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Sciences

Pourquoi l’existence d’extraterrestres n’est pas


impossible mais très improbable
Comme l’explique le physicien Lawrence Krauss, cette conclusion est le résultat logique des lois
de la physique (et d’un peu de bon sens).
Par Lawrence Krauss* pour Quillette** (traduction par Peggy Sastre)
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Publié le 17/07/2021 à 14h00 - Modifié le 17/07/2021 à 17h16   

“ Sur la base de ma connaissance du monde que je vois autour de moi, je pense qu’il est beaucoup plus probable
que les histoires de soucoupes volantes résultent des caractéristiques irrationnelles connues de l’intelligence
terrestre que des efforts rationnels inconnus d’une intelligence extraterrestre. ”
Richard P. Feynman, « La Nature de la physique »

L e 25 juin, le bureau du directeur du renseignement national des États-Unis suscitait l’émoi en publiant un rapport non
classifié de neuf pages, aussi court que très attendu, intitulé « Évaluation préliminaire : phénomènes aériens non
identifiés ». Conçu en vertu de la loi sur l’autorisation du renseignement pour l’exercice 2021, le rapport avait pour objectif
l’évaluation de la menace représentée par les phénomènes aériens non identifiés, mais aussi des efforts déployés par le
groupe de travail du ministère de la Défense sur les phénomènes aériens non identifiés (UAPTF) pour comprendre cette
menace. En d’autres termes, on a là un rapport officiel du gouvernement américain sur les ovnis.
La publication de ce rapport est intervenue presque soixante-quatorze ans, jour pour jour, après le témoignage d’un pilote
volant près du mont Rainier et rendant compte de neuf « objets volants non identifiés brillants ». Ce que la presse avait vite
présenté comme des soucoupes volantes, en inaugurant par la même occasion l’ère moderne des ovnis. Dans le rapport, ce
sont 144 phénomènes aériens non identifiés (PAN) qui ont été consignés par des sources gouvernementales américaines
depuis 2004. L’un d’entre eux a été démontré comme étant un grand ballon qui se dégonflait. Mais les 143 autres
observations demeurent non identifiées, ce qui suscite un grand intérêt populaire.

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Les ovnis, comme la beauté, sont dans l’œil de celui qui regarde. Les passionnés d’ovnis ont salué le rapport comme la
première preuve officielle d’une possible intelligence extraterrestre, tandis que les médias du monde entier se sont focalisés
sur le grand nombre d’observations restant inexpliquées, toutes les spéculations – d’une technologie chinoise ou russe
inconnue aux extraterrestres – allant bon train.
Pour les moins attachés aux fantasmes de petits hommes verts, le rapport indique clairement que « non identifié » signifie
simplement qu’il n’y a pas suffisamment de données factuelles pour identifier la source de l’observation. Mick West,
journaliste scientifique et inlassable débunkeur des mythes sur les ovnis, met en avant les conclusions centrales du rapport :
si ces objets restent non identifiés, c’est principalement du fait de données limitées et incohérentes – et non en raison de
leur étrangeté intrinsèque. West précise également que « les PAN n’ont probablement pas d’explication unique » et que « le
rapport indique, dans la majorité des cas, s’ils étaient résolus, que les phénomènes s’avéreraient traduire toute une diversité
de réalités, allant de l’amas aérien au phénomène atmosphérique parfaitement naturel ».
Évidemment, aucune caractérisation de ce genre n’est susceptible de convaincre les vrais croyants que les PAN ne sont ni la
preuve d’une intelligence extraterrestre avancée, ni de technologies avancées super-secrètes détenues par nos adversaires
militaires terrestres. Lors de l’échange qui a conduit Feynman à sa célèbre citation sur les soucoupes volantes, le physicien
avait affirmé qu’on l’avait interrogé en ces termes : « Est-il impossible que les soucoupes volantes existent ? Pouvez-vous me
prouver que c’est impossible ? » Ce à quoi Feynman avait répondu que la science ne s’occupait pas de telles discussions. Au
contraire : « Il est scientifique de ne dire que ce qui est plus probable et ce qui est moins probable, et non pas de prouver sans
cesse le possible et l’impossible. » Il est donc tout à fait juste de dire, en ces termes, que la présomption selon laquelle les
PAN seraient des vaisseaux spatiaux extraterrestres est très improbable. En réalité, je dirais même qu’elle est tellement
improbable que toute autre explication, aussi exotique soit-elle, est forcément plus probable.

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Comment puis-je affirmer cela, sans avoir connaissance d’éventuelles technologies extraterrestres super-avancées ? Les
raisons sont nombreuses, et j’ai écrit à ce sujet dans divers ouvrages, mais elles se résument essentiellement à cinq grands
arguments :
1. Les lois de la physique
Pour se rendre d’une étoile à une autre en un temps raisonnable, il faut voyager à une vitesse proche de celle de la lumière.
Un vaisseau propulsé par du carburant de fusée conventionnel embarqué nécessiterait plus de carburant qu’il n’y a de masse
dans l’univers visible pour accélérer jusqu’à une vitesse proche de la lumière et ralentir à la fin du voyage ; il est donc évident
qu’un carburant plus avancé serait nécessaire. Mais même en utilisant la fusion nucléaire, il faudrait plus de 2 000 fois la
masse du vaisseau en carburant pour chaque accélération et décélération jusqu’à la vitesse de la lumière. Les contraintes de
la physique de base impliquent que toute technologie de propulsion embarquée capable d’alimenter un vaisseau spatial
conventionnel de la taille d’un vaisseau pour voyager d’un système solaire à l’autre à la vitesse de la lumière et le décélérer
dans notre système solaire nécessiterait une énergie comparable à la quantité totale d’énergie utilisée par l’humanité à
l’heure actuelle. Difficile d’imaginer qu’une civilisation puisse consacrer des ressources aussi importantes pour nous rendre
visite dans le seul but d’espionner secrètement nos porte-avions ou même enlever des humains à des fins d’expériences
perverses.
2. Ça ne fait mal que si on s’arrête
Certains rapports affirment que les PAN se déplacent extrêmement vite et s’arrêtent ou tournent instantanément. Quel que
soit le système de propulsion, les forces g subies lors d’une telle manœuvre suffiraient à écraser l’acier, sans parler des
malheureux aliens dans le cockpit. À moins d’avoir des « amortisseurs inertiels » comme dans Star Trek, ce qui relève, hélas,
du jargon de science-fiction.
3. Ce n’est pas un hasard si le module lunaire d’Apollo était très moche
Se déplacer dans l’espace et se déplacer dans notre atmosphère sont deux choses différentes. Il n’y a aucune raison d’avoir un
aérodynamisme sophistiqué dans l’espace, car il n’y a pas d’atmosphère dans laquelle avoir une dynamique. Quel que soit le
vaisseau dans lequel vous voyagerez à travers la galaxie, il ne sera pas le même type de vaisseau que celui qu’on s’attendrait à
voir réaliser des acrobaties aériennes sur Terre.

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4. Pourquoi par chez nous ?


La plupart des étoiles de la galaxie sont plus vieilles que notre Soleil, il est donc raisonnable de penser qu’une civilisation
avancée, si de telles civilisations survivent à des périodes comme celle que nous vivons actuellement, aurait été capable
d’observer la Terre depuis sa formation. Mais au cours des 4,5 milliards d’années passées, nous n’avons envoyé des signaux
d’intelligence technologique que depuis un siècle environ, ce qui signifie qu’en observant la Terre à n’importe quel moment
depuis sa formation, on n’aurait qu’une chance sur 50 millions de détecter la vie chez nous. De plus, étant donné que nos
signaux radio et télé ne voyagent à la vitesse de la lumière que depuis cent ans, toute civilisation qui détecterait de tels
signaux devrait être : (a) pas loin et (b) prête à lancer immédiatement une mission massive, complexe et coûteuse à la vitesse
de la lumière vers la Terre pour être arrivée jusqu’ici aujourd’hui. Et ce, s’ils ont eu la chance de détecter nos signaux au
départ. Il y a un nombre infini de fréquences à rechercher et, comme le savent tous ceux qui sont abonnés à un bouquet
satellite, même lorsqu’il n’y a que 400 chaînes de disponibles, on a généralement du mal à trouver ce que l’on cherche avant
que notre programme préféré ne soit terminé.
5. Pourquoi se fatiguer à voyager ?
En cette ère pandémique, nous sommes nombreux à avoir appris qu’il est beaucoup plus facile d’organiser une réunion
Zoom que de s’embarquer dans un périple aérien sur des lignes commerciales internationales. Ce qui s’applique tout
particulièrement aux voyages dans l’espace. Il est beaucoup, beaucoup plus facile de rechercher des intelligences
extraterrestres en écoutant des signaux ou de tenter de communiquer avec d’autres espèces galactiques en envoyant des
signaux intelligents que d’essayer de combler la distance avec des vaisseaux spatiaux. Si nous devons un jour découvrir des
extraterrestres intelligents, ce ne sera pas en les rencontrant dans les airs, mais en écoutant ou en observant les cieux. Même
si cela est peu probable, c’est au moins possible. Ce qui vaut aussi bien pour les extraterrestres que pour nous.

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Vu que l’Univers compte 100 milliards de galaxies, chacune contenant peut-être 100 milliards d’étoiles, que la plupart des
étoiles sont entourées de systèmes solaires et que la vie sur Terre a évolué à peu près aussi vite que les lois de la physique et
de la chimie l’ont permis, avec seulement de l’eau, la lumière du soleil et des matériaux organiques – tous en abondance
dans la galaxie –, je m’attends à ce que la vie existe à profusion dans l’Univers. Par contre, la vie intelligente est
probablement très rare – il aura fallu plus de quatre milliards d’années aux hominidés pour se développer sur notre planète,
et il n’y a aucune raison de penser que nous soyons atypiques.
Comme l’écrit Douglas Adams dans Le Guide du routard galactique : « L’espace […] est immense. Vraiment immense.
On n’a franchement pas idée de sa stupéfiante et considérablement gigantesque immensité. Je veux dire qu’on peut croire
qu’en gros ça fait loin comme d’ici au bistrot du coin, mais en fait c’est de la gnognotte comparé aux dimensions de
l’espace. » Même si nous aimerions avoir la preuve définitive que nous ne sommes pas seuls – à savoir la preuve que d’autres
espèces technologiques intelligentes existent –, la probabilité d’obtenir une telle preuve est probablement mince. La
probabilité d’être effectivement visité par d’autres formes de vie intelligentes est encore plus faible, pour ainsi dire nulle. Pas
impossible, comme l’admettrait Feynman, mais suffisamment improbable pour que l’on ait autre chose à faire de plus utile
que de nous en préoccuper.
*Lawrence M. Krauss, physicien théoricien, est le président de l’Origins Project Foundation. Il est notamment l’auteur du
best-seller La Physique de Star Trek, ou comment visiter l’univers en pyjama.

** Cet article est paru dans Quillette. Quillette est un journal australien en ligne qui promeut le libre-échange d’idées sur
de nombreux sujets, même les plus polémiques. Cette jeune parution, devenue une référence, cherche à raviver le débat
intellectuel anglo-saxon en donnant une voix à des chercheurs et à des penseurs qui peinent à se faire
entendre. Quillette aborde des sujets aussi variés que la polarisation politique, la crise du libéralisme, le féminisme ou
encore le racisme. « Le Point » publiera régulièrement des traductions d’articles parus dans Quillette.

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7 Commentaires  Commenter

Par Logod le 17/07/2021 à 17:43

PAN ? ?
Qu’est-ce un PAN ?

Par PRC le 17/07/2021 à 17:35

Connu...
Le problème de ce genre d'article est qu'il est fondé sur nos connaissances actuelles. Dire "je ne vois pas comment... " n'est
en rien une preuve quand on sait que la physique actuelle ne semble expliquer que quelques pourcent de la matière et de
l'énergie présentes dans l'Univers et quand on n'a toujours pas réussi à réunir mécanique quantique et relativité générale.
Cette remarque vaut pour ses deux premières raisons, le voyage et les accélérations foudroyantes. Supposer que ces
engins sont fait en acier en dit long sur l'imaginaire du personnage : =) Dire que ces engins sont beaux est un point de vue,
peut-être les extra-terrestres les trouvent-ils aussi moches que nous les engins Apollo, peut-être que la forme obéit à des
contraintes qui nous échappent. La probabilité d'apparition de la vie intelligente sur Terre est tellement faible qu'on peut
bien y ajouter la probabilité que la plus proche vie extraterrestre soit aussi "proche" que 10 années lumières. Il semblerait
que pour les martiens, c'est fichu. Mais pour les autres étoiles, qui sait ? Enfin pourquoi se fatiguer à voyager ? Parce qu'ils
cherchent des territoires à conquérir ? Des animaux pour leurs Zoos ? Par tourisme ? Parce que ce sont des machines
conçues pour explorer l'espace et ne qui ne savent faire que ça ? Pour des tas de raisons enfin qui nous échappent. La
bonne question serait plutôt : qu'est-ce qui les retient de nous exterminer ? Ceci étant je ne crois pas aux soucoupes
volantes dans ce sens là et je ne m'attends pas à être enlevé par des extraterrestres demain matin mais en bon bayésien,
je ne peux dire que c'est totalement impossible.

Par MalàJaurès le 17/07/2021 à 16:36

Et D'ailleurs...
... La réponse est dans l'article, quelques années après l'explosion de quelques armes nucléaire, on observe une
accélération fulgurante des observations. Inutile de se demander quel phare à bien pu les guider jusqu'à nous...

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