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Giambattista VICO (1668-1744)

Cher Stéphane, et cher Bruno aussi (il faut que tout le monde en profite)

Merci à toi Stéphane de m'avoir fait parvenir cet article sur Giambattista
Vico, pré-philosophe des Lumières napolitain dont je n'avais jamais entendu
parler. Jusqu'ici, je n'avais connu qu'un Vico, René au surplus, lui, qui m'avait
paru assez peu philosophe. Un chauffeur de ma boite, Métraille, qui avait fait
seul un déménagement, vers Bordeaux. 34 heures de boulot en deux jours et, le
troisième jour, à l'heure au travail. Comme je m'en étonnais – plus ou moins
syndicalement – il me répond, sans agressivité, humblement presque: « C'est ça
ou gagner le SMIC ».  Si un jour j'arrive à vous fourguer MA typologie
fondamentale, en 5 « types » éthico-politiques, mon René fournira une
illustration exemplaire du type « serf ». Qui est d'ailleurs le mien d'origine, sous-
variété « con et gentil ». On ne peut pas généraliser à tous les René mais ça se
marie bien avec ce prénom.
Pour l'heure, cependant, l'important n'est pas là, il est que ma gratitude,
cette fois, prend un caractère tout à fait inédit : la lecture que tu m'envoies,
Stéphane, me propulse à l'évidence que je suis le VICO, sinon du 21è Siècle, du
moins de la Zone Industrielle sud-est, dite « zone de Chantepie ». Non pas pour
le contenu de son système, « la nation » – jusqu'ici, j'étais obnubilé par le mal
primaire qu'est le nationalisme (cf. mes « axiomes » politiques qui s'annoncent)
– mais par sa position historique particulière de génie méconnu. Méconnu parce
qu'ayant ramené sa science un poil trop tôt par rapport à l'état d'avancement de
« l'épistémie » générale. D'autant plus méconnu que la dite science s'opposait au
manichéisme spécifique de l'épistémie de son temps (« les Anciens et les
Modernes ») :
« Sa pensée n'a cessé de faire l'objet d'interprétations diverses et
contradictoires : certains la jugent tournée vers le passé, nourrie de l'humanisme
grec et latin revivifié par le christianisme ; d'autres y voient la préfiguration des
grandes visions modernes de l'histoire ».
« D’un côté, on a tendance à voir en lui un humaniste un peu attardé,
effrayé par l’esprit « moderne » qui commence à s’imposer... (les idées
philosophiques, morales, politiques et religieuses qui vont s’épanouir dans le
siècle dit « des Lumières). De l’autre, il est impossible de ne pas reconnaître qu’il
aborde dans ses écrits la plupart des grands thèmes autour desquels vont se
développer ces mêmes idées »
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A ceci s'ajoute, me concernant, que mon génie est d'autant plus méconnu,
sauf par vous deux, du fait de la superficialité générale de mon savoir (rançon de
son étendue, toutefois). Mais, autre point commun avec Vico, j'ai aussi pour
prénom Jean-Baptiste (celui de mon grand-père, poilu de 1914, deux fois blessé,
deux fois renvoyé au front, qui ne pardonna jamais à l'état-nation français sa
conduite de la guerre).
Dans l'article d'Alain Pons, je retrouve avec plaisir une vue qui m'était
venue il y a pas mal d'années :
« Puisqu’il ne saurait être question d’« influence » directe des idées de Vico
sur celles de son siècle, on est réduit à parler de « rencontre ».
Moi-même, j'avais écrit, en mai-juin 2011 (à propos d'un « débat du
Monde » Sloterdijk-Zizek) :
« Je ne sais pas s’il y a un inconscient collectif (pourquoi pas ?) mais il y a
sûrement de la transmission de pensée ! ... une espèce de communication subliminale
qui fait que telle vérité sur  l’époque  éclate au même moment dans des cerveaux 
inconnus les uns des autres, séparés par toutes sortes de distances, géographiques ou
sociales ».
Dernière chose, dans la marge de l'article, il y a un chapeau Sites de
référence (avec Péguy, Proudhon, etc.) Grave oubli, Chateaubriand dont on
oublie souvent qu'à l'égal de Tocqueville, il est un penseur du changement de
civilisation dont la Révolution a été la sirène annonciatrice stridente. Et qu'à
l'égal de Benjamin Constant, du bord politique en principe diamétralement
opposé, il est un « libéral absolu ». Sur le plan de la pensé, une infime cloison
les sépare.
Et comme Chateaubriand s'appelait René, dernière chose de la dernière
chose, toujours dans la marge de l'article, au chapeau Affinités(avec Jacques
Julliard, etc.), il faut ajouter René Rouleaux !
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En changeant complètement de sujet...

Cher Bruno, cher Stéphane aussi ( il faut que tout le monde en profite)

Bruno, tu m'invites une fois de plus à ne pas être trop affirmatif quand je
traite de certains sujets (comme l'athéisme et l'islam). Comme ce n'est pas une
accusation, je n'ai pas à m'en défendre, ne serait-ce qu'en plaidant « je suis
comme je suis ». Non, ça stimule simplement le philosophe en moi, avide
d'énigmes. Car c'en est exactement une qui joue ici, l'énigme générale suivante :
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pourquoi en tout individu, il y a une part de lui-même qu'il est le seul à ne pas
voir, comme un poisson d'avril dans le dos ? Une face cachée de sa propre lune !
En l'occurrence, me concernant, on a souvent salué mon franc-parler. Or, même
si personne ne peut le croire, je ne le vois pas mon franc-parler. Un peu comme
certaines femmes que tout le monde trouve très belles et qui ne se trouvent pas
belles, elles. Tout ce que j'arrive à me rendre intelligible, quand j'obtiens ce
« retour », c'est que, en toute inconscience, je parle innocemment de corde dans
la maison d'un pendu.
La vérité est que je ne t'ai pas attendu pour réfléchir à ce point aveugle de
mon « système », le côté rouleau (!) compresseur qui, ayant beau écarquiller les
yeux, n'arrive pas à voir ce qui pourrait s'opposer à l'énonciation simple et
tranquille d'une vérité, du moment que c'est une vérité. Autant j'adhère de tout
cœur aux « égards » dus au « rang » de tel ou tel, aux « ménagements dus à
l'âge » ), autant m'échappe tout le reste du tordu social. Je pense que cela vient
de ma passion, la passion de comprendre, à laquelle rien ne doit s'opposer, ni les
susceptibilités, ni « la tête près du bonnet », ni les conventions de Cour, ni même
l'intérêt supérieur de la nation ! Ce sont probablement tous ces moulins à vent, à
vent social , que mon inadvertance de Candide – et non pas une quelconque
volonté rebelle – a défiés, tel un ahuri de Don Quichotte. Ils m'ont envoyé dans
les étoiles.
D'où je vous parle encore, ô miséricordieuses oreilles.

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