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Cahier (Collège international de philosophie).
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Présocratiques Barbara Cassiti
et post- MichelNarcy
modernes: L'objectifdu séminaireétait,dans un pre-
les effetsde mier temps, de faire l'inventaired'une
la sophistiquepensée qui résisteau platonismeet esquive
la métaphysique: la sophistique,comme
alternative, dès les présocratiques, à la lignéeclassique,parménido
hégelienne, de la philosophie. qui veutdirenonseulementredé-
Ce
couvrir,en deçà de l'occultationopérée par l'œuvre de Platon et
d'Aristote, la sophistiquede la Grèceclassique,mais mettreau jour
aussi comment,par-delà,cette alternativese maintient.
Le premiertempsa donc consistéà prendrela mesurede l'opéra-
tionpar laquelle Aristoteparachèvele gesteplatonicien,en instau-
rantun régimede discoursqui feraloi pour toutel'histoirede la
métaphysique. Régimeque nousappelonssémantique,en référence
au gestedécisifd'Aristote qui faitéquivaloirdireet signifier
quelque
chose. Prendrecette mesure,c'est décrireles articulationsessen-
tiellesdu livreGamma de la Métaphysique,comprisen termesde
stratégiecontrela sophistique.
1. Le livreGammaconjointl'étudedu premierprincipede la science
de l'êtreen tantqu'être,principeditde non-contradiction, et la
réfutation de Protagoras. Aristote d'élé-
y procèdeà la réinscription
mentsplatoniciens(en particulier la constructiondoxographique,
physique-sophistique, du Théétète)dans le cadre du « signifier
quelque chose ». Indice du déplacementde la stratégie: l'argu-
mentdirimant chez Platon- la sophistiqueestauto-contradictoire
- est mentionnéen fin de parcours comme «rengaine» (8,
1012bl4).
On peutdécrirecommesuitla stratégied'Aristote: il réduitle
discourssophistique(Protagoras)au discoursphysique(Heraclite)
qu'il étendà celui de la phénoménologieordinaire(tousceux qui
cherchentle vrai).Puisil convertit ce discoursphysique,qui croit
au
échapper principe de non-contradiction, en discoursde régime
aristotélicien.Résistantà cettenormalisation, un reste- ceux qui
parlent« pour le plaisirde parler», « pour l'amourdu discours»
- se trouve,tantqu'il s'en tientà cetteposition,définitivement
marginalisé.
2. Le principede non-contradictionest« le plusfermede tous» (c'est
«
le plusconnu: celuià proposduquelil estimpossibled'êtreabso-
lumentdans l'erreur»; il ne dépend de rien d'autre: « celui qui
ET POSTMODERNES,
PRÉSOCRATIQUES LES EFFETSDE LA SOPHISTIQUE 55
3. Remarquessur I.
3.1. Les sophistessont des physiciens:
- Protagorasest réduit à Heraclite dès le début de 5 : si
Protagoras,alors Heraclite(1009a6-12),si Heraclite,alors
Protagoras(12-15). De même, les deux lignées 1.1. et 1.2.
« héraclitisent» (lOlOall).
- Les deux discoursrelèventde la même conception,selon
laquelle pensée = sensation = altération(1009b12).
La thèse de Protagoras,pour laquelle « phénomène» devient
terminologique (1009a8,bl, bl4, lOlObl, 101Ial8), estla thèse
physiquela plus immédiateque partagenttous les présocra-
tiques,y comprisParménide.
3.2. Le remède du « signifierquelque chose ».
Aristotepersuadetous ces négateursdu principequ'en faitils
y adhèrent.
3.2.1. Il fautmieuxidentifier, pour mieux le signifier,le « quelque
chose », référencedu discoursphysique.Le phénomèneles
induiten erreur(« ce qui change, au momentoù il change,
leur fournitune vraie raison de ne pas croire qu'il est »,
1010a16), et discourantsur quasi-rien,ils ne tiennentquasi
aucun discours.
Mais ilsdoiventconsidérerqu'il y a un substratdu change-
ment,que des distinctions fontéchapper à la contradiction,
qu'il existeun « quelque chose » suprasensibleet immobileau
56 LE CAHIER DU COLLÈGE
regardduquel celui qu'ils ont choisi est « moindre».
3.2.2. Quelleque soitla visibilité du phénomène,le « quelquechose »
quand parlentestau moinsidentifiable
qu'ilssignifient ils : non
le
pas vin, tantôt doux et non doux, mais le doux lui-même,
qui ne change pas (1010b21-26).
Ils tombentpar là sous le régimegénéralde la « démonstra-
tionpar réfutation » du principe,ou coup d'Aristote: le même
ne
(sens) peutpas simultanément apparteniret ne pas appar-
tenirau même (mot).
3.2.3. Ils s'autoréfutentnon par contradiction logique commechez
Platon,mais par contradiction entrethéorieet pratique,ce
qu'ilsdisentet ce qu'ilsfont.En effet,s'ilsétaientconséquents:
- ils se tairaient comme Cratyle qui bouge le doigt
(5,1010al2s;4, 1006al2-15),
- ilstomberaient dans le puits,ne pouvantdiscernerqu'il est
« nonbon » d'ytomber,et ne pouvantpas le discerner d'ailleurs
du non-puits,puisquela contradiction héraclitéenne s'accom-
pagne toujoursdu « touteschoses ensemble» anaxagoréen
(4, 1008bl4-27; 5, 1010b9-ll ; 6,101Ia7-ll).
La sophistiquede Protagoras,comme la phénoménologie ordi-
naire,conséquenteavec elle-même,serait silencieuseet impuis-
sante. La lecturede Gamma la feradevenirce qu'elle est -
aristotélicienne.
4. Remarquessur IL
« Ceux qui parlentpourle plaisirde parler» représentent une autre
sortede sophistique,non réductibleà la physique; leurdiscoursest
indiscernablede celui des protagoréensmais non leur intention.
4.1. Analysede 5, 1009al6-22 :
On ne peut pas les persuader(c'est à cela qu'on les reconnaît)
puisque, refusantle régimedu « signifierquelque chose », ils
n'estiment pas devoirpenserce qu'ilsdisentet échappentainsi
au coup d'Aristote. On peutseulement,se plaçantsurle terrain,
qui est le leur,du discourspur,les « contraindre» en proposant
« une réfutation de ce qui estditdans les sons de la voix et dans
les mots ».
Sur ce genre de réfutation tenantà l'expression,voir Réfuta-
tionssophistiques.
4.2. Analysede 6, 1011al5-16 :
Maisfaceà de telsadversaires,mêmeune réfutation de ce genre
est impossible.La réfutation est en effet un syllogismede la
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