Vous êtes sur la page 1sur 153

m&

mm mm
a • I
1MM
MM
J *
: tt
:
'
-

«S

j y A
: i: ii

LUJ LU LLLLLLU LL
i
i MMÆt âE
t .
I

=4 J
II _ ./
a ï - :v i craie
i
Kia m
m
K -
GASTON BACHELARD
ou
LE NOUVEL IDÉ ALISME
É PISTÉ MOLOGIQUE
(

MICHEL VAD É E (
COLLECTION « PROBLEMES »
( Directeur : Jacques MILHAU )

Des essais individuels ou collectifs qui prennent place au


cœ ur des d ébats th éoriques et id éologiques d actualit é.

Jacques MILHAU : Chroniques philosophiques.


Jean THIBAUDEAU : Interventions. Socialisme. Avant-garde. Lit- j GASTON BACHELARD
térature.
Henri SALVAT : L Intelligence, mythes et réalit és. Prix des scien ¬
ces humaines 1971 . ( 3e éd .)
ou (

Claude PR VOST : Litt érature , politique, id éologie.


A. PELLETIER et J .-J. GOBLOT : Matérialisme historique et his¬
LE NOUVEL IDÉ ALISME
toire des civilisations. ( 2e éd .)
Chrétiens et communistes : Débats de la Semaine de la Pensée
É PISTÉ MOLOGIQUE (
marxiste ( janvier 1972) , organisés par le C.E.R .M . (
Michel DION : Sociologie et id éologie .
Pierre BARBERIS (Grand prix de la critique litt éraire 1973)
: (

Lectures du réel .
P. BRUNO, C. CLéMENT, L. Sè VE : Pour une critique marxiste
de la théorie psychanalytique .
Suzanne de BRUNHOFF : La Monnaie chez Marx . ( 2" éd.)
Jacques D HONDT : Hegel en son temps. (
G . BESSE, J . MILHAU, M. SIMON : Lénine, la philosophie et la
culture.
France VERNIER : L Ecriture et les Textes. I C
Monique et Roland WEYL : Révolution et perspectives du droit .
(
Morale et société : Débats de la Semaine de la Pensée marxiste
(16 - 22 janvier 1974) , organisés par le C .E.R .M.
Bernard MULDWORF : Sexualit é et f éminit é. ( Nouvelle édition EDITIONS SOCIALES (
augment ée.)
Groupe Français d’ Education Nouvelle (avec la collaboration de I
146, rue du Faubourg Poissonniè re, 75010 Paris
28 auteurs) : L Echec scolaire : « dou é ou non doué ? » . Service de vente : 24, rue Racine, 75006 Paris (
(

I (
;
)
)
\
)
A mes parents,
) Louis Vadée, Olga Meunier .
) i !
)

)
AVANT-PROPOS
)

)
Il semble qu un certain nombre de philosophes marxis-
tes aient aujourd hui perdu le sens de ce qu’ est la connais ¬

) sance historique et des exigences à remplir avant de


[ parvenir à la science de l’ histoire . Cela se manifeste dans
)
les exemples d’ application de la conception mat é rialiste
) marxiste de l ’ histoire que l’on propose au public (ou même

) 1 -
au monde savant ) en philosophie sous le nom de « lecture
maté rialiste de . .. » . Aussi , nous avons essayé , par cet
ouvrage , de contribuer à lever un obstacle épistémologique
! qui , à notre avis , entrave le d é veloppement actuel du mat é ¬

) 1 '
i
- 4] rialisme dialectique et du mat é rialisme historique , dans la
.)
i pensé e marxiste française tout particuli èrement . Chacun
devrait y trouver bé né fice .
1
Cet obstacle porte paradoxalement le nom de Gaston
)
i Bachelard . Plus pré cisé ment , il est constitué par une partie
) La loi du 11 mars 1957 n autorisant aux termes des alin éas 2 et 3 de 1 volontairement ignorée de son œ uvre ; sa philosophie .
l article 41, d ’ une part, que les « copies ou reproductions strictement r éser ¬
) v ées à l’ usage priv é du copiste et non destin ées à une utilisation collective > Comme il se doit , cet obstacle est polymorphe . Mais ce
et, d’ autre part , que les analyses et les courtes citations dans un but [ n’ est pas en commençant par accepter certaines de ses
d’ exemple et d ’ illustration , « toute repr ésentation ou reproduction int é grale,
> ou partielle , faite sans le consentement de l’ auteur ou de ses ayants-droit
ou ayants-cause, est illicite » (alin éa 1er de l’ article 40 ) .
thèses , dites é pist é mologiques , ni par utiliser certains de
) ses concepts , que l’ on sera ensuite en mesure d’ effectuer la
Cette repr ésentation ou reproduction , par quelque procéd é que ce soit , cons ¬
tituerait donc une contrefa çon sanctionn ée par les articles 425 et suivants [ critique de ce qu on ne peut pas accepter ( et par suite
du Code pénal. de ce qu’ on ne veut pas connaî tre ) dans l’ ensemble de ses
Tous droits de reproduction, de traduction et d adaptation doctrines . Admettre sa thé orie de la rupture , et consé ¬
) réservés pour tous pays. quemment sa thé orie de l’ histoire , admettre son pr é tendu i
« mat é rialisme » , ou du moins sa « pratique mat é rialiste »
) © 1975 , Editions sociales , Paris.
'
) f
) M 1s j
.
(
(
(
8 Gaston Bachelard | Avant-propos 9
(

(en é pist é mologie , ajoute- t-on) , a fortiori admettre « sa » Nous laisserons le lecteur d é cider si nous avons respect é (
dialectique , constitue plus qu un obstacle : c’ est un aban- les exigences de la vé ritable connaissance historique qui ne (
don des bases mêmes des concept ions th é oriques de Marx | doit oublier ni la conception maté rialiste de l’ histoire ,
et d’ Engels . ni l’ é tude concrè te de son objet concret , ici « une œ uvre » :
cette peu nous a import é le « sujet » de l’ œ uvre , c’ est-à- dire la
Il n y avait
’ qu ’ une m é thode pour entrepr endre personnalit é concrè te de son auteur. Enfin, nous nous
philoso phique hache - (
critique radicale de notre conscie nce
ard historiq ue sommes efforcé de donner le maximum de ré f é rences et
Iardienne d’ autrefois : exhumer un Bachel ,
d’ information, ce qui a alourdi cet essai , mais cela é tait (
un Bachelard ignoré ; en venir à une connaissance histori¬ rendu né cessaire par le caractère de notre t âche : apporter (
que aussi compl è te que possible de sa philosophie , et donc ses preuves , et non ses constructions arbitraires, en analy¬
l’ œ uvre philosop hique dans son (
en premier lieu restitue r
pour la
sant une œ uvre peu accessible au public dans toutes ses
ensemble , avant d’ en juger telle ou telle partie , parties, ainsi que la litt é rature varié e et dissé miné e qu’ elle (
retenir ou la rejeter . Nous ne pr é tendons pas ê tre arriv é a suscit é e . Car cette œ uvre a exercé depuis longtemps une (
à ré pondre à toutes les question s que nous avons rencon tr é es influence qu’on aurait tort de minimiser .
dans cette premi ère r é alisation d une t âche qui est devenue (
une né cessit é . (
(
L’ un des bé né fices de notre travail devrait ê tre d’ amener
les philosophes marxistes à pré ciser la conception qu’ ils se (
font de la philosophie française contemporaine , envisagée (
comme partie d’ une id é ologie complexe . A notre avis , sur
(
le plan philosophique et pour ce qui concerne la pensée
française , cette idéologie philosophique est principalement (
caract érisé e par un « nouvel idéalisme épistémologique » (
( N .I .E .) , dont une des sources est l’ œ uvre de Gaston J
Bachelard . Si nous parlons de nouveaux id é alismes é pist é ¬ i
mologiques, c’ est pour les distinguer d anciens id é alismes
é pisté mologiques , qui ont joué dans le passé et à leur heure (
un rôle important dans la philosophie française : le positi¬
visme , le né o-kantisme , l empiriocriticisme , pour n’ en citer (
que quelques-uns. Nous connaissons bien les manifestations
principales des N .LE . : ce sont le structuralisme , le théo- (
'

ricisme, l’archéologisme. Sommes-nous en mesure de les


comprendre sur la base du mat érialisme historique ? Som ¬ (
mes-nous en mesure d’ en effectuer la critique ? Il ne (
semble pas . Aussi , nous ne réalisons qu’ une t âche prélimi¬ (
; naire en remontant à l’ origine bachelardienne des N . LE .
(

U (
)
]

;
J
INTRODUCTION

Bachelard est devenu un problème pour la philosophie


marxiste française, et pour les philosophes d aujourd hui
en général. C’est là un phénomène récent, préparé sans
doute sourdement depuis longtemps, mais qui a com ¬
mencé à se manifester dans la pensée marxiste avec
l’emprunt de quelques concepts, très limités, mais impor¬
tants, que L. Althusser fit, dans les ann ées soixante, à
l épistémologie bachelardienne, pour opérer une relecture
théorique des grandes oeuvres de Marx. Tout cela est
connu. Or aujourd’hui, un disciple de L. Althusser, qui a
s dé jà derrière lui des essais sur Bachelard et l’épistémologie
française contemporaine, soutient une interprétation de
l’ensemble de l’œ uvre de Bachelard, qui est à peu près la
seule à ce jour à tenter la compréhension théorique de
celle-ci, et véritablement la seule si on se place sur le terrain
du matérialisme dialectique 1. Mais que l’on en juge
et nous posons la question à des lecteurs de Bachelard
qui soient en même temps des lecteurs de Marx, d’Engels
et de Lénine. Dans cet « Essai du matérialisme dialecti¬
que » (sous-titre de son ouvrage) , D. Lecourt écrit, au
centre de son travail : « Bachelard a pris position en philo¬
) sophie sur le terrain du matérialisme » (p. 87) . Il n’hésite
) pas non plus à écrire plus loin, au fil de sa reconstruction
) de la structure de l’œ uvre : « Bachelard recueille le fruit
de sa pratique épistémologique, c’est-à-dire, si l'on me suit,
)
) 1 . Dominique LECOURT : Bachelard, ou Le jour et la nuit ,
) Paris, Grasset, 1974, Coll . Théoriciens.
)
)
t* Æ* - __
( )
( )
12 Gaston Bachelard introduction 13
(
de ses thèses philosophiques matérialistes et dialectiques
» dre autrement, du point de vue du
matérialisme dialectique,
(p. 134) . Non, l on ne suit pas, m ême si D. telles que : « néces¬
ajoute : « Mais, indissolublement liées aux pr écé
Lecourt les affirmations conjointes de Bachelard
application dans l’essence
dentes par
le lien organique d’ une m ême problématique, il défend sité d’incorporer les conditions d’ 1 et « l’objet reste
d’autres positions où se concentrent les effets de aussi même de la théorie » (F.E.S., 61)perspective des idées »
sion épist é mologique » (ibid.) 1. On le voit, le
son illu 1 - immanent à l’idée,... l objet ,comprendre
c’ est la
autrement l’ambi
débat (E.C.A., 246) ? Comment
¬

capital, car et là nous en tombons pleinement d’ est


guï té d’une formule bien connue comme celle-ci laquelle
: « Le
avec D. Lecourt « Aujourd’hui.
accord 1
ou non, l’œ uvre de Gaston Bachelard occupe
Qu ’on le veuille I monde est « ma vérification » (E.Canalyser .A., 272) à
les thèses de
stratégique dans la conjoncture théorique un point I aboutit Bachelard ? Il faudra donc
de ses propres
Î T (p. 11) . en France » f Bachelard dans le contexte «
explications. Il faudra descendre dans
complet »
le dé tail de ses (
Donc, nous ne suivons pas D. Lecourt. Mais , qu’en affirmations multiples et de leur coordination . On ne pourra
est-il des thèses épistémologiques de Bachelardalors ? Seraient- se borner à des formules, à des citations, aussi brillantes
elles « idéalistes » ? Essayer de soutenir que
soient-elles dans leur isolement, ou leur complexit juxtaposition. Il
pris des positions « matérialistes » en épist Bachelard ait é pour
é
ê tre soumis à un examen sérieux. Mais est cemologie doit nous faudra suivre Bachelard dans sa en son
- bien néces¬ atteindre à la syst é maticit é de sa pens ée jusqu ’
saire ? Ne suffit-il pas d’ une simple lecture
ouvrages de Bachelard ? du moindre des intimité.
.
rvx] V mV U» .un
> m
- Celle-ci ne récuse-t-elle pas
tel certificat de matérialisme décern
1

D. Lecourt à l’épistémologie bachelardienne et é par


Cependant, dira-t-on, dans la mesure o Bachelard ne
cesse de lutter contre les philosophies et les épist émologies
alisme et le
sophie » qu’elle comporte ? Une thè à la « philo¬ « unitaires » (N.E.S., 18) , à la fois contre l’ idé
qu’ « il n’y a que des erreurs premiè se par exemple réalisme, contre le conventionnalisme et l’ empirisme , contre
(
res » en matière de le formalisme et le positivisme ( R.A ., 5 ) , la question se
connaissance scientifique et pas de vérité d’ une
peut-elle être épistémologiquement juste s premières pose de savoir si on ne peut pas parler chez lui
2
, et philosophi- « pratique » épistémologique qui serait matérialiste
en fait, (
quement fausse
onempnt
? nu
fonoco ? En dJ'autres
* termes
..
elle êtrev matérialiste » en épistémologie
v »
, une thèse peut-
temps « idéaliste » en philosophie et peut , et en même
même si elle ne se dit pas telle en termes explicites
avoués. C’est justement ce que nous aurons à récuser et à
et

de la même thèse ? Au contraire -on alors parler contredire, en prenant simplement les textes. De même,
logique n’est-elle pas, dans un de ses
cette thèse épistémo¬ que Bachelard ait souvent décrit des « dialectiques » et des
point de vue matérialiste, et en même
aspects, juste au « dialectisations » à l’œ uvre dans les sciences physiques

liste, dans ses autres aspects ? En effet, temps fausse, idéa¬ contemporaines, qu’il ait même, avec un malicieux plaisir,
comment compren¬ multiplié les apparitions du mot « dialectique » sous sa
1 . Dans toutes nos citations,
plume, cela autorise-t-il à dire qu’il ait soutenu des thèses
qui est souligné par l’auteur lui-mnous ne soulignerons que ce dialectiques « en philosophie » ? Cela autorise-t-il à dire
à cette règle générale .
ême . Nous nous astreindrons c
2 . Cf . « Idéalisme discursif » ,
Vrin, 1970, p. 89 .
in BACHELARD : Etudes, Paris, 1 Pour les abréviations et le système de réf érences utilisés
1
c
au long de cet ouvrage, on se reportera à la Bibliographie . (

(
)
f: *5
) il* Gaston Bachelar Æ JJJTRODUCTION
)
qu il ait jamais cru lui-même à une dialectique du ré I
donc produire nos preuves en palliant cette lacune,
) el faudra espace restreint de ce petit volume, qui ne pourra
qu’il ait eu une conception dialectique de la réalité
I dans
telle l’

I1
) qu’elle est découverte par les sciences contemporaines ? pré tendre à des d é monstrations
exhaustives : il y faudrait
personne ne s’en serait aperçu avant Et scientifiques sur tous les points
1974 ? N’avons- des recherches historiques et
donc pas affaire avec cet Essai qui se réclame du matnous
)

ér I importants de é l’ pist émologie et de la philosophie bache-


) inexistantes à ce jour. Le
)
hsme dialectique,, à une « lecture -» comme il est
x
monnaie courante d’en faire devenu
11 WL

dans tous les domaines, à une


' '
f
VltVCmi f lardiennes
. Or ces études sont
est quasi total à cet
manque é gard, qu’il s’agisse des rap ¬

* ,
) véritable « interprétation » ? En effet, cette lecture qui
se § ports historiques de Bachelard à Brunschvicg, à Bergson rapports
veut matérialiste, qui conclut au matérialisme philosophique Jung, à la phénoménologie, aussi bien que des
de l’auteur qu’elle lit, ne nous apparaît guère fl i

Louis de Broglie, à Meyerson


Heisenberg, <àx uwuw .
| à Einstein, aà nciscuucig v
«

blable. Il faudra, là encore, recourir à une étude patientevraisem| -


,- i
-
A titre de simple exemple, que l’on songe physique
1 1 V
à l’important-
A m n 4

minutieuse et instruite, de l’ensemble de l’œ uvre de Bâ che débat scientifique sur l’indéterminisme en et à
lard. Celle-ci semble susceptible d’être traduite en beaucoup - I philosophiques dans ces d écennies
I tous ses prolongements
j de 1930 et de 1940. Mais ce, l Essai sur la connaissance
de langues philosophiques, puisque maintenant nous n’est pas tout : la lecture
avons même une version « marxiste » . Ce fait est certes en de la Thèse de 1927 ’
de la plus grande importance. Un Bachelard proche I attentive
approch é e , soulève de nombreuses et difficiles questions
) du i
matérialisme dialectique, cela est-il si invraisemblable ?
Cela concernant le rapport exact de Bachelard au pragmatisme.
) ne vaut-il pas la peine d’aller y voir de près ? La
De même, Le Nouvel esprit scientifique (1934) ou pro
posent le
Il s’avère donc nécessaire, aujourd’hui, de rechercher j Formation de l rapport aux théories1938
) esprit scientifique ( ) ¬

' blème de son psychologiques (les


) « la philosophie » de Bachelard.
Aussi paradoxal que cela i < âges » de l’intelligence) ou sociologiques (les « menta ¬
paraisse, la partie la plus célèbre de l’œ uvre, l’épisté
) mologie, j lités », ou les « états » de 1' « esprit humain ») .
a masqué sa philosophie : la célébrité de la première,
)
il: à travers le succès de certains thèmes illustrés pensée I Nous ne polémiquerons donc pas avec D. Lecourt sur
par des 1
formules heureuses et séduisantes, a maintenu dans
les I tel ou tel point de son essai, par ailleurs si suggestif ¬.
profondeurs de l’œ uvre les ouvrages les plus «
philosophi - I Nous partirons à la découverte de la philosophie de tenant Bache
,
ques » , les plus « m étaphysiques » de
Bachelard . Cette § lard enveloppée dans son épistémologie, en nous ;

célébrité, attachée à des concepts parmi les plus d’ une part, aux données historiques que constituent :
parce qu’ils font image et métaphore, n’a d’ clatants, I a) l’ensemble de son œ uvre : livres, articles, conférences,
é
maintenir dans l’ombre les véritables positions ailleurs pu I éfaces, etc. ; b) les œ uvres de ceux auxquels il se réf ère
ques de Bachelard, qu’en jetant dé jà une philosophi - I pr (savants, philosophes, épistémologues, poètes) pour les
ombre épaisse sur
les multiples thèses épistémologiques qu’il soutient
conjoin¬ utiliser, les commenter ou les critiquer, et en nous tenant
tement dans son propre pluralisme épistémologique. Il
est d’autre part aux thèses matérialistes de Marx, Engels
regrettable et significatif, à cet égard, que,
mis à part et Lénine, consignées dans des textes bien connus, tel le
ques articles limités comme ceux de G. Canguilhem quel¬ célèbre paragraphe sur la « méthode » de l Introduction de¬
. ou de
) J Hyppolite , 1857 de Marx, où la définition de la science comme repro
)
)
I l’œ uvre épistémologique n’ait jamais fait
l’objet d’ une étude un tant soit peu approfondie
. Il nous duction et appropriation, par la voie théorique, de l’objet

)
)
. - . J

)
Gaston Bachelard
Introduction lJ_ (

concret seul réel, nous servira de pierre de touche pour ! mort


serait à ranger parmi les premiers théoriciens de la de
la philosophie. Cette mort n’a-t-elle pas été ’
juger des thèses de Bachelard et de leur authenticité maté- ! l une
rialiste en philosophie. Ce n est pas seulement de positions | de plus constantes pratiques ? Ayant reconnu le vice radical
matérialistes en théorie de la connaissance mais, puisqu’il | ses toute philosophie unilatérale, n’en tire-t-il pas l’ un des
s’agit de déterminer, si elle existe, la philosophie de Bâche- f de
premiers la conclusion inflexible et d’une portée incalcu
¬

lard, c’est de th èses matérialistes en ontologie dont nous 1 lable, qu’aucune philosophie (id éalisme, r éalisme , etc .)
aurons besoin. n’est confirmée par l’é tat de développem
ent des connais¬
sances scientifiques contempoobjet raines ? N’est-ce pas soutenir
que la philosophie n’a pas d’ ?
édera par
Notre thèse sera qu’il y a une philosophie de Bachelard, Notre réponse, dans cette introduction, proc é que
que cette philosophie est pour l’essentiel un nouvel idéa anticipation : seuls les arguments, preuves et
¬
r sultats
lisme présenté sous la forme et sous le couvert d’une nous produirons emporteront la convictio n, ou susciteront
« épistémologie » qui pense pouvoir se développer par-delà
la recherche et le débat. Bachelard ne e » ? N’est ce pas -
propose-t il pas une
les oppositions philosophiques traditionnelles. Cet idéalisme « philosophie du nouvel esprit
scientifiqu -
épistémologique se profile, ou se cache, sous les noms variés une vé ritable philosophie qu’il propose sous le nom de
de polyphilosophisme, de surrationalisme, de philosophie < philosophie du non
» ? Cette « philosop hie du non »
ie, ’l annonce d’ une
« de seconde position » (expression qui revient chez lui à
ne saurait être l’absence de philosoph
philosophie impossible, une non-philosophie , de recon¬
diverses reprises) , de « rationalisme appliqué » et de « maté¬ en quelque
rialisme rationnel ou encore d’ idéalisme discursif .
» « » sorte. Il est de bon ton, ou d’habile le politique
Face à cette diversité, à cette complexité, on comprendra naître à des Bergson et à des Sartre titre éminent de
argumente :
que la tâche de quiconque s’attachera à d é terminer cette philosophe et de le dénier à Bachelard. Et l’on ouvrages spéci¬
« philosophie » sera difficile, en ce qu’elle semble annulée o se trouverait ce système, cet ensemble d’ » que l’on
à l’avance par le refus constant de Bachelard d’assumer fiquement et authentiquement « philosophiques
une position philosophique simple. Il nous faut donc de Husserl,
pourrait mettre en regard des Id ées directrices d,
écarter une objection préliminaire : parler d’une « philoso¬ de Sein und Zeit ou de L’ Etre et le néant ? Bachelar
phie » bachelardienne, n’est-ce pas le type même de la « lecteur incomparable » de la science
1 contemporaine et de
question mal posée ? Ne s’accorde-t-on pas dans des milieux l œ uvre écrite de l’imaginati on litté raire , n’aurait jamais été
assez larges à reconnaître que Bachelard n’est pas un philo¬ qu’ un amateur en métaphysique et un philosophe de second
sophe ? Il s’est lui-même formellement et nettement séparé ordre.
néral :
des écoles philosoph iques et des philosoph es 1. Son
refus D. Lecourt accepte, somme toute, ce jugement géqui ne
de la philosophie n’est-il pas conscient, volontaire, à ce l’œ uvre de Bachelard « annonce » une philosoph
ie
point systématique et é th oriqueme nt pensé que Bachelard fut pas construite, dit-il en substance ( -
1974 25 57) , une
,
>
non-philosophie, qui serait à la fois , poursuit -il, un effet
i . Cf . G. CàNGUILHEM : « Gaston Bachelard et les philoso ¬ La Révolution de Gaston Bachelard en
. Vincent THERRIEN :Klincksiec k, 1970 (sur ce point, cf .
1
phes » , in Etudes d histoire et de philosophie des sciences, Paris, critique littéraire , Paris,
- .
Vrin, 1968, pp. 187 195 pp. 199-201) .
I
I -
.
)

g
18 Gaston !
Bachelard Introduction
î

)
de la rupture de Bachelard avec l’idéalisme dominant de la dialectiques . L se
Laabsence de l.idé.alisme rationaliste ; là nous
philosophie française dans la première moitié du xx siècle, semble résider a rais les erreurs où se trouve
) et de l’impossibilité o ù il s’est trouvé dans ce contexte de entrame '
ce es.c joue un rôle de
développer une véritable philosophie matérialiste contre Cet ,premie p an 11
'rPIT err plan
seinn laquent~ Bachelard n’aurait pas
l'idéeee selon laquelle ,

) I idéalisme. Alors, toujours selon D. Lecourt, cette impossi soutenu de thèses métaphysiques. Cela relève d’ une lecture
bilité (inconsciente) se transforme en une th éorie latérale, étrangement réductrice et mutilante de l’œ uvre. S’il est
¬

d éplacée, de l’imagination : elle change de « lieu » ; elle dé jà plus que discutable qu’une philosophie du non soit
n’est plus « philosophique », nous assure D. Lecourt. Mais, l absence de philosophie, comment situera-t-on des œ uvres
e,
en même temps, ce dernier admet contradictoirement que comme li îIntuitio muiuuu n de *l’ *instant>, La Dialectique - de la duré
" la rêverie, pour ne prendre que quelques
ce refus de l’idéalisme constitue « pratiquement » un et Ta Poétique de
ensemble de thèses « matérialistes », un passage en pratique œ uvres parmi les plus « philosophiques » ? Les logera-t-on
sur des positions matérialistes en philosophie. Le « non » à l'enseigne de l’ « illusion épistémologique » et d une théo-
à l’idéalisme que serait la philosophie du non, serait posi- rie illusoire et « non philosophique » de 1 imagination ?
tivement un « oui » au matérialisme philosophique. Lecourt N est-ce pas, à la faveur d’ une théorie de 1 absence et
du
sépare donc des éléments : les thèses en épistémologie les déplacement, découper l œ uvre ' arbitrai rement , mer toute
thèses sur l’imagination, et restitue pour nous les thèses cohérence de celle-ci, continuer de la répartir en deux
'

philosophiques (matérialistes) que seraient en pratique les « versants » comme font à peu près tous les commentateurs
jusqu,’à aujourd ’hui ? N est-ce pas mer
thèses épistémologiques (\1Q74, cq-881j et les bachel
Dacneiaardiens
ï uicuo juoMUU , ,_ , P fondements
d’emblée, avant toute recherche, l’existence dephiloso
i
" .,
1

? façon d argumenter et de prouver : dans kie philosop uc toute l’œ uvre, - et du sens - phique
. ,
tableau de la philosophie française telle que la trouva Qu philosophiqu
mqueses- - de l’ consci emme «« 4- trniiln ?
nt voulu ?
’elle a pour nous, parce qu elle
"
’ a «

-
Bachelard de 1910 à 1930 (et au delà) et qu’essaie de nous Jj
retracer de façon très schématique D. Lecourt dans son ’est-ce nas lire de fa çon positive la bonne é
enfer
pistémologie,
spiritua liste la
rejeter comme appartenant à ’ l
rreambule (1974 11-23) , manque curieusement le ratio- et aucune thèse
théorie de l’imagination ? N’ y a- il
) t-
nahsme (quil fut néo-kantien ou matérialiste : scien- mauVaise
ontologique au cœ ur de l’épistémologie ? Aucune th se
) è
)
tisme, etc.) . Dans cette philosophie dominante, interprétée
par lui, a partir d’éléments justes, comme un idéalisme à matérialiste
(en pratique !) au cœ ur de la théorie de l’ ima -
gination ? A-t-on oublié que dans sa Thèse, Bachelard se
tendance spiritualiste, il passe complètement sous silence
I ) ï lefS'uL ST* if* 1* f 0rtement appup& Sur
Drooose de développer une « épisté

ne ,tarde guère à se doubler d une ontologie (E.C.A., 69
.
mologie fractionnée qui
)?
)
sciences et 1 histoire des sciences, et constitu

riSrs 1
; 1116 de Ia phi SOph
ant une
Bach
T
t difficile de faire à l’id éalisme sa part, il envahit
est alors ,jugé comme rompant°radicalement avec toutes tout le champ entier de l’é
pistémologie (E.CA ,
6) Niera.t n tout au long de la méditation et des
. .
)
)
dominante VL
de Bachdard, l’existence de certaines conceptions
vant plus dès lors professer (en pratique) que des thèses sur le * tempS *’ Sur 1 imagination créatrice, essence pe
de
resprit humain et sur les valeurs’ valeurS éPlstémol° g s
.) matérialistes en philosophie. Et, une fois rasi bonne voie ’ .
) pourquoi pas, apprenons à voir aussi chez lui des thèses et valeurs de culture> toutes concePtlons que nous n hési '

)
)
)
tes 1
£

20 Gaston J
Bachelard g introduction 21
(
C
terons pas à qualifier de « métaphysiques » au sens plein (
ambigu : tout en lui refusant le titre de véritable philoso¬
-
du terme ? N y a-t il pas là un ensemble de thè ses philo
phe, c’est la gent philosophique qui s’intéresse à lui au c
sophiques, qui jouent à travers toute l’œ uvre, et qui ne
sont rien moins que matérialistes, qui « doublent » les
premier chef . Actuellement, on le lit sans doute plus que (
Bergson ou Sartre. On peut disputer la question de savoir si
analyses épistémologiques, leur donnent leur orientation g (
le « vecteur épistémologique » a un « sens » « bien net » , l intérêt que lui portent critiques littéraires et historiens
« il va sû rement du rationnel au réel » (N.E.S., 8) .
des sciences doit venir en second lieu, après son influence
1 Nous « philosophique » . Quant aux savants et aux écrivains, son
partirons donc de l’hypothèse de travail suivante : l’œ
bachelardienne a une unité, il ne peut être question de
uvre influence sur eux ne viendrait qu’en troisième lieu, et sans
séparer d’entrée de jeu une épistémologie tout entière doute assez loin derrière les influences précédentes. Dans
acceptable, et une spéculation tout entière illusoire sur cette ordination des influences, nous prenons bien s û r des c
risques, mais nous estimons qu’à l’heure actuelle Bachelard
l’imagination littéraire. L’on ferait alors de graves contre¬
exerce une influence essentiellement « idéologique » au sein c
sens dans la lecture de n’importe quelle page de Bache¬ de la pensée française. Là aussi, il nous faudra en donner
h lard. Ainsi, nous espérons le montrer, on ne peut extraire
la démonstration .
certaines thèses épistémologiques, certains concepts bache-
lardiens, les accepter isolés de leur contexte, les transplanter En effet, le « vecteur idéologique » n’est-il pas bien
« ailleurs » , sans risquer de mutiler leur sens
intégral et net ? Ne va-t-il pas sû rement de la valeur « scientifique » de (
complet. son épistémologie, elle-même édifiée sur les théories scienti¬ (
II fiques nouvelles (ce que l’on accorde en géné ral sans examen,
et que l’on nous demande d’accorder comme un véritable (
Elargissons le débat. Comment la philosophie fran çaise postulat) , à la valeur « scientifique » de sa « philosophie » (
-
a t-elle, pour sa part, reçu Bachelard ? Ce serait une his¬ (polyphilosophisme, philosophie du non, etc.) , et à la valeur '

scientifique de l’ensemble de son œ uvre (y compris en (


toire à écrire depuis les comptes rendus qui ont été faits
de la Thèse de 1927, jusqu’à l’influence qu’il a pu exercer critique littéraire : thèse de V. Therrien, 1970) ? Nous ne (
sur G. Canguilhem ou M. Foucault, jusqu’à la Décade pensons aucunement le diminuer en disant cela. Si l’on (
qu’on lui a consacrée en 1970 à Cerisy-la-Salle jusqu’aux
\ peut admettre que Bachelard a été dans une certaine mesure
études approfondies de ses œ uvres sur l’imagination et la lui-même victime d’illusions idéologiques, il en est surtout,
! critique littéraire par M. Mansuy, F. Pire, }. Gagey et
V. Therrien 2. En général, on prononce sur lui un jugement
avec sa culture, sa pénétration de pensée et son esprit de
finesse, le promoteur et le réalisateur très conscient. Son
rôle idéologique ne saurait être minimisé. En effet, Bache¬
1. Bachelard, Colloque de Cerisy, Paris, U .G.E., 1974, Coll. lard n’exprimait-il pas sur le plan philosophique et sur le
10 / 18. plan idéologique en général, des positions et des thèses
2 . Michel MANSUY : Gaston Bachelard et les é l é
' ments , Paris, dé jà courantes et dominantes concernant les sciences : par
J . Corti, 1967 . François PIRE : L’Imagination symbolique chez exemple, leur rôle culturel progressiste, leur rapport à la
Gaston Bachelard, Paris, J . Corti, 1967. Jacques GAGEY : Gaston
Bachelard ou la conversion à l imaginaire, Paris, M. Rivière, technique, la socialisation du travail scientifique, mais
(Thèse sous la direction de P. Ricœ ur) . Vincent THERRIEN 1969 concernant aussi des questions centrales en « th éorie » de la (
,
1970, op. cit. science, ainsi tout particulièrement celles qui concernaient (
(
(
J ÉL .
)
)
Gaston Bachelard 23
) jntr0duction
) J- 1 va de pair avec
une position) socratique de Bachelard d un Bachelard
I interprétation mdetermmiste des découvertes de •
|
la micro *
M
( e d
) physique, et sa généralisation a tous les domaines de jJ « présentation » devenue tradition
nelle
) physique. Bachelard n est en rien un créateur de ces thèses [ envergure philosophique, sans doctrine unitaire, sans
II les reprend et leur donne une forme et une portée philojf ,vstème » durable. Mais, être un Socrate de la pensée
)
sophiques : nous aurons à le montrer. Ce faisant, tout ej oderne n’est-ce pas avoir un rôle
* philosop hique et id éo-
que
)
.

)
lui donnant une forme nouvelle, il maintient le grand cou- l JJ
ique de premier plan ? On ne
rant du rationalisme philosophique français, qui résout les g ÎAhilosophie de Bachelard comme philosophie
propose rien moins
du pré sent
' problèmes ontologiques qu’il rencontre sur la base de j I . de i avenir, comme seule philosophie tenable. La repré¬
)
) lard s exprime très clairement sur ce point : il s’agit, dit-il j
t
solution préalable des problèmes épistémologiques. Bache- station d’ un Bachelard non philosophe doit donc être
ésence d’ une tradition qui a
reietée. Nous sommes en pr ême qui, dans son discours
) de tirer les leçons philosophiques de l’épistémologie des|,q source chez Bachelard lui-m
sciences nouvelles ; il s’agit de « doubler » l’é pist émologie [ 3tent dans ses dires, récusant toutes les
philosophies
) o ègue alors
« fractionnée » (à savoir fractionnement du rationalisme en Ls le
ées récuserait toute philosophie. On marginal, dans
espace
rel
« rationalismes régionaux » (R.A.,
119- 37) , en « applica- j en tant que philosophe, dans un plus. Or, c’est le
) tions du rationalisme) dans une ontologie « fractionn ée » f l espace de la culture
» gé n é rale, sans
yeux. Avec lui, on a un
) qui comme le sait tout lecteur de Bachelard, est non rontraire qui se produit sous nosde « la mort de la philo-
réaliste, essentiellement non substantialiste. exemple éclatant de philosophe «ombre
) I Comment cela est-il reçu (représenté et traduit) che? sophie » puisque la philosophie id éaliste dans hui
éminents pré f éré aujourd
) r
! nos philosophes, commentateurs et vulgarisateurs de son de ses représentants les plus
) œ uvre ? Pour la plupart, pour ne pas dire pour tous parler de sa mort de sa m0 * Sen
rt érale >
pensee
» unive
philosop
*selle
hiqueme teJ
:
nt
) t
Bachelard ne saurait occuper une place éminente dans la est le nouvel a priori de toute philosophiques. Bachelard
philosophie du xx siècle. Il faut repartir de ce point. Car présentable dans les milieux
ce désaveu « mondain » de la part des philosophes profes- représente parfaitement, à sa
propre façon, ce type de
3 et se propage sous le
) sionnels est à la fois une marque de respect vis-à-vis des « philosophie » qui se maintienton de toute philosophie,
d éclarations expresses de Bachelard et de sa propre façon couvert du thème de la dispariti
.
'
)
des premiers,
N’est-il pas en effet ce philosophe qui, l’un , dans un
de se présenter, et une d én égation de son rôle vé ritable.
) Il fait en effet figure d’antiphilosophe. Il se présente à radicale
rejette par une critique apparemment
) nous, et on nous le présente complaisamment, comme une passé « périmé », toutes les philosophies de son temps,
) sorte de Socrate de la philosophie actuelle 1, qui rejette même nouvelles, surtout nouvelles, qui prétendaient légi ¬

Descartes et Berkeley, Kant et Hegel, Heidegger et Sartre, f érer la pensée française dans cette première moitié du
) reprise de la
au rang des « sophistes » de la pensée contemporaine. Ne xx siècle : citons le néo-kantisme avec sa sa doctrine des
polémique-t-il pas sans aménité contre toutes les espèces synthèse transcendantale, le bergsonisme avec
recensées de philosophies ? Cette reconnaissance d’une vertu avec sa doctrine de
données immédiates, la phénoménologie écoles positivistes,
)
la conscience a priori transcendantale
, les
)
1. Cf . surtout J.-C. MARGOLIN : Bachelard , Paris, Ed du pragmatistes, et réalistes ( qui engloben t les matérialistes
, on n’est pas
)
)
)
r beuil, i ç) 74, pp. 102 -103, ï O Ç, sur ce point. aux yeux de Bachelard ) . Pour elles
toutes

. ) i
!
C
25 (
24 Gaston Bachelard * Introduction
I (
contemporai-
en peme de trouver la critique permanente qu en fait
ong paiLic de
ixiajvuxv partie
*«. majeure ô Ull œ
UC son
!
!
uvre (CiailS
position philosophique vis-à-vis des sciences
nés : elles induisent une nouvelle
« forme » de l esprit
dans , de la pratique, de la
l’Essai sur aTu
UCUVIC
la connaissance approchée, la question n’est pas I? dans tous les domaines de la culture he qui, par ce biais,
vie.. Bachela C0 L-il
rd nXI’est pao le
U pas philosop
xv piuv nv
aussi claire) . Quant au spiritualisme contemporain (princi¬
vj ü £
yie DdLllClillU
' nt le plus possible et
* * 1 1
de fa çon nl rn1 a lin
centrale
/> û * / ratio»-¬
un raflV
pal système de réf érence et bête noire de D. Lecourt) , s’il maintie , de celui de Brunsch¬
remarquons que, sauf erreur, Bachelard n’en souffle mot : nalisme fort proche, tout compte faitune forme renouvelée ?
il ne s’attarde pas un instant à Lavelle, Le Senne, Blondel, vicg \ l’adapte et le généralise sous
ère variante de l’idéa¬
Mounier ou aux représentants du néo-thomisme. Certains Donc, un nouveau rationalisme, derni telle sera notre thèse,
c
pensent qu’il a également négligé et ignoré le n éo-positi¬ lisme, sous une forme à d éterminer, qui implique que l’on
visme (Ecole de Vienne et pensée anglo-saxonne) : ce qui n’a rien de très nouveau, mais
montre que des thèses « philosop hiques » structurent toute
n’est pas notre avis. Sur Hegel, il garde le point de vue émologique, mais
critique sommaire de Brunschvicg, et il ne manque jamais son œ uvre, pas seulement l’œ » , l’éœpist
uvre
uvre esthétique et
au passage de décocher une flèche à la « philosophie de aussi l’œ uvre « philosophique , on pourra
la nature » qu’elle soit hégélienne, schellingienne ou scho- l’œ uvre de critique littéraire. Cela reconnurd a pu béné-
penhauerienne. Quant à Marx, Bachelard, comme ses comprendre le sens de l’accueil dont Bachela
contemporains, l’ignore à peu près complè tement, et il ficier, des ré'sistances et er des îcmcuia que
ues lenteurs 4 . cet accueil
l’accueil qu’il reçoit de
à -
ne le cite, de manière tout à fait épisodique d’ailleurs, que rencontrées, et surtout le sens deBachela rd a bien changé
tardivement. Cette critique de tous les grands courants plus en plus de toutes parts. Si
, au fond
nouveaux de la philosophie de son temps n’est plus men ée certaines choses dans le paysage philosophique la plupart ne
a-t-il rien changé de si fondamental que
comme chez Bergson ou Sartre au nom d’une lutte contre On constate
le scientisme. Elle n’est pas seulement un trait majeur de puissent que lui apporter leur ralliement ? nuancé
son autodidactisme, argument dont on a trop usé, ou de sa que de L. Brunschvicg, qui fit de lui un éloge comptes
personnalité « originale ». La source de cette critique géné¬ il est vrai mais qui contraste avec d’autres
par
rale, de cette position polémique généralisée, et de tous rendus plus sévères 2, à M. Foucault, en passant un tr ès
R. Poirier, J. Hyppolite et C . Canguilh em , c’est
les rejets formels qui la ponctuent, est beaucoup plus large par s’accorde r sur
et profonde : ce qui lui donne son « autorité », c’est le large éventail philosophique qui finit
parti qu’elle prend en philosophie pour 1’ « esprit » des l’essentiel, en ce qui concerne Bachelard.
sciences contemporaines, qu’elle utilise, interprète et Aussi nous ne risquons pas d’aller trop loin : Bachela
rd
répand. C’est d’ un point de vue pris sur la science contem¬ dans l’en
est en passe d’occuper une position importante
¬
m
poraine, sur ses théories nouvelles, sur ses « révolutions » , son
semble de l’idéologie française contemporaine ( puisque
plus encore que du point de vue de cette science, de ces
théories, de ces « révolutions », que Bachelard tire son
jugement invariable : toutes les philosophies, même discuter
contemporaines, sont périmées, dépassées, simplistes, 1. A tel point que D. Lecourt se voit contraint de
uc Brunschv
le cas de icg ( 1974, pp . 41 4? ) •
naïves. (
'
uiuuaciiYxcg
''
2 . Cf . Revue philosop hique, t . CVII, 1929, pp. 92-94, pour la
revue critique de la Thèse de Bachelard par L.
Brunschvicg . (
C’est dans ce mouvement que Bachelard prend une
(
(

lik. t i
) :
)
BadieiaglI lütl duction
26
) Gaston 0 27
)
ologie que par M. Voisin et les représentants du rationalisme
011 6 P ilosophu
) est une pièce de l’idé ) / Mak n / ! 1

de l’ Union rationaliste, aussi bien par D. Lecourt qui


1 occupe depuis un certain temps
Les
T
m
études de. .son. œ uvre se multiplient
..
JL
,
?s. dP-éina- et
7
aS qu
?
subrepticement
-
j

1' ''''***''**®
nr
ée
*athôle Bachelard, à la faveur de ce thème « majeur », sous
il , en en restant très que par J.-C. Margolin qui nous
souvent au niveau de la vulgarisation destinée à
un large la bannière du marxisme, et
plus précises
) public. Cependant, plusieurs thèses
universitaires ont
donne une étude de Bachelard parmi lesérence proche ou
lysé plus profondément tel ou tel ana ¬ les plus documentées, mais dont toute
réf
aspect de son œ uvre
esthétique, de sa théorie de l’imagination
ou de ses prin¬ lointaine à quelque matérialisme ou à quelque marxisme que
) cipes de critique littéraire. Les autres
études de sa pensée ce soit est absente !
) se présentent presque toutes comme
des « Force est de constater que, quelles que soient les appré¬.
son œ uvre (celle de D. Lecourt rentre dans introductions » à ciations, celles-ci convergent surontous les points essentiels
) Elles se veulent des initiations élémentaires,cette elles
catégorie)
Même convergence lorsque l’ met volontiers l’accent
se veulent étiques » :
) objectives, neutres, et sont pour cette
raison é logieuses et sur la valeur éminente des œ uvres odyssée« po
dites
intellectuelle
) même souvent purement et simplement Bachelard finissant sa vie et desonsa véritable « vocation »
apologétiques, ce
qui n’aide pas à la formulation de jugements déroutante dans la découverte
) à la simple lecture. Presque jamais l’on ne corrects, ou profonde, celle d’un « poète », tout le monde en convient
) la valeur de ses thèses épistémologiques, au met en doute et cela arrange beaucoup d’amis de l’homme et de bache-
§ sont les appréciations critiques. Elles n’ contraire. Rares lardiens, mais cela arrange également les commentateur s
)
)
I J
dans -*
quelques •*
articles- apparaissent
-
v> j7j
plus fouillés et portant sur des ques¬
tions limitées et particulières. D. Lecourt
que
uxUl üü VlXL
Cj UC
embarrassés par cette œ uvre double. C ’est une
assez courante et en effet fort commode devant les diffi¬¬
attitude

) seul à s’essayer à une critique portant sur l’ est presque le cultés réelles que l’on rencontre quand on part à la recher
ensemble de sa
)
pensée à l’aide de la notion d’ « illusion
épistémologique » . che d’ une unité qui semble problématique et insaisissable.
S’il est normal que vulgarisateurs et L’œ uvre est polymorphe et riche de cultures nombreuses,
)
adoptent une attitude accueillante et favorable commentateurs scientifique, philosophique, psychologique, psychanalytique,
) aussi attachant que Bachelard, nous devons
à un auteur poétique, littéraire, pédagogique. Ne pratique-t-elle pas
) ! sur le fait que les études de sa pensée tendent nous interroger délibérément le pluralisme ? Nous demanderons si cela
à remplacer l’examen approfondi de ses thè en général s:ignifie l’incohérence délibérée. D’ailleurs, cette attitude
)
succinct, élogieux et paraphrastique. On ne
ses par l’exposé se manifeste également dans les présentations de ses tra¬
) pouvoir sortir de la ré-exposition des semble pas vaux épistémologiques o l’on insiste plus volontiers sur le
) bres, même si l’on s’efforce d’introduire
thèmes les plus célè¬ caractère « nouveau » , surprenant, original de ses thèses,
dans les réf érences et citations. On ne se des variations que sur leurs racines historiques exactes, sur leurs liens à
)
lyse. On tend même à limiter l’examen
livre pas à l’ana ¬ des thèmes déjà présents chez les historiens des sciences,
.)
à un
prédilection, en effaçant tous les autres : que thème de les épistémologueso- et philosophes immédiatement anté-
l’on songe •
*

rieurs ou contemporains. Nous np cesserons de le dire,


M n n t ne , il
) à celui de la « rupture ». Nous demanderons
ne faut pas s’étonner de le voir accueilli au lecteur s’il
) aussi bien par des I
philosophes spiritualistes comme R. Poirier de Textes choisis,
Marcel VOISIN : Bachelard, Essai suivi èmes
) ou H. Gouhier, 1.
Coll Probl
Bruxelles, Editions Labor, 1967, . .

) !

)
)
(
(
28
21 mi0odiictiou 29 (
faut replacer Bachelard dans son temps pour (
ce qu il est dans le nôtre. Concentrer et comprend J tait certaines solutions des problèmes qu elle impli-
(ou son point de départ) sur un thème, limiter l é
sur un
lBP
aspeaBR t

!
l œ uvre, passer sous silence tou l« 7 Tu'
te c’ert S 1
S fslos principes de lecture seront donc sensiblement
(

’ !
P us connues> les plus reçues
diff érents de ceux de la plupart des commentateurs de
(

ntnt ut ' ?£££%?, ,


est le ésultat
e smte d isensus de bon aloi °Ù. * P «e bachehrdienne. L once d’une philosophie de
J ; gaChelard ne va pas de soi, et on nous la refusera. L exis-
(
(
Le Colloque de Cerisy est éloquent
pas question de nier une
certaine diversité dan Ce , | jJ
à cet é8ea d ri n tencc de thèses de
et °n discutera
m étaphysiques n’est pas tellement évidente,
l’importance que nous leur attribuerons, (
ni l’apport important de quelques
g* » qualité (dont celles de
Mlle C Ra
.
é tudes « n UVC.,CS° et î oUisque
| 0 (

l’ont pris
, aussi
pour
bien
l’ un
, des matérialistes, athées ou marxistes,
des leurs au vu de quelques-unes de
(
M. H. Barreau) . Mais il en
ressort aue RarM
certaine unanimité, du grand public 6 !ft t ,
° ? | ses thèses
u
appara
qui ont eu un grand retentissement. Ainsi Bache
aujourd’hui comme un philosophe de la rup-¬
î t auiourd
- (
(
littéraire! lard . Nous devrons demander si le sens bachelardien de
aux critiq arci
0
des analystes (structuralistes) dUA critiques lt
répétons-le, des spiritualistes aux poètes et artistes, e(
ture (
. aux
«a î auunanstes. C
* rationalistes rw ’ ' «P1016 peut être assimilé au sens marxiste de la rup '

(
tonction inévitable de telles est une : crise et révolution dans les modes de production,
rencontres d ' t
sur cette appropriation
faite au nom des m êmesuniverselle de Bâ & chai ** CSt
ble dans l’histoire de la société (luttes politiques) , dans celle
de la pensée. Nous montrerons que Bachelard, théoricien
(
principes •
nuances philosophiques personnelles chaci apporte s
de la rupture, est peut-être un philosophe de la rupture
c
entendons désigner à l’attention du lecteur Ma qUC n0 U!
dans la culture, mais qu’il n’est pas en rupture avec son c
objectif, cette convergence, qui *
fS aCC0 temps, si l’on admet au terme de nos analyses qu’il ne
tain bachelardisme qui ne ? diff è revient à ,pro ess r un cet peut pas être dit avoir véritablement rompu avec la forme
-
(
re U 3C î e ard (
élémentaire à usage des
bacheliers
frappant, c’est que ce phénom è -
n US Semble
° .
*sn4 rationaliste de l’idéalisme français,
(
l
se reproduire : il se gén éralise ne déi3à 3nCien con nue de Au cours de la lecture historique, i.e. marxiste, que nous (
souUS n 0S
envabit
pensée, concourt à « simplifier ],
»
yCUj ’ notre nous efforcerons de faire de son œ uvre, on le voit, nous
(
de Bachelard, J remettrons en cause nombre d’idées toutes faites, nombre
ignorer son insertion historique* * fVvre c
ainsi un rôle idéologique non * M ) uf de mots d’ordre épistémologiques, qui ont lentement forgé
jugements convergent (en min 0é f * b e Ainsi, si les l image que nous connaissons de Bachelard à l’heure
- par exemPle les actuelle, et qui sont déposés dans notre culture avec une c
thèses les plus explicitement nhi'
ou en accentuant la bipartition JS°,,
î™ !? !!-
3
1(lues de
Bachelard, tranquillité d’autant mieux assurée d’elle-m êirme qu’elle (
pensée est devenue un enjeu, reçoit des garanties de toutes parts. Nous ne prétendrons (
en son temps, et en philosophie c est su prendre nullement dans les pages qui suivent résoudre tous les
, des positions tell (
qu’elles exprimaient é
minemment la situation scientifique telleséî problèmes, ou m ême proposer des solutions possibles. Nous
culturelle et idéologique de la pens , n’en avons choisi que quelques-uns. Nous serons donc (
temps ; c’est qu’il en proposait ée française de son loin de poser toutes les questions qui devraient être abor¬ (
une certaine « lecture | § dées. En effet, nous rencontrerons des lacunes dans l'état (
(
(

<
)
)
1
) 30 Gaston flachej odug 31
)
) actuel de nos informations historiques ou
)
) ques les plus précis à notre disposition sont
fournit P. Ginestier 1. C est neu . Rrim virc ceux
cet ?W51m ïnte, e au cours du tempsce
Are.
don efforcé
. On s est donc
temps . ’
a une mportanc déterannante
historique , qui
)
de |eune Bacheiardl U f p h y
) d autobiographie mais il n y a pas
' ,
( s i-
te - érean m
) ° d5éffSOn
US ns 01 soutemr
pouvoir
K , certain Tl fallait souligner de tels liens qui éclairent de nom -
)
. bfn
5 ?* "etelecture
es sur
lc le sens de sa philosoph ie
complè te <lue Possj
J fe aspects de sa pensée philosophique
f et parmi les,plus
) de cnn
U 3 USS1
| Kme ntaux De même il fallait tenir compte de ce que
. ,
?RVrihe! f /? 13 h térature philosophiq® Emblé rialismedu
nt des
COmpte
Principale s
renrec fT . r matiques rationalisme ouvert des dialectiques ,
>
)
scien tifln edC I
cientifique é émologique et litt îraire
épist
3
de son temps
é
mat
,
é oU
ne se développent au premier plan de
aprè ses prises de position en métaphysique
qu’ s .
Ç rob ematiquf Plus récentes . Non qile3
nnVrages
) oulions déclarer celles-ci svaines
nous voulions
ou les ignorer, 01 J9?° neaPrnipgUt donc partir, pour comprendre sa philosophie,
ères œ uvres . On ne peut les analyser sous tous
)
1 ent imeT
?, remaKl é Ainsi seulemen t, nous espé rons contribi | Srs aspects essentiels sans reconstituer l'ensemble
) souv du d
\ éï -
acluel oi> la Prudence «
iexeconstam de son oeuvre antérieure, à laquelle d'ailleurs il
)
F* ment.
)
)
)
)
)
I
fcÛ WâttÎR t 'd°
propres problématiques. Nous
sions de nous en apercevoir
pourrons, dans un espace
aurons de nombreuses ocra-
. Malheureusement, nous ne
restreint
preuves qui seraient nécessaires , faire état de toutes h
. A cet égard, nous devrons
e
= e
à
rf h
se laissait assez bien dégager en fonction de notre but et du
1 développement historique lui-meme . Pour mener a bien
\ notre entreprise,’ il nous
être remplies, d où les
est apparu que trois taches devaient
trois étapes suivantes :
successivement P mtS qUC
"?
a )0rderons
T î , Mise à jour de présupposés philosophiques au fon-
,
)
) fi SSSïïf £&£ au
.
* da S Ie
dé ment
diennes ;
grandes épistémologiques hache ar-
)
) Afin d éM
Atm ,' daAès
clairer • , ,
maintenant le
de ce parcours indiquons pour terminerlecteur sur les points f bachelarMisedienneen etévidence
2. de l existence d une métaphysique
’ ’
de son importance ;
) et les grandes lignes du plan que les thèmes retenus . . ,
z n
)
nous suivrons. Notre pro- Etude des solutions proposées par Bachelard aux
3
I problèmes fondamentaux de la philosophie, d’ou les quatre
)
)
,
laidA
wo
, Pans, Bordas,
I Pou, connaî tre b pens
ée âché !hèmes «hmm dialectique, rupture et histoue, ratrona-
1968, pp. 3 -17 . y0ir ci -dessous pp .*298 -299. . me matérialisme.
B
)
)
) sa
i
(
(
32 Gaston Bachelal production 33 (
(
Justifions rapidement cette manière de procéder. consacré toute une
jg l’esprit, et des valeurs. Nous avons (
à son développement, non
1. Il fallait donner d abord au lecteur une
vue d’enseÿ j rtie à cette métaphysique et
ble du véritable contenu de l’épistémologie seulement pour souligner son existence, mais parce que sans (
s D’o l’étude de quelques grandes thèses bachelardienif
spécifiques | elle on ne saurait débrouiller les problèmes que nous avons (
l’approximation, la rectification et l’erreur, l’ordre
et
$
I abord és seulement en troisième lieu, et qui sont ceux qui (
qualité (comme objets de la connaissance) , le rôle
indue » Inté
ressent le plus le lecteur actuel. (
des mathématiques, l’indéterminisme. Nous avons d
même temps montrer le sens philosophique des «
û et (
épistémologiques » que Bachelard soutient sur ces thèses 3. Ces problèmes portent des noms, ou des étiquettes,.
quç célèbres : dialectique, rupture, rationalisme, matérialisme (
tions. Notre première partie remplit à la fois ce but |
matif et notre tâche principale : mettre à jour les prinfo |Nous nous sommes efforcé de mettre de l’ordre dans les (
é|su questions que recouvrent ces notions quand on s’adresse
posés philosophiques idéalistes qui sont au
m ême de ces thèses, sous forme d’extrapolations fondement à son œ uvre. Aussi nous sommes parti de deux questions c
flexions, parfois de véritables renversements qui m ê d’il principales que nous lui adressons : doitdialectique -on dire que sa
, (
ou de
l’analyse de certains caractères majeurs des th éories lent f pensée procède en philosophie de fa çon (
tifiques contemporaines, des interprétations philosophiquescien¬ façon métaphysique ? Deuxièmement est , - il en philosophie
. (
typiquement idéalistes. Les th èmes épistémologiques idéaliste ou matérialiste ? Les réponses sont complexes
partie. Seules les conclu
culiers que l’on rencontre développés avec une grand ¬ Nous y consacrons notre troisième précédentes permettent
parti ¬ (
parties
richesse dans certains ouvrages de Bachelard ont cependant? sions tirées de nos deux oriques
!
(
été laissés de côté. Nous ne pourrions pas être complet d’aborderj ces questions thé difficiles et de résoudre
multiples que Bache¬ (
à cet égard, étant donné notre but essentiel qui é ! l’énigme des réponses complexes et
tait de lard propose. Ainsi, notre troisiè me partie revient à étudier (
dégager la philosophie de Bachelard.
la contradiction principale de la philosophie de Bachelard¬ (
2 . Nous avons d û dans un deuxième temps qui réside dans l’opposition entre la métaphysique bache
montrer, lardienne d’une part, et ses analyses des théories scientifi¬
ou plutôt rappeler, l’existence de toute une métaphysique
(

bachelardienne, et insister sur son importance. En effet, on ques et de leur histoire d’autre ,part
. Les tensions qui en (
omet souvent cette métaphysique, ou du moins on n’ résultent se résolvent, chez lui dans des positions qui (
marque pas les liens avec le reste de l’œ uvre, sauf en paraissent originales et révolutionnaires. Mais ce sont de
avec véritables compromis, où, sous un vocabulaire et des allures
(
l’imagination. Pourtant les œ uvres sont là, et ces thè reste prédominant.
métaphysiques apparaissent à chaque pas dans tous ses dialectiques et matérialistes, l’idéalismeée qui se veut anti¬ (
écrits bachelardiens : thèses métaphysiques sur le temps les Nous verrons qu’il s’agit d’ une pens
(conception discontinuiste métaphysique dans ses démarches (polémiques) , mais qui
capitale dans toute l’œ uvre,
partout où Bachelard porte sa réflexion) , thèses métaphy¬ est idéaliste au plan doctrinal
. On procédera alors au décryp¬
siques sur Vimagination. Ce qu’on ne souligne pas tage des versions bachelardiennes de la dialectique (ce qu’il (
assez, appelle dialectiques et dialectisation ) , et l’on pourra déga ¬
ce qu’on oublie même souvent, c’est que sur cette méta¬ (
physique repose une véritable conception idéaliste de l’ ger le sens idéaliste de la théorie bachelardienne de la
acte, rupture en histoire des sciences. Nous chercherons de quel (
(
(
) !
34 Gaston B âche];
)
) type est son rationalisme qu il affirme partout, ce qui
) conduira à demander, en antithèse, quel matérialisme ne
ê tre le sien, et en quoi exactement il fait un pas
)
matérialisme. vers
) S
Pour conclure, nous essaierons, à nos risques et
) de déterminer ce que la philosophie de Bachelard rep
sente au point de vue idéologique dans son temps et
le nôtre.
)
)
)
PREMIERE PARTIE
)
)
)
' LES PRESUPPOSES
) PHILOSOPHIQUES
)
)
! DE L EPISTEMOLOGIE
) BACHELARDIENNE
) J
)

)
1
)
)
)
)
) t
!
) t
)
) ;

)
)
(
(
(
(

(
c
(
(
CHAPITRE PREMIER
c
(

EPISTEMOLOGIE OU PHILOSOPHIE ? c
(

On peut entrer dans la pensée de Bachelard par


c
(
plusieurs côt és. Il semble cependant que l entrée privi¬ (
légiée, première et obligée, soit l’entrée par l’épistémo¬
logie, que là réside le centre de rayonnement de l’œ uvre, (
celui à partir duquel elle s’étend progressivement et simul¬ (
tanément dans de nombreuses directions et des domaines
(
extrêmement variés et inattendus : épistémologie ou analyse
des caractè res essentiels des sciences contemporaines, (
histoire des théories scientifiques, philosophie du nouvel (
esprit scientifique, philosophie gé n é rale, analyse des pro¬
ductions de l’imagination et de la poésie, nouvelle critique (
littéraire, philosophie esthé tique, é thique de la culture, (

éthique de la rêverie. Dans ces domaines, l’activité de la (


réflexion bachelardienne s’exerce, s’anime, se d éploie, se
diversifie, se complexifie. Partout l'intelligence vive, l’esprit c
de finesse, l’enthousiasme, ce qui a pu faire parler d’ un c
i romantisme de l’ intelligence » . Partout, les ondes du
1

savoir et de la culture se r éfractent : chaque œ uvre, du c


ivre aux articles et aux courts écrits de circonstance, est
polymorphe. Plus exactement, chacune est polyphonique, c
c
gl Intelligence

. . J. HYPPOLITE : Gaston Bachelard ou le Romantisme de
i <
» , Revue philosophique de la France et de l Etranger, c
Paris, 1954, n° 79, pp . 85 -96 (Reproduit in Hommage à Gaston
Bachelard, Paris, P .U .F., 1957, pp. 13-27) . c
c
c
,**<
)
)
philosophiques 39
) 38 Gaston Bachelard les pré supposé s
)
)
syst é matiquement polyth é matique. Partout Bachelard joint guilhem (1968, 187-195) .On pense généralement que
étroitement les consid érations scientifiques, philosophiques cette position polé mique trouve les raisons de sa valeur et
®

) psychologiques, culturelles, éthiques. Il n'y a sans doute de sa portée dans le fait qu’il aurait réussi ce que personne
le parti des
) pas d entrée privilégiée ou à privilégier : en toute rigueu| 'avait pu ou su faire avant lui : prendre sciences , surtout
il ne pourrait y avoir qu’ un pluralisme d élibéré, dont la sciences, se tenir sur le terrain m ê me des
) . Là rési
cohérence fait problème. Il y a dans cette démarché sur le terrain des récentes théories scientifiques ¬

systé matiquement pluralisée, dans cette volont é de diver¬ derait le secret de la justesse de ses
sification, un goû t pour le concret, pour une approché philosophes et leurs th éories de la connaissance
attaques contre
.
les
Les
:
)
authentique et non affadie du réel, et en m ême temps conceptions de Kant ou des n éo-kantiens sur la connais¬
)
une pensée qui utilise volontiers le paradoxe, une pensée sance, celles des empiristes et des positivistes, les th éories
) qui procède volontiers par défi. Bachelard cultive une de Bergson sur l’intelligence et la nature des concepts,
) attitude pol émique permanente, constamment renouvelée celles du pragmatisme sur la vérité et les idées, celles de
et poursuivie, attitude qu’il adopte avec tous les sujets Duhem, de Mach, de Poincaré ou de Meyerson sur la
.

)
abordés et à chaque point de sa réflexion, à chaque instant; théorie physique, toutes sont également rejetées parce
) que ce soit dans la lecture d’Einstein ou de Meyersori, qu’elles ne vivent pas auprès des sciences, ou parce
) dans celle de Bergson ou de Sartre, dans la classification qu’elles opposent même délibé rément une prétendue
)
des atomismes, ou dans celle des images de Lautréamont t connaissance philosophique » à la connaissance scienti ¬

ou de Poe, dans la classification des images-obstacles on fique, par exemple l’intuition à la difficile « formation »
) dans celle des images-psychotropes, qu’il s’agisse de l’expé¬ des concepts et des th éories de la science contemporaine.
rience de l’espace dans la physique contemporaine, ou de l Essai sur h connaissance approchée trouve sa voie à
la poé tique de la rêverie. Il soutient des thèses toujours travers une discussion serrée des thèses pragmatistes de
)
paradoxales, crée des termes paradoxaux. Nous le consta¬ W. James, de celles de Bergson, et des th éories psycho¬
). terons bientôt avec ses premières analyses épistémologiques; logiques, concernant la formation des concepts. A la
) Car, malgré l’absence d’entrée privilégiée, nous aborderons < formation » des id ées générales, il oppose celle des
pourtant notre tâche par l’épistémologie pour deux raisons concepts scientifiques dans la science contemporaine qui
)
majeures : tout d’abord parce que cette partie de l’œ uvré procède par rectifications et complexifications. De même,
) est, malgré sa célébrité, la plus délaissée, et parce qui dans la discussion des rapports de la vérité et de la réalité
) * Bachelard y part autant qu’ailleurs de véritables présup¬ au sein de la connaissance scientifique, les philosophes
)
posés philosophiques. Nous pensons pouvoir montrer que souffrent d’ un vice radical : ils n’entrent pas assez dans
ses thèses épistémologiques sont manifestement destinées les démarches de la connaissance scientifique, sauf rares
) à soutenir des positions philosophiques qu’il nous va falloir ï exceptions (songeons à Brunschvicg) . D’o la polémique
) d égager. constante contre la « science » des philosophes. Ceux-ci
effectif des
) On a souvent remarqué que Bachelard prend une sont toujours en retard sur le développement
position volontiers critique vis-à-vis de la philosophie et sciences. Ils sont fixés dans la recherche d’ une doctrine
)
des philosophes en général. Nous renvoyons aux études immuable, répé tant des thèses et des
é
probl
volutions
ématiques
scienti-
I
) dé jà faites sur ce point, en particulier à celle de G. Can- depuis longtemps d épassées par les r
)
)
)
(
(
40 Gaston BachejJjft présupposés philosophiques 41 (
(
fiques .
rlp ç
« Le philosophe demande
PYPmnl /a ç nnnr nrmnroi-
simplement à la
"
L •
science
JS l
I X
_
IQO) • _ * TL
}
exigence
1, 1
« J
"
«
d’ une philosophie qu'accompagne la
Vnnnr ,, w
(
(
(
. , - ,
sotfl les stimuler » \ , 195 ) .
1 u10 .
(
la plume du philosophe, la Relativit é dégénère en relagt face à ceux qui estiment que Bachelard s’est borné a
visme . .. En d’autres termes, en se tenant en dehors (
l’ esprit scientifique, le philosophe croit que la philosophie de rompre avec les philosophies ses contemporaines au nom
des sciences peut se borner aux principes des sciences, des nouvelles théories scientifiques . On prend alors’ pour (
thèmes généraux » (P.N., 3 ) . Cent fois, Bachelard reprend aux t accordé que l’épistémologie de Bachelard constitue l inter- (
ces griefs : il suffit de renvoyer le lecteur à l’ f pté tation juste des révolutions scientifiques contemporaines,
les thèses qu’ il soutient et dé veloppe longuement dans
introducticf que ouvrages
: (
du Mat érialisme rationnel : « Les philosophes se borneraient, comme il le répè te lui-même,
fonder une fois pour toutes » . . . Par veulent ses (
exemple, en ce q!: à tirer les « enseignements » et à formuler les « impli- (
concerne la matière, « les philosophes simplifient à l’excè
les thèmes philosophiques . . . Ils bloquent le matérialisn s cations » des révolutions scientifiques au plan philoso¬ (
sur un primitif concept gén éral de matière » . .. « Ils
| : phique. Ce présupposé admis, il devient évident pour tous
'

que Bachelard est l’interprète authentique de la philosophie (


donnent le droit d’ignorer la science discursive effective5e implicite des sciences contemporaines . Justement, la plupart
de la pluralité des matières » . . . Pour « certains philosophes j des commentateurs s’émerveillent de son aptitude à se c
idéalistes... la matière est... une anti-forme, le néant placer sur le terrain des sciences, à s’ être mis, comme il (
la forme . Et, comme pour eux la forme est être, de le dit lui-même, « à l’ école de la science » . S’ est-on (
matière est finalement le non-être » ( M . R . 8- ) . Bref ,
la
9 la vraiment interrogé en allant au fond de la question ? En (
elle n’ est pas tout simplement vide. „
\
science des philosophes est ridicule et pré tentieuse, quand quoi la philosophie des sciences de Bachelard est-elle plus
1
juste que celles de Marx et Engels, d’ Einstein, de Langevin, c
philosophie de
Le portrait du philosophe est rarement flatteur. Pour- de Louis de Br0glie’ f °nt
IT\ (
tant G . Canguilhem nous en avertit Bachelard S leur science ? 2u y 3+11 de plus Philosophique ou de plus (
1
fait moins la critique de la philosophie, de son impuissance scientifique chez Bachelard ? Serait-ce seulement une culture
quasi congénitale à s’accorder à la science de notre temps P us vaste’ et un regard pus P né trant ? Ou bien serait-ce (
*
qu’il ne réclame une philosophie des sciences « qui veut une P ilosoPhie P s hardie ? Mais en quoi ? (
ê tre vraiment adéquate à la pensée scientifique en évolution Nous ne penserons pas que Bachelard ait pu éviter de (
constante » ( P .N ., 7 ) , une philosophie ouverte. « On se rencontrer les grands problèmes philosophiques, ni qu il ait
tromperait gravement. .. si l’ on interprétait la constance pu écarter la réponse ou la prise de position sur le fond, (
et la vigueur des impatiences de Bachelard comme l’ expres- Les derniers chapitres de l’ Essai sur la connaissance appro-
sion de son désir d’humilier la philosophie devant la chée ne concernent-ils pas des notions aussi importantes C
science. Bien au contraire, on doit considérer ses travaux P que celles de contingence et de déterminisme, de vérité
comme une tentative obstinée pour ré veiller la philosophie et de réalité, d’ objectivité et de liberté ? Les analyses (
de son « sommeil dogmatique » (G . Canguilhem,
1968, ! épistémologiques de Bachelard, pour aussi informées c
c
(

F -<
)
)
és philosophiques 43
) Gaston Bachelard: : les présuppos
) ie et
contemporaines, n’en proposent;, je Bachelard, d’une oscultation de son
épistémolog
) qu elles soient des sciences que d’autres sont possibles gg
je sa philosophie .
alors
pas moins une lecture le
)
existent. Cette lecture
n’a-t-elle pas une orientation philo," Il a parfois donn é à sa philosophie épist émologique s¬
borner à donner nn j DOin d’approximationalisme, terme qui , à notre connai
) sophique ? Comment pourrait-il se
) discours parfaitement neutre
« » sur la science ? Mais pom; § Mnce, appara î t surtout dans l’Essai (cf . entre autres :
sance >

discuter ces questions, on ne peut rester à ce niveau de pp 72, xo6, 246 252 . , ) . Mais un mot n’explique rien
nt, avec l’approxima-
et ne fait rien comprendre. Pourtadévelopper la véritable
)
globalité comme on le fait habituellement. A se cantonne
bien
) dans la problématique des rapports entre science et philo :
;
tionalisme, Bachelard entend poraines et, vu ses critiques
) sophie, on peut être sûr de passer à côté des problème philosophie des sciences contem
jes philosophies unilatérales, tout d’une
pièce, fixées dans
que traite effectivement Bachelard. Ce n’est pas en partant
)
de la solution de ce problè me gén éral : abandonne-t-il les une métaphysiquequoi , c’est bien une théorie de la connaissance
) philosophes et la philosophie à leur sort pour é migrer sur qU il se propose,
qu’en dise D. Lecourt (1974, 53 s) .
) le terrain des sciences, que nous aurons chance d’entrer i A aucun mome
nt, dit ce dernier, Bachelard ne propose
dans les textes et dans les thèses les mieux assurés de Je « théorie de la connaissance » (ibid., 71) en
. Nous verrons
)
Bachelard . Il faut donc aller au plus près de son épisté i - que cette affirmation est gratuite. Donno - dès main ns ¬

) mologie . tenant une preuve rapide. Dans lel’éloge loue


que Bache lard
d’avoir recherché
fit
de L. Brunsc hvicg en , il
Bachelard commence ses travaux, qui se dérouleront
'
) 1945
t toutes les occasio ns de dé termin er les variations de la
) sur plus de trente années, par une Thèse où il fait une , car il a fait sienne la remarque
analyse des m éthodes d’approximation mises en oeuvre théorie de la connaissance
de Lorentz disant que la dé termination des notion s fonda ¬
dans la connaissance scientifique en gén éral. Décrire la
) ;
h ée, mentales (il s’agit des notions scienti fiques) r éclamait
) connaissance scientifique comme essentiellement approc
une théorie de la connaissance » . Dans cet article,
1
tel fut l’objet du premie r grand travail de Bache lard en
)
philosophie de la connai ssance et en philoso phie tout Bachelard ne récuse pas du tout cet objectif . C’est d’ailleurns
) court, car on ne peut manquer d’ê tre frappé par le tour celui qui est d ésign é toutes les fois o il est questio
) gé n éral des analyses de ce premier ouvrage publié en 1927 d’épistémologie ou des tâches « philosophiques » de la
On peut dire également que cet examen, il n’aura jamais culture scientifique. La théorie de l’approximation est une
)
fini de le faire et que c’est véritablement son problème* telle théorie de la connaissance. Bachelard ne distingue
) Aussi faut-il dire que la catégorie épistémologique d’approxif pas entre ces diff érents termes que sont : théorie de la
que c’est connaissance, épistémologie, philosophie des sciences.
mation est déterminante pour toute son oeuvre etendre
)
)
l; elle qu’il faut d’abord s’efforcer de bien compr . Sa La thèse selon laquelle la connaissance scientifique
juste compréhension nous permettra de nous
situer au est nécessairement une connaissance approch ée, une connais
¬

)
)
si:
cœ ur de toutes les dialectiques et de toutes
matiques que Bachelard scrutera, et d éveloppera Si ’
les problé-;
. l on
sance qui reste irré m édiablement approx imativ
nouvelle du tout lorsque Bachelard vers 1922 con çoit le
e, n’est pas

que Bache lard apport e


) arrive à saisir au plus près ce
de vraiment neuf et de décisif dans sa th éorie de l’approxj g u* La Philosophie scientifique de Léon Brunschvicg » , in
)
mation scienti fique, on pourra parler, dans le style même | L Engagement rationaliste, Paris, P.U.F., 1972, p. 174.
)
)
)
C
il Gaston Bachel présupposés philosophiques 45
44 j
(
projet de sa Thèse. Il reprend donc un problème. D aille . ]es nominalistes, entre les positivistes et les ° . J (
ses propres citations le prouvent, comme sa bibliographe P des faits et les partisans es 1
ï e les partisans
j
Il part d un état de la question qu il y aurait grand inté feg.S., 61) déclaration qui annonce la fameuse
à conna î tre. Aussi Bachelard n’innove pas en la matièçr Opologie que l’ on trouvera plus tard à la page 5 du
[
quand il vient rappeler et soutenir que « la conceptuajj.
j tionalisme appliqu é
. F
sation lui appara î t comme essentiellement inachevéfl pnt Drocè de-t-il dans l’extension et
la reron e (
r
.
(E .C.A., 27) Et il le sait mieux que personne. C’ était u| ç . lathéorie é pistémologique de l’approximation ? Il par
des idées le plus universellement reçues par les savants|e dans 1 appro
dans leurs pratiques et dans la théorie : il suffit de songe , ° ?

l existence de plusieurs ordres
TI dnnne à ce fait une importance centrale
et en
à la th éorie des erreurs. N’ était-ce pas aussi un | les
arguments les nlus
arguments plus forts de nombreuses doctrines et nki
d
îll fléro _ • ensuite
philo - pe , , , ._
les implications
mologie et de
* L
la
dans toutes
.
philosophie
V Uncnr >bie en gén éral , &
en
sophies de la science : celles de Mach, de Bergson, & | £ Lmvimation devient l’ absolu : nous verrons classiques
James ? Que la connaissance scientifique procède pat , Bachelard renverse les propositions
approches indéfinies, c’était un th ème épistémologiq X e®et . vat)Droximation et nous aurons à nous deman -
banal. P. Duhem consacrait un chapitre de sa Théorié fnCC* „
faisant il ne procède pas à unle
renversement
g Phfilo-
(
physique (1904, ch. 5) à l’é tude de la loi physique. Oa Pbn
r# y trouve au premier rang, étroitement liée à la th èse £ - des faits épistémologiques sur étudie de trè (
faits par ailleurs r é els et qu ’ il
IT mélange de thèses vraies concernant
selon laquelle la loi est une relation symbolique, l’idée S0 la
(
« qu’ une loi de physique n’est à proprement parler g ; [ P 1 -un
contemp0raine et de thèses philosophiques,
fausses
(
vraie ni fausse mais approchée » ( titre du $ 2) , « que • scie
toute loi de physique est provisoire et relative parce qu’elle1 ParC "
-
idéalistes, où celles là se trouvent
prises
(
est approch ée » (titre du § 3) . P. Duhem examinait aussi X
< l’à peu près physique » opposé à « la précision mathé¬
matique » (ch. 3) . On voit l’importance de cette réf é¬
rence, parmi beaucoup d’autres qui devraient être faites.
En fait, Bachelard apporte un point de vue spécifique (
il admet l’approximationalisme on pourra même dirè,
qu’il l’é tend, qu’il le radicalise comme il admet la
critique du m écanisme qui est faite de tous côtés à cette (
époque, mais ce qu’il rejette, comme Brunschvicg, c’est :
1. l’interpré tation symbolique de la loi, et l’interpr étation
(
de la théorie scientifique comme étant « hypoth étique
voire conventionnelle, et 2. l’interprétation réaliste (prag¬ (
si «
matiste, bergsonienne ou meyersonienne) . D’où le sens f (
F y de ses déclarations répétées : « Nous voudrions nous fixer
nous-m ême dans une position moyenne, entre les réalistes
(
(

fcr
)
)
)
supposés philosophiques 47
) f Les pré
) ) sUr deux ou plusieurs niveaux d être » (R.A., 67) . L’exis-
distincts d’approximation commande donc,
) ? tence d’ordres pluralisme , la polyphilosophie, la topologie
) Ion le voit, le et les futurs rationalismes régionaux. Il
I philosophique,
) t semble que l’on puisse soutenir
que toutes les thèses
)
CHAPITRE II |ultérieures sur le nouvel esprit scientifique, la philosophie
! du non et rationalisme appliqué, trouvent là une de
) principales (à notre avis , il y en aura une
fleurs racines
gale importance l’ interpr é tation indé-
) i autre peut-être d é ’ :
) ORDRES D APPROXIMATION |terministe de la microphysique que Bachelard ne para ît
de avec
) ET PHILOSOPHIE DE L’INEXACT I esprit
finitivement qu’à partir
vraiment rallier déscientifique
) . De là r ésulte
1934
la n écessité
t Le Nouvel
) nous pencher un peu sur cette théorie des ordres
I ded approximation.
|
)
i! A première vue, la démarche de Bachelard concernant f
i

Bachelard montre donc tout d’abord que lal’approxi -


) science
la connaissance approchée est de reprendre les thèmes les ! mation se scinde nettement en deux dans
) plus classiques en y introduisant une volonté plus grande j contemporaine. Celle-ci est entrée dans une ère épisté-
) d exactitude et de minutie dans l’étude des procédés [r mologique, et par conséquent philosophique, nouvelle,
) d’approximation partout en vigueur dans les sciences, ÿ [ I ère de la seconde approximation. Cette thèse est reprise
compris dans les math ématiques. (Ce dernier point sur | partout. Au sens le plus banal, on comprendra que la
) lequel nous n’aurons pas le temps de nous arrêter m érite L science contemporaine a franchi un nouveau seuil dans 1
) cependant qu’on le relève : son étude aiderait peut-être | la détection fine de l’objet, comme lors de l’accroissement J,
à nuancer ce que dit D. Lecourt sur le rôle des mathé¬ f du pouvoir séparateur du microscope au milieu du
,
matiques comme « sujet » de la connaissance (
1974 , 102- I xiX* siècle avant Pasteur, par exemple. Pour Bachelard
) 111) . L’Essai est très précieux à . qui veut comprendre 1 bien sû r, la seconde approximation est bien cela aussi :
) l’essence de l’approximation dans les mathématiques elles- r une progression étonnante, inattendue, un palier nouveau
) m êmes.) Le fait capital aux yeux de Bachelard, c’est que dans le perfectionnement technique de l’expérimentation,
les sciences désormais ont fait la preuve de l'existence d’un | de l’observation, de la mesure, de la vérification. Il y
-5
) deuxième ordre d’approximation que ne connaissait pas insistera toujours : passage de la décimale io à la d.éci,¬
la science « classique » . Il ne cesse d’y insister et propose male 10-8 dans la microphysique (voir par exemple V.I R.
) à partir de là une « épistémologie fractionn ée » (E.C.A., |16 et M.R., 14) . L’approximation est bien un perfec- i
ch. V) , idée certes nouvelle. Les ordres de l’approximation i tionnement dans l’approche quantitative. Mais ce qui pour
) gouvernent toutes les relations épistémologiques. Celles-ci f lui est, de loin, plus essentiel, ce qui caractérise vraiment
) vont donc se diviser. D’o non seulement le fractionnement l l’esprit scientifique des nouvelles théories contemporaines,
) de l’épistémologie, mais une « ontologie dispersée », ou I c’est que la seconde approximation ne peut pas être
encore morcelée (E.C.A., 77) , « une ontologie distribuée véritablement comprise si on la situe et si on la conçoit

)
)
L
48 Gaston Bache] | philosophiques
gS pr é supposés 49 (

dans le prolongement de la première


signifie que la première approximation approximation. Cela ,
a ainsi « des domaines nettement séparés dans l’étude
présentait d é jà
une purement . quantitative des phénomènes physiques »
-
'

approche soumise elle même à


des
(E.C.A., 69)
perfectionnements pro.
gressifs. La seconde approximation
cadre d’une progression continue de nl’entre pas dans É Ce qui caractérise un « ordre » d'approximation, c’ est
serait simplement plus poussée. Elle approximation uu « corps » de déterminations., techniques et conceptuelles,
instruments de détection et de mesuremet en jeu des elles (cf . E.C A., 126) . « Nos efforts pour
matérielles etneidérestent
mais surtout, basés sur d’autres plus complexes approximer pas disparates, ils soutiennent des
pas une approximation à laquelle
principes. Elle n ’est donc relations les uns par rapport aux autres, ils forment un
en restant dans le cadre des pens
on atteindrait par degré
ées et des techniques de
groupe » (E.C.A., 245) . Dans la même page, Bachelard
% poursuit : « Le groupement des diverses déseul terminations
la première approximation .
Bachelard exprime cela en
affirmant que l’approximation se scinde en esp d une même approximation est donc, à lui , un fait ,
lement hétérogènes. Un ordre d’approximat èces radical plus qu’un fait, c'est « le fait », c’est la véritable base (
à des démarches, à des concepts et à ion est relatif , empirique d’ une métaphysique positive » . (
des moyens techniques
spécifiques. « Pour affiner la
connaissan ce, il faut des Cette notion de groupement des actes épistémolo¬
giques joue un rôle fondamental dans les th éories crira-
méthodes entièrement nouvelles » bache
(E.C.A., 61) . Et | i scientifique . Ainsi , il é
donne dé jà en 1927 l’exemple des techniques lardiennes de la connaissance
diff é rentes à des approxi
en 1937 : « Comme l’application est soumiseconcept
qui permettent de parler d’ ¬
une substance « chimiquement scienti
pure » et d’autre part de la mations successives, on peut dire que le
¬
même
piquement pure » (E.C.A., 81) , substance « spectroscch fique correspondant à un phénomène particulier est le
en 1949 quand il développera sa exemple qu’il reprendra , groupement des approximations successives bien ordonnées »¬ (
thèse de la rupture entre
connaissance commune et connaissance (F.E.S., 61) . L’on comprend que la Théorie de la Rela (
103) en opposant la technique « commune » (!) de - tivité soit saisie comme une preuve éclatante de cette è re
scientifiqu e ( R .A .,
la de deuxième approximation : elle substitue à la connaissance (
balance chez Lavoisier, et la technique
spectrographe de masse 1. La deuxiè
de pesée par le. approchée de la mécanique classique et de la physique (
me approximation se
fonde sur des théories et des concepts newtonienne, un autre « corps » de notions et de (
nouveaux, profondément diff é , et qui constituen enti èrement ,
techniques d’application des concepts dans la vérification,
pensée spécifique animant etrents t une ; expérimentation et la mesure. L’on comprend que
l’
épistémologiques », les techniquesén étrant les « processus
p émologie
et les instruments. La Bachelard étudie de ce point de vue de l’épist physique
« fractionnée » , « l’évolution d’ un problème de »
deuxième approximation est donc un (
les sens du terme : non seulement progr ès dans tous , dans sa thèse complémentaire, conjointement à sa th èse
quantitatif, mais, (
qualitatif, non seulement
technique, mais théorique. Il y principale. De même quelques années plus tard, l’on¬
comprend qu’il étudie la constitution historique du « plura
lisme cohérent de la chimie moderne », et qu'il classe
1 . Celui -ci sépare les « isotopes »
dans ie tableau de Mendéléiev, mais non qui ont « même nlace » les doctrines atomistiques suivant un parcours qui, en
Histoire de la Science, Gallimard, p . le même Ppoids Cf - gros, est historique. Cela le conduira, en ce qui concerne
987 . les concepts, à sa notion de « profils épist émologiques » ,

(
1
)
r
)
5° Gaston B a c hé j p rés u p p o sés philosophiques
) 51
)
)
)
é
r sument
r - « t'*'' uiui cuiuiu

ouvrages de Bachelard consiste très


aes
mP
coni

*
de ses
*-
très
. une t0 n U e lddée dans , „
) progressivement au long des « é
souvent à nous condiJ
t Car °
tapes » successives de 1 * l analyse , é
n 7 ° aPParaltre?
Plstemolofque
fZ °
que (fa Bac e
* en , 7" - J£
t
'

connaissance approchée d un concept, d’ qu on 1 négllger on doit le negllg * (


)
d’un problème de physique ou de chimie une théorie 1 PCe d prec Pf *
’ , .
se tres explicitement sa pensee . « î
'

) La connaissance approchée proc contemporain 172)


15 * *
ède par ad ) 0 nctl0ns, pa, vis311 une Précision littéralement infime COmme eXlger
Z
'

enveloppements,. par modifications, voireaajonctions


jjiuccuc
) par refont# Me d deétermination absolument exacte on se trouverait
)
complètes toutes marquées par des groupes ’
d approximaH M ê me en race d’une impossimute
face aune totale » (E.L..A., 73;) .
impossibilité roraie
spécifiques . On découvre donc aussi
) à partir de là ï Or c S
est ce sens que la philosophie classique des sciences

)
) elle savait qu’elles
cette tâche : réaliser à la fois une analvse épist
, , . - mologiql \
é n’atteindraient. jamais
- d’unetotalement leur objectif . Pour Bache
B -
)
)
et une. telle histoire th
contraire, remplissent une tâche plus
éorique
é
V
orique récurrente. D’autre ?autres| lardp
nlm proprement « ï ., l®quelque
rd, l’apparition deuxi ème approximation
l. 1nne chose de décisif .. Elle retentit sur la doctnm
a donc
doctrine des
) sopfiique » ; tels sont Le Nouvel esprit scientifiane
,
Formation de 1 espri : sdentUique et La Philosophie r ü approximations progressives
antérieure
sur laquelle vivait l’épisté-
)
6 daVantase rapprochc ï
du '
) œ uvres « philosophiqueT » '.
des autres r Prenons un exemple. A propos de la pureté du corps
T ,. . en chimie, Bachelard écrit : « Un corps absolument pur
)
Cf T
1
" p 0uvons sans doute
E
suivre Bachelard n’est... qu’ une entité.. . Mais, dira-t-on , c’est un idéal dont
;
. x . ,
1
Sf
nrnfif - J e SCS a a SCIfnces
ySjS,
contemporaines et tirer grand
qe la connaissance
approchée, de sa
Ie chimiste s’approche en écartant des impuretés. On
concède qu’il ne l’atteindra jamais » (E .C.A., 80) . Bache-
6S 0r reS dapproximation
) nrdrJ d 6 gran ,eur qm en
. *
, et du « réalisme des
ésulté (E .C.A ., ch .
V) . C’est
lard rapporte ici la théorie classique de l’approximation ,
Elle ne le satisfait pas puisqu’il encha î ne : « Nous préf érons
l’nn ri enseignf ents majeurs des sciences de
notre ; dire qu’ un chimiste minutieux l’atteint toujours . » Décla-
'
) tpmnc
-
P \ e, mat:eriahsme dialectique peut et doit
) 1 retenir " ration abrupte et paradoxale I Voyons quelle justification il
j
. *
rd si l on va plus loin
’ apporte. « En effet, une définition de la pureté doit
1 ne
)
allons voir ’ ° jlardienne de l’approximation
appara *î tre des th èses beaucoup plus nous s’accompagner d’un critérium de pureté. .. Dès que toutes
lçs règles de ce critérium sont correctement appliquées,
mate a ste - En effet, nous ndiscutables
)
) fencore
>nrv «? irlu JUf 6
dégagé le sens principal de cette analyse
’avons pas [ corps doit ê tre déclaré expérimentalement pur » (E .C.A .,
de h
le
to) .
) connaissance approchée. Bachelard entend en effet pbn
a une « philosophie de l’inexact » (
E C A 81
J dU unr Op ne peut manqUer d’être frappé du retournement
) à dire ? Nous pensons qu’il faut dnnnp e ce ? remarquable que Bachelard effectue ici vis-à-vis de l’inter-
uonner ici toute ,leur
;
) ,potion scientifique et classique de l’approximation .
)
)
ET
52 Gaston Bachelard j s pr é supposé s philosophiques 53 C
Bachelard aboutit à un véritable renversement dans la connaissance scientifique, qui,
du problème. La connaissance reste des termjj
bien approch ée,
ainsi le rôle essentiel
le voir, réalise » le réel scientifique.
dans les limites de méthodes spécifiques JJOUS allons «
(
de critères expérimentaux de pureté. de purification, Nous pouvons donc parler d’ un vé ritable renversement
Mais tout en étant lès choses,
vouée ainsi à l inexact, elle comporte selon
lui un élément philosophique du problème. Ce qui trouble ent la
d’exactitude absolu ! « Le corps doit
être d éclar é expéfi. c'est que Bachelard continue d’affirmer conjointem « Réalité
mentalement pur. Ce sont les m éthodes qui dé « réciprocité » de la réalité et de la connaissance :
la puret é » (ibid.) . Si l’on entend terminéfl et connaissance sont li ées dans leur oscillation m ême en
« dé termination » , elle,
bien Bachelard
est absolument exacte. Il ne cett
, è .
une réciprocité dialogues (E raison 250
dynamique » C .A , . ) , et il ne cesse
pas seulement conclure comme il faffi de parler des de la et du r éel, de la
le fait lui-même à la fja appli
théorie et de l’expérience, de la rectification et de« ’ les » l ¬
du même alinéa : « Il est donc
aussi vain que faux de pô
séparer le critérium de pureté des cation, et de nombreuses dialectiques entre cesquemmen
dient » (E.C.A., 81) , thèse qui sera trinstrumen ts qui l’étn
ès fr équemment mip- resserrés du champ épist émologique . Mais fr é t
en avant par Bachelard dans toute on peut également discerner ’ l inflexion fondamen tale qu’ il
son oeuvre comme ofg
le sait, et mise en avant aussi et complaisam
ment par h fait subir à cette dialectique à deux pôles : il insiste sur le (
quasi-totalité des commentateurs « rôle primordial des instruments dans la connaissance
pensée de Bachelard. En fait, ce
qui y ramène toute h
dernier en cours de route
.
approchée en physique » (E.C.A., 61) Si l’on admet chez (
a établi et a fait passer de mani
ère tout à fait subreptiçe lui une « conversion matérialiste » , c’est manquer deé
une autre thèse sous le couvert de
cette première thèse discernement. Non que l’on doive nier la part de vérit (
que personne ne peut récuser, m ême
le plus sourcilleux de cette affirmation de Bachelard concernant le rôle des
des matérialistes, et c’est bien là la force instruments. Mais comment faut-il l’entendre ? Tout està
Or une telle interprétation de l’approximatde Bachelard;
ion revient à là. S’il s’agit de dire que toute connaissance est liée
dire en fait que la connaissance est inexacte l’usage d’instruments, et à des moyens matériels ou id éels (
concerne son objet , (la réalité, la nature, etc.) . Eten ce qui (th éoriques) , qui sont nécessaires, qui constituent de véri
¬

ne pas le lui accorder ? Mais ne passe t comment tables médiations de notre connaissance, fort bien . A tout (
l’affirmation selon laquelle la connaissan
- -
il pas alors à
ce, du côté des le moins, il faudrait alors admettre que les premières
moyens mis en œ uvre pour connaître (
instrumen connaissances scientifiques elles-mêmes, et toute la physique, (
des, th éories) , serait absolument exacte. La ts, méthcK classique, sont elles aussi soumises à cette même nécessité
1

en étant inexacte saisit quelque chose d science tout ce sur quoi Bachelard insiste beaucoup moins, les décrivant
(
Ce n’est pas du côt é de l’ objet (la r éalité
’absolumen t exact. plutôt comme des connaissances « de première prise », des 1

du côté des processus épistémologiques que physique ) , mais connaissances immédiates, qu’il s’agisse de l’immédiateté (
réside l’exac¬ de l’idée (du gé né ral) ou de celle de l’empirisme (du
titude. Tel est le sens de cette philosophie
de l inexact. singulier) . Mais lorsque Bachelard passe à l’affirmation de (
Cela conduira Bachelard à toutes ses
nant le matérialisme « technique » etaffirmatio ns concer - '
la primauté de ces médiations que sont les instruments et
« technique » . La « d é
le d é terminism e les méthodes, nous y voyons l’amorce et souvent le clair
termination » est bien passée tout
entière du côté des méthodes, des moyens indice d’ un glissement idéaliste qui le conduit à ce qu’il
, qui jouent appelle lui-même un « réalisme platonicien des processus

(
A.
) F
)
) 54 Gaston BaeheJ||
)
épistémologiques » (E.C.A., 298) que nous aborderons p]
) loin. Nous verrons que toutes les fois où Bachelard mq
) l accent sur l essentialité de la méthode, sur l’incorporation
)
des conditions d’application dans le corps même
concept, il va jusqu’à réduire le contenu du concept à |
I
.
corps de conditions ( F.E.S., 61) C’est là le secret de CHAPITRE III
épisté mologie : l’objet, le réel, la matiè re ne jouent
son
)
qu’un rôle subalterne, circonstanciel et seulement occasion
)
)
nel en somme. L’id éalisme n’est donc pas chassé des th|
épist émologiques de Bachelard, comme le font croire fj
ès LA THEORIE DE L ERREUR :
) plupart des commentateurs. RECTIFICATION ET OBSTACLES
) Tel est le sens profond de l’approximationalisme bâche

qu tl s agit
Æ T ïï
. Cet absolu, c'est celui que Bachelard . déc L un «h** étroiteme
-
semble souvent se
» qui
nt lié à celui
on re coni ,
et

thème K fort
vre » , ou plutô t c’est celui qu’il « introduit », dans l’ apprjj
. avec lui est celui
P i$ ü suffit souvent
>

)
mation de la connaissance. On se tromperait donc si l’oh célèbre. On en sait 1 î mp
interprétait les formules de Bachelard comme une reprise : :à caractériser à lui seul la pensee oist
meux
é S émologiqu„e de
!_ La _
r8.4rectifi
. r:¬
OULIO le nom
lard sous
.
) des thèses classiques : que la loi est essentiellement appro- [ Bache
)
jjacnciaiu
chée, que le concept scientifique n’est qu’un concept cation concerne les concepts et les théories concepts. On
. Sous
9 ce terme,
des
idéal, une idée-limite, etc. On peut facilement ramener h j] propose sa théorie de la formation ance scien¬
) point : toute connaiss
philosophie de la connaissance approch ée de Bachelard conna î t ses thèses sur ce du’ une connaissance première qui
) cette interprétation traditionnelle. On l’édulcore irrém| è Sitique esi la
tifique est rectification
îa icaniLcuiuu » T,
». xs coup comme n’étant qu’ une
è rlI 1 11 p première.,
*erreur nremi
> rrpiir

diablement en procédant ainsi. Mais on l’édulcore 4 appara î t apr


ées 1, par opposition à
même si on se contente de saluer comme révolutionnaire f Le monde est fait d’idées vérifi » (E.C.A.,
) la reconnaissance par Bachelard du rôle « matériel » des d’esprit qui Cest
esprit CJUl idlt d
5 L fait U’id
iUVW woa;ées
ées essay o
- 272) . La
ées . Par cons équent,
médiations épistémologiques que constituent les techniques/ vérité, elle, est faite d’idées « rectifi
»
) rectifi ée
>
être à son tour
les instruments, les démarches concrètes dans la connais- toute connaissance doit s’attendre à
'

la science toujours
sance scientifique contemporaine. Ce sont bien là des un jour, et en moraliste, il admoneste du savoir » : « Tout
)
composantes importantes et nécessaires de toute connais prête à s’abandonner à la somnolence«
moment reconstruit »
) sance vé ritable, mais on ne peut aucunement accepter la savoir scientifique doit être à tout
) thèse selon laquelle ils constitueraient le contenu de la
connaissance. 1. Remarquons le tour
de passe-passe : il dit tranquillement
) monde est
que le fait d id ées . Mais il ne dit pas, comme il
se devrait s’il avait le souci de l’exactitude scientifique de son
)
langage, que c’est notre repr ésentation ou notre connaissance
) qui sont fait« d’idées vérifiées I
)
)
) JÊL
(
"

-1 C
56 Gaston Bache présupposés philosophiques 57 (
* (
(F.E.S., 7-8) . Signalons qu’ici se fait jour la philosonffl à une seconde approximation. Elle corres-
l du temps de Bachelard, qui commande en son Kloxi
coeuff I r n d matio n
donc sur plan des concepts à ce passage d’ un ordre
le
(
sens d’ une telle thèse qui para î t pourtant bien
aujourd’hui . Si l’on se penche de plus près sur
la
banal loL
notijl l
autre ordre d’approximation. Tant que l’on reste dans
>eadre d’ un ordre d’approximation, il n’
y a pas rectifi-
(
(
de rectification entendue comme théorie de la
des concepts, on s’aperçoit que cette « formaStH tion de la connaissance au sens propre du terme. La rec - (
désignée comme étant une « déformationformation » EJjLtion est donc liée étroitement à une modification
(
» . C’est
toiï ««entielle de l’approximation, à un changement
de
le thème de la page 61 de La Formation de l
tifique : « D’après nous, la richesse d’ un ’ esprit sciM - néthode , à un changement d ’ordre de grandeur, etc., qui
I; concept scient fLt
l en même temps des changements théoriques.
V (

(
m
comme puissance de déformation
.mauuu . « On veut
w
toujours quj> qu’elles ont de plus nouveau et de plus révolutionnaire
l imagination soit la faculté de former des images. Or - présentent bien plutô t la dialectique inverse : c est la
, ejgj
est plutôt la faculté de dé former les images
la perception..., de changer les> images » ((A.S., fournies Ratification qui appara î t comme le moteur de la révolution
Scientifique. La rectification des concepts les « étend »
-7 ). (
La formation des concepts nouveaux pour incorporer en eux toutes les variations possibles de
la déformation des concepts anciens. Elleconsisterait dans leurs conditions d’application (cf . V.I.R., chap. 2 ) . Dès
se
manière que nous pouvons mieux comprendre ferait d uni' lors, elle va anticiper sur l’approximation. La théorie prend
que nous avons étudié la théorie des maintenait les devants. Bachelard parle alors de sa valeur inductive. La (
et son sens bachelardien. Déformer les
ordres d’approximati on seconde approximation devient une conséquence de la
concepts
c’est « étudier les conditions d’application de primitifs/ révolution th éorique. « La rectification est une réalité, (
ces
et surtout incorporer les conditions d application concepts mieux, c’est la véritable réalité épistémologique, puisque
d’un c’est la pensée dans son acte, dans son dynamisme profond »
concept dans le sens même du concept » (F.
.
Que cette thèse soit bien liée à l’approximationalisme6if»
E S., p .C.A., 300) . La rectification est alors d écrite comme
en aura une preuve, non seulement parce que , off relevant de la puissance de réforme de la pensée, de sa
dans cette page de La Formation de l esprit Bachelard capacité inventive , de son autonomie conç ue comme totale (
explique que 1’ « application est soumise à scientifique liberté. Face aux faits, face à ses théories et concepts (
des
tions successives », mais aussi parce que l approximaÇ antérieurs qui ne peuvent expliquer tous les faits, la pensée
connaissance approchée soulignait déjà que ’ « la sur la¬
Essai le trouve mise en demeure d’abandonner ses concepts (

sance consiste précisément à régler cette dé formation connais sclérosés, ses a priori anciens, de les d éformer, de les (
façon à en faire une rectification » dë remplacer par de nouveaux concepts plus ou moins pro¬
(E.C.A., 246) . La fondément modifiés. « La science simplifie le r éel et
rectification des concepts est liée au passage d’une premiè
re complique la raison » (N.E.S., 14) . (
(
;v

A
)
) »
)
)
58 Caston
BacheJarji présupposés philosophiques 59
) Cette dialectique dans laquelle approximation et
fication jouent alternativement le rôle méd anf VCCtkt & ut
nécessairement traverser » (E.C.A., 249) . Très bien,
)
> undJ:ts
est . isrÆ ïsrrr
Act à
-
à conna
rvr
î tre (/1le ré.
jt
e , . \ aisonj et ce q I „nilVeau 1
», .
eli )x . Mais riSs
dans leTpé
lutions scientifiques décisives, c est la rectification de ré
fcs
vf J jSd : le renversement des termes du
thé , il pousse le problème a sa îmi e ex
qui joue le rôle dominant : « L organisation oriq
systématique somme dans des termes renversés. Il y a là très certai¬

-
traiter

)
du domaine d’explication, et la

né on î£ ,
suggère l’application des moyens d’explication
»- 1 -
rectification continuelle
ainsi -Hde
nement
qUe f
le
ornent un attraits, et une des forces essentielles de la
des attr
d-

)
dynamique, saisie dans son acte, dans son
et d 'assimilation » (E.C.A., ?
effort de con Comme à propos de l’exactitude, Bachelard en vient donc
\ à transformer la question. Il en vient ainsi à constituer sa
243) Aussi les
) rectifiés, ceux que la pensée inventive céîèbrc théorie de l « obstacle é pistémologique » , qui
difficile explication des phénomènes a aux
prises ve
) réussi à re tT * condense et exprime en profondeur sa théorie de la connais-
font appara î tre ses anciens concepts
essentiellemU sance (cf. F.E.S. tout entier) . Or l’obstacle épistémologique
k erronés. Là encore le matérialisme dialectianp
ÏWTIPWI.
Bachelard
comme
P
j • _
uivre
a un double caractère : il est par essence psychologique et
an jiistorique. C’est la théorie des « instincts » de l’esprit.
Mais en sera-t-il de même D o la constitution d’ une psychanalyse de la connaissance
de la primauté du problème de l’ avec la th èse bachelardienne objective, liée à des études dites « psychologie de l’esprit
gique) ? Aux points de vue erreur (thèse épistémolo scientifique », que l’on rencontre dans toutes les œ uvres
historique et ontologique, elle¬ épistémologiques ou philosophiques de Bachelard. Cette
) devient thèse de la primitivité de l’erreur. '

pas seulement de reconna î Il ne s’agit donc théorie « psychanalytique » se propose des buts thérapeu¬
) tre comme un , cathartiques et normatifs, d’où son aspect morali¬
démarche scientifique à ses d fait que toute tiques
buts essentiellement pédagogiques. La
;
ébuts bute né
) sur des obstacles : « Dès qu’
une
cessairement sateur visantse des é è le très tô t être une réforme de la pensée.
importante, on peut être sûr qu’en difficulté se révèle rectification r v
sur un obstacle opposé » (F.E.S., 20) , tournant, on butera
la En 1931 dans , Noum ène et microphysique , on trouve
) ce que tout le monde cette idée : « Nous ne pouvons avoir a priori aucune
accordera. Mais pour Bachelard, un autre probl en l’instruction que le donné immédiat prétend
) important encore que l’étude patiente ème est plus confiance
) rencontre l’esprit scientifique au cours de obstacles que des nous fournir . Ce n’est pas un juge, ni même un témoin ;
de son évolution ; c’est le problème sa formation et c ’est un accus é et c’est un accusé qu’on convainc tôt ou
) qu’il pose dès l’Essai tard de mensonge. La connaissance scientifique est toujours
de 1927 : « Le problème de l’
) le problème de la vérité » (E.C.erreur .,
nous a paru primer la réforme d’ une illusion » 1. Bachelard reprend un vieux
sur le plan d’une épistémologie gé 244) . Se plaçant alors
A thème qui est aussi bien celui de Platon que de Descartes :
)
blème de l’erreur un problème n é rale, il fait du pro ¬ l’opinion a toujours tort (cf . F.E.S., 14) . Ce qui est en
)
cette théorie de la connaissance qu philosophique à traiter dans cause pour Bachelard, ce n’est donc pas seulement l’obstacle
) lisme. « L’erreur est un des temps de ’est l’approximationa -
)
la dialectique qu’il 1. « Noum ène et microphysique » , in Etudes , p. 14.

)
)
61
60 Gaston Bache Æ présupposés philosophiques

objectif que la complexité du réel ou son éloignei d obstacle épistémolo- (


cette construction du concept
opposent à la connaissance. Les difficultés majeures
lem»
é. Enfin, D. Lecourt
3 met l accent sur les composantes
rencontre notre effort ne proviennent pas primordialemque «gu ologiques la* description de l’obstacle épistémolo-
idé &14 ' "»> de„ rC 2 8 et 1974, 126 s.) . Ces
éÉ î *
iffideolu -
l
de la nature de l'’objet r V -ci 11
? i
obiet à cnn
conna
no îAttre. Celui
51 JHlknie par
n’en est bacne a (Vinfin
Par BaclVelard
( » 9 9» 53 '

T .
VnrV'no rvn . Les
foccasion Af
obstacles sont inhérent a notre
1

a notre esprit lui-même. « Qnanj f f /


démarcî/ composantes idéologiques sont bien présentes scientifique,
jusqu'à un
y on cherche les conditivSlIirtain point dans La Formation de l esprit
!
sorte de « SSŒ dl
Mes , (RE.S >}) . La résistant reneontrée est
donc 3
K
Bal recours à la psychanalyse est *
Le alors
<*?
conrpn
» . Bachelard plus subjective qu’objective. Même P
« ,,5 ; L D Lecourt comme emprunt cette doctrine d une
- un a

3E35Sfiffi&SS
(

SB£££*S!Mt
rtarsta tJs
ssrtïr Ærs;
?;à
, sréJ
ë
1
;£*î?r î £î
Jgati?
. 68 nis
1
en a 974 thème de
(

plutô t que des obstacles épistémologiques au


c’est-à-dire fondés dans la nature (physique ou
sens
sociale )
striJ épistémologique) . Donc , qu il s agisse de la lire d
dimension * moralisatrice , dans sa
» d e S1 * L
tel point que trois des commentateurs narmi w ' A / gique » , ou dans sa dimension « id éologique » (théorie
intéressants qui aient étudié ce th ème de l’ psychanalytique naturaliste de l’idé ologie ) , chacun de n
obstacle nom re que la
donnent des verdicts convergents Ainsi Miche 1 Se commentateurs souligne bien à sa manièosoph M,
voit dans cette th éorie notion d’obstacle a une visée essentiellement de b
réformateur moraliste qui pourchasse les pé
de la connaissance et préconise une « ré
chés capital destin ée à fa]K piècG à d aUtreS phll°SOphieS
sance scientifique.
forme de l’esprit
lacaues 0 HP , C Am. y
exactement le flirt de Bachelard avec la
« i ï
* Que signifie (
chanalyse ? Pourquoi lui emprunte-t-il un arsenal
psychanalyse 1 de
arsenal ae
JX i hiAr,» A p la rectification
sa th
i
éorie de la'

concepts pour développer


UTnnT
réforme et les sept péchés » , in L’Arc, n <> de l’imagination
comme théorie de l’erreur, puis sa théorie etc
pp. , 42, 1Ç JJ (notions de complexe, de sublimation, .) ? Pourquoi
pa t BacbeIM
iBIn ée de ruPtureeépistémologique
2' *
chez Gaston B che-
t
. Cf . les études de F. Pire, J. Gagey et V. Therrien surtout,
V PÆ
1arj
n' S !
r PM
°' 0S ' 2l
â
1
sur ce point-.r\ A1«1
Gaston Bachcliat; $|les pré supposé s philosophiques 63
> Ô2

fonde-t-il les thèses de la primauté du problème de Terre», otrice principale de la science. D où les impasses idéa-
et de la primitivité de Terreur sur l’existence de tendances . Les causes de Terreur sont
tes de la théorie de Terreur subjectives et relevant d’ une
) véritables « instincts » (F.E .S., 15 et passim ) , propres s
l’esprit qui entreprend de « connaî tre » ? Ces instincfe
lnÇ ues comme essentiellem
psychique an
ent
-historique . Dans cette formule :
dont nous avons désigné les figures principales invariable structure
)
« la connaissance
est une lumière qui projette toujours
) ci-dessus, non seulement orientent, ou plutôt désorientent : lelque part des ombres » , le « toujours » est symptoma-
) la connaissance dans ses débuts, mais en somme Taccom.
pagnent toujours comme son ombre projetée au devant
Lue . Bachelard tourne dans le cercle ordinaire
contemporain s qui
de tous les
refusent l’expli-
) é alistes classiques ou
d’elle : « La connaissance du réel est une lumière qyj | tj0n matérialiste de la connaissance et de la
conscience,
projette toujours quelque part des ombres . » Il
W •
U 11U1 JL
.
( F..E»..OS.., lSJfBE rompris de
} , compris UC la CU11SL.1C11 .
«a conscience LC û .
scientifique
LLmmMUL, , comme reflet . Les
mJ L
Est-ce là encore un simple paradoxe dont Bachelard émaillàé véritables ,tables causes et la véritable nature dee laa connaissant:e
‘ connaissanc
ses textes une connaissance qui éclaire obscurcit pa: «ont ignorées, niées, combattues d un pom e vue ;
ailleurs, ou pour l’avenir ! La connaissance devient son «este, bien que sous des formes nouvelles, un poin
propre obstacle en formant une habitude rationnelle qui Idéaliste. Bachelard ne veut pas voir dans es o s
tô t ou tard va l’entraver. Conception qui semble très Ûes obstacles naturels et matériels , objecta s 1° s ®
)
dialectique mais curieuse conception de la connaissance fondés dans la nature de la réalité physique ou a
qui doit douter de soi et inscrire un scepticisme à sa racine les formes de conscience sociales et la nature es c asses
,

auquel ne pourra répondre qu’une profession de foi : « On : illusions idéologiques) . Ce sont pour lui es 0 s aces
'
) comprend qu’ un philosophe qui suit l’évolution des idées essentiellement « épistémologiques » , c . r * ire 6 na .
scientifiques chez les mauvais auteurs comme chez les surtout subjective. Il soupçonne leurs véritables causes m
bons... se défende mal contre une impression d’incrédulitf sa théorie reste essentiellement idéologique oirL , ,
systématique et qu’ il adopte un ton sceptique en faible passée sur de véritables positions matéria î s es. ou
accord avec sa foi, si solide par ailleurs, dans les progrès ! voisinage de la foi rationaliste et du scepticisme
, msi ,
de la pensée humaine » (F .E .S., 11) . - > éorie de l’obstacle épistémologique telle que e se pr
th
Expliquons donc ce point en essayant d’introduire un jf Ite explicitement chez lui n’est que l’expression dun
de la philosophie rationaliste vis-à-vis de ses
peu de clarté (et non des ombres) dans ce débat de la | ticisme
conceptions, l’expression d’ un état de crise de cette
connaissance avec elle-même . Tout vient de ce que Bâche- B -Lres
lard n’a pas reconnu les véritables bases de la science dans Ç J devant le progrès général des sciences et d’ une
les nteités du développement de la production maté.
nelle et de la marin e de la nature (physique et socnle . «PP " P «
Bien quil souligne le rôle des « instruments » matériels 1 Jrreuo uunc part
.
Iple. .
mntériaiiste' II faut rappeler que Bachelard
dan un mébnge assez significatif,
y* , à Momet et à. Sombart d autre part
'
Malpré ces
dans la connaissance, celle-ci reste pour lui une activité dans La Formation e espn
o

de « l’esprit » qui invente et manie ses instruments génia jpuences et le progrès des sciences lustonqu , l1 idéalismee
lement mais gratuitement. Dès lors, l’explication des obsta- rationaliste français ne peut pas encore aire
clés est tout aussi idéaliste et subjectiviste que cette ] de la connaissance. Bachelard continue e 1 ea 1
conception de l’activité rationaliste conçue comme force sa théorie de Terreur.

)
'
(

64 Gaston Bachelaj$ présupposés philosophiques 65 (

D après celle-ci, les causes principales d’erreur sont i ïialiste » , mais dans une philosophie id éaliste, quoique de
ses yeux immanentes à l’ « acte épistémologique » . Il esj seconde position. Et celle-ci est justement une lutte contre
donc amené à les comprendre comme « psychologiques » , toUt naturalisme ou matérialisme, y compris le maté rialisme
à les chercher dans une psychanalyse, et à constituer par| à historique. Nous le verrons mieux dans notre troisi
ème
lèlement une vé ritable psychologie de l’esprit scientifique, partie. En ce qui concerne le rapport à la psychanalyse, il
Bachelard a bien vu le danger de « psychologisme » (qu| faut dire la m ême chose. C’est d’ailleurs pourquoi Bache¬
était également à la même époque ce contre quoi jç lard sera plus proche de Jung que de Freud . Les obstacles
constituait la phénoménologie de Husserl) . D’où la défense pour lui sont plus culturels que naturels, plus subjectifs
qu’il développe contre l’accusation de « psychologisme » qu’objectifs : l’esprit, en quelque sorte, s’aliène dans sa
dans plusieurs oeuvres, en 1949 surtout ( cf . R .A., chap. IJ première culture, dans les images dont vivent le réalisme,
et III ) . Une défense parallèle est menée dans les œ uvres lempirisme, ou la connaissance gé n é rale. Bachelard est,
sur les images élémentaires. En effet, il faut tenir compte dès le point de départ, aux antipodes de l’explication psy¬
de la distinction que Bachelard tient à maintenir entre fo chologique naturaliste de la formation des concepts scien ¬
conscience psychologique commune et la « conscience tifiques, a fortiori d’une explication physiologique (E.C.A.,
'

scientifique » (cf . « La surveillance intellectuelle de soi », s.) 1. De même, en ce qui concerne les obstacles, ceux-ci
lui-
R .A., chap. IV) . Mais, contre un psychologisme, il sont immanents à la culture et à l’esprit scientifique , etc .)
construit un autre presque aussi idéaliste que ceux de même. Le vocabulaire faussement biologique ( instincts
Bergson et de Husserl : il se défend autant qu’eux de toute ne doit pas masquer ses thèses sur ce point. Bachelard est
conception « naturaliste » de l’esprit, par réaction contré et se veut philosophe de la culture : il rejette les concep¬
toute conception objective (matérialiste) des formes de tions naturalistes de la culture au sens contemporain du
conscience. terme. C’est ce qui ressortira lorsque nous aborderons ses
thèses philosophiques gé n érales : théorie de l’activité spi¬
Derrière les développements d’ une « psychanalyse » ou rituelle, de l’imagination, de la poésie et des valeurs cultu ¬
d’ une psychologie du cogito scientifique (D.D., 98 s., RA, relles. En conséquence, Bachelard, avec la notion de recti¬
chap. IV, par exemple) , il faut donc lire correctement fication, à la fois désigne un aspect important et réel de
un psychologisme de deuxième position (cf . P.R ., passimV; l histoire de la connaissance, et en donne une explication
'

Dire que les erreurs ont pour source des causes « subjecti¬ théorique philosophiquement idéaliste.
ves » et consistent en des valorisations d’origine subjective,
ne peut nous faire oublier toutes les pages où Bachelard
mène une critique fort intéressante des philosophies de li (
conscience (de Sartre par exemple ) . Si la th éorie épistémo¬ (
'

logique de la rectification se double d’ une théorie psycho¬


logique de 1’ « esprit scientifique » , c’est un subjectivisme (
de deuxième position qu’assume Bachelard, c’est-à-diré (
consciemment en lutte sur deux fronts. Contre les idéa¬ 1 . Sur le rapport de Bachelard aux th éories psychologiques, (
lismes subjectivistes contemporains, il m ène une polémique cf . son é tude : « Le Monde comme caprice et miniature » , in
-
généralisée fondée, non pas dans une épistémologie « maté Etudes, pp . 25 -43 . (
(
(
M
)
) jp présupposés philosophiques 67
) depuis le xvn siècle, était avant tout
0
« quantitative » :
étude des aspects quantitatifs des ph énom ènes, si l on
)
-
songe qu’elle s’efforçait d’effectuer leur réduction à la
quantité et à la mesure, jusques et y compris dans les
) CHAPITRE IV descriptions bergsonienne ou husserlienne de la science, on
vojt que Bachelard procède à une véritable réintroduction
et réhabilitation de la connaissance qualitative. Il voit la
science contemporaine comme ayant pour objet essentiel
ORDRE ET QUALITE, la « qualité » . Alors que le bergsonisme, à l’époque, oppo¬
OBJETS DE LA CONNAISSANCE sait la qualité comme objet d’ une intuition immédiate à la
quantité, la science restant bornée à celle-ci, Bachelard
) soutient une thèse directement contraire dont on ne peut
manquer de voir le sens antibergsonien. Mais, plus encore
Toute connaissance scientifique est donc rectification qu’un non-bergsonisme, c’est sans doute un non-cartésia¬
) d une connaissance antérieure aussi fruste soit celle-ci. La nisme et un non-matérialisme fondamental que professe
) connaissance scientifique de la période classique est upe Bachelard sous ce réexamen et cette réintroduction de la
rectification de la connaissance commune qui est indis¬ qualité qu’il juge essentielle dans les th éories scientifiques
)
tinctement perceptive, pragmatique et empirique. La con¬ physiques et chimiques contemporaines.
naissance scientifique de l ère contemporaine est à son tour
une rectification de la connaissance scientifique. Mais la Remarquons d’abord que Bachelard insiste sur une
rectification, comme l’approximation, ne désigne que tâche inattendue de la science contemporaine, inattendue
l’allure de l’acquisition de connaissances nouvelles. Elle si l’on pense à son niveau d’abstraction et de mathémati ¬

ne dit rien sur la nature de son contenu, sinon qu’elle sation et si l’on songe aux critiques bachelardiennes du
« réalisme » , de 1’ « empirisme » et de tout ce qui est
incorpore les conditions d’application au corps des concepts
« immédiat » . Aussi quelle surprise de le voir assigner à la
Quel est l' objet de la connaissance ? La réponse de Bache¬
lard est que ce sont des « qualités », les aspects et proprié¬ connaissance une tâche descriptive : « Conna î tre, c’est
) t és qualitatifs de la réalité. Mais ce sont des qualités en décrire pour retrouver » (E.C.A., 9) et il consacre tout
tant que celles-ci sont susceptibles d’entrer dans des rap¬ son premier chapitre à établir cette thèse. Mais il faut
) aller plus loin : Bachelard maintiendra tout au long de ses
ports ordonnés.
) En effet, une des nouveautés de l'épistémologie de œ uvres cette idée que la science est une « ph énoméno ¬

) Bachelard est l’introduction au premier plan de ses thèses logie » : c’est encore l’ un des thèmes du premier chapitre
sur la connaissance approchée des deux notions d’ordre du Matérialisme rationnel de 1954 intitulé « Phénomé ¬

) nologie et matérialité » . La science remplit donc une tâche


et de qualité. L’analyse de la science de l’ère de la
) deuxième approximation le conduit à soutenir que la phénoménologique que Bachelard ne craint pas d’entendre
) connaissance est essentiellement qualitative et ordinale Y en un sens quasi husserlien ou sartrien. « La pensée
.

elle voit partout des ordres, et procède par mises en ordre moderne, écrit Sartre, a réalisé un progrès considérable en
) réduisant l’existant à la série des apparitions qui le mani-
des phénom ènes. Si l’on songe que la science moderne,
,
)
)
)
f
l
68 Gaston Bachel | s présupposés philosophiques 69
testent . On visait par là à supprimer un certain nombjA.
de dualismes qui embarrassaient la philosophie et à ilosophie qui soutient que la science vise à atteindre
f « choses » (la célèbre « chose chc en soi » ) , c est-à-dire
remplacer par le monisme du phénomène » (
En remplaçant « pensée moderne » par « science contJl 1943 , )
Z
Rré alité objective ext érieure à l’homme et indépendante
poraine » , on obtiendrait une formule que ]ui On conna î t la critique bachelardienne du « cho-
pu écrire . D ailleurs, dans 1 Essai , on trouve de
Bachelar d eû t |Le » ( cf . surtout A . R . P .C ., 83- 86 ) et le rejet de tout
: remarques qui expriment la même idée : « On ne
nombre CLtantialisme (nous reviendrons sur ce point, car ce n’est
d aucune manière dé tacher l’existence des prédicats quipeilt P aussi simple chez Bachelard ) ,
.

i U scienc ne «mnaitart donc .


manifestent » (E.C.A., 75 ) . On se doit de soulignai ?
, , ,
pas des choses ou de
passage cette sorte de convergence des diff érents
de la pensée française qui ont en commun de refuser
coM latl
pstances, m quelqu être que ce soit : elle conna î trait des
nS ; d crirait es phénomènes . Thèse très classiqu ,
toufe | 0 ’ Bachelard eJ
si?!
philosophie positiviste et en même temps toute concept , ®ais Pour dans cette description , la science saisit
: matérialiste, mais aussi le spiritualisme pur, et qui qUal tés E choiS
e n°
amenés à traiter le même genre de problèmes posés P
Nemen
'

t \les aSpectS < £


luantltat lfs (* C
relations quantifiab les
dam
les mêmes termes . Chez Bachelard, il faut
rattacher Z! p
mesurab les, exprimabl es
telle formule à la thèse selon laquelle la relation prime ébriques) mais les aspects qualitatifs . Plus la science
en nombres arithm é tiques ou
l’être ( « Au commencement est la Relation »*) , qui
pas propre à Bachelard : simplement, il y
„8
| °Sresse’ plus elle s attache a 1 étude des « détails , des
E -C.A ., chap. I , III et XIV ) .
insiste plus P n0m nes
2
que d’autres ne l’avaient fait, quoique du point
logique l ’on avait dé jà souvent souligné que la
de vue Mais qu'est-ce que Bachelard entend par qualité ?
sance était essentiellement une science de relationsconnais Ist
- - la qualité sensible au sens classique du terme, celui
ce
chelier, par exemple) . L’originalité de Bachelard (J . ’1* Bergson qu on trouve dans la philosophie cartésienne ou chez
n est par exemple ? Oui, mais les qualités dont il est v
pas là . Cette thèse de la primauté de la relation
sur l être : : question sont définies et déterminées, au même titre que
joue chez lui un rôle important et D. Lecourt a parfaite
ment raison de le mettre en évidence ( les aspects quantitatifs des phénomènes, dans un ensemble
1969 23 25 Les de démarches qui « déterminent » leur objectivité, ou
difficultés de l’ idéalisme face aux développeme
, , ) .
nts é leur réalité. Elles deviennent un objet de la science (
des sciences (la crise des a priori ) le conduisent, r cents mieux
,

chez des On ne peut comprendre cette thèse de Bachelard si l’on (


philosophes comme Brunschvicg et Bachelard, à un « K voit pas qu’ il la justifie en se référant à une science
tivisme » et à un agnosticisme concernant « l’être » rela- mathématique qui est purement qualitative
connu : la topologie ,
par les sciences . D’o les critiques vis-à
-vis de toute science abstraite qui peut se développer sans recourir aux
1 notions de grandeur métrique, de quantité, de distance ni (
1. « Noumène et microphysique », in Etudes,
p. 19 et V.I.R., de mesure (E.C.A., chap. III ) . La qualité dont il est
21
° question est donc tout abstraite . Bachelard signifie par là
nali’me ? . m S dl °° (
que h
centre de « l’ idéalisme critique » de M . Brunschvicg » (Cf :; science contempora
Ecrits, tome I, Paris, Editions sociales,
f PP 0 enlre
" et
ualitf * *
ine On ne peut plus les oppos
.
à la « corrélation » de Hamelin ) . 1969, p. 198. Il renvoie \ aussi massivement et tranquillement que continuait a le
ï faire la plupart des philosophes. Ainsi Bachelard saisit %
t
A
)
.
î
) 7° Gaseon Bach
f présupposés philosophiques J2_
) la 3 x
u ;' „ , ?
étab1 que ia qu ité
)
! les Dhénnm npc à „r. A* i

triquTStrate J
-
q eIle ne réduit
| |
r , une connaissance rationnelle, la base de théories physi-
i «ui ne
se fondent plus initialement sur les propriétés
h

nouvelles conceptions gfomé N0 m étrique ou sur les Pr0Pné tés arithmétiques du


disparaissent l approche quantitative n„ il ¥ p'un espace . que
| qui expriment des rapports quantitatifs rl
matiques ? rmil Inombre
i cf
° . Pour ce faire, il entreprend de d émontrer : iprend
é 1 est ob)et d une théorie physique
t ute quallt qUmultiplicité ; 2. que cette dernière est une
les relations mathé es symboles
? op é ° une
j rate<% [ place dansé à une dimension ; . que le jugement d’approxi-
i expriment aussi des raonorts WK rapports Multiplicit 3
d ordre, qui sont en tanfque tels
V !
d’ordre est é troitement liée à TPIIP rltéx car
no ® qualitative appara î t avec la quatrième expé rience
ination qui ordonne une qualité par rapport à trois
quf ’ et selon qualitative
Bachelard, toute é tude noussée des dont les situations respectives sont préalablement
est la connaissance de
- J. . _
deuxi lï ?
ème "1

, , PProxlmation
8 telIe
Pof § ®
autres
donn ées ; 4. que l’on peut alorsx définir l’•égalité de deux
~.A., 38") . On voit par cette dJ é/ fir:¬
-
sur un ordre qualitatif de ces ph énomènes ( E.C.A., î OSV
.

Irnntrastes
s qualitatives n’»est. pas seus f c M r i nition
qualitatifs
.z ( É.C
4 *

propri:éxtt.éx. de la quahté contemporaine de- la .


? s , 1 «»
l a connaissance de J » . .
&1 1 T J 1

o n f t,
<

-
mentif le fait d’une connaissance de première prise. ÿ
retrouve
/e la qualité sous une tout autre forme
< Ordination qu’il ne s’agit pas seulement de la c< onstitut on
au niveau au sein de la science contemporaine u ,, .
i de la science contemporaine. Aussi Bachelard s’efforce de qualité ordonnée : il cite la é
définir la qualité sur un plan général et de construire une
\ corne
de la Relativité (E.C.A., 38-9) • ais
doctrine de la qualité qui puisse se substituer à celle de philosophiques les plus répandues qui po , i > rra 4- finalité
rie

-
P

Bergson
g L aspects qualitatifs des phénomènes, il s agit d’établir
-
ï
La quahté qui est objet de la science, c’est celle qui. | e philosophie gén érale de la qualité qui
sgRationnelle sur les qualit
corresponde à la
és,
s’ordonne, qui se présente dans une ordination, qui peut P de la science
être soumise à un ordre quel qu’il soit. Avec cette notion , r . . v v . .
Son but le plus profond est de faire pièce a toute Pnbilo
d’ordre et d’ordination, au sens à la fois subjectif et objectif sophie substantialiste et materialis e . a qua 1
f
(les deux étant corrélatifs) , Bachelard pense atteindre une r nuellement opposée à la substance, 0 ie *î ,
notion « primitive », donc un absolu au-delà duquel Pana- leurs, en établissant cette doctrine, ac e ar ° P .
lyse épistémologique et philosophique de la science ne peut |un courant de critiques du bergsonisme . .
qui se
remonter. D’o ù son importance fondamentale et son rôle de son temps : il fait reposer ses theses, a eux P
.
»
ainsi que son sens philosophique, dans l’épistémologie de cela à des moments décisifs de sa cons rue ion,
Bachelard. « Le concept d’ordre aurait donc cet étrange arguments que J. Nogué développait con re es P 1
) privilège de ne pas avoir de contraire » (E.C.A., ) . Bien bergsoniennes (E.C.A., 34 et 40-41) anseesp , !
31
qu’énoncée ici sous forme hypothétique, cette formule est [ il donne la portée la plus générale possible à des analyses
)
entièrement affirmative ; « l’ordre n’a pas de contraire », qui restaient sur le terrain psycho ogique e c
) lit-on plus loin (E.C.A., 34) , et Bachelard parle dans ces à une métaphysique de la quahté oppos e . ,
) pages de la « primitivité ordinale » (E.C.A. ,
30 33 ) . Par physique substantialiste qu il Pa se; n , •
) cette thèse directement orientée contre la philosophie topologie et aux géométries abstrai es »

)
)
)
(
m
72 (
Gaston Bache li1 pré supposé s philosophiques (
entend expressément donner 73
qualité (objet
d une
à la notion d ordre
tion) un sens « et 4 gjque de notions comme celles d’ordre et de qualité Et .
c
concret », au sens où ilordina abstrf
æ (
de la science contem -
définit l’abstrait concret
typiq ji eo effet, il constitue bien une mé taphysique, qu’il appelle
poraine (cf . par exemple, F E.S., jui.même parfois « métaphysique positive » 1, qui se dégage (
et R.A., 22) . Il
parle d’ailleurs à ce . la science contemporaine : « La science créé en effet
traction alerte et conqué propos de cette « Æ
organiser rante qui doit nous
condu delà philosophie » (N.E.S., 7) . Bachelard donne le contenu
ration nellem ent ire cette mé taphysique au
théorie de l’ordre la phénoménologie comm
pur », et peu après il e unç detrouvera les démarches et leslong de l’Essai, mais on en
thèses dans d’autres œ uvres, (
abstrait est donc ajoute : «
ordre prouvé qui ne tombe L ordre en particulier L Intuition de l instant , ou dans des études
les critiques bergsounnienne s de l’ordre pas so
® diverses, comme les articles réunis et édités par G. Can-
c
Il entend bien
.
trouvé » (F E.S., 6| ) guilhem 2 o ù le style, la mé thode, le mode de pensée et (

thèses conce donne r un sens philosophique à ses les problèmes posés ont une allure très proche de ceux de (
rnant
dans les sciences du l’apparition, toute
nouvelle
xx siècle d’une rationalit,é selon | l jg Bergson . (
directement et qui porte On pensera peut-être que nous forçons les choses, que
tion d’éléments fonda mentalement sur l’ordre et l’ordina
qualitatifs et non sur ¬ les thèses bachelardiennes sur l’ordre et la qualité doivent
tances ou une réalit des ê entendu
é substantielle (lire : ré tres, des suhs- être nous enes en restant dans l’ordre de l’épistémologie,
Il est frappant
thèses ambitionne de constater que sa problalit é matérielle); que inf érons arbitrairement une « philosophie »
ématique et ses que démentent de nombreuses déclarations antiphilosophi¬
nt d’atteindre au même niveau
é que les plus grands projets de géné¬ j Essai sur la connaipar ailleurs. Or, si nous partons de
ralité et de radicalit ques de Bachelard
siques, que ce m é taphy¬ ssance approchée, c’est pour éviter
soit ceux d’un Hamelin
auparavant, ou d
’un Merleau-Ponty plus ou d ’ un Bergson d 'ampute r l’ œ uvre de Bachelard . La lecture de l’Essai nous (
le lecteur
retiendra que, dans une œ uvre tard . D une part,
’ sembl e comma nder la compréhension d’ ouvrages jugés
Bachelard parle consta comme l’Essai, exclusivement « épistémologiques » (N.E.S., F.E.S., R.A., (
qu’il prend mment de sensations, de perception A.R.P.C., M.R.) , mais aussi, entre
comm e exempl es les couleurs, les , autres, les développe¬
caux, les nuances de sons ments qu ’ on trouve en t ê te d’ un chapitre
effectue une critiquegris , etc., ce qui montre bien quemusi¬ rêveries du repos intitulé : « L imagina de La Terre et les
des thèses de Bergson, il s s il 1 ’ tion de la qualité.
à l’effectuer ’attache ! Rythmanalyse et tonalisation » (T.R.R., 79-82) . A un
dans les m êmes terme
philosophiques. L’ s psychologique premier niveau, Bachelard entend bien effectivement procé¬
mental et la discusutilisat ion du même vocabulaire s et ; der à une
fonda- ; lecture épist émologique au plus près de la science
thèses soutenues sion des mêmes questions, même si les j contemporaine. Ainsi, en ce qui concerne la « qualité » , il (
de la phénomé sont opposées à celles du bergsonisme ou conclut sa Thèse de 1927 en écrivant en substance : « Dès (
nologie, prouvent né
philosophique métaphysi anmoins
que de Bachelard. Le l’intention j lors ’«un « principe de sériation » peut être trouvé, on
qu (
prenne appui fait qu ’il 3 pourra éliminer progressivement » « l’élément subjectif de
sur
des sciences contemdes théories diff érentes, à savoir celles j la qualité seconde » « en gardant contact avec cette qualit (
'

lide pas cette poraines, pour établir é»


ses thèses, n’inva- ! (
sophie, quand constatation : il vise à une véritable philo- 1 . Etudes, p. 24, et ECA,
du rôle épistémolo- |
il s’attaque à l’analyse 245 .
] Ilard2parus
. Etudes, Paris, Vrin, 1970 (contient des articles de Bache¬
entre 1931 et 1935 ) . i

J (
Y
)
)
) 75
74
Gaston BachelM j s présupposés philosophiques
)
« ’être en soi ne serait plus qu’ une
\
(E.C.A., 299) . Mais précisément, la thèse est bien celle des phénomènes : L doute imaginaire autour duquel
) nous avons dite : la science parvient à une véritable connais espèce de point sans
sance de la qualité par la qualité, pour peu que celle-ci soi ordonneraientavecdesunqualités nettement stratifiées, en cor-
) l objet d’ une ordination. « Alors même que la pensée gçspondance véritable discontinu expérimental »
qu’introdui-
(E.C.A., 76) . Bachelard vise ici .le discontinu y a t-il une
*

) ajoute Bachelard, n’aboutirait pas, dans cette voie, à l’objeç.


) tivité, on ne peut nier que le premier essai de
limiterai jent nos actes épisté mologiques Sans doute -
subjectivité consiste en un retour sur la perception, danj yérité dans ces thèses de Bachelard qui peuvent évoquer
) une rectification » (E.C.A., 300) . des dialectiques proches de celles de Hegel sur certains
) Il faut renvoyer ici à l intention de constituer ufjç points. Mais, d’ une part, Bachelard rejette cette dialectique
) « philosophie de l’inexact ». C’est parce que la connais I priori (P.N., 135) , d’autre part « dans l’approximationa-
sance est qualitative en son fond, qu’elle est approchée' ijisme, on n’atteint pas « l’objet », foyer imaginaire de la
)
C’est parce que la qualité ne peut être par principe entiè¬ convergence des déterminations ; on définit des fonctions
) rement objectivée, saisie hors d’un ordre qui est une mise épistémologiques de plus en plus précises qui, à tous les
en ordre, que la connaissance est nécessairement inexacte niveaux, peuvent se substituer à la fonction du réel, jouer
tous les rôles de l’objet » (E.C.A., 246) . Bachelard reste
)
en ce qui concerne son objet. « La connaissance, absolu¬
)
ment parlant, est frappée d’un échec irrémédiable » (E.C$ donc partisan d’un net idéalisme qui, de l’épistémologie,
#tentit sur l’ontologie. La doctrine de l’ordre qualitatif
) 277) . La substance, au sens chimique du terme, n’esj i bien ce sens fondamental, puisqu’elle met en avant l’
ordre
) saisie que par l’ordination de propriétés qualitatives. Il y , écuse la thèse mat é rialiste
• construit, introduit par nous et r
a donc un primat de la qualit é SUT la substance, qui est
)
strictement parallèle au primat de la relation sur l’étre. lt l’enseignement de toutes les sciences qui prouvent que
) De même, il y a un primat absolu de l’ordre, et un ordre qualités et ordre sont des aspects de la réalité matérielle
n’est jamais trouvé, mais construit, c’est-à-dire subjectif objective, des propriétés de la matière.
)
(F.E.S., 6) . Il s’agit bien d’ un renouvellement de la méta¬
) physique, qui porte sur ses notions fondamentales, être,
) substance, sujet, objet, réalité. Ce qui le prouve, c’est que,
) régulièrement, à propos des problèmes ontologiques qu’il
rencontre, dans ses premiers ouvrages au moins, il introduit
) des remarques sur la relation logique du sujet et de l’attri¬
) but (entre autres, E.C.A., 26-27 ; I.A., 119, 121) , et chaque
) fois il souligne que l'attribut prime sur le sujet, l’adjectif
sur le substantif comme les qualités sur la substance. L
) substance n’est rien hors des qualités que nous discriminons
) dans l’expérience et les mesures : « La mesure des attributs
) donne la mesure de la substance » (E.C.A., 75) . L’être
n’est rien en dehors d’ un réseau de relations, au premier
) plan desquelles figurent celles de notre propre ordination
)
)
)
J
(
c
(
les pré supposé s philosophiques 77
(
peut nous donner au moment de son application » (E.C.A., (
I27) Bachela
• rd parle du « mouvement alternatif de géné ¬
(
ralisation d’application » (V. I .R ., 63) qui caractérise
et
(
du Calcul Tensori en Relativité. Comme le remar
je rôle el ¬

CHAPITRE V quent les commentateurs, Bachelard utilise le terme d in ’ ¬


(
action en un sens qui lui est propre et qui n’est aucun (
des sens antérieurs dans la littérature philosophique ou
scientifique . Ce n’ est ni le sens aristotélicien (syllogisme de (
L INDUCTION OU LA REALISATION |jnduction) , ni le sens baconien (toujours rejeté comme (
DES MATHEMATIQUES • empiriste) , ni le sens de l’induction amplifiante ( Lalande) , (
nj non plus le sens mathématique de Poincaré (raisonne¬
ment par récurrence) .
Le rôle de l ordination et de la constitu Pour Bachelard, induction est synonyme de construc¬
théories qualitatives abstraites en mathématiques tion de tion, voire même d invention d’ un « réel scientifique »
et en J(N.E.S., 9) par la théorie. Celle-ci a acquis lenouvelle pouvoir
physique permet de comprendre que ph ènes, de créer de
toujours insisté à la fois sur le caract Bachela rd ait de construire des énom s
ère phénoméno-
technique des sciences physiques et sur le rôle inductif substances, d’ effectuer sa propre « réalisation » . « L’induc¬
mathématiques dans cette ré alisation de phé des tion, c’est l’ invention qui passe au rang de méthode »
qualitatifs par la science contemporaine. L’ nom è nes (V. I .R ., 52 ) . Dans le même sens, il écrivait en 1927 : (
de la connaissance nous conduit donc à cettude de l objet
é ’ « Par induction nous entendons toujours l’induction qui
spécifique de l’ épistémologie bachelardienne oùautre thème découvre » (E.C .A ., 132) . Aussi le « vecteur épistémolo¬
intervenir également des positions idéalistes. l’ on va voir gique » va « du rationnel au réel » , « et non point, à (
j inverse, de la réalité au général comme le professaient
(.
La notion épistémologique d’induction tous les philosophes depuis Aristote jusqu’à Bacon » ,

Bachelard le titre de l’ un de ses ouvrages : La fournit à (N.E.S ., 8) . Il poursuit : « Autrement dit, l’application (
inductive de la Relativité , paru en Valeur de la pensée scientifique nous paraît essentiellement réali¬ (
1929 . Il peut sembler
que cette notion d’induction n’ait occupé sante. Nous essaierons donc de montrer.. . ce que nous
dans ses premiers travaux. Il n’en est rien, Bachela
car la
rd que appellerons la réalisation du rationnel ou plus généralement
d’application lui est intimement liée. L’une peutnotion la réalisation du mathématique » (ibid .) . Aussi, selon
employée pour l’autre, si bien que le rational être Bachelard, les sciences parvenues à . l’ère du nouvel esprit
isme appliqué scientifique ne se contentent pas d’analyser, de déduire,
est un rationalisme inducteur et que ce que
de l’induction vaut rigoureusement pour « l’applicatnous dirons d expliquer, de prévoir, les faits et phénomènes naturels.
On trouvera de multiples preuves de cette liaison ion » . Par induction, il désigne un problème plus qu’une solution
qui est
pratiquement une synonymie : « Nous n’avons
en somme Bour l’épistémologue : saisir les racines, la source de cette
I
à déterminer que le genre de certitude que ’ puissance de réalisation dont, soudain, la science contem ¬ <
l induction poraine fait preuve dans ses domaines les plus avancés. &

M J (
)
)
)
)
7« Gaston B
I% oté suPPosé :i philosophiques 79
)
)
)

)
)
)
)
)
foudre au tonnerre : un éclair et du
peut lancer de l’électricité bruit
dans un fil •
Ta
Seule
seuil l
ellf
|
'I
É
Ue
U
négative par Dirac à
!

Purement mathé
partir de nécessites apparem -
matiques) , c est 1 empiriste qui est
)
donner aux ph énomènes lectriqiies la comité liné ahj |

, j î kvfame
les
)
) tiSque à sa réalité technique Jt
un fait épistémologique essentiel.sociale o ù Bachelard £Jilosophique * ies ma é r\t : -
k ?
lurqu4!
«& expérimentale elle-même. Le débat s avère la eneore
En effet, s'il groupe dans sa entupre
:
)
)
Cette identiffeation de rindnetion
invention qui porte sur
m ènes et finalement sur le ré
les exp é
et de « J1]
riences, sur les phé !
iio If nrie et de l’expé rience » qui est encore plus étroit
)
)
lement selon Bachelard du rôle
tiques jouent dans la
el lui-même, résulte
nouveau que les inathéma-
essentiel 4?
la science contemporaine que dans celle du xix* siècle.
- aDparaît donc nécessaire de ne pas toujours prendre
)
)
5
de « réalisation » de la
science contemporaine. La

mathématique, de la soudaine
puissance
science est celle de la physiM Lhdard
ftLiques à la lettre et de bien dégager ses intentions
II faut comprendre qu’en procédant à la
vis-à-vis de la physique
autonomie qu’elle aurait prise 1
science expérimentale où il dénonce « l’exi-
) expé
fournit des matériaux et soulrimentale 3
|
. Bien sû r celle ci
-
tiaue de la
», c’est en fait à toute théorie « réaliste »

-
ève des problèmes que j [ nCe empiriste

3 L5J .
) physiaen mathématicien va le
traiter par la voie mathé « matérialiste » qui maintient la thèse de l’existence
tique. Mais ce n est pas
) tellement par là que la science- 1 une réalité objective, extérieure à, et indépendante de,
m â |>

=
contemporaine est épistémologiquement connaissance et de ses démarches, que Bachelard
) !
c astetSSEîSl révolutionnaire aux *
-' *-

7fF T
*
)
*
)
)
)
)
sormais 4 T pSe .L
comprendre que, dé
|{*** *, c t
mathématiquement » qui invente du r
tive de la théorie provient de son éel La valeur fnrW
!
.
la théorie, Bâche ard soutient K une mtapré
htion du rôle des mathématiques qui deman q y
-
statut mathématique
nouveau. « L exigence empiriste qui ram 1 3Ilête un C0Ult ins nt 11 semblerait de pnme ab rd qU Ê
°
)
)
rience, exigence si nette encore
ène tout à l’expé
au siècle dernier, a perdu- 11 u ,
Noumène et microphysique > , m Etudes, p. 15 .
)
) !
À J
m
80 Gaston !
Bachel . présupposés philosophiques 81

i
il ne semble vpas avoir été at enW

rscs
.

3
. 1

ou
.
" mouvemem
.r rw trrr jjla
.a , mouvement
s
'
*
des

-f *;fe. zizzoa. rs»


euresd
S ï wlle segmentation dune claite anté-mathémfque. U e

te ou tel problènfo; | ) On notera qu’il ne peut se d éfaire totalement de


.
"
avoir un sens a 1 origine de
pouvait(

concernant 1 CSPn F SC1Ê n 1


ç8
|
inHdpntp i 5
UC *
’ nombreuses -
remar fjdée que les math ématiques « expriment » quelque chose,

pard, les
à cet égard
Un S1
fn
IPC jugements de
une ignoranc - /
!, ,06 . 6 nous
/ Rp.HMartin
devoir être soumis à révision 1. Mais nous ne pouvons semblerai t
f JJ
form é les expressions algébriques qui traduisent un ph éno-
ène m écanique... » (AJl.P.C., 173) .
entrer ici dans cette question. Par-delà ce problème de vocabulaire, la thèse fonda ¬
La thèse de Bachelard, qui concerne aussi bien les mentale est cependant bien nette : la science est entrée
math ématiques pures que les math ématiques produites dans dans une « ère mathématique » (N.E.S., 59) . Parodiant
' la physique mathématique, est que les math é matiques né avec un brin d’ironie le bergsonisme, Bachelard s’amuse à
sont pas une langue. Il insiste au passage sur le fait que le contredire systématiquement : « On voit se substituer à
j homo faber 1 homo mathematicus » ( ibid .) . Et nous pou ¬
le « besoin d application, quoique plus caché dans les
sciences mathé matiques pures, n’y est pas moins efficace » vons voir ce qu’il entend par induction si nous lisons ce
f (N.E.S., 8 il faudrait citer tout l’alin éa qu’il écrit en qui suit : « Par exemple l’outil tensoriel est un merveilleux
de généralité ; à le manier, l’esprit acquiert des
ces pages 8 et 9) . Partout, il répète que les math ématiques opérateur
ne sont pas un simple moyen d’expression, une langue capacités nouvelles de généralisation... Dans la nouvelle
science relativiste, un unique symbole mathématique dont
artificielle que l’on utiliserait après coup, une fois constituée signification est prolixe désigne les mille traits d’une
dans la physique. D. Lecourt a bien mis ce point important ? la
en évidence (1969, 43 s) . Bachelard écrit : « On n’estime Réalité cachée : la pensée est un programme d’expériences
pas à sa juste valeur le rôle des mathématiques dans la 1 réaliser » '(N.E.S., .
i .
59.) . Soulignons
- les termes : outil,
pensée scientifique. On a répété sans fin que les mathé¬ maniement, désignation d une réalité, qui expriment la

matiques étaient un langage, un simple moyen d’expression. th èse contraire de celle qu’il soutient. Si D. Lecourt ne
voit pas la subsistance d’une théorie de l’expression, par
contre il voit bien le sens idéaliste de la thèse de
1. Cf . R. MARTIN : « Bachelard et les mathématiques » Bachelard sur le rôle des mathématiques qui deviennent le
, in
Bachelard, Colloque de Cerisy, op. cit., pp. 46-67.
* sujet » de la science physique (1974, 102 s) . « Le Calcul

JL
82
Gaston Bachela
|gS présupposés philosophiques 83
Tensoriel... est un instrument (sic) mathématiqu
la science physique contemporaine e qui crée
comm e le microscope jjuécifique rationnel ». En parlant constamment de cette capacité
crée la microbiologie », écrit Bache des math ématiques de la physique math ématique
suivre cette analogie, nous allons
lard (N.E.S., 58) . \ sp
le je s’ objecti ver dans un réel « scientifique » , Bachelard
philosophique. Visiblement, il veut direvoir dans son rôle entretient toutes les équivoques et les confusions concernant
que le micro
« rend possible » la
microbiologie, non qu il « crée scope » sou ]es
mots « inventer » et « transformer », « créer » et
objet, les micro-organismes. A la
faveur , const ruire » . En fait, la pensée mathématique est pour
mot « créer », Bachelard introduit sa thde
l’ambiguïté
du
è selon laquelle Bachelard une cause formelle au sens aristotélicien du
les math ématiques sont réalisantes. On sepeut
'

l’entendre terme, et c’est parce qu’elle est cause formelle qu’elle peut
;
encore en deux sens : 1. elles « créent » devenir, maniée par l’expérimentateur, une cause efficiente.
théories physiques ; 2. elles « créent » une ré de nouvelles ; Ici se manifeste donc une conception nettement idéaliste
qui n’existe pas naturellement : ainsi alité physique
le courant électrique de la causalité : la causalité formelle, tout entière à la
produit de l’industrie humaine, « ré
alise » des concepts [ disposition du sujet, domine la causalité matérielle. On
mathématiques, comme ces « effets »
( « nature » que « créent »
inconnus dans h comprend alors que, pour Bachelard, se concentrent sur
les appareils laboratoire les multip mathématiques intégrées à la physique contemporaine
( Bachelard laisse entendre qu’ils n’ont pas de de fondement de les valorisations et nous ne pouvons que nous
objectifs naturels, sous pré texte qu’ ils
n’existent pas sans étonner d’ entendre parler d’une épistémologie qui serait I
notre intervention productrice. de part en part matérialiste chez Bachelard. Car il insiste
I
L’on doit critiquer fortement Bachelard sur fr é quemm ent sur le rationalisme « informateur » ou sur
et ne pas se laisser entraîner par sa subtile ce point inform ation rationaliste » qui lui « semble prendre le
dialec 1 «
( dans le mystère de la « réalisation » des mathé tique rôle domin ant (A.R.P.C., 182) . Cette th èse de « l’infor¬
»
matiques matio » , comme pouvoir de donner forme à une matière,
( et du rationnel. L’analogie est grossière. Il attribue n
instrument « théorique », par exemple le Calcul à un se rencontre également tout au long du Rationalisme
( une portée réalisante comme à un instrument « tensoriel, appliqué, mais aussi dé jà dans La Valeur inductive de la
matériel » vité ( p. 67) . Dans la science contemporaine, il y a
( qui, lui, transforme une réalité, mais
ne la « crée » pas. Relati alg ébrisme qui va... à la recherche de sa réalité »
C’est seulement mé taphoriquement que les math « un
(
peuvent être dites créer la science, a fortior é matiqu es A.R.P.C., 176) . Non seulement les math ématiques de la
i une réalité (physiq
physique quelconque. Bachelard entretient ue se révèlent aptes à s’adapter au réel, à le
c équivoques, et il en joue, lui qui par ailleur ici de graves péné trer, mais elles dessinent, par leurs propres nécessités
s s est
en champion de la d énonciation des images ’ présenté intrinsèques, les possibilités d'un réel qui n’est pas seule¬
-
mot « créer » est une telle image. Or c’estobstacles : le ment à conna ître au-delà du dé jà connu, mais aussi, pour
( bien cetté lard interprète de la science, d’un réel qui est à
puissance de réalisation de la pensée
mathématique qui Bache « créer », à « réaliser » dans une phénoménotechnique. « La
( constitue sa thèse principale lorsqu’il invoque «
inductive et inventive que l’esprit acquiert en cette force méthode prétend, sur un phénomène particulier, faire le
(
Calcul Tensoriel » (N.E.S., ) . La conceptionmaniant le plan de la possibilité du ph énomène » (A.R.P.C., 174) .
( de la théorie ne fait qu’un avec59 inductive
la théorie de la « réalisation Mais d’o ù vient que les math ématiques aient ce rôle
( inductif ? La réponse est donnée dès 1929 : c’est grâce

l
1 i J
(

ri w (
(
H
'

84 Gaston Bachel || P suPPQsés


PhiiosoPhiques 85 (

à leur nature qui réside à la fois dans la gé néralisation ILt


de mettre en valeur t0 '
la complexification
l égié. Bachelard é
des
tablit
relations
cette
qui sont leur objet
double * extension
$ 1 fetion
|
\ #> c , &» éceler et de codifie
SM (V.I.R ., 7*7*). Et d pou - donnant
mathé matiques dans le sens de la généralité et de exemp es de ee p uvoir de gé n
complexité des relations, dans le chapitre 2 de La Valjl lfjj °
)ine le Calcul Tensoriel qui
« me p au réel des
,

inductive de h Relativit é qui est essentiel pour son pr0p


Il en ressort d ailleurs que, pour ce qui les concerne

?Rriations qui pouvaient semblerrence

, 7?) - Cette cohé


d abord purement
mtansèque de la
v•
» (
?* (
math ématiques avaient dé jà effectué ce double dé
-
pement ou long du x,x siècle. Ce que l'on peut d
velJB£ i j,
• tbéone
telle
est indissolublement physique e ma
que Bachelard y veut « un véntable ifal » .
également, au terme de ce chapitre 2, c est que selon -; Ktonicien du possible » (V.I.R., 2) «
'

Bachelard les théories physiques nouvelles réalisent ce d'une appara î t comme antéce en e
n
même développement sous nos yeux parce que les
mathl d une réalité » (V .I .R ., 81) . Ce qu 1 n cri anm 1
matiques seraient devenues le corps même des notion noe « apparence » , Bachelard 1 affirme
physiques. Bachelard se laisse entra îner alors à des affiri les fois d soutient sa thèse de a « r 1S (
mations qui dépassent ce qu’il serait prudent de concl
de cette étroite symbiose : « Les math ématiques rè
Jfl Ilativistes
mathé
gnll
matiques » . Ainsi « la valeur o jec î ve es
para î t subordonn ée a la valeur indueme oe a
. (
(
,

sur le réel » 1. De telles formules ont une résonance pensée qui les anime » (V . I .R ., i i ) ; « °r « \
idéaliste que Bachelard assume entièrement dans ses pro découverte prime l’ordre de la vérification » { VJ .te., ooj . (
-
fessions d'adh ésion à un « idéalisme constructif » . Dans le même mouvement de pense 1 (
. ,, , . conquérir une
Aussi 1 extension qui prime désormais sur la compré- , l inductiony.. . prétend, par une forme,
A . . . .
(
hension en physique contemporaine provient du propre *! mHère » (V I .R . 67 cf . aussi 53, 57) . (
pouvoir d’ extension des notions mathématiques . Les mathé¬ S’il observe encore une certaine prudence quand il suit,
matiques, par les « êtres » tout nouveaux qu’ elles ont comme dans ce chapitre auquel nous nous réf érons ici, (

réussi à forger ( tenseurs et opérateurs) , donnent une la construction effective d’ une théorie physique, il s y (
souplesse et une extension inattendues à ses variables : astreint moins dans des études plus philosophiques : « Le
(
elles « réalisent » dans leur propre domaine toutes les monde caché dont nous parle le physicien contemporain
variations possibles . D è s lors les mathématiques dont se est d’essence mathématique » 1. Aussi, il greffe sur l’analyse (
sert le physicien et qu’il aide à construire le plus souvent épistémologique des thèses comme celle selon laquelle la (
lui-même (ou du moins qu’il adapte : c’est nous qui physique serait essentiellement devenue une « phéno-
.(
parlons ici et non Bachelard ) se révèlent procéder à une ménotechnique » : « La physique n’est plus une science
relativisation de tous les a priori des théories physiques de faits ; elle est une technique d effets (effets Zeeman, (
classiques . Bachelard décrit ce processus de mathémati¬ Stark .. .) » ( ibid ., 17) . « La physique mathématique est plus (
sation de la physique : « On a amené l’algèbre à coopérer qu’une pensée abstraite, c’est une pensée naturée » ( ibid ., (
mologique de la valeur
avec le réel » ; « ces méthodes entreprennent systématique
-
24) . Aussi, sur la doctrine é pisté
,

(
1. Cf . « Noumène et microphysique » , in Etudes, p. iq . 1. « Noumène et microphysique » , in Etudes, p . 18 . (
(
(
)
) I
)
)
86 Gaston Bachelard I V® présupposés philosophiques 87
) « inductive » de la théorie mathématique, Bachelard
)
fonde
sur un plan ontologique , son idéalisme discursif . Le plus*
l apritude de l esprit à l’ouverture, est un véritable opérateur
philosophique
' dans le discours bachelardien ; prenant pré-
) souvent il omet d’attribuer son rôle décisif à l’instance texte de l’action en retour de la théorie sur l’expérience
l’expérience, de la vérification, de la confirmation de de] ; (ce qu ri ne saurait être question de nier) , prenant prétexte
) théorie par la réalité. Combien d’essais de géné a •

)
i ralisations de l’importance grandissante de cette action en retour, et
inductives, de mathématisations, dont l’histoire de > de cette sorte d’inversion dans l’ordre de dépendance des
science du xxe siècle est remplie, qui n’ont pas ré h 1
)
rejoindre le réel ? Bachelard n’en retient pas l’ ussi à
causalités épistémologiques que sont l’objet (le réel) , la
) enseigne i méthode, et la théorie, Bachelard peut renverser l ordie
,
!

ment : l’existence d’une réalité physique qui résiste à


notre 3 des causes et soutenir la détermination du réel par la
) connaissance, et à laquelle celle-ci doit se plier, maW j B théorie, du physique par le mathématique, comme étant le
toute sa volonté inductive. Il reconnaît cependant
)
dira-t-on, la nécessité d’ une connexion entre la théorie
souvent i véritable moteur de la connaissance scientifique. L’instance
de la réalité devient subordonnée. En ce qui concerne
) l'expérience, entre l’ induction et l’application . Mais et cette « volonté de raison » qui animerait la science, on
1
) thèse est qu’ il mêle à cette reconnaissance, ses thnotre èses peut légitimement s’interroger et on n’a pas manqué de
concernant le pouvoir « novateur » de l’esprit, cette libert
) é Ie re Ainsi Jacques Oudeis écrit : « Mais justement

transcendante de la raison de refondre ses conceptions, d’où vient cette volonté ? Ici, la pensée de Bachelard
) d’anticiper sur la réalité et de réaliser l’abstrait mathérna rencontre ses limites. Il est grand de savoir se taire. Il
tique . Cela revient à donner une description idéalisée - me semble tout à fait remarquable en tout cas, que les
;
) des
véritables forces motrices de la connaissance. Ainsi, il
va rapports de la science et de la puissance soient si peu
'

) •

jusqu*à' parler de « volonté de raison » ( « Wille


1

) zur évoqués chez Bachelard, sauf lorsqu'il s’agit de la puissance


Vernunft » , F.E.S ., 247) . Cette puissance novatrice de de « l’esprit » (1971, 20) . On ne saurait mieux dire.
) la pensée de se réformer par elle-même, est un de ces L’induction, précisément, est cette « puissance de l’esprit »
) présupposés philosophiques, une de ces thèses qu il intro¬ qui annonce en filigrane celle de l’ imagination, cette
duit dans la trame de ses analyses épistémologiques qui capacité « inventive » qui pour Bachelard est la marque
) par_. ailleurs sont souvent si „ v x.w et si concr
riches
r , 01
- ètes, etet qui 1 ddelpasà pens
i uuuicLcs
- importants
ée humaine dans tous les domaines de la culture
mettent si• 1bien l’accent sur des aspects de la i -
1
) seulement dans celui de la science ,

) science contemporaine . Cela le distingue parmi les autres


philosophes et épistémologues . Ce thème de l’induction
) auquel nous nous sommes arrêté un peu est fort propre,
) nous semble-t-il, à montrer comment Bachelard entremêle
)
analyses épistémologiques justes et présupposés philoso¬
phiques, qui apparaissent le plus souvent au détour d’une
) formule, ou d’ incidentes : d’où la difficulté de les séparer
) de ce qu’il y a de juste dans ses analyses.
) Le concept d’induction, par lequel Bachelard entend
justifier ses thèses sur la réalisation du rationnel et sur 4

1
)
)
)
f :'
1 (

1 pré supposé s philosophiques 89 (

||la science contemporaine est aussi apparue très tôt


. En fait, c est dès l’Essai sur îa connaissance
Ëçz lui
* ,rochée qu’il développe déjà toute une argumentation
f ce point
, essentiellement dans un chapitre sur « l’in-
buction , la corrélation et la probabilité » ( E .C .A ., 127 s) ,
l! CHAPITRE VI aussi dans les quatre derniers chapitres (pp. 243 s) .
Lais
I Plus généralement, on peut dire que Bachelard,plus de
i
jiêrne
qu il embrasse d enthousiasme
’ ’ les aspects les
ftouveaux des théories de la Relativité, adhère à l’inter-
LTNDETERMINISME : iprétation indé terministe de la microphysique que propage
THEORIE PHYSIQUE ggcole de Copenhague . Ainsi, à la critique déjà classique
pnt lui du déterminisme fondé sur la mécanique ration-
OU PHILOSOPHIQUE ? |le, s’ajoute une critique du déterminisme relativiste
|
JgSinstein ou de Langevin et de Joliot-Curie, etmologie il se
jjjt le champion dans la philosophie et l’ é pist é
Les présupposés idéalistes, que nous voyons ainsi rés 311?31565fe l’ indé terminisme qu’enseigneraient les théo-
'

der au cœ ur des thèses fondamentales de l'épistémologie ries nouvelles de la microphysique . Aux diverses formes du
"

bachelardienne et qui donnent à penser que celle-ci a jy pterminisme objectif que continuent de soutenir certains

sens et un rôle philosophiques importants, se laissent Si pysic ens réalistes ou matérialistes, il oppose le « dé ter-
(
ordonner autour de quelque thèse épistémologique et VnIsrne instrumental » (E .C .A . , 65) , et c’est donc, comme (
e voit’ dès 1927 » 9u d avance une thèse a laquelle
ff*
philosophique fondamentale ? Nous le pensons. En effet (
tout s’ organise autour d’ une polémique et d’ une critidjl' ! restera fidèle puisque la conclusion de son ouvrage de
centrale, celle qu’il développe partout contre toute concejj- i §9,51 définira Ie d é terminisme rationnel comme un d é ter- (
i : tion déterministe de la réalité. Or, il a tout de suite ?in,sme technique (A .R .P.C., 211 s, voir le titre même
1
généralisé cette pol émique. Nous venons de le voir avec î conclusion de cette œ uvre) . C’est à cette critique
ses polémiques simultanées contre l’interprétation objective I déterminisme, « enseigné » par la science contempo-
classique de l’approximation, contre les théories pour les- p 6 J aut rattacher l idée d’un nouvel esprit de la
quelles la source des erreurs ou ignorances est essentiel- * pence, et tous les non de La Philosophie du non . Pour (
lement objective (il y oppose la théorie subjective de jf > la philosophie que nous apprend la microphysique,
£st l’ indé terminisme é troitement lié à l approximationa-

l’ obstacle épistémologique) , contre la connaissance quanti- | i
tative qui peut aussi constituer un obstacle ( F.E .S., ch. XI ) Usine* et Bachelard de renvoyer dos à dos nominalistes
R
et à laquelle il oppose la connaissance qualitative, contre | réalistes, idéalistes et matérialistes . Toutes les critiques
le
(
la connaissance expérimentale à laquelle il oppose la ! h * chosisme » et du « réalisme » qui nous semblent
valeur inductive de la théorie physique et la réalisation du Stable objectif de Bachelard par-delà celles de l eucli- ’
rationnel . Jointe à ces pol émiques et encore plus impor- I smc> ou des apriorismes classiques, renvoient aux inter-
tante, sa polémique contre l’interprétation déterministe « jptations philosophiquement idéalistes et subjectivités de
1
)
)
)
m 90 Gaston Bache]g§ j s présupposés philosophiques 9i

) la microphysique. Celle-ci, dans une phase de d é .trouve, développés rapidement


, de nombreux arguments
velop
pement o ù elle en est encore réduite à des moyens prohal qui indiquent que Bachelard passe à une critique de fond
)
bilistes, lui est une preuve vivante que ses thèses initiaj toute conception déterministe sur la base des» est sciences
| de , le chosisme dé jà
sur l'incorporation des conditions de la mesure et ntemporaines. Avant
l la lettre «
é
l'exp rience dans le corps des concepts sont bien de de l’interpr é tation philosophique
Le succès et l extension des nouvelles méthodesfond ées désigné comme l’adversaire
, des « messages » que la
) et des déterministe . Ainsi parlant
nouvelles th éories en microphysique, spectaculaires
poUr Jphysique
contemporaine apporte d’ un monde inconnu,
)
i
M l’époque et qui ont pu para î tre décisifs et durables,
l ont jjachelard semble reprendre les positions des énergétistes
renforcé dans ses convictions philosophiques dont il voque une « fusion » de
) de la fin du xix siècle quand il é
®
i tirera
toujours plus les implications au plan épistémologique des rapports entre
) . 1'* acte » et de 1’ « être » à la racine
Malgré l’absence d’études approfondies sur ce point 12) .
onde et corpuscule (N.M., signent « Finalement, comme ces
) est certain que Bachelard a accordé très tôt une , il ènes ambigus ne dé jamais nos choses c’est ,
placé phénom de grande portée de se demander
) déterminante à l’interprétation indéterministe de un problème philosophique
sique. Jacques Oudeis pose la question en passant pjjy: s'ils désignent des choses » ( ibid.) . « La science, croyait-on,
la
) (îÿ jfjl
à l’examen dés était réelle par ses objets » (N.M.selon
22 ) . Nous ne pouvons nous livrer ici , 13) . La chose est claire :
) nombreux problèmes que soulève cette question 1. Il cette « croyance » est périmée Bachelard. L’objec¬
; par exemple que l’acceptation des thèses épisté semble ’est pas fondée sur l’existence d’objets ou d’une
mologiques tivité nobjective . L’Essiai disait déjà que c’est la rectification
bachelardiennes par les philosophes français, d’abord assez réalité
)
réticents, voire franchement hostiles, ait été grandement | | qui conclut à l’objectivité » (E.C.A., 247) . Est ce là une-
due à l’acceptation, par la quasi-unanimité des physiciens conception objective de l’objectivité ? C’est « le fait d’être
) -
eux mêmes, des interprétations indétermiriistes, ce qui
a pensé mathématiquement » qui est « la marque d’ une
facilité la pénétration des thèses de Bachelard dans ... objective » 1. Dans le même style, Bachelard
) le existence
envisage « les r évolutionnaires vacances de la causalité »
-
courant rationaliste lui même. Il suffit d’évoquer l’
influence idée à un courant
du ralliement de Louis de Broglie à une telle interprétation (N.M., 23) , ou plutôt il reprend cette veloppement philo¬
) dans ses ouvrages de grande vulgarisation au cours de ces de son temps en lui donnant tout le dé
deux décennies de 1930 et 1940. Ce dernier s’en est sophique dont il est capable, ainsi que le brillant de ses
enseignent
lui-même expliqué par la suite (1966,
13 s) , lorsqu’il formules. La nouvelle m étaphysique que «nousétamicrophy -
est revenu de cette interprétation à des positions déter¬ les sciences microphysiques, c’est une m
ministes. sique » (N.M., 19) qu il caractérise comme la « m é ta -
technique d’ une nature artificielle » (N.M., p. 24) . Le
«
Dès 1931, dans « Noumène et microphysique » , on
trouble causal » (N.M., 23) s’est donc installé fait dans la
que
science. Comme justification , Bachelard donne le
1 . On consultera sur ces questions, la th
èse récente d un m étaphysiquement
physicien et philosophe, E. BITSAKIS : Physique contemporaine « notre connaissance de l'atome serait
et matérialisme dialectique, Paris, Editions sociales,
1973, où l on
trouvera une critique des interprétations subjectivistes

terministes de la microphysique de Heisenberg (pp. 84-8;,indé,-
et » , in Etudes, p. 18 . Nous
) 1 . « Noumène et microphysique
, etc ) 95 par l abré viation : « N .M . » .
104 . . désignerons cet article
)
)
)
J
(
(

présupposés philosophiques 93 (
92 Gaston BacheJarl|j (
é termination él é mentaire peuvent donc
exprimable par une nouvelle interf érence de l ê tre et {ju - ris dans leur ind la probabilité et prendre ainsi des
(
probable » (ibid.) . A propos « des commentaires philos gtre composés par ble que (
r
phiques souvent attach és à un « libre arbitre » de élec- figures d’ensemble
. C’est sur ces figures d’ensem déter¬
joue la causalit
é » (N.E.S., 123) . La possibilité d’ un (
tron » , il écrira en 1951 : « Certes, le physicien n a pjj
fondamental est bien rejetée. Bachelard compte conclu t
voulu cela. Il a voulu seulement corser un peu le sans cause minismeinsuffi (
qui permet l’ usage tranquille des th èses probabilitaires de son sance (sous sa forme passée) à rendre
microphysiques) , à son insuffisance (
1

(A.R.P.C., 33) . Mais Bachelard ne doute pas du « de réalités nouvelles (de son épistémologie fractionnée, et (
.
cause » Cette thèse, exprimée en termes métaphysique absolue. de Il se sert ici
si généraux, comme il le reconnaît en 1931 (N.M., 23II ’id ée de « composition » qui, li ée à celles
surtout et d’lordina (
tion, joue un grand rôle dans son épisté
¬

figurait d é jà au cœ ur de sa philosophie de la connaissance d ordre cette compo sition (


approch ée qui faisait de l’importance centrale de la proba¬ mologie. Certes la science nous enseigne é à partir d’un
de la r é alit
bilit é dans les procéd és de la science et dans ses th éories d un déterminisme à un niveauoe déterminisme n’est pas (
un argument fondamental de sa philosophie de l’inexact, autre niveau de la réalité affirme o
r qu’il n’y a plus de
(.
présent . Mais pourqu oi
Ce qui nous importe ici, ce n’est pas de rejeter un é un certain niveau ? Cela (
détermination objective pass
usage objectivement fond é de la probabilité dans la
nous rappelle les interditypes ts d’A. Comte. Pourquoi n’y (
science, mais l’ usage philosophique que Bachelard fait de éterminismes distincts
ce « probabilisme » . Cela aussi est une constante de sa aurait-il pas plutôt des grandedeur ddes ph énomènes ? Cela c
pensée et il en fait toujours état en 1951 dans L’Activité en fonction des ordres de que l ’épistémologie frac¬ c
rationaliste de la physique contemporaine (p. 174) . Aussi, semblerait plus cohérent avec ce
nous nous interrogerons sur la solidit é de son argumentation tionnée a de juste. le fond, ce
(
Aussi, plutôt que de vouloir trancher sure elle-même, (
philosophique. En effet, si la critique de la causalité et la scienc
du d é terminisme laplaciens est parfaitement justifiée, on qui relève des développements de ne s’astreint pas à
nous préf érons montrer que Bache lard (
ne peut qu’être attentif au fait que, comme l’Ecole de qu’il poursuit un tout
Copenhague et en particulier comme Heisenberg, dont il cette prudence philosophique, parce le verrons, il veut é tablir
(

suit le point de vue, Bachelard passe de la critique du autre but. En fait, comme nous é. Il trouve cette autre (
d éterminisme laplacien ou du déterminisme m écaniste la contingence pour fonder la libert technique. Ainsi, plus (
classique au rejet de toute forme possible de déterminisme.
voie en admettant un d éterminisme terminisme « instru¬
« La révolution de Heisenberg ne tend à rien moins qu’à
il insistera sur l’introduction d’ un dé 1, déterminisme
(
mental » dans les phénomènes par le savant
é tablir une indétermination objective » (N.E.S., 126) , (

C’est Bachelard qui souligne. Mais comment entendra-t-on isme technique, qui réduit la
1

1. Cette doctrine du d étermin


(
qui voit dans les objets
cette indétermination objective ? Il affirme que c’est une physique à une phénoménotechnique et choses sociales, renvoie le (
indétermination qui est à la base de la réalité. Il procède de la connaissance scientifique des de Bogdanov, critiquée par
ainsi à une affirmation nettement métaphysique : « Au- lecteur marxiste à la célèbre thèsel’objectivit é de la connaissance (
Lénine en 1908, qui soutien t que
dessus de l’indéterminisme de base, [on retrouve] ce se réduit à « l’expérience sociale organisée » . Nous traiterons de
- (
dé terminisme topologique des allures générales qui accepte cette position « bogdan ovienne » de Bachelard dans notre chapitre
(
à la fois les fluctuations et la probabilité. Les phénom ènes sur son « matérialisme » .
(
(
)
.
)
94 Gaston î présupposés
BacJl%dfc philosophiques 95
)
) produit par les techniques
iniques de
ue laboratoire
lauoratoire, plus ;
plus il ré( cmL:] IL
ue Bachelard va tirer de ces efforts pour « représenter
) l existence de tout
temtatoiten tfelS Id étermination puisqu'il s'agit bien dans ee chapitre
)
)
)
et plus l'interprétation indé
concerZ'f I
n écessaire. En effet, n 'admettant pas une
alft
lectique de la nature et de la ré é, il ne
un développement nécessaire des diff é
peuuSil
1

rent „2Sl *pf '?' *' ,


i * '*101
contre « 1 mturtron
d nd é termmahon
gratte
. l>és tantes » ( P.N., ) dans un style
99
.
» « une raison
> , (P.N 97) . Or, 1 par e

anthropomorp hique se fiant aux images,


)
formes de la matière par degrés. Aussi, il doit
au d é terminisme objectif un déterminisme subie Hf , f
1
» PProchem
H»C c alors auxet|01bl de 1SUr
f Ie épistémologie heureuse de ses
,
réallsah0 P us. que
)
) I que l homme introduit par ses d émarches dans la
'
Par suite la causalité est critiqu ée foncièrement
imagin ée et imaginaire. Comme l’objet (cf. ci-dessus

” 16 Éoblé matique
t
de °
constructions purement
: &iis ns le : * 11 semble bien 9ue les travaux de Buhl
"
math é matiques.

) elle n’aurait aucune réalit é vé ritable P : °


Rirent
'

a priori bien des problèmes de la micromécanique

" . 11*.T! ?
e , (ibid.) . Avec un épisté mologue
)
.
Cette thèse philosophique de l'indétermination
tive de la réalité physique, Bachelard va faSjp
' 1* microphysiqu ,
.
Bachelard 1 semble que Ion soit en
.
)
)
des garants jusque dans les math é matiques. Il i Wn
arguments partout où il pense les trouver, et on v
le
- »? d
Md
?"
W\
attendre
'
des
a
preuves plus solides. 11 semble bien ,
,
e«ect vem,ent ' *
» reste dans ces pages à cet esjwir sans aucune
demander ,
)
)
procéder à des suppositions absolumen gratuite
appel à des possibilités purement formelles ? sanT S
h ?
SH I * , ICMi » .amve pas seulement au dé tour dune
e ü se ra t lalssé tamer et ou nous
)
garantie logique, ni vé rification objective. Qu'c
chapitre 4 de La Philosophie du non. Bachelard " v J* " '
!
T
* aque

Y", ,de
)
)
à une interprétation physique de trajectoires mathén
o il voit une réalisation et une justification mathé
H » 1 ' '1 1
i ,
"T
chapl l 1 *1 en use P ur ne Pas Par « adu
<
Sl Sront > , ° '. , ITent ° " . c0 3
1

.le dihonnel aux


.
du principe d'incertitude de Heisenbergl II y 21
fflÊ al f • ,
mP
J* * déc'S'fs °? lon al end une pre ü V?' Ma S en va n'
ZI ° ' >
construction des trajectoires buhliennes , aptes '
) l'indétermination physique que l on rencontre en S » Pourra combiner des fragments de traiectoires »
,
) physique. Il imagine ainsi, dans une certaine euplS
purement verbale, « la ligne tremblée » que 1 « on
Æ '° '
nielles • ? '
"constructions
1 .*» <puissent
artificielles
pl s ét n aI
qf . de
? " certaines
symboliser
) toujours inscrire dans l’épaisseur m ê me du trait exSri ! opriétés de l organisation phénoménale, qu’elles puissent
indre certaines conceptions de l’optique moderne »
) mental » et qui constitue « une véritable arabesque c i l °
) représente précisé ment l’ind étermin é de deuxième apprœ d
mation » (P.N., 99) . On se demande, très sincèrement
-
Z Fl
10 l ) ’
. ? V .
ï
° jectait
tourmentes
1 mé triques paraissent bien rayons et hésitants devant T
) qu’il y a de précis dans cet ind éterminé ! On se demande | é et la mTt rectibfde , ' des um neux>
}cis a ndrait
si, justement, la deuxième approximation en science rie ! É? ndre Cette h ésitat n é ément susceptible
)
consiste pas précisément à augmenter notre connaissance
T
ilusber !e comj rt< ent
0 Pr
ét de de deu è™ e
)
1
gproximation ? f fune
a d écel é \
dans la microphysique £
... » (P.N.,

;
des déterminations objectives et non à la diminuer !
)
)
Mais ne polémiquons pas. Ce qui nous inf érasse, Crsl ;
VS tZ
)
) A
(
(
(
s 96 Gaston
pré supposé s philosophiques 97 (
V; (
1
« susceptibles » • La page 102,. qui était le but
d éveloppements d une hypothétique « illustration » gé|
|§ de Ijjs subjectiviste, qu’il y tenait comme à une pièce (
0|j
ielle de sa philosophie, ce qui prouve bien que sa
trique du principe de Heisenberg, aboutit
conclusion suivante : « La trajectoire buhlienne.. à > if
donc pé de la science contient des présuppos és philoso -
J
-

débarrassée de ce que la trajectoire de première . s jues, dont nous avons à nouveau un


exemple capital, (
intuitif
transportait en trop et voici que nous nous" p UUl% § f£ la bien sû r rejaillit sur toute son épisté
apermJP.
'

|ifotôt lui va comme un gant. Mais, iltoutnous


mologie
le monde n’y
, ou
(
quelle transporte en revanche la relation
de rqP. ercevJl . semble de
n tous ses points s’exécute le choix conmleYP
par e principe d’incertitude pour le commrfpn, rnP sé
W !
î
'

iit pas encore clair


En tout cas
en plus difficile de la baptiser maté rialiste en se (
° -
corpuscule. L œ uvre de Buhl réalise
donc une 'ilSl
• Lut à ses dires ou à ses apparences. Aussi
si Bachelard écrit : « L’esprit
ne faut
scientifique
il pas
de c
rationalisation du principe de Heisenberg » (P.N i nner approximation
'

[peut] donc considérer le principe


Que l’on comprenne bien pourquoi noue nm
arr ê ?iu »ème
ti 1 incertitude comme une véritable catégorie pour com -
sur une telle page. \
n’est pas aueetinn A é l |
(
ï. recherche d’une mathématisation des nh è
ques et des propriétés de la matière qui D
nrJLr ° Rendre
nCS
cuserik la microphysique (P.N., 103) , et s’il lui donne,
»
j $ dernière instance, un sens subjectif . Le « donc » cache
purement
,trangés| „ne th èse philosophique qui se présente comme
/

p au niveau microphysique. Que Bachelard


de ces essais de construction mathématique
f
nous parait significatif et discutable' ce
son v ! P Cette conclusion cependant peut tomber sous une (
1 objection, car on se demandera si Bachelard n’est
pas
* . qu 11 , utlIlse et qui sont ceux-mêmes d

opuscule .
physiques ’ par ta suite sur de telles positions. En effet, il
, T T' Ë»
interprétation subjectiviste de faits
.
-
ta
, '
K» effort en ce sens lorsqu’il écrit, en 1951,
. choisit et ce choix est compte
r,ltc 10n buhlienne, telle que Bachelard l a ramJwibf/ parlant précisément du Principe de Heisenberg : ' Dans

. .
.es Paêes précédentes (P.N., 96 99) c’est le m
- présent ouvrage nous nous donnons pour tâche d arrêter
(A.R.P.C., arc) et il
(

üSTLr FV " J * »» «ho ite interprétations subjectivistes


n S
° *' ' a » que ! brièvement le aractère éminemment objectif
Bachelard parie d a n s Jes memes fermes qu’EddiWnn i P1 PnnclPe » » arguant que « s il gardait une « subjectivité »,
et nnp trt, CS né,o sitivistes, qui « ne voit Pas comment il s’inscrirait dans l’objectivit»é. de
'

°P . à la suite de l’ Frnl
de Pn h
pLs en plus précise de la physique contemporaine Il,
vatir> 6n nPen mif Ue
? 3*S1' ces fameuses difficultés de ohup
l’
P ysique, et ses limites, pour les exnlnip : semble donc bien ré viser sur ce point ses thèses
' antérieures
Mais d aut remarquer que cette révision reste très limitée
te ,
P 1 0S0Phiques : c’est le « subjectivisme
tif *» 1 é-lec ue dans quelques rares incidentes, dans tout
oue Ï UVC dans ces Pa§es une
confirmation : 11 n indiclue 9 nécessité de rectifier ses précédentes inter-
? , n embrassé l’interpré tation indéter. l ouvrage , cette
minictf » d* ia microphysique , parfois jusque sous sa forme pfé 1 .
tations On comprend son embarras, puisqu’il reste i
, fondamentalement indéterministe, et partisan d’ un probaIl- . (
. -
1 Cf. K. FATALIEV ; Le Magnol,
sciences de la nature, p. 29.
- „
Mcct
J I . . Ue «
k
bilisme interprété sur la base de l’indéterminisme
que la science a désormais
j : (0rtiTOe de soutenir l’idéemicrophysique
(

à.
...
|atteint dans le domaine un niveau où (
(
(
ëA .
)
)
)

i présupposés philosophiques
) chent tfs
Gaston Bâ 99

) règne la catégorie du
« sans-cause (A.R .P.C.
« »
v J Isdence contemporaine , qui comme Buhl s émerveille et
)
)
v
-
passant d’ailleurs en cet endroit du sans cause
«
à l’affirmation qu’ un ph énomène peut être considéré com i
connut
7
rjait tout pour transmettre son enthousiasme à son lecteur ?
Dans la page même o il est question du problème
« acausal » . L’absence de cause connue, qui ouvre et de la causalité, il d é place le
! la vojg hysique du1 d éterminisme
_
) à l’ usage des probabilités et au développement | |<| 1 problème du 1
plan " 1 '
physique îe à celui des math ématiques
I 1 « réalisme du probable » (ibid .) , est donc
nime il Ie fait souvent. F Fidèle à ses thèses sur le rôle
lfc
) interpr étée
comme preuve d’indétermination réelle. D’ailleurs m l es math é matiques , il affirme qu’ « il faut se mettre en
) sait que dans cet ouvrage, Bachelard mène une longi Fjiarge du causalisme essentiel à la mécanique classique »
critique concernant les thèses de tous ceux qui souti #ï 1 KR
.P.C., 191) . Certes, la science contemporaine des
è
draient l’existence objective de corpuscules-choses ufifn |bjets microphysiques nous oblige, après la relativité, à
i è 4
)
pendants de nos observations et des montages technique
de l’homme. Tout le chapitre III est consacré à
Énodifier la pensée classique de la causalité. Mais est-ce
f une raison suffisante pour rejeter tout essai de comprendre
) critique du « chosisme », o ù toute affirmation d’ cette * eurs d é terminations objectives r éelles ? On
existence les faits Par , impossibilité d’ une double confirmation
objective est assimilée à des positions empiristes ou ré
) a Ta souvent
- dit l ’
listes, toujours intenables et na ïves selon Bachelard. pnultanée n’entra î ne pas l’indétermination réelle : toutes
)
-
1il
Toutefois, il est amené à en rabattre de son enthou * connexions physiques entre corpuscules et entre cor
) sont au contraire des connexions réelles,
siasme de 1940 pour les constructions de Buhl i pcules et ondes
) devaient « rationaliser » le Principe de Heisenberg Tk lÀussi, quand Bachelard pense qu « il n y a pas heu dap-
) dix ans d’intervalle, le ton est bien diff érent : « Ilf â] entre
° ,s
ndf corpuscules, dans un sens ou dans

)
mod érer la double frén ésie philosophique qui diviser
la science soit dans un empirisme absolu, soit dans un
! ?
!
| utre llant d
nde Ie prinCipe

? 1 nde
de ° au corpuscule ou du corpuscule à
caufht (lbldj û entend celui-ci
) rationalisme intempérant. Il est bien sû r que les rappro- l&ns un SenS ck1SS1.quJe
chements tentés par Buhl entre la dé formation de certaine p
1 Emstem , ni celui de eTtr T
0lt
Louis
a
lamf
’ de Broglie a partir tf !
é . Ce U1
des

)
surfaces intégrales et la propagation d’ une onde sont très | né es 5° -
Bachelard se retranche
suggestifs. Mais ces rapprochements ne doivent pas conduire 1 Phématiqu <2 : « Abstraction pour abstraction, mieux vaut
derriè re 1 abstraction

) à une mathématisation totale de l’expérience physique » j oisir la bonne> 1 abstraction mathématique » (A.R.P.C.,
|
) (A.R.P.C., 191) . Dont acte. Il y a là une autocritique, P1) <

c’est certain. Mais que penser de la prétendue « neutralité »| ]


L’essentiel semble pour lui de toujours se garder de ce
)
)
-
philosophique dont Bachelard serait le champion, quand qu’il appelle la « croyance à l’objectivité » . Celle-ci « doit »
on le surprend ainsi en flagrant délit de « rationalisme i #re « troublée » : « Pour le moins, cette objectivité doit
) intempérant » , et de « frénésie philosophique » . Concer - repensée sur un mode qui n accepte plus le simple
nant Buhl, il ajoute un mot sévère : celui-ci s’est « émer ! Alisme de l’objet » (A.R.P.C., 181) . Toujours il en revient
-
) veillé » ind ûment d’avoir cru à une « profonde union » Bachelard est bien sur le plan de ses présupposés
) i d’ une mathématique (celle de Monge) et d’ une physique 1 philosophiques qui gouvernent sa lecture de la science : il
) -
(celle d’Ampère) (A.R.P.C., 191-192) . N’est-ce pas juste veut éliminer le mot « objet » du vocabulaire de la philo -
ment le plus souvent le cas de Bachelard devant la Sophie et non pas le mot « sujet » (cf . « La théorie des
»
) !
J
) i
mm (
. : (

100
Gaston Bachelar j présupposés philosophiques 101 c
p
(

| d un débat 1. Or curieusement on rel ève dans


(
cogito » , R .A ., ch. II et III ) . Toute affirmation de l e - est suivie
;
(
tence objective de « quelque chose » est assimil ée inMj§ débat... le silence de Bachelard, sinon pour ouvrir et
(
,Jj|fpe
diatement par lui à un r éalisme grossier, « le simpp la séance cPim mot > sans aucune allusion au contenu !
I; r éalisme de l’objet » . C est bien , nous semble-t-il, pre ; é tait par Sa culture scientifique» ct Par son r é cent (
i:V position sur le problè me fondamental de la philosop |
l
ivra§ e 1951 » Pun des plus autorisés c interroger Louis (
et c’est prendre une position id éaliste en é pist émologie j I
BroSlie» 9ui venait soutenir des th èses d ésormais
malgr é les d é n égations ou les modifications mat é rialistes fPos es a celles auxquelles Bachelard restait encore fid è - (

P
h
et objectivistes dont il coeff ï cicnte ses th èses principal leincnt attach é, comme nous venons de le voir. Cette
Le « relativisme de l’ontologie » ( A.R .P.C ., 89 ) maintient agence d’intervention de Bachelard reste pour nous inex-
les Th èses de 1927, celle du « r éalisme sans substance » p icable - suffisantes les quelques modifications
. (
(

' .
auquel il disait aboutir alors (E .C . ., 298 ) Les modifi. m >
A
cations qu’ il a été contraint d’ introduire vers 1950 dans
'
neures
Philosophie
T 1 1
du
avait
non
apportées en 1951 par rapport à La
et au Nouvel esprit scientifique ?
(
(
certains de ses jugements ne portent pas suffisamment sur Ie changement de position de L. de Broglie (
!
l’ensemble de ses positions philosophiques, lesquelles inter- - f0®1116 une P ripétie é ph ém ère ? On ne répondra peut-
y :
viennent toujours massivement dans son é pistémologie.Tç j&e amais a cette question . Mais elle nous semble
(
« relativisme de l’ontologie » signifie la subordination du importante , (
f problème ontologique au probl è me gnoséologique en (
philosophie. Il signifie le refus de poser que « le sujet 1
(
réel subsiste dans son ind épendance en dehors de l’esprit » :
m comme dit Marx qui entend par « sujet » la réalité objective (
\ l exté rieure à notre connaissance 1. Derriè re le « réalisme » (
j
c’est la thèse fondamentale de tout maté rialisme qui est
(
visée.
v Ajoutons encore un mot pour signaler un fait trou¬ (
& blant : dans les derniè res années de son activité profes¬ (
sionnelle, Bachelard pr éside à plusieurs séances de la (.
Société française de philosophie, dont une, en 1953, est
consacrée à une conf érence de Louis de Bloglie qui traite (
de la question suivante : « La physique quantique restera- (
t-elle indéterministe ? » . Louis de Broglie propose de (
répondre par la négative. Il élève les plus expresses
(
I; '
.
réserves sur l’ind é terminisme et fait état de son retour à ,

des conceptions d éterministes. La conf é rence elle-m ême (


:
(
. K. MARX
1 : Introduction de 1857, in Contribution... x . Cf Bulletin de la Sociét é fran çaise de Philosophie,
(
:' i
| l pp. 165-166. if année, n° 4, pp . 135-158.
(
âï
'

(
| I
;
) w
)
) L présupposés philosophiques 103
k
)
joug de plus d’ un quart de siècle ? Malgré toute la diffi-
) Il S jté de l entreprise, nous la pensons possible et nous nous
) -I L risquerons en quelques mots.
) 1I La thèse centrale de Bachelard nous semble parfaite-
) CHAPITRE VII fcgjjt désignée par une expression que l’on rencontre dans
ja de sa Thèse de 1927 à laquelle nous propo-
conclusion
)
fjons de
; revenir . « La base d élan qui peut nous permettre
) UN REALISME I postuler le réel » est une « organisation déterminée de
l
DES ACTES EPISTEMOLOGIQUES . nnaissances , « un véritable réalisme platonicien des
1 »

)
Ijjocessus épistémologiques » (E.C.A., 298) . Nous pensons
1 loue cette déclaration résume le mieux les diff érents aspects
) Laissant de côté d’autres aspects de l’épisté
bachelardienne, nous pouvons maintenant conclure
molJS tles
® thèses épistémologiques sur lesquelles nous avons
çoncentré notre attention jusqu’ ici, et leur sens philosophi-
dement et provisoirement en ce qui concerne les pr rani-
)
) posés philosophiques de son épistémologie. Cette ésup. •Ve id éaliste. Par ce « réalisme platonicien » , Bachelard
a une importance certaine et des aspects très positifs
!
dernière signifie que la connaissance, passant nécessairement par la
édiation de nos « actes é pist émologiques » , est entre¬
tiennent essentiellement à l’insistance mise à « dé qui 1 m soumise a eux- 11 emploie fréquemment cette notion
)
) ! gfent
les liaisons é troites dans les sciences contemporainescrire » ; pacte par laquelle il entend tous les moyens mis en oeuvre
) théorie et expérience, entre mathématisation et entre aU cours de acquisition du savoir scientifique : aussi
pouvoir
) inducteur, entre application et réalisation. Sur la 1 bien les démarches intellectuelles ( jugements, hypoth èses,
d’une connaissance précise de certains domaines hase fccepts, méthodes rationnelles) que les moyens matériels
) : l
physique et de la chimie contemporaines, Bachelard de k proprement dits. Plane donc une certaine ambiguï té sur
) a été *
amené à souligner leurs bases techniques et la socialisat notion d aCte U COm ne ü lui arrive de direda ce
) du travail scientifique. De même, il a été amené à
ion i * pr0 ° th!èse, amsi tendue, garde néan-
effectuer
une critique globale, faite un peu trop du point de vue CefUS '
une, Va eur Partielle ent ] uste> et Bachelard fait un
de i raoinS
Sirius, de la philosophie et des philosophes : les trè !lécl Progrès dans le sens d une a alyse matenahste de la
) s
nombreuses critiques occasionnelles qu’il adresse à tel ou fconnaissance par rapport a de ,
nombreux autres philosophes
) tel, ou sur tels points précis des grandes doctrines phü 1 épist émologues . Cependant, ü donne a cette thèse un
sophiques, ne se présentent jamais comme formant - sens Profond ément id éaliste quand il insiste sur le fait
o Û >
) un 1
ensemble systématique, d’où la difficulté de situer Bâ che Î ® cette médiatl0n constltue 1 essence de la connaissance,
) lard dans la mesure o ù lui-même se déplace dans une- L ob et la réallt é ses Pr0Pné tés> sont toujours « relatifs a
"
) polémique généralisée. Dans ces conditions, peut-on ' - -
véri des moyens de conna î tre * (E C Av 278) : « Pour nous,
tablement d ésigner un centre dans sa pensée épistémolo- j d obiet c est le ë roupe des faits PercePtlfs c est une sé ne
) gique ? Peut-on résumer sous un point de vue unique - 1 de PercePtlons susceptibles d’une ordination, mieux c est
'

un
) ensemble de thèses diversifiées dans un ensemble de tra 1 : cette ordination elle-même » (E.C.A., 298) . Il faut rappeler
vaux aussi riches de contenu que ceux qu’il a réalisés - 5 k définition de r biet comme perspective des id ées (E.C.A.,
) au °
)
<
)
T
(
f: C
philosophiques (
104 Gaston Bachelard 1 fes présupposés 105
explicite¬
246) . Ce réalisme platonicien des actes é pistémologiq jjcien des processus épistémologiques » qu’il a
est l exacte d énomination de la thèse selon laquelle ]e ment professé. De m ême la théorie de la causalit formelle
' é
contenu des concepts et des th éories scientifiques est cous- que Bachelard construit en lisant la science contemporaine
significative de présupposés philosophiques,
titué par le corps des déterminations qui conditionn fl0Us semble
son application (cf . F.E.S., 61 ) . Bachelard ne se borne pas ÿ a-t-il là quelque résurgence de conceptions aristot éli
¬

à affirmer que notre connaissance est relative à ces moyens ciennes ? On devra se demander si le dualisme de l’acte
opposition des
de connaî tre : il va souvent jusqu’à soutenir cette relativité 1| t de la puissance ne parcourt pas sa pensée ( et de la
absolue en ce qui concerne l existence même de la réalité 1 actes épist émologiques de l’esprit scientifique
» .
connue par la science : « Ce qu’on mesure existe et on le matière comme puissance susceptible d être inform ée ) «
(
conna î t dans la proportion où la mesure est précise v l £e réalisme platonicien ou aristotélicien qui hante sa¬
"

(E .C.A., 52-3) . Plus tard, il parlera d’ un « r éel scieritlBl pensée, était-ce lui que L. Brunschvicg pressentait obscuré
que » , laissant entendre qu’il ne s’agit pas d’ une réalité 1 ment quand il exprimait des réserves à l’endroit d’ un
objective, existant ind épendamment de sa connaissance 4| réalisme » qui lui semblait insuffisamment évacué par
(cf . par exemple N.E.S., Introduction, passim ) . Il précise s (Bachelard ? Dans son compte rendu de l’Essai sur la
que c’est bien « énoncer à la base de la physique moderne * (connaissance approchée, Brunschvicg en effet écrivait :
(
un double postulat m é taphysique » ( E .C .A., 52 ) : 1. l’exis- Si l’orientation générale de sa pensée ne para î t pas dou ¬
tence de l’objet est contemporaine de la connaissance que teuse à son lecteur, il reste que dans les expressions de
nous en prenons ; 2. cette existence même est relative à nos fauteur, le pré jugé du réalisme initial et la découverte de
1, ce
méthodes. En ce qui concerne les « objets » de la micro! fidéalisme vé ritable semblent eux-m ê mes interf é rer »

physique, ou les « substances » de la chimie, il soutiendra que pour sa part il regrette. L’orientation générale dont il
« pro¬
toujours cette thèse, même s’il fait un pas en direction est question, Brunschvicg l’a dit plus haut, c’est une
du mat érialisme, par exemple dans Le Mat érialisme ration¬ fession radicale d’id éalisme » . Ces questions nous amè
nent
nel. « L’objectivité est une forme sans objet » (E.C.A!; ! au cœ ur de la philosophie de Bachelard. Or, on laisse
248) . Les pages terminales de L’ Activit é rationaliste de la souvent cette philosophie dans l’ombre. Mais, l’examen des
physique contemporaine ont le m ême sens, malgré leur thèses épistémologiques essentielles nous la laisse soupçon¬
rapprochement verbal avec le matérialisme dialectique! ner. Que signifie sa polémique généralisée contre les philo
' ¬

Bachelard s’appuie alors sur H. Lefebvre (A.R .P.C., 221- sophes et la philosophie en général ? Comment se situe -t- il (
222 ) pour soutenir son rationalisme, qui oppose le d éter: par rapport aux philosophies de son temps ? Sur quelles
minisme technique au déterminisme objectif . L’Essai sur bases philosophiques le fait-il ? Nous allons voir que ces (
la connaissance approchée disait : « Le monde est ma véri¬ bases sont d’abord métaphysiques, et c’est cette m étaphy¬
fication » (E.C.A., 272) , th èse reprise dans Le Nouvel sique bachelardienne que nous allons aborder maintenant,
esprit scientifique (N.E.S., 15) et ailleurs. De même, il car en fait nous n’avons aperçu jusqu’ici la philosophie (
écrivait que « finalement la liberté est un fait, c’est le bachelardienne que dispersée à travers le prisme de l'épisté¬
'

(
déterminisme qui est une idée » (E.C.A., 288) ! mologie.
: (
Le dernier mot de l’énigme de l’épistémologie bachelar- ! x. Cf . Revue philosophique de la France et de l Etranger, (
dienne nous semble bien résumé dans ce « réalisme plato- K29, tome CVII, p. 101.
(
,(
«K
wr
I

DEUXIEME PARTIE

LA METAPHYSIQUE
BACHELARDIENNE
(
3 (
C
; (
r (
(
(
CHAPITRE PREMIER (
:
c
m (
LES DEUX PROBLEMES (
DE LA PHILOSOPHIE (
:

r CHEZ BACHELARD t
(

c
La philosophie de Bachelard existe. Elle est matérialisée
f dans des œ uvres bien déterminées. Elle y est certes dis-
]; persée, morcelée, puisqu il fait lui-même profession d une
ontologie dispersée et de polyphilosophisme . Cette philoso- (
Iphie se développe dans l’Essai, dans L’Intuition de l ins- (
|tant, dans Le Nouvel esprit scientifique , dans La Dialec¬
tique de la durée, et finalement dans tous les ouvrages
Buvants où il ne revient plus à des travaux d’histoire des
d|sciences, sauf dans quelques chapitres du Rationalisme
M sppliqué , de L Activité rationaliste, et du Mat érialisme
.

Writionnel . Il y a donc un développement progressif des


thèses philosophiques qui en est une extension et une géné- (
ï jalisation . Mais celles-ci sont prises d’emblée dans des
|contradictions que Bachelard ne pourra pas surmonter c
sinon en dévoilant et en affirmant de plus en plus son . (
profond idéalisme $ous des dehors modernistes puisque, (
plus que d’autres philosophes, il traite des problèmes de son
temps. ?. (
.

Deux questions principales se posent, dès lors qu on (


est convaincu de l’existence de présupposés philosophiques (
«idéalistes à la base de ses grandes thèses épistémologiques. (
, (

(
b:
)
) j.
) à no Gaston Eache ?3 Æî4jnétaPhys ue bachelardienne m
)
) 1 Ces présupposés restent-ils implicites ou bien forment
un système explicite qui gouverne l ensemble de sa pens i l
fertain matérialisme, en tant que rationalisme appliqué
1
é ? ' qui serait
identiquement un mat érialisme technique, ces
)
Ce nouvel idéalisme épistémologique est-il une philosonh
dialectique ou est-il l’expression en épistémologie
(
îC
- J
lï faits
ptionalis
obligent à poser la question du rapport exact de ce
me matérialisme en philosophie ,
au
) de la connaissance) d une métaphysique ? On peut théo
1 Il y a de nombreuses raisons pour cela . Bachelar ésiter
h I Souvent l’on mêle ces deux questions . S’ il y a des
)
met presque toujours dans une situation où il
d nom « Lreotio
conceptio ns
ns métaphysique
tai s au fond de la pensée de Bache-
)
m de trancher. Dès 1934, l’ Introduction du Nouvel
est difficile i lard, comment
des
celles
é
-ci coexistent-elles avec la critique
s unilatérales » (cf . N .E.S .,
) scientifique usa abondamment du terme de esprit nationaliste
' « m taphysique
i et ce sera par la suite un procédé favori de Ipositio
dialectique • Introduction, but) ?
n
d é Comment s’articulent-elles avec la
beaucoup d’autres. Est-ce seulement un procédé d parmi
) Bachelar polyphilosophique polémique et critique affichée
) N’écrit-il pas une « dialectique » de la durée ? Mais de style ? ? partout et en permanence ? Comment, dira-t-on ! N’a-t-il
lard s’y rallie-t-il à une véritable conception B â che- j pas rompu avec toutes les métaphysiques ? N’a-t-il pas
) dialectiqu
Telle est la première question : Y a-t-il une métaphysiaiw? e î : justement remis en cause toute forme de rationalisme ? Ou
) M de Bachelard
\

? Quelle- estL-elle
Hn ilialnf l 5
/ / , .11 - •»
? Quelle
11
- •
importanc
r **;»»411
e prend * e
î Lien
, à

l’ inverse , faut-il soutenir que dans toutes les avenues
) elle dans l’ensemble de l’œ uvre ? Notre thèse est que - où il s est engag é , il resterait primordialement rationaliste ?
) métaphysique existe et est antérieure aux développemcette Quel est alors son rapport aux courants rationalistes (au
ents néo-kantisme, au scientisme, etc. ) de la philosophie fran¬
dialectiques qui ne sont que des ravalements de
)
seconds et non fondamentaux. La clé de la philosophieade fa ç çaise ? L’on voit que Bachelard se présente comme une
) Bachelard est dans une métaphysique du temps sur laquelle de sorte d’énigme sous les différents angles où on l’aborde.
) repose le vaste développement ultérieur d’une Faut-il conclure que sa pensée ne surmonte aucune des
de l’imagination et de l’esprit qui commande toutes iephilosoph oppositions qu’elle affronte ? Qu’elle reste dans le cercle
)
conceptions bachelardiennes. Cet ensemble, dûment les des contradictions de l’ idéalisme ? Qu’elle affronte des
) et rétabli dans son développement historique, du
étudié problèmes réels, mais renferme leurs solutions contradic¬
dans ses grandes lignes, permet de répondre à la question moins toires antérieures : celles de Bergson, de Brunschvicg, de
) Meyerson , etc ? Bachelard n’appara î tra-t-il pas comme un
) de l’existence d’une métaphysique bachelardienne, et seul lieu de contradictions qu’il exprime et cache en même
permettra de lever l’hypothèque « dialectique » . temps, en les mêlant ?
.) :
) Mais, quand nous aurons dégagé les principes d’une Un premier moment dans la constitution de la philo¬
ré ponse à cette question, une autre aussi importante se sophie de Bachelard est constitué par la Thèse de 1927.
) présentera, à laquelle, selon nous, il sera alors seulement Un deuxième moment, dont l’importance n’est pas moins
) possible de répondre. Du moins, cela sera plus facile sur grande, est sa prise de position en philosophie contre la
)
la base d’une réponse à la question précédente. L’insis ¬
philosophie bergsonienne du temps . C’est là une démarche
tance mise par Bachelard à se présenter comme rationaliste, exceptionnelle chez lui . Généralement, sous des entités
) à renouveler en toutes circonstances sa profession de foi comme « réalisme » , « positivisme » , « idéalisme » , « empi-
) rationaliste et en même temps à « ouvrir ,» la raison iaiouu, a
ia à la
m risme » ou « formalisme » , il ne désigne pas des adversaires
dépasser, son besoin de lier ce rationalisme ouvert à un » ou des doctrines bien déterminés. Ainsi le non-cartésia-
)
)
r
)
(

f 1X 3
:
'
112
Gaston Bachelard métaphysique bachelardienne
(
m -
nisme ne vise pas Descartes lui-même, mais un certain état 1 Ijjjistoire des sciences, ou plutôt de
d esprit cartésien dans les sciences et dont la permanence
1’ « esprit scientifique » )
du temps,
la thèse métaphysique de la discontinuité , lorsqu’il
(

i est néfaste à son avis, surtout dans l’interprétation é pistém |


iP
j joute la question est donc de savoir si Bachelard (
'

logique ou philosophique des sciences. Par contre, il a « parle de rupture, de refonte, de rectification, de nouveaut
é,
1 écrit deux ouvrages consacrés à réfuter une doctrine fonda¬ 1 çg fonde sur une conception métaphysique de la discon-
f
I mentale du bergsonisme : l’adversaire et la doctrine sont i tijnuité du temps. L’id éalisme en épistémologie, aussi m êlé
ici bien détermin és, et Bachelard contraint d’entrer dans j : soit-il de certaines composantes matérialistes, se joint-il
(

une critique spécifiquement philosophique, ainsi que dans ] j 1 une métaphysique ou à une dialectique ? On voit tous
,

la construction d’ une doctrine philosophique (c’est-à-dire j ;j jes enjeux actuels d’ une telle question . On en voit le sens
: générale) du temps. Les historiens de la philosophie et les ; - ur l’interprétation de la philosophie française depuis
spécialistes de Bergson peuvent d’ailleurs récuser le bien- 1 (Bachelard. En particulier, peut-on transplanter ou greffer (
fondé de la réfutation bachelardienne de la philosophie j ]a conception bachelardienne discontinuiste du temps dans
I de la durée : ainsi, M. A. Robinet d’ une part, et, nous \ j: je matérialisme dialectique ? A quelles conditions la greffe
semble-t il, M . H. Barreau d’autre part, font des réserves
- -
peut elle prendre ?
sur la compréhension par Bachelard de la conception
bergsonienne du temps. Quoi qu’il en soit, le fait est là ; I? Ce n’est ni par artifice, ni pour les besoins de la cause
I affirmons le lien de l’interprétation indétermi-
en 1932, avec L Intuition de l instant , il s’oppose sur le font} : que nousépistémologie (interprétation idéaliste) à la philo -
I! à la doctrine de l’intuition de la durée. D’ailleurs, ce n’est j piste endu temps discontinu (que nous estimerons métaphy-
pas essentiellement au spiritualisme de Bergson qu’il s’en j sophie que
prend. Ce point est capital à remarquer. En effet, à une \ sique) ’
. C est dans le m ême temps (sans jeu de mots) avec
conception de l’esprit, Bachelard en oppose une autre, dont Bachelard adhère aux interprétations indéterministes ,
(
on pourra se demander si elle n’est pas moins spiritualiste. son article sur « Noumène et microphysique » ,enet 1931 qu’il
esprit scientifique en 1934
En un certain sens, Bachelard se révèle à lui même lors¬ ; puis avec Le Nouvel la discontinuité essentielle
- du temps .
qu’il entreprend de soutenir la thèse métaphysique de la développe la thèse de de sp écu
Celle-ci appara ît en 1932 dans un petit ouvrage ¬
discontinuité absolue du temps et l’absoluité de l’instant. instant . Beau
lation pure bien curieux : L’ Intuition de ’ l ¬
on
Aussi, disons-le tout de suite, on passe sans disconti¬ coup font comme si cette œ uvre n’existait pas, ou bien
nuit é ni rupture de cette philosophie discontinuité du la tient pour marginale, comme une branche morte il
, un
temps à ses positions indéterministes en philosophie de la avatar sans lendemain de la pensée de Bachelard. Maisrap¬
microphysique. Et loin que ce soit un paradoxe de relier ne l’a jamais reniée : il s’y réf ère au contraire et la y
sa conception de l’esprit scientifique et des ruptures dans pelle volontiers plus tard. Au mieux, les commentateurs
l’histoire des sciences à sa conception m étaphysique de la , jettent un coup cj’œ il curieux ; en gén é ral, on s’é tonne et (
discontinuité du temps, l’ une ne peut se comprendre sans on passe. Or Bachelard récidive dans un ouvrage plus (
l’autre. Ce ne sont pas deux lignes de pensées indépen¬ | important : La Dialectique de la durée, en 1936. Il étend
dantes ni distinctes. Elles se sont développées conjointe¬ et enrichit sa méditation sur le temps. A première vue
, (
ment. Leur connexion est intime, au point que la notion procéder à deux rectifications majeures : il rep
ilil semble nroc reprend
, tout en la dialectisant »,
de rupture n’est que l’expression sur le plan de l’histoire la notion de durée à son compte «

(
)
) .
»

) '

) 7 4 Gaston Ro »i.. .
f »iHflaphysique bachelardienne 1X 5
)
)
et il abandonne la notion d’ « intuition » , qu il avait îÿ
utilisée dans un . fto
une éthiclue de la solitude et du bonheur par la rêverie
autre titre d ouvrage : Les Int 1j Sy pmagination. C’est donc dans les conceptions sur le

)
atomistiques (1933) . Pourtant, il reprendra à nouveatji Kl ïiLps
qu’il faut chercher la clé d’ une compréhension de
notion à son compte dans la théorie de l’imagination ! cl
,s>rfe id ée de « rupture » que Bachelard a mise en avant,
)
}
r
voit que les choses ne sont pas simples. Ces deux
cations ne sont que des rectifications secondaires, car b
modit IBW
la(luebe d est jugé rejoindre le matérialisme dialec-
lILe
, au moins en épistémologie. Mais, nous l’avons dé jà
thèse fondamentale est bien la même : c’est celle de h «IL la question n’est pas simple. La réponse ne l’est pas
)
)
È ï
!
discontinuité du temps. Or, quand on relit les autres ouvra ffijvantage
ï
: s’il fait bien oeuvre nouvelle et critique sur de
ges de Bachelard, on s’aperçoit de nombreuses correspond pibreux points en épistémologie, celle-ci n’est pas aussi
) f ,
1
dances dans toutes ses œ uvres, et l’on a rapidement 1 f§olutionnaire qu’on veut le dire. Elle a une forte teneur
preuve qu’avec cette thèse on se trouve à un centre actif |aliste et ne se fait pas essentiellement ni principalement
) âé
;
(pour parler comme lui) de sa pensée, à un centre d’o
tout rayonne et o ù tout converge. Cette « m éditation Jjjjjù * pectique.
lans
Ie sens d un matérialisme philosophique, ni d’ une

) temps est, comme il le précise en en mesurant tout l’enjen


;:
« la tâche préliminaire à toute mé taphysique » (I.I.,
) 13) fw
elle est un élément essentiel pour comprendre sa doctrine
) de l’imagination et de l’esprit, qu’il soit en mal de connais
.

) sance ou de rêverie. Le rapport de ces conceptions ; de -


l’imagination et de la rêverie à celle du temps est suffi. 1
) samment attesté par un article : « Instant poétique et
instant métaphysique » \ publié d’abord en 1939, puis de
)
nouveau en 1961.
'

)
Ainsi, les thèses épistémologiques fameuses sur les
ruptures dans l’histoire de l’esprit scientifique et de la
) culture, et les thèses sur l’histoire récurrente, sont en rap¬
) port direct avec celles sur la nature discontinue du temps,|
) sur l’instant « novateur », sur le « temps vertical » opposé I •

)
au temps horizontal et qui est le temps de l esprit,
comme nous allons le voir. Ainsi, chez Bachelard
11
lui-même, il n’y a pas de distance entre la position anti - f
)
évolutionniste en histoire des sciences, la position anti
bergsonienne en ontologie ( nature et rapport du temps et
-
) de la réalité) , et la position antimatérialiste en théorie de la
) culture (nature de l’esprit, de la conscience, des valeurs, etc.);
) i
x . Nous abrégerons ce titre en utilisant le sigle : I.P.I.M.
)

. )
K:
V SÊpé taphysique bachelardienne 117 (
(
r Icelle de leur objectivit é . Il est à soupçonner que la (
I Jjve de la discontinuité tiendra essentiellement dans sa
Mçtivit é , c est-à-dire dans la subjectivité du temps lui-
sɫ Le
WFP
>Mais n’anticipons pas. Bachelard dira, dans une
S de boutade : « Du bergsonisme nous acceptons près-
m PWAPTTRTE7 II
CHAPITR TT
.
sauf h continuité (D.D., 7) J C . . . Margolin
ïi 1 jfmarque à ce propos que La Dialectique de la durée « ne
i ' | plus subsister grand-chose du bergsonisme » ( 1974,
UNE iVltlMETAPHYSTO H Ï MyUE TTF DU nTT note X 45) . Mais, nous le vérifierons à plusieurs repri-
TEMPS li ; l engouement en faveur de Bachelard porte à sous-
(

&
| jncr le bergsonisme bachelardien. Ne faut-il pas essayer
('

, 1 comprendre ce qui reste de commun chez nos deux


La philosophie du temps chez Bachelard
par « une idée métaphysique décisive . . . :
Le temm >
I
conW posophes, quand nous voyons Bachelard
1 fudrions
déclarer : « Nous
développer un essai de bergsonisme discontinu »
qu une ré alit é , celle de l Instant » (I .I.,
cette thèse dans l'ouvrage de son ami13
).
, La
troi' 1lent 8> iz6) • L on voit ici comment on Peut facile
passer à côté de questions très sérieuses concernant
Gaston Roupnel . En posant cette thèse : « Le SiloëW; i fond de sa pensée, surtout si l’on se borne aux
§
une réalité resserrée sur l’instant et suspendue temm 1 [
cta ' commentaires de vulgarisation . Voilà donc une
question
i néants » ( I . I ., 15) , il a pleine conscience de pénentre
S Importante : quel rapport Bachelard continuera-t-il d entre-
la métaphysique. Il le fait non sans un certain trer à 13 tenir avec le bergsonisme ? Malgré sa critique de la
é
En effet, il n’aime pas se déterminer et prendre embarrJ Ipntinuité de la durée, il appara î t qu’il ne se séparé pas
irrévocable. Deux intuitions s’opposent, dit-il : l’ un narH
bergsonienne pour laquelle « la vraie réalité intuition I Ie tout le bergsonisme. Il est si facile de faire dire à
c’est sa durée » , et l’intuition contraire, celle de !
du temm « auteur ce n a Pas dit Et Pourtant le
commentaif
G Roupnd ie J -C- Marg°lin est très fouillé' nuancé, souvent très
pour laquelle « la vraie réalité du temps, c’
est l’instant i scrupuleux et, pour ces raisons, parmi les plus pertinents.
\
( I .I ., 25) . Il signale son hésitation en s’y
puisqu’il y revient deux fois . « Entre ces deux
appesantissant II Bachelard prend donc nettement parti pour « la dis-
intuition continuité essentielle du temps » (I.I ., 15 ) - 11 Part d unp
/
nous avons personnellement longtemps hésité, t « intuition » qu’il oppose délibérément à une autre « intui-
même dans les voies de la conciliation à réunircherchan sous un tion » , celle de Bergson . Bien sûr il y a de nombreuses
même schéma les avantages de l’une et l’autre
Nous n’avons pas finalement trouvé satisfaction doctrines
, motivations qui le poussent à soutenir cette « idée méta- (
dans
idéal éclectique » (I.I ., 26) . C’est non seulement La Silocet physique » : une tournure d esprit polémique, un goût
ë, pour les hypothèses nouvelles et paradoxales, une démarche . (
mais « la critique einsteinienne de la durée objective » équente chez lui qui le porte à prendre fait et cause
qui l’a « réveillé de (ses) songes dogmatiques » (I. I. fr (
!
, 29) . nnnr conception hardie qui
toute concention
pour tnntp .
On notera que ce n’est pas la seule question de la qui « ouvre » un avenir. Mais ces explications psycholo¬
risaue d’avoir un avenir
oui risque ; ,
(
continuité ou de la discontinuité du temps qui est posée, giques ne suffisent pas . N’est-ce pas plutôt l’ épistémologie ( ,

(
(

) ï
)
118 Gaston métaphysique bachelardienne
Bachelard f [ X 19

) et la m éditation sur l histoire des sciences qui l’ont du temps. Cependant, le


essen. la aatureestettoujours structure
) tiellement conduit à faire ce « saut » dans une «
directement opposée à celle de Bergson ? C’est intuition l|§ ntinu mis en cause et cela à partir de sa
) ce Béorie « réaliste » des actes épistémologiques Le continu
)
pense J.C. Margolin : « Pour Bachelard, la
de la vie de l’esprit est à la fois un fait d’expé discontinU 1 É
Qualitatif , non plus que tout autre continu, ne sera jamais
\ prouvé expérimentalement » (E.C.A., 32) . Et cette décla -
V.

if rience , -
ma n’est pas isolée dans l’Essai.
) surtout un enseignement que lui ont fourni l’
idées et l’histoire des sciences » ( histoire 1 ittion
11
) 1 1974, 74) . Comment prouvera-t-il la discontinuité essentielle du
) I
Discutons rapidement cette opinion, bien qu’elle §
en grande partie juste. On trouve bien dans l’
|
j s temps dans L Intuition de l’ instant ? Le point de d épart
••
Essai de est franchement et assez na ïvement idéaliste, plus préci-
1927 de nombreuses affirmations en faveur d’une pensée sèment subjectiviste : « Si mon être ne prend conscience
de la discontinuité. Ainsi l’on cite souvent le passage
de soi que dans l’instant présent, comment ne pas voir
suivant : « Dans l’évolution historique d’un problème parti
culier, on ne peut cacher de véritables ruptures, - îue l ans an présent est le seul domaine o la réalité
*
des jpprouve ? Dussions-nous par la suite éliminer notre être,
:
I
' I
mutations brusques, qui ruinent la thèse de la
épistémologique » (E.C.A., 270) . Dans la page quicontinuit
précède,
é11 faut en effet Partir de nous-mêmes pour prouver l’être ,
prenons donc d’abord notre pensée et nous allons la sentir
il demande que l’on distingue entre contiguïté et
) et il écrit : « L’encha î nement continu serait... continuit é lins cesse s’effacer avec l’instant qui passe, sans souvenir
'
) table interpolation conceptuelle. Il ne saurait
une véri¬ | our ce qui vient de nous quitter, sans espoir non plus,
« perçu » . C’est une supposition. On
être puisque sans conscience, pour ce que l’instant qui vient
) -
sous tend sous le nous livrera » (I.I., 14) . Plus loin, il proposera de « revenir
)
discontinu des actes, le continu du possible » (E.C.A .
., au point de départ idéaliste » (I.I , 19) . Il va utiliser
269 ) . Il faut être prudent devant de tels textes et n plusieurs sortes d’arguments et tout d’abord ce que nous
) pas tomber dans une illusion de rétrospection, y projeter appellerons l’argument logique. Pourquoi penser plutôt le
) ce que Bachelard dira plus tard . Dans l’Essai, il ne temps comme continu que comme discontinu ? Cela relève
semble faire encore aucune critique explicite de la concep nous
) ¬ de nos habitudes d’esprit. Il discute alors les thèses de
tion bergsonienne de la durée ni d’aucune conception Bergson en montrant que l’on peut se passer des termes
) philosophique du temps. Ce qu’il discute dans ces pages, 1pendant, toujours, durant, etc., qui expriment une durée »
) c’est la théorie de la « vérification progressive » (I.I., 39-42) . Ainsi l’on peut définir la coïncidence tempo¬
de
)
r< W. James, c’est la thèse de la continuité é pistémologique relle de deux faits sans supposer la continuité, ni la
d’ un problème au long de l’histoire scientifique, cette longueur des intervalles ou laps de temps. Il suffit d’ima¬
) continuité que le pragmatisme établit entre connaissance giner des séries d’instants séparés mais dont certains
) pratique et connaissance scientifique. Dans l’ouvrage, quand groupes d’instants se correspondent (I.I., 44-45) . A la th èse
il cite Bergson, c’est pour discuter sa conception de la bergsonienne du caractère purement abstrait de l’instant
)
qualité, ainsi que nous l’avons rapporté plus haut. Le conçu comme résultat d’une division d’un continu, Bache¬
,
) « discontinu des actes », s’il annonce une conception lard oppose une théorie de la construction réelle du temps
) discontinuiste du temps, ne se place cependant pas encore à partir d’instants et de sé ries d’instants. Le continu ne J
sur le terrain métaphysique o sera posée la question de serait qu’une résultante, une impression qui porte sur
)
)
)
! 1 (
' '
7 •

i: 120 Gaston Bachela bg métaphysique bachelardienne 121

(
un ensemble : « Le problème changerait de sens si nou , montrent la
considérions la construction réelle du temps à partir $ gique, perceptive, pratique et expé rimentale . Bachelard, (
des I é : la continuité est une supposition
instants, au lieu de sa division toujours factice à partir dé 1 discontinuitconfirmé par tous les faits, pose donc la thèse (
la durée » ( I.I., 43) . La Dialectique de la durée s l'estimant (
ouvrira
par une critique de la dissertation de Bergson sur l idé contraire. cela ne lui suffit pas, car il développe également
e * Mais •
(
; de néant, où Bachelard entreprend d « établir métaphy; 1 à s’appuyer sur
siquement contre la thèse bergsonienne de la continuité des arguments scientifiques. Il cherche physique, et en
conceptions théoriques récentes de la
f l’existence de ces lacunes dans la durée » (D.D., Vil) , \ ]es celle de la Relativité qui constitue, d’après
M:
Et en 1937, répondant à des collègues philosophes quj particulier , une « critique de la durée objective » puisque,
restent réticents devant les hardiesses des thèses discon | jn, en 1932
temps, la
tinuistes, il fera appel à l’autorité métaphysique de Des¬ -
'

dit -il, « elle frappe de relativité le lapsse de é è le relative


longueur de temps. Cette longueur , elle r v
cartes : « Je m’é tonne de trouver tant de résistance devant . ’abord
à la méthode de mesure (I.I 29 » , ) . Remarquons d
cette vue ; car au fond elle correspond à la thèse carté une preuve de
sienne de la création continue, création qui est,
¬ que la Relativité est interprétée comme
on le sait, une création discontinue. Si Dieu cessait de
comme: < subjectivité » et non comme un affranchissement à
l égard d’ une subjectivité antérieure. En outre, cette
« rela ¬
recommencer le monde, le monde s’effacerait. Pour Des¬ é du laps de temps » est imm édiatement traduite en
cartes, la réalité est reproduite entièrement, le temps n’a tivit affirmation de l irréalité du laps de temps. Il y a
s .
pas de poussée » 1 Il reprochera toujours â la philosophie une une
bergsonienne de mettre à la base de ses conceptions les là une évidente faute de logique et un saut dans
thèse philosophique, métaphysique. L « instant , bien pré¬
images de la poussée (cf . par exemple, A.S., 291 ) , - . 30) .
et « la durée est, strictement parlant, une métaphore »
292 cisé, reste , dans la doctrine d’ Einstein, un absolu à parler
» ( I I .,
(D.D., 112, le chapitre VII est consacré à l’étude des Du fait que la science relativiste n’autorise plus unique,
'
I « m é taphores de la durée » ) . d’ un temps absolu, et donc d’une durée une et
Il utilise également un argument que nous dirons
Bachelard conclut qu’il faut poser « 1. le caractère abso¬
lument discontinu du temps, et 2. le caractère absolument
épistémologique, et que l’on reconna î tra pour l’avoir déjà ponctiforme de l’ instant » (I.I., 38) . On notera que c’est
rencontré dans la théorie de l’approximation où il est la deuxième thèse qui est destinée à prouver la première.
courant. Ainsi, il serait absurde, dit-il, d’avoir moins de
Mais, comme le fait remarquer H. Barreau qui examine
«
finesse dans l’appareil de mesure que dans le ph énomène
à mesurer » (I.I., 44) . Aussi la continuité échappe par rapidement ce point 1, Bachelard s’est aperçu ultérieure¬
principe à toute vérification expérimentale. Si on voulait ment que la th éorie de la Relativité d’Einstein ne justifiait
la saisir en elle-même, en dehors de tout moyen d’approche, pas du tout sa thèse métaphysique de la discontinuité
on tomberait dans l’intuition bergsonienne qui est trop absolue du temps, et il abandonne la Relativité pour
s’appuyer sur la physique quantique : « Avec la Relativité
subjective. Toutes les données de l’expérience, psycholo - est apparu le pluralisme temporel. Pour la Relativité, il y (
.
1 Cf . Bulletin de la Société française de Philosophie, Paris
. Hervé BARREAU : Instant et durée chez Bachelard » , in
1937 (séance du 13 mars) , p. 61 . 1 «
Bachelard, Colloque de Cerisy, op. cit. pp. 330-3 Ç4.
.(
(
(
m
m
f , métaphysique
)
122 Gaston bachelaidienne 23
w:
JT - »
a plusieurs temps ..vo imuu
qui, sans doute,> se correspon dent Ijitide * Noum ène et microphysique ». Il est donc certain
H*
T

conservent des ordres de déroulement objectifs mais et qqqj


/
ÿ | il a eu connaissance très tôt de la critique que
qui ne ü
i. gardent cependant pas de durées absolues. La M Spaier lui adressait. On pourrait alors remarquer que
relative. Toutefois, la conception des durées durée est |jjaChelard n’entreprendra plus d’é tude épistémologique
doctrines de la Relativité accepte encore la dans| | Importante sur la Relativité, ce qui confirmerait nos hypo-
i comme un caractère évident. Cette conceptio continuité Jgjèses concernant le lien privilégié de son épistémologie
n est,
effet, instruite par les intuitions du
mouvement. Il n
en j- de sa philosophie à la microphysique des années 30.
va plus de même dans la physique quantique » en Un dernier mot au sujet des « preuves » scientifiques de
?
1 En effet, la théorie de la Relativité repose(D.D., ç0y ]a discontinuité. Bachelard se sentait en effet confirm é dans
équations qui postulent la continuité du temps sur « <j
jgs thèses métaphysiques, non seulement par certaines
» 1. Au l
en 1936, Bachelard n en appellera plus
du
|| Ithéories physiques, mais par des théories purement mathé¬
mais écrira dans des formules qui sont, selon tout à elfe
aussi par des intuitions : « Le temps à petits
nous, instruites matiques. Ainsi, en 1933, dans Les Intuitions atomistiques,
scintille » (D.D., 67) , et il se fondera d é quanta il invoque « les philosophies modernes du discontinu »
) caractères quantiques du réel » (D.D., 8) . -
sormais sur « les pA , 67) dans un passage où, sous le nom de « philo¬
sophie », il semble désigner des conceptions philosophiques
A propos de cet abandon de la Relativité (inspirées directement des mathématiques récentes : « tra ¬
f
'

argument scientifique en faveur de la


th èse de
comm e vaux sur les ensembles de points » et « problème du
m tinuité, on peut ici avancer une hypothèse. la discon¬ discontinu tel qu’il se présente dans la Théorie (abstraite)
dans un compte rendu de La Valeur A. Spaier,
,
inductiv e des ensembles » auxquels il renvoie en citant des ouvrages
de la
:: Relativité faisait une critique à laquelle de mathématiciens.
être sensible : « Nous voici amenés à l idé Bachelard a pu Bachelard tient donc l’instant pour la seule réalité
1 i que M. Bachelard veut couvrir de l’ alisme particulier
autorité de la doctrine temporelle : « Il faut se pénétrer de la totale égalité de
physique. Pour des relativistes « réalistes »
et M. Jean Becquerel, (les) invariants tels qu’Einstein l ’instant présent et du réel » (I.I., 13) . « L’instant présent
sont de simples est le seul domaine où la réalité s’éprouve » (I.I., 14) . Et
symboles de la réalité. Mais M.
Bachela il n’hésite pas à introduire le « néant » : « Pour nous
conforme à 1’ « esprit général de la Relativitérd» croit plus ’intervalle continu c’est le néant » (I.I., 45) . Par suite,
eux la seule réalité qui existe, et il loue M. Eddingto
de voir en l le passé et l’avenir ne sont que des constructions faites
n de
se refuser à reconnaî tre dans la matière autre dans l’instant présent. La durée n’a qu’ un caractère médiat
chose que
les relations algébrico-géométriques » 2. Or, ce compte
paraît dans le n° 1 des Recherches philosop rendu et indirect. Cela l’oblige en 1932 à construire de toutes
pièces une doctrine de l’ habitude (I.I., ch . II) sur laquelle
Bachelard est un collaborateur, et où il publie, dont
hiques
son nous passerons rapidement, sauf pour en signaler le carac¬
tère essentiellement antimatérialiste : « Le passé n’est
) 1 . H. BARREAU, op. cit., p
qu’ une habitude présente et cet état présent du passé
. 339 .
2. A. SPAIER : Compte rendu
de « La valeur inductive de la est encore une métaphore. En effet, pour nous, l’habitude
) relativité » , in Recherches philosophiques , tome I, 1931 -1932, n’est pas inscrite dans une matière... L’habitude qui, pour
p. 371 .
nous, est pensée est trop aérienne pour s’enregistrer, trop
(

124 Gaston B âchen | 1 S;


t § mé taphysique
(
V
: : bachelaidienne 125
~ (
m immatérielle pour dormir dans la Wr (

Pli
N a-t-on pas là un bergsonisme, qui mati n
ère » (IJ
’est donc
1 où son objectif : constituer une rythmanalyse. Le temps (
résiduel qu’on le pense ? De même pas 'est pas un aspect de la réalité objective, il est dématéria-
. juste titre, M. Roupnel écarte , page 66, il dit
tous les principes pW A Hli ï
«
é L’idée de rythme lui permet de répondre à Bergson,
faisant de toute durée continue une résultante, un
(
moins matérialistes proposés pour
' formelle des ê tres vivants. » Il y a doncassurer une

contim
duction
? Set % de perspective, ou encore un effet de groupe ou
temps à l instant présent, et ré
’ a ensemble , alors que seuls existent des instants qui se
la réalité « actuelle » . Nous y duction
reviendrons.
de toute r é !
alité à Succ è dent : o ? Peut-être en Dieu que Bachelard évoque
É deux reprises en 1932 ( I .I ., 48 et 53) , en usant, outre
I
Avec cet élément unique et qui contient
Bachelard doit expliquer la construction dutoute réali» ! > aISuments
réside la contradiction mé temps
taphysique où s’enferme sa phflU
j*
B ?- '
» 46 48 ) ! -
1« nous avons vus de h ' métaPhoIe *

Sophie : le temps (et le réel 1 Bachelard restera fidèle à cette conception du temps
présent, unique et absolu,
) est réduit au seul
qui est celui de ma insta î * discontinu constitué d’ instants sans aucune épaisseur tem-
pensée «telle. Ce ne sont pas des atomes (I .I ., 26-28) . Pourtant,
actuelle (idéalisme) , mais le temps va ê
une multiplicit é de tels instants. tre construit avèr ' autre contradiction, il acceptera un « clinamen » , comme
la multiplicité. Puisqu’il y a « totale Bachelard suppose donc nous le verrons ! Pour décrire cet instant « métaphysique »
identit é » de l’ ' et l’appliquer, Bachelard variera les adjectifs et les images ,
sr présent et du réel, en bonne
qui est « l’élément temporel
logique il n ’y a qu’ un instant
instant Ainsi, il parle fréquemment de l instant complet , ou de
(

rendre compte de notre impression que


primordial » ( I .I .,
les choses
15 . pM
) Estant
incompl
f écond (I.I ., 64-65 ) , de l instant plein , de l’heure
les objets matériels, les êtres durent è te ( « l’heure divine qui donnerait tout » , I .I ., 48) ,
( « 1 esprit. .. [est] une file d’ vivants ou notre esprit ou encore du temps vertical . Le peintre « a surpris 1 instant C
'
instants
I . I ., 19) , il est amené à proposer nettement sépar és » ! dominant du récit » , « l’instant chagallien » ou « des forces
de penser toute « durées I sont amassées dans une vision unitaire » L « Faire agir
comme un rythme que ponctuent
r doit sans doute être enfermé dansdes instants. Ce rythme sans agir, quitter le temps lié pour le temps libre, le
f
notre pensée actuelle L temps de l’exécution pour le temps de la décision, le
c
imaginé peut-être ? En tout cas,
il le décrit comme seule
réalité temporelle La courbe qui 3 temps lourdement continu des fonctions pour le temps
relie les instants étant miroitant d’ instants des projets .. . » (L.,
seulement suggérée par ses sommets eux-mê 154) . Linstant
mes j est donc conçu comme complexe tout en restant poncti-
« La ligne qui ré
unit les points et qui sché isolés

durée n’est qu’une fonction matise la forme. Cette notion de l’ instant, alliée à celle de rythme,
panoramique
( I . I ., 33) . D’où une « doctrine pluraliste et ré trospective » paraît suffire à Bachelard pour englober le temps naturel
61 ) , qui se développe surtout du temps » (D . D ., et le temps culturel (y compris celui de l’histoire) . Surtout,
dur é e . Le temps d’une chose est dans La Dialectique de la
temps plus ou moins « lacuneux »alors con çu comme un \ a « La Lumière des origines » , texte écrit pour la revue
devient le véritable contenu de l’idée de , et l’idée de rythme Derri .
ère le Miroir ( 1952) , reproduit in Le Droit de Rêver tans

§ î -
Nous avons rectifié le titre quii nom (
comme on le sait, elle jouera un rôle temps Aussi : - P U .F 1970 PP -
toute la philosophie et dans tous les é importent dani
crits de Bachelard, H p
j
\ 76) .
'p "47 d'làffiSbfe lie J C. Margolin, 1074! C
(

O C
)
)
) Gaston
)
12 Ô
Bachelard
) elle lui permet de substituer à un temps horizontalf
| | iM
temps vertical. Et il -pose la question : « Est-ce du- t'- 'uanj, t m
) encore:e,. ce pluralisme d événements contradictoires enferm
é f
nuV

)
é
dans un seul instant ? » ( I.P.I .M., 224-226) . Et il réponds i
St
par l’affirmative, bien qu’ une telle question montre qni$
)
n’a pas dépassé l’antinomie du continu et du
g
;>n
CHAPITRE III
) discontinu W
)
temporels, puisqu’elle se répète dans celle du
horizontal et du temps vertical. Il a beau en appelei|
temps I
L’ACTE
D UNE METAPHYSIQUE DE
) ' dans ces pages à sa lecture de la poésie : « C’est p0
Ur
construire un instant complexe, pour nouer sur cet inst
f
) des simultanéités nombreuses que le poète détruit h A UNE PHILOSOPHIE IDEALISTE
) continuit simple du temps encha î né » (I.P.I.M., 224- )
é
225 DE L’ESPRIT
) il reste prisonnier de la contradiction métaphysique initiale
Ce n’est pas l’élaboration d’une théorie des « superpositions
!
) temporelles » (D.D., ch. VI) , qui supprime l’antinomie,
un plan méta¬
) car le rythme lui-même, dans ses hypoth èses, doit être une Cette théorie du temps développée sur philosophie de
à une «
) « dimension » de l’instant. D’o ù l’id ée que l’instant pré¬ physique est liée éàtroitement
l’écart jusqu’ici. Bachelard oppose
sente un « ordre interne » : « Les simultanéités accumulées facte », maintenue
sont des simultanéités ordonnées. Elles donnent une di¬ #tte philosophie de l’acte à la philosophie de l action
) de
psycho¬
) mension à l’instant puisqu’elles lui donnent un ordre Bergson (I I , 21) . Sur le plan plus proprement
..
interne » (I.P.I .M., 226) . « Le temps est un ordre et logique (mais justement on ne peut distinguer celui -ci du
! )
n’est rien autre chose » (ibid.) . Bachelard en tire la plan métaphysique) , c’est une psychologie de l’ acte , de
oppose aux
) réciproque : « Et tout ordre est un temps » (ibid.) . Si l’on ;la volonté et de la décision, que Bachelard
) réussit à « délier l’être encha î né dans le temps horizontal », conceptions bergsoniennes de l’acte libre, lente maturation¬
événe
c’est-à dire à séparer notre temps propre : 1. du temps des du moi profond, qui dépose ses actes comme des
-
)
autres ( « briser les cadres sociaux de la durée » ) , 2. du ments à la surface du moi superficiel et apparent . On se
objective
temps des choses ( « briser les cadres phénoménaux de la souvient que, en ce qui concerne la connaissance
la réalité
.
durée » ) , et 3 du temps de la vie ( « briser les cadres connaissance scientifique, l’acte é*tait, toute
dans 1la- méta¬
1-- -

) vitaux de la durée » ) , alors, dit-il, « le temps ne coule (* actes épistémologiques » ) . De même


plus. Il jaillit » (I.P.I.M., 226-227) . La théorie des « super¬ physique où Bachelard se situe maintenant
, l’acte va être !
, il rejette la
la seule réalité. Dans tous les domaines
)
positions temporelles » qui gardait un sens réaliste et
maturation, et
pertinence des images de la poussée, de
) la
contenait des vues concrètes fort intéressantes dans La d’ un germe
de l’évolution conçue comme développementde la vie par
)
)
Dialectique de la durée révèle son sens final : la compo¬
sition des rythmes physiques (vibrations) , biologiques, vi¬ !(cf . I.I., 66, pour la critique de l’
taux, puis psychiques, est destinée à ménager un « temps la théorie du germen) : Si «
explication
nous lisons une continuité
parce que notre
\
) de l’esprit », c’est-à-dire son autonomie absolue. dans la propagation d’une espèce, c’est
) :
)
; A
(
bacheiardienne 129 (
128 Gaston Bg ç h m jné taphysique
I ,
(
lecture est grossière ; nous prenons les individus com * nour la description des activités spirituelles (imagination (
témoins de 1 évolution , alors qu ils en sont les acteu
( ibid . ) . Relevons au passage le rôle que joue ici la nou *
1
Ifjlonté, raison, esprit scientifique, r verie)
'
ê
fTfgtre celle de Bergson. Car, cette théorie permet de
, que ne pouvait
concé¬ (

d é « lecture » . Au plan physique, cet « acte » , c’estq ; lyoir Ie discontinu des actes qui partout caractérise la
1 (
manifestation « instantan ée » d un certain quantum d’én l
éalité, et fTelle les inscrit à sa base. Bachelard souligne que (
PlP : « L
gie T ’atome, d ès qu’il ne rayonne plus, passe * .
. ofnmp nn l rounnno
J > c / icnnnfinnictp rln ftemps
à une J *ule sa thèse discontinuité du
a mm î nilP m é ta
mnc, quoique -
é radicale (
existence énergétique toute virtuelle... L’existence
reviendra Kjysique, permet de rendre intelligible la nouveaut
de tout commencement (I.I.,
18 s, 22 ) Il objecte
s .
à l’atome avec la chance ; autrement dit, l’atome recevra >
1
don d’ un instant f écond mais il le recevra par hasard s kjlors à Bergson que s’il triomphait en prouvant l’irréalité
comme une nouveauté essentielle » (I.I., 55) . Arrêtons| du m ê me coup impossible toute
-i | i
ffi je l’instanté, ilet rendrait me toute possibilité d’ un « commen -
un court instant ici, car ce point est central. Le hasard, intelligibilit
ce sera cet « acausal », ce « sans-cause » , que nous avons 1
I Hanent m ê
» réel quelconque dans quelque domaine que ce
rencontré plus haut. Que dit alors Bachelard de cette fijoit. « Comment parlerons-nous du commencement d’un (
existence virtuelle de l’atome ? « Il n’est qu’ une règle gtte », si l’on « nie la valeur de l’instantané » (I.I., 18) ? (
de jeu toute formelle qui organise de simples possibilités » Rjne évolution » ne « para î t continue » que prise « dans
(ibid.) . Mais il confond ainsi la possibilité formelle, logiqu i son succès général » . « Mais si l’on se porte dans le (
purement mathématique, et la possibilité réelle. L’existence des mutations brusques, où l’acte créateur s’inscrit
Romaine
de l’atome n’a pas d’autre raison selon Bachelard que « les < brusquement, comment ne pas comprendre qu’ une ère
lois du calcul des probabilités » . Mais pourquoi ces lois 1 liiouvelle s’ouvre toujours par un absolu ? Or, toute évo¬
« se réalisent-elles ? » demanderons-nous. Voici la réponse \ lution, dans la proportion o ù elle est décisive, est ponctuée
- .
« Parce qu’ il faut bien que tô t ou tard l’ Univers ait dans J par des instants créateurs » (I.I , 18) . Il reproche aux
toutes ses parties le partage de la réalité temporelle, para \ s conceptions bergsoniennes de « saisir la fin dans le com -
que le possible est une tentation que le réel finit toujours linencement, l’être et tout son devenir dans l’élan du
1I
par accepter » (I.I., 55) . Qu’est ce réel, cet Univers qui germe » (ibid .) . L’argument de Bachelard est toujours le
existe pour rendre possible l’existence de l’atome ? Et ! m ême : comment comprendre une nouveauté, si l’on ne
qu’est-ce que cette « tentation » ? • place pas quelque part une « césure » (I.I., 18) , des
tre toute action comme (
Pourquoi s’arrêter à cela ? Parce que Bachelard y fonde |ruptures absolues, qui font appara î
f lui objecter que sa
toute sa conception de la vie et de l’esprit. « L’atome j Instantanée ? On peut évidemment
également toute facilité :
rayonne et existe souvent, il utilise un grand nombre philosophie du temps se donne
intelligible ce qui appara î t,
d’instants, il n’utilise cependant pas tous les instants. La une césure ne rend pas plus ère novateur », encore
cellule vivante est d é jà plus avare de ses efforts, elle m ême si elle « d écrit son caract reste formelle. On est
» «

n’utilise qu’une fraction des possibilités temporelles que lui qu’à notre avis, cette description taphysique » .
(
livre l’ensemble des atomes qui la constituent. Quant à bien en présence d’une mé
«
(
la pensée, c’est par éclairs irréguliers qu’elle utilise la vie » ; Dans L Intuition de l’ instant et dans La Dialectique
( I.I., 47) . Aussi, il insiste sur les avantages de cette concep- j de la durée , il insiste sur le fait que cette m étaphysique
tion du temps pour une psychologie plus réaliste et concrète, de l’acte est plus conforme à l’expé rience psychologique,
f (
(
) '
j
) '
-i
) : •

) î 3° Gaston BachelaM i p métaphysique bachelardienne * 3*


) P
et, nous venons de le constater, il transporte cet « acte » lijcuneux, rend possible l’émergence de l’acte spirituel. !i
) ce commencement instantan é, dans le domaine biologiqjjip
voire physique. « La vie c est le discontinu des
Sfachelard d éveloppe au passage toute une conception des
) tl actesi %oments « décisifs », des « instants de déclics » (D.D.,
)
(I.I., 23) . « Une fonction ne peut-être permanentei IL 74) . Il envisage alors d’une manière tout à fait idéaliste
)
(D.D., 23) . « Des actes doivent de toute nécessité
mencer dans l absolu de la naissance » ( I.I., com¬ Il utopique toute une psychologie du « commandement » ,
ÿ de l’action d’une volonté sur une autre. Il peut, par
24 ) . Il
) appelle à la psychologie de la volonté et de l’ théorie des « schèmes de déclics » , expliquer ce transfert
( I.I ., 35 s) , à l’examen psychologique (I.I., 20 s) . attention
Alors on de puissance avec une facilité étonnante (cf . D.D., 74) .
)
peut comprendre son insistance à faire place au contingent four tout cela, il a besoin d’une critique de la causalité.
)
)
dans la réalité, aux accidents dans l’évolution biologique
« Dans une évolution vraiment créatrice, il n’y
a qu’
- -Celle-ci est faite en filigrane ou explicitement dans la
plupart de ses ouvrages. Il apparaît évident qu’elle court
loi gén é rale, c’est qu’ un accident est à la racine de une éritablement comme un fil rouge à travers toute son
)
tentative d’évolution » ( I.I., 24 ) . Mais pourquoi garde
toute geuvre, à qui a su une fois la reconna î tre. « Nous ne
)
1

le vocabulaire d’une psychologie de l’effort, de l’


-t-fl
intention Saisissons pas la causalité qui donnerait une force à la
) du projet ? C’est à une telle conception de 1’ « acte » qu jj
faut rattacher tous les passages o il nous rappelle que
., 19) . La Dialectique de la durée entreprend
féurée » (I.Isyst
un examen ématique de la causalité physique, puis de la
)
pour comprendre l’activité rationaliste, il faut la prendr , '
causalité intellectuelle (ch. III et IV) . A la causalité
) à son « état naissant » , aller l’examiner là o elle ë efficiente, toujours limitée dans des domaines où nous
active, là où elle se modifie, là où l’esprit fait la preuve
est
) de éliminons les accidents et les détails (D.D., 60) , se
sa capacité novatrice. D’o ù le sens de th èses comme superpose une causalité par la forme, ou causalité formelle
) qui soutient que toute habitude m ême rationnelle entrave
celle
la que nous avions soupçonnée dans l’épistémologie. Cette
) pensée (F.E.S., 14) . C’est qu’il soutient, fondamenta causalité formelle est de l’ordre de la « ma î trise de soi
¬
) lement, une doctrine de la liberté spirituelle. Cette philo¬ dans une action compliquée et difficile ». D’o ù la « supré¬
sophie de l’acte s’oppose à toute « explication » psycho matie de la causalité intellectuelle sur la causalité physio¬
)
logique, sociologique, historique, biologique ou naturaliste logique » (D.D., 74) . Entre les deux, aucun intermédiaire,
) de l’activité spirituelle, explication qui impliquerait selon vu que Bachelard écarte au passage les déterminismes
) Bachelard un « déterminisme » absolu. Aussi il con çoit et sociaux. Il passe constamment du temps vital au temps
définit toute « activité » sur le mode de l’activité intellect de l’esprit sans voir que cela fait problème (cf . D.D ., 68,
)
tuelle ; bien qu’il s’oppose aux métaphores de la durée, fl ; §92 et passim ) . L’opposition majeure est pour lui celle qui
) utilisera abondamment, pourrons-nous dire, les m étaphores existe entre « le temps pensé et le temps vécu » (D.D.,
du commencement . Il d écrit cette « activité » spirituelle
)
dans tous ses ouvrages, sous un angle ou sous un autre. ; 94) , « le temps immanent et le temps transitif » (D.D.,
) 95) . Aussi, l’analyse de la causalité efficiente, fondée sur
« Pour nous aucun doute, l’esprit a une poussée
hors l’utilisation des méthodes statistiques, permet d’effacer
) de la ligne vitale » (D.D., 102 ) . Il ne rejette donc pas, Tidée même d’ « efficacité causale » par l’introduction d’un
) comme il le dit, toute métaphore de la poussée, mais « temps purement et simplement statistique ». D’o ù dans
) seulement celle d’ une poussée « vitale ». Le temps vital . le domaine de la physique elle-même, à la causalité effi-
)
)
ï
(
(

Gaston ®ache]ar|j (
métaphysique bachelardienne * 33

sSH32r3tS3 l ï iïïr *î t 2a-iKr4


132
'
®/
f'
ja (

=
)

(
(
se la
jgrend autonome vis-à-vis de sa matière . Bien sûr, cela
(diff érents états d un seul atome) que dans le p]
De se fait
pas à partir d’ une certaine page, mais dès le
« vertical » (ensemble d atomes, pris à un instant parti étaphysique »
¬ ï commencement » o il fixe « le but m
culier) , donne à Bachelard une base « scientifique » à son «e sa « dialectique » de la durée ( D.D., Avant-propos, p. V) .
introduction de la causalité « intellectuelle » , causalité par temps vertical, et son devenir
l’esprit s’é tablit dans un
i l’interm édiaire d’ une « forme pensée » qui ma î trise une
aussi. Ce devenir relève d’ une causalité purement formelle,
matière (cf . D.D., 62, comme base pour cette extrapolation jjous explique Bachelard : il « est en marge du devenir des (
et le passage à une philosophie de l’esprit) .
Iboses, indépendant du devenir matériel... Ce devenir (
En effet, le but essentiel de la thèse de la discontinuité formel surplombe l’instant présent ; il est en puissance
absolue du temps est de fonder l’opposition du temps pans tous les instants vécus ; il peut surgir comme une
horizontal (celui de la matière ou de la vie) au temps fusée hors du monde, hors de la nature , hors de la vie (
pensé (celui de l’esprit et du psychisme) . Dans la « super¬ psychique ordinaire... C’est sûrement une dimension de
1

(
i position temporelle » se produit quelque chose de particulier l’esprit » (D.D., 100qu) .’onD’opourrait
ù sa théorie d’une « énergie
s qui échappe à toute construction matérialiste : « la forme vraiment spécifique bien appeler l’énergie
se reconna î t indépendante de sa matière » ( D.D., 109 j rationnelle » ( D.D., 76) , qui s’oppose àqui« l’ne énergie spiri¬
D’une théorie complexe de la causalité efficiente et de la tuelle » de Bergson évidemment. Mais voit qu’il (
i
.
causalit é formelle que l’on pouvait, dans une large mesure, ne fait que transposer Bergson, et qu’il sera toujours loin Il
accepter sur le plan physique, voire biologique et histo¬ de passer sur des bases matérialistes en philosophie !
, et d ésormais

- rique, Bachelard tire argument pour développer une concep¬ parle sans cesse de causalit
« és spirituelles »
tion de l’activité spirituelle conçue : 1. comme s’effectuant son effort de constituer une « psychologie de l’esprit scien
¬

dans un axe temporel vertical (théorie de l’ instant abso¬ tifique » devient claire. Le cogito à la n -iè me puissance
lument ponctiforme) , et 2. comme libérée absolument de relève de La Dialectique de la durée (D.D., 100-101) . On
(

toute condition matérielle (historique, sociale ou autre) . commence également à comprendre ce qu’il veut dire
ü
Nous pensons que les choses deviennent parfaitement quand il « d éfend un idéalisme discursif et hiérarchique » . (
claires. Aussi, il peut, sur ce temps « vertical », placer « Psychologiquement parlant, en suivant l’axe de la
libé¬
« l’idéalisme ». Bachelard s’adonne alors à la psychologie ration, quand le détachement matériel sera obtenu , on
exponentielle qui procède à des « compositions psycholo¬ ne se d é terminera plus pour une chose, non plus m ê me
giques » (D.D., 109-110) : il parle, pensant être dans la pour une pensée, mais finalement pour la forme d’une»
psychologie à la fois la plus concrè te et la plus rationnelle pensée. La vie spirituelle deviendra esthétique pure (
possible, de « la feinte de feinte », de « la joie de la joie », (D.D., 101) . La lecture des poètes aussi devient claire
,
de « l’amour de l’amour » , de « désir du d ésir » . « C’est à comme cette « philosophie du repos » ( D.D. ) , V , de la (
partir de l’exposant trois qu’on accède à l’idéalisme pur » solitude du rêveur, et du lecteur, qu’il pratique avec la¬ (
(D.D., 109) , ce qui signifie que « l’id éalisme » est déjà prédilection que l’on sait (cf . D.D., Avant-propos) . « L’ins (
apparu avant, ce sur quoi nous tomberons d’accord avec tant c’est déjà la solitude... C’est la solitude dans sa valeur

_ aL
(
)
)
) étaphysique bacheIardiennc
Gaston Bachelard * 35
) * 34
---
V

{que * (F E S > 2 S 1 ) 1 On renvoie é


galement au célèbre
m é taphysique la plus dépouillée. » Cette phrase de L In
)
* .| sur A. Korzybski , dans La Philosophie du non
) tuition de l’ instant (I.I., 13) pourrait servir d'exergue * paragraphe
'

rapporte les
La Flamme d’ une chandelle. Vjpp. 127 s) , °ù plein d’espoir, Bachelard
)
ultatS dW * éducation d’inspiration non aristotéli-
Dans cette philosophie, tout autant spiritualiste qu’idA
qui aurait donné des « améliorations multiples et
liste, qu’il sait rendre si suggestive par son style , * &Dne *
°| esque corPorelles et sensibles » (sic) sur des « psychismes
)
)
U habileté, et sa force de conviction, il faudrait 3 1
toutes les mé taphores, tous les glissements, toutes les hvn
l 1 ° U bloqués *• 11 s enthousiasme parce qu’il y voit

thèses gratuites. Il prend appui sur de nombreux trava, confirmation de ses pensées les plus chères sur le
*amismc
)
de son temps. Et pas seulement dans le domaine de T dy»
* '
Psychique. Mais on voit très bien comment il
hypothèses biologiques les plus
) psychologie. Mais deux grands domaines scientifique P 6 alternativement des
(soulignons à nouveau que cela surprend
) semblent particulièrement absents de ses réf érences ] 1
biologie et l’histoire. Aussi quand il emploie la notion
- fentureuses
un censeur si sévère Par ailleurs des erreurs de la
)
d’émergence, il lui donne le sens de mutation et de trans naissance obiective) aux descriptions psychologiques,
1 èvent d’une psychologie de sens commun (théorie du
) i cendance. Toute émergence réalise une transcendance 1 1 - Juirel
énie) très prisée chez leS idéalistes subjectivistes.
) c’est ainsi qu’il parle de tout ce qui qui est « nouveau ,
Cette notion d émergence utilisée hors de tout contexte
». Ji
Dans ces conditions, la notion d’émergence intervient
)
scientifique bien délimité s accompagne chez lui des notions quand il s’agit pour Bachelard de rendre compte de tout
) de contingence et d’accident. Aussi quand il aborde des jjassage o il « lit » l’apparition d’une « forme » qui se
) questions qui relèvent des domaines de l’histoire, des iend indé pendante de sa matière. Il se fie alors à des termes
sciences sociales, de la culture, de l’histoire des sciences aussi surchargés de sens, aussi polysémiques et surtout aussi
et de l’esprit, la mutation, le saut, la « nouveauté » sont g valorisés », que ceux de « création » et d’innovation. Il
)
) §; décrits comme l’effet du « génie » : aussi parle-t-il de faut renvoyer à « la forme qui implique une matière »
) « l’appel du génie » (A.R.P.C., 128, forgeant cette expres¬ (V.I.R., 67) , à la puissance de « réalisation » de la rai-
)
sion explicitement à„ partir de « l’appel du héros » de Ul son, etc. Tout cela se rattache à sa conception de la supré-
f la maîtrise d’ une
>

Bergson) , du « courage intellectuel du génie » (A.R.P.•C.> matie de l’.activit,é spirituelle qui agit par
) 156) , des « géniales intuitions de Maxwell » (A.R.P.C., | -- L j;
>rme. Mais, en langage marxiste nous dirons que Bachelard
) 167) , de « la pensée théorique, dans son héroïque prendautonomie alors une autonomie relative et très spécifique, pour
travail » (A.R.P.C., 170) , de « l’héroïque décision une absolue. Il décrit toute activité spirituelle
)
d’Einstein » (A.R .P.C., 193) . S’il se hasarde à des| mme constituant une liberté pure, une transcendance,
hypothèses plus matérialistes, c’est pour renvoyer à des ’appuyant d’ailleurs sur un véritable « principe » méta
¬
)
mutations du cerveau, pensant ainsi expliquer la floraison physique celui de « l’instantan it é é fondamentale des
)
)
; « étonnante » des théories nouvelles des sciences physiques, .
formes » (D.D., 102 ) . Alors, « vie et pensée primaire
chez de très jeunes savants ( N.E.S., 180-183, pages termi¬ sont si peu intéressantes pour qui connaî tra l’état formel
) nales de l’ouvrage) . De même, dans des pages aussi j)ù nous voulons nous reposer de vivre et de penser, que
hasardées, ne parle-t-il pas, là encore à la fin de l’ouvrage, cette continuité toute matérielle passera inaperçue »
)
du cerveau comme étant « l obstacle à la pensée scienti (D.D., 102) . Installé sur « le plan du cogito au cube »,
- !
)
)
)
(
(

Gaston ijj mé taphysique bachelaidienne 137 (


136 Bachclat, (
la « pensée de pure esthétique » peut se constituer jjtion (E.C.A., 250) . Il en tire une interprétation très
» (
Bachelard se consacrer à ses poètes. D où sa conception et
,

re de la rectification : « Cette rectification a un


particulièqui
la création poétique ou culturelle en général, < je la constitue indépendamment de la matière (
Ih strictement jythnie
-
parallèle (c'est à-dire au fond identique) à sa
conception aminée » (E.C.A., 252) . Ne reconnaî t-on pas ici le futur (
de l’invention rationnelle en science. A la puissance principe de l’ indépendance des formes, la « forme », le (
réalisation du « réel scientifique » par la raison math de f rythme
» ou 1’ « ordre » étant le fait du sujet, de l’homme
i ticienne, correspond é troitement la puissance de ré
éma¬
itionalisant de l’esprit ? Aussi, ne nous étonnerons-nous
, (
d’un monde d’images et de matières rêvées par l’ alisatif
imagj
Ë
; pas si Bachelard écrit au passage, comme Poincaré en 1908, (
nation qui, comme la raison, est en mal de « 00 Heisenberg en 1930, que en poussant l
« ’analyse du
-
Est ce hasard si certains, comme R. Garaudy, se formes »
gel, il semble qu’on lui fasse subir une sorte de dématé-
(

laissés aller à décrire l’activité créatrice comme ré sont jialisation m étaphysique ; il se pulvérise, il s’évanouit... »
(
alisation
d’une « transcendance », d’une puissance de libération (E.C.A., 257) . Cela permet en effet l’introduction très c
quj
peut transcender toute matière, voire toute condition commode d’ une liberté définie de la plus pure manière (
historique ? Est-ce hasard si on retrouve le m ême langage-
socio
idéaliste, si l’on accepte de dire « idéaliste » toute liberté
h ! chez eux que chez Bachelard ? En fait, on doit penser Jpnçue comme « autodé termination, détachement du réel, (
qu’ils en sont les disciples et le produit, ou plutô
t la comme liberté purement imaginaire de l’esprit . Les » 1
(
postérité. pages 286-289 de l'Essai réalisent l’introduction d’ une telle
Or dans l’Essai sur la connaissance approchée, Bachelard conception de la liberté. Une contingence radicale envahit
(
développait d é jà une théorie de la liberté, ce que certains la nature entière. Et Bachelard suppose que le détermi¬
avaient bien remarqué 1. Dans le style typique de l’Essai, nisme macroscopique dans lequel l'homme s’insère, ne (
il reprenait en fait une problématique très classique dans joue plus sous aucune forme au niveau de l’histoire et de (
f la philosophie française, et qui consiste à ménager une
ses droits. Il
=
la pensée où la contingence ( l’autodétermination
en vient m ê me à un
= la
type %
place à la liberté (spirituelle) par une critique de tout libert é ) reprend
déterminisme objectif , en particulier par une critique en d’argument épicurien : « Descendons donc vers le détail... f
règle des enseignements matérialistes mécanistes des scien¬ Alors il faut se rendre à l’évidence : la contingence y (
ces de la nature. C’est donc sans originalité quant au fond foisonne... Pour nous, le clinamen est un fait d’expérience »
que Bachelard reprend cette position d’un problème dans (E.C.A., 287-288) . « Si nous descendons dans l’infiniment ;(

petit, le déterminisme... s’obscurcit » (E.CA., 289) . « La


'

les mêmes termes, et avec le même objectif . On songe (

évidemment à La Contingence des lois de la nature de science doit tout expliquer. Elle doit expliquer la nature (
Boutroux. La démonstration est diff érente, mais la solution et l’intelligence humaines. Or nous avons la puissance
est semblable. En effet, Bachelard conclut de sa théorie de réveiller les sources » (E.C.A., 290) . La rencontre avec (
des « actes épistémologiques » et de leur part primordiale G. Roupnel sera bien une rencontre élective. « Notre (
dans la connaissance, à un « amortissement de l’objecti- action, à l’origine du phénomène, n’apporte-t-elle pas un (
(
1. Cf . Revue de M é taphysique et de Morale, tome , 1928, 1 . K . MARX : L Idéologie allemande, Paris, 1971, Editions
supplément juill . -sept, p . 3 . Compte rendu non signé. 33 sociales, pp . 331 - 332 , note 1 .
(

(
(

-
M
) m
) m 138
)
r
élément de liberté indestructible » (
Gaston Bach
jl
l a déjà vu : « La liberté est un fait, c ) . Et,
ibid.
m
’est le dé comme
qui est une idée » (E.C.A., 288
) . La faiblesse terminjISB
phique de l’argumentation était d’
ailleurs
philoso- Jp
-
mise en é **
dans un compte rendu de l Essai paru
en vidence
) Bachelard se tiendra à sa conception idé 19281. Maj. CHAPITRE IV
s et donc de la liberté, même s’il le aliste de l’esprit
fait dans un
d’échapper contexte
) épistémologique renouvelé. Il s’agit
construction matérialiste et, comme il à toute
même, de « surmonter les difficultés le dit si bien luj. LA METAPHYSIQUE
du
ment » (D.D., 100) . Dans la même page premier arrache¬ «
la pensée serait entièrement appuyée , il écrit : «
Alors DE L IMAGINATION
ce
ne que va réaliser l’imagination
sur elle-même. » C ’est
, ou plutôt son imagination
.
jt Tout le monde sait que l’imagination, et tout particu¬
lièrement les œ uvres poé tiques de l’imagination (imagination
littéraire écrite) , furent un objet d’étude et de réflexion
privilégié pour Bachelard. ’estC que pour lui l’imagination
[ est le fond, la nature même de l’esprit. On a m ême parlé,
pour caractériser le sens général de l’évolution de sa pensée
et de sa philosophie, ainsi que toute la fin de sa vie,
) d’une « conversion à l’imaginaire » (J. Gagey, 1969) . Les
conceptions de Bachelard sur l’imagination ont donné lieu
)
à des études relativement complètes, et il ne saurait être
question ni de les résumer ni de les examiner ici. Nous
nous limiterons à ce qui importe au point de vue philo ¬

sophique. Aussi nous serons plus bref sur l’imagination


que sur le temps et l’esprit.
Commençons par caractériser les études consacrées par
Bachelard aux images et aux produits de l’imagination
poétique ou de l’imagination rêvante. Il faut insister sur le
1 fait qu’elles sont menées d’ un point de vue relativement
rationaliste. Elles mettent en œ uvre des méthodes rationnel¬
; les de classification et d’analyse critique, elles dégagent des

)
e
* Mo,ak ..
35 9*8,
espèces, des groupes (images de l’eau, de l air, de la
terre, du feu ) ; elles recherchent et décrivent des lois de
)
)
i
s
¥ C
140 Gaston ac
krd mé taphysique bachelardienne
c
141 (
:
sp ïirxriî, szrsz $
m
ih
: -
îJæ;'; iÆfs kSi ïsiiS g;ï°s: s5S"Jr ; .r „'S,
Æ 5 n 'r
ard, et il consacre la plus grande
à leur étude. Nous nous 9 Kn
bornons à
partie de son
donner une certaine idée : r . m éthodeles indiquer pour en 1
ouvrage '

fcme es
é 40 (cf . Pire,
n
1967 153-165)
,
dans ses travaux d épisté
. Mais
mologie
d
Eri
Bachelard
»
lui
générale et de
-
(
(

thode classificatrice, thématique ou de lecture ; 2. . i fhilosophie


scientifique ; 3 . mé m é avait rencontr é le probl è me , posé de plus en (

; mfTes
atI é ; thode !
Psychanalytique •
5 . méthode structurale ; 6. méthode rythmanalytique
lus
j les par les théories scientifiques nouvelles, du rôle et
fonctions des images et des métaphores dans le langage
(
8. deux méthodes phénoménologiques ; 7 et yentifique
16 . L’ essai de D. Lecourt sur la réduction des (
distinctes, mais souvent concourent. Il. Elles sont bj ® pé
-
taphores chez G . Bachelard 1 le montre aux prises (
passage que Bachelard constituait faut indiquer au
|vec cette question dès ses travaux de 1930-1932. Son
recueils systématiques, o il relevaitdeslesdossiers, véritables essai de classification des « intuitions atomistiques » envi¬
et littéraires rencontrées dans images poétique
ses * sage directement ce problème . Et tous les commentateurs
A cet égard, il faut dire combientrès nombreuses lectures qui ont étudié de près ses théories de l’imagination
des spéculations philosophiques en ses recherches diffèrent | F. Pire, M . Mansuy, J . Gagey, V. Therrien) font ainsi
ou d’un Sartre, qui se sont aussi pench chambre d’un Bergson (
remonter très haut l’ intérêt de Bachelard pour l’imagination.
On aurait donc tort de sous-estimer és sur l’imagination (1974, 40) signale aussi que cet intérêt est (
de toutes ses études concrètes sur lescet aspect rationaliste J.C. Margolin
!*
images que nous ne au cœ ur d un article d’un style très surprenant : « Le

pouvons malheureusement pas
suivre ici, même pour en Monde comme caprice et miniature » , paru en 1933-1934, (
donner une idée, étant donné l’orientation et o l’on peut lire que « le monde est ma miniature » ,
Mais il ne faut pas perdre de vue cette de notre travail que « l’image du monde est l’image à la fois la mieux
« sur le terrain » , si l’ longue enquête
on peut dire, à laquelle composée et la plus fragile parce que c’est l’ image du
s’est livré, et qui est strictement Bachelard rêveur, de l’homme délivré des soins prochains » 2 . Il
pour constituer son épistémologie homologue au fait que
reste que, si les autres grands thèmes de sa philosophie
(
,
, il s’est mis
« à l’école de la
science » . constamment furent déterminés assez tôt, ceux concernant l’ imagination (
On gagnera également à savoir ne se sont affirmés, puis développés que plus lentement, et c
Bachelard intervient lorsqu’il constitue sa thé dans quel contexte en somme dans une troisième étape de la formation de
gination . Il a pu y être incité, orie de l’ima¬ (
du point de vue philoso¬ cette philosophie. La Formation de Yespiit scientifique et
phique, par sa fréquentation de l’œ La Psychanalyse du feu , avant le Lautr é amont , apparaissent
la place que celui-ci fait à uvre de Bergson et par
certaines images comme l’acte de naissance de cette philosophie de l’ima¬
générale à l’opposition de l’ , et d’une façon
gination, et surprennent ceux qui avaient dé jà forgé une
intuition
tion procédant par images. De mê aux concepts, l’intui¬ (
de la phénoménologie d’inspirationme, le développement 1 . D . LECOURT : « Epistémologie et poétique » ( Etude sur
philosophie française de cette période ( husserlienne dans la la réduction des métaphores chez G. Bachelard ) , in Pour une (
1930-1940) a certai- critique de l é pist é mologie, Paris, Maspéro, 1972 , pp. 37-63 .
2 . In Bachelard, Etudes, op. cit ., p . 25 . (
(
(
)
)
) i x 43
:
142 Gaston
Bachelartf Ül,3 m étaphysique bachelardienne
)
image de Bachelard pur épistémologue qui s est j pophie. En réalisant ces études, c’est à l examen de certains
jusqu'à nous, sans doute parce qu’ils n’avaient pastransmise 1 éveloppements culturels de son temps que Bachelard est
ou pas vu ni compris, sa philosophie. accepté, Ijmené. Il suffit de songer à son intér t ê pour le surréalisme
Mais, bien évidetn! «
, ou
ment, il est nécessaire que cette « image »
de j et pour des poètes et écrivains encore peu connus
soit « psychanalysée », si l’on peut
dire, en
Bachelard
tout i S peu compris, comme Lautréamont
, Poe, Rimbaud Mal- ,
rectifiée. cas ijarmé, Eluard, parmi des centaines d’autres auxquels il
4i de la poésie que
On continue de s’étonner d’un Bachelard « se consacre. Ce n’est pas seulement litt éraires, philoso-
qui a analysé et pourchassé l
’ rationaliste
influence des images » j ; Bachelard fait un objet de recherches
toute dans thodologiques, c’est aussi à l’ occasion la litté-
) connaissance objective, et qui se fait « î :phiques et mé
) chantre de l’imaginaire, soudain » )
d’un théoricien de l esprite ême d’autres arts ; peinture, gra-
1 f iature romanesque et rméflexion
scientifique contemporain, lieu même I pvure, qui occupent sa . Il aboutit à constituer un
) plus poussée, qui se livre aux poètes de l’abstraction la j ? vaste ensemble dont les parties les plus connues sont
et à la construction élé ments (le feu , l’eau,
) d’une philosophie de la rêverie. Mais
pour nous qui ï ses célèbres ouvrages sur les « »
d’étudier sa philosophie du temps venons j . l’air et la terre) . Nous intéressant uniquement à la philo -
) et de
! orientation n’est qu’un approfondissement et l’esprit, cette j I sophie de l’imagination qu’il construit sur cette base , nous
de celle-ci. D’ailleurs le paradoxe n’est une extension j ne pourrons en dire qu’ un mot rapide, et en somme tout
qu’à demi-apparent,
si l’on veut bien constater que
toute extérieur.
derne fut conduite, sous ses formes la philosophie mo¬ |i A l’inverse de ses théories sur le temps et sur l’esprit¬
,
rationaliste (carté¬ d une
’ ma
) i sienne) , empiriste et criticiste, à adjoindre
de la raison une doctrine de l’imaginationà une doctrine

celles sur l’imagination ont retenu l’attention à donner la vue
, toutes deux nière disproportionn ée, ce qui contribue
) constituant une doctrine de l’esprit déformée de l’ensemble de sa philosophie que nous d énon-
humain
tivisme a ses lois. Le rationalisme scientifique . Le subjec¬ de l’œ uvre ne m érite ces
trouve son complément dans une métaphysique de Bachelard \ ' çons. Non que cettequipartie lui ont ét é consacr és . Mais la
) de l’ima¬ travaux approfondis
gination o il s’efforce de ré l présentation nécessairement subjective que Bachelard don ¬
soudre le vieux problème de
nait de l’ensemble de son œ uvre répartie en deux s
) Kant : déchiffrer le secret de l’âme humaine éries
tisme est l’art caché dans les profondeurs . « Le schéma¬ s : n’était que l’écho de l’image que ses contemporains lui
maine » (C.R.P., 153) . On sait que pour de l’âme hu¬
Kant , c’est l’ima- renvoyaient de lui-même, minimisant ses œ uvres philo¬
sophiques. Cela s’est reproduit, et le fossé a été creusé
) gination qui « schématise » les concepts •

purs de l’enten¬ I
perpétue une
) dement. Bachelard parviendra également à
une théorie de comme à plaisir. Ainsi s’est créée et seuvre . Les philo¬
« l’âme » (pendant de la «
conscience » scientifique) dans perception profondément divisée de son œ
La Poétique de l espace (pp. s) et dans La
4 Poétique de la sophes ont tendu à perdre de vue, ou même n’aper¬
çoivent plus du tout, les connexions réelles et la
rêverie (pp. 13 s) . grande
) On conna î t le développement considé cohérence de sa pensée philosophique . Ils signalent une
rable que ces sans bien la d ési¬
) études sur les images et la poésie ont prises chez lui, au vague unité cachée qu’ils soupçonnent
point qu’il faut les considérer comme gner. Ainsi, F. Dagognet (1965, 50-66) , J .C . Margolin
aussi importantes
que celles qu’il a consacrées à l’épisté
mologie et à la philo- J (1974, 31) , D. Lecourt (1974, passim ) affirment cette

J
m (

E * 44 Gaston Bachelard J y métaphysique bachelaidienne 145


(
(
(
unité, mais plutô t comme une complémentarité, ou
une j lujnanisme (V. Therrien, pp. 1x 3 s, 11g et’épassim ) . Cet
! ,
problématique implicite qu il nous faudrait dégager apr mis sur la méthodologie, comme sur l
coup, mais que Bachelard lui-même n’aurait pas pens ès 1 jccentinterrogations que l’on fait porter presque uniquement
pist émologie ,
I Or, il nous semble que, malgré de nombreuses ée
par lesquelles il maintient soigneusement les affirmations j cette
y [es
Ir mise en œ uvre de méthodes nouvelles, masquent
-
(
(
il affirme aussi souvent et plus profondément l’distinctions , j mode de penser profondément métaphysique de Bache
m unité de sa jjtd, et ses présupposés idéalistes, introduits à la base (

ri philosophie. Aussi, pour nous, les contradictions ne


pas à chercher dans cette bipartition de l’oeuvre sont
travaux poursuivis essentiellement dans deux
séparés, mais, comme le soupçonne D. Lecourt
jjême de ces méthodes
. La richesse du contenu, le matériel
et de : jjaité, et la mise en œ uvre de méthodes qu’on peut dire
domaines ' (jtionalistes par de nombreux aspects, portent taphysiques le lecteur,
(
(
(
, ces ; svec les commentateurs, à accepter ses thèses mé
contradictions sont au coeur de ses thèses philosophiques ; l imagination . C’est prendre sa philosophie esthétique
i'
.
essentielles slir ’
par son côté « épistémologique ».
(

(
: Cette question n’est pas sans importance pour juger
!
i

la portée des travaux érudits existants sur l’œ uvre d’analyse -


Bachelard parle lui même de sa « métaphysique de (
fimagination » (P.E., 5, par exemple) . Cette métaphysique
.

et de critique littéraires, et sur la théorie de l’imagination (


de Bachelard. En effet, les auteurs de ces travaux ; la véritable source de ce psychologisme que reconnais¬
conduits à souligner le caractère essentiellement m éthodo sont sent bien G. Canguilhem (1968, 203-206) et aussi à sa suite (
logique des analyses bachelardiennes, et à en sous
-
¬
D. Lecourt (1974, 111-117) J . .
Lescure é crivait : « Il (
le contenu théorique, en insistant inversement sur estimer est vrai que toute l’œ uvre de Bachelard est m é taphysique
le (
contenu concret. Remarquons que, symétriquement, on et que ce serait n’y rien comprendre que de considérer
pense que son épistémologie se borne aussi à dégager
les l'imagination dont il y est question comme une notion (

enseignements méthodologiques (i.e. « épistémologiques » psychologique, celle qui, dans les manuels spécialisés, est l
f que comportent les sciences à l’égard de la philosophie,
) étudiée entre la perception et la mémoire » (1966, 141) . (
comme si Bachelard ne faisait pas œ uvre philosophique Dans le même sens, J.C. Margolin nous dit : « Pour rester
par là même. Ainsi le contenu théorique de sa philosophie fidèle à notre th èse de l’ unité profonde de la philosophie
passe inaperçu. Cela vient du fait que volontairement ou scientifique et de la philosophie poétique de Bachelard.. .
non, consciemment ou inconsciemment, on partage ces thèses nous reconnaîtrions vite qu’il faut en chercher le lien et (
philosophiques. Ainsi l’on s’attache surtout à la nouveauté de le liant dans une théorie transcendantale de l’imagination
sa démarche et à ses résultats révolutionnaires. On voit créatrice » (1974, 31) . Aussi essayons d’aller droit à la (
l’essentiel dans sa méthode de psychanalyse, introduite en .
thèse centrale de cette théorie L’imagination est pour lui (
épistémologie ou en critique littéraire, ou bien dans sa la fonction spirituelle par excellence, celle qui est première, (
1 la fois originaire et originale1. Elle définit l’esprit :
méthode phénoménologique (F. Pire, C. Ramnoux, J. Ga
gey, J.C. Margolin ) , ou bien encore dans sa m éthode de - (

critique littéraire (M. Mansuy, V. Therrien) , même si l’on 1. F. PIRE éclaire, par cette double caractérisation, la
concep¬ (
en signale les insuffisances (M. Mansuy) . D’autres parlent ’
tion de l image dynamique chez Bachelard : < Il existe des
originaires (cr éatrices) », (
de sa méthode structurale, ou de sa définition d’un nouvel images à la fois originales (neuves ) et
(1967, pp. 166-167) • Ce sont les images véritables . (

(
(
)

i 46 Gaston Iiachej
~~~
IP .ï
; étaphysique bachelaidienne 147

T Tot TexDéHenre
-
jlrgson s il se peut. Comme l’imagination a une fonction
1
*
! 3 11 eXpér Ê
:
i: rAt % ) E s
rture
.
mp

o n cJP
Bachelard la sépare de fa çon absolue de lka ffon vrdi
P *
* Ilce i
»* (
n Pè prprovient
t i o|
|
'
î°
AV
pas du
4) . fl «» «*
elle y va . Il s uti
réel, ene
Vient
cftte thèse
11
?

-trLDISO. UITR
S n
) réel, rejetant ainsi tout déterminisme psychologique ° miniaturede»,1 et9 3 3surtout
° que> a lorice et
1934 « L e Monde comme
*

1
-
fortiori toute d étermination depuis son Lautréamont
MS)ÏÏC il ; I ° T 1

i

à *La xP q e du UA > ;
(le vital, le social, l’historique, le naturel) . « L'imagin W 94 jusqu 4U * uu *Phœ;nix » ' LWgination
1JU 1
T*6 1 1 ? ?
Nous dirfon S îf i
) 1
m p S " jf nouvelle ; elle invente de l’esprit nouveau » (E .R.!
un passage des plus nets à é
cet gard : « vie
pj . En ce
volontiers que la fonction de Tirréel est la fonction > *$
) sens, il faut comprendre que, pour lui, tout
dynamise vraiment le psychisme, tandis que la fonction| *q
réel
.i . •
est une fonction
.. » .
d arrêt, une fonction d’inhibitiiT
’ * w » Ir ? és de
06
leS obs,tacles
complexes es tla
d
«
connaissance objective sont consti
, ae
de m ême tout
meme objet est
tour ooez esr un
ffi 1
<
S comPie images
) une fonction qui réduit les images de manière à |
! bjet imagm é. Rappelons que pour 1 Essai sur la connais-
donner simple valeur de signe. On voit donc i ce approchée, dé jà, 1 objet était un « foyer imaginaire ».
qu’à côté des données immédiates de la sensation il
considérer les apports immédiats ade» lV’imagination » (T. .
;
fl »
i Mes
des
e même de ratome
° n a 9ue des intmtl0nj sont
"
« figures » par lesquelles on s exprime, ou des images
RR
82) . A lire un tel texte, on y trouve l’écho d’ une opjjfr fcf. I A., 14) .
sition bergsonienne bien connue, celle entre l’élan
et l’inertie de la matière. Mais, nous l’avons vu, pout
vital L’imagination joue donc en tout domaine un rôle
) i Bachelard l’imagination n’est pas de l’ordre de la vie ( premier et fondamental : la science la plus poussée réduit
ni les images et le rôle de l’imagination, mais elle ne l’élimine
) de la vie biologique, ni de la vie quotidienne) . Elle
appartient à l’ordre d’ une vie purement spirituelle. P. Quj]- imagin pas. Cela est impossible par principe. Tout « monde » est
é : « L’imagination est l’être même, l’être producteur
let est cependant tout à fait exact lorsqu’il nous dit que :
« L’ imagination bachelardienne est l’ intuition bergsonien
de ses images et de ses pensées » (A.S., 127) . Le destin
¬
cosmique », la fonction cosmologique, de l’imagination
ne » (1964, 118) . L'imagination est donc une pure fonc¬ «
tion : en tant que telle elle obéira elle-m ême à certaines sera
une des thèses principales de Bachelard, à travers toutes
lois, mais elle est tout autant le pouvoir, ou le fait de ses oeuvres . Cela se manifeste au grand jour dans ses
) derniers ouvrages (cf . par exemple, P.R., ch. V, pp. 148 s,
transcender toute loi et toute détermination. Elle est donc
de nature contradictoire. Elle est la racine de l’espri ila < R
êverie et cosmos » ) . « Dans l’axe d’une philosophie
qui accepte l’imagination comme faculté de base, on peut
-
fonction par laquelle celui ci se constitue dans tout domaine
, sur le mode schopenhauerien : « le monde est mon
(perception, mémoire, raison, invention, création) . Toute dire imagination » ( P.E., 142) . On pourrait sur ce point
image est un instant créateur, un surgissement, et inverse¬ multiplier les preuves que pour Bachelard, l’imagination du
ment tout instant créateur (et chaque instant l’est par lecteur, comme celle du poète, l imagination
’ du « rêveur
d éfinition) est image nouvelle. Bachelard parle en ce sens de mots » (P.R., ch. Ier, pp. - ) , n a
de diff érentielle, de nouveauté et d’imagination créatrice 25 47 Pas e cause
(A.S., 9) . Il le fait en un sens encore plus idéaliste que
) 1 . Œ uvre en cours d’élaboration à sa mort en 1962 .

\
fisM l
48 Gaston B 1
dM m
physiqaC bachelardienne 149
(
(
(
psychologique, ni aucune cause réelle : « Ici, ]e
eu ure ne comp e pas... La notion de principe,
D
la n
,
_J I1 initions classiques de l imagination formelle (d éfinitions
...jconduisent à une é tude formelle des oeuvres littéraires) , (

4' n n
* SCjai 1Cl rumeuse L acte poétique n’a rJ 3 fedjoint l’imagination dynamique. L’imagination est alors
J
: ~ ?us aurons à faire mention du ü née d’ un dynamisme « autogène » , libéré de tous les
I
Internes..
J>

df v -
!< U nouve e et d’un
archétype dom ? fenninismes et de toutes les causalités qui deviennent
ZJZ t ' Ti
a u fond
ïT " r» faudra « Les sensations ne sont pins guère que

nVerse il11gr h cause imaginée .


(T.R.R. 8a ) . (
l’éclat d’ une image, le passé lointainr é v v,i5C ! ter
A

r sonne
* *** • pgj gn ce point, il faut attirer l’attention des philosophes (
( P.E., 1-2) . L’on voit que l’imagination « d’é
chos » une théorie de la causalité qui s’enracine lointainement (
est pour Bache¬
du temps. Re¬ pis Aristote, ce que F. Pire pour de voir surtout en
lard le lieu de l application de la théorie sa part exprime de
(
; marquons que nous avons aussi ici un
exemple §façon suivante : « On a peut-être tort
contradiction métaphysique dans laquelle Bachelardde» * la {Bachelard un rénovateur, sur le plan imaginaire, de la
fcl P ode des quatre éléments. On
pourrait aussi bien dire
lui-même placé : l’opposition de « l image
absolument TIOIIVPPP
absolument
’ -» - nom<
nouvelle, et de l’image-archétype, et la .
PR dp ,
«»
,e e
,
_
iiSCSt », 9
| UU fl a*
* remis à la mode , dans sa phase déterministe, la
(
1 tique qu’il va indéfiniment déployer entre dialec¬ | gjéorie des quatre causes ’d Aristote. A la cause formelle,
ces
ces, est le développement même de cette deux instan fnvilégiée avant lui, il adjoint la cause matérielle par sa
'


lit initiale. Car pour lui, il y a des images psychotro contradiction | ychanalyse élémentaire, et, si le dynamisme de l’imagi-
; images privilégiées, qui dynamisent le psychisme pes , des ption joue le rôle de cause efficiente, le monde que la
c
d’autres, des images-mères, vraiment originales plus que Iverie et l’image tendent à créer est bien une cause t
naires. L’inspiration jungienne est un fil et origi¬ pour l’imagination active » (1967, 82 ) . L’hypothèse
conducteu r pour fnaleséduisante . Elle ouvre la voie à des recherches, surtout
suivre sa ligne de pensée. P. Quillet (
Remarquons encore que, malgré ce 1964
) l’indique bien. | t
qu’il dit dans cette |l’on se souvient de l’analyse et de la critique bachelar-¬ (
première page de La Poétique de l’espace, de la causalité physique et de la causalité intellec
hension des images demande une « culturebonne
la compré¬ diennesdans La Dialectique de la durée . La philosophie de (
», ce dont fl tuelle
est lui-même une preuve ! Aussi toute sa lact é, la suprématie de la causalité formelle, tout indique (
? thé
de la tension qu’il introduit entre la d éfinitionorie vit-elle jjci un centre de la philosophie de Bachelard qu’il y aurait
;

comme nouveauté essentielle et absolue, et la d éde l’image Irand intérêt à approfondir. Nous laisserons ces questions (
lois de l’imagination . Mais si l’imagination finition de ouvertes. =(
obéit à des
lois (cf. M. Mansuy qui les a répertoriées, , 163-167) ,
ce sont ses propres lois. Elles définissent 1967
(
Quoi qu’il en soit, il ne peut faire sa part à la fonction
essentiellement de l’irréel, à cette liberté transcendante de l’imagination et (
une imagination dynamique, mieux « dynamisante ».
bonnes images sont des inducteurs d’images, de véritables Les de l’esprit. Dans son style, nous pourrions dire que cette (
opérateurs, au sens quasi math é matique du terme . fonction de l’irréel, cette imagination, gagne forcément le
. A l’ima¬ champ entier du psychisme et de la culture. L’on comprend
gination matérielle, celle des éléments, qu il
’ oppose aux que, jugeant son esthétique, E. Souriau ait pu estimer (
; (
(
L
) m
)
) Gaston B âche ar j ï fia mé taphysique bachelardienne
)
: 150
<
151

)
que Bachelard était « plus idéaliste que le plus id
é 5 Lne émergence de l’imagination » (A.S., 283) , il faut donc
.
des esthéticiens, Benedetto Croce » 1 E. Souriau s’ aliste
. vigilant. Les résonances psychanalytiques que
) en écrivant : « La matière dont nous parle cette esthé expliq être très
voir », les interprétations « structuralistes »
ifon peut y « plaquer
) qui se veut, qui se proclame attentive plus que tique sur de tels textes, masqueraient, et
autre, .à la cause matérielle, trop souvent omise partoute
que l on peut
)
. . , -
iciens, n'est pas cette matiè
esthîéticiens Fai 1
ère concrète que manipule
manipu]e
J£s
f
f pensée de Bachelard
idéaliste que tout le contexte de la
- prolongeraient, le sensindique
: de tels passages signifient
et dompte
omp e , l artiste dans les luttes vitales de l’
créatrice : c’est iniquement action 1 . que c’est l’esprit qui commande à la matière, que l’homme
) uniquement une matière rêvée » (( ibid.) . $;
Si h dans ses créations se situe par-delà tout déterminisme, y !

) les analyses épistémologiques faites dès


1927 se sont révé¬ compris psychologique. L’esprit est émergence... hors de
lées reposer, dans leurs conclusions principales, sur
des la ligne vitale. Il y a escamotage des sources inconscientes
présupposés philosophiques idéalistes, repérables à
certains de l’imaginaire (cf . le désir chez Freud) . Aussi, les meilleurs
endroits bien déterminés o Bachelard introduisait
inflexions et des renversements typiques, nous des commentateurs ont-ils raison de signaler
, loin
au passage, encore
de s’opposer au
JUS voyons qu' j] j que timidement , que Bachelard
est4 de mêAme' en esthé£ *tique- et• en philosophie il
)
en
PT
de Bergson , cherche au contraire à le
ï dessein é
) /3O »»

de m taphysique
)
-
l’imagination. Mais est il utile d’insister quand
lien étroit qui existe entre sa philosophie du
..
land on aa vu le ie f* réaliserde dans un contexte renouvel é. D ’ailleurs, il prend
) J ..
temps et sa soin nous le dire lui-même : sa philosophie de l’imagi¬
) philosophie de l’imagination ? N’est-il pas clair qu’il pour¬ nation et de la volonté a pour objectif , nous explique -t-il
suit les mêmes buts idéalistes en épistémologie géné
rale en 1943, de « multiplier le bergsonisme » (A.S., 291) .
Dé jà La Dialectique de la durée... (cf . ci-dessus, p. 116) .
'

)
butsa de
uc tout
-
et en esthétique générale ? Est ce que ce ne sont pas
les
) tout id
idééalisme .
alisme ? 1 pe même, en 1933, il parlait d’ « élargir le bergsonisme »
Dès lors, il faut le prendre très au sérieux quand il (LA-
f partie 24
) • Tout le premier paragraphe de la deuxième
de la conclusion de L’Air et les songes (1943,
parle
le de la « possibilité » (('noter la
h nmnre
nuance ai
ainsi introduite) I pp. 289-291) se place sous le signe insistant de ce bergso¬
de « formuler une révolution copernicienne de l’imagi¬
nation, en se limitant soigneusement au problème psycho¬ nisme multiplié. Quand, donc, F. Pire écrit : « Il n’est
logique des qualités imaginées » (T.R.R., 81) . C’était la bergsonien que dans ses derniers livres » (1967, 190) , il
même « révolution copernicienne » qu’il réalisait avec l’ap- nous semble réduire le mouvement constant de la pensée
proximationalisme en épistémologie ou philosophie de la de Bachelard et les buts réels qu’il se propose et atteint :
) connaissance. Quand il écrit : « Il n’y a pas de réalité en effet, constamment, dans sa prise de position par
) antécédente à l’imagination littéraire. L’image littéraire ne rapport aux autres philosophies, Bachelard procède en deux
) vient pas habiller une image nue, ne vient pas donner la moments : 1. déclaration de séparation et de critique,
parole à une image muette. L’imagination, en nous parle, polémique ouverte, etc., 2. reprise de la problématique
nos rêves parlent, nos pensées parlent... Elle représente et des solutions antérieures, au moins dans leurs principes.
) Ainsi en est-il avec sa philosophie du temps, sa conception
.) 1. E. SOURIAU : « L Esth étique de Gaston Bachelard » , iri
de l’esprit, ses analyses de l’imagination. Il reproduit sous
) Hommage à Gaston Bachelard , Annales de l Université de Paris, une fonne apparemment bouleversée les solutions fonda¬
1963, p. i ç . mentales traditionnelles dans l’idéalisme dominant de la
.)
)
1
152 Gaston acheJar | |
(
mé taphysique bachelardienne 153
philosophie française depuis le début du xix'
rompt mais en restant à l intérieur de la mê siècle, é| flDe doctrine idéaliste de la liberté et de l’esprit : théorie
tique . Sur le cas de l’ imagination, on s aper
me problème I gjju temps vertical, forme indépendante de toute matière,
ç
il approfondit les oppositions dont vivait oit qu’en fait i
'où toute une série d’ illusions spéculatives : composition
idéaliste : opposition entre imagination la |
philosophie interne de l’instant ponctuel, psychologie exponentielle, etc.
et raison, entre
activités de l’esprit et vie, entre le pr
l acte) et le passé (histoire) . Il
’ ésent (l’actuel et Or, que constatons-nous dans la philosophie de l'ima-
maintient les diff é ; gination ? Une répé tition de ce même encha î nement de
(.
mé taphysi ques au sein de ses analyses rences
concrètes qyj |! pensées . D’ une part, une étude concrète des images dans
apparaissent souvent comme ayant

(
un
rialiste. Nous pouvons donc confirmer Lconten u très maté¬ II tous les domaines où s’exerce le langage : langage écrit,
son jugement : le pôle dominant est . Bruns chvicg dans | langage lu, rêveries sur les mots, études critiques des
c’est l’idéalisme. nettem ent désigné et 1 » termes imagés ou métaphoriques dont use le langage
; : scientifique . Des images résiduelles, des possibilités de
Notre conclusion est donc claire : nous 1 . métaphores, des obstacles verbaux ou mentaux, gîtent

même tension et les mêmes contra trouvons la j dans tout concept scientifique lorsque celui-ci est désigné
dans la philosophie de l’ imagination que fondamentales ] par des mots. Bachelard passe de là à l’étude minutieuse
diction s
I
temps. Dégageons-les bien. La philoso dans celle du |et concrète, « matérielle » , des images en général , mais le
phie
consistait, d’une part, à accepter les concept du temps domaine de prédilection est la poésie. Cette dernière brise
ions nouvelles ; le langage usuel, rend les images verbales à leur mobilité, à
des théories physiques sur la structure
discon
matière, de l’énergie, de l’espace, du temps tinue de la leur créativité, fait rêver les mots : voilà toutes les relations
certain niveau de connaissance de la réalit , etc., à un et transformations imaginaires libérées, toutes les corres-
rieure. D’o le contenu concret, scientifique é physiq ue exté¬ i pondances possibles, des matières et un cosmos purement
de toute une partie des réflexions et matérialiste ;| inventés. Bachelard s’ouvre ainsi aux enseignements les
le temps, sur l’espace, etc. D’où égaleme bachelardiennes sur j plus concrets de l’écriture poétique qui use de ces pouvoirs.
sa critique du bergsonisme et de toutes
nt la portée de Mais nous constatons que Bachelard s’empare de ces décou-
les
continuistes du temps, de la durée, etc. (cf . conceptions I vertes récentes detaphysi la poésie et procède, là aussi, à une
sa critique du interprétation mé que ou plutôt, comme il dit
temps comme forme transcendantale
a priori selon Kant, ] parfois, métapoétique
« » de cette activité de création
D.D., 25) . Mais, d’autre part, on a constaté qu’
à un véritable « saut » métaphysique dans il procédait ] poétique . Il y voit la manifestation d’ une activité « pure » ,
absolue : celle de l’instant. Il transformait une « intuition » l’acte d’ une imagination transcendante ou transcendantale,
connaissances scientifiques relatives en thèses alors des I autog ène, libre, etc. Il y voit la force même de libération.
remplir l’intervalle ainsi instauré par lui entre une
soutenait systématiquement sur un plan absolues qu’il
; . Pour
explicite, et auxquelles il donnait mé taphysique i imagination définie comme libération absolue et des images
une valeur universelle. i produites concrètement dans des oeuvres historiquement
Il disait la discontinuité du temps (du temps 1 déterminées (Rimbaud , le surréalisme, etc .) dont il n’ inter¬
absolue (ce sont ses propres termes : « Caracpris t
en soi)
ment discontinu du temps » , I.I., ) .
è re absolu¬ roge pas le sens culturel et social, mais seulement le sens
38 Cela le conduisait à « psychologique » , il entreprend de constituer une « fantas-
Kl

t é taphysique bacheIardknne _

-
* 55

1-
* 54
Gaston B âche!#,}

No
fU
-

TantHl
,an,6t 'autre
'
_
i»prime * «que

u I.
imagination pUre . "'*
; . \e second ... Un u courant permanent relie donc les
éloignés, , et c0 lraires *
" f f* " > , * •
psychologieexponentielledVcog d e n t i f i p u e A \ r
encore il nmircnif
o scientibque répondeiiM IWnent mieux décrire la
LUë 0
contradiction interne de la
-
Z% Su rSZZT ; < *** £$ Iniques
positions philoso
i
i - J „.
« cogito » du
t
terme à terme l« * •

„t. T17
rêAveur (/ch . IV, ibid.) .
de
«
reverie) et jg m é
S ie » de ll’œ
de Bachelard, de
taphysiques
uvre n’est due
npiivrft
ses
et idéalistes. La fameuse « dicho-
que l’expression de l’impos -
| , de surmonter la contradiction entre les theses
Ses deux principaux discours (épistémologique et eciu an¬ ilité et un contenu qui qui a vouluvouiu ê tre le
eue xc plus
Piu >
m V tique) sont plus qu’ homologues : au point de vue
sophique, il n’y a qu un discours et ce discours pmioso
nhlS fconcrct
J métaphysiques
nyl ®Ignore1 pwwiuiu possible, embrasser _
les _ contenus scientifiques et
- culturels de son temps. La dualit
a. é ] P l’œ
de uvre
cpnvre ,
. ou plut ôt sa
i --
phique est id éaliste. C’est une véritable philosophie de
1 1 T n

épistémologique
f

, ni l’œ uvre esth é¬


l’ esprit à la hauteur de son temps. D’où toutes les pluralité (car ni l’œ uvre l on dit) est la manifestation
correspondances que l’on peut trouver dans les diff érentes tique n’ont la belle unité que ’ ucs thèses
une forme aliste, dans
idééaliste uam des
parties de ses oeuvres. F. Dagognet, nous l’avons dit, s’y E ui traduction sous
arrête dans son petit ouvrage de présentation rapide : fl un contenu
IdéalistesÜ, dU’ un
pallSIC u . concret et donc matérialiste La
profession d’idéalisme de Bachelard est partout répétée,
y consacre une quinzaine de pages qui signalent l’impor¬ é à transposer les enseignements
tance de la question. En particulier sa longue note 2 des et tout son travail a consist
)
Matérialistes nouveaux , apportés par le xxe siècle dans un
pages 62-65 montre bien qu’il h ésite à parler d’ une philo¬ , en un discours idéaliste et
)
sophie chez Bachelard. « Au terme de son oeuvre, Bachelard certain nombre de domaines
) développera la philosophie de la dipolarité et de la franche une philosophie de l’esprit.
dichotomie. Animus et Anima, jour et nuit, tension de
l’organisation et détente du repos heureux... « Seulement,
ajoute encore F. Dagognet pris par une sorte de remords,
) l’ évolution du vocabulaire et des problèmes témoigne
toujours en faveur d’ un parallélisme constant ; la disjonc¬
) tion finale, salutaire méthodologiquement, ne peut pas
submerger les vivantes correspondances, empêcher les
) ? communications. Les deux mondes se reflètent l’un

1 . J . LESCURE, un de ses amis qui l’a le mieux connu, écrit :


) « Peut être pourrait-on lire La Poé tique de la rêverie comme une
Critique de l’ Imagination Pure. Bachelard eût sans doute préf éré
) à ce titre celui de « fantastique transcendantale » qu’ il empruntait
parfois avec gourmandise à Novalis . Il citait Novalis : « De l’ima¬
.) gination productrice doivent être déduites toutes les facultés,
toutes les activités du monde intérieur et du monde extérieur » .
)
I (Cf . LESCURE, p . 142 ) .
)
. )
4
i
mi (
(
jL métaphysique bachelardienne
J S7 (

jont des valeurs éminentes de la vie de l’esprit humain


:
{jjes l’
élargissent, l’ouvrent. Elles sont, simplement parce
; jr -uenouvelles , vraiment nouvelles, des valeurs d’enri -
[I glissement.
, dans l’ensemble de la philosophie de Bachelard,
CHAPITRE V 1 Aussi
,

me que la conception du temps sert à supporter une


i mê
je
th éorie idéaliste de l’esprit et de la liberté, de même la
! UNE CONCEPTION IDEALISTE conception
philosophie de l’imagination, conjointement à laéfinition
DES VALEURS | e l’esprit scientifique, donne lieu à une d des
valeurs que Bachelard appelle « valeurs de culture »,.
valeur de la culture scientifique, et de la culture poétique
i

Le complément direct de cet ensemble de


forment une métaphysique et un idéalisme thèses qui P'où l’apparition fréquente, on peut m ême ’dire régulière,
nouveaux est plans son épisté mologie et sa philosophie d une vé ritable
une philosophie des valeurs. Dès l instant [ doctrine des valeurs, qui semble éminemment paradoxale
où la raison et
l’imagination sont ma î tresses de formes qui chez quelqu’ un qui a écrit tout un ouvrage : La Formation
matière, formes qui sont essentiellement desordonnent unè Je l esprit scientifique, pour dénoncer toutes les valori¬
sées » , définies comme ind épendantes de la mati formes < pen¬
ère qu’elles sations n éfastes qui entravent l’accès à la connaissance
« transcendent », dès cet
instant, la puissance d’ordinatio
n objective. Mais il n’effectue cette critique des valorisations-
apportée par la raison, la transcendance
assur ée par l’ima obstacles que du point de vue de valeurs nouvelles, comme
gination, dynamisent l’esprit en l’ouvrant nous venons de l’indiquer rapidement. Cette philosophie
¬
à une nouveauté
essentielle : elles sont des valeurs éminentes. des valeurs prend son point de départ, comme bien d’autres
bachelardien de la philosophie des valeurs pourrait sL’é’axiome thèses bachelardiennes, dans l’épistémologie, plus précisé¬
ainsi : la nouveauté est valeur ; la répétition noncer ment dans l’idéalisme épistémologique. La thèse fondamen¬
est habitude,
sommeil, aussi bien de la raison que de l’ tale est ici la suivante : les connaissances scientifiques sont
L’ une comme l’autre sont conçues par imagination.
Bachelard comme des « valeurs de culture », dites fréquemment « valeurs
pouvoir dynamique autonome. Et
elles sont activités for¬ épistémologiques » ou valeurs de connaissance. Ces valeurs
melles, activités « libres » qui « informent » de culture sont opposées aux « valeurs de conviction » (cf.
quelle que soit celle-ci. La raison est « une matière, RA., 105) . Par exemple, les valeurs de conviction sont
inductive », le
rationalisme est informateur. De même, l’imagination celles qui sont attachées aux « faciles déclarations philoso¬
« forme » des images
nouvelles, des images qui sont dites phiques de l’ unité de l’esprit, de l’identité de l’esprit »
aussi « inductrices », « créatrices » de vie
veaux. Elles tonifient le psychisme. Le nouvel et d’esprit nou¬ -
(R.A., 104 105) . Ainsi Bachelard défendra constamment la
valeur éminente du rationalisme enseigné par la science
tifique qui a rectifié l’ancien constitue de esprit scien¬ contemporaine. D’où la valeur du rationalisme enseignant
ce
une valeur absolue par rapport à ce dernier fait même (
(ch. II du Rationalisme appliqué ) . Le chapitre III examine
les images poétiques nouvelles qui dépassent. De même, les valeurs du « corrationalisme » qui s’institue dans la (
et sensations empiriques banales du langage les images « cité scientifique » . L’ id ée essentielle du chapitre sur
quotidien,

L
(
)
)
) Gaston
i 58 Bachelafi étaphysique bachelardienne 159
)
)
) sant. Elle donne,, pour le moins, au suiet
v«**
noncée dès le début : « Toute valeur divise le iVJ suiet
sujet
sujet l histoire
W
est a
*
valdri
- -WW for 1, "

>« ,» *
T ,.
fimagination en ëénéiab sont é
images : élémentaires
7galement
, et eut
couronn ées par
large-
lst Ire de véritable « é thique » de l’(imagination , et, plus
). sa valorisation ; le sujet a alors un cass
passé dedp ° llfle
, de la rêverie. Cela se fait- explicitement espace
opposer à un présent de valeur. Il a conscience -valeur
nonn va oit ovr liVitpmpnt dans les
d’ jjjent
ouvrages intitulés Poétiques : La Poétique de l
)
existence hiérarchique » (R.A.. 6c) . On rpmamavoir
le temps intervient - .
,J uue (jgux

comme une- donnée essentielle de qyç tout d’abord en 1957 , puis La Poétique de la rêverie en
o. Bachelard y réalise un manuel de la rêverie
bien
) incuiic ues valeurs de
connaissance comme valeurscette t ç6
l’imagination, il
.
culture Tout passé est dévalorisé, tout présent ;
de faite.
Été. A partir de sa m é taphysique de
)
Dans ces chapitres du Rationalisme appliqu valorisé définit en effet les règles de la « sublimation pure », cette
) ne peut manquer d’être frappé par la place é, on .sublimation qui ne sublime rien, qui est délestée de la
ée des désirs »
) ces développements. S’y déploie un ensemble prise par charge des passions, libérée de la pouss
dérations « normatives » auxquelles il tient de consi¬ | p.E., 12) • Cette déclaration est choisie parmi mille autres
)
ne peut guère le comprendre qu’en y voyant beaucoup. On que l’on pourrait prendre. « La sublimation, dans la
) par Bachelard, sous une forme rénovée la reprise poéésie sie, surplombe la psychologie de ' l’
âme terrestrement
et qui semble fpo ,r* n
ïgalheureuse » (P.E., 13') .
1
cacne ard onwimp narfmit nnp
enseignepartout une
) normale chez lui, d’une discipline longuement d bonne
par ses prédécesseurs, Lalande et éfendue f , technique » de la « bonne » «nagi « »
) Brunschvicg 1 technique est
. -
pie : la logique entendue comme par exem pyerie, des images « bien » faites : cette
science normative La une phénoménologie
) considération du nouvel esprit scientifique comme une « rythmanalyse » qui passe parnom énologie à sa ma¬
) épistémologique s’introduit partout. La tâche « m valeur de l’imagination. Il reprend la phé psychanalyse autre¬
étapsy¬ nière, tout comme il avait fait avec la
chologique » qu’il poursuit (R.A., ) fait de
)
passages où il traite de la « psychologie64 tous les fois. Mais il n’y a pas conversion. Dans toutes les grandes
) de la pensée doctrines, il trouve matière à introduire sa réflexion et
)
)
« morale scientifique ». A
_
scientifique » un véritable ensemble de

-± .? Le sens
lard donne à cette « psychanalyse » de la~
wv*
textes de ses conceptions. Il pratique donc la rythmanalyse de l’esprit
cet égard, qu’est d’autre imaginatif
La Formation de l esprit scientifique que
/
, qui est un véritable envers de la psychanalyse
Bache de l’esprit scientifique. Par cette technique de sublimation
¬

objective, c’est précisément de constituer une connaissance dans la fréquentation des poètes, du moins d’ un certain
) de la science ». Sans que nous puissions davantagemorale
«
nombre d’entre eux qu’il prise particulièrement, il atteint
l’exa¬ », qui est corrélatif d’ une éthique
miner ici, c’est à toute une éthique rationaliste que travaille au « bonheur de rêver
. Le dynamisme de l’ imagination,
Bachelard. En 1957, il écrira encore, dans une totâle delà solitude méthodiquepsychisme une « force ascension¬
)
fidélité avec lui même, un chapitre pour l’Encyclopédie bien conduit, assure au
-
) française sous le titre « Le nouvel nelle » qui le libère pour une vie purement spirituelle.
la création des valeurs rationnelles » 1.
esprit scientifique et Il lui donne un équilibre, loin de tout souci terrestre et
) quotidien, et réalise ainsi une « philosophie du repos » que
) 1. Ce chapitre est reproduit dans le volume L Engagement plus rien ne vient troubler, et que Bachelard visait dans
rationalisme, Paris, P.U.F., 1972 (pp. 89-99) , <î u réunit divers La Dialectique de la durée dès 1936. Citons un passage
) articles et écrits de Bachelard. ' de i 960 : « Quand un rêveur de rêveries a écarté toutes ;
)
)
)
)
1
- (
160 Gaston Bariw l fajné taphysique bachelardienne
.
161 (
c
. préoccupations » qui encombraient la vie quotid;
soucilsi I
les km usage des images et cette
éthique de la solitude (
m
.

de l imagination
anfrp 1 S
CJ * souc* lui vient du
aC
autresç quand il- i est vraiment l’auteur de sa
êveuse qui couronne une réhabilitationle « rationalisme » (
solitude n Ei a surpris tout le monde. Comment
s’accommoder de
' ,7 contempler , sans compter les heures S* | du nouvel esprit scientifique pouvait-il
(
*
ç ujliyers
> sent, ce rêveur, un être qui kte éthique ? Telle est la question que tout le monde (
Personne n avait vu ou voulu voir
i •
ou am un tel rêveur est rêveur de Pose - a*s cest que
( P.R ., ). 148 mond
]a philosophie de l esprit et la morale
’ scientifique de c

,
pachelard. Sur cette voie d ailleurs, il allait très loin . Toute
rnfinnnl
(
raliona
istet
«j*., STSET n
r cfp
1/ * J L

c
-$t? 1 # *
* ~ *

T L/1-Tfr
y q
. : ** > :: d avoi;
*ricL „’ „:
«
r t° t r Est
3
i

éthique de la solitude et de la rêverie. En un


l ensemble des travailleurs commençaient d’acctern ,
Vf # don,f.
i âme
,.
vIeclfUI .
» . Il n’hésite pas a réintroduite a côté de la notion
Œ
k
ntton (

JaHI lIste -**


éde
droit aux loisirs (1936) , il était normal , de dé
.
une philosophie du repos ,. Nous ne nous . .
. vdSi
«Prit < W P313 1 c0
(
! ’ esprit » scientifique)* celle
pos ve
, 11 ? Iw
plus poéutique d âme. (
pas sur le plan de ces rapprochements
reproches que l’on pourrait faire à une philosophie ta
facta, ' *
i 9
t S » ??
« es ,m3geS ’ 1. Æ ïffl'SS
? ? 'T
'

;
jjnsvcholoaie ne
(
c
ipeu mobilisatrice
mtjLiniaauicc . Ce e sur quoi
quoi nous attirerons l’attenta
a *
loe valeurs J _ . ilattention P
XwnPguère de la dualité des mots âme et esprit (
est tout autre DP m
antrP . De m ême
mn que les
de culture sont fg
rtnp ..
,

fondamentalement, pour Bachelard, les valeurs épistémo m0t âme est un mot immortel . Dans certain poèmes (
logiques .issues
o uvo de
tav, la acicmjc
science produite
proauire par la raison 1Ë
- ! jest
a ML ineffaç< able. C’est un mot du souffle » (P.E., 4) . (
ü id

mathématicienne, et qu’elles doivent exclure les - ,


Et il défend
.- V
cette idée qu’il y a « un sens à parler d’ une
antivaleurs » (P .E ., 5) . Que les philosophes
les valeurs phénoménologie de léâme
que sont l’empirisme et le réalisme, de même ’
psychologiques de la rêverie sont fondamentaleme
nt des rationalistes aient ét déroutés, on le comprend. Que les (
règles pratiques pour une vie heureuse, celle de l’
esprit
philosophes spiritualistes n’aient pu l’accueillir, lui qui a (
imaginatif solitaire . Or, que nous dit-il ?
Qu’elles défendu avec tant d’ insistance le rationalisme enseigné par
destinées à se substituer aux « passions » et aux désont % science, on le comprend aussi. Le statut de la philo¬ (
aux soucis et aux besoins créés par un monde sirs, sophie des valeurs de Bachelard et les questions qu’elle
dans lequel
nous ne conna î trions qu 4 u’ une
une situation malheureuse
Diiuauun « maineureuse » ?
soulève reviennent à demander quel type de rationalisme
Oui
Qui ne n û :
voit que le rationalisme 1 l
classique 1 est le sien . Nous retrouverons donc cette question quand
autre chose en matière d’éthique, ni dans d’autres
DI 4 UC ne disait pas
eid 0
UC uisau

termes, nous en arriverons à déterminer la spécificité du rationa¬ c


de Descartes à Kant ? Jusqu j 04 ’au
«
milieu uu
au mmeu
; U du xx siecie
U
siècle. la
la
lisme bachelardien. c
1
nno o IAI
T. - 1 i-II
-
quasi- totalité de la philosophie française ’*a pas
A 1« / p

n
.
enseigné
autre chose en vu mati è.re. de
vxc morale
ixxuuuc . Les
iixaviv iv lues termes
mêmes, mais Bachelard a changé quelque chose : au bon
termes sont les les c
usage de la raison contre les « passions » , il adjoint
le c
c
(
TROISIEME PARTIE

LE DEVELOPPEMENT
DE LA PHILOSOPHIE
BACHELARDIENNE
ET SES CONTRADICTIONS

I
m
c
c
(

I
(
c
(
CHAPITRE PREMIER (
(
(
LES VERSIONS BACHELARDIENNES
DE LA DIALECTIQUE

S il y a une métaphysique de Bachelard, qu’en est-il


;des dialectiques qu’il voit partout présentes et agissantes
dans la science ? C’est la première question fondamentale¬ : il
'
que nous avons posée et que nous pouvons aborder main (
tenant. L’on admettra peut-être, au vu des arguments
précédents, l’existence chez Bachelard de conceptions
métaphysiques sur le temps et l’imagination, et de concep¬
tions idéalistes sur l’esprit et les valeurs, et cependa nt
ions
continuer à hésiter sur l’ importa nce que ces concept
ont dans l’ensemble de sa pensée. Comme il d éfend un (
rationalisme qui s’éduque et se réforme dans ses appli¬
cations (dans sa pratique) , il décrit du même coup des (
dialectiques réelles dans les domaines de la pensée et de (
activité humaines qu’il a étudiés. En effet, il se limite
à quelques domaines : l’épistémologie des théories scien ¬

tifiques abstraites, la psychologie de l’esprit scientifique, la


psychologie de l’imagination poétique. Il n’aborde gu ère (
les probl èmes d’ insertion sociale de la science et pas du (
put ceux de l’insertion sociale de la poésie. « Nous n’avons
pas à décider des valeurs morales de la science... Quelles
seront les conséquences humaines, les conséquences sociales (
de la révolution épistémologique (celle du nouvel esprit (
scientifique) ? C’est , là encore un problème que nous
(
(
)
)
)
Gaston te développement de la philosophie bachelardienne 167
) i 66 Bachelard
) surprise en surprise. Bachelard utilise très souvent le 1
n avons pas à envisager » (R.A., 104) . Nous ne pouvons
£erjne « dialectique » . Celui-ci est même devenu envahis¬
*
) pas conclure, avant l’examen de ce qu’il entend par
dernières œ uvres épistémologiques. Les dialec
sant dans les multiples
) « dialectique » , que sa méthode est encore mé taphysique i
'

tiques sont et très variées : « Les dialectiques


¬

) quand il nous parle de la raison, des concepts, des théories


scientifiques, de leur histoire et de leur formation, comme
1
I fourmillent
; » , dit-il lui-m ême ( M.R., 212 ) . On n’en
pas de relever toutes les occurrences du mot. Il
) elle l’est lorsqu’il nous parle du temps et de l imagination 1 estRirait
présent sous toutes ses formes verbales possibles. A
) de l’esprit et des valeurs.
jgôté du substantif , on trouve fréquemment l’adjectif , le
) On pourrait insister sur le caractère très souvent dialec¬ verbe « dialectiser », l’adjectif « dialectisé », le néologisme
) tique de sa pensée, en se fondant sur sa souplesse, sur < dialectisation ». Cela pose de rudes problèmes. Donnons
) son esprit d’ouverture, sur son pluralisme, sur son esprit une idée de l’extension des sens du terme en procédant I
philosophiquement polémique, sur son souci d’éviter toute j à une rapide classification. j
) position unilatérale de thèses simples, de concepts immé¬ On peut distinguer : 1. les dialectiques objectives,
) diats et absolus. Le dépassement des problématiques idéa¬ celles de l’objet scientifique, par exemple entre matière et
) listes classiques de la philosophie semble bien être sa rayonnement, entre ondes et corpuscules, entre matière et S
démarche constante lorsqu’il aborde les problèmes parti¬ énergie ; 2. les dialectiques entre méthodes scientifiques
) culiers de l’épistémologie, l’histoire des théories scienti¬ particulières, entre mathématisation et expérimentation,
) fiques et les problèmes de philosophie des sciences. Peut- 1 entre analyse et synthèse, entre division et composition,
) être faudrait-il alors envisager une autre « coupure » chez entre description et construction (ou ordination ) , entre
lui, que celle toute relative qui existe entre l’œ uvre épisté¬ concepts et instruments (ou techniques) , entre « induc-
) mologique et l’œ uvre esthétique : ce serait celle qui sépa¬ tion » et application ; 3. les dialectiques épistémologiques
rerait ses essais « métaphysiques » que nous avons utilisés j générales, entre raison et réel, entre rationalisation et réali¬
jusqu’ici, et ses ouvrages d’épistémologie. Mais nous avons sation, entre approximation et rectification, entre connais ¬
dé jà protesté contre cette démarche qui consiste à écarter sance commune et connaissance scientifique, entre abstrait
) l’examen de ses véritables positions philosophiques par une et concret, entre singulier et général ; 4. les dialectiques
) division de l’œ uvre faite a priori. Toutes nos analyses entre philosophies des sciences : réalisme et rationalisme,
)
précédentes indiquent qu’il ne saurait être question de empirisme et idéalisme, positivisme et formalisme, conven-

recourir à cette solution de facilité. Il faut donc prendre tionalisme et pragmatisme ; 5. les dialectiques objectives-
) au sérieux toutes les dialectiques dont il parle, et poser subjectives : entre science et technique, entre le savant
) le problème d’ une conception proprement bachelardienne
de la dialectique, dialectique qu’il fonde sur l’analyse de
J
individuel et la cité scientifique, entre nature et culture
) (R.A., 32) ; 6. les dialectiques purement subjectives ou
la science du xxe siècle et qu’il utilise ensuite pour faire psychologiques : entre raison et imagination, entre les
) l’histoire des théories scientifiques. obstacles qui vont par paires (quand on évite un obstacle,
j on tombe dans un autre, F.E.S., 20) , entre les instances I
)
Cette dialectique se formule dans la fameuse notion
) de rupture et dans la théorie des « récurrences historiques » divisées du cogito scientifique dans la surveillance intellec
tuelle de soi, dialectique animus-anima, dialectique du
- !
) (A.R.P.C., ch . 1) . Or le lecteur de son œ uvre va de
y
)
_ _
(

1 (
(
i 68 Gaston BachejM 169 (
lé développement de la philosophie bachelardienne
(
jour et de la nuit, des concepts et des images, du réel
et jeur manière » , que « leur dialectique est objective » (
de l irréel.
On le voit la classification est pratiquement intermi¬
(T.R.R -, 26) .
nable. On se réf ère le plus souvent à quelques exempt Ainsi Bachelard utilise la notion de dialectique très (
privilégiés ou à quelques formules plus frappantes | librement et en toutes sortes d’occasions. Certains emplois
q(j ; (
d autres : dialectique entre raison et réel, th éorie et expé¬ du mot ne rentrent d’ailleurs dans aucun cadre. Il y a un
rience, concepts et images, valeurs et faits. Dans lj§ certain usage sauvage du terme « dialectique » chez Ba ¬ (
domaine de la pédagogie, on peut parler d’ une dialectique chelard . C ’est donc une saine règle de méthode que (
du rationalisme enseignant et du rationalisme enseigné propose G. Canguilhem, quand, pour sa part, il essaie de (
(R.A., ch. II, F.E.S., 242-249) . Dans le domaine dé tse refuser à confondre aventureusement les mille et une
l’imagination, les dialectiques sont partout aussi : la mobh acceptions d’ un terme devenu aujourd’hui à tout faire » (
lité des images fait même du domaine de l’imagination le 1(1968, 196) . Protestation qui se retourne contre Bachelard (
royaume où les dialectiques les plus subtiles, les mariages jui-même que l’on peut légitimement accuser d’ un emploi
les plus étonnants des qualités contraires, vont être la prolif érant et trop anarchique du terme. Il a joué des (
règle. Donnons un exemple rapide. Au premier chapitre /facilités que lui donnait le mot « dialectique », cela est (
de La Terre et les rêveries du repos, Bachelard esquisse,' jpr. Il l’a fait très intentionnellement, sur le mode de (
propos des « rêveries de l’ intimité matérielle » , les dialec¬ l ironie champenoise qu’il manie volontiers. G. Canguilhem
écarte les équivoques, marque les diff érences à établir entre (
tiques (quantitatives) de la grandeur et de la petitesse.
Il parle de la « contradiction géométrique du petit qui dialectique hégélienne ou dialectique hamelinienne et dialec¬ (
est intimement grand » (T.R.R., 19) , de la « dialectique tique bachelardienne. En effet, par-delà l’ ironie malicieuse (
de l’extérieur et de l’intérieur » (T.R.R., 21) , des « diales qu’il y met, Bachelard cherche à faire un usage sérieux du
tiques qualitatives » des couleurs. « Une image vit de la terme qui le rapproche de Hamelin. Son premier mouvement (
contradiction d’une substance et de son attribut » (T.R.R., est d’écarter d’abord les dialectiques qu’il estime trop logi¬ (
23 s) . Dans les m êmes pages, il nous dit qu’il faut lire ques, et trop massives : « La philosophie du non n’a rien à (
« dialectiquement » les images des poètes (T.R.R., 22- , voir... avec une dialectique a priori. En particulier, elle ne
23 peut guère se mobiliser autour des dialectiques hégéliennes » (
n. 7) . Il faut « saisir la diff érence entre les dialectiques de
la raison qui juxtapose les contradictions pour couvrir (P.N., 135) . Mais il tient à garder l’idée d’ une dialec- (,
tout le champ du possible et les dialectiques de l’imagi¬ tisation de la raison. Parmi les philosophes dialecticiens, (
nation qui veut saisir tout le réel » (T.R.R., 25) . Il est Hamelin a sa faveur : « Si les thèses d’Octave Hamelin
restent encore éloignées des conditions constructives de la (
net que Bachelard admet une dialectique de la contradiction
pour l’imagination, mais la refuse pour la raison et le philosophie des sciences contemporaines, il n’en est pas (
réel objet de la science. « Le mouvement est inverse des moins vrai qu’avec elles, la dialectique philosophique se
(
dialectiques de juxtaposition aux dialectiques de superpo¬ rapproche de la dialectique scientifique » (P.N., 136) .
(
sition » (ibid.) . Il cite Hegel pour dire curieusement que Faut-il donc chercher, au-delà des emplois multiples
les poètes « ont retrouvé la loi hégélienne du « monde du terme, un sens proprement bachelardien de la dialec¬ (
renversé » et soutenir que « les images aussi d émontrent à tique comme cherche à le faire G. Canguilhem ? Ainsi, on (
(
(
)

Gaston le développement de la philosophie bachelaidienne 171


170 Bachelard
)
parle assez souvent d « é pist émologie dialectique » poilr un peu trop loin dans ce sens. Il faut donc craindre que,
) dans cette question, chacun voie derrière le terme de
désigner l épistémologie de Bachelard, alors que lui-même
) n accole jamais ces deux termes, du moins à notre connais¬ dialectique chez Bachelard ce qu’il veut y mettre. Don¬
sance ! C’est G. Canguilhem lui-même qui le fait, mais nons-en une brève illustration qui, à elle seule, est élo¬
)
est-il le premier ? Il parle à deux reprises de « l’épisté¬ .
quente Serge Perrotino écrit, justement dans une étude
) mologie dialectique » de G. Bachelard (1968, 204 et 206) sur la dialectique chez Bachelard : « Que ce soit au niveau
) quoique plus haut il ait vigoureusement souligné qu’elle de l’activité scientifique ou de l’activité poétique, l’ homme
) é tait « structurale » : « Si Bachelard n’a pas consacré est l’être de la dialectique : il est dans le monde, mais il
d’ étude spéciale à l’épistémologie structurale, c’est que sa cherche à s’évader de ce monde ou à réduire ce monde à
) recherche épistémologique est précisément structurale » n’être que l’expression qu’il en a ; son rapport au monde
) (ibid., 202 ) . Il est vrai qu’elle est aussi dite « épistémo¬ est dialectique, ce qui veut dire que le monde est sa
logie socratique » ( ibid ., 197) . Si G. Canguilhem cherche représentation... » 1. Cela se passe de tout commentaire.
)
à d égager le sens spécifique du terme chez Bachelard par Si l’on voulait écrire une formation de la méthode dialec¬
)
. rapport à Hegel et Hamelin, d’autres sont moins précis et tique dans le style de La Formation de l esprit scientifique,
) n’écartent guè re les équivoques, car on ne dégage pas les cela figurerait parmi les vésanies qu’il faudrait analyser.
diff é rences d’avec la dialectique au sens de Marx et de Mais comme ici il n’y a plus guère de dialectique, revenons
) aux choses sérieuses.
Hegel. Ainsi, R. Martin écrit : « Seule une dialectique se
) révèle capable de rendre compte à la fois de l’évolution Bachelard, semble-t-il, introduit définitivement l’idée
) des concepts et du progrès de l’explication » et il renvoie de dialectique dans son épistémologie de la connaissance
) à l’Avant-propos de La Philosophie du non o Bachelard approchée et dans sa philosophie générale â partir de 1934
n’utilise jamais l’expression d’épistémologie dialectique1. avec Le Nouvel esprit scientifique. Un bref coup d’œ il
) Cela cependant tend à passer dans l’usage : J.C. Margolin sur l’introduction de ce petit ouvrage le montre bien : « Il
) parle lui aussi, à l’occasion, de « l’épistémologie dialec¬ conviendrait de fonder une ontologie du complémentaire
) tique » de Bachelard (1974, 97) . On voit que D. Lecourt moins âprement dialectique que la métaphysique du contra¬
a des précurseurs, malgré les diff érences qui le séparent de dictoire » ( N.E.S., 20) . Toute l’introduction insiste sur
ceux que nous venons de citer. l’existence d’ une activité dialectique dans la science : « C’est
Enfin on remarquera que parmi les communications à une véritable synthèse des contradictions métaphysiques
faites au Colloque de Cerisy, assez significativement, au¬ qu’est occupée la science contemporaine » ( N.E.S., 8) .
cune ne portait sur cette question de la « dialectique » Cette synthèse est caractérisée par un esprit non cartésien .
) Dans le renouvellement de l’esprit scientifique se mani¬
chez Bachelard. Sans doute, cette question est-elle devenue
) trop dangereusement l’apanage de bachelardiens de gauche, feste partout une activité de négation qui promeut le non-
) et certains estiment-ils que Bachelard avait été lui-même euclidisme, le non-newtonianisme, etc. « Le Réel scien-
)
. R. MARTIN : « Dialectique et esprit scientifique chez 1. Serge PERROTINO : La Dialectique selon Bachelard (texte
) 1
ronéoté, non publié, d’une communication au XVIe Congrès
Gaston Bachelard » , in Les Etudes philosophiques, oct.-nov. 1963,
) n ° 4, p. 411. des Sociétés de Philosophie de langue française, Nice, 1968) .
)
X
)
i 7f Gaston Bachelard he développement de la philosophie bachelaidienne 173
tifique est déjà en rapport dialectique avec la
Raison épistémologiques très diverses. « Tout le
sous des formesenqu
scientifique » ( N.E.S., 12) . Bachelard répond par là à long de notre ê , nous trouverons les mêmes carac
te ¬
la
thèse de la « métaphysique la plus naïve, celle du réalisme » tères d’extension, d’inf érence, d’induction, de générali
¬

(IA, 46) , qui pose « une Réalité lointaine, opaque, sation, de complément , de synth èse, de totalité » ( N.E .S.,
massive, irrationnelle » ( ibid .) . Il se propose d étudier « 12) . Voilà beaucoup de notions ! Il semble
multiplier les
séparation dialectique de la pensée et la synthèse subsé¬ expressions sans faire du tout la clarté sur ce qu’il entend <
quente » ( N.E.S., 20) , séparation et synthèse qui se sous cette pluralité de termes. Il se réfère aux mathéma¬
mani¬
festent dans le passage de la géomé trie euclidienne au tiques et à l’histoire des géométries depuis le début du
non-euclidisme et à la pangéométrie, par exemple. « L es¬ xix* siècle : « Le jeu dialectique qui a fondé le non -
prit de synthèse » , dit-il, « qui anime la science mo ¬ euclidisme... revient à ouvrir le rationalisme » (N.E.S., 23) .¬
derne » met en œ uvre un jeu dialectique, « le jeu dialectique En mathématiques, il y a bien, en première analyse, exten
.
de la raison » (N.E S., 21) . Mais « il n’y a rien d’auto¬ sion et généralisation. Alors Bachelard nous invite à
matique dans ces négations » ( N.E.S., 12) . Toute La concevoir le mouvement de la pensée scientifique dans son¬
Philosophie du non expose cette dialectique de la n égation ensemble à l’image du développement propre des mathé
et du non, où ce sont les concepts et la pensée scienti¬ matiques dans ce domaine : la géométrie. C'est l’idée
fique qui sont dialectisés, à l’occasion du couplage de d’enveloppement qui est ici le fond de la pensée de Bache¬
la raison et de l’expérience, qui se produit lors de l’appli¬ lard. La Théorie de la Relativité et la Mécanique ondula¬
cation des concepts. toire, comme on le sait, sont ses exemples privilégiés. « Si
Ainsi il s’efforce de spécifier un certain type de dialec¬ l'on prend une vue générale des rapports épistémologiques
tique qui serait caractéristique du nouvel esprit scientifique. de la science physique contemporaine et de la science
G. Canguilhem en dégage le sens qui serait canonique newtonienne, on voit qu'il n’y a pas développement des
dans toute l’œ uvre de Bachelard et en propose une défi¬ anciennes doctrines vers les nouvelles mais bien plutô t
nition : « Ce que Bachelard nomme dialectique c’est le enveloppement des anciennes pensées par les nouvelles.
mouvement inductif qui réorganise le savoir en élargissant Les générations spirituelles procèdent par emboî tements
ses bases, où la n égation des concepts et des axiomes n’est successifs. De la pensée non newtonienne à la pensée
qu’ un aspect de leur généralisation » (1968, 196) . En ce newtonienne, il n’y a pas non plus contradiction, il y
sens, la négation des anciens concepts n’est pas une néga¬ a seulement contraction. C’est cette contraction qui nous
tion logique, un rejet. Cela est affirmé souvent par Bache¬ permet de trouver le phénomène restreint à l’intérieur du
lard (cf . entre autres : N.E.S., 12 ; P.N., 135 ; R.A., noumène qui l’enveloppe, le cas particulier dans le cas
12, etc.) . Il d écrit ce mouvement de dialectisation comme général, sans que jamais le particulier puisse évoquer le
un enveloppement des anciennes théories dans les nou¬ général » ( N.E.S., 62 ) . Bachelard oppose donc une dialec¬
velles, sans que l’on puisse, par un jeu logique a priori, tique de l’enveloppement à une dialectique du dévelop¬
déduire ou prévoir les nouvelles théories à partir des pement. On pourrait dire la même chose des théories de
anciennes. Mais parlant de cette activité de négation la lumière, qui seront un autre exemple de choix pour
enveloppante, partout manifeste dans les sciences contem¬ lui en 1951 (cf . A.R.P.C., ch. I) . Il parle alors de
poraines en physique et en chimie, il la voit se manifester « synthèse historique » (A.R.P.C., 21, 199) . Comme l’in -

1
)
)
?
174 Gaston M , le d é veloppement de la philosophie bachelardienne
) Bachelard 175
) dique bien G. Canguilhem : « Dans la progression qu’elle les rejette (voir la théorie du
savoir, le non n a point le sens d anti. La Philosoph du M anciennes, il arrive
)
non a été pensée sur le modèle des géométries ie du If phlogistique) .
) diennes, sur le modèle des mécaniques non non eucli¬ II Bachelard est, en fait, devant un problème très concret :
J comment dans sa philosophie de l’approximation et de la
) C est une épistémologie générale sur le mod newtoniennes
èle de la
! rendre compte des ruptures, c'est-à-dire des
géométrie générale » (1968,
207) .
J £ rectification historiques
)
Mais nous ne pouvons nous contenter de
I évolutions
[ dans les sciences ? Sa théorie
réponse globale, mais
) j ;r générale du temps lui fournit une
mathématique pour étudier les dialectiques chez ce modèle ! ; elle est trop métaphysique pour fournir une base concrète
) Certes l’inspiration mathématique est indéniable Bachelard j pour des solutions adaptées à la diversité des cas en
) quente. Cela vient de sa formation scientifique et fré¬
ples de Bachelard et ses commentaires le prouvent . Les exem¬
1
histoire des sciences. D’autre part, il refuse les dialectiques
) . Mais de la contradiction qui expliquent tout mouvement et tout
on a simplement jusqu’ici deux types généraux ?[ processus de transformation historique, y compris dans
) tiques qui bornent les conceptions de dialec¬
bachelar diennes de la la pensée, par l’existence objective d’antagonismes et de
) dialectique (au sens o l’on parle en mathé j|luttes entre des réalités contradictoires dans le réel lui-
matiques de
) borne supérieure et de borne inf érieure) : 1 . Ce j même, soit dans la nature, soit dans la société. Pour
pas des dialectiques de la contradiction . ne sont
) et G. Canguilhem le précise : « La dialectique
Il l’ indique assez Bachelard, éduqué dans les mathématiques et les théories
Bachelard désigne une conscience de complémentaritselon
SI nouvelles de la physique et de la chimie, ce sont là des
) j dialectiques trop lointaines, trop massives et a priori / Cela
!

)
de coordination des concepts dont la contradiction é et veut dire essentiellement qu’ il refuse une dialectique de
n'est pas le moteur > ( logique
) 1968 , 196) . 2 . Elles sont des dialec¬ j la nature ou de l’histoire, qu’il estime trop « réaliste » à
tiques o l’ancien (concept ou théorie) est son goût. Il pense qu’on importerait alors une philosophie
contenu
) nouveau : on l’y retrouve par simplification, particularidans
sation,
le
: unilat érale, et que celle-ci serait une forme d’empirisme
)
en revenant à un ordre plus grossier d’approximation et de réalisme naïfs. Il ne conna î t qu’à peine Hegel , et
. En
fait, quand Bachelard parle de dialectiques, il Marx pas du tout, comme à peu près tout le monde de
) plusieurs types de dialectiques définies d é signe
de manière diffé¬ son temps . Cependant, il est devant le problème : suivre
) rente. Dans l’activité scientifique, il vise quelque ses transformations
de concret, et il pluralise son concept de dialectiquchose II la science dans son mouvement etarriver à l’expliquer
) e concr è tes et historiques effectives ,
l’entend alors en plusieurs sens souvent entremêl . Il
i

) é s. Il comme une transformation dialectique puisque l’on y


pratique la polysémie. Il se fonde, dans cette constate des périodes marquées par des rectifications et
question
) comme dans toutes les autres, sur son interprétation des négations . Mais, ce développement doit respecter la
l’approximation et de la rectification. En effet, dans de
conception qu’il se forme de l activité rationnelle, c’est-à-
ci, il a découvert que la science ne procède pas essentiel-
) celles
dire son réalisme idéaliste des actes épistémologiques .
) lement par adjonctions, par accumulation, bien qu’il ¬ Dès 1934, dans l’Introduction du Nouvel esprit scien¬
) connaisse comme tout le monde que la science ’ re¬ tifique , nous pouvons voir résumée toute la situation que
aussi cela : « des connaissances qui s’amassent » (N c est
)
11 ) . Or, la science n’enveloppe pas toujours
.E.S., nous venons de dépeindre. Bachelard voit qu’il faut, au
) les théories nom des théories scientifiques nouvelles, rejeter les vieilles

)
C

! m (
(
176 Gaston Bachelard - développement de la philosophie bachelardienne 177
à fait
(
(
philosophies unilatérales que sont le réalisme et le
nalisme classiques, ces « deux métaphysiques -
ratio dent de la pensée. Cela désigne un aspect tout, quand (
. 1 de l’activité scientifique. Or, le plus souvent
. contradic
toires » (N.E.S , 5) . Il écrit alors : « C est à une v
é ritable conna î t de telles dialectiques dans l’activité de connais- (
synthèse des contradictions m étaphysiques qu’ il les décrit comme consistant en « dialogues » .
la science contemporaine. Toutefois le sens du occupée
est l îiBce, (
Igg sont des rapports d’échange réciproques , et de modifi¬
épistémologique nous para î t bien net. Il va s û vecteur ôles, ou « instances » comme
(
rationnel au réel et non point à l’inverse derement du erions mutuelles entre deux ppossibles sont innombrables.
j) dit parfois. Les citations
(
la réalitpf
au général comme le professaient tous les « la dialectique de la raison et de la
;)>ar exemple, c’est
depuis Aristote jusqu’à Bacon » (N.E.S., 8) . philosophes
Ce
résume tout. Comment mieux dire qu’il va rester passage Itechnique » (R.A., 4) sur laquelle il revient toujours. Le (
lationalisme appliqué est défini alors comme « philosophie
en philosophie ? Nous retrouverons la question moderne ifaloguée » ( R.A., 1, 4, 8) . C’est le titre de ce premier (
dans
chapitre sur le rationalisme. C’est à partir de là qu’ notre
son objectif : « fonder une ontologie du complé
il définît papitre de l’ouvrage. Il y a dialectique, nous dit-il, dans
mentaire lî Philosophie du non entre l’empirisme et le que rationalisme (
qui se veut dialectique pour saisir le
mouvement de recti¬
fication de la pensée, tout en restant rationnelle, et P.N., Avant-propos) . En 1949, il
f•(dialogue explique c’est le
« moins âprement dialectique que les donc des mathématiques et de l’expérience qu’il désigne
métaphysiques du f sous le nom de « philosophie
dialoguée » ou, comme il
contradictoire » (N.E.S., 20) . (On notera qu’il use d’ | pens ée math é matique » et « pensée expé rimen ¬
manière très libre des notions de dialectique et de une | it, entre «
(
physique, en renversant même leur sens !) C’est méta tale » . Soyons bien clair. On peut comprendre qu’il veut¬
dire qu’il y a dialectique du fait que la pensée mathé
pourquoi, (
outre l’idée de progrès par enveloppement, on trouve
lui deux autres grandes idées ma îtresses pour désignerchez matique et l’ activité expérimentale munie d’instruments¬ (
dialectiques dans l’activité scientifique. D’o deux types les entrent dans un ensemble d’échangës et d’ajustements réci.
de dialectiques : l’ une s’articule autour de l idée de proques. Mais Bachelard ne s’exprime pas aussi clairement
: fl utilise un vocabulaire mi-idéaliste, mi-réaliste. Il tend
(
plémentarité, l’autre autour de l’ idée de négation. com¬
même plutôt à désigner ces dialectiques opérant entre
deux pôles comme des dialectiques qui s’instaurent entre
En quoi consistent les dialectiques de la complémen¬ des systèmes de pensée : pensée théorique (mathématique)
tarité ? Ce qui est dit dialectique dans l’activité
fique, ce sont les rapports de la raison et du réscienti- et pensée expérimentale, ou encore rationalisme et empi ¬

I el, risme. C’est un dialogue de philosophies ! Ce ne sont


précisant que pour Bachelard c’est toujours du réel « en¬
tifique » qu’il s'agit. Ce sont les rapports entre thé
scien pas des rapports dialectiques entre l’homme et la nature, (
et instruments, entre la science et ses techniques. Il
orie ou entre la pensée scientifique et la réalité physique indé¬
décrit comme rapports entre « pôles » complémentaires les
pendante de l’homme, qu’il voit à l’œ uvre dans la
coordonnés. C’est la dialectique qui anime la pensée
et connaissance objective. Il serait erroné de rapprocher ici
Bachelard du Marx du Capital ou même des Manuscrits de (
théorique (i.e. mathématique) comme activité « réalisante », 1844 , quoique ce rapprochement soit en première lecture
au cours de l’application de la raison (concepts et théo¬ très tentant. Même si on voulait le faire à coups de
(
.
ries) La réalisation entra îne une modification, un réajus- citations et d’interprétations, il n’enlèverait pas les défor-

(
-C
)
)
)
178 Gaston Bâche]a |
* rJ
Ioppement de Ia PhfIosoPhie elardienne _ _ i 79
) * jà soumis à une rationalité « scientifique
»
) mations profondément idéalistes à travers lesquelles
Bache jgs objets dé rond . Il semble
¬ On tourne en
31, et passim) .scientifique
)
lard décrit des dialectiques concrètes très réelles et géné
rales jjd.R., 22, part n’entre en contact
dans l activité scientifique. |
ae nulle l’activité
) , matérielle et indépendante de
En outre, on est fondé à lui demander en quoi ce avec une réalité extérieurefait à travers des faits et des
sont des traits spécifiques du travail scientifique des ous. Ou alors, elle le
és, transformés. C’est dans cette
)
contemporaines. A cela, il ré pond que les pôles épistém sciences ères qui sont élabor
Rati
[atmosph ère « pasteurisée », où il y a une idéalisation
logiques (raison et réel scientifique, concepts et
) d’expérience) sont désormais étroitement liés, que
instrument profonde des réalités de l’activité scientifique dont il parleé,,
complémentarit
) échanges entre eux sont permanents, d’o ù une activité de | ! u’il évoque toutes ces dialectiquesla deNécessité et de la
réforme permanente du rationalisme scientifique. Ils sont pgs
« extraordinaires couplages de
)
plus resserrés que ne le disaient les philosophes des dialectique » (R.A., 11)
. La nécessité dont il parle ici,¬
) c est la rationalité math
ématique, non une nécessité dialec
sciences, les pragmatistes, Meyerson, Bergson ou les néo¬
) positivistes. En cela il a raison. Mais ne ferait-il pas alors tique existant dans la
nature.
parmi les plus
) que multiplier les doublets brunschvicgiens auxquels il se Tous ces rapports dialectiques qui sont en « échan¬
réf ère parfois (cf . R .A., 9, par exemple) ? Nous discu¬ ! concrets dont nous parle Bachelard, consistent é de deux
) terons la question plus loin. Ces dialectiques multiples, ges épistémologiques ». C’est le « chass échangent leurs -
é crois
) ! toutes les « coopérations » dont il fait état, entre pôles \ philosophies contraires ( » R. A ., 4 ) , qui
épistémologiques, sont un leitmotiv chez Bachelard. Mais , leurs positions , dans la « région des transac¬
) informations expériences techniques »
elles désignent essentiellement, dans son esprit, une dia tions des théories rationnelles et des
¬
constamment
) lectique entre une pensée et une activité, toutes deux (A.R.P.C., 28) . Ces dialectiques fonctionnent
appeler les schèmes de
«
) également scientifiques, mais non pas une dialectique d'après ce que nous pourrions s’incorporent aux scien¬
) entre notre pensée (ou nos activités) et une réalité l’échange ». « Les mathématiques « des intégrales sont
)
i extérieure indépendante de notre pensée et de nos actes. ces physiques » et réciproquement
Aussi, décrivant le « fort couplage des idées et des expé¬ résolues expérimentalement » (ibid
.) . « La valeur d’en¬
le principe à la
) riences », il évite de parler, sur un mode qu’il estimerait chaînement mathématique qui relie î nement qui relie
) réaliste, de toute « instance » extérieure à la science, ou conséquence s’ajoute à la valeur d’encha conséquence mathé¬
à l’activité scientifique : objet réel, matière, nature ou la cause à l’effet... Cause physique et înement » ( ibid.) .
) société, qui pourrait jouer un rôle déterminant. C’est la matique échange leurs valeurs d'encha
) raison qui détermine le réel qu’elle conna î t, non l’inverse. Commentant cette réalité de l’activit é scientifique, il parle
« instance moyenne » ,
Bref , joue toujours le présupposé idéaliste . S’il parle d’objet dans cette page de « convergence , d » ’
) ées », de « cou¬
et de matière, c’est pour souligner aussitôt que ces objets, de « transactions », de techniques « associ
) ou ces matières, sur lesquels travaille la cité scientifique plages de plus en plus forts ».
) sont des objets « sociaux », et ce qui l’intéresse dans ce D’ailleurs, il est bien connu qu’il est essentiellement
- vocabulaire de
) caractère social des objets fournis par une société, toujours guidé par l’idée de la bi polarité, d’ o ù le
sa plume
désign ée d’ailleurs de façon anonyme, c’est leur « facticité » l’échange et du dialogue, qui appara
ît sous
) une fréauence qui dénote quelque chose de
précis :
essentielle, leur caractère non naturel, le fait que ce sont
)
)
)
¥
180 (
Gaston Bachel développement de la philosophie bachelardierme 181
if , antaSOnisnie (

1 Mntadirtiom Vest 0
,' de
et des .fialectique sur le plan philosophique général avec l autre (
(
(NET IX oio alir " (
rationaliste o'ù Trapp rte lesetede petéel? 1 StZTrfce (
tron, PleUnégatoneiletreieMD?!
lté S ' |
n0 uve les comme l
! '
ée la plus proche de la dialectique de Hegel et de
él (
passage a u / objectif nré cif II ° S aper Çoit Que |. Elle met en œ uvre l id ée de négation . C est le thème,
Ce j arx (
lrer 1»e l V* 6*?. * Bac.helard 1uand fl PaI>e de dialfc-
« la négation massive du logiden
que l’opposition de deux DartirnlPc T m •?
e sert qU a"
à dlScuter », Mue" ?
de F
la ? ? des concepts par négation des
rectification
>
logique. Il peut alors déclarer !
! * F- e ncePts
°PP°sition «> dialectique
?
-
antérieurs C’est là sans doute l’idée centrale (
le problème « m é taphysique
7 ï
f T
de h m nahsatl0n devant
qUC 'une de resprit scientifique lui-même. Si l’on (
„ . .„ T5
la dématérialisation des corpuscules
matiq es apriori es»
En multipliant les exemnV o Jtlfiques c -
ïïSwRpTKa
' t u
'
et de en restait ’

12
it
)
»
. 1 fourrait
à l

aussi
id ée d’ une dialectique comme échanges entre

bien
«*. <
d é
ins
signer par? ' V**
la la dialectique de
«
la
(
(
dialectiques effectives au nivM „ d d écrit des pensé e scientifique à travers tous les â ges. Or , Bachelard (
rapP rts de m
cation réciproque entre pensée théonque ° °difi - ; veut dire quelque chose d’autre. Cette dialectique de la
iimentales. Mais ce sont l et pratiques exp .
é- Connaissance est pour lui chose récente Elle date essen- (
Ils se révèlent utiles aiiand 156 S
*
Veflt é mentaires. bellement du xxe siècle. Elle a quelque chose de très
é s lé (
sophes français de son temps a u x b
. ,, . P
r .7 oergsomens
i

SS s aux
comme
-
P flo
aux
an
'spécifique. Dans son esprit, aucune philosophie du passé
Ine
ne saurait en rendre compte comDte : ni la d émarche cartésienne.,
(
existentialistes et phénoménologues, aux positivistes »
(
aux formalistes et à tous les spiritualistes
. Mais
comme pi la d é marche kantienne , ni celles de Comte ou de

l accent, dans ces dialectiques en mettant { Bergson , encore moins bien sû r celles d’Aristote ou de (
effectives , sur leur tout
« dialogué », sur la «
coopération » des pôles épisté ère { Bacon, ne peuvent saisir un caractère révolutionnaire
caract (
logiques, il continue de rejeter l’idée de mo¬ nouveau dans certains secteurs de la science du xx siècle,
de la nature. Il fait valoir ses descriptions toute dialectique et qu’il s’agit pourtant de penser sur le plan philosophique. (
une forme idéaliste, pour récuser, , donn ées sous | C ’est l’idée la plus profonde de nac i
, reue que (
comme
l’application du mode de penser dialectique Brunschvicg , JG. lardCanguilhem exprime ainsi, rappeon • (
des sciences. En effet, quand il fait un pasà la philosophie Rarb Bachelard nomme diaWHnup
nninmp dialectique cr’estpet lee mouvement
mnnv inductif
ces dialectiques de la raison et du réel où de plus dans qui réorganise le savoir en élargissant ses bases, où la (
réalisme « échangent des conseils », c rationalisme et négation des concepts et des axiomes n’est qu’un aspect
’est pour désigner un de leur généralisation » ( , 196) . Cette idée n’appara î t
pôle dominant : la raison. Nous le
savons , les enseignements pas tardivement chez lui1968 , et comme par une conversion
(
des mathématiques ont pour lui le pas sur
de la réalité. les enseignements à une philosophie dialectique dans ses derniers ouvrages
d’épistémologie philosophique. Elle est déjà présente dans (
Il sera plus difficile de dégager ce l’Essai sur la connaissance approchée comme nous allons (
refus d’introduire la le montrer, quoique fort peu appelée du nom de dialec - (
(
(
) m
)
182 Gaston
)
- développement de la philosophie
bachelardienne 183
) tique. Les concepts fondamentaux des sciences
physjQl. . 11 Rarhelard analyse un fait qui est universellement re -
* I f
étaient conçus classiquement comme
)
)
qui
absolus, se sont vu niés en tant que devant être
tels, mais * i
?
i de son temps : la science révise constamment ses
elle les modifie, les change. Elle est action en
abandonn és . ils sont relativisés et dialectisés.
Cela SW sur elles II y insiste le rationalisme contemporain
) repercuté dans tout l’édifice de la science
et dans ! ItopK
ne « commence » . « Désormais une

J! I
) i • fait V î folt P
1
Un n UVel esprit
° tout 1 F tante activité de réforme travaille la pens ée scienti-
î?
t C
) lp nfa **

? qUC Bachelard entend


traduire ,e L’essentielle actualisation de la pens é e scientifique

~
vi
, P , philosophique par sa « philosophie du non » . u base. Cette
) Ae pair avec la recherche d’ une nouvelle
) Bachelard
*
r ne sont pas seulement les 1
ctiS du sornmet sur h hase est, pour la pensée
Scientifique contemporaine, faut un caractère philosophique
Ce peut-etre préciser ici ce
)
)
de la science qu’on a d û profondé
concepts fondamental
ment modifier
lunent
EJa
» (A.R.P.C., 2 ) . Il
entend par « bases » . Ce sont, au sens technique des:
avec eux les concepts mêmes dont vit la pens
) phique. En quoi consiste cette « révolution »
ée phiW ;
Ciciens
et des philosophes idéalistes, les fondements
, Sncipes premiers, concepts, posés au point de départ
concepts (espace, temps, cause, substance, objet ancien l
? Les
) , matière i une construction théorique. Ce ésont ces notions et prin-
sontmés parce qu’ils é taient conçus comme •

) absolus,
universels et nécessaires, comme inconditionnels. com 2 les premiers, qui se trouvent
dans
r
les
formes
th é
, reconstruits, ou
ories nouvelles qui
) a consisté leur modification dans les thé En auni complètement transformés
ories nouvelles ?
Bachelard 1 interprète en disant : cette modification \ Emettent d’autres « bases thé» oriques . Aussi indiquons
)
toujours à incorporer aux concepts qui consiste ii
passage que Bachelard n’est nullement le premier
et
à
es
) sont niés les condi-
rions de leur application. On reconna î tra ici écouvrir que les math ématiques contemporaines
une dialectique théories physiques abstraites, ont été amenées a travailler
) de 1 activité de la science contemporaine
en ce que la rSlU sur ICUld bases
leurs , à les approfondir,, à les englober_ dans des
négation, rendue nécessaire sous l’influence 1
VciOKsOy
rfnArales
é é rales . Par contre ,- ce
) théories plus complexes, plus g n -
1
des
nmentaux, lors du passage à un deuxième ordre faits
1
expé-
parler de dialectique
.)
d’approxi¬ qu’il fait l’un des premiers, c’est de
) --
mation, n oblige rpas à abandonner
anciens concepts, comme on a pu le faire
umpiè
ccompl i e m e n t les l à ce propos.
c tement
,
à une pensée scientifique de première lors du passage Cette idée de négation, co y comme incorporation
mmprise
passai
) qui ont rendu
(exemple du concept de phlogistique) . Ce quiapproximation au nouveau concept des condi ion mêmes une i( jée
) c’est que les concepts sont rectifi - , est nouveau , n écessaire ra n
la uc égation
u du coocep P
r
és. On leur incomnrp necessaire »
à Bachelard1. Dans l’Essai de 1927, c’était dé à une
incorpore chè» re - 1 j
) des conditions qui les nient sous leur forme classique. l’esprit ait
de ses idées maî tresses : « Il faut surtout
Il que
) y a dialectique parce qu’il y a négation et velop
incorporation toujours conscience des limites qui bornent
le d é ¬
de cette négation elle-même dans le nouveau .C .A .,
) C’est cette dialectique spécifique, où la négation nconcept . pement qualitatif ou quantitatif du phénomène (E »

) de l’ordre de la négation par contradiction au sens ’est pas entendre Hegel ? Il y a ainsi des
43) . Ne croirait-on pasé, ce sont celles qui bornent les
télicien du terme, que Bachelard tient pour aristo¬
limites dans la réalit
)
dans la science contemporaine. essentielle ordres de grandeurs. Mais comment Bachelard va-t il gation - inter¬
y préter ces limites ? « Incorporer ce jugement de n é
)
)
)
I i (
c
i i 84 Gaston Bachelaïtf K développement de la philosophie bacheîardienne 185 (
i (
au jugement d affirmation sur le réel, c’est peut
-ê tre Pu bien alors c’est de « dématérialisation » et de « maté-
le sont désignées (
principal avantage d’une philosophie de l’
approximation » fclisation » qu’il parle, et les transformations
(ibid.) . Cette dialectique, cette incorporation de la | jr le mode des transformations math é matiques . Comme (
tion à l’affirmation, est limitée par lui au plan de l’ néga¬ ( jjns le
cas des dialectiques de la compl é mentarit é, Bache- (
activit é ’ id éalisation des
de la connaissance, ici au plan du jugement. En jjrd procède donc bien à une opération d
exprimant encore la m ême idée, il écrit : « Une
dialectique Ïï alectiques où il y a une n égation effective : celles-ci (
envahissante tend à prendre pour un moyen d’explication
cela même qui échappait à une explication simpliste lestent subjectives , au sens où n égation et incorporation des
des actes épistémologiques.
c
pensée incorpore ses limites » (V.I.R., . La Imites sontquiessentiellement
anime toute pistémologie non cartésienne
(
73) . Ici, l’on a Ip est l’idée l’é
La Philosophie du non. Elle tend semble-t-il à passer
l’impression que cette dialectique, l’esprit scientifique (
pour¬ et ouvrages de 1949, 1951
rait en user systématiquement pour résoudre les probl
èmes iavantage au second plan dans leschange, de dialogue , de
(
scientifiques qui apparaissent avec la deuxième approxima ’é
et 1954, au profit de l’idée dPhilosophie (
tion. Pour Bachelard, il semble que cette démarche ¬
| ôopération, comme si dans La
du non, il avait
suffisante : elle caractériserait les mathématiques depuissoit lt
é conduit à une dialectique trop conceptuelle . Peut-être (
xix siècle dans leurs généralisations, et aurait
8 le qu ’il d écouvre dans le domaine
gagné la les dialectiques plus franches images
(
physique puis la chimie contemporaines. Cette dialectique : ije l’ imagination et qui cette
fois sont internes aux (
semble devenir une nouvelle dialectique idéaliste -
Sdles mêmes, peut-être aussi une connaissance. Il continue plus précise
i priori. Il ne souligne jamais franchement d’o
et a
de Hegel, l’avaient-elles rendu plus indécis (
vient la
nécessité de nier les anciens concepts et ce que signifient ’employer massivement le terme de dialectique, nous (
les conditions d’application : il laisse entendre que l avons vu, et même il semble en multiplier et en varier
données expérimentales jouent bien un rôle, mais celuiles | es sens à l’extrême. Il passe , comme il l ’a souvent fait, (
n’appara î t pas comme essentiel. En fait, on le sait, -ci de l’un à l’autre. Il les m êle , ils interf è rent trè s souvent . (
ces est dans le cours
conditions sont imposées par la réalité physique que nos On pourra le remarquer aisément : ’ c (
théories doivent bien reflé ter. La réforme des concepts
est d’un même alinéa qu’il passe de l’idée de dialectique par (.
imposée par la nature même de la réalité objective. négation et incorporation de ce qui a suscité cette négation,
Bachelard, à propos de la dialectique du concept et de à l idée d’échanges et de modifications réciproques entre (
son application, s’appuie donc sur un enseignement scien¬ deux instances. Ce flou, les ambiguïtés qui en résultent, (
tifique objectif ; c’est l’application dans l’expérience qui rendent les textes de Bachelard à la fois attirants, et (
oblige à une dialectisation des concepts. Mais, curieusement, décevants.
il en conclut à une dialectique dans les concepts et dans (
l’activité scientifique qui les élabore : l’objet physique, la Sur le plan philosophique, il y a là un mystère qu’on (
réalité sont rarement dits dialectiques. Il y a, dira-t-on, ne peut lever que de deux façons, soit en admettant que (
pour Bachelard, les dialectiques de l’onde et du corpuscule, Bachelard reste dans une situation confuse, qu’il n’arrive
de la matière et du rayonnement ! Oui, mais ce sont des pas à dépasser un certain éclectisme, parce qu’il recherche (
dialectiques sur Je mod èle de la complémentarité. Il n’y a des compromis. La polémique généralisée implique toutes (
pas de négation dialectique dans le réel pour Bachelard. ces notions mal délimitées de dialectiques et de dialecti - c
(
:
(
J Sf
)
)
) 86 Gaston achelair] «y yeloppement de la philosophie bachelaidienne 187
) i
) sations. Le mot dialectique est alors ce terme à t
que critique G. Canguilhem . Ou bien au cont ° Ut ire Mboment de sa constitution est une connaissance polé-
)
a une certaine cohérence chez Bachelard et V d ? |ique ; elle doit d abord détruire pour faire la place de
1
) trouyer un centre d’o tout s’é n
clairerait. Renren °nS peut constructions » (ibid.) . On comprend l’ importance de
) idée de négation autour de laquelle semble bie ° Cett? 1 |tte théorie pour saisir le sens de son explication des
toute sa pensée . Il ne s’agit pour lui ni de la cont °Urner 1 Istacles épistémologiques en 1938 . Plus nettement encore,
\
concePtualisation est l’histoirt e de doit nos
j

objective (antagonisme de deux réalités


adicto lchon 'i FPr c*se : *
)
la négation qui donne lieu à une dialectiq
contr
de la contradiction subjective (négation logique) r
'

lou 0 ,ni
llrs
uS plus que de nos adhésions
porter
la trace de tout ce que
- Un
nous
concep net
avons refusé d’y
) rte-t-il de positif ?
« négation fine » , une « négation
partielle » né t
St Une
1
»corPorer * ( D.D., 15) • Mais que compo r à épondre à cette
)
)
« seules font penser » (A . R .P.
C., 112 ) . Or* en
cette oeuvre de philosophie pure qu’est La Dial y dans
T fchelard
l lestion
semble
. Le concep
bien
t n ’a
se refuse
pas d’autre
r
conten u que l’acte
la durée, et pour fonder sa philosophie f UlSte du de ¥ négation. Cette négation conceptuelle, se déroule pour
) discon pistémologiques,
temps, il met au premier plan h thèse de . lui essentiellement au niveau des actesueé la connai ssance
) nécessaire du né ant ou non-être. C’est l’obiet ri CXls j
ence j psychologiques », dit-il . Elle constit
actes é pist émolo-
) chapitre de cet ouvrage. Contre Bergson pour
U Prem
, 'er Scientifique par une destruction d autres’
1168 psychologiques aussi : la perception, la connai
ssance
de néant n’est que le résultat d’un jugement 3 % 1N '
)
)
négative, Bachelard
au Plan Solo °UT 0 soutien
S t que
qUe lelG vide
Vid le
/-
plan gnoséologique, la né’gation, doivent ê
lG n0n *
uti
4 Ei
lr
;
°n commune, le réalisme et l’empirisme immédiats, ou
SdXp mVsdeTt
.1« »«:« ue. Mais quel contenu met-elle à>< iola place ?
bien

) comme aussi réels et nécessaires que le plein, tre posés {que« classiq /

l’affirmation. « C’est aux jugements négatifs que l être et Bachelard ne le dit pas .
dons surtout la force probante » (D. D., 12) . Ilnous accor
)
tend L’activité de négation est donc l’essence du nouvel
) à incorporer la négation au cœ ur et au alors esprit scientifique. Cela est développé sur le plan philo¬
de l’affirmation, le néant au cœ ur et au
fonde ment même sophique général d’ une manière principalement idéaliste .
) fond emen t de t de certains aspects des théories scientifiques récen
¬
l’être. Mais il le fait d’une manière fort peu
) , dialectique Partan tes, ceux par où elles nient certains absolu s des th éories
y
)
) gnoséologie d’une façon toute mé taphysique. L’ê réel lui-même. Il y a ainsi une certaine analogie entre
tre et le
) non-être restent extérieurs l’ un à l’autre. « L’ cette dialectique idéaliste (puisque intra-conceptuelle)
) appara î t sur un fond de négations. Dès que l’ affirmatif bachelardienne et la dialectique idéaliste hégélienne. On
a un sens psychologique, c’est qu’elle réagit affirmation voit très bien comment on pourrait faire le rappro
chement,
) négations ou des ignorances antécédentes. Soncontre des par-delà des domaines d application et
’ un vocabu laire tout
) fonction du nombre et de l’importance des tonus est
négations différents à un siècle et demi de distance . Ainsi Bache lard
ement
qu elle défie » ( D.D., 14) . « Toute , est typiqu
développe une idée qui, en apparencefronti
. ) connaissance prise Tracer nettem ent une ère, c est dé jà
hégélienne : «
3
)
)
(

i 88 Gaston
Bachelard
I
$ développement de la philosophie bachelardienne 189
(
(
(
(
la dépasser » 1. D. Lecourt pense que Bachelard est que par cette thèse (l’activité scientifique est essentielle -
tablement venu alors sur des positions « dialectiques »véri¬ : une activité de n é -
gation inhérente à ses actes d’affir (
philosophie. Cela demande un examen serré. Il est en lient
difficile qu on ne lf * nmM rrv' , J
1 jtion) il intègre des éléments de la méthode de penser
|
-"» <" moins > palectique en philosophie même, au sens o ù il adopte sur
(
(
joute une série de points des démarches antimétaphysiques. (
1 ainsi, il poursuit inlassablement dans toute son œ uvre la
pitique philosophique de toute idée de substance ou d’objet
! (chose en soi) qui serait posée comme un absolu. Bachelard (
| e propose de démontrer qu’on doit sur le plan philoso¬
phique lui-même « ouvrir les cadres du rationalisme » . Tout (
tient dans le sens que l’on donnera à cette formule. Pour
au fait que la contradiction existe au niveau ] ;)ui, l’évolution des connaissances scientifiques montre à
pensée préscientifique o régnent les obstacles quide la îjg philosophie la nécessité qu’il y a pour elle de procéder
opposés et contradictoires, mais ceux-ci seront dépass sont
jussi à la négation de ï inconditionalité de ses anciens (
Ainsi, ce qui est commun à la dialectique bachelardienne s. concepts. C’est ce que fait le nouvel esprit philosophique :
é
(
à la dialectique hégélienne est plus apparent que réel. et jl nie l’ancien rationalisme. Comment ? En assouplissant
Pour jes (
! Bachelard, la dialectique n’est réelle que dans la proportion cadres, en les rectifiant ; mais en maintenant un ratio¬
où elle est subjective : elle appara î t dans la raison,
nalisme . D’ une part, il dialectise les anciens concepts
les concepts, dans les actes épistémologiques, à l’ dans fondamentaux du rationalisme, d’autre part, il maintient
occasion
du contact de la raison et du réel. Dans ces
dialectisations , an rationalisme. C’est dire, du point de vue o ù nous
c’est la raison qui se dialectise, mais elle n’est pas , que Bachelard garde sur le
tique initialement. « L’esprit dialectise toute unité », dit
dialec¬ sommes placé actuellement
penser méta ¬
-il plan philosophique une certaine m é thode de (
quelque part . 2
physique. Montrons en quoi il y a à la fois métaphysique (
Il n’en reste pas moins vrai que Bachelard admet jusqu’à et dialectique.
un certain point un mouvement et un développement dia¬ Nous prendrons pour ce faire un passage de La Philo¬
lectiques de l’esprit scientifique. Mais il ne nous a pas sophie du non (pages 90 à 93) qui va nous livrer la (
encore livré tout son secret. En soutenant l’incorporation clé de toute cette question. Se fondant sur le fait que la
d’une activité de négation essentielle à l'activité de connais¬ microphysique contemporaine élabore ses lois par prise
sance objective, il s’approche d’une conception dialectique en considération de « foules » d’atomes, de corpuscules,
véritable. Ici se joue la question des parts respectives de d’éléments, et qu’elle met en œ uvre des théories mathéma¬ (
métaphysique et de dialectique dans ce que nous avons tiques de la probabilité, Bachelard écrit : « Pour constituer
appelé « la philosophie » de Bachelard. Il n’est pas douteux cette physique de foule , on s’explique que l’esprit doit
( >
modifier ses catégories de substance et d’unité. La précision ( ;
Cf ' * Critique préliminaire du concept de frontière épis des probabilités doit conduire aussi à une dialectique de
témologique » , m Etudes, p. 80.
¬ ( >
2 . Cf . « Fragment d’ un journal de l’
homme » ( 1952) , in ! la catégorie de causalité » (P.N., 93) . A lire ces lignes (. ;
Le Droit de Rêver, p. 235. j et les pages qui précèdent, on s’aperçoit du véritable sens
(
(
(
J .
\
)
190 Gaston Bachel
J SjgeIoppemeDt de h PhiIosophie fachelardienne 191

)
) £
d és e St,%£?££&£*** fc nent et lucidement qu’il n’y a pas d’absolu dans la
mei1 s • Pa * **
et ceci est t f . !

)
)
'
)
,trois catégories : substance, unité, causalité sont
Ce qui modifie l une doit retentir sur l’usage dessolidaires
%
p.N 3) . Du son niveau on ne
'
autres = 8é
absolu
É &sesd simples ,
sous

scientifiquement l elément que par des lois qui nortem Suites sur ces points , ics ut,
forme
immédiates, erm r ,

yt
FF
/ . „
. QU

sur une pluralité, la microphysique enseigne « le caract de leur portée antime ap ysiqu .
ère | rtaine
pluraliste de l’élément » , nous dit-il (P.N., ( Mais, en fait, il y a une douUe limite a son passage
89) IJ
conclut, dans son style idéaliste que nous connaissons bien * fin mode de penser dialectique. Tout d abord la dialecti-
c L’élément est donc une harmonie math é
matique , Ion des catégories est limitée à quelques-unes d entre
(ibid.) , mais non pas que l’harmonie mathématique reflète elles Pour lesquelles en somme u tai une excep 1 ,
sa nature réelle ! De même « l’attribution d’une qualité 1 prxqudles il attribue un rôle prédominan ce son essen
une substance est d’ordre normatif », « le réel est à fjellement les catégories de substance, d’unité, et de
objet de démonstration » , « l’ unité de la substance un jjausalité. Substance ou res (chose, matière) , unité ou
) est
dialectisée et normalisée » (P.N., 90) . Poursuivons cette Implicité, cause ou déterminisme. Il en tire un certain
; lecture : « En d éveloppant une philosophie du non jombre de conséquences contre de nombreuses formes
) substantialisme, on arriverait... à dialectiser la catégorie- l idéalisme et de matérialisme métaphysiques (bergso-
)
d’unité, autrement dit on arriverait... à mieux faire com¬ lisme, phénoménologie transcendantale, mécanisme, posi -
prendre le caractère relatif de la catégorie d’ unité » ( P.N., | visme, etc.) . Limitant ainsi la dialectisation à certains
) 90) . Et il conclut : Si nous avions l’ambition de faire concepts privilégiés, incorporant ainsi à sa philosophie
«
) présentement le bilan de toutes les activités dialectiques | ertaines démarches de la pensée dialectique, il retombe
de la science moderne, il faudrait reprendre ici une fois Üans la pensée métaphysique quand il fait des idées
.

de plus le d ébat moderne sur l’individualité des objets lontraires (idée de relation ou d’exstance, idée de com¬
de la microphysique et sur le déterminisme du comporte¬ plexité ou de pluralité, et idée de probabilité ou d’indé¬
ment des micro-objets » (P.N., 93) . termination ) des absolus de sa pensée en épistémologie
On le voit, tout se tient chez Bachelard. Il le dit donc et en philosophie. Il pose en effet constamment ces notions,
explicitement : il y a dialectique et dialectisation lorsqu’il lontraires de celles qu’il critique, comme des vérités
) y a passage d’un absolu à un relatif . Du point de vue philosophiques absolues qui seraient enseignées en tant que
) philosophique cela s’effectue au niveau des « catégories » telles par la science contemporaine. Dès lors, dialectiser
)
les plus gén érales. En cela, il reprend bien une thèse veut simplement dire complexifier , pluraliser , dématéria¬
fondamentale de tout mode de penser dialectique authen¬ liser : dématérialisation en physique où il n’y a connais¬
) tique. C’est sur cette base qu’il peut s’emparer de toute sance que de phénomènes ou d’effets, et en chimie où
) relativisation et de toute négation pour les faire valoir la substance devient une harmonie mathématique.
contre les points de vue métaphysiques avec lesquels il est La critique des idées absolues de substance, d’unité et
) entré en polémique. Il semble donc bien passer à une de cause est juste. Mais porté à l’affirmation des idées
) philosophie dialectique lorsqu’il arrive à soutenir aussi opposées, Bachelard réintroduit inconsciemment et involon -
)
)
)
(
! (
I (
192 Gaston Bacbel d éveloppement de la philosophie bachelardienne 93
(
tairement la métaphysique par la fenêtre apr
chassée par la porte. Ce qu’il a saisi de ès l avoir ! Cependant Bachelard est pris dans une autre contra
dialectique |jction qui lui est spécifique, et c’est la deuxième limite
- (
(
l’activité scientifique ne l’empêche pas de dans |e son mode de penser en philosophie. Il arrive à recon -
retomber fr (
métaphysique|éje¬ MÎtre qu’on ne peut maintenir en philosophie aucune
quemment en philosophie dans la pensée
la complémentarité. Sa pensée, qui se veut
. -_ _
«tance absolue (raison ou réalité en soi) , aucun élément (
sique sur le plan philosophique, ne dialecti anti toi? Isolu (simple, intuitif , etc.) , effectuant ainsi la critique
i -
se qu’en «puiia
l, . (
iant., sans atteindPiUia- yémique des conceptions m étaphysiques unilaté rales ,
lier ,* lap J ;„l .:
lisant les dialectiques, en les
J i
multipl T
i *

re
une coh érence de cette multiplicité
irrationnelle. Aussià, lo vient donc qu’il maintienne, malgré lui et contradic-
(
comme on va le voir avec son « rationa lisme », sa philo. gjrement , certaines thèses unilaté rales dans ses d émarches
Sophie sera constituée du jeu alternatif de
deux métaphy. ftilosophiques ? En un mot, d’o ù vient son refus du
siques complémentaires : c’est la philosophie
la multiplication des doublets brunschvicgie dialoguée et iode de penser dialectique en philosophie ? C’est que sa (
donn é ses thèses id éalistes en th éorie de la
ns. Etant critique des idées simples et des a priori, sa critique du
qui servent de base à sa philosophie et connaissant lalism
jout à
e, et toutes les critiques connexes ou subséquentes,
fait justes dans leur plan, se doublent d’une
(
qui
l’un des pôles des dialectiques sera mainten l’expriment, litique inverse des dialectiques objectives jugées « massi¬ (
u philosophi¬
quement dominant et ce sera le pôle
rationnel, la rationa¬ fs » , celles de Hegel et celles de Marx et Engels. Rejetant
lité é tant introduite par nous dans la réalité. Idée de substance entendue d’ une façon absolue, il rejette
donc pas d’un véritable dépassement, mais d’ uneCe n’est | dée philosophique de matière en ontologie (ontologie
naison des métaphysiques contraires qu’il s agit combi¬ (
’ factionnée) , et il rejette l idée d unité d’ une façon absolue
chez lui en philosophie (cf. N.E.S., Introduction finalement {il gnoséologie. Il rejette donc l’idée d’ unité du monde,
« Une des deux directions
; P.N., 6)
métaphysiques doit être majo¬
. d’ unit é d’ un tout quelconque 1. De m ê me, il ne (
-
rée » (P N., 6) . « La philosophie du non se rejette pas seulement l idée de causalité mécanique linéaire,
être non pas une attitude de refus, mais unetrouvera donc pais toute idée de causalité au niveau de la totalité du (
attitude de
-
conciliation » (P.N., 15 16) . Par suite, la plupart
dialectiques qu’il reconna ît, d’ une manière
réel - Il refuse donc, au nom du pluralisme, l’ idée même du
des tout plan philosophique comme au plan scientifique ,
(

juste, ê tre à l’œ uvre dans l’activité scientifique relativement four au lui , il n’y a pas de sens à parler de la totalité de
sont des (
rapports entre instances décrites dans un
vocabu | r é alit é, ni de totalité au niveau de la pensée de cette
lisé. De nombreux philosophes idéalistes ant laire idéa¬ jéalité. Ainsi, les apports positifs de l’idée de dialectique, (
é
commencer par Kant, avaient déjà admis l’ rieurs, à de l’idée de négation, la reconnaissance de dialectiques
ces rapports entre instances distinctes, parfois existen ce de présentes à (
tous les niveaux
m êmes termes : rapport de la raison et de l’exp dans les scientifiques, ne le conduis depasl’activité et des théories (
ent au plan philosophique
( « toute connaissance commence avec l’expérience » érience à une conception de l’ unité de la dialectique objective. Il
,
Kant) , rapport de l’esprit et du réel, rapport du fait disait
immédiat, sensible (connaissance commune, empiriquebrut, (
du fait scientifique, contrôlé, instrumenté, ) et 1 . Cf . F . ENGELS : Anti - Dü hiing , Paris , Editions sociales , (
interprété J971il , p v . 7nÇ : « L unité réelle du monde consiste dans sa
( Duhem et bien d'autres, soutenaient des thèses 1

(
semblables.) atérialité » .
(
(
(
)
)
-m :

)
)
* 94 Gaston Bachela 1
) nie ainsi l existence d’ une dialectique de l’ ensemble de ]a
) réalité, et des rapports dialectiques de notre pensée à cette
réalité dans le procès social de connaissance. Cela va Se
) manifester à plein dans ses considérations sur l’histoire des
) sciences, où la discontinuité va être, au nom de son
pluralisme temporel (qui est à la fois un pluralisme logique CHAPITRE II
)
et ontologique ) , opposée de façon mé taphysique absolue
;
) à la continuité, et la récurrence opposée de même de façon
) absolue au développement et à la causalité historiques Æï»
UNE NOUVELLE THEORIE
)
DE L HISTOIRE DES SCIENCES :
)
.

)
RUPTURE ET DISCONTINUITE

) 1 Bachelard provoque tout le monde , aussi bien les


) philosophes matérialistes et marxistes que les philosophes
) idéalistes et métaphysiciens . Ainsi, il va jusqu’ à écrire, en
1954 : « La chimie bénéficie, comme toutes les sciences
3 fortement constituées, d’ un matérialisme historique auto¬
) nome . Ou, plus exactement, son développement, désor¬
)
mais si nécessairement impliqué dans les nécessités écono ¬

miques, dessine une ligne particulièrement nette du maté ¬

rialisme dialectique » ( M .R . , 6) . Dé jà en 1951 , de


) manière ouvertement pol émique, et au fond très équivoque ,
il parlait au détour d’ une phrase de « dialectique maté ¬

) rialiste » : « Du fluide au flux joue une dialectique maté ¬

) rialiste décisive qui doit être mise en lumière » ( A . R .P .C .,


Î93 ) . De m ême, page 171 : « Cette Mécanique ondulatoire
)
du photon est.. . un clair témoignage de la physique
) vivante, de la physique sans cesse animée d’ une dialectique
) historique . » Dans cet ouvrage , il se consacre à l ’é tude
)
des « phases dialectiques de la théorie de la propagation
de la lumière dans les temps modernes » (A . R .P . C ., 34 ) .
) A-t-on affaire à des incidentes sans importance, ou bien à
) une réelle volonté d’abandonner les philosophies idéalistes
)
)
) J
t (
(
3 de la philosophie hachelardienne ic )~
196 Gaston Bachelard fe d éveloppement (
Il spéculatives ? Est -ce un flirt avec le matérialisme historique |iQlie> cc c sel n laquelle
Thistoire conna î t des sauts,
(

en histoire des sciences ou un engagement sérieux ? des r é volutions , des ° changemen ts de base ? Même si (

lecteurs sont perplexes, les commentateurs aussi. La que$ gachelard ne s est occup é que de certains secteurs de (
tion n a jamais été étudiée au fond. Ici se pose le lhistoire des sciences , et de certaines sciences, ces thèses
problème de l’apport de Bachelard à la th éorie de l’histoire f son t ehes Pas * gé érales ' n » ? Sa critique de toutes
des sciences, sinon à l’histoire des sciences elle-même. I] les conceptions continuistes de la culture, n’est-elle pas
un
du é ria -
a é t é conduit à proposer une conception de l’histoire des passage, au moins en pratique, sur les positions mat
sciences qui passe pour absolument nouvelle et révolution- lisme historique en général et tout particulièrement
" une
dans (
naire : il lui ferait franchir une é tape décisive. L idée illustration de la validit é du mat érialisme historique
fondamentale de cette théorie est celle de rupture » . On ]e domaine
« de l’histoire des sciences ? Conjointem ent , ne
conna î t l’int ér êt suscité par cette théorie que Bachelard passe - t -il pas en philosophie sur des bases mat é rialistes
formule essentiellement dans le chapitre II de L’Activité' en reconnaissant la relativité des connaissances à des
rationaliste de la physique contemporaine, mais qui est périodes historiques données ? D’o la relativit é de la
dé jà présente depuis 1934 avec Le Nouvel esprit scientifique raison, des formes de l’esprit scientifique, et par suite des
-
puis avec La Philosophie du non . Elle tient dans quelques formes de la philosophie. Si, pour lui, comme le dit G. Can
-
(
notions célèbres telles que celles de récurrences historiques guilhem, « la raison c’est la science même (1968 » , 206 ) ,
é ’his ne faut-il pas logiquement en conclure avec D. Lecourt
V de progr ès par rectification, ’ d histoire
toire périmée (A .R.P.C., 25) , concepts
sanctionn
et
e
th è
et d ¬

ses que que l’épistémologie de Bachelard est « historique », et (


fait,
Bachelard a mis en place et développés progressivement qu’elle soutient, sinon dans ces termes, du moins en (
depuis son Essai de 1927. D. Lecourt en formule l’idée que le processus « de production des connaissan ces est un
essentielle sous la forme suivante : le non-positivisme en processus dialectique », d ès l’instant où elle affirme que (
s
épistémologie se double d’un anti-évolutionnisme en histoire « le processus de l’établissement des vérités scientifique (
est un processus sans fin (1974, 75 ) - A un premier niveau
(histoire des sciences) ( 1972, 7 s) . »
(
trouve bien ces idées chez Bachelard. Il assume entière
Cette question a pris une importance « strat égique » on
¬

l idée d’une « historicit é » de la science et de la


dans la philosophie française depuis Bachelard, et tout ment ’
. Mais bien d’autres s’exprimaient dé jà ainsi, par
i particulièrement dans l’épist émologie et les travaux sur la raison
exemple A . Lalande avec sa distinction de la raison consti ¬

théorie et l’histoire des sciences. La thèse des ruptures (


4 et de la raison constituée, L. Brunschvicg avec
4 dans l’histoire des sciences et de la pensée, le fait que, tuante
idée d’étapes de la pens ée scientifique et d’« âges » de (
1. selon Bachelard, connaissance commune et connaissance l
intelligence.
1 scientifique soient désormais en é tat de « rupture consom l’ ¬

mée » (R.A., 102) , pose la question de la proximit é de Nous signalerons tout d’abord rapidement le cas que
Bachelard au mat érialisme historique. Cette thèse ne le Bachelard fait de l histoire des sciences . A cet égard il y
range-t-elle pas aux cô tés des dialecticiens et des maté a deux choses à dire. Il s’int éresse tr ès peu aux problèmes ( 1
¬

de
rialistes ? N’a -t -il pas eu raison d’opposer aux conceptions de périodisation de l’histoire des sciences, a fortiori ( )
évolutives ou évolutionnistes antérieures (Comte, Bergson, l’histoire tout court. Quand il rencontre la question, la il
( ;
Lalande, Brunschvicg, Durkheim, etc.) une vue plus dialec- traite d’une manière cavalière. Il se r é f ère à la loi des trois
(
(
(
' smmr
LV 1 Si

8 Gaston
iq
Bachelard I j,e développement de la philosophie bachelardienne 199
) é tats d A . Comte pour y adjoindre un quatriè me é tat ( R . j | :
\ |0llC trier les documents recueillis par l’ historien . Il doit
) 102 -105) . Mais dans La Formation de 1 esprit scientifiqUg ?
& juger du point de vue de la raison et m ême du point
il proposait une division en « trois grandes pé riodes » . J |É yue de la raison évoluée... » ( ibid .) . On constate qu
'

) e ,
il
divisions ne se recouvrent pas et en fait il ne s’int é $ kfforce de maintenir la distinction traditionnelle
) pas à cette forme de la question : il pr éf è re d éveloppa
resse I dans
philosophies id éalistes entre constater et juger, entre
ses consid é rations sur 1 opposition entre le nouvel esprit | positives et disciplines normatives : l’épistémo-
)
scientifique et 1 esprit scientifique antérieur ou m ê
jjsciphnes
me jg îe appartient à ces derniè res. Aussi, il aura un jugement
) 1 esprit « pr éscientifique » ( F.E .S., 7 ) . Il met en
avant sez s é v è re pour toute « histoire » soupçonnée d’ ê tre
1 opposition entre connaissance scientifique et connaissance | positiviste , il valorise syst é matiquement l’épist é-
1 pijours et
commune, rangeant dans celle-ci indiff é remment toutes les piologie normative . La « raison » , c’est-à-dire « la science
espèces de connaissance et leurs états scientifiques ou
scientifiques anterieurs. Il s interesse plut ôt à 1 é tude
non 1 Quelle » , est la valeur suprême. Même si la conception
des jju il a de cette raison est tir ée des secteurs les plus
) étapes d évolution d un probl è me, d une probl é matique, des sciences physiques et chimiques exclusivement ,
d une théorie ( la propagation thermique dans les solides Abstraits faut ici renvoyer à sa philosophie des valeurs et de la
( E .E .P.P.) , la doctrine des substances en chimie ,J culture » sous- jacente à tous ces jugements, et finalement î
) (P.C.C.M.) , les doctrines atomiques ( I.A.) , la théorie de ) la conception qu’il a de l’esprit. Dans le chapitre o \
) la lumiè re ( A .R .P.C .) . L on trouve donc, soit de vagues traitera ulté rieurement, et explicitement , du probl ème
sch é mas gé n é raux, soit 1 histoire de « th éories » parti- 3fc l’ histoire tel qu’ il se pose dans la perspective d’ un
) tel
culi è res.
idéalisme é pistémologique, il dira : « Un historien des
Le deuxième point à préciser concerne son jugement sciences qui se compla î t dans une théorie périm ée fil
sur les travaux des historiens des sciences. D’ une fa çon s’agit de la th éorie du phlogistique] doit savoir qu’il
§|
gé n é rale il les d é valorise, tout en reconnaissant leur n éces- travaille dans la pal éontologie d’ un esprit scientifique
sit é et leur utilité. Mais il estime que le plus souvent disparu » ( A .R .P.C., 25) . Il faut mentionner, pour ê tre
ces travaux sont « positivistes » . Aussi, il ne manque pas complet, que, selon lui, « l’ histoire des math ématiques
de les critiquer durement et de les dédaigner, m ême s’il est une merveille de régularité. Elle conna î t des périodes
en utilise certains, par exemple ceux de Mme Metzger. d arrê t. Elle ne conna î t pas des pé riodes d’erreurs » ( F.E.S.,
: « Ce qui distingue le m é tier de l’épist é mologue de celui 12 et A .R .P.C., 40) . Exception é tonnante signalant un
C :i de l’historien des sciences » , c’est que « l’ historien des de ces a priori id éalistes majeurs qui jouent le rôle de
sciences doit prendre les id ées comme des faits. L’épist é- présupposé philosophique comme nous l’avons d é jà vu
mologue doit prendre les faits comme des id ées, en les chez lui dans notre premiè re partie . A partir de ces
: insé rant dans un syst è me de pensées. Un fait mal interpré t é marques, on peut comprendre que Bachelard reproduira,
par une é poque reste un fait pour l’ historien » ( F.E.S., 17 ) . dans sa conception de l’ histoire de la raison et des sciences,
) Au gr é de Bachelard , « l’ histoire, dans son principe, est... la probl ématique id éaliste classique sous une forme nou-
hostile à tout jugement normatif . Et cependant, il faut velle, mais ce sera bien la même problématique (que nous
bien se placer à un point de vue normatif , si l’on veut retrouverons avec son « rationalisme » ) .
juger de l’ efficacit é d’ une pensée ... L’é pist émologue doit Arrivons à cette « dialectique d’histoire pé rim ée et

)
s
; iu . j .
(
T (
200
c
f

St Gaston ®ac
eJarc{ ® développement de la philosophie bacheJardienne 201
(
d’ histoire sanctionnée » qui
doit
l ’ importance d’ une dialectique nous faire « com Prendte (
' historique pr pre , \ tout philosophe, mais pourquoi s’en défend-il ? N’a-t-il pas
passurPLe
pensé e scientifique » (A . R . 1 jy aussi V0 ldu « illustrer des valeurs » , comme nous le
P.C. 2 c ) p0
rendre les choses claires, prenons de >nstatons de plus en plus ? Mais ce n est pas ce qui
un
pourrons analyser le jeu subtil
de la dialLf .v, . ü Ut
j ° , n°us 1| * us intéresse présentement. Nous serons entièrement
sont les « tâches de la philoso ,
®ache- I accord avec lui quand il dénonce
l
phie des sti nce * qU6 Ies jpologique » selon lequel le primitif serait le fondamental
I
cet « axiome épisté-
,
philosophe de la pensée scientifique
croit pouvoirS
* *
au rôle d ’ historiographe de
la science. Il voudra ' ll
L **1 fousMatrenvoyo érialisme
ns également le lecteur aux pages
207- 217
rationnel , où est développée une critique
les valeurs. Il voudrait avec la '

choses. Pour cela, il cherche desscience aller auV 01 r C des * partisans de la continuit é culturelle » , ces (

rudiment . Il croit avoir dit l ’essentiel


origines II . I p,>ntinu,stes de k culture » qui expliquent « la continuit é
thèmes généraux . Et peu à peu ’ quand ilVfi
s introduit dans* la
3U
\I a cuIture * en évocluant « la continuit é de l'histoire »
° 11 faut avoir présents à l esprit de tels
2 9
(
Sophie des sciences le plus
J
»
philosophie de la connaissance : l ’
invétéré des axiome S Usages dans Ie commentaire que nous allons faire du
axiome qui vo dr V 3 l te que nous venons de donner - Dans une lecture
le primitif f û t toujours le fondame
'

*
ntal Et DO t t ?Ue Attentive , on remarquera que Bachelard dans l’énoncé de
î philosophe veut recevoir toutes
contemporaine, il lui faudra
les leçons de
S
' P axi°me laisse ouverte la possibilité que parfois le pri -
de cet axiome épistémologiqsouvent tSCle
prendre le co 16 ?$M »*tif soit le fondamental , puisqu’ il dit : « On voudrait
ue . Il lui faudra lutte Pied p d | lû t toujours . » Cette remarque n’est pas anodine :
(
l’historicité de l’expérience, contre (
rationnel . Désormais une constan l historicité m "
te

* I
Prend
phrase suivante dit bien que « souvent » , il faudra
re contre-Pied de cet axiome . Tout marxiste, (
travaille la pensée scientifique . L’ activité de
I de la pensée scientifique va de essentielle act V | ulemen t Peut accepter de telles formules, mais bien plus,
d une ne nouvell
nouvellee base
bace . fCette
- pair
>tK» réactivit.éA du
avec la iccncrcne
J ..
r I
re t, rctie !lplui
d!
Jcelui
es l ° partie de tous les enseignements de Marx ,
nt
-ci posait déjà ce problème, et demandait : « Les
base est, pour la pensée scientifique sommet sur la
caractère philosophique éminent. contemp oraine, un catégories simples n’ont-elles pas aussi une existence indé ¬

!
l’occasion de revenir, dans cet Nous aurons bien souvent pendante , de caractère historique ou naturel , antérieure à
philosophique nouveau de ce rationa ouvrage sur le car tè
* pe des catégories plus concrètes ? » Il répondait : « Ça
associ és, l ’ un et l ’autre essenti lisme et de ce ré 1 ' j Pcnd * Marx développait les raisons de sa réponse
i
!
techniques formulées par des
(A . R .P .C ., 1 -2 ) .
ellemen
th é
t
ories
actualisés dans
math
' llt
ma fiques * * ?
ans
m é
,
leS
thode
pages
de l’ é
suivantes de ce cél èbre paragraphe sur la
conomie politique » . Les catégories simples
dont parle Marx, ce sont chez Bachelard les « thèmes
II faudrait d’abord deman généraux » . Les catégories plus concrè tes désignent pour
épistémologique et philosophiqueder si toute sa doctrine Marx les objets concrets complexes que nous rencontrons
sous le coup de ce qu’il dit aune tombe pas elle-même dans la réalité empirique, exactement comme pour Bache-
n’a-t-il pas voulu avec la philosophie début de ce passage :
« aller au fond des de l’approximation (
choses » ? C’est d’ailleurs le rô , 1 . K . MARX : Introduction générale (
le de 1857 ) , in Contribution (
I la critique de l économie politique, p . 166 .

IL (
(
(
j:

|
) T
|
) Gaston Bachelard Le d éveloppement de la philosophie bachelardienne 203
Ij lard le « r éel » connu par la science ce sont les substances « l’erreur et la vé rit é » . Il oppose alors à cette histoire des
complexes de la chimie moderne, ou l atome complexe de sciences celle des « empires et des peuples » qui « a pour
) la physique contemporaine . Le probl è me de l ’ historicité id éal .. . le récit objectif des faits » et qui « demande à
des concepts simples, fondamentaux , est donc bien posé l’historien de ne pas juger » ( ibid .) . Bachelard é tablit
de la même fa çon . donc une diff érence entre deux sortes d histoires radicale¬
Par contre, quand Bachelard ajoute qu’ il faut lutter ment opposées et l’on comprend que l’é pist é mologie et
contre l'historicit é de l ’expé rience, contre l'historicit é du l’histoire sanctionnée (histoire des sciences ) seront sous ¬

rationnel, nous devons nous poser des questions. Rappelons traites ainsi à l’ historicit é, tout comme la raison scienti ¬

qu’ il écrivait à propos de ce probl ème de la relativité fique actuelle. Il parle alors de « l’ instant de nouvelle
historique des connaissances rationnelles : « L’arithm étique conscience o ù le rationalisme soudain nie l’ histoire de
n est pas plus que la géom é trie une promotion naturelle l acquisition des id ées pour d ésigner et organiser les id ées
d ’ une raison immuable . L’arithm é tique n est pas fond ée constitutives. Dès que la pensée scientifique prend cons¬
sur la raison . C’est la doctrine de la raison qui est fond ée cience de cette tâche d’essentielle r éorganisation du savoir ,
sur l ’arithm é tique él é mentaire ... En gé n é ral , l’esprit doit la tendance à y inscrire les donn ées historiques primi ¬
144 ) . La (tives
se plier aux conditions du savoir » ( P. N., appara î t comme une vé ritable d ésorganisation »
relativité historique est bien affirm ée. Mais Bachelard, | A.R .P.C 3) .
entendant comme la plupart de ses contemporains cette
relativit é comme une chute dans l’ irrationalisme, dans le
relativisme et le scepticisme absolu, veut maintenir la
raison , le rationnel, la rationalit é comme « valeurs » , c’est
On a l à un m élange de th èses en partie justes et en
partie fausses très typique du mode de penser de Bachelard .
En effet, comment dire plus clairement qu’on ne consid ère
*A
Pas l’ histoire comme une science, puisqu’ on fait passer
le refus du mat é rialisme en histoire. Aussi, il pense que une coupure à l’ intérieur même des disciplines historiques.
la science abolit sa propre historicité (cf . R.A. , C
49 Par est la m ê me coupure ( opposition ) qui se reproduit à
exemple ) . Il y a des concepts valables « pour toujours » l’int é rieur de l’ histoire des sciences sous la forme de la
( A .R .P.C ., 26) ! C’est ici qu’ il introduit la distinction de distinction entre histoire pé rim ée et histoire sanctionn ée.
Vhistoire sanctionnée et de l’ histoire périm ée : « Le point Avons-nous l à une conception bien coh érente ? En fait,
de vue moderne d é termine alors une nouvelle perspective nous prenons ici sur le vif une contradiction spécifique de ,
sur l’ histoire des sciences » (ibid., 24 ) . La lutte contre toute la problématique philosophique de Bachelard : d’ une
l ’ historicité de la raison se fait au nom de la raison actuelle, Part , il affirme l’ historicité de la science, de la raison, de
donc de certains th è mes gé n é raux, de valeurs : « Il s’agit l esprit scientifique, etc. D’autre part, il affirme que la
de montrer l ’action d ’ une histoire jug ée » ( ibid .) . i rationalité des th éories actuelles est telle qu’elle rend
Mais il demande curieusement : « Ne peut-on pas dire caduque son histoire et par suite l’ int é rê t de la connais¬
qu ’ une histoire comprise n’est d é jà plus de l’ histoire sance historique des commencements, ou des étapes anté-
I
)
pure ? » ( A . R .P .C., 24 ) . Or, seule l ’ histoire des sciences j prieures ! Bizarre conception de la connaissance historique .
est n écessairement une histoire comprise, selon Bachelard \ Il admet cependant que l’ histoire pé rim ée int é resse un
Elle comprend son passé à partir de la connaissance 1 épist é mologue ( A .R . P .C., ) : mais c’est pour en tirer des
25
rationnelle actuelle : aussi, elle le juge . Elle distingue W leçons de psychanalyse de la connaissance et pour constituer

0 |
C
"
W (
(
(
2 C4
Gaston Bachelard 1 Le développement de la philosophie bachelardienne 205 c
(
une psychologie normative. En effet, on ne peut manquer ’est que pour lui il n’ y a pas de causes historiques ext é ¬
d ê tre frappé par le vocabulaire psychologique et moral qui C (
rieures à la science et qui commandent son développe¬
envahit l épistémologie : « La prise de conscience rationa ¬
ment, il n’ y a pas de lois du d éveloppement historique
liste est nettement une nouvelle conscience. Elle est une
de la science . Il le dit explicitement : « La chimie bén é¬
conscience qui juge son savoir et qui veut transcender le ficie d ’ un mat é rialisme historique autonome » ( M . R ., 6) .
péché originel de l empirisme » ( A .R .P.C ., ) . Le discours (
épistémologique de Bachelard , et ses travaux3 d’histoire des
Plus nettement encore : « Dans le destin des sciences les
valeurs rationnelles s imposent. Elles s’imposent historique- t (
sciences
sciences , pour inform
intorm és qu’' ils soient et riches d’' un contenu |ment . L’ histoire des sciences est menee ' par une sorte L
- de
J
-
historique et scientifique concret, ne sont donc en rien un I né (
cessit é autonome » (A . R .P .C., 47 ) . Mais si 1 on interroge
passage au maté rialisme historique
511 mQfpmllcmo Inclnrmiija nn Vi
en histoire
i ra des sciences. 1 les
Jap PPIOUPPC Ion Cette auto (
1p Urtpiliolopa our r i i *
textes de Bachelard sur cette
&' '

nécessit
' f
é et
<!llP PV cette
HPPPQ UUtO ¬
Il tend constamment à juger le passé au nom de valeurs
nomie, on n’en trouve pas d’explication . S’ il peut parler de (
présentes et non à le comprendre et à l’expliquer sinon
synth èse de culture qui implique la r é union de plusieurs
psychologiquement et subjectivement . Il ne cherche pas siècles de culture » ( A .R .P.C ., 21 ) , il ne peut avec la
des causalités historiques concrètes, effectives. L’explication Théorie de la Relativité parler que d’enveloppement, et
se fait psychologique, morale et pédagogique. avec d ’autres th éories c’ est de rejet qu’ il s’agit ( th éorie du
Qu’en résulte-t-il pour la conception d’ une histoire qui phlogistique) . L’histoire sanctionnée conna î t donc au (
procè de par rectifications, refontes et ruptures ? Bachelard moins deux modes de « sanction » . La nécessité de cette
d ésigne bien par l à un aspect absolument juste de l’ histoire histoire est seulement récurrente et constamment mou ¬

des sciences et de la culture, nous dirions quant à nous vante. En fait Bachelard ne saisit aucune nécessité histo ¬
(
de toute histoire
ae rairc.
mstoire en gé n é ral , ce qu ’' il se garde de faire rique. Quand il parle de la nécessité des « valeurs ration-
De même lorsqu ’il parle dans le texte que nous avons pns je h * valeur explicative actuelle des concepts (
pour point de d épart, de « r éactivit é du sommet sur a | ] ientifi’ parie. £ n ce sens « le rationalisme de
base » , il soutient une thèse enti è rement juste. Il s agi | y sdence actuelle nie son histoire » (A.R .P.C., 3) . Bache-
pour lui de la réactivité des connaissances plus comp ex
sur les idees simples de d épart, ou encore de la react vi
,
m >
n ne saurait être expliqu é ni par son
des causes ext é rieures à la science II y a
(

des connaissances actuelles sur les connaissances antérieure •


;
,

£ . ]e rationalisme est une philosophie qui (

«ssos sai~:,sn,~x.s (

(
(
raison et histoire . Il con çoit ces relations a 1 image de ce a .
qui existent entre les instances actuelles du rationnel et 1,. £ e]]e ne t être rapprochée du matérialisme ( ;

réel dans la science. C’est la conception des rapport


dialectiques de complémentarité entre pôles coordonn s
« «torique que par un quip;nmn „n
oquo
ni 1
(
, Ainsi, par sa these de a rup ure > a (
qu’ il pense suffisante pour élaborer une histoire r écurren e - Jiflécessit é du d éveloppement is orique fonction
i s-
£ (
'
(
if
)
)
)
2 CÔ
Gaston Bach ] j jjijté i' ehppement de la philosophie bachelardienne 207

) de sa conception du temps et de l esprit. Le


ÊHéaliste qui les pén è tre profond ément au point qu’il est
) rationalité actuelle s’expliquent par eux-mê
mes ,
nouveau
, la
Luvent difficile de séparer ce en .quoi ce qu’il dit est juste
s’explique par une « volonté de raison » . la science
y des obstacles. La science est la réalisation Celle -ci rencont re | t ce en quoi ce qu’il dit est faux
opiniâ tre ( M.R ., n s) . L’histoire de
d’ une
conscien ce I Cela vient de ce qu’il semble refuser une conception
) la quences en épisté-
Ipositiviste de l’ histoire pour ses unconsvééritable
la durée, n’a pas de poussée. Elle est science, comme matérialisme
)
propres valeurs. La dialectique historiqueanimée par ses
Jnologie qui l’auraient conduit à
pistorique. Sous le nom d ’ histoire, il n ’envisage que l’his-
) sciences est décrite comme une dialectique deautonome des faits objectifs, mais
est net à la fin du chapitre sur les ré valeurs. Cela ftoire événementielle qui enregistre des ’ un point de
Il s’agit pour Bachelard de réhabiliter la
currences historiques -
qui ne les juge pas, ni ne les explique. D vue
)
en physique contre le relativisme sceptique
valeur des théories idéaliste, Bachelard préf ère opposer à l histoire des sciences

) ou la critique du positivisme. « Nos th d’un Duhem jugée positiviste les tâches d’ une épistémologie qui prend
èses de jes faits de l’histoire des sciences comme des idées, c’est-à-
historique, de la réorganisation des valeurs la récurrence
)
vont pas si loin que les thèses de
de l’histoire ne dire comme des valeurs. Plus profondément il refuse une
) Pierre Duhem » conception évolutionniste et répond aux problèmes de
(A.R.P.C., 47) . Si une construction
) thé
valeur supérieure, dit Bachelard, ce n’est « orique a une l'application des conceptions évolutionnistes en histoire
une question de fait » (ibid.) ! Cela révèle pas seulement par une fin de non-recevoir. Il y avait les doctrines de
)
de .l’objectivité sur une conception Comte et de Bergson, mais aussi celles de Spencer et de
) o u i laquelle
irtLjucuc 11
poursuit en disant qu’ « elle n’est
rauara revenir. Bachelar
il faudra Bachelardd toute l’école sociologique française. Il s’en inspire et
) pas seulement caractéris¬ même souvent se fonde sur elles : l'opposition entre esprit
tique d’ un instant historique » . On voit scientifique et esprit préscientifique n’est qu’ une repro ¬
bien
) refuse une conception matérialiste de l’histoire ici qu’il duction de celle de la mentalité logique et de la mentalité
pas à juger des faits. Dans ces conditions qui n’a
) , pour Bachelard, prélogique de Lévy-Bruhl . Comme Lalande et Brunschvicg,
)
l’histoire ne peut pas être une science
comme les autres. il pense à des « âges de l’intelligence ». C’est la tradition
Aussi, en fait de maté rialisme historique ou de idéaliste et criticiste de l’histoire de la science que Bachelard
) historique ou maté rialiste, on ne trouve dialectique
rien chez lui : maintient, comme il maintient un certain idéalisme sur
) aucune dialectique entre science et développeme beaucoup d’autres plans.
nt social
(structures des formations socio-économiques Il introduit pourtant une diff érence par rapport à ses
) dialectique entre sciences et idéologies ) , aucune
prédécesseurs qui tient dans la notion de rupture. Il
.

« formes de conscience » qui


(au sein des
) accompagnent les formations insiste tant sur la nouveau té de l’esprit scientifique contem ¬
) sociales) : il ne propose qu’une dialectique porain qu’il majore la discontinuité en la rendant absolue :
de
rationnelles sanctionnées et de valeurs périm é . valeurs c’est pourquoi il semble se rapprocher des conceptions
) trouve non plus aucune dialectique entre techniques es On ne
de dialectiques de l’histoire pour lesquelles il y a des révo¬
) laboratoire et techniques de production, mais plut lutions, des périodes de crises et de profondes transfor ¬

assimilation entre elles. Les développements de ôt une


) la science mations. Mais Bachelard donne de ces « révolutions »
sont bien « autonomes » . Par suite, l’ une description idéaliste. Il refuse les concessions que
) ensemble des dialec¬
tiques qu’il désigne sont enveloppées des Brunschvicg ou des Lalande, a fortiori des Bergson ,
dans une atmosphère
)
)
)
ÏÏ
(
(

2C 8 Gaston B âcher K d éveloppement de la philosophie bachelaidienne 209


c
(
(
faisaient à l idée d évolution de la pensée humaine imprévi
progrès successifs . Il introduit l’idée d’histoire pé par
Lettre en pleine lumière le caractère discontinu ¬

(
sible des procédures par lesquelles le savant construit la
Cependant à deux points de vue , il reproduit la rimée » L Or l’article de R . Berthelot porte sur la philo-
matique idéaliste classique dans la philosophie
problé¬
française - |
lience
j phie de Brunschvicg et sur les sciences physiques et
(
1 . Cette histoire est autonome : l’ histoire (
des progrès lathematiques d’ une part, sur les sciences sociales d’autre
humains, c’est celle des progrès de la raison scientifique (
part . La question du rapport de Bachelard à l évolution-

C’est l’esprit , la raison et les valeurs de culture qui mè
toute l’histoire de la pensée . Même lorsqu’il met l’ nent
fjsme et à l idée de causalité en histoire, à elle seule,
’ (.

sur l’histoire des instruments de mesure, il insiste accent Jjevrait faire l ’objet d’ une recherche particulière comme (,
sur de son rapport à l’ indéterminisme .
fait qu’elle est essentiellement l’histoire des théories Je (celle
,
(
:
la mesure, de la pensée de la mesure 2 . La raison a pour de I; Le concept de « rupture » chez Bachelard est, dans
ces conditions, une prise de position dans un débat qui (
,

modèle les sciences de la nature ou plus exactement


pensée mathé matique qui anime les théories de la la jurait depuis longtemps dans la philosophie rationaliste c
phy française . Il est équivoque et le lieu de toutes les contra
¬
¬
sique et de la chimie . Contre Bergson et le spiritualisme
dictions de lainterpr philosophie bachelardienne, comme le lieu
Bachelard continue d ’ exprimer le grand courant de ratio étations possibles. Il constitue un pas
nalisme qui depuis Descartes caractérise la philosophie
¬
de bien des (
important dans la reconnaissance du fait que le déve¬
française à travers le xvme siècle, le positivisme et le néo¬ ü jjh
loppement des sciences traverse des périodes de refontes
kantisme français .
de leurs concepts principaux, de leurs concepts de base . i
Son anti-évolutionnisme cache mal un historicisme Mais il n’en donne pas d ’explication matérialiste . Cette c
radical : son objet est seulement de repousser toute concep reconnaissance à laquelle la philosophie idéaliste est :(
¬
tion matérialiste des processus de l ’histoire , de son « évo¬ astreinte est lourde de bien des ambiguï tés, manifestées
lution » . A ce sujet, il faudrait étudier le développement par ces oppositions massives qui traversent toute la théorie (
de toute la problématique « évolutionniste » dans les de l’ histoire que nous donne Bachelard . Il se borne le (
années 1920-1930 pour suivre Bachelard. On s’aperçoit plus souvent à répéter ou renouveler sous un langage
, (
en effet, qu’elle divise tous les philosophes, qu’elle est apparemment « révolutionnaire » , des poncifs chers à la
au cœ ur de nombreux débats et de nombreux travaux : que philosophie idéaliste : opposition entre faits et valeurs, c
l’on songe par exemple à la théorie de la forme, à Piaget
et Wallon en psychologie, aux discussions en sociologie
évoquées ci-dessus . En 1930, La Revue de mé taphysique
entre présent et passé, entre raison et réel ( qui est toujours
l’empirie, ou le sensible, l’informe, etc.) . Ce sont tous
x (
ces dualismes que recouvre et exprime la notion de rupture .
et de morale publie des articles de René Berthelot qui L’histoire , à la limite, n’a pas de réalité : elle est (
reprennent des cours de 1909-1914 et qui se terminent par une pure vue « rétrospective » du présent actuel sur . le ..(
des questions comme : raison et évolution , ordinalisme et passé. Par-delà les exemples historiques concrets étudi és
discontinu irréversible (ordinalisme et raison, évolution et (
dans l’histoire de telle ou telle science, dans l’ histoire de
discontinu irréversible, l’idée de continuité) . Parodi écrivait : (
« Toute la dialectique de M . Brunschvicg s’
emploie à Paris, (
ruiner ce qu’il appelle la philosophie du concept et à 1 . Cité in L. BRUNSCHVICG : Ecrits philosophiques ,
P .U .F ., t . 2 , 1954, p . 13 Ç . (
it
d
.)

)
210 Gaston Bachelard le d éveloppement de h philosophie bachelardienne 211
)
) tel ou tel problème scientifique, de tel ou tel concept en gén é ral ; apparemment il le
fondamentales sur l’ histoire
) quand Bachelard propose une th éorie gé né rale de l histoire' fait’ d un point de vue rationaliste , parce qu’ il entend
) une philosophie des rapports entre raison et histoire ij seulement parler de l ’ histoire de l’esprit scientifique ,

d éveloppe une id ée gé n é rale, celle de « récurrence histo ¬


politzer relevait , en 1939, ce que cette fa çon de nier le
rique » . On pense alors qu’ il arrive sur des positions fort temps r éel et le devenir historique avait de « m é taphy ¬
) proches de celle d ’ une conception dialectique de l ’ histoire sique » . Elle consiste à « voir le passé à travers le pr ésent,
Mais en fait il s’agit tout autant d ’ une pol émique contre [à] considérer la raison présente comme la raison , et [à ]
l’id ée que l’ histoire puisse ê tre une science. Les r écurrences instituer entre le présent et le passé, mis sur le m ême
historiques constituent une doctrine selon laquelle il n y plan et immobilisés, un d ébat contradictoire » (Ecrits, I ,
a pas de causalit é en histoire. Là encore, ce qui constitue p . 204) . j
le fond de la pensée de Bachelard, c’est la critique de
) Sur le plan philosophique, la th éorie du progrès par
| toute substantialité ( maté rielle ) , de toute « unité » et de
ruptures constitue donc chez Bachelard un compromis
) toute causalit é efficiente en histoire. D’après lui , recon ¬

entre des th èses m é taphysiques et la reconnaissance d’ un j


) na î tre une continuité quelconque, ce serait tomber dans
.

une explication par les origines . Une continuité ré tablirait


d éveloppement historique par mutations . D’o la recon ¬

)
une unit é et des causes. Là se manifeste le fait que sous
naissance de certains aspects dialectiques non seulement j
) ; les concepts de rupture, de refonte, de r évolution , Bache ¬
dans l’activité actuelle de la connaissance scientifique , mais
dans son histoire . Mais, il ne reconna î t pas que le
J
) lard « applique » sa m é taphysique du temps, et sa concep
tion id éaliste de l’esprit, son pluralisme et son ind é ter
¬
mouvement historique se fait à travers des antagonismes
) ¬
qui opposent des forces de fa çon contradictoire. De m ême j
minisme philosophiques. Tout cela commande sa concep
tion des dialectiques r étrospectives, au lieu que ce soit ses
¬
sur le plan philosophique, s’ il admet une certaine activité
de n égation , 1. celle-ci est une activité de l’ esprit et de
é tudes historiques qui l’aient conduit à une th éorie maté j.
¬
la raison , 2 . elle n’est pas une contradiction véritable . Au
) rialiste du temps. Aussi sa conception des ruptures en contraire, les contradictions sont de l’ ordre de l’opposition
histoire reste-t-elle id éale. Elle majore partout le nouveau , entre imagination et raison . Elles sont d é passées dans le
) le pr ésent, les valeurs actuelles. Si l’on doit accorder que nouvel esprit scientifique. Aussi on pourrait lui appliquer
) l’ histoire conna î t bien les faits apr ès coup, il reste que, ce que dit Hegel de ceux qui caricaturent la dialectique :
) pour Bachelard , l’ histoire r écurrente interdit de rechercher « souvent la dialectique ne d épasse pas un syst è me sub ¬

des forces à l’œ uvre dans l’histoire. Par là, il retrouve un jectif de balancement » ( Encyclopédie, $ 81) . En fin de
th ème id éaliste tr ès r é pandu de son temps, et qu’ il exprime compte, le sens de l’ introduction relativement importante
) aussi à sa maniè re : l’ histoire comme « vue purement des th èmes historiques et dialectiques dans l’é pistémologie,
rétrospective » qui « évalue » le passé au nom du présent dans l’ histoire des sciences et dans la philosophie bâ che-
et de valeurs pr ésentes, c’ é tait la conception dominante de
j
lardiennes, c’est d’effectuer une critique qui reste elle-
tous ceux qui refusaient une conception maté rialiste. C’é tait m ê me id éaliste et m éthodologiquement m é taphysique, des
f le th ème subjectiviste par excellence qu’on trouvait chez concepts de substance, d’ unité et de cause dans tous les ,
Dilthey, Jaspers, Aron, les ph énom é nologues, les philo ¬
domaines. D’o ù un aspect positif des th èses de Bachelard . j
sophes de la conscience . Bachelard exprime les m êmes vues Car elles signifient que les progrès des connaissances au ;
)

J
)

1
(

= f (
i
212 Gaston Bacheja f (
Td
(
xx* siècle ont obligé le n éo-kantisme et les courants
sophiques appuyés sur
5 ui les
ics sciences
phi] « '

. (
Mjpm ucô appuya à effectuer
sciences a ettectuer leur propre
n
critique de notions comme celles de raison
d activité transhistorique de la conscience
raison imm ,
ou d ’ un t
S 1 (
(
culté de jugement. Mais cette introduction
de dialectique historique chez Bachelard
de la nS
JS
? '

CHAPITRE III (
temps dirigée contre toute conception mat
est en
é •'
?
pose une matière et des lois objectives ind rialiste
épendante l
tout sujet. De meme que sous la notion de
ce n est pas seulement le matérialisme m é
caniste
substance
nui
1
1
' LE RATIONALISME

OUVERT
r ver VDUTt?
COMME PHILOSOPHIE
' '
visé mais tout matérialisme, de
1
I
;
m ême sous les
dialectique et d histoire, Bachelard effectue non notion a
,
seuleme i „' II CONCORDATAIRE ET CRITICISME
DE SECONDE POSITION
mais il les remplace par d’autres : dialectiques
discontinuité, complexité, pluralisme, destinées àsubjective
s’oppoSï i

de KhqUe °bireCtiVe qui Se fonde sur l ex >


qui forment une uni é dans la
stence |Les déclarations de rationalisme sont fréquentes chez
volonté de rester au plus
(

unité d un tout complexe, et qui voit la


1 * r éalité Bachelard . Elles expriment sa pour les
continuité d’un nrès des sciences, mais des sciences qu’il tient
Ï rPenient danfS !
toutes
o
di,SCOntinuité de ses formes.
ces raisons et dans la mesure o Bachelard reconna î t
Pour Ls rationnelles ; car il juge de la rationalit
ce
é
fait
d’ après la
au plan
des d ïalechcpies et une histoire qui procède par ré math ématisation . Il faut donc partir de rationaliste .
volutions, philosophique : Bachelard se présente comme
rqr
nue nl
plurahsees
r
hlStoire SOnt chez lui idéalistes> parce
et grevees par ses conceptions
JUCCpiJLUll m é taphysiques
Mais que penser alors de sa « conversion poser
en effet , se
à l’imaginaire
la question
»
0 JUO V/
dont parle J . Gagey ? On peut ,
ir le
îe temps
remps et 1l’esprit. C’est tout cela que condensa imagination
qui voit dans l ’
qu’exprime sa notion de rupture, posée condense rationalisme vjui
CIC ce
nature de . .
de ]Icia naiurc
dC CC IdUimauouiv T v

on ni n rôtt quenue dans


de façon l’essence m
»
ême dei
l’> esprit
i M
humain, Vvbien
:. I plut
bsolue. ée , rectifiée et
une raison qui n’est qu’ une forme évolu que chez un
ère
tardive de l’esprit et qui n’existe guune « cité scienti¬
certain nombre de savants formant
fique, une cité intellectuelle très étroite
, très fermée »
érents on peut
(R.A ., 104) . A deux points de vue diff s agit : en effet
il
donc se demander de quel rationalisme
très conscient
il appara ît comme doublement relatif , et’imagination et (
de ses limites puisqu’il est limité par l
dé jà signalé
limité à une cité scientifique étroite. On a
(
le contraste qui résulte du fait que ce
rationalisme est ( 1

1
)
) l
)
214 Gaston 215
! Bachelard
) affirmé avec une force de conviction [l'avons déjà souligné. Mais il fallait le rappeler eiciet, car on
confine à la foi, s exprime dans des termes enthousiaste qUj de sa pensé de ses
)
dénote un romantisme de l’intelligence . Ce
lyriques, et a tendance à’ minimiser cet aspectqu ’ il fasse profession de
thèses sur l imagination . Bien
serait très relatif dans la mesure où il ne rationalisme de sa carrière (P .E ., s et
qu’une part de l’homme, et la plus minime, la concernerait
phénoménologie » sur la fin 3
plus p* .R . , passim ) , et bien qu’ il se révèle être aussi de la
cielle, celle par laquelle il s’efforce de conna î tre la superfi¬ , sa méthode
) réalité iace des poètes et pas seulement leur ami
Or on l’a vu, cet objectif est inaccessible, l’objectivit
nous semble d’esprit profondément intellectualiste . Cela,
recule, et la foi rationaliste ne dure que durant un é de
ïnon pas uniquement du fait qu il découvredudesfaitloisqu’il

Bachelard propose même une répartition des heures . temps mais
jour entre le rationalisme clair du matin, et l’ du d imagination, qu il classe les
’ images ,
et d’ inspiration
mette en œ uvre des méthodes d, allure

empirisme
désabusé du soir. D’autre part, l’ imagination est premi scientifiques : lectures minutieuses relevés des correspon
¬

elle suit de tout autres lois, et il faut lui faire sa part ère, l é
dances, analyses pour ainsi dire subatomiques des les struc¬
é ments
semble être devenue de plus en plus grande, voire qui il recherche
hissante, chez Bachelard . Chez tout homme sommeilleenva¬ de l’ imagination, ces images dont
i
tures profondes, les noyaux qu ’ il casse en corpuscules
raison qui peut s’éduquer à l ’école de la science , une images . Cette activité
) l’imagination règne mais dont on peut recomposer d autres ’
spectrales) ,
.
d’analyse fine (qui évoque l analyse des
’ raies
cette activité de composition des images é émentaires l
) Pourtant, l imagination aussi doit s’éduquer, prendre
’ ,
è s bien
son essor « rectifié » par la poésie ou la rêverie
heureuse tout nous semble confirmer, comme le montre tr
V. Therrien dans son ouvrage, que Bachelard , tout en
¬
ment conduite, « sublimée » dit-il . Ainsi, la raison
'

) limitée pas
à la cité scientifique et éduquée dans la conscience
de lisant les poètes, tout en vivant ses rêveries, ne quitte
rationalité, a reçu de multiples « rectifications » . De même, seulement de ses
) son âme rationaliste. Ce n est donc
’ pas
dire
l’ imagination se trouve limitée en somme à une « qu ’ il faut
) cité réflexions sur la science contemporaine
poétique » étroite, formée de poètes et de lecteurs capables qu’elles le confirment dans son rationalisme
philosophique,
) c’ est sa
de cette sublimation « qui ne sublime rien » . Dès lors, c’est sa méthode même de lecture des poètes, - êmes,
) l’opposition est moins entre une raison scientifique sûre manière d’être rêveur conscient des mots eux mde le
de son objectivité et de sa purification, et une imagination quoique non linguiste ( « Je suis ai-je besoin
)
ma î tresse de fausseté et d’erreurs . Le combat ne se livre dire ? un ignorant en linguistique » , P .R ., 16) , qui
pas tant entre ces deux « fonctions » de tout le psychisme, révèlent une profonde conscience rationaliste chez
Bache ¬

|p souligner , car
) qu’ entre une raison et une imagination « communes » , lard . Cela nous semble très important à
H , le travail
) .
qui ont partie liée dans la connaissance empirique, dans son souci de séparer nettement, et par principe ’ il refuse les
leur fonction pragmatique, et une raison et une imagination scientifique et la rêverie po é tique , signifie qu
) quand il
entra înements romantiques de l imagination :
« psychanalysées » et « rythmanalysées » qui ’
s’accordent
par méthode ,
dans une claire séparation des tâches. rêve, il sait qu’ il rêve. Il suit sa rê verie
) Si nous passons du plan doctrinal au plan méthodo¬ comme Descartes son doute : Bachelard ou la rêverie
)
' logique, il appara î t que Bachelard procède de façon ratio¬ méthodique. Mais, il y a une réciproque à cette lecture
naliste dans ses études sur l’imagination, comme nous rationaliste de la poésie, à cette rationalisation mé thodique
.)
)
: ji | ;
)
(
l (

216 Gaston Bachel |e développement de la philosophie bachelardienne 217

met
de la rêverie : quand il nous parle de la
raison nc pas sur ce caractère spécifique de la raison que les
fique, de ses conquêtes récentes, de sa surprenantescienti-y contemporaine dans ses secteurs (
0 œ uvre la science
sance de rectification, qui la fait se maintenir parpujs. ]us avancés. « La science complique la raison » (N.E.S., (
toutes les difficultés de la connaissance objective, -delà . En s’exprimant ainsi, Bachelard veut dépassermtout
tous les obstacles-premiers, il le fait sur le -
par delà
iationalisme classique car, c’est dans son application ême
(
l enthousiasme et du lyrisme. Ce caractère du mode de que la théorie d écouvre la nécessité de sa rectification
:
bachelardien doit avoir ses raisons. Nous les drationalisme
é l'est devant les védifficult és qu’elle rencontre en voulant
peut-être, au moins en partie, en considérant couvrirons , se rifier, é tendre ses explications, qu'elle
la spécificité s appliquer
de ce rationalisme non plus pris dans son
allure, mais ait {encontre des limites
, des faits non intégrables sur la base
plan philosophique lui-même. ’elle « réagit » sur cette
de ses concepts de dé part et quclassique , au moins pour
Ce rationalisme appara î t principalement comme base. Tout cela est maintenant
les lecteurs de Bachelard, ou pour ceux qui sont un tant
rationalisme appliqué. C’est une constante de la pensée un de la connaissance au
Bachelard que de soutenir que la raison, que promeut de soit peu familiers de l’histoire
développe l’esprit scientifique dans les théories ré et xx* siècle.
centes de
la physique et de la chimie, n’est pas une raison pré Quand Bachelard part de ces faits épistémologiques, et
mais une raison qui se définit contre une raison antform ée,
érieure, qu’il en tire les enseignements philosophiques, sa position
« une raison qui a d û abandonner ses anciens concepts para î t bien nette. Mais, ce rationalisme ouvert poque dont il
, ses Bayet à la m ê me é 1,
définitions de base, pour les complexifier. Or, elle
le fait parle tout comme Albert
dans son application. Mais cette application est bien parti semble en fait très problématique. En effetdes , la leçon (
culière, elle est d’ un type nouveau . Nous l’avons vu ¬
philosophique qu’il tire du mouvement ré cent sciences
la théorie des ordres d’approximation. Dans l’âge avec contemporaines, c’est qu’il n’existe pas de raison immuable ,
classique . C ’est ce
de la science, on peut dire que la « raison » devait de raison en soi, définie une fois pour toutes (
appliquer ses concepts : elle devait les mettre en aussi que signifie son insistance à parler de rationalisme nouveau .
dans l’expérience. Par exemple le concept de cause,oeuvre Il entend parler d’ une ouverture intégrale de la raison ¬
.
i de substance, ceux d’espace ou de temps, ne dispensaient celui
C’est la négation de toute raison, raison préform ée, ensem
pas de la recherche des lois particulières,
des causes ble d’ idées simples ou de formes a priori . D’autres avaient i
particulières de tel ou tel phénomène, de tel ou
tel objet dé jà abandonné cette conception cartésienne ou kantienne (
de la nature. C’est toujours le cas des concepts de
la de la raison (ou de l’entendement scientifique) . Mais (
science contemporaine qui, modifiés, n’en doivent pas Bachelard veut achever ce mouvement : aussi il faut bien
V moins toujours recourir à l’expérimentation. Ce qui appara î comprendre que pour lui, la raison ne peut plus être (
nouveau, c’est une obligation générale, inattendue danst définie comme « constituante » au sens de Lalande, et
la perspective classique, qui est, comme nous l’avons
vu, qu’il n y a pas de vecteur qui constituerait une « ligne
l’obligation pour la raison, avant m ême son application (
r dans l’expérience, d’inscrire les conditions de cette appli¬ ? », C
cation dans le corps même de la théorie. Du moins, c’est 1. Cf . G . POLITZER : « Qu’est-ce que le érationalisme
e reproduit in
i
article écrit en 1939 pour le n 2 de La Pens , (
ainsi que Bachelard nous présente la chose. Ne revenons Ecrits, la Philosophie et les Mythes, op . cit . , pp . 180-251 .
t
II %
i
L\
(
) 1
)
)
218
Gaston
Bachelard W« _d veloppement de la philosophie bachelardi
enne __
2 1Ç

)
)
)
J
jugement
r"
nnp moinf
1

brunschvicgien. Bien û
ena ° B
ais

'
Il comme
"f
activité spirituelle H *
hvicg. Nous allons
bachdsrdien au rationalisme
revent_ -
Jbjective, loin de lui dicter ses propres lois. Le rationalisme
Sotane (depuis le xv„ siècle) estdedonc
re ette toute f°rme irrationnelle
positif en ce
connaissance (révé-
théorie bergsonienne Alrnadmet pas davantage i ition , intuition, ou sentiment) et en ce qu il s oppose aux,
taie adaptée au monde de< n W
lgence COmrne activité
men- Rationalismes (mysticisme, foi, spéculation, agnosticisme
intelligence oui reAAl S hdeS qui nous
r namenta° 1ement identique entoure jcepticisme, etc.) . Jusqu ici, c’est la tradition idéaliste qui
° f été dominante dans le rationalisme en Occident depuis
elle-même à travers tous à (détermi-
US 1CS 3geS
|a Renaissance . Nous appellerons donc idéaliste
1
Njous , bourgeois ( d é termination sociale ) le
avons dé jà à diverses reprises rencontré la auecf
f *\

nation théorique ) ou
u ra î onahsme. Il faut rappeler à ce sujet quelques C rationalisme moderne des philosophes qui , comme Des -

;
i 10 ns ondamentales. Est rationaliste tout courant H cartes, tout en défendant la valeur des connaissances obte -
pensee, toute doctrine ou toute philosophie 6
nues par v e scientifique (seule rationnelle ) absolutisent
qui pose q

'
)
)
)
I rieure
16 ratl0 nne e de ia connaissance
neure" a' toute
conna,e""~
'

rAvtfCe
au
U 6 autre
. *Te
° scientifique
ii:
f
forme
rme de
a une valeur su é
connaissance . Seuless la
° et les théories philosophions
' -
! .
cette orme de connaissance en affirmant que le contenu
des connaissances vraies découle de
Lparlerons
. Un c de rotinnaiismfi

de la seule raison ., Nous
seule raison
rationalisme matérialiste,, ou parfois dialectique,
nuus

tir mat *
fS r®mp ssent intégralement cette pour désigner au contraire les doctrines philosophiques qui
) Cenpen H an u faut distinguer le rationalisme id condition font reposer la forme rationnelle de la pensée humaine
. éaliste d
) rationalisme matérialiste. Le rationalisme id éaliste, absolutise
muuuvv sur la rationalité de leur contenu (thèse de l’identité de
l être et de la pensée) : ainsi font les matérialistes français
1voulu Lise
tl
la forme rationnelle de la connaissance en posant ane
) II pensée (la raison) peut, par ses propres 1forces,
que lal*
- du xvme siècle, Hegel ( rationalisme dialectique)
, puis
trouver la
> vérité. L’origine et le critère (la valeur) de la vérit
é Marx, Engels et Lénine. En ce sens, « la connaissance
rapportés à la seule activité pensante (faculté de sont rationnelle, c’est, en dernière analyse, celle qui soulignait reflète le
)
)
par concepts et de présenter nos connaissances
penser
sous forme réel ; et la raison, c’est'
la
la science
science » , comme
wiumc le
it ouun ..
6 au

i conceptuelle) . Le niveau sensible et pratique de la vigoureusement vlnne son


*- G. Politzer dans cnn article
artirle de 1932gQ :
10
sance est tenu par ce rationalisme idéaliste commeconnais renvoyons
¬
) « Qu’est-ce que le rationalisme ? , » auquel nous
trom ¬
) peur et faux, comme constituant un obstacle qu’
il faut le lecteur 2.
il. supprimer de l’activité de connaissance objective.
En Nous pouvons dès lors nous demander si ce n’est pas
) sens, la critique de la connaissance immédiate, sensible ce
empirique, faite par Parménide, Platon ou
ou
un grand rôle
) I une critique rationnelle et juste. Mais ce
Descartes
rationalisme
idéaliste justement parce qu’il absolutise sur cette est
est 1. Il faudrait souligner qu’il a également jou é forme
dans toute la pens ée grecque antique, sous
avec Parménide et les Eléates, sous sa forme avec
sa idéaliste
matérialiste avec
) f le pouvoir de la « raison » et qu’il rejette le critè base Démocrite, et à nouveau sous sa forme idéaliste Platon .
re de 2. On consultera surtout l’analyse du
rationalisme moderne
) la pratique (vérification par l’expérimentation scientifique
que fait Politzer au d ébut de son article, op. cit., pp. 180-193.
,

)
)
t
3
\
(
!

220
C
| Gaston
G. Canguilhem qui exprimerait
Kacheim e développement de la philosophie bachelaidienne 221

1 le mieux le fond
pensée de Bachelard sur de la Iparer de tout rationalisme classique, nous semble marquée
çrvn
cette question de la
son rationalisme quand il écrit que . ~ deue Bplus précisément par une volonté bien d-éterminée-, et
nature nati »
1* r " »
raison, c est la science m ême ( nour R <Telard : La ÿuvent si nalée - En effet, si l’on demande en quoi cette
3 h

terminale de= La Philosophie du non


rh T o
1 6S
DOI i ,
» fBnlnsoohie reste un rationalisme, elle ne nent
' ' o il °ubi)- . -La p ge philosophie 2
~
«
3peut rénondre
pondre
'
§

e J
raison classique est con ue d ' ù iVT ç dlt l »c ]a frue par une pé tition de principe en posant
( la rationalit ' é
anr c l
taire, et non *
i ltflniCtiQUC éplprh
anrnmetique lémen,.-? .frin èpnnp
Rtrins que flp
ç
théories math
des tlipnr
ç maflipmoficppc l c nlnc oVicfraifp .
pc
ématisées les plus abstraites ç
inversement, semble donner entr - #

raison a G. Canguilhem . C’est


D. Lecourt s’appuie quand il sur la m ême
è
id ée n
rent Il ne nous semble pas que G. Canguilhem ou D. Lecourt
iüisse échapper à ce cercle vicieux. Mais Bachelard lui-
de Bachelard « c’est celle de souligne que la thèse gi centrai
ême y échappe- t-il ? N’assume-t-il pas au contraire cette
scientifiques » (
l’objectivité des
1974, 62) . Il veut bien dire par l3à connaissant
affirmation qui identifie la raison à la science math ématisée
toures ses cons équences ? il
Bachelard identifie science et raison
U n Uve age
que
rVavec
6C toutes consecluences Bachelard un
Il y a chez Jbacneiara
science d éfinit donc du m ême c U °une
*
°
de la «é calage entre ses affirmations permanentes selon lesquelles
I et un nouveau ratinnal , cmo . '? AC°
nouveHe « raison » « lirait » les fil
sciences de manière directe, et sa pratique
nansme
naltae soit un on rationalisme raZ
Bachelard que la raison s’identifie àé,son
. .
w appliqu cela signifie «
-- » v.au
tatlO
pour
te- effective : il extrapole, il fait une lecture déformée par des
»

présupposés philosophiques idéalistes. Il ne peut faire


application .
rester au niveau
nw ciu des
- textes, on peut entendre ainsi
ues textes
nombreuses déclarations répétées tout au long
1

de
A l économie soit de l’ id éalisme soit du matérialisme. Nous
pensons avoir montré que Bachelard ne lit pas la science
qui viendront justifier cette de l’œ uvre, en matérialiste. D’ o ù vient alors qu’il puisse passer pour
interprétation. Et encore
I fois cette «interpr étation est en partie juste • le rationne
«erpretation une t maté rialiste » aux yeux de certains ? Suffirait-il qu’il soit
aPpliqu é Kt bien la n égation
de l de ejence SSTJS
passé à une position polémique systématique, tout en
continuant à s’affirmer « rationaliste » ? Si Bachelard peut
transcendante, de toute raison en , de tour
concept
conceDt est réformable
formai, toute th t é ’
tom
éorie rectifiable. Le
é
sol -
m da priori
yuan. Tout
viv
Zri T"
continuer à se dire valablement rationaliste, s’il peut non
nalisme est une activité de réforme permanente ratio¬ seulement définir son rationalisme comme rationalisme
philosophique de cette . Le sens appliqué ( raison qui se réforme dans son application ) , mais
«..tue doctrine
uuctrine de l’'ouverture de la la raison
est clair : elle est dirigée contre comme rationalisme ouvert, peut-il se dire en lutte contre
poserait une raison
toute métaphysique qui toute forme dé finie de rationalisme ? En effet, son ratio¬
immuable, f û t-elle l’immuabilité d’ une
fonction, comme celle du jugement chez nalisme ouvert est orienté : il a un adversaire privilégié.
,Si la raison c’est la science même, on
Brunschvicg .
Est-ce bien l’ idéalisme ? L’examen des thèses épistémolo¬
pourrait se giques essentielles nous a montré que non .
demander si dès lors Bachelard n’a pas
une

=
délibérément historique et m ê conception Or le rationalisme ouvert est défini par Bachelard
ç >:i rt . rK -.
me mat érialiste de la raison
cM - Uicuic marenaiiste dans une opposition permanente à l’empirisme, et au
5
si /
j

b en ce sens que le comprend


l£S <
5"5 W D. Lecourt
idéalistesd.. VJ CSt
>* ivivauoLV
.
.
j

Cependant , des
/
c
réalisme. Ceux-ci sont constamment désignés. C’est l’ une
deux m é taphysiques contradictoires que Bachelard
cette philosophie de la raison
ouverte , de l’ouverture de la récuse. Tout en affirmant un rationalisme de l’application,
raison, même si l’on accorda
m étaphysiques, e sa , vS nSl SÏÏTdT
'

se
Bachelard fait constamment pencher la balance. On pour¬
rait le montrer par de nombreux textes. Pourquoi en

(
HP
)

)
)
)
Gaston g cher
â développement de la philosophie bachelardienne 223

) effet, Bachelard ne défendrait-il pas aussi bien un ré


jpi'et connaissant et non dans l
’objectivité du monde phy¬
appliqué, ou un empirisme instruit , qu un id éalisme alisnie » de ,
sique connu . L’abolition de toute raison ouclose
«
) sif ? La polémique est bien philosophique : il a diseur concepts
jpute raison préformée, de toutes formes
) s’appuyer sur les théories les plus abstraites et les begu iêcessaires et universels, valables a priori , n
’empêche donc
p]
complexes de la science contemporaine, on ne voit us Ls Bachelard de français, contre le positivisme, l’emdu-
maintenir la tradition philosophique
) pas
pourquoi elles n’enseigneraient pas aussi bien, et
) plutô t mieux, le matérialisme que l’idéalisme, le ré me
m ê Itionalisme idéaliste
iirisme ou le réalisme.
) que le rationalisme . Pourquoi tout réalisme est-il alisme de là, la spécificité
désigné comme « na ïf » ? N’y a-t-il pas de r éalismes
toujours f Essayons de préciser, à partir
)
se soient ouverts, rectifiés, instruits ? Toute réf érence de
qui Ihilosophique du rationalisme appliqué. En face du spiri¬
tualisme, ou des idéalismes nouveaux (comme la phéno¬
) la science à des données extérieures, à des faits matériels
est immédiatement accusée d’empirisme. La science doit énologie husserlienne) , en face de Bergson en particulier,
)
résorber ce dernier dans son effort de jj appara î t à certains comme « matérialiste » par son
) rationalisation
Ainsi, Bachelard écrit : « Il faut prendre le magn éton du identification de la raison à la science ou plutôt à l’esprit
) neutron comme une donnée expérimentale » . Mais aussitôt Scientifique ( nous préf érerons cette formulation qui para î t
«lus correcte que celle de G.
Canguilhem ) . Mais plus
il traduit : « Un empiriste aura donc beau jeu pour effacer face du posi¬
précisément, il appara î t comme idéaliste. en
)
notre lente construction philosophique » (A.R.P.C., 168) . C’est seulement
)
De même, quelques pages plus loin : « L’empiriste a beau tivisme, de l’empirisme et du réalisme analyser cette position
maintenant que nous pourrons
) jeu pour souligner ici l’origine empirique de ces notions Bachelard d é finit proprement son
de force vive et de potentiel » (A.R.P.C., 176) . Ainsi, moyenne par laquelle
)
rationalisme ouvert : « Nous voudrions nous fixer nous -
toutes les fois o ù le savant d ésigne des réalités objectives, , entre les r éalistes et
) qui s’imposent à lui, Bachelard y voit immédiatement une m êmes dans une position moyenne
et les formalistes,
) marque, non de matérialisme, mais d’empirisme ! Quand Jes nominalistes, entre les positivistes des signes »
on conna î t la mauvaise presse de l’empirisme (c’est le entre les partisans des faits et les partisans se placer
)
péché originel de la connaissance, disait Bachelard ) , il est (F.E .S., 61) . Il met tout son soin à» vouloir . ., 5, 15)
) au centre du « champ é pistémologique (cf . P N
bien sur le terrain d’ une polémique philosophique. Bien sû r, que sont l’ « empirisme
y il y a l à toute la polémique de Bachelard contre Meyerson où les « doctrines philosophiques »
« est le
et ses analyses de la pensée scientifique. Ce dernier et le rationalisme » sont « liées » , o ù chacun «
parle de position
)
constatait que la réalité ne se laissait pas r éduire à complément effectif de l’autre ». Il
.A 7) , et
.
centrale » ( R .A., 4) , de « polyphilosophie (Rnaturelles
» ,
) l’activité de la pensée, celle-ci cherchant une réduction et
) du divers à l'identique ( recherche de constances et de la il rejette également les « deux métaphysiques « contradic¬
permanence de lois dans le temps) . Pour Bachelard, convaincantes, implicites et tenaces » , mais effort de
)
Meyerson reste trop réaliste, en m ê me temps qu’il conçoit toires » sur lesquelles « tout homme, dans son
rationalisme et le réa¬
) la raison d’ une maniè re trop figée, comme activité logique. culture scientifique, s’appuie : le ô t sur
lisme » (N.E.S., 5) . La Philosophie du non se cl
) En cela Bachelard a certes raison, mais il perd le bén éfice d’ une
une d éclaration formelle : « La doctrine traditionnelle C’est
) du matérialisme. Ou plutôt il le place dans l’activité du
raison absolue et immuable n’est qu’ une philosophie
.
)
)
)
)
1
(
224 Gaston Bache] d éveloppement de la philosophie bachelardienne 225 (

une philosophie périmée » (P.N., (


) gn écho
d une maniè re tout aussi pé remnto 145
appliqué affirme : « L’emmrisme
re / *5
,
< et
, t
se PréoccuPe Pas de d ésigner des doctrines bien pré¬
ior aHsmP &es ? C’est effectivement le cas très souvent. Nous l’avons
1
(
u
m ée » ( R .A., 11) . Très souvent
son rationalisme comme une vé
Bachelard °
rLhle
* °' Phie
presente
u aU paSSage’ Ü reprend 3Utant quil h re> ette h bi
donc N tr0IS cette états d’Auguste Comte, par exemple Faut-il .
(
(
ferait la part égale au réalisme et a ,
réalisme qui a rencontré le doute scientifin
v
• .?
n3
°
, centrale qui s
: - >l nt
°
Jtribuer
t ,
ambiguï té à sa position centrale, à sa
é de SC p 3Cer à égale distance de toutes les philo¬
être de m ême espèce que le réalise ; peut
%
Pl«s lphies de la science et du m ême coup de toutes les
1
dlat n $e J liilosophies ? Jusqu’à un certain point, c’est exact. Cela
convainc également qu’ un rationalisme
jugements a priori ... ne peut plus 6At 3 C rrigé °
des » assure tous les atouts dans sa polambigu
° émique polyphilo-
l'
' P rat les ï t és et toutes
ferm é » ( N.E .S., 6-7 ) En ce
U
-f * nalisme jphiquc
0 , mais lui vaut aussi toutes
: « C’est c
dualistique » de la philosophie d e auallte de
ï? %
d l , de position
* base 55 crititiues
tous
11
les
en
c ôtés
-
est d
que
’ailleurs
nous nous
tr ès conscient
offrons à la critique »
intermédiaire, de « reansme
réalkm de
A* jonc de
7 9)
seconde position » (N. EI |
E.S., 61) On court le
j . « risque de m écontenter
: les savants, les philosophes et les historiens »
tout le
. monde
p
Da U PU É |.N, ») • (

rationalisme l empirisme (cf P N tout IA °PP0Sei En fait, son dessein est double : d’une part, par cette c
Et si l’on regarde attentivement
Avant proP
. : gie °s) ; position centrale o ù, comme nous l’avons dit, le rationa-
re topol lisme appliqué veut être identiquement un matérialisme
philosophies de la science dans l e Raflanahsme ° des ;
( p. ) , on ’aperç
5 s oit ane en
appliqu rationnel (ce qui nous conduira à la question du matéria- (
.
positivisme nlm nr c H , Bachelard situe le lisme) , il entend réconcilier les philosophies séculairement (
! ï Sisme 7
Fid éahsme qu u ne o
nalisme qu’ une certaine espèce d idéatis
qUC
e
de
!
cnne es que SOnt empirisme et rationalisme. « Entre les
ratio Jeux pôles du r éalisme et du kantisme classiques prendra
*

on voit qu’il s’agit alors surtout dans ’ î Sprit


deR
naisSanCe U Ch3mP éPistémologi(lue interm édiaire parti
Ta -
dC culièrement actif . La philosophie du non se trouvera donc (
« >*
so Wl CAJ.
"*
philosophies de la nature du xix* siècle : il y
,
tek être non pas une attitude de refus, mais une attitude de
un alinéa dans son explication rapide de consacre tout conciliation... Une fois que la catégorie sera ouverte [il
ce spectre philo¬ s’agit de la catégorie de substance], elle sera capable de
sophique. Ses idées générales restent assez
mêmes, mais précisément en tant que thèfidèles à elles- réunir toutes les nuances de la philosophie chimique
L’idéalisme des philosophies de la nature para mes généraux. contemporaine » ( P.N., 15-16) . C’est ce que signifie la
î
lui le type du rationalisme a priori. Cependant t être pour philosophie dialoguée. En effet, Bachelard en cherchant
condamnait dans Le Nouvel esprit scientifique, celui qu’il
puis dans
à sortir de toutes les oppositions philosophiques, ne pro¬
La Philosophie du non semblait plutôt être le pose qu’ un compromis qui consiste à combiner les deux
rationalisme métaphysiques contradictoires, sans se rendre compte
-
kantien, ou néo kantien ! A suivre les choses dans
on découvrirait donc bien des le dé tail, qu’elles sont aussi id éalistes l’ une que l’autre. Dans le
incertitudes et bien des [ style o ù lui-m ême se donnait une « tâche de philosophe
flottements. Peut-on se contenter de dire que
Bachelard concordataire » « qui voudrait réconcilier la pensée philo - (
(
('
)
)
)
)
22 Ô Gaston Ba h 1 |d vefoPPement de la philosophie bachelardienne 227

) sophique et la pensée scientifique » ( A . R . P .C . c 6 \ M


ionaliste (idéaliste ) au nom debien
ca on arrive
1 expé rience scientifique
à une double philo-
a fait parler d « é pisté mologie concordataire » ( G Pee l aPP eS ' nalisme instruit, rectifie,
)
)
guilhem, 1957) , nous devons ici parler de philosopfijV
phifosonh; ÜP
concordataire. Il lutte contre l empirisme et l id éalic
l SUi n rati
. * réduit, ré,formé.°La « position seconde »
:0 n réalisme
r

) quand ils sont


sc 1-
JH
des philosophies
|
n
|unilat - érales,
1.2 1 -

m est bien une constante de la philosophie a


réconciliation
maiTT1 lrfftionalisme
1 homogène au polyphilosophisme, aux doublets du
appliqué et du mat é rialisme technique . C est
) 9ue nous ne Pouvons être d accord
II ,
Bachelard de quelque nom qu’elle s’appelle : philosonti
) du non, rationalisme appliqu é, surrationalisme, poivr ' r e®e* comment d éfinit -il cette philosophie de seconde
losophie . Tout cela est l’expression, sur le plan doctrinal on s \ souvent afthm ée ? C est le rationalisme id éaliste
) de seconde
et en philosophie, de cette méthode dialectique qu*yi pi est élit préf é rentiellement « philosophie voulons désigner
Puisque nous
) cherché à tirer de l’analyse de l’activité scientifique et psition » . Ainsi, il écrit : «
notre position et notre but
) que nous avons distingu ée sous le nom de dialectique de D5S c hement que possible
à notre avis une
la complémentarit é, de l’échange et du dialogue. Le jtilosophiques, nous devons ajouter
qu
) doit etre majorée :
rationalisme ouvert, expression où le second terme est !es eux directions métaphysiques
) |
destiné à nier le premier, est un concordisme o ù philo- sl: ce e qu * va rationalisme à j’expé rience » ( P . N ., 6) .
majore donc bien 1 un des pôles, non seulement du
) Sophie empirique et philosophie rationnelle viennent dia
]0guer |
f
cteur é pistémologique, mais du « vecteur philosophique » .
) „ , . î parle volontiers du « réalisme de la fonction math éma-
Pourtant, etx tout lecteur de ses œ uvres le sut bien, K , ; „ est bienlôl substitu é a la réalité de la c0llrbe
.
t t t

)
L tale , ( P.N., lo) . « La science n est pas le
,,
Bachelard ne s en tient pas la . Apparart son deuxième
) , ,
dessern , nullement dent que a sa pos tron moyenne Au E, de l’expérience » (R.A., 38) . En 27, il disait

,.
, , , ,
devra t, par-delà la L nasme .
)
)
« concord smephrlosoph que » qu
,
recouch â t on des philosophes et des savants, reconc lrer les
, . Une coï ncidence entre pensée et réalité est un
gitable,
monslre é pist émologique » (E.C.A ., 43) . Quand
)
)
)
,
.. . .
philosophes entre eux Bachelard ajoute une ph losophie
de seconde position. Nombreuses sont en effet, les décla
rations par lesquelles Bachelard defend une pos hon se
onde. Nous pensons qu 1 faut d égager sa d fference davec yecti
, , ,
- F
- Lbl
e blème de la synthése philosophique des deux
réa]isme et du rationalisme, il avoue que ce

èmc e saurait être résolu dans sa perspective : Cette

o(] nous invite le phé om ène scientifique pose...
.
)
portion mtermed aire, ou pos t on moyenne B en sûr,
on peut s efforcer de her ces deux ser es de d éclarations et
£
lème m étaphysique synthèse. C’est là
, à l’esprit édecapable de résoudre
) ,
vo r dans la seconde une autre façon dexpnmer la première : .
c’est l’interprétation courante de sa philosophie et de son
. lion

in conaPr ®mis -
nous n avons
mnel concilialion
, „„
p
pas é t
_ _
nous a paru ê tre toujours
niic rr.nnc „r „nc
) é pistémologie. Cependant, instruit par nos enquêtes pr écé- . ,
SOIle de pedag 8'e de lamb gu e
, , /M
<
N’Ep ’S
q iol 1• Tl
>
) dentes, tant sur son épistémologie que sur sa philosophie,
nous refusons par m é thode de procéder à cette assimilation
e ° " 9
pour échapper
) 1 . On remarquera que cette d éclaration faite
liminaire. Pourtant, nous dira-t-on , la cohérence de Bache¬ un problème philosophique fondamental, , consonne étrange ¬
) lard est totale : puisqu’il critique la m é taphysique r éaliste ment avec les philosophies et morales de l’ambigu ït é ( Jaspers,
) au nom de la rationalit é scientifique, et la métaphysique leidegger, Simone de Beauvoir ) .
)
)
)
(
(
(
228 Gaston Bachehrj 1 K développement de Ja philosophie bachelardienne 229 (
semble donc refuser toute position philosophique « (
et se réfugier sur un terrain « ambigu » . Mais enclaire
, Iterroger comme un juge fait des témoins » , pourrions-
s engage souvent plus nettement : ainsi, dans La fait L
jj dire en é tant dans la droite ligne de la pensée de (

sop î e u non , vou ant préciser son nouveau Phi Lhelard


]( y j . Il défait donc plus que ses prédécesseurs (
qui es 1 « ransac î onne » , « int égrant »
rationalisipe 1 Analytique et l esth étique transcendantales kantiennes, (
, « dialo lais c’est pour en gén éraliser la problé matique en l’ouvrant
gu » , e c., 1 envisage « a possi 1 î te é tablir un -
de deuxieme approximation, un non-kantisme kantisme j la dimension des nouvelles théories physiques : les (

meure a p 1 osop î e criticiste en la d é passant » ( P bj I


susceptible Incepts de substance, d’ unité et de cause, celui de (
. hhté , sortent pluralisés des dialectiques de la raison et
94 / Pour lui> cest la raison W' se dialectise. « Le ratio- I réel scientifique, de l’expé rimentateur et de l’expé ri-
% (
c
Mme ]ine rrie ?f Sei!-
gnerons
7 '
i - f-. P
’ la solicite .
I 0S
.° P
principe
16 c n
. . ’C û , es dlalectise » jnenté, de la théorie et de l’instrument. Il défait la
!
°rn nous s uli lialectique transcendantale mais en la gén éralisant. Il
, do .t etre mod Æee en fonction m°ê -
j

e [son] ou ver ure » ( . ., 11) . me


pque deux solulions aux anlinomies de la raison sde . „
contemporaine face à ses problèmes cosmologiques :
(
c
Si dans un premier temps, Bachelard abolit la raison n’est jamais donné, il est construit ; c’est un (
close, dans un deuxième temps il maintient un rationalisme substantialism P monde
e de seconde position qu’il affirme dans son
d’inspiration criticiste : toute sa philosophie est un agnosti jjntologie fractionnée, dans son matérialisme rationnel
(
cisme . Le microph é nom è ne est fréquemment d éfini comme comme dans le réalisme des actes épistémologiques. D’autre c
un « noum è ne » ( N.M ., passim ) . Tous les problèmes philo part, la solution des problèmes cosmologiques est renvoyée (
sophiques sont posés dans une problématique qui prend ï la puissance « cosmique » de l’imagination et de la
le relais du criticisme kantien, en le géné ralisant , mais sans rêverie. 11 d éfait la raison pratique et ' ses impé ratifs cat é- (
passer sur des positions philosophiques fondamentalement goriques, mais il double tous ses axiomes épistémologiques (
diff érentes. C’est le sens de toutes les dialectiques intro- d’ un système de valeurs, qui sont la transcription en (
duites par lui non seulement dans le déchiffrement des langage normatif , en impé ratifs catégoriques de la connais-
activités scientifiques, mais dans leur interpré tation philo- sance, et de la culture, de la rationalité de la connaissance (
sophique. Ainsi, la position la plus visible et la plus affirm ée, scientifique. Il d éfait la critique du jugement pour la (
celle d’ un rationalisme, n’est au fond destinée qu’à mieux généraliser dans une théorie de l’imagination matérielle, et (
assurer l’idéalisme agnostique qu’il professe partout. La dynamique. La philosophie criticiste hante la pensée de
critique de la raison close, des rationalismes classiques, la Bachelard . Le sens de la critique de l’empirisme et du (
position de non-kantisme n’est qu’ une position première, réalisme est un sûr indice : elle est tout autant dirigée (
qui sur le plan philosophique doit être elle-m ême relati¬ contre tout mat érialisme non mécaniste, contre tout maté¬
visée, ou comme il dit dialectisée. Aussi, en deuxième rialisme philosophique que contre l’id éalisme brunschvic
position, il retrouve la position critique de Kant : « L’esprit gien, ou le spiritualisme installé dans la philosophie fran ¬
- (
scientifique rectifié se présente devant la nature tenant çaise depuis Victor Cousin et Maine de Biran . (
d’ une main ses mathématiques et de l’autre ses principes (
Cela pose le problème du rapport de Bachelard à
rationalistes ouverts : ceux du non-substantialisme, du Brunschvicg
pluralisme et du probabilisme (non-déterminisme) , pour
. En effet, la polémique n’est pas égale envers (
le réalisme meyersonien et l’idéalisme brunschvicgien . En
(
) ' «a i
1 MI

) Gaston |g développement de la philosophie bachelardienne 231


)
230 Bachelard
) relisant, ou en lisant, l œ uvre de Léon Brunschvicg on . ( jfique »
1 .
Mais arrivons aux preuves que nous devons
sera é tonn é de la proximit é de Bachelard à celui -ci. Souvent eusemen t écourter . Là aussi une é tude devrait ê tre
) Malheur
Entreprise pour faire la clarté dans cette question . Ce qui
on sera frappé de l identité des formules, des probl è mes et
type de rationa ¬
IJOUS para î t capital c’est, d une part , le
) du mode de penser chez l’ un et chez l’autre. Il semble ’
et, d’autre
) que cela ait été perdu de vue et qu’on préf è re l’oublier lisme idéaliste que promouvait Brunschvicg
)
L’axiome de la discontinuit é est devenu si fort qu’il sembl part , ce que Bachelard dit lui-m ême de Brunschvicg et
que les proclamations de nouveauté essentielle de la science je son rapport à lui .
) contemporaine à longueur d ’ ouvrages chez Bachelard , aient Dans un texte capital pour notre propos, « L’orientation
) convaincu de la même nouveauté essentielle de sa philo ¬
du rationalisme » , Brunschvicg soutient des positions
2
sophie ; son style nouveau , son effort inlassable pour r é nover qui ne d é routeraient pas un bachelardien : « Puisqu’ il n’ y
)
les vieux rationalismes philosophiques, portent leur fruit 3 pas, dans l’ idéalisme, de
place pour une théorie de la
) et ont imposé finalement l’ id ée d’ une discontinuit é essen ¬
nature en soi, il n’ y en a pas non plus pour une th éorie¬
) tielle entre lui et Brunschvicg en particulier. G. Canguilhem, de l’esprit en soi ... Nature et esprit apparaissent se déve
qui s’arr ê te à ce qu’il y a de nouveau dans l’é pist émologie loppant, s’approfondissant, s’éclairant corrélativement
)
bachelardienne, et qui s’efforce d ’en d égager tout le positif comme deux faces solidaires d’ une croissance unique »
) ( non sans d éformations à notre avis ) , ne mentionne que (p. 65 ) . On songe à certains passages de Bachelard qui
) tr ès incidemment la parent é avec Brunschvicg : « Léon développent la m ême idée de croissance unique de la
Brunschvicg avait insisté, à plusieurs reprises, sur le fait pensée et de la r éalit é, ainsi aux pages terminales de La
)
qu’ il n’y a pas de vé rité avant la vé rification . La science Formation de l esprit scientifique, o figure une curieuse
) ne refl è te pas la vé rité, elle la dit . Mais la vé rification th éorie de la vie ( F.E.S., 250- 252 . Cf . aussi E .C.A.,
brunschvicgienne reste encore un concept de philosophie ind éfini
292-293 et passim) . Brunschvicg parle du» progr ès « Au
«
)
intellectualiste » (1968, 191) . C’est tout. Après G. Can ¬
de l’esprit relativement à soi-m ê me ( p . 67 ) .
)
guilhem , qui a ainsi enterré la question, on n’en parle xxe siècle, les sciences physiques ont remis en question et
) plus guè re . Pourtant , quelle surprise de retrouver chez finalement renversé le postulat ... qu’ une loi doit ê tre
) Brunschvicg de nombreuses formulations qui passent d’autant plus vraie qu’elle satisfera au double crité rium
aujourd’ hui pour typiquement bachelardiennes. Bien sû r, de la simplicité et de la continuité » ( p. 73) . Il faut
) Brunschvicg appartient à un autre â ge que Bachelard . Sa souligner qu’ il écrit cela en 1920. Que dire quand on
) th èse sur la modalité du jugement semble n’avoir pas lit encore ceci : « Les savants n’hésitent [ plus] à mettre
) grand -chose à voir avec l’ œ uvre de Bachelard . Ses autres la main sur l’ illogique et l’ impr é vu ... Du soi-disant hors-
grandes œ uvres sont également marqu ées d ’ une culture la-loi , ils font surgir la loi nouvelle, qui déconcerte notre
) et d’ une problé matique philosophiques autrement é rudites sentiment , instinctif ou traditionaliste, de la nécessit é
) que celles de Bachelard . Mais aurait -on oubli é sa culture
) scientifique qui vaut sans doute bien celle de Bachelard ? 1. PIAGET : « Nature et m éthodes de l’épistémologie » , in
J.
Ce qui nous int éresse ici, ce sont les positions qu’ ils Logique et connaissance scientifique, pp . 15 s, 50- 52.
) 2 . In L. BRUNSCHVICG : Ecrits philosophique ,
s pp . 1 -80.
assument dans le combat philosophique gé n é ral , et le Ce texte é tait paru en 1920 dans la Revue de Mé taphysique et de
) fait que, comme dit Piaget, leur épisté mologie est « scien - Morale.
)
)
)
')
(
1 C
(
232 Gaston Bachelard Re d éveloppement de la philosophie bachelardienne 233 (
(
(p. 7,y Ijtf . Bergson, poussé autour de la physique
intelligible... Et elle est la vraie loi..., la seule loi » de Galilée, et
(
« La nature, que la technique perfectionn
ée des | râce à laquelle dé jà Kant avait cru réussir ce tour de
toires a mise en mesure, et en demeure, de selabora | orce : faire rentrer les principes newtoniens dans les (
conna î tre avec une plus minutieuse et plus subtile pré fajr(> ladres de la logique péripatéticienne... M. Einstein nous (
cision
a brisé le cadre de nos concepts. Ou, pour
mieux dire* puggère de corriger et de compliquer les lignes du newto-
J un essor inattendu de l activité intellectuelle a
la science dans sa timidité paresseuse » (p.
encore : « Le mouvement irrésistible de la science 74
_secoué |jjiianisme, trop simples et trop schématiques pour concevoir
) gt xactement au réel » ( p. 79) . Il faut rapprocher de
l'épistémologie non cartésienne, la mécanique non
cela
newto ¬
(
(
(
exige
qu’au lieu de s’acharner à en faire rentrer les ré nienne, la logique non aristotélicienne de Bachelard . Dans
t

dans le cadre d’ une représentation finie ou d’une sultats | me article Brunschvicg écrivait plus haut une page (
conceptuelle, on d ébarrasse de toute entrave extérieure essence é ml’êhistoire o l’on trouve de nombreuses idées qui préfi¬ (
, sur
toute limitation arbitraire, la liberté de l’ intelligencede» gurent celles de Bachelard. On y trouve aussi une discussion (
(p. 76) . « La fonction du philosophe n’a rien perdu du dé terminisme : « Le déterminisme scientifique ne
de
sa portée ou de son efficacité, parce qu’il a le scrupule conduit nullement à l’idée d’ un monde qui serait, dans sa (
de s’attacher étroitement à l’exactitude, à la subtilité, à loi unique et universelle...
la totalité, subsumé sous une (
complexité du développement scientifique. Ce serait un L’harmonie se forme, se déforme, et se reforme, parce (
contresens, et le plus dangereux peut-être d’imaginer que que la science revise et rectifie (sic) sans cesse le détail
le rationalisme ait à céder quoi que ce soit de son de son oeuvre, parce que la nature, de par le déterminisme (
« intransigeance » pour se rendre plus souple et
plus fin, même, est appelée à se modifier sous l’effet du pouvoir (
plus capable d’adéquation à la réalité du savoir » (p. ) . lié à la vérité du savoir » ( p. 65) .
Ne croirait-on pas que Bachelard ait trouvé ici un 78
(
pro¬ Comme on le voit, tout cela demanderait une étude.
gramme ? Bien d’autres indications substantielles peuvent Un spécialiste qui a é tudié l’oeuvre de Brunschvicg écrit, (
être trouvées dans cette défense d’ un rationalisme articulé en : « Les noms de Bachelard, de Gonseth, de
'

« é troitement » à la science chez Brunschvicg.


1951
Celui-ci Piaget suffisent à montrer que sur le terrain de la
écrivait encore : « Par les démonstrations de la critique philosophie des sciences l’inspiration brunschvicgienne n’est
kantienne, il est acquis que l’existence est fonction de la pas morte. La philosophie contemporaine des sciences (
vérification. C’est pourquoi toute ontologie conceptuelle, montre pour une grande part à quel point Brunschvicg (
toute cosmologie transcendante doit être éliminée. La avait raison, lorsque (dès 1912 ) il mettait en lumière le
, tâche du rationalisme consiste à regarder du côté du nécessaire dépassement par la science vraie de la double (
sujet » (p. 79) . Nous ne résistons pas à la tentation de entité de la Raison et de l’Expé rience, et la vanité corré¬ (
donner encore deux citations : « La pensée contemporaine lative de la déduction logique et de l’induction baco¬ (
ne rencontre pas, sur cette voie, un système de concepts nienne » 1. Ce spécialiste cite une formule de « La Philo-
et de catégories... Le renouvellement des valeurs scienti¬ (
fiques, qui a pris dans notre génération l’allure d’une (
1 . Marcel DESCHOUX : « La Philosophie de Léon Brunschvicg
révolution chronique, a fait définitivement justice de cette (
et la réflexion contemporaine » , in L’ Information philosophique ,
scolastique qui avait récemment, suivant l’expression de n 2, mars-avril 1951 , pp . 51 - 54.
(
(
(
r sr
)
)
)
234 Gaston Bachelard Ihe développement de la philosophie bachelardienne 235
)
I D’ailleurs, Bachelard reconna î t sa proxim ité à Brun-
) sophie de l esprit » , cours fait par Brunschvicg en IQ 2 î . lehvi cg et son accord profond avec lui sur la refonte du
« L’homme au cours de son dialogue ininterrompu avec tr ès clairem ent sur
) . En 1945, il s’exprime
l’ univers, s’appara î t à soi-m ême comme esprit , et l’ univers icriticisme é La Philoso phie
çette question dans un article intitul
«
) devient le monde de la science » (ibid.) . On le voit, c’est |
scientifique de Léon Brunschvicg » . II rappell en e quel
1 ¬

une comparaison serrée qu’il faudrait faire. Il n’en est


points l’apport de Brunschvicg en philosophie des
)
pas question ici. Nos citations cependant confirment sa ques e d’ un a priori
)
n écessité. F. Dagognet, dans un article de 1965 , esquissait
1 sciences : assouplissement de la doctrin ication des doublets :
absolu, immuable, stable, multipl
) brièvement cette comparaison des philosophies et des nombr - é, d éterminant -
épistémologies de Brunschvicg et de Bachelard . Il insistait mesurant - mesuré, nombrant éalisme de la
dé terminé, instrument - instrumentéé,. Ilr le loue d’avoir
)
par-delà des diff érences manifestes, sur le fait que l une
plutôt que réalité du mesur
prolonge l’autre, au moins en ce qui concerne le problème (mesure
)
de
systé matiquement développé l’idée que l’alternative n
«
) du rationalisme philosophique : m ê me critique des philo¬ ... à une positio
sophies indurées qui ne tentent pas de se refondre à la l’idéalisme et du réalisme 2correspond
) anachronique du problème » , et d’avoir défendu constam ¬
faveur des mutations du savoir, même critique de la ès intellec tuel. Aussi, dans
)
logique déductive, réflexion sur la n écessité de l’élargisse¬ ment une philosophie du progr ent une critique
l’œ uvre de Bachelard on chercherait vainem
) ment et de la diversification de la raison : c’est ce que hvicg .
réalise Bachelard avec la multiplication des doublets qu’ il un tant soit peu é tendue de la philosophie de Brunsc
) Quand il le cite, c’est sur des points mineur s ou bien
,
)
appelle doublets brunschvicgiens, avec l’id ée d’ une poly -
comme dans Le Rationalisme appliqué pour indique r la
philosophie, avec les notions de philosophies conjugu ées son
( positivisme et formalisme, empirisme et conventionna ¬ proximité de ses propres thèses avec celles de
)
devancier et maître, en Je faisant discr è tement (cf . R .A ., 9) .
lisme, etc.) , de spectre philosophique qui « disperse » les e des double ts qui
)
composantes philosophiques de la pensée scientifique, de II s’agit essentiellement de la doctrin de
) était chez Brunschvicg d é jà une é v ritable machin e
profils épistémologiques (P.N., 41 s) et avec la notion tout point
guerre philosophique contre l’introduction de
) de rationalismes régionaux. On peut dire qu’ il réalise le en
de vue matérialiste en philosophie, et en particulier
programme d’ un rationalisme qui doit se réadapter à un n
)
nouvel âge de la science. Quand nous parlons, après philosophie des sciences. Il n’est pas dans notre intentio tions
) de nier l’originalité de nombre uses analyse s et innova
Bachelard lui-même, de « criticisme de seconde position » reprendre
) ou criticisme généralisé, nous pensons d ésigner le plus épistémologiques de Bachelard, qu’il faudrait
systématiquement en les « rectifiant » pour leur restituer
) -
exactement son rationalisme, par delà la diversification des
leur sens matérialiste, mais il reste que sur le plan stricte¬
termes qu’il emploie par ailleurs pour spécifier la « nou ¬ de
) veauté » de cet id éalisme épistémologique qu’est bien ment philosophique, et en ce qui concerne la doctrine
) son rationalisme.
) 1. Reproduit in L Engagement rationaliste, pp. 169- 177 .
causali té
L. BRUNSCHVIC G : L’ Expérience humain e et la
2.
) 1. François DAGOGNET : * Brunschvicg et Bachelard » , in physique, p. 611 . Cité par BACHELARD , cf . L’Engagement ratio ¬

) Revue de Métaphysique et de Morale, 1965, tome 70, n° 1 , naliste, p. 176 .


PP - 4 L 54 -
)
)
) J
- ) I
(
mm (

236 Ga sto Bache ]aTâ je développement de la philosophie bachelardienne 237

la raison, la position rationaliste et l originalité de «Salistes et matérialistes réduisent la seconde àrepr la première,
sont surfaites ; il appartient bien à un courant Bachelard : ainsi la valeur de culture que ésente de
idéaliste qu’il prolonge jusqu’à nous. rationaliste j jaçsuppriment
on éminente le nouvel esprit scientifique .
' ècle
Ce rationalisme a un sens idéologique. Il dé Ce faisant, Bachelard se présente en plein xx si
I
science contre toutes les attaques qu’elle subit de fend la ||omme animé de l’idéal des philosophes des lumières. La
la part progrès,
jcience représente le progrès par excellence, le seul : « On
g d’autres philosophies irrationalistes, voire
L enthousiasme de Bachelard qui se manifeste
’ obscurantistes et éclatant
« foi » rationaliste prend ici son dans sa | -
j it il quelque part, qui soit indubitable
sens progressiste. Nous peut discuter sans fin sur le progr ès moral , sur le progrès
;
nous interrogions sur cet enthousiasme en y voyant
le jocial, sur le progrès poétique, sur le progrès du bonheur ,
pendant affectif de l’attitude rationaliste qu’il un progrès qui échappe à toute discussion
conservait jl y a cependant
: p’est le progrès scientifique... » (P.N., 21) . Aussi
jusqu’en ses analyses des images et de l’imagination nous
comme une réciproque transmutation des valeurs de, et porter au
pouvons dire qu’il reprend pour le ’ éologie progressisteniveau des
raison et de l’imagination . La science rationnelle vit ]a
de la « rêverie savante, de la rêverie qui questionne aussi sciences de la matière du xx’ siècle, l id du xvm® siècle
» des valeurs que la bourgeoisie française
( P.N., 93) . Elle a aussi une valeur esthétique spé à la « connais¬
cifique. représente dans l’histoire, tout en les limitant qu’il en
Bachelard l’indique volontiers au passage. Par là, ses sance » . Il concourt ainsi à une idéologie qui,
avec la philosophie de l’imagination sont maintenus. liens , correspond parfaitement à la
nous devons souligner que c’était aussi un thème classique Mais ait été conscient ou à non la seconde révolution scientifique
pé riode du passage
en philosophie que cette mise en évidence de la
valeur et industrielle : il défend la valeur éminente des sciences en
esthétique de la science. On retrouve donc ici cette mathématisées, dans leur étroite liaison avec la mise
doctrine bachelardienne des valeurs é pistémologiques ou oeuvre de techniques complexes. C’est Bachelard qui le
valeurs de connaissance, comme valeurs éminentes de dit en propres termes : l’homo faber a fait place à l’homme
culture, qui fait de la science rationnelle abstraite la nouveau : l’homo mathematicus. Il y ahomme encore autant
valeur suprême. Nous l’avons déjà noté : Bachelard défend d’idéalisme dans cette conception de l’
nouveau
ainsi l’idéal rationaliste classique de la connaissance désin¬ qu’il y en avait chez Bergson avec sa thé orie de l’homo
téressée. C’est un des sens de son antiréalisme et de son de Bachelard et
faber. La métaphysique de l’ imagination
ment
antipositivisme. Il s’oppose par là à tous les positivismes suppl é
sa pratique de la rêverie apparaissent comme le
pra ¬
et à tous les pragmatismes qui lient le développement d âme que réclamait Bergson, et qui convient à une
scientifique à des pratiques conç ues de fa çon étroitement tique et à une analyse technocratiques de la science
. Si
utilitaires ou empiriques. En même temps bien sû r, ce Bachelard exprime bien ainsi une philosophie des valeurs
sont les doctrines matérialistes qui se trouvent implicite¬ scientifiques à la hauteur de notre temps, se trouverait
ment accusées de réduire la science à des contraintes confirmée par là notre thèse : le sens de la philosophie
étroitement pratiques. Mais c’est que Bachelard ne fait de Bachelard, ou de sa pensée (peu nous importe le terme
.
aucune distinction entre l’explication matérialiste des ici) est d’être un idéalisme épistémologique nouveau» ,
conditions d’existence de la science et la valeur théorique D’où son attachement à dire son rationalisme « nouveau
et progressiste de la connaissance objective. Il pense que à le dire surrationaliste et à le présenter dans une perspec- (

(
f (
i ,
)
)
)
)
l 238 Gaston Bachelar
tive constamment valorisée. Car il ne s agit pas pour
)
transiger sur sa propre valeur qu’il affirme face à
lui de
) autre philosophie qui voudrait penser les sciences de toute
temps. Bachelard le prouve avec une remarquable notre
tout au long de son oeuvre quand il polémiqueconstance
)
phénom énologie, ou avec l’existentialisme sartrien . avec a CHAPITRE IV
) ]
pas souvent attaché d’importance à ce fait,
On n’a
) mais JLe
) Rationalisme appliqué en est éclairé dans ses multiples
dimensions. Les philosophies de l’absurde, de la déréliction
) -
de l’homme- jeté-dans-le monde, sont récusées. Aussi, mê
me
L IDEALISME EPISTEMOLOGIQUE
AUX ABORDS DU MATERIALISME
) quand il fait un pas vers la phénoménologie, comme jadis
vers la psychanalyse, Bachelard n’accueille pas leurs thè
) ses
sans en faire d’abord une critique. Il les rectifie pour lés
) intégrer dans son rationalisme ouvert. C. Ramnoux a
sur le plan
) montré comment, reprenant les concepts phénom énolo¬ Qu’en est-il du matérialisme de Bachelard
giques, il les am énage à son propre compte 1. Ces philo- me question principale
philosophique ? Telle était la deuxiènotre
) I deuxième partie.
sophies de l'absurde sont trop irrationnelles pour lui. Elles que nous posions au d ébut de
nombreux points le
) ne sont pas des philosophies du bonheur, bonheur de Quoique nous ayons montré sur de d’ un idéalisme, nous
) penser par concepts clairs ou de rêver par images bien choix fait par Bachelard en faveurréglée cette deuxième
faites. Elles ne procurent pas au psychisme une tonalisation ne pouvons considérer comme du matérialisme .
question sans examiner sa position vis-à-vis
) et une énergie qui l’élargissent et l’amplifient dans une
manière complète
Il s’exprime seulement assez tard d une pour un certain
) maî trise sur les choses ou sur la pensée aux dimensions ’
)
de la cité scientifique contemporaine. Mais la rêverie doit sur ce point et il semble qu il optetechnique (R.A., )
réconcilier l’homme et la nature, l’homme et le cosmos. matérialisme qu’il appelle matérialisme 5
) Cultiver une telle rêverie, pour Bachelard, c’est assurer rationnel . Il y consacre un ouvrage
ou encore maté rialisme . Pourtant, il
) à l’homme rationaliste nouveau son supplément d’â me, entier en 1954 : Le Matérialisme rationnel que la question
)
car la nature et le cosmos restent imaginaires. Tel est le semblerait d’après tout ce qui précède Bachelard ne se
rationalisme de Bachelard : héritier de la grande tradition d’ un maté rialisme philosophique chez
en dernière instance
) idéaliste bourgeoise qu’il prolonge en la renouvelant dans pose plus guère, si nous jugeons qu’
ses limites. discursif , fond é sur
) 1 il prend parti pour un id éalisme dit émologique, et qui
un plan qui se veut exclusivement
épist
.)
soit nouveau et rationalist e. Cet id é alisme consiste, comme
des actes é pistémo
nous l’avons montré, à poser la réalité é et l’ant é riorité
¬
)
) logiques plutôt que la réalité, la primaut
1. Clémence RAMNOUX : « Monde et solitude ou de l’onto¬
de l’objet : nature ou matière. Ainsi
les composantes maté¬
logie de Bachelard » , in Bachelard, Colloque de Ceiisy , op . cit., apparaissent bien
)
PP 387-403.
- rialistes éventuelles de sa polyphilosophie
)
)
)
)
) I
f c
240
! _ Bache]ard I£ d éveloppement de la philosophie bachelardienne 241
devoir être subordonnées à ses composantes
idéalistes. philosophiques connus. On aurait pu
est très clair dans la plupart de
ses œ uvres . Mais
Cela Autres matérialismes
Le Matérialisme rationnel.
Aussi, il y a |en douter. C est un matérialisme d éfini auprès des

celui-ci, et il met les philosophes rien n est simple avec Sciences, un maté rialisme fondé sur les connaissances les
eux. Le rapport de Bachelard au rouet, et nous
au matérialisme avec îplus modernes des matières, et qui quitte le «« matérialisme
donc aussi une analyse. En
se définissait comme é
demande des philosophes » (cf . le chapitre II sur le paradoxe
1949, Le Rationalisme appliqué du matérialisme des philosophes » , M.R., 61 s) . Il semble
lisme technique, au pointtroitement coordonné à un mat
que nous avons parl éria¬ que ce soit le lieu de reprendre la célèbre remarque
véritable identité. Auparavant é d’une ;d Engels : « De m ême que l’id éalisme a passé par toute
, Bachelard ne s’est
posé le problème du
mat érialisme
guère une série de phases de développement, de même le maté¬
pour le résoudre par pré é philosophique, sinon rialisme. Avec toute découverte faisant époque dans le
t rition
Serait-il donc devenu matérialisteen? faveur de l’idéalisme. domaine des sciences de la nature, il doit inévitablement
Il faut prendre »1 . Bachelard -t-
n’effectue il pas ce
question très au sérieux, comme cette modifier sa forme
rition d’un certain matérialisme nous allons voir. L’appa ¬ changement de forme consécutivement aux bouleversements
au premier plan de
philosophie n’est pas un des sa des sciences physiques et chimiques au xx* siècle ? N’aurait-il
œ uvre. Bachelard soutient ici moindres paradoxes de
cette pas alors achevé, en ce qui le concerne, une conversion au
de la complexité une véritabledes thèses complexes (il fait matérialisme parallèle à sa conversion à l’imaginaire en
règle) , qui se pré
comme aussi révolutionnaires, sinon sentent
plus, que celles de
poésie et d’ailleurs en liaison directe avec celle-ci, déve¬
ses autres ouvrages sur lesquels loppant ainsi une polyphilosophie qui ne s’embarrasse
notre examen jusqu’ici. Aussi, il nous avons fait porter pas de construire un système unitaire, mais véritablement
comprendre le sens exact de nous faut essayer de un pluralisme coh é rent : un bi-matérialisme. Est-ce que
l’identité d’un
appliqué et d’un matérialisme rationalisme
technique ou rationnel,
nous ne trouvons pas alors chez lui la tentative de
pour répondre à la question
: idéalisme ou maté
constituer une philosophie maté rialiste (ou plutô t d’en
En effet, le dernier grand ouvrage rialisme ? amorcer la construction ) correspondant vraiment aux d écou ¬
d’épist vertes qui feront é poque dans les sciences de la matiè re au
1954 ne facilite pas les choses aux interprètes.émologie de
Il présente xx siècle, philosophie matérialiste qui constituerait une
un matérialisme qu’on n’
aurait
de l’ensemble du reste de l’ guère pu prévoir au vu des faces de sa philosophie multidimentionnelle ? La
Le Rationalisme appliqué. Onœ uvre, sauf peut-être avec question se pose réellement à ceux qui abordent son
peut se demander quelle œ uvre. Cependant nous remarquerons la rareté extrême
est la nature de ce maté
rialisme sur le plan philosophique. des études sur le matérialisme bachelardien . Sans doute la
Bachelard semble prendre la dé
philosophie ! Mais comme à l’ fense du matérialisme en question appara î t-elle comme trop épineuse, et faudrait-il
d’ une manière déroutante, accoutumée, il va procéder y prendre des partis trop nets auxquels on répugne.
en dehors des sentiers
Ce matérialisme est défini à l’
aide
battus. Quels sont les caractères de ce matérialisme ? Que
scientifique, instruit, composé, de nombreuses épithètes :
réel, progressif , humainement cultivé, « expérimentateur, (

C’est donc un matérialisme instructeur » (M.R., 4) , etc. i 1. F. ENGELS : « Ludwig Feuerbach » , in MARX -ENGELS :
rectifié, par rapport à tous les
| Etudes philosophiques, 1974, p. 205.
(
(

II
) 1

)
) 242 G ton B.
dchehrri |développement de la philosophie bachelardienne 243

rationnel : 1 . n’ajouter aucune considé-


)
cachent les termes ici ? Peut-on même lui poser la question \je Matérialisme
) la lecture de la science, 2 . ne
de sa nature philosophique, si Bachelard se pose, là
plu's Ition philosophique dans que sur sa réaction sur la structure
) qu ailleurs, comme par-delà l alternative du maté lire porter l’examen
rialisme
de l’idéalisme au sens classique de cette opposition ? et de longue date
(spirituelle. Deux buts conjoints, définis
)
semble que l’on puisse répondre assez aisément en proc gomme l’on voit. Mais Bachelardjustifi les remplit -il ? Pour
dant à la lecture de l’ouvrage, et en rapportant ce é¬ ée, il suffit de la
)
què | iontrer que notre question est conception matérialiste
) -
Bachelard lui même nous en dit. C’est un maté
rialisme Iranscrire dans le langaged’ une de la
pensée) . Poser la question
constitué à partir des connaissances théoriques des | e l’histoire (ici histoire
) sciences matérialisme rationnel
le la nature « philosophique du
contemporaines de la matière. C’est un mat érialisme »
qui è res spécifiques qu’il lui
comporte une série de caractères essentiels qui sont spé
ci¬ de Bachelard, et avec les caract sa nature idéologique :
fiques des activités de la science actuelle : caractères donne, c’est poser la question
de
) scienti ¬
signifie id éologiquement au
)
fiques, c’est-à-dire rationnels, techniques et sociaux conjoin
¬ Qu’est-ce que ce matérialisme et id éologiques contem ¬
tement. Ce matérialisme rationnel est une philosophie sein des courants philosophiques que nous allons nous
que crée la science contemporaine elle-même : il
suffit porains ? C’est à cette question des textes mêmes de
)
d’aller s’y instruire de son matérialisme pour l’exprimer
sur efforcer de répondre en partant
le plan philosophique, voilà ce qu’il nous répète inlassa¬ Bachelard.
blement. Or, il insiste d’emblée et constamment, plus que partisan d’ un
Montrons que Bachelard s’affirme bien que lorsqu’ il
nette
) jamais auparavant, précisément sur ces caractères
sociaux matérialisme, et d’ une manièrequ aussi
de ce matérialisme scientifiquement appris. Les matières
s’affirme rationaliste. « Dès ’on suit l’évolution des
) é tudiées par les sciences contemporaines, sont socialement ère dans la période
produites, socialement contrôlées, voire construites, tout
connaissances scientifiques sur la mati que le matéria ¬
) contemporaine, on est amené à s’étonner
cela dans une cité scientifique spécifique. philosophes, comme
) lisme puisse encore ê tre tenu, par lesphilosophie simpliste.
)
La question de la nature philosophique de ce maté¬ une philosophie simple, voire une les sciences de la
-
rialisme se pose t-elle vraiment ? N’est-elle pas une fausse En effet, les problèmes envisagés par se diversifient avec
) question ? Tout maté rialisme philosophique semble bien matière se multiplient actuellement et scientifique si
) disparaître devant le matérialisme scientifique instruit, qui une telle rapidité que le matérialisme pensées effectives
trouvera toujours des raisons scientifiquement justifiées seulement on le suit dans le détail de ses
plus complexe
) d’en effectuer la critique. Notre question est-elle injustifiée, est en passe de devenir la philosophie la
) dépassée, naïve ? Le discours bachelardien, objecterons-nous et la plus variable qui soit » (M.R., 1 ) . Cela n’augmente
énéralement idéalistes !
pas peu l’embarras des philosophes, g caractères du maté¬
) -
à cette fin de non-recevoir, serait il le pléonasme du discours
scientifique lui-m ême ? Se borne-t-il à ce rôle : être « une Dans l’étude qu’il entame ainsi des para î t bien net ,
>) philosophie qui [soit] vraiment adéquate à la pensée rialisme rationnel, l’objectif de Bachelard és au marxisme : il
scientifique en évolution constante » ( P.N., 7) . Mais c’est surtout pour des philosophes éduqu polé mique contre les
)
en même temps une philosophie qui « doit envisager la dirige ses critiques et toute sa ère. Les atta-
réaction des connaissances scientifiques sur la structure spiri¬ conceptions idéalistes spéculatives sur la matipar une série
) tuelle » (ibid.) . C’est bien l’objectif annoncé, y compris dans ciues sont très bien orient
ées. Montrons -le
)
) :
.
)
)
)
(
1 (
(

lhchclaid ï
244 G_ développement de la philosophie
bachelardienne 245
}on (

de preuves : «Etant donné la prédominance 20. Il s’en prend dans


ce passage a
phes idéalistes dans la culture des philoso é j rite » , dit -il page __
aussi fermement et dure-
» et aussi
traditionnelle , on n a pas à 1 h philosophie des savants
s’étonner que l’instance matérielle n’
ait pas reçu qu’aux philosophes idéalistes. Le
savant « croit que
attention suffisante de la part dçs une ient de son savoir » . Bachelard ne
philosophes...
Disons |[ philosophie est un résumé
tout de suite à quelles conditions on au niveau de la science, et se
(
philosophie directe de la matière, une peut établir une fut donc pas en rester l’idée
cesserait de poser la connaissance de philosophie quj jjrner à enregistrer ce par quoi la science invalide retenir
uc la matière
[é la matière des philosophes
idéalistes. Nous devons
une connaissance subalterne, breff une nea ~ptu;1jlllan f comme
ja

1
ette double position de Bachelard pourrialiste la suite. Il en
reconnaî trait pas les privilèges id l ne
" appliqué » (
(M.R., 10) , privilèges qui permettentiueanstes
éalistes de della forme
?• 0rn ,e »
* ient a ns * a Parler de « rationalisme maté
positions « non substantia-
mettent .aauxx Philosophes
idéalistes de conna î tre la matière en philosophes M.R., 80) . Et il révise ses un nouveau substantia-
propriétés spatiales et géométriques connaissant ses formes listes » : « Le matérialisme établit
de la substance sans accident
»
représentables. Bache iisme , le substantialisme
lard montre alors que les philosophes parlant
de la matière [ibid.) . Nous y reviendrons.
¬

en général, en restent à une «


que » (ibid.) . « Pour un philosophe contemplation philosophi¬
érialisme. La
para î t se présenter que comme la notion d’objet ne Voil à donc bien des déclarations de matphilosophique (
un corrélâ t de l’
objective, attitude qu’on définirait attitude question semble posée avec toute la rigueur
dant les objets » (M.R., 10) . « Si volontiers comme atten¬ souhaitable, et le parti de Bachelard pris de manièet re
f l’on commence ainsi la entre idéalisme
philosophie avec une notion d’objet prise parfaitement nette. Le débat estît bien
II dération de la matière, si l’on rompt, sans la consi¬ matérialisme. L’opposition para claire : elle n’est plus,
au départ, l’essen ¬
déformée sous .les .. termes de l’opposition
idéalisme-réalisme 1

tielle solidarité : objet-matière, on se (


condamne à rester comme lui-même l’avait i ian, par
souvent fait
: souvent exemple jusque
sur l’axe d’une philosophie de la contemplation L:
iue du Rationalisme
10-1 r ) . Avec la science
» (M.R.,
dans la fameuse topologie philosoph peut
contemporaine,
faut « poser... la . primauté de la matièredit Bachelard, il appliqué ( p. 5 s) . Cependant, on ’il p
sur la forme » lorsqu
I ésurgences de cette opposition
(M.R., r 6) . « Le philosophe
idéaliste ne lui reconna ît [à [ rpol serrées
[ émiques utiles, les polémiques
..

la matière] aucune force pour » (M.R., 8) . Notre


peut même la priver de ses qualit maintenir sa forme. [Il] matérialiste et du réalisme matérialiste
que quantité, quantité immuable,
és... La matière n’est alors Bachelard d’ une forme
thèse sur le développement cheznouvel idéalisme qui !se '
quantité qui se conserve
nouvelle de l' idéalisme, d’un
à travers toute transformation. Et pistémologie, et qui 1se
la quantité... la notion de matière ainsi, sous le signe de présente sous la forme d’une é
enseignements philosophiques
est
savant par le philosophe » (M.R., 61) . abandonnée au donne comme identique aux èse doit-elle donc être (
-, semble bien mener une polémique sans Ainsi, Bachelard des sciences contemporaines, cette th
remise en cause ? En effet, à lire cette
critique de l’idéa ¬
le matérialisme des philosophes ( . concession contre croire qu’il
entend contribuer avec Le Matérialisme
cf tout le ch. II) . Il lisme par Bachelard, on peut franchement èmes du matérialisme
tuer une philosophie digne des rationnel à consti¬ dépasse la position ancienne des probl culturelle o l’idéa¬
scientifiques, car « la science n’a connaissances matérialistes philosophique, celle de la « traditionposerait donc bien la
pas la philosophie qu’elle lisme est prédominant » . Bachelard

;
246 Gaston Bachelard ] Ie dé veloppement de la philosophie bachelardienne
•' 247
question fondamentale de la philosophie 1 : idéalisme
matérialisme, et la résoudrait en les él éments id éalistes, sur sa connexion au reste de l’œ uvre,
faveur de 1
la deuxiè. positions rationalistes, métaphysiques et idéa-
branche de l alternative. On peut le me 1»uX 1diverses
lorsqu’il marie des considérations comprendre ainsi, même l*stes que nous avons dégagées . On ne pourrait pas déter-
phénoménologiques
à ses P ner ?ue es m°d f cations les termes « rationnel » et
'
affirmations matérialistes et cherche à
ce qu y < 'technique » appor en t à e matérialisme » . On le prendrait
)
nomme « phénoménologie matérialiste constituer
» ( M.R.,
certaines de ses affirmations
)
chercherait à rester dans le cadre des enseignementsi 2) . jj alors au mot, en a
rialistes de la science. On peut
une analyse de la forme de entendre alors qu’il é
mat- h on Pense que S°n ma> i |
philosophique parce
met-
a jsme est bien un matérialisme
nous \c dit « enseigné » par les
,

) conscience spécifique qui fait


pagne le développement de
la science contemporaine accom- pences memes. e P en effet d’ « établir une
) la matière, analyse qui s’ philosophie direc e matière (M.R - , 10) (c est
»
attacherait à la « pratique de Qui souligne) . Keven l ensemble de la démarche
rialiste » de la science, et qui é maté-
matérialiste » qui l’anime (ces tudierait « le nouvel esprit de Bachelard quan g matérialisme rationnel
sont employées par Bachelard
deux dernières expressions vo se de a science des matières, à savoir
-
lui même, M;R., ) . Su
sens ne faut-il nas Etendre .- 3 En ce |a chimie contemporaine. N’en restons pas, comme nous
'' que *toute
pni»
on> nf 4p , ,longpaj , son œ uvre serait
.
d une voie patiemment
positions pratiquement maté tn uvuimcm trac ée, vers des
rracee
l’avons fait ci-dessus pour mettre notre thèse à l’épreuve,
à la production de certaines citations qui vont dans le
ter ? Le Matérialisme rationnel rialistes qu ’ il finirait par adop¬ sens de l’attribution d’ un matérialisme à l’œ uvre de
point d’orgue qui révélerait
n ’est -il pas une sorte de Bachelard . Posons la question de savoir contre quel id éa¬
le sens é
).
de tous ses travaux antérieurs, et en minemment matérialiste lisme il prend position avec son maté rialisme technique
coup de grâce porté aux philosophies même temps comme le et rationnel. Ensuite nous pourrons nous demander de
) lesquelles il n’aurait cessé de pol idéalistes contre quelle nature est ce matérialisme technique, c’est-à-dire
comporte une part de vérité.
émiquer ? Cette vue ce que signifie « technique » dans maté rialisme technique,
) Mais
ment ? Elle repose sur des aspects en quel sens exacte¬ et « scientifique » dans maté rialisme scientifique. fi
) dans l'ensemble de l’œ uvre. Mais effectivement présents Or les id éalistes auxquels s’oppose Bachelard avec son
) plus juste ? Comment distinguer comment les désigner au matérialisme rationnel et technique sont bien spécifiés :
et composantes idé composantes matérialistes
) alistes ? c’est d’abord et principalement la ph énom énologie (on est
C’est ce qu’une analyse plus pré dans les ann ées 50, dans une période où l’existentialisme
) cise doit dégager. Car, et la phénom énologie tendent à devenir prédominants dans
à notre avis, on ne peut partir
) de matérialisme. On ne pourrait
de ses propres déclarations la philosophie et la pensée fran çaises) . C’est ensuite et
spécifique de ce matérialisme d é terminer le caractère d’ une fa çon également importante le bergsonisme et sa
) rationnel
l’on avait commencé par lui ou technique si théorie de la matière. Enfin, au passage, c’est quelqu’ un
philosophique de matérialismeaccorder d’emblée son brevet
, ce qui aveugle ensuite sur
comme Schopenhauer qui est visé aussi . Nous devons
ainsi être très attentif à ce qu’ il reproche à l’id éalisme
qu’il dit « prédominant » , c’est-à-dire être attentif à ce
1. Cf . F . ENGELS : «
Ludwig Feuerbach » , II* partie . (Cf .
MARX-ENGELS : Etudes philosophiques qu’ il appelle idéalisme, à la fa çon dont il le con çoit, bref
, op. cit., 1974, pp. à la conception qu’il a de l’ id éalisme en philosophie. Ce
199 s) .
)
)
)
!
248 Gaston Bacheh d le d é veloppement de la philosophie bachelardienne 249
qu il vise principalement c’est tout idéalisme qui Û ! essentiellement une activité , elle met en œ uvre des instru¬
une attitude qu’ il dit « contemplative » en face H ? , elle produit techniquement des faits, des effets, des
question de la nature de la matière, attitude qui dé
la connaissance comme une activité de
contemplation A i
fJ? ments
!
Ratières, pour les étudier.
vision qui pose ainsi le sujet vis-
à-vis de son objet de !
1
Aussi, Bachelard effectue une critique tout à fait juste
, JV
ob -
et te ldéallsme d éfinit la matière
K et d une seulement
visée . Elle donne, dit-il , un privil ège comm 1 et pertinente des théories phénoménologiques de objet ou
au
'
la connais ¬

contemplant » et aux « d é terminations sance , qui considèrent toute mati ère comme
attribue a la conscience une « centralité
visuelles
excessive »
» Elle !
i corrélâ t d ’ une conscience . Que l ’ on songe aux spéculations

) . Mais Bachelard ne déclaré pas l ’idéalisme ( M R ' de Sartre sur l’ en-soi . Elles sont purement idéalistes
.
faux Dar Bachelard fait le même reproche à la philosophie de la
principe, mais seulement certains types d ’
id é alismes « On
volonté de Schopenhauer : « Sans la résistance de lail ma
¬
veut voir l ’objet, le voir à distance, en
faire le tour
Or la connaissance scientifique a dépassé toute tière une philosophie de la volonté reste, comme est
de voir ainsi ses objets, la matière, les matiè . possibilité assez visible dans la philosophie de Schopenhauer, une
res Dans cette philosophie idéaliste ( M . R . , 12 ) , car « la première ins ¬
philosophie idéaliste, on pose par principe
objective [qui] refuse le contact » . On une « attitude tance spécifique de la notion de matière est la résistance ¬
»
voit ce que lui (MR 10) . Bergson tombe dans le même defaut fonda
reproche Bachelard : ce n’est pas son
idéalisme, mais il autre façon,
reproche a une telle philosophie de ne pas
tenir compte mental , quoique moins directement et d’ une reste aussi a
du fait que la connaissance scientifique
ne progresse qu’en vu sa doctrine de l’homo faber . Mais, il en
é el « ne
entrant en contact avec son objet, avec les matiè une doctrine des « premières prises sur le r » qui

des techniques, en mettant même les matières en res , dans


sont que de pauvres abstractions » (M .R ., 15 ) , des « intui ¬

contact tions simplistes du monde géométrique des solides parfaits »


entre elles, en constituant ce qu’ il appelle un
nalisme , qui combine les substances matérielles, inteimat é - ( M .R . 14) , alors que la science moderne constitue une
forme, les mélange, etc . ( M . R ., les trans¬ mécanique des « corps mous » . Par tous ces philosophes
,
et passim ) D où le la matière est réduite à des « formes » qui ne sont en fait.
15 . ’
« matérialisme composé » (ch .
IV) . Aussi l’attitude dite
objective par la phénoménologie est objective que des « signes » extérieurs de la matière ( M .R . , 10) ¬
seulement
idee : « Elle est idéalement objective » ( M . R . , 10) . en Tous ces idéalistes en restent à un « matérialisme imagi
lard fait donc ici une critique absolument juste de Bache ¬
naire » « Les philosophes qui dénoncent les abstractions
forme d ’ idéalisme . Sartre, sans ê tre nommé, est cette de la pensée scientifique dirigent souvent leurs traits contre
cette critique : « A la gratuité des actes de simple
vis é par la science telle qu’ ils l’ imaginent » (M .R ., 15 ) -
fait écho l’absurdité du monde visé. La pens visé e
ée ne
travaille plus sur l ’obstacle » matériel ( M . R ., n ) . ’ Il avance alors une distinction capitale pour comprendre
C est : C est
alors, dit Bachelard , que « pour un philosophe la son matérialisme dans son opposition aux idéalistes faut effec
d objet ne parait se présenter que comme un notion elle qui nous a fait parler de bi -mat é rialisme . I ¬

corr é l t de du mat rialisme entre


l ’attitude objective, attitude. . . attendant les objets » â
tuer nous dit-il, « une division é
( M .R ., imagination et expérience » (M .R , 17 • . ) Cette opposition ,
10) . Or, l ’acquisition de la
connaissance scientifique est entre un mate -
véritable « principe méthodologique » , «

(
(
1 ; V \. "
{
)
1
)
)
) :
2 ÇO
Caston Bachelard |e développement de la philosophie bachelardienne 251

) rialisme imaginaire et le matérialisme instruit » 1. Que deviennent donc ses


une « rupture au sein du maté conduit à
Innaissances scientifiquesobjectivit é, « forme sans objet »
rialisme » (M.R positions sur l’
à celle qu il faut faire entre connaissance ., 17) égale Anciennes
)
g.C.A., 248) ? Sur « l’objet comme perspective Le des idées »
) connaissance scientifique. Aussi par delà les- commune et -
Ê.C.A., 246) ? A t-il abandonn
é ces th è ses ? monde
listes schopenhauerien, bergsonien, ou phénom discours id éa rification ? Il disait
j’est il plus défini comme « ma vé
»
)
sur la matière, qui serait l’objet d’ une volonté é nologique
¬
- Brunschvicg nous fortifie
) pure, d une cn 1929 : « La théorie de M .
action pragmatique, ou d’une visée jjans notre hypothèse que la racine de
l’objectivité ce n’est
) conscientielle
primitives à les croire, Bachelard dénonce , toutes -
t-il ses thèses sur
tous les maté¬ pas l’objet » (V.I .R., 253) . Abandonneplus ce qu’il disait
rialismes non informés auprès des sciences « réel scientifique » ? Ne pense-t-il
dernes, comme étant des matérialismes chimiques mo¬ le sa Thèse : « Il ne faut pas perdre de vue que les
infantiles ou dans totalement
primitivistes, matérialismes qui vivent
sur des images de relations des objets entre eux ne sauraient êtreintermédiaire
) la matière. Images que ces « choses mêmes » objectives ; elles doivent être affect ées d ’ un
phénoménologie veut retourner, images que auxquelles la signifie son insistance
) les données épistémologique » (E .C.A., 74) ? Que és par la science
imm édiates de Bergson. La limaille de Bergson matières tudi é
) image, seulement une image, une matière est une à dire les objets ou les justement ils ne sont conçus
imaginaire. sociaux » ? N ’est -ce pas que
mologi¬
) Or, à quelques incidentes de Bachelard, on remarque que par des techniques, des intermédiaires épisté
)
. que ce qu’il reproche à l’idéalisme en général,
c’est plutôt ques ? Pourquoi la question de l’objectivité du contenu
caract
des
ère
ses insuffisances, que sa position de principe. connaissances scientifiques fait-elle place à leur
technique et social ? Pourquoi la rationalité est-
) Ceux
vise ce sont « certains philosophes idéalistes » (M. qu’il elle du
) Ceux là ne font qu’une « critique facile » d’un « R., 9) . côté des instruments et non de la nature ?
-
lisme massif , ingénu, périmé » (M.R., ) . Aussimatéria¬ En fait, Bachelard n’abandonne rien . A ée d’attribuer
propos de la
remarquer, et cette remarque est importante, que3 faut il - complexité du réel, il polémique contre l’id
lard n’effectue aucune critique contre les idéalismes Bache¬ à la réalité elle-même une complexitsujet de la pensée
é objective. « Si '
il
sur les sciences, comme l’idéalisme de Brunschvicg fondés l’homme moderne se rend vraiment
le
faut-il remarquer qu’il ne voit aucune divergence Aussi
. î , dans
entre scientifique au travail..., il lui faudra bien reconna tre
son rationalisme et son matérialisme rationnel. complexit é explicite
Il faut l’être même de la connaissance, une d’ une com ¬
donner à ces remarques toute leur portée, car sous le qui n’a rien à voir avec la vaine affirmation
de matérialisme rationnel, c’est l’adaptation de l’id nom ( M .R ., 2- 3) .
plexité qui serait en réserve dans les choses ’
»
) é alisme offre souvent
)
qui se poursuit. Bachelard laisse souvent
entendre qu’il Pourtant il parlera de « la réalité [qui] n és matérielles
critique toute forme d’idéalisme, alors qu’il ne ’
s en prend que des m élanges grossiers, que des diversit
de critiquer tout
) qu’à certaines bien déterminées. Le croira t on
- - sur parole ? confuses » (M.R., 64) . Il a certes raison qui « du
) Ne veut-il pas se faire passer pour plus matérialiste qu mat érialisme « naturel », par exemple celui pourée comme
’ il est affirm
n’est ? Ne s’est-il pas lui-même très sincèrement pr côté de l’objet, la complexité implicite
) ésenté
comme rationaliste auprès des empiristes et empiriste
) 11 auprès des rationalistes ? Or quand il fait la idéalistes de rompre la « soli ¬
critique 1. Il reproche justement aux
idéalistes (de certains !) , il se fonde sur l' objectivit des objet et mati ère (cf . M.R ., p. 10) .
) é des darité essentielle » entre
„)

)
f
2 Ç2

une potentialit é indéfinie » (M.R .,


Gaston Bachelajfl td ,e é veloppement de la philosophie bachelardienne 253
compJexifie la raison, n est-ce pas 3
) . Mais si 13
ane h rAoix ' Science \ ui demande en quoi ce matérialisme « scientifique » est
est elle-m ême complexe
meme rnmniov , plu .. OD î PPK. \fchilosophiquement
Active IL. un matérialisme (ou plutôt quand il
û
US. que ne le pensait
1 1le
nisme classique ? Pourquoi donc ~ m é
ulccaca - « encontre
gncontre lui
î ui - ê
meme
m me la
la question] retuse la
) , 11il refuse la position de
position ae
« objective » ,
veut il nier u C
-
dans les choses extérieures
qu il refuse la question ? T ? ° InP exit é ja question , et il nous oppose
de l’objectivité des COl • Cest philosophiquement essentiels de ce matérialisme scienti-
les caract ères qu ’ il juge alors

scientifiques posées dans les


termes philo ?na*SSances Jque, non plus ses enseignements objectifs, mais le fait
matérialistes
UOLW, auau sens de
que la formule Engels
de la Ja question fond
: « Quel est l ’élé
?
fonda ° ly te nte qu 11il a aes
P
• valoir
des caracteres
alors
caractères sociaux
d’ autres
sociaux et techniques
caractè res des
tectimques . il
sciences
Il fait
fa
contemporaines
donc
tait donc

esprit ou la nature ? » x . ment


Quand affleure dans C Pour reieter les matérialismes philosophiques (mécaniste
hsme rationnel , comme auparavant at
é ria -
cette question, Bachelard répond
philosophique . Ce qu’il appelle philosophie ?
au lnno A* s
§ de

j
n œ
°nos
*
oeuv
uvre
bu
-dialectique ) .
’», Iqu’> il entend tirer des sciences
Et c est bien une certaine philosophie


. C’est une « phénoméno-
isme logie matérialiste » , qui détermine « les réactions conscien-
science, porte sur autre chose
vov, mais ** 6 3 de es très profondes » de la cité scientifique ( M . R ., 3) .
mais pas sur cette -
Il refuse donc cette question.
lisme « naturel » , de matérialisme Quand
question
Ifl
il parle de maté - li se donne pour objectif d’ « exa er
.
ria le matérialisme scientifique -» ( ibid. ) . Il dit encore, „
» „
en
rialisme imaginaire, il nous semble primitiviste, de maté¬ répondant à ceux qui lui diraient que ses vues sont des
philosophique qui poserait justement viser tout matérialisme
une telle question vues de philosophe : « Du moins ce sont ’là des vues d un

dans des termes qu’il juge frustes, philosophe qui fait, sur le domaine qu il a choisi , son
périmés . Quand il s’
prend à 1 « entêtement à poser
des questions naïves » , en m étier, celui de désigner aussi objectivement que possible
questions « premi ères » , .il» ai des la hiérarchie des valeurs de culture » ( M .R ., 33 ) . Cette
-dn vo sans cesse lesargue 6 uc que « la

fique drlpi
ficme ia pensée scienti
éplace
/
questions premières » (( - déclaration figure dans un passage où il développe ses
3) . Il est clair qu’il refuserait la 1Ja posi
MR
M .R .,
v mê4me de la « vues » sur l’opposition entre nature et culture à laquelle
question que nous lui posons position
r x e . Peut
u i-onu n se contenter de nous allons arriver dans un instant . Il se retourne donc
ce refus ? Peut-on lui accorder contre les matérialistes en philosophie, c’ est-à-dire contre
qu’il se fonde sur l’objec¬
tivité des sciences, sans lui
il a de cette objectivité ? demander quelle conception ceux qui affirment l’existence matérielle du monde, exis¬
Serons-nous tence indépendante de, et antérieure à la connaissance
Ainsi se déterminent toutes les bachelardiens ? que nous en prenons . Vis-à-vis de ce genre de philosophie,
composantes
« matérialisme
rationnel » : 1 . Contre les idéalismes de son qu’ il estime primitive, liée à des questions premières, mais
platifs ou pragmatiques, contem ¬
qu ’ il n’ attaque pas directement, il ne tire plus ses argu ¬ , C
de la visée ou de l’action les idééalismes de la conscience, ments du contenu objectif des sciences contemporaines '

(
oppose le « matérialisme imm diate, de l’action vitale, il mais de leur forme d’existence sociale . Il poursuit sous
les enseignements objectifsscientifique » ; il fait alors
des sciences. Mais, 2 . quand on valoir cette forme une lutte « philosophique » contre le matéria ¬
(

lisme véritable en philosophie . Ainsi prend sens la compo¬


1. Cf . F.
ENGELS : « sition même du chapitre introductif du Mat é rialisme :(
Etudes philosophiques, p.Ludwig
200.
Feuerbach » , in MARX-ENGELS : rationnel qui commence tout de suite par affirmer le
caractère social de la science . La « résistance » qu’ oppose
| ;

(
( '
) I
> 54
.
,
dévetoppemen de la pHlosoptobachel e >J 5

la matiè re à notre connaissance n est invoqu donc nullement


ée qu’ens t Ijàchelard ne va pas plus loin . Il ne défend
et contre les philosophes idéalistes que 6
érialisme historique ! S’il désigne bien sous sa
Contre le matérialisme traditionnel (m é nous avons Vu'S' |n matabstraite le caractère social (en général ) de nos
caniste, mais au jqrme
marxiste ) il tient essentiellement à dé , il reporte sur le contenu
matières>
s que connaissent les sciences montrer que les
ics activités pratiques de connaissance
, sur ce que l’on conna î t : les
contemporaines, ce rp | iéme des connaissances
auui. des
sont ues matières techniquement• fabriqu
' physique , « mati ères » en chimie) ,
)
ées,
sociales. Il devrait y avoir là de quoi satisfaire des matières objets ( « effets » en activit és . C est dire que ce
un marxiste, les caractères sociaux de ces
dira-t-on. Bien sû r, à condition de ne pas le plus essentiel dans ’ l objet connu , ce serait sa
objectif des connaissances ainsi acquisesomettre le contenu gui serait réalit é à l’ exp érience sociale¬
c’est justement ce que fait Bachelard , quand socialement. Or, | orme subjective. Il réduit lascientifique . Il tend donc à
nature et culture, les matières naturelles et il oppose ment organisée de la cité acception id éaliste
les matières prendre la notion d’expérience dans son
« scientifiques »,
exactement comme pour le « réel critère de validité de nos représen¬
fique » que conna î t la physique. Il fait scienti¬ fqui ne retient comme
alors jouer des tations théoriques 1. que la cohérence logique (mathéma
¬

oppositions qui ont un sens philosophique,


et donc idéo¬ tique) des concepts, 2 . que leur efficience
technique ( ph é no -
f; logique, particulièrement net. Il pose ces oppositions faite de leur objectivit é , c ’est -
façon impérative, sans discussions : opposition d’une ménotechnique) abstraction é flexion (Wiederspie -
reflet ou r
o;
sique et deJ- de la
la chimie, opposition de la nature et phy: à -
dire de leur fonction de
.
culture. de la gelung) de la réalité objective
des
En effet, il soutient absolument ces th èses dans è gne
Face aux idéalismes spéculatifs qu’il combat, il met vraiment au r
avant le fait qu’on ne conna î t des matières que en formules célèbres : « Le métal appartient m é tal purifié, dira-t-on.
dans des humain » (M .R ., 73) . Il parle du
activités (contact, expérience, instruments) qui obligent , mais il laisse entendre
rectifier nos connaissances ou conceptions antérieures à En effet, et nous l’accordons bienperd ainsi son contenu
plus ou moins imaginaires, idéalistes, etc. Face toutes que toute notre connaissance au rè gne lil
au maté¬ objectif . « La purété des substances appartient
rialisme philosophique qu’il combat également, il met peut mieux prouver le
avant le caractère social et technique de nos en humain » (M.R ., 73) . « Rien ne ( p. ) . Le
caractère éminemment social de la science 77
»
activités de par
connaissance. Tout cela a donc une grande cohérence peu surpris de voir l’ insistance mise
centrée sur le fait que pour lui l activité est , lecteur n’est pas chapitre sur
essentielle . Bachelard à défendre cette idée. Tout le .
Mais il rejette par là la thèse d’objectivité de nos é » est mis sous ce signe
connais « Phénoménologie et matérialit
)
sances, le fait que nos connaissances soient de plus en
¬

C’est vraiment une thèse centrale du mat l’affirmation


érialisme bache -
) plus objectives. Elles sont, pour lui, insistance , sinon
connaissances d’objets lardien . Que signifie cette
fabriqués techniquement par une société organisée (i.e. subjectifs)
)
.
nellement : la cité scientifique. Mais Bachelard n’a pas de
ration ¬ de la prédominance des caractères sociaux ? Ainsi, lorsque
) théorie scientifique de la société. L’organisation sur les caractères objectifs des connaissances il écrit :
de la cité scientifique est un fait, un fait empirique rationnelle Bachelard parle d’ une substance sans accident é thodes que le
et « C’est par l’application surveillé
e des m
abstrait, un milieu neutre en dehors des luttes sociales et , le substan
matérialisme établit un nouveau substantialisme
¬

idéologiques. Il est n écessité par la science, c’ constitution


est tout. tialisme de la substance sans accident. La

à r
phie bachelardienne
2 ç6 Gaston Bachelard je développement de la philoso 257

il dit que les


technique d une substance entièrement normalisée
exclut % science de la fermentation. Aussi, quand » , il parle
jbjets de la science sont des objets sociaux la connais-
toute fantaisie et toute incertitude . La chimie prépare une «
lui que
substance en série... Construisez une cit é scientifique bien érieusement. Cela signifie bien pourmatérialiste du terme,
faite et les matières qu’elle livrera seront bien faites » gnce objective au sens classiqu e et
- -
( M.R ., 80 81) . On songera peut être à un rapprochement jelui que visent Marx, Engels et tout mat
érialisme philo-
et pé rimé. C’était
avec une thèse bien connue du matérialisme dialectique ophique, est un objectif inaccessible
que formulait Marx dans sa deuxiè me Th èse sur Feuerbach * e, dans son é tat scientifique
l objectif de la science classiqu être celui de la période du
« La question de l’attribution à la pensée humaine d’
une intermédiaire, ce ne peut plus , pour Bachelard, on ne
vérité objective n’est pas une question de théorie, mais nouvel esprit scientifique. Brefe. Dans la connaissance, le
une question pratique. C’est dans la pratique que l’homme conna î t pas la réalité objectiv ’objectif . Il soutient cela
a à faire la preuve de la vérité » L Plus précisément on réel connu est plus subjectif qu les images réalise trop
pensera à un passage du Ludwig Feuerbach d’Engels : partout. « Le philosophe pris par » (A.R.P.C.,
« Mais il existe encore toute une série d’autres philosophes fortement le qualificatif ondulatoire qui, selon lui 171) .
ement , va
qui contestent la possibilité de connaître le monde ou L est la notion introduite èabstrait abstraites se concré¬
du moins de le connaî tre à fond. Parmi les modernes, se concrétiser : « Les premi res notions é... » (ibid.) . Il écrit
Hume et Kant sont de ceux-là... La réfutation la plus tisent par un usage de plus en plus ,vari introdu it d’abord tout
frappante de cette lubie philosophique, comme d’ailleurs ainsi à propos du spin de l’életrcon en accueille la notion
de toutes les autres, est la pratique, notamment l'expéri¬ abstraitement dans les calculs : « On ndre mieux un jour
mentation et l’industrie » 2. On estimera que Bachelard en attendant mieux, espérant compre racine réelle , on
est venu sur des positions identiques, lorsque l’on voit sa nature, son réalisme. Mais de cetteOn s habitue à la
les exemples qu’il prend : c’est l’électricité régularisée par entendra de moins en moins parlervoit .
le parcours lin éaire de nos fils (A .R .P.C ., 22 s) , produite par fonctionn er , on la é tendre son rôle,
notion, on la voit
le secteur ( F.E .S., 24) , c’est la substance du « m édicament érents, on voit ses rôles
ses rôles, dans des domaines difffonction nel s’affirmer, son
créé par la chimie » et qui « réalise sans accident son se coordonner, on voit son être .C., 172) . Le spin
essence » , qui « correspond à l’absolu de sa formule » . être fonctionnel se généraliser » (A.R .P s) . De même,
sera alors un opérateur (A.R.P.C., ch . 8 173
« Tous les cachets de votre tube d’aspirine réalisent une ,
la science contem ¬
identité absolue » (M.R., 81) . une substance, selon Bachelard, dans au sens classique :
e
Mais, ce rapprochement serait assez superficiel, car poraine, n’est pas une réalité objectiv e.
Bachelard pense que la science est une antiphysis ( F.E .S., elle réalise son essence , celle de sa formul
de matérialisme
24) . Elle isole soigneusement les ph énomènes, elle construit Ainsi nous demandons quelle sorte contemporaine
pour tout concept son « anticoncept » (F.E.S., 71) : elle scientif ique
en résulte. La connaissance
constitue une science de la stérilisation en voulant faire n’aurait plus pour conten u la connaissance de la nature,
et de son évolu ¬

des lois objectives de ses transformations » serait quelque


1. Cf . MARX -ENGELS : Etudes philosophiques, op. cit., p . 48. tion . Pour Bachelard, cet objectif « réaliste é. « En chimie
érim
2. F . ENGELS : « Ludwig Feuerbach » , in Etudes philo ¬ chose de dépassé et de définitivement p période révolue »
sophiques, op. cit ., p . 202 . la prise sur la nature corresp ond à une

(
)
)
) 258 Gaston Bachelard ,e développement de la philosophie bachelardiennc 259
)
certains d’entre
( M .R., 31) . « Quand la leçon de choses se donne, comme ins : contre les idéalistes (ou du moins
). choses, l acide sulfurique et le sucre, elle est dé jà une lux) , contre les matérialistes (
ou du moins certains d’entre
) leçon de choses sociales » ( ibid . ) . A fortiori , pour Bachelard ;ux : les maté rialistes naturaliste s, réalistes, etc.) . Mais
c’est le cas pour les réalités étudiées dans des montages ntre l’ id éalisme épist émologique de gens comme Brun-
expé rimentaux très complexes dans les laboratoires où chvicg, Gonseth, Piaget, et le mat érialisme dialectique,
) travaille la science contemporaine. Nous sommes, dit-il Bachelard doit choisir. Le fait-il ? , à veut
Ne -il pas justement
é gale distance..., une
« dans une cit é qui industrialise la science de fond
en issumer une position interm édiaire
pas niable. Cepen ¬
)
comble » ( M.R., 79 ) . Ce ne sont pas des marxistes qui position moyenne, etc. ? Cela ne semble pour l’id éalisme
nieront ce que ces faits comportent de vrai ! Bachelard dant, nous allons voir qu’il prend parti
ême, malgr é toutes
) apporte ici, jusqu’à un certain point ( reste à d é terminer dans Le Matérialisme rationnel lui-m
) quel est ce point) , des enseignements à retenir qui doivent rialisme » . En effet, il faut
ses déclarations de « matéconception des rapports entre
)
faire partie d’ une analyse correcte de la science de notre examiner de plus près sa théorie des
temps. Cependant, dans « choses sociales » si l’on demande nature et culture. Cette conception, comme la sur la rupture
à Bachelard en quoi ce sont des « choses » il nous répond récurrences historiques, met d ’abord l’accent
contempor aine avec les
) qu’elles le sont comme produites par des techniques, une radicale que réaliserait la science l à - dessus que
rationalit é appliqu ée, bref une socié té : la cité scientifique 1. sciences naturelles classiques, pour affirmer
et en tout
) Mais d’autre part, si on lui demande de préciser en quoi l’homme est homme en s’opposant partout
l’ima ¬
) elles sont « sociales » , ce n’est pas à une analyse de la domaine à la nature. Ainsi dans la libre activité etdecelui ci
société, faite de façon matérialiste et historique qu’il gination, qui compose son monde rêvé à sa guise , -
) renvoie, aux forces productives et aux rapports de pro¬ naturel . Bachelard é nonce des th è ses qui peuvent
n’a rien de
) duction que suppose cet objet pour sa production écono¬ passer pour des vé rit és ind éniables, difficilement discutables
) mique et sociale, mais seulement au fait que le savant car ce sont des thèses humanistes : « L’homme est homme
le reçoit tout fait de la socié té, à moins qu’il ne le produise par sa puissance de culture. Sa nature, c’est de pouvoir
) donner, en
-
lui même : mais Bachelard distingue mal la connaissance sortir de la nature par la culture, de pouvoir .R ., 32 ) .
) de la production . Le maté rialisme rationnel de Bachelard lui et hors de lui, la réalité à la facticit é » ( M
èse de tous ceux qui
) est donc doublement limité, et réalise à la fois une double Bachelard ne fait que reproduire th la
et de la
déformation du matérialisme scientifique véritable : le maté¬ partent de l’opposition absolue de l’ homme
) tr ès originale . On
rialisme historique et dialectique. nature, th èse qui, finalement, n’est pas la
depuis
) Si l’on se borne à affirmer que « le matérialisme instruit y reconnaî t une théorie bourgeoise classique
Renaissance, et en même temps une thèse fondamen du tale
) est inséparable de son statut social » (M.R., 31) , comme es
le fait souvent Bachelard, il n’y a là que rappel d’ une pour toute une série de savants et de philosoph
) ne d é tonne -t-il pas dans toute
vérité élémentaire. Nous l’avons vu, elle lui sert à deux xx siècle. Aussi Bachelard
*
’ une
qui continue d ’opposer , d
) l’idéologie contemporaine
maniè re typiquement id éaliste , nature et culture .
) 1 . Nous retrouvons ici la notion d’ « expérience sociale orga
Il faut s’arrê ter un instant à cette question chez
¬

nisée » d éveloppée par Bogdanov , et que nous avons dé jà signalée de


) à propos de la « phénom énoteéhnique » (cf . ci -dessus, p. 93, note) . Bachelard, car il y consacre le paragraphe terminal ;
: ii
)
.)
)
)
I
(
ï (
(

1
260

ce e si importante introduction du Mat é


Gaston Bachelard Jf .
éveloPPeTnent de la Philosophie bachelardienne 261
:(
rialisme rationnel jnanière, irré guli ère . » « C est précisément les phé nomè nes (
ommen ecnt-i a nature dans ces pages
ouvrage . n est assez surpris de la voir 32- 35 de Je la vie qui ont en quelque sorte réintroduit les phéno-
d ésign ée comme mènes chimiques sur la planète matériellement endormie,
une « enorme masse desordonn ée », ceci (
é tant dit nnr devenue inerte » ! Et ceci, qu il ajoute aussitôt après :
pposi ion au « petit lot des ph é nom è
omme » . us as, 1 parle encore d ’elle
nes ordonn és nar « La plante est un alambic, l’ estomac est une cornue. » $
enorme ciaos naturel » . De telles formules comme d’ nn Bien s û r, il s’amuse. Il a suffisamment dans le passé fré- c
d é passent quenté les livres d’alchimie, et fait la critique de ces
" 7? . °US . es enseignemenfs des sciences, dont images qu’ il emploie ici, pour ne pas ê tre dupe . Mais
(
e ar ici ne tient aucun compte,

qui ne cessent
toutes ces
e c î ercher et de d écouvrir les sciences
par-del à ce jeu certain , restent les id ées soutenues dans c
connexions o jectives de tous les domaines
lois et cette page. Il retrouve les adverbes « philosophiques » :
de la nature « en quelque manière » , « en quelque sorte » , et les
eurs rans ormations au cours du temps, etc.
îen 1
Peut-ê tre adjectifs du m écanisme bien connus pour d ésigner classi-
ou es es sciences autres que la physique
matique et la chimie th éorique, pour empiriques
mathé- quement la matière chez les id éalistes rationalistes : « ina-
, r éalistes, nim é, inerte » , etc. Il fait fond sur des paliers de facticit é
ve re 1 homme
une rationalité spécifique qui en tant que telle n’ introduit J-' '- en* plus grande, du monde
de plus l lU VJ w « inerte » à « l’homme » :
existe pas la vie ré introduit les ph é nom è nes chimiques. Enfin, « tous
dans la nature. Mais il faut s’é tonner de voir la
déclarée irrationnelle . La science, nous dit nature ces ph énom è nes ant é-humains vont être d épassés quand
Bachelard
élimine cette irrationalité de son domaine, elle n’est , l’homme arrive au stade culturel » ( M .R ., 32- 33) . En
science de la nature . Mais que signifie cette division
pas fait, dans une telle page, sur laquelle on nous excusera de
nature et culture, qui attribue la contingence à une entre nous arrê ter si longuement, Bachelard ne fait guère que
dont Bachelard nous donne une idée mythique qui nature reproduire toutes les divisions classiques, de Comte et de c
I
correspond aucunement au niveau de nos connaissanc ne Boutroux entre autres, entre les classes de phénomènes
es, et et entre les sciences théoriques : physique, chimie, biologie. (
qui attribue la nécessit é rationnelle à la seule sphère de
culture et d’ une cit é exclusivement scientifique ? N’ y a-t
la La division entre physique et chimie joue un rôle impor¬
pas justement une rationalité ailleurs que dans la cit
-il tant dans sa philosophie. Mais plus importante encore (
scientifique, et des rationalit és diff é rentes : économique
é est son opposition entre nature et culture.
, Pour Bachelard certaines sciences, et ce sont les plus (
historique, biologique, microphysique, etc. ?
Aussi, chez un rationaliste comme Bachelard, et un
rationnelles, c’est-à-dire pour lui les plus mathématisées, (

philosophe soucieux de pourchasser les valorisations subjec¬ sont devenues si é minemment techniques et du mê me (
tives et irrationnelles, quelle surprise de lire dans une coup socialisées (ce sont la physique et la chimie auxquelles
il se limite ) qu’elles ne porteraient plus sur la nature, (
page comme celle-là les choses suivantes : « Le monde
inanimé est un monde presque d é pourvu de ph énomè nes qu’elles ne conna î traient plus un monde exté rieur objectif . (
intermatériels. » « Il faut un volcan pour prouver que le Elles seraient devenues des techniques de production ou (
laboratoire de la Terre est encore, dans les profondeurs, en de transformation rationnelle, de substances « sociales » .
activité. Mais toute cette chimie cosmique est, en quelque C’est là un aspect important de la science , mais Bachelard
en donne une représentation purement technocratique. La .(
(
)
) a
)

)
262
Gaston Bachelard le développement de la philosophie bachelaidienne 263
)
- . du , « :matérialisme des yiiuuaupnes
critique philosophes » , de une « philosophie de l’action » . Cette idée est sous-
) conception de la matière qui cherche à leur
la désigner par
lier
quelques caractères gén é raux comme « icente à toute son œ uvre et pas seulement au Matérialisme
) « inertie » , cette critique
homogénéité » et
est juste. Mais il
[tionnel. Or il s’agit toujours d’ une action sur la matière,
) exactement ces memes idées qu’il critique chez soutient parfois nais non d’ une action de l’homme hors du laboratoire,
11 écrit par exemple : « Le matérialisme les autres, |i d’ une action, d’ une activité, d’ un mouvement propre de !
) doit partir de la la matière ! Pour Bachelard, la connaissance du
matière inerte » (M.R ., 68) , critiquant
) toute conception vitaliste de la matière. dans ce passage jnent a lieu exclusivement dans la physique tl
) ment son « matérialisme scientifique » à celui Limitant étroite- " est que pour lui « l’homme est le véritable principe
de la
, il perd de vue l chimie ouvrant ( M.R ., 33) . Il pense
« mathématique » contemporaine » que c’est seulement quand
)
les domaines scien â
de nos connaissances actuelles dans tous ensemble fait œ uvre de science que son action peut être rationnelle,

) tmques, et sur le plan philosophique va jusqu ’à écrire sous forme d ’ une boutade qu’il ne
cela donne à son fl lui -m ê me qu ’à demi sé rieusement : « La Nature
) matérialisme toutes ces étroitesses idé
alistes et ce sens Sonne voulant faire vraiment de la chimie a finalement créé le
scientiste et technocratique que nous soulignons.
)
En fait ce qu’il poursuit explicitement sous Ihimiste » (M.R., 33) . Mais les boutades sont-elles tout
) de philosophie du matérialisme rationnel, c’est le nom |fait innocentes ? Il retrouve le vocabulaire finaliste et il
) tution d’une « phénom énologie » de la
la consti isauic -
saute parpai dessus les besoins sociaux, et le d éterminisme

)
conscience
rialiste, d’une psychologie du « nouvel esprit maté mat
rialiste
é
».
-[
historique
signal é, la
quii créent le chimiste. Nous l’avons d é j à
pr ésence de ce vocabulaire vitaliste est prépara ¬
Cette ph énoménologie et cette psychologie
) contenu propre de ses développements philosophiques constituent le toire à sa conception de l’esprit et liée à elle. Ainsi, le
) S’opposant aux mythologies de la conscience imm . projet fréquemment indiqué de constituer une philosophie
T> é diate de l’ action à partir de la conception qu’ il se forme de
de Bergson ou de la conscience intentionnelle de i
)
phénom énologie husserlienne, il reconna î t le la « l activité rationaliste » en science scie donne lieu à une
, caract ère so- v é ritable conception id éaliste de l' action .
)
)
ol de
cial
/ »1 \ ll’or
f d L.l
ensemble J
des
» nrt «s
'

activit•é's et des moyens mis en


« * * *

œ uvre par la science. Mais, ceci fait, sa description v


, ,. On voit que c’est à une lecture qui reste subjective
l’esprit scientifique reste éminemment « psychologique » de que Bachelard se livre en faisant l’analyse de l’activité
) La conscience rationaliste du savant contemporain est . scientifique. Il faut rappeler que pour lui ce qui anime
une
la science est un travail, l’activité de connaissance, c’est une volonté« de savoir de
) « conscience opiniâ tre » parce que « »,
une activité qui rencontre la « résistance de la matiè » qui doit être purifiée de tout intérêt, une volonté
)
Ce qui caractériserait la conscience scientifique, ce re . raison » . C’est une description parfaitement idéologique
) cette opiniâtreté (M.R., 11) . Il parle aussi, dans le mserait ê
et idéaliste de la science qu’il donne à ce niveau. Sorti de
style, de la conscience « mélangeante », à propos me l’usage critique qu’il fait du matérialisme scientifique de
de l’acti ¬
la chimie contemporaine contre certains courants idéalistes,
vité du chimiste qui doit faire réagir des matiè
) res l’une Bachelard se livre au déploiement d’ une philosophie qui
sur l’autre pour les conna ître ! De même, il soutient que
) c’est seulement par l’étude de l’activité scientifique, n’a plus qu’ une apparence matérialiste. Ainsi, sous un
de la langage mat érialiste , parce que continuellement réf é r é à
) conscience « active » qu’elle donne, que l’on pourra consti
- des exemples pris aux sciences contemporaines (à certaines
)
)
)
r
v
C
c
Gaston » e d éveloppement de la philosophie bachelardienne 265 c
264 Bachelard
es (
d entre elles, et à certains de leurs aspects qu’il concrète et précise de certaines sciences contemporain ¬
retient et exclusivisme , de recon (
exclusivement) , c’est à un renouvellement profond
de qu’il a cultivée avec prédilection des élé ments
l’id éalisme qu’il travaille en lui donnant un visage
nouveau naî tre et d’intégrer dans sa , ilphilosophie
ne retient cependant pas
(
un visage neuf en apparence, où personne ne le
reconnaît imatérialistes nombreux et réels sur le plan philosophique l
plus 1. La philosophie qu’il construit à partir des bes éléments comme essentiels
ensei¬ au problème (
gnements des sciences de la matière, n’est en fait qu
’ puisqu’il opte pour la réponse idéaliste
philosophie de l action technique sur la mati ère, une le fait en grande partie
fondamental de la philosophie. Ilobjectivement (
action c’est bien
d’une société organisée pour cette seule finalité technique à son corps défendant, mais , (
la cité scientifique. Ainsi se d évoile le sens véritable : ce qu’il fait. Selon lui, à l’ère du nouvel neesprit scientifique
de
ce rationalisme appliqué et de ce matérialisme technique des enseignements objectifs des sciences
conception de
nous apportent
plus en plus
c
qui sont bel et bien identiques l’un à l’autre. plus une représentation ou
Bachelard moins que (
exprime sur le plan idéologique un idéalisme contemporain objective d’ une « réalité » effective, puisque ou
de la seconde révolution scientifique et technique. Il pro¬ jamais la science contemporaine ne peut l’atteindre enseigne
comprend les ¬
clame la valeur suprême des sciences de la matière, mais il l’exprimer d’après la fa çon dont il nouvelles.
(
limite ces sciences à leurs aspects et leurs théories les ments philosophiques des théories scientifiques ( M .R., 66) . (
plus abstraits. C’est pourquoi il fait la critique et « L’artificiel prend le pas sur le naturel
»
du é e et appli¬
positivisme pragmatique, et des idéalismes spiritualistes
ou Par la raison (la science abstraite, mathé matis
érise
(
existentialistes qui dévalorisent les sciences. Il est un quée) , comme par l imagination, l’ homme
se caract
chaud défenseur de la spécialisation de la culture scien ¬ par son pouvoir de « sortir de la nature (
» M . R ., 32) . k
rapports à la (
tifique . Bachelard désigne bien un des aspect de nos pendance à ,

Mais en même temps, contre la conception matérialiste nature, mais il omet l’autre : nos liens de dé
unilaté ral
j et historique marxiste, il résiste le plus possible, en déve¬ son égard . Son matérialisme rationnel reste donc de
loppant une philosophie idéaliste de l’activité scientifique et borné. Nous pourrions dire, en renversant les termes : « Cela (
et technique. Ce faisant, il intègre des éléments maté¬ la formule d’Engels dans son Ludwig Feuerbach
fa çon honteuse de renier
rialistes : il reconna î t le caractère social et technique de constitue..., dans la pratique, une publi¬
(
le matérialisme en cachette, tout en l’acceptant
l’activité scientifique, mais il lutte constamment contre (
l’idée que le contenu des connaissances obtenues dans ces quement » . 1
(
conditions pourrait avoir une valeur objective telle qu’elle
permettrait une philosophie vraiment matérialiste, étendue (
à tous les domaines (y compris aux sciences historiques, (
sociales et économiques) . Contraint, par sa connaissance
(
1 . D. Lecourt s’efforce de soutenir tout au long de son dernier (
ouvrage que chez Bachelard une position matérialiste fondamen¬
tale en philosophie s’ énoncerait dans un langage encore idéa ¬ partie , in MARX -
X
F. ENGELS : « Ludwig Feuerbach ,p.IIe .
»
liste. Or, toutes nos lectures et nos analyses montrent plutôt
l’inverse !
1.
ENGELS : Etudes philosophiques , op . cit ., 203 X
X
c
)
)
)
)
)
)
)
) '
il' -
) CONCLUSION
)
)
Nous demandions dans notre introduction si Bachelard
)
prenait position en philosophie, si m ême existait bien chez
) lui une pensée et une intention philosophiques. Il nous
) semble difficile de discuter sur la réponse à donner à
cette question . On ne peut dénier à l œ uvre ni une volonté
) philosophique, ni un contenu philosophique ( trop d œ u ¬
) vres le prouvent ) , ni une portée philosophique dans notre
) temps, sinon dans le sien . Nous posions cette question,
à la suite du concert de voix qui s’élève de partout. En
) effet, nombreux et presque unanimes sont ceux qui ont
) jusqu’à aujourd’ hui mis en avant sa polémique contre les
)
philosophes, en gén é ral, comme il aimait le faire lui-m ême,
pour conclure très vite à son d épassement de la
) philosophie. Nous sommes bien obligé de nous inscrire en
) faux contre une telle conclusion . Elle donne lieu à des
lectures et à des présentations qui confinent à l’aveugle ¬
) ment. On pourra continuer de soutenir tant que l’on
) voudra que son œ uvre n’a pas l’ unité d’ un système, ni
) l’ unit é d’ une doctrine fortement structurée . Mais, à l’ inverse
on ne saurait plus longtemps se borner à en donner un
) paisible panorama éclectique. Si elle présente une varié té
) certaine dans les domaines divers o ù elle a trouvé à se
) déployer, elle y garde une unité sous- jacente, une coh é ¬
rence, que notre but é tait de mettre à jour.
)
Nous avons conscience que notre enqu ê te reste limitée.
) Le rapport de Bachelard à certaines doctrines comme la
) psychanalyse, ou à certaines sciences comme la psychologie
)
)
)
m
r 1
268 (
Gaston Conclusion 269
Bachelard (
(Bachelard s appuie volontiers sur les thè comprend des travaux (
de Minkowski, par exemple) , son rapport
ses de Janet ou -
d'autres. Ceux ci pensent que l’œ uvre ée sérieuse et
penseurs ou savants, demanderaient
à bien d’autres d’épistémologie qui seuls auraient une port une série d’essais,
(
étudiés et pris en considération. Ainsi
à être davantage véritablement matérialiste, et, d’autre part que la (
les th èses emprun¬ philosophiquement secondaires, qui ne seraient
tées à la doctrine jungienne tiennent une place
dans toute la m étaphysique bachelardienne de ’ importante manifestation du délassement d’ un original , ou les
pas
pro¬
en
k
Cependant, cela ne semble pas être de l imagination ductions d’ un amateur. Aussi ils ne les prennent
nature à infirmer compte sur le même plan que les précédents. Nous avons
mais plutôt à confirmer notre thèse de l’ . On ne peut
idéalisme subjectif et d’ une m étaphysique existence d’un vu ce qu’il faut penser de ces jugementsde ses origines,
Bachelard.
idéaliste chez prendre l’épistémologie à part, la purifier des domaines (
comme ont tenté de le faire, quoique dans
Nous nous dressions aussi dans notre d’application très diff érents, G. Canguilhem , M. Foucault c
contre le consensus général qui admet trop introduction ou L. Althusser pendant une certaine p ériode . La thèse c
facilement une aussi
dualité de l œ uvre et qui proclame alors que
« épistémologique » a, par son
sa partie bachelardienne de la rupture, entendue dans sensen un
la mesure
(
passage sur le terrain des absolu que celui que lui donnait Bachelard, d’aucune sorte,
sciences elles-mêmes, dé passé toutes les philosophies où elle ne tient compte d’une continuité ée de façon
donc la philosophie, ce qui veut dire qu’elle aurait , et c’est-à-dire d’aucun développement, est pos ’ s’efforce
donné la méthode métaphysique et le aban¬
contenu idéaliste métaphysique et non dialectique, même si l on . On réin ¬
des philosophies comme l’empirisme, le de la faire fonctionner de manière matérialiste a pour
criticisme et le
positivisme. En répartissant ainsi l’œ uvre en
deux séries, troduira alors un idéalisme que L. Althusser A notre
. c
on rejette la philosophie de Bachelard entiè
rement du sa part reconnu sous la forme du théoricismela rupture
côté de sa « métaphysique » de l’imagination. de
On avis, l’adoption de la thèse bachelardienne écanistes dans
I bien le bénéfice de cette opération : l’épistémologie voit conduit à des déformations et des erreurs mque D. Lecourt
libérée du joug idéaliste. Nous disions qu’alors on serait la lecture de l’histoire. Aussi l’on comprend
mainte
nait à peu de frais les véritables positions philosophiques
¬
portant sur
se soit senti obligé d’entreprendre une critiquelui accordant
de Bachelard dans l’ombre, en masquant le
contenu ,
l'ensemble de la pensée de Bachelard. Maisdialectiques, il
liste des thèses épistémologiques elles-mêmes et le idéa
¬

fait trop, en fait de positions matérialistes et


qu’elle soit domin ée essentiellement et en
part de présupposés de lecture massifs que nous possibles
estimons
dernière instance
par la m éthode m étaphysique. Le sens de cette
opération et erronés. Il ne discerne pas les points d’attaque à côté
le bénéfice idéologique qu’on en retire, sont également au point de vue épistémologique, et il passe ainsi
bien clairs : l’on soutient que l’épistémologie de la véritable philosophie de Bachelard, malgré sa
connais¬ (
même « scientifique » . Nous pensons avoir montréelle-
serait du
ce sance de l’œ uvre. Il n’y reconna î t pas une forme maintien
(
qu’il en était sur un certain nombre de probl rationalisme bourgeois. Il n ’y reconna î t pas le
damentaux.
èmes fon ¬

de thèses idéalistes en é pistémologie et de la m


éthode c
esprit , de (
métaphysique dans la conception du temps, de l
Que cela soit fait par les bachelardiens et les penseurs ’
de
l’imagination et des valeurs. Il les désigne du nom
et philosophes métaphysiciens et idéalistes n’ (
est pas sur¬
prenant. Mais cet aveuglement étonne , sans pouvoir en faire
davantage chez théorie imaginaire de l’imagination
(
(

I
271
Gaston Conclusion
Bachelard
bourgeois arrive donc à faire sa
l analyse. Quand on examine le lien historique des lui, l’ idéalisme rationaliste int par le mouvement général
épistémologiques bachelardiennes avec une interpréthèses propre critique . Il y est contra tous les plans culturels et
tation
subjectiviste des résultats des sciences physiques (ce qu de la société qui retentit sur scientifiques nouvelles, on
l’ind éterminisme) , quand on constate ensuite le lien é ’est idéologiques : les conceptions l’édifice idéologique . Il y
de la théorie de la rupture dans la connaissance avectroit le sait, ébranlaient sérieusement
ement général des connaisés
¬

) philosophie discontinuiste du temps, on ne peut la est contraint aussi par le mouv


adme ttre veloppe par-delà les volont
la « scientificité » et l’objectivité de l épistémologie
de sances que cette société désous la pression de ses propres
Bachelard, ni son passage « en pratique » à des positions individuelles de ses savants plus encore qu’avec d’autres
philosophiques matérialistes et dialectiques. Bref , notre besoins . Avec Bachelard, ’ çoit que le rationalisme
conclusion principale est que l’idéalisme de Bachelard est philosophes de son temps, on s aper proposerions de voir
indubitable, y compris dans les dernières oeuvres, et qu bourgeois entre en crise. Aussi, nous
se déploie chez lui en un ensemble de thèses philosoil qui exprime de la façon la
E en lui l’ un des philosophes cette crise de la philo¬
plus nette et la plus significative
¬

phiques subjectivistes qui jouent partout un rôle pour définir une


central. sophie idéaliste française et ses efforts ue.
) Notre enquête nous amène cependant à une deuxième
conclusion . Avec tous les bachelardiens, nous devons recon¬ nouvelle solution sur le plan philosophiq
conclusion, Bachelard
na ître le pas en avant que Bachelard a fait faire à l’idéalisme Par suite, et c’est une troisième en même temps une
vers le matérialisme. Pour maintenir l’idéalisme, il a d û nous appara ît comme constituant les conditions d’ un nouvel
intégrer de nombreux éléments matérialistes et même origine, comme ayant défini
lle forme de l’idéalisme,
) dialectiques sur toute une série de points : abandon de équilibre philosophique’, une nouve de la philosophie idéaliste
toute raison a priori, critique de certaines catégories une nouvelle forme d alliance ci à leurs aspects formels
) métaphysiques absolues (substance, cause) , critique de et des sciences, qui limite
celles-
certaines catégories logiques absolues (simplicité, unité) , et théoriques, à leurs aspects
mathématisés et techniques, et i
thodologiques qui en résultent . Chez
)
critique de certaines conceptions idéalistes de la matière, aux enseignements mé
) la limitation des sciences
reconnaissance de transformations historiques de la science, Bachelard, cela s’exprime dans
traditionnellement l’idéalisme et
) et conséquemment de la conscience, caractères techniques au domaine où se fondent é-
les sciences physiques math
) et sociaux du travail scientifique. Cependant, il donne le rationalisme bourgeois : , et cette position d’ un
toujours de ces éléments matérialistes ou dialectiques, des matisées . Il exprime cette crise , il
)
descriptions incomplètes ou déform ées, du fait de leur l idéalisme , quand on voit comment, à la fois
nouve ophie et critique toute philo
¬

) étroite limitation. Nous enregistrerons cet aspect positif constitue une nouvelle philos bien les critiques que cette¬
sophie. Cela signifie qu il sent

de la critique philosophique bachelardienne, en lui attri
) ir . Cette nouvelle philo
nouvelle philosophie peut recevo
¬

buant son importance exacte. Nous l’exprimerions de ma ¬ de pages de ses ouvrages ,


) nière assez juste, pensons-nous, en disant qu’avec Bachelard sophie, qui occupe bon nombre ent
) la philosophie id éaliste fran çaise passe de la « critique est tout ensemble une mé
taphysique fondée essentiellemune
partir de la microphysiqu e,
) philosophique » et du néo-criticisme à la critique de la sur des extrapolations à scientifique , une psychanalyse de
philosophie criticiste elle-même, conjointement à la critique psychologie de l’ esprit "* " ~J « ' . nnrmn.
O

) du spiritualisme et du matérialisme philosophiques. Avec


)
)
)

I
(
272 .
(
Conclusion 273
tive. Bachelard s efforce de c
« conscience de rationalité » defaire une analyse de la leur déclin. Il effectue la critique de toute théorie de la
en même temps il la cité
critique toute mé scientifique. Mais raison immuable. Le Rationalisme appliqué pourrait s’inti¬ (
qui voudrait se
fonder taphysique possible tuler « l’essence du rationalisme » . La science est de nature
c est la position polé sur les sciences contemporaines • technique et sociale : elle est fond ée sur ses conditions
mique. Il affirme
la nécessité d’une philosophie donc tour à tour techniques et sociales d’existence, ramenée à ces conditions.
(et il la constitue) et l’ du nouvel esprit
impossibilité de toute scientifique Elle ne se réalise qu’en tant que « cité scientifique » ou (
En première position c’est
polémique qui philosophie. « union des travailleurs de la preuve » . Selon Bachelard ,
philosophie, et en seconde laposition interdit
qu’il faut continuer de d c’est bien l’idé toute la cité scientifique arm ée de ses laboratoires et de ses
Là se manifeste la éfendre, voilà ce qu’il alisme instruments est le secret de l’objectivité scientifique ; bien (
nous répète. plus, elle produit les objets scientifiques eux-mêmes.
l’idéalisme se trouvecontradiction profonde dans laquelle (
pris face aux Bachelard fait donc redescendre la science sur le sol social .
sciences sur lesquelles il se bouleversements des
fondait traditionnellement Il explique ses caractères essentiels par ses caractères sociaux (
Il se cherche une . et techniques. On doit dire qu’il y a pour lui plutôt
nouvelle forme qui soit un
gement, du type de
ceux qu’il a su faire réam é na ¬ réalisme des actes épistémologiques techniquement et socia ¬
ne serait nullement exag éré de dire que auparavant. Il
lement organisés que réalité naturelle des objets physiques (
Boutroux par exemple, en le transposant Bachelard continue connus. Par là on doit parler d'un id éalisme subjectif (
La philosophie du non exprime au xxc siècle. chez Bachelard qui tend à réduire le contenu objectif de
et exprimé cette tout cela . Bachelard a vé
situation d’une manière cu la connaissance à sa forme subjective. On doit le
une particulière acuité de cruciale, avec rapprocher des Mach, Bogdanov et autres empiriocriti-
traduction philosophique. Dconscience . Il lui a donné une
’o , pour les uns le fait qu’il cistes, dont Lé nine faisait la critique en 1908 L . Chez lui c
soit un témoin ou un
j annonciateur de la mort de la aussi, il y a tendance à réduire l’élé ment physique à l’élé¬
philosophie : « La philosophie ment psychique : nous l’avons dit, « le microphénom ène
(
losophes doivent se mettre n ’a pas d’objet » ; les phi¬
En quoi ceux-là expriment à l’é cole de la science, est un noum ène » . Sur de nombreux plans se développe
juste, mais ils ne une exigence profondé etc. bien un tel idéalisme subjectif : c’est sa psychologie de
veulent pas ment l’esprit scientifique, sa doctrine de l’imagination, qui com ¬
seul idéalisme qu’il s’agisse, et que ce soit de la mort du mande toute la psychanalyse de la connaissance objective. (
les autres, il sauve malgré non du matérialisme. Pour
tout l’idéalisme autant que C’est son bergsonisme résiduel. Par là, nous pouvons dire (
se peut, en tirant des faire que la philosophie bourgeoise fait de larges concessions
j
sances scientifiques conclusions agnostiques des connais
. - à l’irrationalisme qui la pé n ètre subtilement.
De même que Feuerbach D’ailleurs, nous aurions pu mener notre analyse de
latif de l’ Esprit absolu exorcisait le mythe spécu
en effectuant avec L’ ¬
la philosophie de Bachelard en nous appuyant systémati¬
christianisme la critique de la célèbre thé Essence du quement sur celle que faisait Lé nine des philosophes des
de l’Esprit, de m ême orie hégélienne I
de la Raison : aprioritBachelard
é
exorcise le mythe idéaliste
fiques. Il accepte comme des principaux concepts scienti ¬ 1 . Lé NINE : Mat é rialisme et empiriocriticisme, Paris, Editions
(
bien d’autres la crise des sociales, 1962 . Pour citer cet ouvrage, nous le désignerons par le
absolus et | sigle « M .E . * . (T. 14 des Œ uvres complètes.) (
(
)
)
274 Gaston Conclusion 275
) Bachelard
) philosophique,
)
sciences, épistémologues et physiciens de son temps.
En et en dégager directement la signification multiples et parfois
particulier, les pages que Lé nine consacre à ainsi que ses dimensions idéologiques à lire ses œ uvres
auraient pu nous servir de base : « Duhem combat Duhem estimer
) surtout contradictoires. Ainsi, on peut que , par sa métaphysique
avec énergie la conception m écano-atomiste de la nature . sur l’imagination et la rêverie
) I Ce d éfaut du vieux mécanisme est indéniable » (M.E.
322 - de l’imagination, par son éthique de repr la rêverie et du
323) . Cela s applique strictement à Bachelard. A propos de ésentant d’ une
) bonheur de rêver, Bachelard est un qu’il chante
) la thèse de Duhem selon laquelle « une loi de physique idéologie conservatrice et rétrograde : le travail du potier et du
n’est, à proprement parler, ni vraie ni fausse, mais appro est celui de l’artisan, celui du forgeron ,
¬ de la
ch ée », Lénine commente : « Ce « mais » renferme dé jà vigneron. Sa philosophie du travail n ’ est pas celle
un germe de faux, le début d’un effacement des interpr éter en ce sens
) limites révolution industrielle : on pourrait é de l’instant, de
entre la théorie scientifique qui reflète approximativement ses thèmes de la solitude, de la po sie
) l' objet , ou qui se rapproche de la vérité objective, et la comme une
l’imagination solitaire, et les comprendre avec
) théorie arbitraire, fantaisiste, purement conventionnelle nostalgie de la nature immédiate, d un face à face

’ intimit é.
les choses, d’où une philosophie du chez soi,
qu’est, par exemple, la théorie de la religion ou celle du de l
)
campa
jeu d’échecs. Ce faux prend chez Duhem des proportions Ne se présente-t-il pas comme un « philosophe
¬

) plus
telles que cet auteur en arrive à qualifier de métaphysique gnard » ? Il nous a semblé qu’il était cependant » de
) la question de l’existence d ’ une « réalité matérielle » exact de souligner le sens et la portée « rationalistes
correspondant aux phénomènes sensibles ! » (M.E., . Là se pose un
ses analyses des productions imaginaires pas, mais que
) 323-
)
324) . Hormis ce que dit Lénine sur le caractère arbitraire, de ces problèmes que nous ne trancherons faire aussi une
fantaisiste et conventionnel de la théorie (ce que Bachelard nous nous bornons à signaler. Il faudrait point pour d é¬
) critique également, mais pour mettre à la place un « réa ¬ analyse des textes bachelardiens sur ce
)
lisme de la fonction mathématique » !) , ce texte peut brouiller cette question. de la
être appliqué mot pour mot à Bachelard. On sera surpris Bachelard, en reconnaissant la nature sociale de la critique
) bout
d’ailleurs de la fa çon dont ce que dit Lénine sur Duhem science, ne va cependant pas jusqu’au
convient exactement à Bachelard. Par exemple, il arrive immuable . Nous avons vu com ¬
des théories de la raison critique de la
)
à déclarer : « En maints passages, il ( Duhem ) aborde de ment il n’effectuait pas vé ritablement unescientifique. Le
près le matérialisme dialectique » (M.E., 324) ! Bachelard théorie brunschvicgienne de l’activité
) ne semble-t-il pas faire de m ême ? Lénine, à la fin de défaut de Feuerbach é tait un maté 1
rialisme naturaliste
) ce chapitre intitulé « La Révolution moderne dans les concernant sa conception de l’ Homme . Le défaut du¬
'
sciences de la nature et l’idéalisme philosophique » , parle matérialisme de Bachelard est d ê tre
’ un mat érialisme tech
) le caract ère objectif
de l’idéalisme « physique » d’aujourd’hui, et de l’idéalisme nique , tout aussi unilatéral, qui réduit subjectif des
et
« physiologique » d’hier : aujourd’hui, en
1974, c’est d’ id éa ¬
de la connaissance au caractère social une
lisme épist émologique que nous devons parler. moyens de la connaissance. Bachelard d é veloppe ainsi
)
Mais, plutô t que de suivre Lénine en essayant de , op . cit .,
)
nous en inspirer étroitement, nous avons préf éré procéder 1.K . MARX -F. ENGELS : L Idé ologie allemande , Paris,
ire partie, passim , et K . MARX : Manuscrits de 1844
) patiemment à une analyse concrète d’une oeuvre concrète
Editions sociales, 1972 .
)
)

r
)
3
(
276 (
S chelaid Conclusion 277
(
philosophie de la culture et
à nous comme un arché non de la nature :
ologue de la culture. Il il se présente Essayons de préciser, sur la base de nos conclusions |i(
aboutir à constituer dit lui-mê principales, le sens idéologique de la philosophie bache-
l homme rationaliste, une double anthropologie, une me H
et
rêvant. Mais il n’explore une de l’homme imaginant de
lardienne que nous avons définie comme étant essentiel ¬

lement un nouvel id éalisme épistémologique. Sa position


!
'

la culture scientifique que deux domaines de la cultureet est alors assez bien dé terminée vis-à-vis du spiritualisme
et la culture litté
complètement dans l’
en général, a fortiori ombre
le
raire.
le religieux et l’idéIl laisse
ologique
et de l’existentialisme d’ une part, et vis-à-vis du matérialisme
mécaniste et du maté rialisme dialectique d’autre part .
î (
.

les deux domaines qu’il politique et le juridique. Et dans S’opposant à la fois à ces deux groupes de philosophies
très étroites : ce sont retient, il opère des
de certaines sciences ( les secteurs les plus math limitations ennemis, il réalise des compromis dont nous avons vu la
physiques et chimiquescelles de la matière sous ématisés complexité et la variété . D’ une question à l’autre, les
), ses formes th èses de Bachelard forment des ensembles diff érents.
sivement la poésie, en ne ets’ en littérature, presque exclu¬ Souvent, c’est sur un même problème philosophique qu’il
attachant qu’à
aspects : les structures,
les genres, ne l’intécertains de ses prend des positions conjointes multiples, mais dont on a
l’on se bornait à ce que ressent
Bachelard nous apprend pas . Si toujours pu d éterminer celle qui était la plus fondamentale,
culture, on continuerait d’avoir sur
une représentation très dé une conception étroite la celle qu’il choisissait en dernière instance. Et en dernière
form ée de la culture, une et instance, c’est d ’ un idéalisme qu’ il se d éclare partisan. Ce
profondément idé vision faisant, au point de vue idéologique, sa philosophie : poly-
aliste.
La philosophie de Bachelard
de profondes porte partout la marque
plrilosophisme, rationalisme appliqué, philosophie du non,
surrationalisme, ou maté rialisme rationnel et technique,
c
contradictions . Ainsi, il y a une
représente l’id éologie bourgeoise à la période du passage
c
particulièrement
nette dans sa philosophie contradiction
de l’acte. Il
entend en effet développer à la seconde révolution scientifique et technique. Son
philosophie de la volonté quiune philosophie activiste, une objet est pr écisément l’analyse des ré percussions culturelles
ou de Bergson qui sont trop rectifie celle de Schopenhauer
, de cette révolution d’ un point de vue id éaliste. Aussi l’on
Il affirme donc un ré
alisme
intellectualistes ou vitalistes. j comprend et le sens et la portée de ses analyses, qui ont
théorie de l’imagination de l’énergie, il développe
dynamique une
: c’est l’imagination qui
i très souvent un contenu progressiste. Là prennent sens sa
dynamise la volonté ! Mais
entre cette philosophie idé
il y a une évidente
contradiction
défense de la spécialisation scientifique, l’affirmation de la
socialisation du travail scientifique, celle de la valeur
c
de l’activité rationaliste aliste
technique
de l’acte, et sa description
d’application des connaissances (quoique limit ée aux scien ¬ c
instruments. De même la théorie de, lqui ’
met en œ uvre des
imagination
ces qui transforment la matière) . Là prend sens sa lutte
de nombreuses contre l’ irrationalisme d’autres courants philosophiques,
sique ou, commecontradictions . Il construit une concentre
métaphy¬
il dit, une mé mais aussi les limites de cette lutte, puisqu’il se retourne
mais par ailleurs il se limite tapsychique de l’imagination, contre tout matérialisme historique véritable. C’est ce que
à l’étude et à l’
produits effectifs de l’
imagination : images de laanalyse des signifient en derniè re analyse l’ouverture de son rationalisme
de la rêverie, dont il fait poé et
des analyses concrètes et sie à de
et l’ insistance mise à limiter l’application de ce rationa ¬ c
nombreux égards rationnelles. lisme au monde maté riel . Ainsi se comprennent la plupart
des composantes de sa pensée et leurs limites spécifiques.
(
t
)
)

278
) Gaston Bachelm Conclusion 279
) Leurs liens internes ne
non plus ceux que dé sont nullement rhapsodiques, sa th éorie de la discontinuité historique culturelle. Cette
) crit D. Lecourt
l illusion épisté dans sa théorie ni
mologique et du déplacement absence d ’ une conception matérialiste de la socié té et de
) dernier désigne ainsi des aspects , quoique
de
ce l’ histoire, qui vient de sa position id éaliste fondamentale
) Bachelard, et soulève les problè justes de la pensée de ( refus de la th éorie maté rialiste de l’ objectivité de la
i prête et au critique. mes qu’elle pose à connaissance ) , le conduit à faire une th éorie psychologiste
) l’inter-
Bachelard, pour nous, exprime et ph énom é nologique de la « structure spirituelle » et de
) scientifique et technique donc la ré ses modifications. Il construit une doctrine de la conscience
aux points de vue dans ses diverses volution
technologique cons
, pédagogique,
équences du sujet scientifique et d éveloppe une m é taphysique de
philosophique. Contemporain culturel, l 'imagination . Sa conception subjective de nos rapports à
) de l’histoire, contemporain des plus grands affrontements la nature peut alors trouver à se d é ployer avec une grande
) du passage en
au capitalisme France, de la
société capitaliste lib
é richesse : la nature est l’objet d’ une cosmologie imagin ée,
d’Etat, Bachelard vit rale que l’ œ uvre litt é raire ou artistique en g é n é ral prend pour
)
et culturelles qui se
les révolutions scientifiquesmonopoliste
l , techniques but et a comme contenu, selon Bachelard . Il est frappant
en est-il du surré sont produites dans ce contexte. Ainsi de voir, comme les hommes, la socié té, l’ histoire, dispa ¬
ce qu ’il en a tiréalisme ; ce que
, demanderait aussi Bachelard en a retenu, raissent de cette d éfinition de l’ œ uvre litté raire et de son
même ceux qui ont é une contenu. Aussi, quand V. Therrien voit un humanisme
)
et son œ uvre de tudié son œ uvre sur recherche
l
que
critique littéraire, n ’ ’ imagination essentiel chez Bachelard (1970, 116 s ) , cela demanderait
) ! développe une ont également à être é tudié et discuté . En effet, Bachelard
nouvelle forme de l’idéalismepas faite. Il
une nouvelle philosophie , c’est-à-dire fait une description enthousiaste de la vie intime solitaire
théories scientifiques : « qui correspond aux nouvelles comme mode de vie authentique, celui qui nous rattache
vraiment adéquate à la pens Une philosophie qui aux sources de la vie et de l’esprit . « Nous avons la puis¬
veut être
constante, doit envisager la réée scientifique en évolution sance de r éveiller les sources » (E.C.A ., 290) . Ainsi s’ orga ¬
la structure spirituelle » action des nise toute sa pensée : elle d éfinit un nouvel équilibre
) (P.N., 7) . Il connaissances sur
philosophie qui inscrit construit ainsi une psychique et vital qui soit une harmonie entre un bonheur
) techniques de la science dans sa texture les composants de penser porté au niveau de la rationalité refaite par les
aspects sociaux . contemporaine et certains th éories nouvelles de la connaissance scientifique, et un
de ses
Mais il ne distingue pas bonheur de rê ver qu’il vit comme profondément n écessaires
science par le développemententre la détermination de la devant les bouleversements techniques de notre cadre de
forces productives, développement social (développement vie . En faisant face aux contradictions qu’il rencontre
de l’industrie, besoins
des
sociaux, qui déterminent partout : entre la science et la philosophie des philosophes,
certains aspects de entre la science et la vie (la raison et l’ imagination ) , entre
et l’action en retour
de la science sur la la science)
l’ idéalisme et le maté rialisme, il retrouve toutes les probl é¬
re technique, matériel té. Sous
la description du caractè socié
ment organisé de la et sociale¬ matiques d’ une philosophie comme celle de Kant. Aussi
deux types de détermination.science , il mê le constamment son effort pour construire un rationalisme capable de
l’analyse matérialiste C’est qu ’il ne va pas jusquces
de la société et de l’ ’à résoudre ces contradictions insurmontables (sa m étaphy ¬
histoire, malgré sique en est la preuve ) reste un id éalisme qui domine les

)
)
(
(
280 281
Gaston Bachelard Conclusion
éléments matérialistes qu il a d û
admettre.
s’expriment dans les deux pans les plus Ses limites S l’histoire de la philosophie française contemporaine est
’ un théoricisme qui ne se présente pas comme
11 corrélatif dqui
apparents de l’œ uvre, mais aussi dans chacun massivement
des domaines : tel, mais est reconnaissable à ceci qu’il fait passer la
qu’il aborde. Ses thèses métaphysiques ën
chaque détour. On comprend que le maintien apparaissent à solution du problème fondamental de la philosophie au
de
tition de l’œ uvre soit une pièce importante la bipar¬ second lieu, après que des positions aient été prises des
de son plan gnoséologique. C’est aussi pourquoi l’acceptation
thèses bachelardiennes en épistémologie, mises à l actif
acceptation par l’idéologie bourgeoise ’
contemporaine.
Aussi nous sommes amené à nous demander si, de la philosophie idéaliste bourgeoise contemporaine
en
on rapproche la philosophie de Bachelard quand telles quelles dans le mat é rialisme
de la philosophie France, et transportables
marxiste, ce ne sont pas de graves erreurs qui
sont faites dialectique, est apparue comme essentielle à certains pour
dans la lecture que l 'on propose. Ainsi, D.
Lecourt pense enrichir, voire « recommencer », le marxisme. En particulier,
que chez Bachelard les éléments matérialistes
et dialectiques on sous-entend que (et l’on procède pratiquement comme
sont prédominants par rapport aux éléments idé si) les indications nombreuses de Marx, et les travaux
métaphysiques. Il propose donc aux lecteurs peu alistes et d’Engels et de Lénine en théorie de la connaissance, faits
familiers
de l’œ uvre de Bachelard une lecture qui laisse l’impression d’ un point de vue rigoureusement matérialiste et dialectique
,
th è ses qui
que, en fait, du moins en épistémologie, ou en
philosophie étaient dépassés, soit qu’il faille y adjoindre les y
de la connaissance, il serait devenu une sorte de
marxiste paraissent plus modernes d’un Bachelard, soit qu’on les
mologie
qui s’ignore. Cet ensemble d’erreurs repose, à
notre avis, substitue. Ce qui est certain, c’est que l’épisté
sur une ignorance des formes spécifiques du bachelardienne, que D. Lecourt a proposé naguère d’appeler
bourgeois fran çais au xxe siècle. Ce sont desrationalisme « historique » , ou, comme l’on dit aujourd’hui,
« l’épisté¬
erreurs de
lecture théoricistes. On voit en Bachelard seulement mologie de la rupture » , joue bien un rôle stratégique
théoricien des pratiques théoriques, on ne retient un dans la conjoncture théorique actuelle. Malheureusement
q
quelques-uns de ses apports, dont nous ne nierons pas üe pour elle, nos conclusions montrent que c’est le rôle
la
réalité. C’est vrai qu’il nous aide à comprendre l’
histoire inverse de celui qu’elle croit avoir.
des sciences, mais en les réduisant plutôt à l’histoire Les résultats obtenus par nos analyses sur l’œ uvre de
de
certaines théories décrites de manière id éaliste. Il
aller plus loin et nous interroger sur les raisons de faut J Bachelard réclament donc un prolongement que nous
ces appelons de nos vœ ux, car si l’on accepte nos conclusions,
erreurs théoricistes. L’ignorance ou la méconnaissance des la
formes spécifiques du rationalisme idéaliste dans la philo¬ l’on débouche sur d’autres problèmes, d’ailleurs posés à
sophie et l’ idéologie françaises ne sont elles-mêmes pensée marxiste depuis de nombreuses années. Ce sont¬
, nous ceux qui concernent les formes actuelles du nouvel idéa
-
semble t-il, que l’expression de la pénétration du nouvel
idéalisme épistémologique au sein du marxisme fran lisme épistémologique, Bachelard étant en la circonstance
précisément la source philosophique la plus souvent all -
çais. é
D’o ù le fait que ce rationalisme ou idéalisme épistémo des variantes diverses du
logique devient le point aveugle de la reconstruction
¬ | guée. Il s’agit pour l’essentiel
rique de la problématique de la pensée de
théo¬ structuralisme et de l’archéologisme. Ils ne constituent pas
Bachelard. Le
silence de D. Lecourt sur le rationalisme bourgeois dans toute la philosophie française contemporaine, mais ils
j constituent ensemble une partie importante de l’idéologie
)

)
Conclusion 283
)
Bachelaxd
) présente, du moins en France.
J en commun, qu ils partagent pourIls ont les points suivants les premiers des seconds. Une condition structurale est
mologie » de Bachelard :
la plupart avec 1’ « é
pisté¬
prise pour une condition ontologique. Ce point nous
) appara î t philosophiquement et épistémologiquement comme
.
1 Volonté de dépasser
sur le plan philosophique l’ un des plus frappants, et comme véritablement caracté¬
) native de l’idéalisme et du maté l alter¬
rialisme, ristique d’ un commun id éalisme épist émologique.
référence, de façon plus ou tout en
) moins voilée, mais parfoisfaisant Par suite, il n’est pas étonnant que ces diff érentes
complaisance, à Marx et au maté avec formes de l’ idéalisme actuel, qui prennent le relais de
J qu’au matérialisme dialectique rialisme historique, plutôt
. j l’id éalisme classique (néo-criticisme, empirio-criticisme ) , et
) J. Derrida, les références à la Chez C. Lévi-Strauss,
conception
chez qui reconnaissent, comme Bachelard, que la raison et la
l’histoire sont très épisodiques matérialiste de
) , culture ont une histoire, aient cependant une conception
de nombreux rapprochements mais M. Foucault esquisse
) , en parlant de pratiques de l’histoire souvent très éloignée du maté rialisme histo¬
cursives articulées aux autres pratiques dis¬ rique, voire radicalement opposée à lui. Cela est tout à
) sociales.
2 . Position, au fondement de fait clair chez C. Lévi-Strauss, mais demanderait, comme
opposition radicale entre ces théories, d’ une pour Bachelard, à être examin é de près chez M . Foucault
nature et culture. Cela
au refus de la conception maté conduit par exemple. La nécessité d’effectuer d’abord une étude
développement matériel continurialiste de l’histoire comme aussi complète et fouillée que possible de la pensée de
) et dialectique (dévelop¬
pement des forces productives
qui engendre des Bachelard empêchait de donner place ici à cet examen
) dictions et des crises dans le contra ¬ des nouveaux idéalismes é pistémologiques. Nous ne pouvons
la société) . On accuse alors le mode de production et dans qu’indiquer les points énum é rés à l’instant comme hypo¬
de verser dans l’économismematérialisme de Marx-Engels
)
ou thèses de travail pour d évelopper l’analyse de ces formes
) dans un positivisme en théorie de la matérialisme vulgaire, de l’idéalisme au-delà de leur origine chez Bachelard . Ces
) un évolutionnisme en histoire. connaissance, et dans indications sont tout à fait sch ématiques et approximatives.
On rejette bien sû r toute
\
conception dialectique du développement Mais, comme le dit Hegel, « la raison ne se contente pas
de la nature. d’approximation » 1. Il faudrait donc que des études pré¬
) 3. Appui sur des domaines scientifiques ré cises des formes principales des N.LE. ( nouveaux idéa ¬
constitués ou modifiés par des thé cemment
ories encore discutées. On lismes épistémologiques) soient entreprises sur la base
) conna ît ces domaines : linguistique
) ethnologie, anthropologie, théories générale, psychanalyse, philosophique du maté rialisme historique et dialectique.
structurales du discours. Au nombre des formes du nouvel idéalisme épistémo ¬
) 4. Théorie de l’ « objet » et de l’objectivité de logique, on se demandera s’il ne faut pas compter le
connaissance qui fait dépendre l’existence et la
) la nature de « th éoricisme » soutenu nagu ère pendant toute une période
l’objet connu des opérations (épist
é par L. Althusser dans Pour Marx et Lire « Le Capital » .
) mettent sa définition et son étude mologiques ) qui per ¬

est alors dit produit par les opé scientifiques . L’objet Cette pé riode th éoriciste représentait un compromis entre
) rations qu’implique sa le marxisme et le nouvel idéalisme é pistémologique. Contre
connaissance ! Cette théorie de l’objet scientifique
) et confond souvent les problè mêle
mes d’existenceet les pro¬ 1 . HEGEL : Principes de la philosophie du Droit , Paris,
blèmes de connaissance, et tend en g
énéral à faire dépendre Gallimard , 1963, p . 44. ( Préface, in fine .)
;
)
)
)
C
(

284 Gaston Bachelard Conclusion 285


(
(
les interpré tations anthropologiques du
rique ( théories philosophiques de l ali
matérialisme histo
énation, de la ré ¬
connaissances scientifiques nouvelles. Chez Bachelard, il t
cation et du f é tichisme) , L. Althusse ifi¬ s’agit des connaissances plus approfondies et plus exactes c
r faisait usage de que nous avons de la matière au xxe siècle. Nous avons vu
certaines thèses empruntées au N.I.E.
particulier. La philosophie marxiste de Bachelard en les d éformations id éalistes qu’il leur fait subir . Il en résulte (
et surtout la gnoséo une combinaison d’éléments philosophiquement contra¬
l’aveu même de-
logie matérialiste ont donc subi, (
de dictoires qui ont pu jouer idéologiquement dans des
L. Althusser, au cours de cette pé c
riode directions opposées. Les effets conjoncturels de la pensée
influence ind éniable de l’ idéalisme épistéthéoriciste une
fallait, à très juste titre, insister sur la n mologique. Il de Bachelard ont donc une histoire. (
écessité de bien
marquer la diff érence entre la
dialectiqu e spéculative C’est ce qui permet de comprendre le r ôle historique (
hégélienne, et la dialectique
matérialiste de Marx et positif que l’œ uvre de Bachelard a pu remplir auprès de (
Engels. Ce n’était pas sur ce point
que nombreux philosophes marxistes pendant toute une période
essentiellement les erreurs théoricistes dénoncse situaient qui couvre en gros les années 1945-1955. En effet, la (
ées depuis.
Elles se centraient plutôt sur la théorie
de la dialectisation des catégories de la raison et la liaison entre
des connaissances, sur cette question scientificité philosophie des sciences et pratiques scientifiques, mises
de l’objectivité dont (
nous venons de parler, et consécutiveme
nt sur une concep au premier plan par Bachelard dans ces années-là, ont
tion des instances sociales, théorie
et conception qui, du
¬
permis une critique matérialiste du spiritualisme (Bergson,
reste, semblent avoir été remises en
question par leur Blondel, Lavelle, etc.) sous la couverture de Bachelard.
auteur. Ainsi toute une série de philosophes marxistes ont pu (
Plus largement et pour conclure, cela orienter, dans cette période, la réflexion philosophique vers
essayer d’apprécier les rapports qu’ont nous amène à des objets réels. Ils pouvaient se servir des éléments maté¬ (
quement les philosophes marxistes entretenu s histori ¬ rialistes présents chez Bachelard pour lutter contre les (
français avec l’œ uvre formes du spiritualisme qui étaient largement dominantes
de Bachelard . Tout comme pour la
philosophie
nous voulons dire universitaire , c’est son officielle dans l’ Université. Rappelons que Husserl et la phéno¬ (
mologie », réduite de préf érence à « épisté¬ ménologie n’avaient pas encore conquis le terrain univer¬ (
vrages, qui a joué ici un rôle essentiel.
certains de ses ou¬ sitaire dans l’immédiat après-guerre. Aussi quelles qu’aient ( ;
fréquemment au long de ce travail que
Nous avons soulign é été les démarches objectives conscientes ou inconscientes
Bachelar d renou de Bachelard lui-même, certains sont-ils venus au maté¬ ( ,
velait l’idéalisme en lui intégrant des élé ¬

et progressistes importants. D’où


ments matérialistes rialisme historique et dialectique par la pensée de Bachelard . ( .
cette Celle-ci permettait d’effectuer un clivage au sein de la
d’id éalisme que nous avons appelée épist nouvelle forme (
lui donner sa d ésignation caractéristique etémologique pour philosophie id éaliste bourgeoise, entre le rationalisme et
la
autres formes de l’ idéalisme, comme la phé distinguer des l’irrationalisme. Il y avait non seulement le clivage entre (
bergsonisme ou l’existentialisme. noménologie, le marxisme et philosophies idéalistes, mais aussi celui entre ( )
« nouvelle » pour la distinguer
Nous l’avons appelée la philosophie sérieuse (représentée par G. Bachelard ,
d’idéalismes épistémologi¬ C. Canguilhem, J. Piaget, etc.) et la philosophie non ( >
ques anciens, tels que le néocriticisme
et l’empiriocriticisme.
Il reflète sur le plan philosophique un certain sérieuse (spiritualisme, personnalisme, existentialisme) . ( )
nombre de Cependant, les philosophes marxistes de cette époque (
( '

( ;
WH
)
286 Gaston Bachelard 287
Conclusion
manipulation idéologiques des
connaissaient les limites de Bachelard et de son
L article de J. Solomon avait d é jà montré que utilisation un développement et une et des philosophies du soupçon
développait un « schéma idéaliste subjectif de l’Bachelar d philosophies de l’aliénation, l’ hégéliano-marxisme, le freudo-
)
de la connaissance scientifique » x. Le physicien
évolution (Nietzsche, Freud, Marcuse récents) . En même temps le
marxiste marxisme et leurs succédanés d’être découvert par les
soulignait « la conception id éaliste qui est au fond
de la marxisme véritable commenceson admission en tant que
philosophie bachelardienne » et parlait de « la philosophie
couches intellectuelles. Maisautant refoulée ou réprimée
)
néocriticiste de M. Bachelard » (ibid.) . De même, l’
article philosophie reste presque quoi que l’on en dise.
de G. Vassails dans La Pensée, 1952 , sur L Activité
ratio¬ que dans les périodes antérieures,
naliste de la physique contemporaine insistait sur les orique, ceux qui lisent
de la pensée de Bachelard . Ainsi, des gén érations de
limites Dans cette conjoncture thé lire, le font de manière
Bachelard, et qui le donnent à
marxistes ont pu trouver dans les œ uvres les plus base des positions générales
nalistes de Bachelard une orientation vers une réflexion
ratio¬ unilatérale et positive, sur la émologiques. Or on n’inter¬
) sur les caractères rationnels objectifs des sciences contem ¬ des nouveaux idéalismes épist de Bachelard qu’au prix :
prète positivement la pensée marxisme,
la gnoséologie matérialiste du historique
poraines, quels qu’aient pu ê tre les avatars id éalistes de
cette r éflexion . Bachelard remplissait donc un rôle ambigu : 1. d’ un refus de
du matérialisme
d’o ù le glissement de certains vers l’ id éalisme, mouvement I 2. d’ un ajustement idrééciproque
aliste de Bachela rd . D . Lecourt cris¬
j et du rationali sme
négatif , ou au contraire la transition vers le matérialisme, ainsi Bachelard aujourd’hui,
mouvement positif . tallise cette position. Il valorise
philosophie marxiste matérialiste¬
) dans un contexte où la sur le terrain du ratio
)
Mais qu’en est-il aujourd’ hui ? On tend à lire Bachelard rencontre de nouveaux adversaires, arch éologisme. La philo¬
de façon unilatéralement positive, comme nous l’avons nalisme lui-même : structuralisme s’appuyer sur Bachelard
) montré dans notre introduction . Bachelard , peu à peu, a sophie marxiste française avait pu j
) été officialisé. Il représente un passage obligé à tous les ste il y a plus de vingt
pour critiquer l’idéalisme spiritualiaujourd ’ hui, ce n’est plus
niveaux de l'enseignement philosophique, et même, plus ans dé jà . Mais valoriser Bachela rd .
) largement, son influence s’é tend dans d’autres secteurs aider à un mouvementveloppem de critique de l’idéalisme actuel
culturels et id éologiques, ceci essentiellement sous la pres¬ ent du matérialisme dialec -
) Ce n’est pas hâ ter le dé un coup d’arrêt ,
) sion de la r évolution scientifique et technique. Mais la | tique. C’est le une freiner, voire lui donner . A égalité
conjoncture théorique en philosophie a beaucoup changé. nouvelle voie de l’id é alisme
bifurquer vers sont mille
) La d écennie de i 960 semble constituer une é tape transi¬ , Langevin, Wallon, Politzer, Solomon constance
) toire : les idéalismes épistémologiques nouveaux se mettent j fois plus constants dans leur efficace idé
de date ologique (
érialiste en philosophie) que
)
en place. Ils sont devenus, par nécessité, la pièce ma î tresse et rigueur de leur position matapparaî t plutôt au terme de
de l’idéalisme dans des secteurs importants de l’intelli¬ qui
ne peut l’être Bachelardcorrespon
) -
gentsia . Ils sont eux m êmes couplés dans cette tâ che avec comme dant à l’empiriocriticisme
notre parcours
) I dans notre tradition nationale. j
) 1. Jacques SOLOMON : * M. Gaston Bachelard et le nouvel
esprit scientifique » , in La Pensée, Paris, janv .-mars 1945, n° 2 ,
) PP - 47- 55
-
)
)
)
)
2*
MSf -
?

i
)
)
B

I )
- H
) f
. )
)
)
! INDEX DES NOMS CITES
)

)
! ALTHUSSER, L.
283-284.
AMPERE, A.M.
ARISTOTE.
11

98.
, 269, BROGLIE, L. de.
90, 99, -
100 101
BRUNSCHVICG, L.
.
15, 41,

24-25, 30, 39, 43-44, 68,


15,
77, 149, 176, j» î;
)
181. 105, m , 152, 158, 180,
,) 210.
196-197, 207-209,, 218,. 220,
ARON, R . 229- 235, 250 - 251 259
) BACON, F. 77, 176, 181. BUHL, A . 95-96, 98-99.
) BARREAU , H . 28, 112, CANGUILHEM, G. 14,
121, 122 n . 16 n, 20, 25, 38-40, 73, 145,
) BAYET, A. 217 . 169-170, 172, 174, 181, 186, H!
188, 197, 219-221, 223, 230,
BEAUVOIR, S. de. 227 n . 269, 285. IÜ

BECQUEREL J. 122 .
COMTE, A. 93, 181, 196, :
BERGSON , H . 15, 17, 198, 207, 225, 261. !
!'l
21, 24, 38-39, 44, 64, 69,
) COUSIN, V. 229 .
7°> 72 73> m -112, 117-
'

CROCE, B. 150.
ji : :
) 120, 125, 127, 129, 133- fi
134, 140, 147, 151, 178, DAGOGNET, F. 143, 154,
) 181, 186, 196, 207-208, 223, 234.
) 283, 237> 249- 250, 262, 276, DEMOCRITE . 219 n .
285. DERRIDA, J. 282 .
) BERKELEY, G. 22 . 22, 59,
DESCARTES, R.
BERNAR D, Cl . 79. 120, 160, 215, 218.
BERTHELOT , R . 208- 209 . DESCHOUX, M . 233 n .
) .
BIRAN, M. de . 229. DILHEY , W . 210
BITSAKIS, E. 9011. DIRAC, P . 79 .
) BLONDEL, C. 24, 285. DUHEM, P. 39, 44, 192,
BOGDANOV, A. 93 n , 206, 274.
258 n, 273. DURKHEIM, E. 196.
) BOUTROUX, E. 136, Ecole de Copenhague. 89,
261, 272. 92 , 96. il!
)
)
)
j

) |ï
li il ;
291
Gaston Bachelard Index des noms cit é s :
VI il
I
290
POE, E . 38, 143.
f Ecole de Vienne. 24.
EDDINGTON, A. 96, 122 .
EINSTEIN, A.
JASPERS, K.
JOLIOT -CURIE ,
210, 227 n .
F. 89.
MARX, K.
41, 100,
,
177, 181 193
219 256
, -
137
8, 11, 15, 24,

,
n, 170, 175,
, 201, 204,
275 n, 281-
POINCARE H .
137
,
-
39, 77,

POIRIER, R. 25, 26.


15, 38, 41, JUNG C, . ,
15 65 . 257 H
i
89, 99, 121-122, 134, 233. KANT, E. 22, 39 ,142 , 282, 284. POLITZER, G. . 68 n, 211,
Matérialistes français (18 s.) . 217 n, 219, 287
e
Eléates (les) . 219 n. 152, 160 , 192 , 228, 233,
ELUARD, P. 143. 256, 279. 219. QUILLET, P. 146, 148. V

ENGELS, F. 8, 11, 15, 41, KORZYBSKI, A. 135. MAXWELL, J. 134. RAMNOUX, C. 28, 144,
193, 204, 21g, 241, 246 n, LACHELIER, J. 68. MERLEAU-PONTY, M. 238.
2 Ç 2, 256-257, 265, 275 n, LALANDE, A. 77, 158, 72 RIMBAUD, A. 143, 153.
281-282, 284. 196-197, 207, 217. 198 . ROBINET, A. 112 .
FATALIEV, K.
METZGER, H. 116, 124,
96 n . LANGEVIN, P. 41, 89, MEYERSON, E. 15, 38- ROUPNEL , G .
FEUERBACH, L. 272, 287. 39, 111, 178, 222 . x 37-
275. LAUTREAMONT. 38, MINKOWSKI, E. 268. SARTRE, J.-P. ,17, 21- -22,,
FOUCAULT, M. 20, 25, 143. MONGE, G. 98. 24, 38, 64, 67 140 141
269, 282-283. LAVELLE, L. 24, 285. MORNET, D. 63.
248-249.
FREUD, S. 63, 65, 151, LAVOISIER . SCHOPENHAUER , A.
, A 48. 24.
287. LECOURT, D. 11-12, 15,
MOUNIER, E. ,
247 » 249 276 -
GAGEY, J. 20, 61 n, 139,
17 19 24 27 43 46, 61, 68,
- , - , , NIETZCHE, F. 287. SERRES, M. 60.
, ,
141 144 213 . 80-81, 141, 143-145, 170, NOGUE, J. 71. SOCRATE . 22 -23. 1
GALILEE, G. 233. 188, 196-197, 220-221, 2640, NOVALIS. 154 . SOLOMON J , . 286-287. !

GARAUDY, R. 136. 269, 278, 280-281, 287. OUDEIS, J. 60, 87 90


, . SOMBART, W . 63.
. . LEFEBVRE, H. 104. -150. 1
GINESTIER , P 30
LENINE, W. 11 15, 93 n ,
, PARMENIDE. 218, 2190 . SOURIAU, E. 149
GONSETH, F. 233, 259. PARODI. 208. SPAIER, A. 122 123. -
219, 273-274, 281.
GOUHIER, H. 26. PASTEUR, L. 47 . SPENCER, H. 207.
LESCURE, J. 145, 153 n -
HAMELIN, O. 68 n, 72,
LE SENNE, R. 24. PERROTINO, S. 171. THERRIEN, V,. 17 n,, 20,,
169 -170. 282 - PIAGET, J. 208, 230, 61 n , 140-141 144-145 215
LEVI -STRAUSS, C .
HEGEL, G. 22, 24, 75,
23 m , 233, 259, 285
. 279.
168, 170, 175, 181, 183, 283. VASSAILS , G. 286 .
LEVY-BRUHL, L. 207. PIRE, F. 20, 61 n , 141,
185, 193, 211, 219, 283. . VOISIN , M . 27 .
HEIDEGGER, M. 22 , LORENTZ, H . 43 - 144, 145 n, 149, 151 , H 208, 287 .
MACH, E. , , 273 - PLATON. 59, 218, 21911.
WALLON .
227 n . 39 44
HEISENBERG, W. 15, MALLARME, S. 143 -
90 n, 92, 94, 96-98, 137. MANSUY M , . 20, 140-141,
HUME, D. 256. 144 , 148 .
HUSSERL, E. 17, 64, 285. MARCUSE, H. 287 .
HYPPOLITE, J. 14, 25, MARGOLIN, J .-C. 22 n ,
37 n. ,
27 117 -118 , 125 n , 141,
i 43 x 45, 17 -
JAMES, W. 39, 44, 118. "

° 80, .
JANET, P. 268. MARTIN, R . 170 §
(
"Hf
(

f
: iHi
(

H
(
(
1 (
(
: BIBLIOGRAPHIE
(
(
!
En règle générale, nous ne mentionnons ci-dessous (
que les œ uvres et articles que nous avons utilisés et cités.
(
Pour une bibliographie plus complète, concernant Bache¬
lard , on se reportera à J.-C. Margolin (1974) . D autres (
bibliographies ont paru auparavant, dans F. Pire (1967 ) (
et }. Gagey (1969) notamment.
(
En ce qui concerne les abréviations et le système de
ré érences utilisés au long de notre travail , nous avons
f (
observé les règles suivantes afin d’alléger les notes de
bas de page :
1. Pour les œ uvres de Bachelard , nous avons suivi
le C
syst ème d’abréviation gé n éralement utilis é par les commen ¬
(
tateurs. On le trouvera dans la liste des œ uvres que nous
donnons ci-dessous. Nous indiquons dans le texte, entre (
parenthèses, le sigle de l’œ uvre suivi du numéro de la hli (
page citée ;
(
2. Pour les citations tir ées d’autres œ uvres, nous
men ¬
tionnons, dans le texte et entre parenth èses, pour celles (
qui sont le plus souvent citées, la date de l’édition utilisée, (
suivie de l’ indication de la page ;
« » signifie qu’ il
3. Un numéro de page suivi d’ un s
(
faut se reporter à la page indiqu ée et aux pages suivantes ; (
4. Enfin, rappelons que dans toutes nos citations, nous
ne soulignons que ce qui est souligné par l auteur lui-même.
! (
( >
(
(
( •
( !
)
,
)
|, i
)
Bibliographie 295

1948 : La Terre et les rêveries de la volonté, Paris, Corti


TRV
,
1971-
TRR 1948 : La Terre et les rêveries du repos, Paris, Corti,
1971.
, P.U.F., 1962.
RA 1949 Le Rationalisme appliqué, Paris
:
ARPC 1951 : L’ Activité rationaliste de la physique contempo¬
I. ΠUVRES DE BACHELARD .
raine, Paris, P. F 1965.
U .,
, P.U.F., 1963.
MR 1953 : Le Matérialisme rationnel, Paris
1957 : La Poétique de l’ espace , Paris, P .U.F., 1972.
PE
P.U.F., 1971. iM
A. - LIVRES PR 1960 : La Poétique de la rêverie, Paris ,
.
s -
FC 1961 : La Flamme d’ une chandelle, Paris, P.U.F., 1970
\ ECA 1928 : Essaisur la connaissance approch ée, Paris, Vrin,
2* éd., 1968.
EEPP 1928 : Etude sur r évolution d un problème de physi¬
B. - ARTICLES
N .B. : Nous ne mentionnons que les articles que nous avons
) que : la propagation thermique dans les solides, d’articles, pré¬
Paris, Vrin, 1973. cités. Bachelard a écrit plus d’ une cinquantainepour la plupart
VIR 1929 : La Valeur inductive de la Relativité, Paris, Vrin, faces et autres courts écrits divers, qui sont
réunis dans trois recueils :
1929.
PCCM 1932 : Le Pluralisme cohérent de la chimie moderne, Le Droit de rêver , Paris, P.U.F., 1970 ( 26 écrits) .
Paris, Vrin, 1973. Etudes, Paris, Vrin, 1970 ( 5 écrits) .
II 1932 : L Intuition de l’ instant : étude sur La Siloë de L’ Engagement rationaliste, Paris, P.U.F., 1972 (13 écrits) .
Gaston Roupnel, Paris, Gonthier, 1966. » , in Recherches philoso¬
1932 : « Noumène et, microphysique
55-65 (réédité in Etudes,
p
IA 1933 Les Intuitions atomistiques, essai de classification,
: phiques, Paris 1931-1932 , pp .
Paris, Boivin, 1933. pp. 11-24) .
NES 1934 : Le Nouvel esprit scientifique, Paris, P.U.F.,
1971. Monde comme caprice et miniature » , in Recher¬
1934 : « Le philosophiques
DD 1936 : La Dialectique de la durée, Paris, P.U.F., 1963. ches , 1933-1934, pp. 306-320 (réédité in
EEPC 1937 : L Expérience de l’ espace dans la physique contem¬ -
Etudes, pp. 25 43) .
poraine, Paris, Alcan, 1937. 1935 : « Idéalisme, pp discursif » , in Recherches philosophiques,
FES 1938 : La Formation de l’ esprit scientifique. Contribution 1934-1935 . 21-29 (réédité in Etudes, pp. 87-97) .
à une psychanalyse de la connaissance objective, « Critique pr éliminaire du concept de fronti
ère épisté¬
Paris, Vrin, i 960.
1936 : mologique », in Actes du VIIIe Congrès international de il
PF 1938 : La Psychanalyse du feu , Paris, Gallimard, N.R.F., philosophie, Prague, Orbis, pp. 3-9 (réédité in Etudes,
pp. 77-85) .
) 1949.
1939 : « Instant po étique et instant m étaphysique » , in Messa ¬
)
L 1940 Lautréamont , Paris, Corti, 1968.
:
ges, t. 1 ( réédité dans L Arc, 1961, dans L’ Intuition de 1
PN 1940 : La Philosophie du non , Paris, P.U.F., 1949. l’instant, 1966, dans Le Droit de rêver, 1970) .
) ER 1942 : L’ Eau et les rêves. Essai sur l’ imagination de la scientifique de Léon Brunschvicg » , in
matière, Paris, Corti, 1973. 1945 : « La Philosophie , t. 50,
j Revue de M étaphysique et de Morale, Paris, 1945pp
AS 1943 L Air et les songes. Essai sur l imagination du
: pp. 77 84 (réédité in L’ Engagement rationaliste, . 109-
- 4
) l mouvement, Paris, Corti, 1962. * 77) •
)
(

X
(
296
Gaston Bachelard Bibliographie 297 (
1952 :Fragment d un journal
«
(
Droit de réver, pp. de l homme » (réédité in Le
La Lumière des origines » .
233-245) HEGEL, G. : Principes de la philosophie du Droit, Paris, Galli ¬
1952 : « mard, 1940. (
réver, pp. - ) . (réédité in Le Droit de
31 37 Histoire de la science, Encyclopédie de la Pléiade, Paris, Galli¬ (
1957 : « Le Nouvel esprit scientifique et mard, 1957.
la création des valeurs
rationnelles » (réédité in L’Engagement Hommage à Gaston Bachelard , Paris, P.U.F., 1957. (
-
89 99 •
) rationaliste, pp. KANT, E. : Critique de la raison pure, Paris, P.U.F., 1950. (
LECOURT, D. : L Epistémologie historique de Gaston Bachelard ,
Paris, Vrin, 1969. C
LECOURT, D. : Pour une critique de l é pistémologie, Paris, Mas
II. AUTRES Œ UVRES CITEES péro, 1972 .
¬

LECOURT, D. : Bachelard , le jour et la nuit , Paris, Grasset, 1974.


SH (
(
LéNINE : Mat érialisme et empiriocriticisme, Paris, Editions so¬ (
A. - LIVRES ciales, 1962.
Bachelard, Colloque de Cerisy, Paris, U. MANSUY, M. : Gaston Bachelard et les éléments, Paris, Corti, (
BITSAKIS, E. : Physique contemporaine G.E., Coll. 10/18,
1974.
1967. (
que, Paris, Editions et matérialisme dialecti¬ MARGOLIN, J.-C. : Bachelard , Paris, Editions du Seuil, 1974 (avec
sociales, . des textes choisis) . (
BROGLIE, L. de : Certitudes et 1973 MARX, K. : Contribution à la critique de l’ économie politique,
A. Michel, 1966. incertitudes de la science, Paris, Paris, Editions sociales, 1969 (contient l’Introduction de
(

BRUNSCHVICG, L. : L’Expérience humaine et la


Paris, Alcan, 1922. causalité physique,
1857, que nous citons) . (
MARX, K. - ENGELS, F. : L’ Id éologie allemande, Paris, Editions (,
'

BRUNSCHVICG, L. : Ecrits philosophiques, t. , sociales, 1971.


19 ?4- 2 Paris, P.U.F.,
MARX, K. - ENGELS, F. : Etudes philosophiques, Paris, Editions (
CANGUILHEM, G. : Etudes d’histoire et sociales, 1974 (choix de textes) .
sciences, Paris, Vrin, .
de philosophie des PIRE, F. : De l’ imagination poétique dans l’ œ uvre de Gaston C
1968
DAGOGNET, F. .-Gaston Bachelard, sa vie, Bachelard , Paris, Corti, 1967.
1965 (avec un choix de textes) . son œ uvre, Paris, P.U.F., POLITZER, G. : Ecrits I, La Philosophie et les mythes, Paris,
DUHEM, P. : La théorie physique, Paris, Editions sociales, 1969.
ENGELS, F. : Ludwig
Alcan, 1904. QUILLET, P. : Bachelard , Paris, Seghers, 1964 (avec des textes (
Feuerbach et la tin de la philosophie
classique allemande, Paris choisis) .
, Editions sociales,
ENGELS, F. : Anti-Diihring, Paris 1966.
, Editions sociales, SARTRE, J.-P. : L’ Etre et le néant , Paris, Gallimard, 1957. (
FATALIEV, K. : Le Matérialisme dialectique 1973. THERRIEN, V. : La Révolution de Gaston Bachelard en critique e
nature, Moscou, Ed. du Progr et les sciences de la littéraire, Paris, Klincksieck, 1970.
FEUERBACH, L. : L’Essence du ès, 1962. VOISIN, M. : Bachelard , Bruxelles, Labor, 1967 (avec des textes
*973 - christianisme, Paris, Maspéro, choisis) . (
GAGEY, J. : Gaston Bachelard
Paris, M. Rivière, ou la conversion à l’imaginaire, (
1969 . B. - ARTICLES ET REVUES
GINESTIER, P. : Pour connaître la pens (
Bordas, 1968. ée de Bachelard, Paris,
BARREAU, H. : « Instant et dur ée chez Bachelard » , in Bachelard, i (
Colloque de Cerisy, 1974, pp. 330-354.
(
;
; (
(
» isMkia

299
Gaston Bachelard Bibliographie
298 Logi¬
éthodes de l’épistémologie », in iade,
PIAGET, J. : « Nature scientifique, Encyclopédie de la Pl
et m é
BROGLIE, Louis de : « La Physique quantique restera -t-elle ind ¬-
é
ç de Philoso que et connaissance , pp. 1-132.
terministe ? » , in Bulletin de la Société fran aise
Paris, Gallimard, 1967 ie de Bache
phie 47' année, N° 4, 1953, pp. 135-158.
¬

, RAMN OUX , C . : « Monde et solitude


ou de l’ ontologpp
, , . 387-403.
BRUNSCHVICG, L. : « Revue critique de L « Essai sur la connais
¬
lard , Colloqu e de Cerisy 1974
philosophique de la France et de lard , in
» Bache
sept péchés » , in L’ Arc
, 197P,
sance approch ée » , in Revue Réforme et les , e
l Etranger, t. 107, 1929, i' semestre, pp. 95 101.
er
- SERRES, M. : « La
N° 42, pp. 14-28 (reprodu
it en partie in Bachelard
Colloqu

CANGUILHEM, G. : « Sur une épistémologie concordataire , in


»

Hommage à Gaston Bachelard , 1957, pp . 3-12 . de Cerisy, pp. 68-85) • , supplément


et de Morale, t. 35, 1928
CANGUILHEM, G. : « Gaston Bachelard et les philosophes it, in
» in Revue de Métaphysi2que: compte rendu anonyme de l’Essai sur
, . - ( reprodu juill. sept., pp. -3
- ée.
Sciences, mars-avril 1963 , N° 24 pp 7 10
la connaissance approch esprit scientifi
Canguilhem, 1968) .
¬

SOLOMON, J. : « Gaston
Bachelard et le nouvel , N ° 2, pp. 47-55.
CANGUILHEM, G. : « L Histoire des sciences dans l’œ uvre
de l
épisté¬
Univer sité que » , in La Pensé e , Paris -
, janv. mars 1945
ve de la rela .¬
mologique de Gaston Bachel ard , in Annale s de « La Valeur inducti
de Paris, 1963
»
, N° 1, pp. 24-39 (reproduit in Canguilhem , SPAIER, A . : Compte
tivité » , in Recherches
rendu
philosophiques, t. I , -
1931 32, pp
1968) . non chez -
368 373. Compte rendu de « L’Activité rationa.liste de la
CANGUILHEM, G. : * Dialectique et philosophie duPhiloso phie , , G . : , janv -f év. 1052 ,
Gaston Bachela rd » , in Revue interna tionale de VASSAILS » , in La Pensée, Paris
Bruxelles, 1963, N° 17, pp. 441-450 ( reprodu it in Can - physique contemporaine
,
guilhem 1968 ) . n° 40, pp. 102 -106.
Revue de
DAGOGNET, F. : « Brunschvicg et Bachelard° » , , in
Mé taphysiq ue et de Morale , 1965 70, t. , N 1 pp . -
43 54.
.
DESCHOUX, M : « La Philosophie de Léon Brunschvicg et la ré¬
on philosophique, N° 2,
flexion contemporaine » , in L’ Informati
mars-avril 1951, pp. 51 54 - .
’ intel ¬
HYPPOLITE, J. : « Gaston Bachelard ou le romantismededel’lEtran ¬
ligence , in Revue
» philoso phique de la France et
ger, 1954, N° 70, pp. 85-96 (reproduit in Hommage à Gaston
Bachelard , 1957) .
» , in
LESCURE, J. : « Introduction à la poé tique de Bachel. ard
Bachelard : ’ L Intuitio n de ’
l instant , Gonthi er, 1966
Gaston
MARTIN, R. : « Dialectique et esprit scientifique chez ° 4, pp .
Bachelard » , in Les Etudes philoso phiques , 1963 , N
409-419.
MARTIN, R. : « Bachelard et les math ématiques » , in Bachel
ard ,
Colloque de Cerisy, 1974 , pp . 46- 61 .
OUDA J
IS, . : « L ’ Id ée de rupture épistémologique chez Gaston
Bachelard , in Revue
» de ’
l Enseign ement philosophique, 21
.
ann ée, N° 3, f év -mars 1971, pp. 1-25 .
PERROTINO, S. : « La Dialectique selon Bachelxive ard » (texte
au Congrès
ronéoté, non publié, d’une communication
des Sociétés de Philoso phie de langue fran çaise, Nice , 1968) .
7

(
(
(
(
(

ELEMENTS BIOGRAPHIQUES 1

(
y (
Nous ne donnons ici que des éléments sommaires. On trou ¬
vera une biographie plus é tendue dans Ginestier (1968, pp. 3-15) • (
La biographie la plus sobre se trouve dans Dagognet (1965, (
pp. 1- 4) .

1884 : Naissance de Gaston Bachelard à Bar-sur -Aube ; il é tait


petit -fils de cordonnier et ses parents tenaient une bou ¬

tique de d épositaire de journaux et de d ébit de tabac .


(
1895-1902 : Etudes au collège de Bar-sur-Aube.
1902-1903 : A dix-huit ans, il gagne sa vie comme pion au (
collège de Sézanne.
1903 1905 : Surnuméraire des P.T.T. à Remiremont .
-
I 1905-1907 : Il effectue son service militaire comme télégra ¬ (
phiste au 12* Dragons à Pont -à -Mousson .
(
1907 1913 : Commis des P.T.T. à Paris, Gare de l Est ; com
- ¬

mence ses études à la faculté des Sciences, obtient la (


licence de math ématiques en 1912. La dur ée légale du
I
*
T travail dans les P.T.T. était alors de soixante heures. (
I 1913-1914 : En disponibilit é, il prépare le concours d élèves
ingénieurs des Télégraphes comme boursier au lycée
(
Saint-Louis. (
1914 : Se marie à une jeune institutrice de son pays en juillet, (
mobilisé du 2 ao û t 1914 au 16 mars 1919 ( trente-huit
mois de tranchées ; Croix de guerre) . 1
1919 -1930 : Professeur de physique et de chimie au Coll ège de
Bar -sur-Aube. (
1920 : Est veuf , avec une petite fille, Suzanne. Licencié de (
philosophie ( Dijon ) après un an d ’ é tudes.
1922 : Agrégé de philosophie. Enseigne la philosophie à Bar -
sur-Aube en m ême temps que les sciences expérimentales. (
1927 Docteur ès-lettres (Sorbonne) , mention très honorale, thè
:
ses soutenues sous les patronages d’ Abel Rey et de Léon
¬

1 (
(
(
(
:
302 Gaston Bachelard

Brunschvicg. Est chargé de cours en octobre à la faculté


i
des Lettres de Dijon. l
1930 : Nomm é professeur de philosophie à la faculté des Lettres
de Dijon.
1937 : Chevalier de la Légion d honneur.
1940-1954 : Professeur à la Sorbonne, chaire d’histoire et de
philosophie des sciences, o il succède à Abel Rey. Direc ¬ TABLE DES MATIERES
teur de l’Institut d’histoire des sciences. Officier de la
Légion d’honneur en 1951.
1954 : Professeur honoraire. Chargé d’enseignement pour 1954-
199 Ç dans sa chaire. AVANT-PROPOS 7
1955 : Elu à l’Acad émie des Sciences morales et politiques. 11
1960 : Commandeur de la Légion d’ honneur.
INTRODUCTION
1961 : Reç oit le Grand prix national des Lettres .
1962 : Mort à Paris le 16 octobre. Inhumé à Bar-sur-Aube.
, PREMIÈRE PARTIE

LES PRESUPPOSES PHILOSOPHIQUES DE.


L’EPISTEMOLOGIE BACHELARDIENNE 35
Chapitre I : Epistémologie ou philosophie ? . . . . 37
Chapitre II : Ordres d’approximation et philoso ¬

phie de l’inexact 46
Chapitre III : La théorie de l’erreur : rectification
et obstacles 55
Chapitre I V : Ordre et qualité, objets de connais¬
sance 66
Chapitre V : L’induction ou la réalisation des ma ¬

thématiques 76
Chapitre V I : L’ indéterminisme : théorie physique
ou philosophique ? 88
Chapitre VII : Un réalisme des actes épist émolo¬
) giques 102

) DEUXIÈME PARTIE

LA METAPHYSIQUE BACHELARDIENNE . . 107


)
j
Chapitre I : Les deux problèmes de la philosophie
) chez Bachelard 109
)
...

(
? (7
; tifit ** (
(
3°4 Gaston Bachelard (
'

(
Chapitre II : Une métaphysique du temps . . . . 116
Chapitre III : D une métaphysique de l’acte à une
philosophie idéaliste de l’esprit . . . . 127 (
Chapitre IV : La métaphysique de l’imagination . . 139
(
Chapitre V : Une conception idéaliste des valeurs. 156
(
(
TROISIÈME PARTIE
(
LE DEVELOPPEMENT DE LA PHILOSOPHIE
BACHELARDIENNE ET SES CONTRADIC ¬ (
TIONS •
163
Chapitre I : Les versions bachelardiennes de la (
dialectique 165 (
Chapitre II : Une nouvelle théorie de l’histoire
des sciences : rupture et discontinuité. 195
Chapitre III : Le rationalisme ouvert comme philo¬ V.
sophie concordataire et criticisme de
seconde position (
213
Chapitre IV : L’idéalisme épistémologique aux (
abords du matérialisme 239 (
CONCLUSION 267 (
INDEX DES NOMS CITES 289 (
BIBLIOGRAPHIE 293 c
ELEMENTS BIOGRAPHIQUES 301 (
(

Achevé d’imprimer le 10 avril 1975 (


par l’ Imprimerie Centrale Commerciale ( J. London, imprimeur ) ,
(
à Paris.
(
N° d’édition : 1592
Dépôt légal : 2 trimestre 1973. (
(
(

Vous aimerez peut-être aussi