Pierre a une grande foi, mais quand il voit le Fils de Dieu s'agenouiller
devant lui, le pauvre pécheur de Galilée:
Toi, le fils de Dieu, me laver les pieds ? Jamais !… 

Voyons, Pierre, laisse-moi faire… 


Non, jamais Seigneur, tu ne me laveras les pieds.…
Pierre, laisse-moi faire, autrement tu n'auras pas de part avec moi.
Alors, Seigneur, lave-moi les pieds, les mains, la tête…
Non, les pieds, cela suffit lorsqu'on est pur, vous êtes purs, mais pas tous…
Allons, Judas, pourquoi ne veux-tu pas comprendre ?… tombe donc à genoux
toi aussi et demande pardon, Jésus te pardonnera!… Non Judas est
l'illustration même des deux étendards: quand on est pris par l'argent et le
respect humain, on ne se convertit plus et Judas, jusqu'au bout, ne se
convertira pas, malgré tout ce que Jésus fera pour essayer de le sauver!
Notre-Seigneur a lavé les pieds à Pierre, à André, à Jean, à tous… une
véritable corvée! Un jour, à une cérémonie du Jeudi-Saint, un vieux curé de
mes amis a lavé les pieds à 12 petits enfants de chœur qui avaient été
prévenus; cela a bien duré plus de 20 minutes pour ces petits pieds déjà
parfumés, mais imaginez 24 gros pieds d'apôtres pour le moins poussiéreux ?
et Notre-Seigneur n'a pas dû faire semblant, il a dû effectivement les laver,
vous réalisez cette humiliation ?… voyez les larmes de Pierre… voyez le
sourire de Judas et ce qu'il pense intérieurement…
Enfin, Notre-Seigneur Jésus-Christ se relève: Vous m'appelez Maître et
Seigneur et je le suis; voyez ce que je vous ai fait, je vous ai lavé les pieds,
Moi, afin que vous fassiez de même, que vous vous serviez les uns les autres,
et c'est à cela que l'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, que vous vous
aimiez les uns les autres, non pas un amour de paroles, mais un amour effectif
qui va jusqu'à l'humiliation. Heureux serez-vous si vous avez compris la leçon
que je vous ai donnée!
Mes chers Messieurs, cette leçon n'est pas seulement pour les Apôtres, elle est
aussi pour nous. Si nous voulons être des disciples de Notre-Seigneur et ses
vrais imitateurs, nous devons être pleins de charité et savoir nous abaisser
devant nos frères; nous devons savoir les prévenir d'honneur c'est-à-dire ne
pas murmurer: ,,c'est à lui à faire le premier pas”, non, non! la vraie charité va
jusqu'à l'humiliation!
Après le repas rituel, il y avait donc le repas normal. On y mangeait à la
romaine c'est-à-dire que devant chaque convive il y avait une sorte de divan
sur lequel on s'allongeait, appuyé sur le coude gauche; on se servait pour
manger avec la main droite; les parts étaient préparées d'avance un peu
comme nous faisons dans les kermesses. Notre-Seigneur Jésus-Christ a pris la
première place d'honneur, on pense dans le coin droit, tête à tête avec Saint
Jean; Pierre a pris la deuxième place d'honneur de l'autre côté à gauche et
Judas, pied à pied avec Jésus, les autres apôtres autour de cette table en fer à
cheval. Les apôtres, nous l'avons dit, s'étaient faits une fête de ce repas sans
savoir où il se ferait; ils s'aperçoivent qu'effectivement il est très bien servi,
aussi bien qu'à Béthanie, mais ils voient également que Notre-Seigneur ne
touche pas aux mets et qu'Il est triste, Il ne bouge pas!… Les apôtres, qui
n'osent pas commencer avant lui, sont là, surpris, gênés!… la gêne grandit
d'ailleurs, un silence glacial, personne ne touche au repas…
Tout d'un coup Notre-Seigneur Jésus-Christ les regarde et leur dit: ,,L'un de
vous me trahira” … Une bombe! Les apôtres se regardent les uns les autres:
trahir un Maître pareil, est-ce possible ? après 3 ans d'intimité avec Lui ? Et on
assiste à ce moment-là à une scène très belle: vous savez que Pierre répondait
toujours au nom des autres, toujours le premier: Pierre est nommé 190 fois
dans l'Évangile, Saint Jean vient en 2ème position avec 27 fois et les autres 7 à
10 fois. Pierre – on devine ce qui s'est passé en lui – dès que cette bombe-là a
éclaté il comprend tout d'un coup la tristesse de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Voyez… la Passion commence là, … c'est au moment où Notre-Seigneur va
dire à ce repas ,,j'ai voulu d'un grand désir manger cette Pâque avant de
mourir”, c'est à ce moment-là qu'un disciple est en train de le trahir! Voyez le
contraste! Mais alors Pierre se dit: l'un de nous va le trahir, peut-être est-ce moi
sans le savoir ? Mais en même temps, détail intéressant: Jean, qui est tête à
tête avec Notre-Seigneur, en entendant cette parole qui sort du cœur de Jésus,
a enlevé sa main et a laissé tomber sa tête de telle sorte qu'il repose sur la
poitrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce geste, dans un banquet moderne,
on ne le comprendrait pas: un père de famille à table avec son fils à côté de lui
sur une chaise, ce ne serait d'ailleurs pas facile, mais étant donné la position
qu'ils avaient l'un et l'autre sur le divan, Saint Jean n'a eu qu'à enlever sa main.
Pourquoi a-t-il fait cela ? Eh bien, dans son amour de jeune homme très pur, il
a essayé de consoler le Cœur du Maître; c'est à cause de cela qu'on l'appelle
le bien-aimé!…
Mes chers Messieurs, demandons à l'apôtre Jean de devenir des âmes
réparatrices. Plus nous vivons dans un monde apostat, dans un monde qui
oublie Dieu, plus nous devons avoir une grande dévotion envers son
eucharistie. C'est vraiment désolant, alors qu'une église est au milieu du
village, de ne voir jamais d'hommes agenouillés auprès du tabernacle, alors
que Jésus attend jour et nuit! Les hommes sont-ils donc si occupés ? En partie
c'est possible, mais allez au café, au cinéma, sur les terrains de sports, là oui,
vous en trouverez des hommes! On n'oserait point passer devant la demeure
de notre maman sans aller lui dire un petit bonjour, tandis que là on gare sa
voiture devant l'église et on n'ose même pas saluer le Maître de l'univers… quel
scandale permanent et que c'est dommage!! Nous oublions Celui qui est notre
ami plein de cœur et de tendresse pour nous. Si nous n'étions pas des
inconscients, c'est un policier à chaque porte d'église qu'il faudrait mettre pour
éviter que l'on s'y écrase, mais allez-y voir !!…
Mais Pierre, tout d'un coup, appelle Notre-Seigneur: Seigneur, est-ce moi qui
vais te trahir ? Jésus lui répond que non et les autres font pareil, voulant être
dégagés de cette terrible éventualité, André, Jacques, Barthélémy, même
Judas qui ose le faire! Il se soulève: Maître est-ce moi qui vais te trahir ? et
Notre-Seigneur de lui répondre discrètement ,,Oui c'est toi”.
Nous pourrions nous aussi demander au Seigneur: Maître, après toutes les
grâces reçues de votre bonté pendant cette retraite, est-ce que je vais
recommencer à vous trahir ?…
Saint Pierre a vu tout le manège. Il essaye par recoupement de deviner le
coupable mais en vain; alors voyant la position de Jean, il le sollicite pour qu'il
demande au Seigneur qui est-ce ? C'est que Saint Pierre avait son plan à lui
aussi, et il est probable que s'il avait connu qui c'était, il y aurait eu du vilain…
Jean, effectivement, va demander à Notre-Seigneur qui le trahira. On le fait
remarquer avec beaucoup de vérité, Notre-Seigneur Jésus-Christ ne refuse
jamais rien aux âmes pures, bien des fois cela s'est vérifié…
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus raconte que pour sa prise d'habit elle aurait
souhaité que tout fut blanc comme la neige, et ce jour-là il n'y avait pas de
neige évidemment. Mais quand après la cérémonie fort longue on partit en
procession dans le cloître en chantant le TE DEUM, quel ne fut pas
l'étonnement de la petite Thérèse en voyant que Jésus, pendant la cérémonie,
avait fait tomber de la neige et que tout était blanc comme son petit cœur l'avait
désiré!…
Jean donc va connaître le nom du traître, il va comprendre aussi, à l'expression
de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'il doit garder cette confidence pour lui –
,,C'est celui qui va mettre avec moi la main dans le plat”. On fait circuler les
plats et à un moment donné Judas se soulève pour prendre une part au
passage mais Notre-Seigneur le devance; c'était d'ailleurs une marque
d'honneur que d'offrir la part, de telle sorte qu'ils mettent ensemble la main
dans le plat. Notre-Seigneur prend la part et l'offre à Judas et ce dernier,
vaniteux, se rengorge de cette prévenance. Jusqu'au dernier moment, Notre-
Seigneur va cacher la culpabilité de l'apôtre, personne ne le soupçonnera…
Nous pourrions, nous arrêtant là, nous rappeler notre confession générale:
Seigneur, c'est moi qui vous ai trahi, est-ce moi qui vous trahirai de nouveau ?
Vous verrez!…
Après cela au bout d'un certain temps, le visage de Notre-Seigneur se
transforme. Il approche le pain, il approche le vin et il dit: ,,J'ai désiré d'un grand
désir de manger cette Pâque avec vous avant de mourir”.. Seigneur depuis
quand avez-vous eu ce désir ? depuis que vous êtes homme ? depuis la
Création du monde ? depuis quand ?… ,,Caritas et perpetuae – c'est d'un
amour éternel” … et ce jour de la Cène, pour montrer à l'homme ce qu'est
l'amour de Dieu, vous savez que Notre-Seigneur Jésus-Christ a pris dans ses
mains divines, Lui le Créateur ,,per quem omnia facta sunt”, Il a levé les yeux
au Ciel vers son Père dans ce moment solennel et a dit aux Apôtres: ,,Prenez
et mangez-en tous car ceci est mon Corps qui va être livré pour vous”, – ce
n'est pas un corps en l'air, ce n'est pas un corps symbolique, non, c'est un
corps qui va être livré. Savez-vous la réponse de Luther ? : Notre-Seigneur n'a
pas voulu dire cela!…
Comment ? Le Verbe de Dieu ne peut pas employer le verbe ÊTRE, Il tolérerait
que pendant 15 siècles avant Luther tous les docteurs se trompent à ce sujet ?
Et c'est Luther, un moine apostat, qui va nous dire la Vérité ? D'autant que du
temps de Luther, avec son idée à lui, ses compagnons avaient déjà formulé
plus de 200 interprétations différentes, comme si le Verbe de Dieu ne pouvait
pas employer le verbe "Être" qui est le grand verbe de toutes les langues, le
verbe être! ,,ceci est mon sang qui va être livré pour vous et pour la rémission
d'un grand nombre. Faites ceci en mémoire de moi”.
Moïse avait scellé l'alliance entre Dieu et le peuple en aspergeant ce dernier du
sang des victimes sacrifiées, lui avait prédit qu'il y aurait un jour une nouvelle
alliance… Songeant à nous, afin que jusqu'à la fin du monde nous puissions
avoir la Très Sainte Eucharistie, Jésus institue en même temps le Sacrement
de l'Ordre – ,,Faites ceci en mémoire de moi”.
Mes chers Messieurs, avant d'aller plus loin, arrêtez-vous à ce passage de
votre méditation; arrêtez-vous, émerveillez-vous, pleurez d'amour à la pensée
que Jésus a fait un pareil miracle! il fallait qu'Il soit Dieu pour l'imaginer, il fallait
qu'Il soit Dieu pour le réaliser. Qu'il est vraiment dommage que nous y pensions
si peu!… Nous qui avons grandi pourrait-on dire au milieu de ce miracle
d'amour, nous pataugeons au milieu de ces grâces de Dieu et nous ne nous en
rendons pas compte! On dit que les petits enfants trouvent tout naturel d'avoir
une maman, et que c'est lorsqu'ils ne l'ont plus qu'ils comprennent le trésor
qu'ils ont perdu« c'est pourquoi ils trouvent tout naturel de la posséder et nous,
nous faisons pareil, nous faisons comme eux… Saint Augustin a écrit: ,,Oui,
j'ose le dire, notre Dieu est tout puissant, mais faire une chose plus grande, Il
ne le pouvait; notre Dieu est tout amour, mais nous aimer davantage Il ne le
pouvait!…”. Essayons de réaliser et devenons tous des amis de l'Eucharistie…
Les anges réalisent, eux; les Saints réalisent! Il y avait des saints qui passaient
des nuits entières en prières. Saint François Régis, le grand apôtre du Vivarais
courait après les âmes toute la journée, il en est mort d'ailleurs de ses courses
apostoliques. Il mangeait 3 pommes le matin et c'était tout, et un soir, alors qu'il
n'avait pas encore fait son adoration, l'église étant fermée, il se mit à genoux
dans la neige et il passa la nuit devant la porte à genoux après une journée
terrible. Les saints comprenaient et le matin, il avait retrouvé sa vigueur dans la
contemplation de l'Eucharistie derrière une porte. Demandons à comprendre
cela! L'évangile ne dit pas tout, mais est-ce que Judas a communié ? En lisant
l'évangile de Saint Jean et de Saint Luc, on remarque des paroles qui
resteraient inexplicables si Judas n'avait pas communié. Très certainement
Judas a osé communier. Saint Jean en effet nous dit ,,qu'après la bouchée,
Satan entra dans le cœur de Judas”. Or, il ne s'agit pas de la bouchée de tout à
l'heure, car un morceau de viande ou de gâteau ne fait pas entrer le démon
dans notre cœur, il avait par ailleurs déjà vendu son maître, mais comprenons:
étant en état de péché mortel, il a osé recevoir le corps du Christ et Saint Paul
nous dit que celui qui mange et boit indignement le Corps du Christ, mange et
boit sa propre condamnation. Mes chers Messieurs, il ne faut pas être
scrupuleux, mais quelqu'un qui se sait en état de péché mortel, quelqu'un qui
ne veut pas se corriger; quelqu'un qui a des relations coupables, quelqu'un qui
commet une faute grave, qu'il n'aille point recevoir le Corps du Seigneur sans
s'être réconcilié avec Lui; demandons de mourir plutôt que de faire une
communion sacrilège!… Mais le temps passe. Après ce sacrilège Jésus ne
peut plus rien pour Judas, alors Il lui dit: ,,Écoute Judas, ce que tu as à faire,
fais le vite…”.
Judas! il serait temps encore! pourquoi ne tombes-tu pas à genoux ? Jésus te
pardonnera!… , mais non, toujours les deux étendards! Judas est tenu par
l'orgueil et par l'argent. Il se lève en disant ,,Au revoir Maître à ce soir!…”. Si
vous lisez attentivement ce passage dans l'Évangile de Saint Jean, on y sent
battre le cœur de Jésus. Saint Jean répète par deux fois le mot "donc", donc (le
premier) Judas sortit, il faisait noir… et Saint Jean continue "donc" (le
deuxième) Jésus dit, etc…
Enfin délivré de la présence du traître, Jésus va parler à ses apôtres leur
donnant ses derniers conseils dans son discours après la Cène. Il leur parle de
son Père, du Saint Esprit qui leur fera tout comprendre; Jésus leur parle de la
prière: jusqu'à présent vous n'avez rien demandé et tout ce que vous
demanderez en mon nom mon Père vous l'accordera; Il leur parle du martyre;
on vous traînera devant les tribunaux, n'essayez pas alors de savoir comment
vous répondrez, ce jour-là, c'est le Saint Esprit qui répondra pour vous. Ayez
confiance, j'ai vaincu le monde.
Mes chers Messieurs, écoutez-moi, nous vivons dans un siècle où il n'y a
jamais tant eu de martyrs; lisez la constitution DE ECCLESIA dans son chapitre
8 je crois, il y a tout un paragraphe pour nous rappeler qu'un des moyens de
sanctifier sa vie et de glorifier Dieu c'est le martyre; nous devons être prêts à
souffrir le martyre pour Notre-Seigneur, c'est le Saint Esprit qui nous soutiendra
mais faut-il encore que nous soyions en état de grâce et que nous soyions
habitués à lui rester dociles! Éduquez vos enfants dans cet esprit, apprenez-
leur que c'est une grande grâce que de pouvoir rendre témoignage de Notre-
Seigneur Jésus-Christ! Mes chers amis, nous croyons que notre œuvre a été
suscitée par Dieu pour préparer les Hommes des derniers temps au martyre!
Je vous ai peut-être déjà dit que notre œuvre en Espagne, pendant la guerre
civile de 1936, a eu de 5 à 8'000 hommes assassinés en haine de la Foi, 5 à
8'000 martyrs! Enfin, Jésus leur donne le grand commandement nouveau: que
vous vous aimiez les uns les autres, non pas pour des motifs simplement
humains, mais que vous vous aimiez comme je vous ai aimés, c'est-à-dire pour
des motifs surnaturels, parce que vos frères sont des enfants de Dieu; on
reconnaîtra que vous êtes mes disciples si vous vous aimez les uns les autres.
Voilà votre contemplation. Vous y avez plusieurs tableaux admirables.
Regardez les personnes, écoutez leurs paroles, voyez leurs actions.
Au premier tableau: au matin du Jeudi-Saint à Béthanie, à quoi pensent les
apôtres ? à un bon repas! Le contraste: voir à quoi pense Notre-Seigneur
Jésus-Christ; voir aussi à quoi pense Judas. Prenons avec eux la route de
Béthanie à Jérusalem, arrivons au Cénacle où doit se faire le repas rituel de la
Pâque. Revoyons pourquoi ce repas et ses modalités rituelles: il rappelle la
délivrance du peuple de Dieu de l'esclavage égyptien et sa montée vers la
Terre promise grâce au sang de l'agneau immolé qui a préservé les Juifs de
l'ange exterminateur. Ce n'était que la figure du véritable Agneau pascal, Notre-
Seigneur Jésus-Christ, qui s'immole pour nous racheter de l'esclavage du
péché afin de nous permettre de monter, nous aussi, vers la Terre promise
qu'est le Ciel.
Deuxième tableau: le lavement des pieds et les leçons de charité que Jésus
nous donne en lavant les pieds de ses apôtres.
Troisième tableau: l'Institution de la Très Sainte Eucharistie et du Sacrement de
l'Ordre pour la perpétuer jusqu'à la fin du monde.
Allez faire cette belle contemplation en mettant en relief ce miracle d'amour de
Notre-Seigneur Jésus-Christ qui va s'immoler pour nous sauver.
*****
((fin page 280))
((début page 281))
LA CÈNE: Rappel des points pour la méditation avant la Messe.
Après le rappel des points de méditation, le Père fait faire les actes de début:
Mettons-nous en la présence de Dieu:
Oraison préparatoire: Mon Dieu, je veux commencer une vie nouvelle! Faites
que je prenne des résolutions viriles pour vivre désormais en bon chrétien.
Composition de lieu: C'est la Passion: Jésus veut souffrir. Jésus veut s'immoler
pour nous.

3 tableaux: a) la manducation de l'agneau pascal


b) le lavement des pieds
c) l'Institution de la Très Sainte Eucharistie.
La grâce à demander: de bien pénétrer la douloureuse Passion de Notre-
Seigneur et de pleurer avec Jésus. Il s'est anéanti pour nous dans la Passion, il
s'est anéanti dans la Très Sainte Eucharistie. Personnes - Paroles - Actions.
Vous pouvez méditer à genoux, debout, assis, comme il vous plaira, dans la
position qui vous conviendra le mieux pour méditer.
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Après la méditation, le colloque terminal:
Faisons un colloque avec Jésus-Eucharistie. Aimez à venir trouver Jésus au
tabernacle dans votre paroisse. Qu'Il ne soit pas toujours seul que vous du
moins puissiez le consoler de l'indifférence dont Il est l'objet. Aimez à faire un
peu de méditation à ses pieds, en cœur à cœur; chaque fois que vous avez des
peines, des soucis, des joies, offrez-les lui. On a fait de grands progrès pour
l'offrande de la messe, mais il faut que l'essentiel y soit, c'est-à-dire d'aller
jusqu'à offrir sa vie, son temps, les sacrifices qu'Il vous demande, que vous
deveniez des hommes vraiment eucharistiques! O ma bonne Mère, daignez
mettre en mon cœur cette tendresse pour votre Divin Fils qui est là, jour et nuit,
à m'attendre!… Faites que je devienne un fervent du Tabernacle pour réparer
un peu tant d'indifférence, tant de sacrilèges, tant de profanations vis-à-vis de
Jésus-Eucharistie!
Page 339 - La prière Âme de Jésus-Christ…
*****
N° 21
PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR: L'AGNEAU ET LA NUIT
Je vous l'ai déjà dit: plus tard vous aurez besoin des grâces reçues dans cette
troisième semaine! Profitez-en bien car vous aurez, n'en doutez pas, qui que
vous soyez, bien des peines et des tentations et ces grâces vous rendront
d'immenses services! C'est par la Passion que tous les Saints le sont devenus;
Saint Paul disait ,,Je ne connais qu'une chose, c'est Jésus et Jésus crucifié”.
En parlant des chrétiens qui ont peur de la Croix, il disait: ,,Je le dis en
pleurant, ce sont des ennemis de la Croix et Dieu c'est leur ventre!”. Ils n'ont
qu'un rêve: jamais souffrir, jamais mourir; or, sans la croix, il n'y a pas de salut
possible! C'est par la croix seule qu'on y arrive et Jésus nous répète: ,,Si
quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renie, qu'il porte sa croix et qu'il me
suive”.
Que de gens se disant catholiques sont en fait des ennemis de la Croix! ils ne
sont pas sur le chemin du Ciel!… Oui, nous aurons des croix; attendons-nous à
la croix quotidienne! Comme je voudrais, mes chers Messieurs, faire entrer
quelques unes de ces pensées dans votre cœur: la croix est notre lot quotidien;
nous ne devons pas en avoir peur; c'est le démon qui nous fait peur de la
Croix! Notre-Seigneur, dans son sermon sur la montagne, nous apprend
comment il faut la porter.
Il y a d'abord celles qui sont passées: on a été malade, la petite a eu la
coqueluche, il a fait mauvais temps au moment des semailles, etc… c'est
intenable!… Non, Monsieur, cela c'est du passé… avouez que vous n'en êtes
pas mort, que la petite est guérie depuis et que vous avez trouvé finalement le
moyen de semer votre blé! c'est du passé cela et remerciez le Bon Dieu qui
aurait pu vous envoyer une croix plus lourde;… maintenant, celle d'aujourd'hui:
… bon, ça n'a pas marché comme vous l'espériez ? mais qu'à cela ne tienne,
embrassez-la cette croix, elle vous fait à votre insu gagner des mérites« ce soir
vous en remercierez le Seigneur et vous n'aurez plus à y penser… quant à la
croix de demain ou d'après-demain, vous ne la connaissez pas, ne dites donc
pas à l'avance que vous ne pourrez pas tenir le coup… qui vous a dit cela ?
Contentez-vous de la croix d'aujourd'hui; aimez-la par amour pour Notre-
Seigneur qui nous a appris à dire: ,,Donnez-nous aujourd'hui notre pain de ce
jour”; il nous aidera à cela. Saint Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens,
au chapitre dixième,. nous dit ,,Dieu est fidèle. Il ne permettra pas que vous
soyez tentés au-dessus de vos forces” mais dans la tentation, Il vous donnera
le secours pour en sortir avec succès et si ces tentations sont au-dessus de
vos forces ou qu'Il vous demande un sacrifice beaucoup plus grand, Il vous
donnera aussi des forces supplémentaires, sachez-le bien! Mais vous, soyez
heureux de la croix qu'Il vous donnera de porter chaque jour, c'est par elle que
vous gagnerez le Ciel! Ne rêvez pas, comme beaucoup malheureusement, d'un
christianisme sans la croix, où l'on fait tout pour l'évacuer, ne soyez pas de
ceux dont parle Saint Paul qui sont en bref des ennemis de la Croix!
*****
Nous avons vu dans la précédente contemplation comment Jésus-Christ Notre-
Seigneur a commencé sa Passion. A la page 401, au n° 206, Saint Ignace nous
recommande: Aussitôt que je me lève, me remémorant où je vais et pour quel
but, je résumerai un peu la contemplation que je veux faire pendant que je
m'habille, m'attristant et ressentant la douleur de tant de souffrances de Notre-
Seigneur Jésus-Christ, et dans la sixième remarque, de m'exciter moi-même à
la douleur, à la peine et au brisement de cœur en me rappelant les peines, les
fatigues et les douleurs de Notre-Seigneur qu'Il souffrit dès le moment de sa
naissance et jusqu'au mystère de la Passion en lequel je me trouve
maintenant.
C'est qu'en effet ces contemplations de la Passion sont salutaires et permettent
de mieux nous unir à Notre-Seigneur Jésus-Christ et de pleurer avec Lui.
Saint Benoît recommandait à ses moines la méditation de la Passion. C'est par
elle que Saint François d'Assise a reçu les sacrés stigmates alors qu'il faisait un
carême supplémentaire en l'honneur de Saint Michel Archange, méditant la
Passion pendant 40 jours. Fra Angelico a représenté Saint Dominique méditant
la passion dans des tableaux qui sont des merveilles,… on y voit dans l'un
Saint Dominique en prières au pied de la croix avec le sang de Jésus qui coule
sur lui« on le voit dans un autre aux pieds de Jésus souffleté méditant cela.
Sainte Thérèse d'Avila aussi a eu des visions de la Passion, la première dit-elle
fut celle de la flagellation où elle vit Jésus attaché à la colonne, déchiré et
couvert de sang; la seconde, quelques jours plus tard, alors qu'elle descendait
l'escalier du même carmel où se situait un grand tableau de l'ECCE HOMO,
elle vit Jésus la regarder avec sa couronne d'épines, sa figure pleine de sang,
et depuis ce jour-là elle commença à devenir la grande Sainte Thérèse; on
pourrait citer aussi Sainte Catherine de Sienne, qui, enfant, tomba en extase en
pleine rue devant la statue de pierre de l'ECCE HOMO… Sainte Thérèse de
l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, et combien d'autres… Oui, Jésus veut
souffrir, Il cache sa divinité, c'est pour moi qu'Il souffre; essayons de
comprendre, que ferai-je pour Lui ? mais nous avons pu voir, dans la
contemplation précédente, combien nous sommes pauvres, nous, en capital
d'amour. Nous essayerons de l'augmenter en suivant Jésus, du Cénacle où
nous l'avons laissé après son discours après la Cène, jusqu'au Jardin des
Oliviers et même en restant avec Lui dans cette nuit terrible du Jeudi au
Vendredi.
Page 400: Le premier préambule est l'histoire des faits:
,,Je verrai comment Jésus-Christ descendit avec ses onze disciples” (tiens,
pourquoi il y en a onze alors qu'ils étaient douze avant ? nous le retrouverons
hélas) ,,de la montagne de Sion où il fit la Cène vers la vallée de Josaphat; Il en
laisse huit à l'entrée du jardin et pénètre avec les trois autres dans le jardin où
la nuit tombe”.
N'oublions pas que dans la troisième semaine comme dans la première, nous
devons faire nos contemplations en tirant nos volets, pour être dans une semi-
obscurité qui vous aidera.
,,Notre-Seigneur donc, se mettant en prière, transpire du sang, et après trois
fois il fait sa prière au Père, il réveille ses disciples. Après que, à sa voix, ses
ennemis venus pour l'arrêter tombent à terre, Judas lui donne le baiser de paix
tandis que Saint Pierre coupe l'oreille à Malcus. Notre-Seigneur la lui restitue,
et le prenant comme un malfaiteur, ses ennemis l'emportent descendant la
vallée et remontant ensuite la côte vers la maison d'Anne”.
Nous verrons aussi le Jugement de la nuit.
Deuxième préambule - le lieu:
,,Nous traverserons Jérusalem avec eux jusqu'à la vallée du Cédron et nous
pénétrerons dans ce jardin”.
Peut-être avez-vous vu les photos de ces lieux historiques il y a quelques mois
au cours du voyage du Pape Paul VI, cela pourrait aider votre contemplation;
en fait cela a très peu changé; la ville oui, sans doute, mais les sentiers du
Chemin de Croix et des lieux extérieurs ? Le décor a très peu changé. La nuit
enveloppe le jardin.
Troisième préambule, est de demander ce que je veux obtenir, ce qui sera le
fruit propre à demander: douleur avec le Christ dans la douleur, brisement de
l'âme avec le Christ brisé dans son âme et dans son corps, des larmes et une
peine intimement sentie de tant de peines que le Christ a souffertes pour moi.
Mes chers Messieurs, ne vous étonnez pas, même dans la troisième semaine,
de ressentir de la désolation; elle sera un moyen de comprendre la Passion
parce que Notre-Seigneur Jésus-Christ, Lui, (il le dit lui-même) a subi une
désolation absolument surhumaine voyez!… ne vous étonnez donc pas!… 
Dans chaque point on contemple comme dans les exercices précédents, vous
pouvez revenir à la page 398.
1er point, voir les personnes: c'est-à-dire Notre-Seigneur, les disciples, les
soldats qui arrivent, les pharisiens, Caïphe, Anne et puis je réfléchirai en moi-
même pour m'efforcer d'en tirer quelque profit spirituel.
Au 2ème point: j'entendrai ce qu'ils disent pour en tirer quelque avantage et
vous remarquerez, Messieurs, qu'il y a là parfois chez les hommes un décalage
entre la parole intérieure (ce qui est pensé) et ce qui est prononcé. Il y a un
décalage: c'est ce qu'on appelle le mensonge ou l'hypocrisie… Chez Notre-
Seigneur, il n'y a pas de décalage, mais chez les hommes on le distingue
souvent: ils cherchent à tromper par leurs paroles« les cyniques, comme le
prince de Talleyrand disent: ,,La parole a été donnée à l'homme pour déguiser
sa pensée”, lui l'a dit, mais combien ne le disent pas et le font quand même!
3ème point: Regarder ce qu'ils font: là aussi il y a un décalage entre ce que l'on
fait et ce que l'on pense; on cherche à tromper les autres avec des intentions
parfois inavouables: par exemple les pharisiens vont mettre à mort le Christ en
mettant en avant la gloire de Dieu!… mais, en réalité, ce qu'ils veulent c'est
sauver leur position car ils ont peur! c'est que Notre-Seigneur a chassé les
vendeurs du Temple et ça les fait vivre cela… alors, comme ils craignent pour
leur situation Jésus doit mourir!!… Ils mettent en avant des motifs!!… ils se
gardent bien de le faire avec les vrais motifs!… lâches qu'ils sont, mais on les
devine!…
4ème point: Considérer ce que Notre-Seigneur souffre en son humanité ou veut
souffrir (selon le passage que l'on contemple). Et, ici, commencer avec
beaucoup de force à faire mes efforts à compatir, m'attrister et pleurer. Je
m'efforcerai et je le ferai aussi dans les points suivants.
Pourquoi Saint Ignace dit-il à nouveau ,,de nous efforcer aussi de nous attrister
et de pleurer” ? … Cela semble manquer de spontanéité que de me forcer moi-
même, pourquoi cela ? … eh bien, parce que Saint Ignace nous connaissait, se
connaissant lui-même: il savait que nous aurions des difficultés à méditer, à
contempler la Passion!… Au moment du Carême, les prédicateurs ont bien de
la peine à amener quelques larmes dans les yeux de leurs auditeurs alors
qu'au cinéma, devant un navet sentimental quelconque, on en trouve des
larmes! même en lisant quelquefois une nouvelle plus ou moins bébête, n'est-il
pas vrai ? mais devant le drame de la Passion – qui est notre drame à tous
– qui se renouvelle en ce moment même et sans arrêt par des milliers et des
milliers de messes qui nous sauvent vraiment de l'éternité en nous donnant la
force de continuer notre devoir d'Homme dans ce monde de péché, combien
peu de catholiques, (car je laisse les autres de côté) vont à la messe parce que
c'est le renouvellement du drame de la Passion ? Par contre ils sont nombreux
ceux qui y viennent et qui trouvent qu'avec demi-heure par semaine il y en a
bien assez, comme s'ils s'acquittaient d'une facture d'assurance ? On
comprend qu'en voyant de pareils témoins de la religion certains pensent à la
vomir!!… 
Mes chers Messieurs, la religion catholique c'est d'abord trois personnes qui
nous aiment. Pourquoi ? … Parce qu'elles ne peuvent pas faire autrement.
Dieu est amour et c'est le propre de l'amour de se donner et de se répandre.
Mais l'homme s'étant refusé à Dieu, Dieu a fait des prodiges pour essayer
malgré tout de sauver l'homme!… Quand on pense cela et qu'on le met au
milieu de sa vie, celle-ci prend aussitôt une nouvelle finalité!… Oui, essayer
de ,,m'efforcer” moi-même à compatir, à m'attrister, à pleurer… Il y a quelques
années, je lisais dans un bulletin de missions un fait bouleversant: un père du
Saint Esprit qui était allé évangéliser les tribus, de vrais sauvages du côté du
Katanga, là-bas, crut bon de leur raconter d'abord la Création qu'ils
connaissaient déjà plus ou moins, puis quelques données d'Apologétique; il
leur parla aussi du mystère de l'Incarnation et puis, un jour, il aborda celui de la
Rédemption et se mit à leur raconter la Passion, ce que le Fils de Dieu avait fait
pour eux. alors il paraît que tous ces sauvages se mirent à rire… et comme le
missionnaire, interdit, leur disait ,,Mais je ne vois pas qu'il y ait là de quoi
rire!”… l'un des Chefs de la Tribu de lui rétorquer ,,Mais oui, il y a de quoi rire,
parce que ce que tu nous dis là, c'est pas vrai, c'est pas possible qu'un Dieu ait
fait ça pour des pauvres noirs” ! … Alors là le missionnaire s'est mis en colère
et avec raison: Comment!… ce n'est pas possible ? Alors vous pensez que j'ai
quitté mon pays, ma vieille mère, mes habitudes pour venir vous trouver à
travers la brousse afin de vous raconter des gaudrioles ? vous croyez que c'est
amusant pour moi que de vivre auprès de vous avec mes habitudes et mon
confort de civilisé ? Si je suis là et que j'ai tout abandonné pour vous le raconter
c'est que c'est vrai, et si ce n'était pas vrai, je ne resterai pas une minute de
plus ici, entendez-vous ? … alors devant ces arguments-là et d'autres
semblables, ces pauvres sauvages comprirent que le blanc missionnaire devait
avoir raison et se pénétrant de ce que Dieu avait fait pour eux, ils furent
bouleversés devant cette révélation prodigieuse; eh oui, nous efforcer pour
compatir, pour nous attrister, pour pleurer…
5ème point: considérer comment la Divinité se sache; car elle pourrait détruire
ses ennemis et Elle ne le fait pas. (Notre-Seigneur n'est pas venu sur la Terre
pour ça) … et comment Elle laisse souffrir l'Humanité de Jésus d'une façon
cruelle..
6ème point: considérer comment Notre-Seigneur souffre pour mes péchés et je
me demanderai ce que je dois faire et souffrir pour Lui ?
Que vais-je pouvoir faire pour Lui ? Est-ce que je vais continuer comme avant
ma petite vie tranquille avec mes pratiques extérieures plus ou moins
valables ? oui, qu'est-ce que je vais faire désormais pour Lui ? Souffrir ? Parce
que si je ne veux pas souffrir, je ne ferai rien du tout… Dans l'éternité là-haut, la
joie sera sans mélange, parfaite, mais ici l'amour est toujours crucifié, nous ne
pouvons pas changer cela, que l'amour soit crucifié ici-bas, alors comment
vais-je faire moi, pour souffrir pour Lui ?
Eh bien, ce que vous devez faire, mes chers Messieurs, il faut qu'aujourd'hui
vous acheviez tous votre réforme de vie, que vous releviez des choses qui sont
tombées… là… que vous preniez quelques résolutions sérieuses, viriles et
même, certains, la Résolution, celle que le Bon Dieu attend de vous depuis des
années peut-être, la vraie Résolution, c'est le moment de montrer votre amour,
non pas en paroles, car nous ne croyons pas à un amour en paroles qui est
contredit par les actes, … qu'est-ce que je vais faire pour Lui aujourd'hui ?
Aujourd'hui vous devez achever votre réforme de vie… aujourd'hui, c'est une
journée de pénitences et d'adoration. N'oubliez pas dans les temps libres de
prier devant le Tabernacle, d'abord pour vous, pour vos familles, pour vos
camarades aussi qui font la retraite afin que chacun en emporte les résolutions
nécessaires, peu nombreuses mais efficaces pour se sanctifier et répondre
désormais sérieusement au plan de Dieu et que les jeunes, en plus de cette
réforme, voient ce qu'ils vont faire de leur vie… oui, considérer comment toute
cette Passion Il la souffre pour moi et ce que je dois faire, moi, pour souffrir
pour Lui…
Oui, aujourd'hui mon devoir est d'achever d'une façon efficace ma réforme de
vie et pour les plus jeunes de faire élection en choisissant un état de vie… que
vais-je faire pour Lui… Rappelez-vous, les jeunes gens, que vous n'aurez pas
une deuxième fois la vie pour tenter cette expérience! Rappelez-vous le Roi qui
appelle ses soldats à la croisade et ceux qui, ne voulant pas y aller, ratent
l'occasion de leur vie et ne la retrouveront plus… Alors vous, ne la ratez pas
cette occasion, parce qu'après ce sera fini!… 
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Quelques idées maintenant pour faciliter votre contemplation.
Notre-Seigneur Jésus-Christ vient d'instituer le sacrement de la Très Sainte
Eucharistie. Je pense que vous avez trouvé dans cette contemplation quelques
sujets de prendre les résolutions nécessaires afin que l'Eucharistie ait dans
votre vie une place prépondérante, vous le comprenez vous-même; c'est le
grand sacrement, les autres sacrements ne sont que par rapport à celui-là.
Notre-Seigneur dit à ses disciples: ,,Lorsque je vous ai envoyés deux à deux
évangéliser, avez-vous manqué de quelque chose ?”. Saint Pierre, qui
répondait toujours avant les autres, déclare aussitôt: ,,Non!”.… - eh bien,
maintenant, que celui qui n'a point d'épée vende son manteau pour en acheter
une… Notre-Seigneur parlait sur un plan spirituel, comme Saint Paul par
exemple qui écrira dans l'épître aux Éphésiens, chap. VI: ,,Nous les Saints
(c'était la terminologie pour désigner les vrais chrétiens du début) nous n'avons
pas tant que cela à combattre la chair et le sang (on voyait bien des hommes
qui avaient maîtrisé leurs passions) mais nous avons à combattre contre
"RECTORES TENEBRARUM HARUM - contre ceux qui dirigent dans les
ténèbres - "alors revêtez-vous du casque du salut, du bouclier de la Foi, des
armes de la prière”. Notre-Seigneur parlait donc de la même façon d'une
manière toute spirituelle; la preuve en est qu'il enjoindra à Pierre dans le jardin
de remettre son épée au fourreau, mais Pierre a compris ce mot d'épée d'une
façon matérielle et, dans l'hôtel où ils se trouvaient (puisque c'est là que se
déroulera par la suite cette belle retraite de 10 jours avec 120 disciples, la
première assemblée, la première église) donc un grand hôtel mis à leur
disposition par un ami, il y avait sans doute un hall avec panoplies d'armes; on
peut supposer aisément que Pierre y décrocha deux épées dont il était très fier
de les présenter au Seigneur. Saint Luc nous rapporte que Jésus le reprit avec
un ,,C'est assez” sans autre explication, un "c'est assez" dont on aurait bien
aimé connaître l'intonation!… Oui, … que celui qui a une épée la prenne car la
prophétie de Zacharie va se réaliser ,,Je frapperai le pasteur et les brebis
seront dispersées”, mais Pierre qui n'a rien compris et fort de ces deux épées
s'écrie: ,,Quand tous ceux-ci vous abandonneraient, moi, j'irai avec toi jusqu'à
la mort et Jésus de dire à Pierre: Écoute, Pierre, avant que le coq n'ait chanté
deux fois, tu m'auras renié trois fois. Il ne manquait pas de bonne volonté, le
pauvre Pierre, mais il n'a encore rien compris au programme de Notre-
Seigneur: les apôtres envisageaient le royaume des cieux un peu comme une
chose humaine, matérielle, sujette aux honneurs; ils s'en voyaient ministres,
c'est pour cela d'ailleurs que quelques heures auparavant, en arrivant au
Cénacle, ils se disputaient sur la route quant à l'attribution des portefeuilles…
c'est là qu'on voit la misère humaine… les pauvres apôtres n'avaient pas
encore compris!
Traversons la ville de Jérusalem.
A cette époque les pauvres se couchaient en même temps que le soleil; les
riches, eux, avaient des chandeliers et des lampadaires, mais les rues étaient
désertes, non éclairées, il fallait avoir un falot pour s'y diriger. Cependant tout le
monde ne dort pas dans Jérusalem: Judas ne dort pas, Caïphe non plus! mais
arrivons au jardin de GETHSEMANI, le jardin du pressoir!; il y avait là un
pressoir à olives d'où l'on recueillait l'huile nécessaire à la fabrication des
onguents. Jésus va laisser huit de ses disciples à l'entrée et va prendre Pierre,
Jacques et Jean avec Lui. Mais que font les disciples ? Dès qu'ils sont arrivés
ils déroulent leur pèlerine et se couchent. Ils ont. évidemment l'habitude de
coucher à la belle étoile, mais quand même! Priez si vous voulez, Seigneur,
c'est ce qu'ils pensent peut-être, mais nous on ne perd pas de temps, on se
couche, et ça on le verra combien de fois au cours des siècles ? … M. le Curé
appelle ses hommes pour une adoration nocturne pour le premier Vendredi du
mois par exemple, (à Marseille cela se fait notamment et les organisateurs sont
heureux lorsqu'ils arrivent à y rassembler une centaine d'hommes), mais cela
se perd de plus en plus et on dit: Mais qu'est-ce qui lui prend à M. le Curé
d'appeler des hommes pour une adoration,… la nuit!!… qui va au travail le
matin ? Que des religieux ou des prêtres qui n'ont rien à faire y aillent, on n'y
voit pas d'inconvénients, mais nous, il faut aller au boulot le matin! Non
vraiment, il n'y est plus ce M. le Curé! Par contre, nous avons un vicaire, c'est
du tonnerre! Imaginez qu'il a réussi à avoir une troupe d'opérette… de Paris!!…
c'est pour Samedi, il paraît que ça dure jusqu'à une heure du matin… oui, mais
ça vaut la peine!… eh oui, des grimaces… déjà les apôtres nous montrent la
chose… ils se couchent… tous… mais Notre-Seigneur en appelle trois: Pierre,
Jacques, Jean!… Voyons ce qu'ils vont faire tous les trois ? ils préféreraient
dormir eux aussi mais Jésus leur dit: ,,Venez avec moi, mon âme est triste
jusqu'à la mort, veillez et priez car l'esprit est prompt mais la chair est faible” …
Mon âme est triste jusqu'à la mort: Notre-Seigneur ne parle pas pour ne rien
dire; s'il ne faisait un miracle, la désolation qu'il éprouve est telle qu'elle
l'écraserait jusqu'à la mort. Il s'enfonce avec les trois dans le jardin, eux
marchant à l'arrière et Notre-Seigneur s'arrache d'eux nous dit Saint Luc "A
VULSUS EST ABEIS" Il tombe de tout son long sur la pierre de l'agonie qu'on a
maintenant retrouvée.
Nos trois disciples derrière se mettent à genoux; bien vite ils s'asseoient sur les
talons et puis ils se couchent, ils s'endorment. Ah! les pauvres hommes!… On
dit que Dieu a besoin des hommes… une fois, là, Il en a eu besoin, Il a voulu
s'accrocher un peu aux hommes… eh bien, les voilà les hommes!… et trois
hommes choisis!… le premier Pape qui avait reçu des promesses
extraordinaires, puis le premier des apôtres à mourir martyr, Saint Jacques, et
enfin le disciple bien-aimé, Saint Jean, qui quelques heures auparavant avait
appuyé sa tête sur la poitrine de Jésus!… Voilà l'attitude des hommes: ils
s'endorment…
Nous pourrions nous demander aussi ce qu'il y a dans ce calice qui lui fait
tellement peur que pendant trois heures il a répété toujours les mêmes paroles
"ABBA, PÈRE, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi sans que je le
prenne". Qu'y a-t-il donc dans ce calice ? …
Eh bien, dans ce calice, il y a d'abord les souffrances physiques, nous n'en
connaissons qu'une partie par l'évangile, elles sont terribles!… L'ensemble en
est terrifiant; il y a également les souffrances morales, effroyables: les crachats,
les moqueries, les sarcasmes, etc…, il y a aussi la défaite: … une défaite
spectaculaire, extraordinaire; un de ses apôtres va se pendre après l'avoir trahi,
vendu… il y a aussi le premier pape qui va le renier par trois fois et les autres
disciples qui vont s'enfuir, tous… il y a sa sainte Mère entraînée dans sa
défaite, une défaite sans nom, épouvantable!!
Que peut-il y voir encore ? … il voit les siècles devant ses yeux, tous les
siècles… tant d'hommes qui recevront de Dieu l'intelligence et qui vont se
dresser contre Dieu, qui vont mettre leur malice à essayer d'extirper la Foi
partout, mettant tous leurs talents à cela; plusieurs fois des écrivains
catholiques ont pu dire: mais pourquoi cette haine ? … si cela fait plaisir à ces
gens-là de croire et que cela paraît leur donner une force, laissez-les croire,
vous qui ne voulez pas croire, mais pourquoi vouloir leur arracher cela de toute
force, pourquoi faire sauter les églises… oui, Notre-Seigneur voit tout cela; il
voit les souffrances de ses Saints aussi… le monde, au fond, ne s'habitue pas
à la vérité catholique: pendant trois siècles, le monde gréco-romain a essayé
d'ensevelir le Christianisme au berceau, dans un flot de sang et des millions de
martyrs; on n'a pas voulu s'habituer à ça et au vingtième siècle, au siècle de la
soi-disant lumière, on en parle toujours avec optimisme de cette nature
humaine qui monte (dans la lumière) ! … mais on voit les mêmes faits se
représenter: combien de persécutions déjà depuis le commencement de ce
siècle: au début, la persécution des Boxers en Chine, des millions de chrétiens
ont été écrasés, torturés, puis est venue la persécution française avec le
sinistre Combes, des centaines et des milliers d'avocats, d'officiers, contraints
de quitter le barreau et l'armée où ils étaient entrés par idéal, et pourquoi ? …
Parce qu'on leur demandait de crocheter des églises et de juger des religieux
et des prêtres… alors ils sont partis; on essayait de les avoir par le pain, parce
que, généralement, ils avaient de la famille… odieux…, en France!! Et ça
continue plus ou moins, en Allemagne, au Mexique, en 1936 en Espagne, dans
l'Allemagne d'Hitler; derrière le rideau de fer, dans le paradis rouge, n'en
parlons pas!… et partout dans le monde, en Afrique, en Amérique, en Asie. Qui
aurait pu penser que le 1er janvier 1962 vingt jeunes gens qui avaient quitté
leur Belgique pour apprendre aux noirs du Congo qu'il y avait autre chose, qui
aurait pu croire qu'ils auraient été tués, comme ça, parce qu'ils portaient la Foi
à leurs frères ? On nous raconte des histoires en nous disant avec le sourire
que ça va très bien… le communisme est ce qu'il est: l'antithèse même de Dieu
et de toute Foi!…
Oui, Notre-Seigneur voyait toutes les souffrances de ses saints, de ses martyrs
qu'on essaie de salir avant de les tuer; toujours salir,… salir… le démon est le
prince immonde, c'est un esprit immonde, sale… Notre-Seigneur voyait tout
cela… Il se voyait lui-même couvert de tous les péchés des hommes, ces
milliards de milliards de péchés, d'insanités, de turpitudes, d'aberrations; Il a
voulu endosser tout cela!
Que voit-il encore ? … Il voit son Père qui se détourne de Lui et cela parce qu'Il
est devenu le péché personnifié!… C'est Saint Paul qui dans une image
saisissante de hardiesse dit: ,,Notre-Seigneur est devenu le péché personnifié,
sans qu'il y ait de péché en Lui, Il a voulu être revêtu des péchés des hommes
pour tuer le péché sur la Croix”..
Cette vision effroyable, qui est la vision même du Rédempteur, nous ne
pouvons pas la comprendre, nous ne pouvons que la signaler, c'est écrasant…
par trois fois Il va chercher un peu de réconfort auprès de ses Apôtres et Il ne
trouve rien chez eux, ils sont endormis!
,,Comment, Pierre, tu n'as pas pu rester une heure avec moi ?”.
Pierre se réveille un peu, mais aucun secours à attendre d'eux et il retourne à
son combat… Trois heures comme cela et enfin, grâce à la prière, Il peut enfin
prononcer son Fiat…
Il est seul, une solitude effroyable: ,,Fiat, Mon Père, que votre volonté se fasse
et non pas la mienne”. Il est vainqueur, mais la victoire a été tellement dure à
obtenir qu'il y a en Lui une sueur de sang, une réaction de sang. Quand nous,
les hommes, nous faisons de violents efforts pour échapper à un terrible
danger, la réaction de notre organisme entraîne ce que nous appelons une
sueur froide, mais de sueur de sang, on ne paraît pas en avoir constaté de cas,
pourtant Dieu sait si des hommes ont pu faire des efforts de toutes sortes
pendant la guerre, mais j'entends encore ce médecin de la marine m'expliquant
un jour: ,,J'ai beaucoup médité et étudié sur ce que pouvait être la sueur de
sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ: on pourrait concevoir qu'elle fût le
résultat d'un affolement de la nature humaine de Jésus devant des
perspectives absolument effroyables dépassant la capacité de cette nature,
alors que la Divinité restait silencieuse et paraissait ne pas la soutenir… Aussi
la volonté humaine qui paraissait être seule en jeu cherchait-elle à dire oui, à
prononcer son FIAT, mais elle avait une terrible difficulté à y parvenir tant elle
était affolée et horrifiée. On conçoit dès lors que la volonté du Rédempteur de
sauver les hommes et d'obéir au PÈRE exerçant une pression de plus en plus
forte sur sa nature humaine qui continuait à rester aux prises avec les
perspectives terribles impliquées par le FIAT, c'est de cette extraordinaire
pression subie par la nature humaine que du Corps du Christ se mit à sourdre
cette sueur de sang comme l'huile jaillit d'une olive écrasée dans un pressoir”.
Croyez-vous que c'est par hasard que ce jardin avait ce nom de GETHSEMANI
ce qui veut dire du "Pressoir d'olives" ?
Mais le PÈRE doit envoyer un ange à Jésus pour le réconforter. L'envoyé
céleste a dû le faire comme il se doit: d'abord par des paroles parce qu'une
intelligence ne peut être sensible qu'à des mots spirituels, mais il reste possible
qu'il le fût aussi par un breuvage afin qu'il eût la force de tenir jusqu'à trois
heures de l'après-midi du lendemain.
Notre-Seigneur Jésus-Christ, après cette sueur de sang, retourne auprès des
disciples toujours endormis et veille sur eux.
Mais voici qu'on aperçoit là-bas des lumières aux abords du Jardin. Les 8
Apôtres couchés à l'entrée se replient vers Notre-Seigneur. Ils sont suivis par
Judas et ses nouveaux amis.
Vous connaissez déjà les détails, je ne m'y arrête pas longtemps car le temps
passe…
Notre-Seigneur avance, décidé; c'est Lui qui va diriger jusqu'au dernier
moment. Et d'abord à Judas, qui le désigne à ses adversaires par un baiser:
,,Comment, Judas, c'est par un baiser que tu trahis le Fils de l'homme ?
Pourquoi es-tu venu, mon ami ?”. Mais Judas se retire. Notre-Seigneur
l'appelait encore son ami pour lui tendre la perche et toucher son cœur, mais
Judas n'a plus qu'un ami, ce sont les sous qu'il vient de toucher… Notre-
Seigneur demande d'une voix forte aux soldats et à l'officier qui sont là pour
l'arrêter:
,,Qui cherchez-vous ?” …
,,… Jésus de Nazareth” …
,,… C'est moi”, et Il les renverse les uns sur les autres par le seul effet de sa
puissance; ils l'arrêteront quand Jésus le voudra et pas avant. Il leur permet de
se relever mais devant ce fait Pierre reprend un peu de courage: il bondit sur
un soldat et lui arrache l'oreille; Notre-Seigneur lui dit alors: ,,Remets ton épée
au fourreau, car celui qui joue de l'épée périra par l'épée”.
De ce fait-là, on a cherché à trouver de quoi favoriser l'objection de conscience,
mais c'est une erreur. Notre-Seigneur parlait à son premier pape; Il parlait à un
prêtre puisque Pierre avait reçu la plénitude du sacerdoce quelques heures
auparavant de la bouche même du Verbe de Dieu, or les prêtres ne doivent pas
combattre les armes à la main« il existe même une défense canonique à ce
sujet et c'est normal, le prêtre est l'homme de la paix par excellence, il doit
mettre la paix partout, il ne doit pas être un homme de parti, un partisan, voyez!
… Remets ton épée du fourreau… mais il n'y a nul motif d'objection de
conscience et quand il le faut, pour défendre la Foi, il y a des Saints qui ont pris
les armes à la main, Saint Louis par exemple et d'autres prêtres qui ont prêché
les croisades pour sauver les valeurs chrétiennes. Rappelons-nous de cela:
Remets ton épée au fourreau et Saint Pierre, interdit, la remet au fourreau. Les
apôtres auraient pu, pour Notre-Seigneur, mourir au combat, c'est facile de le
faire ainsi dans un acte de générosité, mais mourir martyrs ? Ils n'en étaient
pas capables encore! Alors voyant que leur Maître ne voulait pas se défendre
et que les soldats deviennent de plus en plus menaçants, car, autant ces
derniers ont eu peur, autant maintenant ils ont honte d'avoir eu peur, ils
s'avancent, c'est-à-dire que Notre-Seigneur Jésus-Christ le leur permet et se
livre à eux, tous les apôtres s'enfuient…
Les soldats renversent alors Notre-Seigneur et c'est un déchaînement de
fureur, de coups de pied à tel point que les pharisiens, qui étaient derrière
s'écrient: ,,Mais voyons, retenez votre fureur, il ne faut pas qu'il meure là, vous
l'avez presque tué, il faut qu'il meure sur la Croix!”… Non, il n'est pas mort; on
le relève, couvert de sang, on l'attache soigneusement car Judas, resté un peu
de côté pour voir la chose, avait recommandé de le prendre avec précaution,
hein! car il pourrait s'échapper!…
Les soldats rallument leurs torches et repartent en hurlant de joie, descendant
la vallée du Cédron et remontant les pentes, réveillant Jérusalem de leurs cris
qui proclament leur grande victoire!…
Les pharisiens en effet auront demain de gros arguments à servir à ces
pauvres juifs: ,,Vous le preniez pour le Messie ? On l'a arrêté, on n'aurait
jamais pu arrêter le Messie!”…
Alors on le fait comparaître devant Anne; Caïphe, lui, se demandait comment
finirait cette échauffourée. Interrogatoire d'identité: Notre-Seigneur répond
calmement. Qu'enseignais-tu dans le Temple ?… Notre-Seigneur regarde Anne
et ses ennemis qu'il a rencontrés dans vingt batailles déjà, chaque fois vaincus
d'un seul mot… la femme adultère, le denier à César, etc…
Il leur répond: ,,Mais j'ai parlé publiquement, vous n'avez qu'à interroger ceux
qui m'écoutaient”. Cette réponse si simple déconcerte le grand prêtre… Voyant
son maître en difficulté, un serviteur va vers Notre-Seigneur et, à la volée, lui
donne un soufflet: ,,C'est ainsi qu'on répond au grand prêtre ?” … Notre-
Seigneur dit à cet énergumène (et vous remarquerez là combien l'évangile est
mystérieux et parfois difficile à approfondir en effet, Notre-Seigneur avait dit un
jour, dans le sermon sur la montagne: ,,Si on te frappe sur une joue tends
l'autre joue”, mais Notre-Seigneur n'a pas tendu l'autre) mais il dit à
l'énergumène: ,,Si j'ai mal parlé, montre-le moi, et si j'ai bien parlé, pourquoi me
frappes-tu ?”… Notre-Seigneur ne se contredit pas, mais cela montre que
l'évangile est rempli d'abîmes, c'est un livre divin, ne l'oublions pas!… 
On le rattache, il va se rendre maintenant devant le tribunal enfin rassemblé,
puis traversant une cour, il va sauver un de ses apôtres. Pierre avait suivi Jean
et se chauffait là; vous savez ce qui est arrivé: à la voix d'une gamine d'abord
et ensuite d'une servante qui le regardait, Pierre a renié par trois fois Notre-
Seigneur,; cependant Jésus veut le sauver et d'un seul regard que croise celui
de son apôtre il pénètre son cœur et Pierre va pleurer sa faute… mais il y en a
un autre qu'il ne sauvera pas. cet autre a désiré l'argent de sa trahison, et dès
qu'il l'a eu, cet argent l'a brûlé et il est allé le jeter dans le temple puis il est allé
se pendre…
On arrive devant Caïphe. Le sanhédrin, le tribunal suprême des juifs était là
avec ses membres et des faux témoins se succèdent. Notre-Seigneur Jésus-
Christ ne répond rien. On ne répond pas à des gens comme ça qui se
contredisent les uns les autres« alors, dans un accès de colère, Caïphe les fait
chasser, se lève de toute sa grandeur, solennellement, adjure le Christ:
Au nom du Dieu vivant, je t'adjure de nous dire si tu es vraiment le Fils de Dieu
béni. Réponds!… et la parole éternelle, tranquillement, les yeux dans les yeux
lui répond:
Tu l'as dit, je le suis, et vous verrez un jour le Fils de l'Homme descendre sur
les nuées du Ciel pour juger tous les Hommes!… 
Notre-Seigneur savait ce qu'Il faisait en répondant cela: en effet, dans les
réunions du sanhédrin, on discutait souvent sur les prérogatives du Messie et il
y avait parfois des controverses au sujet de certaines préséances, de certains
pouvoirs, mais tout le monde était d'accord sur ce qu'il devait juger les vivants
et les morts. Notre-Seigneur savait donc ce qu'il faisait en leur rappelant cela
quelques jours à peine après les Rameaux où le peuple, spontanément, avait
chanté pour Lui ce très beau cantique, aussi ces Messieurs du sanhédrin
étaient-ils de ce fait hésitants, surpris, même affolés, mais Caïphe leur
demande:
Que vous en semble devant ce blasphème ? Répondez… alors, comme dans
toute assemblée, il y avait là le quart ou le tiers des personnages qui
marchaient à fond avec lui… C'est que c'était un misérable, ce Caïphe; dans
les livres juifs de ce temps-là on relève des imprécations contre la famille de
Caïphe et d'Anne, mais s'il avait bien sa garde à lui, il y avait aussi le groupe
opposé, qui devient le plus important si l'on n'arrive pas à le dissuader de faire
opposition, et donc, Caïphe, qui sait ce qu'il veut, n'est-ce pas, les met
successivement au pied du mur… Répondez… Répondez… et ces gens-là,
pris dans l'alternative d'approuver un crime ou de perdre leur situation, les uns
après les autres ils répondent: ,,Il mérite la mort” !
Ensuite, descendant dans l'hémicycle, ils s'en vont, les vertueux… Caïphe lui-
même confie aux soldats le soin de garder Notre-Seigneur le reste de la nuit.
Nous savons ce que des soldats peuvent faire, même à notre époque, lorsqu'ils
ont reçu une sinistre consigne… eh bien, on livre à ces misérables, des
indigènes syriens pense-t-on de l'armée coloniale romaine, on leur livre le
Christ comme on livre un jouet… Essayez de le dégoûter de se croire un
prophète ou le Messie, ajoute-t-il cyniquement, on vous enverra du vin dans un
moment…
Nous savons également, par les prophéties d'abord, mais aussi par l'Évangile,
qu'ils boivent, s'amusent à frapper des coups de poing dans le visage, à le salir
de crachats. Comme ses yeux gênent ses bourreaux, on les bande avec un
chiffon écarlate et puis dans un débordement de haine, de joie satanique, ils lui
arrachent sa barbe à poignées, ses cheveux aussi et, au matin, des Saints qui
ont eu cette vision, nous disent que Notre-Seigneur Jésus-Christ se trouvait
dans un angle de la pièce complètement défait, défiguré, meurtri de coups et
de sévices et que la plupart des soldats étaient ivres-morts de boisson et de
fatigue de l'avoir frappé!
------
Voilà votre contemplation. Vous ne pouvez pas tout voir, mais rappelez-vous
les principaux traits. Voyez les personnes, écoutez leurs paroles. Voyez-les
agir, voyez Notre-Seigneur Jésus-Christ, Il pourrait d'un seul effet de sa volonté
anéantir tous ses ennemis; Il ne le fait pas. Pourquoi ? Pourquoi sans arrêt Il
veut souffrir dans son humanité ? Et tout ça c'est pour moi, pour me sauver…
Seigneur, donnez-moi de pouvoir souffrir et pleurer avec vous, donnez-moi la
grâce d'avoir quelques larmes à la pensée de ce que vous avez fait pour moi;
aux petits coups, n'oubliez pas de faire un colloque plein d'amour et
d'adoration. Au temps libre, vous pourriez aller lui rendre visite à son
Tabernacle et lui demander qu'Il vous aide à décider et à terminer vos élections
et réformes de vie. Allez vite…
*****
N° 22
LA PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR Jésus-Christ - LES TRIBUNAUX
Si vous voulez reprendre la page 398, vous remarquerez, mes chers
Messieurs, que dans la 3ème semaine Saint Ignace devient de plus en plus
sobre puisqu'il ne nous y donne que deux contemplations, mais à la page 415
et les suivantes, il nous a laissé une cinquantaine de petits tableaux
méditables, tirés de l'Évangile et sur lesquels il nous renvoie…
Premier préambule - page 398: Nous adaptons l'histoire de la contemplation
que nous allons faire maintenant. Nous la trouvons aux n°s 293 - 294 - 295 -
296, de ces tableaux…
Nous verrons comment Notre-Seigneur Jésus-Christ, irrégulièrement jugé
pendant la nuit, va l'être de nouveau au début de cette journée du Vendredi
Saint. Nous le suivrons à travers les rues de Jérusalem en nous rendant de la
maison de Caïphe à celle de Pilate qui se trouvait, pense-t-on, dans la caserne
de la Tour Antonia; Pilate habitait en fait Césarée mais devait se trouver dans
sa maison de Jérusalem au moment des importantes fêtes de Pâques pour être
à pied d'œuvre et donner ses ordres. Nous retraverserons Jérusalem pour
nous rendre à la maison d'Hérode: nous retournerons encore à la maison de
Pilate pour le référendum au sujet de BARABBAS; nous assisterons aussi à la
flagellation de Notre-Seigneur pour terminer par le Couronnement d'épines.
Deuxième préambule: la composition de lieu sera ici de se représenter cette
foule hurlante qui grossit de plus en plus et de voir Notre-Seigneur, abandonné
de tous, dans chacune des circonstances de cette matinée du Vendredi Saint.
Troisième préambule: Saint Ignace nous fait demander ce que nous voulons
obtenir à la page 400 n° 203, c'est-à-dire le fruit propre de la Passion qui
est ,,la douleur avec le Christ dans la douleur, le brisement de l'âme avec le
Christ brisé dans son âme et dans son corps, et des larmes, une peine intime,
sentie, de tant de peines que le Christ a souffert pour moi en particulier”.
La méthode de contemplation reste la même.
1er point: Nous regardons les personnes: Notre-Seigneur surtout et, par
contraste les pharisiens, les soldats, la foule qui crie ,,A mort” à l'adresse de
Notre-Seigneur, Pilate, le procurateur romain, Hérode… les personnes…
2ème Point: Nous écouterons ce qu'elles disent: Notre-Seigneur, lui, très
souvent se tait dans sa Passion, les évangélistes le font remarquer ,,JESUS
VERO LACEBAT” Lui, le Verbe éternel se taisait, Lui, la Parole de Vérité! voir
ce contraste avec ce que disent ceux qui l'accusent et où l'on ne trouve que
mensonge et imposture…
3ème Point: Regardons aussi leurs actes d'une cruauté sans nom, et, en face,
l'attitude de Notre-Seigneur Jésus-Christ: extérieurement il est passible, mais
intérieurement il fait des actes d'une puissance et d'une ferveur extraordinaire
de charité pour son Père et pour nous…
4ème Point: considérer ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ souffre en son
humanité ou veut souffrir: En effet, vous avez déjà pu vous en convaincre et
vous en convaincrez davantage dans les heures que nous allons contempler. Il
veut souffrir toujours davantage pour nous prouver son amour! Et pourtant,
après 20 siècles que ces mystères se sont accomplis et qu'ils sont renouvelés
tous les jours par 400'000 messes, nous doutons encore de cet amour!… Dès
que nous avons une petite contrariété, une petite croix, nous crions presque au
blasphème, à l'abandon! Pourtant, le Bon Dieu ne nous a pas promis qu'Il nous
rendrait heureux sur la Terre!… un jour, la Sainte Vierge, qui a montré toute la
prédilection qu'elle avait pour Bernadette lui a dit: ,,Ma fille, je te rendrai
heureuse, mais pas ici!”, je veux dire par là que Dieu ne rompt pas le contrat
lorsqu'il nous envoie quelques contrariétés,. puisqu'au contraire Il nous a
indiqué: ,,Que celui qui veut être mon disciple, qu'il renonce à lui-même, qu'il
prenne sa croix et qu'il me suive… de même qu'on me persécute, on vous
persécutera, car le disciple n'est pas plus grand que le maître et si on a appelé
le maître Belzébuth, comment appellera-t-on les disciples ? …
Notre-Seigneur, et c'est là qu'on voit bien sa Divinité, est le seul Chef qui ose
prédire à tous ses fils qu'ils seront persécutés, mis en prison, (nous l'avons lu à
la messe hier), traduit devant les tribunaux et parfois envoyés au martyre. Voilà
ce qu'Il a promis… oui, alors voyons cela, ce que Notre-Seigneur veut souffrir,
suivant ce que l'on contemple, et je commencerai avec beaucoup de force à
compatir, m'attrister et pleurer et de cette même manière je travaillerai dans les
points suivants. Nous "efforcer" nous dit Saint Ignace, car il sait bien que nous,
catholiques, nous sommes un peu blasés là-dessus, puisque depuis notre tout
jeune âge nous avons l'habitude de voir ces deux morceaux de bois coupés à
angle droit, sur lesquels un homme est cloué; et nous trouvons cela presque
normal« certains penseraient peut-être sans plus de respect que cela: Bah, si
ça Lui a plu d'être le Rédempteur de cette façon ça le regarde!… ou bien, sans
aller si loin, devant ce mystère de l'amour de Dieu, nous restons bien
tranquilles!… alors Saint Ignace vous dit: ,,Efforcez-vous quand même” … Je
vous ai déjà raconté je crois, l'histoire de ces pauvres noirs qui ne voulaient pas
croire que Dieu avait pu faire ça pour eux, mais nous, les pauvres Blancs,
restons-nous persuadés de cette réalité ? … Lorsqu'on pense que Dieu a misé,
pourrait-on dire, sur l'Europe pour la fécondité de l'apostolat, (remarquez en
effet que la plupart des Saints appartiennent à la civilisation partie des bords de
la Méditerranée et je sais bien qu'il y en a d'autres, des Américains, des
Japonais, des Noirs, mais enfin, la grande majorité est issue des pays
d'Europe, tous ces grands Fondateurs, ces grands prédicateurs, ces Saints qui
ont fait l'Europe et y on installé le christianisme) et lorsqu'on voit maintenant
l'apostasie d'un si grand nombre de nations et que le Christianisme apparaît
comme cherchant à se faire une place, après tout ce que Notre-Seigneur a fait
pour nous, on comprend mieux Saint Ignace nous demandant de nous
"efforcer" pour compatir à ce crame, qui est en même temps celui de notre
éternité!
5ème Point: considérer comment la Divinité se cache. Elle pourrait détruire tous
ses ennemis d'un seul effet de Sa volonté; elle ne le fait pas. Notre-Seigneur
n'est pas venu sur la terre pour détruire ses ennemis, il est venu pour les
sauver; pour cela, Il est obligé de cacher sa divinité et d'abandonner son
humanité à toutes les folies des hommes!
6ème Point: considérer comment dans tout ceci Notre-Seigneur souffre pour
mes péchés pour moi!… A notre époque, on insiste beaucoup à porter nos
efforts sur le plan communautaire, et on a raison de le faire, mais il ne faudrait
pas pour autant que la considération communautaire nous cache le plan
individuel! ces deux réalités sont vraies, mais elles sont complémentaires! Saint
Paul, l'apôtre du corps mystique a beaucoup insisté là-dessus, cependant il dit:
QUI DILEXITME, ET TRADIDIT SEMET IPSUM PROME – Il s'est livré à la
mort pour "MOI" parce qu'Il m'a aimé, à moi, et Saint Ignace dit pareil: ,,C'est
pour Moi qu'Il a fait cela”. Donc, il ne faut pas envisager les seuls soucis
communautaires…, ce serait voir se dissoudre cet amour que le Seigneur a
pour chacun de nous dit encore Saint Paul… car si l'on ne voit qu'un amour
global que Dieu aurait pour l'ensemble des 3 milliards d'enfants qu'Il y a sur la
terre, pour justifier la parole de l'apôtre je serais donc obligé de couper cet
amour en 3 milliards de petits morceaux pour avoir ma part ? … Non! … Dieu
aime toute l'humanité, Dieu veut que tous les hommes se sanctifient et arrivent
à la vie éternelle, mais Dieu nous aime particulièrement à chacun comme si
nous étions seul, c'est ça qu'il faut comprendre. donc, considérer comment,
dans tout ceci Il souffre pour "MOI", pour "MES" péchés… et qu'est-ce que je
dois faire, moi ?, souffrir pour Lui ? … Ah! voilà!… Comme je vous l'ai déjà
indiqué, vous les jeunes, vous devez voir ce que vous pensez réaliser comme
état de vie, dans un avenir plus ou moins proche et tous, les jeunes comme les
vieux, vous devez concrétiser le genre de vie qui sera désormais le vôtre pour
que vous puissiez vivre en véritable disciple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et
cela en prenant des résolutions, peu nombreuses mais efficaces, pour
maintenir chez vous ce que j'appelle le carburant spirituel, la piété et l'étude…
Quelqu'un qui a bon cœur mais a une tête folle arrive à faire le mal… vous avez
en effet beaucoup de gens qui sont allés au marxisme bien qu'ils fussent pleins
de bonnes intentions, mais comme ils étaient mal renseignés, ils sont allés au
mal par amour pour le prolétariat, pour sauver l'ouvrier remarquez-le, … mais
ils sont allés contribuer à son assujettissement et à son esclavage! Voilà, il faut
donc nous former et pour cela étudier; soyez persuadés que ces choses-là ne
s'inventent pas; les principes, il faut absolument les connaître; un bon
catéchisme pour adultes c'est de la théologie pour vous! il faut connaître la
doctrine de l'Église également. il faut voir… ne pas vous en aller sur le petit
plan que vous aviez déjà conçu pour mener une petite vie heureuse et
tranquille… Moi aussi à 19 ans, j'avais fait mon petit plan, mais le Bon Dieu en
avait un autre et je ne voulais pas marcher! Alors Il ne m'a pas lâché et m'a
amené où Il voulait!… Moi aussi je croyais et je disais: ,,Mon Dieu, moi je me
marie hein ? C'est pas possible autrement! j'aurai d'ailleurs beaucoup d'enfants,
tous les garçons au séminaire, les filles au couvent, mais moi mon Dieu, il faut
que je me marie!! heureusement que le Bon Dieu ne m'a pas lâché!… mais ça
me fait comprendre qu'il y en a qui tiennent beaucoup à leur petit plan… alors,
jeunes gens, voyez: … vous pouvez vous aussi dire comme Isaïe ,,Seigneur,
renvoyez-moi!”… Soyez sans crainte, si le Seigneur ne veut pas de vous, Il
vous laissera vous marier, mais attention!… remarquez que là aussi vous
devez vous sanctifier car il ne s'agit pas de savoir si vous devez vous sanctifier
ou non puisque la volonté de Dieu est que nous devenions tous des Saints, il
s'agit ici de savoir quelle route vous allez choisir pour y arriver le plus sûrement
possible!… Voilà pourquoi il faut qu'aujourd'hui nous travaillions tous au genre
de vie que nous avons résolu de suivre et, les jeunes, en plus, essayer de voir
clair dans l'état de vie que vous envisagez. Encore une fois, ne ratez pas, non
pas une occasion de votre vie qui vous serait offerte aujourd'hui, mais
l'occasion qu'est la Vie! Elle n'est donnée à chacun qu'une fois: Rappelez-vous
la méditation du Roi!… combien de gens arrivent tous les jours devant le
Seigneur, leur corde s'est cassée, c'est fini… et ils s'aperçoivent que, bêtement,
ils ont raté l'occasion qu'était pour eux la Vie, l'occasion d'avoir eu l'honneur
d'être tiré du néant et de travailler pour le Seigneur; cette occasion unique et
qui ne se représentera plus, ils l'ont bêtement perdue!…
Demandez la lumière au Christ souffrant que nous contemplons, criez vers Lui,
que cette journée soit vraiment une journée de salut pour tous,… que vais-je
faire, Moi, et souffrir pour Lui ? … Remarquons que si nous ne voulons pas
souffrir, nous ne ferons rien; ne nous faisons pas illusion, le mot amour égale
sacrifice et non pas plaisir, une croix y est plantée et personne n'a le pouvoir de
l'arracher! En route vers Dieu ici-bas, nous sommes en temps d'épreuve et
nous devons nous renoncer pour pouvoir arriver au but; on ne peut pas
changer le christianisme en un néo-christianisme qui serait "rigolo", ce n'est pas
possible et vous le comprenez vous-même!… 
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Rappelons-nous que Notre-Seigneur souffre pour nous et qu'Il cache sa
divinité. Nous le retrouvons maintenant au matin du Vendredi Saint après cette
nuit terrible qu'Il a passée, dans le corps de garde au milieu des soldats après
que Caïphe le leur eût livré, et nous savons bien ce que des soldats à moitié
civilisés – des syriens pense-t-on – peuvent faire lorsqu'on les excite et qu'on
leur paye à boire. On a d'ailleurs pu le voir, même dans notre civilisation
moderne et dans un passé récent: au procès de Nuremberg par exemple, il y
eut des révélations effroyables sur ce qui s'était passé pendant la dernière
guerre. on n'aurait jamais pensé qu'après 20 siècles de civilisation progressive
il puisse se passer des choses pareilles, ignobles, et ces méthodes, ces
tortures, il n'y a pas que là, hélas, qu'elles sont constatées…
Dans la contemplation précédente, vous avez pu voir ce qui s'est passé…
Notre-Seigneur roué de coups et couvert de crachats pendant la nuit, au milieu
de moqueries où on lui demandait: Prophétise donc qui t'a frappé, et la
prophétie ajoute: ,,Ceux qui ont bu le vin ont vomi sur moi”, laissant Notre-
Seigneur Jésus-Christ complètement méconnaissable.
Au matin, Caïphe qui sait que la journée sera dure mais qui sait également ce
qu'il veut, va faire en sorte de tirer les ficelles… on va voir, en petit, comment
on fait une émeute, un début de révolution; on va voir celui qui dirige par-
dessous, se servir des réactions de la foule pour entraîner les autorités qui
voudraient résister. Cela se passe de nos jours ça aussi!… Caïphe prend sont
petit déjeuner tranquillement, puis son bain, il a sa troupe qui marche à fond
avec lui pour l'exploitation du Temple, donc, aucune crainte à avoir. Ce Jésus, il
faut l'éliminer, pas d'histoire!… car il devient un danger pour eux et comme tout
le monde suit Caïphe, il distribue les rôles pour le nouveau Jugement auquel il
va être procédé car celui de la nuit n'est pas légal et ces gens-là aiment la
légalité (hypocrites qu'ils sont) à défaut de justice! et Notre-Seigneur comparaît.
On ne va pas recommencer la scène lamentable de la nuit où l'on avait vu
défiler de faux témoins, on va droit au fait en posant la question à Jésus: ,,Si tu
es le Christ, dis-le nous”, et Notre-Seigneur de leur dire: Je vous réponds, vous
ne me croyez pas. J'interroge, vous ne me répondez pas et, à nouveau,
comme dans la nuit, il leur donne rendez-vous au jugement de son Père en
affirmant sa Divinité. Jésus mourra pour avoir affirmé sa Divinité!… 
Mes chers Messieurs, à ce passage de notre contemplation, demandons une
grande foi, car nous sommes dans un monde qui la perd de plus en plus. Jésus
avait dit et indiqué comme proche de la fin du monde la réalisation de ses
paroles: ,,Quand le Christ reviendra sur la Terre est-ce qu'Il retrouvera encore
la Foi ? … Nous devons lutter car nous voyons de plus en plus les gens se
matérialiser et perdre la Foi. Il semble bien que nous vivons actuellement une
espèce de Néo-Arianisme: après les premières persécutions romaines où
l'armée des martyrs ne fit qu'embellir l'Église, le démon se vengea en envoyant
dans l'Église même une hérésie terrible qu'on appelle l'hérésie Arienne. Arius
était un prêtre d'Alexandrie qui propageait des théories nouvelles sous couvert
de sa science – on y parlait beaucoup du Christ qui apparaissait comme un
grand homme; c'était un homme extraordinaire, c'était même un surhomme!
seulement, voilà, il n'était pas Dieu, il n'était pas le fils de Dieu, et cette hérésie
se propagea dans le monde entier au point que Saint Jérôme a pu écrire ,,Et le
monde se réveilla arien”.
Rassurez-vous! L'Église catholique romaine est toujours là et elle le sera
toujours, mais de nombreux peuples, de nombreux prêtres et, hélas, même des
évêques (en Gaule il n'y eut que 2 évêques qui restèrent fidèles) devinrent
ariens. Seuls résistèrent Saint Cézaire d'Arles et Saint Hilaire de Poitiers, ce qui
suscita des autres une pétition auprès de l'empereur pour exiler en Crimée
Saint Hilaire qui continuait à rappeler la Sainte Trinité et affirmait toujours que
Jésus était le fils de Dieu. C'était terrible pour la Foi.
Eh bien, maintenant, on parle toujours du Christ, on va toujours à la messe, on
est chrétien, ça oui!… 
Mais, pardon Monsieur, si vous êtes chrétien, vous croyez à tout ce
qu'enseigne Jésus-Christ ? Vous croyez à l'enfer qu'Il a enseigné ? Vous
croyez au but de la vie qu'Il a enseigné ? vous croyez à son ÉGLISE qui est
divine ? … 
Oh, mon Père, il faut croire avec son temps…
Alors monsieur, pour vous il n'est plus Dieu! En politique, il est le Christ-Roi de
toutes les nations et tous les peuples doivent le reconnaître comme tel… Qu'un
chef d'État ne puisse pas faire ce qu'il veut, ça c'est une autre histoire, mais il
doit faire ce qu'il peut, il en rendra compte à Dieu!… 
Que dites-vous aussi, Monsieur, qu'en Sociologie cela ne lui regarde pas ? Que
c'est aux patrons à se débrouiller ? … Non, Monsieur, Notre-Seigneur a droit
au chapitre; Il a donné des principes et il faut les suivre… Comme le dit Léon
XIII, ou le monde reviendra aux institutions chrétiennes ou il ne se relèvera pas,
et Pie XII rappelait la chose que nous voyons de plus en plus: ,,Ne vous
étonnez pas si le monde ne se relève pas” … Également en morale conjugale,
familiale, on se dit chrétien, mais de ça on en prend et on en laisse… Ah non,
monsieur! alors le Christ n'est pas Dieu chez vous !… 
Pour les Week-end c'est pareil, Il n'a pas paraît-il doit au Chapitre; en Amérique
on dit même ,,surtout pas pour les Week-end” on veut être libre… alors, mon
cher monsieur, il n'est pas Dieu et tout en se disant chrétien, voyez-vous, on
fait comme s'Il n'existait pas! Nous vivons ainsi dans un siècle d'apostasie qui
tend à se généraliser et cela sans parler de tous ceux qui professent déjà des
idées opposées à l'esprit du Christ, telles que le marxisme! Combien qui se
disent catholique, ne le sont plus en fait. Mais le Christ est Roi, Attention!
Demandons la grâce de mourir en pouvant affirmer notre foi en cette divinité,
comme l'a fait Notre-Seigneur à ce tribunal qui l'a condamné à mort…
Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ savait ce qu'Il faisait en donnant cette
réponse. En effet, nous savons par les Talmuds et autres livres Juifs qu'à ce
moment-là on sentait que l'on vivait cette époque où finissaient les 70
semaines d'années prédites par Daniel; ceux qui avaient encore la foi (car
comme à présent il y avait au temps de l'Ancien Testament des hommes qui
cherchaient à interpréter et à corriger) pensaient que le Messie ne tarderait pas
à devenir une réalité.
Il pouvait y avoir parfois des discussions quelque peu intellectualistes,
notamment avec les écoles rabiniques, sur ces prérogatives du Messie que
certains ne voulaient pas envisager comme Fils de Dieu car ce concept n'était
pas suffisamment établi dans l'Ancien Testament, mais ils étaient tous d'accord
sur le fait que le Messie viendrait juger les vivants et les morts, de sorte que
Notre-Seigneur Jésus-Christ, jugé par eux la nuit et le matin, en leur répondant
en affirmant cela sait qu'Il touche juste en le leur rappelant, d'autant plus que le
peuple quatre jours auparavant a spontanément chanté pour Lui les cantiques
préparés pour le Messie depuis toujours…
Alors Caïphe va jouer une fois de plus au scandale bien que nous sachions,
qu'au fond, il s'en moquait bien de tout cela, puisqu'étant saducéen il ne croyait
même pas à la résurrection des corps…, mais il croyait au matériel ça oui, à
l'argent surtout et à ce que le Temple devait lui rapporter, à lui et à sa famille!
… 
Jésus est à nouveau condamné à mort… Mais regardez ces hommes… parmi
eux il y a de braves gens qui restent en dehors de ces louches combinaisons,
mais Caïphe tient leur situation en main, il n'a qu'un mot à dire et ils seront
relégués au ban du peuple, sans situation… Caïphe leur demande un jugement
unanime, les mettant au pied du mur comme pendant la nuit, et, les uns après
les autres, pour sauver leur situation, ils répéteront: ,,Il mérite la mort”… ,,Il
mérite la mort”… Lorsqu'on voit avec un peu de recul les grands procès de
l'histoire, l'humanité n'en sort guère embellie! Voyez pour Jeanne d'Arc par
exemple quelques siècles plus tard: vous croyez qu'à Rouen tous les religieux
et autres qui étaient là étaient convaincus que Jeanne était apostate et
hérétique comme ils l'affirmaient ? Non bien sûr! mais les Anglais étaient là,
faisant pression et l'évêque aussi, cabotin à leur dévotion, ennemi de Rome…
Ils en avaient tous sur la conscience et ils avaient laissé entendre à l'égard de
ceux qui ne voudraient pas comprendre que la Seine n'était pas loin!… on les
connaissait hommes à ne pas reculer devant le crime… Ici aussi, craignant
Caïphe ils ont voté la mort tout en étant convaincus de l'innocence de Jésus,
mais ils avaient peur!… et c'est là qu'on voit que ceux qui ont du courage sont
ceux qui sont accrochés à du solide, et le solide c'est Dieu. Oui, il faut une
grâce divine spéciale pour résister dans des cas pareils, lorsque notamment la
pression de la foule se fait telle qu'elle est prête à vous écharper à la sortie, il
faut avoir du courage, voyez!… 
Généralement le Procurateur, représentant Rome, résidait à Césarée, mais
pour les fêtes se trouvait à Jérusalem. Nous savons par l'histoire que Pilate
était dans ces fonctions depuis 7 ans. Il avait essayé au début de faire comme
on dit "du service" pour se faire remarquer évidemment, mais les Juifs lui
avaient joué le tour d'être, bien qu'ils soient sous la dépendance des armées
d'occupation, aussi puissants que lui de par les accointances et le grand
pouvoir que ces mêmes Juifs avaient auprès des dirigeants de Rome; Pilate
était donc contraint de faire attention et de ne pas trop leur déplaire! Et tous ces
détails de cette puissance des Juifs à Rome nous pouvons encore les retrouver
en lisant l'historien Juif Josephe Flavius, protégé par la famille des Flaviens,
qui, élevé à Rome, eut la possibilité de suivre l'armée romaine, notamment
dans la guerre conduite par Vespasien et par Titus.
Pilate donc généralement signait tout, mais là, il sait par sa police que Jésus
est absolument innocent de ce qu'on Lui reproche; il n'accepte donc pas de
signer ce qui approuverait la sentence. Il demande la comparution de l'accusé
devant lui… Alors, colère des Juifs qui quittent leur Sanhédrin en suivant Notre-
Seigneur entouré de quelques soldats romains. Mais vous vous doutez que sur
l'instigation de Caïphe, quelques émissaires sont déjà partis à travers la foule,
répandant les nouvelles les plus extravagantes… que le Christ, qu'on a pris
pour un prétendu Messie, n'est en fait qu'un traître, qu'il est en train de jouer la
vie de la nation avec Pilate, d'autant plus que Pilate, voyez, ne veut pas signer
alors que nous (on voit jouer ici aussi le nationalisme juif) nous avons la preuve
que cet homme est un traître puisqu'il a fait en sorte que Pilate masse des
troupes pour fondre sur nous au moment de la fête. et la foule grossit…
grossit…, en colère, complètement retournée contre le Christ qu'on lui montre
comme ayant voulu duper le peuple…
Des Saints qui ont vu cela en vision nous disent que Notre-Seigneur traversait
les rues de Jérusalem en pleurant sur son peuple; des jeunes gens, des jeunes
filles lui en veulent des espoirs qu'Il leur a donnés par ses prédications dans le
Temple;
des petits enfants de chœur du Temple qui chantaient 4 jours auparavant ce
beau cantique cherchent à lui envoyer des pierres à son passage; des femmes
(elles sont terribles les femmes dans ces cas-là) qui essaient de forcer le
cordon des soldats pour l'écharper, et, enfin, on arrive chez Pilate; en quelques
mots violents, on apprend à celui-ci son devoir : il n'a qu'à signer… le Christ est
un perturbateur, un révolutionnaire… Mais Pilate réclame le silence. C'est lui
qui est Juge ! Il fait entrer Notre-Seigneur dans ses appartements et il
l'interroge :
On te reproche d'être Roi, est-il vrai que tu es Roi des Juifs ? Pilate montre par
là qu'il ne croyait qu'à moitié ce que racontait les Juifs, mais Jésus de lui
répondre :
,,Est-ce que tu le dis de toi-même ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ?” et Jésus
indique bien par là à Pilate qu'il ne doit pas croire tout ce qu'on lui raconte, qu'il
doit bien se rendre compte de ce qui est…
Est-ce que je suis juif moi ? Je suis romain et si je veux, je peux te délivrer ou
t'envoyer en prison… Notre-Seigneur le regarde et lui dit :
Tout pouvoir vient de Dieu et le pouvoir que tu as, Pilate, n'est pas pour ton
orgueil ou ta passion. Il est pour le bien commun.
Tout pouvoir vient de Dieu, et ce simple rappel d'un principe déconcerte le
pauvre Pilate qui jouait, comme on dit maintenant, au Caïd devant un pauvre
homme attaché, écrasé, mais un prisonnier qui, pour la première fois de sa vie,
lui en impose et le déconcerte, d'autant plus qu'à ce moment-là, sa femme le
fait avertir qu'elle a eu, au sujet de cet homme, des cauchemars terribles, lui
demandant qu'il n'y ait rien entre lui et ce Juste!
On voit dès lors que Pilate veut sauver Jésus, qu'il veut le délivrer; il va faire
tout ce qu'il pourra, tout païen qu'il est, mais il ne faut pas lui en demander trop!
et il sort sur le balcon en criant :
,,Je ne trouve pas de motif de condamnation en cet homme!”.
Colère des Juifs! Ils vont mettre en avant tout ce qu'ils peuvent. Remarquez
que le motif qu'ils invoquent (que le Christ se dit Fils de Dieu) n'a aucune valeur
devant le païen qu'est Pilate, aussi vont-ils mettre en avant des motifs
susceptibles de le circonvenir: … Oui, il empêche le peuple de payer le tribut de
César!… Voyez le mensonge, alors qu'il a dit exactement le contraire, ou plutôt
il leur a fait une réponse à laquelle ils n'ont pu donner la réplique… Oui, depuis
la Galilée jusqu'à la Judée, il soulève le peuple!… C'est curieux comme le
démon dont l'intelligence nous dépasse manque d'imagination puisque, au 20e
siècle, les mêmes accusations qu'on lançait contre Notre-Seigneur sont
maintenant portées contre ses ministres, des cardinaux et des évêques, en
particulier derrière le rideau de fer, voyez un peu le cardinal WIZENSKI et
autres en Pologne, en Hongrie, trafic de devises, ennemis du peuple, collusion
avec les puissances impérialistes, etc… et ces mêmes accusations on les
lance à Pilate… Pilate savait bien que Notre-Seigneur était Galiléen, mais on le
lui rappelle comme s'il avait oublié la chose dans la bagarre, oui… depuis la
Galilée jusqu'à la Judée il soulève le peuple!…
Comment, la Galilée ? …
Oui, il soulève le peuple, il a commencé en Galilée… et c'est là qu'on voit le
grand politique!… Un grand politique, lorsqu'une affaire l'embête, l'art est de
s'en débarrasser et de la passer à un autre service!… Comment ? Pourquoi
l'avoir amené à moi alors que votre roi Hérode est à Jérusalem ?… Voyons, M.
Pilate, quand est-ce qu'on a vu un chef de gouvernement incognito (Hérode est
venu en effet dans le privé) conserver des droits de jugement sur un de ses
ressortissants dans une juridiction qui n'est pas la sienne ?… Pour vous,
évidemment, c'est une occasion de revenir en amitié avec Hérode bien sûr,
mais on le voit bien par l'évangile, Caïphe, Pilate, Hérode, c'est le panier de
crabes, car, en fait, ils ne pouvaient se voir ces hommes, et par-dessous
c'étaient entre eux des coups bas qu'ils se donnaient, mais devant un ennemi
commun qui est Jésus, Caïphe va l'emmener à son cher ami Hérode!… on
envoie donc un officier en avertir ce dernier qui en est tout étonné…
connaissant le personnage… : Il a fait tuer Jean Baptiste le cousin de Notre-
Seigneur, parce qu'il lui avait reproché d'avoir pris la femme de son frère et
pourtant, nous savons qu'Hérode avait une espèce d'affection pour Jean
Baptiste; il le craignait même car il savait que c'était un prophète, mais pour
faire plaisir à Madame, un numéro aussi celle-là, il a fait décapiter Jean
Baptiste pour lui faire un cadeau… oui, un joli monde!… Mais Hérode est venu
faire ses "dévotions" à Jérusalem aux fêtes de Pâques et en attendant le défilé
dans les rues, il se trouve en compagnie de dames, évidemment; il y a là aussi
quelques acteurs d'Athènes et de Rome, il y a aussi des propriétaires terriens
qui lui ont avancé de l'argent – il a toujours besoin d'argent, Hérode! – et après
avoir festoyé la nuit, ils sont là, encore couchés, ils passent du bon temps
disent-ils! Et à 9 heures on réveille Hérode qui éprouve une grande joie en
apprenant qu'on lui envoie Notre-Seigneur, il y a tellement longtemps qu'il
désirait le voir !!!… Il réunit donc son monde : ,,Nous allons avoir une belle
séance en matinée; mon cher ami Pilate m'envoie un ressortissant pour le
juger! On dresse vite une estrade; bientôt des hurlements et Notre-Seigneur
arrive au milieu de la foule sans cesse grossissante, grondante et en colère.
Notre-Seigneur paraît avec quelques soldats romains, la foule restant au
dehors pour ne pas se souiller, car Hérode est excommunié à cause de sa
misérable vie… 
Voyez maintenant combien les juges sont très différents : Anne et Caïphe
étaient des Juifs ne pensant qu'aux sous; Pilate est très différent, ne voulant
pas d'histoires, enfin Hérode, très jovial, un gros mangeur, un jouisseur qui
considère la vie comme une longue foire.
Alors il reçoit Notre-Seigneur : ,,Ah! il y a longtemps que je voulais te voir!… Je
sais bien que tu m'as appelé "renard" un jour, mais je ne t'en veux pas, je suis
intelligent moi, hein ?… alors tu vas nous faire un petit miracle n'est-ce pas, tu
vois ces dames sont venues exprès pour le Messie, et comme tu es amateur
de miracles, elles veulent voir ça de près pour t'applaudir, qu'est-ce qu'il te faut
pour cela, une table, une chaise ?… tu peux commencer, sois gentil, fais nous
voir comment tu t'y prends, et puis nous casseront ensuite la croûte tous
ensemble, on va bien rigoler…
Notre-Seigneur Jésus-Christ a répondu à Anne, à Caïphe, à Pilate… pour ce
misérable corrompu, Il ne lui accorde même pas un regard… rien… Il ne dira
rien…
Regardez les personnes : les hommes, les femmes… ils sont là pour assister à
un spectacle; ils se sont levés pour et ils regardent… ils sont là; vaguement ils
connaissent cette histoire du peuple de Dieu, mais ils savent que les prophètes
ont parfois des réactions terribles… lorsqu'on vint arrêter Elisée avec une
armée il y eut un coup dur, hein ?… et les hommes en général craignent ces
réactions possibles… on regarde donc les moindres gestes de Notre-Seigneur
et on s'intéresse à ce qui se passe à côté… à la porte, on continue à hurler
contre Lui… Hérode lui, est toujours gentil avec Jésus ,,Je te délivrerai si tu
nous fais un petit miracle!”… mais rien, pas une réaction… voyons si cet
homme avait un pouvoir, il le montrerait bien!… on interroge ce bonhomme et il
ne donne aucune réponse ?… pas intéressant ce pauvre type!…
Voyez maintenant les réactions de ce milieu, très différentes de celles de la
foule. Nous les voyons parfois dans les photos de "Match", à Cannes ou à St-
Tropez, ces gens-là ils ne frappent pas, ils ne crachent pas au visage… voyez
les femmes… ta, ta, ta, ta, ta, ta, ta,… ils paraît ma chère! je t'assure que
Béthanie ce n'est pas si loin que ça d'ici,… il y avait un bonhomme qui était
mort depuis 8 jours au moins, je sais par la concierge de ma cousine que Jésus
l'a fait sortir, ta, ta, ta, ta, des cancans… et Jésus toujours rien, pas un regard,
pas une parole, et comme Hérode donne le signal en prenant un ton un peu
plus rogue, tous commencent à le mépriser… les femmes surtout, hargneuses
d'avoir été dérangées pour rien. Dites Sire… puisque ce Monsieur ne veut pas
répondre et qu'il veut faire le malin, on pourrait quand même s'amuser :… Si on
lui mettait la robe de Guignol qui a servi l'autre jour pour la fête ?…
Quelle bonne idée ma chère, quelle bonne idée! Allez chercher la robe de
guignol, que l'on puisse rire ici! On est allé chercher la robe de guignol et on
peut se demander si, pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, il y a eu dans sa
Passion un passage plus terrible que celui-là … ces femmes misérables, ces
hommes orgueilleux et vains et ce roi de théâtre lui passant une robe de
guignol en se moquant de Lui!… ah! pas de crachats, remarquez-le… pas de
coups de poing, pas de gifles, mais à son oreille : ,,Imbécile, quand on n'a pas
de pouvoir, en la ferme!”…
Nous savons bien que les prêtres Juifs ne sont pas intéressants, mais on
respecte leur puissance, tandis qu'ici: ,,Idiot, tu nous fais perdre notre temps,
imbécile”… Et on le fait tourner sur l'estrade, on s'en moque et on le renvoie
comme un malpropre…
Oui, les Saints méditaient ces choses-là et ils nous disaient après : ,,Faire fond
sur les sentiments des hommes en certains cas ?… Voyez ces jugements…
tout le monde sait qu'il est innocent et tout le monde le condamne. On ne
trouve rien en Lui et que pourrait-on y trouver ? Un jour il le leur a dit : ,,Qui de
vous me convaincra de péché ?”… Et la Parole de Dieu éternelle, le Tout
Puissant, le Tout Savant, le Tout Prudent, on le renvoie comme un malpropre!
Pas intéressant!… Il leur a fait perdre leur temps!… 
Pilate, qui se croyait débarrassé a encore cette affaire sur les bras! Colère de
Pilate, mais colère contre Notre-Seigneur Jésus-Christ aussi : évidemment qu'il
est innocent se dit-il, mais ce sont ces innocents utopistes qui sont des poisons
pour des magistrats intègres comme moi!… et il reprend un projet, une idée
qu'il avait eue : Puisque la foule veut un peu de sang, je vais le faire flageller…
Mais enfin, Monsieur le procurateur, vous reconnaissez qu'il est innocent!…
Ah, oui, mais il faut prendre les moyens, que voulez-vous, je ne puis faire
autrement!…
A ce moment-là on lui réclame la délivrance d'un prisonnier. Il y avait en effet
une tolérance accordée par Rome à l'occasion de la fête de Pâques qui
permettait que ce jour-là on pouvait délivrer un prisonnier. Ah… se dit Pilate, un
nouvel expédient pour pouvoir délivrer Jésus!… Il avait dans ses prisons un
prisonnier de marque du nom de BARABBAS meurtrier et émeutier; lorsqu'il fut
mis en prison, les juifs poussèrent un soupir de soulagement et étaient encore
plus contents que les romains… nous avons connu nous-mêmes de ces gens-
là il y a quelques années, par exemple lors de l'assassinat à Nantes du
gouverneur allemand de la ville… Vous connaissez les réactions de l'armée
occupante ?… elle ramassa dans Nantes 50 hommes, 50 otages, des jeunes,
des moins jeunes, des vieux, et, au petit jour, on les fusilla tous, 50 pour un, et
la ville fut frappée en outre de 500'000 contributions de guerre… il y a des gens
à croire que c'est malin d'assassiner un soldat de l'armée d'occupation!… et le
Barabbas était un de ces types-là, un fauteur de catastrophes… Pilate, qui est
un politique, sait combien les Juifs sont heureux de le voir à l'ombre – vous
voyez le plan qu'il imagine : Je vais mettre à côté, sur le même balcon, Jésus et
Barabbas en leur proposant le choix dans un référendum; comme ils ne
voudront pas délivrer Barabbas, ils seront bien obligés de délivrer Jésus!…
Mais enfin, Monsieur Pilate, tu es le Chef, tu es responsable de tes actes et tu
ne dois pas t'en remettre au verdict de cette foule ?
Pilate appelle ses officiers. Vous savez que placé en haut du LITHOSTROTOS
se trouvait là tout l'appareil de la puissance romaine, de la magistrature
romaine. Cet escalier (vous en avez la reproduction exacte à Lourdes à la
première station du Chemin de Croix) un escalier de marbre d'une vingtaine de
marches se trouve maintenant à St. Jean du Latran à Rome. Sur le haut Pilate
avait un fauteuil de velours rouge, entouré de la traditionnelle Louve et de
l'aigle romain, quelques magistrats; de ce balcon on domine le peuple massé
sur la place Antonia. Pilate demande à la foule de faire silence et il lui dit :
,,Dans une demi-heure je vous proposerai un référendum pour la délivrance
d'un prisonnier”.
Demi-heure ? La foule ne peut pas partir, le délai n'est pas assez long… et
pendant qu'elle s'interroge, Pilate se promène là avec ses officiers… mais en
fait, il a donné des ordres pour qu'on lui amène Barabbas et qu'on le place sur
le balcon avec Jésus à l'heure prescrite.
Jésus et Barabbas attachés sur le même balcon ?… C'est le crime de la
société actuelle, le crime du libéralisme, cette erreur que l'on a propagée lors
de cette révolution, dite française, où l'on ne tient plus compte des droits de
Dieu, mais seulement des droits de l'homme sous le prétexte de neutralité ou
de justice; traiter aussi mal le Saint des Saints que le pire des bandits, et aussi
bien le pire des bandits que le Saint des Saints, donner les mêmes droits à
l'erreur qu'à la vérité, traiter les empoisonneurs publics aussi bien que les
grands bienfaiteurs, comme si la vérité n'avait pas des droits, comme si le bien
n'avait pas des droits et comme si le mal et l'erreur ne devaient pas être
châtiés! Voilà le crime du libéralisme, avec son apparence de neutralité qui est
la pire des injustices… Jésus et Barabbas sur le même balcon! Cette habitude
de ne plus avoir de réaction en face du mal et plus de réaction à défendre ce
qui est la vérité. Voilà ce qui actuellement tue la société actuelle et l'entraîne au
matérialisme.
Barabbas et Jésus sont présentés au peuple et d'une voix forte Pilate
s'écrie: ,,Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre, Barabbas ou Jésus
le Christ ?”. Pilate est sûr du résultat… il réitère même sa question quand tout
d'un coup, au premier rang, une voix claire, forte, celle de Caïphe répond :
Délivre Barabbas!… Ça y est, les suivants ont compris la leçon, Caïphe et tous
les princes des prêtres sont là… et une formidable clameur se fait entendre
BA…RAB…BAS !
Colère de Pilate : délivrer Barabbas!… et il reprend aussitôt sa première idée :
pour le sauver il faut du sang! il va le faire flageller… Pardon, Monsieur le
procurateur : Si Jésus est innocent, vous n'avez pas le droit…
Pilate avait pleins pouvoirs. Il pouvait d'un mot faire donner sa troupe et donner
force à la loi. Personne n'aurait eu rien à dire… il comprend qu'on veut lui faire
faire un mauvais coup, alors comment se fait-il que cet homme, qui, au fond, a
un peu de justice naturelle arrivera dans quelques heures à commettre un
crime qu'il ne veut pas faire et qui sera sa honte jusqu'à la fin du monde où tous
les chrétiens réciteront que Jésus a souffert sous Ponce-Pilate ? Messieurs,
prenez bien garde à la chose, l'exemple de Pilate est pour nous une leçon :
Pilate a consommé son crime parce qu'il est allé de concession en concession;
il voit Jésus innocent et pour ne pas déplaire aux Juifs qui peuvent le dénigrer à
Rome, il va chercher à biaiser au lieu de faire son devoir; il déclarera jusqu'à 5
fois que Jésus est innocent et il en arrivera quand même à le laisser crucifier…
Il rappelle l'officier et lui donne ses ordres à cet effet. On voit bien là que Pilate
a déjà tout accepté comme défaite parce que si on devait crucifier Jésus il était
de règle de le flageller avant alors il s'est dit : ,,Si je dois le crucifier, il sera déjà
flagellé, ce sera autant de fait”. Il déjà tout accepté, ce grand politique!… 
On entraîne Notre-Seigneur Jésus-Christ, on lui enlève ses vêtements et on
l'attache à une colonne basse. On a retrouvé deux colonnes semblables, on ne
sait pas laquelle des deux a servi au supplice de la flagellation de Notre-
Seigneur mais on pense que c'est celle qui se trouve en l'église Sainte Praxède
à Rome, l'autre est restée à Jérusalem où elle se situe dans la chapelle des
Dames de Sion. C'est du porphyre en marbre noir et vert de 70 cm de hauteur
environ; au-dessus de celle de Ste Praxède on voit un trou dans le marbre avec
un peu de ciment et on devine qu'il y avait là un anneau scellé et autant qu'on
peut le présumer – car ces détails ne sont pas dans l'évangile – nous aurions
pu y voir Notre-Seigneur complètement nu, attaché par les poignets à cet
anneau et offrant son dos aux soldats qui ont frappé avec une violence inouïe,
même avec le flagourn. Le flagourn était une sorte de martinet avec deux
lanières de cuir au bout desquelles étaient fixées des petites boules de plomb.
Sur le Saint Suaire de Turin que le Pape Pie XI appelait la plus belle relique
que nous ayons de l'Homme Dieu, ce Saint Suaire de quatre mètres de long a
une partie dorsale et une partie ventrale dont est sortie une magnifique photo
générale du corps de Notre-Seigneur, photo obtenue naturellement par l'action
des vapeurs d'aloès et d'ammoniaque issues des aromates d'une part et de la
fermentation d'une urée abondante dans une sueur de torture d'autre part;
miraculeusement aussi pourrait-on dire, parce que si le corps était resté plus
longtemps dans le suaire, la science a démontré que la décomposition des
suintements circulaires eût brouillé toute l'image! dans le Saint Suaire donc, on
peut voir des centaines de marques de boules de plomb, même dans des
endroits où il y a très peu de chair comme dans les jambes. Les soldats durent
frapper jusqu'à ce que le Christ s'effondre dans une mare de sang! Une vision
de Saint nous représente Notre-Seigneur au moment où on le relève, où on le
fait passer dans l'atrium; là on lui passe un vieux manteau écarlate et on lui
place sur la tête une couronne d'épines. Celles-ci est composée en fait d'une
première couronne en paille tressée qui se trouve conservée à Paris en l'église
de la Sainte Chapelle, qui supportait une couronne faite de branches de Spina-
Christi. C'est un olivier épineux qu'on trouve en Afrique seulement. Ces épines
sont tellement dures qu'on pourrait les comparer à des poinçons d'acier.
Beaucoup de ces épines n'ont que 2 cm mais certaines atteignent parfois plus
de 10 cm; une couronne ainsi placée sur la tête est très douloureuse à
supporter et il est possible de penser qu'elles arrivent à percer le cuir chevelu
et l'arcade sourcilière; placée sur la tête de Notre-Seigneur Jésus-Christ elles
devaient lui causer des douleurs effroyables.
C'est alors que Pilate arrive et voit la scène. Affolé de ce qu'on est allé si loin et
que Notre-Seigneur est couvert de sang il s'adresse à l'officier mais celui-ci lui
rétorque:
Mais c'est vous, Monsieur le Procurateur, qui avez ordonné de frapper fort pour
que la foule puisse avoir pitié!… 
Et tel qu'il est là, Notre-Seigneur, habillé de cette saleté de manteau, tout rouge
avec sa couronne d'épines, on penserait bien que la foule doive en effet crier
de pitié… non, au contraire : ,,A mort,… A mort… crucifie-le, que son sang
retombe sur nous et sur nos enfants”…et la foule accuse Pilate de vouloir
sauver Jésus et semble lui dire : …Pilate… si tu veux continuer à le sauver, on
te dénoncera… Comme Pilate sait qu'à Rome, là-bas, il faut faire attention pour
ces choses-là, alors, lui aussi, pris entre sa situation et un crime, il va faire un
simulacre … il se fait apporter de l'eau dans une cuvette et devant toute la foule
il se lave les mains, se déclarant innocent du sang de ce Juste, pendant que le
peuple continue à hurler : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants…
Voilà votre contemplation. Vous ne pouvez tout voir bien sûr mais repassez les
principaux tableaux : le matin au tribunal avec la lâcheté des hommes; la
comparution devant Pilate, les concessions de ce dernier, puis la comparution
de Jésus devant le misérable Hérode et sa cour, les moqueries dont Notre-
Seigneur est l'objet. Enfin le retour devant Pilate, Jésus et Barabbas sur le
même balcon, puis enfin l'horrible flagellation de Notre-Seigneur et le
couronnement d'épines.
On pense que la Sainte Vierge devait être par là, avec St Jean et qu'elle a
vraisemblablement assisté à ce drame pendant que les apôtres terrorisés,
étaient enfermés dans le Cénacle… Tirez les conséquences de ces diverses
attitudes : Si nous avions été là, qu'est-ce que nous aurions fait ? sans doute
nous aurions été aussi lâches que les autres!… Pour notre vie à venir, saurons-
nous prendre les résolutions nécessaires pour avoir la force de résister dans
ces grands moments de l'histoire où les passions humaines sont déchaînées et
où ne résistent que ceux qui sont vraiment accrochés à Dieu ? Allez vite et
soyez décidés, coûte que coûte, à suivre toujours et partout Notre-Seigneur
Jésus-Christ…

*******
N° 23
PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR :
CALVAIRE - CRUCIFIXION - DESCENTE DE CROIX

Les Saints le sont devenue en méditant la Passion. St Paul disait : ,,Je ne


connais qu'une chose, c'est Jésus et Jésus crucifié”. Nous avons dans Jésus
crucifié le résumé de toute la religion, de tout ce que nous devons faire.
Entrons dans cette méditation de la montée de Notre-Seigneur Jésus-Christ au
Calvaire et de sa crucifixion avec une grande ferveur. Quand vous serez dans
la peine, les épreuves, les tentations, méditez la Passion, contemplez les plaies
de Notre-Seigneur; demandons-Lui la science du crucifix; St Augustin nous dit
à ce sujet : ,,Le crucifix n'est pas seulement le lit d'un mourant, c'est aussi la
chaire de Quelqu'un qui nous enseigne toutes les vertus chrétiennes”…
Nous avons laissé Jésus après la flagellation et le couronnement d'épines.
Continuons à méditer ensemble. Cette méditation va être en effet un peu
longue, je vous invite donc à la faire en contemplant les diverses scènes
pendant que je parlerai.
Nous allons assister d'abord à la condamnation à mort; nous suivrons Jésus
dans son chemin de la croix et nous assisterons à l'horrible crucifixion; puis
nous le contemplerons sur la Croix pendant les 3 heures de sa dernière agonie,
et, descendu de la croix, dans les bras de Marie, sa très sainte Mère…
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Pilate se demande ce qui se passe et si Jésus n'est pas mort sous les coups de
la flagellation, comme humainement cela aurait dû se produire tellement elle a
été violente, mais Jésus fait des miracles pour ne pas succomber car Il veut
souffrir!… 
Pilate descend donc au prétoire au pied de la colonne où se trouve le supplicié.
Le procurateur romain voit alors Jésus assis sur son billot, couronné d'épines,
couvert de sang et de crachats. Pilate est un habitué de ces farces cruelles et il
a le cœur endurci, pourtant il se sent bouleversé de voir Jésus en cet état et il a
une idée … Si je le montre au peuple, peut-être se laissera-t-il toucher ?…
voyons, Pilate, encore une fois, ce n'est pas au peuple à juger Jésus! c'est à toi
que cela incombe, à toi qui a été établi juge, et tu auras à rendre compte de tes
actes!… Il sonne l'ordre de remonter le condamné au balcon. Il le précède en
s'écriant: ,,Je vous l'amène afin que vous sachiez que je ne trouve aucun motif
de condamnation en cet homme!”… Il dut y avoir une pause, le temps
nécessaire pour que Jésus monte cet escalier, cette SCALA SANCTA que
Sainte Hélène apportera à Rome,… Jésus apparaît alors dans l'encadrement
de la porte et Pilate s'écrie : ,,ECCE HOME - Voilà l'homme!”.
La vue de Notre-Seigneur couronné d'épines, la figure ensanglantée, le corps
lacéré par les fouets et rouge de sang dut provoquer une certaine stupeur, mais
ces hommes, qui sont en état de péché mortel puisqu'ils ont osé condamner un
innocent, ne peuvent pas supporter cette vue et une nouvelle clameur monte
de la foule : ,,Mais enlève-le de là, enlève-le de là!”.
Mes chers Messieurs, ne nous mettons jamais en état de péché mortel, que
cela ne nous arrive plus… demandons à Jésus flagellé la grâce de mourir plutôt
que de pécher mortellement… Si un jour nous avions le malheur d'y tomber ne
restons pas en cet état, parce que lorsqu'une âme est en état de péché mortel
le démon lui multiplie les occasions d'en commettre d'autres, comme il l'a fait à
ceux qui ont condamné Notre-Seigneur, tous des Sanhédrites qui, depuis le
matin, commettent ce crime de haine et de révolte contre tout ce que Jésus leur
a dit, malgré tout ce qu'ils savent de sa sainteté et de ses miracles… Aussi ne
peuvent-ils plus supporter sa vue : ,,Mais enlève-le de là… crucifie-le!”…
Pilate, au lieu de faire son devoir, essaie alors de s'en tirer en plaisantant :
Comment ? Je crucifierai votre Roi ?
Nous n'avons d'autre roi que César!
Voilà donc des hommes, si chatouilleux dans leur nationalisme, qui déclarent
renoncer à leur indépendance pour obtenir la mort d'un homme!…
Mais le Procurateur ne comprend pas cette attitude extraordinaire… Il est là,
appuyé sur le balcon, regardant Caïphe comme pour lui dire : mais qu'est-ce
donc que cette histoire ? … vous n'êtes donc pas satisfaits des coups qu'il a
reçus ? cet homme est maintenant écrasé, que vous faut-il encore ? Alors
Caïphe va lui répondre :
Écoute, Pilate, tu veux savoir pourquoi nous exigeons sa mort ?… je vais te le
dire… eh bien, il s'est dit Dieu!… et chez nous, quelqu'un qui se dit Dieu mérite
la mort… Tu as compris ?…
De plus en plus fort! Il s'est dit Dieu, pense Pilate, mais pour se dire Dieu il faut
être ou bien un imbécile, ou bien un imposteur! Or, Jésus n'est ni l'un ni l'autre,
alors, serait-il donc un être surnaturel ? Pilate veut en voir le cœur net. Il fait
entrer Jésus dans son poste de commandement.
Mais d'où es-tu donc ?
Jésus, qui, le matin, lui a affirmé qu'Il était Roi et que son royaume n'était pas
de ce monde a ensuite, à l'interrogation de Pilate ,,Qu'est-ce que la Vérité ?”
répondu : ,,Je suis venu pour rendre témoignage à la Vérité et quiconque aime
la Vérité écoute ma voix”, et Il a alors très bien remarqué que Pilate est sorti
sans daigner entendre cette réponse… Oui, Pilate n'a pas voulu écouter
Jésus… eh bien, maintenant, Notre-Seigneur se tait… St Augustin a pu
écrire : ,,TIME JESUM TRANSEUTEM ET NON REDEUNTEM - Crains que
Jésus qui passe ne repasse plus jamais”…
Mes chers amis, Jésus vous a parlé pendant la retraite .: Il vous a montré
certaines choses qu'Il vous demande de faire, d'autres qu'Il vous demande de
ne plus faire; tenez--vous le pour dit, notez-le bien et accomplissez-le sinon
Jésus pourrait ne plus vous parler… Pour une âme, c'est le plus grand
châtiment qui puisse exister : que Jésus se taise!… Pilate n'a pas voulu écouter
Notre-Seigneur le matin, eh bien, maintenant, Jésus ne lui répond pas…
Mais comment, tu ne réponds pas ? Tu ne sais donc pas que je puis te faire
crucifier ou te faire libérer ?
Jésus voit néanmoins dans ce païen un peu de bonne volonté, Lui de qui le
prophète avait annoncé : ,,Il n'achèvera pas le roseau à demi-brisé…, Il ne
mettra pas le pied sur la mèche encore fumante”. Il va lui tendre une dernière
perche, à ce pauvre païen :
,,Tu n'aurais pas ce pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut…”.
Il y a là, Messieurs, tout un principe politique, attention!… Tout pouvoir, même
s'il est désigné par le bas, par le peuple, le pouvoir, lui, vient de Dieu et le
détenteur du pouvoir aura à Lui rendre compte de tout ce qu'il fait… et Jésus
ajoute, lui faisant un grand reproche - mais comme Il parle à quelqu'un qui,
humainement est son supérieur, Jésus adoucit ce reproche avec une grande
délicatesse - ,,mais celui qui m'a livré à toit a commis un plus grand péché!”
Caïphe est en effet beaucoup plus coupable car il connaît toutes les
prophéties… Caïphe sait tous les miracles accomplis par Jésus; son péché est
nettement plus grand mais Pilate, un païen non au courant des prophéties est
néanmoins coupable parce que, depuis le matin, il ne cesse de faire des
concessions à l'erreur et à l'injustice… oui, celui qui m'a livré à toi a commis un
plus grand péché!…
Alors Pilate sort une dernière fois et leur crie : ,,Je vous le déclare je ne trouve
aucun motif de condamnation en cet homme”.
Par là Caïphe voit qu'il tient bien le Proconsul qui a cédé jusqu'ici et ne peut
plus reculer; il lui dit donc : Écoute, Pilate, fais ce que tu veux, mais je
t'avertis… tu sais qu'il s'est dit roi et que quelqu'un qui se dit roi est l'ennemi de
César! Tu m'as compris ? En langage clair cela veut dire : Ah! tu ne veux pas
faire le mauvais coup que nous te demandons ? Tu le paieras cher, car nous
allons te dénoncer à l'empereur!… Tout le monde savait que l'empereur Tibère
était très ombrageux. Il avait un principe : lorsqu'il recevait une dénonciation,
même anonyme, il condamnait toujours, ou à la mort, ou à l'exil, tant pis si la
victime était innocente; il avait des hommes tant qu'il en voulait et, de cette
façon, bien ou pas bien, il était tranquille!… oui, si tu ne veux pas faire le
mauvais coup que nous te demandons, nous avons des amis à Rome, ils ont
leurs entrées dans la maison de l'empereur, nous allons leur faire signe pour te
dénoncer et, au prochain courrier, tu perdras ta place!… Ah, la place!… C'est
toujours les deux Étendards : … Que de crimes commis pour avoir une place,
pour conserver une place… mais la place il la perdra quand même parce que
Dieu est Dieu, et que de Dieu on ne se moque pas!…
Alors Pilate dit : ,,Eh bien je m'en lave les mains”! livrant ainsi Jésus à ses
ennemis. A ce moment jaillit un hurlement, une imprécation terrible,
spontanée : ,,Que son sang descende sur nous et sur nos enfants!”. Quoique
on en dise, prononcée par la foule et les chefs qui se trouvaient là, cette
imprécation n'est-elle pas à l'origine de l'histoire tragique de ce peuple au cours
des siècles ? Comment se fait-il qu'il soit resté toujours lui-même tandis que
tous les autres se sont fondus au milieu des races dans lesquelles ils vivaient ?
oui, il est resté lui-même!… toujours persécuté!… toujours haï!… toujours triste!
… toujours méprisé!… jusqu'au jour futur annoncé par les prophètes, rappelé
plusieurs fois par St Paul, où ce peuple reviendra à Dieu.
Nous devons prier pour hâter ce jour-là car, indépendamment de la joie de voir
revenir ce peuple à Dieu, il ne fait aucun doute que les leviers de commande du
monde sont, en partie du moins, manœuvrés par la puissance financière de ce
peuple,… c'est le Sanhédrin qui continue à manœuvrer les maçonneries et le
marxisme et à s'imbriquer dans les dessous secrets de la vie des peuples…
Désirons et demandons qu'il reconnaisse enfin Jésus comme étant le Messie
qu'ils attendent encore. Il s'en suivrait un très grand bien. Demandons-le au
Seigneur dans nos prières…
Caïphe a gagné la partie. Il fait signe au Proconsul : Pilate… tout de suite, il est
onze heures, il faut que tout soit terminé au coucher du soleil…
Comme tu veux… Et Pilate de donner ses ordres. La troupe forme le carré
devant la façade de la Préfecture et, tout de suite, il va prononcer la
condamnation à mort. Il va le faire sur le LITHOSTROTOS, sorte de tribunal de
pierre, sans gradins. Quatre soldats y portaient le magistrat sur un pavois,
tandis que la trompette sonne. Pilate va s'asseoir sur le LITHOSTROTOS
pendant que s'affairent les secrétaires pour passer tablettes et stylets. Puis on
amène Jésus à qui l'on a remis ses vêtements mais on lui a laissé, semble-t-il,
sa couronne d'épines ce qui va entraîner Pilate à écrire, à mentionner la
royauté que Jésus lui a affirmé avoir.
Il semble bien qu'on n'a pas recommencé l'interrogatoire. Il s'agit d'aller vite.
Pilate prononce la condamnation à mort de Jésus et écrit à cet effet : ,,Jésus de
Nazareth, Roi des Juifs”. Pour nous il semblerait que cette précision fût sans
importance, mais, sans le vouloir, le Procurateur romain donnait ainsi un
soufflet au grand Prêtre! En effet, comme tous les sanhédrites, Caïphe
connaissait la Bible à fond et les prophéties. Or elles annonçaient toutes que le
Messie serait Roi, qu'il serait le fils de David et tout le monde savait que Jésus
étaient bien de la race de David, car tous les juges attachaient une très grande
importance à la généalogie d'un chacun puisque l'on n'hésitait pas, en cas de
désaccord, à remonter tête par tête jusqu'à la source!
Le Messie devait donc être Roi et Il ne devait venir que quand le sceptre
sortirait de Juda comme l'avait dit Jacob : or, ce sceptre était sorti de Juda
puisque c'était la république romaine qui commandait et donc, annoncer Jésus
comme le Roi des Juifs c'était avouer qu'il était le Messie!…
Alors Caïphe veut empêcher cela et il bondit : Voyons, Pilate, malheureux,
n'écris pas Roi des Juifs, écris qu'il s'est dit Roi des Juifs, ce n'est pas pareil!…
Mais Pilate, écœuré de voir qu'on l'a mené là où il ne voulait pas, repose sa
tablette en s'écriant ,,QUOD SCRIPSI, SCRIPSI! - ce que j'ai écrit, je l'ai écrit”,
et sur la Croix de Jésus sera fixée en trois langues cette sentence et affirmation
que Jésus est le Messie attendu, le Roi des croyants…
Et le procurateur de déclarer, pour se donner un semblant de légalité et simuler
la justice : ,,Eh bien, que l'on procède immédiatement à l'exécution de tous les
condamnés à mort, est-ce qu'il y en a d'autres ?… Oui, il y en a deux… C'est
ainsi que Jésus, Notre-Seigneur, a été condamné à mort!
Nous pourrions nous arrêter là et contempler cette scène, car nous n'avons pas
le droit de dire que c'est Pilate qui l'a condamné à mort. Le procurateur romain
n'a été que notre porte-parole car c'est nous tous qui, par nos péchés, avons
décidé de cette condamnation en la rendant inévitable… Chaque fois que nous
péchons, c'est nous qui devrions être condamnés pour notre orgueil, notre
sensualité, nos passions et c'est Jésus, Notre-Seigneur, qui prend notre
place… c'est donc bien nous qui le condamnons, Pilate parle pour nous…
Demandons à nouveau pardon pour nos péchés ainsi que la grâce de ne plus
pécher!…
A ce moment-là on fait donc sortir les deux autres condamnés et, sans le
vouloir, une autre prophétie va encore se réaliser puisqu'elle prévoyait qu'on
placerait Jésus entre deux voleurs.
On approche la Croix. Mais comment était-elle ? La Croix était bien comme
nous nous la représentons. Comment voudriez-vous que les premiers chrétiens
aient pu perdre la forme qu'elle avait : elle était composée de deux madriers
imbriqués perpendiculairement. Certains ont suggéré qu'elle était démontée et
que Notre-Seigneur n'en aurait porté que la partie transversale appelée le
"PATIBULUM", celle où l'on clouait le condamné, et cela en raison du poids
énorme de la totalité, soit 80 à 100 kg… Non, la Croix était bien comme on
nous la représente et St Jean nous dit ,,BAJULANS CRUCEM SUAM - Jésus
embrassa sa Croix”.
Jésus a aimé sa Croix. Ne soyons pas de ces faux chrétiens dont parle St
Paul : ,,Je le dis en pleurant, ce sont des ennemis de la Croix, leur Dieu, c'est
leur ventre”!… Aimons-la plutôt, embrassons-la… C'est le démon qui s'évertue
à nous faire peur; il nous fait croire que c'est impossible… il a une tactique pour
cela : c'est d'accumuler toutes les difficultés et de réunir en une seule toutes les
croix de chaque jour… 
Notre-Seigneur ne nous a pas dit que nous aurions à porter toutes nos croix
d'un seul coup!… dans le texte évangélique Il nous dit de porter "notre croix de
chaque jour"… et dans le sermon sur la Montagne Il nous enseigne comment il
faut la porter : ,,à chaque jour suffit son mal”… Tout ce que vous avez souffert
jusqu'ici, cher Monsieur, c'est du passé, vous n'avez plus à le porter!
Remerciez le Bon Dieu si vous l'avez bien portée, cette croix-là, si non
demandez Lui en pardon!… Ce que vous souffrirez plus tard ? Vous ne le
savez pas, n'anticipez donc pas! mais la volonté de Dieu est que vous
acceptiez de bon cœur la croix qu'Il vous envoie chaque jour; ne rêvons pas,
Messieurs, d'une vie chrétienne sans la croix! C'est je crois hier que je vous
citais cette parole de St Paul au chapitre 10e de la première aux
Corinthiens : ,,Dieu est fidèle qui ne permettra pas que vous soyez tentés au-
dessus de vos forces”… Nous ne savons pas ce que nous aurons à souffrir et
le Bon Dieu ne veut pas que nous sachions d'avance, mais ce que nous
savons - et cela est de foi – c'est que nous n'aurons jamais à souffrir plus que
nous ne pouvons supporter car si un jour une croix plus dure vient nous affliger,
Dieu nous donnera une force toute spéciale si nous savons avoir confiance en
Lui! Avouez qu'aujourd'hui notre Croix a été légère, remercions-en le Bon Dieu
et, demain, acceptons celle qu'Il voudra nous envoyer et ainsi de suite…
De porter sa Croix c'est facile à condition, bien entendu, de s'abandonner à la
sainte volonté de Dieu, de prier, de recevoir les sacrements, mais, je vous le
répète, ne courrons pas après une vie exempte de croix : ,,jamais souffrir,
jamais mourir” comme beaucoup le voudraient, cela est impossible! Acceptons
la Croix comme Jésus nous en donne l'exemple, embrassons-la comme Lui et
vous verrez alors qu'elle sera légère parce que Lui la portera avec nous;
comme le dit Ste Thérèse d'Avila ,,la croix que l'on traîne est lourde,… la Croix
que l'on embrasse est légère!”.
Le cortège s'avance dans les rues de Jérusalem, rues étroites, mal pavées,
sans trottoirs. A un moment donné Jésus glisse ou trébuche et tombe une
première fois.
On voit quelquefois des gens rire lorsque tombe quelqu'un. Ici, on ne rit pas.
C'est avec des insultes et des coups de pied que la soldatesque va marquer
l'incident!… O Jésus, pourquoi acceptez-vous de glisser et de vous effondrer
sous le poids de votre Croix ?… Jésus veut souffrir, Jésus cache sa divinité
pour cela et c'est pour moi qu'Il souffre!…
Ah non mon Père, c'est pour tous les hommes!…
Pardon, Monsieur, chacun de nous doit dire : c'est pour moi qu'Il fait cela et elle
n'est pas vraie la parole de Pascal qui a écrit ,,je considérerai telle goutte de
sang versée plus particulièrement pour moi”… Non, Monsieur, il n'y a pas une
goutte de sang pour moi et une autre pour vous, c'est tout son sang versé pour
chacun d'entre nous, pourquoi ?
Parce qu'un péché mortel a une malice infinie, nous l'avons déjà vu, et pour
réparer un seul péché il fallait toute la Passion de Jésus, mais comme cette
Passion est d'un prix infini, elle suffit pour tous les péchés de tous jusqu'à la fin
du monde!… par contre, combien elle est vraie la parole de St Paul qui nous dit
,,Il m'a aimé moi, Il s'est livré Lui-même pour moi!”. Et St Ignace ajoute : Et moi,
alors, que ferai-je pour le Christ ?
Mais les Sanhédrites s'écrient : Voyez, il n'est pas capable de porter sa croix et
il se dit Dieu ? faites-le relever…
Jésus aurait pu rester couché et leur dire ,,Achevez-moi”, mais Il veut nous
montrer que notre devoir nous devons le faire toujours, même si nous sommes
âgés, même si nous sommes malades; jusqu'au bout nous verrons Notre-
Seigneur faire son devoir : Condamné à mourir sur la Croix, à porter sa Croix…
jusqu'au dernier moment Il fera son devoir, Il obéira… Jésus se relève, se
recharge les 80 kg de sa pesante croix et Il continue. Contemplons Notre-
Seigneur! Que de leçons!
Notre-Dame a dû assister à l'Ecce-Homo et à la condamnation à mort : En
effet, quand on lit l'évangile de St Jean (il n'y a que lui qui raconte cette scène
de l'Ecce-Homo mais il la raconte comme quelqu'un qui s'y trouvait présent) ,,
… donc, dit-il, Pilate sortit et dit” … puis : ,,donc Jésus sortit portant sa
couronne d'épines et sur ses épaules un manteau rouge”… ce double "donc"
indique bien une personne constatant la scène de visu… mais s'il y avait St
Jean il est évident que Marie devait être là aussi parce que dans une foule
semblable, quand on se perd, on ne peut plus se retrouver, or, nous allons les
voir ensemble au Calvaire; il est donc de toute vraisemblance que Marie devait
être là; elle a dû entendre ces hurlements : Enlève-le… Crucifie-le…
Sainte Vierge, oui, moi aussi j'ai crié cela par la bouche de cette foule, mais je
veux me convertir, ô ma bonne Mère, aidez-moi!
Oui, elle a assisté à cette condamnation à mort par Pilate, elle a vu qu'on allait
procéder immédiatement à l'exécution, mais comment s'approcher, comment
même y songer dans une foule aussi dense ? c'était noir de monde comme
dans ces rassemblements provoqués par une curiosité malsaine,… par contre
les rues avoisinantes sont désertes et la Sainte Vierge a pu penser que si elle
voulait avoir une chance de rencontrer Jésus il fallait qu'elle prenne place dans
la grande rue qui mène au Calvaire. Oui, peut-être que de là, dans une
encoignure de porte, comme la rue est étroite, je le verrai passer… si je
pouvais l'embrasser!… Si je pouvais mourir avec Lui!
Elle prend cette rue que le cortège doit suivre, accompagnée de Jean, de Marie
de Cléophas, peut-être de Marie Madeleine… Ils ont entendu la trompette
annoncer le départ du cortège, peu à peu la rumeur de la populace augmente
et des cris se font entendre : A mort! A mort… Crucifie-le!…
Au détour du chemin, voici l'officier à cheval qui précède le cortège et les
soldats de la garde avec leurs lances et leurs boucliers… derrière eux les deux
larrons qui portent leur croix, la figure méchante et proférant des blasphèmes…
par-dessus leurs têtes, une autre croix portée par un homme qui semblerait
ivre, à la figure méconnaissable, pleine de sueur, de sang et de crachats…
Jésus vient de se relever. Sa robe est maculée de boue… on dit que le cœur
de Notre-Dame eut un tel choc qu'elle s'évanouit… C'est sur cet emplacement
qu'a été érigée une chapelle qu'on a appelée … ,,la chapelle des spasmes de
Notre-Dame”… Si je suis bien renseigné c'est là que le Pape PAUL VI, lors de
son voyage en Terre Sainte, s'évanouit aussi« l'escorte qui le protégeait dut le
faire entrer dans cette chapelle; on put le réconforter d'un cordial pour lui
permettre de continuer son chemin de croix qu'il avait voulu faire sur le même
parcours qu'avait suivi Notre-Seigneur depuis Jérusalem!…
Nous aussi, agenouillons-nous devant la souffrance de Notre Mère et disons-lui
: ,,O Notre-Dame, par le glaive qui a transpercé votre Cœur Immaculé, daignez
m'aider à me convertir, daignez m'aider parce que, de moi-même je crains de
ne pouvoir y parvenir et de me perdre!…
Et Jésus qui bientôt s'arrêtera pour consoler les filles d'Israël ne s'arrêtera pas
pour consoler sa Mère. Pourquoi ?
Pour nous montrer l'exemple dans nos épreuves : Sa Mère, qu'Il aimait tant, Il a
voulu qu'elle boive, elle aussi, le calice jusqu'à la lie sans aucune
compensation… Mais nous pouvons penser qu'Il dut blêmir en la voyant,
comment pourrions-nous croire qu'il en fut autrement car, indépendamment de
ses propres souffrances, son cœur dut être déchiré de voir sa Mère bien aimée
tant souffrir à cause de Lui…
Un soldat s'en est aperçu : ,,Mon lieutenant, il n'arrivera pas au bout!”.
Justement passait un paysan et l'officier l'interpelle : ,,Réquisition ordre de
l'empereur, porte la Croix et tu auras le salaire d'une journée”. Celui-là, de gré
ou non, laisse ses outils sur place et se charge de la Croix.
Mais Jésus ne la lui laisse pas porter tout entière. Il ne lui en laisse porter
qu'une partie! et Jésus, là encore, veut nous donner une leçon :
Lui qui porte le principal, la part la plus grande, veut que nous prenions part à
notre Rédemption en participant à sa peine, en portant aussi notre Croix… c'est
pour cela que St Augustin a pu écrire : ,,Celui qui t'a créé sans toi et qui t'a
racheté sans toi ne peut pas te sauver sans toi” et St Paul écrira aux
Galates : ,,J'achève en mon corps ce qui manque à la passion du Christ pour
son corps qui est l'Église”… oui, portons la croix, c'est la petite goutte d'eau du
calice… par elle-même elle n'a aucune valeur, n'empêche que dans ce calice il
y aura une goutte de plus qui sera changée au sang du Christ.
Portons la Croix, embrassons la Croix et nous en recevrons la récompense…
Tous les évangélistes sont unanimes, en parlant de Simon de Cyrène (c'était le
nom de ce paysan) à dire qu'il était le père d'Alexandre et de Rufus, c'est-à-dire
qu'en fait deux de ses fils furent parmi les premiers qui furent ordonnés prêtres
par les apôtres; plus tard ils furent sacrés Évêques et plus tard encore ils
reçurent la palme du martyre… St Alexandre et St Rufus!… 
Dès que l'on fait quelque chose pour Notre-Seigneur, Il nous en récompense!…
Un peu plus loin une femme… (pourquoi faut-il que les femmes soient souvent
plus courageuses que les hommes ?) une femme dont on n'a jamais su qui elle
était mais l'antiquité chrétienne, pour conserver son souvenir, à cause de
l'immense délicatesse qu'elle a eue pour Jésus sur le Chemin du Calvaire, lui a
fabriqué un nom composé d'un mot latin et d'un mot grec : "VERO - NIQUE –
La vraie Icône".
Reconstituez la scène : Jésus a sué du sang, on lui a craché à la figure, il est
tombé à terre, il ne peut s'essuyer et se trouve dans un état lamentable. Cette
femme veut le soulager. Or, elle risque gros; c'est qu'il ne faut pas s'aventurer à
traverser un cortège militaire et les romains ne badinent pas!… rien
n'empêcherait alors un soldat de lui traverser le corps avec son épée ou pour le
moins de lui donner un mauvais coup et de la faire mettre en prison. De toute
façon c'est elle qui aurait eu tort!
Quand donc, mes chers amis, cesserons-nous de regarder si nous risquons
quelque chose lorsqu'il s'agit de servir Notre-Seigneur ?
Mais tant mieux si nous risquons quelque chose pour Lui! C'est un grand
honneur, une grande grâce que d'être appelé à souffrir pour Lui… cette femme,
elle, n'hésite pas…; tant pis pour ce qui peut arriver; elle entre dans le cortège
et s'approche de Jésus… reconstituez cette scène qui a pu séduire tant de
peintres, contemplez-la… Elle voudrait soulager Jésus, mais comment faire ?
Elle a bien un voile sur sa tête et, chez les Juives, c'était un déshonneur que de
se dévoiler publiquement, et bien, tant pis pour ce que les gens diront… Elle
enlève son voile et avec un respect infini elle essuie la Sainte Face de Notre-
Seigneur qui la récompense en laissant son visage reproduit sur le voile.
Demandons à Sainte Véronique d'avoir une âme réparatrice! Nous vivons dans
un monde qui, de plus en plus, perd la Foi, qui se complaît dans la violence et
qui sans arrêt offense Notre-Seigneur, l'abandonne et proclame qu'il veut
s'organiser sans Lui, ne plus tenir compte de Lui : Combien de fois pourrions-
nous entendre des jeunes gens dire à leur père : ,,Hé, avec ton Bon Dieu,
laisse-nous donc tranquilles!”. Quel blasphème dites-moi, eh bien, nous à
cause de cela, soyons des âmes réparatrices qui essayent de consoler le cœur
de Notre-Seigneur Jésus-Christ… devenons des âmes eucharistiques de telle
sorte que le reproche du prophète : ,,J'ai cherché un consolateur et ne l'ai pas
trouvé” ne s'adresse pas à nous.
Plus loin, Jésus va tomber une seconde fois.
La Sainte Église a pour ainsi dire fixé le nombre de chutes de Notre-Seigneur
comme pour codifier la liturgie du Chemin de Croix, mais il est très
vraisemblable que Jésus, après cette nuit atroce, l'horrible flagellation et la
perte de beaucoup de sang, devrait être dans un état de faiblesse extrême et
faire un miracle de volonté pour porter une croix aussi lourde. Il est donc très
probable que Notre-Seigneur a dû tomber un grand nombre de fois. Celle-ci est
donc la deuxième des trois chutes retenues symboliquement. Il se relève
pendant que le cortège débouche sur l'une des portes de la ville. Chaque ville
était entourée de murailles épaisses permettant sa défense en cas d'attaque,
et, à l'endroit où une rue se transformait en route pour continuer au-delà, on
perçait la muraille pour y fixer une porte généralement juxtaposée à une tour
dans laquelle pouvait prendre place une compagnie de soldats, porte
commandant un vouloir assez rétréci, juste assez large pour livrer passage à
des chars passant les uns après les autres. Nécessairement donc tout cortège
devait s'étirer afin de permettre le dégagement d'un côté, le regroupement de
l'autre; une petite place était ménagée à chaque extrémité du couloir. Ces
places devenaient des lieux de rendez-vous : c'est là que les vieillards aimaient
à se rassembler pour se réchauffer au soleil« c'est là aussi que les mamans
venaient garder leurs enfants, que des marchands de quatre saisons vendaient
des fruits ou des fleurs et c'est ainsi que le cortège, qui se reforme après avoir
ralenti, croise un groupe de femmes juives non chrétiennes qui se trouvaient là
avec leurs petits enfants… En voyant Jésus dans cet état elles sont prises d'un
sentiment de compassion très naturel et versent des larmes de pitié…
Notre-Seigneur, qui ne s'est pas arrêté pour consoler sa mère, va les
récompenser en leur donnant une grande leçon. Retenons-la bien, mes chers
Messieurs, car elle est la dernière qui va sortir du cœur de Jésus avant sa
Crucifixion : ,,Ne pleurez pas sur moi, filles de Jérusalem, mais pleurez sur
vous et sur vos enfants, car viendra le temps où l'on s'écriera : Heureuses les
stériles, celles qui n'ont pas enfanté, car ils diront : Montagnes écrasez-nous,
parce que si l'on traite ainsi le bois vert, que fera-t-on du bois sec ?”.
Je ne sais pas si vous avez bien compris.
Ces enfants qu'elles ont à la main ou au bras, ils ont 2 ans, 3 ans… Lorsque
Vespasien mettra le siège à Jérusalem en 70, soit 37 ans plus tard, ces enfants
auront la quarantaine et nous savons par l'historien juif Flavius Josephe
combien a été terrible la répression des juifs qui s'étaient à nouveau soulevés
contre l'occupant romain. Trois armées romaines avaient reçu l'ordre de mater
ce peuple toujours inquiet : une descendit du nord de la Syrie; l'autre venait
d'Égypte, la troisième avait débarqué à Jaffa. Les Juifs, qui refluaient en
désordre devant ces armées, s'étaient enfermés dans Jérusalem, la ville
imprenable, la ville de David, et comme Notre-Seigneur l'avait prédit, ils
l'entourèrent de tranchées. Mais elle était surpeuplée et, très rapidement la
famine se répandit. Chaque fois que des juifs, voulant échapper à ces horreurs,
essayaient de traverser la nuit les rangs de l'armée assiégeante, ils étaient pris
et aussitôt mis en croix, à tel point qu'au bout de quelques mois il n'y avait plus
de bois autour de Jérusalem dans les collines qui dominent la ville; partout, on
voyait des milliers de Juifs qui, en croix, pourrissaient au soleil…
Très rapidement des groupes de "Gangsters" s'étaient formés pour piller les
réserves restant encore et Josephe raconte que plusieurs fois des enfants
furent dévorés. Entre temps Vespasien, proclamé empereur, était reparti pour
Rome, laissant le commandement à son fils TITUS. Après 11 mois de siège
Titus donna l'ordre de l'assaut final. On se demandait en effet comment les
Juifs pouvaient tenir; ils n'avaient en effet plus rien à manger depuis longtemps
mais espéraient que grâce à leur sacrifice Dieu ferait un miracle pour eux! Les
Romains étaient exaspérés d'un siège aussi prolongé mais Titus en donnant
l'ordre d'en finir, avait défendu à ses soldats de toucher au Temple qui était
l'une des merveilles du temps.
Ce fut terrible. Il fallut prendre les maisons une à une, pièce par pièce. Les Juifs
se défendaient comme des enragés, même des enfants de dix ans qui se
battaient en se faufilant dans les jambes des agresseurs, fourrageant avec des
couteaux… il fallut tout écraser… Un soldat romain, juché sur les boucliers de
ses camarades, lança une torche enflammée à l'intérieur du temple qui bientôt,
ne fut plus qu'un immense brasier.
Josephe, après la bataille, put visiter les lieux : ,,J'ai vu de mes yeux, dit-il,
couler dans ces rues en pente des ruisseaux d'or, d'argent et de sang” et Titus,
devant l'incendie du Temple, prenant le Ciel à témoin, s'écria : Ce n'est pas moi
qui ai voulu cela, ça, c'est la colère de Dieu!… témoignage de l'historien Flavius
Josephe… Oui… ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vos enfants…
Mais si les suites tragiques de l'histoire du peuple juif apparaissent être la
confirmation de ce premier malheur, des paroles de Jésus se dégage aussi une
leçon :
Il ne suffit pas, pour être sauvé, de verser des larmes, de faire preuve d'une
sympathie naturelle comme ces femmes l'ont montré. Non! les vertus naturelles
ne suffisent pas… Elles vous sont données et vous n'en avez aucun mérite…
Pour être sauvé il faut avoir la Foi, il faut pleurer ses péchés, il faut venir à la
vraie religion, il faut venir à la Vérité!… Si donc vous ne vous convertissez pas,
si vous ne faites pas en sorte que vos enfants se convertissent, vous ne serez
pas sauvés…
A notre époque il apparaît de bon ton à certaines de prêcher les vertus
naturelles, attention! Elles seules ne peuvent pas sauver… Quand j'étais
aumônier militaire, dans une réunion où nous étions plusieurs confrères, l'un
d'eux de dire : ,,Oh! après tout, ce n'est pas difficile d'être chrétien, il suffit
d'être un chic type”… Comme personne ne réagissait je donnais un grand coup
de poing sur la table… Mais pardon, cher confrère, d'être un chic type n'est
qu'une vertu naturelle et cela ne suffit pas; pour être sauvé, il faut avoir la Foi, il
faut avoir l'Espérance, il faut avoir la Charité, c'est-à-dire aimer Dieu par-
dessus tout, il faut fuir le péché; les vertus naturelles ne suffisent pas, la preuve
en est que l'apôtre St Paul nous dit : ,,Quand même je donnerai tous mes biens
aux pauvres – et ce n'est pas rien – si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de
rien” ! Alors, attention!… Si votre tempérament vous porte à être plutôt bon que
méchant, tant mieux, mais vous n'avez à cela aucun mérite et cela ne suffit
pas, prenez garde!
… Arrivera le temps où l'on criera ,,Heureuses les stériles, celles qui n'ont point
enfanté”… Qu'est-ce que cela veut dire ?
Mes chers Messieurs, c'est une allusion aux prophéties qui ont parlé du
Jugement dernier, confirmée par ce que dit St Jean dans l'Apocalypse et par
des visions de Saints… L'accent y est mis sur un détail poignant, tragique : de
parents voyant leurs enfants se précipiter en Enfer par leur faute et
s'écriant : ,,Heureuses les stériles et celles qui n'ont point eu d'enfants”… Le
livre de l'ECCLÉSIASTE, dans la Bible, nous dit lui aussi : ,,Il vaut mieux mourir
sans enfants que de laisser par sa faute des fils impies” – ce qui ne veut pas
dire qu'il faut pour cela pratiquer l'onanisme ! … mais cela veut dire qu'il ne
suffit pas de donner, de transmettre ce bienfait qu'est la vie aux enfants, mais
l'essentiel est de continuer à peupler le ciel d'élus donc, d'élever ses enfants
chrétiennement… c'est le strict devoir des parents… la procréation et
l'éducation chrétienne des enfants, voilà le but essentiel et premier du
mariage… pas l'unique pour autant… car il y a aussi celui de l'union des époux
pour s'aider mutuellement et apaiser leur concupiscence…
Mes chers amis, je regrette d'insister, mais écoutez certaines parents qui
parlent de leurs enfants, quelles préoccupations ont-ils ? vous savez mon petit
est très beau, il a augmenté de 4 livres pendant ses vacances en colonie!… ma
fille, vous ne savez pas ? Elle est la première de sa classe!… mon jeune
homme a passé le bachot avec mention… mais s'assurent-ils si leurs enfants y
conservent la foi ? s'ils continuent à prier, s'ils vivent en état de grâce, s'ils ont
la crainte de Dieu ?… Allez y voir! et c'est pourtant la préoccupation n° 1 qu'ils
devraient avoir, si non malheur à eux!… Heureuses les stériles!… Et ça vaut la
peine, vous m'entendez, de se faire "tuer" pour l'école catholique – je parle de
la vraie – ça vaut la peine, je le répète, de faire pour elle tous les sacrifices qu'il
faut… la seule insistance des francs maçons, des marxistes et de tous les
ennemis de l'Église à saboter l'enseignement et à mettre les enseignants
catholiques dans la misère devrait, à elle seule, nous ouvrir les yeux! C'est
tragique de voir ces pauvres enfants élevés comme si Dieu n'existait pas,
enseignés de telle sorte qu'on leur cache la notion essentielle, le but de la vie…
qu'ils ont un Père dans les cieux et un devoir, celui d'aimer Dieu et de le servir!
On leur apprend tout sauf cela. C'est un scandale! Alors, que se disent les
enfants ? : Oh, après tout, la religion, c'est quelque chose de facultatif que l'on
étudie si ça plaît, que l'on ingurgite comme une leçon de piano ou d'espagnol,
mais nécessaire dans la vie ? cela n'est pas!
Voilà à quoi on arrive… Eh bien non! mes chers amis, défendez vos écoles
catholiques, que vos enfants aillent pieds nus et mangent du pain sec s'il le faut
– je veux dire par là que si cela est nécessaire, vous avez un ordre de priorité à
observer dans vos dépenses et faire passer celles qui seraient entraînées par
l'éducation chrétienne de vos enfants avant celles que vous réservez à
l'agrémentation de votre existence!
Oui, autrement, heureuses les stériles et celles qui n'ont point enfanté…
Autre parole : Montagnes, écrasez-nous!
Là encore, c'est une allusion au Jugement dernier. St Jean, dans l'Apocalypse,
a stigmatisé ces "malabars" qui étaient sûrs de triompher, tous ces tyranneaux
de village ou du monde, tous ces persécuteurs de chrétiens qui se moquaient,
mettaient en prison comme si Dieu n'était pas Dieu… Oui, ils y passeront tous
au jugement et quand ils seront devant le Seigneur, ils ne pourront pas
supporter le regard de l'Agneau, ils chercheront à le fuir, à se cacher et ils
diront: ,,Montagnes, écrasez-nous!”… ils souhaiteront la mort et la mort les fuira
et ce sera la mort seconde… oui, montagnes, écrasez-nous! voilà ce que cela
nous rappelle…
Enfin, dernières paroles de cette leçon de Jésus :
Si l'on traite ainsi le bois vert, que fera-t-on du bois sec ?
Je ne sais pas si vous avez compris. Cela veut dire : Si Moi, qui suis le Fils
bien-aimé du Père, Moi qui suis l'arbre de vie portant la sève qui vous
permettra de vivre éternellement, si la Justice Divine me traite si sévèrement, si
la Justice de mon Père exige que je souffre ainsi pour vous sauver, vous
croyez qu'après cela Mon Père va accepter que vous vous moquiez de son
Divin Fils ? Son Fils en qui Il a mis toutes ses complaisances ? Malheureux!…
ce qui vous attend, c'est ce qui attend le bois sec…
Qu'est-ce qu'on fait au bois sec ?… On le brûle!… en d'autres termes, la
dernière leçon qui sort du cœur de Jésus, suivons-la bien et ne l'oublions
jamais : c'est une leçon sur la conversion;… c'est une leçon sur le Jugement;…
c'est une leçon sur l'Enfer!… 
Le cortège suit maintenant la grande route qui va vers Jaffa, qui mène vers
l'Égypte et remonte vers Tyr et l'Asie mineure; c'est la route que toutes les
caravanes empruntent. Entre la route et les murs de la ville, il y a là un grand
terrain vague et, au fond de ce terrain un mamelon recouvert d'un rocher. Ce
rocher présente deux cavités naturelles et lorsqu'on le regarde de loin depuis
Jérusalem, il donne l'impression de ressembler au sommet d'un crâne. Les
habitants de la ville l'avaient appelé pour cela le "Crâne", ou Golgotha en
araméen, Calvaire en latin.
Les Romains étaient des gens méthodiques, habitués aux occupations des
pays conquis et sachant s'y prendre pour les terroriser.
Ils avaient réquisitionné ce rocher pour y poursuivre leurs exécutions… Très
pratique, n'est-ce pas ? parce que situé aux abords de la capitale! Ils y avaient
fait creuser des trous pour recevoir la partie inférieure des Croix supportant les
suppliciés; on dit qu'il y en avait 150 environ. Tout était donc prêt d'avance : on
n'avait plus qu'à clouer le condamné sur la Croix, puis on dressait cette
dernière, on en faisait glisser la base dans le trou, on calait ensuite et on
laissait là le supplicié… oui, on le laissait souffrir… mourir… pourrir… et tous
ceux qui passaient sur la grande route ou voyaient cela depuis les terrasses de
Jérusalem en avaient froid dans le dos; on avait compris et on n'avait pas du
tout envie de se révolter contre l'occupant! C'est là que Jésus va être crucifié.
… En montant sur le rocher, Il glisse et tombe une troisième fois et se relève
encore; Il veut nous donner l'exemple que jusqu'au bout, il nous faudra lutter…
il y a des gens en effet qui disent ou tout au moins qui pensent : Oh, moi, j'ai
été un bon chrétien… j'ai fait ceci, j'ai fait cela… cela ne suffit pas, Messieurs,
de l'avoir été, c'est jusqu'au dernier moment qu'il faudra vivre en chrétien et ces
quelques moments que Dieu nous donnera encore au moment de la mort, ils
nous sont donnés pour mériter plus largement une couronne éternelle et donc,
c'est jusqu'au bout que nous aurons à faire notre devoir, quelque soit l'âge que
nous ayons, quels que soient les mérites que nous ayons gagnés dans le
passé.
Notre-Seigneur arrive sur le rocher où le bourreau le prend et lui arrache son
vêtement.
Pourquoi Jésus, permettez-vous qu'on vous arrache cette robe qui vous
permettait de conserver encore votre dignité ? Non seulement vous allez en
souffrir physiquement d'une façon terrible puisque, collée à votre peau, cet
arrachement va raviver toutes les plaies de la flagellation, mais pour vous, ô
Jésus, quelle souffrance morale d'être ainsi mis à nu devant cette foule… Il y a
là sans doute des milliers de forcenés et de curieux, pourquoi supportez-vous
encore cet abaissement et cette confusion ? Pourquoi ?… C'est pour expier
tous nos péchés d'immodestie… A notre époque plus particulièrement, en
perdant le Christ on a perdu le sens de la modestie chrétienne. Dieu a donné
aux oiseaux un plumage, aux poissons des écailles, aux animaux de la forêt
une fourrure… à l'homme, Il a donné la raison et le devoir de se vêtir qu'une
pudeur naturelle nous fait bien comprendre,… et n'importe quel sauvage
comprend cela, mais nous, en perdant la notion de modestie nous nous
permettons d'assister à des spectacles lamentables, à nous repaître de
lectures malsaines; des chrétiennes ont même fait rougir par leur tenue des
femmes mahométanes qui ne comprenaient pas que leurs sœurs chrétiennes
se déshonorent en suivant ces modes impudiques, car c'est toujours les deux
étendards, mes chers Messieurs, et plutôt que de ne pas être à la mode, plutôt
que de résister au faux et vain honneur de la mode, tant pis pour les mauvaises
pensées, les mauvais désirs et parfois, hélas, les actes d'impureté que ces
tenues suscitent! Oui, c'est souvent du péché de scandale qu'elles sont
responsables, mais attention!… 

là aussi nous avons des responsabilités, non seulement les prédicateurs, les
professeurs, mais les pères, les époux, les frères, les fiancés… que ces
chrétiennes comprennent leurs responsabilités, qu'elles ont à suivre la mode
pour s'habiller et non pour se déshabiller…
Voilà pourquoi Notre-Seigneur a voulu subir ce dernier outrage…
Le bourreau l'interpelle : ,,Viens ici”, et Jésus obéit… le prophète avait dit : ,,Il
sera doux comme un agneau et obéissant comme un agneau qu'on conduit à la
boucherie…”.
,,Couche-toi”… et Jésus se couche…
,,Donne ta main”… et Jésus donne sa main…
Jésus a réellement obéi au bourreau. Ce dernier est sans doute une brute,
mais peu importe; ce bourreau représente l'autorité légitime pour Jésus qui est
un condamné à mort… oui, donne ta main et Notre-Seigneur obéit sachant ce
qui allait lui arriver.
St Paul nous dira : ,,Il sera obéissant jusqu'à la mort et jusqu'à la mort de la
Croix”, mais nous ? Nous ne rêvons que d'une chose, de cette chose qui est
justement le contraire de l'obéissance : celle d'être débarrassés de
l'obéissance, eh bien, cela n'est pas chrétien… demandons à Notre-Seigneur
sur le point d'être cloué à la croix, le respect, l'amour de l'obéissance… Qu'Il
nous apprenne à aimer cette grande vertu…
Où est-ce qu'on a planté les clous ? Je ne sais si vous avez lu la brochure du
Docteur Barbet qui a particulièrement étudié cette question. Si on les avait
plantés au milieu de la paume de la main comme on le représente dans
beaucoup de crucifix anciens, le poids du corps aurait déchiré les mains. Les
bourreaux, évidemment, connaissaient leur métier; sachez qu'à l'époque la
soldatesque faisait de l'anatomie rudimentaire et on était fixé sur les
particularités des différents points du corps humain – c'était d'autant plus
nécessaire que les combats se livraient en corps à corps – c'est ainsi que le
soldat savait où devait pénétrer la lance… le bourreau, spécialiste de la
crucifixion savait où planter son clou, nous sentons nous-mêmes, au milieu du
massif carpien, entre les osselets du carpe et du métacarpe un léger passage.
C'est là que le bourreau enfonçait le clou qui retenait le corps au moyen des
osselets qui, eux, ne pouvaient se déchirer. Mais nous savons aussi que dans
ce passage se situe un des nerfs les plus douloureux du corps humain, de telle
sorte que, si on blesse ce nerf d'un simple coup d'épingle, il en résulte des
souffrances atroces, un peu ce que ressentirait un patient qui verrait son
dentiste insister avec sa roulette sur le nerf d'une dent mis à nu et non
insensibilisé…
Or, ce n'est pas une épingle, mais un gros clou que le bourreau va enfoncer
dans cette partie de chacune des mains de Jésus…
A Rome, on conserve en l'église Ste Croix l'un des deux clous de la Sainte
Crucifixion. Il est long de 10 cm; il a, dans sa partie la plus large, 8 à 10 mm
d'épaisseur, est légèrement tordu en deux endroits, ce qui laisse présumer
qu'on a dû s'y reprendre à deux fois pour l'arracher avec le pied de biche… 
Donc des souffrances horribles pour Notre-Seigneur… le bourreau s'y
attendait, tout le corps se recroqueville comme par des convulsions
tétaniques… Les bras devant être bien tendus horizontalement après la
crucifixion, il était nécessaire, pour clouer la deuxième main, de tirer
violemment sur le bras en s'aidant du pied et cela jusqu'à la dislocation de
l'épaule, ce qui entraînait de nouvelles et horribles souffrances…
Contemplons ce sang qui gicle, ce corps lacéré qui se convulse dans des
souffrances inouïes, effroyables!… Tout cela, c'est pour moi qu'Il le fait… si les
Saintes Plaies de Notre-Seigneur lui ont tant coûté, c'est qu'elles sont d'un
grand prix! Offrons-les au Père, Il ne peut pas nous les refuser… Tout ce que
Jésus a souffert, sachez le méditer…
Puis on cloue les pieds. Certains peintres les font reposer sur un support. Il ne
semble pas que cela soit exact, pas nécessaire du moins; on clouait, semble-t-
il, les pieds l'un sur l'autre par un seul clou pour interdire le ballottement des
jambes, mais ce clou n'avait aucun poids à supporter.
On introduit alors le madrier de la croix dans l'orifice du trou, tandis que les
soldats montent le reste de la croix et son supplicié. Quand elle est assez
élevée, pour empêcher que le poids du corps ne la fasse se retourner, les
lances des soldats soutiennent le patibulum, la croix monte… monte jusqu'au
moment où, avec un bruit sourd, le madrier s'insère dans le trou qui lui a été
préparé.
Jésus reste là, élevé entre Ciel et Terre… 
Mes chers Messieurs, même après la retraite, il vous faudra revivre cette
horrible crucifixion; dans vos moments de découragement, pensez à cela, à
tout ce que Notre-Seigneur a voulu faire pour nous… pour moi… c'est pour moi
qu'Il souffre. Cela nous dépasse, mais il faut revivre ces moments où le Christ a
tout donné pour chacun de nous en particulier. Que ferai-je, moi, pour Lui ?
Quand je serai élevé, avait dit Notre-Seigneur, j'attirerai tous les hommes…
Lorsqu'on lit ce récit dans les évangiles, on remarque que les sanhédrites et les
princes des prêtres n'étaient pas certains que Jésus se laisserait faire ainsi
jusqu'au bout; ils craignaient qu'Il ne leur joue un tour au dernier moment et
qu'Il leur échappe, mais quand, enfin, ils le voient là, cloué à la croix, alors il
triomphent, alors ils n'ont plus peur : ,,Si tu es le Christ, le Fils de Dieu,
descends donc de la Croix! descends de la Croix et nous croirons en Toi!
Menteurs, hypocrites!… Vous ne le croiriez pas, même s'Il descendait!
Comment ? Vous avez été les témoins de la résurrection de Lazare et de la
guérison de l'aveugle-né, vous connaissez toutes les prophéties, vous ne l'avez
pas cru malgré cela et vous exigeriez encore un miracle, celui de le voir
descendre de la croix ?
Oh, non, Jésus! ne descendez pas, qui est-ce qui nous sauverait alors ?…
Rassurez-vous, Jésus veut souffrir… oui, je réunirai toutes les forces de mon
âme pour l'exciter à la tristesse, à la douleur et aux larmes… Jésus cache sa
divinité; le Roi du Ciel, Lui, le Créateur de l'Univers, Il est là entre deux autres
suppliciés, cloué à la Croix, impuissant… et c'est pour moi qu'Il souffre!…
Mes chers Messieurs, arrêtons-nous à contempler le crucifix, écoutons-le…
Nous avons sept paroles de Jésus en croix :
Quand la foule a cessé ses vociférations, Jésus va parler, mais que va-t-il
dire ?… C'est une prière, une prière de pardon, une prière pour ses
ennemis : ,,Mon Père, pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font”.……
Quelle leçon pour nous : même écrasés, nous devons pardonner à ceux qui
nous ont fait du mal. Il est parfois très dur de pardonner, mais nous devons le
faire; si nous conservons la haine dans notre cœur, nous ne serons pas
pardonnés.
En entendant cette prière, les deux larrons blasphémaient eux aussi, mais l'un
d'eux comprend que Notre-Seigneur n'est pas un homme ordinaire et qu'Il doit
être Dieu. Alors, là, sur la Croix, il va faire un acte de foi, d'espérance et
d'amour en disant à son camarade : Tais-toi, nous, nous l'avons bien mérité,
mais Lui, quel mal a-t-il fait ?… Et, se tournant vers Jésus, il lui dit : ,,Seigneur,
souviens-toi de moi lorsque Tu seras dans Ton Royaume”.
Quel royaume ? Puisqu'Il va mourir!… Oui, mais c'est pour y avoir cru que ces
simples paroles deviennent un acte de foi, d'espérance et d'amour, et pour ce
simple acte de foi, d'espérance et d'amour, Jésus va tout lui pardonner :
,,Aujourd'hui même, tu seras avec moi en Paradis”.
Ici, attention, Messieurs! Que cette conversion du bon larron nous donne
confiance malgré nos péchés, mais que cette bonté de Dieu ne nous conduise
pas à la présomption!… St Augustin dit : ,,Il y en a un pour que tu ne
désespères pas, mais il n'y en a qu'un pour que tu ne présumes pas!”. Et St
Grégoire ajoutera : ,,Celui qui a promis le pardon au pécheur repentant ne lui a
pas promis le lendemain”; de même, ce grand pape dira aussi : ,,Celui pour
lequel Dieu a le plus patienté, Il l'enlève souvent subitement de la Terre”, et
cela semblerait se confirmer par combien d'exemples tragiques! Mais ne
jugeons pas car, au dernier moment, ils ont pu avoir la contrition parfaite et
Dieu seul le sait…
Cela doit nous consoler, cependant; avec son bon sens habituel, St Augustin
ajoute : ,,Attention, l'autre larron, lui, ne s'est pas converti!”… donc, si la
conversion de l'un doit nous garder dans l'espérance, que la damnation de
l'autre nous garde de la présomption!… 
Et Notre-Dame, est-elle restée en bas, après sa rencontre avec son Fils ?…
Madame, ne montez pas au Calvaire, vous allez être effrayée!… 
Pensez donc qu'elle va rester en arrière alors qu'on doit crucifier Jésus!… Elle
passe à travers cette multitude, non pas sans entendre ce cri qui est comme un
leitmotiv : ,,A mort… Crucifie-le…”.
Pardon, Monsieur, pardon… et elle gagne à travers cette foule qui se bouscule
et se presse sur l'esplanade pleine de monde… c'est peut-être le moment où
l'on cloue Jésus sur la croix, et cette pensée lui broie le cœur… Marie
s'approche… au premier rang, il y a les sanhédrites… il ne fallait pas les frôler,
ces orgueilleux, ces gens sans cœur…
Comment ? Qui est-ce là, cette femme du peuple ?
C'est la maman de Jésus, dit-elle.
Comment, la maman de Jésus ici ? Et eux qui n'ont pas hésité dans le
Sanhédrin de bousculer Jésus, on peut s'imaginer que les insultes ne lui furent
pas ménagées, mais Marie surmonte tout et arrive au piquet de service.
Les Romains étaient des gens d'ordre, nous l'avons déjà dit; il ne fallait pas
badiner avec eux, surtout au sommet du Calvaire gardé par les sentinelles. La
Sainte Vierge se présente : Pardon, Monsieur, je suis la maman de Jésus, le
condamné, je voudrais monter près de mon fils. Le soldat la regarde et, en
voyant cette douleur maternelle, cette noblesse, cette Sainteté, le soldat en est
ému. Il va trouver l'officier :
Mon lieutenant, la maman de Jésus est là et veut le voir…
Laisse-la monter… et appuyée sur sa sœur ou cousine Marie de Cléophas,
entraînant Jean avec elle (qu'il y en ait un au moins!) Marie monte au pied de la
croix et restera debout là, depuis midi jusqu'à six heures du soir : STABAT
MATER DOLOROSA ! vraie co-rédemptrice parce que personne sur Terre n'a
le droit d'offrir son Fils comme elle puisqu'Il est vraiment son Fils et lui
appartient, mourant de ne pouvoir mourir, dit St Bernard et, autre Abraham, s'il
n'y avait pas eu le bourreau et que Dieu le lui eût demandé, elle n'aurait pas
hésité à immoler son divin Fils pour notre Salut…
Mais c'est trois heures. Jésus va mourir ; Il est déjà près de l'asphyxie qui
gagne automatiquement les suppliciés en Croix, mais Il veut auparavant nous
donner son trésor : Sa Mère, car nous en avons trop besoin… Faisant un grand
effort sur ces clous qui broient les deux nerfs si douloureux du massif carpien, Il
murmure :
,,Femme, voilà ton Fils… Fils, voilà ta mère”, et Jésus retombe…
Méditons, au pied de la Croix, ce testament de Jésus donné en style
télégraphique, pourrait-on dire, mais qui en dit beaucoup :
Jean était prêtre depuis la veille. Vous savez ce qu'est un prêtre : C'est un
homme officiel, un homme public qui représente Dieu auprès des hommes et
les hommes auprès de Dieu, donc c'est nous tous que Jean représentait et
quand Jésus lui dit : ,,Fils, voilà ta Mère”, Marie devenait la Mère, non
seulement de Jean, mais de nous tous qu'il représentait. Et je continue
l'explication théologique : les paroles de Dieu sont efficaces, elles opèrent ce
qu'elles disent… Quand Jésus, à Cana, disait en montrant les urnes d'eau que
c'était du vin, c'était du vin… Quand à la tempête, Jésus disait : Calme-toi, la
tempête s'était calmée instantanément au point que ces vieux mariniers en
furent effrayés car, généralement, la tempête met plusieurs jours à s'apaiser…
et quand Jésus dit à Marie : ,,Femme, voilà ton Fils, fils, voilà ta Mère”, Jésus
nous créait fils de Marie et créait Marie notre Mère.
Et donc Marie est réellement notre Mère, non pas d'une façon charnelle, bien
sûr, mais réellement d'une façon spirituelle. Oui, Marie est la Mère de nos
âmes, et je continue le raisonnement théologique :
Dieu ne donne jamais de mission sans donner en même temps les moyens de
remplir cette mission, c'est évident, et en créant Marie notre Mère, Jésus lui
donnait tous les moyens pour remplir son rôle de Mère de nos âmes, donc de
prévoir nos besoins et d'y subvenir. Et comment ? En puisant dans les trésors
de son Fils… Marie, ce jour-là, est bien devenue la médiatrice de toute grâce,
non pas comme voudraient nous le faire dire les protestants qui objectent le
mot de St Paul, à savoir que Jésus est l'unique médiateur auprès du Père, – et
c'est vrai, Jésus seul nous a mérité le salut comme Il a mérité aussi celui de sa
Mère – mais quand nous disons que Marie est Médiatrice, nous disons qu'elle
est médiatrice auprès de l'unique médiateur; en d'autres termes, elle intercède
auprès de son divin Fils qui est notre Sauveur; elle a en bref la clé des trésors
de son divin Fils ou mieux encore – selon ce mot de la liturgie orientale – elle
est l'"OMNIPOTENTIAE SUPLEX – la toute puissance suppliante" … elle
supplie son Fils pour nous, elle intercède pour nous!
Mes chers amis, ayons une très grande dévotion à la Très Sainte Vierge!
Soyons fiers d'être de ses enfants, puisque Jésus, avant de mourir, nous a
créés comme étant ses fils spirituels. C'est elle qui est notre espérance :
comme le dit St Bernard "RATIO SPEI MEAE MARIA! – Ma raison d'espérer,
c'est Marie"… "On n'a jamais entendu dire que quelqu'un qui ait eu recours à
sa protection ait été abandonné… Si tu la tiens par la main, tu ne tomberas
pas, si elle te protège, tu ne craindras rien".
Dans la tempête, s'écrie encore le chantre de Marie, regarde vers l'Étoile et
invoque Marie… St Alphonse de Liguori nous dit que la vraie dévotion à Marie
est un signe de prédestination, celui d'être sauvé… et St (((à cfmer))) Marie de
Montfort faisait chanter à ses Vendéens et Bretons ,,Le vrai serviteur de Marie,
malgré tout l'enfer, ne peut se damner; si jusqu'à la mort il la prie, il est sûr au
Ciel d'arriver”.
La Sainte Vierge aussi est la Mère de l'Église… Paul VI l'a solennellement
proclamé au concile de Vatican II. A cette proclamation, les Pères du Concile et
le peuple chrétien firent une ovation si ardente et si prolongée qu'on fut obligé
d'y mettre un terme!… 
Ayons donc, Messieurs, une grande dévotion envers notre Mère du Ciel,
invoquons-la dans toutes nos tentations, crions vers elle : ,,O Marie conçue
sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous!” Prenons notre
mitrailleuse à 50 coups, notre chapelet qui chasse si bien les démons; ayons
cette dévotion au rosaire qu'elle nous a recommandée à Lourdes et à Fatima :
apprenez à vos épouses, à vos enfants à en contempler les mystères – les
Saints disaient que c'est l'échelle du Ciel – apprenez-leur à réciter le Saint
Angélus, à sanctifier la journée du Samedi en l'honneur de la Ste Vierge;
préparez ses fêtes par des neuvaines; par des jeûnes, nous ne ferons jamais
assez pour elle; consacrez vos foyers au cœur douloureux et immaculé de
Marie; n'hésitez pas à porter sa médaille ou son scapulaire… vous ne vous
doutez pas des grâces que vous recevrez si vous avez ainsi une authentique
dévotion envers la Très Sainte Vierge et surtout, mes chers amis, propagez
partout ces exercices spirituels dans vos milieux familiaux, professionnels,
civiques, en ne laissant pas dormir un pareil trésor… Marie a suscité à St
Ignace une méthode sûre de conversion que le Pape Pie XI déclarait
irrésistible. Si vous voulez plaire à Notre-Dame, travaillez donc à propager ces
Exercices parce que d'y envoyer quelqu'un, c'est le remettre sur le Chemin du
Ciel qu'il avait peut-être perdu et c'est le fortifier dans cette voie, c'est ramener
ses enfants à leur Mère. Le rêve de Marie est bien celui de nous voir imiter
parfaitement son divin Fils et c'est par les exercices où nous étudions Notre-
Seigneur qu'on apprend ce qu'il faut faire pour être vraiment un disciple de
Jésus!
Autre parole : "SITIO … J'ai soif" :
Sans doute Notre-Seigneur est-il dévoré de cette soif que la fièvre des
suppliciés provoque, mais Il a une autre soif : c'est celle de notre amour, la soif
que nous lui sauvions des âmes…
Autre prière aussi que formule Jésus et qui nous montre bien que s'Il a souffert
dans son corps, Il a encore plus souffert dans son âme :
Il est dans la désolation la plus grande; Il se voit chargé de tous les péchés du
monde; Il voit aussi devant sa croix tous les peuples dressés contre elle,
l'apostasie générale des nations; Il voit tout ce qu'Il a fait pour les hommes
rester inutile pour un grand nombre et Il s'écrie ,,Eloï, Eloï, lama Sabachtani
– Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné”.
Si Jésus vous unit quelquefois à sa désolation, ne vous découragez jamais.
Faites comme Lui; acceptez-la humblement en priant avec confiance.
Enfin, dernière parole : "CONSUMMATUM EST – Tout est consommé".
Heureux serons-nous si, au moment de notre mort, nous pouvons dire nous
aussi qu'est accomplie la mission que Dieu nous a confiée.
Oui, "Consummatum est, Mon Père, je remets mon âme entre vos mains".
Jésus pousse alors un grand cri. Il incline la tête. Il est mort… 
Mettons-nous à genoux. Pendant quelques minutes, contemplons Jésus mort
pour nous sur la Croix. Dans le silence de notre cœur, pleurons nos péchés qui
ont conduit Notre-Seigneur à boire, jusqu'à la mort de la Croix, le calice amer
de sa Passion douloureuse…
-------
Les gens qui mouraient en croix ne poussaient pas de cri. Ils s'éteignaient
asphyxiés, comme une lampe qui n'a plus d'huile du fait de la position du corps
qui compressait les poumons. Pour respirer, le supplicié était contraint de faire
une traction sur les bras attachés à la croix qui était très pénible et
douloureuse. Aussi, en entendant Jésus pousser ce cri terrible et anormal, le
centurion romain comprend immédiatement qu'il s'agit d'un cri miraculeux. Vous
savez qu'en même temps une sorte d'orage éclate sur le monde entier : le
soleil se cache, des perturbations atmosphériques et telluriques se produisent.
La foule, dans cette manifestation de tonnerre et d'éclairs est là, affolée,
atterrée, tandis que le centurion, ce païen, va témoigner en entendant ce cri
que cet homme est le Fils de Dieu!
Les quatre soldats, qui étaient en train de jouer aux dés le manteau du
condamné, robe sans couture qui ne pouvait se partager – ce cri les terrifie
aussi car ils sont, eux, des professionnels qui savent bien que les suppliciés ne
peuvent pousser de cri et ils vont, à la suite de leur chef, déclarer : ,,Oui, celui-
là était le Fils de Dieu!”. Le voile du Temple se déchire en deux, on dirait que le
Ciel et la Terre sont bouleversés par cette mort…
Devant cet ensemble de faits, deux hommes, deux amis de Notre-Seigneur se
retrouvent, reprennent un peu courage et prennent sur eux d'aller demander la
permission de prendre le corps et de l'ensevelir décemment. Ils font des
démarches pour approcher de Pilate qui les reçoit.
Pilate, semble-t-il, veut un peu se faire pardonner sa lâcheté du matin et il leur
accorde la possibilité de récupérer le corps de Jésus. Il leur adjoint un officier
et, en repassant dans la ville dont tous les magasins vont fermer, puisque c'est
le lendemain la grande fête Juive, ils achètent des onguents, des bandelettes et
un suaire pour réaliser l'inhumation de Jésus à la mode juive, prennent des
outils, embauchent quelques concours. Tout cela a demandé du temps, de telle
sorte que la mort ayant eu lieu à 15 heures, ils reviennent au Calvaire vers 18
heures.
Les Juifs s'étaient déjà réunis pour décider ce qu'il fallait faire et Caïphe, qui
avait pu constater que toutes les prophéties qu'il connaissait bien se réalisaient
toutes les unes après les autres, dit à ses amis : ,,Il y a une prophétie qui ne se
réalisera pas, celle de Moïse qui indiquait "qu'il ne fallait pas briser les os à
l'agneau pascal" eh bien, nous, nous allons lui briser les os à celui-là, et la foule
verra que cet homme n'est pas l'agneau pascal, qu'il n'est pas le Messie.
Caïphe donne en conséquence ses ordres à des soldats juifs pour aller briser
les jambes aux trois suppliciés… cela se faisait couramment pour délivrer les
gens en croix qui autrement agonisaient jusqu'à 3 jours. St André est resté 3
jours en croix!… mais comme on ne voulait pas de ces cadavres pendant la
grande fête juive en raison des nombreux touristes qui envahissaient
Jérusalem, Caïphe avertit Pilate qu'il fait procéder au brisement des jambes, (le
Docteur Barbet nous dit que les gens en croix mouraient par asphyxie à cause
des convulsions à caractère tétanique qui portaient au cœur; les suppliciés
avaient toujours tendance à tirer sur leurs mains et s'aidant du clou des pieds
pour délivrer un peu la poitrine, mais dès qu'on leur avait brisé les jambes, ils
ne pouvaient plus se remonter et au bout d'un quart d'heure, ils mouraient
asphyxiés).
Un soldat juif brise les jambes aux deux larrons qui hurlaient, car ils n'étaient
pas morts, eux, et au moment où il s'approche de Notre-Seigneur, il est à
présumer que Notre-Dame comprend et s'interpose : N'avez-vous pas honte ?
N'avez-vous donc pas assez fait à mon Fils ? L'évangile est muet sur ces
détails, mais nous devons reconstituer la scène suivant ses vraisemblances…
Marie, qui a compris le mauvais dessein de Caïphe, a dû s'interposer. Pour
prouver par ailleurs aux soldats juifs qui avaient l'ordre formel de briser les
jambes que Jésus était déjà mort, l'officier romain sort sa courte lance de
légionnaire, transperce la poitrine et le cœur de Jésus et retire ensuite sa lance.
St Jean, qui était là, témoigne en disant : ,,Moi, j'étais là et j'ai vu en sortir du
sang et de l'eau”.
Caïphe qui désirait faire échouer la prophétie messianique relatée dans cet
évangile ,,Vous ne briserez aucun de ses os”, non seulement n'y réussit pas,
mais en fait réussir une autre : ,,Ils regarderont en celui qu'ils ont transpercé”.
Les deux amis de Notre-Seigneur, avec les concours qu'ils se sont adjoints,
vont descendre son corps de la Croix. La Sainte Vierge a installé le suaire sur
ses genoux pour recevoir son divin Fils dans ses bras… Bien des peintres se
sont inspirés de cette scène pour réaliser des PIETA très belles à voir, mais la
plus poignante au point de vue des attitudes et de la réussite artistique est sans
contredit celle qui se trouve dans l'église St Pierre à Rome; en entrant, à droite,
il y a la chapelle dite du Vatican : on peut y admirer la magnifique Pieta réalisée
par le grand Michel Ange dans un bloc de marbre de Carare au grain
inimitable… on voit aussi que l'artiste a mis tout son cœur à réaliser cette
splendeur…
Marie a demandé comme grâce de recevoir une dernière fois le corps de son
Fils dans ses bras. Nous n'avons pas ici le privilège d'avoir devant nos yeux
une Pieta, mais c'est devant cette statue de la Sainte Vierge que nous allons
faire notre colloque et notre acte de consécration à Marie :
Par la pensée, approchons-nous de Notre-Seigneur qui est dans les bras de sa
Mère. En vérité, on pourrait compter tous ses os… Notre-Seigneur est mort
mais nous savons qu'Il est Dieu. Il peut nous entendre… 
Demandons-Lui pardon de tous nos péchés passés; demandons-Lui pardon
après tous les serments que nous avons faits depuis notre baptême, au jour de
notre première communion, au jour de notre confirmation, à nos sorties du
confessionnal aussi… demandons-Lui pardon d'avoir oublié si souvent nos
promesses, nos résolutions, nos serments, et d'être retombés dans le péché…
Et vous, Sainte Vierge Marie, à travers vos larmes causées par les souffrances
de Jésus, votre premier-né, regardez-nous, nous les chrétiens du vingtième
siècle qui devons porter demain le flambeau dans tous nos milieux, celui de la
Vérité, afin d'être de vrais témoins de la Foi!
Sainte Vierge, nous avouons que cet honneur nous fait bien peur!
Dans le passé déjà, notre expérience découvre notre fragilité, notre misère,
mais nous avons confiance en vous et en Lui, puisque c'est Lui qui nous a
confiés à vous, et que c'est Lui qui vous a désignée comme étant notre Mère.
Nous espérons que dans les luttes que nous aurons à soutenir dans nos
familles, dans nos milieux professionnels ou civiques, vous serez toujours là,
près de nous, comme une Mère qui devine tous les besoins de ses enfants.
Sainte Vierge Marie, nous demandons à votre divin Fils pardon pour tous les
péchés que nous avons commis…
On vient d'arracher de sa tête la couronne dont les épines étaient très
enfoncées… Seigneur, nous vous demandons pardon pour tous les péchés
que nous avons commis par notre tête à nous : nos mauvais calculs, nos
mauvaises pensées, nos mauvais désirs…
Ses yeux sont voilés par les ombres de la mort… Seigneur, nous vous
demandons pardon pour tous les péchés que nous avons commis en regardant
ce que nous n'aurions jamais dû voir…
Ses lèvres sont tuméfiées, sa langue adhère à son palais… Seigneur, nous
vous demandons pardon pour tous les péchés de gourmandise et d'impureté
que nous avons commis par nos lèvres, par nos oreilles aussi en écoutant ce
que nous n'aurions jamais dû entendre.
Ses épaules sont toutes meurtries, ses bras déchirés; au bas des mains, là,
ces deux grands trous… Seigneur, nous vous demandons pardon pour tous les
gestes, certains gestes que nous avons faits… Vous nous aviez donné les
mains pour les lever dans la prière, pour nous pencher sur le travail, pour aider
les pauvres et les petits et, très souvent, nous avons fait servir nos mains à des
choses inavouables… 
Ses pieds sont transpercés… Seigneur, nous vous demandons pardon pour ce
à quoi nous avons parfois fait servir nos pieds : ces marches vers le péché,
toutes ces danses morbides du monde actuel…
Son corps est tout déchiré aussi, des pieds au sommet de la tête il n'y a pas un
endroit qui n'ait sa blessure… vraiment on pourrait compter tous ses os…
Seigneur, je vous demande pardon pour ces tenues impudiques sur les plages
et ailleurs où les hommes, les femmes et les enfants manquent aux lois les plus
élémentaires de la modestie, non seulement chrétienne, mais même
humaine…
Son cœur est ouvert… les Saints aimaient à se retrouver dans cette grotte
qu'ils appelaient la grotte de l'amour pour échapper à toutes les misères du
monde…
Seigneur, par votre cœur transpercé, nous vous demandons pardon pour tant
de fois que nous avons vendu notre cœur à des amours misérables.… Oui,
Seigneur, nous vous demandons pardon pour tout cela et vous, Sainte Vierge
Marie, prenez-nous sous votre protection et nous repartirons avec courage,
parce que nous comptons qu'avec votre intercession – notre chapelet, nos
prières et les Sacrements de pénitence et d'Eucharistie, nous aurons un jour la
grâce de parvenir à l'éternelle félicité et, après être enfin sortis de nos
tombeaux, de pouvoir contempler les Saintes Plaies de Notre-Seigneur,
brillantes comme des soleils, dans votre splendeur à vous, Reine de la Terre et
du Ciel, dans la lumière éternelle du Père, du Fils et du St Esprit - Amen.
Tous ensemble, nous récitons l'acte de consécration à Marie, page 252 :
En présence de Dieu tout-puissant Père, Fils et St Esprit et en prenant à témoin
le Ciel et la Terre, je déclare solennellement que moi ……… très librement et
de tout l'élan de mon cœur, reconnais aujourd'hui l'Immaculée Vierge Marie
pour ma Mère et ma Souveraine.
Et par la profonde et émouvante opération, que produisit dans son Cœur très
pur, la parole efficace du Verbe tout-puissant son fils Jésus, quand sur le point
de mourir, Il la fit notre Mère et nous la donna comme telle en la personne de
l'Apôtre Jean sur le Calvaire, par l'ineffable affliction de son âme tout innocente,
tandis qu'elle contemplait le Corps inanimé du Sauveur, les blessures cruelles
qui le couvraient de la tête aux pieds et particulièrement les cinq plaies des
mains, des pieds et du côté; je la supplie, malgré ma misère et mes péchés, de
daigner me reconnaître pour son enfant et de me recevoir avec bonté pour son
serviteur et esclave volontaire et perpétuel.
J'offre ici à la Bienheureuse Trinité les plus ardentes actions de grâce pour tous
les dons et prérogatives qu'Elle a daigné octroyer à Marie et je demande à Dieu
qu'Elle soit glorifiée pleinement dans l'Univers.
Dès maintenant donc, et pour toujours, je Vous consacre, ô Marie ma très
Sainte Mère, mon cœur, mon âme, tout ce que je suis, et tout ce qui
m'appartient, et je prends l'engagement et jure solennellement de défendre
votre honneur sans m'exposer jamais à porter atteinte à votre Gloire.
Je me confie enfin en votre protection et me jette en votre cœur très pur de
Mère de Dieu, modèle très saint et très parfait dans lequel je veux mouler et
former le mien. Et je vous demande et vous supplie de m'accorder votre esprit
pour aimer et révérer Jésus, mon Rédempteur et mon divin Roi, pour le suivre
et L'imiter aussi parfaitement que possible avec votre persévérante et héroïque
fidélité jusqu'à la fin de ma vie.
Mère, voici votre fils, Montrez que vous êtes ma Mère.
*******
N° 24
RÉSURRECTION DE NOTRE-SEIGNEUR :
JÉSUS AUX LIMBES - APPARITION A MARIE
,,Si nous sommes morts avec le Christ, avec Lui nous vivrons; si nous
persévérons, avec Lui nous régnerons, mais si nous le renions, Lui nous
reniera; si nous sommes infidèles, Lui, qui ne peut se contredire, restera fidèle”
(II de la 2ème à Timothée). St Paul nous dit encore au 3 de sa lettre aux
Colossiens : ,,Ne cherchez plus que les choses d'en-haut où le Christ est assis
à la droite de Dieu; n'ayez plus de goût que pour les choses d'en-haut et non
pour celles de la terre”… et il ajoute dans son épître aux Romains : ,,toutes les
peines de la terre n'ont pas de comparaison avec la gloire qui nous attend dans
le Ciel”.
Mes chers amis, St Ignace ne veut pas que nous quittions notre retraite sans
avoir contemplé le Christ ressuscité… Nous avons étudié le but de la vie et
compris que tout est un moyen pour nous sauver, que tout concourt à faire
notre salut si nous ne nous détournons pas de Dieu; nous avons donc pleuré
nos péchés; nous nous sommes réconciliés avec le Seigneur en promettant de
prendre le chemin du salut : ce chemin, c'est Lui, c'est Notre-Seigneur Jésus-
Christ! Nous avons vu ses exemples et compris dans la méditation des Deux
étendards que sa doctrine est à l'opposé de l'esprit du monde, qu'il y a entre
elle et cet esprit une opposition irréductible, fondamentale! Nous avons vu
ensuite en vivant la Passion qu'Il nous a aimés jusqu'à la mort, et jusqu'à la
mort de la Croix.
Nous pourrions en terminer là, mais St Ignace sait très bien que la Croix nous
fait encore peur… savez-vous pourquoi ?… Parce que nous ne connaissons
pas encore bien Notre-Seigneur, car si nous le connaissions vraiment bien, elle
ne nous ferait plus peur du tout. St Augustin a écrit : ,,UBI AMATUR NON
LABORATUR, AUT SI LABORATUR ET LABOR AMATUR – Quand on aime, il
n'y a pas de peine, ou s'il y a de la peine, on aime même cette peine” : voilà par
exemple un jeune homme qui aime bien sa maman; il est heureux, n'est-il pas
vrai, de faire quelques dépenses pour elle, d'entamer ses économies pour lui
faire un cadeau le jour de sa fête afin de lui faire plaisir; s'il arrivait qu'elle soit
très malade et qu'il faille la veiller, peut-être s'endetter pour la soigner, ce jeune
homme ne laisserait sa place à personne pour montrer son amour à sa maman,
c'est que, quand on aime, il n'y a pas de peine, ou s'il y a de la peine, on aime
même cette peine! Pour le Bon Dieu, c'est pareil, quand on l'aime bien, il n'y a
pas de peine; si nous aimons bien Notre-Seigneur, nous serons heureux de
faire quelques sacrifices… Si un jour Il nous en demandait un de grand, un
sacrifice qui vous coûte vraiment, quelle chance, Messieurs!…
Mais est-ce que je ne regretterai pas de m'être donné à Dieu ?… Si par hasard
je me trompais ?
Si vous vous trompiez ? Quelle chance de vous tromper ainsi… La petite
bergère, qui avait épousé un jeune homme qu'elle ne connaissait pas trop,
n'avait pas si mal choisi que ça puisque c'était le grand roi, et, sans le vouloir,
elle était devenue une grande reine! Pour une fois qu'elle s'était trompée, ce
n'était pas trop mal!… et vous, si vous vous donnez par erreur au Bon Dieu, ce
ne sera pas très mal non plus, et au jour du Jugement, vous pourrez vous
écrier : ,,Je me suis donné par erreur à vous, mon Dieu, mais enfin, je me suis
donné quand même!”.. Oui, les peines de la Terre n'ont pas de comparaison
avec la gloire qui nous attend là-haut… voilà ce qu'il faut bien comprendre dans
cette 4ème semaine; il faut que nous y découvrions deux choses :
PREMIÈREMENT : qu'Il est Dieu…
Son corps est resté pendu à la Croix au grand triomphe de ses ennemis. A ce
moment-là, mais trop tard peux eux, les démons se sont aperçus qu'en excitant
les ennemis et les bourreaux de Notre-Seigneur, ils avaient collaboré à notre
rédemption! Ste Thérèse d'Avila nous dit que s'ils avaient pu se cacher au-
dessous de l'Enfer, ils l'auraient fait, car c'est bien Notre-Seigneur qui est
vainqueur : Il a vaincu le péché, Il nous a rachetés, Il est Dieu!… Il nous l'a
montré toute sa vie, Il nous l'a montré par sa mort, mais Il va nous le montrer
surtout par sa résurrection.
La résurrection de Notre-Seigneur est à la base même de notre Foi. Elle est le
résumé de toutes les prophéties et de tous les miracles; c'est aussi
l'accomplissement de ce que Jésus avait annoncé à son sujet; c'est également
le miracle des miracles, le miracle unique, exceptionnel, extraordinaire; comme
nous allons le voir plus loin, la résurrection de Notre-Seigneur ne fait aucun
doute dans sa matérialité, dans son historicité et St Paul pourra dire, dans le
chapitre 15ème de la première aux Corinthiens ; ,,Si le Christ n'est pas
ressuscité, alors notre foi est vaine et nous sommes les plus malheureux de
tous les hommes, mais le Christ est vraiment ressuscité, prémice de tous ceux
qui mourront et qui ressusciteront”…
La 4ème semaine des exercices, en nous faisant contempler la résurrection,
doit augmenter notre Foi en Notre-Seigneur. Il se décèle actuellement un néo-
arianisme qui "déboussole" beaucoup de gens et leur fait perdre la foi, alors
que tout rentrerait dans l'ordre s'il en était autrement, demandons une grande
foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ… St Jean Baptiste disait : ,,Le Père aime le
Fils et a mis toutes les choses entre ses mains; celui qui croit au Fils aura la
Vie Éternelle et celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la Vie et la colère de
Dieu restera sur lui éternellement”. St Jean l'apôtre, dans sa première épître
nous dit : ,,Si quelqu'un croit que Jésus est le fils de Dieu, celui-là Dieu est en
lui et lui est en Dieu”; il ajoute un peu plus loin ; ,,quelle est la victoire qui a
vaincu le monde si ce n'est notre foi ?”. Demandons donc une grande foi en la
divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ…
DEUXIÈMEMENT : Nous devons découvrir dans cette quatrième semaine
combien le cœur de Jésus est bon.
Mes chers amis, il ne faut pas partir de votre retraite sans croire au Sacré-
Cœur, sans être persuadés de la bonté inépuisable du Cœur de Jésus et de
ses attentions pour nous! Jésus n'a pas voulu monter au Ciel tout de suite
comme il semble qu'Il aurait dû le faire après sa mort ou du moins après sa
résurrection!
Pourquoi ? Eh bien parce qu'Il n'a pas eu le courage (si je puis ainsi parler) de
quitter la Terre sans aller consoler tous ses amis, tous ceux qui avaient fait
quelque chose pour Lui…
Nous pouvons imaginer que les Anges l'attendaient et préparaient au Christ
vainqueur une formidable réception!
Non!… Il fera attendre les Anges 40 jours afin qu'Il puisse affermir ses amis et
les consoler.
Alors, si vous êtes de ses amis, n'ayez pas peur! Il récompense toujours ceux
qui travaillent pour Lui… Le Père Romagnan a une jolie histoire qui me plaît
beaucoup parce qu'elle fait bien comprendre l'esprit de la 4ème semaine, la
grâce que nous devons retirer cette dernière semaine :… Le Père Romagnan
est une vocation tardive et, à l'époque, il gagnait 120 à 150 frs par… mois, pas
par jour… Un lundi matin, il arrive au bureau où un camarade qui était là était
de fort méchante humeur :
Hé, qu'est-ce que tu as ? Qu'est-ce qui t'arrive ?
M'en parle pas, je suis allé aux courses hier…
Et tu as perdu ?
Non, non, j'ai gagné, j'ai gagné 1'000 francs! – Pour quelqu'un qui gagnait dans
les 150 francs par mois, cela n'était pas trop mal, n'est-il pas vrai ?
Comment ? Tu n'es pas content d'avoir gagné 1'000 francs, qu'est-ce qu'il te
faut donc ?
Et l'autre de lui dire :
Hier, si au lieu de miser cent sous, j'avais misé mille francs, tu ne vois pas ce
que j'aurais aujourd'hui ?… Il était furieux de n'avoir misé que cent sous… Eh
bien, pour nous, ce sera pareil! : Quand nous verrons avec quelle munificence
Notre-Seigneur récompensera tout ce qu'on aura fait pour Lui, nous serons
navrés de ne pas en avoir fait davantage… Mais si j'avais su Seigneur, je
serais venu communier tous les jours!… j'aurais fait telle mortification!… j'aurais
entrepris telle chose!… Pourquoi ne pas m'avoir envoyé de plus grandes
peines pour gagner plus de mérites ?… 
Pourtant, il y a une différence entre l'histoire du petit jeune homme du Père
Romagnan et la nôtre : c'est que si ce bonhomme avait misé 1'000 francs au
lieu de cent sous, peut-être les aurait-il perdus, c'est pour cela que,
prudemment, il s'en est tenu à ses cent sous, mais nous autres, si nous misons
les 1'000 francs, c'est-à-dire tout ce dont nous pouvons disposer en capital de
bonne volonté, nous sommes sûrs de gagner et pourquoi ?… Eh bien, parce
qu'Il est Dieu!… Si nous misons sur Lui (que Notre-Seigneur me pardonne cette
comparaison), si nous misons sur Lui, nous sommes sûrs de gagner parce qu'Il
est Dieu!… Oui, il faut que vous vous pénétriez de ce que Notre-Seigneur est le
Sacré-Cœur! Dans nos peines, je dirai qu'Il agit comme une maman; Il ne
voudra pas que nous en ayons trop et Il sera toujours là pour nous consoler
avec une grande délicatesse, mais dans tous les exemples qu'Il nous donne,
vous constaterez deux choses :
D'abord, Il réveille la foi! Là, Notre-Seigneur est intransigeant; vous
remarquerez en effet qu'Il n'apparaîtra à personne sans avoir au préalable
réveillé sa Foi s'il l'avait perdue : aux Saintes Femmes par l'intermédiaire des
anges; à ses disciples sur le chemin d'Emmaüs, à Pierre, à Thomas même…
Oui, le cœur de Jésus ne vous oubliera pas si vous êtes généreux avec Lui,
mais à condition que vous ayez une grande foi en Lui… Nous l'avons vu au
moment où Il a annoncé l'Eucharistie : on est perdu si l'on ne croit pas… Jésus
ne donne et n'a pas à donner des explications… la veille, Il avait multiplié les
pains, marché sur les eaux, calmé la tempête, donc pas d'explications, cela
devait suffire… Jésus exige la Foi et sans la Foi, nous confirme St Paul, il est
impossible de plaire à Dieu. Ne l'oublions pas. En cette 4ème semaine,
demandons avec ferveur une grande foi, car ne pas regarder Notre-Seigneur
comme Dieu tout bon et tout puissant est une grande injure à son égard…
Ensuite .: les visites de Jésus sont courtes ici-bas, mais elles laissent l'âme de
ceux qui en sont l'objet pleine de force et de joie. Toutefois, ne l'oublions pas, le
face à face éternel, ce n'est qu'au Ciel que nous l'aurons!
-------
Nous allons maintenant faire la première contemplation de la Résurrection dont
le thème est à la page 405.
Premier préambule, l'histoire : ,,Comment, après que le Christ eût expiré sur la
Croix son corps resta séparé de son âme, quoique uni toujours à la divinité;
comment son âme bienheureuse, unie aussi à la divinité, descendit aux enfers,
délivra les âmes des justes et revint au Sépulcre où Il ressuscita et apparut à
Sa mère bénie en corps et âme”.
Deuxième préambule, la composition visuelle du lieu : ,,Ce sera de voir la
disposition du Saint Sépulcre et la maison de Notre-Dame en la regardant dans
le concret”.
Troisième préambule, demander ce que je veux obtenir : ,,Ce sera ici de
demander la grâce nécessaire pour éprouver joie et contentement intenses de
tant de gloire et de joie qu'expérimente Notre-Seigneur”.
Cette joie et cette confiance, je viens de vous en parler, c'est en bref celle du
chrétien qui a compris le sens unique de la vie, qui sait où il va, et qui sait que
rien de ((( ?? ne))) lui manquera…
1, 2, 3 points (n° 222) où nous faisons intervenir dans notre contemplation,
comme à l'accoutumée, les personnes, les paroles, les actions.
4 point : Considérer comment la divinité, qui paraissait se cacher durant la
Passion, paraît et se montre maintenant d'une manière aussi miraculeuse en la
Très Sainte résurrection par ses vrais et très Saints effets.
Pendant sa vie publique, Notre-Seigneur a fait beaucoup de miracles, pas ceux
qu'on lui demandait, mais ceux qu'Il a voulu réaliser… mais Il a fait surtout des
miracles pendant sa résurrection.
Notre-Seigneur Jésus-Christ avait dit aux Juifs : ,,Scrutez les écritures dans
lesquelles vous prétendez trouver la vérité, elles sont remplies de moi”.
Maintenant que les prophéties ont été réalisées, Il aurait pu monter au Ciel
mais Il est resté pour son office de consolateur et pour prouver à ses disciples
d'abord, à tous les siècles ensuite – St Luc nous le dit – "in multis argumentis
– par de nombreux signes", la réalité de sa Résurrection.
Vous comprenez aisément, mes chers Messieurs, que la Résurrection est le
pilier, la partie maîtresse de notre Foi! C'est là-dessus que St Paul basait toute
sa prédication. A certains Corinthiens qui la niaient, il les traitait de fous et disait
: ,,Si Jésus-Christ n'est pas ressuscité, vous ne ressusciterez pas non plus,
notre prédication est vaine et notre Foi est vaine aussi”… Si Jésus n'est pas
ressuscité, il est absurde que nous nous privions, que nous nous mortifions
pour réaliser le plan de Dieu, et, après St Paul, après les Apôtres, tous ont
basé leur prédication sur la résurrection, sur le miracle des miracles, car jamais
l'on avait pu voir un homme dire à l'avance : ,,Tuez-moi et après trois jours je
ressusciterai”!… Un des Consuls, en la période du Consulat en France au 18e
siècle, s'appelait Larevellière-Lepeaux et il avait fait le projet, pour remplacer la
religion catholique, de fonder une nouvelle religion, non avec Jésus-Christ,
mais avec un Être suprême… Napoléon le rencontra un jour dans une
cérémonie officielle .:
Alors, cette religion ? … Ça marche ?
Heu! pas trop, Sire!
Je vais vous donner un conseil; eh bien, mon cher Larevellière, faites vous
tuer… on vous enterre… et le troisième jour, vous sortez vivant, vous aurez
alors quelque chance de réussite!…
Eh oui, les Apôtres, tous les grands docteurs ont appuyé leur prédication sur la
résurrection, la base de notre foi… et nous verrons tout à l'heure l'objection
idiote de Caïphe essayant de nier le fait… A notre époque, les négateurs sont
beaucoup plus malins que Caïphe, le Diable aussi le devient et s'affine au
cours des siècles… Vous savez qu'il y a un peu plus de cent ans, Frédéric
Strauss, professeur d'écriture et d'Histoire Sainte à Tubingue et à Berlin, qui fut
un disciple d'HEGEL et à son tour professeur de Karl Marx, lança en 1837 sa
"Vie de Jésus" où il considère l'histoire évangélique comme un mythe et où il
fait la grande distinction entre le Christ historique et le Christ mythique .: il
semble bien, disait-il, qu'il y a 1900 ans il y eut un homme Galiléen, en avance
sur son temps, plein d'idées sublimes, très belles mais utopiques et invivables,
qui parla aux juifs, peuple très religieux, se disant le Messie attendu, etc… mais
comme il représentait un danger pour la paix publique, le procurateur romain,
dans le devoir de ses fonctions, l'a éliminé, nous savons comment. Mais il avait
des disciples qui n'ont pas pu se faire à sa mort et qui l'ont ressuscité par
l'imagination, pauvres hommes démunis de tout sens critique, pêcheurs du lac
de Tibériade qu'ils étaient… Donc, à entendre Frédéric Strauss, on peut penser
que sur le lac, comme il y a parfois du brouillard, l'un d'eux, un jour, a cru voir le
Christ : C'est Jésus… c'est Jésus… tu ne vois pas là ? C'est lui, Jésus,
regarde… regarde!…
Ah, oui, peut-être, tu as raison…
J'ai assisté un jour à une séance d'hallucination collective dans un cinéma avec
des jeunes gens qui étaient là pour s'amuser. Il y avait un bonhomme avec des
flacons de diverses couleurs sur la table, disant qu'il venait faire des études sur
la propagation des odeurs, alors il expliquait son truc : ,,J'ouvre un flacon
d'essence de rose… Vous sentez la rose, Monsieur ? Non, vraiment ?… Et
maintenant ?… Comment, pas encore ?… vous n'êtes pas enrhumé au moins,
Monsieur ?… Ah! vous sentez, vous ? Très bien, cela commence à venir… Et
vous, Monsieur ?…
Oui, je sens la rose!…
Notez… secrétaire… et au bout d'un moment, tout le monde sentait la rose!…
On aérait, on fermait le flacon, on passait au second flacon couleur jaunâtre,
d'essence d'oignon…
Vous sentez l'oignon, Monsieur ?… Non, pas encore ? bizarre!… et vous,
Monsieur ?… Non plus ? mais avez-vous un nez normal, Monsieur ?…
Ah, oui, je commence à sentir… et bientôt, tout le monde sentait l'oignon.
Bien… Inutile de préciser que dans chacun des flacons, il n'y avait que de l'eau,
mais voyez comme c'est très psychologique… comment ? lui sent la rose, mais
moi aussi j'ai un nez comme tout le monde, moi aussi je sens la rose!…
…c'est de la psychologie – j'allais dire infantile – et Strauss s'appuie là-dessus,
il y en a un qui a cru voir le Christ .: ,,C'est Jésus, c'est Jésus!” et tout le monde
a suivi! Nul doute, hallucination collective de pauvres gens n'ayant aucun sens
critique .: Voilà, d'après Strauss, la naissance du Christianisme : comme
évidemment, ils avaient à faire à un être divin, après l'avoir ainsi ressuscité par
l'imagination, comme un être divin est tenu de faire des merveilles, ils lui ont
ajouté des miracles; puis ils ont formé d'autres disciples; puis chaque
génération chrétienne a ajouté de nouveaux miracles et enfin on écrit les
évangiles trois siècles plus tard!… le Christ historique a disparu; ce sont les
superfétations ajoutées par les générations chrétiennes au cours des 3
premiers siècles qui permettent alors d'écrire la vie du Christ, par (((pas ? ))) la
vie historique, mais celle d'un Christ mythique sortie de l'imagination… C'est ça
la thèse de Strauss, évidemment schématique, mais cela revient à ça, à ce
simplisme effarant!. heureusement que notre christianisme n'est pas à la
remorque des élucubrations de M. Strauss!…
Cette thèse a été reprise par les autres, mais en la modifiant chaque fois pour
faire un peu de "personnel"; elle a été reprise d'abord par d'autres allemands :
Reuss, Bauer, en France par Ernest Renan et à sa suite ceux qu'on a appelé
"Les Modernistes", par Sabatier, Reville, Loisy, par Tyrrel (anglais) en Italie par
Fogazzaro, etc… mais il y a une trentaine d'années, juste avant la dernière
guerre, un professeur de l'institut catholique de Lyon, très bon théologien, M.
l'Abbé Lepin, s'est amusé (on peut dire) à faire une très belle thèse sur la
résurrection du Christ qu'il a appelée "le Problème de Jésus", édité chez
Grasset, dans laquelle il rappelle la thèse de ces messieurs, en commençant
par celle de Strauss. Remarquez que tous ces gens que j'ai cités sont tous des
érudits, mais ils ont un gros défaut… ils sont trop… humbles! et tous, au
moment d'écrire leur thèse disent : ,,Avant moi, on n'a rien compris au
problème; et de montrer alors les défauts présentés par les thèses des
prédécesseurs, par exemple en montrant qu'ils ont faussé des textes et en
décelant des contradictions et des absurdités. La conclusion en est que ces
prédécesseurs n'ont rien compris au problème et que si on les suit, on est
obligé par raison à en venir à l'Église Catholique; donc, il ne faut pas les
suivre : la vraie thèse, c'est la mienne, il n'y a que moi qui comprenne le
problème!… Puis il arrive au suivant qui, à peu de chose près, tient le même
raisonnement : ,,Mon prédécesseur lui aussi fausse des textes et dit des
absurdités : non! non! la vraie thèse, c'est la mienne!”.
Et M. l'Abbé Lepin de se contenter de mettre ces diverses thèses les unes à
côté des autres, thèses qui se contredisent entre elles, et de conclure qu'au
vingtième siècle, 130 ans après la thèse de Strauss, on ne peut pas échapper à
la résurrection sans tomber dans des absurdités et sans fausser des textes.
C'est très subtil comme thèse, vous voyez, que de montrer simplement les
contradictions qu'ont entre elles les thèses de tous les négateurs de la
résurrection!
Eh oui, mes chers Messieurs, multis argumentis!… Ne craignons pas!
Lorsqu'on voit les imbécillités sur lesquelles certains savants appuient leurs
croyances!… L'évolution par exemple dont on nous a tant rabattu les oreilles…
mais c'est très mystérieux cela! Il y a dans l'évolution des choses très
curieuses, mais il n'y a rien de moins prouvé que l'évolution généralisée!… Le
Pape Pie XII – c'était quand même une tête, hein ? – devait rappeler aux
savants la probité scientifique qui leur interdisait de présenter comme vérités,
au sujet de l'origine des espèces, des choses qui ne sont qu'hypothétiques et à
chaque instant contredites par des découvertes nouvelles!… Alors, ils
s'installent là-dessus, n'est-ce pas, et affirment sans aucune preuve,… ah, non!
… Lorsqu'on lit les histoires du pithécanthrope, du cinamthrope, de
l'asthrolopithèque… Ah! ça vous fait rire quoi!!… ce savant anglais qui est allé à
Johannesburg, en Afrique du Sud, biologue qu'il était, pour faire des
recherches, convaincu d'avance qu'il trouverait là les origines de l'homme!… et
puis un jour un instituteur a vu un gamin qui avait trouvé des dents et quelques
parties d'un squelette, alors avec 3 dents et un morceau de crâne que le gosse
lui a donnés, il a monté toute la théorie de l'asthrolopithèque, exactement
comme avait fait Dubois, le médecin hollandais qui s'était, lui, rendu à Java
pour y découvrir la même origine : même chose, dans une rivière, il a trouvé lui
aussi 3 dents parmi lesquelles une canine simiesque et un petit morceau de
front, le même truc que le précédent, et il a bâti avec l'histoire du
pithécanthrope, comme a fait aussi pour le cinamthrope un de nos religieux,
soi-disant biologue éminent, en lançant en France cette histoire de l'Alson… En
1917, en pleine guerre, un certain M. d'Alson, professeur anglais de biologie,
avait découvert au Pays de Galles des parties d'un squelette, un crâne surtout,
qui avait la capacité normale de celui de l'homme – 1400 cm, une mâchoire
vraiment simiesque avec des canines qui trouaient la mâchoire supérieure. Il y
eut beaucoup de remous à ce moment-là devant ce qu'on appelait "l'homme de
Piltdow", pas mal de bagarres, dans les revues surtout. Vialleton, un très grand
biologue de Montpellier, conclut que ces gens-là se "fichaient" de nous, mais ce
religieux biologue se rendit en Angleterre et publia dans des revues françaises
que c'était vraiment sérieux car on avait là un intermédiaire entre le singe et
l'homme! La chose 'est ensuite installée et on la retrouve dans tous les anciens
manuels de biologie. De plus, au British Museum, on voyait exposé le fameux
crâne de Piltdow avec sa mâchoire simiesque. Bien!
Malheureusement pour ce crâne et tout ce qu'on avait écrit à son sujet, en
1953/1954 a été découvert le test du fluor; or l'application du fluor à des os
fossiles permet de déceler à peu de choses près, par leur teneur en phosphore,
leur ancienneté… C'est ainsi que dès qu'ils en furent munis, les savants
Anglais l'appliquèrent évidemment au crâne en question… Catastrophe!… le
crâne remontait à environ 5'000 ans, mais la mâchoire remontait à quelques
années à peine… à ce moment-là, on découvrit que la mâchoire supérieure
avait été limée pour le passage des canines, oui, limée!… et on avait limé aussi
ce qu'on appelle le Squamosal pour que ça s'adapte bien. Un truquage, quoi!…
C'était notre biologue d'Alson qui voulait se donner un nom dans la biologie! Et
il n'y a pas que celui-là, de truquage! Lorsqu'on voit ces gens-là s'appuyer sur
des données aussi incertaines pour échafauder des théories qui ne sont que
des hypothèses et les présenter comme étant la vérité, ah! non, pardon! relisez
donc l'encyclique Humani Generis du Pape Pie XII : ,,on ne doit pas imposer
comme vérité dans des manuels ce qui n'est qu'hypothèse”.
Qu'est-ce que c'est aussi que cette histoire de la naissance de la vie avec la
matière ?… Pasteur n'a-t-il pas établi que la loi en biologie c'est que le vivant
vient vivant ? Jamais on n'a vu la matière produire la vie; on l'oublie cela, et
c'est curieux comme les gens deviennent crédules à ces théories absurdes qui
n'ont d'autre but que de miner les bases mêmes de la Genèse et de
l'Évangile… Il y a quelqu'un qui trafique derrière, et vous devinez qui ?
Lorsqu'on voit les fausses raisons sur lesquelles ces savants s'appuient pour
faire admettre leurs points de vue il y a de quoi pleurer, c'est effarant!
N'oublions pas que le démon essaye de nous tromper par là, nous le
constatons dans l'expérience de notre ministère : combien d'étudiants qui
perdent la Foi par ces imbécillités, encore une fois, c'est à pleurer!… 
Oui, Notre-Seigneur se montre "in multis argumentis", et ces signes valent non
seulement pour les apôtres qui sont autour de Lui, mais ils valent encore pour
tous les siècles; ils valent pour le nôtre, c'est la Puissance de Dieu cela; on ne
peut pas au 20e siècle, échapper à la thèse de M. l'Abbé Lepin au sujet de la
résurrection sans tomber dans l'absurdité ou sans fausser les textes…
5 Point : ,,Examiner l'office de consolateur que Jésus-Christ Notre-Seigneur
remplit, le comparant à la manière dont des amis ont coutume de consoler des
amis”.
Notre-Seigneur va descendre aux Enfers. Nous le récitons dans le "Je crois en
Dieu"; il ne s'agit pas là de l'enfer des damnés, non,… les anciens appelaient
les Enfers ce que nous appelons l'au-delà, ou plus exactement les Limbes que
les Juifs appelaient aussi "le sein d'Abraham", le père du peuple de Dieu. Il y
avait là tous les Justes de l'Ancien Testament qui ne pouvaient entrer au ciel
avant que celui-ci ne fut ouvert par la Rédemption.
L'âme de Notre-Seigneur, unie à la Divinité est restée avec eux pendant 30
heures environ. De quoi ont-ils pu s'entretenir ? On ne peut qu'imaginer ce
mystère, mais je présume que Notre-Seigneur a dû consoler ces âmes en leur
racontant toutes les péripéties de la Rédemption, leur rappelant le passé, ce
que Dieu a fait pour les hommes par l'intermédiaire de son Fils; un rappel des
périodes géologiques et puis, dès que la Terre fut prête, Adam et Eue :…
d'après la tradition, ayant fait pénitence, ils ont été sauvés et ils étaient là, je
me les imagine pas trop fiers après tout ce qu'ils avaient fait… et puis tous les
grands patriarches… Noé… il mit cent ans à construire un paquebot grand
comme la (((le ?))) Normandie, à 300 km de la mer et en pleine montagne; ce
qu'il dût en avaler des couleuvres! ,,Tu n'es pas fou, hein! de faire un bateau
ici ?”.
C'est Dieu qui me l'a dit et vous, si vous reniez la Foi, Il vous démolira…
Mais eux continuaient à bien vivre et à se dissiper tandis que Noé continuait
son arche malgré les sarcasmes, les soucis, c'est qu'il n'y avait pas de scie
mécanique à l'époque… Mais un jour Noé eut raison : le déluge arriva…
Il y avait aussi Abraham, le père des croyants, Isaac, Jacob, mais je ne sais si
l'on pourrait affirmer que ses 12 fils étaient là, c'est qu'on ne badine pas avec la
loi du Seigneur… il y avait aussi Moïse, celui qui parlait de bouche à oreille
avec Dieu… Josué - Gédéon, les Juges, Samuel - David; ils sont tous là… les
grands prophètes aussi sont là, tous ces modèles de vie exemplaire. En effet,
ce n'était pas amusant d'être prophète… le grand Elisée disait : ,,laissez-moi
mourir, Seigneur, je suis tout seul à ne pas avoir ployé les genoux devant Baal”
et Dieu de lui dire : ,,Non, tu n'es pas seul, vous êtes encore 7'000, et 7'000,
voyez, c'était le petit nombre, mais enfin il y en avait beaucoup plus que ce qu'il
croyait : il y avait aussi Isaïe qui s'entendait dire, lorsqu'il prêchait de la part de
Dieu : ,,dis-nous donc des choses qui nous plaisent, regarde donc ceux de
Baal, ils sont intelligents eux! ils nous disent des choses plaisantes mais Isaïe,
lui, disait ce que Dieu lui ordonnait de prêcher et ça, ça ne fait pas plaisir, aussi
un jour les gens l'attrapèrent, attachèrent chaque jambe à une branche et on lui
scia le corps avec une scie en bois, dites-moi, c'était pas amusant, hein ? et le
pauvre Jérémie ? : Dieu l'envoyait au Roi pour lui dire que ce n'était pas
comme cela qu'il fallait agir et que s'il ne se convertissait pas, ce n'était pas les
chevaux d'Égypte ou les chars des Assyriens qui le sauveraient, mais que
Nabuchodonosor viendrait et tuerait devant lui sa femme et ses enfants, lui
crèverait les yeux pour qu'il reste sur cette vision, après quoi il l'emmènerait à
Babylone pour lui servir d'escabeau chaque fois qu'il monterait à cheval…
quand Jérémie avait dit ça, le roi en avait les entrailles remuées mais cela ne
faisait pas l'affaire des ministres de voir le roi écouter Jérémie, alors chaque
fois qu'ils le voyaient revenir, ils s'emparaient de lui et le mettaient, vous ne
savez pas où ?… dans les égouts du château!…
Il y avait aussi tous ces saints inconnus de l'Ancien Testament : voyez-vous,
nous avons, nous, notre sainte religion avec la connaissance de l'histoire et des
miracles de Notre-Seigneur et de ceux qu'Il continue à faire dans son Église…
nous, c'est facile… mais à l'époque, on se passait la Foi dans les familles de
père en fils… de siècle en siècle, Dieu envoyait un prophète; on voyait ce qu'on
voyait : quelques miracles parfois, mais on vivait dans un milieu épouvantable
de païens… ce qui se passait dans ces fêtes religieuses païennes, dans ces
Bacchanales, dans ces Saturnales, sur ces haut-lieux, on n'ose pas et on ne
doit pas le raconter, aussi la véritable histoire des religions est-elle la plus
grande preuve de la divinité de la religion chrétienne, laquelle n'a pas
commencé il y a 2'000 ans, mais a commencé au paradis terrestre!… : Jésus a
été attendu et on avait la foi en un Messie; ceux qui avaient cette foi étaient en
butte à ceux qui ne l'avaient pas!
Viens donc avec ta femme et ta fille, on va "rigoler" en ce haut-lieu…
Non, nous n'y allons pas…
Comment ? Vous pratiquez la chasteté, vous ? Vous croyez au fameux
Messie ? Depuis qu'on en parle ? Vous êtes bien bêtes, nous autres nous
profitons de la vie…
Mais eux conservaient la Foi, ils résistaient, et à leur mort ils allaient dans les
Limbes attendre que le Ciel leur fut ouvert: St Paul au chapitre IIe de l'épître
aux Hébreux, a un passage extraordinaire sur la Foi … chaque verset
commence par ce mot "Fide - par la Foi", c'est par la Foi que Noé… c'est par la
Foi qu'Abraham… c'est par la Foi qu'Isaac… c'est par la Foi que les prophètes
ont souffert… c'est par la Foi qu'ils ont été persécutés… qu'ils se terraient dans
les montagnes, etc… Ils n'avaient pas encore dans les Limbes leur
récompense, mais ils attendaient avec impatience la venue du Sauveur.
Il y avait aussi des Justes plus récents qui avaient raconté ce qui se passait sur
la Terre : la grand-maman Ste Anne, St Joachim, St Zacharie, Ste Elisabeth, le
grand St Joseph lui-même qu'on avait pu féliciter de son rôle de choix; St Jean
Baptiste, depuis quelques semaines à peine à qui Hérode avait fait couper le
cou… il y avait aussi les Saints Innocents…
Vous pouvez vous représenter cette scène et voir subitement les Limbes
s'illuminer : c'est l'âme de Notre-Seigneur arrivant à son tour, transportant
d'allégresse toutes ces âmes, cette Joie indicible, ces alléluia sans fin… et
Notre-Seigneur de leur raconter ce qu'ils ne savaient pas encore : l'institution
de la Très Sainte Eucharistie la veille au soir et la douloureuse Passion
racontée par Lui, la Passion que nous connaissons, celle qui est inscrite dans
les livres, oui, bien sûr, mais aussi celle que nous ne connaissons pas, inscrite
dans son cœur, la racontant comme Lui seul pouvait le faire, car cela reste
pour nous un mystère, le mystère de la Rédemption!… On peut s'imaginer les
questions que les Justes pouvaient poser à Notre-Seigneur :
Moïse : alors, ils t'ont bien reçu mes successeurs ?
… Oui, ils m'ont bien reçu, surtout Caïphe et les siens…
Malachie : Et ce fameux sacrifice, qui est-ce qui va l'offrir ?
… Mais, c'est Moi…
Et qu'est-ce que tu as offert ?…
: Eh bien, je me suis offert moi-même!…
Mais je ne comprends pas, comment pourra-t-on t'offrir tous les jours ?
: Mais c'est la Messe, cela!
Et Isaïe : Et qu'est-ce que c'est que le royaume que tu m'as fait annoncer ?… 
… C'est l'Église!…
Eh bien, ils en ont de la chance… et cet homme de douleur, qui est-ce ?…
… Mais c'est Moi!… 

Comme ils voient alors combien ils Lui ont coûté Voyez-les pleurer d'amour!
Mais, pendant ce temps, il y a quelqu'un qui se présente; alors un petit innocent
va vite à la porte et en voyant cette mine patibulaire : … Oh, Monsieur, vous
devez vous tromper, ce n'est pas ici, voyez aux autres portes, en Purgatoire ou
en Enfer…
Si, si, c'est bien ici, Il m'a promis de me recevoir aujourd'hui même!…
Laisse-le entrer, dit Jésus, c'est Dismas! le bon larron… celui-là, dit St
Augustin, il a été voleur deux fois : il a fait le métier de voleur toute sa vie et il
termine en volant le Ciel, et St Jean Chrysostome ajoute – pour un coup, il a
fait le métier de voleur honnêtement! oui, souviens-toi de moi quand tu seras
dans ton Royaume… qu'il est bon le Bon Dieu! il a beaucoup souffert, le bon
larron, regardez sa Joie maintenant, félicitez-le, pour la confiance qu'il doit nous
donner en la bonté de Jésus!…
Lorsque St Étienne parlait aux Juifs, lorsque St Paul arrivait devant les
nouvelles colonies juives, St Pierre également, toujours ils passaient ce
raccourci… ils rappelaient le passé pour accrocher avec le Nouveau
Testament. Oui, après l'ancien, le nouveau, et Notre-Seigneur a
vraisemblablement parlé à ces anciens de son Église; des richesses qu'Il va lui
donner, des sept sacrements, de l'infaillibilité du pape, de l'ordre, de la messe,
etc… Éblouissement de ces âmes devant la révélation, de cette richesse du
nouveau testament; imaginons-nous tous ces saints faisant des projets, eux qui
avaient tellement bagarré et souffert pour Dieu, estimant sans doute qu'avec
tant de moyens il était maintenant facile de se sauver, l'Enfer devenant inutile,
n'ayant plus besoin d'exister! Eh non, on ne peut pas fermer l'Enfer sans fermer
aussi le Ciel!… Jusqu'à la fin des temps, l'Enfer restera ouvert et il y aura hélas!
des gens qui toujours se damneront malgré tous les moyens mis en œuvre par
Notre-Seigneur pour les sauver! et c'est vrai, car nous restons libres, nous
restons libres de dire non à Dieu bien que cela nous paraisse insensé…
Étonnement de ces âmes devant cette révélation!…
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Mais sur la Terre ils font des bêtises : les Saintes Femmes s'affolent, Thomas a
perdu la Foi et a quitté le Cénacle : Jésus, Lui, est tenu par sa prédiction qu'Il
restera 3 jours et 3 nuits dans le séjour des morts : il va réduire ce délai à 36
heures : la soirée du Vendredi, la journée entière du Samedi et le début de
celle du Dimanche… Aux premières lueurs de l'aube de ce Dimanche de
Pâques, Il emmène toutes les âmes des Limbes au Tombeau. Il leur montre
son corps labouré par les fouets, ces plaies, la couronne d'épines, combien Il
lui en a coûté pour nous sauver! C'est là que Jésus va ressusciter et reprendre
son corps. Heureusement, car si la résurrection s'était faite plus tard, le docteur
Barbet, spécialiste du St Suaire, précise que la décomposition des aromates
aurait tout bloqué et empêché cette photographie naturelle du corps de Notre-
Seigneur dans le Saint Suaire, dont le développement, 18 siècles plus tard sera
un témoignage formel mettant fin aux controverses au sujet de la résurrection
du Christ en nous donnant la plus belle relique de sa Passion et la
photographie de ses traits.
Mais, pour bien comprendre ce qui va se passer, il faut revenir un peu en
arrière, au soir du Vendredi Saint, lors du triomphe de Caïphe après la mort de
Notre-Seigneur.
Nous pourrions nous l'imaginer dans sa maison de campagne buvant avec ses
amis le petit vin blanc de la victoire : On trinque, hein ? Ah! on l'a eu le Jésus!
j'ai bien eu peur en un moment donné, ce tremblement de terre, tout ça,
coïncidence!… mais enfin, on l'a eu, il est mort, on est tranquille maintenant.
Dommage! il aurait pu jouer un rôle de premier plan contre les romains, cet
homme-là, avec l'ascendant qu'il avait sur les foules, mais vous vous imaginez
les théories qu'il avait ?… Bienheureux les pauvres!… Heu, alors moi Caïphe,
j'ai mis quelque vingt ans à me ramasser mes millions et il aurait fallu que je me
débarrasse de mes sous pour faire plaisir à ce Monsieur ? Bienheureux les
pauvres ?… Ah, aussi, bienheureux les pacifiques! Qu'est-ce qui lui prend,
alors quand on vous marche sur le pied, il faudrait dire merci peut-être ?… Et
puis, bienheureux les cœurs purs!… celui-là encore, il n'y aurait plus moyen de
rigoler alors ? Bienheureux les cœurs purs!… Peuh… Enfin, on l'a eu,
trinquons!…
Mais, tout à coup, l'un des convives fait remarquer : Mais, mon cher Caïphe, tu
sais que plusieurs fois cet homme a dit qu'il allait sortir du tombeau 3 jours
après…
Sortir du tombeau ? Tu n'as pas vu ce qu'on lui a fait ? La flagellation, n'en
parlons pas, mais on lui a percé les mains et les pieds et puis – ce n'est pas
moi qui en ai donné l'ordre – il paraît qu'un Romain lui a transpercé avec sa
lance la poitrine et le cœur, tu te rends compte, et tu veux qu'il sorte du
tombeau maintenant ? T'es pas fou ? Cependant. cependant, comme il a des
amis qui seraient capables de prendre le corps, tu as raison, je vais avertir mon
cher ami Pilate pour qu'il y mette des gardes…
Mais Pilate commençait à en avoir assez de l'amitié de ces Messieurs. Pilate,
Caïphe, Hérode, 3 haines, un panier de crabes… alors le soir même Caïphe va
le trouver et lui explique la chose comme quoi le condamné avait dit que 3 jours
après il sortirait du tombeau…
Comment, il va sortir ?…
Non, il ne va pas sortir, Monsieur le Procurateur, mais il faut y mettre des
gardes car il a des amis qui pourraient enlever son corps et cette nouvelle
erreur serait pire que la première.
Mettre des gardes ? Pardon, pardon, Monsieur le Grand Prêtre, mais n'avez-
vous pas vous aussi des soldats à votre disposition pour la garde du Temple ?
Moi, j'en ai assez de vos histoires, mettez de vos soldats à vous, ce sera
beaucoup plus sûr, n'est-il pas vrai ?…
Et Caïphe est obligé d'utiliser ses propres soldats; il mande un jeune officier, lui
explique la chose et pas d'histoires… Vous prenez la garde dès ce soir: Au
fond, il n'y a rien à craindre, les disciples de ce Jésus sont terrorisés et
enfermés dans le Cénacle… Cependant, il faut obéir à la corvée et avec ses 10
soldats, ils vont au tombeau. Dans la nuit, rien à craindre; elle se passe
normalement, et puis, dans la journée du Samedi, ils tâchent de passer le
temps comme savent le faire tous les soldats du monde : on mange, on boit, on
joue aux cartes, on hurle de temps à autre, ils sont les mêmes partout…
Deuxième nuit… elle commence bien, mais aux premières lueurs, vers 4
heures du matin, catastrophe!…
Nous avions en effet laissé les âmes des Limbes en adoration éperdue dans le
tombeau de Notre-Seigneur. Son âme vient, dans la résurrection de reprendre
possession de son Corps qui devient un corps glorieux :
- doué de clarté : plus brillant que le soleil;
- doué d'immortalité : il ne peut plus mourir;
- doué d'impassibilité : il ne peut plus souffrir;
- doué de subtilité : il peut passer à travers la matière;
- doué d'agilité : il peut comme l'éclair se déplacer…
Alors tous les anges l'adorent, les 9 chœurs des anges en 3 hiérarchies et les
démons sont obligés de l'adorer aussi; malgré eux, ils ont collaboré à cette
rédemption! Mais Jésus ne veut pas ressusciter seul, beaucoup de corps de
l'Ancien Testament vont ressusciter pour prouver et annoncer la résurrection de
Jésus; on pense, quant à ces derniers, qu'ils ne sont pas morts à nouveau et
qu'ils sont entrés au Ciel en corps et en âme avec Notre-Seigneur le jour de
l'Ascension et que, parmi eux, devait se trouver Saint Joseph et très
vraisemblablement Saint Jean Baptiste…
Et à cette heure de la Résurrection, – les évangélistes n'expliquent pas la
chose, ils la montrent simplement avant et après – deux Anges vont pouvoir se
montrer aux soldats … l'un fera un petit tremblement de terre, ce qui est un
amusement pour lui, l'autre enverra balader l'énorme pierre qui fermait l'entrée
du tombeau et les gardes "FACTI SUNT VELUT MORTUI - Ils sont devenus
comme morts". Combien de temps durera leur prostration ? Peu importe, mais
quand ils sont revenus de leur stupeur, j'imagine qu'ils ont été incités à
déguerpir par un coup d'œil de l'ange… on dit que les rapaces, les aigles, les
faucons ont une acuité visuelle supérieure d'au moins 10 fois celle de l'homme
et si vous avez l'occasion, dans un zoo, d'être avec en tête à tête, ils ont un
regard vraiment troublant, alors, représentez-vous la puissance de regard d'un
esprit angélique prenant forme humaine, mais je pense que par pitié nos deux
Anges n'auront pas insisté… laissant la garde et l'officier s'en retourner à
Jérusalem! Il s'agissait maintenant de rendre compte au grand patron et
d'affronter sa colère… Caïphe se lève furieux d'être dérangé : l'officier rend
compte de sa mission manquée et laisse passer l'orage car Caïphe écume de
rage« l'officier lui, se voit perdu car on ne badinait pas avec le devoir non
accompli; un retournement se fait en lui et il lui crie : Écoutez, Monsieur le
Grand Prêtre, moi je veux bien me battre avec des hommes, mais pas avec des
lumières, et si vous êtes si malin, on va vous accompagner à 100 mètres, pas
plus loin, et puis, vous vous débrouillerez hein ?… Caïphe est pris, là, car il a le
témoignage de ses soldats : c'est qu'il a vu la résurrection de Lazare et il a
maintenant la preuve de celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, eh bien ce fou,
est imbécile, cet orgueilleux, au lieu de se convertir, va faire comme beaucoup
feront après lui : ne pas se rendre à l'évidence des faits. Il prend de l'argent, le
donne aux soldats et leur intime l'ordre de publier partout qu'ils dormaient et
que pendant qu'ils dormaient on a volé le corps… St Augustin se moquera de
lui 3 siècles plus tard : Comment, M. Caïphe, ils dormaient et on a volé le corps
? Quel témoignage pouvaient-ils donc donner s'ils dormaient ? S'ils ne
dormaient pas, comment ont-ils pu le laisser prendre ? alors que nous savons
par ailleurs que les apôtres étaient terrorisés! Ainsi dans sa haine, ce misérable
Caïphe donne lui-même la première preuve de la résurrection de Notre-
Seigneur Jésus-Christ… Lorsqu'on veut jouer au plus fin avec Dieu on est battu
d'avance!… Pas intéressant du tout, ce Caïphe, mais ne croyez pas qu'il est un
accident psychologique survenu il y a 2'000 ans! Non! des Caïphe, on en
trouve maintenant combien qui sortent des facultés de sciences et de lettres et
on les appelle des "sages", alors que ce sont des fous!! Sages selon le monde,
oui, mais des fous selon la Vérité, selon Dieu!… Vraiment, pas intéressants du
tout…
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Enfin, 3 tableaux : l'apparition de Jésus à sa Mère bénie en corps et en âme.
La Vierge Marie avait été accompagnée du Calvaire à sa maison par Joseph
d'Arimathie et Nicodème, pense-t-on, dans cette petite maison qu'on a
retrouvée un peu avant la guerre en creusant la cour du Séminaire des Pères
Blancs.
Nous tenons de plusieurs évêques de Constantinople et de Jérusalem qu'elle
avait cette demeure près de la piscine probatique, la piscine aux 5 portiques,
qu'on a retrouvée aussi. Par les traditions, on pense que la Ste Vierge se retira
là. Très vraisemblablement, les Saintes Femmes ont dû veiller avec elle cette
première nuit terrible où les phases de la Passion repassaient dans leurs
souvenirs et qu'elles entendaient encore les vociférations et les hurlements de
la foule; deux fois par an, le Vendredi de la Passion et le 15 septembre, la
Sainte Église nous fait commémorer le souvenir de ces peines de la Très
Sainte Vierge, de cette douleur qu'on ne peut expliquer… Mais pourtant, elle
devait savoir que Jésus ressusciterait! Bien sûr elle le savait, mais cela peut-il
exclure la peine ?… Nous pleurons bien nos morts alors que physiquement ils
ont cessé de souffrir… Nous aussi nous savons que nous ressusciterons un
jour, mais est-ce que cela peut enlever à nos angoisses et à nos peines ? Pour
la Sainte Vierge ce fut une douleur sans nom et, à ce sujet, il reste très
vraisemblable que l'exactitude de la prophétie étant vérifiée, Notre-Seigneur a
abrégé son séjour parmi les morts à cause de sa Sainte Mère qui, elle,
continuait sa propre Passion.
Mais le soir du Samedi Saint, les Anges n'ont certainement pas voulu que leur
reine passe de cet écrasement à la joie du lendemain sans un repos
réparateur… Je le dis en passant, mais ayez, mes chers Messieurs, une
grande dévotion aux Saints Anges : vos prières, vos mortifications peuvent les
décider à vous venir en aide car ils sont très puissants dans leurs interventions!
Notre-Dame a pu se reposer dans cette deuxième nuit et voici qu'au matin de
Pâques, tandis que les Saintes Femmes sont allées au sépulcre, tout en
dormant, Marie entend des voix lui rappelant ces mélodies, ces harmonies
extraordinaires déjà entendues à Noël et Marie écoute… Il lui semble qu'un
groupe de voix célestes se détache, se rapproche, lui parlent à elle et que cela
se précise: ,,Regina Coeli, Regina Coeli Laetare - Reine du Ciel, Réjouissez-
vous" parce que Celui dont vous avez l'honneur d'être la Mère est ressuscité,
Alléluia, Alléluia!
La Vierge Marie s'éveille; la chambrette est déjà inondée de soleil… elle ouvre
les yeux… Jésus est là!… C'est Dieu qu'elle a devant elle, son Dieu! Et son
Dieu, c'est en même temps son fils! On peut facilement s'imaginer que la
Sainte Vierge a dû essayer de tomber à genoux pour l'adorer, mais que Jésus
dût la prendre dans ses bras pour la consoler…
Cela ne peut se raconter; on ne peut pas raconter l'arrivée d'un prisonnier qui
vient à retrouver sa mère, il y a des choses que seuls, les yeux du Cœur
peuvent voir, il y a des choses qu'on ne peut exprimer convenablement…
demandez à Notre-Dame la permission de vous agenouiller dans un coin de la
chambrette et contemplez la scène : la Vierge Marie : quelle joie! félicitez-la
pour lui dire combien elle a été généreuse; répétez-lui ce que lui disait un jour
sa cousine Élisabeth ,,Bienheureuse êtes-vous, vous qui avez cru!”.
Remarquez aussi combien le cœur de Jésus est bon… Si vous en avez le
courage, dites quelque chose à Notre-Seigneur, demandez-Lui de vous rendre
généreux… rappelez-Lui qu'aujourd'hui même vous vous êtes donné à elle
alors qu'elle tenait le corps du Rédempteur descendu de la Croix dans ses bras
et que vous lui avez promis d'être désormais son esclave… qu'elle ne vous
abandonne pas!… taisez-vous : écoutez toutes ces voix célestes qui chantent
Alléluia, Alléluia, Alléluia, que votre cœur soit rempli de joie et de foi en Jésus
ressuscité, de joie de son triomphe, d'amour et de confiance aussi en son cœur
si aimant.
Vous aurez des peines, oui Messieurs, vous en aurez, mais n'oubliez pas que
le cœur de Jésus vous aime et que pas même une minute il ne vous
abandonnera si vous vous donnez bien à Lui; ne partez pas demain sans croire
au Sacré-Cœur! Demandez à la petite Thérèse que la France doit justement
fêter demain cette confiance et cet abandon au cœur de Jésus et au cœur
Immaculé de Marie…
Je vous rappelle les trois tableaux à contempler :
Premier tableau : l'arrivée de l'âme de Jésus dans les Limbes.
Deuxième tableau : le matin de Pâques, la solennité des solennités. Jésus sort
vivant du tombeau.
Troisième tableau : l'Apparition à Marie. Pleurez d'amour et remplissez votre
cœur de la joie de la résurrection.
*****
RÉSURRECTION :
Avant la messe, après le rappel des points et la contemplation, le Père
enchaîne le colloque ci-après :
Adressons-nous à la Vierge Marie :
O ma bonne Mère, en cette célébration de la Résurrection de votre divin Fils
qui a vaincu la mort, je me prosterne à vos pieds… Communiquez-moi votre
joie du matin de Pâques afin qu'à l'avenir je ne vive plus que pour votre divin
Fils et que j'accepte généreusement les sacrifices à faire. Les sacrifices
passent vite, mais ce qui restera sera d'avoir travaillé pour votre divin Fils et
éternellement j'en serai bienheureux. La croix passe et le triomphe reste; que je
comprenne la bonté de Jésus, que j'aie une grande foi en sa divinité, que je
comprenne qu'Il est le Sacré-Cœur, qu'Il m'aime au-delà de tout ce qu'on peut
imaginer et qu'Il veillera à ce qu'il ne m'arrive rien qui soit au-dessus de mes
forces mais qu'au contraire Il sera toujours là près de moi pour m'aider et vous,
ma bonne Mère, je sais que vous intercédez toujours pour moi; en ce matin de
Pâques, permettez-moi de renouveler ma consécration : je me suis donné à
vous hier, gardez-moi bien près de votre divin Fils, que plus rien ne me fasse
peur, que je comprenne que c'est une grande chance et une grande grâce
d'avoir à travailler pour Lui, à vivre pour Lui, à souffrir pour Lui…
O ma bonne Mère, je vous félicite, vous qui avez cru!
Vous êtes pour moi un modèle et avec les Anges je veux vous dire du fond du
cœur le REGINA COELI (page 94)
Reine du Ciel, réjouissez-vous Alléluia
Car Celui dont vous avez l'honneur d'être la Mère Alléluia
Est ressuscité comme Il l'avait annoncé Alléluia
Priez Dieu pour nous Sainte Mère de Dieu Alléluia
Oui, réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse Alléluia
ô Vierge Marie
Parce que le Seigneur est vraiment ressuscité Alléluia
Prions : O Dieu qui par la résurrection du Fils Notre-Seigneur Jésus-Christ,
avez daigné donner la joie au monde, nous vous supplions de nous accorder,
par Sa Mère la Vierge Marie, de parvenir nous aussi aux joies de la Vraie Vie.
Par le même Jésus-Christ Notre-Seigneur - AMEN.
*******
RÉSURRECTION DE NOTRE-SEIGNEUR - APPARITIONS AUX APÔTRES
Avec cette dernière méditation nous arrivons, Messieurs, à la fin de nos cinq
jours, à la fin de nos exercices, exercices intensifs, vous avez pu vous en
rendre compte. Mais si vous voulez tenir et assurer votre salut, il faudra bien
que vous les continuiez d'une façon ou d'une autre!
Vous vous rappelez que nous avons, au cours de cette marche, retrouvé
d'abord, avec le Principe et Fondement de St Ignace, la réalité, c'est-à-dire la
vision catholique des choses, celle qui est la seule vraie : toutes celles qui
s'écartent de celle-là sont fausses et nous revenons toujours à ceci que 2 et 2
égalent 4; il n'y a à cela qu'une seule réponse possible… Un jour, un petit avait
gagné un prix de catéchisme et son père, assez étonné, lui demande :
Qu'est-ce qu'il y avait comme question à l'examen ?
Papa, la Sainte Trinité.
Ah, et tu as gagné, toi ? Qu'est-ce que tu as répondu ?
Eh bien, j'ai répondu qu'il y avait 4 personnes en Dieu, le Père, le Fils, le St
Esprit et… Ainsi soit-il!
Et tu as gagné avec une réponse pareille ?
Ah, tu vois papa, les autres, ils étaient encore plus loin que moi!
Cela fait rire, c'est idiot, cependant nous voyons cet argument présenté bien
des fois, même dans des revues catholiques hein ? où 2 et 2 = X… Non, 2 et 2
égalent 4. Il n'y a qu'une réponse exacte, c'est celle de St Ignace, non pas qu'il
l'ait inventée - j'allais dire qu'il était trop bête pour cela; oui, tous les hommes,
nous sommes trop bêtes - mais rappelez-vous ce tableau qui est présenté au
début de votre livre, où St Ignace reçoit des mains de la Mère de Dieu, dans la
grotte de Manrèse, la méthode des exercices, non pas cette édition-là, bien sûr,
mais les idées traditionnelles qui en ont fait une méthode incomparable.
Le Pape Pie XI, dans son encyclique "MENS NOSTRAE", la disait irrésistible et
comme reçue des mains mêmes de la Sainte Vierge!
Remarquez qu'elle aussi ne l'avait pas inventée, mais qu'elle l'avait puisée
dans le cœur même de son Divin Fils, dans le Cœur de Dieu!
Oui, c'est ça la Vérité : c'est peut-être regrettable pour beaucoup de gens mais
c'est comme ça… Il n'y a qu'une façon vraie d'envisager la vie humaine, très
optimiste d'ailleurs puisque nous sommes créés pour une joie divine; comme le
dit St Paul, Dieu peut faire en nous des choses admirables qui dépassent
toutes nos espérances…
Ensuite, dans la première partie des exercices, nous avons retrouvé la vérité
sur nous-mêmes : nous sommes des pécheurs, c'est-à-dire que nous avons à
l'égard de Dieu des responsabilités librement acceptées d'hommes, d'époux, de
travailleurs, d'employés, de patrons; ces responsabilités nous les connaissons
mais nous avons vu qu'entre ces responsabilités et notre activité propre il y a
un décalage qui s'appelle la culpabilité. Tous nous sommes des coupables…
chacun de nous doit dire cela : j'en suis. Et c'est très bien de se reconnaître
pécheur, de dire comme David : "PECCAVI". Mais par contre combien
d'hommes, parfois intelligents, cultivés, salissent la nature humaine et s'en
vantent!… Comme ils ont un certain style enjôleur et se font éditer par les
Revues françaises (ou d'autres), ils étalent là leur pourriture aux yeux de tout le
monde, tout cela enveloppé, évidemment, de pommade intellectuelle… le
pauvre peuple accepte tout mais eux ne disent pas : j'ai péché, au contraire, ils
se vantent de leur péché et s'en trouvent très bien! Il n'y a même qu'eux qui
sont bien!… Ah! non, comment voulez-vous qu'ils reçoivent le pardon ces gens-
là ? Oui, j'ai péché disait David - et il avait sans doute péché plus que Saul -
mais il l'a reconnu, son péché : "PECCAVI", c'est pourquoi il a pu recevoir le
pardon. Nous aussi, dans la première semaine - c'était pénible - nous avons
reconnu nos faites… Étant pécheurs, nous avons eu besoin de pardon, nous
avons eu besoin de pureté, alors le Sang du Christ nous a lavés dans une
bonne confession. Dans cette première semaine, voyez-vous, nous avons reçu
beaucoup de richesse : avec la vérité objective d'abord, la vérité sur nous-
mêmes ensuite, ce qui nous a fait reconnaître pécheurs et recevoir en échange
le pardon et la pureté.
Dans la deuxième partie des exercices nous avons trouvé un Chef, un guide!
Nous ne pouvions pas trouver mieux, le PÈRE nous a envoyé son Fils
unique… Il ne pouvait pas mieux trouver Lui aussi. Sur la Terre combien
d'hommes ont été très fiers de suivre un chef réputé : les grenadiers de
Napoléon gardaient l'honneur d'avoir été à Austerlitz, voire à Waterloo; de ces
grenadiers de la garde les gens étaient enthousiasmés et ébahis devant leur
auréole de légende, ou bien… soldat de la garde personnelle du FÜHRER chez
les Allemands… Ah! garde d'Hitler, ce qu'ils en étaient fiers et, eux aussi, ils
sont partis avec lui dans la débâcle… oui, dès qu'un homme sur la Terre a une
certaine renommée et se trouve au-dessus des autres, ceux qui le servent
s'imaginent recevoir un peu des rayons de cette étoile, mais qu'est-ce qu'Hitler,
qu'est-ce que Napoléon, ou Alexandre ou César à côté du Verbe de Dieu qui
nous a fait l'honneur de nous appeler à Lui, d'être de ses soldats par le
baptême et surtout par la confirmation ?
Dans la deuxième partie nous avons reçu cet honneur, celui d'être des
chrétiens conscients, d'autres Christ… nous avons vu ce à quoi nous entraînait
cet honneur, à ces responsabilités qu'ont les chrétiens authentiques : ,,Celui
qui veut être mon disciple, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et
qu'il me suive”. Nous avons vu comment Notre-Seigneur a fait; nous avons à
nouveau entendu ses "Béatitudes" et terminé cette deuxième partie des
exercices en préparant notre avenir : la première semaine a arrangé le passé,
le mauvais passé; la deuxième semaine prépare l'avenir. En regardant ce
modèle, chacun de nous a pu se demander : ,,Que dois-je faire pour lui
ressembler ?”. Car ne nous méprenons pas, le chrétien doit être un autre Christ
"QUOS DEUS PRAESCRIVIT ET PRAEDESTINAVIT CONFORMES FIERI
IMAGINIS FILII SUI - Ceux que Dieu dans sa prescience éternelle a connus
comme élus, Il les a prédestinés à être conformes à l'image de son Fils". Oui,
que faut-il que je fasse, moi, pour être conforme à cette image ? Que faut-il que
j'enlève de ma vie, que faut-il que j'y ajoute ?… Malgré la miséricorde et la
bonté de Dieu, vous verriez sans doute difficilement un Saint avec une bouteille
de vin à la main et un trognon rouge à la figure! Ça, c'est la gourmandise, mais
il y a d'autres passions, vous le comprenez bien… ou bien un autre qui serait
marié avec deux femmes dans son ménage ? On verrait mal canoniser des
types comme cela! Soyons logiques et regardons les choses en face! Nous
avons une raison mais le malheur, c'est que, très souvent, nous passons dans
la passion; dans les passions, on vous l'a montré, tout devient possible car
c'est alors le brouillard, on ne voit plus clair… oui, de ma vie je dois enlever
certaines choses; dans ma vie, par contre, je dois mettre certaines choses :
vous voyez un Saint qui n'assisterait jamais à la messe ou très peu, ou bien qui
parlerait de vaches et de cochons du marché pendant qu'elle se déroule ? Eh
non, bien sûr… pour se sanctifier, il faut enlever de sa vie certaines choses et
en mettre d'autres; vous avez compris cela, que sans la Règle on ne peut rien;
un appareil déréglé ne fait plus l'office pour lequel il a été conçu; de même, un
homme déréglé, même s'il a du talent et des grandes qualités, abîme tout, ne
fait plus son office d'enfant de Dieu. Nous avons alors compris qu'il nous fallait
cela : une règle, simple, pratique, en bref nos résolutions!
Dans la troisième partie des exercices nous avons appris comment il faut aimer
et comment Dieu nous a aimés. Notre amour est souvent misérable; il retombe
souvent sur lui-même dans l'égoïsme. L'orgueil n'est pas un manque d'amour,
c'est un désordre dans l'amour; toutes les passions sont des désordres de
l'amour qui mènent, eux, dans un endroit où il n'y a plus d'amour! Mais en nous
montrant cela, Dieu, au centre de la religion de l'amour, a planté ici-bas une
croix… et il faut en passer par là, que nous le voulions ou non, et si vous
trouvez que ce n'est pas bien, vous pouvez toujours Lui demander qu'Il vous
fasse un rabais, dire que son Plan est mal fait, mais ça m'étonnerait, vous
savez, qu'Il vous l'accorde… oui, nous avons vu combien cela Lui a coûté de
vouloir nous aimer avec efficacité! Et un chrétien qui a un peu compris cela, sa
vie doit, automatiquement je dirais, prendre une autre tournure dans l'amour de
Dieu et celui du prochain et il se doit de travailler d'abord à maîtriser ses
passions… Ce sont les passions qui nous mettent dans le brouillard, ce sont
elles qui nous font accepter comme valables des choses parfois ignobles,
absurdes, immondes; il faut donc les contraindre… Ce n'est pas pour rien que
Notre-Seigneur a laissé dans son Église les sept sacrements, c'est pour
combattre les passions, les sept vipères comme on les a appelées : l'orgueil,
l'avarice, la luxure, la gourmandise, la colère, la paresse et l'envie; ce n'est pas
pour rien qu'Il nous a laissé une raison : c'est pour voir les tendances
mauvaises que nous avons en nous, les combattre et prendre des résolutions
afin de rester dans la propreté spirituelle!
Oui, comment Dieu aime et comment nous devons l'aimer…
A notre époque, ce mot d'amour sert souvent à recouvrir des marchandises
avariées, de la pourriture…
Maintenant nous arrivons à la fin de nos exercices et vous pourriez vous dire :
oui, d'accord, évidemment nous comprenons bien que c'est le sens unique de
la vie mais!!… ça va être amusant cela à présent… auparavant je me laissais
entraîner plus ou moins… Il y avait une chanson avant la guerre de 39, une
chanson bébête qui disait ,,On fait comme tout le monde, comme tout le
monde… et moi je fais comme tout le monde!” mais maintenant il va falloir
remonter le courant, c'est là qu'on va s'amuser! oui, et puis, partout, le péché,
le péché… le péché… tout est pourri, tout est gâté : le cinéma, la télé, les
magazines, ouf! on va bien s'amuser! et quand mes amis vont me demander :
Mais d'où viens-tu, de la Côte d'Azur, ah! petit cachottier, tu t'es bien diverti
pendant ces vacances ? Et où es-tu allé ?
C'était pas mal, il y avait une belle maison, un beau parc et un petit lac aussi…
Et de quoi parliez-vous, de politique peut-être ?
Non, on a parlé du péché.
Comment, de la pêche ?
Non du péché, et puis de la mort, de ma mort à moi, et puis de l'Enfer… 
De l'Enfer ? Oh! pauvre type, je ne pensais pas que tu sois frappé à ce point, et
8 jours comme ça ?
Oui, on va bien s'amuser, et il ne nous reste qu'une chose, c'est de faire
comme David qui disait : ,,Je mangerai mon pain mouillé de larmes; toutes les
nuits je les répandrai sur ma couche”, et chaque fois que je rencontrerai un
autre ARP comme ils disent, qui aura sa croix bleue, nous nous dirons
mutuellement : ,,Frère, il faut mourir!”…
Mes chers Messieurs, si vous partiez avec des sentiments pareils, St Ignace
serait vexé et nous aussi… le Bon Dieu ne vous a pas joué un vilain tour en
vous appelant à la retraite! Non! et St Ignace vous dit :
,,Voilà, avec ce programme qui est encore une fois le sens unique de la Vie
mais qui fait peur à la nature humaine lorsqu'on ne le regarde pas d'une façon
rationnelle, vous trouverez la joie!… 
La joie : avec toutes ces contraintes, toutes ces disciplines ?
Oui, Messieurs, la joie : la vraie joie que personne ne peut enlever, la joie
profonde, celle qui est établie sur des principes immuables, la joie appuyée sur
le granit,… tu es Pierre : comme elle est admirable cette idée de Notre-
Seigneur, d'établir son phare sur la pierre… les grands phares sont toujours
implantés sur le rocher, celui d'Ar-Men par exemple : Ar-Men en breton veut
dire rocher; il a fallu 17 ans pour le construire tellement les courants et les
remous étaient violents devant cette baie des Trépassés; de même, lorsqu'on
voit tous les remous actuels au point de vue des idées, tous ces courants
idéologiques qui nous emporteraient, on comprend : pour que le phare de
l'Église tienne, il fallait un Rocher, et nos espérances sont établies sur le Roc
"Tu es Petrus!", tu es Simon, dorénavant tu t'appelleras "Rocher", tu
t'appelleras Pierre… C'est divin cela! n'ayons pas peur! St Ignace nous dit : Si
vous acceptez ce plan, vous aurez ici-bas la joie compatible avec la Vérité : on
voit clair, on sait où on va, que rien ne nous manquera, que le cœur de Jésus
est infiniment bon, mais qu'Il a voulu que cet amour soit mélangé d'épreuves
afin que nous puissions acquérir des mérites pour gagner le Ciel à la force du
poignet pourrait-on dire, avec Sa Grâce, car sans elle nous ne pouvons rien…
Voilà, Il veut que nous gagnions le Ciel; c'est admirable comme aventure; c'est
pour cela qu'Il nous laisse libres, car la liberté seule nous permet de gagner les
mérites nécessaires! St Ignace dans cette 4ème semaine nous rappelle que si
nous sommes vaillants, nous connaîtrons la joie, la joie qui dépasse tout!
Pour nous en convaincre nous pouvons mettre en parallèle tous ceux qui ont
voulu suivre le Christ avec ceux qui se sont détournés de Lui,… c'est une
preuve irréfutable : celle de l'histoire, celle des faits. Voyez St Paul par exemple
: ,,Souvent j'ai vu la mort de près, cinq fois j'ai reçu quarante coups de fouet
moins un; j'ai été lapidé, 3 fois j'ai fait naufrage et puis périls dans les prisons,
périls sur les fleuves et la mer, périls dans les villes, périls dans les déserts, les
labeurs et les peines, les jeûnes et le froid, le souci de nos Églises et dans
toutes ces tribulations, je surabonde de joie…” St Paul!
Les martyrs ? il y en a des millions et cela continue : cette vierge chrétienne
qu'était Agnès citée tous les jours au Canon de la Messe, Cécile, Anastasie,
Marguerite et d'autres… des jeunes filles de familles patriciennes… un
courage!… ça vient de Dieu ça!… à Carthage, Perpétue et Félicité, 20 ans,
deux jeunes femmes qui avaient un bébé au sein, elles ont affronté les bêtes
avec un tel brio que les païens en criaient d'admiration!… nous avons là
Messieurs, un héritage que l'on n'exploite pas assez malheureusement dans
les écrits officiels sur les martyrs, on voit la puissance de Dieu qui s'exerce en
eux! ils donnent un mourant l'exemple des plus nobles vertus, parfois
contradictoires, telles que la Force et la Douceur! C'est exaltant de lire les actes
des martyrs! On y constate le miracle permanent! Par exemple, lorsqu'on sait
que St Laurent disait à son bourreau alors qu'il était sur son gril ; ,,Je crois que
je suis assez cuit de ce côté, tu peux me retourner” ça montre bien que Dieu
est fidèle!… 
St Augustin, lui, menait dans sa jeunesse une vie qui était loin d'être
exemplaire; il était manichéen. Un jour, il alla entendre à Milan le grand
Ambroise, ancien préfet devenu évêque; en écoutant cet homme de Dieu, il eut
honte de lui. Il commença à se convertir mais bien vite il se trouva comme dans
un tunnel où toutes les voix anciennes lui répétaient : ,,Augustin, comment
feras-tu sans ta littérature, sans ta musique, sans tout ce qui agrémentait ta vie,
sans tes amis, et tes ami…es ?”. Il avait une maîtresse… Il fit quand même
confiance à une voix suave qui lui disait : ,,Augustin, ne crains pas, d'autres
l'ont fait avant toi et ils ont trouvé la joie. Pourquoi pas toi ?”. Et il s'avança dans
ce trou noir – une conversion est toujours pénible Messieurs – mettant sa petite
main d'homme dans une main divine et il déboucha enfin en pleine lumière, en
pleine vérité catholique! Quelques années plus tard, devenu moine et ayant
coupé toutes les attaches anciennes il criait vers Dieu en pleurant de Joie : ,,O
beauté toujours ancienne et toujours nouvelle, je t'ai connue trop tard! Notre
cœur a été fait pour Toi et il demeure inquiet tant qu'il ne se repose pas en
Toi!”. Augustin avait, lui aussi, trouvé la vraie Joie!… 
L'un des plus admirables fils de St Benoît, Bernard de Fontaines, lorsqu'il
paraissait dans un salon tous les yeux restaient fixés sur lui. Il avait une beauté
angélique, des dons humains extraordinaires et une sensibilité frémissante. Sa
famille pensait qu'il ferait un riche mariage pour redorer le blason mais un jour,
en conseil de famille, Bernard déclara son rêve : ,,Bientôt je partirai pour
Citeaux, le monastère voisin”. Tout le monde se récria : tu es fou Bernard! Mais
il défendit cela avec tant de force que quelques semaines après il partait, ayant
réussi à décider à le suivre 4 de ses frères et 25 gentilshommes, 30 qui
partaient à la fois… La petite histoire dit que toutes les filles de Bourgogne
pleuraient… Une catastrophe pour elles! et en partant, Bernard dit à Nivar, le
dernier, 8 ans : Nivar nous partons, à toi de perpétuer la race, à toi le château
et ce qui reste de la fortune et Nivar de lui répondre : Comment ? vous faites un
beau partage! Alors vous, les grands, vous prenez le Ciel et à moi, le petit,
vous laissez la Terre ? Moi je ne marche pas : quand j'aurai l'âge, moi aussi je
partirai pour Citeaux et, en effet, à 17 ans il partit. Il s'appelle maintenant le
bienheureux Nivar… je ne veux pas dire par là que le mariage est un piège,
non! mais à cette époque, ils savaient choisir, n'est-il pas vrai ?… 
On pourrait en dire autant pour une foule d'autres : St Dominique, un noble
Aragonais, qui laissa toute sa fortune; St François d'Assise croyait que la Joie
c'était de boire du bon vin de l'Ombrie qui met des flammes dans les veines et
comme il avait l'âme chantante, de faire des poésies pour les chanter le soir,
avec la mandoline ou la guitare, sous les fenêtres des filles d'Assise! il croyait
que c'était la joie cela, mais il trouva ensuite celle des enfants de Dieu et il la
ressentit comme personne au monde!… 
Notre grand patron, St Ignace de Loyola, raconte dans son autobiographie
qu'étant chevalier du roi de Castille, il rêvait de la plus belle femme d'Espagne,
il ne l'a pas nommée, mais on pense qu'il s'agissait de Catherine d'Aragon, la
jeune belle-sœur du roi. Pour elle, dit-il, j'ai fait des folies, mais au siège de
Pampelune, un boulet lui brisa la cuisse. Guéri quelques mois plus tard, il
s'aperçut que sa jambe était devenue plus courte et qu'ainsi il ne pourrait plus
danser et parader devant Catherine!… Il se fit recasser la jambe pour la faire
allonger et ne point paraître diminué. C'est là que le Bon Dieu lui fit la grâce de
le convertir et Ignace, au lieu de servir le roi de Castille, se mit au service du
Roi Jésus en devenant "l'homme au sac" pour gagner l'humilité… On ne sait
pas assez qu'à Manrèse, où il fit sa retraite, se trouvait une petite chapelle où il
resta 8 jours et 8 nuits en extase devant la Très Sainte Trinité…
Il avait trouvé mieux que Catherine! Son ami François Xavier à qui Ignace
aimait à répéter : ,,François, à quoi cela te sert-il pour l'Éternité ?” fit aussi les
exercices, devint prêtre et en Extrême-Orient convertit plus d'un million
d'hommes. Il fit quantité de miracles et son bonheur était tel qu'un jour il
s'écria : ,,Seigneur, ne m'envoyez pas tant de joies, je ne peux plus supporter”.
Et on pourrait en dire autant de St Vincent de Paul, de St François de Sales, du
St Curé d'Ars, de St Jean Bosco, de Ste Thérèse de l'Enfant Jésus et de tant
d'autres… tous ont trouvé la Croix, mais ils ont trouvé aussi la Joie, une Joie
indicible!… 
Et tous ces Saints enfin, ces jeunes gens qui au cours des siècles ont tout
laissé pour s'enfermer dans ces thébaïdes de l'Égypte, de l'Illyrie ou dans les
filiales de Cluny, de Citeaux, de Clervaux… Il y avait des milliers de
monastères; on en comptait plus de 3'000 dans la seule Europe où l'on a pu
dénombrer des millions de religieux qui avaient laissé tous leurs rêves humains
pour s'adonner à la contemplation, la plus haute activité de l'esprit!
C'est admirable de lire les épopées des premiers missionnaires Jésuites et
Sulpiciens au Canada ou dans d'autres parties du monde; c'est effarant de voir
ce qu'ils ont réalisé et on pourrait écrire sur leurs travaux des romans d'activité,
de pureté et de sublimité!… Quel dommage que nous ne connaissions pas
assez toutes ces richesses : le martyrologe de ces pionniers d'Afrique, de
Chine, d'Océanie, les Pères du St Esprit, des Missions Étrangères, des Pères
Blancs, des Maristes, etc… en se confiant à la Providence ils réalisaient des
choses admirables; ils ne sont pas tous au calendrier comme canonisés mais
nous les retrouverons un jour au Ciel… ça c'est du propre, c'est du beau, pour
Notre-Seigneur Jésus-Christ ils ont tout sacrifié : leurs rêves, leur famille et se
sont adonnés, non seulement à la pauvreté spirituelle, mais aussi à la pauvreté
réelle. Ils avaient la Foi et l'Espérance des biens futurs et la charité pour Dieu
qui se manifestait dans la charité pour le prochain.
Voyons maintenant la contre-partie : ceux qui ont "misé" contre le Christ; nous
ne manquons pas d'enfants prodigues depuis un siècle.
Alfred de Musset : il est mort à 37 ans, dévoré par l'inconduite, la boisson,
l'alcool et les femmes. Il est mort dans une sorte de désespoir…
Alfred de Vigny dit : ,,On prétend que d'écrire ça donne la joie, moi j'écris sans
arrêt, j'amuse le monde par mes pièces de théâtre, où est la Joie ?”…
cependant il a pu retrouver la joie de son enfance quelque temps avant sa mort
en revenant à Dieu…
Goethe, l'écrivain allemand : ,,J'ai 70 ans, je me suis beaucoup amusé, j'ai
profité de la vie tant qu'on pouvait le faire, j'ai vu de belles choses, aussi n'ai-je
pas envie de me dresser contre ma destinée; j'ai réussi, on m'envie, cependant,
à bien réfléchir, je me demande si j'ai eu une semaine de vraie joie…”.
Bismarck écrivait à sa sœur en 1869 : ,,Je suis au faîte des honneurs, honoré
de la faveur entière de mon souverain le roi de Prusse; tous les princes
allemands recherchent mon amitié. Je me demande ce que je pourrais
souhaiter encore. Cependant, ajoute-t-il avec mélancolie, lorsque je me
rappelle mes joies passées, la joie de mon premier lièvre, la joie du jour où
Joannah m'a promis sa main – remarquez qu'il faisait passer le lièvre avant
Joannah – je me demande si j'ai eu 24 heures de vraie joie”.
Cela me rappelle qu'en 1917-18, je faisais des nuits au central téléphonique.
C'était pendant la première guerre où tous les hommes étant mobilisés, des
vieilles dames déjà en retraite avaient repris du service. Parmi elles, un vieux
couple… Entre les deux ils gagnaient pas mal d'argent, le mettant de côté pour
se payer pendant la saison une virée (comme ils disaient) dans une ville d'eau.
Là dans un hôtel à 3 ou 4 étoiles, ils menaient la grande vie et en 15 jours
dépensaient tout l'argent qu'ils avaient ramassé pendant l'année. Ils venaient
de rentrer en septembre et on bavardait vers minuit, s'ayant pas beaucoup de
travail. Elle s'affairait auprès de ses compagnes : Oh! ma chère, si vous saviez
combien nous nous sommes amusés, c'était admirable!… il y avait une
comtesse russe… des marquises anglaises… des millionnaires américains…
Oh, si vous aviez vu… nous avons passé des vacances!… Je vois encore son
mari que j'avais à côté de moi : tout d'un coup il me tape sur l'épaule, et alors
qu'il l'avait écoutée avec un certain sourire, il me dit : Nous nous sommes em…
bêtés à cent sous l'heure!… Oui, drôle de joie… Cela ne veut pas dire qu'il ne
faut pas prendre de vacances! Je sais trop combien on a besoin de détente
surtout lorsqu'on mène une vie trépidante dans une ville empuantie, mais
quand même!… quand même, il y a des joies plus profondes, n'est-il pas vrai ?
… 
Anatole France, l'un des hommes de lettres les plus lus, les plus admirés, les
plus adulés, de l'Académie française, au faîte des honneurs et de la
richesse… parlant un jour avec son secrétaire des satisfactions de la vie, ce
dernier lui dit ; Mais, Maître, vous êtes partout adulé, on recherche votre
compagnie, vous êtes comblé d'honneurs, il semble bien qu'on ne saurait
trouver plus heureux que vous ici-bas!… 
Taisez-vous, Brousson, on me croit heureux, eh bien, sachez que dans ma vie
je n'ai pas été heureux ni un jour, ni une minute… (page 78 "Anatole France en
pantoufles" par J.-J. Brousson).

La vedette Martine Carol : Il y a 10 ans la revue "Match " reproduisait d'elle une
belle photo couleurs appuyée d'un article dithyrambique : réussite complète au
paradis d'Holywood où elle vient de trouver l'élu de son cœur, succès
extraordinaire et allez, allez… une page pleine! 10 ans après même magazine ;
on nous la montre à Tahiti, fripée… je suis une malheureuse… une
malheureuse! j'ai perdu mon 5ème mari, je n'ai pas d'enfants; oui, j'ai fait le tour
du monde, mais je promène mon spleen… et allez donc! où est la joie ?…
Edgar Poë, le romancier américain, suicidé, et comme lui, combien de
vedettes, dans leur salle de bain, au gaz ou au gardenal.
Nietzsche, le philosophe allemand, suicidé.
Gérard de Nerval, poète français, suicidé.
On pourrait en citer combien! Oui, où était leur Joie ?… 
Alors, mes chers Messieurs, vous le voyez, le sens de la vie est là, à la suite de
Notre-Seigneur. Ceux qui ne le prennent pas font fausse route!… Il ne s'agit
pas de se frapper la tête contre le mur mais bien d'accepter généreusement et
nous arriverons au but. Mais attention! N'oublions pas le carburant,
évidemment! Quelquefois je raconte une histoire idiote, excusez-moi de la
répéter : Voilà un homme qui habite Paris. Il a une belle Rolls, 4m37 de long,
un gros wagon tout scintillant mais il est furieux, c'est qu'il s'est fait doubler par
les 403 et même, en banlieue, il y a des 2 chevaux nouveau modèle qui le
doublent aussi à la descente, il se décide donc à mettre la voiture au garage où
il explique son cas au garagiste. Bon, passez à la fin de la semaine, j'ai un bon
metteur au point de voitures américaines, vous serez content!… Effectivement
il vient prendre sa voiture, trouve la note un peu salée, mais le garagiste de lui
dire : les metteurs au point se payent, mais vous serez content, partez
tranquille! Il avait une course à faire à Bordeaux et en effet : ah! quel
plaisir… pressons sur le champignon, on ne le dépassait plus! Mais tout d'un
coup catastrophe! un bruit insolite, quelques ratés et le voilà arrêté sur le côté
droit de la route… Il ouvre furieux les mâchoires de la bête, touche au
carburateur, à la magnéto, rien, mystère!… arrive un monsieur, peut-être un
docteur ? qui s'est obligeamment arrêté avec sa 201 et qui s'inquiète de lui :
Mais Monsieur, ce n'est pas moi qui suis malade, c'est ma voiture! j'ai laissé 80
billets au garagiste pour sa mise au point et me voilà encore en panne!… 
Comment Monsieur, vous venez de Paris ! avec un wagon pareil, 400 km, mais
avez-vous de l'essence au moins ?… 
Ah docteur, je comprends, merci du diagnostic, eh oui, je n'ai plus d'essence!…
L'histoire est idiote mais elle dit bien ce qui risque de vous arriver sur le plan
spirituel. La retraite, pour un tel, pour tel autre, ça aura marché 3 mois, 6 mois,
quelquefois plus et puis plus rien, on retombe dans les errements anciens.
Mais, Monsieur, avez-vous pris du carburant ? Avez-vous suivi vos
résolutions ? non ?… Ah! alors ne vous étonnez pas : "Exercices spirituels pour
se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se laisser déterminer par aucun
amour désordonné"… Nous sommes des machines… ces machines, il faut les
entretenir; même si votre machine est bien réglée par la mise au point qu'on y
fait à la retraite, on ne vous a jamais dit qu'il ne fallait pas y mettre de
carburant!… Alors, écoutez-moi bien : Pour terminer cette question, voyez
Michelin qui est très entendu là-dedans, n'est-ce pas ? Que faut-il faire avec
toute voiture qu'elle soit française, anglaise, allemande, italienne ou américaine
? Elles sont bien faites, c'est entendu, c'est très étudié, mais si vous voulez
gagner votre vie avec et ne pas tomber en panne sur la route, il faudra faire :
- tous les jours : le plein d'essence, la vérification d'huile et d'eau;
- tous les 8 jours : un bon gonflage;
- tous les mois : une bonne vidange et un bon graissage;
- tous les ans : vous laissez votre voiture au garage pour mise au point, à
Poyanne ou ailleurs…
Voyez-vous, il faut un minimum de soins : confessions, communions, exercices,
et du carburant en permanence : prières, chapelets, examens de conscience…
ne laissez pas vos résolutions au fond d'un tiroir, ça pourrait ne pas marcher…
Encore une fois le Bon Dieu ne vous demande pas l'impossible, mais si vous
voulez tenir et ne pas retomber dans vos errements anciens, il vous faut votre
carburant spirituel; rappelez-vous que le démon s'acharnera sur vous et qu'il
vous sera facile de vous en débarrasser si vous tenez vos résolutions; mais
dans le cas contraire, vous succomberez fatalement! Lorsqu'on voit les efforts
que font les jeunes par exemple pour le ski, pour les stades, pour les loisirs afin
de remporter, quoi ? Mais nous aussi nous courons dans le stade spirituel
comme le dit St Paul; nous devons remporter le prix avec d'autant plus de force
que nous craignons qu'après avoir prêché aux autres nous ne soyons vaincus
nous-mêmes! Quand on pense à tout ce temps perdu, à ces loisirs mal
employés… Ah! si l'on prenait autant de peine pour le Seigneur qui pourtant
n'en demande pas tant!
Alors, voyez, restez logique avec vous-même, suivez le sens unique de la vie
en prenant du carburant pour suivre vos résolutions et vous verrez que ça
marchera. L'Église n'a rien inventé, c'est Notre-Seigneur qui le veut ainsi et si
vous suivez bien la Règle, dès ici-bas – faites en l'expérience – Il vous donnera
la Joie car son Sacré-Cœur est inépuisable d'attentions et de délicatesses.
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Quatrième semaine donc! Quelques idées maintenant pour vous aider à faire
cette deuxième contemplation de la Résurrection ; Jésus avec les Saintes
Femmes et les apôtres.
Comme nous manquons de temps vous la ferez en rentrant chez vous, dans le
train ou la voiture, mais ne manquez pas de l'approfondir même au cours de la
semaine suivante. Qu'elle mette la joie dans votre cœur, que vous restiez
persuadés que tout ce que vous faites pour le Seigneur, Il vous le rendra au-
delà de vos espérances… Page 405 pour revoir les préambules déjà étudiés à
la contemplation précédente et la page 431 où St Ignace nous donne quelques
tableaux méditables, des scènes évangéliques appropriées. Nous y verrons
quelques apparitions aux apôtres, surtout la 5ème où des disciples s'étaient
rendus à Emmaüs, un bourg sur la route de l'ouest. Elle partait de Jérusalem et
aboutissait à Jaffa sur le bord de la mer; c'est raconté par St Luc; puis, page
suivante, la 6ème apparition au Cénacle le soir de Pâques; la 7ème à Thomas
incrédule 8 jours après et, si nous en avons le temps, nous verrons aussi la
8ème apparition où Jésus apparaît à ses disciples qui prêchaient sur le lac,
peut-être dirons-nous un mot de la montée de Notre-Seigneur au Ciel.
Revenons à la page 405 :
3ème préambule : que voudrais-je obtenir : eh bien ici, je demanderai la grâce
nécessaire pour obtenir joie et contentement intenses de tant de gloire et de
joie qu'expérimente Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Détail pratique en passant : Pour mieux correspondre à cette Joie en 4ème
semaine on agit en sorte de supprimer toute pénitence volontaire et de laisser
entrer dans votre cellule cette belle lumière solaire, à l'encontre de ce qui était
indiqué pour la Passion par exemple où notre âme devait compatir aux
souffrances de Notre-Seigneur.
Au début et pendant la Passion, St Ignace nous faisait demander des regrets
intenses et des larmes; maintenant il nous fait demander joie et contentement
intenses. Nous aimerions garder nos petites joies et nous accepterions pour
cela d'avoir de petites douleurs; St Ignace ne veut pas que nous nous limitions
ainsi, il nous dit au contraire de "grandes" douleurs et de "grandes" joies à la
pensée de ce qui nous attend; oui, demandons une joie et un contentement
intenses à la pensée que Notre-Seigneur a vaincu la mort, qu'Il est remonté au
Ciel pour nous y préparer une place, et que rien ne nous manquera si nous
sommes fidèles. Dieu est fidèle… Un chrétien qui a compris ne peut pas
pleurer – pleurer ses péchés oui – mais doit avoir la joie, la joie de
l'espérance… Notre-Seigneur va se montrer maintenant de façon miraculeuse
à ses apôtres pour assumer, comme nous l'avons vu à la contemplation
précédente, son office de consolateur… Il le fera pour les uns et pour les
autres…
Dans l'exercice de notre ministère nous connaissons bien des épreuves et
difficultés de nos retraitants qu'ils ont surmontées d'autant mieux qu'ils ne se
sentaient pas seuls car il y avait un cœur qui les soutenait et les inspirait…
Au siècle dernier quelqu'un disait : ,,Il est plus facile de vivre en étant un
chrétien 100 % qu'en étant un chrétien au rabais”. Et c'est bien vrai.
Effectivement, un chrétien 100 % est aidé par Notre-Seigneur et lorsqu'on est
deux à tirer la charrette des épreuves, avec Lui surtout à côté, c'est facile… car
c'est là qu'Il fait pleuvoir ses grâces et ses bénédictions… mais un chrétien au
rabais reste seul à la tirer et il prend beaucoup plus de peine! Évidemment,
Notre-Seigneur lui limite ses grâces et serait en droit de lui dire : Tu veux les
choses au rabais, débrouille-toi tout seul!
Nous sommes donc au matin de Pâques. Deux groupes de Saintes Femmes
sont allées au tombeau. Elles avaient vraiment du courage de partir ainsi alors
que les apôtres restaient terrorisés et enfermés dans le Cénacle. Elles se
demandaient qui pourrait enlever la lourde pierre et y arrivent au moment où
gardes de Caïphe, affolés par l'apparition de l'Ange, s'en retournaient. Elles
constatent que le tombeau est vide. C'est alors que Jésus va apparaître à
Madeleine.
Ainsi mon Père, la première des apparitions sera pour une pécheresse ?
Oui, Messieurs, la première après celle à Marie, sa très Sainte Mère mais cette
pécheresse, remarquez-le, est une convertie à 100 %! Elle y a mis le prix, elle a
tout rejeté de son ancienne vie en brisant le symbole de son passé, ce flacon
d'albâtre de grand prix qui contenait un nard très précieux; puis elle s'est mise
sous la protection et la direction de la Sainte Vierge – c'est pour cela
vraisemblablement qu'on l'appelle Marie-Madeleine – elle a fait preuve pendant
la Passion d'un grand courage et d'une grande générosité… ce que demande
Notre-Seigneur, même si nous avons été de grands pécheurs, c'est une grande
foi en Lui et une grande générosité. Il le marque bien en apparaissant, en
premier lieu à Marie-Madeleine… Puis Notre-Seigneur apparaîtra ensuite à
toutes ces Saintes Femmes qui ont été si vaillantes pour Lui avant qu'elles ne
rentrent au Cénacle. Jésus avait dit : ,,Quand vous serez réunis en mon nom,
je serai au milieu de vous”, et il concrétise là sa promesse mais quand des
hommes sont réunis, de quoi parlent-ils… du match de dimanche dernier ou de
dimanche prochain ? du prix des bêtes ou de la politique ? Mais en général ils
n'osent jamais parler du Bon Dieu; il y a même des époux qui n'osent pas en
parler entre eux, dites-moi! mais à ces Saintes Femmes qui ne parlent que de
Lui, Jésus leur apparaît tout d'un coup .: Nous pourrions imaginer les voir
s'agenouiller au milieu du chemin pour Lui baiser les pieds… contemplez leur
joie, elles qui ont tant pleuré le Vendredi Saint!
Elles vont vite retrouver les apôtres pour leur en faire part, tout en s'attendant à
les voir exploser de joie, voire!
Thomas, "l'intellectuel catholique" ne marche pas et va abandonner le collège;
les autres les traitent de folies, on fera comprendre à Marie-Madeleine qu'elle a
dû rêver!… Cependant, Pierre et Jean veulent en avoir le cœur net et se
rendent au tombeau. Jean dira ensuite : ,,J'ai bien vu le tombeau ouvert, j'ai vu
les linges bien pliés et j'ai compris, à ce moment-là, que Jésus était bien
ressuscité.. J'ai repris alors la foi et j'ai cru”. Tandis que Pierre aura pour lui une
apparition spéciale de Notre-Seigneur… 
Mais entre temps le patron du Cénacle, Cléophas – (on peut s'imaginer la
scène) – craint, parce qu'il héberge les disciples de Jésus, une descente de
police. Tous par ailleurs ont perdu la foi et sont dans la désolation la plus
profonde. Or, il a dans la pinède, à Emmaüs, une ferme pour ses vacances; il
décide de prendre le large en confiant le Cénacle à sa femme : tu te
débrouilleras bien, moi je vais faire un tour par là, j'en ai assez de toutes ces
histoires! Et il part avec un ami; son nom n'est pas indiqué par St Luc, mais on
présume que c'était ou Nicodème ou Joseph d'Arimathie, ces deux qui s'étaient
vaillamment compromis au moment de l'inhumation de Notre-Seigneur; il est
très probable qu'après ce drame ils se soient réfugiés dans le Cénacle où se
trouvaient les apôtres.
Regardons ces deux hommes qui partent, ils ne passent point par la porte de
Damas où ils pourraient se faire arrêter. Ils font un détour pour rejoindre la
grande route plus loin, marchant d'un pas pesant, désolés qu'ils sont, se
redisant mutuellement l'objet de leurs pensées : Ah! qui aurait pu croire cela ?
pourtant, dans le désert, tout ce qu'il avait fait avec les pains, les poissons…
était-ce possible ? … Tout d'un coup, derrière eux, un pas allègre, un jeune
homme tient (((vient ??))) à leur hauteur : ,,Bonjour, Messieurs”.
Bon…jour!
Oh, Oh! que vous paraissez tristes!
Tristes ? mais comment, ne savez-vous donc pas ce qui s'est passé à
Jérusalem ces derniers jours, vous n'êtes pas au courant de Jésus de
Nazareth, cet homme si puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et
devant les Hommes ? On l'a arrêté, Monsieur, on l'a jugé, bafoué, souffleté, on
l'a flagellé, on lui a fait porter sa croix et puis on l'a crucifié… nous comptions
jusqu'au dernier moment qu'un miracle spectaculaire relèverait notre
espérance! ses bourreaux même l'on sommé de descendre de la Croix, mais
non… il est mort, Monsieur, il est mort… on l'a enseveli, là, dans un tombeau
qu'on a fermé avec une grosse pierre; même Caïphe le grand prêtre a fait
mettre des gardes… oh! ce matin les Femmes – elles sont un peu folles les
femmes! – sont allées au tombeau et elles ont dit qu'elle l'avait vu vide, et ont
prétendu avoir vu des Anges – comme si on pouvait voir des Anges!… et puis
Madeleine dit qu'elle a cru le voir; en tout cas, personne de nous ne l'a vu… 
Alors le jeune homme se mit à les reprendre avec vigueur :
Têtes dures et cœurs lents à croire, ne savez-vous donc pas que le Christ
devait ainsi passer par la souffrance avant d'entrer dans la Gloire ? et
commençant par Moïse et les prophètes, il leur donna une leçon magnifique
d'écriture sainte : Est-ce que le sceptre n'est pas sorti de Juda ? N'avez-vous
donc pas lu dans Isaïe ,,l'homme de douleurs” et chanté le Psaume 21ème : ils
ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os, ils se sont
partagé mes vêtements et cela vous étonne ?… et au fur et à mesure que le
jeune homme parlait leur intelligence s'ouvraient, leur cœur s'embrasait et St
Luc nous dit : ,,Il leur ouvrait l'Écriture…”.
Ah! mes chers Messieurs, n'entre pas qui veut dans la Sainte Écriture! St Jean,
dans l'apocalypse nous la présente comme un livre scellé de sept sceaux… N'y
entre pas qui veut, même si on l'a toujours en main! On pourrait s'étonner que
beaucoup n'arrivent pas à comprendre ce passage du Ch. 16 de St Luc où est
pourtant clairement signifiée la puissance de Pierre : Tu es Pierre etc…
puisqu'ils refusent son autorité… n'entre pas qui veut, non! et les pharisiens, du
temps de Notre-Seigneur connaissaient aussi les prophéties mais ils
n'arrivaient pas à les comprendre à cause de leur orgueil et de la dureté de leur
cœur: mais eux, à mesure que le jeune homme parlait, leur intelligence
s'ouvrait… A un moment donné, on devait quitter la grande route et prendre à
travers la pinède pour se rendre à la ferme. Le jeune homme fit mine de
continuer vers le port…
Comment, vous voulez embarquer ce soir ? Mais il n'y a pas de bateau,
voyons, venez avec nous, laissez-vous faire, vous prendrez une bonne nuit de
repos et demain nous vous conduirons avec la mule!
Ah! Messieurs, savoir retenir le compagnon de route, comme nous devrions
nous y appliquer! St Grégoire, qui commente ce passage, s'écrie :
,,Heureusement qu'ils l'ont retenu. Eh oui, savoir retenir le Christ…”.
On arrive à la maison et la fermière, affolée d'avoir ces 3 hommes à restaurer
se met en devoir de les faire asseoir. En partant de Jérusalem ils étaient tristes
et n'avaient pas faim mais leur joie est maintenant revenue, ils dévoreraient…
Ils demandent au jeune homme de continuer sa leçon d'écriture tandis que la
fermière va dresser le couvert et apporter de quoi manger, du pain, du
saucisson, du vin… Tout d'un coup, le jeune homme s'arrête de parler : il prit le
pain et le bénit, il le rompit et le leur présenta.
Cléophas a remarqué cela dans sa maison, Jeudi soir au Cénacle, tandis qu'il
servait à table… et tout d'un coup, à ce moment-là, nous dit St Luc, leurs yeux
s'ouvrirent et ils le reconnurent, mais Jésus avait disparu.
Tel que le rapporte l'évangéliste on ne peut déterminer s'il s'agit bien ici du rite
eucharistique car c'était une coutume juive de prononcer une bénédiction avant
de prendre le repas, mais il reste probable que le pain ayant été rompu, ils
s'agissait bien de ce rite eucharistique puisqu'il a toujours été appelé, dans la
primitive Église : ,,la fraction du pain”. Mais rien n'est rigoureusement défini à
ce sujet, les avis étant partagés, quoiqu'il en soit, voyez la bonté de Notre-
Seigneur pour ces deux hommes qui ont été vaillants pour lui : Cléophas n'a
pas hésité à prêter son Cénacle, se compromettant ainsi vis-à-vis des juifs«
l'autre, au moment de l'ensevelissement de Jésus (que ce soit Nicodème ou
Joseph d'Arimathie, nous le saurons au Ciel) eh bien, voilà : pour leur foi et leur
courage, Jésus les récompense de son apparition et cette récompense n'a été
que plus belle si Jésus les a communiés en leur présentant le pain.
On voit ici combien est admirable ce mélange d'humain et de divin, de temporel
et de spirituel… leur joie éclate dans l'évangile…
Continuons d'essayer d'imaginer la scène, la fermière arrivant avec son poulet :
Mais, où est le jeune homme ?
Il est parti et nous partons aussi…
Il est parti ? Je ne l'ai pas vu passer par la cuisine, mais comment vous partez
aussi ? Maintenant que le poulet est cuit ? mais mangez une cuisse au moins,
buvez un coup!…
Non, non, nous partons! et eux aussi s'en vont, laissant la fermière ébahie… 12
km, la nuit tombait, mais ils volaient sur la route… la joie, la joie profonde… ah!
ils n'avaient plus faim tellement il leur tardait d'annoncer la nouvelle et en cours
de route ils se disaient : N'est-ce pas que notre cœur était tout brûlant en nous
lorsqu'Il nous parlait en chemin et qu'Il nous expliquait les Écritures ?
Ils arrivent enfin au Cénacle, tambourinent sur cette porte toujours
soigneusement fermée à cause des juifs et dès qu'on les aperçoit on leur
crie : ,,Pierre l'a vu, Pierre l'a vu!!” Le matin on n'avait pas fait tant de bruit
lorsque les Saintes Femmes avaient annoncé la nouvelle, mais maintenant il
s'agit du témoignage d'un homme, et de quel homme! c'était celui qui répondait
toujours au nom des autres… on voit bien par là que malgré sa trahison, Pierre
avait gardé de son autorité; si l'on n'avait pas cru les Saintes Femmes, il fallait
le croire, lui! Imaginez ces hurlements de joie – Pierre l'a vu!… et nous aussi
nous l'avons vu… ils racontent alors comment ils l'avaient reconnu à la fraction
du pain et, tout d'un coup, les portes étant fermées, Notre-Seigneur est au
milieu d'eux : PAX VOBIS… Un fantôme… un fantôme!… PAX VOBIS,…
VIDETE… PALPATE… ils n'en revenaient pas et ne voulaient pas croire!… 
Et dire que des fous nous racontent que les apôtres ont eu une hallucination
collective! Comment ? Puisqu'ils ne voulaient pas croire! Ce sont plutôt ces
négateurs qui sont les hallucinés dans leur rage de vouloir échapper à la vérité;
ils ne peuvent comprendre ces choses-là vous disant par exemple : Comment
a-t-il pu entrer dans une maison dont les portes étaient fermées ?
A l'époque, on ne pouvait réfuter cela qu'en précisant que les paysans – et les
apôtres étaient bien des gens du peuple – ne s'en laissent pas conter pour
autant, qu'ils n'ont pas d'hallucination collective; ils ont plutôt les pieds sur la
terre et on ne leur fait pas prendre des vessies pour des lanternes; ce qu'ils
croient, ils le croient raisonnablement…
Nous pourrions maintenant les renvoyer à la physique moderne qui démontre la
discontinuité de la matière : quelqu'un qui en a le pouvoir peut la traverser tout
aussi facilement que les rayons X… oui, ils se croient malins de se moquer de
ces apparitions… 
PALPATE, VIDETE…, et comme ils restaient médusés, Notre-Seigneur se met
à table pour les rassurer… Il n'avait plus besoin
((fin page 360))
(p. 361)
besoin de manger avec son corps ressuscité – cela devait être même assez
humiliant pour Lui de se livrer à une occupation aussi matérielle, mais Il va le
faire par amour pour ses apôtres… La table n'était pas encore levée puisque St
Luc nous dit qu'il y avait du pain, du poisson rôti et du miel… alors Notre-
Seigneur se mettant à table, à dû manger avec beaucoup d'ostentation : je ne
suis pas un fantôme, voyez! et est-il possible que vous restiez encore
perplexes après tout ce que je vous ai dit ? Combien de fois ne vous ai-je pas
prédit que trois jours après je ressusciterai! Regardez comme je mange! et St
Luc a ici une phrase extraordinaire qui est un abîme – certaines phrases de
l'évangile, Messieurs, sont comme des abîmes pour la réflexion – c'est celle-ci :
,,leur joie était tellement grande qu'ils n'osaient pas croire”! Généralement la
joie vient d'une certitude, mais là ,,ils n'osaient pas croire”! Je rêve toujours d'un
grand peintre qui pourrait être assez habile pour rendre cette scène en donnant
aux disciples les expressions que cette phrase suscite : celle d'exprimer en
même temps la joie intense et l'étonnement!… 
Ensuite Notre-Seigneur soufflant sur eux leur dit : ,,Recevez le Saint Esprit : les
péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux
à qui vous les retiendrez” continuant ainsi à leur donner ses pouvoirs
sacerdotaux et Il disparaît les laissant dans une grande joie!… 
Mais il y avait quelqu'un qui n'était pas là. Quelqu'un qui avait déserté le collège
: Thomas!… Bien que les apôtres aient toujours peur, il fallait bien quand même
faire quelques commissions dans les rues de Jérusalem, et je me les imagine
rencontrant Thomas au café du "Progrès" lui demandant de réintégrer le
Cénacle car il ne faisait plus aucun doute que Jésus leur était apparu…
Apparu ?… j'appelle ça de l'hallucination collective… 
Quand même Thomas, tu n'es pas raisonnable! nous sommes tous à l'avoir vu!
Pierre n'est tout de même pas un imbécile, Barthélémy, le lettré du groupe non
plus, alors!!… 
Non, non, il n'y a rien à faire, moi, Thomas, j'ai les pieds sur la Terre, hein ? et
tant que je n'aurai pas mis ma main dans ses plaies et son côté je ne croirai
point, j'en ai assez de vos histoires; pendant 3 ans il nous a parlé de son
royaume… j'y croyais moi; je pensais que j'aurais un portefeuille et puis
bêtement, il se laisse arrêter et crucifier ? non, je ne marche pas…
Notre-Seigneur avait dit aux Saintes Femmes : ,,Allez dire à mes Frères que je
les retrouverai en Galilée, mais comment partir sans Thomas ?
Messieurs, il ne faut pas seulement lire l'évangile, mais le méditer … Vous
constaterez alors combien le cœur de Jésus est bon et prêt à récompenser
ceux qui font quelque chose pour Lui. Je présume que St Jean a dû voir la
Sainte Vierge et lui a rendu compte de la situation : Madame, nous devons
partir demain pour la Galilée où Jésus nous a donné rendez-vous.
Bien, Jean, je vais prévenir les Saintes Femmes, nous partirons de notre côté,
mais, et Thomas ?… 
Oh, Madame, Thomas n'est pas raisonnable, il ne veut rien savoir; tant pis,
nous partirons sans lui…
Nous partirons sans lui ? Ah! non, il y en a assez d'un de perdu, il ne faut pas
partir sans Thomas…
Mais Madame, il ne veut rien savoir et Jésus nous a donné rendez-vous!
Oui, sans doute, mais Il ne vous a pas dit de partir sans Thomas ? non, non! je
le prends sur moi, il faut prier… au besoin j'irai trouver mon Divin Fils, j'irai voir
Thomas ou dites-lui de venir me voir, mais il ne faut pas partir sans lui, c'est
déjà beaucoup trop d'avoir perdu un apôtre…
Cela a dû se passer comme ça bien sûr, mais est-ce que c'est la Sainte Vierge
qui est allée voir Thomas pour lui redonner confiance ou Thomas, inquiet
malgré tout, est-il venu la trouver ? … le fait est que 8 jours après Thomas
arrive au Cénacle, il est là, hargneux dans la joie générale :
Quant est-ce que nous partons pour la Galilée ? … 
Eh bien Thomas, on t'attendait pour partir…
Thomas un jour avait été très vaillant pour Notre-Seigneur .: c'était à l'occasion
de la résurrection de Lazare. Notre-Seigneur rentrait de Transjordanie pour
cela et les disciples ne voulaient pas le suivre. Ils avaient chargé Thomas de
faire part à Notre-Seigneur du danger qu'on courait; c'était vrai, car s'ils avaient
peur pour leur maître, il est clair que c'était surtout à eux qu'ils songeaient; il est
évident que des pierres destinées à Jésus quelques unes auraient pu s'égarer
sur eux, n'est-ce pas ? Mais Notre-Seigneur avait répondu : Tu sais Thomas, le
Jour n'a que 24 heures et nous devons travailler tant qu'il fait jour pour faire la
volonté de mon Père. Nous irons à Jérusalem… Alors Thomas, revenant
auprès de ses frères leur avait dit : ,,Il n'y a rien à faire, Il veut y aller. Eh bien,
nous irons avec Lui, et s'il faut mourir, nous mourrons avec Lui!”.
Et comme Notre-Seigneur se rappelle toujours ce qu'on fait pour Lui, 8 jours
après Pâques – nous célébrons cela le Dimanche de Quasimodo – il y aura
une apparition spéciale pour Thomas.
Les apôtres étaient toujours enfermés dans le Cénacle, prêts à partir pour la
Galilée avec Thomas recouvré : Tout d'un coup Notre-Seigneur à nouveau au
milieu d'eux. Imaginez la scène ; … Thomas essayant de se faire tout petit
derrière la cheminée.
Thomas, viens ici… 
Non, non, Seigneur, ce n'est pas la peine…
Thomas, viens ici.… et je vois très bien Thomas, penaud comme un gamin… à
l'école quelquefois, quand l'instituteur fait avancer pour le punir un élève qui a
fait une blague, celui-ci tourne son béret entre ses doigts… eh bien Thomas a
dû s'avancer comme cela…
Thomas, mets ton doigt dans mes plaies, mets ton doigt dans mon côté… 
Vous savez que Thomas est alors tombé à genoux, lui embrassant les pieds et
en hurlant : ,,Tu es mon Seigneur et mon Dieu!…”.
Jésus ne l'a pas félicité : ,,Tu croix, Thomas, parce que tu me vois, bienheureux
seront-ils ceux qui croiront sans avoir vu”… mais si nous n'avons pas vu, nous
avons des preuves pour soutenir notre foi, des milliers de preuves qui se
répètent au cours des siècles : par exemple depuis cent ans des milliers et des
milliers de miracles spirituels à Lourdes, de gens qui se convertissent; il y a
aussi des miracles physiques spectaculaires dont beaucoup sont déclarés
comme tels par les autorités scientifiques, c'est-à-dire des guérisons que le
processus naturel n'explique pas… il est dommage que les catholiques ne
connaissent pas suffisamment tout ce qu'il y a de positif dans ces preuves pour
pouvoir, le cas échéant, réfuter les erreurs que les ennemis de l'Église ne
manquent pas de propager.
En Galilée, les apôtres restaient un peu déconcertés : ils n'avaient pas encore
compris et demandaient au Seigneur quand est-ce qu'Il rejoindrait son
Royaume qu'ils considéraient sous des formes naturelles et où, sans doute, ils
pensaient avoir une place de choix; en attendant, il fallait bien se nourrir!… Un
soir, Pierre dit : Ce soir, je vais pêcher. Depuis l'histoire du coq, il était devenu
plus modeste, bien sûr, il n'osait pas trop commander et eux de répondre :
Nous allons pêcher avec toi. St Jean qui raconte cet épisode dit qu'il y avait
avec eux Thomas, Philippe, les 2 fils de Zébédée et deux autres, sans doute
André et Jacques. Pierre va demander la barque à un ami, prend le filet et toute
la nuit les voilà le lançant à droite, à gauche, devant, derrière. Rien!… Pourtant
Pierre se flattait de connaître le lac, mais pas un poisson, pas même une
sardine!… Il est facile de s'imaginer la tête qu'ils devaient avoir le matin à
l'aube, harassés, morts de faim et qui plus est bredouilles!… Pierre de se
dire ,,eh bien, moi patron pêcheur, pas même de quoi faire une bouillabaisse!
…”.
Tout d'un coup, dans l'aube naissante, sur la côte orientale, on voit une ombre
qui leur crie ,,Ohé! les garçons, avez-vous du poisson ?…
Catastrophe!… voilà qu'après avoir manqué la pêche, on manque aussi la
vente!…
Rien, répond Pierre… 
Jetez le filet à droite!…
Réalisez ici ce que des professionnels qui n'ont pas la langue dans la poche,
énervés d'avoir jeté cent fois le filet en pure perte, pourraient répondre à un
inconnu qui se permettait de leur donner ce conseil!…
Le mois dernier, je prêchais la retraite à St Jacut-de-la-Mer, il y avait là un
Terre-neuvas qui avait manqué son départ et vivotait en pêchant des
crustacés… Je lui demandais : Vous qui êtes de la partie, si par hasard un jour
un employé de banque de Paris en vacances, qui ne sait pas distinguer un
maquereau d'une sardine vous donnait des conseils, comment les accepteriez-
vous ?
Oh mon Père, me dit-il, dans ce cas-là, nous allons chercher dans le fond de
notre vocabulaire!…Voyez dès lors la réaction que Pierre peut avoir en
entendant l'injonction de cet inconnu, il pourrait se dire : voilà qu'on se fiche de
nous à présent ?… Mais vous le savez, depuis que le coq a chanté, il est
devenu beaucoup plus humble; on n'aurait sans doute pas trouvé drôle qu'il
réponde à sa façon à cet inconnu, mais non… et heureusement!… voyez, il a
dû regarder les autres : … allons, encore un dernier coup ? Et Pierre a jeté le
filet à droite…
Ah! une merveille!… allez… allez… allez!… ça grouillait!… et puis des gros! ils
comprennent vite les pêcheurs la nature de leur prise… Je me rappelle qu'en
barque avec des pêcheurs de mes amis, dans le golfe de Marseille, ils
m'avaient confié une ligne de fond, 60 mètres environ; tout d'un coup – car on
sait bien quand ça mord – je remontais ça et je croyais en sentant la prise se
débattre que j'avais un thon au bout!… Le patron, du petit doigt, touche à la
ligne et il me dit : ça ne fait pas un kilo… J'en étais presque vexé et,
effectivement, j'avais au bout un poisson de 800 grammes! Pierre, qui était du
métier, sans voir les poissons avait déjà compris que ce coup de filet était
vraiment miraculeux! mais ce miracle s'accompagnait d'un second miracle tout
aussi fort : ces gros poissons sont en effet la terreur des pêcheurs car ils
labourent rapidement un filet; or, il s'agissait là d'un filet emprunté puisque ces
hommes n'exerçaient plus leur métier et que même la barque avait dû être
sollicitée. Voyez combien cela doit être amusant de le rendre plus ou moins
déchiré ? Eh bien, Jean l'évangéliste souligne cette nouvelle délicatesse du
cœur de Jésus et spécifiant ,,que quoi qu'il y en eut tant le filet ne s'était pas
rompu”… et Jean s'y entendait en cette matière puisque lorsqu'il se mit à suivre
le Maître, il était en train de réparer les filets de son père!…
Il y avait là 153 gros poissons. Une pêche vraiment abondante, extraordinaire!
L'un de vous m'a demandé pourquoi ce chiffre de 153… 
On ne saurait donner à cette question une explication exégétique formelle,
mais il reste possible que les chiffres aient une valeur symbolique : on le
constate dans l'ancien testament, au sujet de DANIEL surtout et dans
l'apocalypse, bien que cela ne se détache pas nettement, raison pour laquelle
les commentateurs ne sont pas toujours d'accord dans leurs conclusions…
D'après St Augustin et les anciens experts en symboles de la vieille école
d'Alexandrie :
- 3 est le chiffre divin
- 4 celui du créé et de l'homme (4 points cardinaux, 4 bras de la croix)… 
- 7 celui de l'homme racheté, c'est-à-dire 4 + 3
- 10 chiffre parfait, celui de la perfection
- 17 c'est 3 + 4 + 10, c'est-à-dire la perfection de l'homme racheté : l'élu, le
Saint…
De ces données – mais il s'agit ici d'une interprétation personnelle toute
gratuite – on pourrait penser que ce nombre 153 donné par St Jean au chapitre
21ème symbolise la moisson des âmes sauvées par l'Église et cela pour deux
raisons :
La première, qui découle du sens métaphorique du texte, sens confirmé par la
parole de Jésus à Pierre lors de la première pêche miraculeuse (St Luc 5-
10) ,,Désormais tu seras pêcheur d'homme”.
La deuxième tirée du symbolisme des chiffres :
- d'une part : si l'on divise 153 par le chiffre "17", celui de l'élu, on obtient 9, ce
qui correspond aux 0 chœurs angéliques qui intégreront les élus d'après le
mérite de ces derniers.
- d'autre part : les chiffres 1-5-3 paraissent pouvoir être interprétés comme
symbolisant cette diversité dans le mérite et il est à remarquer que dans leur
particulier comme dans leur somme, ils s'insèrent dans le chiffre 9 précité et
que si on les multiplie séparément par leur multiplicateur commun, ce chiffre
"17" de la sainteté, le total de ces produits nous redonne 153 qui paraît bien
être ainsi le symbole de la moisson des élus.
Ceci dit pour satisfaire une curiosité légitime mais, encore une fois, nous n'en
aurons le fin mot qu'au Ciel… 
Tout d'un coup, Jean donne à Pierre un petit coup de coude : "DOMINUS EST -
c'est le Seigneur", et son amour pour le Seigneur est tel que Pierre va se jeter à
l'eau afin de le rejoindre plus vite, mais il ne perd pas la tête, il va d'abord
s'habiller : devant le Seigneur on ne doit pas se présenter en caleçon… il a ce
réflexe, cette réaction de la modestie qui doit nous servir d'exemple, surtout à
notre époque où l'on s'en croit dispensé… même à l'église parfois…
Les autres arrivent ensuite avec leur filet plein et Notre-Seigneur doit sans
doute les regarder avec un bon sourire : derrière l'anfractuosité du rocher il y
avait un feu de braise, un peu de fumée, une odeur de poisson, parfumée par
une essence aromatique et, dessus, un beau poisson cuit à point avec un bon
pain de froment. Dans sa bonté pour eux, Jésus avait préparé le petit déjeuner
à ces hommes morts de faim!… Contemplez cette scène, la délicatesse des
attentions du cœur de Jésus…
Mais à table, par trois fois, Notre-Seigneur va faire demander pardon à Pierre :
Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ?
Vous vous rappelez sans doute cette histoire où il s'était vanté : ,,Moi, plus que
les autres!”. Eh non, pas plus que les autres, Pierre l'a compris… 
Seigneur! vous savez que je vous aime…
Pais mes agneaux… 
Nous savons que les apôtres envisageaient encore le royaume sous des
formes matérielles; il reste plausible qu'à cette injonction du Seigneur ils purent
se dire en eux-mêmes : après sa trahison, c'est sûrement fini pour lui, voilà qu'Il
ne lui laisse que la direction des enfants…
Mais au bout d'un moment, le Seigneur lui dit encore :
Pierre, est-ce que tu m'aimes vraiment ?
Seigneur, vous savez bien que je vous aime!
Pais mes brebis… 
Oh, Oh, ont-ils pu penser, le voilà qui reçoit les brebis aussi!… 
Et une troisième fois, le Seigneur de lui demander :
Pierre, est-ce que tu m'aimes vraiment ?
L'unanimité de la tradition a toujours vu une corrélation entre la triple
protestation d'amour exigée par Jésus de Pierre et le triple reniement de celui-
ci : le pauvre Pierre, tout attristé de ce que Jésus lui eut dit une troisième fois :
m'aimes-tu, répondit :
Seigneur vous savez tout, vous savez bien que je vous aime!
Notre-Seigneur lui dit une nouvelle fois : Pais mes brebis, et, par là, confirme
qu'il le désigne comme étant son premier pape ayant autorité, non seulement
sur les fidèles figurés par les agneaux, mais aussi sur toute la hiérarchie de
l'Église qui symbolisent les brebis… on voit bien là que les dons de Dieu sont
sans repentance vis-à-vis de ceux qu'Il a choisis et si, comme Pierre, Judas
avait demandé pardon, nous aurions aussi un St Judas. Notre-Seigneur l'aurait
aidé à le devenir…
Pendant que les apôtres discutaient entre eux, vraisemblablement pour la
vente de leur pêche, on peut penser, bien que cela ne soit pas relaté dans
l'évangile, que Notre-Seigneur en profite pour s'entretenir avec Pierre et lui faire
ses recommandations au sujet de la marche de l'Église naissante… En effet,
on connaît le commencement de la conversation ,,Viens, suis-moi”… et sa fin
quand les apôtres furent de retour .: ,,Ah mon Pierre, quand tu étais enfant tu
allais où tu voulais, un jour viendra où l'on te mettra des menottes, on te
mènera là où tu ne voudras pas!…”. faisant allusion à son martyre… Préparez-
vous au martyre, mes chers Messieurs, nous vivons des temps si troublés que
peut-être nous aussi un jour nous aurons à témoigner! Pierre, lui, était trop
heureux de pouvoir finir ainsi!… 
La grande apparition ensuite, probablement sur le mont Thabor, très belle
apparition de Jésus au moins à cinq cents personnes, la grande apparition du
Christ-Roi : ,,Comme mon Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie,
baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du St Esprit, voici que je suis avec
vous jusqu'à la consommation des siècles; prêchez à toute créature : celui qui
croira sera sauvé; celui qui ne croira pas sera condamné”… 
Enfin, dernière apparition à Jérusalem : ce jour-là, avant l'ascension au Ciel,
dernier repas chez Cléophas avec les apôtres. Qu'il est bon le cœur de Jésus!
Il n'avait pas besoin de manger, Lui, mais les apôtres, oui, et dans un repas on
s'épanouit davantage entre la poire et le fromage, n'est-il pas vrai ?
Oui, mais à un moment donné cela a failli se gâter, vous ne savez pas pourquoi
? Toujours à cause de cette maudite politique!…
Moi je les vois très bien demandant à Jésus :
Alors Maître, c'est maintenant que tu vas établir ton royaume ? Pierre sera
président du conseil, on n'en doute plus, mais qui sera ministre des finances ?
ministre de la guerre ?… et Jésus dût les reprendre avec… vigueur…
Vous n'avez pas encore compris et je vous défends de partir évangéliser sans
faire votre retraite… vous allez tout compromettre autrement! Faites votre
retraite et le St Esprit vous fera comprendre toutes choses!
Et ils le lui promirent, heureusement!…
On monta ensuite sur le mont des Oliviers, face à Jérusalem, là où Il avait tant
souffert! Les fidèles n'étaient pas tellement nombreux : 120 environ. Il n'est pas
défendu de penser que Jésus dit un mot d'encouragement à sa Sainte Mère et
à chacun des apôtres : Je vous demande, ma Mère, de rester encore un peu
avec eux, ils ont trop besoin de vous, vous serez la Mère de l'Église… Vous les
Saintes Femmes, serrez-vous autour de ma mère, priez beaucoup, sacrifiez-
vous pour les besoins de l'Église et vous, mes disciples, courage, continuez,
votre récompense sera grande là-haut…
Après les avoir bénis une dernière fois, Jésus monta au Ciel…
L'Évangile nous dit qu'ils ne pouvaient pas s'empêcher de regarder les nuées
lorsqu'un ange vint : ,,Mais que faites-vous là ? Allez donc faire votre retraite
comme Jésus l'a dit… et ils l'ont faite, en gros la même que la vôtre où, sur les
conseils de Notre-Dame, ils ont dû voir d'abord le but de la vie; puis ils ont dû
pleurer leurs péchés; se sont souvenus ensuite de tout ce que Notre-Seigneur
leur avait enseigné, des exemples qu'Il leur avait donnés; ils ont pu revivre
ensuite les scènes douloureuses de la Passion, comprenant enfin combien le
Christ nous aime, que le grain de froment doit mourir en terre pour produire son
fruit, qu'il fallait nous aussi mourir au péché pour parvenir à l'éternelle vie, à la
Joie de Jésus retrouvé et ressuscité!… Et depuis, sans arrêt, les prêtres, les
religieux, les religieuses, les laïcs aussi retrempent leur ferveur dans ces
retraites indispensables où ils retrouvent, grâce au St Esprit, la force et le
courage de lutter pour la fécondité de l'Église et la Gloire de Notre-Seigneur
Jésus-Christ!… 
Or, le dixième jour de leur retraite était un jour de grande fête, l'anniversaire de
la Loi, le Jour de Pentecôte, 50 jours après Pâques. Il y avait donc beaucoup
de monde et beaucoup d'étrangers ce jour-là à Jérusalem. Comme le bruit d'un
vent impétueux le St Esprit descendit sur chacun des apôtres sous la forme
d'une langue de feu.
Dès lors nos apôtres ne sont plus les mêmes : eux qui étaient si peureux
auparavant sont maintenant pleins de courage… voyant ces gens-là
rassemblés (il est facile de deviner la scène) ils s'écrient :
Pauvres gens! vous ne pensez guère à votre fin dernière, à votre salut, vous ne
pensez qu'à votre ventre, à vos affaires, à votre argent, à vos plaisirs,
malheureux! vous vous damnez!…
Hé! qu'est-ce qui vous prend là-haut, vous avez bu sans doute pour nous
raconter des choses pareilles ?
Non, Non! on n'a pas bu à 9 heures du matin, c'est le St Esprit qui parle par
notre bouche comme l'a annoncé le prophète Joël… et ces gens s'aperçurent
qu'étant de pays et de langues différents, par un miracle évident, tous ont
compris ce que clament les apôtres, mais alors, c'est donc vrai ?
Mais que faut-il que nous fassions ?
Il faut croire en Jésus-Christ Notre-Seigneur, il faut faire pénitence de ses
péchés, il faut se faire baptiser… Que ceux qui le veulent lèvent la main… Trois
mille du premier coup! et le travail de les baptiser n'a pas manqué aux
apôtres… Quelques jours après : cinq mille!!… 
Mes chers Messieurs, ne me dites pas : Mon Père, comptez sur moi, l'an
prochain je reviendrai à la retraite en essayant d'y entraîner quelques
amis… Non, non! c'est dès maintenant, alors que le St Esprit agit en vous de
par vos bonnes résolutions que vous devez faire œuvre d'apostolat et
recruter… il faut que vous ayez comme de l'angoisse vis-à-vis de vos frères qui
se perdent, que cela soit votre grande inquiétude!…
Je me rappelle cette femme qui disait à son mari : Qu'est-ce qu'on t'a fait ? Il
est tout à fait logique que notre attitude tranche désormais sur cette apostasie
générale, sur ce manque de foi et cet indifférentisme religieux. Qu'elle tranche
avec celle de ces fous qui n'hésitent pas par exemple à partir en voiture en état
de péché mortel alors que peut-être, au premier tournant, ils entreront dans un
platane et aborderont le Jugement de Dieu sans être en état de grâce! il faut
les réveiller… Ne craignez pas, petit troupeau, Notre-Seigneur nous l'a dit… Il a
vaincu le monde et attend que vous marchiez sur ses traces!
Mes chers Messieurs, les grandes manœuvres sont terminées, à vous d'aller
faire la guerre comme les apôtres et de conquérir vos frères…
Nous terminerons la Retraite par un Salut de clôture où nous féliciterons notre
bonne Maman du Ciel de sa foi et de sa vaillance en lui chantant le Magnificat
de tout notre cœur!
Dès maintenant, une petite récréation pour vous permettre de vous procurer
quelques livres, la photo du groupe et le souvenir de la retraite. N'oubliez pas
de vous abonner à notre revue "Marchons" qui vous apportera tous les mois les
nouvelles de l'Œuvre et favorisera votre persévérance. La contemplation que je
viens de vous commenter, faites-là dans votre voyage de retour tout en restant
bien recueillis. N'hésitez pas non plus à la reprendre pendant la semaine qui
vient pour maintenir en vos cœurs la Joie de la Résurrection.
Bénidicamus (((Benedicamus ???)) DOMINO
DEO GRATIAS !
*****

DEUXIÈME PARTIE
MÉDITATIONS COMPLÉMENTAIRES DONNÉES DANS LES RETRAITES DE
HUIT JOURS
Nota I - Pour en tirer le meilleur parti ces méditations doivent être lues et
méditées dans l'ordre chronologique qui leur est fixé par le tableau
correspondant, page 4 de ce recueil, c'est-à-dire à la suite des méditations
propres aux retraites de cinq jours dont elles sont le complément.
Nota II - Certains exposés de la retraite de 5 jours sont allégés, ce qui conduit à
ce que quelques rares arguments et citations de ces exposés se trouvent
reproduits dans les présentes méditations complémentaires.
-------
LES APÔTRES AU CÉNACLE
Mes chers Messieurs, je vais vous commenter ce que nous appelons la
"méditation préparatoire" que vous ferez demain matin avant la messe.
Vous êtes tous des anciens retraitants ayant pour le moins fait les 5 jours; ces
derniers ont pu vous paraître complets et vous pourriez penser que la présente
retraite de 8 jours comporte des méditations supplémentaires pour tromper le
temps et arriver au bout ? … Non, Non! Soyez assurés qu'il y en aura de très
belles et que toutes auront un intérêt précis…
Cette méditation préparatoire a pour objet de vous mettre dans les dispositions
voulues afin que dès le début vous soyez tout au Seigneur… La Retraite est
une grâce – je vous cite les paroles mêmes du Père VALLET – vous devez
donc faire en sorte d'en profiter le plus possible. Cela vous a été déjà dit mais
on ne le comprend jamais suffisamment puisque c'est dans l'Éternité que tous
nous en saisirons la valeur, que nous saurons apprécier quelle faveur était pour
nous cette possibilité d'y participer… Certes, c'en est déjà une d'être venu et
d'être décidé à bien faire la retraite, mais la grâce sera bien plus grande encore
si vous la faites bien "effectivement"! Le Bon Dieu ne demande qu'à vous
l'accorder mais pour cela – c'est ainsi qu'Il l'a établi – il faut la lui demander par
la prière bien humblement et de tout votre cœur; il faut solliciter du Seigneur
l'ouverture indispensable de votre cœur et la grâce de l'humilité pour que vous
puissiez recevoir ses dons et en tirer profit. Il vous faut bien comprendre que
sans ces grâces nous ne pouvons rien faire, c'est ce qui faisait dire à St
Paul : ,,C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis et elle n'a pas été
vaine en moi”.
Oui, c'est en effet un très grand mystère : sans Dieu nous ne serions pas, sans
Dieu nous ne pourrions rien faire et, s'il est vrai qu'il y a un concours divin
naturel octroyé par la Providence, nous bénéficions aussi d'un concours divin
surnaturel appelé la grâce… Ce secours nous est nécessaire mais dans sa
bonté, Dieu veut que nous le lui demandions. Il veut que nous lui demandions
de nous aider afin que toujours nous nous rappelions que c'est Lui qui nous
sanctifie… ,,Peu d'âmes savent ce que Dieu ferait d'elles, disait St Ignace, si
elles n'y mettaient pas d'obstacles!”. Oui, vous ne pouvez vous imaginer quels
résultats cette retraite donnerait si vous vous livrez complètement au Seigneur!
… 
Pensez, Messieurs, à cette chose effarante qui s'est passée il y a bientôt 2'000
ans, celle d'être envoyés, 12 Hommes seulement, à la conquête du monde!
C'était bien une gageure quand on pense ce qu'était ce monde d'alors qui
dépassait le nôtre en corruption avec tout ce qui le caractérisait : la polygamie,
la sorcellerie, la tyrannie, l'esclavage… des difficultés sans nombre les
attendaient et pourtant ils sont partis sans un sou, sans instruction, sans appuis
politiques, eux, de simples pêcheurs de Galilée, à la conquête du monde!…
Cela faisait d'ailleurs rire les docteurs de la Loi à Jérusalem :
Quoi, c'est ça tes disciples ? des hommes qui crachent dans leurs mains et se
mouchent avec les doigts! de simples pêcheurs, de simples paysans ? Et ils les
considéraient avec mépris…
Et c'est pourtant avec ces pauvres apôtres que Jésus a envoyés que l'Église,
l'arche du Salut pour sauver toutes les âmes de bonne volonté a été plantée,
là, et quand le dernier est mort – c'était l'apôtre St Jean – elle était bien plantée
puisqu'il n'y a rien eu qui puisse réussir à la renverser.
Nous connaissons relativement peu l'histoire des apôtres, mais ce que nous
savons bien parce que cela est indéniable, c'est qu'à leur mort l'Église était
plantée et bien établie dans le monde connu d'alors…
Et avec ces hommes-là, ces simples, ces rustres ?… oui, avec eux… des
hommes qui pourtant semblaient être comme les autres puisqu'au soir du Jeudi
Saint dans cette nuit tragique, ils se sont signalés par leur empressement
unanime à fuir le danger et à abandonner Notre-Seigneur, à tel point que le
Grand Prêtre Anne demandera à Jésus pour le faire souffrir un peu plus .…
,,Où sont donc tes disciples ?”.
Et ce sont ces hommes qui vont planter l'Église ? mais vous plaisantez ?
Oui, Monsieur, ce sont ces hommes… 
Mais enfin ils sont incapables de connaître leur chemin, ne savent pas se
débrouiller, comment feront-ils donc ?
Évidemment il y a là, Messieurs, à la fois un mystère et un miracle… Qu'est-il
donc arrivé ? Il est arrivé que le jour de la Pentecôte ils ont reçu le St Esprit…
Et comment se sont-ils préparés à le recevoir ? Comment ont-ils pu devenir des
hommes si différents et à qui rien ne fera plus peur ? … Quand on les battra ils
s'en iront pleins de joie nous dit le livre des actes des apôtres, pleins de joie
d'avoir souffert pour le Christ.
Pas possible!… Eh oui, et Pierre répondra à Caïphe devant le Sanhédrin ,,NON
POSSUMUS NON LIQUI – Nous ne pouvons pas ne pas parler!”. Pourquoi cela
? Parce que le St Esprit le remplissait et agissait en lui… et parce que tous, ils
s'étaient préparés à le recevoir par une retraite…
Avant son Ascension, Notre-Seigneur leur avait dit : ,,Surtout ne partez pas
sans faire votre retraite”. Et ils lui ont obéi… En descendant du Mont des
Oliviers où Jésus avait voulu monter au Ciel d'une façon visible, pleins de joie
ils se sont rendus au Cénacle et là, pendant dix jours, ils ont fait cette retraite,
les Exercices Spirituels, en gros ceux que vous allez faire…
Bien sûr, ils devaient être quelque peu novices en les entreprenant et j'imagine
qu'en arrivant au Cénacle l'organisation devait en être assez simplifiée :
c'étaient des Orientaux qui ne s'embarrassaient guère et les coopératrices - je
veux dire les Saintes Femmes qui les assistaient - devaient faire cuire de
grosses marmites de rutabagas ou de pommes de terre, il n'y avait pas de
chambres individuelles, c'est plus que certain, d'ailleurs les Orientaux se
contentent d'une natte, mais comment opéraient-ils sur le plan spirituel ?
Il me semble que dès le premier soir Pierre et Jean durent aller trouver Notre-
Dame pour lui demander conseil : ,,Madame, que faudrait-il faire en attendant
le St Esprit que Jésus a promis de nous envoyer ?”.
Eh bien, il me semble à moi que nous devrions réfléchir sur le but de la vie, sur
la Vie Éternelle… nous sommes sur la terre pour faire notre Salut et ce
message doit être porté aux autres, nous pourrions méditer là-dessus…
Mais Madame, comment faire pour méditer ?
Et Marie (St Luc nous le dit en deux endroits : Marie conservait ces "choses",
les "méditant" dans son cœur) a dû pouvoir leur indiquer la tactique à suivre :
par la mémoire se rappeler "ces choses" que Jésus leur avait enseignées, par
l'intelligence les "méditer" pour en comprendre le sens et le pourquoi, et par la
volonté prendre dans "leur cœur" les résolutions, les engagements utiles…
Maintenant que nous avons médité, Madame, que pourrait-on faire ?
Eh bien, si nous songions au monde que vous avez à convertir, à toutes ces
créatures créées (c'est ce que le Concile Vatican II dans sa constitution
"L'Église face au monde" nous explique) toutes ces créatures créées sont des
moyens! Rien ne peut nous faire perdre le but de la vie si nous savons utiliser
ces moyens…
Pierre alors a dû vraisemblablement monter sur une chaise ou une table et
expliquer cela comme il le pouvait, chacun dans son coin, assis à l'orientale,
écoutant et méditant après.
Et ensuite, Madame ?…
Vous vous rappelez que le Seigneur a promis le pardon mais il faut auparavant
pleurer les péchés… et Pierre a dû se dire en lui-même : Hum!… Et oui, c'est
vrai, c'est quand nous les pleurons qu'Il pardonne!
Et puis, Madame ? - La Sainte Vierge a dû alors leur suggérer :
Vous pourriez peut-être maintenant revoir la vie de mon Fils, tout ce qu'Il a fait
depuis le commencement ? et il est vraisemblable qu'à cette occasion, les
apôtres ont dû se faire raconter par Marie tout au moins les grandes lignes de
ce que fut la vie cachée de Notre-Seigneur, certains détails de son enfance…
évidemment elle seule pouvait le leur indiquer, c'est donc possible qu'elle le fit,
mais peu importe… Ils ont alors étudié là la vie de Notre-Seigneur, la revoyant
puisqu'ils en avaient été les témoins, en approfondissant les attitudes, les
déclarations, l'enseignement de leur Maître…
Il était ensuite naturel qu'ils méditent sur sa passion et sa mort en terminant par
sa résurrection et ses diverses apparitions, tout cela pendant dix jours durant…
Quand au dernier de ces jours au matin (c'était le jour de la Pentecôte), dans
un bruit formidable, le St Esprit descendit sur eux sous la forme de langues de
feu…
Dès lors ils n'étaient plus les mêmes hommes. Eux qui étaient si timides, si
craintifs d'avoir quelque histoire avec les Juifs et se tenaient cloîtrés, les voilà
sur le balcon du Cénacle, se mettant au grand jour à haranguer la foule… Le
bruit avait attiré pas mal de monde… n'oublions pas que c'était un grand jour
de fête celui de la Pentecôte juive : on y commémorait le jour où Dieu avait
donné la loi à Moïse sur le Mont Sinaï; elle se célébrait 50 jours après Pâques,
voilà pourquoi on l'appelait la Pentecôte, c'est-à-dire "cinquante"; beaucoup
d'étrangers venaient à cette occasion à Jérusalem et voilà qu'à ce monde qui
se rassemble sous le balcon, les apôtres se mettent à les haranguer, leur
parlant de leur salut et de la Vie Éternelle à tel point que les gens surpris, les
prennent pour des hommes pris de boisson.
Non, Non! à cette heure matinale, on n'a pas encore bu, dit St Pierre, ce n'est
pas encore le moment, mais c'est le St Esprit qui nous charge de vous avertir.
Malheureux! travaillez à votre Salut!
Et que faut-il faire ?
Ce qu'il faut faire, c'est de vous convertir, de faire pénitence, c'est de Prier,
c'est de croire à Jésus-Christ, etc… et ce jour là, ils en baptisèrent trois mille;
un autre jour cinq mille… et au bout d'un certain temps ils se partagent le
monde connu à cette époque pour aller y prêcher la bonne nouvelle et
l'évangéliser…
Lorsque le dernier apôtre fut mort, l'Église était plantée ne demandant qu'à
étendre de nouvelles racines. Oui, conséquences d'une retraite!
Ce St Esprit que les apôtres ont reçu veut aussi descendre sur vous dans cette
retraite, mais il ne descendra que dans la mesure où vous le solliciterez, dans
la mesure où votre cœur sera prêt à le recevoir et à obéir à ses inspirations…
A quoi cette retraite va-t-elle nous préparer ? Pour tous, bien sûr, à l'éternité :
pour certains, elle se présentera un peu plus tôt, ceux de mon âge par
exemple, pour d'autres un peu plus tard… à moins qu'ils ne partent avant!! car
nous ne savons absolument rien sur ce sujet: mais avant, précédant la mort, il
peut y avoir la souffrance, la maladie, or tout cela, vous le savez, ne fait après
tout qu'un certain nombre de minutes… Songeons que dans ce peu de temps
qui nous reste nous avons tous une mission à accomplir dans ce pauvre monde
"déboussolé", nous n'avons qu'à regarder autour de nous pour nous en
convaincre, car combien peu hélas semblent écouter les avertissements
solennels de la Sainte Vierge donnés par elle dans ses sanctuaires de Lourdes,
il y a 100 ans, de Fatima il y a à peine 50 ans, avertissements dont bien des
choses qu'ils annonçaient se sont déjà produites…
Oui, cela fait frémir de voir le monde continuer à ne pas vouloir écouter, un
monde qui se dissipe au lieu de se convertir… alors, nous, "CUM MARIA
MATREM JESUS" dit St Luc, avec la Mère de Jésus nous allons faire cette
retraite : nous la ferons en suivant sa méthode, celle qu'elle a apportée et
confiée à St Ignace. C'est elle qui nous a obtenu la grâce de venir ici, elle, la
médiatrice de toute grâce auprès de l'unique médiateur… c'est elle qui tous les
jours nous aidera dans nos consolations, dans nos désolations; de notre côté,
appliquons-nous bien, ne manquons pas la retraite par notre faute…
Permettez-moi d'insister auprès de vous : vous savez tous méditer puisque
vous n'en êtes pas à votre première, certains mieux que d'autres mais il me
semble nécessaire de vous rappeler quelques conseils de St Ignace à ce sujet :
Dès ce soir, en vous couchant, pensez à cette méditation de demain matin,
c'est la première addition, n'oubliez pas ce principe, même en dehors de la
retraite; que votre esprit sache s'imprégner en quelque sorte du sujet traité
parce que dans votre subconscient se continuera pendant votre sommeil ce
travail de préparation. En vous habillant demain matin, St Ignace veut aussi
qu'après avoir offert votre journée au Bon Dieu, vous chassiez tout autre
((toute autre ??) pensée pour ne penser qu'à votre méditation.
Que vais-je dire au Bon Dieu ? C'est ce que St Ignace appelle la deuxième
addition…
Dans les diverses méditations de la journée, tout en montant de la salle des
exercices à votre cellule, prenez garde là aussi de ne pas vous laisser distraire,
de ne pas laisser "torpiller" votre méditation par le démon qui est très fort pour
suggérer de vaines curiosités : par exemple le frère aura placé une nouvelle
affiche et on se précipite dessus, ou placé un nouveau livre sur la table et on
n'a de cesse que de le consulter… non, non! ce n'est pas le moment, pensez
que le démon ne cherche qu'à faire évader votre esprit vers d'autres lieux pour
vous empêcher de récolter les fruits normaux que la méditation bien faite doit
vous apporter…
Suivez donc bien à ce sujet les conseils que le Père vous a déjà donnés à la
leçon d'ouverture afin d'être tout entier à votre méditation et à Celui auquel
vous allez vous unir par la pensée…
Combien de méditations manquées, ratées, parce qu'elles ont été mal
commencées, que le problème a été mal abordé!… 
N'oublions pas aussi que Dieu est un grand personnage et que nous devons
avoir envers Lui la vertu de religion, c'est-à-dire ce qui compose nos devoirs de
respect et d'humilité envers la Divine Majesté! Priez-la pour qu'Elle vous donne
de ne point vous distraire et de vous entretenir dans cet effort d'attention
nécessaire.
Voilà mes chers Messieurs, dans quelles dispositions il importe de se trouver
pour bien aborder cette retraite en commençant par cette méditation de demain
matin.
Elle est facile puisque vous n'aurez qu'à contempler :
1.- les apôtres avant leur retraite
2.- les apôtres pendant leur retraite
3.- les apôtres après leur retraite.
Vous les regarderez : apparemment ils sont très ordinaires. Ils n'étaient pas
bien sûr sans qualités, notamment St Pierre qui possédait des qualités
naturelles très enviables comme les dons d'intelligence et de gouvernement, de
foi surtout, nous aurons l'occasion de nous en convaincre au cours de la
retraite… cependant ils sont des hommes eux aussi, faibles par conséquent.
On pourra les voir tous abandonner Notre-Seigneur au Jardin des Oliviers… on
pourra voir les trois préférés s'endormir alors que leur Maître est à l'agonie et
qu'ils le voient souffrir!…
Et c'est avec ces hommes si faibles que Jésus va conquérir le monde ?
Eh oui! c'est avec eux qu'Il va planter son Église dans le monde entier. Avouez
qu'il y a là quelque chose d'ahurissant! ,,Leur voix résonnait dans le monde
entier” avait déjà dit le prophète en parlant des apôtres, alors, quant à nous,
espérons, ne nous décourageons pas, ne nous arrêtons pas parce que
quelques difficultés se dresseront devant nous! Je vous disais que la Sainteté
repose sur une question de confiance en Dieu… Par nous-mêmes impossible
d'y arriver, c'est évident, mais si nous avons une réelle confiance en Lui, eh
bien, Il peut faire de nous des Saints!
Mais que faut-il faire pour cela…
Il ne faut pas nous défier, il ne faut y mettre aucun obstacle. Au fond, tous,
nous voudrions le devenir mais quand pour cela Dieu veut mettre en marche
notre générosité et notre volonté, c'est alors, n'est-il pas vrai, que nous
voudrions contrôler si cela ne va pas nous mener trop loin, si ce n'est pas trop
fort, si cela ne va pas gêner nos petits calculs ? … Alors non! alors c'est fini…
vous empêcherez le Bon Dieu d'agir!… Si St François Xavier, avant de
commencer sa retraite, avait dit : ,,Oui, je veux bien faire quelque chose, mais
ne m'en demandez pas trop, car si vous m'en demandez trop, je ne pourrai
pas” il ne serait jamais devenu Saint François Xavier!
Dieu ne peut pas vous en demander trop puisque tout lui appartient et nous
savons par ailleurs toute la bonté qu'Il a pour chacun de nous… C'est ainsi qu'Il
nous fait dire par St Paul, inspiré par le St Esprit : ,,Dieu est fidèle. Il ne
permettra pas que nous soyons tentés au-dessus de nos forces et dans la
tentation Il nous donnera les secours nécessaires pour en sortir avec succès”
donc, n'ayez pas peur, le Seigneur ne vous demandera pas plus que vous ne
pourrez mais, comprenons-le, en faisant ces restrictions, en manquant de
confiance, nous arrêtons le Bon Dieu…
Si St Paul, au moment où Jésus l'a renversé de cheval sur le chemin de Damas
avait dit : ,,Attention, je veux bien devenir chrétien mais je voudrais savoir
d'abord ce que vous allez me demander”, Notre-Seigneur ne lui aurait
certainement rien demandé et il ne serait pas devenu Saint Paul! Mais St Paul
a compris que Jésus est Dieu. Il ne discute donc pas et avec la générosité
qu'on lui connaît il s'écrie : ,,Domine quid me vis facere - Que voulez-vous que
je fasse, Seigneur ?”. S'il s'était défié, c'était fini, c'est donc une question de
confiance. Si vous avez une grande confiance en Lui, Il vous écoutera et vous
transformera… c'est ce qu'il faut demander au Seigneur, cette grâce d'avoir
une grande confiance en Lui et d'être généreux à lui répondre…
De même faire en vous une grande solitude parce que si vous acceptez de
vous évader du sujet, ne serait-ce que par la seule imagination qui s'en irait
retrouver la famille, les affaires et le monde, si vous ne brisez pas avec le
"cinéma" que le démon tentera de faire en vous alors vous n'entendrez pas
Celui qui parlera à l'oreille de votre cœur…
Écoutez-le… ,,Si tu veux entendre Dieu, tais-toi” dit St Augustin… ,,J'écouterai,
dit le Psaume 84, ce que le Seigneur parle en moi-même” mais si vous
n'écoutez pas, Dieu ne dira plus rien… alors il faut être attentif, il faut être à
l'écoute, faire silence intérieurement; il faut, et notre Père Vallet le
recommandait, l'esprit de componction. Qu'est-ce à dire ? C'est l'esprit qui
s'applique à la ferveur à se faire une âme priante, toute livrée à Dieu, pleine
d'amour pour Lui… ,,Prier, disait Ch. de Foucault, c'est penser à Dieu en
l'aimant”, en ayant une grande dévotion au St Esprit.
Seul, je vous l'ai déjà dit, il nous est impossible de nous sanctifier, Lui seul peut
nous faire arriver à la sainteté. L'esprit de componction, c'est aussi d'avoir
recours à Marie : Voyez-vous, dans cette méditation qui doit nous permettre
d'aborder cette retraite avec le maximum de saintes dispositions, nous devons
lui demander cela, qu'elle intercède pour nous l'obtenir… les apôtres ont fait
leur retraite, mais pas avec paresse : si leur retraite a été si fructueuse, c'est
qu'ils se sont livrés à Dieu avec tout leur amour, avec une grande ferveur. Ils
ont prié le Seigneur de disposer d'eux car ils se sentaient faibles et
impuissants; ils s'en rendaient bien compte, mais c'est avec une grande
humilité et une grande générosité qu'ils l'ont fait et la Vierge Marie, se trouvant
au milieu d'eux, devait très certainement les encourager à cela… eh bien, à
nous aussi elle ne saurait faire autrement, faisons la retraite avec elle…
Sur chacun des points, mémoire!… intelligence!… volonté!…
Voyons ce monde conquis par ces Douze, eux qui étaient méprisés des
pharisiens, des docteurs de la Loi; si le Saint Esprit a ainsi montré sa toute
puissance le Bon Dieu a voulu, pour réaliser ces merveilles, faire appel à tout
ce qu'il y avait de plus faible, de plus impuissant au point de vue humain. Eh
bien, le Seigneur veut aussi faire de grandes choses en vous quels que soient
votre âge, votre situation sociale, votre intelligence; le Seigneur est capable de
vous conduire à la Sainteté… 
Livrez-vous à Lui avec confiance. Courage!
Je terminerai par cette page de Monseigneur d'HULST qui était recteur de
l'institut catholique au siècle dernier. Il l'écrivait en 1895 pendant sa retraite à
Athis Mons tout près de Paris, voici ce qu'il disait :
,,Qu'est-ce qu'un Saint ? C'est un homme qui croit aux promesses de Dieu, à la
puissance de la grâce; c'est un homme qui dit avec St Paul ,,SCIO CUI
CREDIDI ! - je sais à qui je me suis confié”, qui, avec St Pierre marchant sur les
eaux ne se demande pas : comment pourrai-je suivre Jésus-Christ, mais
quelles raisons il a de Le suivre, et, une fois convaincu du pourquoi, s'en remet
à Dieu du comment, se met à l'œuvre et lui dit : C'est votre affaire! Ainsi ont fait
les martyrs. Ils ne se sont pas exercés au martyre comme des acteurs qui
répètent un rôle, non! ils ont compté sur Dieu pour qu'ils aillent combattre. Cent
fois j'ai exprimé cette pensée dans mes prédications et mes conseils aux âmes,
jamais elles ne m'avaient saisi à ce point… J'ai vu toute la spiritualité de
concentrer en cette vertu de confiance. J'ai senti que dans l'élection de demain,
Dieu va me demander beaucoup, qu'il me sera naturellement difficile d'y
persévérer et que le moyen d'en arriver à bout, c'est de compter sur Lui!”.
Et il ajoute :
,,Tandis que cette lumière m'éclairait, je ne sais pourquoi, je pensais tout à
coup aux grandes œuvres qu'avaient faites jadis dans le monde les disciples
de St Ignace, surtout ces grands missionnaires du Japon et de l'Amérique, ces
confesseurs intrépides, ces martyrs innombrables… comment s'étaient-ils
préparés à tout cela ? En faisant les exercices, en se pénétrant de l'esprit de
Jésus-Christ, du désir de le suivre et d'une confiance absolue en sa grâce. Il ne
leur a pas fallu d'autre initiative avec ce bagage que le monde eût trouvé léger,
ils sont allés partout et partout ils se sont trouvés armés pour vaincre et alors
j'ai demandé ardemment par Marie la grâce de la confiance en Dieu”.
Voilà, mes chers Messieurs, l'objet de votre méditation de demain matin.
Pensez-y en vous couchant et demain, s'il plaît à Dieu, nous la ferons
ensemble. Nous terminons par la prière du soir, page 6.
*****
N° 27
LES TROIS DEGRÉS D'HUMILITÉ
Saint Chrysostome disait : ,,Les apôtres ont converti le monde non pas à cause
des miracles qu'ils ont faits, mais parce qu'il y avait en eux un vrai mépris de la
gloire et de l'argent” … Si nous faisions comme eux nous aussi nous
convertirions le monde sans que des miracles soient nécessaires…
Vous avez fait les trois colloques de la méditation des 2 Étendards et de celle
des 3 classes d'Hommes. Si le Seigneur attend de vous un sacrifice qui vous
coûte vraiment et sans pour cela faire de prière imprudente demandant des
choses que vous ne pourriez peut-être pas tenir, vous avez dit au Bon Dieu
dans ces colloques : ,,Seigneur, si vous voulez ce sacrifice, avec votre secours
je veux tout ce que vous voulez, même ce sacrifice!”.
Nous nous trouvons ainsi au moment de la retraite où nous devons choisir si
nous voulons vraiment devenir de véritables disciples du Christ ou si nous
allons continuer à rester, si c'est notre cas, des médiocres et des impuissants…
Le Cardinal BURNES qui se trouvait en Angleterre pendant la guerre de
1914/18 était un homme remarquable à tous les points de vue et de très grande
autorité. Voici ce qu'il disait à ses prêtres (et cela nous pouvons l'appliquer à
nous-mêmes) : ,,Après une longue expérience, je me suis convaincu que pour
nous, prêtres, les périls les plus grands ne résident pas tant dans de fortes
tentations si non plus, du moins au début, dans des péchés graves. Pour nous
les vrais péchés se présentent plutôt à la bifurcation des chemins, quand nous
devons choisir entre deux voies : une plus généreuse et plus ardue, la voie qui
monte, celle de la ferveur; et l'autre, non encore pécamineuse mais seulement
plus facile et plus indulgente, la voie de la médiocrité”.
Eh bien, mes chers Messieurs, nous sommes maintenant à cette croisée des
chemins. Allons-nous continuer de marcher dans la voie de la médiocrité ou
bien serons-nous décidés pour de bon à suivre le Christ ?…
La contemplation des deux Étendards a éclairé notre intelligence et nous a
montré la quintessence de l'esprit chrétien en nous faisant mieux connaître
l'esprit du monde… Vous avez remarqué qu'il y a opposition fondamentale,
irréductible, entre l'esprit du Christ et l'esprit de ce monde dont Satan est le
Chef. Notre-Seigneur méprise en effet les biens de ce monde : ,,Bienheureux
les pauvres d'esprit, bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux les pacifique,
bienheureux les miséricordieux, bienheureux ceux qui souffrent persécution
pour la Justice” … Par contre, dans le monde, c'est tout un programme
contraire : Réalisez de bonnes affaires au détriment de la justice, bienheureux
les honneurs les réussites devant les gens, les faux honneurs du monde,
l'argent, l'orgueil qui entraîne tous les autres vices, ça oui! et vous avez compris
qu'il ne fallait pas songer à marier ces deux programmes parce que, en effet,
beaucoup de gens pensent à le faire : ils voudraient prendre un peu d'esprit
chrétien et un peu de celui du monde… c'est impossible, car non seulement ils
ne sont pas pareils mais il y a entre eux une opposition fondamentale. Je pense
qu'avec la grâce de Dieu vous avez bien compris cela mais demandez à le
mieux pénétrer. Nul ne peut servir deux Maîtres a dit Notre-Seigneur : ou il
s'attachera à l'un et méprisera l'autre ou il aura de l'amour pour l'un et de la
haine pour l'autre; on ne peut servir à la fois Dieu et Mamon!…
Dans la contemplation des "trois classes d'hommes" vous avez mieux discerné
les deux "torpilles" dont se sert le démon pour vous empêcher d'aboutir : la
première classe c'est celle qui renvoie les décisions à plus tard… oui, plus tard
on verra ça!… plus tard nous nous en occuperons!… plus tard tu te
convertiras… et plus tard, il est souvent trop tard!… 
Dans la deuxième classe on veut bien faire quelque chose tout de suite mais
on ne se décide pas à faire ce que le Bon Dieu vous demande soit pour sortir
du péché, soit pour avancer dans la Sainteté, alors on fait tout de même
quelque chose et cela nous rassure : on s'occupe de telle ou telle œuvre, on
fait une plus large part à l'aumône, mais ce qu'il faudrait faire on ne le fait pas :
on ne fait pas ce que Dieu attend de nous depuis des années peut-être.
Il n'y a en bref que la troisième classe d'hommes qui est raisonnable et décidée
à y mettre le prix, à faire tout ce qu'il faut pour se sanctifier. Je pense que vous
êtes de ceux-là.
Mais il ne faut pas passer trop vite. En effet, St Ignace veut que nous
multiplions les trois colloques en y ajoutant la remarque du N° 157, cette
remarque que nous commentons généralement par l'histoire du "lapin blanc".
Vous la connaissez. Elle nous fait conclure en bref que si nous avons peur que
le Bon Dieu nous demande un sacrifice trop lourd (encore une fois, pas de
prière imprudente qui promettrait formellement quelque chose que vous ne
pourriez pas tenir ensuite) nous nous en remettons à Lui en Lui disant : ,,Mon
Dieu! ce que vous voulez je le veux, même si vous voulez ce que j'appréhende,
si c'est pour votre plus grande gloire!” , ce qui remet tout d'aplomb, voyez-vous,
et vous permet de vous offrir malgré l'appréhension de notre nature à le faire.
Il faudra donc revenir à cette remarque et aux Nos 164 et 167 où nous allons
étudier les 3 manières de vivre dans l'humilité.
Veuillez prendre la page 387 :
Remarquez qu'on pourrait dire aussi les 3 degrés d'humilité car, sans nul doute,
l'un est plus grand que l'autre et le troisième plus grand que les deux
précédents, mais ils ne sont pas une succession et l'expression : Trois
manières ou "trois modes" d'humilité est à ce point de vue plus exacte.
Voulez-vous lire avec moi - N° 164 : ,,Avant d'entrer dans les élections, pour
qu'on s'attache de cœur à la véritable doctrine de Jésus-Christ Notre-Seigneur,
il y a grand profit à considérer et remarquer attentivement les trois manières
d'humilité ci-après, y réfléchissant par moments durant tout le jour et de même
faisant les colloques, suivant ce que l'on dira plus loin. (c'est-à-dire les
colloques des trois classes d'hommes avec la remarque 157 dont nous venons
de parler).
St Ignace nous conseille donc pour aujourd'hui (et les jours qui suivront) afin de
nous affectionner davantage à la véritable doctrine pour devenir de véritables
disciples de Notre-Seigneur, de "ruminer" ces trois modes d'humilité.
St Thomas définit l'humilité "la parfaite soumission de l'homme à Dieu". Par le
péché, l'homme veut se mettre au-dessus de Dieu, ne tenant pas compte de
Sa Loi… L'humilité est tout à fait le contraire de cela : c'est la parfaite
soumission à son Souverain Maître et c'est le sens que va lui donner St Ignace.
Remarquez également qu'au lieu d'appeler cela les trois modes d'humilité, il
aurait pu tout aussi bien dire "les trois modes de charité", mais il préfère
montrer le côté pratique, je dirais même "pénible" pour nous enlever toute
illusion.
St Bernard, lui, nous définit l'humilité comme étant la vertu par laquelle l'homme
prend une vraie connaissance de lui-même et se reconnaît vil; l'homme voit
alors que tous les biens qu'il a, il les tient de Dieu; que sans le concours divin, il
ne peut rien faire, que tout le bien qu'il réalise il le fait par la grâce de Dieu…
On fait dire à Ste Thérèse d'Avila : ,,L'humilité, c'est la vérité”. On ne trouve pas
cette définition dans ses œuvres mais dans le "chemin de la Perfection" au
chapitre 38ème, elle nous dit : ,,L'humilité consiste à vivre en vérité”.
Eh oui, Dieu est Dieu; nous sommes sa créature, nous sommes sur la terre
pour le louer et le servir!… ,,Si quelqu'un m'aime, il garde mes
commandements” dit le Seigneur, et donc, si nous voulons le suivre,
entretenons-nous de ce premier mode d'humilité. Écoutons St Ignace :
Le premier mode d'humilité est nécessaire pour le salut éternel. Il consiste à ce
que je m'abaisse et m'humilie ainsi autant qu'il me soit possible afin que
j'obéisse en tout à la loi de Dieu Notre-Seigneur, de telle sorte que jamais,
même si on me faisait maître de toutes les choses créées de ce monde, même
pour sauver ma propre vie temporelle, je ne mette pas même en délibération la
possibilité de transgresser un commandement de Dieu ou des hommes qui
m'oblige sous peine de péché mortel.
C'est le minimum de l'humilité ou charité. Si nous n'avons pas cela nous ne
pouvons nous sauver. Quelqu'un qui n'a pas les dispositions intérieures de
mourir plutôt que de faire un péché mortel et même de mettre en discussion s'il
péchera ou non, celui-là se détourne de Dieu et ne peut se sauver s'il reste
dans ces conditions… Comment! Admettre qu'on puisse jouer au petit bon Dieu
en face de Dieu ? Ah ça non! Dieu ne l'accepte pas… vous connaissez peut-
être le mot de St Dominique SAVIO, ce jeune homme à qui l'on proposait de
pécher : ,,La mort, ((( la morte ???)) si ma no il peccato! - La mort oui, mais
pas le péché”.
C'est dans des situations semblables que ce premier mode d'humilité peut vous
conduire. Vous avez tous entendu parler de Thomas MOORE, maintenant
canonisé. Thomas MOORE était un lord anglais; il aimait la chasse, les bons
dîners; il aimait les grivoiseries aussi puisqu'il avait fait un ouvrage qui n'était
pas à mettre dans toutes les mains, mais il avait la foi et était décidé à mourir
plutôt que de pécher. Voila qu'un jour, il s'amène de la chambre des lords
pleins de joie…
,,Oh! que vous êtes content aujourd'hui” lui dit son domestique…
Eh oui, je le suis car je viens de faire un tour formidable…
(fin page 380)

(p. 381)
(formidable)… je viens de faire un discours contre le Roi!
Il s'agissait d'Henri VIII en train de couper avec Rome à cause de son divorce.
Mais milord, le roi est capable de vous faire arrêter et enfermer à la Tour de
Londres! … et…
Et de me faire couper la tête, n'est-ce pas ? Je le sais, mais, demain, toute
l'Angleterre saura que j'ai fait un discours contre le Roi et pourquoi; je ne puis
plus me dédire et, ainsi, je ne pourrai faire un péché mortel.
Arrêté, condamné à mort, sa femme vint le supplier :
Ayez pitié de mes cheveux blancs! Vous n'avez qu'un mot à dire, le Roi a
promis de tout oublier…
Voyons Madame, si je fais ce que vous dites, je m'allongerai la vie de combien
de temps ?
Je ne sais pas, peut-être quinze ans!
Et vous voulez que pour 15 ans sur terre, je perde une éternité ?
Alors on lui a coupé la tête, mais, au moment où on allait l'exécuter il vit que sa
barbe était sur le billot et avec son humour anglais, il dit au bourreau :
Attendez, attendez! Elle n'est pas coupable, elle! et avec son doigt, il la poussa
hors du billot. Puis la hache fit voler sa tête…
C'est le premier mode d'humilité illustré par cette histoire : voilà le minimum.
Comme vous le voyez, il peut mener sur les autels…
Deuxième mode, N° 166 :
Le deuxième mode est une humilité plus parfaite que la première. Elle consiste
à me trouver dans une entière indifférence de volonté de telle sorte que je ne
veuille ni ne m'attache davantage à avoir la richesse que la pauvreté, à vouloir
l'honneur que le déshonneur, à désirer une vie longue qu'une courte,
supposant que le résultat soit le même quant au service de Dieu Notre-
Seigneur et au salut de mon âme et que, de plus, je n'accepte pour toutes les
choses créées – et pas même si on m'enlevait la vie, de délibérer de faire un
péché véniel…
Ça c'est la parfaite indifférence ignacienne; c'est la Sainteté à ce titre. être prêt
à mourir plutôt que de faire même un péché véniel, plutôt que de mettre en
discussion si je le ferai. C'est la logique la plus absolue : ,,plutôt mourir que de
violer la moindre règle” disait Jean Berchmans…
Il y avait à Marseille, pendant la Révolution, un prêtre qui, au début, était parti
pour Rome avec d'autres religieux; mais quand cela avait commencé à
s'apaiser, comme à Marseille il ne restait plus de prêtres, il demanda la
permission, au Pape Pie VI, de rentrer et ce dernier de lui dire : ,,Méfiez-vous,
car ce n'est pas tout à fait fini, enfin je vous le permets” et il le bénit à son
départ. Revenu à Marseille, il exerçait son ministère tant qu'il pouvait, de jour
comme de nuit, quand arriva la deuxième terreur en 1793 et presque
immédiatement, comme il était connu de tout le monde, on lui tendit un piège et
on l'arrêta. Il était âgé; tout le monde comprenait que c'était un Saint. Le
président du tribunal lui-même avait honte de le condamner à mort, aussi la
veille du jour où devait siéger le tribunal, il alla le trouver dans sa cellule et lui
dit : Père Donnadieu, c'est demain que vous serez jugé, mais, rassurez-vous,
c'est moi qui préside la Séance du Tribunal. Je vous poserai simplement cette
question : Père Donnadieu, êtes-vous sorti de France ? et vous n'aurez qu'à
me répondre : ,,Non, Monsieur le Président”. Je vous acquitte alors et tout sera
liquidé.
Monsieur le Président, je ne peux pas répondre cela puisque ce n'est pas la
vérité, je ne puis pas pour me sauver faire même un péché véniel, si léger soit-
il, je répondrai suivant ma conscience…
Mais, malheureux, si vous ne répondez pas ça, je suis obligé de vous
condamner à mort, c'est la loi!
Monsieur le Président, vous ferez ce que vous devez faire, moi je répondrai
selon la vérité…
Ah! qu'il est embêtant d'être si à cheval sur les principes, que peut-on faire ? Et
il a été condamné à mort, puis fusillé; un martyr de plus… Voilà, concrétisé
dans cet exemple, le deuxième mode d'humilité : il est très beau, il est très
grand, on peut dire que c'est la Sainteté ascétique, être décidé à faire le mieux,
le plus parfait…
Maintenant le troisième mode, qui, lui, est très parfait.
Le troisième mode est une humilité très parfaite. Il consiste, incluant le premier
et deuxième mode, supposant que le résultat soit le même quant à la louange
et gloire de la divine Majesté, pour imiter Jésus et effectivement lui ressembler
davantage, que je veuille et choisisse de préférence la pauvreté avec le Christ
pauvre que la richesse; les opprobres avec le Christ plein d'opprobres que les
honneurs et désire davantage passer pour ridicule et fou pour le Christ qui le
premier a passé pour tel, que de passer sage et prudent en ce monde.
C'est assez clair et n'a pas besoin de commentaires. Je voudrais cependant
vous illustrer ce troisième mode. On lit dans la vie de Sainte Marguerite-Marie
au N° 66 de "sa vie par elle-même" que Notre-Seigneur lui apparaît en lui
montrant deux tableaux :
Dans le premier, elle était représentée comme étant une religieuse très bien
comprise, très louée par tout le monde, faisant beaucoup de bien et propageant
partout cette dévotion au Sacré-Cœur…
Dans le deuxième, elle pouvait se voir méprisée, recevant insultes et
opprobres. Jésus lui dit alors : ,,Choisis, ma fille”.
Mais Seigneur, je ne veux que votre sainte volonté! Choisissez pour moi!
Non, ma fille, choisis toi-même celui que tu préfères, tu me seras aussi
agréable en choisissant l'un qu'en choisissant l'autre…
Alors, sans hésiter, elle prend celui des humiliations en s'écriant : ,,Seigneur,
j'aime mieux vous ressembler. Puisque vous avez été méprisé, je choisis celui-
là…”.
Et elle fut exaucée! C'est incroyable. Qu'il est bon le Bon Dieu de permettre
certaines choses pour nous édifier – elle fut en effet traînée par les cheveux
dans les couloirs de son couvent et frappée sauvagement, c'est effarant!…
Notre-Seigneur avait en outre exigé d'elle qu'elle formulât, en pleine salle des
exercices, les reproches de sa part à ces saintes sœurs qui étaient là avec tous
les excès et défauts dont elles ne se corrigeaient pas! et cela ne plaît pas à tout
le monde, évidemment; elle eut toute sa vie beaucoup à souffrir car elle fut très
méprisée…
Sainte Catherine de Sienne, une autre grande mystique, eut un choix similaire
à faire : Jésus lui apparaît avec deux couronnes, une couronne de roses et une
couronne d'épines…
Choisis, ma fille, celle que tu veux… Elle fit comme Marguerite-Marie, elle
choisit la souffrance et prit la couronne d'épines en disant à Notre-Seigneur :
,,Je veux vous ressembler” et elle se l'enfonça le plus possible dans la tête… 
Voilà le troisième mode d'humilité : choisir amoureusement tout ce qui
s'identifie avec Jésus souffrant…
St Jean de la Croix nous raconte au chapitre III de la "Montée au Carmel" :
Jésus lui dit : Jean, tu as bien travaillé pour moi, que veux-tu comme
récompense ?
Seigneur, répondit-il "PATI ET CONTEMNI PRO TE – Je ne veux qu'une
chose, souffrir et être méprisé pour Toi” . Il avait compris et brûlait du désir
d'imiter son divin Maître.
Est-ce que nous en sommes là ? Ah! c'est là que nous voyons combien il nous
reste de chemin à faire… Nous avons peur, bien sûr, nous nous sentons
comme étant de "petite race", mais, mes chers Messieurs, ce troisième mode
est le plus sûr moyen de devenir un saint! St Ignace nous dit bien qu'en lui se
trouve le premier et le deuxième modes, mais dans ce troisième on ne s'y met
pas d'emblée… C'est au Seigneur d'y pourvoir pour peu que nous y soyons
décidés, aussi St Ignace nous le fait remarquer au N° 168 :
Ainsi, pour qui désire atteindre ce troisième mode d'humilité, il y a grand profit à
faire les trois colloques des trois classes d'hommes déjà indiqués, en
demandant au Seigneur Notre Dieu qu'Il veuille bien le choisir pour cette
troisième humilité qui est la plus grande et la meilleure, afin de l'imiter et servir
davantage si c'était pour un égal ou plus grand service et louange de sa divine
Majesté.
Par là, je ne veux pas discuter pour savoir s'il suffit de faire un acte d'une façon
ascétique, non! mais je pense que ce troisième mode est mystique. On ne s'y
met pas…
Le deuxième mode est la rigoureuse observance de la loi de Dieu, c'est
pourquoi le troisième degré nous apparaît tellement haut qu'il fait peur à notre
nature humaine parce que nous pensons qu'il s'agit là de choses impossibles
pour nous… 
Non, mes chers Messieurs, cela n'est pas impossible, c'est une question de
volonté confiante : il faut s'abandonner au Bon Dieu, c'est Lui qui choisira…
Il nous fait dire par St Paul au Chapitre 10ème de sa première aux Corinthiens :
,,Dieu est fidèle qui ne permettra pas que nous soyons tentés au-dessus de
nos forces, et dans la tentation, Il donnera le secours pour en sortir avec
succès”.
N'ayez donc pas peur. Dieu est d'une bonté extraordinaire. Il ne nous donnera
que des choses que nous pourrons supporter ou alors Il nous donnera des
secours proportionnés.
Demandons à Dieu qu'Il veuille bien nous choisir pour ce troisième degré
d'humilité en refaisant le colloque des Trois classes et sa remarque du N° 157
– c'est nécessaire – et sachez que ce sont des prières que Dieu exauce mais,
encore une fois, ne lui fixez pas par avance ce qu'Il doit vous imposer!… vous
ne le savez pas et vous ne pouvez pas le savoir car ses desseins sont
impénétrables…
Non, non! Laissez faire le Seigneur, ne craignez pas!… 
Voici ce qu'écrivait le Père HUBY. C'était un de ces Jésuites qui ont établi et
développé les retraites, en Bretagne par exemple, d'une façon incroyable au
17ème siècle, miraculeuse presque, mais c'était des Hommes qui vivaient les
exercices et voici ce qu'il écrivait :
,,Nous ne sommes guère propres à travailler nous-mêmes à notre
anéantissement”.
Non, nous n'en sommes pas capables, c'est comme si nous nous chargions
nous-mêmes de nous arracher une dent, nous verrions ce qu'il en coûte!… et il
continuait :
,,alors comme nous sommes trop faibles contre nous-mêmes, nous avons trop
d'indulgence pour nos défauts, mais Dieu y met la main et se sert alors de nous
et de nos misères pour nous humilier. Et c'est à nous à nous soumettre à cette
conduite et à l'agréer. Qu'à l'avenir donc, mon corps soit affligé de maladie, que
mon honneur soit bafoué, que je sois tenu pour ce que je suis et que je
demeure dans l'oubli et le néant, pourvu que je consente à tous ces
anéantissements, cela me suffit”.
Voyez-vous, mes chers Messieurs, ce que Jésus veut, c'est que nous lui
fassions confiance, que nous lui demandions ce troisième mode d'humilité en
nous abandonnant entièrement à Lui, en faisant comme le faisait Ste Thérèse
de l'Enfant Jésus et tous les Saints. Dites-lui : ,,Seigneur, vous le voyez bien, je
suis de la "petite race", c'est pour cela que j'ai peur, mais je m'abandonne à
Vous, je sais que vous viendrez à mon secours, aussi choisissez ce que vous
attendez de moi…”. Nous le faisons bien pour le dentiste, pour le chirurgien,
lorsqu'il s'agit de notre corps, eh bien, cela est vrai aussi pour notre
sanctification. c'est une grande chose que de confier sa sanctification au cœur
de Jésus, et ce Père HUBY dont je vous citais les paroles, eh bien, malgré tous
les succès d'évangélisation qu'il avait obtenus, il fut dénoncé au Provincial de
Paris et au Père Général de la Compagnie de Jésus qui lui écrivirent en lui
donnant tort et en ordonnant qu'on le mette de côté et qu'on lui défende
prêcher… qu'Il est bon, le Bon Dieu! il était exaucé…
A la même époque un de ses confrères, le Père RIGOULEUC, homme
remarquable, très doué pour les missions et les retraites, avait un charisme
spécial pour convertir les prêtres; eh bien, le Bon Dieu a permis aussi que ce
serviteur aux si grands dons fût mis comme simple professeur de sixième dans
une école… Son médecin lui ayant dit que s'il restait à Vannes, il mourrait
bientôt, ce climat ne lui valant rien, humblement il écrivit la chose à son
Provincial, s'en remettant à lui. Le Provincial décida de l'y laisser. Six mois
après il décédait.
Le Bon Dieu ne voit pas les choses comme nous : Le Père Rigouleuc, mort
dans ce troisième mode d'humilité est une âme sanctifiée!… 
Nous comprendrons cela, ou mieux, nous verrons cela de l'autre côté. Cette
Sainteté est à notre portée. C'est le Parfait Abandon, la parfaite confiance en
Dieu dans l'imitation de notre divin modèle Notre-Seigneur Jésus-Christ.
C'est la parfaite Petite voie d'Enfance spirituelle de la petite Thérèse qui avait
compris et s'abandonnait à son Bon Plaisir ,,Ma petite voie, c'est l'Amour”,
disait-elle…
Et l'amour donne tout et accepte tout du Bien-Aimé! C'est aussi le cas de la
Bienheureuse Thérèse Couderc qui SE LIVRA et Jésus accepta : elle fut
destituée et mise de côté; pareille chose pour Jeanne Jugon, la Fondatrice des
Petites Sœurs des Pauvres, la même chose à St Alphonse, etc…
Qu'Il est bon le Bon Dieu! LIVRONS-NOUS A LUI! Acceptons, supplions-Le
qu'Il daigne nous établir en ce troisième mode d'Humilité, de charité, sans rien
lui fixer. Il arrivera ce qu'il arrivera, mais nous aurons tout en son DIVIN
AMOUR!
*****
N° 28
VIE DE NOTRE-SEIGNEUR :
DÉPART DE NAZARETH - BAPTÊME AU JOURDAIN - PÉNITENCE AU
DÉSERT
Nous continuons notre étude sur la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ et
demandons, comme aux contemplations précédentes, la grâce de l'aimer
davantage pour pouvoir mieux le suivre.
Nous verrons ici 3 tableaux différents :
Au premier, Notre-Seigneur quitte sa mère à Nazareth pour commencer sa vie
publique. Au deuxième, nous verrons son baptême par Jean-Baptiste sur les
bords du Jourdain. Au troisième, nous nous enfoncerons avec Lui dans le
désert pour la terrible quarantaine, son carême dans cette solitude.
Remarquez, mes chers Messieurs, que le directeur de la retraite cherche à
vous suggérer quelques leçons mais à vous d'en découvrir d'autres… par
exemple : vous pourrez vous rappeler ces méditations du Roi temporel et des 2
Étendards où Notre-Seigneur nous amène à lutter contre les deux tendances
les plus violentes, l'orgueil et la cupidité, celles qui concrétisent le confort de la
vie à tout prix; il vous faudra réfléchir sur la façon dont Il le fait : c'est en vivant
et en prêchant d'exemple sur tout ce qu'Il enseigne; il vous faudra également
examiner quelles vertus Il exerce, notamment lorsque nous le voyons quitter sa
mère pour s'en aller se faire baptiser sur les bords du Jourdain, non seulement
les vertus cardinales, mais celles qui en dérivent : la patience, la douceur,
l'obéissance, l'humilité, nous rappelant que c'est par amour qu'Il fait tout cela,
amour pour son Père, d'abord, amour pour son Église et amour pour nous, en
général et en particulier. Lorsque nous sommes devant une action de Notre-
Seigneur Jésus-Christ qui nous déconcerte, nous avons toujours quelque
lumière en nous aidant de ceci : qu'Il le fait par amour pour moi, voyez, ce motif
de l'amour est le premier moteur qui le guide, qui a conduit son Père à créer le
monde et à l'envoyer, à Lui, pour rétablir le royaume détruit par le péché!
Vous aurez aussi trois compositions de lieux différentes :
La première : Nazareth, que vous connaissez déjà par le mystère de
l'Incarnation; la deuxième : les bords du Jourdain en vous remémorant par
exemple cet extraordinaire voyage du Pape Paul VI en Jordanie et à Jérusalem
pendant lequel certains magazines ont dû publier de très belles photos des
bords de ce fleuve qui se jette dans la Mer Morte; enfin la troisième : ce désert
sauvage de rochers et de pierres qui se situe entre Jérusalem et Jéricho .: on a
pu y voir aussi de belles vues de ce mont de la "quarantaine" comme on l'a
nommé, très sauvage, aride et graniteux.
Nous conservons toujours la même méthode de contemplation : dans chaque
tableau, nous voyons les personnes, nous écoutons leurs paroles, nous
remarquons leurs actions.
Premier Tableau :
Jésus, depuis son retour d'Égypte, est avec ses parents à Nazareth. St Joseph
a dû mourir, on ne sait pas au juste quand, et Notre-Seigneur est là depuis 25
ans environ. Il devait être très connu dans ce village qu'il va quitter, de même
sa Mère, mais nous savons qu'un peu plus tard la Ste Vierge le rejoindra:: elle
assistera Jésus et les Apôtres avec les Saintes Femmes. Elle va donc être
momentanément dans l'effacement et le silence, c'est-à-dire que l'intimité
délicieuse qu'ils avaient tous les deux cesse là, sous l'effet de cette rupture, de
ce départ. La Ste Vierge reste profondément unie à son Fils en tant que Dieu,
mais sur le plan humain elle ne le verra désormais que rarement; leur intimité
naturelle va se briser là…
Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui connaissait bien sa Mère en tant que Dieu
puisqu'Il l'a créée, a appris en tant qu'homme à connaître la richesse de cette
créature unique; c'est donc sûrement pour Lui un arrachement, comme ça l'est
pour sa mère…
Et nous voyons là que la séparation de la famille, si douloureuse qu'elle soit,
est parfois nécessaire pour obéir au plan de Dieu : ,,Ne savez-vous pas, ma
Mère, qu'il faut que je sois aux affaires de mon Père ?”. Sans doute l'a-t-Il
préparée à cela. Nous écouterons leurs paroles, celles de Notre-Seigneur
préparant sa Mère plusieurs jours à l'avance à cette séparation qui allait se
produire; nous pouvons supposer qu'Il a dû passer la dernière nuit avec elle, lui
faisant déjà comme un testament spirituel!… Puis la réponse de Marie.
Essayons de découvrir, de comprendre cette conversation, et, au matin, Il s'en
va, part sans se retourner, avec le petit baluchon qu'elle Lui a préparé. Oui, Il
part très rapidement… Vous pourriez aussi imaginer et écouter les
commentaires des voisins après ce départ. Jésus ne les a pas mis au courant.
Il ne le pouvait d'ailleurs pas et vous voyez leur réaction ? …
Quelle idée! voyons, votre mère a encore besoin de vous, où allez-vous comme
ça ?… Il ne peut pas répondre à ces curiosités mais lorsqu'on s'est aperçu
qu'effectivement Il est parti, alors les commentaires vont leur train : Et pourquoi
ne se marie-t-il pas ? Il avait pourtant 30 ans! etc… Ce qui est surtout
remarquable, c'est que pendant ces 30 années Notre-Seigneur a réussi à
cacher sa personnalité : cela aussi est un mystère! Lorsque quelqu'un apparaît
nouvellement dans un groupe, surtout si c'est quelqu'un de cultivé, les
intéressés se mettent généralement au courant : on dit vite que ce n'est pas
n'importe qui, qu'il a tel ou tel diplôme, qu'il prépare des études sérieuses,
etc… et on s'arrange pour le faire savoir autour de soi!… eh bien, Notre-
Seigneur a caché sa personnalité pendant ces nombreuses années et les gens
n'ont pu se rendre compte de la richesse qu'ils avaient en Jésus et Marie!
Cependant on vivait côte à côte avec eux, et bien des fois avez-vous pu
constater que dans les villages, il n'y a pas de secrets, que tout arrive à se
savoir, qu'il n'y a pas de mystères dans les familles car on cancane, on discute,
on pérore, on sait tout, quoi! on est même au courant des moindres disputes,
aussi est-il très mystérieux que Notre-Seigneur ait réussi à cacher toute sa
richesse, mais alors, écoutez les commentaires des commères et des autres,
des critiques aussi :
Quelle idée de partir comme cela, il aurait quand même pu nous dire bonjour,
nous demander quelques conseils… ah, ce n'est pas bien de laisser ainsi sa
mère, et tout à l'avenant…
Les actions maintenant : nous pouvons le rejoindre sur la route. Pourquoi Jésus
êtes-vous si joyeux, pourquoi marchez-vous d'un pas si rapide ?… Pourquoi ?
Parce que ma nourriture est de faire la volonté de mon Père!… Vous savez que
lorsque quelqu'un aime faire quelque chose, on dit d'une façon un peu
populaire ,,Il boit et il mange”. Notre-Seigneur emploie la même expression
d'une façon plus relevée ,,Moi, je fais la volonté de mon Père, je bois et je
mange même lorsqu'Il m'envoie à la Passion”, nous verrons cela un peu plus
tard… Il aime sa mère pourtant, c'est un arrachement pour Lui, mais cependant
Il est joyeux parce qu'à la "pointe" de l'âme, comme on dit, Il réalise la volonté
de son Père! Dans St Jean, après l'Institution de la Très Sainte Eucharistie, la
Cène, il y a 3 chapitres où l'on revient comme en un leitmotiv, plus de cent fois
sur l'amour de Notre-Seigneur pour son Père, son premier amour, évidemment,
un amour infini, puis l'amour de son Église et Il pourrait nous répondre : ,,Je
vais poser la première pierre de mon Église, je vais sauver les âmes et je vais
préparer ton salut, à toi!…”. Notre-Seigneur commence à réaliser son rêve et,
encore une fois, remarquez qu'Il a réussi à garder ce secret à tous ses
contemporains, "Mon secret à moi" lisons-nous dans le livre de la Sagesse…
Voilà donc ce premier tableau, mes chers Messieurs, il est très édifiant, nous y
trouverons beaucoup si nous nous donnons la peine (excusez la comparaison)
de faire un peu comme les poules qui grattent avec leurs pattes (même si en
apparence, il n'y a rien), et qui finissent toujours par trouver encore quelque
chose; que derrière la simplicité des gestes vous découvriez mieux les détails
de cette avidité avec laquelle Notre-Seigneur va au-devant de la volonté de son
Père! Mettez-vous à côté du Lui, marchez avec Lui, interrogez-le, entendez ses
réponses pour qu'elles se gravent mieux dans votre cœur et vous servent de
leçons…
Deuxième Tableau :
Sur les bords du Jourdain où Notre-Seigneur s'est rendu. Un tableau très
colorié : représentez-vous cette foule avide d'entendre ce grand prophète qui
était habillé d'une peau de chèvre, Jean-Baptiste qui, nous le savons, menait
dans le désert une extraordinaire vie de pénitence et ne mangeait que des
sauterelles et du miel sauvage, qui couchait en plein air…
Je me rappelle un jour dans une retraite un Parisien qui me dit : ,,Bah, le
Baptiste, c'est pas si dur que ça de vivre dans une grotte avec du miel et des
cuisses de sauterelles!… alors vous croyez que tous les matins il avait son petit
pot de miel, et des biscottes accompagnant des sauterelles bien sautées à
l'huile d'olive ?… Essayez, après avoir vécu en famille, de vivre dans le désert,
vous me direz si vous trouverez votre nourriture aussi facilement et si vous irez
au-devant de l'extraordinaire pénitence qu'il s'imposait ?… 
La foule se sent comme attirée par ces êtres exceptionnels et elle était là; elle
comprend que c'est un homme de Dieu, et tous sont prêts à l'écouter; il y avait
là des femmes avec leurs enfants, des paysans, des soldats, des hommes du
peuple, un peu comme à Lourdes ou à Fatima et, en lisant l'évangile de St
Jean, on suppose qu'il y avait de l'ordre : il y avait le moment du sermon, puis
celui du baptême; il y avait aussi celui où l'on pouvait boire et manger et, enfin,
il y avait aussi le moment où le prophète donnait à ses disciples des facilités
pour parler, faire leur méditation, leurs examens, etc… ils avaient en bref
comme une règle religieuse ce groupe qui vivait avec Jean-Baptiste… alors
regardons cela, avec cette foule disparate, une sorte de pèlerinage quoi! réuni
là pour entendre la parole du prophète… et puis voyons un peu plus loin à
l'écart sur une hauteur : les pharisiens, les séparés, les purs!… oui, ils sont à
part, eux, il n'y a qu'à regarder leur tenue, ils ont des phylactères sur le front,
sur les bras; un vrai manège, ils discutent… font des carrefours… mais ils ne
se mêlent pas à la foule… et puis regardez, là, après le sermon, au moment où
vont être baptisés ceux qui le désirent, ce jeune homme qui a pris rang à la
queue… on voit que c'est un Galiléen… les femmes aussi font leurs petits
commentaires : elles, elles ont déjà reçu le baptême et un peu comme à
Lourdes, elles regardent les gens qui passent… Ah! voyez ce jeune homme
comme il a le regard contrit!… à savoir ce qu'il a fait dans sa vie celui-là ?… et
ce jeune homme qui a pris rang parmi les pécheurs, qui va recevoir le baptême
de pénitence, c'est… le Verbe de Dieu! Mesurez le contraste d'avec les
pharisiens qui écoutent le sermon de Jean-Baptiste en y cherchant la petite
bête : Est-ce que vraiment on peut attendre un Messie ?… pérorer oui, mais se
faire baptiser ? non! eux n'ont pas besoin de le recevoir, ils sont trop purs!… 
Écoutez leurs paroles, celles de Jean-Baptiste surtout. A ce moment-là il y avait
de grandes puissances : le monde de la Méditerranée, ce monde connu avec la
puissance égyptienne, la puissance romaine aussi qui a laissé des monuments
incomparables; la puissance grecque qui était celle de l'intelligence, la
puissance juive naturellement avec tous ses banquiers installés dans toutes les
villes commerçantes ainsi qu'à Rome où quelquefois ils ont eu la possibilité de
menacer l'empire; oui, de grandes puissances… Est-ce que Jean-Baptiste va
faire appel à l'organisation des Nations Unies de la Méditerranée ?… On
pourrait sans doute édifier un plan pour sauver le monde antique de ses tares
effroyables : le paupérisme, l'esclavage, le droit romain aussi qui écrasait tant
d'hommes, de femmes et d'enfants – n'oublions pas que le père romain avait
droit, lorsque l'enfant ne lui plaisait pas, de le jeter à la rue, de le mettre à
l'égout – oui, alors, on va faire l'organisation : les grecs feront le plan, les
ingénieurs seront fournis par l'Égypte et en assureront le côté technique, les
juifs eux, le financement, ça va de soi, les romains enfin l'imposeront par leur
puissance militaire, administrative et civique… l'organisation romaine est restée
célèbre, et même l'écriture sainte a constaté la puissance de l'organisation
romaine, dans le livre des Macchabées on le voit bien… eh bien St Jean-
Baptiste ne fait pas comme cela. Il dit : ,,Mettez la cognée à la racine de
l'arbre”… il va directement au spirituel et il montre le mal qu'est le péché.
,,Revenez de vos habitudes d'adultère, ne soyez pas injustes car derrière moi
arrive Quelqu'un que vous ne connaissez pas, Il a le van à la main”… oui,
quelqu'un que vous ne connaissez pas, il est derrière moi…
Au fond, le salut de l'humanité, sur un plan naturel est facile lorsqu'on revient
du péché… Voyez en effet la Ste Vierge apparaissant à notre époque : d'abord,
elle apparaît généralement à des enfants; pas des enfants de grande ville, mais
plutôt des enfants vivant dans des pays perdus – voyez à la Salette, voyez à
Lourdes, voyez à Fatima, à Beauraing et ailleurs… des petits enfants qui ne
peuvent pas tromper, candides, purs, ingénus, non pas des enfants de Paris
par exemple qui savent parler trop vite sont déjà tentés de déjouer les
conventions humaines… non, non! des enfants très simples; alors ils nous
disent ce qu'il faut faire: voyez, au fond, c'est très facile, il faut avant tout
revenir des habitudes de péché, c'est la première des conditions, parce qu'avec
le péché les hommes, avec leur intelligence, ont goût d'essayer de faire des
plans et ils n'arrivent à rien si ce n'est qu'à augmenter le mal… voilà, c'est
pourquoi la Sainte Vierge se sert des enfants pour nous dire que si nous
voulons le Salut, il faut faire comme ils le rapportent, et cela n'a jamais changé :
la prière, la conversion, la pénitence!… Alors écoutez le sermon de Jean-
Baptiste… nous en avons d'ailleurs le résumé avec les évangélistes : Revenez
du péché, après tout est possible, mais d'abord cela… d'abord accepter le Plan
de Dieu. St Jean-Baptiste, tout comme l'Église actuellement, ne méprisait pas
les efforts des hommes, les efforts de l'intelligence humaine, de la technique
humaine; il est prévu dans le plan de Dieu que l'homme continue à parfaire la
Création mais, d'abord, revenir du péché, se convertir!… 
Jésus s'avance et Jean, qui avait des lumières particulières, voit à qui il a à
faire. Pour lui tout s'éclaire et il dit : ,,Comment! moi te baptiser à Toi ?” Et
Notre-Seigneur de lui répondre : ,,Il faut accomplir toute justice”. Cette parole
est la deuxième que les évangélistes rapportent de Notre-Seigneur : la
première concerne sa mère ,,Ne savez-vous pas, ma mère, qu'il faut que je
sois aux affaires de mon Père ?”… quitte à vous laisser pleurer pendant 3
jours, à vous écraser ?… maintenant c'est une parole semblable ,,Il faut que
toute justice s'accomplisse”. Et Jésus va pouvoir souvent les redire ces paroles,
car il faut que le but pour lequel Il est venu, pour lequel son Père l'a envoyé ici-
bas se réalise et, pour cela, il a pris la nature humaine et va recevoir le
baptême des pécheurs. Avec St Paul nous savons que Notre-Seigneur a pris
toute la nature humaine sauf le péché, oui, même ça,, même cette apparence
de péché Il a voulu la prendre, en excluant toutefois l'intérieur du péché, car Il
ne pouvait pas commettre de péché…
Il est juste qu'un homme s'humilie, qu'il reconnaisse devant Dieu qu'il n'est
rien… ,,Mon Père est plus grand que moi”… dans sa nature humaine Jésus
avait raison de le dire car il est juste que l'homme reconnaisse sa misère, le
besoin qu'il a de Dieu, oui, cela est juste.…
Maintenant les paroles : paroles de Notre-Seigneur et paroles de St Jean-
Baptiste qui accepte de le baptiser.
Les actions : action des pharisiens; regardez-les, ils pérorent, font de grands
gestes pour qu'on les remarque; quelquefois des paroles assez fortes pour
qu'on les écoute, qu'on écoute les merveilleuses pensées qui se fabriquent
dans leurs têtes! écoutez les paroles de la foule, des hommes et des femmes
qui sont là… puis le baptême lui-même, très simple puisque Notre-Seigneur
apparaît comme un pécheur, un baptême de pénitence…
Deuxième partie maintenant : devant une pareille humiliation du Fils de Dieu
recevant le baptême des pécheurs, il y a une réaction qui se fait au Ciel. Il
s'entrouvre et une parole en jaillit : ,,Celui-ci n'est pas un pécheur, celui-ci est
mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toutes mes complaisances”, et nous savons
que sur le Mont Thabor s'en ajoutera une autre : ,,Écoutez-le” que l'on peut
juxtaposer ici ,,Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toutes mes
complaisances, Écoutez-le”… et le Saint Esprit, sous la forme d'une colombe,
symbole de pureté, descend sur Lui… Non, Il n'est pas un pécheur!
Je vous rappelle ce que nous lisions hier dans le Psaume IIIème : ,,Qui est
comme notre Dieu dans les hauteurs du Ciel ? Il regarde les humbles, comme
l'aigle, Il descend lorsqu'Il voit un humble, Il le sort de son fumier” et le
"Stercore erigens pauperem". Il l'emporte dans son Ciel pour qu'il y fasse des
colloques avec les princes de son peuple, avec les séraphins et les chérubins!
… C'est tout un programme de haute mystique qui nous est révélé par là et
dans lequel on ne pénètre que par l'humilité, c'est vraiment très beau tout cela;
les saints sont souvent revenus là-dessus, sur le fait que lorsque Dieu voit
quelqu'un de humble, quelqu'un qui s'humilie profondément, Il lui octroie des
grâces incomparables car Il sait que là il n'y a rien à craindre pour l'orgueil; oui,
l'homme humble reçoit ces grâces avec humilité, et il ne s'en humilie que
davantage au lieu de s'élever; nous devinons là le pourquoi de cet amour des
Saints pour les humiliations, c'est qu'ils savaient quelles lumières nouvelles ces
humiliations entraînaient pour eux…
Troisième Tableau : très riche aussi, la Sainte quarantaine.
La foule a vu cela, elle a entendu ce coup de tonnerre avec cette voix venant
du Ciel, peut-être a-t-elle également vu la Colombe ?… mais quel est donc ce
jeune homme que l'on prenait pour un pécheur ?
Aussitôt après son baptême, Notre-Seigneur, poussé par l'Esprit nous dit St
Luc, va rapidement s'en aller, Il quitte la foule et s'enfonce dans le désert. Là
aussi vous avez plusieurs points à contempler, mais c'est facile, il n'y a qu'à
regarder ce que fait Notre-Seigneur : … Une pénitence terrible, quarante jours
sans manger ni boire et c'est, par expérience on le sait, beaucoup plus terrible
de ne pas boire, il y a peu de gens capables d'un jeûne si prolongé et si
complet… Gandhi par exemple est resté très longtemps sans manger mais il
buvait, Jésus, Lui, rien… Nous avons un retraitant à Québec qui courait les bois
avec les Indiens du côté de la baie d'Hudson avant de devenir l'un des plus
gros entrepreneurs de cette ville et il me disait : lorsqu'on était malade, voyez-
vous, le docteur étant à 1'500 km et dans l'impossibilité de l'avoir, on faisait
comme les animaux, on se soignait en ne mangeant pas, diète complète… je
suis resté une fois 15 jours comme ça, mais je buvais quand même de l'eau;
même à présent je ne consulte jamais de médecin, dès que j'ai un bobo, je
jeûne tout en continuant mon travail, 24 h, 48 h selon le cas, une semaine s'il
faut. Pour les enfants c'est différent surtout si cela apparaît un peu complexe, je
leur appelle le médecin mais pour moi jamais, je m'en suis toujours bien trouvé
de jeûner… Et en fait, les animaux, le jeûne c'est leur médecine : mettez un
bifteck devant un chien qui se sent fiévreux, vous êtes tranquille, il vous le
laissera, même si vous insistez!… C'est un grand moyen, mais on boit
néanmoins, Notre-Seigneur, rien!… une pénitence terrible à ce point de vue.
En fait, Il n'avait pas besoin d'une telle pénitence, mais pourquoi va-t-Il faire
cela au début de sa vie publique ? Nous savons que la pénitence nous est
nécessaire, nous qui devons payer nos dettes, car il vaut mieux les payer ici-
bas, nous l'avons vu, et nous avons aussi besoin de la faire pour combattre nos
inclinations dans les péchés, d'habitude, pour obtenir la maîtrise de nos sens et
obtenir des grâces spéciales, nous dit St Ignace, par exemple celle d'avoir une
contrition parfaite ou celle de mieux connaître Notre-Seigneur Jésus-Christ…
On fait aussi quelques pénitences par exemple pour rendre l'apostolat plus
efficace… on vous lit actuellement à table la vie de St Louis Marie Grignon de
Montfort, savez-vous les pénitences auxquelles il s'adonnait ? lorsque par
exemple il s'enfermait dans cette grotte de Morvan je ne pense pas qu'il
emportait avec lui beaucoup de provisions! il y restait quelquefois 8 jours, sous
ce rocher humide du côté de Fontenay… tous les saints ont pratiqué la
pénitence pour leur apostolat et aussi pour vaincre les attaques du démon chez
eux et chez les autres… Qui donne à Jésus la force de faire une pareille
pénitence ?… C'est toujours l'Amour, la force de cet amour pour son Père et
pour son Église qu'Il va bâtir et dont Il pose les fondements… Et Il nous montre
ainsi combien la pénitence est nécessaire; voyez à Lourdes la Ste Vierge la
réclame en insistant : ,,Prières – Pénitences”, et de fait, tous ces pèlerinages se
font dans une pénitence réelle où l'on supporte la fatigue du voyage, des
intempéries, des processions, des bains, le calvaire; à Fatima c'est pareil, on
peut même dire que la pénitence y est plus marquée encore, et tous ceux qui y
vont sont frappés de voir ces foules considérables qui viennent parfois à pied
de très loin, les femmes portant leurs enfants, leurs couvertures et leurs
pauvres provisions, et qui terminent très souvent les derniers cent mètres à
genoux! cela a frappé beaucoup de gens, cette ferveur dans la pénitence à tel
point qu'on a pu dire que Fatima était le royaume de la pénitence!…
Les Souverains Pontifes, derrière la Sainte Vierge, répètent eux aussi cette
nécessité, mais à notre époque, on ne veut plus s'y assujettir, on ne désire que
le confort, c'est-à-dire l'opposé de la pénitence et de la mortification: Alors nous
pourrions dire, d'une façon un peu populaire, que le monde cherche le bâton
pour se faire battre et qu'il a de temps en temps à supporter des pénitences
terribles que Dieu lui envoie… qui aurait pu penser lors de la dernière guerre,
en 1942, alors qu'existaient avant elle toutes les facilités de transactions et
d'approvisionnement en céréales, puisque la Terre n'a jamais tant produit, que
nous en serions réduits à manger des topinambours et des rutabagas ? et nous
savons qu'il y a 2 milliards d'êtres humains qui, plus ou moins, sont loin d'avoir
leur nécessaire en nourriture alors qu'ici on stérilise le blé pour le conserver,
qu'on jette à la mer des tonnes et des tonnes de sardines sous le prétexte que
leur prix n'est pas assez élevé, de même au Brésil pour le café!… C'est là qu'on
voit l'organisation des hommes qui se croient très malins avec leurs inventions
mais ne pensent qu'à leurs intérêts; on jette ici alors que là on manque…
Notre-Seigneur, par sa pénitence, nous a donné là une première leçon, c'est St
Augustin qui le dit : ,,C'est parce que moi j'en ai besoin, pour m'indiquer une
leçon”; mais il faut en avoir une seconde, car cette pénitence est en même
temps une prière d'union à Dieu : malgré 30 ans de vie cachée, Jésus éprouve
le besoin avant de commencer sa vie publique de passer 40 jours de retraite,
non pas 8, non pas 30, mais 40 jours… et nous savons que son ministère une
fois commencé, il passera souvent des nuits entières en oraison! Quelle est
riche pour nous, Messieurs, cette leçon de la prière!… Nous, nous sommes
toujours pressés… il y a des séminaristes, des novices aussi, qui lèvent les
bras devant leur longue préparation : …Et les âmes qui nous attendent,
murmurent-ils!… Les âmes attendent dites-vous ?… Qui donc est le premier
intéressé sinon Notre-Seigneur ? eh bien, voyez la leçon qu'Il nous donne :
pendant 30 ans à Nazareth où Il a fait sans doute le travail d'un petit
manœuvre, bien qu'Il n'ait que 33 ans à passer ici-bas. Il nous a appris
l'obéissance, l'humilité, les Béatitudes et Il éprouve encore le besoin de passer
40 jours dans le désert! Il apparaît donc à nos yeux que, préparé, Il devait l'être
suffisamment! mais s'Il a fait ça, dit à nouveau St Augustin, qu'est-ce que je
dois dire, moi ? S'Il a éprouvé le besoin de faire retraite, il faudrait quand même
que nous en comprenions la leçon, nous, les catholiques!… Mais ça on ne le
comprend pas, pourtant le Pape Paul VI l'a encore rappelé au cours de l'année
dernière au 2ème congrès des retraites fermées en Italie, il a indiqué comme (((
... ))) l'Espagne et l'Amérique on compte les retraitants par centaines de mille,
en Italie ils ne se comptent que par dizaines de mille… Il faudrait quand même,
a-t-il précisé, que les catholiques comprennent que la retraite fermée ne doit
pas être un accident dans leur vie mais devenir une habitude… évidemment!…
Autre aspect de cette pénitence de Notre-Seigneur dans le désert, c'est celui
de l'affrontement de Notre-Seigneur avec l'ennemi de la nature humaine, le
démon… Et c'est pour Lui une humiliation sans nom… Il permet d'être soumis à
la tentation, car Il a voulu tout prendre de l'homme, mais Il a voulu aussi nous
montrer la tactique du démon; ce dernier était intrigué… rappelons-nous que le
démon ne connaît les choses que le Bon Dieu veut bien qu'il connaisse; il n'a
pas, nous le disions, de problème sur le plan naturel, mais sur le plan
surnaturel le démon ne sait pas tout, et l'un des motifs pour lesquels la Sainte
Vierge était mariée, dit St Ignace d'Antioche, c'est que Dieu a voulu cacher la
naissance virginale au démon; ce dernier a vu sans doute certaines
manifestations qui montraient que Jésus devait être le Messie, mais rappelons-
nous aussi que la notion de Messie n'était pas nécessairement liée à celle de
Fils de Dieu; en effet, dans l'ancien testament, on parle beaucoup du Messie
qui devait venir, mais on ne précisait pas qu'il devait être le Fils de Dieu!… On
pense néanmoins que certains grands personnages de l'Ancien Testament l'ont
su, Noé peut-être, Abraham, Moïse, les prophètes, David, savaient sans nul
doute que le Messie serait le Fils de Dieu, mais l'ensemble du peuple ne le
savait pas et le démon non plus… Il pouvait peut-être supposer que Jésus était
le Messie, mais pas le Fils de Dieu parce que, évidemment, s'il avait su qu'il en
était ainsi, il ne se serait pas mis en frais pour le tenter, cela découle de source!
le démon est malgré tout trop intelligent pour s'amuser à se mesurer avec le
Fils de Dieu! il sait très bien qu'il y perdrait son temps et la face, or il ne
recherche que l'efficacité dans ce qu'il entreprend… oui, il ne le sait pas parce
que Dieu le lui a caché… Le démon a donc voulu essayer d'abord avec des
tentations grossières, nous lisons cela dans l'évangile du 1er dimanche de
Carême… Notre-Seigneur avait faim au bout de ces 40 jours de jeûne, c'est
évident, mais Il le repousse par une parole de l'Ancien Testament ,,L'Homme
ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de Dieu…”.
Ah, ah! le démon voit que celui à qui il s'attaque est versé dans l'écriture
sainte ? Alors il va mettre en avant une tentation différente, il va le mettre au
sommet du Temple, tentation de vanité : ,,Jette-toi en bas (et voyez que le
démon connaît aussi les textes, car l'écriture dit : j'enverrai mes anges pour
empêcher que son pied ne heurte la pierre) …Jette-toi en bas, donc, puisque
les anges te soutiendront…”.
Et pourquoi me tentes-tu, dit Notre-Seigneur, il est aussi écrit que tu ne
tenteras pas le Seigneur ton Dieu… Eh oui, il y a un escalier pour descendre,
pourquoi me jetterais-je en bas! On voit bien là une lutte de deux puissances,
avec une lutte des deux côtés des textes de l'écriture, et n'est-il pas vrai que le
démon sait souvent nous suggérer des passages de l'écriture pour nous faire
accomplir des choses répréhensibles ? car, nous l'avons déjà dit, n'y entre pas
qui veut dans l'écriture! et pour bien l'interpréter, il faut que le Saint Esprit lui-
même nous y aide.
Enfin, troisième tentation : il transporte Jésus au sommet d'une montagne, le
Thabor ou une autre, peu importe; Notre-Seigneur, remarquez-le, se soumet
entièrement à Lui(((lui ??)), Il se laisse transporter (je sais bien qu'on discute
maintenant pour savoir si c'est en esprit ou réellement) mais de toute façon il y
a lutte effective entre Jésus et le démon et il lui dit alors : ,,Tu vois, tout ça est à
moi (remarquez tout d'abord le mensonge car il n'est pas vrai que tout cela est
à lui, lui qui n'est que le "prince" de ce monde)… je te le donnerai si tu
m'adores… Vous connaissez la réponse… Notre-Seigneur lui répond avec
vigueur :
,,Va-t-en, Satan, tu n'adoreras que le Seigneur ton Dieu”.
Et St Luc nous dit que Satan est parti pour un temps. Il reviendra plus tard, ce
sera à GETSEMANI, quand Jésus nous dit que c'est l'heure de la puissance
des ténèbres… il est donc parti… il ne sait pas… il n'a pu savoir… .: le démon
lorsqu'il a à faire à des saints, à des personnages puissants, ne compte pas les
faire tomber du premier coup, mais cherche surtout à découvrir, dans la lutte, le
défaut de la cuirasse, voyez dans le cas présent, il a voulu voir d'abord la
réaction de Jésus sur la nourriture, puis sur la vanité… comment va-t-il
répondre ? Et n'ayant pas réussi à le faire trébucher, il va le tenter par la
grande ambition, celle de l'orgueil et de la cupidité, par celle qui emporte,
combien de fois, hélas, tant de grands politiques, de politiciens et autres. eh
oui, il y a beaucoup d'hommes qui résistent à beaucoup de tentations et
tombent à celle-là.
Mais Notre-Seigneur ne s'est pas découvert; chaque fois Il s'est servi de
l'écriture… et paf… Alors, Messieurs, attention! Dès que l'on veut changer de
vie, le démon s'inquiète; il s'inquiétera de vous comme il s'est inquiété de
Notre-Seigneur. Il n'est pas arrivé à cette occasion à percer le mystère de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, raison pour laquelle il reviendra, mais là encore il
ne saura pas davantage que Jésus est le Fils de Dieu, comprenant toutefois
qu'il s'agit de quelqu'un de puissant, qu'il faut surveiller. Il va de soi que
pendant les 30 ans que Jésus a passés dans le silence soit en Égypte, soit à
Nazareth, le démon, qui au début avait pu être intrigué par les circonstances de
la Nativité, le Chant des Anges, l'adoration des bergers, tout cela impliquant un
certain mystère, n'avait aucun motif de s'inquiéter d'un jeune homme dont
l'humilité le déconcertait certes, mais qui ne faisait absolument rien au point de
vue extérieur, menait la vie d'un petit manœuvre dans le silence et ne faisait
nullement parler de lui. On peut s'imaginer que le démon a pu se dire : Bôh,
toutes ces manifestations au moment de sa naissance n'ont induit en erreur,
mais il n'y a rien à craindre d'un jeune aussi effacé; s'il avait un pouvoir, il me
montrerait bien!… car moi, lorsque j'ai du pouvoir, je m'en sers!… oui, l'humilité
de Notre-Seigneur pendant toute sa vie a sûrement déconcerté le démon, mais
lorsqu'il a vu qu'il recevait le baptême de Jean, lorsqu'il a vu, en même temps
que la foule, le ciel s'entrouvrir et constater cette pénitence extraordinaire dans
le désert, il a dû se dire : oh, oh! qu'est-ce que c'est ça ? et d'après St Marc il
semble bien que les tentations ont été non seulement à la fin, mais pendant la
quarantaine… Le démon est déconcerté, il ne sait pas, il cherche partout le
défaut pour pénétrer ce mystère, mais en vain, il ne va rien trouver…
Alors, rappelons-nous cela,… St Jean de la Croix nous dit : lorsqu'un homme
veut se sanctifier sérieusement ou plutôt commence à marcher dans les voies
de la vie illuminative, le démon demande à Dieu la permission d'envoyer des
tentations plus fortes parce que les premières ne portent plus, et le Bon Dieu le
permet… les tentations des personnes avancées dans la spiritualité et des
Saints sont beaucoup plus fortes et subtiles que celles qui assaillent les
chrétiens pris dans leur généralité. Le démon le demande et le Bon Dieu
l'accorde pour que l'épreuve puisse continuer à jouer, parce que ces âmes
étant déjà fortifiées, comment continueraient-elles à gagner des mérites s'il en
était autrement ?… Le bienheureux de la Colombière, le confident de Ste
Marguerite-Marie dont il était le directeur spirituel nous dit : ,,lorsqu'une âme se
décide sérieusement à se sanctifier, le démon s'accroche à elle, il s'accroche
désespérément à elle pour l'empêcher d'avancer, et même s'il n'y réussit pas, à
la freiner”, c'est déjà un bien pour lui car la chose que le démon craint le plus,
c'est la sainteté, d'abord parce que le Saint lui échappe, mais surtout parce que
les Saints lui arrachent beaucoup d'âmes… Voyez le Curé d'Ars, le nombre
d'âmes qu'il a arrachées au démon!… Oui, le démon connaît la valeur des
choses et il sera capable par exemple de faire gagner beaucoup d'argent à un
homme sur la terre afin de le perdre sur le plan spirituel, c'est évident; ou
simplement pour freiner ses progrès.
Donc, pour en revenir à ce que nous commentions, humiliation profonde pour
Notre-Seigneur Jésus-Christ de ce contact avec l'esprit immonde. Il a voulu
accepter cela, Il a voulu passer par toutes nos misères, même celles de la
tentation. Le démon a été repoussé et à nouveau, comme après le baptême
d'humiliation où Jésus a eu la consolation de voir s'ouvrir le Ciel pour lui dire
qu'Il n'est pas un pécheur mais bien le Fils bien-aimé du Père, eh bien, là aussi,
Il a, après sa victoire sur le démon, la consolation des anges qui viennent le
réconforter et le consoler…
Mes chers Messieurs, lorsque nous sommes tentés il ne faut jamais nous
décourager; demandons par la prière l'aide du Ciel, de la Sainte Vierge, des
Anges, des Saints, de Dieu lui-même Notre-Seigneur; si nous sommes
vainqueurs, nous aurons des consolations; c'est notre lot sur la terre ici-bas,
nous marchons vers le Ciel en combattant dans nos épreuves, et, parmi ces
épreuves, les plus pénibles sont les tentations… Je vous rappelle que Notre-
Seigneur Jésus-Christ Lui-même a dit, c'est au chapitre 13ème de l'Imitation
– ,,Tous les Saints ont passé par beaucoup de tentations et d'épreuves et c'est
par là qu'ils ont avancé”. Vous savez que la loi de la pesanteur fait monter les
plus légers que l'air, les dirigeables, mais elle fait aussi descendre les sous-
marins dans les profondeurs de la mer, faire monter les uns, faire descendre
les autres; on peut dire par analogie que c'est la loi des tentations qui fait des
saints et qui fait des damnés.
Je le répète : tous les Saints ont passé par beaucoup de tentations et
d'épreuves; c'est par là qu'ils ont avancé, mais ceux qui n'ont pu supporter ces
épreuves, Dieu les a réprouvés et ils ont défailli dans la route du salut… alors,
Messieurs, ne vous étonnez pas des épreuves, ne vous étonnez pas des
tentations, mais prenez les moyens. D'ailleurs vous étudierez mieux cela dans
les réunions de 11 heures dans le discernement des esprits.
Je vous rappelle les trois tableaux :
- le premier le départ de Nazareth,
- le deuxième le baptême sur les bords du Jourdain,
- le troisième la terrible quarantaine au désert avec les tentations proposées
par le démon à Notre-Seigneur.
La grâce à demander : la connaissance intime de Notre-Seigneur pour mieux
l'aimer et le suivre et pouvoir nous fortifier pour déjouer les astuces du démon
dans ses tentations.
*****
N° 29
APPEL DES APÔTRES
En deuxième semaine, dans sa deuxième addition (N° 130), St Ignace nous
dit : ,,Aussitôt que je serai réveillé, je me mettrai devant les yeux la
contemplation que je dois faire, excitant en moi un vif désir de connaître
davantage le Verbe incarné, pour le suivre de plus près et le servir avec plus de
fidélité…”.
Eh bien, avez-vous ce grand désir d'étudier Notre-Seigneur ? Mettons-nous à
son école pour mieux découvrir son Cœur et connaître ce qu'Il attend de
nous… Nous allons ici contempler Jésus appelant les Apôtres; Saint Ignace
nous fait remarquer qu'Il ne les appelât pas en une fois mais en plusieurs fois;
le sujet de cette contemplation se trouve à la page 420/421, au N° 275, qui
nous dit :
,,Premier point : Il paraît que St Pierre et St André furent appelés trois fois :
premièrement à une certaine connaissance du Sauveur, comme nous l'apprend
St Jean dans le premier chapitre. Secondement à suivre Jésus-Christ, mais
avec l'intention de retourner à ce qu'ils avaient abandonné, comme le dit St Luc
dans son chapitre cinquième.
Troisièmement à suivre Jésus-Christ Notre-Seigneur pour toujours, comme le
rapportent St Mathieu dans le quatrième chapitre et St Marc dans le premier.
Deuxième point : Il appela Philippe comme il est indiqué dans le premier
chapitre de St Jean et Mathieu, comme le même apôtre le dit dans le neuvième
chapitre.
Troisième point : Il appela les autres apôtres de la vocation desquels il n'est
pas fait mention spéciale dans l'évangile”.
Mais St Ignace veut que nous n'omettions pas d'ajouter à notre contemplation
trois considérations spéciales chaque fois qu'il s'agit de ces appels :
1ère considération : ,,Combien les apôtres étaient rustres, ignorants et de
basse condition”… Nous qui avons toujours peur d'aller de l'avant, qui nous
imaginons facilement que nous ne pouvons pas être transformés par le St
Esprit, eh bien Jésus nous donne la preuve du contraire, nous donne la preuve
de la toute puissance du St Esprit car c'est avec ces hommes simples, avec
des hommes qui aux yeux des érudits de ce temps n'ont aucune valeur
humaine qu'Il va transformer le monde…
Deuxième considération : ,,La dignité à laquelle ils furent appelés avec tant de
suavité”… Remarquez-le bien : ,,Il les appelle avec suavité”, avec une grande
douceur, sans rien casser… peu à peu… d'une façon différente d'ailleurs
puisqu'elle n'a pas été la même pour tous, mais tous avec suavité… Nous
aussi, mes chers Amis, Jésus nous appelle de la même manière, saurons-nous
accepter comme les apôtres ont accepté ? Et Il le fait pour les convier à une
grande dignité : à notre époque où l'on se déplace si facilement, on va en
pèlerinage aux tombeaux des apôtres. Personnellement, je suis allé sur celui
de St Barthélémy, dans une île du Tibre; on va également aux tombeaux des
Saints apôtres Pierre et Paul à Rome et cette année, l'année de la Foi, à la
célébration du 19ème centenaire de ces deux colonnes de l'Église, on y est allé
en foule de telle sorte que le Saint Père a dû célébrer la Sainte Messe sur le
Parvis de St Pierre car il y avait là près de 800'000 personnes qui n'auraient pu
prendre place, évidemment, dans la basilique qui, elle, ne peut contenir que
70'000 fidèles… Oui, la dignité d'Apôtres à eux qui furent les fondements de la
Sainte Église, voilà où Il a élevé ces Apôtres qui, au Jugement dernier, autour
de Notre-Seigneur, jugeront les douze tribus d'Israël…
Troisième considération : St Ignace nous dit : ,,Les dons et les grâces par
lesquels ils furent élevés au-dessus des PÈRES de l'ancien et du nouveau
testament”; ces hommes, ces pêcheurs de GALILÉE, ces paysans de
Nazareth, ce publicain, Il les a élevés au-dessus de tous, au-dessus de tous les
docteurs de la Loi, de tous les savants, de tous les Saints!…
Ce matin, nous avons contemplé Jésus au désert, dans les tentations après
son baptême. Il semble bien qu'ensuite Il soit revenu au Jourdain où Jean-
Baptiste continuait à prêcher ses retraites, lui qui avait dit lors du baptême :
,,Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde”, et le Précurseur en le
voyant certifia : ,,Je lui donne témoignage, j'ai entendu la voix qui disait : Celui-
ci est le Fils de Dieu”.
Jésus va donc commencer à choisir ses apôtres, mais, remarquons-le, Il ne
choisit pas n'importe qui : les premiers qu'Il appelle sont des anciens retraitants
de Jean-Baptiste!… Il y avait là André, le frère de Pierre, et Jean. Ils avaient
entendu Jean-Baptiste leur montrer Jésus, le désigner comme étant l'agneau
de Dieu en rendant témoignage de ce qu'Il était le Fils de Dieu et ces deux
hommes (Jean était plus jeune) avaient un grand désir de parler à Celui dont
Jean-Baptiste les avait entretenus. Ils suivirent donc Jésus qui avançait sur le
sentier qui se situe entre le rocher et le Jourdain tout en épousant les
sinuosités du sol. Quand ils furent suffisamment isolés, Jésus se retourna et
leur dit :
,,Que désirez-vous ?”… Un peu surpris, ils ne purent que répondre :
,,Seigneur, où est-ce que vous habitez ?”… Jésus alors dut leur sourire et leur
préciser :
,,Venez et voyez”!…
Notre-Seigneur devait probablement passer ses nuits dans une grotte et se
nourrir frugalement avec des figues si abondantes dans cette région; j'ai idée
qu'Il dut commencer par leur en donner pour tromper leur faim. C'est Jean qui
nous raconte la rencontre sans préciser le sujet de la conversation, mais il n'est
pas défendu d'en supposer la teneur, de se douter avec quel cœur Jésus
devait parler à ces deux hommes dont Il savait ce qui leur arriverait!… Ceux-ci
devaient l'assaillir de questions.
,,Tu es le Messie, tu veux conquérir le monde, mais comment vas-tu faire ?” et
Jésus devait leur expliquer :
,,Oui, il faudra convertir le Monde, mais pas comme vous le pensez sans doute;
il ne s'agit pas d'avoir des légions armées et de conquérir par la force, nous,
nous voulons sauver les âmes!…
Il n'a pas dû, bien sûr, les effrayer au premier coup sur les difficultés de
l'entreprise, mais cela devait être pour eux une source de réflexions et de
problèmes.
,,Mais Seigneur, pour ce faire, il vous faudra sans doute de grands savants ?
pour aller prêcher devant les rois, les empereurs ?…” et Jésus devait sourire :
,,Non, ce n'est pas comme cela, ceux que j'enverrai, le St Esprit leur dira ce
qu'il faut dire…”.
Mais Seigneur, il faudra qu'ils soient riches car pour voyager il faut de l'argent ?

Non, au contraire, il faudra qu'ils aient le plus grand mépris pour les biens de ce
monde, la Providence se chargera d'eux… 
Oh, Seigneur, quel dommage que nous ne soyons pas des hommes qui aient
étudié, qui soient capables… et Jésus dut leur sourire…
Oui, vous pourriez vous aussi, si vous voulez et si vous restez fidèles au St
Esprit…
Si nous voulons ? Pas possible!…
Mais oui, vous avez fait la retraite avec Jean-Baptiste, il suffit que vous vous
donniez à Dieu du fond du cœur et le Bon Dieu peut faire avec vous de
grandes choses ....: ce n'est pas les hommes qui transformeront le monde,
c'est Dieu qui agira par vous.
Imaginez ces demandes, ces réponses, faites les vôtres… et ils durent parler
ainsi très tard pendant la nuit, ils durent sans nul doute parler de leur patron
pêcheur qui n'était pas là, Simon, le frère d'André, André ne devait pas tarir
d'éloges à son égard :
… Ah, Seigneur, Simon c'est un homme! il n'y en a pas deux comme lui pour
mener les barques dans le lac; il est réputé…
Eh bien, amenez-le moi demain, je le verrai très volontiers…
Et Simon qui avait dû sur les abords du gué du Jourdain faire les emplettes de
tout ce qu'il fallait pour réparer ses voiles, ses filets : des aiguilles, du chanvre,
etc… était revenu et alors ils lui dirent :
Tu sais Simon, nous avons trouvé le Messie; Jean-Baptiste nous l'a montré et
nous lui avons causé. Ils amenèrent donc Simon à Notre-Seigneur et l'évangile
nous dit : ,,Jésus le regarde”. On comprend facilement combien cela veut en
dire long!… 
Jésus regarde jusqu'au fond du cœur celui qu'il allait choisir pour être son futur
pape, le premier pape, son Vicaire sur la terre!… Son premier mot fut de lui dire
: ,,Simon, à partir d'aujourd'hui, tu t'appelleras CEPHAS (cela veut dire Pierre
en araméen). Il lui change son nom pour lui en donner un qui sera le fondement
de l'Église, car c'est sur cette Pierre qu'Il la bâtira!!…
Dans la journée, ils en rencontreront un autre qui venait de Galilée. Il faisait
partie d'un groupe venant faire la retraite auprès de Jean-Baptiste.
C'était Philippe, qui était du même village que Jacques, Jean, Pierre et André.
Philippe sera l'un des apôtres que Jésus aimera d'une façon toute particulière;
il devait avoir, semble-t-il, un petit défaut de langue et Jésus, nous dit
l'évangile, regarda aussi Philippe en lui disant : ,,Toi aussi, viens avec nous”…
Mais Philippe connaissait dans le groupe venu avec lui ce qu'on appellerait un
"bourgeois", un homme de Capharnaüm paraissant instruit et qui s'appelait
Nathanaël. Il semble bien que c'est de St Barthélémy qu'il s'agit, et Philippe va
trouver M. Nathanaël :
,,Nous avons trouvé le Messie, celui que Jean-Baptiste a vu. Il nous a dit que
c'était le Fils de Dieu annoncé par les prophètes”.
D'où est-il ? demande Nathanaël.
Il est de Nazareth, rétorqua Philippe.
De Nazareth ?… Que peut-il sortir de grand de Nazareth… dans les Saintes
Écritures, il n'est pas question de Nazareth! et ce n'est pas là que devait naître
le Messie !
Tenez! le voilà… dit Philippe.
Dès que Jésus voit Nathanaël, Il le regarde et lui dit :
,,Voilà un homme dans lequel il n'y a pas de duplicité, un homme qui a l'âme
droite!”. Nathanaël lui répond :
,,Maître, comment me connais-tu ?”. Alors Jésus de lui préciser :
,,Quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu!…”.
On comprend là que ces gens-là méditaient dans la nature; ces retraitants
d'alors n'avaient pas comme vous leur cellule particulière; ils faisaient leurs
méditations en se mettant à l'écart sous quelque arbre, il est donc
vraisemblable que sous ce figuier Nathanaël avait dû faire une méditation très
fervente, suppliante, il avait peut-être demandé d'avoir la Joie de rencontrer le
Messie pour se mettre à sa disposition! mais c'est tout ce que l'on sait… ,,Je t'ai
vu quand tu étais sous le figuier!” et tout de suite Nathanaël comprend :
,,Seigneur, tu es le Fils de Dieu !” s'exclame-t-il… alors Jésus de lui indiquer :
,,Parce que tu m'as entendu dire – je t'ai vu sous le figuier – tu me dis que je
suis le Fils de Dieu… Mais tu verras des choses bien plus grandes… vous
verrez les anges descendre du Ciel sur le Fils de l'homme…” (c'était
l'expression employée par le prophète Daniel qui avait appelé ainsi le Messie).
La retraite prêchée par Jean-Baptiste était terminée; Pierre avait fait ses
achats; ils allaient donc tous s'en retourner chez eux, mais Jésus a dû savoir
les retenir, leur disant sans doute : ,,Eh bien, j'ai promis à ma maman d'aller à
une noce à Cana… En faisant un petit détour, vous pourriez peut-être venir
avec moi ? dans une noce, quand il y en a pour deux, il y en a pour trois, n'est-
il pas vrai ? et ce faisant, vous m'accompagnerez et nous aurons ainsi
l'occasion de causer en route ?…”.
Volontiers, Seigneur… et ils firent le détour pour accompagner Jésus à Cana.
Qu'il est bon le Seigneur, comme Il sait
(fin page 400)

(p 401)
récompenser ceux qui se gênent un peu pour Lui, car leur récompense ne se fit
pas attendre : c'est là à Cana qu'ils furent témoins de son premier miracle et
l'évangile nous dit : ,,ses disciples crurent en Lui”; on voit très bien que leur Foi
en Jésus s'accroît progressivement…
Comme Notre-Seigneur allait maintenant commencer sa vie publique, il lui
fallait s'installer quelque part… Il choisit une ville très passagère, Capharnaüm,
qui se situait au centre de la Galilée, sa capitale en un mot; de là il lui serait
plus facile de prêcher et de rayonner. On y remarque beaucoup de maisons
mais beaucoup de tentes aussi… Ceux qu'Il venait choisir et qu'Il avait
emmenés avec Lui habitaient Bethsaïde qui était le faubourg de Capharnaüm,
sur les bords du lac… c'étaient de pauvres pêcheurs au rude métier : avec leur
barque ils jetaient leurs filets la nuit et, au petit jour, ils venaient au port de la
ville pour vendre le produit de leur pêche, se retirant ensuite à Bethsaïde pour
se reposer et réparer leurs filets; la proximité de leurs demeures permettait à
Jésus de les voir vraisemblablement souvent et de les encourager car ils
avaient bien besoin d'être soutenus… qu'il est bon le Cœur de Jésus de veiller
ainsi sur chacun des siens!…
Après ces premiers appels, ces premiers contacts, Jésus voulut prêcher, mais il
y avait trop de monde pour la maison trop petite; il dut envisager de le faire
dans ce petit port, probablement, mais un jour, comme sa réputation
grandissait rapidement et qu'on venait même de loin pour le voir et l'entendre,
afin qu'on puisse l'apercevoir, il monta dans la barque de Pierre revenu de la
pêche sans avoir rien pris. Jésus lui dit :
,,Je monte dans ta barque pour parler, prends un peu de recul”, et de là Jésus
parla à la foule. Quand il eut fini, il dit à Pierre :
Eh bien, maintenant, va au large, nous allons pêcher…
Pour Pierre, ce n'était guère l'heure, ce n'était pas le moment d'autant plus que
le poisson ne s'était pas montré de la nuit, c'était bien une tentative superflue et
inutile, et il dit au Maître :
,,Seigneur, nous avons passé toute la nuit à pêcher sans rien prendre, mais
puisque tu me le dis, je t'obéirai”.
Pierre est une grande âme, humble en même temps, docile comme Jésus
souhaite que soit la nôtre – et ils vont à la pêche… Vous savez quelle pêche
miraculeuse ils firent au point que la barque s'enfonçait, tellement le poisson
était abondant, à telle enseigne qu'ils furent contraints d'appeler l'autre barque
– on pense que c'était celle de Zébédée avec Jean et son frère Jacques pour
venir les aider à remonter les filets et embarquer le poisson. C'était une pêche
extraordinaire, miraculeuse… alors Pierre dit à Jésus :
,,Seigneur, éloigne-toi de moi qui suis un misérable pêcheur… toi, tu peux faire
de grandes choses, moi je ne suis rien, un incapable, un misérable pêcheur,
non, non… éloigne-toi de moi…”. Mais Jésus répondit : ,,Eh bien, non,… à
l'avenir, tu ne seras plus pêcheur de poissons, je te ferai pêcheur d'hommes…”.
Après avoir vendu leur poisson, ils retournèrent néanmoins à Bethsaïde réparer
leurs filets et ce n'est que quelque temps après – on ne saurait le préciser
exactement – que le moment étant venu, Jésus passa près d'eux alors qu'ils
étaient en train de mettre leurs filets en état et il dit à Pierre et à André : ,,Allez,
c'est le moment de tout laisser, suivez-moi!”… Il faut croire que leur cœur était
plein du désir de bien faire et que leur volonté se voulait d'être agréable à
Jésus puisque, sans un murmure, sans une hésitation, ils ont tout laissé sur le
champ et l'ont suivi. Un peu plus loin, sur la grève, au soleil, en train de réparer
aussi leurs filets (c'est tous les jours que les mailles étaient vérifiées) se
trouvaient les fils de Zébédée : Jacques et Jean. Jésus leur dit : ,,Allez, vous
aussi, venez… suivez-moi!”.. Conquis eux aussi, l'évangile nous dit ,,Et ensuite,
ayant laissé leurs filets et leur père, ils le suivirent!”…
A partir de ce moment-là, le vieux Zébédée a dû s'arranger comme il a pu…
comme devraient faire plus tard tous les papas et les mamans ayant à laisser
partir leurs enfants à qui le Seigneur fait l'honneur de les appeler à son service.
Il semble bien que Zébédée pouvait avoir un certain bien; il a dû vendre sa
barque, sans doute, on peut estimer qu'il ne vécut pas longtemps ensuite,
puisque Marie Salomé, son épouse, nous la verrons bientôt se placer sous la
direction de la Sainte Vierge.
Toutes ces Saintes Coopératrices, on peut se les imaginer travaillant dans le
sillage des disciples, leur préparant la nourriture, allant au marché, en bref
assurant toutes les tâches matérielles afin que les Apôtres puissent se livrer en
toute tranquillité d'esprit à leur apostolat. Pensez donc : Notre-Seigneur et les
12 Apôtres, soit 13 hommes… Certains jours ou plus tard ils se réunissaient
avec les 72 disciples, cela devait créer un problème important de ravitaillement,
de préparation des repas, d'entretien de leur linge, sans parler de leurs
soutanes plus ou moins déchirées dans leurs courses apostoliques; le soir, je
me doute qu'il fallait s'en occuper car ils devaient repartir le lendemain matin et
leur garde-robe ne devait pas être encombrée d'habits de rechange!… Voilà
ma sœur, excusez-moi, dans ma précipitation j'ai encore un accroc là, si vous
voulez bien me raccommoder ça!… Et allez! tous les jours c'était le même
refrain… si encore il n'y en avait eu qu'un… mais on peut penser que les
occupations matérielles ne devaient pas manquer; évidemment, tout cela n'est
pas écrit dans l'évangile, mais il est bien probable que cela devait se passer
comme ça et que des soucis quotidiens assaillaient ces Saintes Femmes!
Il y a d'autres apôtres que le Seigneur appela – on ne sait pas trop dans
quelles conditions – qui étaient vraisemblablement des cousins aux premiers et
de ce fait bien connus d'eux : Jacques le Mineur qui deviendra le premier
évêque de Jérusalem, Simon le Cananéen, Jude aussi qui était cousin de
Notre-Seigneur; c'est qu'à Nazareth, comme dans tous ces petits villages, il est
rare de ne pas retrouver une parenté plus ou moins éloignée entre les familles
composant la bourgade; il y eut aussi Thaddée, puis Matthieu… Matthieu fut
appelé d'une façon extraordinaire : c'était un publicain ayant son bureau car il
encaissait des impôts (généralement, les assujettis à l'impôt, s'ils ont la chance
de pouvoir aussi encaisser pour le gouvernement, tâchent de se rattraper sur
les clients et cela évidemment était connu, ce qui fait qu'ils étaient franchement
détestés… mais il fallait passer par eux si non ils vous faisaient mettre en
prison)… Matthieu était donc un chef publicain peu aimé de ce fait et Jésus,
passant devant son bureau, lui dit : ,,Matthieu, viens et suis-moi”. Alors
Matthieu se mit à liquider tout et à le suivre.
Est-ce qu'il n'était pas fou ? Non, non! il n'était pas fou… Il savait qui était
Jésus; il avait sans doute dû l'entendre et connaissait les miracles qu'Il
accomplissait!… Touché par la grâce, il le suivit aussi. Cependant, il demanda
à Jésus :
,,Écoutez, Seigneur, j'ai beaucoup d'amis et voudrais les prévenir que je me
fais apôtre, que je vous suis, et je serais content de les inviter tous à souper
pour leur annoncer cela, que je (ne ??))) suis plus publicain à partir d'à
présent ?”.
Mais, Matthieu, très volontiers…
Alors Seigneur, ce sera pour ce soir, est-ce que vous ne pourriez pas assister à
ce souper vous aussi, cela me ferait tant plaisir ?
Mais bien sûr que j'y serai…
Cependant, Seigneur, je dois vous prévenir que dans l'assistance, il y en aura
peut-être qui diront quelques gros mots ?
Cela ne fait rien… et cela n'a pas manqué :
Regardez-moi ça, disaient certains, il mange avec des publicains! et les jeunes
apôtres, pris de court, ne savaient que répondre à ces docteurs de la loi, à ces
pharisiens… décontenancés, ils interrogeaient alors le Maître pour savoir
comment ne pas perdre la face :
,,Eh bien, répondez que je ne suis pas venu pour chercher les justes, mais les
pécheurs, voilà…”.
Et puis un jour – c'est St Luc qui donne ce détail – ils passèrent la nuit en
prières. Jésus pria toute la nuit et après cette longue oraison, Il les nomma
tous, tous ceux qu'Il avait voulu appeler à cette dignité et l'évangile nous dit
qu'Il leur donna le pouvoir de chasser les démons… voyez, déjà de très grands
pouvoirs à tous ceux qu'Il appelait ses apôtres et qu'Il allait envoyer dans le
monde entier après les avoir formés jusqu'au moment de son Ascension au
Ciel.
Il les nomma alors solennellement : Pierre, André son frère, Jacques et Jean
fils de Zébédée, Philippe et Barthélémy (qu'on n'appellera plus Nathanaël),
Thomas et Matthieu, le publicain, Jacques le Mineur fils d'Alphée, Simon le
Cananéen, Thaddée appelé Jude et Judas Iscariote, celui qui devait le trahir. Il
semble bien, nous disent les auteurs, que quand Judas a commencé sa vie
apostolique, il devait être plein de bonne volonté… Aussi quelle leçon pour
nous tous, mes chers Messieurs! Eh oui, Judas a assisté pourtant aux miracles
de Notre-Seigneur… St Augustin nous dit qu'il a dû aussi chasser les démons
c'est très vraisemblable puisque Notre-Seigneur leur en avait donné le pouvoir,
seulement Judas est en même temps une illustration des deux Étendards… :
Quand on tient à l'argent, quand on tient aux biens de ce monde sous quelque
forme qu'ils se présentent, on arrive à perdre l'humilité, on se croit quelqu'un et
Judas se croyait quelqu'un… Personne ne devient mauvais d'un seul coup, dit
St Bernard. En tant qu'ami de Dieu, il a dû recevoir de Lui, de la Grâce, de
nombreux avertissements mais petit à petit, prisonnier des deux passions
capitales, l'orgueil et l'avarice, il est devenu le traître, lui, le choisi de Notre-
Seigneur!… Oui, quelle terrible leçon nous est donnée là…
Voilà votre contemplation, mes chers Messieurs.
D'abord les différents appels du cœur de Jésus à ses apôtres, en remarquant
qu'ils sont appelés de bien bas et c'est vrai, non seulement parce que leur
condition sociale était peu de chose, mais aussi parce qu'ils étaient pleins de
défauts et de péchés… mais appelés à une dignité extraordinaire, unique, en
approfondissant ce qu'ils sont aujourd'hui, eux, les apôtres, les Saints
Apôtres… et pour cela les innombrables grâces dont Jésus les a comblés pour
qu'ils franchissent tout ce chemin à pas de géants, grâce au St Esprit qui est
arrivé à les transformer parce qu'ils se sont livrés à Lui en toute confiance…
Allez faire cette contemplation. Livrez-vous à votre tour à Notre-Seigneur et
vous terminerez sans oublier les trois colloques, non seulement des deux
Étendards mais des trois classes d'Hommes avec la remarque du N° 157, en
demandant au Seigneur qu'Il daigne vous établir dans ce troisième mode
d'humilité, comme Il le voudra… Allez, courage!…
*****
N° 30
VIE DE NOTRE-SEIGNEUR – FORMATION ET ÉPREUVE DES APÔTRES
Nous continuons notre étude de la 2ème semaine : Pensez sérieusement, les
jeunes qui n'avez pas encore choisi, à préparer votre état de vie : Qu'est ce que
je vais faire ? un foyer chrétien, un missionnaire, un prêtre de paroisse, un
religieux enseignant ?… c'est à voir, tout vous est offert, voyez-vous, et puis
alors, tous, le genre de vie : quel genre de vie vais-je adopter dès mon retour à
la maison ?… dans vos résolutions faites une bonne part à vos exercices de
piété, à ce carburant spirituel si nécessaire pour tenir, puis à l'étude; cela ne
s'invente pas, il faut travailler pour s'instruire et rayonner, il faut faire effort, et
puis alors l'action : l'action dans la famille, dans la profession, dans la paroisse,
dans tous les milieux où vous êtes appelés à vivre et dans lesquels on a besoin
de vous; il faut y penser… N'oubliez pas non plus la question du contrôle de
vous-même, l'examen…
Nous allons voir maintenant comment Notre-Seigneur forma ses apôtres. Il les
formait bien sûr à toutes les vertus, mais surtout à la vertu de foi, à la vertu
théologale de foi par laquelle nous croyons à tout ce que Dieu révèle par son
Église, et nous le croyons parce qu'Il est infiniment véridique. Il ne peut pas se
tromper et Il ne peut pas nous tromper. La foi est difficile surtout parce qu'elle
s'établit sur des mystères, et les hommes, avouons-le, nous n'aimons pas le
mystère parce qu'il nous humilie, il nous rappelle que nous sommes limités, que
notre intelligence est bornée… Remarquez qu'ici-bas, c'est presque partout que
nous rencontrons le mystère – on l'oublie cela – et plus on fait des découvertes
nouvelles, plus on s'aperçoit que au-delà il existe un halo de mystères, des
abîmes que l'intelligence ne peut encore percer et cela aussi humilie l'homme;
alors les savants, pour se dégager de cette humiliation, criblent les mystères
naturels d'hypothèses très gratuites souvent. Notez que l'hypothèse peut être
légitime; un grand physicien, Henri Poincaré, a écrit une très belle page sur la
nécessité de l'hypothèse, c'est-à-dire que le savant, devant un mystère
scientifique, théologique, chimique, nucléaire, imagine ce que pourrait être la
réalité; cela n'est pas défendu, mais comme le rappelait le Pape Pie XII dans
une encyclique qui a fait grand bruit à l'époque, en 1953, dans HUMANI
GENERIS, la probité scientifique doit être de rigueur chez les savants; ils ne
doivent jamais présenter comme réalité, comme vérité objective ce qui n'est
qu'une hypothèse où la part de l'imagination tient une très grande place. Il n'est
donc pas défendu d'échafauder des hypothèses, mais il faut les présenter
comme telles. Rappelons-nous à cet effet que dans tout le système de
l'évolution, il y a une formidable partie d'hypothèses!… Donc le mystère humilie
l'homme, mais les mystères surnaturels, les mystères de la Foi, ils sont encore
plus humiliants, pourquoi ? … d'abord pour l'Intelligence, car nous savons que
nous ne pourrons jamais les comprendre bien que nous en jouirons; oui, nous
ne les comprendrons jamais mais nous les verrons… je rappelle quelquefois
cette histoire marseillaise assez amusante mais pleine de vérité : Comme un
ami de Paris état venu voir Marius, ce dernier lui montrait la corniche et la mer
qu'il n'avait jamais vues et comme il s'extasiait devant ce spectacle de la mer :
Oh! que c'est beau!… Et Marius de lui dire …
,,Et encore, tu ne vois que le dessus!!… Et c'est vrai, car la mer est remplie de
mystères que l'on commence maintenant à pénétrer avec les hommes
grenouilles, avec les bathyscaphes… au Ciel aussi, il y a des mystères
insondables; … nous jouirons de la Très Sainte Trinité, mais sans la
comprendre, comme quelqu'un qui jouit de la mer sans la comprendre, car elle
reste beaucoup plus riche que ce que nous pouvons en voir; de même la
montagne,… et dans l'Éternité nous jouirons des mystères de la Très Sainte
Trinité, du mystère de l'Incarnation, de la Rédemption, du mystère de l'amour
de Dieu pour nous, manifesté par des choses qui nous dépassent, mais nous
n'arriverons pas à les comprendre et cependant nous en jouirons; notre
Intelligence, qui verra la chose, sera toujours débordée par la profondeur de
ces mystères…
De plus, ces mystères surnaturels de la Foi gênent la volonté, parce qu'ils la
contraignent, ils l'obligeant à agir de telle façon, dans tel sens… or, de plus en
plus maintenant, avec l'affirmation des libertés humaines envers et contre tout,
par une sorte de libéralisme et même d'anarchie, on n'aime pas être contraint,
même sur le plan naturel dans des compartiments pourtant où la loi est un
dictamen de la raison, je pense par exemple au code de la route; le chemin de
fer lui aussi nous soumet à des impératifs : ne traversez pas les voies, prenez
le passage souterrain, ne descendez pas à contre voie, etc… eh, oui, tous les
codes sont contraignants, mais a fortiori lorsque nous transposons sur le plan
surnaturel : il est évident que le dogme du péché, le dogme de l'Enfer sont
contraignants et que cela gêne la volonté, et c'est pourquoi la Foi est difficile,
que c'est une vertu difficile! St Paul a écrit par trois fois ,,Mon Juste vit de la
Foi”, parce qu'une très grande foi, une foi théologale nous donne l'esprit de foi,
c'est-à-dire que dans toute notre activité nous agissons toujours dans la
lumière de l'Éternité, dans la perspective du Principe et Fondement de St
Ignace ou du "QUID ROC AETERNITATEM" de St Louis de Gonzague, à quoi
cela sert pour l'éternité ?… c'est ça, l'esprit de foi, une règle pratique qui nous
permet dans notre activité de tous les jours d'agir dans la lumière divine, d'agir
pour Dieu; oui, c'est par 3 fois que St Paul nous dit ,,Justus meus ex fide vivit –
Mon juste vit de la foi, par esprit de foi”.
Par tout son enseignement, par des paraboles, par des miracles même, Notre-
Seigneur essaie donc d'instruire les apôtres. Voyez, souvent Il répétait des
images : le royaume des cieux est semblable à… le royaume des cieux, etc… Il
donnait des perspectives différentes pour les mieux pénétrer; Il essaie aussi de
les former aux vertus mais surtout… surtout à la vertu de foi; par exemple, il
faut des miracles pour exciter leur foi, c'est ainsi qu'au miracle de Cana
l'évangile nous dit qu'après avoir vu, les apôtres crurent: par contre Il demande,
Il exige la foi pour faire des miracles : au père du lunatique que les apôtres
n'ont pu guérir, Notre-Seigneur lui dit : ,,Tout est possible à celui qui croit” et cet
homme de répondre ,,Seigneur, augmentez ma foi”… séance tenante, Notre-
Seigneur guérit le lunatique; de même à Marthe, avant la résurrection de
Lazare, Notre-Seigneur lui dit ,,Tout est possible à celui qui croit”, alors Marthe
a fait un très grand acte de foi qui a conquis Notre-Seigneur; quelquefois aussi
Il réclame la foi Lui-même et Il l'admire lorsqu'Il la trouve… Dieu admire, est-ce
possible ?… Quand Il admire quelque chose ici-bas, c'est la Foi, c'est
extraordinaire cela!… Il admire la Foi du centurion, Il admire la Foi de la
Cananéenne qui demandait la guérison de sa fille, Il admire la Foi du
paralytique et des hommes qui le transportent : vous savez qu'à Capharnaüm
Notre-Seigneur parlait à une très grande foule où se trouvait un paralytique qui
voulait être guéri, mais impossible d'approcher Notre-Seigneur… eh bien, ils
l'ont trimbalé, si l'on peut dire, par-dessus plusieurs toits pour arriver jusqu'à
Lui… quand même! quelle gymnastique avec un paralytique qui pouvait tomber
dans la rue! Je veux dire qu'ils avaient du mérite, mais non! Notre-Seigneur n'a
pas admiré leur charité qui est pourtant réelle, mais Il a admiré la foi, leur foi et
celle du paralytique qui a été l'objet de tant de bonne volonté, et devant tant de
Foi, Il guérit le paralytique…
Par contre Il reproche le manque de foi aux Apôtres, nous allons le voir :
Hommes de peu de Foi que vous êtes leur dit-il souvent, et Il suscite des
épreuves de foi; l'évangile est rempli de cela; voyez pour Marie et Joseph par
exemple… les doutes au moment de la grossesse de la Ste Vierge; à
Bethléem, une épreuve terrible de foi de se voir ainsi repoussés de tout le
monde; en Égypte, bien des fois, la Ste Vierge et Joseph, regardant l'Enfant
Jésus qui grandissait, devaient se dire : Mais, est-ce que nous n'avons pas été
l'objet de quelque hallucination, est-ce vraiment le Fils de Dieu que cet enfant-
là, si humble, si effacé, non pas qu'ils cédaient à la tentation, car ils devaient
avoir des tentations, mais cela paraissait tellement déconcertant que le Fils de
Dieu ait pu ainsi fuir devant l'ennemi, devant Hérode, et que par la suite, à
Nazareth, il reste comme cela tant d'années! : bien sûr à 12 ans, il y eut
l'événement du temple, mais après, ça été fini… 15 ans – 18 ans – 20 ans – 25
ans – 28 ans, Il travaillait là, tranquillement, c'était déconcertant, même pour la
Sainte Vierge!… il y avait de quoi, avouons-le… Aux 10 lépreux aussi, lorsque
Notre-Seigneur leur dit : ,,Allez vous montrer aux prêtres…”, ils n'étaient pas
guéris à ce moment-là, il leur a imposé une épreuve mais ils ont cru et ils ont
été guéris; il y a également ce sermon sur l'eucharistie qui au demeurant était
terrible! Nous maintenant, savons bien ce qui en est, mais à l'époque, tandis
que Jésus était là et qu'il disait : ,,Celui qui ne mange pas ma chair et ne boit
pas mon sang n'aura pas la vie en lui”, oui, je donnerai ma char à manger et
mon sang à boire… Oh! Oh!… tous les juifs se récrient évidemment, et c'est là,
mes chers Messieurs, qu'on a une idée de ce qu'est le mystère de la foi!…
Un théologien protestant a cru pouvoir avancer que les paroles de Notre-
Seigneur devaient être comprises en transsignification, c'est-à-dire qu'en vertu
de sa Puissance, le Verbe de Dieu change la finalité du pain, celle-ci
nourrissant notre âme tout en restant pain,… Non, Non! le Pape Paul VI a
relevé ces erreurs et rappelé, dans l'encyclique "MYSTERIUM FIDEI" de
septembre 1967, que c'est bien une transsubstantiation que la Très Sainte
Eucharistie réalise, et que c'est le corps, le sang et la divinité de Notre-
Seigneur qui se trouvent là, dans la Sainte Hostie! Eh oui, les juifs ne
comprenaient pas le mystère, ne comprenaient pas que Jésus puisse donner
sa chair à manger. Cependant Notre-Seigneur ne leur a pas donné davantage
d'explications. C'est qu'Il exige la Foi. S'Il avait parlé de transsignification au
sujet de ce mystère, Il l'aurait dit à ce moment-là : Mes amis, ne prenez pas ça
à la lettre, vous comprendrez mieux plus tard!… non, non! les paroles de Notre-
Seigneur sont esprit de vie! Ils sont donc tous partis sauf les douze, mais
Notre-Seigneur a dû leur dire : Mais vous pouvez partir vous aussi si vous
voulez ? En effet c'est là que St Pierre a poussé ce magnifique cri de Foi que
nous rapporte l'évangile : ,,A qui irions-nous Seigneur, tu as les paroles de la
Vie Éternelle!”.
Nous allons à présent étudier la façon, la méthode employée par Notre-
Seigneur pour la formation des Apôtres dans les tempêtes rapportées par
l'évangile. Première tempête : elle est surtout relatée par St Marc, chap.
IVème : Notre-Seigneur se trouve dans la barque. Reconstituez la chose : la
journée a été fatigante; de l'autre côté du lac Il a parlé souvent; les apôtres
aussi travaillaient dans la foule mais étaient quelquefois débordés par les
questions qu'on leur posait et c'est à Jésus qu'ils avaient recours. On repasse
donc sur le lac, la soirée est très calme et, à l'arrière de la barque Notre-
Seigneur dort. Regardez les apôtres : ils sont heureux, contents de leur travail
qui est fini, une joie qui n'est pas très surnaturelle bien que légitime; ils pensent
surtout à la "soupe" qui les attend et nous savons de la tradition que c'est la
belle-mère de Pierre qui préparait cela; moi je m'imagine une bonne soupe aux
poissons avec beaucoup de gros macaronis et un jus de tomates à l'italienne,
on l'aime beaucoup parce que ça vous remonte, et puis le repos, le do-do bien
mérité… Hé, il n'en faut pas beaucoup pour être heureux!… on est donc là
contents, insouciants, il fait beau, le lac est calme, la vie est belle… Bien! et
Notre-Seigneur dort…
Vous savez que le Jourdain coule dans ce qu'on appelle la faille jordanienne,
une des plus grandes failles de l'écorce terrestre qui commence au Liban et va
se terminer dans la région des Grands Lacs en Afrique, une grande faille, à tel
point que la MER MORTE est 400 mètres au-dessous du niveau de la
Méditerranée et le Lac de Génésareth, lui, est déjà à 280 mètres au-dessous
de ce niveau de telle sorte qu'il y a parfois dans cette région des courants d'air
terribles par leur violence. Dans cette gorge du Jourdain, il a fait dans la
journée une chaleur suffocante qui va donner naissance à ces tourbillons de
vent spontanés; c'est ainsi que pendant la traversée du lac, nous assistons à
un contraste effarant : de calmes qu'elles étaient, les eaux du lac sont
brusquement en tempête sous l'effet d'un vent terrible… Les Apôtres sont des
gens de métier, ils s'efforcent de ramer plus énergiquement, on entend Pierre
qui se met à crier en lâchant sans doute quelques gros mots et : Toi, prends
ceci,… toi, amène donc la voile… toi occupe-toi de l'escopette! mais les vagues
sont de plus en plus fortes tandis qu'il regarde à la dérobée Notre-Seigneur en
se disant ,,Quand même! est-il possible de dormir secoués comme nous le
sommes! Il va sans doute se réveiller avec ce vent” ? Mais non, voyant arriver
une vague énorme, Pierre s'affole et réveille sans doute Notre-Seigneur en lui
disant : ,,Seigneur, mais nous périssons!”.
Jésus, brusquement, arrête la tempête : comme des chevaux cabrés, les
vagues se sont arrêtées net… Je dis cela parce que s'il est exact que les
pêcheurs voient généralement arriver le mauvais temps, de même ils voient
arriver le beau temps et la tempête met parfois plusieurs jours à se calmer,
tandis que là, c'est instantané, c'est un miracle inouï de voir ces masses d'eau
en furie se stabiliser brusquement sans effort apparent. Jésus leur dit alors :
,,Hommes de peu de Foi” et l'on peut penser qu'Il a dû leur dire en substance :
quand même! depuis plusieurs mois je vous promets que vous serez mes
témoins jusqu'aux extrémités de la terre, vous avez vu le miracle de Cana, vous
en avez vu d'autres aussi, et puis, maintenant, nous allons périr bêtement dans
l'eau, là ? tout de même, hommes de peu de Foi que vous êtes!…
Dans cette première tempête, Notre-Seigneur était là, mais maintenant,
deuxième tempête, Jésus n'est pas dans la barque…
Rappelons-nous : comme préparation au Sermon sur l'Eucharistie, Notre-
Seigneur a fait une série de miracles spectaculaires qui se terminent par celui
de la multiplication des pains. La foule, avide de miracles, le voit avec
sympathie et suit Jésus dans le désert pour en voir d'autres et en être
bénéficiaire. Devant la multiplication des pains notamment elle est
enthousiaste, délirance ((délirante ??)) de joie et là, croyez-moi, il n'y avait ni
démocrates, ni marxistes, tous étaient royalistes; bien sûr ils voient qu'on les
nourrit sans ne rien faire!… tout le monde est donc d'accord avec Lui et veut le
faire Roi. Bien! Imaginez la joie des apôtres : Notre-Seigneur leur parle souvent
du royaume des cieux… du royaume des cieux… un royaume dont nous
serons évidemment les premiers bénéficiaires, pensent-ils, donc ça y est, on y
arrive, Il va être roi! Voyez leur Joie, on la devine en lisant les évangélistes,
tous l'ont rapportée, Mais il y a surtout St Jean dans le Chap. 6ème, St
Matthieu au Chap. 14ème, St Marc au Chap. 6ème, on y devine l'enthousiasme
des Apôtres… Et c'est à ce moment précis où la foule veut le faire Roi, au
moment où dans l'esprit des apôtres se dessine, se réalise cette royauté dont
parle si souvent Notre-Seigneur, c'est à ce moment-là qu'Il les oblige, qu'Il les
contraint à repartir ? Essayez de voir leur mine déconfite dans l'embarcation.
Notre-Seigneur, qu'on va faire Roi, les fait courir!… mesurez leur déconvenue,
leur déception, et la désolation qui s'enchaîne là-dessus… Les causes sont
nombreuses : St Marc dit : ils n'ont pas compris la multiplication, ou plutôt ils
l'ont comprise à leur manière à eux, matériellement; ils ne comprennent pas
pourquoi Notre-Seigneur les oblige à s'en aller au moment où tout va se
réaliser, et puis la nuit tombe; autant ils étaient fatigués et joyeux, maintenant
ils sont fatigués et déçus; cette fatigue les écrase davantage; tout s'en mêle à
ce moment pour augmenter leur mauvaise humeur : la tempête se lève, le vent
est contraire, ce qui fait qu'ils vont ramer près de 6 heures consécutives
presque sans avancer; le comble (c'est St Marc qui le note) c'est qu'ils ont
oublié sur la rive les douze corbeilles de pain et de poisson restant après la
multiplication; si à tour de rôle ils avaient encore pu "casser la croûte" et se
réconforter, ils auraient été quelque peu consolés, mais non, rien! catastrophe!
… colère contre eux-mêmes!… et le démon, lui, qui fait son travail, accourt
rapidement pour profiter de ces moments-là, de ces moments d'épreuve…
rappelez-vous la deuxième et la quatrième règle du discernement des esprits :
Dans la deuxième, St Ignace nous montre comment fait le démon : il attriste,
envoie de nouveaux tourments de conscience, fait apparaître des obstacles,
des raisonnements faux, tout cela pour empêcher d'avancer et dans l'âme,
alors, on voit tout trouble, on ne sait plus où on en est, on ne voit plus clair, on
a l'impression qu'on est abandonné de Dieu comme le pensent les apôtres, on
est seul et comme des vagues, une tentation suit l'autre, toujours plus
forte… Regrets, déceptions, aigreurs faisant naître l'Injustice, la Colère, les
jugements téméraires…
Écoutez-les un peu, oui, cela valait bien la peine… Ah! il est beau le royaume!
… la foule est prête et Lui hésite ?… Il recule ?… Il ne sait pas ce qu'Il veut!… Il
ne veut plus de nous peut-être!… Il veut se débarrasser de nous sûrement!… Il
se moque de nous… pour qui nous prend-Il ?…Chez certains on pourrait
s'imaginer une sorte de rage d'avoir été dupés pour ainsi dire pendant des
mois…
Mais tous n'acceptent pas le "cinéma" que le démon leur fait, cependant on
peut affirmer que Judas l'accepte car nous savons que le lendemain, après que
toute la foule s'en est allée, après la prédication sur le pain de vie, Notre-
Seigneur a dit aux Apôtres : ,,Et vous, vous partez aussi ?” ce qui permettra à
Pierre de répondre : ,,A qui irions-nous, etc…”. C'est après cette admirable
profession de Foi de Pierre que Notre-Seigneur dira : ,,Pourtant, c'est moi qui
vous ai choisis et parmi vous il y a un démon” et St Jean dit : ,,Il parlait de
Judas Iscariote” chap. VI de St Jean, et donc, au début de la 2ème année du
ministère apostolique, Judas avait déjà trahi. Il est pourtant resté encore là
pendant deux ans, entretenu par la passion de l'avarice, essayant de pallier sa
déconvenue… Il aurait dû partir puisqu'il avait déjà perdu la Foi, mais il est
resté quand même par profit et par respect humain!… Oui, parmi vous est un
démon, c'est le terme employé.
Qu'au grand jamais Notre-Seigneur ne puisse dire de nous ce qu'Il a dit de
Judas… Tous n'acceptent pas les mauvaises pensées que le démon leur
suggère mais il semble, après la remarque de St Jean sur Judas, que les
tentations pour tous les apôtres sont violentes, répétées, qu'elles se succèdent
comme des vagues déferlant sans arrêt et St Jean nous dit : ,,Ils étaient
aveuglés et par la tempête et par la colère et la déception”.
St Bernard commentant l'épisode des deux tempêtes nous invite fortement à la
vigilance par cette parabole :

,,Quand une maison s'écroule, quand un bateau coule sans cause suffisante
comme le serait par exemple un tremblement de terre ou une effrayante
tempête sur la mer, le mal n'est pas la pluie; il faut bien que la pluie tombe car
la pluie est nécessaire; le mal n'est pas les infiltrations qui en sont le résultat; le
mal n'est pas non plus les petits vers qui mangent le bois des bateaux ou les
sels marins qui rongent les peintures et les tôles, le mal n'est pas là, c'est
comme ça et il ne peut en être autrement, mais le mal, dit St Bernard, c'est la
négligence : c'est qu'un père de famille ne veille pas sur sa maison et laisse se
former peu à peu les infiltrations; le mal c'est qu'un capitaine de vaisseau ne
veille pas sur son bateau pour faire procéder en temps utile aux travaux
indispensables d'entretien, voilà le mal; le mal ce n'est pas la tempête, ce n'est
pas les choses naturelles; le mal, sur le plan spirituel, ce n'est même pas la
tentation – après tout, le démon fait son travail, il fait son office; nous serions à
sa place nous ferions comme lui, le mal… – le mal c'est qu'un chrétien soit
insouciant, voilà… alors qu'il est aux avant-postes de combat; qu'il se croit en
sécurité alors qu'il est en guerre”.
Rappelez-vous le Roi temporel! St Ignace nous a donné à une leçon en nous
rappelant que nous sommes en temps d'épreuve, en temps de guerre; le repos
n'est pas pour ici-bas; rappelez-vous les 2 Étendards aussi : l'ennemi de la
nature humaine qui, comme un lion rugissant cherche quelqu'un à dévorer;
rappelez-vous Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même – ,,Vigilate et Orate –
veillez et priez” – si vous veillez, vous prierez car vous verrez mieux le
danger… oui, nous sommes en temps de guerre et aux avant-postes; nous
avons à faire à un ennemi subtil, caché. Que nous ayons la paix en nous (et
nous pouvons l'avoir) mais à l'extérieur c'est la guerre et il faut donc veiller, il
faut faire attention et ne pas se croire en sécurité.
Notre-Seigneur est sur la rive. Il a congédié la foule et dans la nuit, Il les
aperçoit (premier miracle)… Il les suit pendant des heures, Il les regarde
bagarrer et lutter. Il les laisse se démener, et c'est très curieux cela, sans
intervenir une seule fois pendant leurs difficultés; ce n'est qu'au matin qu'Il vient
à eux en marchant sur les eaux (deuxième miracle). Ils ne le reconnaissent pas
mais, affolés, ils s'écrient : ,,Un fantôme, un fantôme!”. Notre-Seigneur fait mine
de les dépasser. Alors Pierre, qui avait un peu plus de courage que les autres
dit, émerveillé : ,,Seigneur, si c'est TOI, commande que j'aille à Toi”, et Jésus
de lui répondre : ,,Viens!”. Pierre commence alors à marcher sur l'eau mais tout
à coup, manquant de foi, il enfonce et pousse un hurlement. Notre-Seigneur de
lui dire alors à nouveau : ,,Homme de peu de foi. Quand même! puisque c'est
moi qui t'ai dit de venir!…”. Voyez le manque de foi!… Notre-Seigneur monte
alors dans la barque avec Pierre plus mort que vif, apaise la tempête (troisième
miracle) et vite après ils se trouvent sur l'autre rive du lac… la consolation est
venue avec la présence de Notre-Seigneur, mais aussi avec les regrets d'avoir
été aussi stupides et de s'être laissés faire le cinéma par le mauvais esprit, de
l'avoir accepté en partie; mais Judas, c'est facile à deviner avec quelque peu de
psychologie, a dû penser : Qu'est-ce que cela veut dire, c'est bizarre, bizarre…!
sa royauté, sa royauté!… Il en a plein la bouche de ça, puis on veut l'y mettre et
Il n'en veut pas ?… Il faut ouvrir l'œil!… Judas veut tout ramener à lui et ça,
c'est souvent notre péché à nous aussi. Car c'est un fait, mes chers Messieurs,
il ne s'agit pas là d'un accident qui s'est passé à ce moment-là… la tempête
continue, elle, nous en subissons maintenant une des plus terribles que l'Église
ait connue, une tempête contre l'Église et contre chacun de nous aussi,
impression souvent que donnent les retraitants… et d'autres catholiques…
d'être abandonnés sur la mer démontée : on ne voit plus rien, l'obscurité, les
vagues se succèdent, on a peur, on est déçu, on critique, on devient injuste, on
critique, même le Concile… certains vont même jusqu'à critiquer le Pape, telle
ou telle réforme qui contrarie nos habitudes… nous sommes tellement entourés
de mystères… C'est très difficile de porter une appréciation sur un Pape, je
dirai même que nous ne devrions jamais nous hasarder à le faire, même avec
le recul de l'histoire, il n'y a que Dieu qui puisse juger et d'ailleurs; St Paul le
disait : ,,Peu m'importe vos critiques à vous, c'est Dieu qui me juge…”. C'est
que l'action d'un Pape se meut dans un monde transcendant et très mystérieux
pour nous; nous ne voyons qu'une partie, un peu comme les icebergs dont le
plus important, nous le savons, est sous l'eau et ne se découvre pas; si l'on ne
se fie qu'à la partie qui se voit eh bien on se trompe lourdement… pour le
Concile c'est pareil… alors voilà, on se permet de critiquer sans voir plus loin
que son nez ou en se faisant l'écho de journalistes qui n'en savent guère
davantage, eh donc… taisez-vous!… Ils font, en agissant ainsi, le travail que
faisait Judas… eh oui, nous sommes entourés de mystères et d'inconnues,
c'est très difficile de juger… Il y a dans le détail des choses pénibles, c'est vrai,
mais souvent c'est un manque de Foi en l'Église qui est à la base de notre
jugement, nous jugeons d'après notre logique à nous et ramenons tout à notre
point de vue comme si nous étions capables de tout comprendre! Et comme on
ne le peut pas, comme Judas on s'aigrit, on devient injuste et la Foi est en péril.
La Foi est en péril, c'est le Pape qui nous l'a dit publiquement à Fatima en mai
1967 devant plus d'un million de pèlerins et écouté par des millions d'auditeurs,
et tous les mercredis, à Rome, il répète d'une façon ou d'une autre cela en
revenant sur le problème de la Foi. Cependant, Notre-Seigneur est là,… Il nous
regarde comme Il regardait les Apôtres dans la barque, Il voit tout,… eh bien,
alors ?… alors, ramons comme les apôtres… les apôtres bien que déçus et
mécontents ont obéi, ils ont ramé sans avancer beaucoup, mais ils ramaient…
faisons comme eux, faisons notre petit effort humain avec la grâce de Dieu, et
le beau temps reviendra, la lumière et la paix. Rappelons-nous, Messieurs, le
livre de l'Imitation de Jésus-Christ. Tous les Saints ont passé par beaucoup de
tentations et d'épreuves et c'est par cette voie qu'ils ont avancé, mais ceux qui
n'ont pu les supporter, Dieu les a réprouvés et ils ont succombé dans la route
du Salut… Judas par exemple… Ils ont tous subi des épreuves… notamment le
soir du Jeudi Saint lorsque les apôtres ont été emportés, ils n'ont pas été très
vaillants, mais ils avaient un minimum d'humilité; ils continuaient à prier, ils
continuaient à faire leurs petits efforts et malgré leurs chutes, le Bon Dieu les a
sauvés et en a fait de très grands Saints!
Autre tableau d'épreuves qui nous éclaire également sur les règles du
discernement des esprits. Notre-Seigneur menait ses apôtres assez rudement,
par exemple dans St Matthieu, Chap. XVI, ils étaient à l'étranger à Césarée de
Philippe – et l'on voit ici un peu la méthode de Notre-Seigneur et même
l'horaire _ se trouvant le soir, avant le repas, dans une grange, une paillère
sans doute…; ils avaient fait quelques provisions, ils mangeaient d'ordinaire
assez frugalement, recevaient de Notre-Seigneur une dernière exhortation
avant le coucher, faisaient chacun leur examen de conscience et puis Notre-
Seigneur de leur demander : Alors que disent les hommes au sujet du Fils de
l'homme ?… Eux de lui indiquer : les uns disent que tu es Jean-Baptiste, que tu
es un prophète, d'autres que tu es Élie, etc… – Mais vous, que dites-vous, que
dites-vous du Fils de l'homme ?… C'est alors que Pierre, qui répondait toujours
au nom des autres dit : ,,Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant!”. Notre-Seigneur
le félicite en lui disant : ,,Ce que tu dis, Pierre, ne vient pas de toi, ça ne vient
pas de la chair et du sang, ça vient de mon Père”. Pierre a eu une grande
grâce de lumière et l'a acceptée. Il y a là pour lui un mérite, car Dieu nous traite
toujours librement : Pierre aurait pu ne pas en tenir cas, mais l'ayant acceptée,
il en a un mérite et Notre-Seigneur le récompense aussitôt en lui disant : ,,Tu
es Pierre, c'est là que je bâtirai mon Église et les puissances de l'Enfer ne
prévaudront pas contre toi, je te donnerai les clefs… etc…” comme le lui a dit
Notre-Seigneur, la réponse de Pierre ne vient pas de lui, elle vient de Dieu,
mais comme Pierre l'a acceptée librement, il en a eu un grand mérite…
Voyez la suite maintenant : le lendemain ils retournaient en Palestine au pays
d'Israël et sur la route, à pied évidemment, Notre-Seigneur leur parle de sa
Passion prochaine : le Fils de l'homme sera pris par les Juifs, ils le livreront,
aux Romains, il sera bafoué, conspué… et Pierre d'interrompre… Pierre depuis
la veille au soir où il avait reçu cette promesse extraordinaire n'était pas sans
avoir un peu de suffisance, on s'en doute bien, la preuve c'est qu'il ne se gêne
pas pour répondre à Notre-Seigneur : Seigneur, cela n'arrivera pas, nous
serons là, tous les copains et moi, surtout moi!
D'ailleurs nous retrouverons cette façon présomptueuse de Pierre plusieurs
fois, d'abord au soir du Jeudi Saint où Notre-Seigneur lui dit : ,,Que celui qui a
une épée la prenne!”. Et Pierre est allé prendre deux épées, pas une, non,
deux, en disant à Notre-Seigneur : ,,Seigneur, maintenant tu vas voir!…”. Et
puis nous savons le résultat de tout ce courage, par 3 fois, il va trahir à la voix
d'une gamine!… Il était très bon, Pierre, et plein d'ardeur, oui, mais facilement
présomptueux et vaniteux, surtout devant les autres… Ou encore ce soir même
du Jeudi Saint quand il s'écriait : ,,Quand tous ceux-là te trahiraient, moi, j'irai à
la mort avec toi!…”. Tais-toi, Pierre, etc… Oui, cela n'arrivera pas dit-il à Notre-
Seigneur qui lui fait alors une réponse fulgurante! ,,Tais-toi, Satanas”… Ah! Il
l'appelle Satan alors que la veille Il lui a fait des promesses qu'il serait le
premier vicaire, le premier pape! mais maintenant, Il l'appelle Satan!…
Eh oui, Pierre comprend mal les choses de Dieu; cette réponse ne venait pas
de lui, elle venait du mauvais esprit, de Satan, mais comme il l'a acceptée
librement il est coupable… voyez, l'homme reste libre devant Dieu, mais il reste
libre aussi devant Satan : lorsqu'il accepte le plan de Dieu, les inspirations de
Dieu, il a un mérite quelquefois très grand, mais lorsqu'il accepte les
inspirations de Satan, alors il a un démérite, il est coupable… voyez comme
ces choses-là étaient les règles du discernement des esprits que vous étudiez
à 11 heures,… le bon esprit le soir et le lendemain le mauvais esprit, et si les
apôtres, St Pierre notamment, en ont ressenti les emprises, ne nous étonnons
pas, ne nous décourageons pas, luttons par la prière surtout.
Voilà donc cette belle contemplation que vous allez faire : Jésus cherche
surtout à former ses Apôtres à la foi, à la vertu théologale de foi, celle qui nous
ouvre tous les trésors spirituels, mais qui est une vertu pénible, difficile parce
qu'elle nous humilie, surtout la foi aux choses surnaturelles; elle nous humilie,
contraint notre volonté.
Nous étudions cela en 3 tableaux, le premier - la première tempête. Notre-
Seigneur se trouve dans la barque : remémorez-vous ce qui s'y passe,
personnes - paroles - actions.
Le deuxième tableau : la deuxième tempête, juste la veille du sermon sur
l'Eucharistie, après la multiplication des pains, la joie de la foule, celle des
apôtres aussi tandis que Notre-Seigneur les contraint à partir; leur colère alors,
leurs jugements téméraires, leur aigreur, l'injustice de leurs propos et le démon
qui enchaîne là-dessus!… Notre-Seigneur les regarde et les laisse faire; de
même que pendant 3 fois Il avait laissé ses parents le chercher – comme c'est
déconcertant, l'évangile est vraiment un livre plein d'abîmes! – et puis voyez le
miracle de Jésus qui vient à eux en marchant sur les eaux, le manque de foi de
Pierre; Judas qui a déjà trahi. Comme je vous le disais les tempêtes continuent;
sans arrêt elles déferlent sur l'Église et sur chacun de nous, nous en voyons en
ce moment une très forte depuis l'ouverture du Concile, alors ne faisons pas
comme Judas, voyez-vous, il y a des choses que nous ne pouvons pas juger.
Faisons confiance à l'Église, aux chefs de l'Église, au simple et au pluriel…
Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des choses qui nous apparaîtront
difficiles à accepter et qui peut-être contrarieront nos habitudes, mais ce qu'il
faut c'est les considérer comme bonnes si elles sont approuvées par la
hiérarchie… lorsqu'on réfléchit par exemple devant certaines mesures qui ont
été prises en matière de liturgie, on s'aperçoit à l'usage que c'est vrai et qu'une
nette amélioration est intervenue, remercions l'Esprit Saint de ses interventions
au lieu de ramener tout aux conceptions qu'individuellement nous pourrions
avoir. Nous sommes devant un monde particulier qui dépasse nos possibilités
de jugement, alors ne nous permettons pas de juger, même si certaines choses
nous choquent parfois.
Dernier tableau enfin : le contraste entre l'esprit de Dieu et l'esprit du démon.
Césarée de Philippe, la promesse à Pierre qui a accepté l'inspiration divine et
dès le lendemain Notre-Seigneur le traitant de Satan parce qu'il avait fait le jeu
du démon.
N'oubliez pas de multiplier les colloques; demandez à Notre-Seigneur d'avoir la
foi, il faudrait que vous partiez de cette retraite avec une très grande Foi en
Notre-Seigneur qui nous regarde ramer et peiner dans nos tribulations mais qui
est là, prêt à marcher sur les eaux et à nous aider si nous avons cette foi en lui
bien enracinée dans le cœur. Les apôtres l'ont eue par la suite mais,
cependant, il leur a fallu à eux aussi une retraite pour qu'ils mettent tout ça en
méthode efficace. Eh oui, tout était préparé en eux mais au soir du Jeudi Saint,
ils ont défailli; même au Thabor, il leur reprochera encore ce manque de foi,
quelques-uns qui l'avaient vu, dit l'évangéliste, ne croyaient pas… comme c'est
extraordinaire et Notre-Seigneur les reprend encore là, et il a fallu la descente
du St Esprit après leur retraite pour tout comprendre et brûler de Foi et d'amour
pour Notre-Seigneur.
Soignez votre examen de la contemplation et dans les temps libres, fignolez
votre amendement de vie.
*****
N° 31
LA TRÈS SAINTE VIERGE MARIE
CANA – Sa Canonisation par Jésus – Sa Mission reçue au Calvaire
Pour mieux découvrir Notre-Seigneur, nous allons l'étudier dans le cœur de
celle qui l'a le mieux reproduit : le Cœur Immaculé de Marie. Aux débuts de
l'œuvre en Catalogne, les retraitants étaient très enthousiastes, ils avaient en
conséquence décidé d'ériger une colossale statue du Sacré-Cœur de Jésus sur
l'un des pics des Pyrénées. La Révolution espagnole n'a pas permis de faire
aboutir ce projet, mais si je vous parle de cela, c'est que le Père VALLET, notre
Fondateur, avait demandé que dans cette énorme statue soit ménagée dans la
pierre représentant le cœur, une petite chapelle qui serait consacrée au cœur
immaculé de Marie; c'est vous dire si notre œuvre de Retraites s'inspire aussi
d'une très grande dévotion à ce cœur immaculé…
Ce matin, pour obtenir les trois modes d'humilité, vous avez refait les trois
colloques de la méditation des trois classes d'hommes, demandant dans le
premier : plutôt mourir que de mettre même en discussion si nous ferons un
péché mortel.
Dans le deuxième : plutôt mourir que de retenir la pensée de faire un péché
véniel de propos délibéré.
Dans le troisième, qui est très parfait mais que peu de gens comprennent parce
qu'ils ne sont pas dans les dispositions voulues : de suivre Notre-Seigneur
jusqu'au bout dans la pauvreté et les opprobres comme Jésus voudra, et selon
qu'il voudra bien disposer de nous.
La Vierge Marie est pour nous un très grand modèle de ces trois modes
d'humilité : nous ne nous arrêtons pas sur le premier et le deuxième puisqu'elle
les possédait déjà par privilège, mais pour le troisième nous nous devons de la
regarder car elle n'a pas choisi; elle s'est totalement abandonnée à Dieu, lui
demandant de faire en tout sa volonté et de lui ressembler le mieux. Dans la
Très Sainte Vierge Marie, nous allons ainsi découvrir toutes les vertus de
Jésus; elle a été comme le parfait miroir de son Divin Fils à ce point de vue.
Notre contemplation va se diviser en 3 tableaux :
Premier tableau : La Sainte Vierge à Cana; le deuxième : la canonisation de
Marie par Notre-Seigneur; le troisième : le testament de Jésus sur la Croix,
mais nous pouvons revenir quelque peu sur ce que nous avons déjà vu de la
Très Sainte Vierge : de sa présentation quand sa maman Ste Anne l'a
emmenée au temple alors qu'elle avait 4 ans; elle a alors tout laissé, son père,
sa mère, guidée par le St Esprit… nous avons vu son mariage virginal avec
Joseph, ses réactions devant l'ange qui lui proposait de devenir la Mère du
Messie : elle s'abaisse : ,,Ecce ancilla Domini - Voici l'esclave du Seigneur!”;
nous avons vu son arrivée à Ainkarem où se trouvait la maman de Jean-
Baptiste qui l'a saluée d'une façon extraordinaire : ,,D'où me vient ce bonheur
que la Mère de mon Dieu daigne venir à moi ? car à peine votre voix a-t-elle
frappé mon oreille que mon enfant a tressailli dans mon sein”… Voyez! votre
voix… c'est donc que la Sainte Vierge l'avait saluée la première; elle venait en
toute simplicité l'aider à faire le ménage; on peut bien se l'imaginer, après une
course si longue, saluant joyeusement Élisabeth : ,,Bonjour, cousine!” et au son
de cette voix, Jean-Baptiste a tressailli dans le sein de sa mère et celle-ci lui
dit : ,,Heureuse êtes-vous qui avez cru”. Que fait alors la Vierge Marie ?
Prendre un air de princesse satisfaite, un air de supériorité ? Non, Non! elle va
renvoyer toute la gloire à Dieu : elle ne peut nier, c'est déjà visible, elle va être
la mère de Dieu, elle est un ciboire vivant et elle s'écrie : ,,MAGNIFICAT ! Mon
âme glorifie le Seigneur, mon esprit tressaille en Dieu mon Sauveur! Le Tout-
Puissant a fait en moi de grandes choses”; elle s'abaisse alors tant qu'elle
peut : ,,Il a regardé l'humus, la boue de sa servante!”. Voilà la Vierge Marie;
nous discernons en elle ce troisième mode d'humilité.
Quand elle revient à Nazareth, les gens, eux, ont trouvé tout naturel qu'une
espérance intervienne, puisqu'elle était mariée, mais Joseph!… Qu'Il est grand
le Seigneur dans ses desseins… Marie devait sans doute s'attendre à ce que
Joseph soit instruit de la chose par le St Esprit ou par un Ange… tout comme
l'avait été sa vieille cousine Élisabeth lorsqu'elle était arrivée chez elle, mais au
premier abord, au premier contact, elle s'aperçoit que Joseph n'est pas au
courant… la façon de la voir, de la regarder, une femme devine tout n'est-ce
pas ?
Joseph ne pèche pas : il ne la juge pas, ne la condamne pas, mais il souffre…
pourquoi souffre-t-il ?
Elle le sait, c'est à cause d'elle!… Pourquoi Joseph ne lui a-t-il pas demandé
d'explications ? … S'il l'avait fait, Marie lui aurait tout dit immédiatement, lui
aurait obéi puisqu'il était son chef légitime, mais elle se demandait si elle devait
parler d'emblée car le secret ne lui appartenait pas et elle devait se dire :
,,Puisque le St Esprit l'a dévoilé à Élisabeth, s'il ne l'a pas révélé à St Joseph
c'est qu'Il a ses desseins!”. … Eh oui, ils n'ont pas péché bien que le démon
devait s'en donner à cœur joie pour les dresser l'un contre l'autre : ,,Tu vois
bien Joseph, c'est pourtant flagrant, qu'attends-tu donc pour la répudier ?”… Eh
non, Joseph dans sa souffrance a été admirable, dans sa confiance en Dieu il
n'a pas jugé… Ils sont restés tous les deux dans ce troisième mode d'humilité,
aussi pourriez-vous penser que ce troisième mode entraîne loin et qu'il faut
sans doute demander beaucoup ?… Non, ne demandez rien!… quand vous
allez au dentiste vous ne lui dites pas ce qu'il faut faire, il le sait mieux que vous
n'est-il pas vrai ?… au chirurgien c'est pareil, eh bien avec le Bon Dieu aussi,
laissez-le faire, Il s'en occupera; quant é vous, acceptez d'avance ce qu'Il
décidera… Il est évident que le chirurgien ne vous ouvrira pas le ventre si vous
n'allez pas chez lui, de même, si vous ne demandez pas à Notre-Seigneur ces
trois modes d'humilité, Il ne vous les accordera pas, mais si du fond du cœur
vous lui demandez qu'Il vous les accorde, alors, là, vous entrez en intimité avec
Lui… c'est dans cet état d'âme que se trouvait la Vierge Marie, en pleine
communion avec le Seigneur : elle avait tout donné, elle avait tout accepté… et
effectivement elle accepte tout, toutes les humiliations, toutes les épreuves.
Plus tard, cela sera l'arrivée à Bethléem; les portes de ses cousines se
fermeront pour ne pas les recevoir, puis le départ en Égypte : on y est étranger
et considéré comme des gens redoutés, suspects, qu'Il est bon le Bon Dieu de
leur avoir ménagé toutes ces épreuves!… les humiliations et les privations ont
dû pleuvoir sur eux!… Quand ils ont perdu Jésus alors qu'il avait 12 ans, la
Vierge Marie avait encore cette vue du glaive dont avait parlé le vieillard
Siméon ,,un glaive transpercera ton cœur”. Ah! ce glaive, elle le voyait bien :
pendant 3 jours et 3 nuits ils l'ont cherché car Jésus ne leur avait rien dit!
… Nous devinons ce qu'ils ont souffert et l'angoisse qui les tenaillait dans la
question de Marie : ,,Votre Père et moi dans la plus grande angoisse, nous
vous cherchions!” ils s'en retournèrent sans comprendre, mais Marie conservait
toutes ces choses les méditant dans son cœur! Ce Cœur Immaculé de Marie!

Essayons d'y pénétrer… et à son image, comme elle, livrons-nous à Dieu,
laissons-nous faire… Ah bien sûr, ça peut faire mal… Quand le dentiste, avec
sa roulette, est obligé de travailler près du nerf, ah! ah!… il a beau vous dire
que ce n'est rien, que c'est pour votre bien, il faut le laisser faire… Et avec le
Seigneur il en va de même, nous avons tort d'avoir peur… c'est le démon qui
vous fera voir des choses (qui sans doute n'arriveront pas) pour mettre
obstacle à votre offrande; à ses suggestions contre attaquez en disant au
Seigneur : ,,Seigneur, je vous donne tout, disposez, daignez m'accorder la
grâce de ne pas pécher”… 
Puis Jésus est entré dans sa vie publique… quand elle a été veuve, après la
mort de St Joseph, nous pouvons deviner tout ce que les cousines et les
voisins ont pu déblatérer… : ,,Voyons Marie, il sait pourtant bien que tu es
maintenant seule, qu'est-ce qui va gagner ta vie, maintenant qu'Il part, Il t'a
abandonnée ?” … pauvre Ste Vierge, qu'elle a dû souffrir! mais elle était trop
heureuse que son Jésus fasse ce qu'Il devait faire; elle nous aimait de son
Cœur Immaculé! Mais qu'elle devait souffrir devant les critiques dont Jésus
était l'objet…
La Sainte Vierge avait dû s'engager à aller à ces noces de Cana; il est
vraisemblable qu'elle avait promis que Jésus irait aussi et elle avait dû dire à
son Fils . ,,Surtout, soyez aux noces…”.
Oui, Maman, je tâcherai d'y être… La Vierge Marie y arriva cependant avant,
vous ne savez pas pourquoi ? Je ne sais pas si vous êtes de la campagne,
moi, oui, eh bien, ces mariages de l'époque duraient plusieurs jours,
quelquefois huit! D'abord le départ de l'époux jusqu'à la demeure qu'ils s'étaient
choisie, bref la fête durait longtemps et on peut bien s'imaginer que les soucis
ne manquaient pas à la maîtresse de maison pour faire honneur aux invités :
c'est qu'il y en avait des choses à préparer, et lorsqu'on avait la chance d'avoir
une cousine comme la Sainte Vierge qui savait tout faire, la cuisine, les
gâteaux, le linge, une femme qui avait des doigts de fée, bref, un véritable
trésor, il est évident que dans une campagne où il ne faut compter que sur ses
ressources et sur ses propres talents – c'était une véritable chance de pouvoir
faire appel à une cousine aussi vaillante et serviable. Et je n'invente pas. Tout à
l'heure, ce qui va arriver montre que Marie se trouvait à la cuisine en train de
travailler, cela ne fait aucun doute! La Vierge Marie (remarquons bien les
détails qui nous feront découvrir ses états d'âme) accepte d'emblée de faire
quoi ?… la bonne tout simplement. On n'hésitera pas à profiter de sa bonté et
de sa charité… il y a là déjà une grande leçon : celle de savoir servir, souffrir,
travailler sans que l'on vous dise beaucoup de mercis… au fond, au fond c'est
ça… et puis la noce commence alors que Jésus n'est pas encore arrivé.
Mettons-nous dans le cœur de la Vierge Marie quand enfin elle voit arriver son
Divin Fils mais pas seul : Il est avec ses premiers disciples. Songez au cœur de
cette Mère en voyant les premiers hommes avec lesquels Jésus va commencer
sa Mission!… Il y a là Pierre, André, Jean, Philippe, Barthélémy.
Trop heureux sommes-nous, Jésus, doit vraisemblablement dire la maîtresse
de maison, merci de nous avoir amené vos amis; quand il y en a pour deux, il y
en a pour trois, n'est-il pas vrai ?… Heu! heu! le pensait-elle vraiment ? C'est
que ces pêcheurs étaient des gaillards qui avaient un bon coffre et, si l'on peut
dire, la descente rapide en ce qui concerne le boire… on avait tout prévu, mais
pas que Jésus viendrait avec ces gaillards-là…
La Vierge Marie continue à se dévouer. Qu' ((( Qui ? )) est-ce qui s'aperçoit
qu'il ne va plus avoir de vin ? Elle, la Vierge Marie, qui se trouvait à la cuisine et
veillait à tout. Et là il n'y a rien à faire! C'est qu'il n'y a pas de marchand pour en
vendre – maintenant nous n'avons qu'un pas à faire pour nous en
approvisionner, un simple coup de téléphone et une voiture vous porte
immédiatement toutes les caisses de vin que vous désirez, mais là il est trop
tard, cela va être une catastrophe! Comment ? dans un banquet de noce,
manquer de vin ? C'est impensable! Boire de l'eau à une fête de mariage ?
Surtout à la campagne où on se fait toujours plus fort que le voisin ? Qu'est-ce
qu'ils vont dire dans les autres fermes ? Un quolibet en serait sûrement resté
de cette mésaventure, on les aurait sans doute appelés "Boileau", oui… c'est
ça… et les enfants et les petits-fils auraient hérité du surnom! Quelle
catastrophe, ce n'est pas possible!
Marie se rend bien compte que le vin va manquer. Comment faire ? Eh bien
elle va trouver Jésus mais approfondissons bien ces détails, il faut, voyez-vous,
apprendre à prier, ne pas partir d'ici sans comprendre qu'il est indispensable de
devenir des hommes d'oraison. La Sainte Vierge s'approche de Jésus et lui fait
une simple prière, celle que le Père DU PONT appelle "prière de simple
exposition" en lui disant ,,VINUM NON HABENT – Ils n'ont plus de vin”. Mais
c'est surtout le ton avec lequel elle a dû prononcer ces mots : cela voulait dire
beaucoup et devait exprimer un ardent désir de voir Jésus y porter remède et,
pour cela, laissant percer une supplication intense et muette!… Oui, ils n'ont
plus de vin! Ils se sont compris tout de suite, et que répond Jésus ?
Femme, qu'est-ce que cela peut bien vous faire à vous et à moi ? Mon heure
n'est pas venue : Marie ne dit plus rien, mais je pense qu'intérieurement elle
devait continuer à prier sans paroles, avec son cœur, prière de supplication
intense et confiante, son regard dans celui de Jésus, ce qu'on appelle "prier du
simple regard" et tout d'un coup, elle comprend qu'elle est exaucée en
présentant le miracle qu'Il va faire, mais, a-t-elle pu se dire, maintenant que la
bonté de Jésus m'a exaucée, les serviteurs ne vont-ils pas bouder la corvée et
elle s'approche d'eux pour leur dire : ,,Surtout, je vous en prie, faites tout ce
que mon Fils vous dira”, à Marie on ne saurait rien refuser et ils se mettent à la
disposition de Jésus.
Bien, dit-il… Remplissez-moi ces urnes d'eau… 
Il y avait là six grosses jarres en pierre destinées aux ablutions, vides sans
doute, mais voilà, de ce temps-là il n'y avait pas d'eau au robinet! Dans ces
pays on n'a guère que l'eau des puits et des puits il n'y en a pas beaucoup; les
villages étant en général sur la colline, c'est à 300 m. plus bas que se situe la
réserve d'eau. Je me rappelle que quand j'étais enfant, mon village était
démuni d'eau à certaines périodes de l'année et ce n'était pas rose pour les
habitants. Depuis des adductions sont intervenues mais à l'époque le seul
moyen d'avoir de l'eau c'était de se rendre au grand puits qui se situait en
dehors du village en contrebas et c'était une véritable corvée que d'aller y
puiser l'eau et de la remonter avec des cruches. Si on voulait boire, il fallait en
passer par là; quelques familles aisées avaient bien une réserve d'eau de pluie
en citerne, mais quand cela était fini, ils étaient bien obligés de faire eux aussi
comme tout le monde; l'évangile qui raconte la scène ne dit pas si le puits était
près ou loin, mais ce qui est certain c'est que c'était toute une affaire pour s'en
approvisionner.
Les serviteurs allèrent donc puiser de l'eau et je m'imagine facilement que cela
dut demander un bon bout de temps, que ce fut en bref une course contre la
montre entre le vin qui finissait par s'épuiser à table et la fin de cette corvée…
Les jarres enfin pleines d'eau, Jésus leur dit :
,,Puisez maintenant, et servez”.
Comment ? mais c'est du vin… et il était temps! Le garçon d'honneur était là,
présent et stupéfait; il goûte cette eau changée en vin et va trouver les époux
leur disant : Mais qu'avez-vous donc fait ? Je viens de goûter ce vin, je ne sais
d'où il vient et il est excellent; l'habitude est pourtant de servir d'abord le
meilleur et, lorsque les gens sont un peu ivres, il est ensuite plus facile de faire
passer le moins bon, mais vous, vous avez gardé le meilleur pour la fin…
Mais les époux non plus n'en connaissaient pas la provenance et l'évangile
nous dit :
,,Alors ses disciples crurent en Lui!”.
Remarquez bien ces détails : l'évangéliste nous dit que ce fut le premier miracle
de Jésus, donc il n'en avait pas encore fait, je veux dire que du moment que
Notre-Seigneur avait indiqué que son heure n'était pas encore venue, il en
ressort nettement que c'est bien à la prière de Marie qu'Il a devancé l'heure de
ses miracles! Quelle est donc puissante la Sainte Vierge sur le cœur de son
Fils et combien devons-nous avoir confiance quand nous nous adressons à
elle… Mais vous aurez beaucoup d'autres leçons à retirer. Écoutez bien, si Elle
vous dit comme elle le fit aux serveurs : ,,Faites tout ce que mon Fils vous dira
de faire”… ne partez pas, mes chefs Messieurs, sans être décidés à faire tout
ce que l'Esprit Saint vous suggérera, ne faites pas la sourde oreille… faites
comme les serviteurs…
Deuxième tableau : la canonisation de la bienheureuse Vierge Marie par Notre-
Seigneur : Jésus a canonisé sa Mère ? Oui, Messieurs, Il l'a fait au moins deux
fois. Nous avons déjà vu que Jésus avait loué une maison à Capharnaüm.
C'est environ à une quarantaine de kilomètres de Nazareth. Il avait commencé
à prêcher et à faire des miracles et l'on commençait à en parler dans les
compagnes (((campagnes ??))) voisines, même à Nazareth! on comprend
aisément que la Vierge Marie aurait voulu faire du bien é tous ceux qu'elle
connaissait à Nazareth, à tous ses parents surtout, à tous ceux qui restaient
plongés dans leur argent et leur escompte, qui ne pensaient qu'aux choses
matérielles et elle aurait bien voulu recruter parmi eux… Vous croyez que c'est
facile de recruter ? Pas toujours! Le Père Vallet disait que dans notre œuvre,
pour avoir un "oui" il fallait recevoir cent "non" et ce n'est pas peu dire, alors ne
vous découragez pas quand on répond à vos demandes par la négative… oui,
combien elle devait aspirer à ce recrutement pour son Fils,… enfin un jour ses
cousins se décident et morts de fatigue, ils arrivent à Capharnaüm :
Hé, là, où est donc la maison de Jésus ?
Jésus, le Rabbi ? c'est là-bas au bout de la rue…
Ils avaient marché toute la journée, s'attendaient à être reçus sans doute à bras
ouverts et avec des limonades fraîches… Oui, pensez-vous! C'était plein de
monde et ils commencent à bougonner : ,,Ah oui, c'est là que tu nous a menés,
Marie! eh bien, moi, je suis mort de faim et si j'avais su, je serais resté chez
moi!”… Bien sûr, c'est comme ça que cela devait se passer, rien n'a changé!
Tout le monde veut être au premier rang. Pas moyen d'entrer… Mais la Vierge
Marie fait son possible et elle fait faire la commission : ,,Voulez-vous dire à
Jésus que sa maman et ses frères sont là ?”. Et chacun fait passer la
commission à ceux du premier rang, écoutez la réponse de Notre-Seigneur,
elle est extraordinaire : ,,Qui est ma mère, qui sont mes frères ?”. Et étendant la
main vers ses disciples, Il leur dit : ,,Voici ma mère et mes frères et sœurs…
quiconque fait la Volonté de mon Père qui est dans les Cieux, celui-là est mon
frère, et ma sœur, et ma mère!”.
Bien sûr que le bonheur de la Vierge Marie est d'être la mère du Sauveur, de
lui avoir donné le jour, mais Jésus la considère surtout comme sa mère parce
que, d'une façon parfaite, elle fait partout et pour tout la volonté de Dieu… Voilà
le Modèle qu'Il nous donne!
Une autre fois Jésus prêchait au milieu d'un grand enthousiasme de foule, une
femme du peuple l'entendant parler l'interrompt : ,,Heureux le sein qui vous a
porté et les mamelles qui vous ont nourri” et Jésus de répondre : ,,Heureux
plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent”… La Vierge Marie
est heureuse, oui, d'avoir porté Notre-Seigneur en son sein et de l'avoir allaité
de son lait, mais elle l'est encore davantage parce qu'elle est attentive à la
parole de Dieu et à sa volonté, qu'elle garde Sa parole et la met en pratique…
Voyez combien ce deuxième tableau vous aidera à comprendre dans quel
mode d'humilité il faut être pour faire uniquement la Très sainte Volonté de
Dieu. DIEU SEUL! Écouter sa parole… et la garder!
(p. 421)
Il y aurait évidemment bien des tableaux à contempler. Toutes ces scènes
évangéliques sont des leçons pour nous. A nous de les découvrir par la
méditation en demandant au Seigneur que le Saint Esprit nous aide et nous
inspire…
Troisième tableau : Jésus sur la Croix va mourir, et avant d'expirer Il va laisser
son Testament, Il va nous laisser son trésor, la Sainte Vierge Marie.
C'est St Jean, qui était là présent, qui le raconte dans son évangile, au chapitre
XIXème : ,,Femme, voilà ton Fils : Fils, voilà ta Mère”, et Jésus retombe, car il a
dû faire un grand effort pour prononcer ces paroles. Il faut méditer ce
Testament donné en style télégraphique : Jean était prêtre depuis la veille,
depuis la Cène. Qu'est-ce qu'un Prêtre ? C'est un homme public, officiel dans
son rôle religieux qui, au moment du sacrifice, représente les hommes auprès
de Dieu et Dieu auprès des hommes, et ce n'est pas sans une volonté
providentielle que Jean prêtre a assisté au grand sacrifice de notre
Rédemption, et donc quand Jésus dit à Marie ,,Femme, voilà ton Fils”, et à
Jean ,,Fils, voilà ta Mère”, c'était Jean qui devenait son Fils, Jean prêtre, Jean
qui nous représentait tous. Nous devenions de ce fait enfants de la Très Sainte
Vierge, et Marie devenait notre Mère.
Continuons le raisonnement théologique : les paroles de Dieu sont efficaces et
réalisent ce qu'elles disent… nous l'avons vu aux noces de Cana, quand Jésus
dit : Puisez ce vin en montrant des urnes d'eau, c'était du vin; quand Jésus dit à
Marie ,,Femme, voilà ton Fils” Il crée Jean et nous tous qu'il représentait fils de
Marie, et quand Il dit ,,Fils, voilà ta Mère”, Il crée Marie notre Mère, et donc la
Vierge Marie est réellement notre mère, non pas d'une façon charnelle bien
sûr, d'une façon spirituelle, mais réelle. Elle est la mère de nos âmes, de notre
vie spirituelle, une mère d'une façon toute surnaturelle, et je continue le
raisonnement théologique : évidemment, Dieu ne donne jamais une mission
sans donner tous les moyens nécessaires pour l'accomplir et donc, en créant
Marie notre Mère, Dieu lui a donné tous les moyens dont elle avait besoin pour
accomplir ce rôle de mère de nos âmes, de prévoir nos besoins et d'y pourvoir,
mais comment ? Eh bien, en puisant dans le trésor infini de grâces que son
Divin Fils nous a mérité; elle a le trésor, elle a la clé si l'on peut dire du trésor
de son Divin Fils et devient de ce fait la médiatrice de toute grâce, non pas
comme voudraient nous le faire dire les protestants – et le Concile a beaucoup
insisté là-dessus – les protestants qui mettent en avant le mot de St Paul disant
que Jésus est l'unique médiateur auprès du Père (et c'est vrai, Jésus seul nous
a obtenu le salut, Jésus seul a obtenu le salut de la Vierge Marie elle-même)
mais quand nous disons que Marie est la médiatrice de toute grâce, c'est d'une
façon analogique, car elle est la médiatrice auprès de l'unique médiateur, elle
intercède auprès de son Divin Fils qui lui seul a mérité d'une façon parfaite.
Puisque toutes les grâces nous viennent par Marie, demandons à Jésus d'avoir
une grande dévotion à la Très Sainte Vierge. Que cette retraite que nous
faisons alors que se situe la fête de son Cœur Immaculé, dans cette chapelle
dédiée à Notre Dame de Fatima, demandons-lui cette dévotion intense;
demandons pardon pour tous les outrages dont elle est l'objet en ce siècle
épouvantable de révolutions où tout s'accomplit comme elle l'avait prédit à
Fatima… St Bernard disait : ,,on n'a jamais entendu dire que quelqu'un qui a
recours à sa protection ait été abandonné” et il écrivait encore : ,,Si tu la tiens
par la main, tu ne tomberas pas; si elle te protège, tu n'as rien à craindre” et il
terminait: ,,RATIO SPEI MEX MARIA! – Toute ma raison d'espérer, c'est la
Vierge Marie”. St Jean Borckmans disait : ,,Si j'aime Marie, je suis assuré de
mon salut”. Le docteur de l'Église St Alphonse de LIGUORI précisait que la
dévotion à Marie était un signe de prédestination. Un signe que certainement
on sera sauvé, mais une vraie dévotion, hein ? celle qui consiste à ne pas se
moquer d'elle, à l'écouter d'abord et à chercher à l'imiter et à lui faire plaisir :
donc faire régulièrement vos examens de conscience avec elle;… et surtout la
prière… vous connaissez tous ce cantique de St Louis de Montfort :
Le vrai serviteur de Marie,
Malgré tout l'enfer ne peut se damner
Si jusqu'à la mort il la prie,
Il est sûr un jour au ciel d'arriver!
Oui, Messieurs, entretenez une très grande dévotion envers la Très Sainte
Vierge. Rappelez-vous vos obligations d'ARP, notamment les 3 Ave Maria de
chaque jour pour la persévérance de tous… la Sainte Vierge a promis de bénir
toutes ces pieuses pratiques… Le Saint Angélus… un bon moyen de ne pas
l'oublier est de prendre l'habitude de le réciter avant chaque repas : les petits
enfants, si vous le dites en français le diront facilement; invoquez-la aussi dans
vos prières du matin et du soir, cela attirera sur vous les bénédictions de
Dieu… N'oubliez pas non plus d'avoir la dévotion au Saint Rosaire, la
mitrailleuse à 50 coups qui chasse tous les démons, comme disait le Père
Vallet. Méditez votre chapelet : chaque jour l'un des mystères joyeux,
douloureux ou glorieux, ce n'est pas difficile avec un peu de bonne volonté et
en sachant au besoin se priver de distraction quelquefois futiles comme la Télé
par exemple, cela sera pour vous une source de résolutions et de bénédictions;
célébrez ses fêtes et mieux encore préparez-les par une neuvaine et quelques
privations, portez sa médaille ou son scapulaire, vous verrez la Sainte Vierge
vous combler des grâces qu'elle aura puisées dans le cœur de son Fils,
propagez les exercices spirituels auxquels elle tient tant puisqu'elle les a
inspirés à St Ignace : j'ai toujours remarqué que ceux qui se dévouent le plus
aux Exercices spirituels ignaciens et les propagent reçoivent des grâces
précieuses de Marie. Elle les récompense déjà sur la Terre avant de les
récompenser dans le Ciel.
Voilà, mes chers Messieurs, votre belle contemplation : je vous rappelle les 3
tableaux :
1.- CANA
2.- La canonisation de Marie
3.- Le Testament de Jésus sur la Croix.
Essayez de pénétrer dans le Cœur Immaculé de Marie pour être à même de
mieux comprendre et aimer celui de Jésus. AMEN
*****
N° 32
VIE DE NOTRE-SEIGNEUR – SYNTHÈSE DES AFFECTIONS
Nous continuons, Messieurs, jusqu'à ce soir cette deuxième partie des
exercices : continuez à demander, insistez, tâchez d'obtenir à l'avance la grâce
de connaître intimement le Verbe Incarné, de connaître Celui que le Père a
envoyé, afin de l'aimer et de le suivre. Nous allons voir maintenant quelques
tableaux où nous verrons mieux la bonté, la grandeur, la puissance de Notre-
Seigneur, en connexion toujours avec cette question de la Foi, de cette grande
vertu qui nous ouvre tous les trésors spirituels. Il y a beaucoup d'hommes à
notre époque, des jeunes gens aussi, dans les facultés, dans les universités à
Paris, à Cambridge, à Munich ou ailleurs qui se demandent si Jésus-Christ est
Dieu!… d'ailleurs beaucoup ne se le demandent plus car ils considèrent le
problème comme inutile, sans le connaître évidemment; ils savent énormément
de choses, mais cela, non, ils ne le savent pas, et pourtant la divinité de Notre-
Seigneur éclate vraiment dans certaines pages de l'évangile! je ne parle pas
seulement des miracles, mais de certaines réactions où l'on voit sa puissance,
son ascendant et l'amour qu'en conséquence Il a ainsi fait naître pour Lui.
Notre-Seigneur a été très aimé au cours des siècles!
Son ascendant : il n'y a que le choix à faire, mais je le prendrai surtout à la fin
de la vie publique de Notre-Seigneur. Vous savez qu'à chaque instant les
pharisiens et les chefs du peuple juif essayaient de lui tendre des pièges, tous
les moyens leur étaient bons pour le mettre en difficulté. A ce point de vue une
scène est bien caractéristique, c'est celle du denier à César; elle est vraiment
admirable et nous montre bien la maîtrise et la puissance de Notre-Seigneur.
Elle est racontée par St Marc : Notre-Seigneur prêchait sous les portiques du
temple qui l'entouraient, les portiques royaux dont celui de Salomon, et Jésus
enseignait là, en plein air, cette foule qui l'écoutait avec avidité. Les pharisiens,
eux, écoutaient, non pas pour se former et s'instruire à cette parole, non pas
pour y recevoir quelque lumière, mais pour trouver quelque chose à accrocher,
quelque chose qui pourrait être controversé.. Ils se trouvaient là, mêlés à la
foule, plutôt en groupes; lorsqu'ils trouvaient un piège, une question insidieuse
à poser, ils arrivaient à Jésus, cauteleux, avec dans la langue le poignard sous
les fleurs… Nous savons que les Juifs avaient horreur de protectorat exercé
par les romains, mais c'est surtout de l'impôt que l'occupant exigeait d'eux qu'ils
étaient mortifiés et furieux. Les pharisiens vont donc mettre en avant une
question de paiement du tribut qui est, comme on le voit, très délicate à
discuter devant le peuple, sensible à ses intérêts. C'était en effet un dilemme :
si Jésus répondait qu'il fallait payer le tribut à César, la foule serait furieuse
contre Lui; s'il disait qu'il ne fallait pas le payer, alors on le dénoncerait à Pilate
qui l'aurait mis en prison… Vous vous représentez la scène, n'est-ce pas ? ils
envoient vers Notre-Seigneur leurs meilleurs, leurs plus subtils délégués pour
le prendre au piège de cette question, tandis que les autres se mélangent à la
foule pour enregistrer et aider au besoin les réactions. Ils savaient Jésus très
fort, mais il leur suffisait de le prendre une seule fois en défaut pour démontrer
ainsi qu'Il ne pouvait être le Messie. Nous les voyons donc arriver devant
Jésus, cauteleux, patelins : ,,Maître, nous savons que tu es sincère, ne tenant
compte de qui que ce soit, car tu ne fais acception de personne et tu enseignes
la loi de Dieu selon la vérité… (voyez la flatterie, nous dirions la "pommade" de
leur propos)… Est-il permis de payer le tribut à César ? devons-nous payer ou
ne pas payer ? …
La question était évidemment dangereuse et nos pharisiens devaient être
heureux d'avoir trouvé un piège pareil. Comment s'en sortir ? Nous
comprenons bien que n'importe quel homme, fût-il très habile et très malin, ne
pouvait résoudre la question sans marquer, au moins au début, un peu
d'indécision, mais vous allez voir, pour Notre-Seigneur, aucune difficulté, car
avant qu'on Lui parle, Il savait déjà ce qu'on allait Lui dire – et c'est là que se
révèle la puissance de l'homme-Dieu. Pénétrant leur feinte, Il leur dit :
,,Pourquoi me mettez-vous à l'épreuve, hypocrites! Apportez-moi un denier
pour que je voie” et c'est ici cette réponse magnifique car les pharisiens avaient
lancé leur question comme à l'épée on lance une pointe, mais Jésus va leur en
décrocher une autre… patelins, doucereux, ils sortent de leur poche une pièce
de monnaie, un denier, et Notre-Seigneur de leur dire :
De qui est cette effigie ? Et l'inscription, de qui est-elle ?
Mais de César!… Alors Jésus leur dit :
Ce qui est à César, rendez-le à César, mais ce qui est à Dieu, rendez-le à
Dieu… 
Ils étaient émerveillés à son endroit et St Marc, un peu plus loin note : ,,L'un
d'eux vint le féliciter : Maître, tu as bien parlé” … Pour que des ennemis ayant
la haine dans leur cœur arrivent à l'en féliciter, il fallait bien qu'ils soient sidérés,
oui,… sidérés…
Un autre cas qui s'est manifesté un peu avant, toujours dans la 3ème année de
la vie apostolique de Notre-Seigneur : Dans les dépendances du Temple à
Jérusalem, se tenait comme une sorte de tribunal suprême des Juifs, une
espèce de faculté de droit où se situaient les professeurs et leurs élèves; il y
avait des cours théoriques, mais aussi des cours pratiques où l'on formulait des
jugements et, un jour, on amène devant eux une femme surprise en adultère.
D'après la loi de Moïse, on devait la lapider; cependant, nous savons d'après
des livres juifs que dans certains tribunaux se faisait jour une tendance par
laquelle on pouvait ordonner une enquête sur le mari et sur l'amant pour
déterminer un partage de responsabilités qui sauverait la femme… Nous
pouvons nous les imaginer en train de pérorer, de discuter, les professeurs et
les élèves, ils aimaient cela… Tout d'un coup, quelqu'un fait une remarque…
Notre-Seigneur était en effet en train d'enseigner sous les portiques du
Temple : ,,Si on la conduisait à Jésus ?”. Ah! encore un joli piège, n'est-il pas
vrai ? En effet, Notre-Seigneur ne pouvait suivre que l'une ou l'autre des
tendances : ou bien il disait : vous n'avez qu'à la lapider… et dans ce cas,
comme la femme est jeune, la sentimentalité de la foule serait éveillée par cette
condamnation pourtant conforme à la loi, et on l'aurait accusé, Lui, de cruauté
envers cette femme; ou, si au contraire, suivant l'autre tendance, il préconisait
une enquête sur le mari et sur l'amant, on l'aurait accusé de manquer à la loi de
Moïse… c'est-à-dire que des deux côtés, il était pris… 
Vivez la scène en les regardant partir tous, la femme entre quatre agents avec
les pharisiens qui suivent, les professeurs, les scribes et leurs élèves… un
mélange de joie mauvaise, de haine, de passion… on va "rigoler"; on le
possède cette fois…, oui, nous l'avons ce coup-là!… 
Notre-Seigneur était en train de parler. On l'interrompt brutalement : Seigneur,
voilà une femme surprise en adultère, que faut-il en faire ? … 
Voilà le piège, que va décider Jésus ? Notre-Seigneur ne répond pas, mais il
met un genou à terre et se met à écrire avec le doigt sur une dalle. Pourquoi
fait-il cela ? pour écrire ? Non, pas pour écrire en tout cas. Pour m'en
convaincre moi-même, j'ai essayé de le faire sur des dalles grises, blanches ou
noires, sur de la terre et même sur du plancher, je n'ai jamais pu écrire, on ne
peut pas écrire… Eh bien, le pourquoi de la chose, c'est qu'Il a voulu les
déconcerter; Notre-Seigneur a fait cela pour les intriguer d'abord et pour
permettre à leur passion de se calmer un peu parce qu'un homme passionné
est incapable d'accepter, de comprendre un argument et, en effet, les premiers
qui sont là le voient, accroupi, tandis que ceux qui sont derrière ne l'aperçoivent
pas; pour eux, Il a disparu pour ainsi dire en se baissant, en s'accroupissant…
Alors on peut s'imaginer ce qui se passe : les premiers, un peu interdits de cet
accueil, regardant, essayant de deviner ce qu'Il peut écrire, et les autres, qui
sont derrière, posant des questions :
Hé, Zabulon, où est-Il donc le Jésus!…
Il écrit… 
Il écrit quoi ? on ne peut pas écrire avec le doigt! Ah, et pourquoi Il fait cela ?
etc… 
Cela a dû durer un moment, ce manège, au moins quelques minutes et Notre-
Seigneur a dû continuer tranquillement… Alors, déconcertés, peu à peu ils se
calment… Notre-Seigneur, à ce moment-là, se lève et d'une voix forte :
Vous voulez mon verdict ? ,,Eh bien voici… que celui d'entre vous… qui est
sans péché… lui jette la première pierre!…” et Il reprend son manège…
Regardez la tête des Juifs : … L'an passé je lisais un grand reportage en
Arabie séoudite au profit d'un journal parisien; ce reporter était là dans une
auberge à proximité des puits de pétrole, non loin d'une oasis connue et, un
matin, il a vu lapider une musulmane, mariée la veille. Dans la nuit, son mari
s'était aperçu qu'elle n'était pas vierge et l'avait dénoncée à sa famille; tout le
village était là et c'est le chef du village, le cadi, qui lui a envoyé la première
pierre – cette coutume existe encore dans certains pays musulmans – et tous
les autres y sont allés de leur pierre, mais c'était un honneur de lancer la
première et on le laissait évidemment à la personnalité la plus en vue! Or, dans
le cas qui nous occupe, cet honneur incombe au doyen de la faculté.
Regardez-le! dès la bombe lancée par Notre-Seigneur, il a perdu de sa
morgue: Il sait que personne n'enverra une pierre avant lui, c'est d'autant plus
un honneur qu'il s'agit de suivre la loi de Moïse… Il doit se dire aussi, sans
doute, qu'il est peut-être mal placé pour le faire devant ce Jésus qui lit dans les
consciences, et sa conscience, il sait qu'elle n'est pas très propre… hou! hou!
ça devient dangereux de lancer la première pierre, de donner le signal!… alors,
regardez-le, faisant semblant de rien, il s'en va…
Maintenant, voyez le vice-doyen… Généralement, ces deux bonshommes ne
se trouvent jamais à côté; ils sont toujours à l'opposé, c'est rare qu'ils soient à
côté; qu'ils soient amis, mais le vice-doyen ne perd pas des yeux son chef
hiérarchique : dès qu'il a vu ce dernier s'éclipser, l'honneur retombe sur lui…,
hou! hou!… il hésite quelques secondes et lui aussi, en faisant semblant de
rien,… "fuit"… il s'en va à son tour! puis, comme le dit St Luc, en commençant
par les plus anciens – c'est-à-dire au fur et à mesure que l'honneur retombait
des vieux "prof" sur les plus jeunes – les uns après les autres, ils sont partis…
que celui qui est sans péché avait dit Notre-Seigneur, or ils savaient bien qu'ils
en avaient des péchés!… Il ne restait plus que les 4 agents de police, mais on
peut être agent de police et dans un cas pareil avoir un peu mal au ventre! Je
m'imagine qu'ils entourent la pauvre femme qui est plus morte que vive et
quand ils se voient seuls, les professeurs et les élèves étant partis, c'est à eux
qu'incombe l'honneur de lancer la première pierre! ils se regardent… ils ont vite
compris… la foule n'interviendra qu'après eux car elle a compris, elle aussi, le
danger de prendre une pierre à présent!… alors un regard complice et "fuit, fuit,
fuit" allez!… eux aussi abandonnent la partie!…
On dit de Dieu qu'Il joue, que Dieu s'amuse, que Dieu a de l'humour si l'on peut
dire, quand on veut le prendre en défaut surtout!… Notre-Seigneur se retourne
alors vers la femme :
,,Où sont-ils ceux qui t'accusaient ?”…
Ils sont partis ? Et moi non plus je ne t'accuserai pas, je ne suis pas venu pour
ça… Va… et ne pèche plus… Voilà le mal, ne pèche plus!…
Elle est sauvée… c'est vraiment admirable de voir ce mélange de bonté et de
puissance, de voir l'ascendant que Notre-Seigneur avait non seulement sur les
foules, mais même sur les ennemis dans tous les détails de sa carrière
évangélique.
Nous pouvons aussi relater à cet effet l'épisode raconté par St Jean après celui
de la femme adultère, où Notre-Seigneur révèle son origine divine, c'est très
beau ça aussi… ,,Vous me connaissez, dit-il, vous savez d'où Je suis et
cependant Je ne suis pas venu de moi-même. Celui qui m'a envoyé vous ne le
connaissez pas, moi Je le connais parce que Je suis auprès de Lui et que c'est
Lui qui m'a envoyé”. Ils cherchaient donc à le saisir, mais personne ne mit la
main sur Lui ce jour-là car son heure n'était pas encore venue. Parmi la foule,
beaucoup crurent en Lui; les pharisiens apprirent que la foule chuchotait de la
sorte à son endroit et les grands prêtres et les pharisiens envoyèrent des
satellites pour le saisir… Alors ces satellites, ces gens de police autrement dit,
allèrent pour arrêter Jésus pendant l'un de ses discours – St Jean le raconte
dans le chapitre qui fait suite : ils écoutèrent donc le discours de Notre-
Seigneur, c'était le jour le plus solennel de la fête; Jésus se tenait debout et
s'écriait : ,,Si quelqu'un a soif qu'il vienne à moi et qu'il boive. Celui qui croit en
moi, comme dit l'Écriture, des fleuves d'eau vive s'écouleront de son sein”… Il
dit cela de l'Esprit que devait recevoir ceux qui croiraient en Lui; parmi la foule
donc, quelques-uns de ceux qui avaient entendu ces paroles disaient : Celui-là
est vraiment le prophète; d'autres disaient : C'est le Christ, mais d'autres
rétorquaient : non, est-ce que le Christ peut venir de Galilée ? L'Écriture n'a-t-
elle pas dit que c'est de la race de David, de Bethléem, que le Christ doit
venir ? Il y avait donc un grave désaccord dans la foule et quelques-uns d'entre
eux voulaient le saisir, mais personne ne mit la main sur Lui.
Ils revinrent donc auprès du grand prêtre et des pharisiens qui s'écrièrent :
,,Pourquoi ne l'avez-vous pas amené ici!”. Et les policiers répondirent : ,,Jamais
homme n'a parlé comme celui-là”… et les pharisiens d'indiquer : Alors, vous
aussi, vous vous êtes laissés séduire, est-ce qu'un seul des chefs des
pharisiens a cru en Lui ? cette foule ne connaît pas la loi!… Mais les policiers
rétorquèrent :
Arrêter un homme pareil ? Allez-y vous, si vous voulez, nous, nous ne pouvons
pas l'arrêter!… 
Oui, l'ascendant que Notre-Seigneur avait sur les foules se traduit bien là aussi,
puisque des policiers dont le métier est d'arrêter les gens n'osent s'attaquer à
Notre-Seigneur, même en service commandé!… 
En autre cas encore, la synthèse de tous les enthousiasmes : Les Rameaux,
quelques jours après. Je ne reviens pas sur les circonstances du début. Notre-
Seigneur Jésus-Christ avait ressuscité Lazare; Il avait rendu la vue à l'aveugle-
né et au début de cette grande fête de Pâques, les gens arrivaient de très loin
naturellement avides de connaître Jésus. Lui, venait tous les matins à
Jérusalem pour enseigner et faire ces beaux discours que nous pouvons lire
dans St Jean et le soir, Il remontait à Béthanie où il avait des amis très sûrs, car
il était interdit de le recevoir à Jérusalem. Le matin des Rameaux donc c'était
surtout les étrangers qui le cherchaient, demandant des renseignements aux
abords du Temple; on leur disait : oui, vous le verrez arriver de ce côté et, en
effet, vers 10 heures, sur la colline des Oliviers que l'on aperçoit depuis
Jérusalem, on voit arriver au loin sur la route le groupe des douze… Tout ce
monde se précipite alors au-devant et vous savez par l'évangile quel triomphe
sans précédent, extraordinaire, est fait à Notre-Seigneur à ce moment-là. Cela
faisait une foule énorme venue des quatre coins de l'horizon; avec les habitants
de Jérusalem qui se trouvaient également là, c'était une masse imposante qui
criait sa Joie à Jésus. Imaginez tous ces gens allant au-devant de Lui,
arrachant les branches d'olivier, les branches de palmier, enlevant les beaux
manteaux multicolores – c'étaient des gandouras très voyantes et avec tout
cela, spontanément dans leur allégresse, ils en font un tapis sans cesse
renouvelé sous les pas de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est ainsi que monté
sur le petit de l'ânesse, Jésus fait son entrée à Jérusalem au milieu des
acclamations du peuple qui chantait : Hosanna, Hosanna au fils de David!
Colère des scribes et des pharisiens parce que le peuple l'acclamait comme
étant le Messie : ils veulent alors faire intervenir le service d'ordre, mais Notre-
Seigneur de leur dire : ,,S'ils se taisent, ce sont les pierres du chemin qui
crieront!” car il faut que les prophéties se réalisent… et Notre-Seigneur entre
alors dans le temple dans un triomphe extraordinaire, cependant humble et
doux dans ce triomphe…, on voit bien par là que le pauvre peuple, tout
naturellement, va à Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais, souvent, qui est-ce qui
le détourne de Lui ? Ce sont ces gens cultivés qui ont reçu en partage
l'intelligence et ont perdu l'humilité, qui, dans leur suffisance et leur orgueil
scandalisent les petits en les détournant de Notre-Seigneur. Au cours des
siècles on verra bien des fois le peuple détourné de la vraie foi par des gens
d'élite, des hérésiarques et autres…
Tout en entrant dans le Temple Jésus s'aperçoit que les vendeurs – les
vendeurs, eux, ne s'étaient guère dérangés : il y avait matière à profit en raison
de l'affluence; la vente marchait bien et il ne fallait pas, évidemment perdre une
si belle occasion! comme cela est vrai, même aujourd'hui! Donc Jésus en
voyant ces vendeurs qu'Il avait déjà chassés une première fois, a une Sainte
Colère, la colère de Dieu! Vous savez qu'Il fait alors une sorte de martinet avec
des cordes et Il se met à frapper sur les vendeurs, les chassant et renversant
leurs tables. Il y en avait des quantités de vendeurs : il y avait le coin où l'on
changeait l'or et l'argent, celui où l'on vendait les bêtes pour le sacrifice – des
paysans avec leurs veaux, leurs moutons, leurs poulets, leurs colombes – et
puis il y avait aussi le coin où l'on se restaurait, on ne restait point la journée
sans manger, n'est-il pas vrai ? Imaginez qu'à Lourdes les marchands
s'installent devant le péristyle de pierre et y fassent leurs affaires, vous
accrochant au passage, en plein sanctuaire! Donc, colère de Notre-Seigneur,
les chassant tous malgré leur nombre…, un des plus grands miracles de sa vie!
… mais on va vite avertir les princes des prêtres parce que c'étaient eux qui
louaient les emplacements et prélevaient un taux sur les ventes… vite on voit
arriver les petits vicaires juifs qui veulent sauvegarder leurs intérêts mais quand
ils aperçoivent et mesurent la colère de Notre-Seigneur, rapidement ils font
demi-tour; ils se sentent en effet complices de la chose et deviennent prudents,
ils rentrent chez eux, préférant regarder la scène de loin et avertir le capitaine
de service à la tour Antonia chargé de la surveillance du temple en ces jours de
fête où la foule des Juifs était immense… Vous comprenez aisément aussi que
les officiers et les hommes de l'armée coloniale romaine n'étaient pas des
fillettes… on l'avertir…
Vite, mon Capitaine… un scandale dans le temple!… 
Un scandale ? Hou, hou! pas d'histoire… j'en suis responsable… vite un piquet
de soldats et pas de gymnastique…
Mais le Capitaine, quand il voit la chose, se dit : … Oh! Oh! mais, s'il me voit
avec mes soldats,… non, non… demi-tour, qu'ils se débrouillent… J'ai vu bien
des bagarres, mais un homme seul capable de venir à bout de tant de monde,
jamais. Un miracle prodigieux qu'un homme courroucé (mais un homme-Dieu)
puis mettre en déroute tant de gens pourtant habitués à faire leur quatre
volontés dans le temple… et Notre-Seigneur reste maître du terrain, maître du
Temple, maître des vendeurs, des prêtres, des soldats; la foule en était
éberluée et cela peut nous faire comprendre un peu ce que sera la colère de
Dieu à la fin des temps, où ce sera la grande victoire du Christ-Roi venant
demander des comptes aux hommes, ce jugement général que la Sainte Église
rappelle chaque fois qu'elle ouvre l'année liturgique et qu'elle la termine… la
Colère de Dieu!…
St Jean a une expression frappante à ce sujet ,,On aurait dit que le zèle de la
maison de son Père le dévorait…”. une torche vivante brûlant du respect dû à
son Père… Et au moment où Jésus se trouvait là, faisant peur à tout le monde,
la face irradiée de colère, on voit arriver, venant de la porte Speciosa une foule
de malades, d'infirmes, boiteux, estropiés, toute la misère humaine que nous
voyons quelquefois étalée sous nos yeux à Lourdes; … Pour entrer dans le
péristyle du temple, il y avait de nombreuses portes, notamment pour se rendre
dans les cours réservées aux Juifs et surtout aux prêtres; il y avait aussi la
Belle-Porte comme on l'appelait) qui donnait accès au Saint des Saints, mais
les malades eux, se groupaient à la porte Speciosa, quelques-uns venaient de
très loin essayer de se faire guérir par Jésus : ils ont tous vu l'énorme foule ont
dû se dire : ,,Ce n'est pas aujourd'hui qu'on sera guéri avec tant de monde, on
ne peut même pas l'apercevoir”, mais, ensuite, ils ont assisté à l'expulsion des
vendeurs, ils ont assisté aux divers mouvements de la foule, des prêtres, des
soldats… tout d'un coup, ils le voient seul au milieu de l'esplanade, avec sa
colère et ses cordes… vous devinez la suite!… : Vite! allons-y vite avant que la
foule ne l'accapare à nouveau! Eux n'ont pas eu peur de la colère de Notre-
Seigneur, voyez le contraste!… Ils devinaient bien que la colère n'était pas pour
eux et, en effet, quand Jésus vit ses chers malades, sa colère disparaît, un
divin sourire à leur adresse et Il les guérit tous… quelle maîtrise sur Lui-même,
quel ascendant sur les autres, quelle puissance!…
Je voudrais aussi vous rappeler la résurrection de Lazare; là aussi nous voyons
la synthèse de tous les miracles que Notre-Seigneur a faits, le plus prodigieux
des miracles… Notre-Seigneur vers la fin de sa troisième année de courses
apostoliques s'était éloigné parce que les Juifs voulaient le tuer. Mais Jésus ne
voulait pas mourir avant le temps fixé par son Père; toutefois, devant la haine
grandissante de ses ennemis qui à chaque instant lui tendaient des pièges, lui
envoyaient la police, etc… Notre-Seigneur était parti en Transjordanie derrière
le Jourdain; il y évangélisait ces régions assez désertiques à cette époque et
Lazare, son grand ami, ami surtout parce que Jésus avait ramené à la maison
l'enfant prodigue, sa sœur Madeleine,… propre, toute changée, ce pauvre
Lazare donc, bouleversé de joie par le retour de sa jeune sœur avait dit à
Notre-Seigneur – on devine la chose – ,,Maître, vous avez ramené à la maison
ma petite sœur si propre, qu'est-ce que je peux faire pour vous ?… Aussi Jésus
avait-il là une maison sûre… St Jean souligne plusieurs fois que Jésus aimait
Marthe, Marie et Lazare, et il en était aimé aussi… Or, Lazare tombe malade…
le médecin arrive : au début ce n'est pas sérieux, mais, comme disent ces
messieurs, ,,la maladie évolue” et elle devient très grave de bénigne qu'elle
était. Consultation entre confrères et, nous pouvons nous imaginer la scène, là,
un soir, à l'embrasure d'une fenêtre, le médecin traitant parlant à Marthe, la
maîtresse de maison :
,,Mademoiselle, je pense qu'il est prudent de penser à ses affaires, mes
confrères et moi sommes d'accord là-dessus, à moins d'un miracle, il est perdu!
…”.
… A moins d'un miracle ? … Soyez sans crainte docteur, nous l'aurons le
miracle!…
Bien!… vite on fait seller un cheval, on explique la chose au serviteur… on
savait où se trouvait Notre-Seigneur Jésus-Christ; à pied il aurait fallu 48
heures pour le rejoindre, mais avec une monture, Marthe pensait que dans la
journée du lendemain le Maître résoudrait cette question, reviendrait sans
doute… Mais le serviteur revint seul, au moment où Lazare était à l'agonie et à
toute extrémité…
Ah!… alors tu l'as rencontré le Maître ?
… Oui…
… Et qu'a-t-Il dit, tu ne lui a pas donné le cheval pour qu'Il revienne plus vite ?

… Mais Mademoiselle, Il ne me l'a pas demandé, et puis Il ne reviendra pas. Il
m'a dit ,,Vu, compris” et Il est parti plus loin avec ses douze…
Il est parti plus loin!!!… On devine, en lisant St Jean, que les sœurs de Lazare,
estimant que Jésus était assez familier avec lui, qu'on n'avait pas besoin de lui
préciser qu'Il guérisse Lazare, mais que sachant que la maladie était très
grave, qu'Il aurait dit une parole de loin ou même qu'Il serait revenu. Elles en
étaient toutes déconcertées…
Mais, voyons, au moins tu lui as bien expliqué ? …
Oh, Mademoiselle, Il comprend vite vous savez… cependant Mademoiselle, ce
n'est pas à moi qu'Il l'a dit, mais à ses douze en s'éloignant :
,,Notre ami Lazare est malade, mais cette maladie ne va pas à la mort…”.
Ah! tu as mis le temps pour le dire, mais enfin, nous voilà maintenant
tranquillisées, et du coup, elles abandonnent leur frère devant cette
assurance…
Demi-heure après l'infirmière arrive : mais Mademoiselle, me laisser seule à un
moment pareil! on vous avait pourtant averties, il vient de mourir…
Ce n'est pas vrai, ce n'est pas possible…
Ah, Mademoiselle, je connais quand même mon travail moi!
Non, elles ne voulaient pas croire que Lazare était mort… Vite après, le
médecin : moi, écoutez, Mademoiselle, je ne sais pas ce qu'a dit votre
Monsieur Jésus, mais ce que je sais en tant que médecin, c'est que votre frère
est mort et voici le permis d'inhumer!…
Elles ne voulaient pas croire qu'il soit mort… et la nouvelle se répand, Lazare
était pharisien, un des chefs juifs converti, alors ils viennent les uns après les
autres car on savait tout… on savait la démarche accomplie par le serviteur; on
savait ce que Notre-Seigneur avait répondu… cette maladie ne va pas à la mort
et puis… il était mort!… Voyez la jubilation intérieure des pharisiens; ils
venaient avec un air triste, compassé, mais au fond ils étaient bien contents; ils
ont dû par précaution parfaire leur enquête et questionner plusieurs fois les uns
et les autres,… ils avaient enfin une preuve que Jésus n'était pas le Messie
puisqu'Il s'était trompé; Il a dit que cette maladie n'allait pas à la mort, et il est
mort… cependant, au début, ils n'osaient pas triompher ouvertement,
pourquoi ? … Parce que les sœurs étaient tellement sûres que Lazare n'était
pas mort, qu'il pouvait être en catalepsie, qu'on n'osait pas trop triompher
officiellement. Et on leur demandait aussi :
Alors, quand est-ce que vous l'enterrez ? …
On ne l'enterre pas puisque je vous dis qu'il n'est pas mort…
Bien!… mais au bout d'une trentaine d'heures, une odeur cadavérique de plus
en plus prononcée – on était au printemps…
… Mais, Mademoiselle, vous ne sentez donc pas ? vous voyez bien qu'il est
mort, ça empestera vite le village, il faut aviser mademoiselle!… et les deux
sœurs durent bien se convaincre que leur frère était mort;… vous réalisez,
n'est-ce pas, ce que cela signifiait pour elles : en plus de leur peine bien
naturelle, ce scandale dans leur âme, leur foi en Dieu ébranlée, leur foi dans
l'amitié aussi, une déroute de leurs pensées devant ce fait qu'on ne pouvait
plus nier; leur frère était mort, malgré Jésus, malgré tout! quelle douloureuse
épreuve pour leur Foi!…
Et le serviteur de leur confirmer : oui, Il a bien dit ça, je ne suis pas sourd, cette
maladie ne va pas à la mort, c'est pour la gloire de Dieu!… imaginez! et 48
heures après il fallait faire vite et hâter l'enterrement… Triomphe des pharisiens
devant Marthe et Marie ils ne le montraient pas trop… on le possède enfin!…
on l'a eu… Il a dit qu'il n'allait pas à la mort, ce pauvre Lazare, et il est mort,
vous voyez, n'est-ce pas ? C'est là qu'on voit les vrais amis, dans les
enterrements!… Bien!…
Encore 1 jour… 2 jours… 4 jours… le serviteur travaillant dans le parc voit
soudain arriver Notre-Seigneur accompagné de ses douze et de la foule avide
de merveilles qui le suivait dans ses déplacements; il va rapidement avertir sa
maîtresse : Mlle Marthe, Il est là, Jésus arrive!… Marthe se lève d'un bond et
court au-devant de Lui sur la route et puis, hein! elle ne se met pas des gants
pour le lui dire, pour le lui reprocher :
,, Ah, Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort” … Notre-
Seigneur de lui répondre :
Ton frère ressuscitera…
Oh! je sais bien qu'il ressuscitera à la fin des temps, mais… ce n'est pas dans
l'évangile, mais on devine qu'elle l'a sans doute pensé – mais, en attendant, il
est mort…
Cependant Notre-Seigneur lui a demandé la Foi, ,,Crois-tu cela ?” et elle a fait
acte de foi en lui répondant ,,Je sais que Tu es le Fils de Dieu et que tout ce
que Tu demandes à ton Père, Il Te l'accordera”. Rapidement elle rentre à la
maison – Marie était entourée de quelques amis qui venaient de fort loin;
Marthe lui glisse à l'oreille sans que personne n'entende : Le Maître est là, Il
t'appelle. Madeleine entendant cela bondit comme une folle dehors vers Notre-
Seigneur arrivant sur la route. C'est St Jean qui raconte : Elle va faire le même
reproche que sa sœur, car pendant ces 4 jours, on peut facilement déduire quel
était leur sujet de conversation, elles ont dû ressasser entre elles ce : ,,Ah
Seigneur, s'Il avait été là, Lazare ne serait pas mort!” mais elle va faire ce
reproche avec infiniment plus de respect; au préalable elle tombe à genoux, en
larmes… les amis, les parents qui suivaient se mettent à pleurer avec elle…
Notre-Seigneur se met à pleurer aussi…
Alors, quelques-uns des Juifs qui étaient là disaient : Voyez comme Il aimait
Lazare… mais les pharisiens, eux : ,,… comme il aimait Lazare ? et on prétend
que cet homme-là a donné la vue à un aveugle-né ? il paraît ? Menteurs, ils
savaient bien que ce n'était pas ,,il paraît” mais que ,,c'était la réalité” ne l'avait-
il pas interrogé suffisamment pour cela ? et s'il a rendu la vue à un aveugle,
n'aurait-il pu faire quelque chose pour Lazare ? C'est qu'Il n'a pas de cœur!…
St Jean, témoin oculaire, qui regardait le Maître note : Notre-Seigneur Jésus-
Christ frémissait… on l'accusait, Lui, de manquer de cœur!…
Où l'avez-vous mis ? …
Nous l'avons enterré là, au fond du parc… 
Menez-moi au tombeau… et les pharisiens, venimeux : ,,Heu! quatre jours
après, c'est le moment de venir et prier maintenant!…”. On arrive au tombeau.
Les Juifs enterraient un peu à la manière égyptienne : on creusait dans le roc,
on aménageait au fond la chambre où se glissaient les cercueils dans des
alvéoles prêtes à cet effet et puis à l'entrée se trouvait la chambre des anciens
avec une pierre où comme en Égypte, on préparait les parfums, les bandelettes
et le suaire, comme pour les momies; ensuite on fermait l'ouverture par une
lourde pierre ressemblant à une meule de moulin, on y apposait 4 sceaux et la
loi défendait évidemment d'ouvrir le tombeau après l'inhumation faite; Notre-
Seigneur approche du tombeau où déjà le monde s'était rassemblé, il y avait
les 12 apôtres ainsi que la foule qui avait suivi Jésus et qui attendait, toujours
en quête de merveilles, des pharisiens aussi; il y avait également la foule des
parents et des amis, il y avait foule… c'est St Jean qui le dit. Notre-Seigneur
ordonne qu'on lui enlève la pierre, mais Marthe bondit :
Seigneur, mais Seigneur, il sent déjà mauvais!… Regardez les pharisiens. Ils
font comme toujours un petit groupe à part, séparés des autres, eux, les purs!
Ils discutent entre eux, ces hommes à barbiche : ,,C'est pourtant défendu, cela,
cher ami Zabulon, de briser les sceaux et d'enlever la pierre au bout de 4
jours… Les apôtres, eux, se précipitent pour obéir à l'ordre, ils brisent les
sceaux, font rouler la pierre et les gens reculent : l'odeur… l'odeur! Notre-
Seigneur s'avance alors, ils se penche sans entrer et d'une voix forte
commande :
,,Lazare, viens dehors”, Notre-Seigneur alors recule et Lazare, qui ne pouvait
pas marcher puisqu'il était attaché avec les bandelettes, sort d'un coup, blanc,
comme un fuseau… la foule voyant ce spectacle reste comme pétrifiée… Le
fuseau prend la position verticale devant Jésus, tête à tête émouvant, et Notre-
Seigneur de dire aux Apôtres : Mais enlevez-lui donc ces bandelettes, il va
étouffer… on lui enlève les bandelettes, Lazare était vivant.
De nombreux Juifs parmi la foule, même des pharisiens, crurent alors, d'autres
ne crurent pas et ils allèrent avertir Caïphe :
,,Tu sais ce qu'Il a encore fait, le Jésus ? Tu sais que Lazare était mort ?… Oui
je le sais…
Eh bien, Il l'a fait sortir vivant du tombeau. Réponse de Caïphe : Ah! c'est
ennuyeux cela, il va falloir maintenant tuer Jésus et Lazare!… 
Vous le voyez, les miracles ne font rien devant certains pécheurs endurcis,
même intelligents, la passion et le démon les rendent aveugles, tellement fous
et aveugles qu'ils ne veulent pas croire et se rendre à l'évidence. Voilà la
réponse de Caïphe.
Imaginez maintenant un repas le soir. Officiellement les femmes ne mangeaient
pas avec les hommes, cependant il y avait des exceptions légitimes en famille;
nous pourrions voir un repas intime entre ces 4 personnes à table, Lazare,
Marthe, Marie-Madeleine et Jésus. Imaginez ces larmes de joie, de
reconnaissance et d'amour de Marthe et de Marie qui avaient pu douter de Lui,
ces larmes en voyant à leur table, si simple, si beau, si humble, Celui qui joue
avec la vie et avec la mort… le maître des éléments, de la tempête, du pain, du
vin, tout cela… Celui qui avait fait sortir vivant de son tombeau un homme qui
était déjà en décomposition, qui avait déjà la raideur cadavérique… Imaginez
ce repas… Oui, Notre-Seigneur a été très aimé au cours des siècles; les
apôtres l'ont beaucoup aimé aussi; ils ont, c'est vrai été surpris dans leur
faiblesse au soir du Jeudi Saint, pourquoi ? surtout parce qu'ils avaient des
idées fausses, des idées juives au sujet du Messie. On peut dire que les idées
fausses mettent comme des pailles dans l'acier de la Foi. Et lorsqu'elles se
multiplient, peu à peu elles sapent, elles détruisent la Foi, et c'est à cause de
ces idées fausses que les apôtres ont trahi, car s'ils ne les avaient pas eues,
leur faiblesse aurait été fortifiée par Dieu et ils auraient été soutenus dans leur
Foi, mais ils se sont surtout appuyés sur eux-mêmes, nous le voyons bien par
l'exemple de Pierre; mais ils l'aimaient, et cet amour vrai leur a permis de
revenir au Seigneur.
Nous nous arrêterons pour un dernier tableau, très beau aussi, à ce repas chez
Simon le lépreux, quelques jours après, toujours rapporté par St Jean,
conséquence de la résurrection de Lazare. Un des pharisiens qui semble bien
converti, Simon le lépreux, avait invité Notre-Seigneur Jésus-Christ, Lazare et
quelques amis à un repas en leur honneur et nous savons que Marthe servait à
table ainsi que sa sœur. De nombreux Juifs étaient venus aussi, non pas tant
pour voir Jésus, mais plutôt pour voir Lazare, le ressuscité nous dit St Jean.
Marie-Madeleine, la pécheresse, a appris à connaître Jésus – rappelons-nous
à cet effet cette demande de la 2ème semaine où nous demandons
instamment cette grâce de connaître Jésus d'une façon intime, elle l'aime d'un
amour très pur et très noble et elle le suit,… connaissance intime de Notre-
Seigneur pour mieux le suivre avec fidélité – et son amour va l'amener à un
dépouillement de plus en plus parfait. De sa vie passée nous devinons qu'il lui
restait cet objet très rare, très beau, un vase d'albâtre contenant une livre de
nard, de l'essence de parfum… Vous savez que les orientaux ont des parfums
extraordinaires… Je me rappelle qu'étant soldat à Tunis en passant dans les
rues arabes, on rencontrait des marchands qui, afin de vous intéresser à leurs
marchandises, avec une espèce de compte-gouttes à piston, vous envoyaient
comme ça au passage une goutte de parfum. Eh bien, on en avait pour huit
jours à se débarrasser de cette odeur tellement ce parfum était capiteux et
pénétrant, aussi est-il certain qu'avec cette livre de nard qui représentait une
fortune, on aurait pu faire une grande quantité de parfums… Alors Madeleine
brise le flacon, ce symbole de sa vie passée, il ne servira plus, et elle en verse
tout le contenu sur les cheveux et sur les pieds de Notre-Seigneur, et St Jean
dit : ,,La maison fut remplie de l'odeur de ce parfum” très fin, du pistil de nard,
et tout le monde était sous le charme de cette action. Mais voyez le contraste :
Madeleine, elle, se dépouille de son dernier trésor, elle affronte le respect
humain et l'humiliation… Judas, lui, c'est tout le contraire : des sentiments de
déconvenue, de cupidité et de vain honneur du monde vont lui faire prendre la
parole au nom des autres; tandis que Notre-Seigneur approuve, accepte le
geste de Madeleine, Judas prend la parole pour contredire, il prend la parole au
nom des pauvres! …… on aurait pu vendre cela 300 deniers et en donner le
prix aux pauvres!… St Jean a alors une parole terrible pour lui : ,,ce n'est pas
les pauvres qui l'intéressaient, mais il était voleur…” oui, il s'en moquait bien du
pauvre, et comme il devait prélever son pourcentage, c'est ça qu'il
regardait… nous voyons là la cupidité, l'orgueil aussi.
Au cours des siècles, tous ceux qui ont vraiment aimé Notre-Seigneur Jésus-
Christ et l'ont suivi se sont dépouillés spontanément pour s'enrichir des
richesses d'en haut. St Jean de la Croix dit que nous ne pouvons pas avoir à la
fois les richesses d'en bas et les richesses d'en haut. Nous devons choisir, et
pour avoir celles d'en haut, accepter ici la pauvreté, au moins spirituelle; tous
ceux qui ont bien choisi se sont dépouillés; ils ont accepté l'humiliation et
l'opprobre – voyez, c'est toujours le programme du Roi temporel et des deux
Étendards… jusqu'à la mort, et au cours des siècles, nous aurons des millions
de Saints et des millions de martyrs, de vierges qui suivent l'agneau…
Lorsqu'un jeune homme, une jeune fille, un homme ou une femme s'énamoure
de Notre-Seigneur, le Saint Esprit le pousse vers un endroit où il trouvera
l'atmosphère de dépouillement, de pauvreté, d'approbe (( ??? )) et
d'humiliation… St Louis de Gonzague, St Stanislas, Ste Bernadette, et combien
de milliers d'autres en sont des exemples : Ste Thérèse de l'Enfant Jésus, à 15
ans, rêvait du Carmel. Lorsqu'elle y est entrée, évidemment, on a critiqué son
père qui laissait sa fille entrer au Carmel sans qu'elle connaisse la vie!… eh,
taisez-vous, imbéciles!… C'est le St Esprit qui poussait cette petite… même
des catholiques ont critiqué qu'elle soit entrée au Carmel si jeune… on n'a pas
besoin de connaître la vie pour cela, on a seulement besoin de penser à la vie
éternelle, et cela suffit bien…
Vous allez faire cette belle contemplation. Dans ces traits, dans ces tableaux,
dégagez cette puissance de Notre-Seigneur, cette puissance qui éclate partout.
Il n'y a que Dieu qui puisse faire cela! Voyez l'amour que les apôtres ont eu
pour Jésus bien qu'ils aient trahi par faiblesse à cause de leurs idées fausses,
et puis l'amour qu'a eu Madeleine – combien de Madeleine à travers les
siècles… tous les matins à la messe, on en cite de ces vierges qui ont tout
donné pour Lui, qui ont subi les pires choses pour Lui. Et à notre époque
encore où la misère spirituelle est si grande, tous les ans, il y a cependant
combien de jeunes gens et de jeunes filles qui s'enferment dans les
monastères ou bien partent au loin, laissant derrière eux tous leurs rêves
humains et acceptent la souffrance pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, toujours
le même, toujours vivant! Jamais homme n'a été aimé comme Lui. Allez vite
faire cette contemplation, revenez à la charge, demandez, suppliez d'avoir
cette connaissance intime de Jésus, non seulement comme homme mais aussi
comme Dieu, pour mieux l'aimer et le servir.
Multipliez vos colloques, en cœur à cœur avec Lui.
*****
N° 33
VIE DE NOTRE-SEIGNEUR – SYNTHÈSE DES HAINES
Avec cette contemplation, nous terminons la deuxième partie de nos exercices.
Continuez à demander à Dieu cette connaissance intime de Notre-Seigneur qui
seule vous permettra de tout faire pour le suivre : c'est la grâce insigne que
depuis le début de cette deuxième semaine nous nous efforçons d'obtenir.
Je vous rappelle maintenant quelques lignes du livre de l'Imitation de Jésus-
Christ – chapitre 13ème du livre I :
,,Tant que nous vivons ici-bas, nous ne pouvons être exempts de tribulations et
d'épreuves. C'est pourquoi il est écrit au livre de JOB : la tentation est la vie de
l'homme sur la terre. Chacun devrait donc être toujours en garde contre les
tentations qui l'assiègent, et veiller et prier pour ne point laisser lieu aux
surprises du démon, qui ne dort jamais et qui tourne de tous côtés, cherchant
quelqu'un pour le dévorer. Il n'est point d'homme si parfait et si saint qui n'ait
quelquefois des tentations, et nous ne pouvons en être entièrement affranchis.
Mais quoique importunes et pénibles, elles ne laissent pas d'être souvent très
utiles à l'homme parce qu'elles l'humilient, le purifient et l'instruisent”.
Vous avez d'ailleurs retrouvé cela dans les règles du discernement des esprits.
..Tous les saints ont passé par beaucoup de tentations et de souffrances, et
c'est par cette voie qu'ils ont avancé; mais ceux qui n'ont pu soutenir ces
épreuves, Dieu les a réprouvés, et ils ont défailli dans la route du salut”. Je
vous prie de remarquer, Messieurs, que ce livre de l'Imitation est approuvé lui
aussi par tous les Saints, par tous les commentateurs, par tous les Souverains
Pontifes, et on n'a jamais dit de supprimer cette phrase que je vous répète :
,,Tous les Saints ont passé par beaucoup de tentations et d'épreuves et c'est
par cette voie qu'ils ont avancé, mais ceux qui n'ont pu supporter ces épreuves,
Dieu les a réprouvés, et ils ont défailli dans la route du salut”.
Ce matin, nous avons essayé de mieux comprendre que Notre-Seigneur, au
cours des siècles, a été beaucoup aimé et encore maintenant… car, en ce
moment-ci, il y a encore des gens qui meurent pour le Christ au Vietnam, au
Soudan, au Congo, à Cuba ou ailleurs… Notre-Seigneur a été beaucoup aimé
mais Il a été aussi beaucoup haï… Au cours des siècles, que d'Anne, que de
Caïphe, que d'Hérode, que de Pilate, que de Judas aussi!…  Dans les règles
du discernement des esprits, vous le voyez mieux, mais notez le travail subtil
du démon : d'abord il essaie de faire perdre l'indifférence par de petits péchés
au début : Rappelez-vous à cet effet la méditation des 2 Étendards : il jette
d'abord des filets, puis des chaînes… péchés véniels qui n'apparaissent pas
graves, petits péchés comme on dit, mais qui deviennent péchés d'habitude…
Rappelez-vous aussi la parabole de St Bernard sur les infiltrations d'eau dans
la maison et dans les bateaux, les petits trous creusés par les vers… si on n'y
prend garde, cela gagne du terrain; de même le démon augmente la fissure en
nous habituant à ces péchés et on en vient à faire des actes qui, au début,
nous auraient fait horreur!… 
Quand une grande chute arrive à un serviteur de Dieu, dit St Bernard, elle est
longtemps préparée à l'avance par une longue période d'incubation, un peu
comme dans certaines maladies : la tuberculose par exemple, le cancer
maintenant. Bien souvent, lorsqu'on le décèle, c'est trop tard. Le démon se sert
de nos tendances pour œuvrer – rappelons-nous la 14ème règle du
discernement des esprits : de même il se comporte comme un chef de guerre
pour vaincre et voler ce qu'il désire; en effet, si un capitaine chef d'armée en
campagne établit son campement et examine les forces et les dispositions d'un
château fort et le combat par le point le plus faible, de même l'ennemi de la
nature humaine rôde sans cesse autour de nous, examine toutes nos vertus
théologales, cardinales, morales, et lorsqu'il en trouve de plus faibles et
vulnérables en vue du salut éternel, c'est par là qu'il nous attaque et cherche à
nous perdre.
Oui, il se sert de nos tendances, de nos défauts, de la dominante dans nos
passions non maîtrisées et il revient toujours là-dessus… dans la réforme de
notre vie, nous devons fortifier ces points faibles; faire les sacrifices
nécessaires pour supprimer les occasions dangereuses, les mauvaises
habitudes qui, nous l'avons déjà dit, évoluent nécessairement vers des choses
plus graves si elles ne sont pas puissamment, violemment combattues, et nous
devons faire en sorte d'arriver à l'amour de Dieu au-dessus de tout, autrement
nous restons à la merci d'une occasion plus forte : en effet, on peut aimer Dieu
et le trahir si on aime quelque chose plus que Lui, en dehors de Lui; Satan le
premier, le plus haut des Anges, Lucifer, le Porte-Lumière, aimait Dieu! mais un
jour, il s'est aimé lui-même plus que Dieu; Adam, aimait Dieu, qui pourrait en
douter ? mais un jour, il a fait passer sa femme avant Dieu! Pierre au soir du
Jeudi Saint (nous verrons mieux cela demain) aimait Notre-Seigneur Jésus-
Christ, mais à un moment donné, il a aimé sa vie, sa réputation plus que Notre-
Seigneur!…
Alors maintenant, nous allons prendre un tableau très suggestif : le mauvais
conseil chez Caïphe; nous trouvons ça dans St Jean, chapitre onzième, verset
45ème et suivants : ,,Beaucoup de Juifs, après la résurrection de Lazare, qui
étaient venus auprès de Marie et avaient vu ce que Notre-Seigneur avait fait
crurent en Lui. Cependant quelques-uns d'entre eux se rendirent auprès des
pharisiens et leur dirent ce qu'avait fait Jésus. Les grands prêtres et les
pharisiens se réunirent donc en Assemblée et ils disaient : Que ferons-nous ?
Cet homme fait beaucoup de miracles! (et remarquez comme les pharisiens
voyaient clair)… Si nous le laissons faire, tous croiront en Lui et les Romains
viendront et détruiront notre nation de notre Lieu Sacré. Or, l'un d'entre eux,
Caïphe était grand prêtre cette année-là leur dit : ,,Vous n'y entendez rien… (il
était très humble Caïphe, n'est-ce pas, vous n'y entendez rien) vous ne
réfléchissez pas qu'il est de votre intérêt qu'un seul homme meure pour le
peuple afin que toute la nation ne périsse point!”. Or, il n'avait pas dit ça de lui-
même, mais étant grand prêtre cette année-là, prophétise que Jésus devait
mourir pour la nation (et non pas seulement pour sa nation) mais aussi afin
d'amener à l'unité les enfants de Dieu qui sont dispersés (même Caïphe, qui
dans sa misère et sa mauvaise foi, travaillait pour la rédemption!). C'est donc
de ce jour-là que fut prise leur résolution de le faire mourir…
Toujours la même méthode. Personnes, paroles, actions. Regardez les
personnes rassemblées autour de Caïphe : ce sont des docteurs, des savants,
des scribes, des anciens du peuple, des prêtres et des religieux. A ce moment-
là ils représentaient le sacerdoce d'Aaron institué par Dieu lui-même; il y a là
l'élite du peuple juif; ces gens-là connaissent à fond les écritures; ils attendent
le Messie, c'est leur mission, leur raison d'être, leur fierté!… Ils doivent le
montrer au peuple lorsqu'Il arrivera. Ce sont des gens honnêtes! regardez-les,
semblables à des bourgeois policés, ils ont des vertus familiales, sociales, ils
sont respectables d'ailleurs!… et respectés… même ils sont sentimentaux, ils
ne feraient pas du mal à une mouche… à les en croire!… Regardez ça… les
personnes…
Écoutez leurs paroles : … Écoutez l'ordre du jour de Caïphe et les motifs qu'il
met en avant pour la convocation, les motifs sur lesquels on va délibérer
gravement avec un grand sérieux : les motifs sur la gloire de Dieu, le salut de la
Patrie, la responsabilité des chefs du peuple, la doctrine, la mission du peuple
de Dieu…
Actions : ils préparent le crime le plus abominable qu'ait jamais connu
l'humanité : ils préparent le déicide… par ruse, par envie, par jalousie, mais pas
pendant la fête… en dehors du peuple qui aime le Christ; ils travaillent dans les
ténèbres, comment expliquer cela ? Travaillent-ils en sérénité de conscience ?
… Peut-être!… Peut-être!… mais remarquez-le, chez tous, il y a des passions
non maîtrisées : chez les uns ou chez les autres, la cupidité, ou l'ambition, ou le
chauvinisme, l'hypocrisie ou le respect humain, mais surtout l'orgueil humain
blessé et, par les passions (rappelons-nous, pour collaborer avec Dieu nous
devons rester dans le rationnel, mais dès que nous quittons celui-ci pour aller
dans le passionnel – et l'orgueil est la plus terrible de toutes les passions – on
ne voit plus clair!…). Alors ils se font illusion sur eux-mêmes, sur leur propre
valeur… Ils ont été blessés par Notre-Seigneur : Rappelez-vous : ,,Malheur à
vous, scribes et pharisiens… malheur à vous…” 8 fois Il leur a répété : malheur
à vous” … oui, surtout l'orgueil blessé, et nous savons qu'eux-mêmes ont
corrigé la révélation divine par des ajouts humains; puis ils ont voulu faire du
messianisme une idée forte, politique, afin de conserver le tonus patriotique
des juifs et retrouver un jour – ils en rêvent – une hégémonie mondiale; ils ont
alors placé la révélation divine sur un plan purement naturel, humain,
patriotique, une hégémonie dont ils seraient les chefs et les bénéficiaires!
Notre-Seigneur dérange donc leur plan. Il met en danger leur réputation, leur
situation aussi… alors le Christ doit mourir, et comme disait Caïphe : vous n'y
entendez rien, il faut qu'Il meure pour que le peuple et la nation ne périssent
pas!… La corruption du meilleur est la pire de toute ,,Corruptis optime pessima
– la corruption de l'esprit est pire que celle du corps” je le lisais encore il y a
quelques instants dans une déclaration du Concile – et le démon va se servir
de cette passion (il y en a plusieurs en eux) pour les amener à décider d'un
crime que le peuple lui-même ne ferait pas. Ces bourgeois policés,
respectables, qui évitent tout ce qui peut choquer, vont de sang-froid, semble-t-
il, accomplir un crime qu'on ne peut pas mesurer. Le démon va les aveugler et
les mener à l'abîme! Voilà le véritable motif : le Christ les gêne, ils ont peur pour
leur situation… rappelez-vous les deux Étendards… voyez, ils ne lui
pardonnent pas sa supériorité, ses Béatitudes, ses malédictions, les vendeurs
chassés du temple où Il s'est attaqué directement aux portefeuilles…
Au cours des siècles cela arrivera souvent : ce n'est pas un accident tout ce
que l'on trouve dans les Évangiles, ces scènes détaillées ne sont pas des
accidents historiques!… les grands crimes ont toujours été commis par des
intellectuels, des hérésiarques, des rationalistes, des théoriciens, des
modernistes, tous gens cultivés tels Artus, Robespierre et combien… les
Jacobins, les marxistes qui se considèrent comme des purs, mais qui trouvent
plus pur qu'eux : Mao-Tsé-Tung par exemple… un Robespierre qui avait assez
bien réussi et qui avait en 9092 un peuple de 20 à 30 millions mais qui a
maintenant 200 à 300 millions d'hommes dans le monde, empoisonnés par ses
idées, par ses méthodes, des purs, des réformateurs!… Seuls ils ont des idées
valables, disent-ils, des idées à eux, et à notre époque, lorsqu'on voit tant de
rationalistes qui prétendent n'obéir qu'à la raison et font mépris de la Révélation
et de Notre-Seigneur qui l'a apportée et de l'Église qu'Il a fondée, nous savons
en fait à qui ils obéissent!… Comme il n'y a que deux camps, s'ils ne veulent
pas obéir au Christ, c'est au démon qu'ils obéissent et un jour, lorsqu'ils
passeront au dernier guichet, ils seront jugés par leur raison à eux! oui, derrière
cette prétendue raison il y a l'orgueil, le "MOI" qui refuse la Foi, parce que la
Foi, encore une fois, est une vertu qui repose sur l'humilité et sur
l'obéissance ,,Vigilate et orate” !… La vigilance est nécessaire et la prière aussi
pour obtenir l'humilité. Comme disait St Augustin : ,,Que je vous connaisse
Seigneur et que je me connaisse moi aussi”. Voyez, nous en revenons toujours
au contrôle, au contrôle sérieux et quotidien de nos actes, seul moyen de
savoir ce qui se passe en nous, les grâces que nous recevons (le positif) les
réponses que nous donnons, les négligences qui s'installent en nous peu à
peu, tout comme un bon chauffeur qui connaît bien sa machine, dès qu'il
constate un bruit anormal dans le moteur, ah oui, il fait attention, il en cherche
la cause!…
Deuxième point maintenant : Les princes des prêtres savent ce qu'ils veulent
mais leurs moyens leur manquent; ils ont peur du peuple… bien que Caïphe ait
donné l'ordre de ne pas le déranger, passant outre, un des serviteurs vient lui
parler à l'oreille au grand scandale de tous… Émotion visible de Caïphe qui sort
aussitôt, on vient de lui annoncer une nouvelle stupéfiante, celle de l'arrivée en
scène d'un nouveau personnage : Regardez celui-ci – ce qu'il était ? … un
pauvre employé de Galilée. Notre-Seigneur l'a choisi de toute éternité pour en
faire un apôtre, une des douze colonnes de son Église… Ce qu'il va devenir ?
… Il n'a plus que quelques heures à vivre : dans quelques heures, il sera un
damné. Personnes – paroles – actions… Regardez d'abord le bon Judas du
début, au moment de l'appel de Notre-Seigneur… Nous connaissons cela chez
les séminaristes, chez les novices… Il est parti de très grand cœur, avec un
grand courage, une grande générosité et une grande ferveur à la conquête du
royaume, mais rappelez-vous l'Imitation de Jésus-Christ ,,tous les saints ont
passé par beaucoup de tentations et d'épreuves et c'est par cette voie qu'ils ont
avancé, ceux qui n'ont pu supporter ces épreuves, Dieu les a réprouvés et ils
ont défailli dans la route du Salut”… Il y en a eu des épreuves pour les apôtres
– rappelez-vous les deux tempêtes, il y en a eu d'autres telles que l'épreuve du
discours sur le pain de vie où Notre-Seigneur promet de donner son corps à
manger et son sang à boire… alors ces épreuves font monter les uns, font
tomber les autres… Judas, lui, est intelligent, peut-être plus que les autres et il
le sait, il a du savoir faire, du sens pratique, il a beaucoup de qualités, on ne
peut en douter et personne, jusqu'au dernier moment, ne se doutera de sa
trahison, mais il a en lui deux choses dangereuses : d'abord l'orgueil; nous le
savons, n'est-ce pas ? nous l'avons déjà constaté chez Simon le lépreux avec
Madeleine : alors que Notre-Seigneur la laisse faire et approuve, lui, Judas,
réprouve, c'est-à-dire il reprend, non pas Madeleine, mais son Maître, et tandis
que le parfum se répandait dans la maison, le mauvais esprit se répandait
aussi incitant les apôtres eux-mêmes à dire ,,C'est vrai… on aurait pu vendre
cela…”.
Remarquons que St Jean, à la fin du 6ème chapitre, précise ,,Parmi vous il y a
un démon”, et Judas l'était donc déjà plus d'un en avant. Les autres apôtres
avaient eux aussi des passions, des tendances désordonnées, ce qui est très
dangereux et amène des chutes… nous la verrons d'ailleurs, cette chute des
apôtres au moment de la Passion, mais lorsqu'il y a en nous un peu d'humilité,
Notre-Seigneur arrive à nous sauver. Une passion désordonnée, s'il est vrai
qu'elle fausse nos jugements et met, comme je le disais ce matin, une paille
dans l'acier de notre Foi et nous fait tomber, il est également certain que
l'obéissance et l'humble soumission en corrigent les effets, que l'humilité
relève… Voyons combien l'obéissance est nécessaire et salvatrice pour le
prêtre, pour le religieux, pour le laïc aussi, surtout à notre époque… Oui, savoir
obéir, parce que nous ne pouvons pas juger… il est très difficile de juger
sainement… on le fait souvent d'une manière répréhensible et téméraire et en
parler reste difficile surtout s'il s'agit de sujets touchant à la religion et à la
morale. Rappelons-nous ce que St Ignace nous dit à ce sujet dans les Règles
pour sentir avec l'Église : dans sa 10ème règle, page 448 : ,,Nous devons être
davantage prompts à approuver et louer aussi bien les décisions et
ordonnances que la bonne conduite de nos Supérieurs, parce que, même si
parfois elles n'étaient ou n'avaient pas été comme il se doit, en parler contre,
soit en prêchant en public, soit en conversant devant le peuple simple,
engendrerait plus de médisance et de scandale que de profit. Et ainsi le peuple
s'indignerait contre ses supérieurs soit temporels soit spirituels. De manière
que, ainsi qu'il est nuisible de parler mal des Supérieurs en leur absence aux
gens simples, de même il peut être profitable de parler de l'irrégularité de leur
conduite aux personnes mêmes qui peuvent y remédier”.
Voilà une règle qui vaut encore pour notre époque; oui, obéissance pour nous,
d'abord pour l'ordre, car si tout le monde commande, c'est la pagaille
évidemment, sur le simple plan naturel… A ce point de vue, dans sa belle lettre
sur
((fin page 440))

((p 441))
l'obéissance St Ignace insiste et nous dit : Voyez sur un bateau, il n'y a qu'un
capitaine, dans une armée, il y a un chef de chaque unité a un chef particulier;
même chez les animaux, lorsque les oies s'envolent il n'y en a qu'une qui dirige
le vol…; eh oui, il faut obéir, d'abord pour l'ordre, nous l'avons vu, pour la paix
ensuite, par humilité, car on se défie ainsi de soi, c'est là l'extraordinaire valeur
de l'obéissance et, enfin, pour ne pas rater l'occasion de la sainteté. Imaginez
qu'Abraham ait refusé d'obéir sous prétexte qu'il n'était pas possible d'obéir
dans ce cas-là… c'est l'enfant de la promesse… je n'ai que ce fils… nous
sommes trop vieux pour en avoir un autre… certes, les raisons ne manquaient
pas,… ah! non!, il aurait tout fait rater!… Imaginez que St Joseph ne se soit pas
montré disponible aux inspirations qui lui venaient d'en haut, par exemple pour
retarder le départ de Nazareth, ce qui, pour partir en Égypte, paraissait être
humainement une folie, lui aussi aurait tout fait rater!… Oui, lorsque nous
ramenons trop à notre idée, l'opposant à celle de certains supérieurs, nous
pouvons manquer la Sainteté et quelquefois le Salut!… Les Saints obéissent
pour toutes ces raisons mais ceux qui ne sont pas saints on pourrait dire que
c'est souvent comme par nécessité qu'ils ne veulent pas obéir, pourquoi ?
parce qu'on ne peut pas se conduire soi-même avec un instrument faussé, car
tous, plus ou moins, nous avons des passions mal maîtrisées et cela peut nous
mener très loin…
Judas en est l'illustration, nous l'avons noté : il veut faire l'homme, il juge son
Maître; après la multiplication des pains, lui, multiple les jugements
téméraires… Qu'est-ce que cela veut dire ?… Il parle de sa royauté, puis Il n'en
veut pas ? Et le lendemain – ce qui prouve qu'au moment de la promesse,
Judas n'y croyait plus – c'est complètement fou que de donner son corps à
manger et son sang à boire!… n'ayant plus la foi, il aurait dû partir; non, il est
resté, sans doute par respect humain, peut-être aussi essayant de penser
comment il pourrait compenser sa déconvenue, peut-être avait-il la garde de la
bourse ?… En tout cas Notre-Seigneur va multiplier ses bienfaits à l'égard de
Judas pour réveiller son affection à son endroit car Jésus n'a pas eu pour les
autres les prévenances qu'Il a manifestées pour lui, mais tout cela en vain…
Il y a eu des épreuves aussi : l'annonce de sa Passion, les deux tempêtes, la
multiplication des pains et le pain de vie dont nous venons de parler… Chaque
fois il juge avec une injustice de plus en plus grande et malgré la confiance que
Notre-Seigneur lui témoigne, l'amitié dont il l'honore, il voit chez Notre-Seigneur
des signes de faiblesse… Nous savons que le geste de Madeleine est décisif.
Nous avons vu la réaction de Judas : au nom des autres il condamne ce que
son Maître absout, le motif qu'il invoque ?… les pauvres! En réalité c'est un
voleur, dit St Jean; les passions éclatent à ce moment-là vous voyez ?…,
l'orgueil, la cupidité, l'hypocrisie: elles marchent ensemble pour cacher, pour
colmater, pour camoufler les vrais motifs de cette conduite. Notre-Seigneur
répond très délicatement, indirectement mais publiquement : ,,Laissez faire
cette femme, partout où on redira son geste, dans l'évangile on la louera. Vous
aurez toujours des pauvres parmi vous, mais ne m'aurez pas toujours à moi;
elle a fait cela pour ma sépulture”. Mais Judas est blessé, il est humilié,
essayons de deviner ses réactions d'après la suite.
Encore une fois, l'évangile ne dit pas tout mais nous laisse deviner certaines
réactions psychologiques : Ah! si je n'étais pas là… (il ne manque aucune
occasion de se faire illusion sur lui-même, il se considère comme un petit Bon
Dieu, Judas!) Comment ferait Jésus, qui manque de sens pratique ?… qu'est-
ce qui fait marcher, qu'est-ce qui veille à tout ici ? Il ne faudrait pas quand
même qu'Il oublie mes services!… Il m'a humilié devant tout le monde en
donnant raison à cette fille, une traînée!… Est-ce que ça va durer encore
longtemps, après tout ce que je fais pour Lui ?… Dire qu'on aurait pu vendre ça
300 deniers, une petite fortune, 300 deniers gaspillés comme ça!… Ah!…
Mais il y a quelqu'un qui enchaîne, nous savons qui… : tu en perds donc 30 toi,
le 10 %!… Pourquoi ne chercherais-tu pas à te dédommager, puisqu'Il paraît
oublier ton dévouement ?… qu'Il te méprise devant tout le monde, et puisqu'Il
veut mourir ? Il veut mourir!… A chaque instant Il parle de sa mort, depuis deux
ans… Il la désire, tu ne lui feras pas donc grand tort… d'ailleurs, Il est perdu de
toute façon! l'affaire va finir bêtement, par sa faute… (Il n'avait plus la Foi,
Judas, évidemment qu'il n'avait plus la Foi, et pourtant il en a vu des miracles,
lui, mais nous restons libres, et les passions non maîtrisées laissent le champ
libre au démon)… pourquoi ne pas en profiter puisqu'Il veut mourir ?… Il
multiplie les gaffes, les sottises!… avec cette histoire de son corps, imaginez!
… et puis d'avoir chassé les vendeurs, c'est idiot ça, il faut bien vivre quand
même!… Eh oui, première pensée de trahison, premier coup de sonde du
démon… Notre-Seigneur pourtant redouble de prévenances envers lui; encore
une fois Il ne fait pour aucun autre apôtre ce qu'Il fait pour Judas et jusqu'au
dernier moment Il va l'appeler "Mon Ami" là, dans le Jardin. Et attention! Notre-
Seigneur ne parle pas pour ne rien dire, ce ne sont pas des paroles
conventionnelles de politesse qu'Il emploie!… Il est le Verbe de Dieu!
Permettez-moi l'expression ,,Il sait ce que parler veut dire” les paroles qu'Il
prononce ont un sens plein, parfait chez Lui, lorsqu'Il dit "Mon Ami" Il pense
"mon ami", jusqu'au dernier moment, mais, à chaque acte d'amitié l'orgueil de
Judas fait obstacle : Ah! il voudrait m'avoir par les sentiments ? Ça ne prend
pas avec moi, je ne suis pas un imbécile!… Cependant, il lui reste encore
quelques scrupules… mais la communion sacrilège va tout enlever…
St Jean nous dit : lorsqu'il prit la bouchée, Satan entra en lui; Satan y était déjà
depuis longtemps nous l'avons vu, – en général tous les anciens docteurs
pensent que Judas a communié. Ce n'est pas dit clairement dans l'évangile, on
n'y voit pas nettement s'il est parti avant ou après l'eucharistie; les modernes,
eux, s'écartent de ce sens, mais il n'en reste pas moins probable, si non
certain, que l'évangéliste n'a pu relater cette parole mystérieuse ,,Satan entra
en lui” pour la bouchée au cours du repas – une nourriture ordinaire ne peut
faire entrer Satan en nous – mais qu'il l'a relatée pour la nourriture donnée en
communion aux apôtres après l'institution de la Très Sainte Eucharistie…
Voltaire, un jour à Fernay, comme un jeune libertin lui disait qu'il avait honte et
difficulté à une action très vilaine, Voltaire ironisa, paraît-il, et lui dit : Va faire
une communion sacrilège, tu verras, après, cela ira tout seul!…
A ce moment, Notre-Seigneur semble abandonner Judas… ,,Ce que tu as à
faire, fais le vite”; cependant il essaiera encore une fois de le sauver… Voilà
donc Judas devant les membres du Sanhédrin. Essayez de réaliser les
calomnies qu'il a dû multiplier auprès de ses nouveaux amis pour justifier sa
trahison et les motifs qu'il met en avant pour jouer son jeu, en se faisant
mépriser d'ailleurs… J'ai maintenant compris que pour la gloire de Dieu cet
homme-là cherchait à ruiner la nation!… Heu! Caïphe n'en demandait pas
tant…
Ainsi, mes chers Messieurs, remarquez-le, on peut vivre dans l'entourage
immédiat de Notre-Seigneur, dans son intimité, avoir reçu de Lui un appel
spécial et de très grandes grâces, avoir vu s'accomplir des miracles, avoir fait
des miracles – car ils ont fait des miracles, les apôtres, lorsque Notre-Seigneur
les a envoyés deux par deux - et manquer d'humilité, de vigilance aussi et par
cela même donner prise au démon qui peut nous entraîner à la damnation. St
Paul nous dit : ,,Il faut faire son salut avec crainte et tremblement” et le Pape
Pie XII, qu'on n'aime guère à notre époque, l'a rappelée, cette parole… Judas
s'est perdu par l'orgueil. S'il n'y avait eu en lui que la cupidité, comme chez St
Pierre la présomption et chez tous la lâcheté, si Judas avait eu un peu
d'humilité, il serait sur les autels… mais attention! toute passion nourrit l'orgueil,
n'importe quelle passion est l'affirmation du "Moi" en dehors de la vérité, dans
le brouillard, dans l'illusion! Si on ne la contraint pas, une passion peut nous
mener très loin!… aussi faut-il la contrer sans cesse, autrement on est perdu.
Nous en revenons donc à ce que je vous disais au début, les épreuves qui
fortifient les uns, même s'ils chancellent, s'ils tombent parfois, (car Notre-
Seigneur les relève s'ils font preuve d'humilité) fait tomber les autres car Notre-
Seigneur refuse sa grâce aux orgueilleux… 
Remarquons à quel point les passions aveuglent… Judas a un très grand
sentiment de sa supériorité, on le voit bien devant le geste de Madeleine, alors
qu'il prend la parole au nom de tous contre son Maître; il va perdre l'occasion
incomparable que Dieu lui avait donnée d'être l'un des douze; de toute éternité
des grâces lui étaient réservées pour cela! Remarquez-le, il va perdre cette
occasion; pour 30 pièces d'argent, il va perdre son caractère d'apôtre, il va
perdre son éternité et dès qu'il les aura en mains, ces 30 pièces d'argent, elles
vont les lui brûler et il va les jeter, oui… et rappelons-nous aussi que chacun
d'entre nous porte en soi un petit Judas qui sommeille, un petit Caïphe, un petit
Hérode, un petit Pilate… Quelquefois il fait des siennes dans certaines
réactions et chaque petit désordre accepté dans une habitude renforce ce petit
Judas, ce petit Caïphe, ce petit Hérode, ce petit Pilate… Mais le contraire est
vrai aussi… : tous les petits efforts que nous faisons contre nos passions,
efforts répétés malgré nos faiblesses, avec la grâce de Dieu peuvent nous
mener très haut aussi!
Mes chers Messieurs, vous allez réfléchir là-dessus. Nous sommes toujours
dans la même ligne; ceux qui ratent les occasions, non seulement Judas qui va
rater la sienne, mais tous ces gens qui sont là, dans ce Sanhédrin, qui ont enfin
trouvé un moyen avec la trahison de Judas… Oui, eux aussi, vont rater
l'occasion de leur vie, sauf quelques-uns peut-être que Notre-Seigneur réussira
à sauver au dernier moment parce que justement ils auront un peu d'humilité.
Revoyons cette scène :
Je vous ai donné 3 points. Je vous ai rappelé d'abord comment le démon agit
pour nous faire perdre l'indifférence, des petites choses vénielles qui
s'enveniment peu à peu et qui peuvent nous entraîner à l'abîme; puis le
mauvais conseil chez Caïphe : regardez les personnes, écoutez les paroles, les
motifs qui sont mis en avant; les actions : ils préparent le déicide, en toute
tranquillité de conscience ? Peut-être ? Pourquoi ? … Une ou plusieurs
passions non maîtrisées, l'illusion sur eux-mêmes, l'orgueil blessé surtout; par
là, Satan va les entraîner…
Deuxième point : Il manque un moyen. Et tout d'un coup entre en scène un
nouveau personnage. Regardons-le aussi. Voyons qui est-ce… comment il a
commencé, ses paroles, ses actions… les épreuves que les apôtres ont eues, il
les a subies lui aussi, mais mal; elles élèvent les uns et font tomber les
autres… Judas a déjà trahi depuis plus d'un an.
Troisième point : Nous le voyons dans les discussions avec les autres. Notre-
Seigneur Jésus-Christ, jusqu'au dernier moment, va essayer de le sauver, mais
il va se perdre, pourquoi ? l'orgueil, le manque d'humilité. Au début on ne se
rend pas compte que toutes nos passions nourrissent l'orgueil, on ne se rend
pas compte et nous en revenons toujours au contrôle, au contrôle quotidien,
c'est-à-dire que sans l'examen de conscience bien fait pour voir ce qui se
passe en nous, nous ne pouvons pas voir les grâces que nous recevons de
Dieu,, les inspirations divines et les réponses que nous leur donnons, nous ne
pouvons pas voir les petites négligences qui s'introduisent en nous, et dans ces
conditions il ne nous est pas possible de nous sanctifier et même nous pouvons
défaillir dans la voie du salut et perdre notre éternité.
Multipliez les colloques. Demandez avant de terminer de réunir en cette
deuxième semaine (j'allais dire un gros paquet de connaissances), je veux dire
de très grandes grâces pour la connaissance intime de Notre-Seigneur. Au
fond c'est un très grand moyen. Voyez Pierre qui a trahi, toutefois pas aussi
lourdement que Judas; il a quand même renié Notre-Seigneur, mais Pierre
aimait Jésus, il avait de l'humilité, et Jésus a pu le sauver, mais Judas, au lieu
d'humilité avait de l'orgueil, et Notre-Seigneur est resté impuissant à le sauver.
Multipliez les colloques, soignez vos examens et préparez très sérieusement
votre réforme de vie et certains, les jeunes, le choix de votre état de vie, non
pas qu'il faille faire du nouveau pour ceux qui ont déjà fait plusieurs retraites,
mais si vous avez quelque inspiration pour décider d'une résolution nouvelle,
soyez généreux avec elle mais évidemment faites contrôler par le Directeur de
la Retraite.
Allez vite faire cette belle contemplation.
*****
N° 34
L'AGRAFE D'OR DES EXERCICES
"AD AMOREM OBTINENDUM – POUR OBTENIR L'AMOUR DE DIEU"
Voulez-vous prendre la page 408. Nous allons faire cette belle et dernière
contemplation de la Retraite ayant pour objet de nous faire obtenir l'amour de
Dieu. St Ignace ne donne pas explicitement de contemplation sur la Pentecôte,
mais à un certain point de vue on peut dire que celle-ci la remplace : vous
savez que le jour de la Pentecôte, les apôtres et les disciples étaient dans le
Cénacle avec la Sainte Vierge et y terminaient une Retraite de dix jours; ils
reçoivent alors l'amour de Dieu et à partir de ce moment ils ont mieux compris
ce mystère du plan d'amour de Dieu et de la Croix. Auparavant ils étaient,
évidemment, émerveillés des perspectives que Jésus laissait entrevoir dans sa
prédication : le royaume des cieux est semblable… le royaume des cieux
ressemble… le royaume de Dieu, etc… Il leur montrait des perspectives très
riches dans ce royaume, puis vous serez mes témoins jusqu'aux extrémités de
la terre, il y avait vraiment de quoi être enthousiasmé!… cependant, dans ce
royaume, il y avait pourrait-on dire comme une grosse tache : c'est que Notre-
Seigneur prédisait sa Passion, et cela ils ne pouvaient pas l'admettre, le
digérer…
Autant qu'on peut se l'imaginer ils devaient penser : oui, bien sûr, c'est beau ce
royaume des cieux, mais c'est tout de même malheureux cette marotte qu'Il a
de toujours nous rappeler cette souffrance, cette croix, comme si la croix était
compatible, pouvait aller avec le royaume de Dieu!… En effet, pour les Juifs, le
royaume de Dieu était une chose glorieuse, magnifique, pleine de lumière,
tandis que la Croix était l'opposition la plus parfaite… Non, ils n'arrivaient pas à
concilier ces deux notions… puis, ils ont fait la retraite qui s'est terminée par la
Pentecôte, et en recevant l'Esprit d'amour, ils ont enfin compris que ce qu'ils
considéraient comme une tache, comme une opposition, comme la négation
même du royaume de Dieu, c'était ce qui le rendait, ici-bas, le plus admirable!
Et si St Ignace nous fait terminer ces Exercices par une contemplation pour
obtenir l'amour de Dieu, c'est que, en vérité, quiconque a l'amour de Dieu, n'a
pas besoin de loi pour être dirigé… Rappelons-nous le titre premier donné par
St Ignace : "Exercices spirituels pour se vaincre soi-même et pour régler sa vie
sans se laisser déterminer par aucun amour désordonné". Plus ou moins nous
avons en nous des amours désordonnés : si nous réussissons (et nous devons
le faire!) à mettre de l'ordre dans nos amours, à mettre chacun de nos amours
à sa place, à ce moment-là, nous n'avons plus besoin de loi pour nous
contraindre!… Comme le dit St Jean de la Croix : ,,Ceux qui sont arrivés au
sommet du Carmel, de la montagne du Carmel, ils n'ont plus besoin de loi”,
pourquoi ? Parce qu'ils ont toute la loi de l'amour… tout, pour eux, revient à agir
par amour…, ils ont mis de l'ordre!…
Donc, ayant essayé, par les exercices, de mettre de l'ordre dans nos amours,
nous allons maintenant demander, solliciter cet amour suprême qui mettra le
point final à nos travaux, qui couronnera nos efforts… Mais, d'abord, il convient
de prendre garde à deux choses; la première : qu'il faut considérer l'amour
dans les œuvres plus que dans les paroles. Remarquez à ce sujet que l'amour
consiste bien en paroles aussi, mais il reste évident que si les paroles sont
contredites par les œuvres, cela ne joue plus… Et ça ne joue pas non plus pour
un amour qui se contenterait de paroles seulement… Non, il faut que l'amour
se montre par les œuvres, car les œuvres montrent mieux l'amour que les
paroles. Pénétrons-nous bien de cette première vérité.
La deuxième : que l'amour consiste dans la communication mutuelle de biens;
l'amant donne à l'aimé ce qu'il a, ou de ce qu'il a, et de même réciproquement,
l'aimé à l'amant, de telle sorte que si l'on a la science, il en donne à celui qui
n'en a pas; de même s'il a des honneurs, des richesses, etc… C'est une grande
loi que cette communication mutuelle des biens…

La prière préparatoire, toujours la même; nous restons dans la même ligne _


l'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu… 
Premier préambule, la composition de lieu … Ici je me verrai devant Dieu
Notre-Seigneur, devant les Anges et devant les Saints aussi qui intercèdent
pour moi. Vous vous rappelez sans doute que nous avons déjà rencontré cette
composition de lieu dans la méditation des 3 binaires, des 3 classes
d'Hommes, la grande composition de lieu : Au balcon du Ciel là-haut, Dieu est
là qui me regarde avec les Anges, les Saints de la famille, les autres aussi…
que je réalise bien que je suis là, pauvre créature, devant toute cette cour
Céleste…
Deuxième préambule , la grâce à demander : ce sera, pour obtenir cet amour
de Dieu, d'obtenir une connaissance intime de tant de biens que j'ai reçus afin
que le reconnaissant, je puisse en tout aimer et servir la divine Majesté. Une
connaissance intime, et non superficielle… en effet, nous savons que le Bon
Dieu est infini, amour infini, mais cela nous laisse un peu dans le vague, n'est-il
pas vrai ? Or, c'est le détail qui est intéressant. Eh oui, prenons par exemple un
miracle de Lourdes… nous l'apprenons par les autres, par la radio ou les
journaux et cela ne nous fait guère d'effet, pourquoi ? Parce qu'on ne le
considère que dans sa signification générale et on se dit ,,oui, un de plus” et
cela ne nous touche guère, mais si on se donne la peine de le voir dans le
détail, de le considérer dans sa réalité, je dirai dans sa rigueur scientifique,
c'est là qu'on décèle, que l'on touche du doigt pourrait-on dire la puissance de
Dieu! c'est le détail qui est intéressant et qui souvent a une importance
primordiale. C'est vrai d'ailleurs dans tous les domaines. Je ne sais pas qui
faisait remarquer que dans toutes les grandes théories soutenues par des fous
(et sur la Terre ils n'ont pas manqué surtout au siècle dernier) eh bien, il suffit
d'un tout petit détail – oui, à cet effet je crois que c'est le professeur Rouvière
de l'Université de Paris, montrant la Finalité des choses et l'impuissance du
hasard à faire cela, disait, dans un ouvrage sur la Biologie, qu'il suffit d'un tout
petit détail biologique pour renverser les théories hypothétiques de ces
Messieurs, un petit détail qui montre la finalité… et c'est vrai partout, c'est le
détail qui est intéressant, surtout là…
Voilà donc la grâce que nous demandons tous devant la cour Céleste; celle de
connaître intimement les bienfaits de Dieu afin que le reconnaissant, nous
puissions répondre à cela, puisque, nous l'avons dit, la loi de l'amour c'est de
montrer l'amour, non pas tant en paroles, mais par des actes et par
communication mutuelle des biens. Voyez…, pour mieux répondre au
Seigneur, il faut toujours avoir présentes à l'esprit ces deux considérations, ces
deux lois…
Premier point :
Par la mémoire, me souvenir des bénéfices, des bienfaits que j'ai reçus. Nous
pourrions, pour mieux comprendre ce premier point, nous demander si Dieu
nous aime, s'Il m'aime en particulier "à moi", et cela en nous rappelant toujours
les grandes lois de l'amour.
Au début de la retraite, nous vous avons indiqué que l'amour était la
complaisance de la volonté dans un bien – l'enfant qui aime son jouet se
complaît en lui; un homme qui aime la science y ramène tout; celui qui aime les
arts, l'artiste, ramène aux Arts tout et il juge les autres hommes d'après cela;
celui qui aime les richesses, qui aime les "business", les affaires, le commerce,
juge tout dans cet angle-là, cela crée ce qu'on appelle une sorte de déformation
professionnelle; celui qui aime la science, dès qu'il voit un scientifique, se
précipite sur lui : ah! ça va ? et il ne lui parle que de science, mais les autres…
pensez!…, et lorsqu'il s'agit de l'amour de personnes, on désire les voir, on
soupire après leur présence, car l'amour suppose l'union. On appelle cela la
bienveillance qui fait qu'on désire que la personne aimée soit honorée, qu'elle
soit contente, et on fait tout pour la contenter, pour lui faire plaisir… Et c'est là
qu'on voit que le désir de satisfaire la personne aimée amène à des bienfaits,
car on lui fait des cadeaux, et c'est vrai que l'amour entraîne à des cadeaux,
l'amour montre des cadeaux aussi…
Je me rappelle à cet égard : il y a quelques années, j'avais un ami qui s'était
marié. Un de ses intimes venait le voir souvent en faisant des cadeaux à sa
femme. Évidemment, le marié en devenait jaloux et avec juste raison – car on
ne fait pas de cadeaux à la femme d'un ami… il faut faire attention à cela,
pourquoi ? eh bien parce que les cadeaux montrent l'amour… c'est évident!…
C'est une loi qui vient de Dieu, elle ne vient pas de nous; c'est comme cela, le
cadeau montre l'amour!… de telle sorte que plus les cadeaux sont répétés,
spontanés, et ont de la valeur, plus l'amour se montre! Je dis bien, plus ils ont
de la valeur, une valeur réelle, nous verrons comment et pourquoi. Mais je dis
aussi, répétés, spontanés, car ce n'est pas toujours le cas, par exemple : il y a
au bureau un chef de service qui prend sa retraite; on fait donc une collecte
pour lui offrir un cadeau… bien que tout le monde soit content qu'il s'en aille,
surtout s'il était rosse ?… le cadeau qu'on va lui faire à ce moment-là ne montre
pas l'amour, car c'est loin d'être spontané! Lorsque la reine d'Angleterre s'est
mariée, il y a une vingtaine d'années, avec Lord Mountbaten, la République
Française lui a offert je croix un service de Sèvres, ça ne veut pas dire que la
République Française avait un amour particulier pour la reine, mais cela se fait,
on ne peut guère faire autrement,… c'est de pure convention, c'est évident…,
mais lorsque le cadeau est spontané, gratuit pourrait-on dire, et surtout s'il a de
la valeur – de la valeur ?… là aussi il faut distinguer, car il ne s'agit pas
nécessairement d'une valeur financière… Tenez, je me rappelle : lorsque je
suis rentré au séminaire (c'est un souvenir qui me revient quelquefois) ma plus
jeune sœur à laquelle j'avais donné le biberon lorsqu'elle était petite (elle a 10
ans de moins que moi) a cassé sa tirelire pour acheter et m'offrir un stylo qui
n'avait pas grand prix bien sûr, mais qui représentait tout ce qu'elle avait et elle
me l'a donné avec beaucoup d'amour, aussi ce stylo est-il encore pour moi
d'une très grande valeur, parce que ma petite sœur ne pouvait me donner
davantage!… par contre certains cadeaux ont de la valeur au point de vue de
leur prix mais ils perdent beaucoup de leur caractère par la façon dont ils sont
offerts… voilà par exemple un homme riche plus ou moins parvenu parce qu'il
gagne dans les affaires… c'est la fête de sa femme, alors imaginez-vous le voir
entrer le soir dans un magasin : il achète un cadeau de valeur (une petite
fortune) puis il arrive à la maison et d'un ton bougon : ,,Té, je te porte ça pour ta
fête…” ça perd toute valeur… il y a la façon de donner, vous le comprenez
bien! La valeur n'est pas forcément financière… pour déterminer la valeur vraie
des cadeaux, il faut pouvoir peser ce que nous pourrions appeler leur valeur
psychologique, avec tout ce que cela entraîne de spontanéité et de répétition
aussi…
Alors demandons-nous maintenant : Est-ce que Dieu m'aime ? Eh bien une
autre question va y répondre : ,,Est-ce qu'Il m'a fait des cadeaux, des cadeaux
de valeur, des cadeaux spontanés, des cadeaux répétés ?…”. Eh bien St
Ignace nous dit : ,,Par la mémoire, rappelons-nous les bénéfices que nous
avons reçus. D'abord la Création tout entière. Bien souvent, lorsque nous
parlons de l'amour de Dieu nous pensons aussitôt à la crèche, et c'est
vrai…, nous pensons à la Passion, et c'est vrai…, nous pensons à l'eucharistie,
à la messe, c'est toujours vrai, mais il s'agit là de "sommets" de la religion, et il
y en a bien d'autres… il y a tout l'Ancien Testament, et avant lui toute la
Création en tant que telle comme nous le dit St Ignace, avec toutes ses
périodes géologiques et tout ce qui en découle pour nous sur le plan naturel, le
gaz, le charbon, les minéraux, les sources, que sais-je ? Ah! il y a déjà
beaucoup de choses là, simplement sur le plan naturel, de tout ce que j'ai reçu
comme bienfaits avec les autres hommes…
Je croix que c'est Chesterton, le grand converti anglais, un homme plein
d'humour, de logique et de bon sens aussi, même humain, (cela l'a amené
d'ailleurs à la conversion et à la vérité) qui disait un jour : ,,On remercie
quelqu'un qui, pour Christmas, pour la Noël, fait un cadeau : une boîte de
chocolat, un livre ou un stylo… mais pourquoi ne remercierais-je pas la bonne
fée qui m'a donné deux mains, ces deux pinces universelles qui ont tellement
de valeur – et qui sont bien faites, n'est-il pas vrai ? … il faut en perdre une
pour s'apercevoir de leur valeur,… deux, heureusement! il y en a deux!… Deux
yeux aussi… non seulement Dieu a créé la lumière, mais Il m'a donné deux
yeux pour la contempler et m'en servir, à quoi servirait-elle si je n'avais pas
d'yeux pour la voir ? Oui, merci mon Dieu, d'avoir fait la lumière si belle, si
variée et de m'avoir donné les yeux; deux oreilles aussi : c'est bien beau d'avoir
du Mozart, des disques, etc… si je n'ai pas d'oreilles… et on pourrait continuer
à énumérer tout ce que nous avons dans le corps, deux poumons, deux reins…
si on enlève un rein, il en reste toujours un, un cerveau, un cœur, merci mon
Dieu!… essayez d'énumérer, vous n'en finirez pas et puis voyez la
correspondance, il y a l'œil mais il y a la lumière, il y a l'oreille mais il y a les
sons, c'est là qu'on voit la finalité aussi, que tous les organes ont été créés pour
tel ou tel usage… essayez d'énumérer tous les jeux de lumière, les arbres, les
fleurs, la profusion, les fruits. quelquefois, quand on était gamin, on allait
marauder pour manger une pomme, maintenant, on en est, je dirais, presque
gavé à tel point qu'on ne les ramasse même pas tellement on les obtient à
profusion. Le Bon Dieu aurait pu limiter cela à quelques variétés, mais il y en a
des quantités – pas loin de Chabeuil nous avons un ami spécialiste de la
pomme – un jour que j'allais avec le frère prendre chez lui quelques provisions
pour la maison de retraite, il me dit : savez-vous que j'ai au moins une vingtaine
de variétés de pommes et là, dans sa cave, de m'entendre dire : ,,goûtez celle-
ci, c'est une golden,… celle-ci, c'est une canadienne, celle-là une Belle Dore…
oh, oh, dites-moi, impossible avec mon estomac de vous les goûter toutes,
mais ces variétés possédaient effectivement une saveur différente; dans le vin
c'est pareil… dans les bois aussi, dans les fleurs, quelle profusion!… et les
oiseaux, et les poissons, que sais-je moi ? Sur un simple plan naturel, c'est une
splendeur que de voir la création dans son détail… et puis les couchers de
soleil… pour un peintre c'est du merveilleux; ils forment parfois une palette de
couleurs extraordinaire; il y en a même que personne ne regarde, des aurores
boréales admirées seulement de quelques esquimaux!… et la Mer, la mer qui
n'est jamais la même selon les heures où on la contemple et, vous disais-je
l'autre jour, comme la racontait Marius à Marseille : et encore, tu ne vois que le
dessus!… Et c'est vrai, il y a tout le dessous dont on commence à peine à
soupçonner les richesses! On raconte aussi qu'à la cathédrale de Reims,
lorsqu'on s'est mis après la guerre de 14-18 à restaurer des chapiteaux très
élevés, on s'est aperçu qu'il y avait là des sculptures de toute beauté que
personne ne voyait jamais; on voit par là ce qu'ont pu faire des hommes par
simple amour de Dieu! des œuvres que personne ne voit et qui sont
simplement là pour chanter la gloire et la louange du Seigneur! des splendeurs
que le Bon Dieu fait pour Lui, pour que les cieux chantent sa gloire nous dit
l'Écriture, mais nous avons aussi l'honneur d'être admis à cette admiration de la
splendeur de la nature sur le plan naturel…
Essayons encore d'énumérer tout ce que nous avons reçu de Dieu au point de
vue des minéraux, de l'or, de l'argent, des pierres précieuses… il y en a des
quantités de ces pierres, je n'en connais point les catégories, mais rappelons-
nous les topazes, les rubis, les émeraudes, les améthystes…! … et c'est beau,
c'est magnifique… oui, essayons d'énumérer sur le simple plan naturel; toutes
ces choses que nous avons d'ailleurs en partage avec les païens… on ne peut
pas!… David a essayé un jour d'énumérer sur le plan naturel, mais on ne peut
pas… on ne peut pas!…
Passons maintenant sur le plan surnaturel. St Thomas d'Aquin nous dit :
,,L'Amour d'amitié suppose l'égalité ou la crée”. Comment avoir une égalité
avec Dieu ?… Un Roi peut avoir une égalité, une certaine égalité avec des
Barons, des Comtes, des Ducs, des Princes, peut-être! mais comment un Roi
pourra-t-il avoir égalité avec un bûcheron, très fruste, très rude ?… C'est très
difficile, parce qu'ils n'ont pas de points communs, cependant dit St Thomas, ou
bien il trouve l'égalité, ou bien il la crée, et après nous savons que parfois des
rois ont éduqué des bûcherons les rendant peu à peu aptes à une certaine
égalité. Eh bien, voyez-vous, le Bon Dieu fait pareil. Il est certain qu'entre Lui et
nous, qu'entre le Créateur et la créature il y a un fossé que l'on peut appeler
infini, qu'on ne peut pas combler si nous considérons nos possibilités purement
humaines, alors Dieu a pris soin de combler ce fossé, mais comment ?… En
nous élevant à l'état surnaturel, de telle sorte qu'après la litanie des biens
naturels, litanie qui pourrait nous accaparer longtemps, nous pourrions faire
aussi la litanie des biens surnaturels dont le Bon Dieu nous a comblés!
Nous pourrions nous rappeler l'Ancien Testament… nous avons en effet en
nous des assises qui viennent de très loin, qui viennent de cet Ancien
Testament… imaginez ce que serait le monde catholique, le monde des
chrétiens, s'il n'y avait pas l'Ancien Testament, le début de la Genèse, le récit
d'Adam et Êve et des patriarches, de Noé, de Joseph et de ses frères : ces
récits du début de l'Ancien Testament et, indépendamment de ces richesses,
les psaumes… il y en a 150, dont certains passages sont des merveilles!
certains versets sont d'une profondeur extraordinaire: que de richesses,
Messieurs, sur le seul plan surnaturel; mais encore, ce n'est pas tout puisqu'il y
a aussi le Nouveau Testament : il y les paraboles, il y a les miracles de Notre-
Seigneur, il y a tout l'enseignement qu'Il a donné. Essayons d'énumérer tous
les miracles qu'Il a faits pour nous enseigner quelque chose… ce n'est pas tout,
il y a toutes les épîtres des apôtres – que de richesses là-dedans – il y a aussi
l'histoire de l'Église, l'histoire des Saints… il y en a des millions!… Lorsque
nous lisons par exemple la vie de Ste Agnès, de Ste Jeanne d'Arc, de tel ou tel
martyr, c'est vraiment très beau et très édifiant; des merveilles que l'on ne
pourrait pas arriver à énumérer, elles constituent une litanie sans fin…
Enfin il y a aussi la litanie des biens que j'ai reçus, moi seul, en particulier, qui
m'appartiennent en propre, la vie que j'ai reçue, qui est ma vie à moi, avec telle
qualités,… le Bon Dieu m'a doté d'une façon très particulière… ma mère, elle
est unique… mon père est unique… mes frères, mes sœurs, chacun peut en
dire autant de soi… vous savez que pour une maman, sont enfant est toujours
le plus beau de tous, mais si c'est vrai pour l'enfant, c'est vrai pour la maman
aux yeux de l'enfant… Et le Seigneur qui m'a fait naître dans un pays
catholique… toutes ces choses que j'ai reçues et que n'ont pas reçu les autres,
on pourrait en énumérer à l'infini et elles sont autant de cadeaux que Dieu m'a
faits, à moi!… 
En résumé donc, dans ce premier point, se rappeler les bienfaits reçus : la
Création – son détail; la Rédemption – son détail; les dons particuliers – leur
détail, pesant avec une grande adhésion de cœur combien Dieu a fait pour moi,
me souvenant aussi que l'amour se montre par des œuvres plus que par des
paroles, il se montre davantage par communication mutuelle de biens. Eh bien,
alors, que chacun essaye de peser ce que le Bon Dieu a fait, "pour moi",
combien Il m'a donné de ce qu'Il a, combien Il désire se donner lui-même à
moi, un peu comme le ferait une fiancée qui offre à son fiancé et qui donne son
amour par le truchement de cadeau.
Après avoir réfléchi en moi-même je me demanderai avec beaucoup de raison
et de justice ce que je devrai de mon côté offrir à la divine Majesté qui m'a tant
comblé sur le plan naturel, sur le plan surnaturel et sur le plan particulier.
Qu'est-ce que je devrai faire, Moi ? Eh bien il me faudra offrir tout ce que j'ai
(choses qui me viennent de Lui) et moi-même avec elles, et cela comme une
personne qui offre avec une grande force, qui offre du fond de son cœur. Mais
attention, mes chers Messieurs, nous avons là une prière terrible, cette prière
que St Ignace nous fait faire pour nous faire offrir à Dieu ce que nous
possédons est une prière qui nous engage! Beaucoup de chrétiens peuvent
avoir l'occasion de la réciter, mais on la récite comme ça,
machinalement… comme beaucoup de prières, sans trop y mettre de son
cœur, et pourtant, à la regarder de près, elle est terrible : Prenez Seigneur – et
avec une grande force, comme une personne qui offre et qui désire faire plaisir,
qui désire qu'on accepte son cadeau – Prenez Seigneur et recevez ma liberté
– (oui, en Chine par exemple, il doit y avoir de nombreux missionnaires qui ont
fait cette prière, des religieuses, des religieux, et un jour le Bon Dieu leur a pris
la liberté extérieure, il y en a qui sont encore en prison, des chrétiens qui sont
en prison pour le Christ)… – Prenez ma liberté, ma mémoire, mon intelligence,
ma volonté, tout ce que j'ai et que je possède : c'est Vous qui me l'avez donné,
je vous le rends, tout est à vous. Disposez-en entièrement selon votre bon
plaisir _ Donnez-moi seulement votre amour et votre grâce, cela me suffit. Oui,
une prière terrible! Combien de chrétiens qui l'ont faite sans savoir à quoi ils
s'engageaient : donc si un jour le Bon Dieu vous prend votre intelligence, vous
prend votre volonté, vous prend ce que vous lui offrez, il ne faudra pas crier au
scandale, ou bien alors ne faites pas la prière…
Je vous dis cela parce que quelquefois en la récitant on fait un peu comme les
enfants : Je passais un jour chez ma sœur dont je vous parlais tout à l'heure,
elle a 10 enfants maintenant et mon filleul, Bernard, me faisait des mamours…
tonton… tonton… oh, tonton!… et puis il avait un gâteau, alors je lui dis :
donne-moi, Bernard, puisque tu m'aimes bien, donne-moi ton gâteau… Il me
regarde ahuri!… mais Bernard, donne-moi ton gâteau, puisque tu m'aimes
bien, l'amour se prouve par des actes, non ?… Bernard a continué à me
regarder, un peu effrayé, tout d'un coup son visage s'illumine, on aurait dit
qu'on ouvrait une fenêtre au soleil, un beau sourire, un sourire d'enfant, un
sourire vainqueur, glorieux, il me regarde et, du bout des doigts il prend un
atome de gâteau et il me le tend en me disant : Tiens tonton… Oui, Bernard,
toi, tu es un grand catholique!…
Mes chers Messieurs, ou bien ne faisons pas la prière, ou si nous la faisons,
faisons-la sérieusement! Le Bon Dieu n'aime pas les grimaces, voilà, et St
Ignace nous en prévient en nous demandant, d'abord, de bien réfléchir en
nous-mêmes, considérant ce que moi, avec beaucoup de raison et de justice,
après avoir vu ce que le Bon Dieu a fait pour moi sur le plan naturel, sur le plan
surnaturel, sur le plan particulier, après avoir pesé tous les cadeaux qu'Il m'a
faits, qu'est-ce que ma raison et la justice demandent d'offrir ? Eh bien, elles
demandent que j'offre tout moi-même et tout ce que j'ai avec elles, oui,
PRENEZ SEIGNEUR! Vous voyez combien de choses il y a là-dedans! Cette
énumération, ces litanies de biens naturels, surnaturels, particuliers, la vie
physique, la vie surnaturelle, le baptême, la confirmation, les sacrements! Que
de bienfaits, que de cadeaux! Combien de fois avons-nous reçu le sacrement
de pénitence! Combien de fois avons-nous promis au Bon Dieu que nous lui
serions désormais fidèles, que le péché c'était fini… je vous le jure mon Dieu!…
combien de fois avons-nous reçu la Sainte Communion ? Une communion ça
devrait nous transformer, combien de fois avons-nous assisté à la Messe ?… le
Bon Dieu ne se lasse pas dans ses cadeaux… oui, alors, cette prière, elle est
normale pour quelqu'un qui comprend, mais il est bon qu'on sache à quoi elle
nous entraîne, ou bien ne la faisons pas, mais à ce moment-là nous manquons
aux lois de l'amour, tandis que si nous acceptons la prière pour ne pas
manquer aux lois de l'amour, rappelons-nous qu'on ne se moque pas de Dieu,
qu'on ne se moque pas de l'Amour!…
Deuxième point:
Dans ce second point, je considérerai Dieu présent dans toutes les créatures. Il
est dans les éléments, leur donnant l'être; dans les plantes, leur donnant la vie
végétative; dans les animaux, leur donnant la sensibilité; dans les hommes leur
donnant l'intelligence.
Voilà, tout est résumé en moi, je suis comme un petit monde ayant la vie, la
sensibilité, l'intelligence, un microcosme comme on dit maintenant. De même
regarder comment Il fait de moi un Temple, m'ayant créé, par la vie
surnaturelle, à la ressemblance et à l'image de sa Divine Majesté. Ici encore je
ferai la même chose, comme il a été dit dans le premier point. Je réfléchirai en
moi-même comme précédemment ou de toute autre manière que je
comprendrais mieux.
Vous voyez St Ignace nous laisse guider par le St Esprit. Il ne nous impose pas
telle ou telle chose, comme on l'a dit dans le premier point où il est difficile de
répondre si ce n'est par la prière ,,Prenez Seigneur”, etc… C'est la seule
manière d'y répondre, tandis que dans ce deuxième point c'est beaucoup
moins impératif, c'est le St Esprit qui va guider notre choix, nous élevant
davantage pour agir par pur amour. Pour cela, dans ce deuxième point, on
recommence la même énumération des bienfaits naturels, surnaturels et
particuliers que j'ai reçus de Dieu mais en y ajoutant quelque chose : c'est que
Dieu non seulement me fait ces cadeaux, mais Il me les apporte à moi-même.
Vous voyez la différence!… C'est très bien que Madame la Marquise X…, dans
telle paroisse de Paris, pour la Noël s'occupe à la confection de colis pour les
vieillards ou les pauvres. Elle fait des paquets très séduisants avec des jouets
pour les enfants, des chocolats, etc… c'est très beau de faire ça, de faire ces
cadeaux, mais c'est beaucoup plus beau et vous le comprenez, si Madame la
Marquise va les porter elle-même en s'intéressant aux familles qu'elle visite,
cela a beaucoup plus de valeur à ce moment-là. Eh bien c'est ce que fait le Bon
Dieu, me présentant lui-même les cadeaux que ces litanies me fait énumérer,
et bien qu'Il se cache. Il se cache pour de nombreuses raisons
psychologiques : les parents qui préparent la Noël de leurs petits… les souliers
sont dans la cheminée, mais les parents se cachent derrière un rideau lorsque
les petits arrivent devant cette cheminée dont on a tant parlé et les parents
s'extasient devant l'émerveillement de leurs enfants quand ils voient ce que le
petit Jésus leur a apporté; ou bien c'est la maman qui a préparé pour son grand
fils un beau stylo qu'il désire depuis longtemps, et le jour de sa fête, elle le lui
glisse sous la serviette mais elle ne reste pas là, et si possible elle fait en sorte
de jouir de la joie de son petit, de son grand fils lorsqu'il trouve son cadeau. Eh
bien le Bon Dieu fait pareil. Non seulement Il sa cache, mais Il est là, c'est Lui
qui me l'offre, Il me l'a préparé, Il est là… Remarquez que St Ignace aurait pu
alors nous faire renouveler la prière "Prenez Seigneur, etc…", mais nous l'ayant
déjà fait faire au premier point où elle apparaît comme la condition nécessaire
pour obtenir l'amour de Dieu, dans ce deuxième point, il préfère nous
abandonner aux inspirations du St Esprit, de telle sorte que notre réponse soit
plus élevée, c'est-à-dire qu'elle vienne de nous-mêmes et ne soit pas en
quelque sorte comme conditionnée par l'engagement formulé dans la prière,
mais qu'elle soit en bref "DIGNE, ATTENTE AC DEVOTE" dans toute nos
relations avec Dieu.
En effet, et je m'adresse à votre expérience, il est certain que bien souvent,
dans notre vie religieuse, dans notre vie de chrétien, nous avons des gestes
religieux, mais les vivons-nous comme il faudrait ? A la messe par exemple,
nous savons que le Bon Dieu est là présent, nous faisant ses cadeaux, présent
avec sa puissance, avec sa bonté, avec sa substance aussi,… Il est là… et en
moi, par la grâce, la Sainte Trinité réalise son mystère, le PÈRE engendre son
FILS, et le PÈRE et le FILS, produisent cette inspiration d'amour qu'on appelle
le St Esprit, et cela en moi!… St Thomas a une expression extraordinaire au
sujet de la grâce dans un âme : il dit ,,l'âme est TRINIFIÉE”… expression de St
Thomas!… c'est-à-dire qu'elle est transformée en la Sainte Trinité. Oui, Dieu
est présent. Il ne peut pas ne pas être présent avec tous ses dons puisqu'Il est
la Cause première, mais comment répondre à cela ?… Eh bien, en étant
présent nous aussi. Dans le Bréviaire, nous avons, nous prêtres, une prière
qu'on peut toujours réciter; auparavant elle était obligatoire et ne l'est pas
maintenant; avant de commencer le bréviaire on demande à Dieu la grâce de le
réciter "DIGNE ATTENTE AC DEVOTE" avec dignité pour le corps, avec
l'attention pour l'intelligence, tous deux présentant la dévotion. Conservez et
essayez cette formule, facile à retenir n'est-ce pas ? dignement, avec attention
et avec dévotion, DIGNE, ATTENTE, AC DEVOTE, il faudrait l'appliquer dans
tous nos actes religieux, dans toutes nos cérémonies, dans toutes nos prières.
Si nous faisons cela à la messe, voyez combien de mérites et de grâces elle
nous ferait obtenir, lorsque nous recevons la Sainte Communion, voyez la
dévotion qui en découlerait même si nous sommes dans la sécheresse!… Le
don de la ferveur sensible ne nous est pas toujours donné, mais nous pouvons
réaliser une grande ferveur de volonté!… Cette ferveur de volonté est à
rechercher dans l'accomplissement de nos gestes de piété, soit que l'on mène
un enfant au baptême soit que nous récitions nos prières du matin et du soir ou
notre chapelet soit que nous fassions une lecture spirituelle, tout notre
comportement religieux n'est méritoire que dans la mesure où il est DIGNE
ATTENTE AC DEVOTE! Un conseil en passant : on est fatigué parfois et il n'est
pas défendu de dire sa prière couché, évidemment, mais attention! elle peut
devenir rapidement la prière de St Pierre, celle que l'on fait à moitié endormi…
Il vaut donc mieux se mettre à genoux, DIGNE, voyez-vous, et la faire
ATTENTE, avec attention, même s'il faut prendre un livre pour ne pas être
distrait : DEVOTE aussi, avec dévotion, faire tout dans nos relations avec Dieu,
tout ce qui est prières, cérémonies, réception des sacrements de telle sorte que
nous soyons présents, et de même que Dieu est présent à chacun de ses
dons, d'essayer, nous aussi, d'être présent à chacun de nos dons.
Troisième point :
Il consiste à considérer comment Dieu travaille et agit pour moi dans toutes les
choses créées, dans les cieux, les éléments, les plantes, les fruits, les animaux,
donnant l'être, la vie végétative, sensible, etc… Je réfléchirai ensuite en moi-
même.
Remarquez que St Ignace est de plus en plus discret dans ses descriptions
mais ce troisième point m'apparaît déjà beaucoup plus haut au point de vue
mystique, car nous y décelons l'Amour par le travail de Dieu qui, de toute
éternité, a agi pour moi dans toutes les choses créées. Comme dans les points
précédents, nous recommençons la litanie des biens reçus de Dieu, la litanie
des biens naturels que nous possédons en commun avec les autres hommes.
Encore une fois, si nous savons voir dans le détail, nous n'arriverons pas à
épuiser toute cette litanie des biens naturels, de tous ces dons que nous avons
reçus de Dieu… et puis la litanie des biens surnaturels, encore plus
considérable encore… et de même que les biens naturels nous sont offerts
tous les jours, la vie 24 heures par jour, le Seigneur nous donne la vie, ne
l'oublions pas un jour Il l'arrêtera, c'est un don …– mais le soleil aussi, la
lumière, les sons, la nourriture, l'air qui vient à nos poumons, etc, etc, etc… et
les dons surnaturels que je vous ai déjà indiqués, l'Ancien et le Nouveau
Testament, tout ce que nous trouvons dans l'Église, le sang du Christ mis tous
les jours à notre disposition dans les sacrements de pénitence et d'Eucharistie,
et indépendamment de ces moyens normaux de recevoir la grâce, Dieu me les
apporte comme nous l'avons vu au deuxième point, mais c'est Lui qui les a faits
pour "moi". Il y a beaucoup plus d'amour là, voyez-vous! Nous pourrions nous
servir utilement de quelques exemples pour mieux saisir cela : voilà une
maman, ou une épouse qui, pour la fête de son fils (ou de son mari), voudrait
lui offrir un très beau tableau, car elle sent en elle, d'abord, une certaine
vocation artistique. Elle apprend donc la peinture et pendant des mois elle fait
un tableau pour son fils (ou son mari) et le jour de sa fête elle lui offre le
tableau. Imaginez tout l'amour qu'il y a là-dedans, tous les coups de pinceau,
c'est autant d'actes d'amour pour le fils (ou l'épouse) qu'elle a reproduits. Vous
réalisez la somme d'amour que ce travail représente, pendant des mois et des
mois ? ou bien qui lui préparerait, lui tricoterait un lainage, mais qui pour cela
achèterait d'abord la brebis, l'élèverait, et, au moment opportun la tondrait,
préparerait la laine, la teindrait et enfin à force de coups d'aiguille,
confectionnerait un beau pull-over ? déjà, en élevant sa brebis, elle pense à
cela! Voyez quel amour il y a là. Les mamans font cela, lorsqu'elles attendent
un bébé, mais elles le font quelques mois à l'avance, guère plus, dès qu'elles
comprennent qu'elles ont quelque espérance, oui, les mamans le font, mais
Dieu est une maman qui a préparé cela depuis quand ? de toute éternité, voilà
la différence, de telle sorte que ces choses que nous recevons sur le plan
naturel, rappelez-vous la litanie, sur le plan surnaturel et sur le plan qui nous
est particulier, Dieu les a préparées de toute éternité : lorsqu'Il faisait les
périodes géologiques, qu'Il préparait la Terre et les étoiles, Il pensait à "moi"; Il
pensait à chacun des hommes; Il ne pensait pas aux hommes en général, le
Bon Dieu, Il pensait à chacun de nous en particulier car l'amour a un caractère
particulier, personnel. Le jeune homme qui aime toutes les filles de Nantes ne
se mariera jamais; il faut qu'il en aime une! c'est que l'amour a un caractère très
particulier, c'est évident, et le Bon Dieu aime chacun de nous en particulier;
l'amour se perd si l'on regarde l'ensemble des hommes, bien qu'il soit vrai aussi
qu'Il aime toute l'humanité, mais Il nous aime à chacun ((( ?! ))) comme si nous
étions seul, et de toute éternité, le Seigneur pensait à "moi". Ce n'est pas du
romantisme cela, et Dieu m'avait en vue lorsqu'Il a amorcé le cours de l'histoire,
parce que l'histoire, c'est Dieu qui la conduit qu'on le veuille ou non… Le sens
de l'histoire n'est pas marxiste comme beaucoup voudraient le faire croire, il est
catholique, ne l'oublions pas! Le 15 août dernier j'ai été justement frappé à
Notre-Dame du Rosaire en Suisse où je me trouvais, par la liturgie de cette
messe du 15 août où l'on voit l'Église nous promener de la Genèse à
l'Apocalypse, où St Jean nous raconte la fin du monde. On sent voyez-vous
combien l'Église est chez elle dans l'histoire qui est divine, qui est ecclésiale
aussi et cette liturgie nous parle d'une petite femme, Judith, qui a permis
d'écraser toute une armée assyrienne, qui venait pour détruire Jérusalem, nous
rappelant une autre femme qui a remporté elle aussi une victoire combien plus
formidable : celle d'écraser sous son étalon(((talon?!))) la tête du serpent
infernal, et l'Introït, l'offertoire, les oraisons de cette messe nous promènent
dans l'histoire, l'Église y est bien chez elle, dans l'Ancien Testament comme
dans le Nouveau! C'est Dieu qui donne son sens à l'histoire avec ses lois
immuables comme Il a donné au monde physique des lois identiques partout.
En effet, dans tout l'univers nous retrouvons les mêmes éléments, on appelle
cela le monisme de la matière, partout les mêmes lois chimiques, les mêmes
lois biologiques, les mêmes lois physiques, d'équilibre, etc… partout!… de telle
sorte qu'on peut transposer, utiliser ces lois, ces principes, ces constances
même dans les étoiles, et un jour un astronome a pu dire à une étoile
lointaine ,,Donne-moi un de tes tayons (rayons?!) , et je dirai qui tu es!”
puisqu'il est vrai maintenant qu'avec un rayon de l'étoile on arrive à en
déterminer la composition!… partout les mêmes lois, et dans l'histoire aussi. Au
moment d'Adam et Ève, lorsque Dieu a promis de rétablir le plan d'amour
détruit par le refus de l'homme, Il pensait à "moi", ce n'est pas du romantisme,
c'est la réalité.
Je vous disais de voir ces choses dans le détail pour mieux en retirer du fruit,
mais Dieu, Lui, les voit dans le détail et c'est pourquoi Il nous aime dans notre
particulier, dans tout ce qui constitue notre "moi". D'ailleurs, si nous y regardons
de près, nous constatons cela dans la famille : La maman en effet aime ses
enfants, non pas en général, mais chacun en particulier, même si elle en a dix.
J'ai lu, il y a quelques semaines, incidemment, que le grand père Dumouriez, le
général Dumouriez, le vainqueur de Jemmapes et de Valmy, avait eu 32
enfants d'une seule femme. C'est assez raire, 24 garçons et 8 filles. Même
dans ce cas, une mère n'aime pas ses enfants "in genere", elle les aime
chacun d'un amour particulier, et le Bon Dieu fait pareil pour chacun de nous
avec la différence toutefois (on le remarquait dans l'article en cause) qu'il
arrivait à la maman de se tromper parfois de prénom, elle en avait 32,
imaginez! mais Dieu ne se trompe pas, Lui, et de même que pour les étoiles –
on en compte des milliards. L'Écriture nous dit par le prophète Baruc que Dieu
les appelle par leur nom et elles répondent "me voici", et elles luisent pour la
gloire de Dieu! C'est très beau. Oui, Dieu dirige le sens de l'histoire et Il pensait
à nous, à chacun de nous, même dans cette histoire de l'Ancien Testament, et
cette histoire-là, Il l'a faite pour nous; c'est pourquoi Il a préparé toute la
génération de blé parce qu'Il voulait qu'un jour nous soyons nourris par Lui; Il a
– je dirais – "gardé l'eau", car si cela ne dépendant que des hommes, toutes les
eaux seraient polluées, et Il a créé des glaciers et des sources pour que nous
puissions, même à notre époque, boire de l'eau fraîche, de l'eau propre; c'est
Lui qui a préparé la vigne pour que le vin nous réconforte, etc… etc… de toute
éternité Il a fait cela, puis Il a accompagné de sa Providence chacune des
réalisations qu'Il avait faites, soit minérales, soit végétales, soit animales, pour
que nous puissions maintenant en jouir. C'est pour nous, pour moi qu'Il a fait
cela. Voyez comme cela est plus puissant que dans les deux premiers points et
alors, en nous servant de l'image de la maman qui préparerait très à l'avance le
tableau pour la fête de son fils, ou le pull, dans lesquels chaque coup de
pinceau, chaque coup d'aiguille sont autant d'actes d'amour, le Bon Dieu, Lui,
de toute éternité, a fait toutes choses en pensant à moi.
Comment répondre à cela ? … C'est très difficile. Cependant, il y a des Saints
qui ont répondu. Comment ? En fignolant les moindres choses… Vous avez
l'exemple de la Sainte Vierge Marie qui n'a rien fait de grand, qui n'a fait que ce
que fait n'importe quelle mère de famille, mais qui l'a fait avec un amour
incomparable. La Sainte Vierge balayait sa maison, elle faisait sa lessive, elle
préparait un repas frugal, elle lavait le petit Jésus, elle l'emmaillotait, elle lui
donnait son sein comme le font toutes les mamans, la même vie exactement,
mais avec un amour incomparable. Nous voyons la même chose dans la petite
Thérèse de l'Enfant Jésus. Vous savez que lorsqu'elle était à l'article de la mort,
deux religieuses discutaient à la cuisine en disant : Quand elle va mourir, cette
petite religieuse, qu'est-ce qu'on va mettre dans l'article ? … en effet,
lorsqu'une carmélite mourait, on faisait un petit article nécrologique la
concernant, qu'on envoyait aux autres carmels pour les en informer et leur
demander des prières. Qu'est-ce qu'on va mettre ? Elle n'a rien fait de sa vie!…
C'est vrai qu'elle n'avait rien fait de sa vie« elle n'avait fait que ce que fait
n'importe quelle religieuse dans un carmel : des lessives, aider quelquefois à la
cuisine ou à l'infirmerie; elle faisait ses prières comme les autres religieuses,
rien de particulier, mais que d'amour dans tout ce qu'elle faisait! Voyez sa vie
dans le détail, les "moindres" choses, elle les faisait avec un très grand amour!
La grandeur de l'amour ne vient pas de la grandeur des choses, il vient de la
ferveur que nous mettons dans les plus petites choses, voilà une réponse, voilà
comment on arrive à la sainteté, la petite voie de l'enfance, c'est ça
exactement! voyez, faire des choses communes, normales, ce qu'on fait
d'ailleurs par la force des choses, mais les faire avec un grand amour, pour le
plaisir de Dieu, et c'est pour cela que ce grand Pape qu'a été PIE XI a pu
l'appeler la plus grande sainte des temps modernes…
Quatrième point :
Je contemplerai que tous les biens et tous les dons descendent d'en haut; ma
puissance limitée dérive de la puissance souveraine infinie qui est au-dessus
de moi, de même la justice, la bonté, la compassion, la miséricorde, etc…
comme les rayons émanent du soleil, comme les eaux découlent de leur
source, etc… Ensuite je réfléchirai sur moi-même comme il a été déjà dit
terminant par un colloque et par l'oraison dominicale.
Ce 4ème point est sublime. On n'arrive pas à l'expliquer et notre Père
Fondateur, que j'ai écouté plusieurs fois en des retraites de 8 jours, de 30 jours
même, quelquefois ne l'expliquait pas et nous invitait à le lire pour que nous
essayions de le comprendre nous-mêmes un peu, et il nous disait avec
beaucoup d'humilité : Moi, je ne le comprends pas, cela me dépasse… Tout
descend de Dieu, c'est difficile à comprendre, et moi aussi devrais-je peut-être
ne pas en donner l'explication car elle ne peut être qu'imparfaite…
Tout ce que nous voyons autour de nous, sur le plan matériel et sur le plan
spirituel, les vertus comme dit St Ignace, tout cela vient de Dieu. Dieu c'est
aussi l'unité des êtres; Dieu a fait toutes choses avec nombre, poids et mesure;
les êtres sont un parce que Dieu est un; les êtres sont beaux aussi parce que
Dieu est beau de telle sorte que si vous enleviez ce qu'il y a de divin dans les
êtres, il ne resterait plus rien. Les Saints comprenaient bien cela. On dit qu'une
fois St Ignace passant dans un jardin et contemplant une belle fleur murmura
tout à coup : ,,Tais-toi!”. Comme on lui en demandait la raison, il dit :
Pourquoi ? Parce qu'elle me parle de Dieu. Cette beauté qu'il voyait dans la
fleur, il savait qu'elle venait de Dieu, de telle sorte que si on avait enlevé la
beauté de Dieu dans la fleur, il ne serait rien resté, quelques éléments
seulement qui n'ont pas beaucoup de sens; l'être, l'unité, la beauté de cette
fleur, cela venait de Dieu. Et c'est partout pareil, St François d'Assise
comprenait bien cela aussi. A chaque instant, il remerciait Dieu de la splendeur
du Ciel, de celle des étoiles, notre frère le soleil, disait-il; tout lui était familier; il
était chez lui dans la maison de Dieu parce que tout cela lui venait de son Père
du Ciel, il était chez lui partout, comme un enfant-roi qui se promène dans le
palais de ses aïeux, dans le parc de ses aïeux. Dans toute la Création et
partout il voyait l'amour du Père, toutes choses lui rappelaient la splendeur de
Dieu. Quelquefois, vous voyez le matin, là, sous une feuille, un brillant, un
magnifique brillant, vous approchez, c'est une goutte de rosée qui reflète le
soleil; mettez-vous devant le soleil, il n'y a plus rien, une petite goutte d'eau, la
splendeur venait du soleil… vous avez remarqué aussi dans certains couchers
du soleil, la splendeur grandiose des nuages; les peintres quelquefois en
pleurent d'émotion, ils en "bavent", on peut dire le mot, devant cette variété des
couleurs, il y a du vert clair, du foncé, du bleu, du rouge, une palette indicible
qu'on ne peut représenter. D'où ça vient cela ? du soleil, et dès que le soleil est
couché, vous n'apercevez plus que quelques pauvres nuées sombres qui n'ont
plus de caractère, eh bien, toutes ces choses ont leur être, leur unité et leur
splendeur qui vient du désir de Dieu. Dès qu'on enlève ce qui vient de Dieu, il
ne reste plus rien, c'est-à-dire que dans les choses ,,c'est Dieu qui s'offre à moi
pour me faire comprendre ce qu'Il est”. Comme nous le lisons d'ailleurs dans le
livre de la Sagesse : les hommes ont été tellement émerveillés par la splendeur
des choses qu'ils ont quelquefois dressé des autels pour les adorer, le soleil…
et les autres… mais s'ils trouvent les choses aussi belles, qu'ils pensent à Celui
qui les a faites! et cette beauté vient de Lui, comme les rayons viennent du
soleil et c'est Dieu qui me sourit par là; chez les petits animaux c'est très beau
aussi à les voir : vous tombez quelquefois en arrêt devant des petits lapins, une
oreille baissée, l'autre levée, et ils vous regardent, cette beauté, c'est Dieu qui
la veut ainsi; les petits chats aussi c'est pareil; voyez le regard des enfants,
quelle pureté, qui donne cette limpidité ? on y voit le reflet de Dieu même, et
leurs réparties, parfois si amusantes, c'est Dieu qui nous sourit par eux; le
malheur c'est que nous devenons trop vite adultes et là on s'abîme et on abîme
les choses, mais les saints, eux, étaient des enfants restés enfants à l'âge
adulte, les exemples les plus admirables sont bien ceux de la Sainte Vierge, de
Ste Thérèse de l'Enfant Jésus, de St François d'Assise, mais on pourrait citer
tous les saint; partout ils admiraient parce que tout leur parlait de Dieu, et c'est
eux qui ont raison! Quand on pense à cet effroyable chaos spirituel que nous
constatons à notre époque, où accaparés par les techniques les gens ne voient
plus Dieu! Ils s'arrêtent à la technique en tant qu'elle, sans même voir qu'elle-
même leur parlerait de Dieu s'ils voulaient réfléchir en leur cœur!
Il y a quelque temps, je regardais de grands volubilis, en Suisse je crois, vous
savez ces fleurs qu'on appelle des Belles de Nuit; ils étaient gros, on aurait dit
les haut-parleurs que l'on voyait autrefois aux appareils de radio avec de
grands pavillons pour diffuser la voix, eh bien j'avais l'impression que c'était des
haut-parleurs, des haut-parleurs de Dieu; mais il n'y a pas que les volubilis
comme haut-parleurs, c'est en fait toutes les choses créées, et Dieu peut nous
apparaître comme cela dans toutes choses, il laisse de son Ciel partout, et
partout tout est beau. En voyageant on le voit encore mieux. Combien de fois
ai-je remarqué la beauté de la campagne, ces prairies, ces maisons, les arbres,
les fleurs, la montagne et la rivière si belle et soudain, tout devient sale : on
approche d'une ville; on y constate des cimetières d'autos, de ferrailles, de
détritus, des fumées plus ou moins épaisses, plus ou moins nauséabondes, les
pétarades, les odeurs, on approche… des hommes!
Donc, nous rappeler la splendeur unique de Dieu, l'indicible beauté de Dieu qui
se reflète à nous dans toutes choses. Il a fait cela pour nous rappeler ce qu'Il
est Lui! et nous qui acceptons cela, comment répondre à tant de bienfaits ?
Vous voyez, c'est hors de notre portée, c'est hors de nos possibilités humaines,
au-dessus de nos forces, nous ne pouvons être que médusés par tant d'amour
et admirer la Sagesse et la Bonté de Dieu.
Que répondre que nous puissions faire quand même ? La seule réponse
possible sera encore une fois de notre part, une offrande totale de notre part,
sans aucune réticence, sans aucune arrière pensée ,,Suscipe Seigneur”… et
comme dit St Ignace – on lit ça dans le livre sur son Esprit – il y a bien peu
d'âmes pour comprendre ce que Dieu ferait d'elles si elles se livraient à Lui
sans réserve, si elles permettaient à sa grâce de les façonner à son gré. Nous
retrouvons là la petite voie d'enfance de Ste Thérèse de l'Enfant Jésus. Voyez
comme St Ignace est très près d'elle. Quelquefois certains les opposent, parce
qu'ils n'ont jamais rien compris ni à l'un ni à l'autre!…
Un tronc d'arbre grossier et informe ne se douterait jamais qu'il peut devenir
une admirable statue, il ne consentirait pas à se placer sous le ciseau de
l'artiste… et nous, malgré nos misères, avec une vie très simple, nous
arriverions rapidement à la sainteté en suivant les lois de l'amour…
Mes chers Messieurs, nous revenons toujours à la Foi et à la Confiance. Ne
perdez pas l'occasion, l'occasion c'est notre vie, après il sera trop tard!
Je me résume – La grande loi de l'amour : l'amour consiste en actes bien plus
qu'en paroles; l'amour consiste en communication de biens. Je me verrai
devant la Très Sainte Trinité, devant Dieu, devant ses saints, devant toute la
cour céleste demandant la grâce de comprendre intimement les dons que Dieu
m'a faits pour y répondre. Se rappeler alors les litanies, et comme je vous le
disais les litanies des biens naturels, celles des biens surnaturels, celles des
biens qui me sont particuliers et propres, mais en remarquant que Dieu me les
a préparés de toute éternité. Ils arrivent maintenant, aujourd'hui, à moi, parce
qu'un jour Dieu les a créés pour moi et les a accompagnés au cours de
centaines de siècles parfois pour me les présenter aujourd'hui et c'est vrai pour
tout…
Tout ce que nous voyons de splendeur dans les choses n'est qu'un reflet divin.
Tout faire pour comprendre cela mais encore une fois nous sommes dans
l'impossibilité de répondre comme il se devrait si ce n'est par notre offrande
,,Prenez Seigneur, etc…” en essayant, nous aussi, de croire en l'amour, de
laisser faire l'amour qui doit nous conduire au Ciel, parce qu'un jour, au Ciel, ne
l'oublions pas, il n'y aura que des Saints, des gens qui auront cru à l'amour et
plus nous aurons ici-bas cédé à l'amour de Dieu, plus notre Joie sera grande
dans l'Éternité…
N'oublions pas de faire cette belle contemplation dans le train, dans la voiture,
en retournant chez vous et revenez-y souvent dans la semaine et les jours
suivants, vous en aurez toujours un bienfait. Nous nous rendons maintenant à
la Chapelle pour la cérémonie finale.
*****
((fin page 460))
((p. 461))
TROISIÈME PARTIE
COURS D'APOLOGÉTIQUE
35 - Existence de Dieu
36 - Immortalité de l'Âme - La Révélation
37 - Preuves des Martyrs - des Saints - des Miracles
38 - Divinité de l'Église Catholique
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N° 35
APOLOGÉTIQUE
EXISTENCE DE DIEU
Pour vous tous qui êtes là, les nouveaux retraitants et quelques-uns des
anciens désireux de revoir ces règles, rendez-vous ici tous les jours à 11 h 15
pour ces réunions où il sera bon, surtout pour ceux qui viennent pour la
première fois, de leur développer pour qu'ils les connaissent un peu quelques-
uns de ces arguments où nous voyons les preuves rationnelles de notre foi.
Parallèlement est donné aux anciens un peu plus formés un cours d'ascétisme
sur le discernement des esprits, cours que vous aurez vous-mêmes l'occasion
de suivre si, comme il est normal, vous revenez plus tard faire à nouveau la
retraite.
Preuves de la foi donc : on parle très souvent de foi aveugle, et c'est vrai qu'elle
l'est à un certain point de vue; cependant nous avons des raisons très
sérieuses de croire, mais souvent on ne connaît pas ces raisons ou on les
connaît mal.
Je ferai donc quelques remarques pour faire tomber des préjugés (quelquefois
un préjugé qui tombe c'est la lumière qui entre)… Tout d'abord, au sujet des
bases rationnelles de la foi, je vais m'arrêter devant la question de Dieu, de
l'existence de Dieu… Remarquez que cette question ne tombe pas directement
dans la science de l'Apologétique, celle-ci étant la science des preuves
rationnelles de la Foi, mais elle vient avant, elle fait plutôt partie de ce qu'on
appelle la "théologie naturelle", mais comme à notre époque elle se trouve être
parfois discutée, nous la verrons en passant…
En ce qui concerne l'existence de Dieu les preuves sont très nombreuses; je
m'arrêterai simplement à celle d'ordre métaphysique. Mais en quoi consiste la
métaphysique ? A notre stade d'érudition (ce qui n'empêche pas les erreurs de
foisonner dans tous les domaines, surtout chez les intellectuels) quand dans
certains milieux on parle de métaphysique on se met à sourire et hier, à table,
l'un de nos Pères des plus anciens disait : ,,lorsque j'ai fait ma philosophie, le
professeur nous indiquait déjà que depuis KANT, le philosophe allemand, on ne
perdait plus de temps à la question de la métaphysique et le Larousse dit : ,,Il
s'agit d'une science illusoire et vaine”. Au fond, qu'est donc la métaphysique ?
C'est ce qui dépasse le physique tout en restant appuyé sur lui et à chaque
instant, tous, vous m'entendez, nous nous servons de procédés
métaphysiques…
Quelques exemples : Je me promène avec des amis dans une banlieue où l'on
construit beaucoup d'immeubles, de villas, et m'arrêtant devant une de ces
dernières en construction je déclare à mon compagnon : Tu sais, celui qui fait
cette maison est un "massacre" - chez nous en Provence, c'est le terme
consacré lorsqu'on parle d'un mauvais maçon.
Mais tu le connais ?
Non, c'est d'ailleurs la première fois que je viens ici.
Mais alors, c'est une calomnie ?
Une calomnie non… peut-être une médisance, enfin je ne le connais pas ce
maçon mais regarde bien la maison… regarde le mur latéral… il n'est pas
droit : compare avec le pylône qui est à côté… regarde aussi les fenêtres, il y
en a une qui est tordue, les montants ne sont pas parallèles… regarde aussi
l'escalier, il n'est pas symétrique… Ah oui, ça se voit, ça choque même et je dis
que le maçon est un massacre…
Vous voyez, c'est un procédé métaphysique : la maison, avec ses défauts je la
vois, elle frappe mes regards… elle est physique, elle est sensible mais c'est
par la puissance de mon intelligence que, dépassant la donnée sensible, je
découvre une vérité qui par elle-même n'est pas sensible… la proposition la
voici … le maçon qui a fait cette maison est un massacre et cette proposition
est acquise par procédé métaphysique; parce que le maçon je ne l'ai jamais vu!
… je ne sais pas s'il est grand ou petit, gros ou maigre, français ou italien, mais
cette proposition est pour moi évidente après avoir vu la maison, et n'importe
qui, un peu au courant des règles rudimentaires de la construction, après avoir
vu les défauts de la maison dira comme moi avec évidence : ce maçon est un
massacre et si un jour je dois faire une maison je n'irai pas le trouver bien sûr!
Sans arrêt nous faisons cela : vous êtes dans un musée… vous savez que les
anciens tableaux ne se signaient pas mais, ayant quelques connaissances de
peinture, vous arrivez à en déceler l'origine : tiens, celui-là est de l'école
florentine, celui-là de l'école flamande, etc… mais avez-vous vu la signature,
Monsieur ? Non, il n'y a pas de signature mais dans le tableau il y a des choses
qui me sont suggérées et quelqu'un qui est tant soit peu versé dans cet art voit
dans le tableau plus que le peintre n'y a mis : il y voit la méthode, le style, la
présentation particulière à telle école, à tel émule, etc… là aussi, voyez-vous,
nous dépassons la donnée sensible du tableau pour en découvrir l'auteur…
Je vois au loin à l'horizon une épaisse fumée : je dis que là-bas il y a du feu,
incendie ou autre, pourtant je n'ai pas vu de feu… là encore j'ai dépassé la
donnée, je n'ai vu que de la fumée, mais… comme je sais qu'il n'y a pas de
fumée sans feu – et tout le monde ferait comme moi – je dis : tiens, là-bas, il y
a du feu! Chaque fois c'est la puissance de l'intelligence qui nous fait découvrir,
au-delà des données sensibles, physiques, des vérités non sensibles,
métaphysiques parce qu'elles s'appuient sur le physique…
Eh bien, pour l'existence de Dieu, c'est le même procédé que nous allons
utiliser.
Première preuve : Par la contingence des êtres :
Le mot "contingence" vient du verbe latin "contingere" c'est-à-dire : Arriver à
l'infinitif présent et à l'indicatif présent : ,,J'arrive - contingo”.
Tiens, Je vois passer un corbeau… eh bien ce corbeau est contingent.
Pourquoi ? … parce qu'il est arrivé. Tous les arbres que je vois, là, ces acacias,
toutes ces vignes, ces plantes, tous sont contingents parce que, eux aussi, sont
arrivés. Cette maison où nous sommes est contingente : à l'entrée il y a un bout
de fer forgé sur la porte cochère où une date est inscrite, la date de son
arrivée… Pour le soleil c'est pareil, les étoiles vieillissent et se renouvellent; il y
a dans le ciel des étoiles mortes, on ne peut pas les voir au télescope et on ne
peut les repérer que par les perturbations qu'elles exercent sur d'autres astres;
il y a des astres morts mais il y a des étoiles neuves, des "NOVA" … tout arrive
et tout s'en va. les étoiles sont contingentes comme toutes choses… Nous
sommes tous contingents, tous… tous… parce que nous sommes arrivés il y a
quelques années, il y a dix-sept ans pour le benjamin qui est là, un peu plus
pour les autres… dans la maison habitée par vos parents, les cousines, les
voisins ont dit un jour : Ah! vous savez, le petit est arrivé!… et c'était vous, vous
êtes contingent…
Alors le corbeau est arrivé, les maisons, les arbres sont arrivés, nous aussi,
tous les êtres sont arrivés, les étoiles sont arrivées. eh bien, d'où arrivez-vous,
Monsieur du corbeau ? d'où arrivez-vous Madame la lune, d'où arrivez-vous
Monsieur le Tilleul, d'où arrivez-vous Madame la maison de Retraites, Monsieur
un tel, un tel ? … Nous venons du néant. Avant d'être nous n'étions pas, c'est
évident! Avant d'être on n'existe pas… il y a là une coupure… si nous
remontons cent ans en arrière nous n'existions pas et nos parents n'ont été que
des instruments… Même lorsque notre mère nous portait dans son sein elle ne
savait pas "Qui nous serions" … , garçon ou fille, blond ou brun, plus tard :
grand ou petit, intelligent ou bébête… Nos parents n'ont été que des
instruments et si nous regardons l'ensemble des êtres nous constatons que
tous sont arrivés et que pas un n'a en lui-même la raison de sa présence ici-
bas…
Eh bien, mes chers Messieurs, si nous voulons avoir la raison de ces êtres
notre intelligence, si on s'en sert comme il faut, nous oblige à remonter de la
réalité physique, que nous voyons, à la vérité métaphysique, c'est-à-dire à un
Être qui, lui, n'est jamais arrivé, qui ne soit pas contingent, et qui possède l'Être
sans limites…
Dieu répondait à Moïse qui demandait son nom : ,,Je suis Celui qui est” c'est-à-
dire l'être sans limites, donc éternel, jamais arrivé, possédant par le fait même
la vie depuis toujours, qui a la raison même de son Être en toute puissance
pour pouvoir donner l'être aux autres…
Je résume cette première preuve : la contingence des êtres nous oblige à
remonter à un ÊTRE qui n'est jamais arrivé, qui n'est pas contingent, donc
éternel, donc infini, donc tout puissant…
Deuxième preuve : Par le mouvement :
Elle est très belle aussi mais c'est celle qui est la moins visible… Remarquez
que je pars toujours d'une évidence : il est en effet évident que le mouvement
existe, celui de vos paupières, de vos membres, de la vie en général; même
lorsque nous dormons, il y a une biochimie qui se passe en nous, des millions
de cellules qui travaillent sans arrêt dans ce laboratoire, ce cœur, ces poumons
qui continuent à fonctionner, heureusement! ces automobiles, ces bolides qui
passent au-dessus de nos têtes, mouvements mécaniques, mouvements
spatiaux aussi : partout le mouvement… les anciens disaient :
,,La vie est dans le mouvement”, et si nous regardons de près nous verrons
très rapidement des moteurs subordonnés – remarquez ce mot – c'est-à-dire
qu'un être, une chose qui est le moteur d'une autre chose est lui-même mû par
un autre moteur. En effet, nous constatons partout la même règle en voyant par
exemple une énergie qui se transforme pour ainsi dire, qui prend des formes
différentes, que ce soit dans les mouvements spatiaux, dans le son, dans la
lumière ou dans des utilisations pratiques mais jamais nous n'arrivons à voir la
source première du mouvement. Prenons quelques exemples pour bien réaliser
cela, ce passage de l'énergie sans en voir jamais la source : Ce matin, au petit
déjeuner, nous avons mangé de la confiture de pommes. Pourquoi avons-nous
fait ce geste, pas très spirituel, de faire descendre par notre bouche cette chose
gluante qu'est la confiture ? Eh! parce que nous en avons besoin! En faisant
cela nous avons essayé d'assimiler des calories. D'où viennent ces calories ?
Ah, oui, cela vient d'un fruit qui s'appelle la pomme…
Et la pomme, d'où vient-elle ?
Est-ce qu'il y a toujours des pommes sur le pommier ?
Oh, non! environ pendant 4 mois et elles n'arrivent à maturité que vers le mois
de septembre.
Mais avant la pomme, puisqu'elle n'a pas été toujours sur l'arbre, qu'y avait-il ?
Eh bien, il y avait une fleur.
Et avant la fleur ?
Un bourgeon… Je remonte n'est-ce pas, et avant le bourgeon ?
Pour le faire il a fallu une poussée de sève dans l'arbre à un moment
déterminé, c'est-à-dire au printemps, au moment où la nature semble se
réveiller de la torpeur hivernale : la température s'est attiédie et la terre est
devenue plus chaude…
Ah! et pourquoi cela ?
Eh bien, à l'école, on nous a appris que la Terre se trouve alors dans une
position plus favorable par rapport au soleil!
Arrêtez Monsieur!… Si je comprends bien votre raisonnement, vous voulez me
dire par là qu'en mangeant de la confiture de pommes, j'assimile des calories
qui me viennent du soleil ?
Eh oui, mon cher Monsieur, très exactement, et cela par une série de
transformations données… voyez! comme je ne puis pas, de par la biochimie
qui est particulière à mon être, assimiler directement les calories venant du
soleil, elles me parviennent transformées (admirablement d'ailleurs) par ce
qu'on appelle le jeu chlorophyllien… Bien!… Imaginons une autre source
d'énergie.
Moi qui suis un sauvage du Centre-Afrique, je n'ai jamais vu la civilisation
occidentale européenne et on me conduit – mettons à Paris – au-dessous de
Montmartre et là, tout à coup, je vois un char qui monte la côte vers la Basilique
du Sacré-Cœur… Ah! c'est curieux cela! Comment donc font ces diables de
blancs ? dans mon pays au Kénya, dans ma forêt, lorsqu'un char monte une
côte il y a toujours quelque chose qui le tire, un buffle, un éléphant, comment
ce peut-il ?
Remarquez que si le char descendait il n'y aurait pas de problème pour lui,
mais il monte! Alors j'arrête le chauffeur, moi qui suis un sauvage, pour lui
demander l'explication de ce mystère…
Mais mon pauvre vieux, il y a 30 chevaux dans la bagnole…
Trente chevaux là-dedans, vous voulez rire ? Il n'y a pas la place! Alors le
monsieur m'explique mieux et je comprends enfin que sous la tôle il y a une
énergie qui fait marcher l'autobus, qui le fait monter, et cette énergie d'est
l'essence… car ce que nous appelons moteur n'est qu'une façon de parler… il y
a bien là des pièces d'acier destinées à transformer un mouvement mais ces
pièces ne marchent que grâce à quelque chose, c'est l'essence qui, en
définitive, est la vraie énergie.
Mais d'où vient cette énergie qui fait marcher votre automobile ?
Eh bien, de la pompe…
Oh, moi Monsieur, je ne suis qu'un sauvage et je veux savoir la raison dernière
des choses…
Ah! alors, demandez à l'Ingénieur des Mines : il vous dira qu'à des époques
très anciennes, au secondaire et au primaire même, il y a eu sur la Terre de
formidables forêts, une exubérance de végétation extraordinaire et puis tout
cela a été enseveli à des périodes appelées carbonifères et ces formidables
forêts sont restées dans les entrailles de la Terre. Au cours de centaines de
siècles il y a eu des passages d'eaux plus ou moins chargées de sels et ces
tombeaux de végétaux se sont transformés petit à petit en nos réserves
actuelles de houille, d'anthracite, de lignite et aussi de pétrole, de gaz et tous
les dérivés…
Alors, si je comprends bien, vous voulez me dire que tous ces immenses
dépôts (en conserve pourrait-on dire et en réserve) cela vient du soleil ?
Eh oui, cela vient du soleil. Au fond c'est partout la même énergie originelle qui
me fait marcher à moi, en mangeant de la confiture de pommes ou autre chose
n'est-ce pas, qui fait aussi marcher mon automobile, c'est le soleil qui, en
dernier ressort, est la source d'énergie première… Prenez n'importe quel
mouvement matériel il en est de même… mais le soleil n'est pas en lui-même la
raison dernière du mouvement… le soleil est une étoile, mais une étoile jaune,
adulte, vieille même, qui tend vers sa fin, car il aura une fin comme il a eu un
commencement… je suis donc obligé de remonter à un réservoir qui dépasse
le soleil. Pour bien vous faire comprendre cela je vais me servir d'un autre
exemple :
Il y a quelques années j'allais avec le Père Barrielle donner une première
retraite dans le nord de l'Italie dans un hôtel à Bray en plaine montagne – 1'400
m. d'altitude – le Père arrivait de Paris par la Suisse, moi par Turin, ce qui fait
que j'étais en gare de Châtillon vers 18 h. où un car devait nous prendre pour
nous conduire à destination à 22 km. C'était l'hiver, un froid de loup, 20 degrés
au-dessous, temps sec, un ciel splendide… je me suis réfugié dans la salle
d'attente jusqu'à l'arrivée du car… Bien! Tout d'un coup, par les vitres donnant
accès sur le quai, sur la voie qui monte en pente douce pendant 40 km.
jusqu'après St. Didier, à Courtmayeur, c'est-à-dire le Mont Blanc versant italien,
je vois passer montant la rampe un wagon chargé de 15 à 20 tonnes de
marchandises. Il n'était pas remorqué par une locomotive… il montait… je le
vois passer et puis je vois qu'il était poussé par un second wagon; donc la
raison du mouvement du premier wagon se situait dans le deuxième qui le
poussait, mais en fait cela n'était pas puisque je m'aperçois qu'un troisième
wagon poussait les deux premiers et, de wagon en wagon, j'en vois passer
quinze se poussant les uns les autres… Tout d'un coup le car arrive, lance des
appels au klaxon et pour le prendre j'ai dû interrompre mon expérience. Mais
est-ce que je pouvais douter que peut-être il n'y avait rien du tout, qu'il n'y avait
aucune force, aucune machine poussant ces wagons sur une ligne en rampe ?
Devant il n'y avait rien, j'en étais sûr, mais pouvais-je croire que derrière il n'y
avait aucune machine à vapeur, électrique ou Diesel, peu importe ? Mes chers
Messieurs, vous savez que quelqu'un qui en douterait n'irait pas loin… on le
mettrait vite dans un asile de psychiatrie… je ne l'ai pas vue, la locomotive,
mais je suis sûr qu'elle y était…
Ainsi, voyez-vous, partout nous voyons l'énergie qui se transforme, qui passe
d'un objet à l'autre, servant de moteur à leurs mouvements, mais jamais je ne
vois la raison dernière du mouvement et même le soleil, nous l'avons vu, n'est
pas l'explication dernière; comme dans l'exemple des wagons, est-ce que je
puis douter qu'il y a derrière un premier moteur auquel je suis obligé de
remonter, premier en ce sens qu'il n'y en a pas avant lui, donc moteur éternel ?
C'est ainsi d'ailleurs qu'Aristote appelait Dieu le premier moteur, celui qui a
donné la branle à tous les autres… Oui, la preuve de Dieu par le mouvement…
Troisième preuve : Par la Vie :
Je pars encore d'une évidence, Messieurs, d'une évidence qui est la vie, un
mouvement très particulier à l'équilibre très instable n'est-ce pas, très délicat
aussi mais qui est une merveille : on la mesure cette merveille dans l'étude de
la biologie, la science de la vie!…
Nous voyons bien autour de nous que tout vit : les plantes, les animaux, et
nous savons que pour que la vie puisse être exercée il faut que soient réalisées
des conditions thermiques appropriées, c'est-à-dire un minimum de chaleur car
si celle-ci devient trop basse et approche du zéro, ou si elle devient trop forte la
vie devient impossible.
Au Pôle Nord où sévissent des froids de 60 au-dessous on peut y vivre mais à
la condition d'avoir une protection correspondante : l'ours blanc par exemple y
vit bien mais il est protégé… prenez-en un et passez-le à la tondeuse N° 1, eh
bien il crèvera de froid; les phoques aussi y vivent bien sans fourrure mais ils
ont une carapace de graisse et d'huile qui les protège également; les hommes
peuvent affronter de pareils froids à condition d'être protégés artificiellement
mais si l'on continue à baisser la température, la vie devient de plus en plus
difficile… Inversement pour la chaleur, si on l'augmente trop on ne peut plus la
supporter… la vie est ainsi enfermée dans un minimum tout petit d'ondes
thermiques… remarquez qu'il n'est pas impossible d'envisager de vivre à 100
degrés au-dessus de zéro à condition de prévoir une carapace d'amiante et
qu'on ait soin, avec un tuyau de même nature, d'alimenter le sujet en
oxygène… ça ne doit pas être amusant mais enfin c'est possible… Mais
augmentez la chaleur – 200 – 500 – 1'000 degrés, etc… à un moment donné
toutes les carapaces éclatent, tout se vaporise et les vapeurs ne permettent
pas la vie parce que celle-ci suppose matériellement des fluides, des semi-
fluides, des liquides et si tout se gazéifie par la chaleur rien ne va plus c'est
évident… C'est pourquoi la vie est impossible dans le soleil, dans les étoiles,
tout y a gazéifié…
La terre donc, à un moment donné, n'avait pas les conditions thermiques
requises pour y permettre la vie : elle était trop chaude et quelle que soit
l'hypothèse que l'on émette sur sa naissance (elle est très vraisemblablement
tirée du Soleil) il est sûr que la vie n'existait pas à son origine puisque l'étude
des assises datant de l'époque précambrienne montre qu'elle ne possédait pas
la vie même à ce moment-là : donc la vie n'a pu se manifester que plus tard, à
un certain stade de son refroidissement sous des formes très simples. Mais qui
a pu lancer cette vie sur la Terre ? comment ces premiers éléments ont-ils pu
être constitués ?… On répond à cela de plusieurs manières :
On peut dire par exemple que la Terre a été ensemencée par des planètes…
Mars sans doute qui est la plus ancienne. Mais c'est loin d'être prouvé mes
chers Messieurs… il faudrait d'abord démontrer que Mars a la vie (et les
conditions de vie que nous connaissons ici-bas sont beaucoup plus
défavorables pour Mars que pour la terre) pourquoi ? parce que Mars est à 50
millions de km. plus loin du soleil que la terre, est aussi plus petite c'est-à-dire
qu'elle reçoit au carré beaucoup moins de chaleur mais admettons, pour
poursuivre le raisonnement, que Mars ait la vie… il faudrait encore prouver que
les semences de vie aient pu traverser les espaces interplanétaires…
beaucoup de savants pensent que le loi de l'attraction d'une part, le
rayonnement cosmique d'autre part rendent cette hypothèse invraisemblable…
et même si l'on s'acharnait à vouloir soutenir l'absurde il faudrait prouver aussi
comment la vie est venue sur Mars, qui est aussi une planète et de ce fait n'a
pas toujours eu la vie!… Je veux dire par là qu'on ne fait que reculer le
problème…
Il y a une autre solution : elle m'a été donnée un jour à Montpellier au cours
d'une retraite par un paysan de Roquefort. Il me dit : Oh! mon Père, ne vous
cassez pas la têt, moi je la connais la réponse!… voyez, chez nous à Roquefort
nous avons des caves avec une atmosphère très particulière… les paysans du
coin y plaçons des récipients pleins de crème de lait de brebis et nous
attendons… Et si vous voulez savoir le processus par lequel se forme un
fromage de Roquefort, eh bien vous allez tous les jours l'examiner avec une
bonne loupe : vous constatez d'abord des phénomènes de condensation, de
congélation aussi, de concentration car la crème se contacte, on se rend
compte que l'humidité intérieure s'extériorise sous formes de gouttelettes…
cela continue à se contracter et dans ces creux qui se remplissent de cette
humidité on voit apparaître un jour des choses verdâtres, des moisissures, et si
vous vous amusez à regarder cela avec une bonne loupe vous constatez qu'il
s'agit là de mousses microscopiques, de végétaux microscopiques et, comme
vous le savez, si vous laissez ensuite votre fromage au soleil de Juin, non
seulement vous verrez les végétaux mais aussi de drôles de bestioles, petites
d'abord et de plus en plus grosses!…
Eh bien, me dit-il, je vois là l'histoire de la Terre et de la Vie de la même façon :
un énorme fromage de 40'000 km. de tour avec son phénomène de la
contraction par le refroidissement de l'eau dû au jeu formidable oxygène-
hydrogène… les matières plus fortes ont écrasé les plus fragiles et dans ces
creux, un jour, comme dans le fromage, grâce au jeu de la génération
spontanée, il y a eu des mousses, de plus en plus grosses (pensez donc, avec
un fromage si gros !) et puis la vie est ainsi arrivée et comme tout cela est
expliqué par l'évolution généralisée, il y a eu aussi des vers, et puis des
poissons, des reptiles, des animaux, des oiseaux, des hommes même…
Mon cher Monsieur, lui ai-je dit, votre explication est très amusante et peut
séduire beaucoup de gens, mais elle a un gros défaut, c'est qu'elle est fausse!
… Et voici pourquoi : les travaux de Pasteur ont démontré que la vie vient de la
vie… c'est à la fois curieux et navrant qu'on oublie cela!… avec ces histoires de
Teillardisme et de biologues en quête de renom… on oublie ce principe (qui n'a
pas été infirmé) que le vivant vient du vivant et qu'il ne peut venir autrement :
s'il n'y a pas de vie il n'y a pas de génération; pour en revenir à notre Roquefort
nous savons bien ce qui se passe : c'est l'atmosphère qui transporte ces œufs
microscopiques… ce n'est pas le fromage lui-même qui fabrique les vers, il
n'est pour eux que le climat favorable à leur éclosion; le vivant vient du vivant et
si la terre, il y a quelques millions d'années, n'avait pas sur elle la vie parce que
les conditions thermiques n'étaient pas réalisées, quand elles l'ont été, il a bien
fallu que quelqu'un ensemence la terre et nous sommes dès lors obligés de
remonter à un premier vivant, premier en ce sens qu'il n'y en a pas avant lui,
donc éternel… ce premier vivant nous l'appelons : Dieu…
Quatrième preuve : Par l'Ordre :
C'est la plus belle de toutes. Nous partons toujours d'une évidence que nous
constatons tous. Dans la création visible qui nous entoure il y a partout de
l'ordre et cet ordre nous l'appelons "lois", c'est-à-dire des constances qui
reviennent toujours et donnent naissance à toutes nos sciences puisqu'elles en
sont le fondement.
Sur le plan physique et chimique il n'y a jamais de désordre… il peut y avoir
quelquefois un certain antagonisme entre les lois mais il n'y a pas de désordre.
Si les désordres existent ils ne peuvent être que d'ordre moral. Prenons un
exemple : En ces temps modernes nous, les hommes, mettons sur pied
d'énormes immeubles de 10, 15, 20 étages, des amas de ferraille et de béton
et, toujours très malins, nous nous amusons parfois à nous jeter en bas depuis
le haut. Il est normal qu'en y arrivant on soit écrasé car il s'agit là d'une loi
physique : tout corps mou en mouvement qui en rencontre un dur en est
abîmé… c'est un désordre moral de se jeter en bas mais c'est de l'ordre que de
s'écraser en y arrivant.
Autre exemple : Avec notre corps mou nous nous enfermons parfois dans des
cercueils d'acier monocoques appelés Mercédès, Alfa Roméo ou 404, les
modèles ne manquent pas, qui sont dotés de moteurs tournant à 4'000 tours
permettant de les lancer sur des rubans dont les plus larges ont 8 à 10 mètres.
Mes chers Messieurs, lorsqu'on marche à 140 à l'heure, il suffit d'un dixième de
seconde pour aller dans le décor, car il se situe à 4 ou 5 mètres à peine et il est
fait de choses dures : angles de rocher, caniveaux, platanes ou autres
véhicules marchant en sens inverse, etc… alors, lorsqu'on entre dans le décor
il est normal qu'un corps mou se trouvant à l'intérieur du cercueil qui heurte à
cette allure des parties dures soit abîmé… c'est de l'ordre cela, pour que cela
ne soit pas il faudrait faire les platanes en caoutchouc mousse, même les
automobiles, et protéger les hommes avec des carapaces très dures!… Oui,
sur le plan physique et chimique il n'y a pas de désordre. je me rappelle qu'au
commencement de la guerre 39-40 je me trouvais à Fréjus à l'état-major dans
des fonctions de secrétaire et un soldat plein d'humour se promenait tenant
dans sa main une balle de fusil LEBEL disant aux autres : Tu as peur des
balles de fusil ? Tu vois, moi je n'ai pas peur. de celle-là je n'ai pas peur! Eh
oui, tant il est vrai que si nous en avons peur cela ne peut être que de leur
rapidité, au champ de bataille surtout parce qu'une loi physique veut qu'un
corps très dur lancé à grande vitesse rencontrant un corps mou le traverse!
C'est normal, c'est de l'ordre!…
Alors, cet ordre, ces lois, d'où viennent-ils ? Est-ce qu'on peut les attribuer au
hasard, au hasard biogène comme disent certains, au hasard qui fait de l'ordre,
au hasard qui fait la vie ?
Il faut savoir, Messieurs, qu'à notre époque on est arrivé à mesurer le hasard
par ce qu'on appelle le calcul des probabilités…
Prenons un exemple : puisque tout à l'heure je vous parlais de buildings de 20
étages, grimpons au faîte de l'un d'eux – par l'ascenseur bien sûr – avec une
caisse d'un mètre cube remplie de millions de caractères d'imprimerie et, là (ce
n'est qu'une expérience imaginée) renversons la caisse qui se déverse ainsi
avec ses millions de caractères dans la cour intérieure de l'immeuble dûment
nettoyée… Redescendons pour voir ce qui s'est passé en bas… Est-ce que,
par un effet du hasard, nous trouverons des mots formés ? Oui, nous
trouverons des mots formés par hasard mais remarquez – première loi – plus
les mots sont courts, plus ils sont nombreux à être formés, par exemple mot
français "SOT" sera trouvé un grand nombre de fois, pourquoi cela ? Eh bien
les mathématiciens vous disent qu'il suffit de six combinaisons pour le ramener.
Si vous mettez en effet les trois lettres du mot "SOT" dans une machine de
"TRIC-TRAC" et que vous manœuvriez l'appareil une centaine de fois, ce mot
reviendra à peu près toutes les six fois et il reviendra ainsi parce qu'il n'y a
guère que six combinaisons possibles avec ces trois lettres. Bien!
Prenons maintenant un mot de quatre lettres, comme "fade". Il y a là un bien
plus grand nombre de combinaisons possibles. Pour déterminer ce nombre il
faut multiplier le premier chiffre "6" (de la combinaison avec 3 lettres), par les 4
lettres du nouveau mot, ce qui donne 24 combinaisons. Si vous jetez les 4
lettres F.A.D.E. dans le tric-trac le mot "fade" reviendra à peu près toutes les 24
fois, d'après ce calcul des probabilités… le mot "Jules"… hum! il y a déjà 120
combinaisons c'est-à-dire 24 x 5; locomotive, soit 10 lettres, le mot n'est
susceptible de revenir que les 3'628'800 fois, et lorsque j'arrive enfin au plus
long mot de la langue française : ANTICONSTITUTIONNELLEMENT soit 25
lettres, le mot risquerait d'être reconstitué tous les 14 trillions de fois c'est-à-dire
14 suivi de 24 zéros. Bien!… Remarquez Messieurs que dans ma caisse nous
avons plusieurs millions de combinaisons différentes puisque nous y avons
plusieurs millions de lettres… Il m'est loisible de les reprendre et les relancer,
mais est-ce que nous penserons y reconstituer un jour une fable de La
Fontaine ?…
Je vous prie de remarquer (et c'est capital cela) qu'il peut y avoir à cela deux
réponses, mais deux réponses très différentes, une réponse purement
théorique de possibilité, et une réponse pratique.
D'abord une réponse purement théorique :
Oui, il est possible qu'un jour, du moment que j'ai mes millions de lettres et que
toutes les fables de La Fontaine y sont contenues en puissance puisqu'il y a
des millions de "a" des millions de "b" etc… la fable soit reconstituée, mais
remarquez que la fable la plus courte "La cigale et la fourmi" je crois, a quand
même plus de 400 lettres et vous avez vu que déjà à 25 lettres on ne retrouve
une possibilité qu'avec un nombre de 26 chiffres, à 400 lettres alors on ne peut
même pas l'envisager, c'est comme si l'on se mettait à compter les centimètres
qui nous séparent des galaxies. Donc réponse pratique : NON, ce n'est pas
possible.
Mais pour mieux vous faire comprendre cette conclusion du raisonnement, je
vais l'illustrer d'un second exemple :
Vous traversez l'Atlantique sur un bateau. A mi-chemin entre Le Havre et New-
York, comme il fait beau vous regardez les marsouins tout en jouant avec une
belle bague, souvenir de famille auquel vous tenez beaucoup. Tout d'un coup,
distrait par un paquebot qui se dessine au loin, vous laissez tomber votre
bague dans la mer. Affolé, vous avertissez rapidement l'officier de bord qui
prend le relevé exact du point, longitude, latitude et, débarqué à New-York vous
allez trouver une grande firme d'objets trouvés et de recherches et vous
expliquez votre histoire au directeur à qui vous demandez si vous pouvez
récupérer votre bague… Réponse théorique : oui, on sait où elle est tombée…
mais comme je sollicite une réponse pratique il me dit :
Ah! Monsieur, ça c'est beaucoup plus compliqué, il faudra d'abord assécher
l'océan et cela ne suffira pas; il faudra aussi assécher les autres mers
puisqu'un poisson a pu avaler votre bague et s'en aller ailleurs; et puis il faudra
aussi attraper tous les poissons pour voir s'ils n'ont pas votre bague dans le
ventre et si on ne la retrouve pas il faudra avec des équipes plus ou moins
nombreuses passer la boue et le sable du fond de la mer au crible… Si nous
faisons cela peut-être retrouverons-nous la bague, mais si j'ai un conseil à vous
donner, il vaudrait mieux en faire votre deuil ou en acheter une autre!…
Et remarquez-le bien, mes chers Messieurs, c'est d'ailleurs à cela que tend le
raisonnement, qu'à chaque instant nous voyons des savants, ou qui se croient
tels, nous présenter pour justifier leur athéisme comme possibilités "pratiques"
des choses qui ne sont que des possibilités "théoriques", en d'autres termes,
comme c'est possible théoriquement ils veulent supprimer Dieu et le remplacer
par le "Hasard" ou alors que ce hasard, nous l'avons vu par ces exemples, est
incapable d'obtenir l'ordre dans ses possibilités pratiques.
Ces possibilités, pour se réaliser, supposent une puissance infinie… nous
sommes obligés de remonter à Quelqu'un qui les ordonne et ce Quelqu'un,
nous l'appelons : DIEU.
Ainsi, pour en revenir à nos caractères d'imprimerie, le hasard serait incapable
de voir se reconstituer une fable de La Fontaine car cela serait encore
infiniment moins probable que la possibilité de retrouver la bague tombée dans
la mer dont nous avons vu que les conditions n'en étaient pas réalisables!… Le
hasard n'est, en définitive, rien dans l'ordonnancement des choses. Aveugle et
inconstant, comment pourrait-il produire des merveilles d'ordre et de perfection,
non pas une fois en passant, mais sans cesse, partout, et tout le long des
siècles ?
On pourrait multiplier les exemples : tenez, cela m'est arrivé une fois dans ma
chambre. J'avais préparé sur une table une quantité de dossiers avec des
feuilles volantes – 10 environ par dossier et il y en avait 40. Un grand vent ce
jour-là comme cela arrive souvent ici et j'avais du mal à fermer ma fenêtre. Tout
à coup quelqu'un frappe, entre, avec le courant d'air la fenêtre s'ouvre
brusquement et "vlan", toutes mes feuilles, 400 environ, ont été balayées et
mélangées au sol. Est-ce que je pouvais imaginer qu'un jour il y aurait un
courant d'air en sens contraire qui me remettrait mes feuilles bien classées sur
la table dans leurs dossiers respectifs ?
Quelqu'un qui penserait cela, tôt ou tard, finirait dans un asile, c'est évident…
Comme vous avez pu le voir, le hasard peut faire des choses faciles, mais
quand elles deviennent un peu compliquées il est impuissant et nous sommes
obligés de le rejeter.
Cicéron disait déjà : si l'Univers était formé d'une rencontre fortuite d'atomes,
pourquoi une telle rencontre n'a pu produire encore ni un temple, ni une ville, ni
même une maison, ce qui serait beaucoup plus facile ?
Eh oui, on est obligé de remonter à une intelligence prodigieuse, infinie, qui a
tout rangé avec Sagesse d'une façon unique, que ce soit le mouvement de
l'énergie ou le mouvement de la vie; tout est dans l'ordre et se trouve à sa
place : une merveille inouïe, dans le détail et dans l'ensemble qui nous oblige à
remonter à un ordonnateur, et cet ordonnateur nous l'appelons : DIEU.
Nous continuerons demain.
*****
N° 36
APOLOGÉTIQUE
IMMORTALITÉ DE ÂME - LA RÉVÉLATION
Mes chers Messieurs, j'ai essayé hier de vous présenter quelques-unes des
preuves de l'existence de Dieu : celle de la contingence des êtres, la plus
profonde. tous les êtres sont arrivés et cela nous oblige à remonter à un Être
qui n'est pas arrivé, qui est la raison d'être de tous les autres…
La preuve par le mouvement aussi : partout nous voyons l'énergie qui se
transporte, qui prend des formes différentes, mais nous ne voyons jamais la
source première de l'énergie et, là aussi, nous sommes contraints de remonter
à un premier moteur, premier en ce sens qu'il n'y en a pas avant, donc
éternel…
Dans la preuve par la vie – comme dans les autres d'ailleurs – nous sommes
partis d'une évidence sensible… la vie n'a pas toujours été et cela nous a fait
remonter à un premier vivant…
Enfin la preuve par l'ordre, surtout par l'ordre, la plus belle : le hasard dont on
parle parfois ne nous fait faire que des réussites simples, mais dès que cela
devient un peu compliqué le hasard est impuissant et là aussi on est obligé de
remonter à un ordonnateur, à Quelqu'un qui a arrangé le monde et avait pour
cela un but… Dans l'Univers et sur toute la terre l'ordre est tel, qu'il soit
considéré au plan atomique, astrophysique, chimique, biologique, etc… qu'il
nous oblige absolument à remonter à une intelligence ordonnatrice que nous
appelons : DIEU !
On raconte que Newton, l'un des grands physiciens qui ont découvert certaines
de ces lois de la gravitation universelle, avait reçu en hommage, de la part des
horlogers de Londres, une monumentale et belle horloge astronomique qui
occupait toute une pièce de son appartement. Comme il recevait un jour la
visite d'un confrère savant comme lui mais aux convictions athées, ce dernier
admira d'abord l'horloge qui était vraiment une réussite et lui demanda :
Mais qui est-ce qui t'a fait ce magnifique cadeau ?
Ce n'est personne lui répondit Newton en souriant.
Comment ce n'est personne… tu te fiches de moi ? C'est idiot…
Et Newton de lui rétorquer : ne sais-tu pas que cette horloge n'est qu'un pâle
reflet de la réalité qui elle est infiniment plus riche. Alors toi, tu ne comprends
pas que personne n'ait fait cette horloge, tu es certain que quelqu'un l'a faite,
soit donc logique, l'autre non plus n'a pu se faire toute seule ! et il paraît que
cette réflexion fut pour l'autre le commencement de la lumière…
Maintenant très rapidement, car nous avons à étudier autre chose, je passe sur
la question de Dieu et j'arrive à celle de l'immortalité de l'âme.
Quelques données si vous le voulez. D'abord la preuve par l'intelligence : nous
connaissons des réalités qui dépassent la matière; en effet nous constatons
que toutes les choses matérielles ont des qualités matérielles. Par exemple,
cette table est matérielle puisqu'elle a un poids, une forme, une masse qui
s'opposent aux autres. elle a une couleur – du bois plus ou moins peint – elle
offre une certaine résistance, etc…; les choses matérielles ont parfois aussi
des réactions chimiques, c'est-à-dire qu'elles peuvent avoir un goût amer,
citronné, acidulé, que sais-je ? Mas en dehors de ces choses matérielles nous
en connaissons d'autres qui sont également des réalités, j'en cite quelques-
unes : la justice, le devoir, l'honneur, la liberté… et combien d'autres!… mais
prenons la justice : quel poids cela a-t-il, la justice ? Quelle marque, quelle
figure géométrique, quel goût ? Cherchez, vous ne trouverez pas. et pourtant il
s'agit bien d'une réalité : n'importe quel homme un peu au courant de la vie en
commun dans la vie familiale, dans la vie sociale, vous dira que sans un
minimum de justice, d'honneur et de sens du devoir on ne peut pas vivre. mais,
vous le voyez, il ne s'agit pas là de réalités matérielles, ce sont des réalités
immatérielles.
Si donc l'homme connaît ces réalités qui sont immatérielles c'est qu'il a en lui
un dispositif semblable, immatériel lui aussi, autrement il ne le connaîtrait pas!
Et cela à tel point qu'il est même capable, pour les sauvegarder, de sacrifier ce
qu'il y a de matériel en lui : son corps, son travail, son temps, ses fatigues, sa
vie même! Si donc l'homme est capable de sacrifier parfois tout ce qu'il y a de
matériel en lui pour sauvegarder l'honneur, la justice, valeurs immatérielles,
cela montre que nous avons à faire à trois termes différents :
- d'abord à ces réalités immatérielles,
- ensuite à notre corps humain, matière de notre nature,
- enfin à ce principe qui est en nous, qui n'est pas un autre être, notez-le bien,
mais un élément de notre être, différent du matériel,… un élément qui juge que,
pour sauvegarder ces réalités immatérielles, il faut sacrifier le matériel… donc
quelque chose qui transcende la matière, quelque chose capable de la sacrifier
pour sauvegarder ce qui est immatériel…
Eh bien, ce qui permet ce jugement de valeur, c'est ce principe vivant qui est ce
qu'il y a de principal en nous parce qu'il dépasse complètement le matériel,
principe qui permet de dire "JE", qui permet de dire "MOI", et cela ça ne peut
pas mourir… un "JE", un "MOI ne peut pas mourir parce qu'il n'a pas de parties
étant immatériel! Il est de ce fait spirituel aussi et transcende complètement la
matière!…
Après la preuve par l'intelligence, la preuve par la volonté :
Vous avez sans doute entendu parler du déterminisme des phénomènes : tout
ce qui arrive est produit par des phénomènes antécédents qui en sont la cause
de sorte que lorsqu'on réalise les conditions requises le phénomène se produit
toujours. Par exemple si l'on peut dans la proportion de 2 et 1 de l'hydrogène et
de l'oxygène et que l'on fait passer un certain courant il y a toujours de l'eau
comme résultat. Quand donc la constance, la loi d'un phénomène est connue,
dès qu'on réalise les conditions le phénomène se renouvelle… c'est d'ailleurs
pour cela que dans les laboratoires on ne peut se permettre aucune fantaisie,
que dans les calendriers on peut aisément prévoir à l'avance les heures des
marées, que le soleil se lèvera et se couchera à telle heure… les astres et la
matière sont toujours au rendez-vous…
Pour les animaux et les plantes c'est pareil : le chat fait toujours le chat, le
haricot fait toujours des haricots comme le Bon Dieu l'a voulu, il ne fera jamais
des lentilles…
Par contre, pour les hommes ce n'est plus pareil et parfois ils nous
déconcertent; ils sont sujets aux fantaisies un peu comme cet animal qu'on
appelle "CAPRA" en latin : la chèvre, mais les caprices de la chèvre sont
inhérents à sa nature, on pourrait dire qu'ils sont "chevrotants", ils
appartiennent à la chèvre, je veux dire par là qu'elle aussi fait la chèvre 24
heures par jour.
Mais les hommes, quelle gamme de variétés dans leur comportement!
Tenez, ma jeune sœur a 10 enfants et me disait un jour : avec les premiers on
se fait des sortes de constances, des lois; avec ceux qui arrivent après on
voudrait s'y prendre de la même manière mais on ne s'y reconnaît plus!
Évidemment il y a pour l'éducation des enfants des principes de pédagogie qu'il
faut savoir appliquer d'une façon différente suivant la nature des enfants…
alors les enfants font des caprices, les hommes font ces caprices, plus ou
moins dangereux bien sûr : voilà un bonhomme qui boit un verre de bon vin
tous les jours… un soir vous l'invitez à trinquer avec vous et il vous dit : Non! et
il vous affirmera qu'il ne boit plus que de la limonade…
Oui les hommes font à leur guise et cela montre, mes chers Messieurs, qu'il y a
quelque chose en nous qui échappe au déterminisme… Nous y échappons en
partie et on ne saurait jamais prévoir à l'avance ce que fera tel homme dans
telles conditions… on ne peut pas le savoir!… Le connaissant, on peut
supposer qu'il se comportera de telle façon mais rien n'est plus incertain; très
souvent même les hommes nous déconcertent et nous étonnent parce qu'ils
échappent au déterminisme! Mais si nous y échappons c'est qu'il y a en nous
quelque chose qui n'est pas déterminé, qui n'est pas matériel, qui transcende la
matière et nous retrouvons ainsi la même conclusion que dans la preuve par
l'intelligence.
Mes chers Messieurs, chacun de nous a une âme immortelle… Tous les
grands savants savent cela : les grands philosophes de l'antiquité, un Aristote,
un Socrate aussi et pourtant, quand nous parlons de la question de Dieu et de
l'immortalité de l'âme, certains de ceux qui ne sont pas d'accord se croient très
malins de parler de "tolérance", surtout à notre époque!…
Hé! voilà une application qu'il faut savoir faire de ce mot "tolérance", qui, si l'on
y regarde de près, a vite un sens péjoratif… maison de tolérance, mais
lorsqu'on vous en donne la définition on vous dira ,,qu'on tolère un mal qu'on ne
peut empêcher” c'est donc peut-être une vertu positive que de tolérer ?
Évidemment je sais trop bien que de plus en plus il y a des maux qu'on ne peut
empêcher et que c'est pour cela qu'on les "tolère", mais il est bien regrettable
qu'on soit obligé de les tolérer, ne vaudrait-il pas mieux en supprimer les
causes ? Quoiqu'il en soit le terme reste péjoratif, mais ce qu'il y a de navrant,
c'est que des gens appliquent ce terme de "tolérance" à ces notions que
j'essaie de vous rappeler sur l'existence de Dieu et sur l'immortalité de l'âme,
c'est-à-dire les deux premiers termes sur lesquels reposent toute la religion et
toute notre destinée…
Pour bien vous faire comprendre cela, je vais me servir d'un exemple :
imaginez vous trouver dans un bureau des Ponts et Chaussées : un ingénieur
arrive, puis un second et le premier dit : Ah, tu sais, hier soir, ma femme m'a fait
un café si fort que je n'ai pu dormir; alors, déformation professionnelle sans
doute – tu te rappelles que j'ai eu un grand prix en mathématiques à l'X – eh
bien mon vieux, je suis arrivé à prouver que 2 et 2 font 5. Qu'est-ce que tu en
penses ?…
Je pense que tu aurais mieux fait de dormir!…
Tu n'est pas convaincu ? mais enfin regarde donc… je vais te montrer mon
argumentation…
Inutile, mon pauvre vieux, aucun théorème, fût-il nouveau, ne tient devant
l'évidence, et l'évidence là, c'est que 2 et 2 font 4…
Arrive un 3ème ingénieur : qu'avez-vous à discuter tous les deux ?…
Eh bien, tu vois, le copain veut me prouver que 2 et 2 font 5!…
Bôh, qu'est-ce que ça peut te faire après tout… tu es catholique ? sois gentil,
sois charitable, dis-lui que c'est vrai, si ça lui fait plaisir…
Comment ? toi aussi tu commences à travailler de la tête, car enfin, si 2 et 2
font 5, 20 et 20 font 50, 2'000'000 et 2'000'000 font 5'000'000 et comme nous
travaillons tous les deux sur le terrain, comme ingénieurs, il va y avoir des
ponts qui vont s'écrouler, pourquoi ?… : parce que l'homme lorsqu'il accepte
une erreur dans sa tête ne l'y garde pas; il la met dans la réalité, de telle sorte
que si le premier soutient mordicus que 2 et 2 font 5, ce n'est pas très grave
comme erreur au départ, mais il ne peut plus servir. Que faudra-t-il faire ?… Eh
bien, on sera obligé de le mettre en observation dans un institut de psychiatrie
où on lui donnera autant de crayons et de papier qu'il voudra pour continuer
ses calculs… mais à l'intérieur de l'institut n'est-ce pas ?… Pourquoi à l'intérieur
?… Parce que lorsqu'on applique les règles d'un monde où 2 et 2 font 5, (le
monde de sa tête) à un monde extérieur où 2 et 2 continuent à faire 4, il y a
forcément un décalage et l'on est obligé de l'enfermer, il ne peut plus servir; on
ne le tolère plus à lui, et cela, (c'est ce que je voulais mettre en évidence) c'est
parce qu'on ne tolère pas d'erreur sur la matière!…
Nous pourrions prendre un deuxième exemple : nous sommes ici dans un
laboratoire de chimie d'une usine des poudres. Même histoire que la
précédente. L'ingénieur ici affirme qu'après avoir revu ses formules, il peut
prouver que les explosifs modernes n'ont plus de force.
Qu'est-ce que tu en penses ? dit-il à l'autre…
Eh bien, mon cher ami, je pense que tu pourrais essayer de les revoir! car je
m'en moque de tes formules, rien ne tient devant la réalité, et la réalité, c'est
que les explosifs modernes font sauter des maisons, des ponts, etc…
Mon cher, à mon tour de te dire que ce n'est qu'apparence cela, je t'affirme que
les explosifs modernes n'ont aucune force.
Mais arrive le 3ème ingénieur à qui l'on explique la chose. Pour discuter il les
amène au hangar où sont entreposés les explosifs et l'ingénieur (celui qui n'y
croit plus) prend aussitôt un marteau pour aller frapper sur les détonateurs en
disant: ça, ça n'a aucune force, tant il est vrai que lorsqu'un homme a accepté
une folie dans son cerveau, il veut la faire partager aux autres!… Mais, est-ce
qu'on va respecter son opinion ? Imaginez! Il est devenu un danger mortel ce
bonhomme-là! et de lui aussi, très rapidement on va s'en emparer et le
conduire en lieu sûr, pourquoi ?… Parce que si on applique les règles d'un
monde où les explosifs n'ont aucune force (le monde de sa tête), à un monde
extérieur où les explosifs ont des effets terrifiants, comme il y a là un décalage
qui peut être mortel pour la population, lui aussi on le met à l'abri très
gentiment…
Alors le premier niait une erreur pourtant minime au départ, je dis que 2 et 2
font 5, mais j'aurais pu dire tout aussi bien 2 et 2 font 4'001… non! c'est faux! 2
et 2 font 4, voilà la vérité; l'autre niait une réalité chimique en fait, ils ne peuvent
plus servir ni l'un ni l'autre… et remarquez, mes chers Messieurs, que pour ces
gens-là on n'est pas "tolérant", pourquoi ?… Mais parce qu'ils nient des vérités!

Comprenez donc maintenant les conséquences que peut amener la négation
de l'ÊTRE, de Celui qui EST, qui a fait tout le reste!… Certains disent que c'est
une opinion que l'on peut avoir… Non! ce n'est pas une opinion, car
l'intelligence humaine, laissée à son jeu normal et sain ne peut que croire…
Tous les sauvages du Centre-Afrique – tout au moins les anciens, car dans les
nouveaux nous en trouvons beaucoup qui font leurs études à l'université de
Paris ou de Moscou, ce qui est à peu près la même chose – mais ces
sauvages, dis-je, qui se servent sainement de leurs facultés, ces pauvres
primitifs savent qu'il y a un Dieu et que leur âme est immortelle; tous les
peuples de l'antiquité savaient cela, et ce n'est qu'en violentant son intelligence,
comme le bonhomme qui prétendait que 2 et 2 font 5, qu'on peut arriver à nier
une vérité qui éclate partout et qu'on n'aurait pas besoin de prouver, et pour en
revenir à ce que je disais tout à l'heure, il est quand même navrant, parce que
les négateurs sont nombreux, d'en arriver à "tolérer" cette éclatante vérité, celle
qui touche à notre destinée éternelle!
Tenez, en passant aussi, un petit trait au sujet de DARWIN. Sachez que
Darwin croyait en Dieu, tout comme Lamarck… on a fait dire à ces gens-là
beaucoup plus qu'ils n'ont écrit, cependant Darwin était un vrai savant qui avait
parcouru le vaste monde et l'avait beaucoup étudier. Il était convaincu de
certaines idées évolutionnistes, comme par exemple que les hommes
descendaient du singe; il a donc voulu prouver cette assertion. La preuve
consistait, d'après lui, en ceci qu'un singe très évolué et un homme au dernier
degré de l'échelle humaine ne présentaient au fond aucune différence; pour
pouvoir concrétiser cela il s'est rendu ca Cap où, après recherches, il a pu
acheter un jeune Hottentot de 18 à 20 ans, spécimen d'une population très
dégradée, remarquable par son visage simiesque; en même temps il achetait
aussi un jeune chimpanzé de 3 ans, paraissant intelligent et Darwin les mit tous
deux sur le bateau, qui, à cette époque n'était mû qu'à voile, la navigation à
vapeur en était à ses débuts. C'est dire qu'il fallait près d'un mois pour rentrer
en Angleterre. A bord, le chimpanzé amusait les passagers dont beaucoup
d'officiers en provenance des Indes, tandis que le noir, (on ne savait pas trop
quoi faire de lui), on le plaça comme souillon à la cuisine, ou plutôt à la
vaisselle… voyage d'un mois!…
Lorsque le bateau arriva en Angleterre, le singe était toujours singe, il continuait
à faire ses grimaces n'est-ce pas ? Mais le Hottentot, lui, savait déjà parler
anglais… il savait aussi chaparder les cuisses de poulet, fumer des cigarettes,
il était dégrossi quoi! et Darwin n'a pas pu faire sa preuve parce qu'il constatait
chez le Hottentot un bonhomme qui s'éduquait progressivement, tandis que le
chimpanzé n'avait pas changé lui, il était toujours le même… Passons…
Nous arrivons maintenant à un problème qui va nous arrêter assez longtemps,
le problème de la Révélation… C'est rapidement que nous avons vu le
problème de Dieu, puis celui de l'immortalité de l'âme.
Comment relier ces deux termes ?
Eh bien, cela va se faire par la Révélation. Dès lors, tout va s'éclairer à cette
lumière nouvelle. Dans ce mot de "révélation" on y découvre celui de "Velare"
qui vient de l'italien et aussi du latin, ce qui veut dire "Voiler"; et "Revelare"
pourrait se traduire un peu largement par "ôter le voile", faire connaître des
vérités que par lui-même l'homme n'est pas capable de discerner. Par la
Révélation Dieu fait connaître des vérités, ôte le voile qui les recouvre… Bien!
… Mais d'abord, éliminons quelques petits problèmes :
Est-ce que c'est possible, cela, que Dieu nous révèle quelque chose ?…
Comment ?… Nous, les hommes, il nous est loisible de faire connaître nos
pensées, nos idées propres au moyen de la parole, et Dieu ne pourrait pas
nous faire connaître ses vérités, Lui qui a créé la langue des rossignols (et
même celle des belles-mères) ?… Oui, Dieu peut parler…
En second lieu, question d'opportunité, est-ce que Dieu devait parler ? Il le
pouvait c'est évident, mais est-ce qu'Il le devait ?…
Oui, Il le devait, car il semble bien qu'un Dieu infiniment prudent ne pouvait pas
laisser sur la Terre des hommes libres capables de faire du bien, mais
capables aussi de faire des sottises, sans leur donner quelques directives!!…
Un père de famille qui arrive en congé payé dans une région accidentée avec
des enfants plus ou moins turbulents commence d'abord à poser quelques
défenses, donnant quelques permissions, mais des défenses surtout : Mes
enfants, je ne veux pas ramener à la maison des blessés ou des morts, aussi je
ne veux pas vous voir jouer sur la falaise; mes enfants… je ne veux pas que
vous vous baigniez quand je ne serai pas là à la rivière qui est trop rapide; au
fond duc parc il y a une fosse à purin très dangereuse, défense absolue de
jouer au fond du parc…
Est-ce que le papa fait cela pour ennuyer ses petits ?… Non! il le fait pour les
défendre contre eux-mêmes car les enfants bien souvent ne voient pas le
danger, eh bien, il en est de même pour nous, non pas qu'il y ait des pièges
dans la création qui nous entoure, mais il y a des choses que nous serions
tentés de faire et qu'il ne faut pas faire, tandis que d'autres sont souhaitables.
Voyez-vous, il semble donc bien évident que Dieu devait parler… Bien!…
Mais, est-ce qu'en fait Dieu a parlé ?…
Là, mes chers Messieurs, nous ne resterons pas dans le théorique, car si Dieu
a effectivement parlé, nous allons nécessairement nous trouver devant deux
problèmes très différents : un problème d'histoire se rattachant aux faits, et un
problème proprement religieux, je dirai métaphysique. Pour mieux vous faire
comprendre cela je vais encore me servir d'un exemple : un soir, vous sortez
du bureau avec un ami et vous passez devant le cinéma du quartier qui
annonce une séance gratuite pour le soir. Alors cet ami dit :
Tiens, c'est gratuit, on en profite ?…
Oh, mon vieux, tu sais, moi, je suis fatigué, vas-y toi, au cinéma, tu me
raconteras ça demain. Bien!… Le lendemain :
Alors, tu t'est bien amusé ?… 
Follement! Jamais je n'aurais pensé à une chose pareille! D'abord je dois te
dire que ce n'était pas un film, c'était une conférence d'un certain Monsieur
SMITH sur les conséquences du plan Marshall sur l'Europe… oui, je m'en
rappellerai de cette conférence! elle a duré 1 h 25, montre en main, et il parlait
anglais, le bonhomme, et comme je ne comprends pas la langue de
Shakespeare, je me suis beaucoup amusé!… Il y avait beaucoup de gens qui
étaient comme moi d'ailleurs, mais comme c'était éclairé "A GIORNO", on
n'osait pas sortir car c'était montrer à tout le monde qu'on ne comprenait pas
l'anglais!… alors on est resté, comprends-tu ?
Eh bien, Messieurs, vous avez là deux choses très différentes : le fait que M.
Smith, économiste américain, a parlé hier au soir à l'Eldorado pendant 1 h 25,
j'y étais, je puis l'affirmer, je témoigne en conséquence…

Mais qu'est-ce qu'il a dit ? Ah, là, je ne peux plus témoigner… j'ai bien compris
quelques noms propres de personnalités européennes, mais enfin impossible
pour moi de reconstituer la conférence…
C'est ainsi que dans le fait de la Révélation nous voyons deux choses
semblables :
1. - un fait historique : qui relève de la science et peut donc être résolu, prouvé.
2. - un fait religieux, mystique, avec des données qui peuvent dépasser les
possibilités humaines de l'intelligence.
Un fait historique :
Si Dieu a parlé, Il n'a pu parler qu'un langage humain, car si Dieu avait utilisé
un langage que personne ne comprend, c'est comme s'Il ne parlait pas! Il a dû
nécessairement parler un langage humain, c'est-à-dire qu'Il a dû le formuler
avec des moyens divins; mais s'Il a parlé ce langage, il y a là un phénomène
historique qui relève de l'Histoire et donc, en remontant l'histoire de tous les
peuples, l'histoire des hommes, je dois trouver une relation entre tous ces
phénomènes historiques de telle ou telle époque, caractérisés par telles formes
et par tels témoignages divins… Voyez, tout cela relève de la science
historique…
Un fait religieux :
Mais il est possible que le contenu de cette Révélation me dépasse… cela est
même probable, parce que si Dieu disait des choses que tout le monde sait, où
serait la Révélation ?… Et c'est pour cela qu'il y a des mystères!… Il y a
d'ailleurs des mystères partout et non pas seulement dans la Révélation.
Messieurs, expliquez-moi le phénomène du Rêve ?… En nous se situe un
appareil de projection et le soir, on ne saurait déterminer à l'avance comme
dans les affiches ce à quoi on va assister : un documentaire ou une tragédie ?
Quelquefois c'est plutôt la comédie qui prend le pas et on rit tout seul, ou bien
on hurle, mais avant de vous coucher est-ce qu'on vous a dit le programme ?
Cet appareil si perfectionné, nous l'avons, et puis tout d'un coup il se déclenche
et "clac" on voit le cinéma… vous savez, il n'en faut pas beaucoup : parfois un
peu d'alcool dans l'estomac suffit!… Oui, expliquez-moi ça! Je sais bien que
des docteurs, des psychiatres, des psychologues ont beaucoup d'histoires à
raconter là-dessus, ne serait-ce que pour cacher leur incompréhension!
Prenons aussi sis vous le voulez la germination : on met un grain de blé ou un
haricot dans la terre et si les conditions requises sont observées (humidité et
chaleur) votre grain se pourrit et il en sort une petite herbe… et remarquez le
travail, ce travail de transformation et de puissance que n'arriveraient pas à
faire nos grandes usines chimiques et qui est la résultante de l'admirable jeu
chlorophyllien, un monde, hein ?… Et lui, tranquillement, il faut des haricots!…
Comment ?… Les origines de la vie nous échappent, c'est bien partout qu'il y a
des mystères!… alors, s'il y a des mystères dans ce grain de haricot, s'il y a
des mystères en moi, il doit y avoir des mystères en Dieu, comprenons cela!!
… un Dieu qui serait sans mystères ne serait pas très grand, n'est-il pas vrai ?
… Nécessairement donc il doit y avoir des mystères en Dieu et il est normal
que je ne les comprenne pas, car nous, les hommes, nous sommes bornés…
Je ne sais pas ce qui se passe en moi, je ne sais pas ce qui se passe dans des
choses de rien du tout comme le haricot, comment comprendre celles de
Dieu ?… Voyez… et c'est normal… A l'avance quelqu'un qui réfléchit que la
Révélation divine doit forcément comporter des mystères qui dépassent son
intelligence doit comprendre qu'il doit y avoir aussi des choses qui vont
contraindre sa volonté!!… Comme je vous le disais tout à l'heure : de même
que le père de famille qui arrive en congé payé dit à ses enfants ,,Je ne veux
pas vous voir jouer au fond du parc à cause de la fosse à purin, je ne veux pas
vous voir jouer sur la falaise, je ne veux pas que vous vous baignez dans la
rivière si je ne suis pas là”, eh bien, si Dieu est PÈRE, – et Il l'EST – c'est le
nom que nous lui donnons et c'est le plus beau de tous, il est certain que Dieu
doit nous dire : ,,Mes enfants, ça vous pouvez le faire, ça non, ça c'est défendu,
etc…” et remarquez que les défenses divines sont synchronisées avec notre
conscience… nous savons bien que c'est Dieu qui a raison quand il dit : il ne
faut pas tuer, il ne faut pas voler, il ne faut pas prendre la femme du voisin, il ne
faut pas blasphémer, etc… nous le
((fin de la page 480))
((page 481))
savons bien au fond de nous-mêmes et cela est confirmé par la Révélation!…
En d'autres termes, la question de fait, je peux la résoudre par l'histoire, mais il
est possible et même certain qu'il va s'y trouver des mystères qui vont gêner
mon intelligence et des commandements qui vont contraindre ma volonté, mais
si je suis logique, il me faut reconnaître que cela vient de Dieu :
C'est vous, Seigneur, qui me garantissez la véracité de ces 200 ou 300
propositions ?… Oui, c'est vous, Seigneur, qui le garantissez ? alors,
j'accepte…
Eh bien, mes chers Messieurs, la Foi catholique, c'est ça… Bien que je ne
comprenne pas ce qui me dépasse, bien que cela me gêne… je crois!…
Mais est-il légitime, est-il raisonnable de passer ainsi d'un ordre connu à un
ordre qui n'est pas connu ?…
Mais oui… car à chaque instant nous faisons cela, mes chers Messieurs : Je
me rappelle à cet effet une coryphée de la libre-pensée, un peu avant la guerre,
qui répétait souvent cette phrase : ,,Un homme intelligent et conscient ne doit
jamais accepter comme vrai que ce qu'il peut examiner lui-même”. Quelle farce
que cette proposition! fausse au départ, car à chaque instant nous sommes
obligés de faire confiance aux autres!… Tenez, tout à l'heure, vous allez vous
rendre à la salle à manger. Qui vous prouve (je parle évidemment de preuve
scientifique) qui vous prouve que la sœur cuisinière de Nazareth ne s'est pas
trompée et qu'au lieu de mettre du sel de cuisine dans le potage, elle n'y a pas
mis un cyanure quelconque qui va tous nous envoyer en cimetière ?… Je parle
de preuves, hein ?…
Ah, mon Père, je puis prendre ma soupe et au lieu de la manger la porter au
plus proche laboratoire de chimie à Valence…
D'accord, mais qui vous prouve que là-bas le chimiste ne veut pas vous
tromper aussi ? C'est là cher ami que vous devez étaler vos connaissances en
chimie (si vous la connaissez!) et qu'est-ce qui vous prouve que ceux qui ont
fabriqué les appareils de mesure ne se sont pas trompés aussi ?… Dans ces
conditions, quand est-ce que vous allez manger votre soupe ?… vous ne
pouvez pas!…
Vous voyagez, vous avez oublié votre rasoir et vous allez voir un Figaro
quelconque… qu'est-ce qui vous prouve que le coiffeur n'a pas dans sa tête
quelque chose qui ne tourne pas rond et que lorsqu'il mettra le rasoir sur votre
gorge, il ne lui prendra pas la fantaisie de voir ce qu'il y a dedans ?… Heu! c'est
déjà arrivé!… Mais vous lui faites confiance, n'est-il pas vrai ? D'après le calcul
des probabilités, vous avez une très faible chance d'avoir la gorge coupée, de
sorte que vous acceptez… vous acceptez, mais, scientifiquement, la preuve
vous ne pouvez pas l'avoir!… dans les chemins de fer, vous faites confiance à
tous les employés par exemple de Valence à Paris pour la sécurité de votre
voyage, depuis ceux qui ont fabriqué les wagons jusqu'aux mécaniciens, en
passant par tous les aiguilleurs et agents intéressés de toutes les gares
traversées…, vous ne pouvez faire autrement, nous sommes obligés de faire
confiance aux autres pour des choses multiples et pourtant nous savons bien
que les hommes nous trompent de temps à autre… dans des restaurants du
Midi, à Marseille ou ailleurs, on vous sert pour du civet de lièvre une sauce faite
avec du lapin; remarquez que le lapin n'est pas si mauvais que ça! – les
Marseillais disent du lapin qui fait "Miaou" ! …– ce n'est pas mauvais, non, mais
enfin, ce n'est quand même pas du civet de lièvre!… Oui, trompés aussi par
des fraudes, et quelquefois des fraudes officielles; si le gouvernement arrive à
en avoir une part, il ferme les yeux… Un de mes amis, que j'avais connu au
séminaire, rencontré un jour à Marseille où il était représentant, me dit : ,,Je
vends du sang”…
Ah, ah! tu es donneur, tu es du nombre ?
Non, je vends du sang, et il m'explique : tu vois, les grands magasins
d'alimentation à Marseille reçoivent des centaines de lapins d'Australie… ils ne
sont pas mauvais, mais tu sais ils ne sont pas tués de la veille, n'est-ce pas ? et
comme la ménagère provençale veut être sûre que la bestiole est morte la
veille, elle veut voir du sang, c'est pour elle la preuve qu'il en est bien ainsi,
alors moi, j'ai dans ce sac du sang de bœuf desséché que je vends pour
accompagner les lapins qui sont morts il y a trois mois en Australie, et ce sang
donne l'illusion qu'il s'agit bien de lapins du terroir… et c'est accepté… ce n'est
pas contraire aux règles de l'alimentation… de même pour les viandes… il y a
des choses qui sont à la limite, hein ?… les hommes nous trompent donc…
Remarquez que dans l'ensemble, les fraudes ne sont pas trop grandes…
lorsque la mesure est dépassée, pour le lait ou autre, alors les pouvoirs publics
interviennent et comme on dit, ils "saquent" un peu pour faire peur aux autres…
Eh bien, voyez mon argument : si nous acceptons le témoignage des hommes
qui nous trompent à chaque instant, à plus forte raison nous devons accepter le
témoignage de Dieu qui, Lui, ne peut pas nous tromper! Et nous revenons
toujours à nos deux éléments de la Révélation : l'élément historique et l'élément
je dirai religieux et mystique qui nous dépasse par les mystères qui sont en lui.
Bien sûr que cela nous dépasse!… Je me rappelle, il y a quelques années,
dans certaines réunions de jeunes, nous nous mettions à deux pour les
interroger et quand on leur demandait pourquoi ils croyaient à la religion
catholique on voyait tout d'abord leurs yeux qui s'arrondissaient et l'on se
rendait bien compte que c'était semble-t-il, la première fois que la question leur
était posée!… C'est déjà grave qu'une question aussi importante ne se pose
pas chez beaucoup, alors un répondait :
Ah, mon Père, je suis de l'Ardèche moi, et dans ce pays on est généralement
dévot; comme mes parents étaient assez religieux, j'ai suivi le mouvement,
c'est pourquoi je suis catholique… 
Alors si vos parents avaient été protestants ou bouddhistes, vous le seriez
aussi ? alors zéro, ce n'est pas sérieux comme base de religion.
Un autre : moi, mon Père, c'est parce que j'ai été élevé au collège des Jésuites
et j'ai suivi les prescriptions de mes maîtres…
Zéro aussi, si votre maître avait été un rabbin, vous auriez épousé la religion
juive ? mais un jeune homme levait le doigt comme à l'école; nous l'avons
interrogé et il nous a dit :
Moi, mon Père, je crois parce qu'à la Paroisse nous avons un Curé formidable!
il était d'abord docteur en médecine et puis, à 27 ans, il a eu la vocation; il est
allé à Rome et en est revenu docteur en théologie, en philosophie, une tête
comme ça!… quoi, un parapluie!… et avec ça il parle admirablement, alors il va
dans les bistrots faire des conférences et si on veut le contrer, c'est une
véritable mitraillette… papapapapa… et avec ça sympa au possible, il est la
coqueluche des jeunes… Alors, à ce jeune homme nous lui avons donné zéro
aussi.
Comment ? Croire un homme parce qu'il a des diplômes ? Mais au Japon ou
ailleurs, il y a des ingénieurs qui sortent d'Oxford, de Munich ou de Paris, munis
de diplômes; certains sont catholiques, d'autres protestants, bouddhistes ou
tout ce que vous voudrez, mais croire un homme parce qu'il est quelqu'un et
qu'il a des diplômes ? Ce n'est pas sérieux non plus, c'est évident… on doit
croire parce qu'on a foi en Dieu, foi en ce qu'Il nous a révélé et parce qu'Il ne
peut ni se tromper ni nous tromper!
Permettez-moi d'ailleurs, à ce sujet, un souvenir personnel :
Je me trouvais pendant la guerre à St-Raphaël au bureau du régiment où
j'étais secrétaire. Un jour, un Marseillais comme moi, marxiste, qui m'appelait
"le curé" m'interpelle en me disant :
Hé, Moussié le curé, vous n'avez pas l'air trop "fada", vous, pourquoi vous y
croyez… à ces choses ?…
Quelles choses ?…

Eh bien… le petit Jésus, la Sainte Vierge… le papa Noël… Saint Joseph…


pourquoi vous y croyez ?…
D'abord, écoute, mon vieux, le papa Noël… et il a fallu que je fasse une
distinction entre le papa Noël et la réalité… et pour le reste je lui ai dit :
Moi, mon vieux, j'y crois parce que c'est vrai…
Ah! vous croyez parce que c'est vrai! Et qui est-ce qui vous a dit que c'était
vrai ?

C'est le Bon Dieu qui l'a dit.


Ah! c'est le Bon Dieu qui l'a dit! Et pourquoi Il ne me l'a pas dit à moi ?…
Je ne t'ai pas dit que le Bon Dieu me l'avait dit, j'ai dit que le Bon Dieu l'avait
dit…
Oh! et à qui Il l'a dit ?… au Boulevard Bail ( à Marseille lorsqu'on parle
psychiatrie, on dit le boulevard Bail) ces gens se croient Napoléon ou
Bonaparte…
Mais non, mon petit, il ne s'agit pas de fous, il s'agit de gens sains de corps et
d'esprit, comme toi et moi, qui ont donné des preuves comme quoi ils parlaient
de la part de Dieu…
Ah! ils ont donné des preuves!… Quelles preuves ?…
Eh bien, mon vieux, il y a le miracle, qui est un fait sensible, produit en dehors
du cours ordinaire des choses, inexplicable d'après les lois de la nature et qui
prouve l'origine divine et la vérité d'une doctrine, apposé comme une
signature…
Je lui ai parlé alors des prophéties qui sont autant de miracles intellectuels,
prédisant d'une façon certaine des événements futurs et non déterminés,
inconnaissables naturellement… l'Ancien Testament est rempli de prophéties…
toutes parlaient d'un Messie qui devait venir plus tard et ce visage moral du
Messie se dessine là comme dans un filigrane dans l'histoire du monde, et
chaque prophétie y ajoute de nouveaux traits; c'est admirable vraiment, les
prophéties!… Remarquez d'ailleurs qu'il est permis à tout le monde d'en faire,
(surtout en vain); l'intéressant est qu'elles se réalisent, surtout lorsqu'elles sont
assez détaillées… c'est vraiment prodigieux et malheureusement, cela n'est
pas assez connu… et quel dommage!…
Et puis, il y a les miracles proprement dits, matériels, sensibles, dont je vous
parlais, se produisant en dehors du cours ordinaire des choses… et interpellant
à mon tour le bonhomme, je lui ai demandé … 
Pourrais-tu, toi, avec 5 pains et 5 poissons, nourrir 5'000 personnes ?… Il me
regarde un moment et il me répond :
Heu!… oui, c'est facile… 
Ah, c'est facile ?… Il y avait là un restaurateur de Marseille qui suivait le débat
et qui évidemment, était intéressé par la réponse, il lui répète ma question et
l'autre de lui répondre :
Même davantage!… 
Bon, bon, je sais que tu es de Marseille toi aussi, mais je veux savoir comment
tu fais ?
Il nous regarde encore et il nous dit : c'est pas difficile… je prends 5 pains gros
comme l'église et 5 baleines et je les nourris tous !…
Très bien, alors, mon chef, nous allons préciser : est-ce que tu pourrais avec 5
petits pains à sandwich et 5 sardines nourrir tout ce monde ?…
Il nous regarde à nouveau et il dit :
C'est pas malin, on leur donne à chacun un petit morceau…
Oui, c'est ça, on va sonner la soupe dans un moment et imagine-toi que dans
ta gamelle on te mette la cinq millième partie d'une sardine, est-ce que tu auras
bien mangé après ? Il était justement costaud et se flattait d'avoir bon appétit…
il me dit alors :
Oui, ça serait un peu maigre quand même!
Eh bien, mon vieux, dans le cas dont je te parle, il est resté 12 corbeilles de
rabiot et tout le monde était rassasié… et puis je lui ai raconté d'autres preuves
fournies par l'histoire, l'eau changée en vin à Cana… et là, il commençait à être
prodigieusement intéressé… Comment `Un Monsieur qui avec de l'eau il fait du
pinard ? Moi, je deviens catholique alors!
… et là, je marquais un point… Je lui ai expliqué ensuite des miracles de
l'Ancien Testament et des miracles que nous trouvons dans l'Évangile… dans
le bureau tout le monde suivait le débat et mes actions montaient… montaient!
… Mais, à un moment donné, le bonhomme me pose une question (quand
nous connaissons un peu notre religion, nous n'avons pas à avoir peur qu'on
nous en pose des questions) et il me dit :
Mais il y a combien de temps que ça a eu lieu cela ?
Depuis combien de temps ? Mais depuis 2'000 ans bientôt…
Comment ? depuis 2'000 ans ? Moi je croyais que c'était hier! Mais ils étaient
tous fadas à ce moment-là, ils adoraient les bêtes, la mythologie… tout ça…
Moi je me rappelle, j'étais petit et à l'école laïque de la rue Paul Bert, on m'a
appris qu'ils adoraient les bestioles…
Mais, mon vieux, l'histoire est une science qui s'impose à nous avec ses
témoignages, ses parchemins, ses inscriptions, la critique…
Bôh, bôh… c'est les curés qui ont inventé ça, le papa Noël, le petit Jésus, c'est
pour trouver de l'argent, on me l'a appris, ça aussi… les juifs, et puis
maintenant les catholiques, tous ces prêtres enfermés dans leur baraque : M. le
baron, vous porterez un jambon au presbytère, n'est-ce pas ? Je vous donne
l'absolution, mais vous porterez le jambon, hein ?…
Allez! tout à l'eau. tout le monde riait… oui, ç'a été inventé par les curés!…
Alors, je lui dis tout d'un coup :
Est-ce que tu crois à Charlemagne, toi ?… 
Quand même! l'Empereur à la barbe d'argent. Oui, j'y crois, on le montre à
cheval dans le livre d'Histoire…
Ah! l'Histoire le dit!… Tu crois à Clovis aussi ?
Clovis le Chef franc ? le vase de Soissons, oui j'y crois…
Et à Vercingétorix, le Chef gaulois ?
Ah, oui, celui qui avait un pigeon sur la tête à Alesia, bien sûr j'y crois.
Et à Jules César, est-ce que tu y crois ?
Oh oui, le fasciste de Rome qui avait la tête rasée…
Eh bien, pourquoi que tu y crois à tous ceux-là ?
Parce que l'histoire le dit.
Alors, mon vieux, moi je crois en Jésus-Christ parce que l'histoire le dit. Jésus-
Christ est un personnage historique encore plus récent que Vercingétorix et
que Jules César… pour une inscription, pour un parchemin sur ces gens-là
nous en avons 10, 20, 50 sur Jésus-Christ, Jésus est venu en pleine période
d'Auguste, aucun personnage n'est aussi prouvé que Lui… et mes actions
recommençaient à monter!… 
Ah! me dit-il, Jésus-Christ est un personnage historique! Je ne le savais pas,
moi, on ne me l'a jamais dit à l'école laïque…, mais voilà, Monsieur le Curé,
d'accord… mais les types auxquels je crois, Jules César, Vercingétorix et les
autres, ils ne me demandent rien, eux! Ils sont morts maintenant, le vase de
Soissons, c'est fini tout ça! ils ne demandent plus rien, mais Jésus-Christ, Lui,
c'est un Monsieur embêtant au possible! si je crois en Jésus-Christ, il faut que
j'aille raconter mes petites histoires à Monsieur le Curé; si je crois en Jésus-
Christ, il faut que j'aille à la messe le dimanche avec les dévots, hou, hou… et
puis il ne faut pas que je fasse certaines choses qu'il me plaît de faire…, au
bistrot… et puis après le bistrot les… enfin, on se comprend ? hou!… qu'il est
embêtant ce Monsieur!
Eh oui, nous étions là au cœur du problème, dans le vrai problème… Comme
le remarquait René Bazin, et autres écrivains, François Coppée entre autres,
qui disait : ,,Ce qui, il y a 15 ans, m'a éloigné de l'Église catholique, ce n'est pas
des questions de métaphysique, c'est l'ennui de certains aveux au
confessionnal; c'est à ce moment-là que j'ai quitté l'Église et ce n'est que plus
tard que j'ai cherché des raisons métaphysiques pour essayer de motiver mon
départ et il ajoutait : combien d'hommes de ma génération, s'ils voulaient être
un peu sincères avec eux-mêmes, avouerait la même chose!…”. Eh oui, Jésus-
Christ, c'était le personnage embêtant – que le Seigneur me pardonne cette
expression – mais c'est bien ce qu'ils pensaient.
Alors, Monsieur le Curé, au fond, qu'est-ce que ça peut bien me faire que
Charlemagne ou Clovis aient existé ou pas, (ils sont morts d'ailleurs) mais
Jésus-Christ, on dit qu'Il n'est pas mort et que si on croit en Lui, qu'il faut faire
ça, ça et ça, car il est le Bon Dieu… hou! hou!… hou!… alors est-ce que je ne
pourrais pas avoir un supplément d'informations ? Vous me dites que les gens
qui ont vécu il y a 2'000 ans ont vue des miracles, et pourquoi moi, qui suis là,
en 1940, je n'en vois pas, des miracles ?
Mais, mon petit, il fallait bien que je commence l'histoire par un côté, j'ai
commencé il y a 2'000 ans, mais remarque qu'à chaque génération, il y a
toujours eu des miracles. Des preuves que tout ça vient de Dieu, elles ne
manquent pas. Je vais te les donner.
Nous continuerons demain.
*****
N° 37
PREUVE DES MARTYRS – PREUVE DES SAINTS – PREUVE DES
MIRACLES
Mes chers Messieurs, nous avons vu hier le problème de la Révélation. Dieu a
fait connaître aux hommes certaines vérités d'ordre très supérieur : cela est-il
possible ? Oui, c'est possible. Est-ce opportun ? Nous avons vu que oui. Mais
est-ce que cela s'est réalisé en fait ? Oui, cela s'est réalisé, car pour le prouver
entre en jeu un élément historique que je puis découvrir par la méthode
historique, mais aussi un élément religieux où se trouvent des choses qui me
dépassent. Il y a des mystères partout, donc il doit y en avoir en Dieu et, en
même temps, des choses qui vont me contraindre aussi : dès qu'il s'agit de
réaliser un plan, les exigences de ce plan contraignent tous ceux qui y
participent; dès lors, il est normal que dans la Révélation divine il y ait certaines
contraintes; si je veux réaliser le plan d'amour de Dieu, il faut agir comme prévu
et non autrement; il faut suivre les règles fixées par le plan : un paysan qui veut
avoir des salades ne doit pas les planter la racine en l'air, c'est évident!…
Nous avons vu alors s'il était légitime de passer d'un ordre connu (ordre
historique) à un ordre où nous sommes dépassés ? Nous avons vu qu'à
chaque instant nous faisons cela; à chaque instant nous sommes obligés de
nous confier aux autres sans pouvoir examiner par nous-mêmes et cependant
nous sommes trompés souvent, c'est la raison de la police et des prisons, alors
retenons l'argument : si nous devons nous confier à des hommes (et nous ne
pouvons pas faire autrement), à des hommes qui peuvent nous tromper, à plus
forte raison nous devons faire confiance à Dieu!… La solution du problème
historique et sa certitude m'amènent à tenir pour vraies les propositions dont
certaines me contraignent, d'autres me dépassent et de m'écrier : alors, c'est
vous, Dieu, qui me certifiez la véracité de ces 200 ou 300 propositions ?
Oui, c'est Moi, Dieu, d'autant plus que par les miracles, Dieu appose comme sa
signature sur ce qu'Il a révélé. Alors, je dois accepter… c'est ça la foi
catholique!…
A chaque génération, il y a eu des miracles. Au départ, après Jésus-Christ, il y
a d'abord eu la diffusion de l'Évangile, une religion vraiment terrible! une
religion qui s'impose par elle-même comme les mathématiques, 2 et 2 ça fait
4… les Romains acceptaient bien toutes les religions; ils avaient fait un
Panthéon où ils avaient placé les statues de tous les Dieux et, facilement, ils
auraient mis Jésus-Christ à côté, mais impossible car il s'agissait là d'une
religion terrible qui leur donnait du fil à retordre, sur le plan matériel et sur le
plan moral,… oui, 2 et 2 ça fait 4, la vérité est une; aussi la réponse religieuse
donnée par les premiers chrétiens, celle qui établissait le christianisme, fut
intransigeante comme la vérité, intolérante comme elle; la vérité est
nécessairement intolérante car elle est une : un jour, au catéchisme, un petit
avait gagné un prix et son père, très étonné, de lui demander :
Qu'est-ce qu'il y avait comme leçon ?
… La Sainte Trinité…
Et tu as gagné un prix, toi, qu'est-ce que tu as répondu ?
Qu'il y avait 4 personnes en Dieu, le Père, le Fils, le Saint-Esprit et Ainsi-soit-il!

Et tu as eu un prix avec une réponse pareille ?… 
Oh, papa, les autres, ils étaient encore plus loin que moi!
Eh oui! toutes les réponses qui s'éloignent de l'unique vraie sont fausses, c'est
évident… Religion apportée à Rome par des hommes qui n'ont aucune culture :
Pierre, un pêcheur, alors qu'il y avait tant de docteurs à ce moment-là venant
d'Athènes ou d'ailleurs, tous nantis de diplômes et chargés de littérature
ancienne, Pierre, entouré de pauvres pêcheurs comme lui… et l'empire romain,
appuyé sur le paganisme et tremblant sur ses bases a essayé d'écraser ces
pauvres révolutionnaires qui n'avaient aucune influence, ni politique, ni
financière, ni militaire, ni sociale… Les premiers chrétiens ont été écrasés dans
un bain de sang; c'est par millions qu'on compte les premiers martyrs dans les
débuts du Christianisme!
Il faut bien comprendre cette preuve des martyrs. Quelquefois on vous fait
entendre que des marxistes ont des martyrs, des Hindous, des bonzes, mais ce
n'est pas pareil, voyons! d'abord le nombre : au début du christianisme, on
compte 12 millions environ de martyrs parmi lesquels des jeunes femmes, des
enfants même, mais des soldats aussi. Ils ne se sont pas défendus. Décidés à
mourir, ils auraient pu faire quelque carnage avant, n'est-ce pas ?… Non! ils
sont morts en martyrs, en donnant les plus admirables marques de vertu : c'est
ça, la preuve des martyrs. Il reste vrai que des gens ont donné parfois leur vie
pour des humbles ? comme ceux qui se font écraser à Delhi par le char de Kâli,
la déesse de l'énergie sanglante et de la mort, mais ce ne sont pas des
martyrs, ça! ce sont de pauvres fous, égarés, qui se suicident en faisant cela;
mais ces petites vierges chrétiennes, Agnès, Ste Foy, Catherine, Martine et
combien d'autres n'aimaient pas la mort! elles aimaient la vie telle qu'on doit
l'aimer sainement, mais elles n'ont pas voulu, pour la vie d'ici-bas, sacrifier ce
qu'elles devaient à leur Dieu, et on les a tuées parce qu'elles affirmaient ce qui
était, que Jésus-Christ était le Fils de Dieu!…
Remarquez qu'à tous les siècles, il y a eu des martyrs; au nôtre en particulier, il
y en a beaucoup plus qu'on ne pense, en France, en Allemagne, au Mexique,
en Espagne, au Congo, partout, sans compter ceux de l'autre côté du rideau de
fer!… Je veux dire que le monde, qui a accepté toutes les folies au point de vue
religieux, toutes les barbaries, les paganismes, en exemple la République
française qui a accepté (dans ce qu'on appelait avant "les colonies") toutes les
fausses religions y compris le fétichisme, la sorcellerie, la polygamie, cette
République maçonne dis-je n'a jamais accepté la religion catholique; on y a bâti
des mosquées, des temples, un tas d'histoires, mais des églises ? cela n'existe
pas au 20ème siècle!…

Oui, il y a toujours eu des martyrs : au début du siècle, les Boxers en Chine où


il y eut une répression impitoyable; et ce qui était admirable c'est que les
Chinois, les Chinoises chrétiens qui passaient devant les tribunaux des
mandarins avaient les mêmes réponses qu'Agnès, Cécile, les vierges des
premiers temps, d'il y a 20 siècles, et Notre-Seigneur l'avait dit cela : ,,Lorsque
vous serez traduits devant les tribunaux, ne réfléchissez pas à l'avance sur ce
que vous répondrez car le St Esprit répondra par votre bouche…” et ce fut
pareil en Catalogne en 1937/38 avec les rouges d'Espagne, mêmes réponses
que les Chinoises du temps des Boxers et de nos vierges des premiers temps.
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Autre preuve aussi, la preuve des Saints :
Mes chers Messieurs, dire que le catholicisme est faux c'est dire que tous les
Saints se sont trompés : St Augustin s'est trompé, St Bernard s'est trompé, St
François d'Assise s'est trompé, St Vincent de Paul s'est trompé, le Curé d'Ars
s'est trompé, St Jean Bosco aussi, St Benoît et combien… ? Ah! mais c'est
grave cela! C'est dire que l'humanité, dans ses sommets les plus sublimes s'est
trompée! Mettez par exemple la vie d'un St François d'Assise devant n'importe
quel homme, un Japonais si vous voulez, un peu au courant de la nature
humaine, éclairé tant soit peu de l'histoire de l'homme, il vous dira : Ça, c'est
admirable, c'est du diamant… ça c'est valable pour tous les hommes, c'est une
valeur humaine, naturelle et puis surnaturelle!… Oui, dire que des hommes
atteignant ces perfections se sont trompés, c'est grave cela!… Alors, qui est-ce
qui a raison : les gangsters, les bandits, les sans scrupules, les noceurs ?…
Lorsque le lendemain de leur foire ils sont sous la table et reviennent de leur
soulographie, ils disent le dégoût qu'ils ont de la vie, c'est alors qu'elle n'a plus
de sens!… Si les Saints se sont trompés, la vie n'a plus de sens non plus et
remarquez, mes chers Messieurs, ceci dit en passant, depuis que Luther et
Calvin ont quitté l'Église romaine, il y a 4 siècles, ils n'ont plus eu de
Saints… La sainteté telle que la reconnaît l'Église en béatifiant et en canonisant
suppose l'héroïcité des vertus… Qu'est-ce que cela veut dire ? Remarquez en
passant aussi que n'importe quel homme qui a un peu de cœur et un peu de
sens de l'humain peut toujours faire un acte héroïque momentané, des actes
plus ou moins nombreux : voyez par exemple des hommes à idéologie avancée
et prêts à tout, pour protéger leur famille, pour protéger certaines valeurs qu'ils
croient sérieuses, sont capables de jouer leur vie; beaucoup d'hommes sont
capables de cela, l'héroïsme n'est pas réservé é une nation ou à une catégorie
d'Hommes – je veux dire que beaucoup d'hommes, de femmes, d'enfants sont
capables de faire des actions héroïques – mais le Saint, lui, c'est quelqu'un qui
a installé sa vie dans l'héroïsme 24 heures par jour – 365 jours par an – et, très
souvent jusqu'à la mort… Ça c'est l'héroïcité des vertus! Il n'y a pas de Saint
canonisé sans cela…, eh bien, depuis 4 siècles, les protestants, le fait est là,
ont pu conserver leurs vertus naturelles, comme en ont d'ailleurs le reste des
hommes, mais l'héroïcité des vertus, ils ne l'ont plus. Vous savez que les
protestants ne sont pas gênés pour faire un livre; ils dépensent des millions
pour multiplier les Bibles… alors imaginez! S'ils avaient un Saint de la taille de
St Jean Bosco ou de Ste Thérèse de l'Enfant Jésus, croyez-vous que le monde
pourrait l'ignorer ? Je répète la proposition – depuis que Luther a quitté l'Église
catholique, apostolique et romaine qui est source de Saints, l'héroïcité des
vertus, ils ne l'ont plus eue, oui, c'est très grave de dire que les Saints se sont
trompés!!… L'ancien curé de Pamiers, dans l'Ariège, était auparavant curé de
Cavaillon et de Mondragon, là où est bâti le formidable barrage sur le Rhône; il
a fait 4 retraites ici et à l'une d'elles il me racontait ce fait : au moment de la
construction du barrage, il y avait pas mal d'abris-champignons pour tous ces
travailleurs. Un jour, dans un petit café, deux terrassiers cassaient la croûte.
Tout d'un coup, ils voient passer deux religieuses et l'un d'eux, la bouche pleine
de saucisson, dit à l'autre :
Oh! tu vois ça, ces inutiles, pauvres femmes va!…, et l'autre qui s'essuyait les
lèvres après avoir bu son canon de rouge dit :
Pauvres femmes… pauvres femmes ?… Si elles ont raison, elles, nous on est
beaux tous les deux, hein ?…
Alors, la patronne du restaurant qui avait suivi le débat s'approche pour leur
dire :
Mes petits, je ne veux pas vous perdre parce que vous êtes de bons clients,
mais laissez-moi vous préciser ceci : ces deux femmes que vous avez vu
passer dehors, là, elles font un bien immense dans les environs; la plus jeune
elle est jolie comme un cœur et a un nom à courant d'air… il paraît qu'elle a un
château quelque part en France et qu'elle aurait pu faire un mariage du
tonnerre!… Elle a tout laissé pour s'occuper des pauvres gens; l'autre aussi fait
beaucoup de bien tandis que vous… ne vous mettez pas en colère, voyons! je
vous connais bien tous les deux… vous prenez la vie du bon côté n'est-ce
pas ?… vous, vous êtes célibataires et vous gagnez bien des sous au chantier;
vous savez aussi les dépenser n'est-il pas vrai ?… non, ne vous mettez pas en
colère! laissez-moi finir… vous, vous êtes mariés; comme tout finit par se savoir
je sais aussi… ah, ne vous mettez pas en colère! je ne veux pas vous faire de
la peine!… je sais que vous avez abandonné votre femme, que vous l'avez
abandonnée pour en prendre une autre, la laissant avec 2 petits; je sais bien
que vous versez une pension alimentaire: ne vous mettez pas en colère mon
petit… mais je dois vous dire aussi, voyez-vous, que si votre femme n'était pas
visitée par ces deux religieuses qui portent souvent bien des choses pour les
petits et la réconfortent, on l'aurait sans doute retrouvée dans le Rhône, votre
femme!… alors, mes petits, rien qu'à voir ces religieuses, cela m'étonnerait que
ce soit vous qui ayez raison!… Pif… et Paf…! cela leur a fait du bien à tous les
deux, et cette histoire, Messieurs, concrétise d'une façon très populaire cet
argument… oui, il n'est pas possible que les Saints se trompent!… Vous me
direz! mais les protestants font aussi des choses comme cela… c'est vrai, ils
sont capables de le faire et ils le font, mais chez eux c'est un peu particulier et
cela fait contraste de ce fait avec l'installation dans l'héroïcité dont je parlais… n
de leurs missionnaires, quand il part, c'est avec sa famille, ses enfants, en bref
ses affections; ils ont peu ou pas de soucis d'argent et, en passant, je souligne
combien il est navrant de voir les catholiques donner si peu pour leurs missions
: je me rappelle ce grand musicien de Paris, prix de Rome, vocation tardive,
entré aux Missions étrangères. Il est parti pour le Japon. Au cours d'un voyage
d'études un de ses amis a l'occasion de le revoir et lui demande des nouvelles
sur la marche de sa mission : eh bien, tu vois, je suis très content dans mon
nouveau champ d'activité mais j'ai parfois quelque nostalgie car je n'ai pas
d'instrument ici… il me semble que si j'avais un piano je serais plus heureux…
le Bon Dieu ne l'a pas voulu… alors que la musique était toute ma vie avant…
et quand je vais célébrer la Messe dans ma petite chapelle perdue et que je
passe devant la belle demeure, tu vois la simplicité de la mienne, de mon
confrère le pasteur protestant qui a sa famille et que j'y entends jouer du piano,
cela m'est vraiment pénible… Enfin, le Bon Dieu le permet, mais ça m'est dur,
tu sais!…
Eh oui, c'est quand même un peu différent… J'ajouterai, au sujet de la sainteté,
que l'Église ne met jamais sur les autels quelqu'un qui n'aurait pas, d'abord,
cette héroïcité des vertus, c'est pour cela qu'une béatification sollicite des
enquêtes très longues et très poussées, généralement une cinquantaine
d'années, que cette héroïcité ait été confirmée par au moins deux miracles…
Oui, l'Église est très prudente et très sévère sur ce terrain… On raconte qu'à
Rome un historien juif qui pour s'instruire consultait les archives mises à la
disposition des spécialistes, étudiait par curiosité un dossier ouvert pour la
béatification d'un certain personnage et il était tout étonné, lui historien, de la
valeur des pièces qui y étaient contenues; il s'adresse donc à un prélat
spécialisé à ce rayon et lui demande :
Monseigneur, la personne dont il est question dans ce dossier doit être
béatifiée maintenant ?… Alors ce prélat regarde le dossier et lui dit :
Non, vous n'avez là que les dossiers classés, c'est-à-dire mis de côté et qui,
sauf imprévu qui ne se produit jamais ne seront plus consultés. On n'y
reviendra pas…
Ah! et pourquoi ?
Eh bien, parce que la commission des Rites, après examen, a jugé que les
pièces n'étaient pas assez probantes…
Mais cela m'étonne, moi qui ne suis pas de votre religion, je suis frappé de la
valeur de ces pièces!… 
Eh bien, mon cher Monsieur, la commission des Rites a été plus sévère que
vous,… et ce fait l'a tellement étonné qu'il s'est mis à étudier cette religion
catholique si exigeante en Sainteté et qu'il s'est converti.
-----
Je voudrais maintenant vous parler de la preuve que sont les miracles.
Le miracle peut être défini comme une dérogation manifeste à des lois
naturelles connues, témoignant de l'intervention toute puissante de Dieu. C'est
pour cette raison que d'une façon toute populaire mais bien significative on dit
que le miracle est "la signature de Dieu".
L'histoire a toujours enregistré des miracles. Je vous ai déjà parlé de ces
miracles intellectuels qu'étaient les prophètes. Mais des miracles matériels
sensibles, tangibles parce que constatés, Notre-Seigneur en a fait un très
grand nombre dont certains relatés dans les Évangiles : les apôtres, les Saints
ont fait des miracles : tous les siècles ont eu les leurs et ils continuent à se
produire nombreux, connus ou non, mais je pense que, pour limiter le sujet car
le temps passe, hélas! nous ne saurions mieux faire que de nous tourner vers
le sanctuaire marial de Lourdes où le miracle est là scientifiquement étudié et
enregistré et parce qu'avec l'histoire de ce lieu béni nous trouvons en bref toute
la synthèse de tout ce qui éclaire cette preuve de la Puissance Divine.
C'est à Lourdes en effet que dans ce siècle d'athéisme et d'indifférence
religieuse, la Sainte Vierge a pour ainsi dire voulu relever trois défis, il y a cent
ans surtout.
Le premier fut celui d'Ernest Renan. Il me semble qu'on ne fait pas assez
remarquer cela : que Ernest Renan, dans un séance fameuse à la Sorbonne en
1857, fit une déclaration, qu'il a reprise d'ailleurs dans la préface de son roman
"La vie de Jésus" paru en 1861, mais la phrase, il l'avait prononcée avant : la
voici : ,,Notre génération de positivistes croira au surnaturel à la condition que
Dieu, s'Il existe, veuille faire un miracle devant une académie” (une académie
de savants de Paris, évidemment, dont Renan eût été le Président), c'était
sous-entendu, bien!
Remarquez, en passant, combien cette sommation était exorbitante!
Imaginez que Dieu obéisse aux injonctions d'Ernest Renan et fasse un miracle
devant une académie réunie à la Sorbonne, ou ailleurs, quelle valeur cela
aurait-il eu ? Ces savants auraient pu se dire, après coup, quelque temps après
: mais, est-ce que nous avions bien nos yeux et notre tête à nous ? Est-ce que
le fait, vraiment, ne peut pas s'expliquer d'une façon naturelle ? De là à
demander un second miracle pour confirmer le premier leur aurait semblé
normal!… 
Et puis les savants d'Oxford, de Munich ou de Tokyo (et Dieu sait s'il y a des
universités dans le monde!) se serait dit : ,,C'est très bien ce que nous
racontent nos confrères de Paris, mais allez-y voir, nous aussi nous voulons
voir la preuve et avoir notre miracle!… Et ensuite, pourquoi pas les ingénieurs,
les techniciens et même les boueux de Paris ou de Marseille n'auraient-ils pas
demandé le leur ? Après tout, ce sont des hommes aussi!… 
Il y eut quand même une réponse aux injonctions de Monsieur Renan… une
réponse beaucoup plus formidable que celle qu'il pouvait supposer – dans les
Pyrénées, un petit village, inconnu à ce moment-là…, une fillette de 12 ans,
malade, asthmatique, d'une famille pauvre, son père était un meunier ruiné,
– déclara avoir vu une belle Dame dans une grotte!… 
Quand même! Bernadette! Une belle dame dans une grotte ? au 19ème siècle,
au siècle d'Ernest Renan, au siècle de Karl Marx, au siècle d'Auguste Comte,
au siècle de Nietzsche, allons, ma petite, si ton père te faisait manger, tu ne
verrais pas de belles dames dans les grottes, va… et on fit des gorges chaudes
au bar du commerce, au café du Progrès et au bistrot du coin… Monsieur
Jacoumet, le commissaire de Police et M. Dutour, le Juge de Paix, le garde
champêtre et tous… tous surenchérissaient! La petite crut devoir trouver un
peu de réconfort auprès de son curé qui lui faisait tellement peur au
catéchisme… elle était très timide, Bernadette!… Il l'envoya gentiment
promener : ,,Ma petite, moi, je m'occuperai de la question lorsque la Dame, si
Dame il y a, aura fait fleurir (on était en février) le rosier sauvage qui se trouve,
me dis-tu, auprès de la grotte de Massabielle!…
Et au café du commerce, au bar de l'Industrie, au bistrot du Progrès, les francs-
maçons et autres, un peu inquiets de tous ces bruits, se rassurèrent et
admirèrent ce Curé moderne qui ne marchait pas dans les superstitions
populaires…
Mais la petite retournait voir la belle Dame et un jour, sur son injonction,
Bernadette creusa avec ses mains et une source d'eau jaillit, toute boueuse
d'abord…
C'est alors que Bourriotte, un carrier de Lourdes, dont un œil crevé par un éclat
de pierre était pris par la gangrène, vint à la grotte, menacé par la méningite. Il
avait entendu parler des apparitions. Il se lava l'œil dans l'eau boueuse qui
était là comme dans une vasque, avec une grande Foi, et Bourriotte recouvrit
aussitôt la vue.
Apprenant cette guérison, une jeune maman, dont le premier-né était mourant,
malgré les cris de son mari, partit comme une folle avec son petit et le trempa
tout nu dans la vasque. Elle l'en retira, évidemment, violet, et le père, arrivé, lui
dit alors : ,,Tu l'as bien guéri, va, maintenant, le voilà sans vie! ”. Or, le petit
était bel et bien guéri miraculeusement!
Les foules commencèrent alors à s'émouvoir. Le baron Massis, lui, Préfet de
Tarbes, obligea le maire à faire un délit de grotte et à verbaliser contre ceux qui
s'approchaient. Il fit même installer une barrière pour empêcher les gens de s'y
rendre et pour empêcher, disait-il, la superstition! on y plaça même des
dragons en surveillance pour renforcer les dispositions prises : mais la Dame
continuait à venir par-dessus et, un jour, les carriers de Lourdes, qui voulaient
remercier quand même la Dame qui avait guéri un des leurs, firent à la barbe
des dragons, sauter la barrière! Le baron Massis s'émut et écrivit à l'empereur.
On dit que celui-ci passa la lettre à sa femme et l'impératrice Eugénie, avec bon
sens, lui répondit : ,,Mais enfin, de quoi se mêle-t-il ce préfet ? C'est une
question religieuse avec une petite fille; il y a bien des curés là-bas, il y a bien
un évêque, oui, de quoi se mêle-t-il ce préfet ? Écoute… le péril ne vient pas
des Pyrénées, tu sais, et je ne crois pas que nous ayons beaucoup à craindre
d'une petite, même visionnaire!… 
Et Napoléon III écrivit au baron Massis qu'il n'avait qu'à se mêler de ses affaires
et que celle-là concernait les curés… 
Et maintenant, mes chers Messieurs, en particulier pendant l'année du
centenaire en 1958, on a pu faire le bilan de Lourdes. Elle fait travailler, la
petite Bernadette! Les municipalités, même socialistes, ont dépensé des
millions pour aménager les routes d'accès à Lourdes. La S.N.C.F., elle aussi, a
dû dépenser quelques sous pour agrandir plusieurs fois la gare, tandis que les
P.T.T. ont dû changer la poste, à cause de la petite Bernadette! Et même, tout
récemment, on a dû y faire un aérodrome où l'on vient directement de toutes
les parties du monde! Renan envisageait une académie pour constater le
miracle… Il y a une académie à Lourdes, une académie de gens autrement
compétents que Monsieur Renan, une académie de médecine spécialistes, de
tous horizons, qui constituent le bureau des constatations médicales.
Indépendamment, toutes les années, il y a 1'200 à 1'500 médecins qui viennent
à Lourdes, dont beaucoup se convertissent; il y a là des gens calés, des
professeurs de facultés, des professeurs de biologie, etc… qui regardent, qui
voient, qui étudient même, et qui se rendent… Dans l'année du centenaire, on
a dénombré jusqu'à 3'500 médecins qui sont venus à Lourdes. Et, mettant à
part les guérisons extra-naturelles dont nous parlerons tout à l'heure, combien
de conversions, de miracles spirituels n'a-t-on pas constatés! Renan voulait des
faits. Il y en a des fait là, émouvants et concrets, indubitables! oui!… Le premier
défi que la Sainte Vierge a relevé! Mais il y en a eu un second (cela fait suite
d'ailleurs, à une remarque qui m'a été faite par un évêque américain, le grand
convertisseur d'Outre-Atlantique, Monseigneur Fulton SHEEN) – Ce défi venait
maintenant d'un écrivain anglais.
Mes chers Messieurs, cela aussi, on ne le fait pas assez remarquer… Cet
écrivain s'appelait DARWIN, et son livre "L'origine des espèces" a paru en
1859. Il était donc en train d'y travailler à ce moment-là, il y a un siècle lors des
apparitions de Lourdes, et Darwin – il ne l'a pas dit directement, mais on
pourrait tirer cela comme conclusion de ses travaux – dit que l'homme vient
d'ici-bas, et donc, par le fait même, l'homme n'a pas de dettes. L'homme vient
de la matière; l'homme n'a pas été créé par Dieu. On peut dire ainsi, avec la
science moderne, d'après Darwin et les évolutionnistes, que le mot de péché
originel n'a pas de sens. On ne peut concevoir que l'homme puisse commettre
un péché, puisse avoir des dettes envers quelqu'un; ce n'est pas possible, la
science a éliminé tout cela… et du moment que l'homme vient de la matière, du
moment que l'homme n'a pas de péché, l'homme est propre, l'homme est beau!
Rousseau l'a déjà dit cela, mais Darwin l'exprime d'une autre façon! L'homme
est propre, l'homme n'a pas de péché, mais Dieu n'a pas pu supporter cela :
que l'homme puisse dire ,,je n'ai pas de péché"; il y avait une créature qui
n'avait pas de péché, mais il n'y en avait qu'une, la Sainte Vierge… et pour
l'honneur de son Fils, mort pour nos péchés, et pour l'honneur de cette Mère
Immaculée, Dieu l'a envoyée, et le 25 mars 1858, dans le rocher de
Massabielle à Lourdes, elle a dit : l'Immaculée Conception, c'est moi! Ce n'est
pas vous; vous les hommes, vous êtes de pauvres pécheurs et vous avez des
dettes envers Dieu; vous avez à vous faire pardonner par mon Fils car mon
Fils, pour vous, a versé tout le sang de ses artères; vous avez besoin aussi de
l'Église de mon Fils, vous avez besoin de prières, vous avez besoin de
sacrements, vous avez besoin de vous mortifier et de faire pénitence et vous
avez besoin aussi d'avoir une Mère Immaculée qui prie sans arrêt son Fils pour
vous obtenir le salut dans la sainteté… et tout d'abord dans la propreté…
Mais la Sainte Vierge a relevé un troisième défi. Défi venant aussi d'un écrivain
étranger qui, vers la même époque, éditait un livre appelé à un grand
retentissement. Ce livre s'appelait "Le Capital" et l'écrivain s'appelait Karl Marx.
Reprenant les idées ambiantes des philosophes, des biologistes, des
évolutionnistes, Karl Marx dit : ,,Tout vient de la matière et doit revenir à la
matière. Avec la science moderne, il n'y a pas de Paradis concevable dans l'au-
delà, le Paradis doit être ici-bas. Il est d'ailleurs possible, et les masses
humaines doivent y entrer! Seul, le capitalisme les en empêche. Donc, il faut
supprimer le capitalisme. Nous devons appeler la violence à nous pour
arracher au capital les clés du Royaume de la terre. A nous la violence! Le
Royaume de la terre souffre violence, et seuls, les violents s'en emparent!”.
Mais cette même Dame a répondu à Karl Marx : oui, la violence est nécessaire
ici-bas, mais pas pour le royaume de la terre; la violence n'appartient pas aux
communistes, elle appartient aux vrais enfants de Dieu; mais la violence ne doit
pas être dirigée contre les autres, elle doit être dirigée contre soi-même, pour
obliger la partie inférieure de l'être à se subordonner à la partie supérieure,
pour contraindre les passions désordonnées à obéir à la raison et obliger la
raison orgueilleuse à se soumettre au plan d'amour de Dieu. En définitive, la
violence n'est pas pour la révolution et la haine, elle doit exister ici-bas au
service de l'Amour…
Mes chers Messieurs, la Sainte Vierge, évidemment, ne pouvait pas contredire
son Fils, et vous savez qu'on a résumé son message par quelques formules
que vous lisez maintenant dans le sanctuaire béni : Pénitence, Prières. Et tous
les gens de bonne foi savent qu'une Dame est venue à Lourdes, il y a cent ans,
qu'elle y a laissé des traces de son passage, et qu'elle continue à en laisser.
Nous allons les examiner :
Mais d'abord quelques chiffres :
La source découverte par Bernadette sur les indications de la Ste Vierge
produit 122 m3 d'eau par 24 heures. L'eau des piscines est changée deux fois
par jour. On y baigne quelques fois des centaines de malades, dont beaucoup
ont des plaies de toutes sortes, même purulentes, à telle fin que cette eau est
infectée de microbes et apparaît toute polluée. Il n'y a jamais eu d'accident, et
cette eau n'a jamais contaminé personne, comme si les microbes étaient
rendus inertes par la propriété de l'eau. Mais, et c'est à la portée de vérification
de n'importe quel chimiste, l'eau des piscines n'est pas pénicillinisée pour
justifier la neutralisation des microbes, et il s'agit bien d'eau naturelle.
Médecins : Il en vient environ 2'000 par an qui compulsent les documents du
B.C.M. et les étudient.
Malades : Environ 30'000 par an, 50'000 pour l'année du centenaire.
Pèlerins : 2'500'000 avec tendance à augmentation chaque année. 5'000'000
pour l'année du centenaire en 1958.
Voitures : Cette année-là on a dénombré par contrôle pendant les seuls cinq
mois de la saison : 30'000 autocars, 3'700'000 automobiles et une moyenne de
20 avions par jour.
Guérisons extra-naturelles : de 1921 à 1954 – 265 connues. Il y en a eu en fait
beaucoup plus, mais les miracles demandent des enquêtes parfois très longues
et très coûteuses, il faudrait en effet mobiliser des centaines de gens qui ne
fassent que cela pour pourvoir à toutes les interrogations et vérifications
nécessaires en tous lieux. Alors, on ne retient que les miracles les plus
spectaculaires. Les autres, on les laisse… on les classe sans en faire état…
Pendant la même période, c'est-à-dire sur 33 ans, on compte 700 cas classés,
faute de dossiers suffisants ou en cours d'étude. En fait, les guérisons réelles
et extra-naturelles sont en nombre beaucoup plus considérable, car, lorsqu'un
dossier ne réunit pas les 14 conditions requises avant tout examen, on le laisse
délibérément de côté.
Sur le contrôle scientifique :
D'après le livre "guérisons miraculeuses de Lourdes" du Docteur Leuret, mort il
y a quelques années et qui était le Directeur du Bureau des constatations
médicales dans lequel participaient des médecins et des professeurs de tous
les horizons de la pensée, croyants ou incroyants, il existe dans le B.C.M. trois
bureaux distincts :
D'abord le B.C.M. proprement dit de Lourdes, très bien équipé pour le contrôle,
avec notamment un des meilleurs appareils de radiographie offert par la
Hollande, un outillage perfectionné pour les divers tests et contrôles; un fichier
extraordinaire, une bibliothèque scientifique unique au monde. Et c'est très
curieux : comme le Docteur Leuret me l'a lui-même expliqué, comme les
grandes librairies scientifiques de Paris, de Fribourg et autres, même de langue
étrangère, savent qu'un grand nombre de médecins passent à Lourdes, elles
adressent gratuitement à cette bibliothèque, pour leur réclame, les thèses et les
résultats des travaux scientifiques qui viennent ainsi, continuellement, l'enrichir,
à tel point que bien des médecins et professeurs viennent à Lourdes pour la
consulter.
Il cite aussi quelques-unes des règles sur lesquelles on ne peut déroger :
Il faut :
- que la maladie ait été très grave, sinon incurable
- que la guérison n'ait été précédée d'aucune amélioration
- qu'aucun remède n'ait été appliqué ou qu'il ne se soit révélé inefficace, tout
cela avec évidemment, les témoignages des médecins
- que la guérison ait été subite ou presque subite
- que la guérison soit parfaite ou définitive, c'est pourquoi on attend au moins
un an pour dire qu'il y a eu guérison extra-naturelle.
A Paris, il y a un deuxième bureau, le bureau national des constatations.
Quand les médecins du B.C.M. à Lourdes ont, après filtrage, retenu un cas
intéressant de guérison, le dossier complet est envoyé à Paris avec l'étude de
la guérison. Alors, il est procédé à une enquête approfondie dans le diocèse, la
paroisse, le clergé, les proches de l'intéressé et cela demande du temps, on le
comprend, et ce n'est que lorsque tout cet ensemble, réglé avec une grande
minutie, est obtenu, que le dossier est envoyé à Rome dans un troisième
bureau où les cas sont étudiés par des spécialistes et des théologiens de la
Commission des rites, étude faite d'après les témoignages des médecins du
bureau des constatations de Paris. Alors, pour la première fois seulement, on
peut entendre parler de guérison surnaturelle, si telle en est la conclusion, mais
cela, comme vous le voyez, n'est rendu possible qu'après plusieurs mois
d'études et d'enquêtes sur chaque cas particulier. Et pourquoi cela ?
Eh bien! mes chers Messieurs, c'est que même en cette matière et si paradoxal
que cela puisse paraître, il y a des tentatives de fraude et cela plus qu'on ne le
croit généralement.
Le livre que je vous citais tout à l'heure est assez édifiant sur certains faits. Il y
a d'abord ceux qui proviennent de la mauvaise foi. Le Docteur Leuret raconte :
Un jour, nous voyons arriver au bureau des constatations une femme portant
un linge ensanglanté à la main et qui criait au miracle. Nous lui avons demandé
ce qu'elle avait. Elle nous répondit que c'était un cancer. Comme nous ne
connaissons que les dossiers et qu'elle ne pouvait en fournir un, nous l'avons
priée de se laisser examiner, mais elle a refusé en disant : Non… non…, n'est-
ce pas…, la modestie…, un cancer mal placé…
Écoutez, Madame, nous ne sommes que des Docteurs ici et nous ne
connaissons que le contrôle! Arrive son infirmière, criant au miracle elle aussi :
Magnificat!… Docteur… ma malade est guérie : alors les mêmes questions
sont posées… enfin je passe sur ces détails pour en arriver à ce que ces deux
femmes étaient envoyées par une secte maçonnique… (et il faut avoir l'esprit
un peu tordu – ou naïf, comme vous voudrez – pour croire qu'il suffisait d'arriver
au B.C.M. avec un linge ensanglanté, avec du sang, que sais-je de bœuf ? de
mouton ? pour faire croire au miracle…). La mauvaise foi!
La cupidité aussi :
Un jour, raconte encore le Dr Leuret, je me trouvais à Paris pour l'histoire de
l'appareil "radio" de Hollande que l'administration des douanes ne voulait pas
laisser passer en franchise et je reviens, en pleine saison, au B.C.M. Mes
confrères de me dire : nous avons eu un beau miracle hier, un sourd-muet
aurait recouvré la parole. Il est originaire du centre de la France et doit venir ce
matin avec son mentor. En effet, nous voyons arriver un garçon de 17 à 18 ans.
Je l'interroge et il me répond avec son accent particulier d'Auvergne, mais
nous, ne connaissant que les documents et ceux-ci ne nous apparaissaient pas
péremptoires et concluants. Son mentor commence alors par le prendre de
haut : mais, Monsieur le Docteur, mon pupille est guéri, il faut accepter, c'est
l'évidence…
Ah, voyez-vous, ici, il y a un Directeur et c'est moi; personne ne me fait la
leçon, même pas vous, cher Monsieur, et d'abord, commencez à parler moins
haut, n'est-ce pas ?… Enfin, après plus ample examen, je les ai envoyés
promener, d'autant plus que le Pape Pie XII me fit un jour la réflexion suivante :
Écoutez, Docteur, à Lourdes, il faut mieux enlever à la Ste Vierge 10 miracles
que de lui en donner un de plus. J'ai donc envoyé promener mes deux
postulants. Mais eux, ils n'avaient pas perdu leur temps, et le soir, la ville était
inondée de photos du soi-disant miraculé qu'ils vendaient 20 centimes.
Quelques jours après, ils étaient arrêtés par la gendarmerie pour cambriolage
d'une villa. La cupidité.
La sottise enfin :
Il nous arrive au B.C.M. une jeune fille, 21 ans, charmante, qui susurrait :
Docteur, je suis guérie, vous savez, je suis guérie! Elle avait son dossier
d'ailleurs en règle – tuberculose primaire… elle était dans un sana en
Lorraine… nous l'avons donc radioscopiée et, pauvre petite, elle avait bien son
mal, sans aucune trace d'amélioration; alors nous lui avons demandé ce qui lui
faisait croire qu'elle était guérie. Nous avons appris ainsi que l'année
précédente, dans un sana, à côté du sien, une jeune fille, du même diocèse,
avait été guérie et qu'à son retour, on avait fait une grande fête, avec arc de
triomphe, réception, gerbe et félicitations de Monsieur le Maire, grande messe
chantée par M. le Chanoine et elle croyait, la pauvre petite, qu'on ferait ça pour
elle, en rentrant! Autant de gagné, n'est-ce pas ? mais elle n'était pas guérie, et
elle a dû repartir en larmes, en laissant là ses illusions… La bêtise! La sottise!
Mais vous comprenez ainsi, mes chers Messieurs, avec quel sérieux l'étude
des guérisons extra-naturelles est poursuivie et que ces guérisons ne sont
officiellement déclarées comme telles que quand leur caractère miraculeux est
indubitablement établi.
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Maintenant, quelques conversions et quelques guérisons, parmi les
innombrables que l'histoire de Lourdes nous fournit :
Le Docteur Longo, médecin parisien, athée, pas baptisé, aux idées très
avancées, après un repas dans une boîte de Montmartre, fit le pari de partir à
Lourdes pour "rigoler". C'était, cela, avant la guerre de 14. Il tint son pari.
Il était médecin et aimait beaucoup sa profession. Il demanda donc à voir le
B.C.M. et là, au milieu de ses confrères, des gens de même milieu que lui, il
n'eut plus envie de rigoler! Il voyait le sérieux, il fut même très étonné du travail
scientifique qui s'y faisait. Il resta à Lourdes beaucoup plus longtemps qu'il
n'avait prévu et finalement, demanda à étudier un peu cette religion catholique
qu'il ne connaissait pas. Quelques semaines plus tard, il recevait le baptême.
Son parrain fut le Docteur Boissarie, alors directeur du B.C.M. et, quelques
mois plus tard, le Docteur Longo fit – si l'on peut dire – l'expérience à fond, il
entra au noviciat des Pères Franciscains. Il est mort en 1927, à Constantine. Il
s'appelait à ce moment le Révérend Père Longo, franciscain.
Je vous rappellerai aussi, rapidement, la conversion du célèbre Docteur Carrel,
Alexis Carrel, racontée par lui-même. Carrel était médecin. Il faisait partie de la
faculté de médecine de Lyon. Il avait écarté Dieu de sa vie, comme une
question extra-scientifique, donc inutile. Un camarade, un jour, lui dit : Carrel, je
dois conduire à Lourdes les malades de Lyon et je ne suis pas libre. Ne
pourrais-tu pas me remplacer ? Carrel accepta : il était célibataire à ce
moment-là et libre. On parle beaucoup de cette histoire de Lourdes, ajouta-t-il,
et je n'ai pas encore fait de travail clinique sérieux; alors, par curiosité, il est allé
à Lourdes et il note (cela a paru dans plusieurs éditions du voyage à Lourdes
par Alexis Carrel) et il note donc : je vais accompagner à Lourdes les 80
malades du diocèse de Lyon, mais je n'ai vu aucun d'eux; dans ce cas, on ne
peut donc pas témoigner. Cependant, comme il avait une quinzaine d'heures
de chemin de fer, il se dit : pourquoi ne verrais-je pas quelques-uns des
malades les plus graves ? Et parmi eux, il retient le cas de Jeanne Marchand…
27 ans. Depuis cinq ans elle avait fait tous les hôpitaux de Lyon dans les
services de tuberculose; elle avait le péritoine tuberculeux, le bacille de Koch
répandu à peu près partout; le dossier était rempli de certificats des plus grands
patrons spécialistes de la tuberculose, un dossier en bonne et due forme et lui-
même Carrel – alors que Jeanne Marchand était complètement étendue sur sa
couchette dans un compartiment réservé pour elle – fit son diagnostic qu'il a
noté comme médecin : ,,un ventre énorme, caoutchoucs brûlés, inappétence,
tous les organes plus ou moins atteints. J'avais là un cas au dernier degré de la
maladie”. On arrive à Lourdes. Les malades de Lyon descendent à l'hôpital des
Sept Douleurs, au milieu de la ville, Carrel ne lâchait pas la malade qu'il avait
choisie, à tel point qu'un autre médecin, qui le connaissait, lui dit : Carrel, si
votre malade guérissait ici, que feriez-vous ?
Ce que je ferai, moi ? Si elle guérit celle-là, moi, je me fais moine!…
On conduit les malades aux piscines des femmes. Carrel attend qu'elle sorte et
dès qu'elle apparaît, il se précipite sur elle, lui prend le pouls, l'examine autant
qu'il pouvait le faire en plein air et il note : ,,l'eau de la grotte ne lui a
absolument rien fait, son état est absolument le même, d'ailleurs, je m'en
doutais! Le pouls est aussi fou qu'auparavant, etc…”. Et puis, on transporte les
malades devant la grotte, après le bain. Jeanne Marchand, couchée sur un
brancard roulant avait, comme il faisait très chaud (on était au mois d'août) un
parasol pour la protéger du soleil et Carrel, légèrement en retrait, ne la perdait
pas de vue; pendant qu'il voyait pour la première fois ces allées et venues de la
foule des pèlerins, il note encore : ,,toujours ce ventre énorme aussi bombé
qu'avant”, puis se parlant à lui-même, il se dit : ,,Ce serait maintenant un peu
drôle si ce ventre énorme aussi bombé qu'avant diminuait”, et presqu'aussitôt, il
a l'impression très nette que le ventre a effectivement baissé. Ah! cela devient
sérieux, raconte-t-il, voilà que, moi aussi, je commence à voir des miracles ?
C'est très drôle… et il s'en va marcher le long du Gave sur cette promenade
attenante à la grotte que vous connaissez sans doute, pour prendre un peu
l'air. Il revient un moment après et à sa grande stupéfaction le ventre de
Jeanne Marchand était complètement plat. Il commence alors à s'émouvoir,
évidemment; il appelle une infirmière : ,,prenez-moi cette malade et conduisez-
la à l'abri. J'ai besoin de l'examiner”. En chemin, elle récite son chapelet,
complètement allongée; ses couleurs sont assez nettes bien que son teint était
jusque-là plutôt terreux, mais les malades peuvent être surexcités pour justifier
cette différence, par contre le pouls paraissait beaucoup plus calme, mais dès
qu'elle fut à l'abri, Carrel la découvre et se met à l'ausculter. Il ne trouve plus
rien. Là où auparavant il avait constaté des "caoutchoucs" brûlés, c'étaient
maintenant ceux d'un enfant, d'une souplesse extraordinaire et puis ne voilà-t-il
pas qu'elle demande à manger ? Alors, Carrel, bouleversé, se dit : Je me suis
trompé, ce que j'ai pris pour une péritonite tuberculeuse, n'était qu'une
péritonite nerveuse! oui, je me suis trompé. Cependant, le bon sens lui revient :
tous mes confrères de Lyon se sont donc trompés eux aussi ? Le dossier est
là… oui, le dossier… et puis Carrel était médecin; il préparait son concours de
chirurgie, et il savait bien qu'une maladie nerveuse qui dure des années devient
organique… ça, il le savait aussi…
Alors, à ce moment-là, il s'est rendu, il est entré dans la chapelle en pleurant,
en disant à la Ste Vierge : c'est vous qui avez fait cela, mais faites le moi bien
comprendre… Et Carrel se convertit, Alexis Carrel, prix Nobel de littérature…
Mais quand il fut élevé à l'honneur du prix Nobel, il n'était plus Français. Peut-
être ne savez-vous pas pourquoi ? Ceci est moins connu et le récit se trouve
dans "Sciences et vie" de février 1918…, ou plutôt janvier 1918, si je ne
m'abuse.
Quelques jours après sa conversion, un confrère amène à Carrel une petite,
atteinte d'un abcès froid à la fosse iliaque droite, abcès qui avait résisté à tous
les traitements thérapeutiques et on lui demandait, à lui, d'envisager la
chirurgie, s'il y avait lieu. Après examen, il conseille à la famille d'emmener la
petite à Lourdes.
Le Docteur Clément raconte lui-même cela dans "Sciences et vie" :
Nous assistions à un banquet pour honorer la légion d'honneur d'un de nos
grands Maîtres de la Faculté de Médecine de Lyon. Il n'y avait que des
médecins à table et leurs épouses. Au milieu du repas, un confrère demande à
haute voix à Carrel : ,,Qu'as-tu fait de la petite malade que je t'ai envoyée
l'autre jour ?” et Carrel de lui répondre : ,,Mon chef ami, je l'ai envoyée à
Lourdes”. Rire général des médecins présents. L'un des professeurs dit alors :
Comment Carrel, vous avez confiance en cette thérapeutique ? Vous avez
envoyé quelqu'un à Lourdes ?
Oui, dit Carrel, je l'ai envoyée à Lourdes. Il fallait bien faire quelque chose,
n'est-ce pas, M. le Professeur ? Certains de nos confrères, ici, savent bien
qu'ils avaient inutilement essayé de la médecine; quant à moi, j'ai jugé la
chirurgie impuissante, alors je l'ai envoyée à Lourdes; mais Monsieur le
Professeur, laissez-moi vous dire une chose curieuse : la petite est revenue de
Lourdes; ce matin même je l'ai vue et examinée, eh bien! si surprenant que
vous le trouviez peut-être, la petite est guérie. En 4 jours, Lourdes a fait ce
qu'aucun de mes confrères, ni vous, ni moi, ne pouvions faire. Il me semble
qu'il y a là un miracle, Monsieur le Professeur ?
Ce professeur – on ne dit pas son nom – se leva :
Comment, Carrel, vous osez insister sur une question pareille ? Je dois vous
dire que je serai examinateur au concours de chirurgie. Je puis vous dire, M.
Carrel, que si vous avez des idées pareilles, jamais la Faculté de Médecine de
Lyon ne vous recevra parmi ses membres.
Carrel à son tour se leva simplement : puisqu'il en est ainsi, M. le Professeur,
puisque vous avez un esprit si scientifique, moi, je m'en vais, je pense que ne
manqueront pas les endroits où j'aurai la possibilité d'exercer.
Et il partit aux États-Unis où il fut agréé par l'Institut des Études Rockfeller; il se
livra à l'étude de la biologie et c'est là que le prix Nobel est venu récompenser
ses travaux. Mais il était naturalisé citoyen américain. Aussi est-il bon de
((fin page 500))

((p. 501))
savoir que si Carrel, le savant, le grand Alexis Carrel a quitté la France et a
donné un prix Nobel à l'Amérique, c'est à cause de Lourdes, et à cause, n'est-il
pas vrai, du sectarisme prétendu scientifique de certains docteurs de la Faculté
de Médecine de Lyon. Il est mort en 1947 à l'hôpital américain de Paris.
Je voudrais maintenant vous raconter l'un de ces nombreux cas classés qui,
comme je vous le disais, ne sont pas retenus, faute d'absolue certitude :
C'est celui du petit Gérard Bailly, né en 1941 à St-Pol-sur-Mer (P-de-C). En
septembre 1947, donc il avait 6 ans, atteint de choriorétinite bilatérale avec
atrophie optique, donc aveugle depuis l'âge de 2 ans et demi. Il se trouvait à
l'Institut des aveugles à Arras, et était emmené par sa mère à Lourdes avec le
pèlerinage du Pas-de-Calais. On l'a baigné, fait assister aux processions, aux
bénédictions du Saint Sacrement. Rien,… enfin, la veille du départ, sa maman
mène le petit qui marchait très bien quand même, au chemin de croix qui se
situe sur la colline environnante, là, avec ses belles stations… Arrivé à la
quatrième, celle où Jésus rencontre sa très Sainte Mère, le petit dit :
Oh ! Maman, que tu as une belle robe ! Interloquée, elle le regarde :
J'ai une belle robe, dis-tu ?
Oui, Maman, et puis il lui montre la foule : qu'est-ce que c'est ces gens ? (le
petit avait déjà vu, avant sa maladie) et montrant aussi la vallée, qu'est-ce que
c'est joli. La mère comprend tout à coup. Dans un cri, comme une folle :
Mais, tu vois ?
Oui, Maman, je vois…
Le prenant dans ses bras, aussi vite qu'elle peut, elle court au bureau des
constatations présenter son fils. Il y avait là plusieurs médecins qui examinent
l'enfant.
Madame, disent-ils en conclusion, votre enfant est atteint de choriorétinite et
l'organe visuel est détruit; donc, il ne peut pas voir et il ne peut pas y avoir de
miracle. Mais l'enfant faisait des choses tellement surprenantes qu'on décide
de téléphoner à un spécialiste réputé de Tarbes. Les Docteurs Leuret et
Langlais, avec la maman et l'enfant, s'y rendent immédiatement (20 km à
peine). Le spécialiste, après avoir examiné l'enfant, confirme le diagnostic du
B.C.M. en affirmant qu'il ne pouvait pas voir; il dit à la maman : ,,Il n'a pas
d'yeux, donc il ne peut voir; imaginez Madame qu'il n'ait pas de jambes, il ne
pourrait marcher; pour le faire il faudrait qu'on lui donne des jambes, de même
il faudrait que la Ste Vierge donne des yeux à votre enfant pour qu'il voie. Puis
nous avons procédé à quelques tests dans le jardin du Docteur : le petit
agissait comme s'il voyait et, au retour, à côté du Docteur Leuret, il lui montrait
les uns après les autres les divers pics des Pyrénées, brillants de neige au
soleil, en lui disant : Qu'est-ce que celui-là est joli ? Le docteur en avait les
larmes aux yeux!
On conseilla à la mère de s'arrêter à Paris pour voir les grands maîtres de la
capitale afin d'élucider cette énigme; tous conclurent : ,,cet enfant n'a pas
d'yeux, il ne peut pas voir”. La maman fut donc contrainte à replacer son fils à
l'Institut des Aveugles, mais là, la direction, au bout de quelque temps renvoya
le petit à sa mère en disant : ,,Cet enfant voit, nous n'avons pas de place et ne
pouvons le garder”. Pendant un an cela a duré ainsi, les médecins affirmant
qu'il ne voyait pas, alors qu'en allant en classe il traversait même des
carrefours dangereux!…
L'année suivante, de nouveau à Lourdes, même répétition et le controverse, à
son sujet, gagna les revues scientifiques. Le Dr Leuret me le confiait : A mon
avis, la Ste Vierge le veut ainsi afin que les revues s'en fassent l'écho. Enfin, 10
ans plus tard, dernier jugement à Lille : puisqu'on n'arrive pas à élucider le
mystère, le dossier est classé… classé…
Vous voyez, mes chers Messieurs, comment se vérifie ici avec quelle probité
scientifique est assurée l'étude d'une guérison et la proclamation d'une
guérison extra-naturelle lorsqu'il y a lieu.
Je vous citerai aussi une guérison miraculeuse dont je fus le témoin direct.
A mon premier voyage à Lourdes, avec des jeunes gens de mon âge, je
m'étais engagé comme brancardier et nous étions de garde le matin. Il pleuvait
comme il le fait là-bas si souvent. On nous fit monter à la gare pour attendre le
pèlerinage de Périgueux. On nous désigna six pour nous occuper d'un grand
malade : Marguerite Deschamps, âgée de 32 ans, couchée depuis l'âge de 14
ans dans un ensemble de plâtre et de métal qui la prenait depuis la nuque
jusqu'aux talons. Elle avait le mal de Pott; il lui manquait 2 vertèbres et le
bacille de Koch s'était répandu partout. Elle avait des fistules très profondes
dans le bas-ventre, une inappétence tenace et depuis 6 mois ne prenait que du
tilleul qu'elle vomissait d'ailleurs. On se demandait comment elle vivait et en
était au dernier degré de sa maladie.
Un petit détail aussi – son père était "vénérable" à la loge de Périgueux, mais
une jeune fille, qui s'était prise d'affection pour elle avait formé le projet de
l'emmener à Lourdes. Mais comme on craignait la réaction de son père franc-
maçon et incroyant, on dit à ce dernier qu'on la conduisait à Cauterets pour un
traitement. Son père qui l'aimait beaucoup accepta sans approfondir plus que
cela.
Elle avait un dossier formidable. On faillit la descendre à Toulouse, à mi-
parcours, car on pensait qu'elle ne terminerait pas le voyage; il fallut
l'intervention de son amie qui l'accompagnait pour fléchir le médecin du convoi.
C'est ainsi que nous avons reçu à Lourdes, si l'on peut dire, un véritable
cadavre ambulant. Je la vois encore, complètement couchée dans son
appareil, exsangue, avec deux grandes tresses, très brune, avec deux grands
yeux noirs. Oui, on aurait dit un cadavre. Et nous l'avons conduite directement
aux piscines des femmes, ouvertes spécialement pour elle d'ailleurs, puisqu'il
était 7 h 1/2 du matin. A la sortie, moi-même, sur son brancard roulant, j'ai
conduit Marguerite Deschamps, toujours couchée, à l'hôpital de la grotte où elle
devait, paraît-il séjourner une semaine. Avec mes camarades nous l'avons
prise avec son appareil qui était très lourd, et l'avons ainsi placée sur le lit qui
lui était réservé. Là, les médecins – mais je n'ai su les détails qu'après coup,
car les sujétions qui incombent aux brancardiers avec les allées et venues des
centaines de malades qui s'y trouvent simultanément sont telles qu'on ne peut
disposer d'une minute – les médecins, dis-je, entendirent Marguerite
Deschamps leur réclamer à manger. Comme elle venait d'arriver et qu'on ne la
connaissait pas encore, l'infirmière de salle demande au médecin de
Marguerite :
Que peut-on donner à votre malade ? Et celui-ci de répondre :
Elle demande à manger ? vous savez, dans l'état où elle est !… Oh ! qu'on lui
porte un peu de champagne… coupé d'eau, avec 2 biscuits légers qu'on
émiettera dedans, peut-être le gardera-t-elle, car, vous savez, elle vomit tout. Et
l'on porte à Marguerite cela qui le refusa net en disant :
Non, moi j'ai faim. Je veux manger. Il y avait là aussi, paraît-il, une grosse
bonne sœur à cornette, préposée à la cuisine :
Docteur, vous me demandez un régime, mais je n'ai pas de régime, moi, à
cette heure-là, il faut attendre… 
Ne vous fâchez pas, ma sœur, voyons, vous n'avez rien qui soit resté d'hier au
soir ?
Oui docteur, mais pas pour un malade comme ça, hier c'était dimanche, nous
leur avons donné du ragoût de mouton et des haricots secs… des fayots quoi !
… on ne peut pas donner ça à la malade ! Il paraît aussi que le Docteur lui dit
ensuite :
Écoutez, ma sœur, ne vous inquiétez pas, faites-lui en chauffer une bonne
portion… Et on a porté ça à Marguerite qui a tout mangé. Elle a mangé du pain
avec, bu du vin et le soir, mes chers Messieurs, moi qui vous parle et ça, je l'ai
vu de mes yeux, Marguerite Deschamps – qui ne marchait pas depuis 18 ans,
hein ? – était debout, oui debout ! Elle n'avait pas d'habits et une femme lui
avait prêté un grand manteau, avec fourrure, je la vois encore, elle était là,
debout, toute la vie dans ses yeux noirs, elle pesait 27 kilos… 
Le lendemain à midi, conférence par un médecin à tous les brancardiers : dans
un fauteuil à côté de lui, Marguerite avec ses deux grandes tresses, très
brunes. Il nous a dit ceci :
Nous avons pris une radio, hier au soir, des 2 vertèbres neuves. A la dernière
radio du dossier, prise il y a 18 jours, on voit très nettement que ces deux
vertèbres manquent.
Vous pouvez vérifier l'une et l'autre radio. Est-ce que, en ces 18 jours, le corps
de Marguerite Deschamps pouvait fabriquer les 2 vertèbres ?
Il nous a donc expliqué pour nous faire comprendre : prenez la fracture
classique – tibia-péroné – , que fait-on ? Vous le savez, on raccorde le membre
fracturé en ayant soin de mettre bien en face les 4 tronçons brisés que l'on tient
bien immobilisés, soit avec une attelle, soit dans un plâtre et on attend; on
attend quoi ? On attend que le sang fasse son travail : parce que le sang, qui
est un liquide d'une extrême complexité véhicule sans arrêt des produits
nombreux et en particulier du phosphate de chaux pur pris dans l'intestin après
élaboration des aliments. Sans arrêt le sang refait les cellules osseuses et
expulse les cellules mortes : mais les 5 à 6 litres de sang d'un adulte ne
peuvent contenir que 1,20 gr. de phosphate de chaux pur. Alors vous
comprenez qu'il faut du temps. Pourquoi ? eh bien parce que le sang va
apporter à l'endroit brisé – c'est d'ailleurs admirable au point de vue biologique
– va apporter à l'endroit brisé, là, les molécules de phosphate de chaux par des
capillaires d'un diamètre d'un vingtième de millimètre, un peu comme un maçon
qui élèverait un mur avec des pierres infiniment petites, alors vous comprenez
qu'il faut du temps; ainsi, pour refaire la soudure des os brisés dans l'exemple
cité ainsi, il faut environ 2 gr. 1/2 de phosphate de chaux pur. Donc, pour
permettre à ce sang – sans qu'il perde son équilibre antérieur, son métabolisme
– de ressouder la cassure, il faudra environ deux mois et ensuite, vous le
savez, il faut des semaines et parfois des mois pour rééduquer le membre et
les tendons et les nerfs qui, généralement, ont été abîmés ou tout au moins
froissés.
Marguerite Deschamps avait donc, il y a 18 jours, 2 vertèbres en moins. Elle a
2 vertèbres neuves aujourd'hui. En 18 jours, son sang ne pouvait en aucune
façon produire les 12 gr. de phosphate de chaux qui eussent été nécessaires :
1.- parce qu'elle ne mangeait rien,
2.- parce que dans l'hypothèse où elle se serait alimentée, il lui aurait fallu au
moins 2 années pour que son sang produise les 12 gr. de phosphate pur
indispensables.
En effet, il y a des cas de guérison naturelle – A Berck Plage, à Bidart ou
ailleurs – mais l'expérience prouve qu'il faut au moins 2 ans à ces malades
pour reconstituer les parties osseuses déficientes qui sollicitent un apport en
phosphate pur de cette importance.
Or, la guérison de Marguerite Deschamps a été instantanée, voyez… tout est
guéri. Il n'y a pas qu'un miracle en elle. Il y en a au moins 10; elle avait des
fistules nombreuses un peu partout et tous les organes étaient atteints,
l'intestin, le péritoine, etc… tout est guéri, il n'y a pas de convalescence; elle n'a
pas de muscles et elle marche; elle mange et il faut voir comment : le Docteur
qui la suit indique qu'il est possible qu'étant donné l'appétit qu'elle a et
l'assimilation qu'elle fait, le poids normal de son âge, 60 kg, soit atteint au bout
de deux mois.
Marguerite Deschamps n'a pas voulu avertir son père mais lui créer la surprise
de cette guérison miraculeuse. Elle est restée 4 ou 5 jours à Lourdes pour
remercier la Ste Vierge, puis s'en est allée à Périgueux avec ses amies. Je n'ai
appris la suite que par le journal La Croix de l'époque. Elle a sonné chez elle, et
la bonne, venant lui ouvrir, affolée, alla trouver son maître pour lui dire que
Marguerite était à la porte. Alors, lui, tranquillement :
Eh bien ! qu'on la mette au lit, et dites-lui que je vais aller la voir.
Non, Monsieur, Marguerite est debout à la porte ! Il pense que sa bonne
devient folle et il se lève… Quand Marguerite lui saute au cou, il tombe comme
une masse croyant à un fantôme et puis, revenu à lui, on lui a expliqué… : M.
Deschamps, votre fille ne revient pas de Cauterets, elle revient de Lourdes.
Lourdes ! Il s'est converti aussitôt et, trois semaines plus tard, à un nouveau
pèlerinage de la ville de Périgueux, de reconnaissance cette fois, il y avait un
homme qui, en pleurant, portait une bannière. C'était M. Deschamps, architecte
connu, ancien vénérable d'une loge de Périgueux !…
Un petit trait encore, mes chers Messieurs, mais combien plus décevant.
Il y a une douzaine d'années, deux médecins, mari et femme, ont publié sur
Lourdes un livre ignominieux en indiquant qu'il ne s'agissait que d'une affaire
d'argent, calomniant ainsi combien de confrères médecins venus à Lourdes
eux aussi qui s'y étaient convertis. Il n'y avait qu'eux n'est-ce pas pour
découvrir la Lumière !!! Bien ! Quelque temps après, la femme a été trouvée
morte dans sa voiture, morte de façon inexplicable. Un peu plus tard, on vit de
la fumée noire; on appela les pompiers qui éteignirent l'incendie et on le trouva
mort, lui, suicidé, brûlé, après avoir pris du véronal. C'était lui qui avait mis le
feu.
Il est bon de savoir cela aussi… que cela ne porte pas toujours bonheur de
blasphémer le Sanctuaire…
Mais réjouissons-nous, le fait de Lourdes est une nouvelle confirmation de la
Vérité, l'évidence y éclate par les miracles. Lorsqu'on voit les débuts de
Lourdes, une petite fille, toute seule, d'une famille pauvre, tout le monde se
dresse contre elle : la puissance de la police, la puissance civique, la puissance
religieuse elle-même, la puissance de la Préfecture, la puissance de Paris, la
puissance de l'athéisme, seule… elle a conquis le monde…
Mes chers Messieurs, les miracles sont là pour ranimer notre Loi. Le Bon Dieu
est partout le Maître : Ludens in orbe Terrarum. Il joue avec la matière !
Nous continuerons demain.
*******
N° 38
DIVINITÉ DE L'ÉGLISE
Nous allons voir ce matin, mes chers Messieurs, quelques aspects de ce
problème passionnant, surtout à notre époque, celui de la Vraie Religion et de
la Vraie Église.
Quatre problèmes en réalité :
- Qu'est-ce que la Religion ?
- Jésus-Christ et la Religion,
- Ce qu'est la Vraie Religion,
- Est-ce que toutes les religions sont bonnes ? …
D'abord, d'où vient le mot "Religion" ? … de "Relegare", relier Quoi ? Eh bien
relier Dieu à l'Homme. Mais pourquoi ? …
Eh bien parce qu'ils sont séparés par le péché. Voyez ! la notion de péché,
vous l'avez remarqué, va éclairer toute la notion de religion; c'est le péché qui
va nous faire comprendre les éléments essentiels à toute religion. Rappelons-
nous donc ces deux natures nécessairement liées ontologiquement et
essentiellement entre elles, le Créateur et sa créature; séparées par le refus de
l'homme libre; alors comprenant cela les hommes vont essayer de se
raccommoder avec Dieu… de se relier à nouveau – le sens est le même – de
se rendre Dieu favorable en Lui offrant des cadeaux : voyez ! une réaction en
fait très naturelle et spontanée ! Donc, premier élément nécessaire à toute
religion : le sacrifice. Lorsqu'on lit parfois ceux qui dissertent sur les origines
des religions, cela nous révèle un tas d'immolations et de choses bizarres que
nous comprenons maintenant difficilement, mais le sacrifice est pourtant la
chose la plus élémentaire, la plus indispensable pour une réconciliation.
Prenons un exemple assez terre à terre : voilà un homme et une femme qui
s'aiment bien mais pour des vétilles parfois, on se dit des mots un peu vifs et on
se boude plus ou moins longtemps, c'est-à-dire qu'ils vivent dès lors séparés,
non pas effectivement, mais psychologiquement n'est-ce pas ? … Alors,
comprenant que leur impatience n'était pas justifiée, le mari va essayer de se
raccommoder, de se relier… mais elle l'envoie promener… Tout d'un coup il se
rappelle – elle s'appelle Thérèse ! – que c'est bientôt sa fête ! Il sait que depuis
longtemps elle soupire après un sac à main en peau de serpent… là, il va faire
un vrai sacrifice en l'achetant, il revient donc la veille avec un joli paquet fermé
de faveurs bleues…
Tiens, ma chérie, c'est pour ta fête ! …
Elle attrape le paquet et v'lan, elle le jette dans un coin… Mais il la
connaît… elle est fille d'Ève ! et bien sûr, sa curiosité prenant le dessus, dès
qu'il est sorti, elle se demande ce qu'il y a dans le paquet; après tout se dit-elle,
il est à moi, n'est-il pas vrai ? quand elle voit le sac à main en peau de serpent :
Oh ! qu'il est gentil ! et elle lui court derrière pour l'embrasser à n'en plus finir;
les voilà donc raccommodés, psychologiquement reliés… eh bien les hommes
ont fait pareil : pour se rendre Dieu favorable ils ont pris dans leurs champs des
fruits, et sur leurs menhirs, pierres sacrées de leurs autels rustiques, ils les ont
offerts avec des libations de vin, des libations d'huile; ils ont pris aussi ce qu'il y
avait de plus beau dans leurs troupeaux, des agneaux, des chevreaux, des
bovins, c'est-à-dire ce qu'il y avait de plus représentatif de ce qu'ils
possédaient, ils l'ont offert à Dieu après l'avoir sacrifié. Premier élément donc,
essentiel à toute religion : le sacrifice.
Deuxième élément : ce n'est pas n'importe qui qui peut offrir un sacrifice; mais
là aussi prenons un exemple car lorsqu'on lit les cours comparés des religions,
même s'ils sont Sorbonniques, on est effaré des sottises qui peuvent être dites
là-dessus par des gens qui ne connaissent d'ailleurs presque rien au problème
et c'est bien lamentable !… un exemple donc : dans le textile Roubaisien,
supposons un litige entre le patronat et le prolétariat, les deux éléments du
travail : le patron et les ouvriers. Que fait-on pour régler le conflit ? … on réunit
des commissions d'arbitrage et afin que l'arbitre puisse faire son travail qui
consiste à relier les deux parties antagonistes ou simplement séparées par un
litige professionnel, il importe que l'arbitre soit accepté par les uns et par les
autres !… S'il est récusé, il ne peut pas faire son travail, c'est évident; pour
pouvoir relier il faut qu'il soit accepté… eh bien, le deuxième élément essentiel
à toute religion c'est le sacerdoce; St Paul en donne la définition dans l'épître
aux Hébreux : le prêtre est un homme pris parmi les hommes et consacré.
Voyez ! Il passe d'un domaine purement profane, naturel, à un domaine divin; il
est consacré, choisi, et ensuite le prêtre, intermédiaire entre Dieu et l'homme,
accepté par les deux parties, doit faire monter tous les soupirs, tous les besoins
de la multitude, et réciproquement de la part de Dieu, il doit faire descendre sur
cette multitude les grâces naturelles et surnaturelles dont elle a besoin. Le
prêtre est donc celui qui a été accepté par les deux parties, qui est de ce fait
l'intermédiaire entre Dieu et l'homme, entre le Créateur et les créatures pour
pouvoir assurer la jonction, le lien qui relie et qui offre le sacrifice…
Troisième élément maintenant : encore une fois, le péché reste un obstacle à
l'action de relier, à la réunion, à la réconciliation, au raccommodage, vous
voyez tous ces termes sont à peu près synonymes. Donc, comment annuler ce
péché qui fait obstacle, qui forme écran ? Dans toutes les grandes religions,
notamment dans la religion juive qui a été la vraie en un moment donné, le
prêtre, après certains sacrifices sanglants, avec un "buisson" consacré prend
du sang de la victime et en asperge le peuple. C'est cette aspersion du sang
qui nettoie du péché passé. L'exemple le plus connu dans l'histoire est celui de
Julien l'Apostat. Il était catholique, avait fait ses études à l'université d'Athènes
avec St Grégoire de Nazianze qu'il connaissait bien et puis, entré dans l'armée,
il y est devenu général puis empereur par élection; c'est à ce moment-là que la
tête lui a tourné un peu et a alors pensé rétablir (nous sommes au 5ème siècle)
le paganisme, mais à son profit… Il reçut pour cela le Taurobole : … dans
certains temples païens grecs et romains, il y avait une fosse, sorte de
baptistère dans lequel on faisait descendre le catéchumène; après avoir
recouvert l'installation de branchages, on y amenait un taureau que le prêtre
païen immolait avec un couteau et le sang chaud tombait sur le catéchumène
qui se trouvait dessous, c'était le baptême du taurobole, c'est pourquoi on
appelle l'empereur Julien "l'apostat" parce qu'en se faisant baptiser par le
Taurobole il indiquait vouloir se débarrasser du baptême catholique…
Ainsi donc, aspersion du sang pour nettoyer du péché passé mais aussi pour
nous préserver des péchés à venir devant lesquels les hommes restent si
faibles. Eh bien cette préservation, dans toute grande religion, se fera par un
quatrième élément.
Quatrième élément : la communion. On le voit chez les Juifs, on le voit chez les
Romains : dans certains sacrifices le prêtre mangeait une partie de la victime et
la partageait aussi avec les fidèles de telle sorte qu'on mangeait de l'agneau
pour avoir la pureté de l'agneau, on mangeait du buffle pour avoir sa
puissance, on mangeait du lion pour avoir la force du lion, le choix de la victime
sacrifiée indiquait bien à quelle intention elle était mangée : c'était par sa
manducation qu'on essayait d'assimiler une qualité appartenant à la victime. A
la fin du siècle dernier, les Français au Dahomey avaient établi des comptoirs
sur la côte sans y pénétrer encore et puis, plusieurs fois, des petits blancs
avaient disparu sans que l'on puisse établir la cause de ces rapts; mais ensuite
la pénétration par la conquête du pays avait permis de découvrir le motif de ces
enlèvements : c'était des sorciers noirs qui en avaient été les instigateurs et
avaient dévoré ces enfants dans des repas rituels, anthropophagiques
évidemment, pour s'assimiler la blancheur et l'intelligence des Européens – et
ces histoires-là continuent encore plus ou moins n'est-ce pas, en Côte d'Ivoire,
au Katanga, au Congo, en Nouvelle Guinée aussi. Je lisais il y a 3 ans le récit
d'un missionnaire du Sacré-Cœur. Il était allé évangéliser dans les montagnes
de la Guinée une tribu de vrais sauvages et il était tombé sur un groupe de
vrais primitifs. On lui avait donné une case pour se reposer et, harassé de
fatigue, il s'était endormi sans même allumer du feu pour reconnaître son abri.
Réveillé dans la nuit, il avait tâté un objet assez doux au toucher sans pouvoir
déceler ce que cela pouvait bien être, mais aux premières lueurs du jour, il
s'était aperçu qu'il s'agissait d'un crâne tout poli, avec un trou par-dessus : le
Chef de la Tribu, en lui souhaitant le bonjour vint lui dire en lui présentant cela
comme une faveur : tu vois, tu as dormi à côté du crâne de mon ennemi !
C'était le Chef d'une Tribu rivale, de l'autre côté de la vallée; il était très
intelligent et brave. Je l'ai tué d'une flèche, tu vois, alors j'ai donné son cœur à
mes hommes pour qu'ils deviennent courageux comme lui et moi j'ai mangé la
cervelle, tu vois, par ce petit trou.
Ces essais de communion sont effroyables mais à leur exécution on discerne
bien dans quel but ils sont faits; dans le but d'assimiler une qualité qui
appartenait à l'autre et pour se fortifier contre le péché à venir; donc, quatrième
élément nécessaire à toute religion – la Communion.
Enfin, cinquième élément tout aussi indispensable : l'initiation faite par le prêtre,
ou par le sorcier qui dans le paganisme est une déformation du prêtre; cette
initiation pour le sacrifice que l'on retrouve chez les Romains, chez les Grecs,
chez les Juifs : lorsque l'enfant arrive à la puberté il prend une place nouvelle
dans la cité. Remarquez à cet effet que l'Évangile note que Notre-Seigneur a
été mené par ses parents à 12 ans à Jérusalem – ce n'est pas inutilement
qu'on fait remarquer qu'il avait 12 ans – c'est parce qu'à cet âge, le petit Juif
changeait de robe, tout comme le petit Grec ou le petit Romain, et à ce
moment-là il prenait place parmi les hommes – nous constatons un peu cela
chez nous aussi où l'enfant prend une dimension nouvelle à 11 ou 12 ans
lorsqu'il fait sa première Communion solennelle et renouvelle ses vœux de
baptême – chez les Indiens, lorsque arrive l'âge de la puberté, l'enfant est lâché
dans la forêt où on l'oblige à subir des épreuves très pénibles puis on le
ramène à la tribu et là le sorcier l'initie à certaines prétendues vérités, sur les
devoirs envers les parents, la société, les chefs en temps de paix, en temps de
guerre, etc… en bref un certain code social nécessaire à la vie en commun et
pour la première fois, après cette initiation plus ou moins longue, il peut aller
dans la forêt assister aux fêtes et aux sacrifices religieux; chez les Esquimaux
on voit aussi des particularités similaires mais partout dans le monde, d'une
façon plus ou moins caractérisée, l'enfant, à sa puberté, est initié pour parfaire
sa conduite parmi ses semblables…
Je résume donc : dans toute religion nous retrouvons les cinq éléments
principaux suivants : le Sacrifice – le Sacerdoce – l'Aspersion du Sang – la
Communion – l'Initiation, éléments essentiels que nous trouvons forcément
dans la religion juive qui, à un moment donné, a été la vraie religion.
Second point maintenant :
Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu sauver l'humanité en la reliant à son
Père. Par l'Incarnation, Dieu lui-même relie dans Jésus-Christ, en union
hypostatique, les deux natures divine et humaine séparées. On ne fait pas à
mon sens assez remarquer cela dans le catéchisme, à savoir que la religion
catholique ce n'est pas une convention humaine, mais que en elle se situe
pleinement, au départ, l'acte de "relier" dont je parlais tout à 'heure et qui se
réalise par l'Incarnation. Vous voyez là les deux natures, séparées par le
péché, reliées par l'action de Dieu dans le Christ son Fils en union essentielle,
en union personnelle, en union qu'on appelle hypostatique; voilà quel est le
départ de la religion, de cette religion qui se réalise d'abord dans le Christ par
le fait de l'Incarnation, alors, tirons les conséquences de cela :
Si Jésus-Christ est au départ de la religion vivante, par son incarnation, seul
son sacrifice va pouvoir nous sauver, seul Il est prêtre éternel, seule l'aspersion
de son sang va nous purifier du péché passé, seule la manducation de son
corps va nous fortifier dans notre lutte contre le péché dans l'avenir, seul Il
détient la science nécessaire pour nous initier sur les moyens à prendre pour
notre salut. Vous vous doutez bien combien il est important de comprendre
cela, c'est même capital, et combien cela permet de comprendre beaucoup de
choses au point de vue catholique !…
Mais si la religion se résume en Jésus-Christ comme nous venons de le voir, il
se pose un problème de diffusion des remèdes, expliquons-nous : au matin de
Pâques, après son sacrifice agréé par son Père, sacrifice unique dont les
autres ne seront pour ainsi dire que la multiplication, Notre-Seigneur Jésus-
Christ a dans ses mains le recours en grâce de chacun des hommes qui
vivaient avant et qui viendront après. Il a aussi dans ses mains le remède pour
les guérir tous du péché, remède qui vient de Lui et de sa Rédemption, mais
comment va-t-il nous appliquer ces remèdes ?
L'Incarnation nous permet d'être de la religion (je prends ce mot ici comme une
action) et de nous sauver, d'être, de faire partie de ce lien, de cette action qui
nous relie, mais cette Incarnation, par le fait même que Notre-Seigneur y a pris
une nature humaine, donc limitée, le limite à Lui dans l'espace comme elle le
limite dans le temps !… Lorsque Notre-Seigneur, Dieu et Homme, est à
Nazareth, visible aux hommes, Il n'est pas à Bethléem, Il n'est pas à
Jérusalem; lorsqu'Il est en Palestine, Il n'est pas en Grèce ou à Rome; limité
dans le temps : nous savons que 40 jours après sa résurrection, il va remonter
au Ciel… ah ! mais Il est la religion vivante, la religion unique, le seul Prêtre.
Que vont devenir les hommes qui vivent loin de Lui ou qui viendront après Lui ?
Voyez le problème ce problème de la diffusion des moyens de salut !… Pour
bien le faire comprendre je vais me servir d'une histoire :
En 1937 au Kenya, colonie anglaise à ce moment-là, sévissait une peste d'une
virulence extraordinaire et plusieurs médecins avaient été emportés les une
après les autres à tel point que le gouverneur de la colonie ne savait plus à
quel saint se recommander. Un jour, il voit arriver chez lui un jeune médecin
arrivé depuis peu de la métropole, docteur en médecine, en pharmacie,
spécialiste des plantes exotiques… il était venu exercer aux colonies par amour
de la grande chasse et du sport…
M. le Gouverneur, je comprends votre ennui devant cette situation, vous
connaissez mes titres, eh bien, si vous me donnez carte blanche, voilà ce que
je compte faire – je suis aussi pilote aviateur, je transforme un avion en
laboratoire, j'atterris dans la savane la plus atteinte par l'épidémie et j'y travaille
pour isoler le microbe, le virus, afin de trouver ensuite le sérum correspondant
pour soigner ceux qui sont déjà atteints et le vaccin pour immuniser ceux qui ne
le sont pas encore…
Bon, faites comme vous l'entendez, je vous donne carte blanche…
Il aménage donc rapidement un avion, met à bord tout le matériel de protection,
cagoule, gants, oxygène, etc… et s'envole pour atterrir là où des corps
pourrissaient sans sépulture, où de pauvres types se trouvaient dans les affres
de l'agonie, tandis que d'autres n'avaient encore que les premiers
symptômes… Il possédait tout ce qu'il fallait pour faire ses recherches et grâce
à ses études antérieures (il était armé pour cela) il réussit au bout de 8 jours de
travail à isoler le microbe (première chose) à trouver le sérum qui lui, est curatif,
et le vaccin qui ensuite est du domaine de la prévention. Bien !… Il avait trouvé
le remède, mais personne n'était encore guéri puisqu'il fallait le réaliser. Il
reprend son avion, son rôle étant terminé, mais en revenant, il s'aperçoit que
lui-même est atteint. Dans sa joie de la découverte, il a négligé certaines
précautions et le voilà contaminé à son tour. Il atterrit, mande un des rares
médecins encore là et lui confie toutes ses formules… voyez, moi, je suis
perdu; il n'y a rien à faire, enfermez-moi… et en effet, le lendemain il était mort.
Que fallait-il faire ? Le remède était bon, il était là en puissance dans ces
formules, mais pas exploitable encore… Alors vous le comprenez vous-même,
par câblogramme il a fallu en communiquer les données, alerter tous les grands
laboratoires d'Europe et d'Amérique et grâce à elles, 10, 12, 15 jours après, par
des avions spécialement affrétés, un grand nombre de caisses de sérum et de
vaccin ont été reçues ainsi qu'un grand nombre de médecins dûment vaccinés,
dûment immunisés qui sont allés dès lors opérer dans la région où l'épidémie
sévissait et qui ont enfin réussi à l'enrayer…
Eh bien là, voyez-vous, il y a une très belle image de la Rédemption.
Notre-Seigneur Jésus-Christ a fourni le remède, mais ce n'est pas Lui qui va
l'appliquer, et pourquoi ? Mais parce qu'Il est limité dans le temps et dans
l'espace… Nous allons voir comment Il a résolu ce problème: Il est resté 30 ans
à Nazareth dans le silence puis Il s'est révélé au monde par sa doctrine, par
ses miracles, Il a pris avec Lui 12 hommes qu'Il appelle déjà à l'avance
"apostollos" qui est le terme grec de "mes envoyés, mes ambassadeurs"… ces
hommes-là, Il les garde avec Lui nuit et jour, on dit qu'ils sont le "collège
apostolique", et à ces hommes Il fait des promesses et par ces hommes Il
réalise ces promesses… En effet – vous avez contemplé cela ce matin – au
soir du Jeudi Saint, Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, Dieu
et Homme tout à la fois, prend du pain en disant ,,Prenez et mangez (voyez, la
Communion !), ceci est mon corps qui va être livré pour vous (voyez, le
sacrifice), prenez et buvez, ceci est mon sang qui va être livré pour vous, pour
la rédemption d'un grand nombre, faites ceci en mémoire de moi (voyez, le
Sacerdoce !). Il commande, c'est un impératif. Il est Dieu et Il commande : ce
que je viens de faire, faites-le. Notre-Seigneur Jésus-Christ confie donc son
sacerdoce : Il est seul Prêtre éternel, mais Il confie ses fonctions en
participation à des hommes préparés à cela ,,faites ceci en mémoire de moi…
faites cela…”. Donc, au soir du Jeudi Saint, Notre-Seigneur établit trois des
éléments essentiels de la religion, éléments que nous avons déjà commentés.
Mais trois jours après, le soir de Pâques (ce que nous méditerons demain
matin), Notre-Seigneur Jésus-Christ, en entrant dans le Cénacle dont toutes les
portes étaient fermées et leur apparaissant ressuscité leur dit : ,,Pax Vobis”, et
après le repas, pour leur montrer qu'Il n'est pas un fantôme, mange avec eux. Il
souffle sur eux en leur disant : ,,Recevez le St Esprit, les péchés seront remis à
ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les
retiendrez”. Ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ, Prêtre éternel, donne le pouvoir
de pardonner les péchés… c'est-à-dire que le Sang qui coule sur nos autels au
moment de la messe, d'une façon mystique mais très réelle, inonde les
confessionnaux et c'est par le sang de Jésus-Christ que nous sommes libérés
des péchés par l'aspersion du sang !… 
Une autre fois – on pense que c'est sur la montagne du Thabor, cela n'est pas
précisé dans l'évangile – Notre-Seigneur Jésus-Christ est entouré de ses
disciples et Il leur dit : ,,Allez ! enseignez toutes les nations et baptisez-les au
nom du Père et du Fils et du Sain Esprit… celui qui croira et qui sera baptisé
sera sauvé, celui que ne croira pas sera condamné”. Allez enseigner ! Voyez,
Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Vérité Éternelle, le Verbe de Dieu par lequel
tout a été créé donne le pouvoir à ces pauvres hommes d'enseigner les
nations. Il en fait des docteurs des Nations afin qu'ils les initient, qu'ils leur
donnent la science sacrée… Allez leur dire ce que je vous ai appris et baptisez-
les ! une manière d'aspersion de son sang - pour libérer du péché originel que
nous avons en naissant…
Nous voyons ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ, au moment de la Cène, peu
avant sa mort et peu après sa Résurrection confier à un corps constitué
préparé à cela et conformément aux promesses qui lui ont été faites, ses
pouvoirs de Prêtre Éternel en participation. Ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ
qui est au Ciel Prêtre éternel et unique, a laissé sur Terre ses pouvoirs de
prêtre éternel et de sanctificateur à un corps constitué qu'Il appelle
ECCLESIA… Assemblée qu'Il appelle Royaume aussi, Église, tous ces termes
ont le même sens; mais un corps non seulement constitué mais aussi
hiérarchisé… nous voyons déjà au départ, il y avait d'abord des apôtres, les
douze, et avec eux 72 disciples parmi lesquels on distinguait des "anciens", des
"prêtres", des "diacres", … voyez, plusieurs degrés… un corps monarchique
aussi, c'est-à-dire avec un seul pour diriger, et non pas une démocratie… une
monarchie bâtie sur Pierre… Pierre est nommé 190 fois dans les quatre
évangiles, chiffre spectaculaire si l'on songe que saint Jean qui vient en
seconde position est nommé 27 fois seulement, les autres le sont 5 à 10 fois…
Saint Pierre a reçu de Notre-Seigneur des promesses spéciales – Tu es Pierre
_ il s'appelait Simon, vous le savez ! – tu es Pierre, c'est-à-dire Rocher, et sur
ce rocher je vais édifier mon Église… c'est admirable ! J'ai fait dimanche une
conférence sur le Rocher qu'est l'Église, l'Église est le phare de l'humanité et
un phare est toujours bâti sur un rocher, pour résister à toutes les tempêtes; le
premier connu a été celui de Pharos à Alexandrie, une tour de marbre blanc qui
avait 135 m. de hauteur, édifié par Ptolémée Philadelphe, les anciens l'avaient
classé comme étant l'une des sept merveilles du monde, enthousiasmés qu'ils
étaient de ce phare construit sur le rocher; des grands phares il y en a un peu
partout maintenant : à l'entrée de Marseille, à l'estuaire de la Gironde, à
Cordouan, celui des Baleines à La Rochelle, le phare de la Vieille à la pointe du
Raz et celui d'Ar-Men dit de Sein, le mot ARMEN en breton veut dire rocher…
Tu es un Rocher, et sur ce rocher je bâtirai mon Église, et les puissances de
l'enfer ne prévaudront pas contre Toi. Je suis la Vérité, et je suis avec vous
jusqu'à la fin du monde… Oui, si Pierre a reçu des promesses toutes
particulières… un corps monarchique donc, mais un corps infaillible aussi dans
les questions de foi et de mœurs, à certaines conditions : Je suis la Vérité, et
comme je suis avec Toi, c'est la Vérité que tu enseignes… Un corps nécessaire
enfin… On ne peut pas se passer de lui car Notre-Seigneur a dit : Allez et
enseignez… celui qui vous écoute m'écoute, celui qui vous méprise me
méprise…
En définitive un corps constitué détenant les cinq éléments essentiels à toute
religion, c'est ce que nous voyons par l'évangile, livre historique.
Objection des Protestants : (Il est bon qu'à ces moments d'œcuménisme on
puisse avoir des idées qui éclairent cette question) les Protestants nous disent :
,,L'évangile à la main (ou la Bible) et éclairé par le Saint Esprit, chaque fidèle
peut conduire sa vie vers le Salut !”… Mes chers Messieurs, cela est
impossible; un exemple fera mieux comprendre pourquoi. En ce moment, la
France est encore régie par le code civil de Napoléon 1er. Napoléon était très
fort en beaucoup de choses, il avait étudié les grands recueils romains, les
pandectes et autres, et avec les jurisconsultes français, c'est lui qui a doté la
France de ce code qui nous régit, mais est-ce que Napoléon se contenta de
faire un code selon les principes romains et applicable à la France ? Mais non !
c'eût été du temps perdu, mais, en même temps qu'avec ses aides il mettait sur
pied cette merveille juridique, il organisait un corps de spécialistes destinés à
connaître ce code à fond, pour l'expliquer, pour en régler les questions
épineuses, pour mettre au point la machine chargée de relancer ceux qui
manqueraient au code en se trompant et de punir ceux qui ne le suivraient pas.
Ce code, comme n'importe lequel d'ailleurs, est toujours contraignant, et
comme il est rempli de lois ennuyeuses, s'il n'y avait pas à côté du code, livre
mort par lui-même, un corps constitué d'hommes vivants, se succédant,
possédant toute la jurisprudence et les règles du droit et appuyés par des
mesures de coercition que la loi leur donne de pouvoir prendre, mais personne
ne suivrait le code !… ce serait une pagaille sans nom, vous le comprenez sans
peine n'est-ce pas ? Mais il n'y a pas que pour le droit que cela existe; en
médecine c'est pareil ! Ce serait du joli si chacun soignait à sa manière : ah !
qu'est-ce qu'il a le petit ? Ça doit être mal au ventre sans doute, donne-moi le
code que je regarde… et qu'on aille au pharmacien demander ce que ce
médecin improvisé aura décidé !… Heureusement qu'à part les tisanes, le
pharmacien y regardera à deux fois… Vous comprenez donc aisément qu'il doit
y avoir des spécialistes du droit, qu'il doit y avoir des spécialistes en toutes
choses, qu'il doit y avoir même des spécialistes de prisons, voire même des
spécialistes qui sont bourreaux de nom… Eh oui, sans cela on ne suivrait pas
le Code ou on le suivrait mal… pour la route c'est pareil, imaginez quelqu'un qui
apprendrait le code de la route par cœur et qui ne toucherait jamais une
automobile… il serait très fort celui-là pour conduire… non, il doit d'abord faire
appel à un professeur pour apprendre à conduire et à se servir du code…
Mes chers Messieurs c'est identique pour l'évangile. L'évangile est un code
valable pour tous les siècles, pour tous les hommes, pour tous les problèmes.
C'est effroyable et vertigineux comme étendue; ça ne peut donc être laissé à
l'appréciation, à l'interprétation, au jugement d'un chacun, d'autant plus que le
jugement ne vient pas toujours du Saint Esprit, surtout s'il est intéressé… cela
ne tient pas debout de prétendre le contraire ! Or, Notre-Seigneur ne peut pas
être moins prudent que Napoléon en donnant son avis. De cet avis d'ailleurs, Il
n'a rien écrit, se contentant de le "vivre avant". Alors un code valable pour tous
les hommes et pour tous les siècles et qui n'a pas été écrit, on prétendrait le
laisser au jugement d'un chacun ? Imaginez ! c'est absurde !… C'est même
injurieux pour Notre-Seigneur, car cela supprimerait le sens de son activité
pendant 3 ans. Comment ? Il a mis autour de Lui des disciples, Il les a formés,
Il leur a dit ensuite ,,Allez et enseignez” et tout ça serait mis par terre par un
Luther qui le supprime pratiquement en instituant le libre examen, en
permettant à chacun de se débrouiller tout seul ? d'autant plus que comme je
vous le faisais remarquer, Notre-Seigneur n'a pas écrit le code, il l'a vécu, et
pendant 15 ans l'Église a vécu sans code écrit et c'est elle-même, l'ECCLESIA,
qui a écrit le code pour aider la catéchèse apostolique; l'évangélisation du
monde n'a jamais été confiée à un livre, mort par lui-même en tant que
matériel, l'évangélisation a été confiée à des langues de feu le jour de la
Pentecôte, et les apôtres sont alors partis à la conquête du monde en parlant !
… l'évangile, mes chers Messieurs, est parlé avant que d'être écrit et donc
l'Église peut se passer du livre écrit (à la rigueur, voyez), elle ne l'a écrit que
pour s'aider elle-même, je veux dire par là que le corps des Juristes, le corps
des spécialistes en ce qui concerne l'évangile a existé 10 à 15 ans avant qu'il
ait été écrit… Allez, enseignez toutes les nations… Bien !…
Troisième problème maintenant : Où se trouve à notre époque la vraie
religion ? Concrétisons le problème : poussé par la grâce qu'il ignore parfois
mais qui habite tout homme, comprenant qu'il y a quelque chose au-dessus,
comme disent parfois les incroyants, et désirant éclairer ce problème de l'au-
delà qui les préoccupe, il cherche et peu à peu, aidé par des conseils, aidé par
de bons livres, aidé par la grâce qui lui fait faire des choix souvent à son insu, il
retrouve peu à peu ce que j'ai essayé de vous rappeler pendant ces causeries
de 11 h : l'Existence de Dieu, Créateur, Éternel, PÈRE; il retrouve l'immortalité
de l'âme et les possibilités éternelles reçues en naissant; il retrouve la
Révélation et tout cela est centré sur le Christ… (et tout homme qui vit
maintenant en 1965, se voit séparé du Christ historique par vingt siècles
d'histoire), … alors comprenant l'importance du salut et la nécessité d'être relié
au Christ, prêtre unique, cet homme-là voit que d'après l'évangile, livre
historique, le Christ Fils de Dieu a laissé sur la Terre un organisme de salut il y
a de cela vingt siècles; alors lui, qui vit en 1965 et qui veut y rentrer à nouveau
interroge évidemment la Terre : ,,Où se trouve l'organisme de salut qu'a laissé
le Christ ? Je veux y rentrer moi !”…
Savez-vous combien de réponses peut recevoir cet homme ? 22'000… le
chiffre est d'ailleurs déjà ancien et date d'un peu après la guerre, il y a une
vingtaine d'années, statistique sérieuse qui dénombrait sur la Terre au moins
22'000 sectes chrétiennes ayant au moins un nom et quelques centaines
d'adhérents… Bien ! Alors procédons par ordre.
Vous êtes 35 ici; mettons en litige la question du soleil : … demandons au
premier ce qu'il en pense et il me répond sans bavure : il y a un soleil… le
second : non, il n'y a pas de soleil… le 3ème : il y avait un soleil mais il n'y en a
plus, un 4ème : il y aura un soleil un jour mais il n'y en a pas encore; 5ème : il y
a bien un soleil mais avec des graines oléagineuses j'en ai plein mon jardin;
6ème : il y a bien un soleil, mais c'est une compagnie d'assurances, j'en fais
partie… on peut trouver facilement – j'arrête la démonstration évidemment –
une réponse pour chacun de nous, toutes différentes, mais l'erreur est multiple.
Rappelez-vous 2 et 2 = 4, on peut donner des milliards de réponses qui sont
fausses, mais la réponse vraie, elle est unique, 2 et 2 = 4. Au sujet du soleil on
pourrait facilement avancer 22'000 réponses fausses et pour le Christ, c'est
cela qu'on a fait.
Ah ! très bien, Monsieur, mais alors comment moi, qui n'ai que ma petite bonne
volonté, vais-je trouver la vérité au milieu de ce fatras ? Eh bien, éliminons ce
qui est mauvais : de deux choses l'une : ou bien j'ai 22'000 sottises, ou bien j'ai
21'999 réponses qui sont des sottises et une qui est vraie.
Oui, il n'y en a qu'une de vraie et c'est celle où Jésus-Christ a laissé son Église,
la vraie, c'est Elle, mais comment la retrouver puisque toutes se défendent
d'être celle-là ?
Le problème est beaucoup plus difficile à première vue qu'il ne l'est en réalité,
parce que s'il était si difficile que ça personne ne pourrait le résoudre.
Cependant le grand prophète Isaïe nous dit : ,,L'étendard du Christ dressé au-
dessus des Nations, qui veut le voir”, voyez ? alors comment procéder ?
Il y a deux méthodes – une première méthode qui n'est pas classique mais
efficace et que j'aime beaucoup : donc, Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous le
voyons par l'évangile, livre historique, a laissé il y a 2'000 ans à son Église ses
pouvoir sacerdotaux et nous savons maintenant (je ne parle que des religions
chrétiennes, limitant le problème à elles seules, toutes les autres sont éliminées
parce que si Jésus-Christ est venu il n'y a plus de problème il n'y a plus de
place pour les religions païennes) nous savons donc que la religion que Jésus-
Christ a laissée doit avoir : un sacrifice, un sacerdoce, une aspersion du sang,
une communion, une initiation faite par un corps hiérarchisé, monarchique,
infaillible et nécessaire: d'après l'évangile, il est nécessaire, voilà ce que je dois
trouver dans la religion divine. Bien ! Appliquons maintenant ces données au
problème vu en 1965. Je me servirai à cet effet encore d'un exemple : vous
savez que dans les grandes banques, les administrations sont dotées de
coffres-forts possédant des serrures très compliquées, brochées et autres et à
chaque coffre, il n'y a qu'une clef qui puisse ouvrir directement, il faut d'abord
exercer certaines manœuvres pour que la clef puisse entrer dans la serrure et
d'autres manœuvres encore pour qu'elle puisse jouer et faire son office… alors
on vous présente 22'000 clés pour ouvrir le trésor des écritures : il y en a qui
sont trop grosses ou trop petites, il y en a à qui manque un ergot ou qui en ont
un de trop; tenez, prenez l'ensemble des religions protestantes, c'est très
visible cela : certaines n'ont pas de sacrifice, ah ! c'est que c'est grave ça !… de
temps à autre on mange un morceau de pain ce qui rappelle qu'au soir du
Jeudi Saint Notre-Seigneur a donné là une grande marque d'amour, mais il n'y
est pas Lui !… sa présence réelle ne s'y trouve pas ! Au temps de Luther déjà
on comptait 220 réponses différentes au sujet de la Sainte Eucharistie,
d'ailleurs à ce sujet Luther et Calvin aussi ont eu à changer d'idée… alors ?
Remarquez que chez les protestants il y en a qui font des sacrifices dans des
fantômes de messes, mais beaucoup ne l'ont pas; or, s'il n'y a pas sacrifice, il
n'y a pas de sacerdoce… et voyez qu'ils ne s'appellent pas "prêtres", mais
"pasteurs", c'est-à-dire ceux qui conduisent leur troupeau, vous voyez la
différence; alors par élimination comme cela… pas sans difficulté toutefois :
l'Anglicanisme par exemple… vous avez peut-être entendu à la radio il y a
quelque douze ans le mariage d'Élisabeth avec Mountbatten à Contorbery;
l'archevêque y était bien entendu et, en entendant chanter en latin et à y voir
tous ces prêtes anglicans célébrant la messe presque comme dans la religion
catholique, on pouvait se dire que le Saint Sacrifice y était célébré, d'autant
plus que ces prêtres lisent comme nous le bréviaire romain, qu'ils ne se marient
pas ! oui, mais rappelons-nous, chers Messieurs, la clé à cinq ergots : un
sacrifice, un sacerdoce, une aspersion de sang, une communion, une initiation
faite par un corps hiérarchique, monarchique, infaillible, nécessaire, alors
appliquons cela voulez-vous ? Les Anglicans n'ont pas le dernier ergot, voyez,
ils n'ont pas de sacre, ils n'ont pas de chef monarchique… et puis il y a dans
l'anglicanisme des choses curieuses, par exemple dans certains de leurs
diocèses on permet le divorce religieux, nous on ne le permet pas, et dans un
même diocèse certaines paroisses oui, d'autres non… cela montre qu'ils n'ont
pas d'unité… Je ne m'arrête pas à tous les détails différentiels, mais après
élimination des 21'999 où la clé ne peut ouvrir, il ne reste que la seule église
laissée par le Christ, celle qui a les 5 ergots.
Mais il y a une autre méthode que j'appelle la méthode des poinçons. Elle est
plus classique celle-là. Prenons encore une image. Un jour de fête familiale,
mariage par exemple, on s'amuse en famille avec certains jeux de société, et
votre cousin, qui est bijoutier dans les environs, là , à Dax, met en face de vous
vingt bagues en vous disant : il y en a une en Or, et 19 en Fix, je te donne celle
que tu choisiras. Ah ! qu'est-ce que vous allez faire ? Prendre une bague parce
qu'elle vous va, ce n'est pas une norme cela; prendre une bague parce qu'elle
est jolie, vous pouvez vous tromper sur sa qualité; en prendre une qui vous
plaît par sa forme ? … dans un cas pareil on ne doit pas regarder si la bague
brille ou non, on prend la bague si elle et en or, mais, me direz-vous, je ne sais
pas distinguer à vue l'or du cuivre; même les bijoutiers s'y trompent, qu'il soit
rouge ou jaune la distinction est assez difficile, mais s'il m'est impossible de
choisir avec certitude je sais une chose, c'est que le métal précieux porte
toujours deux poinçons, celui du fabricant et celui du fisc, le contrôle de
l'état… donc, si nous sommes tant soit peu intelligents (et nous le sommes un
peu je pense) nous allons prendre les bagues une à une… Ah ! voilà, je garde
celle-là, il y en a de plus belles mais je ne suis pas idiot, je prends celle-là
parce qu'ayant deux poinçons j'ai la certitude que celle qui est en or c'est celle-
là… dans ce cas-là on ne prend pas une bague parce qu'elle nous plaît, parce
qu'elle semble briller plus qu'une autre, on la prend parce qu'on a la certitude,
par les deux poinçons, que c'est bien elle la vraie, celle qui est en or, celle que
je recherche… On raconte… est-ce possible ? … que Melanchthon,
compagnon de Luther, sympathique, nuancé et séduisant, avait fait comme son
patron, car il était prêtre Melanchthon ! et il s'est marié avec une religieuse qui
lui plaisait pour fonder un nouveau foyer chrétien ? en bref un nouvel
arrangement à la doctrine du Christ ! et ces 2 êtres parlaient de religion assez
souvent… et on prétend qu'un jour sa femme lui dit : ,,Mon cher Melanchthon,
est-ce que la religion catholique est bonne pour vivre ?” … Alors ont dit que ce
dernier répondit : Non !… pour vivre il faut mieux la protestante… pas
d'histoire !… Alors, le regardant dans les yeux, ironique, elle lui lança : Et pour
mourir, laquelle il vaudrait mieux ?… Il paraît que Melanchthon murmura : peut-
être que pour mourir il vaudrait mieux la catholique !!! Évidemment, et nous
sommes d'accord ! Bien sûr que c'est plus facile… mais on ne prend pas une
religion parce qu'elle est plus facile, parce qu'elle plaît, parce qu'elle est moins
contraignante… on prend une religion parce qu'elle est vraie !! Et la religion
vraie a quatre poinçons – les 3 premiers dans la nature même des choses
depuis le début, cependant c'est au cours du Concile de Nicée que cela a été
établi explicitement : la religion du Christ doit être Une, Sainte, Catholique et
Apostolique.
Une : dans la religion catholique prenez son Credo, ses Commandements, sa
croyance, sa liturgie, les règles de la Foi, tout cela est unique partout que ce
soit en Europe, chez les Esquimaux ou dans le Centre-Afrique, c'est partout
pareil.
Une, Sainte : c'est-à-dire qu'en la suivant, on arrive à la sainteté. Ça ne veut
pas dire que tous les catholiques soient des saints ni que tous les protestants
soient des crapules, ce n'est pas vrai cela, mais en prenant ceux qui la suivent
et la vivent vraiment, on les voit arriver à la Sainteté… Mes chers Messieurs,
remarquez une chose, depuis la Réforme, les protestants n'ont plus eu de
Saints chez eux; ils ont de belles familles, de belles vertus naturelles parfois,
mais cela chez les païens, chez les bouddhistes, chez les musulmans, il y en a
aussi; mais des hommes saints, c'est-à-dire comme je vous le disais hier des
hommes qui installent toute leur vie dans l'héroïsme, dans l'héroïcité des
vertus, cela ils ne l'ont plus…
Une, Sainte, Catholique : pour le monde entier, que ses fidèles soient blancs,
noirs, jaunes, des indiens ou des esquimaux elle est la même pour tous, que
l'on soit chanoine ou le dernier des pauvres diables…
Enfin Apostolique : prenez le Pape Paul VI, remontez de pape en pape 263 fois
et vous tombez sur Pierre… les protestants, où ont-ils à remonter ? C'est très
difficile… certains s'arrêteraient à Henri VIII, d'autres à Luther ou à Calvin, et
puis il y aurait un trou de 15 siècles, n'est-ce pas ? … 
Quatrième et dernier problème : est-ce que toutes les religions sont bonnes ? Il
ne peut y avoir de religion bonne que celle qui vient de Dieu. Comment ? Dieu
a envoyé son Fils qui est resté 33 ans dans cette usine qu'est la Terre; Il nous
a laissé tout le détail, toutes les modalités d'une religion et puis vous voulez
faire une religion vous ? Mais c'est aberrant, c'est fou !… Vous me direz : mais
cependant il est avéré que les protestants enseignent de bonnes choses, oui,
très certainement, les musulmans aussi enseignent de bonnes choses, les
bouddhistes, lais païens aussi… Alors, premier argument :
Il ne peut en être autrement : tout ce qu'une religion, qui n'est pas la vraie,
enseigne, ne peut pas ne pas conserver quelque vérité. Pourquoi ? Parce que
l'erreur étant une privation, un système parfait d'erreurs où il n'y aurait que des
erreurs ne peut exister, de telle sorte qu'une religion où tout serait faux serait
complètement absurde : pour bien vous faire comprendre cela je vais me servir
d'une image : la première fois que je suis allé au pays du Gruyère en Suisse,
j'ai voulu acheter un peu de ce fromage et me suis étonné que ce gruyère n'eût
pas de trous. Et la marchande de me dire : ce que vous prenez pour du
Gruyère, ce fromage avec des trous, c'est de l'Emmental qui est fait dans la
vallée derrière l'Oberland, là, et plus il a de trous, plus il est recherché, mais le
vrai Gruyère, lui, n'a pas besoin de trous !…
Ah ! voilà, le vrai Gruyère n'a pas besoin de trous ! … Alors j'ai pensé que si le
Gruyère n'a pas besoin de trous, les trous, eux, ont besoin de fromage, … vous
vous imaginez en effet, un Gruyère qui serait fait rien qu'avec des trous ? Cela
ne peut pas exister ! De telle sorte qu'il est bien évident que pour que les trous
existent, il faut nécessairement du fromage… de même, la vérité n'a pas besoin
d'erreurs mais l'erreur a besoin de vérités… c'est pour cela qu'un système qui
ne serait composé que d'erreurs étant privatif, ne peut pas exister, ce serait un
fromage où il n'y aurait que des trous ! …
Deuxième argument : ainsi donc les protestants comme les musulmans,
comme les bouddhistes et autres gardent certaines vérités et les enseignent
même, mais ils enseignent en même temps des erreurs : par exemple la
négation du libre arbitre, le libre examen; de ce fait ces vérités restent
mélangées à des erreurs graves et le système enseigné, du fait de ce mélange,
n'est pas salutaire; pourquoi ? En philosophie il y a un principe qu'on énonce
ainsi en latin : ,,Bonum ex integra causa malum ex quocomque defectu”, qu'on
peut traduire ainsi : ,,Pour qu'un ensemble donné en système soit bon, il faut
que toutes les parties importantes et essentielles soient bonnes; pour que
l'ensemble soit mauvais il suffit qu'une partie importante et essentielle soit
mauvaise”. Prenons encore un exemple : un de vos amis riche et plein
d'humour vous arrive demain à midi et vous dit : ,,Voilà, mon vieux, ma belle
voiture Mercédès 220, elle est à toi si tu arrives à te rendre à Paris à 80 de
moyenne”. D'accord ! en effet, c'est du 160 que l'on peut faire avec une telle
voiture… mais au moment de partir l'ami vous dit :
,,Cependant, il faut que je t'informe que la direction est faussée…”.
Ah, merci du renseignement, laisse-moi aller voir un mécanicien… Eh oui, car
la voiture ne peut 'être utilisée en cet état… et remarquez, mes chers
Messieurs, que les pièces bonnes rendent la catastrophe plus certaine et plus
grave… changeons la voiture… au lieu d'une Mercédès, c'est une vieille Ford
de 1900, évidemment la moyenne exigée sera abaissée à 15 km à l'heure et à
cette vitesse il faut chercher l'accident pour l'avoir, tandis qu'avec la Mercédès
dont le moteur est puissant je suis certain de la catastrophe pourquoi ? Parce
qu'une partie essentielle, la direction, étant mauvaise, de ce fait tout devient
mauvais, et ce que je dis de la direction, je peux l'attribuer à un banc de
châssis fendu, etc: et la voiture ne peut servir tant que la partie malade n'est
pas réparée, corrigée… On pourrait me dire dès lors : mais tous les gens qui
sont dans les fausses religions sont donc tous perdus d'avance ? Sont tous
damnés ? … Non pas! et je vais vous donner un autre exemple pour vous le
faire mieux comprendre, car c'est la bonne foi qui joue pour ces gens-là et leur
permet de se sauver à certaines conditions. Demain à midi donc, la retraite
étant terminée, on nous invite pas loin d'ici sur les bords de l'Adour à faire un
bon repas. Au menu il y a un civet de lièvre et c'est une brave basquaise qui
est chargée de le préparer : alors dans sa sauce elle met des choses très
bonnes, des fines herbes, des olives, un peu d'armagnac et puis quelques
champignons aussi parmi lesquels des Bolets de Satan et des Amanites
Phalloïde… Bien ! Qu'est-ce qui va arriver ? Il va arriver que dans 3 ou 4 jours il
y aura un bel enterrement parce que l'Amanite, elle, ne pardonne pas et sur 25
invités il y en a 20 ou 22 qui vont "claquer". Cependant une petite minorité va
s'en sortir, pourquoi ? Parce qu'ils auront eu soin de mettre les champignons de
côté ? Mais non ! tout le plat est empoisonné, cela découle de source, mais ils
seront épargnés parce que leur tempérament, leur suc gastrique les aura
protégés et malgré le poison, ils ne vont pas succomber mais ils s'en
rappelleront sans doute de ce repas ! … Eh bien, transposons : il en est de
même pour la vraie et les fausses religions : la religion catholique sauve par
elle-même parce qu'elle est la vraie et que Notre-Seigneur Jésus-Christ l'a
instituée pour cela, tandis que les autres religions sauvent malgré elles… Il y a
des hommes qui se sauvent dans les fausses religions, non pas à cause de la
religion qu'ils pratiquent, mais à cause des résurgences de l'Église catholique :
le Bon Dieu veut sauver tous les hommes et il prend parfois des moyens extra-
légaux pour cela. C'est un axiome de théologie qui énonce :
,,Qui fecit quod est inse Deus non deneget gratiam” – A qui fait ce qui est de
lui, Dieu ne refuse pas la grâce… Oui, Dieu lui donne des grâces dira saint
Thomas d'Aquin et s'il le faut lui enverra un missionnaire: Mais ils se sauvent
beaucoup plus difficilement car ils ne sont pas élevés comme nous et c'est pour
eux une question de parfaite bonne foi, c'est pour cela que le problème des
missions constitue un terrible problème avec tous ces pauvres gens qui vivent
en dehors de la vérité ! Rappelez-vous donc cela et si l'on dit devant vous que
toutes les religions sont bonnes, rappelez-vous de l'histoire du Gruyère : la
vérité n'a pas besoin d'erreur, mais l'erreur a besoin de vérités qui
l'accompagnent. Un système donné ne peut pas être complètement faux. Il doit
nécessairement contenir des vérités.
Ces vérités qui demeurent dans un système donné ne sont plus salutaires,
pourquoi ? Parce que si une partie importante est mauvaise tout est mauvais.
Rappelez-vous l'histoire de la Mercédès avec la direction faussée, les parties
bonnes rendent la catastrophe plus certaine et plus grave. Rappelez-vous aussi
l'histoire des champignons vénéneux. Ne seront sauvés que ceux qui peuvent
résister et que Dieu ne sauvera que par leur bonne foi et l'Église catholique
qu'ils ignorent mais qui a des résurgences partout pour sauver les hommes de
bonne foi.
*****
Quatrième partie
Cours d'ascétisme
N° 39 Annotations. Additions. Examens
N° 40 Discernement des Esprits : Règles 1 et 2 (dites de 1ère semaine)
N° 41 Discernement des Esprits : Règles 3 à 14 (dites de 1ère semaine)
N° 42 Discernement des Esprits : Règles 1 à 8 (dites de 2ème semaine)
N° 43 Sur les Scrupules – Règles pour sentir avec l'Église
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((p. 521))
N° 39
Ascétisme :
Reprise 5ème et 12ème annotations
Sur les "Additions"
Sur la Pénitence
Sur l'examen de conscience
Sur l'examen général
Sur l'examen particulier
Pratique d'examen
Mes chers Messieurs, nous verrons dans ces réunions de 11 heures quelques-
unes des règles très riches que nous donne saint Ignace.
Je vous l'ai déjà dit, je crois, ce petit livre est fait pour les 30 jours pendant
lesquels il alimente toute la spiritualité de la retraite; dans nos pauvres cinq
jours nous sommes ainsi contraints d'en laisser et de ne prendre que le plus
important, évidemment !
Comme le dit Pie XI, ce livre constitue un véritable code ,,dont tout bon soldat
du Christ doit faire usage”; il est bon de le savoir car on s'imaginerait facilement
que la retraite n'est faite que pour la première conversion, c'est-à-dire bonne à
amener les pécheurs à faire une bonne confession : eh bien cela n'est pas
l'avis de ce grand pape: il nous précise en effet que l'âme s'y élève à la plus
haute perfection et s'unit suavement à Dieu sous l'action de la grâce, l'aidant à
se réformer et à atteindre les sommets de la vie spirituelle ! Ce livre contient
toutes les règles pour y arriver et le Pape Pie XII a confirmé ces éloges et disait
qu'il était ,,le code des batailles et des grandes victoires intimes et capitales de
l'homme”. Saint Charles Borromée, homme très érudit et versé dans la science
surnaturelle a pu écrire : ,,Je n'ai rien trouvé ailleurs que je n'aie déjà trouvé
dans ce petit livre en ascétisme et en mystique”. Bien sûr, il faut savoir l'y
trouver ! … De même Léon XIII disait aux prêtres de son diocèse: ,,J'avais
toujours cherché ce qui pourrait répondre à mes besoins de vie intérieure; le
jour où j'ai utilisé ce petit livre j'ai pensé : voilà ce que j'ai toujours cherché ! …”.
C'est un code aux règles très nettes. Il vous permettra, non seulement de
mieux faire les exercices mais de diriger et régler votre vie. Pour obtenir ce
résultat une chose est indispensable : c'est de bien observer, pendant leur
déroulement, les annotations, remarques et additions qui vous sont proposées.
Qu'est-ce à dire ? Eh bien, vous le savez, saint Ignace est un converti et un
réaliste… dans la retraite de Manrèse, nous dit Pie XI, il apprit de la Mère de
Dieu comment il fallait combattre dans les combats du Seigneur et ce fut
comme de ses mains qu'il reçut ce code si parfait. Il a ensuite noté ses propres
expériences religieuses, non sans une protection spéciale de la Très Sainte
Vierge… Plus tard, venu à Paris faire ses études en Sorbonne avant d'être
ordonné prêtre, voyant se répandre partout le protestantisme (il était en effet
contemporain de Luther) afin de mettre ses confrères en garde contre ce
danger, il ajouta des règles et précisa certaines particularités en notes
marginales qui ensuite, à l'impression, furent insérées dans le texte même sous
forme de remarques et additions : en bref des conseils que donne saint Ignace
pour mieux faire les exercices et en tirer davantage profit… 
Les Annotations vous ont été expliquées à la leçon d'ouverture; on les appelle
communément "les règles du jeu" qui permettent au retraitant de se mettre
dans les dispositions requises pour mieux comprendre la retraite: vous avez eu
ainsi la possibilité de les relire pendant les temps libres mais je voudrais revenir
encore sur la cinquième et la douzième, tant elles sont importantes :
5ème annotation : Les grands désirs – saint Ignace nous dit: Celui qui reçoit les
exercices gagnera beaucoup à y entrer avec un grand courage et une grande
libéralité envers son Créateur et Seigneur, lui offrant toute sa volonté et toute
sa liberté afin que la Divine Majesté dispose de sa personne et de tout ce qu'il
a selon Sa très sainte volonté.
Mes chers amis, il ne faut pas faire les exercices en amateur; soyez-y tout
entier. Dans vos temps libres ne cherchez pas à passer le temps, non, non!
relisez, j'allais dire "potassez" ce code dont tous les mots portent…
Avez-vous de grands désirs ? en êtes-vous dévoré comme le disait le prophète
Daniel ? Si l'on végète dans la médiocrité c'est que généralement on n'a pas
envie de monter plus haut… et que c'est dommage que cette vie divine en nous
soit ignorée ! Bien des gens ne savent même pas ce que sont les dons du St-
Esprit ! Nous serions, nous, inexcusables, et nous devons tout faire pour nous
en occuper : si nous mettions à cela le dixième seulement de notre ardeur à
solutionner les problèmes matériels nous avancerions très vite, voyez-vous !
Ce n'est pas, bien sûr, que nous rechignions à l'effort car nous savons bien
faire ce qu'il faut pour le travail, pour les gains matériels, les loisirs, les sports,
la montagne, la mer, là oui ! mais pour le Seigneur on a toujours peur d'avoir
trop à faire, qu'Il nous en demande trop… Demandons la grâce d'avoir de
grands désirs, de ne plus avoir ce que nous pourrions appeler "un complexe
d'infériorité" ce qui est défini en théologie comme un manque de confiance
dans cette vertu qu'est l'espérance au St-Esprit, ce St-Esprit qui seul peut nous
aider à nous sanctifier et qui le fera dans la mesure même où nous en aurons
le désir…
12ème annotation: Ne pas abréger le temps de l'oraison : Saint Ignace attire
notre attention sur le fait que notre ennemi (le démon) a coutume de mettre en
usage toute son industrie pour nous faire abréger le temps que nous devons
donner à la méditation et à l'oraison.
Ah! l'oraison! C'est quelque chose de capital ! Voilà pourquoi l'ennemi de la
nature humaine fait tout son possible afin de nous faire abréger nos temps de
méditation et d'oraison pendant la retraite, de telle sorte qu'on ne la fasse pas
ou qu'on la fasse mal, car parfois la minute de plus donnée à l'oraison sera
celle qui nous ouvrira le Ciel ! Imaginez alors en dehors de la retraite !… je ne
veux pas ici vous faire lever le doigt pour connaître ceux qui sont restés fidèles
à leur méditation de tous les jours et font oraison ? pourtant, Messieurs, ce
n'est pas seulement une résolution de retraite, c'est un commandement de
Dieu !… c'est Notre-Seigneur qui a dit : ,,Il faut toujours prier et ne pas
s'arrêter” – Luc 18-1. Ce n'est donc pas un conseil… cela ne veut pas dire qu'il
faut toujours être en train de réciter des Pater et des Ave, non ! mais il faut être
toujours attentif, même en étant occupé, mais pour y arriver il faut en faire
l'exercice, au moins un peu tous les jours: Saint Alphonse de Liguori, dans son
PRAXIS CONFESSARIORUM dit que quand un homme s'est converti la
première des choses à lui apprendre, c'est de faire oraison car, dit-il, si avec
toutes les autres pratiques religieuses le péché peut coexister il ne le peut pas
avec l'oraison : ou bien on lâchera l'oraison, ou bien on lâchera le péché… des
deux choses l'une, car elles ne peuvent aller ensemble…
Remarquez que pendant l'oraison le démon peut essayer de vous faire du
"tintamarre" (c'est l'expression employée par sainte Thérèse d'Avila) mais il faut
apprendre à faire oraison même dans ce tintamarre… Vous êtes en
conversation fenêtre ouverte et subitement du tapage se fait à l'extérieur, que
faites-vous ? Vous fermez la fenêtre n'est-ce pas ? Eh bien, quand le démon
agit dans votre imagination, qu'il vous fait du "cinéma" dans vos facultés
sensibles, il faut arriver à protéger cette citadelle qu'est votre âme par votre
intelligence et votre volonté afin d'annihiler tout ce qui peut nous distraire de
notre oraison avec Dieu…
On prête à sainte Thérèse d'Avila : ,,Je réponds du salut éternel d'un homme
qui tous les jours fait au moins un quart d'heure d'oraison”. Elle dit aussi
quelque chose d'équivalent au chapitre 19ème de sa vie par elle-même: ,,l'âme
qui abandonne l'oraison est comme une âme qui se jetterait en enfer sans avoir
besoin du démon” et ailleurs elle dit encore: ,,l'âme qui persévère dans
l'oraison, dans quelque péché que le démon la fasse tomber, je tiens pour
certain que le Seigneur la conduira aux portes du Salut”…
Persévérer dans l'oraison, moi, pauvre pécheur ?
Raison de plus,… avoir un temps pour cela…
Mais mon Père, je n'en ai guère vous savez ! si vous connaissiez mon emploi
du temps !…
Eh bien, vous ne savez pas ce qu'il faut faire ? Il faut faire vôtre le principe de
sainte Jeanne d'Arc… elle n'avait pas de pouvoir miraculeux, mais dans une
armée où les officiers faisaient la noce, où les soldats couraient après les filles,
là où il n'y avait pas d'armes, pas d'argent, (je veux dire que cela marchait
comme cela pouvait puisque le roi n'agissait que par la volonté de ses ministres
qui se jouaient de lui), il ne manquait donc pas de travail à cette pauvre fille
pour mettre de l'ordre là-dedans et réorganiser l'armée, eh bien, que faisait-
elle ?… Dieu toujours premier servi ! Et qu'elle se couche à 9 heures du soir ou
à 2 heures du matin, elle ne manquait jamais sa messe ni sa communion : je
suppose qu'elle prenait son petit déjeuner, bien sûr, mais ensuite à cheval et
"en nom de Dieu" elle donnait ses ordres… Oui, Dieu toujours premier servi…
Faites-en l'expérience, vous verrez combien cela ira mieux et les Saints Anges
vous aideront.
N'est-il pas vrai qu'il vaut mieux être plusieurs à tirer la charrette qu'un seul ?
Allez à la messe tous les matins, soyez fidèles à la Sainte Eucharistie, vous
verrez !…
Plus loin sainte Thérèse dit encore: ,,Je voudrais citer à tous ceux qui sont sur
le point de lâcher l'oraison qu'il s'en gardent bien, mais qu'ils se confient en
Dieu et Dieu les consolera” … ne vous découragez pas parce que vous êtes
dans l'aridité… je vous citerai encore ce religieux très intelligent qui, au moment
de son oraison, ne savait que répéter ,,Mon Dieu, je suis une bête !” pendant
plusieurs années c'est tout ce qu'il arriva à dire… Et ce pauvre publicain qui
baissait la tête n'osant pas lever les yeux au Ciel ? ,,Seigneur, ayez pitié de
moi, je suis un pauvre pécheur”… Il ne savait dire que cela mais il le faisait
humblement, et il partit tout justifié ! Eh bien voilà ce qu'il faut faire… Dieu vous
aidera, pas besoin de beaux discours ! ne nous imaginons pas que Dieu attend
de nous une belle composition française, non et non ! dites-lui simplement :
,,Voyez mon Dieu ! je ne suis pas capable, mais daignez me donner votre
amour quand même ! Essayez de retenir quelques phrases de l'évangile, très
courtes, qu'il vous sera possible de répéter au Seigneur, faisant comme les
petits enfants qui reprennent volontiers le sein de leur mère afin de calmer leur
inquiétude : ,,Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir !… Seigneur,
votre serviteur est malade… Seigneur, restez avec nous car il se fait tard !…
Cœur sacré de Jésus j'ai confiance en vous !… Voyez-vous, c'est faire oraison
cela quand on est en cœur à cœur avec le Seigneur, mais ne lâchez jamais la
résolution de faire oraison… Ah ! si vous pouviez emporter de votre retraite la
volonté de ne jamais y manquer cela serait pour vous, croyez-moi, une très
grande chose…
Il vous sera toujours possible de revoir ces annotations de la page 340 à la
page 347…
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Nous allons voir maintenant les "additions" que saint Ignace a édictées pour
nous aider à mieux faire les exercices et mieux trouver ce que l'on désire.
Veuillez prendre la page 362 au n° 73.
Première addition : ,,Après m'être couché, penser le temps d'un Ave Maria à
l'heure à laquelle je dois me lever et pourquoi, puis résumer l'exercice que j'ai à
faire”.
A notre époque on découvre beaucoup ou plutôt on croit découvrir ce qu'on
appelle les règles du subconscient, de la psychanalyse, de la psychologie, mais
ces règles sont vieilles, j'allais dire vieilles comme le monde ! ce qui est certain
c'est que dans les couvents catholiques on connaît ces règles depuis très
longtemps; par exemple qu'il est bon de confier le soir au subconscient des
idées, qui, sans troubler le sommeil "mijotent", pourrait-on dire, et je sais, quant
à moi, qu'à ma première année de philosophie j'avais quelque difficulté à retenir
et j'étais obligé de travailler le soir de telle sorte que ce que je ne comprenais
pas la veille, le matin ça y était, pourquoi ? parce que, dans la nuit, sans que je
m'en rende compte, cela avait "trotté" dans ma tête…
Oui, le subconscient… donc, me rappeler, dès que je me suis couché l'heure
de mon lever et son pourquoi, car le réveil est là, dans votre subconscient, mais
pour être plus tranquille vous essayez d'harmoniser cela et de monter votre
réveil, celui en métal, bien entendu, mettons à 6 h 30 puisque vous avez décidé
de vous lever à cette heure-là… Mais c'est l'été, vous avez mal dormi ou bien
c'est l'hiver donc il fait bon sous les couvertures, et au matin, vous restez au lit
5 minutes de plus… alors, cher Monsieur, mettez votre réveil à 6 h 35 ! mais si
vous le mettez à 6 h 35 c'est 6 h 40 que vous vous lèverez, n'est-ce pas ?
Voyez… un désordre dès le départ. Vous me direz : Oh ! ce n'est pas grave…
sans doute !… mais s'il y a des marins parmi vous, ils savent avec quelle
minutie est réglé le tir à longue portée des 380 (30 km environ). Si au départ
vous faites une erreur d'un vingtième de millimètre, évidemment ce n'est pas
grand chose, mais cela suffit pour vous faire manquer le but ! Dans le cas qui
nous occupe le désordre commence au lever… eh bien non ! je me lèverai à
telle heure, rappelons-nous : "Exercices spirituels pour se vaincre soi-même et
pour régler notre vie", comment voulez-vous régler des choses importantes si
vous ne pouvez réagir et vous maîtriser dans des choses aussi simples ? C'est
pourquoi saint Ignace vous dit : je décide de me lever à telle heure et je me
lèverai pour telle ou telle chose…
Sur l'ensemble des gens qui nous entourent, ils se lèvent pourquoi ? Les uns
pour s'amuser, d'autres pour faire du café, d'autres… ah ! le kiosque à journaux
n'est pas loin et il leur tarde tellement d'avoir des détails sur le match de leur
équipe ou les chevaux qui ont gagné à Auteuil… le tiercé !!…
Voilà les grandes idées et la méditation, pour eux, elle est dans l'Express ou le
Figaro, que sais-je ? Alors, lorsqu'on se rappelle que l'homme est créé pour
louer, honorer et servir Dieu et que l'on observe la vie de ces chrétiens
moyens, à la façon dont ils commencent leur journée on comprend mieux la
suite, voilà !… Oui, essayons de nous maîtriser; remarquez d'autre part que le
lever est commandé par le coucher, c'est pour cela que c'est du coucher qu'il
faut commander ce que l'on fera au lever…
Deuxième addition : ,,Quand je me lèverai, sans laisser place à telle ou telle
pensée inutile (le café, le match, ou les nouvelles du journal n'est-ce pas ?)
porter alors mon attention sur ce que je vais méditer dans le premier exercice
(ici est écrit exercice de minuit – vous comprenez qu'on peut se trouver ainsi
devant certains mots inadaptés puisque ce livre est écrit pour des exercices de
30 jours dans lesquels effectivement on se lève certains jours à minuit) et je
tâcherai de penser à la confusion que je dois avoir de mes péchés me
comparant à un chevalier qui se trouverait devant son roi rempli de honte parce
qu'ayant reçu auparavant de lui de nombreuses faveurs. (vous remarquez : des
exemples du temps de saint Ignace qui vivait au moyen-âge, mais qui restent
néanmoins très significatifs !).
De même, dans le deuxième exercice je me mettrai dans la situation d'un
pécheur que j'imagine enchaîné et sur le point de comparaître devant le
Souverain Juge Éternel, me rappelant comment des personnes emprisonnées
et enchaînées comparaissent devant leur juge temporel, se sachant
condamnées d'avance pour leur crime… Alors, tout en m'habillant, j'agiterai ces
pensées qui sont en bref la composition de lieu de la méditation que je vais
faire et cela en chassant toutes les autres.
Troisième addition : A côté de l'endroit où j'aurai à méditer cela je me mettrai à
genoux le temps d'un Pater (tout à l'heure, c'était celui d'un AVE (15'')
maintenant d'un Pater (20'')… Saint Ignace reste très précis. Il emploie ces
termes parce que de son temps les montres ne couraient pas les rues ! Il dit
aussi "à genoux" explicitant une attitude pleine de respect et d'humilité) et
j'élèverai mon intelligence vers le Ciel, considérant comment Dieu Notre-
Seigneur me regarde et je lui ferai une révérence pleine d'humilité.
Quatrième addition : J'entrerai dans la méditation soit à genoux, soit prosterné
à terre, soit encore étendu, le vissage vers le Ciel, soit assis, soit debout, en
vue de mieux chercher ce que je veux obtenir, faisant attention à deux choses :
la première est que si je trouve à genoux ou dans une autre position ce que je
veux, je ne changerai pas de position; la deuxième, que si j'y trouve ce que je
veux je m'y arrêterai à loisir et sans avoir l'impatient désir d'aller plus loin et
cela jusqu'à ce que je sois pleinement rassasié.
Remarquons au sujet des attitudes que saint Ignace nous laisse parfaitement
libres. Évidemment la position la plus respectueuse pour l'adoration c'est la
position à genoux, mais elle ne doit pas avoir pour effet de fatiguer ou de
torturer le retraitant, s'il est âgé par exemple, s'il a du rhumatisme ou quelque
difficulté, non !… tout en restant dans une attitude respectueuse, on prend la
position où l'on se sent le plus à l'aise pour faciliter le travail des trois
puissances de l'âme pendant la méditation; on peut par exemple s'asseoir si
c'est dans cette position qu'on a le plus de facilité à être en cœur à cœur avec
le Seigneur. Quant aux attitudes de prostration et celles qui seraient
susceptibles d'intriguer l'entourage, elles ne doivent pas être prises dans une
église ou devant d'autres personnes; on ne saurait les prendre que dans un
strict particulier (2ème remarque page 366).
Attention également à la mise en garde qui nous est faite : Ne pas brûler les
étapes. Aujourd'hui par exemple vous avez à pleurer vos péchés; si vous
obtenez la douleur de vos fautes, tant mieux ! restez-y le plus possible; si vous
ne la trouvez pas encore il faut redemander la grâce de l'obtenir mais en aucun
cas ne changez pas de sujet de méditation en abordant par exemple celle des
joies du ciel ou autres… il s'agirait là d'un artifice du démon désireux de faire
rater votre conversion en vous tentant sous apparence de bien…
Cinquième addition: C'est ce qu'on appelle l'examen de la méditation. Après la
méditation que l'on a faite en se servant des 3 facultés de l'âme : mémoire,
intelligence, volonté, on se résume l'exercice (en se servant de la page 337 où
est exposé l'essentiel de cet examen) et l'on note alors ce qui a frappé, ce qui
aurait pu frapper, ce qu'il faut garder, et les réflexions personnelles qui vous
sont venues au cours de la méditation.
Il ne s'agit pas en effet de résumer ce qui a été dit par le prédicateur, mais de
noter simplement les mouvements de l'âme dont l'exercice a pu être la cause :
Saint Augustin nous dit qu'il y a des choses qu'il n'a bien comprises qu'en les
écrivant; pendant la méditation il ne faut pas écrire mais après c'est fortement
conseillé !
C'est aussi dans cet examen qu'on remercie le Bon Dieu. Saint Ignace nous
dit :
Si la méditation n'a pas été fructueuse, j'en examinerai la cause, d'où cela
procède et, ainsi examinée, je m'en repentirai pour m'amender désormais; si au
contraire elle a été fructueuse je rendrai grâces à Dieu Notre-Seigneur et agirai
ensuite de la même manière.
Sixième addition : ,,Ne pas penser à des questions de plaisir, de joie comme la
gloire du ciel, de la résurrection (vous voyez, cela rejoint l'"in fine" de la
quatrième) parce que pour sentir de la peine et verser des larmes de nos
péchés n'importe quelle considération de joie et de contentement est un
obstacle”.
Alors à plus forte raison des magazines, même des livres ordinairement bons
mais dont la spiritualité n'est pas adaptée à la matière méditée; ce n'est pas le
moment et cela peut gêner. Saint Ignace est un réaliste ! Il cherche le résultat,
voyez, et écarte tout ce qui peut y mettre obstacle, c'est comme s'il vous disait :
si vous voulez arriver à pleurer vos péchés, ce qui est la grâce à obtenir dans la
première semaine, voilà comment il faut faire !
Septième addition: ,,Me priver de toute lumière, faisant obscurité dans la
chambre pendant la méditation”. C'est dans le même but et cela est d'autant
plus nécessaire que ce soleil de juillet, si éclatant, porte plutôt à la joie…
Huitième addition : ,,Ne rien dire qui pousse à rire”.
Neuvième addition : Retenir sa vue. En fait le regard est source d'imagination
et de pensées qui peuvent nous distraire du sujet; grande prudence donc là-
dessus sauf avec les personnes auxquelles nous avons à parler (le directeur de
la retraite en particulier).
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La 10ème et dernière addition traite de la Pénitence :
La pénitence se divise en pénitence intérieure et en pénitence extérieure. La
pénitence Intérieure consiste à se repentir de ses péchés avec le ferme propos
de ne plus les commettre à l'avenir, ni ceux-là, ni aucun autre. (Elle est appelée
parfaite lorsqu'elle est basée sur l'amour de Dieu et imparfaite lorsqu'elle
découle seulement de la crainte des châtiments divins). La Pénitence
Extérieure est fruit de la première : elle consiste à se punir de ses péchés.
C'est de la pénitence intérieure que Notre-Seigneur a dit: Si vous ne faites pas
pénitence vous périrez tous; les théologiens nous disent aussi : ,,la vertu de
pénitence après le péché est de nécessité de "moyen", tandis qu'il y a des
actes et des vertus qui sont d'une nécessité de "précepte", et bien que Dieu
nous y engage, directement ou par son église, on peut ne pas arriver à acquérir
ces vertus, mais tout ce qui est de nécessité de moyen est de rigueur, on ne
peut s'en dispenser… instruit ou pas instruit il faut en passer par là pour être
sauvé… quelqu'un qui a offensé gravement Dieu ne sera pas sauvé s'il n'a pas
la vertu de pénitence, c'est-à-dire la douleur d'avoir offensé Dieu et le ferme
propos de ne plus le faire… La contrition est l'acte de regret dont le fruit est la
pénitence extérieure (ou mortification) qui consiste à se punir des péchés
commis. Elle permet en outre de se vaincre soi-même pour que la sensibilité
obéisse à la raison. Elle aide aussi à chercher et trouver quelque grâce, par
exemple celle d'obtenir une intime contrition des péchés commis ou encore la
solution de quelque doute où l'on se trouve… etc… Pour tout cela on peut faire
quelques pénitences extérieures.
Il y a trois façons de les envisager :
Première manière, à propos de la nourriture : Quand nous enlevons le superflu
ce n'est pas pénitence, mais seulement tempérance. Il y a pénitence quand
nous enlevons ce qui est convenable, et plus nous supprimons, plus grande et
meilleure est la pénitence mais à condition que les forces n'en soient pas
altérées.
De tout temps la Sainte Église a encouragé le jeûne qui est une grande vertu.
C'est par le jeûne, nous dit saint Jean Chrysostome, que nous obtenons de très
grandes grâces, cependant, il ne faut pas oublier que nous devons observer à
ce point de vue les règles de prudence élémentaire et de bon sens… la Sainte
Église elle-même veille à cela et modifie selon les difficultés de l'époque les
prescriptions édictées par elle à cet effet. Il y a des gens désireux de se
mortifier qui poussent l'imprudence jusqu'à vouloir faire comme sainte Rose de
Lima qui passait des carêmes entiers dans le jeûne nourrie de la seule
Eucharistie; ils pensent arriver ainsi à la sainteté ! Non Monsieur ! si vous
faisiez cela vous commettriez ce péché qu'on appelle "la tentation de Dieu"…
Sainte Rose faisait cela poussée par le St-Esprit, contrôlée par ses supérieurs
et avec la permission de son directeur de conscience; vous comprenez bien
que le Bon Dieu n'est pas obligé de faire des miracles pour tout le monde !…
Voilà d'ailleurs pourquoi la Sainte Église a supprimé la vie érémitique : il y avait
autrefois des ermites qui se réfugiaient dans la forêt pour de grandes
pénitences afin de gagner la sainteté, oui !… mais beaucoup se faisaient
tromper par le démon… allez ! vas-y toi aussi pour te convertir dans cette
montagne ! et puis il s'y cassait les jambes… ce n'est pas cela que le Bon Dieu
demandait ! mais par contre l'Église permet la vie cénobite qui consiste à vivre
dans la solitude relié à un supérieur : tels sont les Chartreux ou les Camaldules
qui ont une Règle de vie…
Quelles sont donc les deux règles de bon sens pour le jeûne ?
Premièrement la santé, deuxièmement le travail… voilà par exemple un jeune
homme convalescent qui a besoin de se remonter avec de bons biftecks, eh
bien défense de jeûner, il doit au contraire bien manger; ou bien encore un
cultivateur appelé à faire de durs travaux… Malheureux !si vous jeûnez, à 10 h
du matin vous serez sur les genoux, vous vous trouverez mal, qui fera votre
travail ?
Deuxième manière, sur la façon de dormir : ce n'est pas pénitence que
d'enlever le superflu des choses qui flattent la délicatesse et la mollesse, mais il
y a pénitence quand, dans la manière de dormir, on enlève ce qui serait
convenable sous réserve que les forces n'en soient pas altérées. Qu'on
n'enlève rien non plus du temps de sommeil convenable à moins d'avoir
l'habitude vicieuse de trop dormir, de telle sorte qu'on arrive à un juste milieu.
C'est dans notre nature ! Nous avons besoin de sommeil; il faut donc être
prudent et faire en sorte que notre corps récupère les forces perdues, aussi
est-il très important de bien se régler. Vénérés confrères et vous Messieurs,
sachez vous coucher le soir, de discuter de choses qui ne riment souvent à rien
jusqu'à minuit ou 1 heure du matin est un malencontreux système. Sachez
vous coucher suffisamment tôt afin d'être à même de vous lever tôt de telle
sorte que votre vie intérieure n'en soit pas affectée, que vous puissiez tous les
jours faire votre méditation avant les occupations extérieures – Dieu premier
servi ! et si possible assister à la Sainte Messe… Dormez donc mais ne
craignez pas de renverser l'ordre des facteurs en couchant sur la dure, ce n'est
pas défendu cela… ne l'avons-nous pas fait à la salle de police, au corps de
garde ou dans les tranchées ?
Troisième manière, celle de châtier la chair, c'est-à-dire lui causer une douleur
sensible ce que l'on peut faire en portant des cilices ou des cordes sur les
chairs, ou en se flagellant suffisamment fort, ou sous d'autres formes
d'austérités sous la seule réserve que cela n'entraîne rien qui soit contraire à la
santé.
Mes chers Messieurs aimons à faire pénitence. Il y a ces trois manières
explicitées par saint Ignace mais il y en a d'autres ! Il y a une foule de petites
privations que nous pouvons consentir librement… à nous de les envisager et
de les mettre en pratique pour fortifier en nous cet esprit de pénitence si
agréable au Seigneur… Si nous n'expions pas nos péchés ici-bas – rappelons-
nous que bien que pardonnés ils laissent une dette à payer – nous aurons à les
expier en Purgatoire; ici c'est relativement facile car le moindre effort de notre
part a un grand mérite; mais là-bas cela sera au tarif de la taxe, si nous
pouvons nous permettre cette image…
Rappelez-vous aussi que Notre-Seigneur a dit dans l'Évangile que certains
démons ne pouvaient se vaincre que par le jeûne et la prière !… Croyez donc à
la prière… croyez à la pénitence…
Quelques mots sur l'Examen général de conscience (n° 32).
Nous avons là quelques conseils que nous donne saint Ignace sur les péchés
et leur gravité : A notre époque on a beaucoup perdu le sens du péché. Il est
bon que vous relisiez cela dans votre particulier. Mais il y a d'abord un
présupposé : Je déclare avant tout qu'il y a en moi trois sortes de pensées
c'est-à-dire : une qui m'est propre, qui vient de ma seule liberté et deux autres
qui viennent du dehors : une qui vient du bon esprit et l'autre du mauvais. Cette
remarque préliminaire est indispensable pour bien faire ses examens et aussi
pour aborder l'étude des règles du discernement des esprits que nous
étudierons demain.
Beaucoup de gens confondent tentation et péché, voir et regarder, sentir et
consentir. C'est que le démon est un maître illusionniste : nous aurons
l'occasion d'y revenir et il n'épargne personne… une religieuse, sainte fille de
Barcelone, écrivait à saint Ignace : ,,Mon Père j'ai de mauvaises pensées”, et
saint Ignace de la rassurer en lui disant : ,,Je ne me troublerai pas plus des
mauvaises pensées que le démon met en moi et que je n'accepte pas que je
ne m'en orgueillirai des bonnes pensées que m'envoie mon bon Ange et qui ne
sont pas de moi”, et saint Ignace ajoutait : ,,Saint Pierre et saint Paul eux-
mêmes ont eu de mauvaises pensées, mais ils n'y ont pas consenti”. L'apôtre
saint Paul dans sa IIème aux Corinthiens nous raconte que le démon lui
envoyait l'aiguillon de la chair et il nous dit que par trois fois il a prié le Seigneur
afin qu'Il veuille bien l'en délivrer : Eh bien que lui a répondu Notre-
Seigneur ? ,,Non, je ne t'en délivrerai pas, ma grâce te suffit, la vertu se fortifie
dans la faiblesse”. Si ces deux colonnes de l'Église ont eu de ces mauvaises
pensées que devrions-nous dire ? Ne confondez donc pas tentation et péché.
Nous allons maintenant, mes chers Messieurs, aborder la question si
importante de l'examen général et de l'examen particulier. Vous comprenez
bien que sans un contrôle méthodique de nos actes il nous serait impossible
d'aller de l'avant dans la vie spirituelle. Celle-ci a en effet deux pièces
maîtresses : la première c'est l'oraison dont nous avons déjà parlé, la deuxième
ce sont les examens. Si le démon est furieux contre l'oraison il l'est encore
davantage contre les examens, c'est la raison pour laquelle il y a relativement
peu de personnes qui font oraison et qui s'examinent sérieusement, et parmi
ces personnes il y en a peu qui sachent bien faire leur examen. La Sainte
Écriture, dans la Genèse déjà, parle, d'une façon imagée, de la nécessité de
l'examen; on y trouve cette expression : ,,Ils ne laissaient tomber aucune parole
de Dieu à terre” et voyez l'angoisse que ces Saints avaient… Abraham, Isaac,
Jacob, Moïse et les autres, combien ils prenaient garde et s'examinaient
scrupuleusement pour bien faire en toute chose la Sainte volonté de Dieu !
Saint Benoît, lui, écrivait dans sa Règle à ses moines : ,,Examine chacune de
tes actions” et avant lui saint Basile avait déjà fait tout un traité sur les examens
pour les moines d'Orient.
L'avantage pour nous de la grâce reçue par saint Ignace à cet effet c'est qu'il
nous apprend à nous examiner, il nous donne une méthode d'examen… En ce
siècle où tout va si vite nous avons besoin d'une bonne méthode pour faire
examen, car la fébrilité dans laquelle nous vivons nous empêche de prendre
garde… cela conduit beaucoup de gens à ne pas savoir ce qui se passe en eux
et de mesurer la dégradation progressive de leur âme.
Saint Ignace envisage l'examen général et l'examen particulier.
a) Manière de faire l'examen général des péchés (c'est au n° 43 de votre livre).
Le Père Vallet aurait aimé que l'on donne à cet exercice le nom de "Petit
exercice de componction pour se remettre en ferveur". Au fond, c'est une
courte méditation en cinq points à faire à midi et le soir pour éviter le
relâchement.
On peut le faire soit en voiture, soit en marchant par exemple du bureau à$ la
maison, en s'occupant des bêtes pour ce qui concerne les agriculteurs, en
s'arrêtant 2 à 5 minutes dans une église ou dans sa chambre, peu importe…
C'est un rendez-vous d'amour avec le Seigneur : Il ne s'agit pas en effet de
considérer l'examen comme devant être uniquement un exercice servant à voir
et à constater un certain nombre de fautes, d'être comme une introspection de
l'âme qui établit une sorte de bilan – cela doit être cela, oui ! – mais c'est
surtout le moyen de reconnaître notre misère et de regretter nos insuffisances,
de remercier Dieu en lui demandant pardon tout en sollicitant de Lui de
nouvelles lumières et de nouvelles forces… En bref un genre d'oraison qui
nous permet de mieux nous connaître et de rester dans l'humilité, tout en
prenant la résolution de mieux faire à l'avenir… 
Premier point : ce sera de rendre grâces à Dieu des bienfaits reçus.
Deuxième point : ce sera de demander la grâce nécessaire pour connaître ses
péchés.
Troisième point : ici, on demande compte à son âme, depuis l'examen
précédent, d'heure en heure, de ses péchés, de ses paroles, de ses actions.
Quatrième point : c'est de demander pardon à Dieu Notre-Seigneur des fautes
relevées.
Cinquième point : on fait le propos de s'amender avec la grâce de Notre-
Seigneur.
On termine enfin par un Pater Noster ou l'Angélus si c'est l'heure du repas.
b) En second lieu, l'examen particulier :
Saint Ignace tient beaucoup à cet examen particulier. Qu'est-ce à dire ? Eh
bien cet examen concrétise une lutte à mort engagée contre nos défauts afin
que rien dans notre âme ne fasse obstacle à l'action du St-Esprit. Pour enlever
toutes ces attaches que peut-on faire car, me direz-vous, vos défauts sont
tenaces et nombreux ?… La solution consiste à ne prendre qu'un défaut à la
fois, le plus dominant en principe, raison pour laquelle l'examen est particulier à
ce défaut, pour pouvoir mieux l'arracher, mais remarquez que dans ce défaut
dominant, prenons par exemple l'orgueil, se trouveront incluses des tendances
formant autant de défauts particuliers : l'une sera la vantardise, l'autre
l'ambition, une autre l'esprit moqueur, etc… tendances qu'il faudra vaincre l'une
après l'autre. L'Imitation de Jésus-Christ nous le dit dans son chapitre IIème du
livre I : Si chaque année nous arrivions à extirper une seule tendance, un seul
vice, nous deviendrions bientôt des hommes parfaits… Voilà ce qu'est l'examen
particulier. Il comporte 3 temps et 2 examens chaque jour :
Saint Ignace nous dit : Le premier temps est le matin. Aussitôt qu'on se lève, on
doit se proposer de se tenir soigneusement en garde contre le péché ou défaut
particulier dont on veut se corriger et se défaire.
Le second temps est avant le repas de midi. On commencera par demander à
Dieu Notre-Seigneur ce que l'on désire, c'est-à-dire la grâce de se souvenir
combien de fois on est tombé dans ce péché ou défaut particulier et celle de
s'en corriger à l'avenir; puis on fera le premier examen en se demandant à soi-
même un compte exact de ce point spécial sur lequel on a résolu de se corriger
et de se réformer. On parcourra donc chacune des heures de la matinée que
l'on peut aussi subdiviser selon l'ordre des actions, en commençant depuis le
moment du lever jusqu'à celui de l'examen présent; puis on marquera autant de
points que de fois on est tombé dans ce péché ou défaut particulier. Enfin, on
prendra de nouveau la résolution de s'amender du premier au second examen.
Le troisième temps est après le souper; on fera le second examen aussi
d'heure en heure, en commençant depuis le premier, puis on marquera comme
déjà dit.
Il est à remarquer qu'il faut se rappeler dès le lever la résolution de combattre
le défaut. C'est capital : par exemple de se mettre en mémoire le désir de se
corriger de l'habitude d'avoir des mouvements d'impatience, et on demande en
même temps à Dieu de nous aider à cela…
Au moment de l'examen il ne faut pas s'examiner d'une façon vague, par
exemple : oui, ça n'a pas trop mal marché, il me semble que je ne me suis pas
laissé entraîner autant… Non, non ! Saint Ignace vous dit "un compte exact";
c'est vrai ! ma femme a omis de me préparer telle chose et j'ai eu un petit geste
d'humeur, marquez Monsieur ! au petit déjeuner je n'avais pas de beurre et j'ai
encore maugréé… marquez Monsieur !… voyons à 9 h. qu'est-ce que j'ai fait ?
Ah ! oui, j'ai voulu prendre l'autobus et il m'a filé sous le nez et là encore j'ai
presque eu un gros mot… eh bien, marquez encore !… voyez-vous, vous étiez
presque satisfait d'avoir passé une matinée sans vous être fâché et finalement,
en voyant le détail de vos opérations, vous trouvez que ces petites fautes
remontent mieux à la surface… 
Ah ! cela vous paraît puéril de marquer cela ?… Eh bien, Non ! c'est tellement
important et prouvé par l'expérience que si vous ne vous y assujettissez pas,
très rapidement, c'est l'examen lui-même que vous ne ferez pas ! Et saint
Ignace va nous donner à cet effet 4 additions dont l'observation aidera à se
corriger plus promptement du péché (ou défaut) objet de l'examen particulier :
La première addition qui nous montre bien que c'est une lutte de tous les
instants au cours de la journée : ,,Quand je constate avoir manqué à ma
résolution, c'est de porter la main à la poitrine en demandant pardon à Dieu,
c'est ce que l'on peut faire sans se faire remarquer et le faire chaque fois”. Le
fait se grave ainsi dans la mémoire; il est dès lors plus facile de s'en souvenir
au moment de l'examen.
Il faut comprendre, mes chers Messieurs, que c'est une lutte continuelle pour
arriver à nous débarrasser de ce qui constitue un obstacle à l'action de Dieu en
nous, car que nous soyons attachés à cet obstacle par un fil ou par un câble,
c'est pareil… le fil vous le couperez plus facilement, c'est entendu, mais faut-il
le couper !… 
Deuxième addition : ,,Le soir, on compare les deux examens entre eux”.
Troisième addition : ,,On compare le second jour avec le premier pour voir si
d'un jour à l'autre on a fait quelque progrès à se corriger”.
Quatrième addition : ,,En fin de semaine, on additionne et on compare s'il y a
progrès notable”.
Remarquez qu'à tenir cette petite comptabilité, même si vous perdez le carnet
c'est de l'hébreu pour qui le trouve : quelques chiffres dont on ne connaît pas la
signification… et quand, par la suite, grâce à l'examen particulier vous arrivez à
être maître de vos défauts, rien ne vous empêche de mentionner à leur place
des actes de vertu, vous stimulant ainsi à en augmenter le nombre alors que
pour les défauts on tendait à les réduire à zéro.
Sur quoi faut-il s'examiner ? Nous l'avons dit : sur le défaut dominant. Quand
celui-ci est maîtrisé vous passez au suivant.
Combien de temps faut-il les inscrire ? Eh bien, tant qu'on n'est pas arrivé à
avoir le dessus. Saint François de Sales est resté 21 ans à s'examiner sur le
même sujet; il est arrivé ainsi à avoir une douceur vraiment angélique,
héroïque, extraordinaire ! Saint Vincent de Paul – qui était aussi très ignacien –
est resté 28 ans sur l'humilité et cette vertu lui était devenue quasi naturelle.
Cette méthode, voyez-vous, est bonne partout, même dans la vie profane : j'ai
connu un religieux à qui on avait confié une classe de retardataires. Il était
arrivé à enthousiasmer ses élèves par l'émulation que provoquait cette
méthode de l'examen particulier. Il portait d'abord sur la dissipation puis ensuite
sur le désir de progresser. Eh bien, en fin d'année, les classes avaient à passer
un examen devant un jury étranger au collège et ces élèves figurant pourtant
comme étant des retardataires, furent la moitié plus un à obtenir 10 sur 10 et la
moitié moins un à avoir 9 sur 10… comme on lui demandait comment il avait pu
obtenir un résultat si satisfaisant il confia aux examinateurs ce secret de la
méthode de l'examen particulier ! Oui, il est vraiment dommage que si peu de
personnes la pratiquent; elles ne se doutent pas des progrès spirituels qu'elles
feraient s'il en était autrement, mais là aussi il y a quelqu'un qui trafique, qui a
intérêt à empêcher cela… Que vous au moins vous sachiez vous défendre et
ne pas être de ces chrétiens négligents…
-----
Avant d'aller prendre notre repas (il en sera ainsi tous les jours de la retraite)
nous procédons à l'examen général et particulier dont je viens de vous parler.
Nous remontons donc à hier au soir, à notre dernier examen fait pendant la
prière du soir :
1er point : chacun en notre particulier nous remercions le Seigneur des grâces
reçues depuis.
2ème point : demandons la grâce nécessaire de connaître les péchés et les
fautes de négligence que nous avons pu commettre…
3ème point : nous faisons ici un compte exact de nos péchés et de nos
fautes… D'abord sur le plan de l'examen général : Voir si nous avons péché en
pensées, paroles, actions… Cela peut arriver bien que pendant la retraite les
tentations de cet ordre sont en principe plus facilement repoussées… Ensuite
sur le plan de l'examen particulier : Pendant la retraite au lieu de porter sur
notre défaut dominant cet examen porte exclusivement sur la façon dont nous
la faisons. Est-ce que nous avons joué le jeu comme il faut ? Avons-nous
essayé de faire sérieusement nos méditations, de faire comme on me l'a
indiqué ? On ne vous demande pas de réaliser de belles méditations mais de
vous efforcer… Le travail que vous faites en ce moment n'est pas amusant, il
est même pénible, ne vous étonnez donc pas d'avoir quelque tendance à la
désolation, c'est normal cela ! Avez-vous gardé le silence ? Ai-je consulté un
Père pour lui faire part de mes difficultés ? Est-ce que j'ai pris quelques notes
pour préciser les idées, fait les colloques prescrits ? Voyons…
4ème point : nous remercions le Seigneur des grâces reçues et des progrès
réalisés car cela nous fait du bien de voir ce qu'Il fait en nous, mais si nous
trouvons que nous n'avons pas suffisamment collaboré comme Il aurait été en
droit de l'attendre de nous, si nous reconnaissons être coupable de quelques
négligences, de manque de courage dans ce changement de vie, demandons-
Lui pardon : les Saints nous disent que si nous savions demander pardon nous
pourrions récupérer par l'humilité de l'aveu ce que nous perdons par nos
négligences !
5ème point : nous consignons sur notre carnet le nombre des manquements
comme cela a été expliqué et nous regardons l'avenir, demandant à Notre-
Seigneur et à la Très Sainte Vierge que nous puissions passer un bon après-
midi, plein de générosité de notre part…
C'est saint Augustin qui nous dit : Dieu qui t'a créé sans toi ne te sauvera pas
sans toi, mais si vous êtes fidèles comme de petits enfants, Dieu aura son
heure ! Mon Dieu je vous promets mon effort, malgré la désolation, malgré
cette sorte d'atonie spirituelle qui me donne l'impression de perdre mon temps,
je vous promets de continuer cet effort.
Nous récitons le Saint Angélus.
*****
N° 40
ASCÉTISME . DISCERNEMENT DES ESPRITS
(Règles dites de première semaine : Règles 1 et 2)
Mes chers Messieurs, si vous voulez bien prendre la page 436 nous allons
commencer à voir ces admirables règles du discernement des esprits laissées
par saint Ignace :
Règles de discernement des esprits c'est-à-dire règles pour, en quelque
manière, sentir et connaître les diverses excitations qui se produisent dans
l'âme : les bonnes, afin de les accepter, les mauvaises afin de les rejeter. Ces
règles sont davantage propres à la première partie des exercices, celle de la
première semaine.
Pour bien vous les faire comprendre, je vais d'abord rappeler quelques vérités
théologiques et philosophiques sur lesquelles elles reposent : le terme lui-
même nous le trouvons à certains passages de l'Écriture Sainte : par exemple
saint Paul, dans la deuxième aux Corinthiens, chapitre 10ème, énumérant les
charismes (ces grâces que Dieu donne à certains hommes pour aider les
autres et que l'on appelle grâces gratuites) énumère comme charisme le
discernement des esprits; saint Jean, dans sa première épître, nous dit que
nous devons savoir discerner les esprits, mais cela vous disais-je, repose sur
plusieurs règles…
Maintenant première vérité d'ordre philosophique et théologique : les hommes,
dans la Création, sont au dernier degré de l'échelle des intelligences. De même
que dans la matière il y a un ordre certain (Dieu ayant tout fait sur le plan
matériel avec nombre, poids et mesure, de telle sorte qu'il nous est facile, par
nos sciences naturelles, de classer les minéraux, les végétaux, les animaux et
de retrouver par elles cet ordre qui existe sur ce plan) eh bien le monde des
esprits est également ordonné : au sommet, Dieu, esprit infini, éternel, Créateur
de toutes choses, Tout-puissant, immense… Au-dessous de Dieu, des esprits
en ordre de puissance décroissant c'est-à-dire des Anges rangés en trois
hiérarchies de chacune trois chœurs : au sommet des Anges les Séraphins,
esprits d'une intelligence que nous ne pouvons pas comprendre ici-bas; puis
les Chérubins, les Trônes, les Vertus, les Principautés, les Puissances, les
Dominations, les Archanges et enfin les Anges, purs esprits, esprits pour
lesquels il n'y a pas de problèmes naturels. Les Anges ne peuvent avoir que les
problèmes qui sont surnaturels pour nous, mais tout ce qui nous inquiète au
point de vue de la chimie, de la physique, de l'astrophysique, des sciences
nucléaires, biologiques, psychologiques, etc… ne présente pour les Anges
aucune difficulté, non pas qu'ils embrassent tout d'un seul regard (car ils ne
sont pas Dieu) et eux aussi sont limités, mais tous nos problèmes naturels sont
par eux résolus instantanément, sans effort, grâce à leur intelligence "intuitive",
intelligence intuitive beaucoup plus puissante au fur et à mesure que l'on
remonte dans leur hiérarchie… Et nous savons, à l'inverse, que la lumière qui
vient de Dieu rayonne en partant d'en-haut et se répercute de degré en degré
jusqu'au dernier degré des esprits, les hommes…
Comme le dit le psaume 8ème : ,,L'homme est fait un peu au-dessous des
anges” et notre intelligence est très différente en ceci que la nôtre est
"discursive", beaucoup plus faible, et si nous voulions prendre une
comparaison naturelle, la nourriture par exemple, il est évident que nous
sommes limités : par exemple quelque appétit que nous ayons, devant un pain
d'un kilo bien croustillant, même si nous n'avons pas mangé depuis trois jours,
nous ne pouvons pas avaler le pain d'un seul coup n'est-ce pas ? Nous
sommes contraints de le couper en tranches, les tranches en bouchées et les
bouchées de les mastiquer une à une pour assimiler lentement. Sur le plan
intellectuel il en est de même : devant la vérité, dès qu'elle est un peu
compliquée nous sommes obligés de procéder par argumentations, par
discours; nous n'assimilons une vérité scientifique que peu à peu; lorsque la
chose est petite comme une bouchée, par exemple 2 et 2 _ 4, c'est assez facile
parce que nous le voyons, mais lorsque le théorème devient un peu compliqué,
ou que la vérité chimique ou physique ne se dévoile pas, à ce moment-là nous
assimilons tout doucement, petit à petit, mais les Anges eux, voient la vérité
d'un seul coup, comme quelqu'un qui, sur le plan naturel avalerait le kilo de
pain brusquement, sans effort… vous voyez ainsi la différence : sur le plan
intellectuel, nous sommes au dernier degré de l'échelle des intelligences !…
Autre vérité aussi que j'ai déjà ébauchée en vous disant que les anges
supérieurs reçoivent directement la vérité de Dieu d'une façon intuitive et la
transmettent aux autres dans l'ordre (on pourrait voyez-vous faire là-dessus
une très belle thèse sur le devoir des élites !). Autre vérité donc : au-dessous
de l'homme il n'y a plus d'intelligence indépendante et spontanée. Nous
remarquons bien sûr dans les bêtes certaines marques d'intelligence : l'abeille
par exemple dans la construction des alvéoles, mais c'est Dieu qui se
manifeste dans l'instinct des bêtes; comme intelligence spontanée et
indépendante, après nous, c'est fini…
Dernière vérité enfin : nous sommes sans cesse influencés par les intelligences
supérieures. Là se situe un problème. Pourquoi ?… Parce que nous savons par
l'Écriture Sainte et la Révélation divine que parmi ces intelligences supérieures
qui ont influence sur nous il y en a de bonnes et il y en a de mauvaises. On
comprend mieux alors ce terme de "Discernement des esprits". On comprend
mieux aussi ce titre :
"Règles pour en quelque manière sentir et connaître les diverses excitations qui
se produisent dans l'âme, les bonnes afin de les accepter, les mauvaises afin
de les rejeter". Oui… il faut se rendre compte qu'on est influencé par des
intelligences supérieures, de fait invisibles; se rendre compte donc… et puis
connaître… c'est-à-dire, dans un cas donné pouvoir dire : Cela vient du bon
esprit, il faut que je suive cette influence qui est bonne… ça, au contraire, c'est
une influence mauvaise, il ne faut pas que je la suive. Ces Règles sont
davantage propres à la première partie des exercices et elles sont, mes chers
Messieurs, absolument capitales. On ne les trouve en clair que dans saint
Ignace. Saint Jean de la Croix, nous le savons, avait lui aussi établi des règles
sur le discernement des esprits : malheureusement une partie de ses œuvres a
été perdue et ces règles aussi. Il eût été intéressant évidemment de les
rapprocher de celles de saint Ignace, très belles, mais pas absolument
complètes surtout pour les mystiques; mais pour la vie courante elles valent
leur pesant d'or et sont nécessaires à la vie intérieure qui consiste précisément
dans ce double jeu, car, en nous, trois éléments interviennent sans arrêt : – un
élément qui vient de Dieu et de ses Anges qu'en général on appelle "le bon
esprit" (Dieu, les Saints, les Anges, la Sainte Vierge) – puis le mauvais esprit
en l'occurrence le démon – enfin, le "MOI".
Donc, trois éléments qui influencent notre conduite. Mais dans le jeu de ses
trois éléments il faut se persuader tout d'abord que le bon esprit n'a aucun
intérêt à nous "forcer" à faire le bien, car si cela était nous n'aurions aucun
mérite; le démon, d'autre part, n'a lui aussi aucun intérêt à nous "forcer" à faire
le mal, car si cela était nous n'aurions plus notre liberté pour choisir; il est
d'ailleurs trop malin et se garderait de nous l'imposer. Les bons esprits et les
mauvais ne pensent donc pas nous contraindre, mais ils cherchent : les bons
esprits à nous "entraîner" à faire le bien, les mauvais esprits à nous "entraîner"
à faire le mal, nous laissant donc ainsi toute liberté d'accepter ou de refuser ces
influences. Un jeu admirable, n'est-il pas vrai; qui fait toute notre vie intérieure !
enfin le "MOI" ce "Je" avec sa liberté et toutes ses facultés…
Le démon a donc un rôle essentiel à jouer dans notre sanctification car le Bon
Dieu se sert de lui pour un meilleur bien. Comme le dit saint Augustin, Dieu ne
permettrait jamais le mal si du mal ne pouvait sortir un plus grand bien !… Dieu
permet ce jeu du démon pour nous permettre d'avancer en sainteté !… Si vous
en avez l'occasion, lisez le libre de JOB dans l'Écriture Sainte, un des plus
beaux d'ailleurs; il y a là des images splendides où on voit les assauts répétés
et de plus en plus forts du démon; et ces épreuves, Dieu les permet pour que
nous avancions dans la voie de notre sanctification. Nous savons bien que
c'est le démon qui a poussé les pharisiens contre le Christ !… de nombreux
docteurs de l'Église font remarquer que lorsque Jésus est mort et a poussé ce
grand cri de victoire en expirant, le démon a alors compris qu'en poussant les
pharisiens contre Notre-Seigneur, il avait lui-même contribué à la
Rédemption… il a poussé les hommes contre le Christ pour l'écraser et s'est
aperçu que sa mort délivrait l'humanité… oui, il a poussé à la roue… et Dieu
continue à se servir du démon pour qu'il pousse à la roue de notre
sanctification… Remarquez que le démon joue ce rôle en essayant de nous
entraîner en enfer – et il en entraîne beaucoup, c'est évident – mais c'est par le
jeu de ces épreuves qu'on arrive à gagner le Ciel… Remarquez que dans une
retraite comme celle-ci ce double jeu est encore plus accentué et met les
retraitants à l'épreuve… mais si ces Règles valent pour la retraite, elles valent
pour toute la vie, aussi devons-nous profiter de les appliquer ici pour nous
familiariser avec elles.
Voyons maintenant la première Règle :
Aux personnes qui vont de péché mortel en péché mortel l'ennemi a
ordinairement pour habitude de proposer des représentations de plaisir leur
faisant imaginer des délectations et plaisir des sens pour les maintenir et les
faire croître davantage en leurs vices et péchés. En ces personnes, le bon
esprit use d'une manière de faire tout à fait contraire, en les aiguillonnant et en
excitant des remords en leur conscience par la loi naturelle de la raison.
Bien remarquer n'est-ce pas la catégorie : des gens qui vivent habituellement
dans le péché mortel, mais gens qui ont la Foi quand même, c'est certain. Au
temps où saint Ignace écrivait son livre, il y a 4 siècles, il paraissait impensable
de songer que des portions entières de population européenne puissent
comme à présent rejeter Dieu par athéisme ! Vous savez que Paul VI,
s'adressant à la commission générale des Jésuites au moment où ils ont élu
leur nouveau supérieur général à Rome, a donné à ces soldats mis par saint
Ignace au service du Souverain Pontife, des consignes pour lutter contre les
diverses formes de l'athéisme, mais du temps de saint Ignace, à part quelques
individus (des intellectuels un peu fous qui ne faisaient pas trop de bruit parce
que les pouvoirs publics d'alors s'occupaient de la Foi et auraient agi contre
eux), la grande généralité vivait en ayant la Foi; il s'agit bien donc, dans cette
Règle, de gens qui ont la foi mais qui vivent dans le péché; alors le démon,
pour les y maintenir, leur fait entrevoir par l'imagination des plaisirs sensuels !…
Un exemple courant à notre époque pris sur des gens qui ont la foi : imaginons
un coupe de viveurs habitant Paris. Le mari gagne de l'argent (commerçant ou
industriel), on les appelle de bons chrétiens puisqu'ils vont à la Messe, font
leurs Pâques et ne manquent pas la kermesse de M. le Curé, ce sont des
croyants !… Mais attention !… à la messe à condition que ce ne soit pas
l'ouverture de la chasse et en pensant à la voiture qui va les amener dans la
forêt de Fontainebleau !… comme on le dit souvent, ils profitent de la vie,
mangent bien, s'amusent… au dancing ou ailleurs… et ces abus ne vont pas
sans quelques péchés de sensualité, de gourmandise, de flirt…, cela arrive
surtout à l'occasion de ces sorties avec d'autres amis, pendant ces week-end,
car pendant la semaine on est occupé, les hommes à leur bureau, et les
femmes à leur cuisine; mais dès qu'ils ont un moment de libre, ils pensent aux
joies de Dimanche dernier et pensent aussi aux joies à venir de Dimanche
prochain.
Ah ! où irons-nous Dimanche ?… Robert, tu t'en occupes toi ? Trouve-nous un
joli coin hein ? ce que tu feras sera bien fait ! et dès lors, tous les moments
libres vont être consacrés à penser aux joies passées et futures… Un axiome
de philosophie nous dit que l'âme spirituelle éprouve par l'imagination, au sujet
de choses matérielles, des joies spirituelles très grandes pour des choses
bonnes parfois, mais aussi pour des choses mauvaises… Dans cet exemple,
cette femme, qui vit dans le péché, en pensant aux joies de Dimanche dernier
se dit : Ah ! comme on s'est amusé, on a bien dansé dans ce restaurant et puis
ce menu, ce vin délicieux, ce cuisinier était vraiment un as, il nous a fait une de
ces omelettes au rhum !… et par la pensée elle mange encore de cette
omelette au rhum !… il y a là, voyez-vous un goût spirituel très accusé,… et
puis pour aller plus loin, il n'y a qu'un pas… ce Robert est vraiment charmant, il
m'a un peu cajolée, j'aime beaucoup danser avec lui, mon mari est un peu
inquiet, mais… enfin je n'insiste pas et suggère plus que je n'en pense, mais
vous voyez pourquoi : c'est parce que l'âme spirituelle éprouve des joies pour
des choses matérielles et comme le démon connaît à fond l'âme humaine – il
n'y a pas de problème naturel pour lui – il sait comment s'y prendre pour
remuer en elle ces pensées et par là il la retient dans le mal.
De même les hommes : eux aussi pensent à Dimanche ! Ils savourent à
l'avance les joies à venir car ce Robert est vraiment un as pour organiser cela,
avec lui on a toujours des coins où on s'amuse bien… il y a des danseuses, ah!
… et pendant les temps en dehors du travail c'est à cela que l'on pense;
l'imagination aidant on revit certains actes de péché plus ou moins graves,
etc… mais vous remarquerez, Messieurs, que par la pensée on va souvent
plus loin que dans la réalité… il y a des femmes qui dansent, s'amusent et
aiment cela, mais lorsqu'elles y pensent cela dépasse ce qu'elles ont fait dans
la réalité, et le démon pousse à la roue, de telle sorte que par là il les entretient
dans le péché…
Le bon Ange, lui, que fait-il ? Il agit d'une façon tout opposée, contraire… Nous
avons tous un Ange gardien : dans notre vie ordinaire il attend que l'occasion
se présente pour nous signifier notre devoir et l'occasion lui sera fournie
comment ? eh bien par un choc psychologique…
Reprenons notre exemple précédent avec ce couple qui a la foi mais qui prend
la vie du bon côté, une vie très mondaine : un jour, Madame sort pour aller faire
son marché. A un passage clouté elle traverse précédée d'une femme et voilà
qu'un automobiliste un peu cinglé brûle le feu rouge et fauche celle qui était
devant elle… Toute bouleversée elle va trouver une amie religieuse ou un
prêtre : Oh, Monsieur l'abbé, j'ai assisté à un horrible accident, j'en suis toute
remuée, c'est que ça aurait pu m'arriver et je n'étais pas prête, mourir comme
ça c'est affreux, si ça avait été moi, moi qui pourtant suis allée à l'école
chrétienne !…
Alors si le prêtre, ou la religieuse, ou un ami quelconque cherche à la rassurer,
à la consoler… mais non mon amie, mais non ! calmez-vous ! le Bon Dieu est
bon, il pardonne, il sait très bien que nous ne sommes pas parfaits, eh bien,
dans ce cas-là, il fait le travail du démon; il amène l'âme, par cette fausse paix,
dans le désordre: Ne nous méprenons pas : la définition de la paix, c'est la
tranquillité dans l'ordre, tandis que la fausse paix, c'est la tranquillité dans le
désordre; en faisant ainsi le jeu du démon il ramène l'âme dans le désordre
ancien… 
Pour faire le travail du bon Ange que faut-il faire ? Dans ce cas-là cette
religieuse, ce prêtre ou cet ami doit dire : ,,Voyez-vous Madame, vous avez
reçu là un avertissement sérieux ! Le Bon Dieu vous a épargnée cette fois,
mais il reste possible que demain… 
Eh alors ?…
Eh bien, il faut être prête ma fille, nous ne savons ni le jour ni l'heure;
comment ! une fille élevée chrétiennement, si bien habituée, risquer maintenant
de prendre le chemin de l'enfer ? mais ma petite, il faut être prête, il faut te
confesser, te réconcilier avec le Seigneur et rompre avec cette vie, essayer de
convaincre ton mari !… alors comme vous le voyez, il faut en bref augmenter le
désordre intérieur, même à son paroxysme, pour que l'âme s'ouvre et se
débarrasse de son venin, qu'elle se convertisse enfin…
Mes chers Messieurs, vous avez là toute la justification psychologique de la
méthode de saint Ignace… Assez souvent, dans les retraites, après 36 heures,
nous voyons des hommes qui sont là pour la première fois venir nous
demander à se confesser… nous leur répondons que ce n'est pas le moment,
qu'il faut attendre au lendemain, et sans arrêt au cours des exercices suivants,
saint Ignace va multiplier les conséquences désastreuses du désordre intérieur
de l'âme pour qu'elle s'ouvre à fond : le 1er exercice sur le péché, et le
deuxième et le troisième puis l'Enfer, la Mort, le Jugement, et que s'ouvrant
enfin elle obtienne la grâce d'une contrition sincère de ses péchés !… Combien
de fois n'a-t-on pas reproché aux Pères de Chabeuil cette première semaine
des exercices !!… Mes chers amis, s'il n'y a pas de première semaine telle
qu'elle est prévue, nous supprimons l'aiguillon dont parle saint Ignace dans sa
règle, l'aiguillon dont se sert le bon esprit pour entraîner l'âme à s'ouvrir et à se
repentir, et donc toute chance de conversion réelle et profonde, car c'est elle,
elle seule qui prépare toute la conversion; de ce fait elle ne peut être ni altérée,
ni compressée, ni réduite !… Oui, cette première règle justifie à elle seule toute
la méthode de saint Ignace !… En première semaine, le bon esprit aiguillonne
et cela est pénible… c'est doublement pénible en ceci que le démon ne veut
pas s'en aller et lui laisser la place… Il y a des conversions qui sont
bouleversantes à suivre; j'ai pour ma part vu des cas extraordinaires ayant
donné lieu à une lutte effroyable: par exemple le docteur Couturier : j'en parle
parce qu'il en a fait une confession publique. Il était franc-maçon, athée, pas
baptisé, entraîné là par sa femme pratiquante et par un docteur de ses amis qui
voulait le sauver; pour leur faire plaisir il est venu… Il le raconte lui-même : il a
passé des nuits effroyables à opposer ses arguments à ceux qui lui étaient
présentés comme étant la vérité. Pendant tout le repas de l'Enfant Prodigue, il
n'a pas mangé ne faisant que pleurer; il se passait en lui une lutte terrible
jusqu'au moment où, marchant sur son orgueil, la veille du départ, il fit une
vraie prière à la Sainte Vierge et là, en un quart de seconde, toute la vérité
catholique lui est apparue et il nous disait après : Je n'ai plus besoin
d'explications maintenant… Vous voyez, ce double jeu est admirable… Le bon
esprit attend l'occasion, et dès qu'elle se présente il aiguillonne, il pique pour
remettre l'âme dans le bon chemin… Rappelez-vous saint Paul, si acharné
contre Jésus : sur le chemin de Damas, renversé à terre, rendu aveugle,
entendant le Seigneur lui dire : Ah ! tu regimbes contre l'aiguillon ?… contre cet
aiguillon qui fait mal et qui excite les remords de la conscience par la loi
naturelle de la raison ? C'est le même principe, dans cette admirable règle de
saint Ignace qui se sert de chocs répétés, et cela exprès… dans les 30 jours ils
durent 6 jours ces exercices répétés; cela nous aide à voir sainement les
choses que de "mijoter ainsi dans notre jus", si vous me permettez de
m'exprimer ainsi, afin de mieux comprendre nos misères et nos insuffisances…
Deuxième Règle : ,,Pour les personnes qui sont en train de purger intensément
leurs péchés (voyez la catégorie, elle est
((fin de la page 540))

((page 541))
très différente. Elle s'applique en particulier à ceux qui font la retraite car on
suppose qu'ils n'y sont pas venus pour s'y amuser, mais bien pour purger leurs
péchés) et qui montent de mieux en mieux dans le Service du Seigneur, c'est la
manière contraire à celle indiquée à la première règle qui est mise en jeu. C'est
alors le propre du mauvais esprit de leur causer des tourments de conscience,
de les attrister, de mettre devant eux des empêchements, de les troubler par de
fausses raisons afin qu'on n'aille pas de l'avant. Tandis que c'est le propre du
bon esprit de donner du courage, force, consolation, larmes, inspirations et
quiétude, rendant tout facile et enlevant tous les empêchements afin que l'on
aille de l'avant dans la pratique du bien”.
Reprenons cela voulez-vous ? Le mauvais esprit, qui s'attaque à des
personnes qui veulent se sanctifier n'est-ce pas ? comme par exemple celles
qui viennent en retraite… Saint Ignace nous dit que c'est le moyen contraire…
en effet, le mauvais esprit (le démon) au lieu de les rassurer comme dans la
première règle qui ne s'applique qu'aux personnes vivant habituellement dans
le péché, ici, aux personnes désireuses de se sanctifier, il va les troubler, les
attrister, leur proposer mille obstacles.
Un Père de la S.J. a écrit : ,,Toute tristesse vient du démon”; lorsqu'on lit le
contexte on comprend ce qu'il veut dire, mais, en réalité, il y a deux sortes de
tristesse : on pourrait déjà les opposer au départ en disant qu'il y a une
tristesse dynamique et une tristesse décourageante, morbide… La tristesse
dynamique vient de Dieu; la tristesse décourageante et morbide vient du
démon… Les Saints, parfois, en voyant le péché s'installer dans leur entourage
et constatant leurs propres faiblesses étaient tristes, mais d'une tristesse
dynamique qui les poussait à se rendre plus parfaits et à travailler avec plus
d'ardeur au salut de leurs frères, cette tristesse était pour eux un aiguillon…
Par contre, il y a la tristesse que nous ressentons souvent aussi et qui nous
décourage, qui nous coupe bras et jambes… l'un de vous me disait ,,Moi, mon
Père, je suis damné, il n'y a rien à faire, je viens encore ici pourquoi ? pour
rien…” eh bien, voyez-vous, cela c'est du démon, une tristesse
décourageante… L'Écriture Sainte déjà parle de la tristesse comme d'une
chose bonne dans certains cas, mais quelquefois mauvaise et saint Paul, dans
sa deuxième aux Corinthiens, chapitre septième, dit : ,,La tristesse selon Dieu
produit un repentir volontaire tandis que la tristesse du monde produit la
mort”… Nous avons de cela un cas très précis et très clair : celui de Pierre et
de Judas : tous les deux ont trahi : Pierre a renié son Maître mais ensuite, par
une tristesse dynamique, il a demandé pardon au Seigneur et ce dernier l'a
rétabli premier pape… l'autre, Judas, a eu une tristesse affligeante, effroyable,
venant du démon. Découragé, il est allé se pendre !… On voit bien là les effets
consécutifs à deux tristesses complètement différentes, l'une qui mène à la
conversion, l'autre qui mène au désespoir.
Les tourments de conscience : voilà encore un des moyens dont le démon se
sert pour nous empêcher d'avancer. Dans les récits des conversions au cours
des premiers siècles, depuis celle de saint Augustin jusqu'à Huysmans,
jusqu'aux conversions très belles aussi que nous voyons dans nos propres
retraites, on constate très bien ces tourments de conscience, on le voit en
particulier chez les retraitants dans la première partie des exercices : ,,Moi,
mon Père, je n'arriverai jamais à me confesser; ou bien, comment voulez-vous
que je me rappelle ! ou encore : j'ai peur de dire ce que j'ai fait…”.. des
tourments de conscience, des problèmes insolubles qui se greffent les uns sur
les autres, un peu comme les vagues de la mer… on en résout un et hop ! un
autre se pose aussitôt et tous, nous le verrons mieux dans les autres règles,
contre la Foi, l'Espérance et la Charité !… Huysmans nous raconte lui-même sa
conversion à Pointe de Lattre, c'est le nom qu'il donne; il avait passé plusieurs
jours avec un bon trappiste qui lui donnait des exercices à faire; il passe une
nuit entière à préparer sa confession, se confesse et le Père de lui donner une
dizaine de chapelet à réciter comme pénitence avant le dîner. Bien ! Huysmans
s'en va et il se dit : ,,Alors, il faut que je dise 10 chapelets ? ça fait 500 Ave
Maria avant le repas, à quelle vitesse dois-je les dire donc, le repas a lieu dans
une heure ?”… et avec ça il ne commençait jamais… mais le bon sens prenant
le dessus il se dit encore : ,,Mais non, une dizaine de chapelet, sans doute, il a
dû vouloir me dire une dizaine, la valeur de 10 Ave… Mais comment, 10 Ave,
avec la confession que je lui ai faite ? Ce n'est pas possible, cela doit bien être
dix chapelets…” mais avec tout ça la pénitence n'était pas encore commencée
et le trappiste, se rendant bien compte de l'embarras de son pénitent de lui
préciser : M. Huysmans, je vous ai donné 10 Ave Maria à réciter…
Mais comment mon Père, si peu ?
Oui, si peu, ici, c'est moi qui commande, vous allez dire tranquillement 10 Ave
Maria avant le repas… voilà, le démon essayait de le détourner de sa
pénitence en lui montrant de fausses raisons et des tourments de conscience
en camouflant la vérité…
On raconte que Rommel était très fort dans l'art du camouflage : c'était ce
général allemand qui surprenait souvent les Anglais dans les grandes batailles
de Cyrénaïque (je suis un peu au courant parce que nous avons un ami
retraitant à Lausanne, ancien officier de la Marine Italienne qui était à ce
moment-là attaché naval italien auprès de Rommel, il possède ainsi tous les
livres italiens, français, allemands sur la question et j'ai pu en lire bien des
pages, dormant très peu). Rommel donc gagnait de nombreuses batailles
grâce à des camouflages savants; il avait quelques tanks à moitié démolis et
avec tous les véhicules qu'il récupérait il transformait tout cela en tanks
factices… alors de formidables concentrations aériennes venaient les
bombarder pendant que les vrais intervenaient ailleurs… Il était vraiment
génial, au point de vue du camouflage et avait même installé de faux camps
d'aviation, de faux hangars, de faux avions, mais comme les Anglais eux aussi
avaient leurs espions et leurs résistants, il paraît qu'un jour ils bombardèrent un
faux camp d'aviation avec des bombes… en bois ! pour se payer la tête de
Rommel !…
Eh bien, mes chers Messieurs, le démon fait pareil, car il est un artiste en la
matière et il nous épouvante souvent avec des choses inexistantes« mais
parfois les obstacles sont réels, et c'est alors beaucoup plus terrible… Dans les
actes des martyrs par exemple qui sont très beaux à lire, on voit que le démon
cherchait à les terroriser en leur suggérant les obstacles réels tels que le
prétoire, les bêtes et les chambres de torture, mais on y découvre aussi
combien était puissante cette grâce de Dieu qui les transportait et leur faisait
dire des choses admirables… A ce propos, on voit un peu cela dans les
Retraites où des jeunes gens, pensant à une vocation possible, ont à supporter
les attaques du démon qui cherche à les terroriser, leur suggérant que ce n'est
pas possible… qu'ils font fausse route…
Pour mieux comprendre ce jeu du démon, il faut, mes chers Messieurs,
connaître un peu celui des passions humaines… il y a là-dessus tout un traité
dans la théologie et même dans la philosophie. Nous avons en nous des forces
vives, impétueuses, vers un BIEN entrevu et désiré; toutes les passions
convergent effectivement vers l'amour – mot pris ici dans un sens tout à fait
général – l'amour, qui est la complaisance de la volonté dans un bien, un bien
connu bien entendu, car on ne peut pas aimer ce que l'on ne connaît pas –
c'est ainsi qu'on peut arriver à aimer la science, à aimer l'argent, la chasse ou
la pêche, une ville, la Patrie,… on peut aimer Dieu, etc… Ainsi donc, le mot
étant pris dans son sens général, la reine des passions c'est l'amour et elle a
toutes les autres à son service. Par ailleurs, nous avons besoin de passions :
un homme qui serait sans passions serait un mollusque, une "nouille" comme
on dit parfois, et, c'est à juste titre que l'on fait remarquer que le Christ était un
grand passionné : de même les Saints… mais comme les passions sont des
forces aveugles, elles doivent obéir à la raison et la raison doit obéir au plan
général de Dieu tout comme une locomotive d'une force de x chevaux est une
force aveugle qui a besoin d'être dirigée par un mécanicien… le mécanicien lui-
même ne fait pas ce qu'il veut sur sa locomotive : il doit obéir au plan général
du réseau… eh bien de même nos passions sont des forces qui nous sont
intérieures mais qui sont formidables si on ne les endigue pas; elles doivent
obéir à la raison qui, elle, nous permet de voir le but; mais cela ne suffit pas
encore, il faut que nous obéissions aussi au plan général de Dieu, à ses
commandements, etc…
Sur le plan pratique, selon le point de vue auquel on se place, on trouve
certaines catégories différentes de passions mais, en ce qui nous concerne,
nous pouvons les classer en deux grandes catégories que j'appellerai les
passions dynamiques et les passions d'inhibition : les passions dynamiques qui
nous portent en avant avec une très grande force, tandis que les passions
d'inhibition nous empêchent au contraire d'avancer, nous freinent, nous
limitent !…
Dans les passions dynamiques on y reconnaît l'amour, l'espérance, l'audace et
même la colère qui écarte les obstacles, puis le désir, enfin la joie lorsque
l'objet désiré est atteint… dans les passions d'inhibition qui influent même sur
notre physique, sur les nerfs, on y trouve la tristesse morbide, la peur, la
crainte, le désespoir, voyez, tout à fait l'opposé des premières…
On peut penser qu'avant le péché l'homme jouissait d'une grande harmonie
intérieure. En quoi pouvait-elle consister ? En ceci que les passions jouaient
synchronisées avec la loi divine, c'est-à-dire que lorsque était présenté à
l'homme le bien moral et ce qui concerne Dieu et son plan, à ce moment-là les
passions dynamiques jouaient leur rôle; en d'autres termes l'homme "aimait"
accomplir le plan de Dieu, et avait le désir de le suivre; il espérait correspondre
à ce plan, il avait la joie à le remplir et, de ce fait, l'homme avait de grandes
facilités à le faire, aidé qu'il était par les passions dynamiques qui étaient en lui.
Par contre, lorsque le mal moral (qui, lui, n'est pas conforme au plan de Dieu)
était présenté à l'homme de l'extérieur (puisqu'avant la faute il n'était pas
encore à l'intérieur) les passions d'inhibition jouaient leur rôle et l'homme avait
le dégoût de faire le mal; il en avait la peur, la crainte, de telle sorte qu'en
définitive l'homme avait de grandes facilités à faire le bien aidé qu'il était par les
passions dynamiques, et avait par contre de grandes difficultés à faire le mal,
étant freiné par les passions d'inhibition, et cela, tout en restant libre…
Mais le Péché originel a rompu cet équilibre, de telle sorte que les passions
jouent maintenant leur rôle à l'envers, c'est-à-dire que lorsque le bien moral est
présenté à l'homme, l'homme se trouve freiné par les passions d'inhibition; il a
peur, il craint d'aller trop loin; au contraire, lorsque c'est le mal moral qui lui est
présenté, les passions dynamiques jouent et l'homme a amour de cela; à vrai
dire, il a le désir de le posséder, la colère pour écarter les obstacles et l'audace
pour y arriver: Remarquez que dans cet état de choses le démon ne peut pas
"créer" ce déséquilibre, puisqu'il existe déjà en nous depuis le péché originel,
mais il peut l'augmenter pour créer en nous du désordre : il augmente la force
de nos passions dynamiques pour le mal et de nos passions d'inhibition pour
freiner le bien.
C'est très facile de multiplier les exemples nous montrant cela : le mois dernier,
dans les campagnes, on voyait des batteuses allant de ferme en ferme pour la
mise en sac du blé, cela dure environ 3 semaines et, réalisons l'image, un
jeune homme occupé à la batteuse – vous savez qu'on ne s'y amuse pas et
que le soir on est éreinté – ce jeune homme, appelons-le Émile, arrive à la
maison et sa mère de lui dire :
Émile, tu arrives bien tard ! rase-toi, prépare-toi…
Pourquoi maman ?…
Mais du sais bien, la réunion de Mr le Curé pour le Congrès… Il ne la laisse
pas achever :
Comment maman ? Il n'est pas fou, Monsieur le Curé, comme ça en plein
battage ?… je n'y vais pas… et la maman, intérieurement, pense que le petit a
raison; n'importe quel catholique de la paroisse, mis au courant du fait, dira lui
aussi que c'est le vicaire qui a perdu les pédales… Très bien ! les battages
continuent, encore une semaine… Un soir le même Émile, de plus en plus mort
de fatigue, rentre à la maison et sa mère, dès qu'il est là :
Allons, Émile, rase-toi, prépare-toi…
Quoi, maman, encore le vicaire ?…
Non, mais tu ne te rappelles pas ton banquet des conscrits ?
Ah, maman, imbécile que je suis, comment ai-je pu oublier ! alors il bouscule
tout, fait sa toilette, s'habille… et Émile ne rentrera qu'à 6 heures du matin…
vous ne trouvez pas que c'est curieux cela ? Une semaine avant il était "crevé"
(comme on dit), mort !… de réunion il ne fallait pas en parler et 8 jours après,
dans les mêmes conditions, il trouve le moyen d'aller danser jusqu'à 6 heures
du matin ? Heureusement encore que le soleil se lève, il aurait continué
autrement !…
Un autre exemple : voilà un petit de 12 ans qui se lève tous les matins à 7 h.
pour aller en classe; il faut se préparer, déjeuner, revoir un peu ses leçons; on
lui a acheté un réveil un peu bruyant mais le matin pas moyen de le sortir du lit;
il faut que sa mère aille chaque fois le secouer; très rapidement la maman et le
petit sont arrivés à cette conclusion que Robert a le sommeil très dur… Bien,
acceptons l'évidence !… Mais un matin Robert, qui est scout, doit partir avec la
troupe pour une excursion "fantastique", du tonnerre… on va voir les Châteaux
de la Loire et le réveil est mis cette fois à 4 h. du matin pour pouvoir prendre le
car à l'heure prévue sur la place de l'église. Il se couche tard pour préparer son
sac, presque 23 h., et le matin le réveil n'a pas encore sonné que le petit est
debout, bien réveillé, hein ?
Reprenons maintenant ces 2 exemples : Robert a le sommeil très dur, qu'est-ce
qui a donc changé ? le son du réveil tous les matins est pourtant le même; son
conduit auditif n'a pas changé non plus, les réflexes sont les mêmes; alors,
qu'est-ce qui a changé ? Eh bien c'est la volonté de Robert qui a changé. Au
fond, les autres matins, le petit ne veut pas se réveiller,… aller en classe, le
calcul, la grammaire, ces participes qui ne s'accordent pas, tout ça, ça
l'embête, tout ça c'est du "poison" !… Par contre, le jour de l'excursion, Robert
veut se lever et c'est la volonté qui remue le petit bonhomme…
La volonté, notre volonté, on pourrait au fond la comparer à une araignée –
insecte assez fragile vous le savez et c'est pourquoi il lui faut toujours un trou
pour pouvoir se réfugier. Quand elle l'a trouvé elle commence à tisser sa toile;
quand celle-ci est faite, que fait-elle ? Eh bien elle attend comme un concierge
de Paris dans sa loge lisant l'Aurore ou le Figaro; elle attend le ou la cliente !
Tombe un brin de paille (vous savez que tout le piège est relié à son corps,
c'est d'une finesse extraordinaire !) alors par les vibrations qui se répercutent
elle sort de sa lecture, ouvre un œil, voit que c'est un fétu de paille… elle ne
bouge pas et reprend sa somnolence… tombe un grain de poussière… elle
ouvre encore un œil, même opération… elle reprend son sommeil, mais tombe
un insecte… avez-vous le dynamisme d'une araignée à ce moment-là ?… Elle
regarde d'abord la bestiole parce qu'il s'en trouve avec qui il faut faire attention,
une guêpe par exemple, c'est terrible lorsqu'elle est prise, mais s'il n'y a pas de
risque, allez ! une piqûre ici… là, une autre par derrière et l'insecte étant alors
paralysé par le venin, elle le déguste tranquillement… très joli à voir… puis elle
revient, refait sa toile et attend de nouveau… eh bien la volonté humaine fait
pareil… le petit au réveil … l'arithmétique, la classe, ça ne m'intéresse pas,
dormons !… et il est arrivé à en avoir le réflexe, mais l'excursion, le car, les
copains, cela plaît. Alors voyez-vous, mes chers Messieurs, le démon se sert
de tout, de telle sorte que lorsque le bien moral est présenté, en l'occurrence le
travail en classe, il se sert des passions d'inhibition pour influencer la volonté et
la retarder; pour le mal c'est pareil – bien sûr il n'est pas mal d'aller prendre le
car pour aller en excursion, mais ça plaît… il fait jouer là les passions
dynamiques pour influencer la volonté dans un sens favorable à la réalisation !
… Pour Émile c'est pareil; comment ? une réunion pour le vicaire, en plein
battage ? Mais il perd les pédales !… c'est le démon, qui, pour entraîner Émile
à ne pas répondre à l'invitation du vicaire, influence sa volonté; c'est encore lui
qui l'influencera pour répondre affirmativement au banquet des conscrits et à la
danse… Vous avez vu qu'Émile a trouvé des forces pour cela…
Les ressources de la volonté chez l'homme sont en effet formidables; il n'y a
qu'à prendre comme évidente preuve un poilu de la guerre de 14/18 : si on
avait dit à des hommes qui étaient chez eux réglés comme du papier à
musique ce qui les attendait !… Lorsqu'on mangeait par hasard dans un
restaurant on regardait de près car on avait peur que le verre ne soit pas assez
propre, et si on trouvait un cheveu dans la soupe on en faisait une maladie !…
si on leur avait dit : ,,Vous allez coucher dehors dans des tranchées pleines de
boue et d'eau…”.
Moi ?…
Oui, vous, et vous mangerez une soupe graisseuse où il y aura de tout et tout
cela moitié froid; vous boirez du gros rouge dans des gobelets "culottés" de
noir, et tout ça pour obtenir une croix de guerre… ou une croix de bois !… eh
bien, ils ont tenu ces quatre millions et demi d'hommes à l'exception du million
et demi de morts… les chevaux crevaient mais les hommes, eux, ont tenu !…
je me rappellerai toujours un ancien qui me racontait : ,,Lorsque nous sommes
partis le 3 août 1914, nous avions les pantalons rouges, ça faisait très bien
pour aller à la guerre… la République nous avait dotés d'une grande visibilité !
… enfin, passons !… et les femmes mettaient des fleurs aux fusils et on
criait : ,,A Berlin, à Berlin” ! et puis nous avons vu que Berlin c'était vraiment
loin ! Inutile de vous dire qu'au bout d'un an nous étions fixés et que les fleurs
du départ étaient fanées, hein ?… Mais on tenait quand même ! Pourquoi ? Eh
bien parce qu'on savait que si on jouait aux petit soldat on était fusillé, et que
tant qu'à mourir, il valait mieux le faire proprement n'est-il pas vrai ? de telle
sorte que si l'amour de la Patrie s'avérait être en baisse, la peur d'être fusillé
nous maintenait quand même dans le devoir. Et on a tenu !… C'est là
Messieurs que l'on s'aperçoit bien des forces que l'homme a en réserve – des
forces formidables ! … civiques d'abord, morales aussi, et enfin des forces de
la Grâce. Comme le dit le Concile de Trente reprenant une parole de saint
Augustin : ,,Ce que tu peux faire par toi-même fais-le (et voyez l'exemple
d'Émile, ce garçon qui ne veut pas aller à la réunion mais qui peut danser
jusqu'à 6 h. du matin, ou bien de ces hommes qui ont tenu 4 ans dans les
tranchées, ce qui dénote des ressources physiques et morales fantastiques
lorsqu'il le faut) fais donc ce que tu peux par toi-même et ce que tu ne peux pas
faire, demande-le à Dieu, et Dieu qui sait très bien ce qu'Il a mis en toi, ne te
demandera pas l'impossible, et s'il le faut Il t'en donnera la force”… C'est de Foi
cela, d'après le Concile de Trente… mais le démon sachant que le jeu des
passions répond à des lois, essaie de nous troubler pour conduire l'âme au
désordre; il essaie de nous convaincre que le plan de Dieu est vraiment trop
dur… il essaie même à nous le rendre odieux, par contre, il nous rend le mal
attrayant… Remarquez-le vous-mêmes dans vos agissements personnels : par
exemple, mettons après-demain c'est le 1er Vendredi du mois; vous êtes dans
une grande paroisse et le curé demande quelques hommes pour l'adoration
nocturne, cela existe encore dans certaines paroisses et les hommes de se dire
: ,,Oh! avec son adoration nocturne !… Il est bien gentil notre curé, mais il est
un peu en retard, il perd les pédales maintenant et un peu la tête aussi… faire
venir des hommes la nuit ! Il faut venir à l'église, écouter un sermon, le
chapelet, la messe, tout cela, c'est 1 h. du matin quand on se couche !… Il
faudrait lui dire à notre Curé : qui est-ce qui ira au travail demain ? Les curés et
les religieuses n'ont que ça à faire, mais nous !… il faut bien aller au boulot le
matin !…” par contre, dans une autre paroisse, il y a un curé vraiment à la
page, il est moderne celui-là, je crois qu'il a réussi à avoir à la barbe des autres
une troupe d'opérette… de Paris ! pour samedi prochain, une pièce formidable,
un peu long peut-être, ça finit vers 1 h., mais ça vaut la peine, ce curé est
vraiment très bien. Évidemment… quand j'étais directeur du patronage, que je
demandais aux garçons de venir pour une adoration nocturne ou une
cérémonie, c'était plus dur à faire avaler que quand on faisait le goûter de fin
d'années, là, on ne savait plus où les mettre, il y en avait même qu'on ne
connaissait pas…
Le démon se sert de tout ce qui, en nous, est la conséquence du péché
originel; il essaie d'augmenter ce déséquilibre, augmente et favorise ce que
nous avons de mauvais, par le jeu des passions en influençant notre volonté…
Revenons donc à la page 436 : nous sommes toujours dans la deuxième règle,
il est intéressant de la voir à fond… des empêchements, des obstacles, de les
troubler par de fausses raisons pour qu'on n'aille pas de l'avant…
Voilà encore un moyen pour le démon de nous empêcher d'avancer; il nous
rendra certaines maximes faciles ou bien certaines vérités seront présentées
par lui sous un angle particulier, par exemple : Dieu est infiniment bon… mais il
nous cachera les exigences de l'Amour… le curé d'Ars disait : l'Enfer, c'est
l'envers d'un grand amour, et c'est vrai, car lorsqu'on pense à ce que le Bon
Dieu a fait pour nous : la Création, l'Incarnation, son Fils anéanti pour la
Rédemption, l'Église en ce moment-ci avec ses 400'000 prêtres présentant
tous les jours pour notre sanctification 400'000 sacrifices, on peut dire que Dieu
est infiniment bon, et rejoignant là le curé d'Ars, le Père Bourdaloue, grand
prédicateur du siècle, disait aussi que c'est pour cette raison que Dieu a une
infinie horreur du péché… ainsi donc le démon nous cache les exigences de
l'amour par une vérité présentée à l'envers… Entre parenthèses, remarquez à
ce sujet que les prédications en France, assez généralisées, d'ailleurs,
s'adressent à des Français, comme si ceux-ci étaient vraiment en un état
mystique très élevé; on croirait, à les entendre parler uniquement d'amour, que
tous les catholiques maintenant sont en odeur de sainteté, alors qu'on en est
loin, ne croyez-vous pas ? on ne leur parle que de charité; charité par ici,
charité par là; d'accord pour la charité, mais pour arriver à la Charité des
Saints, à celle, la vraie celle-là et la seule qui soit agréable à Dieu, il faut
d'abord enlever les obstacles, il faut enlever nos mauvaises habitudes, il faut
passer par la voie purgative afin d'arriver à la voie illuminative qui nous
prépare, elle, à la voie mystique !… constatez-le vous-mêmes : il y a beaucoup
de Français se disant catholiques qui n'ont même pas commencé la voie
purgative tandis qu'on leur parle toujours d'amour très élevé !! C'est vrai qu'il
vaut mieux l'amour que la crainte, nous l'avons vu avec saint Ignace, mais
attention ! la crainte est bonne, elle est nécessaire car elle est, comme on dit, le
commencement de la sagesse, mais ce n'en est que le commencement, il faut
passer par elle, et si l'on ne met pas des bases solides à toute vie spirituelle, on
bâtit sur le sable, ou mieux, c'est comme quelqu'un qui bâtirait un immeuble en
commençant par le 3ème étage… du moins je le pense… oui, le monde
catholique à notre époque est rempli de ces folies là, et de ces sophismes, et
c'est pour cela que nous, pauvres Pères de Chabeuil, on nous traite presque
de Jansénistes parce que nous prêchons la saine doctrine qui elle, parle de la
crainte… car Notre-Seigneur en a parlé de la crainte : à ce surhomme qui
s'appelait ADAM, qui était pourtant sorti des mains de Dieu immaculé dans sa
perfection, pour le tenir dans le devoir, Dieu lui a présenté la crainte : ,,Si vous
désobéissez, vous mourrez de mort”. Notre-Seigneur en a parlé assez souvent
n'est-il pas vrai ? J'ai relevé dans les évangiles les allusions directes ou
indirectes à l'enfer, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, eh bien il y en a 63, alors
qu'il n'a parlé que deux fois du baptême ! alors ? Et même à notre époque,
chaque fois que la Sainte Vierge est apparue, de quoi a-t-elle parlé ?… oui, le
démon se plaît à entretenir ces divisions, ces différences d'interprétations qui
arrivent à créer un monde romantique, irréel, fantasmagorique avec des
impressions, des imaginations,… il est très fort dans ce domaine rationnel où
agissent les bons et les mauvais anges… On peut voir cela généralisé dans le
cinéma où l'on vous présente parfois des thèses morales très délicates qui
vous sollicitent afin de faire ensuite état du verdict de la foule !… Non mais !… il
y a des principes d'abord et la foule devrait être auparavant instruite de ces
principes ! c'est comme par exemple cette histoire de ce petit né comme un
monstre, tué par sa maman… on demande aux gens de se prononcer : c'est
parfaitement absurde ! de même pour l'objection de conscience… je me
rappelle ce numéro de "Panorama chrétien" qui reproduisait une enquête où
l'on demandait à un certain pasteur Breiner, à un rabbin Zaoui, au chef de la
C.G.T. en France, à un officier de l'armée d'Afrique, à un député communiste, à
Marcelle Auclair, etc… ce qu'ils en pensaient: Bref, quinze personnages
différents avec 15 réponses différentes sur des problèmes qu'ils ne
connaissaient que superficiellement; il n'y a eu qu'une réponse de bonne, celle
de Mgr RODHAIN, malheureusement perdue dans l'ensemble des autres…
alors les catholiques qui lisent cela sans réfutation préalable en perdent la tête !
… oui, il y a des principes à rappeler qui doivent éclairer et instruire sur les
problèmes, ils sont dans saint Thomas et la théologie morale et il serait
préférable d'en instruire les chrétiens que de leur faire faire des "carrefours"
pour savoir ce qu'ils pensent de ces questions.
Le démon, vous le voyez, est très fort; il multiplie les raisonnements faux qui
troublent afin d'arrêter les progrès de la vie spirituelle. Il sait très bien que la
possession de Dieu est la plus haute des richesses que nous puissions avoir
puisque nous sommes créés pour ça, et dans la mesure où nous l'écoutons il
nous empêche d'y accéder, par jalousie, par haine… Rappelons-nous certaines
phrases de grands saints… Saint Jean de la Croix disait : ,,lorsqu'une âme
commence à se sanctifier, le démon demande à Dieu de faire des tentations
plus fortes, de tendre des pièges plus subtils car les premiers sont connus et ne
portent plus, et le Bon Dieu le lui permet car cela est nécessaire à notre
sanctification”. C'est tellement vrai que si l'on commence à s'écarter de la grâce
et de l'humilité on est vaincu par lui d'avance… Le démon est en effet toujours
vaincu par l'humilité : si vous en avez l'occasion, lisez le livre de JOB, c'est très
éclairant à ce point de vue là; vous y verrez en bref, dans le Ciel, un congrès
des anges où le démon vient faire un petit tour pour s'informer; Dieu, qui voit
tout évidemment, l'interpelle en lui disant : ,,D'où viens-tu Satan ?”. Insolent, car
il est le prince de ce monde, il répond qu'il a vu JOB et qu'il n'a rien pu lui faire
parce qu'il était comblé de Dieu, (Job était païen, mais un païen qui vivait
respectueux des lumières naturelles). Mais si vous m'autorisez à toucher un
peu à ses biens, vous verrez !…
Ah ! tu as vu JOB mon Serviteur ?… eh bien je t'autorise à toucher à ses biens,
mais tu ne toucheras pas à lui…
Job, qui était très riche de biens temporels, fut en effet ruiné en un rien de
temps mais il continuait quand même à bénir Dieu; il reprenait sa femme qui se
désolait en lui disant : ,,Dieu m'a tout donné, Il le reprend, c'est son droit et je le
bénis de l'avoir fait”… 
Nouveau congrès au ciel :
Alors Satan, qu'as-tu réussi avec JOB mon Serviteur ?…
Seigneur, cet homme sait donner tous ses biens pour sauver sa peau mais
permettez-moi de toucher à lui maintenant…
Eh bien, je te le permets, mais je te défends de le tuer… vous voyez, le démon
ne peut rien faire sans la permission de Dieu, mais Dieu la lui donnant, nous
allons voir ce qui va arriver : … en effet, ce pauvre JOB est pris de maux
épouvantables, rongé par les ulcères, sorte de cancer généralisé…
conséquence : sa femme, ne pouvant plus le supporter le met dehors sur le
fumier… et Job, qui a tout perdu, entend par surcroît ses amis surenchérir :
,,Ah, que de péchés tu as dû commettre, pour que Dieu te punisse ainsi, tu ne
l'as pas volé sans doute !…
Et Job de répondre : ,,Comment ? Pécher moi ?”. C'est très beau cela, on voit
ainsi qu'on peut être très juste, très saint, et avoir des épreuves terribles à
supporter… mais JOB continue malgré cela à bénir le Seigneur… C'est
magnifique, on voit là le sens de la souffrance et pourquoi Dieu la fait
partager…
Il y a aussi dans l'Écriture Sainte un autre passage très beau sur TOBIE,
déporté en Assyrie; comme les Assyriens tuaient bien des Juifs déportés et
défendaient absolument qu'on enterre ces morts sous peine d'être tué aussi,
TOBIE, malgré cette défense, se levait la nuit pour leur donner une sépulture et
sa femme lui disait : ,,Tu vas voir, il va nous arriver une catastrophe !”. Tobie
répondait : ,,Il faut bien enterrer nos frères malgré la défense”… 
Une nuit, fatigué, il s'endormit; les hirondelles, lâchant dans ses yeux, le
rendirent aveugle… à sa femme qui lui faisait des reproches, il dit : ,,Le Bon
Dieu m'avait donné la vue pour faire ce que je devais faire, Il me l'a enlevée,
cela le regarde !”… Comme il ne pouvait plus travailler, il pensait récupérer d'un
parent qui habitait Ninive, une grosse somme d'argent qu'il lui avait confiée et
cela en y envoyant son fils; mais le fils était encore trop jeune pour une telle
mission !… Il arriva que recevant un jour un pèlerin, charmant garçon, il lui
confia son souci; alors ce pèlerin, aimablement, proposa d'accompagner le fils
à Ninive afin de récupérer les sous… vous savez qu'en réalité ce compagnon
était l'archange Raphaël, et grâce à lui, le jeune Tobie put aller là-bas récupérer
la somme et, bien plus que cela, épouser la fille de ce débiteur qui était très
riche, cette fille qui, chaque fois qu'elle avait été mariée, avait perdu son mari la
nuit suivante. En effet, sept fois elle s'était mariée et sept fois le mari était mort
en leur nuit de noces, aussi personne ne la voulait plus, bien qu'elle fût belle et
riche… il y avait de quoi !… Mais le compagnon dit au jeune Tobie : ,,Tu vas te
marier avec cette fille et voilà ce que tu feras : au lieu de vous adonner à vos
amours conjugales, vous prierez ensemble le Seigneur”. C'est ainsi que le jour
de la noce tout le monde venait féliciter à l'avance ce suicidé volontaire en se
disant : ,,Demain on l'enterrera”. Non seulement il survécut mais il ramena à
son père, en même temps qu'une fortune, une belle-fille charmante !
Lorsqu'ensuite le jeune homme qui avait accompagné Tobie vint pour prendre
congé, le père dit au fils :
Tu dois lui donner la moitié de la fortune, et c'est là que l'Archange se révéla à
eux :
Non, je n'ai pas besoin de ta fortune, je suis l'un des Sept qui sont sans cesse
devant la face de Dieu pour accomplir ses volontés et j'ai été envoyé par Dieu
parce que tu étais béni de Lui; lorsque tu enterrais les morts, ta prière est
montée vers Lui, mais il fallait que tu sois éprouvé pour que ton exemple,
comme celui de Job, reste pour la suite des siècles.
L'archange remontant au ciel, ils sont alors tombés à genoux pour rendre
grâces à Dieu.
Oui, Messieurs, les épreuves que Dieu envoie à ses meilleurs amis, c'est afin
de les fortifier et de les faire avancer, mais le démon, lui, a un rôle à jouer pour
nous les rendre plus difficiles et méritoires; par contre, c'est le propre du bon
esprit, on le voit très bien dans les histoires de JOB et de TOBIE, de donner du
courage, des forces, des consolations, des larmes, des inspirations et une
inaltérable quiétude rendant tout facile, enlevant tous les empêchements et
tous les obstacles afin qu'on aille de l'avant dans la pratique du bien.
Voilà Messieurs, une règle absolument passionnante, on pourrait la commenter
à l'infini, elle nous montre la vie spirituelle sous son vrai jour, avec ce double
jeu du bon et du mauvais esprit qui est à la base de notre sanctification.
Nous continuerons demain.
*****
N° 41
ASCÉTISME : DISCERNEMENTS DES ESPRITS
(Règles dites de 1ère semaine - Règles 3 à 14)
Nous continuons, Messieurs, les admirables règles du discernement des
esprits qui éclairent beaucoup sur ces problèmes de la vie intérieure : Dans la
première règle qui intéresse ceux qui vont de péché mortel en péché mortel,
mais qui ont la Foi bien entendu, je vous ai montré comment le démon agit
envers eux; comment agit aussi le bon esprit, c'est-à-dire Dieu et ses anges
pour les aiguillonner en excitant en leur conscience des remords par la loi
naturelle de la raison. Dans la deuxième règle, nous avons vu comment le
mauvais esprit agit envers les personnes qui veulent vraiment se sanctifier, en
particulier celles qui viennent, comme vous, faire leur retraite… Nous avons vu
qu'il y avait deux tristesses : une tristesse dynamique venant de Dieu, celle qui
nous porte à suivre son plan avec plus de courage, par exemple une tristesse
devant les péchés des hommes, ces péchés personnels montrant que Dieu
n'est pas aimé. François d'Assise pleurant un jour s'entendit dire :
Pourquoi pleures-tu, Frère François ?
,,Je pleure parce que Dieu n'est pas aimé”; mais il y a aussi la tristesse
décourageante, morbide, qui vient du démon, tristesse qui nous empêche
d'avancer devant les obstacles qu'il nous propose,… le démon est un maître en
camouflage, un artiste illusionniste.
Rappelons-nous que les démons, tout comme les bons anges, n'ont pas de
problèmes naturels. Les démons connaissent à fond tous les problèmes de la
psychologie, des sciences, de la théologie morale, ascétique, mystique, de la
philosophie, de la logique, de la métaphysique, etc… et avec ça une
expérience extraordinaire !… Supposons un Aristote ou un Napoléon qui, au
lieu de vivre 50 ans vivraient pendant des siècles : imaginez l'expérience qu'ils
auraient ! Le démon a au départ non seulement une puissance extraordinaire
mais encore l'expérience de tous les siècles !… Il sait où il faut appuyer dans
l'âme humaine tant et si bien que si le Bon Dieu abandonne parfois un
homme… c'est fini… le démon se permet de se moquer de lui; il s'en amuse et
le fait tourner comme il veut; il connaît à fond notre âme; à l'apprenti en sainteté
il montre qu'il ne pourra pas avancer dans cette voie, qu'il est dans une
impasse, que les ordres de Dieu sont vraiment trop durs, qu'il y a bien quelques
hommes plus ou moins fous qu'on appelle des Saints qui réussissent à passer
mais que pour l'ensemble des autres êtres, c'est bien trop difficile !… il suggère
alors des exemples : montrant les souffrances endurées par les Saints dont
((… on ? …)) a pu lire la vie, de façon à en faire un tableau écrasant, faussant
la perspective, tout comme au théâtre où les décors eux-mêmes font illusion,
un château de cartes« et il fait peur avec cela, créant des obstacles et des
tourments d'autant plus qu'il cache la grâce de Dieu qui est toute puissante et
qui rend tout suave, même la souffrance… Oui, il nous présente un décor de
théâtre et les Saints, eux, qui savaient cela, fonçaient courageusement et les
obstacles s'écroulaient, s'évanouissaient…
Nous allons maintenant voir la 3ème règle :
Consolation spirituelle : ,,J'appelle consolation ceci : quand dans une âme se
produit quelque excitation intérieure grâce à laquelle l'âme en vient à
s'enflammer d'amour pour son Créateur et Seigneur; et quand ensuite elle ne
peut aimer aucune chose créée pour elle-même, mais seulement pour le
Créateur de toutes choses”,
En passant, voyez que saint Ignace nous donne ici la première règle de
l'amour: nous devons tout aimer pour Dieu et les autres choses par rapport à
Dieu; on doit aimer sa femme par rapport à Dieu, la musique par rapport à
Dieu; une chose qui vous écarte de Dieu est un amour illicite, désordonné :
donc, il faut arriver que l'âme en vienne à ne plus aimer une chose pour elle-
même mais seulement pour son Créateur. De même, quand elle verse des
larmes qui la meuvent à l'amour de son Seigneur, soit par la contrition de ses
péchés (et plus nous aurons de contrition de nos fautes, plus nous aurons de
l'amour de Dieu, c'est évident) soit à cause de la Passion de Jésus-Christ
Notre-Seigneur, soit pour d'autres motifs directement dirigés à son service ou
louange. En définitive j'appelle consolation toute augmentation d'Espérance, de
Foi et de Charité (vous voyez, l'augmentation des vertus théologales qui nous
unissent directement à Dieu) et toute allégresse intime qui appelle et attire
l'âme aux choses célestes et au salut, lui donnant quiétude et paix en son
Créateur et Seigneur.
Une joie donc qui vient de Dieu, une joie qui nous ramène à Dieu pour des
motifs proprement divins. Disons rapidement ce que n'est pas cette joie : voilà
un retraitant qui vient pour la première fois alors qu'on lui a parlé de la retraite
en termes plus ou moins ambigus, et il se dit : ah, ça c'est plus sûr ! et il range
dans sa mallette une bonne bouteille de cognac. Effectivement au cours des
exercices, il ressent un mal au cœur tout particulier qu'on n'attrape qu'ici; il boit
donc une bonne rasade dans sa cellule et il éprouve après un bien-être, une
consolation intérieure; évidemment, cette consolation n'a rien à voir avec celle
dont nous parlons !… un autre au cours de la retraite reçoit un télégramme :
,,Loterie Nationale gagné 5'000 NF”, rien à voir avec la joie dont nous parlons…
la consolation dont nous entretient saint Ignace, c'est une joie intime qui nous
ramène à Dieu pour des motifs divins. L'exemple le plus connu dans l'histoire
en est bien le "Magnificat" : La Vierge Marie a appris par l'Ange Gabriel sa
vocation qu'elle ne connaissait pas encore, mais des grâces extraordinaires l'y
avaient préparée et elle apprend qu'elle est choisie; elle accepte, elle prononce
son FIAT (Dieu ne force jamais les âmes) ,,Qu'il soit fait selon votre parole” et à
ce moment-là le Verbe s'est fait chair pour habiter parmi nous. Il est évident
que la Vierge a été inondée d'une joie indicible, d'abord parce qu'elle était déjà
pleine de grâce et que cet apport nouveau dans son sein virginal a dû lui
procurer une joie véhémente qui ne demandait qu'à être partagée. Mais
comment la partager ? Nous savons que la Sainte Vierge était très discrète,
très délicate. Elle n'a même pas parlé de ce mystère à Joseph, elle a gardé ses
lèvres scellées, pourquoi ? Mais parce que le secret ne lui appartenait pas et
elle était trop discrète pour le révéler, mais elle a appris que sa vieille cousine
Élisabeth va devenir mère… et elle part rapidement, nous dit saint Luc,
traversant la Palestine avec les moyens du bord, pour arriver à HEBRON
devant sa vieille cousine, enceinte de six mois déjà. Par les paroles
prononcées à son sujet, Marie s'aperçoit qu'elle est au courant du mystère qui
la concerne : Comment se fait-il, dit en effet Élisabeth, que la Mère de mon
Dieu vienne me visiter ? Alors là, devant quelqu'un qu'elle voit au courant, la
Vierge Marie laisse échapper un cri de joie qui est une merveille, une joie ne
pouvant être partagée par personne,… Reprenez en effet la définition de la
consolation spirituelle et appliquez-la au Magnificat… ,,une joie qui vient de
Dieu, une joie qui nous ramène à Dieu pour des motifs proprement divins”
"Magnificat anima mea Dominum – Mon âme glorifie le Seigneur". "Et exaltavit
spiritus meus, in Deo Salutari meo – mon âme exulte en Dieu" Pourquoi ?
Parce qu'Il a regardé l'humilité de sa servante et que désormais toutes les
nations m'appelleront bienheureuse… Une merveille ü! un cri de joie pour des
motifs divins ! elle voit l'Incarnation, la Rédemption pour le Salut éternel, rien
pour la Terre… Messieurs, si vous faites bien votre retraite, vous devez
éprouver cela, plus ou moins; si cela n'est pas encore, le Bon Dieu aura son
heure… elle pourra ne pas correspondre forcément à nos heures à nous, mais
soyez très vaillants, demandez sans arrêt.… remarquez qu'à chaque exercice
nous demandons cela au St-Esprit, mais pénétrons-nous de cette prière : ,,et
de jouir sans cesse de ses divines consolations”… ce sont ces consolations-là
que nous demandons…
4ème règle : De la désolation spirituelle : j'appelle désolation spirituelle le
contraire de ce qui est indiqué à la troisième règle : l'obscurité dans l'âme, le
trouble en elle, excitations aux choses basses et terrestres, inquiétude de
diverses agitations et tentations qui portent à la défiance, remarquez ici que le
mot défiance n'est pas méfiance, cela veut dire difficultés sur la foi, comme par
exemple celle d'accepter certains dogmes, la laisse sans espérance, sans
amour; l'âme se trouve paresseuse, triste, tiède, comme séparée de son
Créateur et Seigneur. Parce que de même que la consolation est contraire à la
désolation, de même les pensées qui proviennent de l'une sont contraires à
celles qui proviennent de l'autre.
C'est une désolation toute spirituelle que l'on ressent surtout pendant une
retraite (bien qu'elle joue à l'extérieur, mais je vous dirai pourquoi on la ressent
moins à l'extérieur), donc, obscurité dans l'âme, on ne voit plus clair… Exemple
: dans la première semaine vous éprouvez tout cela, de l'aridité (qui est une
forme de la désolation), on pressent qu'on perd son temps; on voit bien que
théoriquement c'est vrai, mais on est mal à l'aise, on est troublé… il s'en suit
des excitations aux choses basses et terrestres qui sont une évasion pour
échapper à ces problèmes dont on pense qu'ils sont insolubles, qu'ils se
suivent comme les vagues dans la mer… vous remarquerez qu'à ce point de
vue cette 4ème règle s'identifie un peu avec la deuxième règle, toutes les deux
étant la conséquence du travail du démon dans l'âme, mais alors que dans la
deuxième saint Ignace nous apprend comment opère le mauvais esprit, dans la
quatrième il nous montre les conséquences, les résultats de son travail dans
l'âme. Lorsque le démon a prise sur une âme, c'est le propre du mauvais esprit,
édicte la 2ème règle, que de causer des tourments, d'attrister l'âme pour qu'elle
n'avance pas, et le résultat en est cette tiédeur et ce besoin d'évasion que la
désolation décrite à la 4ème règle suscite dans l'âme.
Dans la vie courante l'évasion est facile : je me rappelle avoir remonté tout
dernièrement d'Aix en Provence par le train dit "des Alpes", par les bords de la
Durance et là, on aperçoit des hameaux perchés là-haut. Dans l'autorail où je
me trouvais, il y avait deux Marseillaises en face de moi, des vraies ! l'une
d'elles, regardant ces maisons perdues dans les hauteurs dit à sa voisine :
Dis, ma belle, les femmes qu'elles sont là-haut, quand elles ont le cafard,
comment elles font ? Quand tu as le cafard, toi, qu'est-ce que tu fais ?…
Eh bien moi je vais voir les vitrines de la Canebière, et toi ?…
Moi, je vais au cinéma…
Oui, quand on a le cafard, on va au cinéma ou "lécher" les vitrines comme elles
disent, ou encore au Grill-Room prendre une glace… les hommes, eux, vont au
café, ils y prennent un "canon", un deuxième un troisième s'il faut pour noyer le
cafard et davantage même… et par là on échappe un peu… l'évasion !… mais
ici en retraite, l'évasion est très difficile : vous avez bien quelques temps libres
mais vous avez à peine allumé une seconde cigarette que le frère avec sa
cloche… eh ! il faut recommencer à méditer… c'est pénible, voyez… et puis il
va encore nous parler du péché… du péché… et vous ressentez la désolation
comme telle, sans dérivatif aucun… des inquiétudes, diverses agitations et
tentations qui prennent toutes une certaine forme mais qui au fond reviennent à
cela, à des difficultés sur la Foi, pour accepter, par exemple, l'Enfer :
Comment ! un Dieu qui est infiniment bon, se dit-on, comment est-ce possible
que pour un seul péché mortel, etc… laissant l'âme en défiance, sans
espérance : Mon Père, je n'arriverai jamais à me sauver, c'est trop difficile, le
Bon Dieu en demande trop… (vous voyez comment cette 4ème règle met
davantage l'accent sur les situations dans lesquelles se trouve une âme qui
subit les attaques du démon précisées dans la 2ème règle)… On a l'impression
aussi d'être séparé de Dieu; l'âme est paresseuse, on n'a pas envie de prier, on
reste triste… en première semaine je vois souvent des retraitants et on se rend
bien compte…
Alors, ça va ?…
Oui, ça va mon Père… mais rien qu'à voir le nez, les yeux et la façon de
répondre, je vois bien que ça va à l'envers et qu'il a un mal au cœur très
particulier, qu'il est désolé… on est comme séparé de Dieu. Les Saints ont
ressenti cela; ce sont des impressions mais ce n'est pas la réalité ! le Seigneur
aussi a éprouvé cela ! Je vous disais que le meilleur exemple de la consolation,
c'était le "Magnificat" de la Sainte Vierge, mais l'exemple le plus terrible de la
désolation que nous ayons, c'est Notre-Seigneur lui-même, dans sa Passion :
prenez la définition que saint Ignace nous donne de la désolation, nous avons
exactement cela lorsque Notre-Seigneur dit : ,,TRISTIS EST ANIMA MEA
USQUED AD MORTEM – La tristesse que j'éprouve est telle qu'elle me tuerait
si ne (((… ??? ))) faisais un miracle”. Nous savons que Notre-Seigneur a
toujours parlé d'une façon objective et parfaite. Quelquefois, dans nos
expressions, nous exagérons dans nos paroles, nous avons des mots plus forts
que la réalité. Notre-Seigneur Jésus-Christ non ! TRISTIS EST, mon âme est
triste jusqu'à la mort… Il commençait à être dégoûté et ne pouvait plus
supporter… ,,Priez pour moi”… on sent qu'il avait besoin de cela et vous savez
que par 3 fois à GETHSEMANI il est revenu auprès des apôtres pour avoir un
peu de réconfort (une évasion qu'il pouvait se permettre, n'est-ce pas ?) mais
les apôtres étaient endormis !… Notre-Seigneur n'a eu aucune consolation et
sa désolation est devenue telle que sur la Croix Il a laissé échapper ces paroles
terribles : ,,Mon Père, mon Père, pourquoi m'avoir abandonné ?”… Cette
impression que nous avons d'être délaissés par Dieu, Notre-Seigneur lui-même
l'a éprouvée, de telle sorte que la désolation est une chose très pénible ! J'ai vu
cela dans bien des conversions dans notre ministère… Une des plus
spectaculaires et des plus émouvantes est celle que je vous ai racontée hier :
des nuits terribles sans dormir et à la dernière un orage épouvantable avec 6
retraitants qui ont failli s'asphyxier, moi-même avec un anthrax, des
circonstances fantastiques qui ont accompagné cette conversion extraordinaire
et l'intéressé disait lui-même : Je me demande si je serais capable de supporter
cela une seconde fois, car cela m'était intenable et le jour et la nuit… oui, il y a
des cas où la désolation est poussée à son paroxysme; il est bon que vous
sachiez cela, que vous sachiez que même après avoir fait vingt retraites, vous
aurez toujours des désolations… encore une fois, c'est le Bon Dieu qui autorise
le démon à augmenter la dose, mais Il le fait pour nous faire avancer ! Cela ne
montre pas du tout que le Bon Dieu se soit séparé de nous, mais non ! cela
montre simplement qu'il nous met dans l'épreuve pour nous donner ensuite de
très grandes grâces…
Ce matin, j'ai pu vous montrer cette désolation terrible que saint Joseph a eue
au sujet de la Vierge Marie qui était pourtant pour lui plus que sa vie : Marie
n'avait qu'un mot à dire pour éclairer le mystère; elle ne l'a pas fait parce qu'elle
était discrète et que le secret ne lui appartenait pas. Et lorsqu'ils sont arrivés à
Bethléem et que toutes les portes se fermaient devant eux, est-ce que le
Seigneur n'aurait pas pu leur éviter cela ? alors que la Nativité arrivait ?
Réalisez la chose ! Les pères de famille qui entourent de tant de précautions la
mère du petit bébé comprendront mieux ce que pouvait être la Vierge Marie, en
pays étranger, loin de tout, sans espoir de trouver un coin pour mettre l'Enfant
au monde, quelle désolation devait être celle de Joseph ?… Et le départ pour
l'Égypte, en pleine nuit !… Tous les grands Saints ont connu les épreuves et
les désolations, comme si Dieu les abandonnait, mais comprenons-le, ce n'est
pas une marque de réprobation de sa part comme nous le croyons trop
souvent, non ! c'est un état dangereux, c'est vrai, mais c'est une épreuve qui
nous permet, si nous en sortons vainqueurs, d'obtenir de très grandes grâces !
Cependant, cet état périlleux dans lequel nous place l'épreuve sollicite de notre
part, pour le franchir avec succès, de bien connaître ces règles qui nous
montrent le jeu subtil du démon dans son travail dans nos âmes.
5ème règle : En temps de désolation, ne jamais faire de changement mais
rester ferme et constant dans les résolutions et déterminations où l'on se
trouvait le jour antérieur à cette désolation, ou dans la détermination où l'on se
trouvait durant la consolation précédente. Parce que, ainsi qu'en la consolation,
c'est le bon esprit qui nous guide et conseille, de même, dans la désolation,
c'est le mauvais, de par les conseils duquel nous ne pouvons prendre un
chemin qui soit le bon.
C'est nous indiquer que dans la désolation nous sommes influencés par le
démon qui mène l'offensive (avec la permission de Dieu bien sûr). Son
influence peut être plus ou moins grande puisqu'elle peut aller jusqu'à la
possession. Pour les possédés en effet il détient une influence particulière
mais, sans aller jusqu'à ce cas extrême, la règle est, rappelons-le nous, qu'il
provoque la désolation dans les âmes qui veulent se sanctifier, alors dans ces
cas-là, nous dit saint Ignace, il ne faut pas changer de résolution. Il faut tenir
ferme et avec constance. On peut facilement multiplier les exemples
d'application et cette règle pour bien démontrer cette nécessité : lorsque j'étais
directeur spirituel à notre ancienne maison des Mées, un jeune novice qui
connaissait évidemment ces règles et savait les appliquer (le Bon Dieu en effet
éprouve ceux qui seront ses prêtres plus tard par l'expérience personnelle qu'Il
leur impose de la consolation et de la désolation) eh bien, ce jeune novice
m'arrive :
Mon Père, je m'en vais, je n'ai pas la vocation, à quelle heure ai-je mon train ?

Mon cher ami, vous savez bien qu'il n'y a ici qu'un train le matin et qu'un train le
soir, vous ne savez pas ce que vous dites, vous êtes désolé, tout simplement…
Non, je ne suis pas désolé, mais je n'ai pas la vocation et je m'en vais…
Voyons, si vous voulez réfléchir un peu, vous comprendrez très bien que nous
n'avons aucun intérêt à vous garder ici si vous n'êtes pas fait pour… vous
seriez pour nous un poids mort, mais en ce moment vous êtes désolé, la
preuve c'est qu'il est 2 h. de l'après-midi et que vous voulez prendre un train qui
part ce soir à 8 h.… et dans la désolation, on ne fait aucun changement…
Remarquez que chez nous les novices comme les jeunes religieux ou
religieuses les connaissent par cœur ces règles, mais à ce moment-là on les
oublie, on omet de les mettre en application quand on est désolé… alors
sachant cela j'ai essayé de les lui rappeler… il n'était pas bien convaincu mais
sagement il a essayé' quand même de ne rien changer, de garder ses
résolutions en attendant que ça passe et, mis en goût par l'action de combattre
la tentation, il a été vaillant et le désolation est partie, alors moi, lisant sur son
visage, je lui dis : Ah ! nous allons voir à quelle heure part ce train… Il ne
voulait plus en entendre parler… Ainsi donc, ne rien changer. Le démon est
dans l'offensive, il ne faut pas bouger, se maintenir dans l'état où l'on se
trouvait.
6ème règle : Bien que dans la désolation nous ne devons pas changer les
premières résolutions, il y a grand profit à réagir intensément contre la
désolation elle-même. Ainsi, il convient de donner plus de temps à la prière et à
la méditation, d'examiner plus sérieusement sa conscience et d'augmenter
d'une manière convenable la pratique de la pénitence.
Eh oui, puisque c'est le Bon Dieu qui permet cela, ne rien changer à ses
résolutions mais passer à la contre-attaque, c'est l'un des atouts de la méthode
ignacienne pour se débarrasser du démon. Un jeune homme un jour, prêtre à
présent, me dit alors que je lui rappelais cette règle :
Ah, mon Père, si je le tenais là, je lui passerais une de ces volées… il était très
sportif lui-même…
Mais mon pauvre, lui ai-je fait remarquer, ce n'est pas comme ça qu'on réagit
contre le démon; il ne demande qu'une chose, que vous vous mettiez en colère
! non, la réaction à avoir est toute spirituelle et saint Ignace vous dit : Prières,
méditations, malgré le dégoût qu'on peut en avoir à ce moment-là, examens
plus sérieux : pourquoi le Bon Dieu a-t-il permis cela, n'est-ce pas de ma
faute ? Et décider d'un peu de pénitence. Voilà la réaction qu'il faut avoir…
7ème règle : Que celui qui est dans la désolation considère comment le
Seigneur l'a abandonné à ses facultés naturelles pour l'éprouver, afin qu'il
résiste aux diverses agitations et tentations de l'ennemi, car il le peut avec le
secours divin qui toujours lui reste bien que clairement il ne le sente pas. Parce
que le Seigneur lui a soustrait sa grande ferveur, amour immense et grâce
intense, tandis qu'il lui reste cependant la grâce suffisante et nécessaire pour le
salut éternel.
Rappelons-nous, Messieurs, que la désolation fait partie de cet ensemble de
grâces que le Bon Dieu nous destine et comme nous l'avons déjà vu, l'Écriture
Sainte est remplie de faits qui appuient cette doctrine. Dieu éprouve les Saints.
Rappelez-vous l'histoire de Job, celle de Tobie, celle de Daniel, celle
d'Abraham.
Saint Paul dans sa IIème aux Hébreux raconte les souffrances des saints,
l'Imitation de Jésus-Christ aussi : on y voit bien que Dieu ne les a pas
abandonnées et que s'il touche à notre sensibilité c'est pour nous éprouver et
non pas pour nous délaisser. Il faut bien comprendre cela. Voyez ce que dit à
ce sujet le livre premier chapitre 13ème de l'Imitation : ,,Tant que nous vivons
ici-bas, nous ne pouvons être exempts de tribulations et d'épreuves. C'est
pourquoi il est écrit au Livre de JOB : ,,La tentation est la vie de l'homme sur la
Terre”.
C'est pourquoi nous ne devons pas oublier le Principe et Fondement : que nous
sommes en route pour devenir par choix libre ce que Dieu est par nature; nous
sommes en temps d'épreuve; Notre-Seigneur ne nous a jamais dit qu'il nous
rendrait heureux ici-bas et un jour, parlant à Bernadette, la Sainte Vierge a dit ;
Ma fille, je te rendrai heureuse un jour, mais pas ici; ici nous ne le pouvons pas
et le peu de joie que nous avons sur terre – une joie pure – nous ne l'obtenons
qu'en suivant le plan de Dieu, pas plus ! Tant que nous vivons ici-bas, nous ne
pouvons être exempts de tribulations et d'épreuves. C'est pourquoi il est écrit
au Livre de Job dont je vous parlais hier ,,la tentation est la vie de l'homme sur
la Terre” : voilà donc une définition que le St-Esprit lui-même nous donne par
l'Écriture Sainte; chacun doit donc être en garde contre les tentations qui
l'assiègent, veiller et prier pour ne point laisser lieu aux surprises du démon
,,qui ne dort jamais et qui tourne de tous côtés, cherchant quelqu'un pour
dévorer”, c'est une phrase prise dans l'épître écrite par le premier pape saint
Pierre et que l'Église fait répéter tous les soirs à tous les consacrés en lisant
Complies Fratres, Sobril estate et vigilate etc… résistez-lui par la Foi, saint
Ignace ne change rien à cela… Je continue l'Imitation de Jésus-Christ : ,,Il n'est
point d'homme si parfait et si saint qui n'ait quelquefois des tentations, et nous
ne pouvons en être entièrement affranchis”… Sainte Thérèse d'Avila nous dit
que dans les états mystiques les plus élevés, même dans un mariage spirituel
(elle avait reçu un anneau de Notre-Seigneur) elle avait quelquefois des
tentations effroyables d'impureté et seule la pensée de l'Enfer la retenait dans
la vertu… le Bon Dieu permet cela… et nous allons revoir cette doctrine chez
les Saints… Je continue ,,Mais, quoique importunes et pénibles, elles ne
laissent pas d'être très utiles à l'homme (vous voyez là la raison pour laquelle
Notre-Seigneur les permet) parce qu'elles l'humilient (remarquez ainsi que le
plus grand obstacle est l'orgueil) elles le purifient, elles l'instruisent”. Trois
grands offices donc que remplissent les tentations et la désolation. Je continue
et ceci est capital ,,Tous les Saints ont passé par beaucoup de tentations et de
souffrances et c'est par cette voie qu'ils ont avancé; mais ceux qui n'ont pu
soutenir ces épreuves, Dieu les a réprouvés et ils ont défailli dans la route du
salut”.
Vous savez que c'est la même loi de pesanteur qui fait monter les dirigeables
(plus légers que l'air) et qui fait descendre les sous-marins dans les
profondeurs, eh bien la loi de la tentation, dans le domaine spirituel, fait monter
les uns et descendre les autres. Elle fait des Saints et elle fait des damnés,…
une loi, voilà… n'oublions pas cela, la désolation est une épreuve voulue par
Dieu, permise par Dieu pour un plus grand bien; épreuves nécessaires qui font
partie de cet ensemble de grâces que le Bon Dieu nous destine et qui nous
permettront d'arriver au Ciel.
8ème Règle : ,,Que celui qui est dans la désolation travaille à demeurer dans la
patience, qui est contraire aux vexations qui lui surviennent, et qu'il espère qu'il
sera bientôt consolé, pourvu qu'il emploie les moyens nécessaires pour vaincre
cette désolation, comme il est dit dans la 6ème Règle”.
Saint Ignace s'appuie beaucoup sur nos comportements naturels pour édicter
ces règles. Il veut, pour vaincre la désolation, que nous travaillions à acquérir la
vertu de patience parce qu'elle est contraire aux vexations qui peuvent
survenir. Quand nous voulons atteindre un bien dans lequel se complaît notre
volonté, sur la route qui y mène se situent des obstacles qui seront d'autant
plus grands que le bien à atteindre aura de la valeur et que le tonus de la
personne qui le désire sera plus ou moins accentué. Et plus les obstacles
seront difficiles à écarter plus grande devra être notre patience; il pourra même
y avoir de la colère, voire de la violence. Remarquez en passant que toutes les
colères ne sont pas nécessairement mauvaises puisque Notre-Seigneur lui-
même s'est mis en colère pour la gloire de son Père en chassant les vendeurs
du Temple…
Mais de même que sur le plan naturel nous avons des obstacles à enlever, sur
le plan spirituel, pour acquérir une vertu (vertu en latin veut dire force) il y a des
obstacles qu'il faut franchir successivement avec patience pour acquérir cette
vertu; il faudra même se faire violence pour avoir la ténacité d'y parvenir.
Prenez par exemple les enfants qui commencent à apprendre le piano : il leur
faut beaucoup de patience car, au début surtout, ils voudraient déjà jouer de
petits morceaux… non, non ! il faut faire des exercices, des gammes à n'en
plus finir; il faut qu'ils aient de la patience… et les voisins aussi, et les parents !
… pour le violon n'en parlons pas, c'est pire… or, il faut vaincre des obstacles
de plus en plus forts. Pour l'âme, c'est pareil. Reprenons cet exemple : voilà un
enfant qui a quelques dons, au départ, il passe très bien ses leçons; 10 ans
après l'enfant arrivera à vaincre ((((???))) une grande facilité de grands
obstacles… S'il est vrai qu'au début il a eu quelques difficultés à vaincre de
petits obstacles d'ordre objectif et subjectif, une fois formé il arrivera à vous
jouer des études de Chopin ultra-rapides en s'amusant… il arrivera à vaincre
avec facilité de très grands obstacles objectifs… pour l'âme c'est identique : au
début elle peut être déconcertée par de petits obstacles mais au fur et à
mesure qu'elle progresse dans la vie spirituelle elle arrive (comme les Saints) à
vaincre de très gros obstacles placés sur sa route par le démon !… Je vous
rappelle seulement que le Bon Dieu permet à ce dernier de les placer de plus
en plus forts (et sur ce point les démons sont des génies) mais Dieu leur en fixe
la limite à ne pas dépasser, autrement personne n'y résisterait !…
En résumé donc la patience est nécessaire pour l'acquisition de n'importe
quelle vertu, même sur le plan naturel; comme dans le sport, comme pour
n'importe quelle discipline…, dans les casernes, voyez également, on fait des
exercices pour se perfectionner… eh bien le Bon Dieu nous fait faire des
exercices spirituels pour nous faire acquérir des vertus; donc il nous faut tenir
sous l'orage pendant la lutte, dans la désolation surtout, pour arriver à acquérir
les vertus surnaturelles. En bref dans notre spirituelle, c'est le démon qui est
chargé de dresser les obstacles à vaincre, à nous de savoir porter la parade, il
est comme un boxeur qui attend que l'adversaire se découvre pour lui
décrocher ses coups (et soyons persuadés que si nous nous découvrons il ne
nous manquera pas)! nous autres catholiques qui voulons combattre au
premier rang dans nos paroisses… sachons que nous avons à faire à un
ennemi puissant et subtil, c'est pourquoi il ressort de toute évidence que si
dans notre Action Catholique nous laissons de côté les moyens surnaturels
c'est zéro… le démon s'amusera de nous, il nous fera tourner… il nous lancera
dans des nombreuses activités, mais au point de vue sérieux. zéro… Oui, il
nous faut résister par les moyens surnaturels… patience… tous les Saints sont
passés par là…
9ème Règle : Causes de la désolation : il y a trois causes principales pour
lesquelles nous sommes désolés … la première est pour nous punir d'être
tièdes, paresseux ou négligents en nos exercices spirituels. Et c'est alors pour
nos fautes que la consolation spirituelle s'éloigne de nous.
La tiédeur : quelquefois on arrive en retraite pour la ième (((?????))) fois. Je
me rappelle encore ce colonel : à la fin de la retraite il me dit : ,,Mon Père, vous
me croirez si vous voulez (il en était à sa 5ème) jamais je n'ai reçu une volée
de bois vert pareille. Le démon m'a fait valser, tourner, ah ! j'étais fou, j'étais
venu ici en me disant qu'il pouvait venir, le cornu ! et ((fin page 560))

((page 561)) il m'a bien eu… et ce n'est qu'en faisant bien mon examen
comme le recommande saint Ignace que j'ai compris la cause de ma
désolation; je l'ai trouvée dans l'année qui vient de s'écouler : à ma 4ème
retraite, j'avais pris quelques résolutions, et puis ces résolutions… "Ffuit"; j'ai
compris que là était la cause de ma désolation, c'était ma tiédeur dans l'année
au point de vue spirituel, voilà la raison… la tiédeur…
Le prêtre Cassien avait visité les Thébaïdes au 6ème siècle et en avait rapporté
trois livres de conférences qui ont beaucoup influencé l'ascétique chrétienne
venue après. Un jour un abbé de la thébaïde d'Égypte lui disait : voyez-vous, le
démon , c'est un peu comme les mouches, il joue à Belphégor… d'ailleurs en
araméen Belphégor est synonyme de jeu de mouches : lorsque vous mettez de
l'eau bouillante dans un plat, les mouches ne viennent pas, mais l'eau tiède les
mouches l'aiment beaucoup; elles viennent y faire leurs petites choses eh bien,
pour les âmes il en est de même : aux âmes tièdes toutes les mouches
spirituelles viennent, les démons y affluent, ils aiment cette tiédeur, mais aux
âmes brûlantes ils y regardent à deux fois… ils jouent au jeu de mouches…
Seconde raison : Pour nous éprouver, voir ce que nous valons et jusqu'où nous
persévérerons dans son service et louange sans envisager pour cela une
récompense, des consolations ou de puissantes grâces.
Une épreuve : car si le Bon Dieu nous couvrait toujours de grâces dans nos
efforts spirituels cela n'en serait plus une; les séminaires, les noviciats, les
monastères seraient remplis de gourmands spirituels ! C'est que les joies qui
viennent de Dieu, nous l'avons déjà dit, dépassent de beaucoup celles qui
viennent de la Terre et sans arrêt, dans les monastères, tout le monde viendrait
mais le Bon Dieu ne peut pas permettre ça, qu'on ne vienne y chercher que
des consolations,… non, non ! le Seigneur veut des soldats : c'est d'ailleurs la
doctrine qui se dégage de la méditation du Roi temporel que vous avez faite
hier. Dieu ne veut pas des gourmands; il veut des soldats capables de lutter et
de souffrir même jusqu'à la mort, jusqu'au martyre… vous voyez ainsi pourquoi
la désolation doit être pour nous une épreuve…
Troisième raison : C'est enfin une leçon pour nous apprendre et faire connaître,
afin que nous le connaissions intimement, qu'il ne dépend pas de nous
d'appeler ou avoir une dévotion puissante, un amour intense, des larmes, ni
aucune autre considération spirituelle, mais que tout est don et grâce de Dieu
Notre-Seigneur, et pour que nous ne mettions pas notre nid en propriété
d'autrui en laissant s'élever notre intelligence en certain orgueil ou vaine gloire,
nous attribuant à nous-mêmes la dévotion ou les autres formes de la
consolation spirituelle.
Mes chers Messieurs, cette 3ème raison s'appuie également sur une autre loi
naturelle; cette loi c'est que toute richesse nous enorgueillit. Par exemple, le
premier bonhomme qui a gagné à la loterie nationale lorsqu'elle a été établir, je
crois que c'était en 1928, il y a 40 ans bientôt, il s'appelait Bonhoure; il était
coiffeur à Tarascon et avait gagné 5 millions de francs, des francs d'alors ! et à
Bonhoure coiffeur, tout le monde lui tapait sur l'épaule avant qu'il ne soit
l'heureux gagnant mais après que cela lui fut arrivé, on n'avait plus le droit de le
tutoyer il le faisait remarquer aux gens, il fallait dire "Monsieur Bonhoure", il
était riche et avait désormais son auto et, autant que possible, il fallait lui parler
le chapeau à la main, il ne fallait surtout plus lui taper sur l'épaule ! Il s'appelait
désormais Monsieur Bonhoure !… Mais il n'y a pas que la richesse financière
qui enorgueillit; la richesse intellectuelle aussi – je me rappelle quand je faisais
mon service dans les tirailleurs dans le Sud Tunisien, on nous y avait mis les
anciens, nous étions là quelques paysans pas très dégourdis mais 2 ou 3 plus
jeunes, qui croyaient l'être, eux, se mettaient au milieu et d'emblée déjà ils
voulaient tout avaler et tout diriger; on savait qu'ils étaient Parisiens, bacheliers
aussi, on savait surtout qu'ils n'étaient pas les premiers venus et qu'ils faisaient
de hautes études… Bien !… et quelquefois, ces jeunes gens qui font des
études, ils méprisent le bourgeois ventre et nanti… sans se rendre compte
qu'eux-mêmes sont heureux dans la conversation de glisser quelques mots
pour faire comprendre aux autres qu'ils sont au-dessus des autres !… voilà, et
combien d'érudits, de scientifiques, d'écrivains que leur richesse intellectuelle
enorgueillit ainsi… Or, la plus grande richesse que nous puissions avoir, c'est
celle que l'on reçoit dans les consolations, car c'est la possession de Dieu déjà
ici-bas. De telle sorte que si la consolation demeurait toujours dans une âme,
l'âme en deviendrait orgueilleuse et vaniteuse ! Voyez cette admirable réponse
de saint Bernard parlant de Marie-Madeleine embrassant les pieds de Notre-
Seigneur Jésus-Christ :
,,Il m'a été donné quelquefois à moi, misérable, de m'asseoir auprès du
Seigneur Jésus et d'embrasser l'un ou l'autre de ses pieds de ma dévotion
autant que sa bonté pouvait me le permettre; (et ici il compare un pied à
l'amour et l'autre à la crainte) mais si, oublieux de la miséricorde divine,
aiguillonné par ma conscience, je m'attachais un peu longtemps à la pensée du
Jugement, aussitôt, saisi d'une frayeur incroyable, abattu par ma confusion,
environné d'horribles ténèbres dans les profondeurs de mon abaissement, je
ne pouvais tout tremblant que m'écrier : ,,Qui peut connaître la Puissance de
votre colère ? Qui peut, saisi de crainte, la mesurer ?” Mais si, laissant celui-ci
(le pied de la crainte) il m'arrivait de tenir plus longtemps le pied de la
miséricorde, j'étais amolli au contraire par une telle incurie, une telle
négligence, qu'aussitôt mon oraison en devenait plus tiède, mon action plus
paresseuse, ma joie moins modérée, mes paroles plus inconsidérées et tout
l'état de mon âtre intérieur ou extérieur plus inconstant. Instruit par l'expérience,
je ne méditerai plus le jugement seul, ni la miséricorde seule, mais je chanterai
à la fois, Seigneur, votre miséricorde et votre Justice. Éternellement je
n'oublierai ni l'une ni l'autre de vos justifications, elles seront également l'objet
de mes cantiques dans le lieu de mon pèlerinage jusqu'à ce que la miséricorde
étant exaltée au-dessus de la justice, ma misère cesse de parler et que je ne
chante plus dans la gloire que vos seules louanges”.
Voyez comme c'est beau ! Cet équilibre de la justice et de la miséricorde ! Voilà
ce qui arriverait si nous nous réjouissions toujours en Dieu… peu à peu
l'orgueil, la vanité… ça y est ! C'est une montée en flèche… déjà la couronne !
… Non, non ! le Bon Dieu ne veut pas de ça, et sans arrêt la vie spirituelle
alterne la consolation et la désolation; tout comme en physique la théorie
ondulatoire : les ondes envahissent le monde et se suivent sans se
ressembler…
10ème Règle : Que celui qui est en consolation pense comment il se
comportera dans la désolation qui viendra ensuite et qu'il prenne de nouvelles
forces.
11ème Règle : Que celui qui est consolé s'efforce de s'humilier et de s'abaisser
autant qu'il le peut, en pensant de combien peu il est capable au temps de la
désolation, sans une telle grâce ou consolation. Au contraire, que celui qui est
en désolation pense qu'il peut beaucoup avec la grâce qui suffit pour résister à
tous ses ennemis, et qu'il prenne des forces en son Créateur et Seigneur.
Oui, quand Dieu nous accorde quelque consolation spirituelle, il faut la recevoir
avec action de grâce, y reconnaissant le don de Dieu et non notre propre
mérite; il ne faut pas s'en orgueillir et avoir trop de joie, ne pas en concevoir
une vaine présomption; mais que cette grâce, au contraire nous rende plus
humbles, plus vigilants, car ce moment passera et sera suivi de la tentation. Et
quand la consolation nous est ôtée, ne pas se décourager mais attendre avec
humilité et patience que Dieu nous visite à nouveau car Il est Tout-Puissant
pour nous consoler encore davantage… Cela n'est ni nouveau ni étrange pour
ceux qui ont l'expérience des voies de Dieu : les grands Saints et les anciens
prophètes ont souvent éprouvé ces vicissitudes, l'un d'eux l'a dit : sentant la
présence de la grâce il s'écriait : ,,Je vis dans mon abondance, je ne serai
jamais ébranlé”, mais la grâce s'étant retirée il ajoutait : ,,Vous avez détourné
votre Face de moi Seigneur, et j'ai été rempli de trouble”. Dans ce trouble
cependant il ne désespère point, mais il prie le Seigneur avec plus d'insistance
encore en disant : ,,Seigneur, je crierai vers Vous et j'implorerai mon Dieu”; et
recueillant enfin le fruit de sa prière il témoigne qu'il a été exaucé : ,,Le
Seigneur m'a écouté; Il a eu pitié de moi, le Seigneur s'est fait mon appui, vous
avez changé mes gémissements en chant d'allégresse, vous m'avez environné
de joie”. Alors, puisque Dieu en use ainsi avec les plus grands Saints, nous ne
devons pas perdre courage, pauvres infirmes que nous sommes. Quelquefois
nous éprouvons de la ferveur et quelquefois du refroidissement car l'Esprit de
Dieu vient et se retire comme Il lui plaît, c'est ce qui faisait dire au bienheureux
JOB ,,Vous visitez l'homme dès le matin et aussitôt vous l'éprouvez” et voyez,
c'est la même doctrine dans saint Bernard et saint Ignace, cette doctrine
traditionnelle du jeu admirable de la consolation et de la désolation.
12ème Règle : L'ennemi se fait semblable à une femme; il est faible devant la
force et fort devant la condescendance. C'est le propre d'une femme, quand
elle se querelle avec son homme, de perdre courage et de fuir en perdant
courage lorsque l'homme lui tient tête fermement. Au contraire si l'homme
commence à fuir perdant courage, la colère, la vengeance et la férocité de
cette femme sont très grandes et vraiment sans bornes; de même, c'est le
propre de l'ennemi de faiblir et perdre courage et ses tentations s'évanouissent
lorsque la personne qui s'exerce dans les choses spirituelles tient tête
fermement aux tentations de l'ennemi en faisant ce qui est diamétralement
opposé à la tentation. Au contraire, si la personne qui s'exerce commence à
perdre courage sur le coup des tentations, il n'y a pas de bête aussi féroce sur
la face de la Terre que l'ennemi de la nature humaine pour poursuivre son
intention maudite avec autant d'excessive malice.
Saint Ignace emploie ici un langage sublime. C'est qu'il a éprouvé lui-même
avec un grand brio cette façon de faire de l'ennemi. Le démon régulièrement ne
peut rien contre nous, il ne peut pas nous faire pécher malgré nous. Il n'y a
d'ailleurs aucun intérêt, car s'il nous faisait pécher malgré nous il n'y aurait
aucun démérite de notre part. Je vous l'ai déjà dit, de même que le bon ange
ne peut pas nous faire faire le bien malgré nous – il n'y aurait aucun mérite de
notre part s'il le faisait – le démon donc ne peut que nous inciter, nous
entraîner, "aboyer" si vous voulez pour nous faire peur, c'est pour cela que
saint Ignace utilise cette image de la femme. Vous savez que saint Ignace s'est
converti à 33 ans et, à la cour du roi, il connaissait le grand jeu de ces dames
abandonnées de leur amant… eh bien, le démon fait comme elles, il cherche
d'abord à nous terroriser… Quelquefois, le Père BARRIELLE et moi racontons
ce qui se passe parfois à Marseille… Il y a dans cette ville plusieurs marchés
mais dans le Central non couvert se trouvent 700 ou 800 femmes revendeuses
de fruits et légumes qui opèrent dans la grande avenue qui descend vers la
Canebière. Et ces femmes ont un syndicat, le syndicat des "Dames du marché
Central" et vous comprenez bien que Madame la Présidente, ses assistantes,
trésorières ou autres n'ont pas la langue dans la poche et sont les meilleures
interprètes de ce langage tout particulier et fleuri… Lorsqu'elles ont des
desiderata à présenter à la Préfecture, toutes les femmes y vont en cortège :
Imaginez-vous donc la préfecture de Marseille, construite sous Napoléon III, un
grand Palais fait par le baron Haussmann, escalier monumental où se
promènent quelques gardiens de la paix et puis des huissiers aussi avec
redingote, queue de morue, col cassé, et grosse médaille… vous voyez donc
arriver toutes ces femmes en cheveux et quand elles commencent à vouloir
monter l'escalier, l'agent veut se mettre au milieu pour leur barrer le passage,
mais les femmes le bousculent tranquillement : ,,Hé, mon petit, c'est pas toi
qu'on veut voir, c'est le préfet, tu vois,… il nous attend… allez ! je pourrais être
ta mère, laisse-nous monter !…” alors dans les couloirs les huissiers s'affairent,
même chose : ,,Hé, regarde-le,… Monsieur la Médaille ! c'est pas vous qu'on
veut voir, c'est le Préfet”. Enfin, polie quand même, la délégation entre dans le
bureau : ,,Monsieur le Préfet, voilà, nous les femmes de Marseille, nous
demandons ça, il faut que vous signiez”. Imaginez le préfet qui met ses
lunettes, essaie de gagner du temps pour trouver un biais, alors elles
s'impatientent : ,,M. le Préfet, nous sommes braves,… mais si vous ne voulez
pas signer, on est capable de mettre le feu à votre baraque, depuis qu'on
attend…”. Une alors ouvre la porte, toutes les autres étant sur le palier et dans
l'escalier : ,,Y veut pas signer le Préfet !”, alors vous entendez cette rumeur de
800 femmes : hou ! Hou ! Hou !… qui parvient aux oreilles du préfet, et celui-ci
signe enfin le papier… Mais peut-être que s'il avait lu saint Ignace il n'aurait
sans doute pas signé et aurait fait comme mon ancien curé. Nous sommes
toujours à Marseille : à Notre-Dame de la Garde, vous pourrez y voir un bon
vieux curé, 85 ans maintenant, le Chanoine Signoret, un scientifique; en 1898,
au temps de Marconi il faisait lui aussi marcher les sonneries à distance; un
cœur d'or, mais un aspect très froid. Je suis resté 6 ans avec lui et un jour que
j'étais dans son bureau pour parler de la marche de la paroisse, dans la salle à
côté, celle du catéchisme, nous entendons tout d'un coup une scène terrible :
c'était une femme dont la petite avait été refusée à la communion parce qu'elle
ne suivait pas ses cours de catéchisme et qui enguirlandait une jeune sœur à
cornette, lui disant de tout; comme on dit à Marseille, elle la traitait de "poisson
pourri"… eh oui, ma sœur ! je vous arracherai la cornette, moi,… oui; parce que
vous en voulez aux prolétaires. Les curés vous êtes toujours pour les riches,
tout ça parce que nous sommes pauvres, la petite… cette pauvre sœur était
toute décontenancée devant cette femme déchaînée qui voulait voir le "Curé"
pour lui passer quelque chose à lui aussi !… Elle entre dans le bureau et se
met à notre côté pour recommencer : ,,Oui, parce que nous sommes des
prolétaires… mon Curé ne la regardait même pas et au contraire continuait à
converser avec moi… elle de continuer à hausser le ton, mais il arrive un
moment n'est-ce pas où on ne peut plus monter, où on ne peut plus
l'augmenter… tandis que nous continuions à ne pas faire attention à elle… Elle
s'en est finalement aperçue et le ton, au lieu de monter, a commencé à baisser:
baisser: baisser; mon Curé l'a laissée tremper dans son étonnement pendant 3
minutes, comme ça, pendant qu'on continuait à parler de la paroisse et puis,
vous allez voir la suite, tout d'un coup se retournant vers elle – Alors, nous
disions Madame ?… comme ça! Si vous aviez vu la bonne femme, on aurait dit
un pantin cassé, elle tombe en larmes sur la chaise en sanglotant ,,Monsieur le
Cu…ré… monsieur le curé…”. Et au bout d'un moment, quand la crise s'est
apaisée : ,,Mais enfin, Madame, un scandale pareil, une petite sœur si gentille,
qui se dévoue pour tout le monde,… il ne s'agit pas ici de politique ni de
prolétaire… Votre fille ne venait pas au catéchisme, pourquoi exigez-vous un
privilège pour vous, allons Madame !! C'était fini… Le démon, mes chers
Messieurs, fait pareil, on dirait un chien qui aboie, mais il ne peut vous mordre
que si vous jouez avec lui, il est attaché, et si vous n'y faites pas attention, les
ouah, ouah, se feront de moins en moins forts et de plus en plus espacés.
Seuls nous sommes faibles, mais avec la grâce de Dieu nous pouvons tout
contre lui. La vie spirituelle est quelque chose de magnifique à vivre, mais faut-
il en connaître un peu les règles et ne pas nous laisser circonvenir.
13ème Règle : De même, il est semblable à un amoureux frivole qui veut rester
caché et ne pas être découvert. De même qu'un homme frivole qui par des
paroles insidieuses sollicite la fille d'un bon père ou la femme d'un bon mari
veut que ses paroles et ses persuasions restent secrètes, et le contraire lui
déplaît beaucoup quand la fille découvre à son père ou la femme à son mari
ses paroles frivoles et son intention dépravée parce qu'il en déduit facilement
qu'il ne pourra réussir dans l'affaire entreprise; de même, quand l'ennemi de la
nature humaine vient avec ses astuces et persuasions à l'âme juste, il veut et
désire qu'elles soient reçues et gardées en secret, mais quand l'âme les
découvre à son bon confesseur ou à une autre personne spirituelle qui
connaisse ales tromperies et malices du démon, celui-ci en est très contrarié
parce qu'il en déduit qu'il ne pourra réussir dans l'œuvre perverse qu'il a
entreprise, puisque sont découvertes ses tromperies manifestes.
Rappelons-nous que le démon est le prince des ténèbres. Les Pères
missionnaires de Chine qui ont écrit il y a 10 ans "l'Étoile contre la Croix" se
sont servis de cette image en montrant comment font les communistes pour
tromper les catholiques : ils mettent en avant la nécessité du dialogue, puis
discutent avec des phrases à double sens… les paroissiens, pour calmer leur
conscience, prennent cela dans le sens vrai, le bon et puis, un jour, on leur fait
utiliser le mauvais sens, le côté ambigu de l'affaire et on leur impose la
décision… et voilà comme ils sont trompés dans le dialogue… de même une
fille qui commence à être entreprise par un séducteur, c'est toujours pareil, il
arrive à la tromper, si elle n'est pas spirituellement gardée. Il y a là une loi
naturelle, vous la comprenez, mais je vous transpose cet exemple sur un autre
plan, naturel aussi : Voilà le directeur d'une grosse usine qui reçoit une lettre
dans laquelle on lui fait comprendre que si la commande faite à cette usine a
une certaine priorité il pourra, lui, toucher du 2 %. C'est intéressant d'autant
plus que cela passerait inaperçu, question de papiers seulement ! Et lorsque la
commande porte sur quelques centaines de mille francs, c'est évidemment
tentant ! Alors, comme il a un ami qui comme lui est directeur dans une
fabrique – je dis directeur, pas le patron n'est-ce pas – il va le trouver pour lui
dire… Voilà ce qui m'arrive et il lui raconte l'histoire – qu'est-ce que tu en
penses toi, puisque tu es directeur aussi ?… Il est bien possible qu'il reçoive là
un mauvais conseil ! par exemple : Eh bien, mon petit, ce sont les petits
avantages du métier ! tu ne fais mal à personne, question de papiers, mais
qu'est-ce que cela peut faire si tu touches du 2 % !!… 
Cependant, il y a un petit quelque chose qui n'est pas trop clair et si, au lieu de
faire ainsi, de consulter un ami, il va avec sa lettre la montrer au grand patron,
le seul fait de mettre la lettre devant quelqu'un qui a pouvoir, la tentation s'en va
aussitôt !… le seul fait de l'avoir mise à jour elle s'en va !… Mais attention, saint
Ignace vous dit bien que la tentation il ne faut pas la faire connaître à n'importe
qui… je me rappelle à ce sujet une certaine retraite en Bretagne où une
quinzaine d'étudiants étaient venus avec leur aumônier… la présence de ce
dernier a été pour eux une catastrophe ! Vous savez en effet qu'en première
semaine, au début surtout, tout le monde est désolé; alors cet aumônier allait
voir les uns et les autres et au lieu de donner remède à leur désolation, il les
désolait davantage ! Pourquoi ? Parce que l'aumônier au lieu de commencer à
faire sa propre retraite et à garder le silence, ne faisait que parler et discuter; il
manquait sa retraite et la faisait manquer aux autres !… Ces pères de
Chabeuil… l'enfer… tout ça… une véritable catastrophe pour ces jeunes gens
qui parlaient avec quelqu'un qui n'avait pas grâce d'état pour enseigner en ce
lieu à ce moment-là… l'aumônier n'avait qu'à se taire et à faire sa retraite
comme les autres !… parfois aussi certains conseillent à des fiancés que pour
se mettre en confiance il faut raconter toute sa vie passée à sa fiancée… non, il
ne faut pas faire cela ! il y a des choses qu'il faut dire pour ne pas induire votre
fiancée dans l'erreur, mais il y a bien des choses qui n'appartiennent qu'à Dieu
et au confesseur, et non pas à la fiancée !… sur le moment elle vous
remerciera pour la confiance que vous lui témoignez, mais ça la travaillera
ensuite, c'est évident !… il arrive aussi que l'on conseille aux époux de faire
leur examen de conscience ensemble… eh, il y a des choses qu'il ne fait pas
dire à une épouse… imaginez un homme qui dirait à sa femme : tu sais, au
bureau on m'a changé ma veille dactylo, on m'en a donné une jeune, gentille
comme tout, charmante, on l'embrasserait presque !… il est certain que la
femme ne vivra plus dès ce moment… il y a des choses que la prudence
commande de ne pas dire !… Voyez la Sainte Vierge, elle n'a pas dit à saint
Joseph qui pourtant était son époux devant Dieu un secret qui ne lui
appartenait pas, on ne peut le faire qu'à quelqu'un qui est habilité à cela, qui a
grâce d'état pour ça… et nous le remarquons combien de fois dans les
Retraites : le seul fait de venir consulter le Père, la tentation s'en va… je vois
encore cet ingénieur qui dirigeait ces fameux travaux au barrage de Tignes… à
sa première retraite il a eu une désolation terrible et le deuxième jour il veut
s'en aller, prend sa mallette, son chapeau… il se dit toutefois qu'il ne peut pas
partir sans saluer le Père, ce serait inconvenant… alors il va frapper à la porte
de la chambre – c'était le Père Vallet, notre fondateur – celui-ci, le voyant avec
le chapeau à la main lui dit : ,,Vous partez ?” Et l'ingénieur de lui répondre :
,,Non, je ne pars plus”… le seul fait d'avoir frappé à la porte du Père la tentation
s'en était allée; le mauvais esprit, dès qu'il se sent découvert, s'éclipse… donc
mes chers Messieurs, nécessité d'avoir un bon directeur de
conscience… voyez ce que nous dit saint Jean de la Croix : ,,Dès qu'une âme
commence à se sanctifier, à monter dans les voies de Dieu, le démon demande
à Dieu que ses tentations deviennent plus fortes, et le Bon Dieu le permet
parce que cela permet à l'âme de devenir plus forte… je vous rappelle à cet
effet l'exemple du piano – au début on a des difficultés subjectives pour arriver
à vaincre des difficultés objectives mais peu à peu, si on le travaille bien, on
arrive à surmonter de grandes difficultés objectives avec le sourire… et cela
parce qu'on se fortifie; il en est de même dans la vie spirituelle mais pour
monter il faut vaincre les difficultés et pour vaincre les difficultés plus facilement
il faut un bon directeur spirituel… Saint François de Sales disait qu'on les
trouvait entre "guillemets", à plus forte raison à notre époque… mais
demandez-le au Bon Dieu, Il vous le fera trouver, mais rappelez-vous bien que
dans la vie spirituelle il est nécessaire de ne pas rester seul, autrement la
sanctification devient très difficile et il arrive que le démon finisse par tromper
l'âme privée de directeur.
14ème Règle : De même il se comporte comme un chef de guerre pour vaincre
et voler ce qu'il désire, parce que, de même qu'un capitaine et chef d'armée en
campagne établit son camp et examine les forces ou dispositions d'un château
fort et le combat par le point le plus faible, de même l'ennemi de la nature
humaine rôde sans cesse autour de nous, examine toutes nos vertus :
théologales, cardinales, morales et lorsqu'il nous trouve en quelque endroit plus
faible et plus misérable au point de vue du salut, c'est par là qu'il nous attaque
et s'efforce de nous perdre.
C'est la règle qui prépare l'avenir. Au point de vue matériel nous le voyons
aussi dans cette bagarre perpétuelle qui a lieu dans les "business" la
concurrence, les malins cherchant toujours les défauts des autres pour tenter
de les avoir, de les "rouler"… Tenez, pour illustrer cela, au Canada nous avons
un de nos bons amis qui nous a beaucoup aidés là-bas au point de vue
matériel. Il est devenu le plus gros entrepreneur de la région de Québec. Il y a
5 ans environ, une compagnie d'aviation de tourisme périclitait, il a tout acheté.
C'est un homme qui vit comme un ascète, 50 ans, mais un organisateur qu'on
pourrait dire formé à la force du poignet car jeune, il vivait comme trappeur de
côté de la baie d'Hudson, il courait les bois et en un rien de temps, intelligent,
pratique, sobre, il a commencé à parquer et à se gagner des sous. Il me disait :
,,Chaque fois que j'avais un pépin je n'ai jamais accusé les autres mais en moi-
même je réfléchissais : Si tu as un pépin c'est qu'il y a un défaut, et je cherchais
lequel pour pouvoir le supprimer; petit à petit je suis arrivé ainsi à une très
grande force au point de vue commercial, tout en jouant le jeu proprement”. Il a
ainsi réussi à être le plus gros entrepreneur de Québec. Eh bien, sur le plan
spirituel il en est de même… lorsque ça ne rend pas, on regarde d'abord ce qui
ne va pas; donc, en cours de retraite, il faut que vous arriviez à déceler, à
reconnaître vos points faibles pour les fortifier par quelques bonnes résolutions,
peu nombreuses, mais efficaces, afin de les colmater et d'empêcher le démon
de vous accrocher par là… je vous disais hier qu'à la boxe on vous met de gros
gants aux poings. Si vous savez vous en servir, ils feront office de bouclier,
mais si vous vous découvrez, gare ! l'adversaire lui, peut ne pas manquer son
coup… dans votre vie spirituelle il en va de même : si vous faites cela en
amateur et que vous vous découvriez tant soi peu, le démon ne perdra pas son
temps, il vous aura… après tout il fait son travail, à nous de faire le nôtre; celui
d'enfants de Dieu, c'est-à-dire de prendre toutes les précautions utiles pour ne
pas nous laisser rouler en colmatant nos points faibles, tout comme un général
qui doit être attaqué par un ennemi très malin, doit, avant le combat, surveiller
toute la citadelle pour en découvrir les points faibles et les fortifier. Nous
verrons demain, Messieurs, les règles qui conviennent davantage à la
deuxième semaine.
*****
N° 42
ASCÉTISME : DISCERNEMENT DES ESPRITS
(Règles pour un plus grand discernement, dites de 2ème sem. 1 à 8)
Dans les règles de la première semaine nous avons vu que le démon tente de
nous porter au mal en se servant de nos passions non maîtrisées.
Pour les présentes règles il faut bien comprendre le vocabulaire de saint
Ignace… En effet, il ne s'agit pas nécessairement de personnes faisant la
deuxième semaine dans les exercices de 5, 8 ou 30 jours, mais de personnes
ayant les dispositions de la deuxième semaine (même en dehors de toute
retraite) c'est-à-dire de personnes établies dans "l'indifférence" et ayant assez
bien maîtrisé leurs passions. Ces personnes-là le démon va les tenter souvent
sous apparence de bien.
Remarque de saint Jean de la Croix : ,,Quand une personne commence à
marcher dans la voie illuminative, le démon demande à Dieu de lui permettre
de monter des tentations subtiles car les premières ne mordent plus sur cette
âme”.
Du Livre de la Sagesse : ,,Le Seigneur permet”.
Du bienheureux de la Colombière : ,,Quand une âme a décidé sérieusement de
se sanctifier et commence à prendre les moyens pour cela, le démon
s'accroche à ses basques pour l'empêcher d'avancer, du moins pour la freiner”.
Notre-Seigneur au soir du Jeudi Saint : ,,Satan a demandé à vous cribler”.
Ainsi, dans les présentes règles, nous avons des tentations semblables à celles
de la première semaine, mais tout y est plus subtil, plus caché…
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1ère Règle : C'est le propre de Dieu et de ses anges, dans leur influence, de
donner la Vraie joie et le vrai contentement spirituels, enlevant toute tristesse et
trouble que l'ennemi cherche à introduire. Le propre de celui-ci est au contraire
de faire la guerre à cette joie et consolation spirituelle apportant des raisons
spécieuses, des subtilités et continuelles tromperies.
Notre-Seigneur est le Dieu de la joie et de la paix. Par son action directe Il ne
peut donner que cela. De même les anges et les Saints de Dieu. La joie
intérieure spirituelle, fruit de l'Esprit Saint, n'a rien de commun avec cette joie
bruyante et dissipante, pourtant naturelle mais extérieure, que nous pouvons
éprouver par exemple dans une sortie, dans un bon repas, dans ces détentes
où le démon peut trouver à glaner à cause d'un laisser aller, d'un manque de
réserve ou de retenue dans les paroles…
Nous avons déjà vu un peu cela dans la 2ème règle de la 1ère semaine où le
démon cherchait à nous tromper, à nous troubler, à faire de l'obscurité dans
notre âme pour nous empêcher d'y voir clair. De prime abord, on croirait les
règles semblables mais il n'en est rien, c'est maintenant beaucoup plus subtil :
Il s'agit ici de personnes qui se sanctifient, qui avancent dans les voies
spirituelles, c'est pourquoi saint Ignace nous rappelle un principe qu'il est
intéressant de connaître : C'est le propre de Dieu et de ses anges, dans leurs
excitations, de donner la vraie joie et le vrai contentement. Dieu directement, ne
peut être l'auteur de souffrance dans une âme… Dieu et les anges ne peuvent
causer que de la joie, ils ne peuvent faire autrement, mais sachant que
l'épreuve, que la tentation est bonne pour notre avancement, le Bon Dieu se
sert du démon pour cela… C'est une vérité philosophique que Dieu ne peut
donner que la joie mais c'est le propre du démon de faire la guerre à cette joie
par des raisons spécieuses, des subtilités, des tromperies comme le dit saint
Ignace.
On peut citer des exemples de tromperies surtout collectifs : Je pense aux
mouvements Sociaux où des âmes de bonne volonté se dévouent pour relever
les humbles, provoquant des élans de générosité du cœur, mais sont mal
dirigés par la tête; aux revendications sociales, à la justice poussée à l'excès, à
l'activisme : tout cela bon au départ, mais peu à peu on ne s'occupe que des
brebis égarées, et en le faisant on s'égare avec elles oubliant le bercail; des
subtilités, des scrupules surtout, de continuelles illusions prenant toutes les
formes : corruption du sens de certains mots comme "charité"… oui, bien sûr,
c'est la première des vertus, mais s'il en manque une seule par exemple la
Prudence… ou autre… la Charité n'est plus ordonnée, et l'ordre c'est Dieu !…
adaptons l'Église !… oui, mais sous conditions, etc… etc…
2ème Règle : Il appartient à Dieu seul, Notre-Seigneur, de donner une
consolation à l'âme sans cause qui la précède. Parce que c'est le propre du
Créateur d'entrer dans l'âme, d'en sortir, d'y exciter des mouvements, l'attirant
toute à l'amour de sa divine Majesté. Je dis : sans cause, sans aucun sentiment
préalable ou connaissance préalable de quelque objet par quoi lui vienne cette
consolation, moyennant des actes de son intelligence et de sa volonté.
Il appartient à Dieu seul de donner des consolations à l'âme sans cause
précédente… voilà encore là le rappel d'une loi naturelle : lorsque sur le plan
matériel nous avons une joie il y a toujours une cause : ou bien un bon repas,
dans l'euphorie de la digestion cela provoque une joie qui peut être légitime; un
beau tableau, un beau paysage suscitent des joies d'ordre esthétique; la
musique bien rendue aussi, du Mozart, du Beethoven, etc… de même les joies
du cœur avec les personnes qu'on aime : une mère qui revoit ses enfants, un
jeune homme qui va voir sa fiancée, etc… il y a là toujours une cause à l'origine
de la joie mais si, dans la vie spirituelle, une joie survient sans cause c'est
qu'elle vient nécessairement de Dieu; il y a en effet création de joie sans
phénomène antécédent, et à ce moment-là on échappe à ce qu'on appelle le
déterminisme des lois physiques et sa source, dépassant les causes secondes,
ne peut en être que Dieu seul, premier moteur !… Je répète donc la proposition
: lorsque dans la vie spirituelle nous avons une joie sans cause, imprécise mais
très grande parfois, elle vient nécessairement de Dieu; le démon ne peut faire
cela car il ne peut se servir que des éléments que nous lui offrons dans notre
vie…
3ème Règle : Quand une cause a précédé la joie, l'âme peut être consolée
aussi bien par le bon ange que par le démon, mais pour des fins contraires. Le
bon ange console pour le profit de l'âme afin qu'elle progresse et s'élève de
mieux en mieux; le démon au contraire pour l'attirer finalement à son intention
et malices maudites.
Cette Règle prend racine dans la théologie patristique, dogmatique, ascétique
et mystique.
Saint Ignace nous donne là une précision qu'il n'a pas donnée dans les
premières règles; dans les premières règles en effet il nous disait que la
consolation venait de Dieu et la désolation du démon, c'était bien catalogué,
mais dans celles-ci, destinées à ceux qui avancent dans les voies spirituelles, il
précise que la consolation peut émaner du bon ange comme du mauvais…
Pourquoi cette différence ?… C'est que les premières règles concernent les
"commerçants" et le Bon Dieu ne permet pas qu'ils soient trompés sous
apparence de bien… voilà la réponse! Cette tromperie est en quelque sorte
trop forte, trop subtile pour eux, et le Bon Dieu ne le permet pas; elle ne
s'adresse qu'aux personnes assez avancées dans les voies spirituelles… mais
alors, comment ces dernières peuvent-elles savoir si la consolation vient du
bon ange ou vient du démon ?… Saint Jean de la Croix nous répond par ses
Règles : ,,au début, on ne peut pas savoir… vous avez une consolation qui
vous porte à faire telle ou telle chose, qui n'est pas défendue, qui est bonne ?…
Faites-la… mais attention ! veillez sur vous, de telle sorte qu'au premier signe
insolite vous soyez en mesure de bifurquer; le démon n'a pas intérêt à vous
conseiller toujours pour faire le bien n'est-ce pas ? mais, comme disent saint
Jean de la Croix et saint Ignace, veillez sur vous tous les jours et alors, si
vraiment la consolation qui nous a porté à faire telle chose vient du démon,
vous vous apercevrez qu'à un moment donné elle vous conduit à faire des
choses qu'il ne faut pas… Au départ de Paris par exemple, lorsque les trains
quittent une de ces importantes gares, il y a des tronçons communs à tous les
trains d'abord, puis ceux-ci arrivent à s'écarter, à prendre des directions
différentes. Dans cette 3ème règle c'est pareil; dès qu'on s'aperçoit que la
chose proposée par la consolation conduit où il ne faut pas, c'est qu'elle vient
du démon, mais pour déceler cela il faut veiller tous les jours, d'où cette
nécessité absolue du contrôle, de l'examen !
Saint Jean de la Croix raconte comment il a été trompé lui aussi mais comme il
se méfiait il a pu réagir… Sainte Thérèse d'Avila a été trompée également et
c'est pourquoi l'Église nous fait répéter tous les soirs à Complies les paroles de
saint Pierre que je vous citais hier : ,,Fratres, sobril estote et vigilate” tous les
soirs, à tous les consacrés, et même dans l'hymne de Complies nous
demandons aux anges de nous défendre pendant la nuit contre les démons !…
Il est effarant de voir combien de gens, qui se disent catholiques, ne croient
plus au démon, des religieux même, des militants catholiques !… Or, il n'y a
rien de tel pour être battu d'avance dans un combat que d'ignorer l'ennemi et
ses possibilités… Encore une fois, le démon ne peut qu'"aboyer", mais si on
ignore ses possibilités on est battu d'avance !…
4ème Règle : C'est le propre du mauvais ange que de se transformer en ange
de lumière (l'expression est de saint Paul) de commencer avec les sentiments
de l'âme dévote et de terminer par les siens, c'est-à-dire qu'il suggère des
pensées bonnes et saintes en accord avec cette âme juste et ensuite, peu à
peu, il s'efforce de terminer par les siennes attirant l'âme à ses tromperies
cachées et à ses intentions perverses.
Mes chers Messieurs, le démon a trompé beaucoup d'âmes au cours des
siècles, même des âmes saintes… Nous disons le démon, ou mauvais esprit,
au singulier, mais il s'agit en réalité de millions de démons (on ne peut en
évaluer le nombre car le nombre n'est pas "de foi"), mais il est de foi que nous
avons un ange gardien,… on ne peut pas dire que nous avons un "démon
gardien", mais nombreux comme ils sont ils rôdent partout, partout où les âmes
essayent de se sanctifier; rappelons-nous aussi qu'ils sont par leur intelligence
beaucoup plus forts que nous et que tous ces démons sont, comme les bons
anges, constitués en chœurs et hiérarchies et qu'ils obéissent à des puissances
très haut placées (on remarque cela surtout dans des cas de possession), et le
moins que l'on puisse dire c'est que les démons de la dernière hiérarchie n'ont
pas de problèmes naturels; ils connaissent à fond l'âme humaine et toutes
sciences; il leur est donc facile d'entrer dans les sentiments d'une âme… cela
sera un jeu pour lui : par exemple pour quelqu'un qui aime la littérature de le
porter à lire, sous prétexte de formation, n'importe quoi… combien de jeunes
gens qui perdent la foi et les mœurs à cause de cela !… Il faut remarquer que
dans les sciences exactes comme les mathématiques pour ne citer qu'elles, le
démon ne peut guère trafiquer, pourquoi ? Eh bien parce que 2 + 2 = 4, et cette
vérité éclate tout le long des théorèmes… tout ce qui est science sans bavures
le démon n'y peut rien, il ne peut pas nous faire prendre des vessies pour des
lanternes… par contre il y a des sciences – et je pense surtout à la biologie où
il existe des parties conjecturales, dans ces sciences où se greffe tout un
ensemble d'hypothèses, où l'imagination remplace l'intelligence, alors là il ne
perd pas son temps, c'est pour lui un terrain propice…
Remarquez qu'on a besoin d'hypothèses… Henri Poincaré a écrit là-dessus
deux livres admirables sur la valeur de l'hypothèse dans la science; bien sûr
lorsqu'on se trouve devant un mystère biologique ou autre on a le droit de
s'imaginer ce qui pourrait être la vérité, mais il faut rester circonspect en ce
domaine, c'est pourquoi le Pape Pie XII dit bien qu'on ne doit jamais donner
comme vérité ce qui n'est qu'hypothèse… l'évolution par exemple et bien
d'autres choses qui ne sont qu'une série d'hypothèses plus ou moins
branlantes… oui, c'est ainsi que dans ces parties conjecturales des sciences le
démon "trafique" tant qu'il peut, il travaille… il aide l'erreur à se propager tant
qu'il peut depuis un siècle au point de vue biologique avec l'évolution… alors
qu'au point de vue scientifique c'est une fumisterie car rien n'est moins prouvé,
cela ne tient pas debout, mais on y constate le travail du démon qui a essayé
par là de miner les positions de l'Église, l'origine de la GENÈSE, l'origine de
l'Homme… on remonte comme cela à 500'000 années et puis on saute,
pourquoi pas ? à 500 millions d'années ! c'est facile, sans preuves, sans
sérieux. le Pithécanthrope et assimilés, un vrai "bourrage de crâne" !… Un
certain M. Brounw faisait des fouilles du côté de Johannesburg et un gamin
avait trouvé des fossiles humains…? et, en effet, un gosse lui porte 2 dents
avec un petit morceau d'os frontal. Aussitôt, alors qu'on se moquait encore de
Cuvier qui avec une dent refaisait un ancêtre, le Diplodocus je crois, Brounw se
met à faire pareil et il invente, lui, l'australopithèque, comme un autre en Chine
le Sinanthrope… c'est comme en Dordogne il y a quelques 15 ans : un
bonhomme creusant dans une carrière à demi-obscure, a retiré une sorte d'os;
comme dans la région on avait fait quelques découvertes similaires on a averti
le contremaître de cette trouvaille en lui faisant savoir qu'il s'agissait sans doute
d'un fossile intéressant ! Il est donc venu, a pris l'os entre ses mains et ce
dernier est tombé en poussière !… Deux ans après, un religieux, soi-disant
spécialiste de la question a su cela et est venu à la carrière faire son enquête
auprès des carriers; on lui a dit que c'était peut-être l'os d'un crâne humain
mais qu'il était tombé en poussière en le manipulant; cela ne l'a pas empêché
de faire aussitôt un gros article là-dessus (que je conserve d'ailleurs) paru dans
"La Croix" : ,,Enfin écrivait-il, nous avons découvert le NEANDERTAL dans la
Dordogne !” cela bien entendu avec beaucoup de sauce autour !… A l'origine,
qu'y avait-il ? Un fragment d'os vu dans la demi-obscurité d'une grotte,
fragment qui s'est mis en poussière dès qu'on l'a touché, alors avec cela on
bâtit :… ,,nous sommes heureux qu'en France, après le "CRO-MAGNON",
après le "GRIMALDI" etc… etc… ne croyez-vous pas qu'on se moque de
nous ?… Comment ? un os qu'on a à peine vu et qui est tombé en poussière,
avec ça vous reconstituez un NEANDERTAL français ?… le moins que l'on
puisse dire c'est que ce n'est pas sérieux… c'est là voyez-vous que le démon
travaille tant qu'il peut… comme dans une certaine partie des sciences
nucléaire, astrophysique, chimique… Elles deviennent telles, ces sciences, que
les têtes humaines, pour ramasser toutes les hypothèses qui les concernent et
faire une théorie qui tienne et puisse tout prévoir n'en sont plus capables ! il
faudra un jour recourir à l'électronique pour y arriver, et là le démon (qui
connaît cela à fond) trafique tant qu'il peut ! Il a pour cela une puissance
formidable : il n'y a qu'à voir comment, avec l'évolution, il a fait valser les gens à
l'aide de toutes ces hypothèses qu'on veut établir comme vérités (depuis un
siècle surtout) et qui finalement sont contredites par de nombreux faits. Au
fond, avec cela il tend à détruire les bases de la GENÈSE… Oui, au cours des
siècles, le démon a trompé un grand nombre de personnes d'expérience
pourtant, même des Saints !
Citation de saint Jean de la Croix :
Quelques-uns parce qu'ils usent de leurs biens spirituels peu intérieurement et
en familiarité avec leurs sens rencontrent des obstacles et des dangers plus
grands que ceux du début. En effet, ils trouvent alors à pleines mains tant de
communications et perceptions spirituelles à la fois selon le sens et l'esprit qu'il
leur vient fréquemment des visions imaginaires ou spirituelles. Or, tout cela et
d'autres sentiments savoureux qu'ils éprouvent en cet état ne sont que des
suggestions du démon et de l'imagination qui induisent l'âme en erreur. Le
démon surtout, qui se plaît à ces duperies imprime dans l'âme un goût si vif
pour de telles perceptions et semblables sentiments qu'il la ravit et la trompe
aisément car elle n'est si avisée ni si prudente pour se défendre de cela en
s'inspirant de la Foi, c'est le moment qu'il juge favorable pour présenter des
visions et des fausses prophéties, faisant croire à des conversations avec Dieu
et les Saints. Dans cet état le démon enfle leur présomption, les remplit
d'orgueil tandis qu'eux, emportés par la vanité et l'arrogance, s'étalent en actes
extérieurs qui paraissent trahir la Sainteté, comme sont les ravissements et
autres effets visibles. Ainsi ils deviennent hardis avec Dieu, perdent la crainte
respectueuse, sauvegarde de toutes les vertus. Quelques-uns s'engagent si
avant dans les suggestions du démon et s'y endurcissent avec le temps à tel
point que leur retour à la simple vertu et au véritable esprit de piété est fort
douteux. Ce sont là les misères où tombent ceux qui dans le chemin spirituel
prennent l'habitude de s'abandonner avec une assurance excessive (alors que
leurs progrès ne sont pas affermis) aux perceptions et sentiments spirituels.
Cette matière est inépuisable et ces malheurs d'autant plus incurables que ces
âmes les prennent pour des perfections spirituelles (Montée du Carmel).
Une remarque cependant. Je vous disais que dans les sciences conjecturales
le démon travaillait beaucoup mais parallèlement, il n'y a rien de plus
mystérieux que la science des Saints… la mystique est une chose très
mystérieuse et ce que dit saint Jean de la Croix, seuls les mystiques le
comprennent bien. Certes, on a grand bien à lire saint Jean de la Croix ou
sainte Thérèse, mais ils se meuvent dans un monde très différent du nôtre que
nous ne pouvons concevoir que par analogie parce que beaucoup plus riche,
un monde que les mots humains, même chargés à éclater, expriment
difficilement… Le démon donc, qui excelle à utiliser les sentiments de l'âme
arrive à la mettre dans le ravissement et à la tromper si elle n'est pas assez
forte pour se défendre en s'inspirant de la foi. Et Notre-Seigneur permet ces
actes pour rendre plus profonde l'humilité de ces Saints, pour les mettre en
défiance contre eux-mêmes, contre leurs propres forces… L'Imitation de Jésus-
Christ dans son chapitre 13ème du livre III nous dit aussi :
Nous avons peu de lumière et ce peu il nous est facile de le perdre par notre
négligence et présomption. Tous les Saints ont passé par beaucoup de
tentations et d'épreuves et c'est par cette voie qu'ils ont progressé mais ceux
qui n'ont pu supporter ces épreuves, Dieu les a réprouvés et ils ont défailli dans
la route du Salut.
Maintenant quelques exemples :
Sainte Catherine a été trompée pendant 3 ans. Dans le couvent du Monastère
il y avait un crucifix de bois et au moment où elle passait il se penchait vers elle
en lui disant : ,,Ma fille, tu m'as ravi le cœur”. Elle croyait que cela venait de
Dieu mais son confesseur était convaincu du contraire. Elle a obéi à son
confesseur et au bout de 3 ans Notre-Seigneur lui est apparu en lui confiant
que tout cela venait du démon et qu'elle avait bien fait d'obéir à son directeur
spirituel. Sainte Thérèse d'Avila dit dans "Sa vie par elle-même", qu'elle a été
trompée par le démon… Je vous citerai le cas de Madeleine Lacroix, très
connu, un des plus effarants au cours des siècles : à 12 ans, il y avait déjà des
merveilles dans sa vie…, elle était stigmatisée ( à ce propos d'ailleurs il est bon
que vous sachiez qu'au cours des siècles on a connu environ 1'200 stigmatisés
mais que, sur les autels, il n'y en a pas 3 douzaines !) elle faisait aussi des
mortifications effarantes et entre aux Clarisses toute jeune. Ses sœurs,
persuadées d'avoir une sainte parmi elles, la désignent comme supérieur,
abbesse, puis provinciale des couvents des Clarisses d'Espagne. Elle devient
l'oracle de tous les couvents franciscains de ce pays, les rois, les pontifes
mêmes, la consultaient sur leurs problèmes; c'est elle qui bénit la robe de
baptême de Philippe II, fils de Charles-Quint, c'est dire l'importance qu'on lui
donnait; elle déchiffrait des secrets impénétrables, les péripéties de la bataille
de Pavie par exemple : François Ier vaincu par Charles V, les impériaux entrant
à Rome; elle décrivait au fur et à mesure des choses qui se passaient à 800 km
de l'autre côté de la Méditerranée; au moment de la communion, l'hostie arrivait
à ses lèvres sans le secours du prêtre. Elle avait 42 ans et trompait l'Espagne
depuis 30 ans ! Lors d'une grave maladie on lui demanda de faire selon les
exigences de la règle une confession générale pour recevoir le viatique…
Réaction terrible de sa part devant la mort :… elle guérit cependant, mais son
confesseur et aumônier avait remarqué des choses très curieuses !… Elle fut
jugée et en effet avoua avoir à 12 ans accepté avec discernement des plaisirs
sensibles de la part du démon. Jeune fille elle s'était livrée corps et âme à lui et
avait fait pacte pour obtenir le don des prodiges, des révélations et des
macérations sanglantes, etc…
Jugée à huis-clos parce qu'il y avait des détails qu'on ne pouvait divulguer, elle
fit amende honorable à la cathédrale de Cordoue et se convertit. Il est facile au
démon (n'oublions pas que c'est un ange déchu ayant conservé sa puissance)
de voir ce qui se passe à 800 km; son intelligence va plus vite que l'éclair… il
lui est facile de prendre une hostie sur les mains du prêtre et de lui faire faire 10
mètres… Nous ne voyons pas la source du prodige, mais elle existe.
Le Père Ribadeneyra raconte qu'au temps de saint Ignace, à Bologne, une
jeune religieuse avait des extases pendant lesquelles elle était insensible à la
chaleur; des stigmates, la tête percée comme par une couronne d'épines; elle
semblait partager toutes les douleurs de Notre-Seigneur pendant la Passion.
Ces faits étaient connus de tous, étaient indéniables… un Dominicain,
chapelain du couvent, consulta saint Ignace à la Compagnie de Jésus le 22 mai
1553 : ,,Mon Père, lui répondit saint Ignace, je ne puis vous dire autre chose :
l'obéissance de cette religieuse à sa supérieure me paraît être ce qu'il y a de
plus remarquable en elle”, puis, dans l'intimité, il dit à Ribadeneyra qui l'avait
recueilli étant jeune page : ,,vous savez, ces merveilles sont rarement opérées
dans une âme, trop souvent, c'est Satan qui se joue des pauvres mortels,
avides de nouveautés”. De fait, cette fille eut une fin misérable… Ce même
Père, qui a écrit la première vie de saint Ignace, rapporte aussi que de son
temps on voyait de nouveau en Espagne, de nombreux exemples de femmes
qui étaient ravies, stigmatisées, donnant des marques de sainteté, trompant le
peuple, même les grands et les savants.
D'après saint François de Sales, dans ses lettres à Madame de Chantal au
début du 17ème siècle, il y a le cas de Nicole Tavernier à Paris. Il s'agissait
alors des guerres de religion : Henri IV était roi de France et à ce moment-là
cette Nicole était ouvrière au couvent, considérée comme une thaumaturge et
une Sainte. A Paris, elle étonnait les docteurs de Sorbonne en parlant de
l'Écriture Sainte alors qu'elle n'avait fait aucune étude. Elle avait des visions,
des extases, des révélations; elle ne mangeait pas, multipliait les pains (des
pains délicieux) à tel point que son confesseur – un franciscain pourtant très
averti et très austère – lui envoya des amis par dévotion… Elle disparut de
paris pour aller à Tour renseigner l'évêque et revint en une heure, sans moyen
de locomotion. Le fait fut prouvé. On la consultait de partout; les grands du
royaume, les évêques aussi l'estimaient et beaucoup se recommandaient à ses
prières… Elle parlait sans cesse de pénitences, passait des nuits entières
devant le Très Saint Sacrement; demandait que chacun sortit du péché, que si
l'on se repentait les calamités publiques cesseraient bientôt pour la France; à
sa voix le peuple se confessait et communiait… Elle organisa à Paris des
processions publiques de pénitence; tout le Parlement y assista et vous savez
l'importance du Parlement à Paris au début du 17ème siècle ! mais arriva à
Paris Madame Acarie, la bienheureuse Marie de l'Incarnation, la réformatrice
du Carmel en France, une vraie sainte et mystique… Dès que Madame Acarie
fut à côté de Nicole Tavernier elle dit à son directeur spirituel : ,,Cette fille n'est
pas de Dieu…”.
Comment ? Vous ne voyez donc pas qu'à sa voix tout le monde se confesse ?
Non, elle n'est pas de Dieu… et elle tendit un piège à Nicole, c'est-à-dire qu'elle
lui donna une lettre à remettre à un archevêque qui devait la visiter le
lendemain; donc Nicole ne devait pas ouvrir cette lettre… mais en fait elle
l'ouvrit, et le lendemain, alors que des témoins se trouvaient derrière les
tentures, Madame Acarie mit fin à la comédie en reprochant à la sœur d'avoir
ouvert la lettre destinée à l'archevêque et elle lui en donna la preuve… Aussitôt
le démon quitta Nicole Tavernier qui put quitter le couvent et se marier avec un
protestant… Cependant avant son départ, comme elle était un peu "bécasse"
alors que la première dont je vous parlais, Madeleine Lacroix, était intelligente,
on réussit donc à savoir un peu ce qui s'était passé : c'était le démon qui s'en
était servi pour faire installer autour d'elle un mouvement religieux destiné à
détruire la Compagnie de Jésus, c'était le but… Le démon est capable de faire
faire un très grand bien pour supprimer un bien immense et ce n'est qu'au
siècle suivant qu'il réussira et arrivera à ses fins: celles d'obtenir la suppression
de la Compagnie de Jésus, tout cela préparé par un travail qui serait admirable
s'il n'était démoniaque…
Des cas comme celui-là, au cours de l'histoire, on en connaît… on en connaît !
… C'est pour cela, mes chers Messieurs, que l'Église est très circonspecte
dans ces choses-là … Voyez pour Fatima… elle est allée très doucement… En
ce moment-ci c'est GARABANDAL, beaucoup y courent après, attendons… il y
a beaucoup de choses qui y sont pour le moins bizarres; il n'est point la peine
de faire de très hautes études théologiques pour le constater et voir que c'est
drôle !… La Sainte Vierge, elle n'est pas pressée !… le fait de Fatima on ne l'a
su en France que 17 ans après, alors, attendons !… Le curé Peyramale l'avait
dit à Lourdes à Bernadette… attendons !… oui, l'Église est d'autant plus lente à
se décider qu'elle sait très bien que les Révélations divines essentielles sont
closes avec le dernier apôtre… Il ne peut y avoir rien de nouveau ! Peut-être
quelques révélations privées qui engagent les âmes intéressées par elles… Si
l'Église intervient à leur sujet nous pouvons y ajouter foi, mais dans le cas
contraire, les Saints nous disent qu'a priori il faut toujours nier que cela vient de
Dieu, tous : Saint François de Liguori, saint Jean de la Croix, sainte Thérèse
d'Avila, saint Ignace, etc… mais alors on dira : mais pourtant, si ça vient de
Dieu ?… Eh bien, si ça vient de Dieu, le Bon Dieu s'arrangera toujours pour
que sa volonté soit faite, voilà, nous ne perdons rien en le niant… Regardez !…
le démon s'est servi d'une gamine pour faire défaillir saint Pierre dans la cour
de Caïphe; pour faire soulever le peuple d'Antioche de Pisidie contre saint Paul
: Simon le Magicien et son Hélène…, le grand Tertullien lui-même a été trompé
par deux femmes Priscille et Maximille. Il en est arrivé à écrire dans son "Traité
de l'âme" : ,,une de nos sœurs, favorisée du don de révélation, a vu une âme
qui se montrait corporellement. Elle semblait un esprit d'une qualité réelle et
opaque. Elle pouvait être saisie, ayant forme humaine !!… Trompé par ces
femmes, le grand Tertullien devait finir montaniste et spirite et terminer sa vie
dans l'hérésie et la révolte…
Bossuet a un admirable sermon au sujet du démon où il rappelle que si dans
les pays païens les gens accouraient à Delphes et à Corinthe dans ces grands
centres païens, c'est qu'il y avait des miracles… pas des miracles proprement
surnaturels, mais des miracles supra-naturels… Un livre que je vous conseille
beaucoup explique bien les différences entre ce que le démon peut faire et ce
qu'il ne peut pas faire. C'est le plus beau livre que je connaisse sur Lourdes au
point de vue théologique, philosophique et médical, par le docteur Lebeck,
réédité par le docteur Leuret : "Raisons médicales de croire au miracle"… C'est
ainsi que beaucoup de choses qui se passent par exemple avec Thérèse
Neumann, le démon peut le faire ! attention !… je dis pas que cela vient du
démon, je n'en sais rien ! mais je vous dis simplement ceci : au cours des
siècles, tout ce qui s'est passé pour Thérèse Neumann et même pour le Padre
Pio s'est passé pour d'autres qui ont été trompés. Je ne dis pas non plus que le
Padre Pio trompe et je pense personnellement que c'est bien un homme de
Dieu d'après l'ensemble de ce que l'on connaît de lui notamment de ses vertus
d'obéissance et d'humilité, et que ces vertus sont de très grandes choses, mais
je le pense pour cela et non pas par les prodiges qui ont fait courir les foules !…
L'humilité !… il y a des cas très beaux : Saint Philippe de Néri était un grand
mystique aussi, le fondateur des oratoriens; il était à Rome et était très ami de
saint Ignace. Un jour, les cardinaux étant divisés au sujet d'une religieuse qui
avait des visions, ils se sont dits ,,Philippe nous donnera la solution” et comme
on sollicitait son avis, il demanda à la Supérieure de faire venir la religieuse au
parloir; au bout de quelques minutes, il voit arriver cette jeune sœur… il la
regarda sous le nez et lui dit :
Mais ce n'est pas vous que je veux voir, je veux voir la Sainte voyante…
Mais c'est moi, mon Père !!…
Ah ! c'est vous la Sainte ! merci… il est allé prendre son chapeau et confia aux
Cardinaux : ,,Ce n'est pas de Dieu cela…”. Elle, la pauvre, en toute… humilité ?
avait répondu ,,C'est moi la Sainte” !…
Une autre fois, le même saint Philippe était directeur spirituel d'un pénitent qui
lui confia que la Sainte Vierge venait le voir quelquefois la nuit dans sa
chambre, ce qui le remplissait de joie et de lumière !… Alors Philippe de lui dire
: Écoute, la prochaine fois qu'elle viendra tu lui cracheras au visage… Elle
revint la nuit suivante lui parlant de Dieu, mais se rappelant la promesse faite à
son directeur : ,,Ah ! c'est dur de lui cracher”, mais enfin il le fit, et elle disparut
dans un nuage de soufre. Bien ! Il réussit quand même à se rendormir, mais la
même nuit il se réveilla à nouveau la chambre pleine de lumière avec la Sainte
Vierge qui lui souriait, mais remarquez le détail : elle n'était pas cette fois assise
sur le lit : elle était dans un angle de la pièce et comme il voulait cracher à
nouveau, il s'entendit dire : ,,Crache sis tu peux maintenant” ! il n'a pu le faire
car elle était trop loin, mais elle le félicita de son obéissance à son directeur
spirituel… c'était le démon… Eh oui, il faut toujours obéir à son directeur
spirituel car le démon est très malin. Les cas de ce genre sont très nombreux :
un riche avocat de Paris, au siècle dernier, Maître Issoire, a consacré une
partie de sa vie à écrire six volumes inspirés de documents officiels étudiés
avec plus de 300 cas de stigmatisées de religion chrétienne. En général, ils
venaient du démon. Encore une fois le démon peut faire des merveilles, des
prodiges supra-naturels non seulement en chrétienté mais même à Bénares, la
ville sacrée de l'Inde tout comme sur la pierre noire des musulmans. Il importe
donc de savoir distinguer ce qui vient de Dieu de ce qui vient du démon et le
livre du docteur Lebeck que je vous citais est admirable à ce point de vue.
Ainsi pour en revenir à notre 4ème règle, le démon est capable de faire des
concessions à la vérité, même sur des points très importants pour amener par
là les gens confiants à se laisser entraîner à ses fins.
A plus forte raison dans les périodes de troubles politiques et sociaux où sont
soulevées des questions très délicates. Lorsque des gens d'Église agissent
alors avec passion, il y a pour eux danger d'erreurs et le démon trouve là un
terrain éminemment favorable pour son travail et trouble bien des âmes en
jouant sur de multiples tableaux. Le mauvais esprit pousse l'âme au bien pour
lui donner confiance et l'amener ensuite à ses fins coupables. Il lui inspire de
grands mouvements de dévotion et lui fait éprouver des consolations sensibles
dans l'oraison pour l'amener à des exagérations, de lui faire quitter les voies
communes, de lui épuiser le corps par des pénitences et lui rendre ensuite la
vertu insupportable. C'est ainsi qu'il a commencé avec tous les illuminés, les
hérésiarques qui étaient tous prêtres ou religieux, au début généralement
instruits et même pieux, comme Luther par exemple…
5ème Règle : Nous devons bien prendre garde au déroulement des pensées
suggérées et si le commencement, milieu et fin sont entièrement bons, tendant
entièrement au bien, c'est signe qu'elles viennent du bon ange, mais si dans le
déroulement des pensées suggérées on arrive à quelque chose de mauvais ou
de dissipant ou de moins bon de ce que l'âme s'était auparavant proposée de
faire, ou quelque chose qui affaiblit ou inquiète ou trouble l'âme, lui enlevant la
paix, tranquillité ou quiétude qu'elle avait auparavant, c'est un signe clair que
ces pensées procèdent du mauvais esprit, ennemi de notre profit spirituel et
salut éternel.
Cette règle souligne avec force la nécessité de contrôle journalier. Nous
devons examiner avec grand soin la suite et la marche de nos pensées et cela
suppose un journal spirituel quotidien car il y a des pièges qui portent sur des
mois, sur des années !… et si cela vient du démon, tôt ou tard le cours
changera, on finira par le déceler. Pourquoi ?
a) parce que Dieu ne peut pas permettre que le démon fasse une chose
parfaite…
b) le démon ne le peut pas et ne le veut pas : il ne serait plus le démon !
Si donc nous décelons une suite mauvaise ou seulement dissipante, c'est une
marque évidente que cela vient du démon. Jamais le bon esprit n'amène à
moins bon…
Le démon étant le prince de l'orgueil, son influence sur une âme tend toujours
plus ou moins à l'orgueil… Il tente par des inspirations qui portent à l'orgueil, à
se croire plus que les autres, à se séparer des supérieurs, à garder son "moi"
propre. Tout cela vient de lui.
Par contre l'amour à la Règle, à la vocation, à la soumission et l'obéissance aux
Supérieurs et aux Pères Spirituels vient du bon esprit…
Cette 5ème Règle est aussi un rappel du principe philosophique : BONUM EX
INTEGRA CAUSA MALUM EX COCUMQUE DEFECTU – Pour qu'une chose
soit bonne il faut que tous les éléments qui la composent soient bons, une
chose est mauvaise si un seul élément essentiel qui la compose est mauvais.
C'est ainsi que dans la vie spirituelle, si une seule chose fait défaut, cela vient
du démon. Les exemples sont innombrables, surtout en France, de l'oubli
tragique de cette règle de bon sens : de plus en plus on dévalorise le spirituel
au profit du matériel, et cela sous tous les prétextes… de plus en plus, dans un
certain apostolat on pousse les âmes à un pur rendement humain et le divin est
négligé, si non incompris…
Exemple : dans "Âme de tout apostolat", il est rappelé que le Père Timon David
appelait les moyens de conquête purement humains tels que fanfares, théâtre,
sports de compétition, etc… des "béquilles" dont il vaut mieux se passer… Si
les R.P. de TIMON DAVID, sous les prétextes les plus valables, se lancent
dans des réussites de cet ordre, ils ont beau se faire illusion, cela n'aboutira
qu'à des dévalorisations où le démon travaille… Et à plus forte raison des
formes d'apostolat encore plus étranges : apostolat de bals, de cinéma, de
lecture de livres nouvellement parus pour en donner un compte rendu, Vertus
actives opposées aux vertus passives, alors que les premières ne sont que des
vertus naturelles qui, remarquons-le, n'ont jamais fait de Saints ! Tandis que les
autres découlent des "Béatitudes". Avec de bonnes paroles et des arguments
sophistiqués dont certaines revues – mêmes catholiques – sont remplies, on en
arrive à légitimer toutes les positions extravagantes…
Saint Ignace est le Patron principal des "Exercices Spirituels", que dirait-il de
ces retraites de foyers et de fiancés faites ensemble ? Son sentiment est clair
dans la vingtième annotation où il précise entre autres que toute sollicitude
terrestre doit être évitée… Certaines mouvements passent toute leur activité
aux revendications sociales… que de choses dissipantes, troublantes même
dans l'apostolat tel qu'il est conçu par certains apôtres modernes ! Ils en
arrivent même à l'admettre comme quelque chose de nécessairement
dissipant… la dissipation fait alors partie de l'apostolat, c'est presque un de ses
buts, par exemple, on peut même et il faut lire les livres à l'Index pour "se
former" ! C'est une dissipation qui éloigne de Dieu, qui laisse la quiétude
indispensable à l'âme pour tout travail surnaturel et cela malgré le "jargon"
religieux qui demeure mais dont on ne comprend plus le sens…
Comme le remarque Dom Chautard beaucoup se lancent dans ce prétendu
apostolat, dans cette dissipation voulue comme telle, désirés comme un opium
et, pour arriver à échapper à eux-mêmes et à Dieu, ils arrivent à trouver plus
faciles les fatigues plaisantes d'œuvres dissipantes qu'un quart d'heure
d'adoration devant le Très Saint Sacrement !
Pourrait-on trouver beaucoup de prêtres et de militants lancés dans cet
apostolat qui connaissent vraiment cette paix dont parle Saint Paul : celle qui
dépasse tout sentiment avec la tranquillité intérieure et la joie et la solitude
avec Dieu ?
Sixième Règle : Quand l'ennemi de la nature humaine aura été senti et reconnu
à sa queue de serpent et fin mauvaise à laquelle il induit, il y aura profit pour la
personne qui a été par lui tentée à examiner ensuite le déroulement des
bonnes pensées qu'il lui a suggérées, et leur commencement et comment peu
à peu il s'est efforcé de la faire descendre de la suavité et contentement
spirituels où elle se trouvait jusqu'à l'amener à son intention dépravée afin que
grâce à cette expérience là, connue et remarquée, elle se garde désormais de
ses tromperies habituelles.
A nouveau Saint Ignace nous ramène à la nécessité du contrôle, à l'examen.
Importance donc de l'examen dans sa vie. Comme en temps de guerre (ou de
paix) où un deuxième bureau est indispensable pour savoir ce qui se passe, ce
qui se trame, l'examen sérieux est notre seule sauvegarde avec la prière et
l'oraison. L'examen bien fait permet de mieux parer à la tactique du démon qui
tend à faire perdre l'indifférence en de petites choses, commençant par elles
pour ne pas effrayer… C'est là que nous devons nous souvenir de cet
avertissement du Saint Esprit : ,,QUI SPERNIT MODICA PAULATIM DECIDET
– Celui qui méprise les petites choses tombera rapidement”.
A cet effet voyez ce que Saint Bernard nous dit dans sa remarque : ,,une
maison qui s'écroule, un bateau qui coule, cela ne vient pas d'un coup”. De
même la chute d'un religieux, d'un prêtre n'arrive pas tout d'un coup : préparée
longtemps à l'avance, quelquefois pendant des années, comme dans certaines

((fin page 580))

((page 581))
maladies, avec une période d'incubation… lorsqu'elle se déclare il est trop tard
pour y remédier. "L'âme de tout apostolat" raconte plusieurs cas navrants et
montre le processus de la chute. Comme le dit saint Bernard pour la maison, le
malheur n'est pas que le vent souffle, que la pluie ruisselle, que des gouttières
se forment et attaquent les poutres, cela est normal !… le mal c'est que le père
de famille ne veille pas sur sa maison pour remédier aux infiltrations; le mal
pour un bateau n'est pas d'être attaqué, le bois par les vers, les tôles par le sel
marin, c'est prévu, c'est normal ! le mal c'est que le capitaine ne prenne pas à
temps les mesures indiquées pour y remédier, le mal c'est qu'un consacré
néglige de faire ses examens et ne se rende plus compte de ce qui le mine,
alors qu'il est aux avant-postes et que l'Église nuit et jour lui crie : ,,VIGILATE
ET ORATE”…
Remarquez à la fin de cette règle les mots : "tromperies habituelles". Notre
Père Fondateur lorsque nous allions le trouver pour difficultés ordinaires nous
renvoyait aux règles du discernement des esprits en nous demandant : dans
quelle règle êtes-vous avec cette difficulté ?
C'est que, pour ce qui est de l'ordinaire, nous arrivons avec ces règles à nous
débrouiller seuls et à échapper facilement au démon mais il est des pièges plus
subtils, des tentations plus insidieuses pour lesquelles nous avons besoin de
grâces de choix, d'ouverture de conscience, d'obéissance et d'humilité pour
implorer une aide particulière…
Septième Règle : En ceux qui vont de bien en mieux, le bon ange touche leur
âme doucement, légèrement et suavement, comme une goutte d'eau qui entre
en une éponge; et le mauvais la touche durement et avec bruit et inquiétude,
comme quand la goutte d'eau tombe sur la pierre. Et ceux qui vont de mal en
pis, les mêmes esprits les touchent d'une manière contraire. La cause en est
que la disposition de l'âme est contraire ou semblable à ces anges, parce que,
quand elle est contraire, ils entrent avec fracas et en avertissant de manière
perceptible. Et quand elle est semblable, ils entrent en silence, comme en leur
propre Maison, porte ouverte.
C'est la règle des semblables et des contraires. Ce serait comme deux autos
lancées l'une à 100 km heure, l'autre à 90 mais elles vont dans le même sens.
Si elles se heurtent il n'y a pas de casse, par contre si elles se heurtent
lorsqu'elles sont lancées en sens contraire, le choc est violent. Cette règle
revient évidemment à la deuxième règle de la première semaine mais ici tout
est plus profond, moins sensible, plus intellectuel, l'action du bon esprit plus
suave, plus intime, tandis que celle du démon se fait plus subtile.
Une âme pieuse et bonne s'aperçoit vite de la présence de l'ennemi ou du
moins se rend compte qu'il y a quelque chose qui ne va pas… tout comme un
bon chauffeur se met à l'écoute quand il perçoit un bruit insolite dans son
moteur. Il suffit d'un peu d'attention tous les jours en faisant l'examen général et
particulier et de l'examen de semaine régulier et sérieux pour s'apercevoir de
l'action insidieuse de l'ennemi. Par exemple : un jeune anachorète dans le
désert n'a pas de tentations. C'est normal ! Il demande conseil à un vieil
anachorète qui lui dit : ,,Votre âme est ouverte à tout venant. Chacun des
rêves, pensées, idées y entre et sort comme il lui plaît. Fermez donc la porte…
essayer de vivre avec Dieu seul… vous verrez alors et entendrez le tintamarre
du démon”.
Eh oui, à ce moment-là, il entrera avec fracas tandis que jusqu'ici il entrait en
silence comme en sa propre maison.
Voilà un Monsieur qui se trouble à la lecture d'un bon livre, à l'écoute d'une
saine exhortation… c'est le démon qui heurte cette âme de plein fouet durant
une disposition d'esprit qui lui est contraire… par contre, s'il ne se trouble point
du tout à la lecture mettons d'un mauvais livre, ou d'une déclaration impie de la
franc-maçonnerie…, eh bien l'ennemi l'accompagne alors dans cette
disposition d'âme qui lui est favorable et il y entre en silence comme en sa
propre maison.
Huitième Règle : Quand la consolation est sans cause, bien qu'en elle il n'y ait
pas de tromperie puisqu'elle est propre, comme on a dit, de Dieu seul Notre-
Seigneur, cependant la personne spirituelle à qui Dieu donne cette consolation
doit avec beaucoup de vigilance et attention examiner et distinguer le temps
propre de cette consolation actuelle, du temps qui suit, en lequel l'âme reste
brûlante et favorisée avec la ferveur et restes de la consolation passée. Parce
que souvent en ce deuxième temps, par son propre raisonnement basé sur des
idées et jugements qu'elle a habituellement et sur leurs conséquences logiques
ou bien sous l'influence du bon esprit, ou bien sous l'influence du mauvais, elle
forme diverses résolutions ou opinions qui ne sont pas données
immédiatement par Dieu Notre-Seigneur, et par conséquent ont besoin d'être
bien examinées avant de leur donner entièrement crédit ou de les mettre à
exécution.
Les explications précédentes éclairent cette règle. Saint Ignace y ajoute
seulement une précision de la deuxième règle : même lorsqu'une consolation
(avec visions, marques extraordinaires ou sans ces marques) vient sûrement
de Dieu parce que sans cause antécédente (ce qui est parfois difficile à
prouver) même dans ce cas-là, attention à ce qui suit la communication !… car,
dans cette communication elle-même Dieu seul a agi, mais ensuite des idées et
pensées, conséquence de cette communication peuvent être provoquées par :
a) notre propre raison, avec ses habitudes et préjugés
b) le bon esprit, Anges, etc…
c) le mauvais esprit.
Donc, attention pour ne pas attribuer à Dieu ce qui ne vient que de nous-
mêmes ou du démon. Cela joue aussi évidemment pour communication avec
cause antécédente qui viendrait sûrement du bon esprit.
Saint Jean de la Croix, dans la Montée au Carmel, remarque d'après l'Écriture
Sainte des erreurs tragiques sur ce sujet. A notre époque, on pourrait ajouter
de nombreux exemples d'erreurs provoquées par l'oubli de cette règle. Dans
les apparitions de La Salette, de Lourdes, de Fatima par exemple, il y a eu des
causes antécédentes (visions et paroles sensibles) et comme l'Église est
intervenue, nous savons par conséquent qu'il y a eu sûrement l'action du bon
esprit (la Sainte Vierge)… Mais ensuite des théologiens (c'est leur devoir !) des
journalistes (plus ou moins formés !) reviennent sur ces faits pour en tirer des
conclusions doctrinales ou pratiques qui leur sont particulières !
C'est bien alors qu'il faut avoir l'esprit bien ouvert et ne pas accepter comme
venant de Dieu ce qui peut-être ne vient que des hommes ou même du
démon…
Exemple encore : il n'y a qu'à voir ce qu'ont pu dire les journalistes avec les
textes du Concile de Vatican II et ce qu'ils continuent à dire dans la période
post-conciliaire.
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Ces règles de saint Ignace peuvent être complétées par "l'EXCURSUS",
résumé de la doctrine de saint Jean de la Croix au sujet des visions et autres
communications extra-naturelles dans "Montée au Carmel".
Ainsi, mes chers Messieurs, vous voyez que des Saints ont été trompés et
combien de personnes qui auraient pu le devenir ont bêtement perdu cette
occasion. Il est facile au démon de tromper une femme, de tromper un
théologien, même un saint si l'on ne fait pas attention. L'Église nous met en
garde tous les jours car le démon est très puissant, très astucieux et très subtil.
Comme le dit saint Ignace, il sait entrer dans les pensées d'une âme : il ferait
un directeur de conscience admirable parce qu'il connaît à fond les lois de la
psychologie (s'il parlait, évidemment, pour notre avancement spirituel). Et
l'Église nous dit de nous méfier, elle nous le fait dire tous les soirs, je vous l'ai
déjà fait remarquer, d'être sobres, sobres de paroles, de regards, soyez sobres
dans vos lectures, pourquoi ? Mais parce qu'il vous surveille ! Vous qui voulez
travailler au premier rang dans l'action catholique s'il le peut il ne vous ratera
pas !
Alors, le grand remède à cela, c'est le contrôle, et bien que vous l'ayez déjà
étudié, nous allons y revenir tellement il est essentiel.
Voulez-vous prendre la page 349.
Nous y avons l'examen particulier. Il est à la pointe du combat contre un défaut
ou une habitude vicieuse; on peut dire qu'il est comme le percuteur de cet autre
examen qu'est l'examen général page 354. Je voudrais compléter les
explications déjà données : c'est la manière de faire l'examen car ce contrôle,
encore une fois, est absolument nécessaire dans la vie spirituelle. Il est en cinq
points. Je vous fais remarquer qu'il s'agit toujours de valeurs naturelles
transposées dans le spirituel, c'est ce qui fait leur valeur.
Premier point : Que fait un commerçant chaque soir ? Eh bien il fait son bilan.
Les lois sont telles en ce moment qu'un commerçant qui ne fait pas son bilan
(vente, achats, charges, etc…) se fait rapidement tromper. Nous aussi sur le
plan spirituel nous devons faire cela : le premier point est de rendre compte à
Dieu des bienfaits reçus tout comme le commerçant voit son actif. Le matin, ai-
je bien fait ma prière ? ma méditation ? la messe ? Ce matin j'ai pu vaincre telle
tentation, me suis-je montré plus prévenant comme je le recherche, etc…
merci, mon Dieu… cela nous fait du bien de sentir que le Bon Dieu agit avec
nous pour nous sanctifier comme avec un enfant.
Deuxième point : Que fait ensuite le commerçant ? Il recueille ses facultés pour
identifier ses pertes. En principe elles ne ressortent pas à première vue : par
exemple j'ai perdu là par mon énervement un client qui aurait pu me faire une
grosse commande, ou bien c'est qu'il y a un défaut dans ma gestion ! Pourquoi
accuser les autres ? n'est-ce pas ma faute si j'ai perdu tel ou tel client ? Le
client il faut faire comme pour la truite, il faut savoir d'abord l'appâter, y aller
doucement; quelquefois aussi on le perd parce qu'on est resté trop en retrait…
par contre je me suis laissé donner là une marchandise que je n'aurais pas dû
prendre… Ce voyager avec sa pommade il m'a eu, comment vais-je vendre ça
maintenant ? Idiot que je suis… de même nous demandons à Dieu la grâce de
connaître nos péchés, demander à Dieu que nous puissions les voir parce que
quelquefois nous ne savons pas les voir, nous manquons de subtilité ou de
finesse d'esprit spirituelle, nous nous blasons sur certaines péchés, nous
sommes distraits, nous oublions aussi, alors demandons la grâce : je fais
comme le commerçant, je veux rechercher les causes et ici, je me fais aider par
Dieu lui-même.
Troisième point : Demander compte à son âme depuis le dernier examen heure
par heure, d'abord en pensées, puis en paroles, puis en actions : ah, c'est vrai,
je me suis encore disputé avec ma femme et pour une bêtise ! Elle veut
toujours avoir raison au sujet du café, des bêtises quoi ! qui arrivent aux mieux
intentionnés. Constater la chose mais surtout voir la cause, et ne pas voir celle-
ci nécessairement dans la femme ou la belle-mère, mais voir la cause "en moi",
c'est ça qui est intéressant, car il ne s'agit pas ici de corriger les autres, c'est de
se corriger soi-même, c'est ce qui fait la valeur de l'examen.
Quatrième point : Que fait le commerçant ! Le commerçant, lorsqu'il a un pépin
ou une perte, cela lui fait du bien au commencement d'être ainsi redressé par
ces petits revers, eh bien nous aussi nous devons savoir reconnaître nos fautes
et en demander pardon à Dieu. Comme je vous le disais, même si le
commerçant est peiné de ses maladresses, cela ne lui fait pas pour autant
récupérer ce qu'il a perdu bien que pour l'avenir cela lui serve de leçon, mais
du point de vue spirituel oui, le seul fait de demander pardon à Dieu avec une
contrition d'amour nous fait récupérer ce que nous avons perdu, à tel point que
saint Augustin nous dit que même avec le péché véniel et quelquefois avec le
péché mortel, en demandant bien pardon, par l'humilité de l'aveu nous pouvons
récupérer les grâces qui nous échapperaient autrement.
Cinquième point : A un certain point de vue il est le plus important; on
renouvelle sa décision pour retremper en quelque sorte notre volonté en
prenant à nouveau le ferme propos de nous amender. Il est absolument capital
de se contrôler ainsi car sans cela il n'y a pas de sanctification possible.
Je terminerai par une histoire : lorsque j'étais enfant, à l'école des Maristes et
qu'il y avait demi-congé, le frère professeur nous lisait un livre que nous
aimions beaucoup : les débuts de la guerre en Algérie avec le Général
Bugeaud, Marc-Mahon et les autres, et un trait m'avait frappé. Il m'est revenu
beaucoup plus tard lorsque j'ai appris les règles du discernement des esprits…
Il y avait un petit soldat venu de la métropole après ses classes et, pour la
première fois, il était mis en sentinelle dans l'Aurès, devant l'ennemi. C'était
assez dangereux; alors, comme c'était sa première garde, le sergent lui avait
donné des consignes, des directives. Il devait aussi passer deux heures à
veiller côté Sud et au moment de le quitter et aller prendre son repos sous la
tente le sergent de lui dire : et surtout, mon petit, attention aux buissons !… Le
sergent parti, mon petit soldat faisait les cent pas en se disant : mais pourquoi
le sergent m'a-t-il dit ,,attention aux buissons ?” Cependant fatigué de marcher,
il se met à contempler ce paysage sud-Algérien : des dunes à 2 km, la lumière
bleutée de la lune presque pleine et dans cet horizon assez restreint et très
visible pendant la nuit, il remarque quelques buissons qui se détachaient en
noir… ah ! voilà pourquoi il m'a dit de faire attention, ces buissons se trouvaient
à 100 m, 200 m… et puis, veillant sur le camp et recommençant sa ronde, 20
minutes après il s'aperçoit qu'il y avait 5 buissons, alors qu'il lui semblait en
avoir vu quatre et il commence à comprendre que la remarque du sergent
pourrait avoir son importance ! J'ai pu me tromper, se sit-il, mais c'est drôle…
Et puis 10 minutes après il y en avait six… alors il s'aperçoit que lorsqu'il
marchait dans ce sens-là les buissons de droite avançaient tout doucement; au
contraire quand il marchait dans le sens contraire c'était les buissons de
gauche… et bien là, il avait compris et lorsque l'un d'eux fut à bonne portée, il
mit un genou à terre, pas de sommation d'usage dans ce cas-là, il vise comme
il faut,… il presse sur la gâchette et pan… un type s'échappa en hurlant… le
camp fut réveillé… et sauvé… Messieurs, moi aussi je vous dis ,,attention aux
buissons” !…
Voilà M. l'Abbé qui fait son examen le soir, comme il doit le faire en tant que
prêtre, comme tous les laïcs d'ailleurs, et il s'aperçoit qu'il n'a pas fait sa lecture
spirituelle. C'est une perte… mais comme je vous le disais, ce n'est pas la perte
qui porte le mal, c'est la cause. Pourquoi n'ai-je pas fait ma lecture spirituelle ?
Eh bien, je n'ai pas fait ma lecture spirituelle parce que j'ai passé 3/4 d'heure à
parler de "spiritualité" avec Mlle Colette… depuis deux mois elle vient m'aider
au catéchisme, cette fille… au début je n'ai pas plus fait attention à elle qu'aux
autres, et puis elle m'a demandé quelques conseils de spiritualité… elle m'a
aussi demandé ensuite mon avis sur un livre; une autre fois elle m'a demandé
de lui prêter ce livre et je me suis aperçu qu'elle était intelligente… avant qu'on
lui parle elle comprenait ce que l'on disait et avec ça elle n'est pas mal
distinguée; il y a 3 jours j'ai passé 20 minutes avec elle… il y a 2 jours j'ai passé
30 minutes avec elle, ne m'apercevant même pas combien le temps passe vite
et aujourd'hui j'ai passé 3/4 d'heure avec elle à parler de spi-ri-tu-a-li-té !… Un
buisson !… et puis il est du "tonnerre" hein ? ce buisson !…
Voilà M. le Directeur d'une banque qui fait le soir son bilan spirituel comme il se
doit et il s'aperçoit qu'il arrive maintenant au bureau bien à l'heure alors
qu'auparavant il n'y arrivait jamais. Il ne risquait rien et pour lui c'était normal, le
contrôle n'existant pas pour lui puisqu'il est le chef, le patron… pourvu que le
travail se fasse qu'est-ce que cela peut faire ?… Mais depuis quelque temps il
arrive à l'heure et il ne part pas avant l'heure. C'est bien puisqu'il est payé
pour… mais c'est la raison qu'il est intéressant de connaître. Pourquoi j'arrive à
l'heure ? Eh bien j'arrive à l'heure parce que j'ai changé de dactylo… avec
l'autre, la vieille, je n'arrivais pas à l'heure mais avec cette petite que j'ai depuis
15 jours, oui,… et elle m'apparaît épatante… non seulement elle travaille très
bien, mais elle est gentille, sympa au possible, ah ! je comprends maintenant
pourquoi je mange si vite !… je n'avais jamais fait ça avec les autres, à mon
âge, 45 ans ! Mais voilà, je me suis levé au moment où elle partait le soir… j'ai
pris son manteau pour l'aider à se le mettre, je lui ai même dit un petit mot, d'un
peu plus j'allais lui dire "mon petit rat" mais je l'ai avalé… sans doute sortira-t-il
demain… oui; ça commence comme ça les blagues, les histoires !… quelqu'un
qui fait attention (remarquez qu'en faisant attention on peut faire la blague
quand même si on ne veut pas se ressaisir et qu'on continue à jouer avec le
démon, mais alors on est perdu !… sachons-le bien), oui, on peut faire la
blague si le cœur est pris, cependant on y voit clair… il y a toujours une
raison… En définitive, non seulement constater le fait, mais surtout son
pourquoi. Le démon est malin et sans l'examen, Messieurs, vous êtes fichus…
alors… attention aux buissons ! dans la Maçonnerie, dans les Rotary-Club et
bien d'autres organisations il y a par-dessus des gens qui surveillent… Quand
ils voient des gens intelligents, ils commencent par proposer des situations ou
des affaires importantes pour les mieux amorcer; peu à peu on les engage
dans des histoires plus ou moins scabreuses et puis, un jour, on les met au
pied du mur et alors ils obéissent ou ils n'obéissent pas, et s'ils n'obéissent
pas… Paf… on leur casse ales reins au propre et au figuré… S'ils acceptent, ils
sont vendus au démon.
Mes chers Messieurs je termine en vous disant de retenir cela : Attention aux
buissons !!!
*****
N° 43
ASCÉTISME : Sur les SCRUPULES et pour SENTIR avec l'ÉGLISE
Mes chers Messieurs, nous terminons notre coeurs d'ascétisme, réduit à sa
plus simple expression dans nos pauvres cinq jours, par quelques règles que
nous laisse saint Ignace :
1. sur les scrupules
2. sur les règles de fidélité à l'Église pour "sentir" en quelque sorte avec elle…
SUR LES SCRUPULES
Pour sentir et comprendre ,,quand il y a scrupules et persuasions de notre
ennemi”.
Vous entendez dire bien des fois : ,,Surtout n'envoyez pas les scrupuleux faire
les exercices, cela leur ferait du mal !”. Bien sûr, s'il s'agit d'un homme atteint
d'une maladie mentale il ne faut pas plus l'envoyer faire des exercices spirituels
qu'il ne faut l'envoyer dans une grande école préparer un concours ! Cela va de
soi… chaque année on constate, à Paris par exemple, de nombreux suicides
parmi ceux qui suivent des cours intensément ! Il y a là une question de bon
sens tout court… il faut une santé au moins normale pour affronter un effort
intellectuel un peu prolongé; de même les Exercices Spirituels ne sont pas une
spécialité pour quelqu'un qui a une santé déficiente.
Mais entendons-nous ! Il ne s'agit pas ici d'un homme malade mais d'un
véritable scrupuleux et j'ose affirmer qu'il y a peu de moyens aussi efficaces
pour le guérir de ses scrupules que celui de lui faire faire les Exercices de saint
Ignace donnés par un homme d'expérience. Ils sont très nombreux en effet
ceux dont nous avons eu le bonheur de voir guéris grâce à ces Exercices ! La
petite Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus elle-même fut guérie de ses scrupules
par le R.P. Pichon s.j. qui lui donna les exercices…
Et d'abord, il ne faut pas rester scrupuleux…
Sainte Marguerite Marie, qui n'avait rien d'une religieuse relâchée a écrit dans
"SA VIE par elle-même" : ,,Il n'y a rien où le démon soit plus puissant et où il
gagne tant qu'avec une âme qui est dans le trouble et l'inquiétude. Il en fait son
jouet et la rend incapable d'aucun bien”…
Le Père Poulain s.j., dans "Grâces d'oraison" écrit : ,,Le scrupule est une
crainte de pécher ou d'avoir péché qui est mal fondée et troublante”.
Voici ce qu'en pense saint Ignace, votre livre page 444, N° 346…
Première remarque : On appelle vulgairement "scrupule" celui qui procède de
notre jugement et liberté, c'est-à-dire quand moi, librement, je pense qu'est
péché ce qui n'est pas péché; ainsi qu'il arrive que quelqu'un, après avoir foulé
aux pieds accidentellement une croix de paille pense, de son jugement propre,
qu'il a péché. Et ceci est proprement un jugement erroné et non proprement un
scrupule.
Saint Ignace prend ici un exemple tiré des pratiques de son époque en
Espagne où se trouvaient de nombreux Maures et Juifs qui, pour s'éviter
d'obéir à des chrétiens, s'amusaient à répandre de ces croix sur le trottoir et les
lançaient ensuite sur ceux qui y avaient marché dessus : Hé, tu as renié Jésus-
Christ !… En fait, il n'y avait point de péché dans le fait d'avoir marché sur la
croix de paille mais le seul fait de se croire alors en état de péché indiquait de
leur part non pas un scrupule mais une simple ignorance de leur catéchisme…
On pourrait retrouver le même état d'esprit dans l'exemple suivant : ,,Mon Père,
j'ai manqué la Messe mais j'avais 40 de fièvre… ou bien j'assistais un
mourant…”. On voit très bien que cela n'est pas scrupule mais simplement
ignorance de ce que nous réclame notre Sainte Religion : Cher ami, ne vous
accusez pas d'avoir manqué la Messe dans ces conditions ! Vous auriez fait au
contraire un péché en y allant, négligeant ainsi le devoir impérieux qui vous
sollicitait…
Deuxième remarque : après que j'ai foulé aux pieds cette croix ou après que j'ai
pensé ou dit ou fait quelque autre chose, il me vient une pensée (du dehors)
que j'ai péché tandis qu'il me paraît que je n'ai pas péché; cependant je sens
en ceci du trouble, c'est-à-dire en tant que je doute et en tant que je ne doute
pas. C'est cela qui est proprement scrupule et tentation que suscite l'ennemi.
En d'autres termes, pour en revenir au cas concret cité dans la première
remarque, bien que je sache qu'il n'y avait pas de péché à marcher simplement
sur le trottoir malgré les petites croix de baille, l'intéressé se met à réfléchir et à
se demander : Qui sait si au moment de poser le pied sur la Croix je n'ai pas eu
l'intention de renier le Christ ? Il sait bien qu'il n'avait pas de mauvaise intention
mais… qui sait si ?… qui sait si au moment de voir la croix il n'aurait pas dû ?…
etc… qui sait si ?…
Le Père Louis Lallemand s.j. disait : ,,Toute proposition conditionnelle qui
trouble vient du démon”… Nous avons là l'exemple typique du véritable
scrupule ,,si tant que je doute, dit saint Ignace, et que je ne doute pas”. Dans
les règles du discernement des esprits de la première semaine au N° 35, saint
Ignace définit les scrupules : ,,Tourments de conscience, tristesse, troubles,
raisonnements faux, etc…” comme venant du démon… et donc puisqu'il est un
menteur (Jn VIII-44) on ne doit pas l'écouter ni se laisser troubler.
Troisième remarque : Le scrupule de la première remarque qui est à
proprement parler un jugement erroné est grandement à détester parce qu'il est
tout erreur. Mais celui de la deuxième remarque, durant un certain espace de
temps n'est pas de peu de profit à l'âme qui se livre aux exercices spirituels; au
contraire il purge et purifie en grande manière cette âme-là en l'écartant de
toute apparence de péché suivant ce mot de saint Grégoire : ,,HONARUM
MENTIUM EST IBI CULPEM COGNOSCERE UBI CULPA NULLA EST … c'est
le propre des âmes de reconnaître une faute là où il n'y a aucune faute”.
Eh oui, le Bon Dieu peut permettre cette épreuve du scrupule. Elle a torturé
saint Ignace des mois entiers au moment de sa conversion comme elle a
torturé le grand saint Alphonse de Liguori sur son lit de mort. C'est un
purgatoire terrible sur la terre. Dieu le permet quelquefois pour purifier de
grandes âmes, mais on doit tout faire pour le guérir…
Quatrième remarque : L'ennemi examine beaucoup si une âme est large ou
étroite. Si elle est étroite il s'efforce de la rétrécir davantage et à l'extrême pour
la troubler davantage et la jeter à bas. Par exemple s'il voit qu'une âme ne
consent volontairement ni à un péché mortel, ni à un véniel, ni à une apparence
quelconque de péché délibéré, alors l'ennemi, quand il ne peut la faire tomber
en rien qui paraisse péché, s'efforce de lui faire penser qu'il y a péché, – ou
encore qu'il n'y a pas de péché pour tel mot ou telle pensée insignifiants. Si
l'âme est large, l'ennemi s'efforce au contraire de la rendre plus large : par
exemple si auparavant elle ne faisait pas cas de péchés véniels, il s'efforcera
qu'elle fasse peu de cas des péchés mortels…
Au sujet de cette remarque le Père Terradas disait : ,,le démon fait à l'âme du
cinéma”. L'image a été projetée du dehors par le démon qui agit ainsi sur la
faculté sensible : imagination ou mémoire sensible. Mais la volonté n'ayant pas
consenti il n'y a donc pas eu de péché… Saint Ignace répondait de Rome à la
sainte Rejatella de Barcelone, religieuse timorée qui se plaignait : O mon Père !
j'ai des mauvaises pensées ! : ,,Je ne me troublerai pas des mauvaises
pensées que m'envoie le démon et que je n'accepte pas, pas plus que je ne
m'enorgueillirai des bonnes pensées que m'envoie mon bon ange”. Et le saint
ajoutait : ,,Saint Pierre et saint Paul eux-mêmes ont eu de mauvaises pensées”.
Et donc, compte tenu de tout ce qui précède, voici la Règle d'Or des
Scrupuleux, elle fait l'objet de la 5ème remarque :
Cinquième remarque : L'âme qui désire avancer dans la vie spirituelle doit
toujours procéder d'une manière contraire à celle dont procède l'ennemi. C'est-
à-dire que s'il veut rendre l'âme plus large, que celle-ci s'efforce à se rétrécir.
De même que s'il s'efforce de la diminuer pour l'amener aux extrêmes, que
l'ÂME S'EFFORCE DE SE CONSOLIDER dans une JUSTE MILIEU afin de s'y
tenir TOTALEMENT EN REPOS.
Voilà donc la Règle d'Or des Scrupules… et de la lutte contre les pièges du
démon. Si ce dernier tend à rendre une âme lascite, la prédisposant à tout
accepter, veiller à ce qu'elle ne se relâche pas et soit plus exacte dans ses
examens et sa vie spirituelle, la fuite des occasions, etc…
Si le démon veut au contraire la pousser à bout en l'amenant aux extrêmes par
crainte de ne pas bien faire alors, suivant le principe ignatien,
AGIR CONTRE :
QUE L'ÂME S'EFFORCE … Elle n'y arrivera pas du premier coup; elle aura à
lutter contre ces craintes mal fondées… un peu comme si on s'oblige à marcher
en luttant contre la bourrasque.
DE SE CONSOLIDER … c'est-à-dire de se conduire d'après quelques données
bien établies qui la guideront à coup sûr, même si elle n'y voit pas très clair,
tout comme dans la nuit on se fie à la rampe d'escalier que l'on tient ou que sur
la route on fait confiance aux poteaux indicateurs…
DANS UN JUSTE MILIEU … c'est-à-dire avoir plusieurs principes indiscutables
qui puissent nous aider à agir malgré le trouble. En voici six différents, chacun,
à lui seul, permettra au scrupuleux d'avancer :
1, LA PAROLE DU CONFESSEUR OU DIRECTEUR DE CONSCIENCE
Notre-Seigneur ne peut nous reprocher un jour de LUI avoir obéi dans la
personne de son représentant. Si donc son confesseur dit au scrupuleux ,,Cela
suffit, n'y revenez plus”, c'est que Jésus vous a tout pardonné et il n'y a plus à y
revenir. Mais si de par sa nature scrupuleuse le pénitent se dit par exemple :
peut-être ne m'a-t-il pas compris, ou me suis-je mal expliqué, ou encore il me
revient après coup un détail que je n'ai pas dit, etc… Le Confesseur a dit… et
cela suffit. Le pénitent ne doit plus s'inquiéter… Cela suffit !… même si le
confesseur se trompe… Le pénitent ne se trompera pas en obéissant. Malheur
au scrupuleux qui n'est pas obéissant, le démon le torturera et cela sera de sa
faute car il doit obéir à la parole du Confesseur…
2. EN CAS DE DOUTE : ALLER DE L'AVANT
Par exemple : j'ai peur d'avoir consenti à telle pensée; je ne me souviens plus
si j'ai accusé ou non cette faute, si le Père m'a entendu, si c'était mortel ou
non…
Dès qu'il y a doute : allez communier.
Mais mon Père, je doute que je doute…
Dès qu'il y a la moindre hésitation dites : Mon Dieu, je vous aime ! Souvent,
dans ces tentations il y a un peu de véniel… aussi après avoir fait un acte
d'amour de Dieu et de détestation du péché, n'hésitez pas et allez communier
sans vous confesser…
Mais là se trouve justement un confesseur avec son étole qui est libre… Si par
précaution j'allais me confesser ?
Non !… et c'est là qu'il faut s'habituer à agir malgré le trouble et les hésitations.
Allez communier sans vous confesser du moment que ce n'est pas le jour de
votre confession… L'ÉGLISE n'oblige pas à se confesser en cas de doute, et
c'est pourquoi même si par hasard vous aviez effectivement consenti à une
faute grave, le fait de ne pas en être certain permet la communion qui, plus est,
effacerait ce péché douteux dont on n'est pas certain de l'avoir commis. Voilà
pourquoi nous conseillons de dire toujours avant la communion : Mon Dieu,
Pardon ! Mon Dieu je vous aime, ou d'avoir une simple pensée équivalente : en
bref, dès qu'il y a doute : allez de l'avant sans réfléchir davantage.
3. NE JAMAIS S'EXAMINER SUR LE POINT SUR LEQUEL PORTE LE
SCRUPULE :
Car si sur ce point-là vous aviez fait une faute grave, comme d'avoir tiré par
exemple un coup de revolver sur votre ennemi ou commis un adultère vous le
sauriez sans même vous examiner, n'est-il pas vrai ? Donc ne pas vous
examiner sur ce point car le démon ne fera que vous embrouiller et dans ce cas
il faut agir comme dans le 2ème.
4. LE PROBABILISME :
Quand plusieurs théologiens ont une doctrine différente, l'un disant : ceci est
permis et l'autre : peut-être non ! et quoique chacun apporte ses preuves sans
que l'ÉGLISE n'ait condamné l'un ou l'autre, il est permis de suivre celle des
deux théories que l'on veut.
Le probabilisme est opposé :
- au tutiorisme, qui ne veut suivre qu'une théorie : la plus sûre.
- au probabilionisme, qui ne veut suivre que la théorie des deux est ((( ??? )))
la plus probable.
- au lascisme, qui suit n'importe quelle doctrine relâchée et soutenue, sans
preuves.
Par Règle, les coopérateurs doivent être "PROBABILISTES" comme le
conseillent le Droit Canon et saint Alphonse.
5. LE BON SENS :
Le bon sens vient de Dieu; et le bon sens ne perd jamais ses droits. Et donc,
même pour bien faire apparemment, on n'a pas le droit de manquer au bon
sens.
Saint Ignace nous donne un conseil pour savoir ce que dit le bon sens : ,,Que
conseillerai-je à un autre en pareil cas ?”.
Car souvent il arrive qu'on n'y voit pas clair pour soi, mais on voit tout de suite
ce qu'un autre devrait faire en telle ou telle circonstance…
6. LE SENS COMMUN :
Si l'on est incapable d'y voir clair un moyen peut nous aider. Non pas : ,,faire
comme tout le monde”, ,,mais faire comme font ou feraient l'ensemble des
personnes honnêtes en présence de ce cas”.
Êtes-vous commerçant ? Comment font (non pas tous les commerçants) mais
les autres commerçants honnêtes ? Êtes-vous Tailleur… avocat… industriel,
fonctionnaire, militaire ? Comment font les Tailleurs ou autres ? … connus
comme honnêtes.
Ces principes nous aideront à agir malgré le trouble et à arriver à vivre en paix
et joie dans le service de Dieu. Car Dieu est un Dieu de paix… Il ne nous a pas
fait une Loi pour nous torturer mais au contraire pour vivre en enfant de Dieu
dans la confiance de l'Amour. C'est le démon qui est un pêcheur en eau
trouble. Et donc ne l'oublions pas : on ne joue pas avec le démon… même
quand il vient prétendre que nous faisons le mal. N'oubliez pas qu'il est un
menteur ! C'est Jésus qui l'a dit.
Enfin dernière et sixième remarque sur les Scrupules.
Quand une âme bonne veut dire ou faire quelque chose dans les limites de ce
qu'approuve l'Église et dans les sentiments de nos Supérieurs qui soit pour la
gloire de Dieu Notre-Seigneur, s'il lui vient une pensée ou tentation du dehors
de ne pas dire ni faire cette chose, lui suggérant des raisons spécieuses de
vaine gloire ou d'autre chose etc… alors elle doit élever l'intelligence à son
Créateur et Seigneur et si elle voit que c'est pour le service qui lui est dû, ou au
moins que ce n'est pas contre, elle doit agir diamétralement contre cette
tentation-là, selon saint Bernard qui répondait à l'ennemi : ,,NEC PROPTER TE
INCEPI NEC PROPTER TE FINIAM – Ce n'est pas pour toi que j'ai commencé,
ce n'est pas pour toi que je cesserai”.
C'est un cas différent. Là l'ennemi essaie de nous empêcher de bien faire en
faisant naître dans notre âme des pensées de fausse humilité par exemple qui
la freineront… Oui, bien sûr, mais tu risques de t'enorgueillir insinue-t-il… Si
vous allez faire une pénitence, une aumône ou tout autre bonne action, le voilà
qui vous suggère :
Mais on va dire que tu es un Saint, que tu as déjà la couronne ? Que fait-il faire
alors ? Renoncer à la pénitence, à l'aumône ou autre ? Répondez-lui aussi
avec saint Bernard : Ce n'est pas pour toi que j'ai commencé, ce n'est pas pour
toi que je m'arrêterai.
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RÈGLES DE FIDÉLITÉ A L'ÉGLISE POUR "SENTIR" AVEC L'ÉGLISE
François de Sales remerciait Dieu de lui avoir donné beaucoup (grâce aux
exercices) "un nez catholique". Le Pape Paul VI utilise souvent cette
expression : ,,Avoir le sens de l'Église”. Pie XII, dans ses discours, citait
souvent ces Règles de saint Ignace : il s'agit d'une série d'axiomes qui ont eu le
propre de combattre les erreurs de son temps et beaucoup pensent qu'il les
écrivit à Paris pour lutter contre les erreurs propagées alors par les premiers
protestants dans les Universités. Ce qui est certain c'est que de nos jours
encore elles ont une autorité et une force considérables, les erreurs
d'aujourd'hui n'étant qu'un aboutissant des principes du libre Examen du
XVIème siècle.
Je pense que s'il vivait à notre époque, saint Ignace y aurait ajouté quelques
autres axiomes appropriés, tirés des écrits des derniers Papes et du Concile
Vatican II.
Plus que jamais nous devons nous pénétrer de ces règles et de leur esprit, si
nous ne voulons pas nous laisser influencer par les erreurs propagées à notre
époque.
Première Règle : Obéissance à la Hiérarchie : laissant tout jugement propre,
nous devons avoir l'esprit prompt et prêt à obéir en tout à la véritable épouse
du Christ Notre-Seigneur, qui est notre Sainte Mère l'Église Hiérarchique.
Le manuscrit dont saint Ignace faisait usage ajoute : ,,C'est-à-dire l'église
romaine”. Vatican II, au chapitre III de "LUMEN GENTIUM" déclare : ,,Le Saint
Synode, à l'exemple du Concile Vatican I, enseigne avec lui et déclare que
Jésus-Christ, Pontife Éternel, a édifié la Sainte Église en envoyant les Apôtres,
comme Lui-même avait été envoyé par le Père, et a voulu que leurs
successeurs fussent dans son Église Pasteurs jusqu'à la fin des siècles”. Et
afin que l'Épiscopat lui-même fût un et indivisible, Il a mis à la tête des autres
Apôtres le Bienheureux Pierre, et Il a établi en lui le Principe et Fondement
perpétuel et visible de l'Unité de la Foi et de la Communion. Cette doctrine de
l'Institution de la Perpétuité, de la Valeur et de la raison de la sacrée Primauté
du Pontife Romain et de son infaillible Magistère, le Saint Concile la propose à
nouveau à tous les fidèles pour qu'elle soit crue fermement, et, poursuivant
dans le même dessein, il a établi de proposer et déclarer publiquement la
doctrine sur les Évêques, Successeurs des Apôtres, lesquels avec le
successeur de Pierre, Vicaire du Christ et Chef visible de toute l'Église,
gouvernent la Maison du Dieu vivant…
Saint Ignace aurait certainement rappelé d'un mot la Note Explicative rappelée
à cette occasion pour éviter toute équivoque : ,,Le Collège, qui n'existe pas
sans son chef, est déclaré être aussi sujet du Pouvoir suprême et plénier par
toute l'Église”.
Et cela doit être accepté de peur que la plénitude du pouvoir du Pontife romain
ne soit mise en question. Le Collège en effet s'entend nécessairement et
toujours avec son Chef, lequel garde intégralement sa charge de Vicaire du
Christ et de Pasteur de l'Église universelle. En d'autres termes, la distinction
n'est pas entre le Pontife Romain et les Évêques pris collectivement, mais entre
le Pontife Romain seul, et le Pontife Romain avec les Évêques…
Deuxième Règle : louer la confession au prêtre et la réception du Très Saint
Sacrement le plus souvent possible, avec les conditions requises.
Ce que l'on oublie souvent c'est cela : avec les dispositions requises, c'est-à-
dire être en état de grâce, ce qui est le minimum, suivant le mot de saint
Paul : ,,Celui qui mange ce pain et boit le Calice du Seigneur indignement
pèche gravement contre le Corps et le Sang du Seigneur… Il mange et boit sa
propre condamnation – 1ère Cor. XI-23”. – Trop de jeunes gens ou de jeunes
foyers ne persévèrent pas parce qu'ils ne communient pas assez. Beaucoup
pourraient communier tous les jours et s'en privent. Normalement la
communion hebdomadaire devrait constituer un minimum.
Troisième Règle : louer la grande chose qu'est l'office Divin (que saint Benoît
appelle "l'OPUS DEI") et tous les exercices de piété.
Cela fait un grand bien à tous, même aux laïcs et c'est l'Église qui nous
demande de lui prêter notre cœur et nos lèvres pour la louange de Dieu ! C'est
la prière officielle du Corps Mystique…
Quatrième Règle : louer beaucoup les congrégations religieuses, la virginité et
la continence, et ne pas louer autant le mariage.
Il nous faudrait lire l'encyclique Sacra Virginitas du Pape Pie XII – la beauté de
la Vocation ! Il nous faut louer beaucoup la sainte virginité, et ne pas louer
autant le Mariage. Mais il faut louer le Saint Mariage, cet état de vie chrétienne
que Jésus a élevé à la dignité de Sacrement. Vatican II a mis l'accent sur le
devoir des époux de travailler à atteindre la Sainteté.
Cinquième Règle : louer les vœux de religion, d'obéissance, de pauvreté, de
chasteté et les autres œuvres de perfection surérogatoires. Il faut prendre
garde que le vœu étant au sujet des choses qui se rapprochent de la perfection
évangélique, on ne doit pas faire de vœu des choses qui s'en éloignent, telles
que de se faire marchand ou de se marier, etc…
Sixième Règle : louer les reliques de Saints, adressant notre vénération aux
reliques et notre prière aux Saints. Louer les stations, pèlerinages, indulgences,
pardons et l'usage de faire brûler des cierges dans les églises.
Vatican II a modifié la réglementation des indulgences, précisément pour que
leur obtention favorise davantage la sanctification des fidèles. Il me semble
qu'à notre époque, saint Ignace ajouterait ceci : louer les missions, les
récollections, les Exercices Spirituels… et les œuvres de retraites…
Septième Règle : louer les jeûnes et abstinences institués par l'Église ainsi que
ceux du carême, quatre-temps, vigiles et jours fixés. De même les pénitences,
non seulement intérieures, mais encore extérieures.
C'est là que nous voyons l'importance des commandements de l'Église. Nous
devons en tenir le plus grand compte. Je ne m'étends pas davantage puisque
cette question a été déjà traitée spécialement.
Huitième Règle : louer la décoration et l'édification des églises de même
l'usage des tableaux et statues, les vénérer selon le personnage qu'ils
représentent (culte de latrie, d'hyperdulie, de dulie).
Oui, la beauté de la maison du Seigneur ! Attention cependant à un retour à
l'hérésie des Iconoclastes que le démon ressuscite périodiquement, mais les
tableaux et statues peuvent être pour nous une "composition de lieu" qui aide
beaucoup la méditation et la prière…
Neuvième Règle : louer tous les préceptes de l'Église, ayant l'esprit prompt à
chercher des raisons pour les défendre et non pour les attaquer.
Dixième Règle : nous devons être davantage prompts à approuver et louer
aussi bien les décisions et ordonnances que la bonne conduite de nos
supérieurs… Parce que, même si parfois elles n'étaient ou n'avaient pas été
comme il se doit, en parlant contre, soit en prêchant en public, soit en
conversant devant le peuple simple, engendrerait plus de médisance et de
scandale que de profit. Et ainsi le peuple s'indignerait contre ses supérieurs soit
temporels soit spirituels. De manière que, ainsi qu'il est nuisible de parler mal
des supérieurs en leur absence aux gens simples, de même il peut être
profitable de parler de l'irrégularité de leur conduite aux personnes mêmes qui
peuvent y remédier.
Règle plus que jamais de circonstance ! N'ajoutons pas par notre conduite du
désordre au désarroi actuel ,,davantage prompts à approuver qu'à blâmer les
décisions de la conduite de nos Supérieurs”.
Nous ne sommes pas généralement chargés de juger… et de condamner les
Supérieurs ecclésiastiques, en parlant en public et même en famille… Ce
faisant nous pouvons pécher très gravement :
a) en jugeant témérairement, rapportant sans motifs graves des médisances,
des calomnies, etc…
b) nous pouvons ainsi troubler la Foi des enfants ou de bonnes personnes.
c) nous pouvons tomber dans le pharisaïsme.
d) et manquer à une obéissance due.
Par contre notre devoir (le plus souvent avec celui de nous taire) est de prier
pour ces autorités.
Rarement (mais la chose peut arriver) si devant Dieu et après mûre réflexion
une intervention de notre part pouvait être utile ou nécessaire, humblement, et
non sans avoir prié, on ne doit pas hésiter à prévenir, en particulier, soit
l'intéressé soit quelqu'un qui pourrait mettre ordre.
Mais ne pas oublier la supposition Préalable du N° 22 des Exercices et
l'avertissement de l'Évangile (saint Matthieu XVIII-15)… surtout s'il s'agit d'un
Évêque… on ne critique pas les Évêques…
Nous devons tous lire et méditer cette dixième règle, surtout à notre époque où
certainement il y a des erreurs et fautes graves et où nous pouvons nous
trouver dans des situations délicates. Prenons garde de ne pas nous exciter ou
d'exciter les autres. Prions… soyons humbles… prudents… calmes… doux…
pacifiques… ce n'est pas avec des péchés que l'on pourra guérir le monde. Si
Dieu nous demande d'agir faisons-le ,,comme nous voudrions l'avoir fait à notre
lit de mort” nous dit saint Ignace.
Onzième Règle : louer la théologie positive et la théologie scolastique : la
première de docteurs tels que saint Jérôme, saint Augustin, saint Grégoire qui
excite les adhésions du cœur, la deuxième de docteurs tels que saint Thomas,
saint Bonaventure, qui définit et explique pour nos temps les choses
nécessaires au salut éternel et pour combattre et dévoiler toutes les erreurs et
les faux raisonnements.
Donc, fidélité à la théologie scolastique, qui, par sa philosophie PERENNIS
explique le dépôt des vérités divinement révélées, tout en étudiant la Sainte
Écriture, les Pères et les conciles, etc…
,,Combattre et dévoiler toutes les erreurs”. Le Père Vallet nous faisait
remarquer que c'est une œuvre pie de combattre et de dévoiler les erreurs qui
minent la foi. ,,ERRORES INTERFICITE DILIGITE ERRANTES” disait saint
Augustin. Pas de faux irénisme.
Douzième Règle : nous devons éviter de faire des comparaisons entre nous qui
vivons et les Bienheureux des temps passés; ce n'est pas peu qu'on se trompe
en ceci, c'est-à-dire en disant : Celui-ci est plus savant que saint Augustin, c'est
un autre saint François ou il est plus que lui, c'est un autre saint Paul en bonté,
en sainteté, etc…
Treizième Règle : la règle d'or catholique : nous devons avoir toujours comme
principe, pour ne nous écarter en rien de la vérité, d'être prêt à croire que ce
qui me paraît blanc est noir si l'Église hiérarchique le détermine ainsi, croyant
que entre Jésus-Christ Notre-Seigneur, l'Époux et l'Église son épouse, c'est le
même esprit qui nous gouverne et dirige pour le salut de nos âmes. Parce que
c'est par le même Esprit et Seigneur notre Dieu qui nous a donné les dix
commandements qu'est dirigée et gouvernée notre Mère la Sainte Église.
Comprenons bien que l'Église est assistée par le Saint Esprit tandis que moi,
non ! ,,Nous avons un phare de la Vérité, disait notre Fondateur, et ce phare
c'est Rome !”.
14ème - 15ème - 16ème - 17ème Règles : elles concernent la prédestination,
la Foi et la Grâce. Vous pouvez les lire page 449 de votre livre où saint Ignace
nous invite à n'en parler qu'avec ménagement.
Dix-huitième Règle : la dernière des Exercices : bien qu'on doive estimer par-
dessus tout le service généreux de Dieu Notre-Seigneur par pur amour, nous
devons beaucoup louer la crainte de sa Divine Majesté. Parce que non
seulement la crainte filiale est chose pieuse et très sainte, mais même la
crainte servile, quand on ne s'élève à rien de meilleur et de plus utile aide
beaucoup à sortir du péché mortel. Et quand on en est sorti, on parvient
facilement à la crainte filiale qui est tout agréable et aimable à Dieu Notre-
Seigneur, puisque cela ne fait qu'un avec l'amour divin.
C'est sur cette question de l'amour et de la crainte que le démon a toujours
essayé d'embrouiller les âmes.
En d'autres termes :
La crainte servilement servile est celle qui regrette la faute simplement parce
qu'elle mérite l'enfer, tout en excluant le regret d'avoir offensé Dieu. Cette
crainte ou contrition "servilement servile" est mauvaise. Elle ne peut être bénie
de Dieu.
La crainte simplement servile : celle qui fait fuir le péché (péché qui offense
Dieu et mène à l'enfer), ou bien qui fait regretter d'avoir offensé Dieu et
promettre de ne plus recommencer (sans doute d'abord par la crainte de la
peine éternelle, mais ensuite, la crainte aidant, entraîne le regret sincère et le
ferme propos de ne plus recommencer), cette crainte, bien que moins parfaite
que l'amour, ramène quand même à Dieu. Il y a là un commencement d'amour
de Dieu, bien que léger. Cette crainte suffit à la rigueur si elle est jointe aux
Sacrements de Baptême, ou de Pénitence, ou d'Huile des Malades.
La crainte du Seigneur est le commencement de la Sagesse. Voilà pourquoi
l'Église a condamné les Jansénistes et les Protestants qui prétendaient que
cette crainte simplement servile ou contrition imparfaite ou ATTRITION était
mauvaise… Qu'il est bon le Bon Dieu de daigner s'en contenter ! ,,Que
sommes-nous, Seigneur, pour que vous nous aimiez au point de nous menacer
de l'Enfer si nous ne vous aimons pas” disait saint Augustin.
Cette crainte simplement servile amène l'âme à la crainte filiale, c'est-à-dire la
crainte de faire de la peine au Bon Dieu, ce qui est déjà de l'amour de Dieu…
La Contrition parfaite : c'est-à-dire regretter sa faute par amour de Dieu est
évidemment plus parfait. Mais combien n'y arrivent pas tout d'un coup… ou
même pas du tout !…
Donnez-nous Seigneur, également, et l'amour et la crainte continuelle de votre
Saint Nom ! (Oraison du Saint Nom de Jésus).
On pourrait se demander quels axiomes saint Ignace ajouterait s'il vivait de nos
jours ?
Peut-être renverrait-il au "catéchisme des erreurs modernes" de Monseigneur
Castro-Meyer ?… il me semble qu'il emprunterait aussi aux derniers Papes
quelques sentences si actuelles puisque se vérifiant tous les jours.
Léon XIII :
,,A notre époque, les fauteurs du mal paraissent s'être coalisés dans un
immense effort, sous l'impulsion et avec l'aide d'une société répandue en un
grand nombre de lieux et fortement organisée, la société des F.M.… afin
d'arriver, si c'était possible, à dépouiller complètement les Nations Chrétiennes
des bienfaits dont elles sont redevables au Sauveur Jésus-Christ”…
,,… ouvrant leurs rangs à des adeptes qui viennent à eux des religions les plus
diverses, ils deviennent plus capables d'accréditer la grande erreur du temps
présent, laquelle consiste à reléguer au rang des choses indifférentes le souci
de la religion, et à mettre sur le même pied de l'égalité toutes les formes
religieuses…”.
,,En premier lieu arracher à la F.M.… le masque dont elle se couvre et la faire
voir telle qu'elle est…”.
,,… aucun catholique, s'il veut rester digne de son nom et avoir de son Salut le
souci qu'il mérite, ne peut sous aucun prétexte s'affilier à la secte des F.M.…”.
(Encyclique HUMANUM GENUS du 20 avril 1884)
,,ou le monde reviendra aux institutions chrétiennes, ou le monde ne se
relèvera pas” (Encyclique RERUM NOVARUM – 1891)

,,La France reviendra aux Traditions de saint Louis, ou elle périra dans la honte
et la ruine” all. à des Français, 21.4.1903.
Saint Pie X :
,,Qu'il faille séparer l'État de l'Église, c'est une thèse absolument fausse, une
très pernicieuse erreur” – Vehementer –
Pie XI :
,,Les gouvernements sont tenus, tout comme les citoyens, de rendre au Christ
un culte public et de Lui obéir”. (Encyclique QUAS PRIMAS).
,,Le Socialisme repose sur une théorie de la Société qui lui est propre et qui est
inconciliable avec le Christianisme authentique. Socialisme religieux,
socialisme chrétien sont des contradictions. Personne ne peut être en même
temps bon catholique et vrai Socialiste” (Encyclique QUADRAGESIMO ANNO).
...
,,Le Communisme est intrinsèquement pervers, et l'on ne peut admettre sur
aucun terrain la collaboration avec lui de la part de quiconque veut sauver la
civilisation chrétienne. Si quelques-uns, induits en erreur, coopéraient à la
victoire du Communisme dans leur pays, ils tomberaient les premiers, victimes
de leur égarement, et plus les régions où le Communisme réussit à pénétrer se
distinguent par l'antiquité et la valeur de leur civilisation chrétienne, plus la
haine des "SANS DIEU" se montrera dévastatrice”. (Encyclique DIVINI
REDEMPTORIS).
PIE XII :
,,Enflammés d'un "IRÉNISME" imprudent, certains semblent considérer comme
des obstacles à la restauration de l'union fraternelle, ce qui en fait est fondé sur
les lois mêmes et les principes posés par le Christ et sur les institutions établies
par Lui, ou bien constitue la défense et le soutien de l'intégrité de la Foi et ne
saurait, en disparaissant, qu'assurer l'union dans la ruine. (Encyclique HUMANI
GENERIS).
...
,,Que tous ceux qui se glorifient du nom de chrétiens et qui luttent activement
pour établir le Royaume du Christ dans le monde trouvent dans la dévotion au
Cœur de Jésus comme un étendard et une source d'unité, de salut et de paix.
(Encyclique HAURIETES AQUAS)
...
,,Il ne faut pas estimer non plus que ce qui est proposé dans les Encycliques ne
demande pas de soi l'assentiment puisque les Papes n'y exercent pas le
pouvoir suprême de leur Magistère. A ce qui est enseigné par le Magistère
ordinaire s'applique aussi la Parole ,,Qui vous écoute m'écoute…” et la plupart
du temps ce qui est exposé dans les Encycliques appartient déjà d'autre part à
la doctrine catholique. Si les Papes portent expressément dansa leurs actes un
jugement sur une matière qui était jusque-là controversée, tout le monde
comprend que cette matière, dans la pensée et la volonté des Souverains
Pontifes, n'est plus désormais à considérer comme question libre entre
théologiens”. (Encyclique HUMANI GENERIS)
...
VATICAN II :
,,aucune activité humaine, même dans les choses temporelles, ne peut être
soustraite aux commandements de Dieu…”.
,,Il faut rejeter la doctrine néfaste qui s'efforce de construire la Société sans
tenir aucun compte de la Religion et qui combat et ruine la liberté religieuse des
citoyens”. (LUMEN GENTIUM – IV – 36).
*****
ANNEXE
CAUSERIE SUR L'ŒUVRE C.P.C.R.
LES HOMMES
LES EXERCICES
LA PAROISSE
DU PAPE PIE XI (MEDITANTIBUS NOBIS) : ,,Dans la solitude de Manrèse,
saint Ignace apprit de la Mère de Dieu elle-même comment il devait combattre
les combats du Seigneur. Ce fut comme de ses mains qu'il reçut ce code si
parfait, (c'est le nom qu'en toute vérité nous pouvons lui donner) dont tout
soldat du Christ doit faire usage. Nous voulons parler des Exercices Spirituels,
qui, selon la tradition, furent donnés du Ciel à saint Ignace”.
DU PÈRE VALLET : (1) … Il est difficile de convertir un homme. Sans doute,
c'est avant tout l'œuvre de la grâce. Ne pensons pas, en ce qui concerne notre
action, qu'il cède à quelques paroles chaleureuses, car il se défendra pied à
pied. Il faut qu'il se rende compte de la VÉRITÉ, et qu'il s'aperçoive de la folie
qu'il y a à la rejeter, qu'il n'y a que deux issues : le Salut ou la damnation.
Il faut, pour cela, qu'il réfléchisse devant Dieu avec une bonne méthode, qui ne
le déçoive pas, et de laquelle il apprendra à savoir méditer, s'examiner et se
vaincre… Cette méthode, c'est celle des Exercices Spirituels de saint Ignace…
----
(1) Écrits par saint Ignace pour des retraites de 30 jours, les Exercices ont été
dans leurs pièces maîtresses heureusement condensés par le Père VALLET,
fondateur des C.P.C.R. afin de les rendre accessibles au peuple des
travailleurs en des retraites de cinq jours et de huit jours…
*****
((fin page 600))

((page 601))
CAUSERIE SUR L'ŒUVRE C.P.C.R.
Mes chers Messieurs, si vous êtes ici aujourd'hui à faire les exercices de saint
Ignace, ce n'est pas par hasard… vous êtes venus à la retraite parce qu'existe
une Œuvre de Retraites. C'est de cette Œuvre que je vais vous parler
maintenant… vous avez en effet promis de rester fidèle au Bon Dieu, mais
voilà, c'est difficile en ce sens que les démons, furieux de votre conversion,
vont multiplier leurs assauts pour essayer de vous avoir à nouveau… mais
soyez tranquilles, ils ne pourront rien contre vous si vous êtes bien décidés à
persévérer et à en prendre les moyens. Cette causerie a justement pour objet
de vous les proposer et de les mettre à votre portée, même si vous êtes des
hommes très occupés…
Mais n'est pas seulement en jeu votre persévérance personnelle… Cette grâce
des exercices ne vous a pas été donnée pour vous seulement… vous n'avez
pas le droit de garder ce trésor et tous ces bienfaits : il vous appartient de les
communiquer et d'en faire bénéficier ceux de vos frères qui ne les connaissent
pas. Si l'on pouvait faire passer tous les Français – que dis-je ? tous les gens
du monde entier – dans le creuset des retraites, avouez que la face de l'univers
serait vite changée ! … Alors, comment faire ?
Rien n'est possible évidemment si l'on reste confiné dans sa tour d'ivoire en ne
s'occupant que de soi, mais pour tous ceux qui sont de bonne volonté – et il y
en a plus que l'on pense – il existe un grand moyen d'apostolat, utile, facile :
celui de faire connaître ces exercices…
Mes chers amis, c'est Notre-Dame elle-même qui a suggéré, inspiré ces
Exercices à saint Ignace. Au moment de ce qu'on appelle "la Réforme", quand
le monde catholique prenant (((???))) feu, une bonne partie de l'Europe
abandonnait la Sainte Église, et c'était tragique !… Ignace de Loyola, Chevalier
à la cour du Roi, se convertit et n'eut désormais d'autre aspiration que de
combattre pour son nouveau roi, le Roi du Ciel, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et
alors qu'il n'était ni homme d'église ni théologien, il reçut ces Exercices inspirés
de l'Esprit Saint comme des mains mêmes de la Mère de Dieu, nous dit le Pape
Pie XI dans l'encyclique Mens Nostræ. Une véritable merveille ! que tous les
papes ont loués sans avoir à y changer ni un mot ni une virgule !… Non
seulement ces exercices ont pu arrêter l'incendie et limiter les dégâts, mais ils
ont rendu à l'Église, par les prédications de saint François Xavier et de bien
d'autres, plus d'hommes que la Réforme lui en avait fait perdre en Europe.
Ces Exercices sont restés ensuite le privilège d'une certaine classe : de
prêtres, de religieux ou religieuses, de ceux aussi qui avaient la possibilité et
les moyens de faire leurs études chez les Jésuites ou dans de très grands
collèges catholiques ou, en fin d'études, les exercices leur étaient donnés… ils
duraient un mois entier mais comme ils sollicitaient une certaine disponibilité
spirituelle et temporelle, le peuple chrétien, dans sa grande généralité, ne les
connaissait pas ou très peu.
Maintenant les temps ont changé : nous nous trouvons à nouveau dans une
époque de néo-arianisme mais il y a des élites partout… Comment en tirer parti
si elles ne sont pas formées ? Comment faire de l'Action Catholique s'il n'y a
pas de militants catholiques ? Comment faire de l'Apostolat si les gens n'ont
pas la Foi ? Eh bien, de même que la Sainte Vierge a suscité les Exercices
avec saint Ignace, elle a également suscité – et nous le croyons fermement –
des œuvres de retraites; … il y en a plusieurs – elles sont toutes
recommandables puisque reposant sur une saine ascèse catholique – mais
c'est en pensant à notre œuvre, alors en embryon en Catalogne et en Italie –
que le Pape Pie XI parlait de ces lignes d'Anciens retraitants qui devaient par la
suite se multiplier avec un succès extraordinaire sous l'impulsion du Père
Vallet, le fondateur des C.P.C.R.
Pourquoi ces ligues d'Anciens retraitants dénommées par la suite "Œuvres de
Retraites" ? Eh bien pour aider les retraitants à persévérer. Il ne suffit pas effet
de se convertir à la retraite, il faut persévérer, et cela jusqu'à la mort, a dit
Notre-Seigneur dans l'Évangile : ,,Seul celui qui persévérera jusqu'à la fin sera
sauvé”. Mais les Œuvres de Retraites n'ont vraiment de sens que si elles
s'appuient sur la masse, si elles restent susceptibles d'atteindre tous les
hommes de bonne volonté… C'est là précisément que se situe l'homme
providentiel qui en reçut la méthodique organisation, le Père Vallet…
Mais qui est ce Père Vallet ?
En voie d'être Ingénieur industriel après ses études universitaires à Barcelone
où, comme il devait le dire, il avait perdu la Foi, ce laïc fit les exercices
spirituels de saint Ignace dans la grotte de Manrèse. Ces exercices marquèrent
la fin de sa terrible crise d'âme et allaient être le point de départ d'une vie
nouvelle toute donnée à Dieu et aux âmes.
Entré dans la Société de Jésus, il y est ordonné prêtre et n'a de cesse de
lancer cette grande œuvre : reconquérir les hommes par les exercices… tout
comme lui ! Il en a été si bouleversé !… Mais voilà, même ses confrères dans
le sacerdoce ironisaient : ,,T'es pas four ? 30 jours avec une spiritualité aussi
forte… c'est bon pour nous mais pas pour la masse ! Qui pourra les faire ?”.
Et d'arrache-pied, pour mettre ces exercices à la portée du peuple, il les
condensera en cinq pauvres petits jours, en gardant de la méthode toutes les
pièces maîtresses… Après avoir obtenu de ses supérieurs les autorisations
nécessaires, il quittera l'ordre et donnera les premiers exercices en Catalogne
avec quelques-uns de ses confrères…
Ce fut vraiment de sa part un trait de génie que de réduire ces 30 jours en
retraites de 8 jours et de 5 jours et de les adapter en conséquence… Il ne
faudrait pas croire que cela pouvait se faire en découpant les 30 jours en 4
parties égales; les fameuses 4 semaines que nous voyons en abrégé, non, non
! cela aurait été beaucoup trop simpliste !… le Père Vallet avait très bien
compris que la première semaine devait être gardée presque intégralement si
l'on pouvait, car cette semaine-là est capitale, à tel point que saint Ignace lui-
même avait l'habitude, au bout de la première semaine, de renvoyer chez eux
la plupart des retraitants. Il ne gardait que ceux qui vraiment étaient décidés à
se faire tuer pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, les autres il les renvoyait après
leur avoir fait bien regretter leurs péchés par une bonne confession et une
bonne communion. Il leur donnait quelques conseils pour que leur
persévérance s'effrite le moins possible et puis voilà, on ne gardait que les plus
vaillants pour aborder les autres semaines ! Oui, ce fut une heureuse décision
du Père Vallet que de garder cette première semaine malgré la tentation d'y
substituer des parties plus agréables à entendre, si bien que, comme vous
vous en êtes aperçus, elle prend à elle seule près de la moitié des cinq jours…
et ce n'est pas de trop ! Nous qui en avons l'expérience nous savons que dans
des retraites plus courtes on n'arrive pas à obtenir de tous une contrition
profonde telle qu'elle puisse entraîner un changement de vie, on s'en aperçoit
très bien et c'est très net ! Oui, heureusement que le Père Vallet a su laisser à
cette première semaine toute sa force !
Les premiers exercices donnés en Catalogne eurent un succès foudroyant,
extraordinaire, un succès populaire vraiment unique; on n'avait jamais vu ça :
les hommes de villages entiers se déplaçaient; de partout on venait faire sa
retraite et ils repartaient convertis, revenant en rangs serrés retrouver leurs
curés; il y eut à ce moment-là des articles très importants dans les journaux et
revues, mais vous savez que les Pères Jésuites sont à la disposition de leur
Compagnie et par conséquent ne donnent pas que les exercices, ils sont dans
toutes les branches de l'activité humaine… Or le Père Vallet voulait avant tout
donner les exercices aux hommes et fonder une congrégation ne s'occupant
que de cela, envisageant parallèlement une œuvre de retraites pour la
persévérance des retraitants. Et l'originalité de cette œuvre consistait en ceci :
c'est que s'il est vrai que les Pères sont nécessaires pour animer les exercices,
l'œuvre devait rester essentiellement composée de laïcs organisant leur
apostolat; donc d'une part des Pères chargés de prêcher les retraites et d'autre
part des laïcs faisant œuvre utile en recrutant pour que les hommes bénéficient
au maximum du bienfait de ces retraites…
Pourquoi cette exclusive sur les hommes ? Eh bien parce que les hommes sont
en principe Chefs de famille et chefs dans la société, ce sont eux qui tiennent
généralement les fonctions importantes et les leviers de commande, leur avis
est prédominant n'est-il pas vrai ? mais ce sont les plus difficiles aussi à
convertir et c'est à cette tâche pleine de difficultés que la Père Vallet a voulu
s'attaquer car incontestablement à ses yeux, pour renouveler la Société, il
fallait en premier lieu renouveler les hommes… C'est aussi sans doute pour
donner suite à une idée du Pape Saint Pie X : se promenant un jour avec ses
cardinaux dans les jardins du Vatican le pape posait la question : Que pensez-
vous qu'il y ait de plus urgent à faire dans l'Église ? Quelle est l'œuvre où nous
devrions porter nos efforts en priorité ? Et eux de répondre : ou les missions, ou
les séminaires, ou l'enseignement, etc… chacun ayant son idée; finalement Pie
X donna la sienne : ,,Voyez-vous ce qu'il y a de plus urgent dans l'Église c'est
de mettre autour des curés un groupe de laïcs bien formés chrétiennement,
prêts à vivre intensément la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de telle
sorte que le Curé puisse croire que c'est encore possible et qu'à travers ces
hommes, appuyé sur eux, il puisse plus facilement rayonner sur sa paroisse.
Effectivement l'œuvre a pour objectif :
a) de convertir le retraitant et de lui donner des moyens de formation et de
persévérance,
b) de le diriger vers son curé pour les tâches que ce dernier voudra bien lui
confier.
C'est la raison pour laquelle cette œuvre se dénomme : ŒUVRE DE
COOPÉRATION PAROISSIALE DU CHRIST-ROI (C.P.C.R.), composée
exclusivement d'anciens retraitants, la congrégation, elle, n'intervenant que sur
le plan spirituel par la prédication des retraites ou des récollections organisées.
Après la Catalogne, l'œuvre fit tache d'huile en Uruguay, en Espagne, en
France aussi où le Père Vallet rencontra Monseigneur PIC, évêque de Valence,
grâce à qui, après de nombreuses difficultés, la petite communauté C.P.C.R.
s'établit officiellement à Nazareth-Chabeuil en 1934. Et depuis, malgré la
guerre, malgré les incompréhensions, l'œuvre a progressé; elle s'est étendue à
la Suisse et à l'Argentine et des communautés nouvelles se sont établies pour
faciliter la diffusion des exercices.
En 1948, l'approbation fut demandée à Rome et Rome fit attendre un peu
parce que les religieux n'étaient pas encore assez nombreux. Cette
approbation arriva enfin en septembre 1954 : le Pape Pie XII approuvait la
Congrégation Paroissiale du Christ-Roi au titre de congrégation de droit
diocésain. Mais si le Père Vallet a fondé cette congrégation pour donner les
Retraites dans l'œuvre, il souhaitait que beaucoup d'autres congrégations aient
assez de prêtre séculiers pour donner également ces retraites-là, mais il y
voulait une certaine discipline : je veux dire qu'il désirait que l'on donne ces
exercices-là et non pas d'autres; que l'on y respecte ce découpage, ce
découpage qui avait fait ses preuves et non pas un autre, mais personne ne
saurait en faire une exclusivité et il serait désirable au contraire que tous les
ordres religieux se servent de cette méthode providentielle; d'ailleurs, en
Catalogne, ce sont toujours les Jésuites qui continuent à donner les exercices
de saint Ignace agencés pour les cinq jours par le Père Vallet. En France
également plusieurs religieux et leurs aides donnent les exercices en 5 jours
soit avec les Coopérateurs soit en dehors des Coopérateurs; on ne peut que
s'en féliciter…
Mais avant tout, ce qu'il vous faut bien comprendre, c'est que l'Œuvre des
Retraites est une œuvre à vous, une œuvre de laïcs, ce que quelquefois on a
de la peine à concevoir, que l'on soit retraitant ou que l'on soit curé de paroisse.
Les curés n'arrivent pas à comprendre toujours qu'une œuvre puisse être
dirigée par des laïcs, parce qu'ils s'imaginent que c'est de leur ressort et que
cela fait partie de l'évangélisation dont ils sont chargés, oui mais, excusez-moi,
monsieur le curé, détrompez-vous et en avance même sur les décisions du
Concile Vatican II, l'œuvre était et reste une œuvre de laïcs qui ont leurs
responsabilités propres…
Le Concile a eu beaucoup de peine à définir les responsabilités des laïcs, de
les définir clairement. Il est très utile de bien étudier ces textes au sujet de la
formation et du rôle des laïcs dans l'Église : les laïcs ne sont pas des inférieurs
dans l'Église, non ! ils sont l'Église, tout comme les ecclésiastiques le sont; ils y
ont une tâche spéciale que les prêtres et religieux ne peuvent pas accomplir; ils
peuvent atteindre des gens que le prêtre n'a pas la possibilité d'approcher; ils
sont en plein milieu de la pâte et les mieux placés pour agir : les ouvriers avec
les ouvriers, les cheminots avec les cheminots, les militaires avec les militaires,
etc… Ils sont irremplaçables !
Cependant ces retraitants qui forment l'Œuvre nous voulons qu'ils se groupent
autour de leur curé, pourquoi ? Parce que c'est auprès de leur curé qu'ils
rencontrent l'Église; l'Église n'est pas quelque chose en l'air, une idée abstraite,
non ! C'est une chose vivante, concrétisée dans la paroisse, et s'il est vrai que
nous dépendons du Pape, nous y sommes reliés normalement par nos curés et
par nos Évêques, si bien que l'Œuvre de Coopération Paroissiale a pour but
essentiel de refaire de vrais chrétiens par les Exercices, de les grouper autour
de leurs curés pour collaborer avec eux, et constituer ainsi un service utile à
tous, comme par exemple le service de santé de l'armée qui, bien qu'à part, est
là pour servir les différentes armes; il est là pour ranimer les divers
groupements paroissiaux par une vie intérieure plus intense. Voilà la règle
générale…
Ainsi groupés, s'ils sont assez nombreux, par exemple trois ou quatre pour
commencer, ils se constituent en section paroissiale. Le pape Pie XI en parle
longuement dans l'encyclique "MENS NOSTRÆ" et il faut évidemment un
minimum d'organisation, oh ! pas beaucoup, il faut que cela soit très simple et
puisse convenir à des gens parfois très occupés. Eh bien, à l'échelon
paroissial, il y a deux éléments. Ils n'existent pas toujours et il faut souvent les
créer : d'abord la section. Combien peuvent-ils être ? Tantôt cinq, 20, 50, cela
dépend des paroisses. En Suisse, certaines paroisses ont jusqu'à 1'200
retraitants. La section a des obligations relativement légères : elle a une
réunion tous les mois qui ne doit pas dépasser 15 minutes, très courte; le curé
y est invité… mais le jour choisi étant généralement le dimanche avant ou
après la messe, il a certainement autre chose à faire et cela se comprend, mais
qu'il vienne ou non, on doit parler uniquement "retraites" : on y écoute par
exemple ceux qui en reviennent, on prend leurs impressions; puis de celles à
venir, des dates, des recrues possibles, etc… La deuxième condition, c'est ce
que nous appelons le "ressort de montre", par exemple deux ou trois des
retraitants les plus accrochés, qui se dévouent si je puis dire corps et âme pour
intensifier les bienfaits de l'Œuvre dans la paroisse. Ceux-là se réunissent entre
eux plus fréquemment, chaque semaine en principe, se contactent pour le
recrutement.
A l'échelon régional existe un comité régional groupant toutes les paroisses
intéressées, à Paris, Bordeaux, Tarbes, Lyon par exemple – ce comité se réunit
en principe par quinzaine, s'occupant de la marche de l'Œuvre dans l'étendue
territoriale dont il a la charge. Indépendamment des sujétions de centralisation
et de correspondance, c'est à cet échelon que sont décidées les visites
périodiques à des paroisses, la formation d'équipes pouvant aller prendre la
parole dans des réunions d'information, pour aller réanimer des sections en
sommeil, etc.… On peut coordonner à l'échelon régional bien des choses qu'il
n'est pas possible d'envisager au seul échelon local. Enfin, au sommet, le
comité National à Paris qui centralise l'ensemble et prend les décisions d'ordre
général; de temps à autre, en principe chaque année, il se réunit en congrès
national avec les présidents régionaux et les principaux membres de l'Œuvre,
congrès où sont étudiées les diverses propositions, suggestions tendant à
améliorer le rendement de l'Œuvre; à signaler également certains congrès
internationaux organisés en certaines occasions : tels ont été le fameux
congrès des 10'000 premiers retraitants, à Chabeuil, puis dans un
enthousiasme extraordinaire celui où l'on a fêté les 20'000… en 1959 celui de
Lourdes avec des retraitants espagnols, suisses, argentins, italiens, français…
celui de Rome en 1962 recevant les bénédictions du Saint Père et de
nombreux cardinaux, enfin en 1966, le congrès de ROSARIO en Argentine,
groupant les délégations de tous les pays dans une ambiance extraordinaire,
avec télégramme d'approbation de Sa Sainteté Paul VI nous encourageant à
étudier les documents conciliaires et à continuer nos efforts dans l'apostolat, à
les renouveler dans une rénovation spirituelle intérieure. C'est le pourquoi
d'ailleurs des Exercices car sans cette vie divine intense en nous, nous ne
pouvons rien faire; sans elle, nous dit saint Paul, nous ne pouvons être que des
cymbales et trompettes qui retentissent mais c'est tout, et Paul VI nous dit : les
renouveler principalement chez les hommes…
Voilà en bref un résumé de l'organisation de l'Œuvre et elle démarre
généralement dans une paroisse à partir d'un laïc. Ces laïcs, c'est vous !
Quelquefois on est seul, il faut tenir le coup tout seul… entre nous, avouez que
si Noé n'avait pas tenu le coup tout seul, il n'aurait pas bâti son arche et n'aurait
pas sauvé le genre humain… si Abraham n'avait pas tenu le coup tout seul, il
n'aurait pas sauvé la Foi et combien dans ce cas ! Nous lisions hier je crois
dans l'épître qu'Élie se trouvait découragé et que Dieu lui dit : non, non ! vous
êtes encore 7'000 et Élie put encore remonter le courage des pauvres israélites
persécutés parce qu'ils croyaient encore au Messie !
Maintenant, en règle générale, le combattant se trouve isolé et doit faire face
seul, de même dans l'apostolat moderne, le Chrétien, au moins à certains
moments, est seul, ne peut compter que sur ses ressources propres; à lui de
s'armer de connaissances et de vie intérieure pour pouvoir tenir le coup tout
seul s'il le faut…
Tenez, dans la région de Lyon, l'Œuvre à un moment donné a tenu à un fil sur
les épaules du secrétaire, et c'est parce que lui a tenu le coup que maintenant
dans cette région et celle de Marseille, l'Œuvre est très florissante…
Il faut être de vrais combattants et vous êtes invités à ce combat.
Mais mon Père, je suis seul dans ma paroisse !
Tant mieux ! Vous êtes le premier, vous êtes Abraham : A vous de faire en
sorte qu'il y en ait d'autres… ,,Malheur à l'homme seul, dit la Sainte Écriture,
car s'il tombe, il n'aura personne pour le relever”. Regroupez-vous avec
d'autres, maintenant qu'est-ce que 25, 50 km. avec une auto ? Ce n'est rien du
tout ! Il est relativement facile de rayonner et de faire de l'Apostolat dans un
rayon de 100 km, alors recrutez, recrutez sans arrêt, même maladroitement… il
faut que là aussi vous vous formiez.
Comment fabrique-t-on un recruteur émérite ? Eh bien en recrutant… Il faut
surtout que vous agissiez dès votre retraite terminée, tant que vous êtes brûlant
des feux du Saint Esprit… Je ne sais pas si vous avez remarqué comment
l'Église a été faite par Notre-Seigneur : Il a groupé douze hommes autour de
Lui qu'il a formés et Il les a dispersés aux quatre coins du monde connu d'alors,
pourquoi faire ? Pour recruter, tout simplement… voilà le but : Ne pas garder
l'esprit pour soi mais porter la lumière aux autres… en sentant ce besoin –
j'allais dire insatiable – on nous demande parfois si les religieux sont heureux;
réponse : Un religieux ne peut être heureux tant que Jésus-Christ n'est pas
connu et aimé de tous les hommes; un chrétien ne peut l'être non plus s'il n'a
pas en même temps cette angoisse de faire connaître Jésus aux autres, un
retraitant ne peut être heureux tant que la retraite n'est pas connue, aimée et
pratiquée de tous les hommes…
En principe il faut recruter d'homme à homme, il faut proposer la retraite au
premier homme que vous rencontrerez en sortant. Vous me direz : mais je ne
lui ai jamais parlé !…
Raison de plus, mon cher ami, allez-y, jetez-vous à l'eau, parce que si vous ne
le faites pas la tactique du démon est la suivante :
Non, pas à celui-là parce que c'est ton cousin, et au troisième : Pas celui-là, il
ne supporte pas ce qui touche la religion; au quatrième, c'est ton garagiste,
etc… alors vous n'arriverez à en parler à personne et le démon vous aura
toujours, pas un tel, pas celui-là,… eh bien pour combattre votre appréhension
le premier que vous rencontrerez c'est le bon… le deuxième aussi et que va-t-il
arriver ? Il arrivera que le premier vous dira : Oh ! tu m'embêtes avec ta retraite,
je ne marche pas…, le deuxième… oui, on verra, pour le moment j'ai bien
d'autres choses à faire, le troisième c'est complètement idiot d'aller s'enferme
cinq jours, etc… alors de deux choses l'une : ou bien vous vous découragez et
vous ne recruterez jamais personne, ou au contraire vous essayez toujours en
vous disant ,,encore un coup” et puis finalement vous vous apercevrez avoir
remporté une grande victoire en décidant deux ou trois interlocuteurs à y aller…
une grande victoire, parce que ces "oui" vous les aurez remis sur le chemin du
Ciel… Voilà comment ça se passe… le Père Vallet disait que pour 2 ou 3 oui il
fallait recevoir cent "non" !
Je connais très bien l'histoire d'un retraitant qui avait une famille nombreuse et
un métier qui l'absorbait beaucoup. Il reçoit un jour un jeune homme qu'il
connaissait à peine qui lui tend une feuille jaune, ces feuilles-tracts qui donnent
les dates et lieux des retraites… Bon, bon, dit le jeune homme, il faut deux
minutes pour lire ça, mais sachez que c'est plus important que votre courrier !…
Entrevue très courte… vous voyez ! cinq jours plus tard, le jeune homme
revient et il s'entend dire : Eh bien Monsieur, j'ai lu la feuille que vous m'avez
remise, c'est très bien, je veux en faire une: et il l'a faite, en est revenu
enthousiasmé, y a envoyé à son tour son père, son frère, la fiancée de ce
dernier, laquelle a décidé son propre frère devenu depuis un religieux
coopérateur et encore une amie devenue religieuse chez les Sœurs de Nevers,
qui elle-même a envoyé son frère devenu religieux à l'Abbaye de Maylis…
Voilà vraiment des étincelles qui ont fait leur chemin ! Bien sûr, vous aurez des
échecs, c'est évident; mais quelquefois le Bon Dieu n'attend pas que vous en
ayez cent pour ne pas vous décourager, et Il vous donne une victoire au
moment où vous vous y attendiez le moins… rappelez-vous que le Seigneur
vous regarde ramer dans cette nuit et malgré la tempête… à vous de tenir le
coup…
Une autre histoire encore, tout à fait authentique : dans une petite brigade de
Gendarmerie, un gendarme contacté par un ancien retraitant, remarquable…
intelligent, se décide à faire une retraite mais voilà, le respect humain jouant il
demande une permission pour Metz alors qu'il devait s'arrêter à Chabeuil. Ce
n'était pas tout à fait le même déplacement !… Il en revient transformé et la
première chose qu'il dit à tout le monde c'est qu'il était allé à Chabeuil faire une
retraite de cinq jours… la question qu'il se posait avant la retraite : Qu'est-ce
que vont dire les autres ? Tout cela était enterré et sa conviction et son allant
furent tels qu'il réussit à décider cinq autres camarades, gendarmes comme lui,
puis presque toute l'unité y passa ou peu s'en faut… extraordinaire ! Et un
homme qui ne pratiquait plus depuis longtemps ! un jeune homme de 25 à 30
ans, aux qualités humaines nettement affirmées, très belles, vous voyez
comment ensuite il a fait du bon travail…
Cela pour vous dire que c'est un tort de vouloir choisir et de se limiter à ce
qu'on appelle le milieu bien pensant… vous vous dites : celui-là va à l'église, je
suis sûr de l'avoir… Oui et non, ce sont ceux-là qui très souvent vous sortent
mille prétextes pour ne pas se décider; il ne faut pas les omettre pour autant
car tous nous avons besoin d'une conversion; je connais un pratiquant qui allait
tous les jours à la messe et quand il a eu fait sa retraite il m'a dit : Ah, là là là
là ! que j'en avais besoin ! Que mes idées étaient fausses !… oui on voit des
choses extraordinaires, on voudrait raconter des histoires de retraitants qu'on
n'en finirait pas ! Sollicitez la grâce divine, il faut prier et engager toute
personne que vous envoyez à la retraite à prier et à demander des grâces de
lumière au Seigneur.
Je connais un supérieur de séminaire à qui on a parlé de la retraite en 1949, et
savez-vous quand il s'est décidé ? En 1965, 16 ans après. Avouez qu'il a fallu
un peu de ténacité pour y arriver et là, dans ce séminaire, il y avait un brave
jardinier qui avait fait sa retraite et la renouvelait – je crois que finalement c'est
lui qui a décidé son supérieur – mais ni les séminaristes ni les professeurs n'ont
pas voulu le suivre (ce qui est dommage !), par contre, dans une Maison de
religieux enseignants voisine la retraite leur a été donnée à tous ou peu s'en
faut…
En conclusion donc : ne pas tenir compte de la personne, si elle pratique ou
pas, cela n'a aucune importance car pour tous la conversion est nécessaire. Je
vous dirai que souvent le Bon Dieu permet que nous accumulions les échecs
dans nos efforts envers les pratiquants tout en nous ménageant des succès
avec les non pratiquants. Donc ne pas s'arrêter à faire des choix, l'ESPRIT
souffle où il veut, nous dit la Sainte Écriture… Alors n'ayez pas peur, vous avez
devant vous un champ immense, il faut se mettre au travail… Et ne me dites
pas que votre curé n'est pas d'accord; si vous travaillez bien pour le Seigneur, il
vous laissera faire… Un jour on demandait à l'un d'eux (c'était en Suisse) : Dis
donc, qu'en dis-tu de Chabeuil toi ?
Eh bien, écoute, je n'y ai jamais envoyé personne dans ces retraites mais ce
que je puis te dire, c'est que depuis que quelques-uns de mes hommes y sont
allés, dans ma petite paroisse de 1'200 âmes, tous les premiers vendredis du
mois j'ai 350 hommes qui viennent faire la Sainte Communion et tous les
dimanches aussi, et, tous les jours, il y en a une trentaine qui assistent à la
messe et y communient… si tu peux en dire autant ? Moi je ne puis te dire
autre chose…
Certains me diront : Mon curé a un sale caractère, il ne veut rien entendre.
D'accord c'est son droit d'avoir des défauts, tout comme vous, n'empêche qu'il
est votre Père dans la paroisse et que vous n'avez pas à lui dire ses défauts,
non, non ! souvent il s'agit de nos propres défauts qui font grossir les siens;
même s'il en était autrement nous devons l'aimer, l'entourer d'affection, prier
pour lui, et au lieu de le critiquer publiquement comme beaucoup de
paroissiens qui ne comprennent pas leurs devoirs, lui dire bien humblement à
part, en particulier, ,,M. le Curé, si on faisait cela, qu'en pensez-vous ?”.
Voyez-vous, mes chers Messieurs, le Curé, il faut bien se le représenter : il est
amené à côtoyer plusieurs catégories de personnes, à s'adapter à elles et à
toutes sortes de situations; il est obligé quelquefois de ne dire qu'une partie de
la vérité, ,,il y a beaucoup de choses que vous ne pouvez encore supporter
maintenant” disait Jésus Lui-même à ses apôtres, vous le direz au fur et à
mesure et le curé ne peut pas, parce que les chrétiens qui l'entourent ne sont
pas toujours dans une atmosphère suffisamment calme, ne pas être amené
quelquefois à faire un peu confiance à son auditoire dans la vérité qu'il
enseigne en se disant : après tout, est-ce qu'à notre époque on est encore
capable de la recevoir ? C'est la raison pour laquelle le Pape Pie X voulut
qu'autour de chaque curé existent des hommes à la foi ardente, ce que je vous
disais au début. Il faut comprendre aussi que nos curés sont quelquefois
victimes d'une propagande et qu'il doit être très difficile de leur enlever des
idées ainsi forgées, donc il faut agir avec beaucoup de douceur, de tact et de
patience… mais toujours respecter le curé qui, en même temps qu'il est le Père
de la paroisse est le prêtre de Dieu« quoiqu'il arrive on doit toujours respecter
le prêtre… même s'il se présentait un jour dans un état invraisemblable, se
rappeler l'image des fils de Noé ,,le couvrant d'un manteau et marchant à
reculons”…, même s'il était source de scandale… J'ai eu l'occasion de
connaître un prêtre qui avait abandonné son sacerdoce – bien qu'on soit prêtre
pour l'éternité – Il était devenu sous-préfet. Eh bien chaque fois que j'avais
l'occasion de le rencontrer je lui parlais toujours avec un grand respect, non
seulement parce qu'il était sous-préfet, mais surtout parce qu'à mes yeux il était
toujours prêtre…
Donc faire connaître cette œuvre à vos curés mais avec beaucoup de douceur,
leur faire comprendre qu'elle fait de vrais chrétiens vraiment dévoués à l'Église
et cela en évitant les sources de conflit. N'allez pas par exemple vous présenter
pour lui faire la leçon, non !! il en sait beaucoup plus que vous ! il a fait sa
théologie et connaît les problèmes religieux bien mieux que vous; n'allez pas lui
dire ce que vous avez découvert car il a découvert beaucoup plus que vous,
même si c'est un peu enfoui parfois parce qu'il est submergé par les
occupations matérielles, ce que devraient faire précisément les laïcs, mais
dites-lui la vérité en tout respect, en toute humilité, cela pourra peut-être le
réconforter que de vous entendre parler de la vérité et des impressions qu'elle
vous a suggérées. Il est bon que vos prêtres ne soient pas toujours en face de
gens de foi frelatée dont les contacts finissent par atteindre le prêtre, non pas
que ce dernier en perde la Foi, mais il peut perdre quelquefois la certitude de
l'efficacité de la doctrine, ne s'adressant qu'à des chrétiens qui le sont à 50 %,
alors il se dit : eh bien, puisqu'on ne peut pas en faire des chrétiens à 100 %,
essayons de les maintenir à ce niveau, sans qu'ils baissent davantage ! Oui, il
faut leur donner la certitude que dans les retraites on refait des chrétiens à 100
%, qu'on repart de là vraiment neuf.
Il vous objectera peut-être :
Mais un tel n'a pas persévéré…
Et c'est vrai que l'on choisit toujours des exemples négatifs mais alors à vous
de persévérer effectivement et de lui montrer un résultat concret et positif.
Convainquez-le par votre zèle, votre humilité, votre obéissance, votre respect.
J'ai eu bien des confidences de prêtres qui m'ont dit : Tel retraitant m'a dit ceci
et cela m'a remonté m'a redonné du courage, ce qui montre que les laïcs sont
parfois plus courageux que nous et moins contaminés que nous, je veux dire
par là moins accaparés par des idées à la mode, des idées qui veulent être à
l'avant-garde de l'avant-garde ! On voudrait par moments être les témoins du
22ème siècle si je puis dire alors que le problème consiste simplement à être le
disciple de Paul VI; c'est de l'Église de maintenant qu'il faut être les fils, soyons
soumis tout en prenant nos responsabilités et nos initiatives.
Il faut bien que je vous parle aussi des obligations des Anciens Retraitants : Il
s'agit de quelques petites résolutions qui vous aideront à beaucoup
persévérer : Je vous rappelle néanmoins que quelqu'un qui ne s'y astreindrait
pas malgré sa promesse ne commettrait pas de péché, même véniel, mais
quelqu'un qui le fait peut être certain de sa persévérance. Le Pape Pie XI
disait : Je réponds du salut éternel d'un retraitant qui reste fidèle aux
obligations de sa ligue et il confirme par ailleurs dans son encyclique "MENS
NOSTRÆ" : Nous recommandons à la sollicitude de tous les évêques ces
ligues d'anciens retraitants” tellement il y attachait de l'importance, et le Pape
Pie XII, parlant de notre œuvre disait : ,,Je voudrais voir une section de cette
œuvre dans toutes les paroisses de la Chrétienté”.
La première de ces obligations qui sont énumérées en 15 articles page 427 de
votre livre bleu, consiste à demander la grâce de la persévérance pour vous et
tous les autres retraitants, en récitant 3 Ave Maria à cette intention… cela peut
se dire en s'habillant… il faut y penser. La Sainte Vierge a promis cette
persévérance à ceux qui restent fidèles aux 3 Ave Maria quotidiens et j'ai la
nette impression que ceux qui ont tenu le coup dans l'œuvre – car, hélas, tous
ne l'ont pas tenu, il faut bien le savoir et ont été repris par le monde – sont ceux
des retraitants qui se sont assujettis à cette prière quotidienne. Ceux qui l'ont
délaissée n'ont plus eu la grâce de Dieu pour se maintenir, car la persévérance
est une grande grâce qui complète celle de la retraite et doit lui être
inséparable… Saint Alphonse de Liguori nous dit : Vous voulez persévérer ?
Ce n'est pas difficile, vous n'avez qu'à le demander car Notre-Seigneur
s'engage à exaucer nos prières : si vous la demandez tous les jours, la
persévérance vous est acquise et comme le Bon Dieu est très riche, au lieu de
la demander pour vous seul vous la sollicitez pour tous les retraitants de telle
sorte que si un jour vous flanchiez, vous bénéficieriez de la prière quotidienne
de tous les autres retraitants; or il y en a en France, dans toute l'Europe, il y en
a en Afrique, en Asie, en Amérique et en Océanie, il y en a au Ciel et il y en a
en Purgatoire… En second lieu on voit parfois des retraitants qui ont lâché et
un beau jour reviennent au Bon Dieu : ne cherchez pas d'où cela peut venir,
c'est qu'ils ont bénéficié des prières que les autres ont faites pour eux. Attachez
donc à cela une grande importance.
Il est aussi demandé de renouveler sa retraite chaque année, mais au moins
tous les deux ans. Voyez-vous, nous les prêtres et les religieux nous sommes
tenus par les prescriptions canoniques à faire notre retraite tous les ans, alors
vous qui êtes dans le monde, qui êtes dans le bain jusqu'au cou, dans cette
dangereuse mélasse qu'est le monde, vous n'en auriez pas besoin ? Il y en a
même, parmi les nouveaux convertis, qui ont besoin d'en faire deux par an
dans les débuts pour résister aux tentations semées sous leurs pas. Saint
Vincent de Paul les faisait deux fois par an, en souriant il disait : ,,Une fois pour
moi, une fois pour les autres”, alors nous, admettons que ce n'est pas de trop
de les envisager chaque année ! Toutefois l'Œuvre vous dit ,,au moins tous les
deux ans”, car il est d'expérience qu'au bout de deux ans le monde finit par
vous submerger,… alors on se refroidit et on retombe dans les errements
anciens. Prenez donc l'habitude de marquer votre retraite sur votre Agenda,
que cela soit pour vous comme une obligation à ne pas différer, tout comme
l'on met au garage son auto pour une nouvelle mise au point. En bref, il faudrait
que la retraite annuelle fasse partie de votre style de vie. Si l'on reste plus
longtemps on ne sait plus où l'on en est; on ne discerne pas toujours les dégâts
qui se produisent dans l'âme, tout comme des accumulateurs que l'on néglige,
qu'on oublie de recharger… allez-y voir… ce ne peut être qu'un mal pour eux et
le démon, vous le savez – nous l'avons encore lu dans l'évangile ce matin –
lorsqu'il est sorti d'une âme il s'en va furieux et parcourt des lieux arides pour lui
parce qu'il n'a pas sur quoi exercer sa méchanceté… alors que fait-il ? Il revient
vers l'âme qui s'était libérée de lui et la trouvant toute blanche, propre, en état
de grâce, de plus en plus furieux il va chercher d'autres démons pour l'attaquer.
7 démons au lieu d'un, alors si elle ne résiste pas elle est perdue !… Alors il
faut beaucoup prier, revoir aussi ces belles règles du discernement des esprits
pour être à même de mieux résister. A ce propos, entre parenthèses, laissez-
moi vous rappeler une règle essentielle, capitale : Elle a trait au "bon sens". Le
"bon sens" est toujours branché sur Dieu. Qu'est-ce que le bon sens ? C'est la
logique, la grosse logique toute simple qui est donnée à tout homme, à
l'homme qui sème des carottes comme à celui qui fait de l'électronique, mais
attention ! une logique qui tient compte de tout, hein ! qui tient compte du fait
que vous mourrez un jour pour paraître devant Dieu !… il ne faut pas en effet
que cette logique soit basée sur des données qui élimineraient certains des
éléments du problème… pour résoudre un problème, Messieurs, vous le savez
aussi bien que moi, il faut en avoir tous les éléments… oui, la logique, le gros
bon sens… et je vous dis cela parce qu'il se peut qu'après avoir étudié ces
règles vous oubliez cela, que tous les éléments du problème entrent en jeu !
Saint Bernard nous dit : Tu veux vivre chrétiennement ? Bon… Tu marches ?
marche raisonnablement… tu chantes ? chante raisonnablement. Tu
travailles ? … travaille raisonnablement, toujours en restant branché sur Dieu,
en étant attentif. Sans doute faut-il renouveler l'intention, c'est vrai, mais tout
homme qui agit selon sa raison est branché sur Dieu, tandis que tout homme
qui agit selon son sentiment, c'est une catastrophe ! parce que le sentiment est
aveugle et qu'il vous jouera des tours !… Oui, il faut marcher avec la logique,
dans le casa contraire, tôt ou tard, vous serez en butte au démon…
Ah ! autre recommandation : le port de l'insigne de l'ARP qui concrétise votre
appartenance à l'Œuvre des Retraites. C'est aussi très important. Portez-la
dans la mesure du possible, elle vous fortifie contre le respect humain et est un
témoignage muet mais efficace. Cela frappe et c'est quelquefois par son canal
qu'entre la grâce de Dieu dans une âme. Bien sûr, il faut savoir aussi ne pas la
porter. En effet quelqu'un qui est passé dans le creuset d'une retraite ne voit
pas les choses comme ceux qui ne la connaissent pas encore. Si donc vous
allez par exemple tenter de parler "retraite" à quelqu'un que la religion a laissé
jusque-là indifférent, que va-t-il se dire en regardant votre insigne ? Hé, quoi, il
faudra qu'ensuite je porte cette croix-là devant mon entourage athée ? Hou !
Hou ! et comme il est pris par le respect humain, votre démarche sera
forcément négative. Attention aussi de ne pas vous embrouiller avec la
politique… nous ne disons pas par là qu'on ne peut pas faire de politique…
vous pouvez en faire, celle qui vous paraîtra la meilleure, à une condition
toutefois, c'est que jamais vous ne fassiez démissionner le Christ-Roi dans vos
actes politiques et que ceux-ci n'aboutissent pas à embrouiller l'Œuvre avec;
non ! l'Œuvre est pour tous, pas plus pour les uns que pour les autres et le jour
où vous assistez à une réunion politique, enlevez votre insigne… de même
dans l'exercice de certaines fonctions, par exemple si vous êtes gendarme,
huissier ou agent de la circulation, qu'on en puisse confondre un P.V. que vous
dresserez avec les buts de l'Œuvre !…
Chaque mois ne manquez pas la petite réunion du ressort de montre dont je
vous ai déjà parlé. Ah ! le diable est terrible : si on la fait un peu longue il vous
suggère qu'elle est vraiment trop longue… si elle est courte, il nous la fait
apparaître trop courte, et n'y parlez que de la retraite, défense d'aborder tout
autre sujet de façon à ne pas être tenté de parler politique ou décisions du
conseil municipal…
En plus des prières du Matin et du Soir, faites tous les jours un peu de lecture
spirituelle et surtout de méditation – que de gens disent qu'ils n'ont pas le
temps alors qu'ils lisent un journal de 12 pages sur 8 colonnes… Comment
Monsieur ? Vous ne pourriez pas lire une page de la vie de Saints, ou une page
de saint Alphonse ? Allons donc ! Et que cela vous ferait du bien de nourrir
ainsi votre âme, soutenir votre piété et vos résolutions…
Devenez des hommes d'oraison, ne la manquez pas soit à l'église, soit au
volant, soit en labourant, le matin de préférence; à moins de raisons valables
on ne donne pas au Bon Dieu les restes de votre journée, de vos
occupations…
Prenez aussi la bonne habitude de réciter tous les jours votre chapelet, autant
que possible en famille… N'est-il pas douloureux d'avoir contraint la Sainte
Vierge à venir à LOURDES demander la récitation du chapelet et à FATIMA le
redemander en nous précisant que si nous n'en tenions pas compte il arriverait
des catastrophes, catastrophes qui se dessinent nettement de plus en plus ?
Consacrez votre foyer au Sacré-Cœur, M. le Curé se fera un plaisir de présider
cette petite cérémonie… n'oubliez pas que le Sacré-Cœur doit être le Chef de
votre foyer !
Entrez dans les rangs de l'Action Catholique et dévouez-vous y
généreusement… en quoi et comment ? Ce n'est pas à moi à vous le dire; c'est
l'évêque qui en précise les directives et les formes et ce qu'il dit, même si cela
ne vous plaît pas, il faut le faire, dans la mesure de vos forces et de vos
compétences bien sûr, mais toujours avec l'esprit d'obéissance.
Ils ont la responsabilité des directives et des décisions devant Dieu, mais nous,
c'est sur notre obéissance que nous serons jugés… ils sont les pasteurs, nous,
nous sommes les agneaux…
Ces règles de l'ancien retraitant comportent aussi "le pacte de la Bonne Mort"
par lequel nous donnons notre parole d'honneur que si un retraitant autour de
nous se trouve en danger de mort, eh bien, nous devons lui faire comprendre
qu'il est à l'article de la mort et faire en sorte qu'il ne parte pas sans les
sacrements et qu'il se prépare à les recevoir.
Enfin, abonnez-vous à la revue "Marchons droit" qui est en bref une longue
lettre mensuelle qui vous aidera beaucoup à persévérer tout en vous donnant
les nouvelles de l'œuvre et les dates de retraites… Abonnez-y votre curé…
Et maintenant une petite mise en garde : attention à l'importance des "dames".
Vous savez que parallèlement à l'Œuvre de coopération paroissiale du Christ-
Roi qui est spécialisée aux hommes, existent des œuvres de retraites pour
"Dames". Bien des retraitants ont été conduits à faire une retraite grâce à
l'apostolat des "dames" comme inversement les hommes ont pu travailler en
faveur des dames; et c'est vrai, lorsque les "dames" sont vraiment dans le
coup, elles font merveille dans le recrutement, mais généralement pour qu'elles
comprennent la retraite et cette nécessité de l'apostolat auprès des hommes, il
faut qu'elles la fassent elles-mêmes au préalable.
A l'inverse, si vous avez les femmes contre vous, vous êtes perdu mon ami !
parce qu'elles vous feront une propagande terrible contre, alors il vaut mieux,
comme le disait Henri IV : ,,le meilleur moyen de se défaire d'un ennemi c'est
de s'en faire un ami”. Donc au lieu d'avoir les femmes contre vous, essayez de
les avoir avec vous, c'est beaucoup plus prudent… Il y aura peut-être des
difficultés à convaincre votre propre épouse. Je connais un retraitant qui a mis
3 ans pour gagner son épouse, un jeune de 27 ans, oui, il a fallu du temps…,
qu'est-ce qu'il a dû lui en parler pendant 3 ans ! finalement elle s'est décidée,
mais, tout juste, hein ? et après elle était enthousiasmée, ce qui a entraîné
toute la famille à faire la retraite… et de là sont sorties bien des vocations…
-------
Pour terminer je vous dirai de ne pas cesser de travailler, de travailler auprès
de vos curés, auprès des autres laïcs. C'est là que le Seigneur vous attend !
Mes chers amis attention ! vivons les pieds sur la terre, cela ne fait pas de mal
de temps en temps. Nous vivons à notre époque sur un véritable volcan, vous
vous en rendez compte certainement… Je ne sais pas si vous songez qu'à
quelques centaines de kilomètres, il y a un rideau de fer. Moi je l'ai vu deux fois
et derrière, il y a des populations vivant dans l'esclavage en raison des
mitrailleuses du parti communiste. Il n'y a environ que 10 % de la population
inscrite au parti mais cela suffit et ils les tiennent, là, écrasés, tous ces braves
types qui restent sous le joug de cette tyrannie… Et croyez-vous que les
communistes ont les mains liées ? Non, non ! au contraire, ils les ont très
agissantes non seulement du fait de leur parti car ça fait rire au fond, ils ne sont
qu'une minorité et c'est du tam-tam, mais un tam-tam qui fait marcher les
autres ! Car leur grande astuce, en s'unissant plus ou moins à toutes les sectes
qui s'opposent à Dieu, maçonniques ou para-maçonniques, ce n'est pas de
faire comme par le passé des persécutions barbares et grossières – bien qu'ils
ne dédaignent pas s'en servir – mais elle consiste à s'emparer en quelque
manière des esprits et des volontés, des chrétiens eux-mêmes et de faire faire,
par les catholiques, le travail des communistes ! Attention, attention ! le
communisme vise les forces vives de l'Église; on peut dire qu'il y tourne autour,
appuyé par des sectes hostiles au catholicisme… tous les ennemis de l'Église à
heure actuelle tournent leurs efforts autour des centres vitaux de l'Église…
Sachez que notre Pape Paul VI est sans relâche attaqué par ces sectes… oh !
d'une façon insidieuse, on n'ira pas directement et ouvertement le faire, cela
ferait trop de bruit, mais on tâchera d'obtenir des concessions, d'obtenir des
demi-déclarations, etc… tout ce qui peut être tenté ils l'essaient… on a fait
comme cela à Pie XII, on l'a fait à Jean XXIII et on continue avec Paul VI; on
continue avec les Évêques pendant le Concile et sachez, Messieurs, que vous
êtes au milieu de cette guerre psychologique ! cette guerre-là on l'a faite aussi
à notre Œuvre parce qu'elle prêchait la Vérité, la Vérité qui gêne !… on a fait
croire de bouche à oreille que cette Œuvre allait concurrencer d'autres œuvres,
qu'elle ne faisait que former des chrétiens égoïstes, devant faire bande à part,
qui ne s'occupent que de leur salut sans penser à celui des autres… comme
c'est insensé ! alors que nous ne pensons qu'à cela !!… que n'a-t-on raconté
dans des revues sans doute bien intentionnées, pour décourager par des
articles parfois écrits par des gens qui n'étaient pas au courant ou étaient
trompés par d'autres !
Eh bien, Messieurs, le Concile nous l'a dit : nous sommes à l'heure des laïcs,
pourquoi ? Mais parce qu'il est beaucoup plus difficile à l'ennemi de repérer des
laïcs que de repérer les forces agissantes de l'Église. L'ennemi (je dis cela
d'une façon générale, que ce soit les communistes, les francs-maçons et les
sectes anti-catholiques) pour eux rien de plus facile de repérer un évêque, un
cardinal, à fortiori le Pape. Mais pour les laïcs c'est beaucoup plus compliqué
car quand ils en tiennent un, un autre surgit à côté… déjà Tertullien disait : ,,le
sang d'un martyr c'est une semence de chrétiens” … oui; et on peut dire que de
nos jours on est attaqué par les ennemis de l'Église sous de multiples formes,
même à l'intérieur de l'Église… Saint Augustin disait déjà : ,,Heureuse es-tu,
Église catholique, car si tu as des ennemis parmi tes enfants, tu as aussi des
enfants parmi tes ennemis”… Elles sont très mystérieuses, ces paroles, mais
elles nous font bien comprendre que nous avons des ennemis à l'intérieur de
l'Église, conscients ou inconscients, par dépit ou par stupidité, par vice ou par
tout ce que vous voudrez, et cela depuis toujours… il s'agit donc de
comprendre ce climat-là. J'étais curé d'une paroisse où il y avait beaucoup de
communistes et ils s'en trouvaient parmi mes paroissiens et l'un d'eux, Cristofol
disait : si vos femmes veulent aller à l'église, laissez-les faire… ce n'est pas
grave, qu'elles y aillent, si elles veulent que les petits fassent la communion, ne
vous fâchez pas, laissez-les faire… mais quand ils auront 16 ans, nous nous
en occuperons… Voilà… et le plus fort, c'est que c'était comme ça !…
Alors, mes chers Messieurs, pour lutter contre cet état de choses, la retraite est
là, c'est un moyen providentiel… Le Père Vallet était convaincu que l'Œuvre
C.P.C.R. était suscitée par Dieu pour indiquer la route dans les temps troublés
que nous vivons… Elle a un minimum de structure; elle ne gêne en rien les
autres œuvres, elle forme des chrétiens à vie intérieure et de vrais militants qui
n'ont de cesse de se dévouer dans les autres branches d'activité : l'action
catholique, les Tiers-Ordres – œuvres de charité – de visite aux malades, etc…
Vous avez certainement entendu parler du catholique "adulte"… eh bien,
soyons des catholiques adultes !… Mais entendons-nous bien, car ce mot peut
prêter à confusion : il ne s'agit pas du catholique qui se croirait être affranchi de
l'orthodoxie pour pouvoir faire ce qui lui plaît, non ! mais du catholique qui,
conscient de ses responsabilités propres, veut et doit toujours aller de l'avant
dans la lutte pour le Christ-Roi !
En conclusion, je vous lirai une déclaration faite à notre Conseil National au
mois de novembre 1966 par son Excellence Monseigneur ETCHEGARAY,
secrétaire de l'Épiscopat français. Voici ce qu'il disait :
C'est pour moi une grande joie d'être parmi vous. Comme secrétaire de
l'Épiscopat, je veux vous assurer que le souci premier des évêques est le
renouveau intérieur de l'homme. Or, c'est ce que vous recherchez vous-
mêmes; vous devez donc vous sentir vraiment en Église, faisant œuvre
d'Église.
Dans e très nombreuses conversations avec les évêques, j'ai pu constater leur
préoccupation de ne pas laisser l'Église se couper du monde. On pourrait
comparer celle-ci à une ville bâtie près d'un fleuve, dont le cours aurait été
dévié par la suite, et qui se trouve maintenant sur une rive au lit desséché.
C'est là un drame qui a été vécu intensément par les Pères du Concile : il ne
dont laisser personne indifférent.
Mais plus on est aux frontières, plus on sent le besoin de reprendre contact
avec les hommes, et plus il importe de saisir l'importance d'une vie intérieure.
Vous avez donc votre place dans cette Église qui doit aller de plus en plus loin,
et en même temps revenir constamment vers son centre, semblable à la Parole
de Dieu qui se fait chair – c'est-à-dire qui se projette vers les hommes – mais
en même temps remonte sans cesse vers sa source créatrice. C'est ce
"pèlerinage aux sources" que vous accomplissez vous-mêmes dans les
retraites. Vous êtes des privilégiés dans ce combat multiforme que l'Église
mène actuellement pour être présente au monde, combat qui est finalement
celui de l'homme avec Dieu. En vous disant ceci, je pense à la lutte
mystérieuse de Jacob avec l'Ange; on l'interprète aujourd'hui comme la prière
de l'homme qui veut presque arracher à Dieu sa bénédiction. C'est parce que
vous avez vécu ce drame, et que finalement vous en êtes sortis victorieux et
bénis de Dieu, que vous êtes à même de mieux servir l'Église présente dans le
monde d'aujourd'hui.
Il est un autre point que je tiens à souligner, car il vous est propre : tout ce
remarquable effort spirituel de vos retraites est pris en main par des laïcs, non
des religieux. Je souhaite qu'il soit, Messieurs, de plus en plus "votre affaire" et
que vous soyez de plus en plus associés à "construire" les retraites. Je pense
qu'il y a là un grand espoir pour l'Église. Soyez de plus en plus ouverts, aptes à
offrir à vos contemporains des retraites de mieux en mieux adaptées à leurs
besoins, des retraites qui attirent les hommes les plus engagés dans la cité.
Comprenons bien, enfin, que même si nous avons fait de nombreuses retraites,
nous ne devons pas nous sentir meilleurs que les autres. Nos retraites, au
contraire, doivent nous rendre plus conscients de nos misères. Terminons par
une invocation à la Vierge : ,,O Marie, conçu sans péché, priez pour nous
pauvres pécheurs !”. de pauvres pécheurs qui se reconnaissent tels grâce aux
retraites.
-------
Que ces paroles d'encouragement qui situent bien notre action nous incitent,
chers Messieurs, à toujours mieux travailler au sein de la Sainte Église; que
nous soyons comme le levain dans la pâte dont parle l'Évangile pour de toutes
nos forces au salut des âmes et à l'extension du Règle de Dieu. Courage ! Le
Seigneur nous regarde ! Que les nouveaux retraitants qui désirent entrer dans
cette œuvre d'apostolat de choix se procurent l'insigne qui leur sera remise
officiellement au cours d'une petite cérémonie à la fin de la retraite, qu'ils
remercient le Bon Dieu des grâces reçues et deviennent de vrais Chevaliers du
Christ-Roi !
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