Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Résumé : Le présent article a pour objectif de mettre en lumière les activités des États
qui en sont riverains. Cela devrait permettre de vérifier la mesure dans laquelle les
développements actuels du droit de la mer conditionnent la vie de la Méditerranée tout
en soulignant les apports qu’une spécificité méditerranéenne pourrait avoir conféré à
ces évolutions. Dans une matière où la littérature internationaliste est très abondante,
l’attention a été concentrée sur certains des aspects les plus récents du régime juridique de
cette mer : la protection de l’environnement, la conservation des ressources marines et les
périls humanitaires que suscite l’immigration par mer. La fragmentation et l’incertitude
des pratiques nationales et internationale dans la Méditerranée montrent qu’il incombe
à ses États riverains de faire d’urgence face aux enjeux que suscitent la gestion et la
protection d’une mer semi-fermée menacée par de multiples périls.
Abstract: This paper aims to highlight the activities of its riparian states. This should
make it possible to ascertain to what extent current developments of the law of the sea
determine the life of the Mediterranean while underscoring the contributions that a
Mediterranean specificity might have conferred on such developments. In a subject area
where there is a wealth of international law literature, the focus is on some of the most
recent aspects of this sea’s legal regime: environmental protection, conservation of marine
resources and the humanitarian dangers from immigration by sea. The fragmentation
and uncertainty of national and international practices in the Mediterranean show that
it is incumbent upon its riparian states to urgently meet the challenge of managing and
protecting a semi-closed sea threatened by multiple dangers.
Le présent article se propose de faire le point sur les solutions données dans
la mer Méditerranée à certaines des questions les plus importantes que suscite le
droit international de la mer contemporain. En premier lieu, on s’interrogera sur les
nouveautés concernant les activités maritimes liées aux relations politico-sociales
des États riverains, et on analysera ensuite le régime juridique de cette mer à la
lumière de la pratique la plus récente, en s’arrêtant sur certaines des questions
les plus révélatrices de son évolution.
La Méditerranée est la plus étendue parmi les mers qui peuvent être quali-
fiées de « semi-fermées », selon la définition donnée à l’article 122 de la convention
des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 (ci-après convention de 1982).
Un tiers du trafic maritime mondial transite à travers ses eaux ; elle contient
par ailleurs 10 % environ de la biodiversité marine, 4 % des aires protégées et
1 % des eaux du globe ; elle constitue le point de rencontre (et de friction) le plus
critique entre le nord et le sud du monde, tout en étant une route privilégiée de
migrations. La pêche et le tourisme y sont un moyen de subsistance pour beau-
coup de communautés côtières. Enfin, sous les eaux de la Méditerranée, berceau
de la civilisation occidentale, repose un important patrimoine culturel, qui doit
être valorisé.
Le caractère exceptionnel de la Méditerranée est dû non seulement à la vulné-
rabilité particulière du milieu marin et de ses ressources, mais aussi au fait qu’une
large partie de son bassin demeure assujettie au régime juridique de la haute
mer.
En outre, l’équilibre politique et stratégique de la Méditerranée, très fragile, est
étroitement dépendant des possibilités de faire coexister de manière harmonieuse
des cultures et des intérêts économico-politiques a priori très différents. On rappel-
lera à ce propos que les États riverains de la mer Méditerranée sont, stricto sensu,
au nombre de vingt et un et qu’ils appartiennent à trois continents différents 1.
Ces quelques données synthétiques sont nécessaires pour saisir l’importance qui
s’attache à la solution des problèmes de gestion des espaces marins de la Médi-
terranée, ainsi que la nécessité absolue, pour les États riverains de son bassin, de
coopérer à cette fin.
Le cadre normatif général de référence demeure sans nul doute la convention
de Montego Bay (1982), ratifiée par la quasi totalité des États du bassin méditerra-
néen 2. La plupart des activités maritimes (navigation, exploitation des ressources,
protection de l’environnement, recherche scientifique marine) sont régies par cette
convention, largement déclarative sur ce point du droit coutumier. Il n’empêche
que plusieurs de ses dispositions montrent des « signes d’obsolescence », ce qui
tient pour partie au fait qu’elles furent pensées, dans de nombreux cas, pour une
application dans des espaces océaniques. Le fait est que la convention se montre
souvent impuissante à fournir des points de repère pertinents pour la gestion de
la Méditerranée.
Les dispositions de l’article 123 de la convention de 1982 3 n’ont, en particu-
lier, pas été en mesure de prévenir l’affirmation de la zone économique exclusive
1. Albanie, Algérie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Chypre, Égypte, Espagne, France, Grèce, Israël, Italie,
Liban, Libye, Malte, Maroc, Monaco, Monténégro, Slovénie, Syrie, Tunisie, Turquie. Du fait de sa souverai-
neté sur Gibraltar et les bases militaires d’Akrotiri et de Dekhelia, une partie de la littérature compta-
bilise également le Royaume-Uni, et indique donc 22 États riverains. Il faut aussi remarquer que ni le
Royaume-Uni, ni la Palestine, pour des raisons différentes, ne se comportent à l’heure actuelle comme de
véritables États « côtiers ».
2. Tous les États riverains de la Méditerranée ont ratifié la convention des Nations Unies sur le droit
de la mer, sauf Israël, la Libye, la Syrie et la Turquie.
3. L’article 123 de la convention de 1982 prévoit que : « [l]es États riverains d’une mer fermée ou
semi-fermée devraient coopérer entre eux dans l’exercice des droits et l’exécution des obligations qui sont
les leurs en vertu de la Convention. A cette fin, ils s’efforcent, directement ou par l’intermédiaire d’une
organisation régionale appropriée, de : a) coordonner la gestion, la conservation, l’exploration et l’exploi-
tation des ressources biologiques de la mer ; b) coordonner l’exercice de leurs droits et l’exécution de leurs
obligations concernant la protection et la préservation du milieu marin ; c) coordonner leurs politiques de
recherche scientifique et entreprendre, s’il y a lieu, des programmes communs de recherche scientifique
dans la zone considérée ; d) inviter, le cas échéant, d’autres États ou organisations internationales concernés
à coopérer avec eux à l’application du présent article ».
4. On se réfère notamment à la convention internationale pour la conservation des thons de l’Atlantique
(CICTA) (voy. infra, partie V).
5. Cette tendance est récemment ressortie des études et des propositions de coopération provenant
de plusieurs secteurs institutionnels différents (UE, PNUE/PAM, OMI).
6. Voy. J. M. SOBRINO HEREDIA (dir.), Sûreté maritime et violence en mer, Bruxelles, Bruylant, 2011 ;
N. RONZITTI, The Law of the Sea and Mediterranean Security, Mediterranean Paper Series, The German
Marshall Fund of the United States, 2010, pp. 1-24, <http://www.gmfus.org/publications/index.cfm> (voy.
infra partie VI).
7. Sur ce point, voy. infra, partie VI.
ZEE respectives est une nécessité pour tous ceux qui entendent proclamer la plus
large zone exclusive possible, du moins s’ils n’arrêtent pas leur revendications en
deçà de la ligne d’équidistance entre les côtes opposées ou adjacentes 12.
Même si c’est avec un certain retard par rapport à la pratique qui s’est imposée
dans les autres mers, le processus d’extension de la juridiction nationale peut donc
être désormais considéré comme bien établi en Méditerranée ; à ce jour, quatorze 13
États méditerranéens sur vingt et un ont revendiqué des zones de juridiction exclu-
sive au-delà de la mer territoriale qui sont présentées comme des zones économi-
ques exclusives au sens de la convention de Montego Bay 14 ou comme des zones
exclusives minoris generis (pêche, écologie, etc.) 15. Plus précisément l’Algérie 16,
Malte 17 et l’Espagne 18 ont institué des zones exclusives de pêche, la France 19 et
12. Voy. M. GAVOUNELI, « Mediterranean Challenges: Between Old Problems and New Solutions »,
International Journal of Marine and Coastal Law, 2008, pp. 477 et s. Il nous semble, toutefois, que les
récentes proclamations d’une zone exclusive au-delà de la mer territoriale ainsi que la conclusion de
certains accords de délimitation révèlent le manque de bien-fondé des opinions selon lesquelles l’absence
de délimitation serait un obstacle à la création d’une zone exclusive. Elles démontrent donc que, dans
le passé, la crainte de ne pas réussir à délimiter les frontières maritimes ou de limiter excessivement la
liberté de navigation a servi de prétexte.
13. Des zones exclusives au-delà de la mer territoriale ont été proclamées ou « annoncées » par
l’Algérie, la Croatie, Chypre, l’Égypte, l’Espagne, la France, l’Italie, la Libye, le Liban, Malte, le Maroc, la
Slovénie, la Syrie et la Tunisie.
14. Les sept États qui semblent avoir proclamé ou manifesté l’intention d’exercer leurs pouvoirs sur
la ZEE sont le Maroc, l’Égypte, la Syrie, Chypre, Malte, la Tunisie, la Libye et le Liban. Outre les ZEE
d’Égypte et du Maroc, citées note 10, il faut signaler de plus récentes proclamations faites par Chypre (loi
du 2 avril 2004 <http://www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/cyp_2004_eez_
proclamation. pdf) et la Syrie (loi n° 28 du 8 novembre 2003, Official Gazette of the Syrian Arab Republic,
2003, n° 51). Enfin, il faut signaler les transformations en ZEE d’anciennes zones exclusives de pêche
par la Tunisie et la Libye (voy. infra, notes 26 et 27). Même si le Liban n’a pas proclamé officiellement de
ZEE, il a par ailleurs conclu un accord avec Chypre sur la délimitation de leur ZEE respective (non encore en
vigueur à ce jour). Il a par ailleurs déposé le 24 août 2010, auprès du Secrétaire général des Nations Unies,
les coordonnées qui fixent les limites de sa ZEE tant dans la zone de mer qui s’ouvre sur les eaux de l’Autorité
de la Palestine que relativement à la frontière maritime établie d’un commun accord avec Chypre (< http://
www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/mzn_s/mzn79ef. pdf>). La volonté du
Liban de proclamer une ZEE semble dès lors évidente.
15. Les États qui ont annoncé la création de zones minoris generis comme la zone exclusive de pêche
ou la zone écologique sont les suivants : Algérie, Croatie, Espagne, France, Italie, Malte et Slovénie.
16. L’Algérie a établi une zone de pêche réservée par la loi n.94-13 du 28 mai 1994 (Gazette officielle
de la République algérienne, n° 40, 22 juin 1994).
17. Malte s’est réservé au large de ses côtes une zone de pêche de 12 milles marins par la loi du
10 décembre 1971, ensuite amendée par une décision du 18 juillet 1978, par laquelle l’extension de la mer
territoriale a été portée à 12 milles, et la zone de pêche à 25 milles marins (texte de la décision de 1978
in RGDIP, 1979, p. 536). La loi de 1971 a été à nouveau modifiée par la loi n° 1 de 2002. Enfin, comme on
va le voir infra note 28 une loi de 2005 semblerait permettre au gouvernement l’extension de la zone au
delà de 25 milles marins.
18. L’Espagne a institué une zone de protection de la pêche s’étendant sur 49 milles marins à partir
de la ligne de base, entre Cabo de Gata et la frontière maritime avec la France (décret royal n° 1315/1997,
Boletín Oficial del Estado n° 204, 26 août 1997). Par un acte ultérieur (décret royal n° 431 du mois de mars
2000, Boletín Oficial del Estado n° 79, 1er avril 2000) cette zone a été réduite à 37 milles marins, calculant
toutefois l’étendue de la zone de pêche au départ de la limite extérieure de la mer territoriale plutôt que de
la ligne de base ; la largeur effective de la zone de mer contrôlée par l’Espagne est dès lors restée inchangée
(voy. V. L. GUTIERREZ CASTILLO / E. M. VAZQUEZ GOMEZ, « La zone de protection de la pêche établie par
l’Espagne en Méditerranée », Espaces et Ressources Maritimes, 1999-2000, pp. 207 et s.).
19. La France a institué une zone de protection écologique au large de ses côtes méditerranéennes par
la loi n° 2003-346 du 15 avril 2003 (JORF, 16 avril 2003) et a fixé la limite externe de la zone par le décret
n° 2004-33 du 8 janvier 2004 (JORF, 10 janvier 2004), après consultations sur les frontières maritimes avec
les États voisins concernés (voy. L. LUCCHINI, « La zone de protection écologique française et son application
en Méditerranée. Quelques brèves observations », Annuaire du Droit de la Mer, 2003, pp. 327 et s.).
l’Italie 20 optant pour une zone écologique et la Croatie 21 et la Slovénie 22, enfin, pour
des zones mixtes de pêche et de protection environnementale 23.
Cette pratique des États côtiers est généralement justifiée par deux considé-
rations liées aux particularités de la région méditerranéenne. En premier lieu, la
grave dégradation de l’environnement marin, la réduction excessive de certains
stocks de poissons et le risque croissant d’accidents environnementaux résultant de
l’augmentation de la navigation auraient convaincu les États côtiers qu’il ne serait
plus possible de retarder une intervention, fut-elle seulement normative, immédiate
pour protéger l’environnement ou les ressources des zones de mer adjacentes à leurs
côtes. À cette conviction, mûrie par plusieurs gouvernements, se serait ajoutée par
la suite le constat de l’échec de la coopération internationale bilatérale et multila-
térale, qui a rendu particulièrement difficile l’adoption des règles internationales
communes qui auraient permis de réduire la pollution et la surexploitation des
ressources 24. Ces considérations ont fourni aux États les raisons justifiant qu’il soit
mis fin à leur accord tacite de ne pas étendre leurs juridiction ou droits souverains
au-delà des 12 milles, et expliquent aussi le changement d’attitude de l’Union
européenne en la matière 25.
20. Dans une loi n° 61 du 8 février 2006 (Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana n° 52 du 3 mars
2006), l’Italie a annoncé son intention d’instituer une zone spéciale au-delà de la mer territoriale et prévoit
la création de zones écologiques ; les décrets d’application n’ont pas encore été approuvés. Il ne s’agit pas
d’une zone écologique pure, mais d’une zone complexe où sont revendiqués non seulement les pouvoirs
de protection de l’environnement marin prévus par la convention de 1982, mais aussi certains pouvoirs
de conservation des ressources de pêche et de protection du patrimoine culturel sous-marin, comme on le
verra infra dans la IIIième partie (voy. U. LEANZA, « Institution de zones de protection écologique dans la
politique des États côtiers de la Mediterranée », in B. VUKAS / T.M. SOSIC (eds), International law: New
Actors, New Concepts-Continuing Dilemmas, Liber Amicorum Bozidar Bakotic, Leiden, Boston, Martinus
Nijhoff Publishers, 2010, pp. 251-264 ; S. IZZO, « Il ruolo polifunzionale della zona di protezione ecologica nel
Mediterraneo », in L. SICO (a cura di) Oltre Montego Bay : nuove tendenze verso il controllo degli spazi marini
adiacenti, Napoli, Editoriale Scientifica, 2009, pp. 27-53 ; G. ANDREONE, « La zona ecologica italiana », Il
Diritto Marittimo, 2007, pp. 3-27 ; T. SCOVAZZI, « La zone de protection écologique italienne dans le contexte
confus des zones côtières méditerranéennes », Annuaire du Droit de la Mer, 2005, pp. 209-221.
21. La Croatie a créé une zone mixte de protection de la pêche et de protection écologique par la
décision du Sabor croate du 3 octobre 2003, publiée à la Narodne novine, Gazette officielle de la Répu-
blique croate, n° 157 du 6 octobre 2003 (voy. Bulletin du droit de la mer, n° 53 de 2004). Cette création
avait été envisagée depuis longtemps, en particulier par le code maritime du 27 janvier 1994 (publié à la
Narodne novine, 1994, n° 75) qui subordonnait son institution à une décision du Parlement et, dès lors, à
des circonstances politiques favorables. La zone créée en 2003 a été mise en application après une année
seulement. Sur la suspension de l’application de cette zone en ce qui concerne les navires communautaires,
voy. infra note 110.
22. Par la loi du 4 octobre 2005, entrée en vigueur le 22 octobre 2005, la Slovénie a établi une zone
de protection écologique. L’année suivante elle a aussi établi une zone de pêche réservée par la loi du
5 janvier 2006, entrée en vigueur le 7 janvier 2006 (Bulletin du droit de la mer, n° 60, 2006). La loi sur
la pêche du 27 octobre 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, et le code maritime approuvé en 2001
et modifié en 2006, tiennent compte de l’acquis communautaire en matière de pêche et de protection de
l’environnement marin.
23. Voy infra, carte n° 1, p. 35.
24. Dans la déclaration commune présentée par les États arabes (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte
et Syrie) à la CGPM lors de sa 22e session, en 1997 (annexe F du rapport de la 22e session), l’intention
d’effectuer des proclamations nationales avait été annoncée, si la coopération méditerranéenne n’évoluait
pas vers des solutions alternatives à la protection unilatérale par chaque État côtier. Le lien étroit entre
l’échec de la coopération et l’extension de la juridiction nationale était, dès lors, évident (voy. G. ANDREONE,
« Les conflits de pêche en Méditerranée », in G. CATALDI (dir.), La Méditerranée et le droit de la mer à l’aube
du 21e siècle, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 206).
25. En fait, la Commission européenne avait déjà évoqué la possibilité de favoriser la création par les
États membres de zones exclusives au-delà de la mer territoriale en Méditerranée (communication au Conseil
et au Parlement relative au Plan d’action communautaire pour la conservation et l’exploitation durable des
ressources de pêche en Méditerranée du 9 octobre 2002 – Com (2002) 535 final). Cette idée fut reprise pendant
la Conférence ministérielle pour le développement durable des pêches en Méditerranée, réunie à Venise du
25 et 26 novembre 2003, et officialisée dans sa déclaration finale. Il est intéressant de remarquer que cette
idée des institutions communautaires est mentionnée par la Libye, pour justifier sa prétention unilatérale,
dans une la loi de 2005 instituant la zone de protection de pêche (voy. infra note 27).
26. Il s’agit de la loi n° 2005-50 du 27 juin 2005 (Journal officiel de la République tunisienne n° 51 du
28 juin 2005) qui n’a pas encore été mise en œuvre par des décrets gouvernementaux. Cette loi renvoie
à la conclusion d’accords avec les États voisins pour fixer les limites externes de la zone et à des décrets
ultérieurs pour la rendre effective. Elle spécifie à l’article 4, alinéa 2, que les dispositions relatives à la
délimitation des eaux territoriales des zones de pêche déjà existantes et établies par la loi n° 49/1973
du 2 août 1973 (Journal officiel de la République tunisienne du 31 juillet 1973, p. 1190), ne seront pas
modifiées par les décrets d’application et resteront en vigueur. Restent, donc, provisoirement en vigueur
les dispositions relatives à la zone réservée de pêche instituée par la loi de 1973 par laquelle la Tunisie
avait étendu sa juridiction exclusive en matière de pêche jusqu’à 75 milles marins de la côte devant le
golfe de Gabès (la revendication de la Tunisie sur la zone de pêche remonte au décret du Bey du 26 juillet
1951, modifié par la loi n° 63-49 de 1963). Cette zone est délimitée sur la base d’un critère « bathymé-
trique » et est contestée par l’Italie. Sur ce point, voy. H. SLIM, « Observations sur la loi tunisienne du
27 juin 2005 relative à la Zone économique exclusive », Annuaire du Droit de la mer, 2005, pp. 223 et s. ;
G. CATALDI, « L’Italia e la delimitazione degli spazi marini. Osservazioni relative alla prassi recente di
estensione della giurisdizione costiera nel Mediterraneo », Rivista di diritto internazionale, 2004, pp. 621
et s. ; G. ANDREONE, « The legal regime of fisheries in the Mediterranean: some issues concerning Italy »,
Italian Yearbook of International Law, 2001, pp. 231 et s. ; F. CAFFIO, « La controversia con la Tunisia per
la zona di pesca. E’possibile una soluzione? », Rivista Marittima, 1999, pp. 29 et s. ; N. RONZITTI, « Le zone
di pesca nel Mediterraneo e la tutela degli interessi italiani », Rivista marittima (suppl.), 1999, pp. 21
et s. ; B. CONFORTI, « Problèmes spéciaux en matière de pêche dans la ZEE : point de vue italien », in D.
PHARAND / U. LEANZA (dir.), Le Plateau continental et la Zone économique exclusive, Dordrecht-Boston-
London, Nijoff, 1993, pp. 303 et s. ; T. SCOVAZZI, « La pesca nelle acque comprese tra Italia e Tunisia »,
Rivista di diritto internazionale, 1975, pp. 731 et s.
27. La création d’une zone de protection de la pêche s’étendant jusqu’à 62 milles à compter de la ligne
de la mer territoriale (elle atteint donc presque 150 milles au-delà de la côte, si l’on considère que le golfe
de Syrte relève des eaux intérieures) avait été effectuée par la Libye dans sa décision n° 37 du 24 février
2005 (Bulletin du droit de la mer, n° 58, 2005). La délimitation de cette zone est prévue par la décision
n° 105 du 21 juin 2005 (Bulletin du droit de la mer, n° 59, 2005). Cette décision de la Libye a été contestée
par Malte et par les pêcheurs italiens car elle réduit considérablement la zone de mer libre en Méditer-
ranée centrale. Le gouvernement de Malte a envoyé aux autorités libyennes une note verbale demandant
une clarification sur ce décret instituant une zone exclusive contraire aux droits historiques de pêche des
pêcheurs maltais et a proposé, sans succès, la suspension de l’application du décret, ainsi qu’une action
coordonnée pour la préservation des ressources halieutiques. La Libye a récemment transformé cette zone
de pêche en une ZEE – loi du 31 mai 2009 n° 260 – renvoyant la délimitation de la frontière à d’éventuels
accords avec les États voisins (Bulletin du droit de la mer, n° 72, 2010).
28. Il s’agit de la loi n° 10 du 26 juillet 2005 (Malta Law Gazette n° 17795 Supp.), qui reconnaît au
premier ministre le pouvoir d’étendre la zone au-delà de 25 milles marins et d’exercer les autres pouvoirs
prévus dans la ZEE (voy. les observations de J.G.GIMÉNEZ, op. cit, pp. 235 et s.).
29. Le gouvernement français a manifesté l’intention d’instituer une ZEE en Méditerranée. Cette
nouvelle a circulé sur le web en août 2009 mais, à l’heure actuelle et à notre connaissance, aucune démarche
officielle n’a suivi (« Le gouvernement français a décidé de décréter une ZEE en Méditerranée […] sur
le périmètre approximatif de 70 milles qui correspond à la zone de protection écologique que nous avons
déjà », déclarait Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie, <http://www.actu-environnement.com/ae/news/mer_
grenelle_zee_meditarrane_borloo_aire_marine_8120.php4>).
30. La pratique d’autres mers semi-fermées, telles la mer des Caraïbes ou la mer Noire confirme la
légitimité de cette institution en tant qu’acte unilatéral de chaque État. La doctrine ne prend pas parti
sur ce point (voy. N. RONZITTI, « Le zone di pesca nel Mediterraneo », op. cit., p. 3).
31. Sur la base de l’article 56, § 1er, de la convention de 1982, l’État côtier jouit dans la ZEE de droits
souverains sur toutes les ressources économiques, biologiques et minérales, existantes ou obtenues par
l’exploitation du sol, du sous-sol et de la colonne d’eau surjacente ; il a aussi juridiction en matière d’ins-
tallation d’îles artificielles, de recherche scientifique et de protection de l’environnement marin. Pour les
différences entre ZEE et zone de pêche, voy G. CATALDI, « La pêche dans les eaux soumises à la souveraineté
ou à la juridiction des États côtiers », in D. VIGNES / G. CATALDI / R. CASADO RAIGON, Le Droit international
de la pêche maritime, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 49 et s. ; J.P.QUENEUDEC, « Les rapports entre zone de
pêche et zone économique exclusive », German Yearbook of International Law, 1989, pp. 138 et s.
32. Il est largement accepté que les zones exclusives, qui prévoient des pouvoirs réduits par rapport à
la ZEE et respectent la limite spatiale des 200 milles marins à partir de la ligne de base, sont un minus par
rapport à la ZEE. Presque tous les auteurs ont justifié sur cette base les zones réduites méditerranéennes.
Sur le concept « qui peut le plus peut le moins », voy. A. DEL VECCHIO CAPOTOSTI, « In maiore stat minus:
a note on the EEZ and the zones of ecological protection in the Mediterranean sea », Ocean Development
and International Law, 2008, pp. 287 et s. et T. TREVES, « Les zones maritimes en Méditerranée : compa-
tibilité et incompatibilité avec la Convention sur le droit de la mer de 1982 », Revue de l’Indemer, Les zones
maritimes en Méditerranée, Actes du Colloque de Monaco, 4-6 octobre 2001, pp. 23 et s.
33. Il faut remarquer que les premières revendications d’exclusivité des pouvoirs des États côtiers sur
la colonne d’eau, au-delà de la mer territoriale, ont été formulées en matière de pêche et de préservation
du milieu marin. La première revendication unilatérale de protection de la pêche côtière est contenue
dans l’une des deux proclamations Truman, faites par les États Unies en 1945. Beaucoup plus tard, la
Cour internationale de Justice, dans l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries (Royaume Uni c.
Islande) du 25 juillet 1974, définit la zone de pêche comme une zone située au-delà de la mer territoriale
où l’État côtier peut exercer une compétence exclusive en matière de pêche. C’est après la consolidation
de l’institution de la ZEE sur le plan juridique international, c’est-à-dire bien avant l’entrée en vigueur
de la convention de 1982, que de nombreux États ont transformé leurs zones exclusives de pêche en ZEE.
Cette transformation a par exemple été effectuée par l’URSS en 1984, la Pologne en 1991, la Suède en
1993, l’Iran en 1993, l’Australie en 1994, le Canada en 1996, le Danemark en 1996 ou la Belgique en 1999.
Cela démontre que la zone de pêche s’est affirmée dans la pratique des États avant même la définition de
la ZEE dans la convention de 1982. Pour une reconstruction de l’histoire des revendications nationales en
matière de pêche, voy. D. VIGNES, « Les grandes étapes de la formation du droit international de la pêche »,
in D. VIGNES / G. CATALDI / R. CASADO RAIGON, op. cit., pp. 25 et s.
34. Le Tribunal arbitral institué par la France et le Canada pour régler la question du filetage dans
le golfe du Saint Laurent a considéré que les parties en cause étaient convaincues de l’équivalence des
est encore une zone maritime tout à fait nouvelle 35, dont le principe n’est pas
totalement indiscuté.
Cela dit, la proclamation de zones réduites, même d’un point de vue spatial,
par rapport à la ZEE est une pratique qui se développe dans d’autres mers 36. Elle
s’explique par l’existence de conditions géographiques ou politiques particulières 37,
qui incitent les États côtiers à limiter leurs prétentions, mais aussi, parfois, à
réduire leur prise en charge des obligations qui leur sont corrélatives. Ce dernier
point ne peut pas être négligé. Il en va particulièrement ainsi dès lors que l’évo-
lution de la pratique, singulièrement européenne, témoigne d’un souci manifeste
d’établir une corrélation entre l’exercice de pouvoirs exclusifs et le respect des
obligations qui en sont le corollaire. Il en va ainsi notamment dans le cas d’une
zone exclusive de pêche ou d’une zone écologique dans laquelle l’État côtier entend
exercer les pouvoirs indispensables pour organiser respectivement l’exploitation
des ressources de la pêche et la protection de l’environnement marin 38.
On sait que la convention de 1982 soumet à des règles différentes l’exercice de
droits souverains sur les ressources économiques (art. 56, § 1er, lettre a) et celui
des autres pouvoirs reconnus à l’État côtier (art. 56, § 1er, lettre b) dans la ZEE. Il
y a lieu dès lors de distinguer le régime juridique applicable respectivement à la
zone exclusive de pêche et à la zone écologique, et de s’interroger sur la nature des
pouvoirs que l’État côtier exerce dans ces zones. Les pouvoirs des États côtiers sont
prévus et réglementés dans la partie V de la convention de 1982 sur la ZEE pour
ce qui concerne l’exploitation et la conservation des ressources biologiques et dans
la partie XII pour ce qui concerne la préservation du milieu marin dans la ZEE.
Si les dispositions de la partie V sur la ZEE sont également applicables aux
zones de pêche 39, il s’ensuit que dans ces dernières les droits souverains d’exploi-
tation exclusive des ressources biologiques confèrent à l’État côtier le pouvoir de
réglementer la pêche assez discrétionnairement 40. En outre dans les zones de pêche
les États peuvent prendre toutes mesures pour faire respecter (enforce), par les
navires étrangers, les dispositions de sa législation sur la pêche et la conservation
des ressources, ce qui comprend notamment les mesures d’inspection, de saisie ou
d’introduction d’un recours judiciaire comme le prévoit l’article 73 de la convention
de 1982.
S’agissant des zones écologiques, on constate en revanche que la convention
de 1982 reconnaît à l’État cotier non point une juridiction exclusive en matière
concepts de ZEE et de zone de pêche (sentence du Tribunal du 17 juillet 1986). En ce qui concerne les
pouvoirs de l’État côtier en matière de pêche, prévus par l’article 56, § 1er, lettre a), l’expression « droits
souverains » ne doit pas être confondue avec la « souveraineté » que l’État exerce sur son territoire, mais
elle doit être entendue dans le sens que l’État côtier a seulement les pouvoirs « fonctionnels » nécessaires
pour l’exercice de son droit d’exploitation.
35. La première revendication d’une zone de protection environnementale au-delà de la mer territo-
riale est contenue dans la loi canadienne, Arctic Waters Pollution Prevention Act de 1970, par laquelle le
Canada réglementait, de façon unilatérale, la navigation et les autres activités sur tous les navires dans
une zone marine de 100 milles marins, afin de protéger l’environnement marin.
36. Voy. S. KVINIKHIDZE, « Contemporary Exclusive Fishery Zones or Why Some States Still Claim
an EFZ », International Journal of Marine and Coastal Law, 2008, pp. 271 et s.
37. À titre d’exemple, on rappelle la création par le gouvernement britannique d’une zone de protec-
tion marine (ZPM) autour de l’archipel des Chagos, sur lequel un différend concernant la souveraineté
est encore pendant entre le Royaume-Uni et Maurice. Sur le différend suscité par cette proclamation, voy.
I. PAPANICOLOPULU, « Mauritius v. United Kingdom : Submission of the dispute on the Marine Protected
Area around the Chagos Archipelago to Arbitration », EJIL talk, 11 février 2011.
38. Voy. T. TREVES, La Convenzione sul diritto del mare del 10 dicembre 1982, Milano, Giuffré, 1983,
p. 24.
39. Voy. L. LUCCHINI / M. VOELCKEL, Droit de la Mer, Tome 2, Volume 2, Navigation et Pêche, Paris,
Pedone, p. 463.
40. Voy. G. CATALDI, La pêche, op. cit., pp. 100 et s.
45. L’Algérie, qui a établi une zone de pêche réservée, a adopté plusieurs lois en matière de protection
de l’environnement marin et en matière de prévention des risques et des catastrophes maritimes, qui sont
applicables aux eaux sous juridiction algérienne. En particulier, la loi n° 03-10, du 19 juillet 2003, relative
à la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable, prévoit à son article 52 que
« sont interdits le déversement, l’immersion et l’incinération (dans les eaux maritimes sous juridiction
algérienne) de substances et matières susceptibles de porter atteinte à l’écosystème marin, de nuire aux
activités maritimes, de dégrader les valeurs d’agrément de la mer et des zones côtières et de porter atteinte
à leur potentiel touristique. La liste de substances et matières visées dans cet article est précisée par voie
réglementaire ».
46. Il nous semble que l’Espagne, qui a créé une zone de protection de pêche en soulignant, dans le
préambule de la loi de proclamation, le caractère protectionniste de sa zone exclusive, se considère autorisée
à exercer sa juridiction sur les navires en passage dans sa zone de pêche, s’il y a des risques pour l’intégrité
de l’environnement marin. En fait, on peut remarquer que, par le Real decreto 210/2004 du 6 février 2004,
l’Espagne a établi un système de réglementation et d’information du trafic maritime, par lequel elle prévoit
l’application dans l’ordre juridique interne des directives communautaires en matière de sécurité maritime,
ainsi que des lignes directrices formulées par l’Organisation maritime internationale en la matière. Le
décret est applicable dans les eaux soumises à la souveraineté et à la juridiction de l’Espagne, dans le but
d’augmenter la sécurité maritime. Par conséquent tous les capitaines et opérateurs des navires sont tenus
de respecter les conditions prévues par le décret dans les zones contrôlées par l’Espagne. Et encore, dans le
règlement n° 93 du 23 janvier 2008, qui complète la réglementation sur la sécurité du trafic maritime, on
fait référence au pouvoir des autorités maritimes espagnoles de visiter, faire inspecter, arrêter ou introduire
une instance judiciaire pour les navires qui affectent ou peuvent affecter l’environnement marin quand ils
se trouvent dans les eaux sur lesquelles l’Espagne exerce sa souveraineté ou sa juridiction.
47. Le choix français trouve officiellement sa raison d’être dans la nécessité de faire face aux risques
de dommages irréversibles causés par les décharges continues de substances polluantes en mer, ainsi qu’en
cas d’incidents de navigation.
48. De la lecture du texte de la loi n° 2003-346 (voy. supra, note 19), il ressort clairement que les
autorités françaises peuvent aussi exercer, dans la zone, les compétences en matière de recherche scienti-
fique, d’installation et d’utilisation d’îles artificielles ou autres ouvrages, et on ne peut pas exclure qu’elles
jouissent aussi des droits souverains d’exploitation exclusive des ressources non biologiques.
49. On peut citer le cas de l’accord sur la conservation des cétacés de la Mer Noire, de la Méditerranée
et de la zone atlantique adjacente (ACCOBAMS acronyme anglais), adopté à Monaco le 24 novembre 1996
et entré en vigueur le 1er juin 2001, lequel, à l’article 1er de l’annexe II sur le plan de conservation, prévoit
que « [l]es Parties au présent Accord adoptent les mesures législatives, réglementaires ou administratives
nécessaires pour assurer une pleine protection aux cétacés dans les eaux soumises à leur souveraineté et/
ou juridiction, et en dehors de ces eaux à l’égard de tout navire battant son pavillon ou immatriculé dans
son territoire, et impliqué dans des activités susceptibles d’affecter la conservation des cétacés » et spécifie
que parmi les actions qui doivent être entreprises par les États figure la réglementation sur « les déversements
en mer de substances polluantes susceptibles d’avoir des effets néfastes sur les cétacés » et que les parties
« adoptent, dans le cadre d’autres instruments juridiques appropriés, des normes plus strictes à l’égard de
ces substances ». On trouve un autre exemple significatif dans l’accord Pelagos instituant un sanctuaire
des mammifères marins en Méditerranée (voy. infra, IV, B), selon lequel les parties (France, Italie et
Monaco) doivent adopter, dans les eaux soumises à leur souveraineté et juridiction, des mesures internes
pour interdire les prises intentionnelles de mammifères marins et pour se conformer à la réglementation
internationale et communautaire concernant l’utilisation et la détention de l’engin de pêche dénommé
« filet maillant dérivant ».
50. En fait, le même discours, valable pour les règles internationales auxquelles la France est soumise,
peut être également fait à propos de toutes les dispositions du droit de l’Union européenne, applicables
dans les zones soumises à la juridiction des États membres, en matière de protection de la biodiversité
ou certaines espèces et en matière de gestion de la pêche quand elles présentent un risque pour l’envi-
ronnement. Comme on le verra dans les paragraphes suivants, l’Union a organisé une forte intégration
des politiques de pêche et de protection de l’environnement marin dans sa législation la plus récente. Sur
la sauvegarde de la biodiversité dans le cadre de la pêche, voy. F.J. CORREIRA CARDOSO, Le régime juri-
dique de la haute mer et la sauvegarde de la biodiversité dans le cadre des activités de pêche. Le contexte
international et l’approche de l’Union européenne, in R. CASADO RAIGÓN / G. CATALDI (ed.), L’évolution,
op. cit., pp.159 et s.
51. L’objet principal de l’intérêt français pour la zone écologique, comme il ressort des déclarations
faites en mai 2008 par le secrétaire d’État chargé de l’écologie dans sa réponse à la question parlementaire
n° 212, posée lors de la séance du Sénat le 6 mai 2008, demeure manifestement l’exercice du pouvoir de
rechercher, de constater et de réprimer au-delà des eaux territoriales les rejets illicites d’hydrocarbures et
de substances nocives commis par les navires. Selon les estimations du gouvernement français, le bilan de
quatre ans d’application des mesures répressives dans la zone est très positif, s’agissant soit de condam-
nations qui ont été prononcées à l’encontre des capitaines des navires pris en flagrant délit de rejet illicite,
soit de l’effet dissuasif qui a permis une réduction significative du nombre d’infractions constatées.
52. Voy. supra, note 20.
53. Voy. U. LEANZA, Institution, op. cit., pp. 260 et s. ; G. ANDREONE, « La zona. », op. cit., pp. 16 et s.
54. Affaire des pêcheries (Royaume Uni c. Norvège), arrêt du 18 décembre 1951, CIJ Recueil 1951,
pp. 116 ss.
55. CIJ Recueil 1969, pp. 44, § 78. Sur ce point, voy. N. ROS, « Les méthodes juridictionnelles de délimi-
tation maritime », in R. CASADO RAIGÓN / G. CATALDI (ed.), L’évolution et l’état actuel du droit international
de la mer. Mélanges offerts à Daniel Vignes, Bruylant, Bruxelles, 2009, pp. 797 et ss.
56. Affaire du Golfe du Maine, CIJ Recueil 1984, p. 292, § 90.
57. Voy. E. ORIHUELA CALATAYUD, « La limitación de los espacios marinos españoles », in J.M. SOBRINO
HEREDIA (dir), Mares y Océanos en un mundo en cambio: Tendencias jurídicas, actores y factores, Valencia,
2007, pp. 71 ss., et I. PAPANICOLOPULU, « A Note on Maritime Delimitation in a Multizonal Context : The
Case of the Mediterranean », Ocean Development and International Law, 2007, pp. 381 et s.
58. Ce problème peut se produire à propos de la zone de pêche tunisienne dont on a déjà traité supra
note 26. Voy. G. ANDREONE, « La zona. », op. cit., pp. 25 et s
59. Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, CIJ Recueil 2009, pp. 61 et ss.
60. Voy. le point 174 de la décision et G. ANDREONE, « Chronique de la jurisprudence », Annuaire du
Droit de la Mer, 2009, pp. 555 et s.
61. CIJ, arrêt du 16 mars 2001 dans l’affaire de la Délimitation maritime et des questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (fond), CIJ Recueil 2001, pp. 40 et ss. (voy. les pararagraphes 235 et s.). Voy. aussi
l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Libye c. Malte, CIJ Recueil 1985, pp. 25 ss.
62. Voy. encore l’affaire Qatar c. Bahreïn (§§ 179 et s). Dans le même sens voy. la deuxième décision
arbitrale rendue dans le différend entre l’Erythrée et le Yémen en 1999, dont le texte est publié sur le site
de la Cour permanente d’arbitrage.
63. Affaire Jan Mayen, CIJ Recueil 1993. Dans son opinion individuelle, le juge Weeeramantry a
affirmé en particulier que : « l’examen de telle ou telle autre manifestation de la pratique des États voit
sa portée fortement restreinte par le fait que les circonstances spéciales et les considérations politiques
sous-jacentes à un arrangement particulier entre deux pays restent souvent dans l’ombre à moins que les
parties elles-mêmes ne les consignent ou ne les fassent connaître. La présente affaire en est une bonne
illustration en ce qui concerne l’accord conclu par la Norvège avec l’Islande, car la Norvège reconnaît elle-
même l’existence de considérations politiques derrière cet arrangement » (§ 220). Dans son contre-mémoire
le gouvernement norvégien avait affirmé que l’accord par lequel on avait accordé à l’Islande une zone de
200 milles n’était qu’« une concession faite en faveur de l’Islande qui aboutit à une limite qui ne correspond
à aucune norme de délimitation équitable ». On pourrait, dans la même perspective, mentionner la procla-
mation faite par la Turquie d’une ZEE en mer Noire ; il est exclu qu’un tel effet d’estoppel puisse obliger
la Turquie à accepter nécessairement une extension de juridiction unilatérale de la part de la Grèce dans
la mer Egée. De même, comme on va le voir, on ne peut reconnaître aucun effet « extensif » à l’accord de
délimitation du plateau continental entre l’Italie et la Yougoslavie de 1968.
64. « La Cour considère que l’objet et le but de l’accord de 1965 étaient simplement de régler la ques-
tion de la délimitation dans le Skagerrak et une partie de la Mer du Nord, zone où le fond de la mer (à
l’exception de la ‘fosse norvégienne’) est entièrement constitué par un plateau continental d’une profondeur
inférieure à 200 mètres, et que rien ne porte à croire que les Parties aient envisagé la possibilité qu’un jour
une délimitation du plateau entre le Groenland et Jan Mayen pourrait être nécessaire, ou entendu rendre
leur accord applicable à une telle délimitation » (CIJ, affaire Jan Mayen, op. cit., § 27).
65. Le texte de la décision arbitrale est publié dans RGDIP, 1990, pp. 204 ss.
66. Voy. infra carte n° 2, p. 36. Sur ce point, voy. G. CATALDI, « L’Italia e la delimitazione degli spazi
marini », op. cit. Il faut signaler qu’une opportunité importante s’ouvre aujourd’hui à l’Italie et à la Tunisie
pour la révision de leurs frontières maritimes communes. Les deux États ont en fait déclaré des zones de
juridiction exclusive tout en renvoyant à de futurs décrets (et aux accords internationaux) la délimitation y
relative. Il est évident que l’Italie ne pourra jamais accepter en tant que ligne unique de délimitation « all
purposes » la ligne fixée à l’époque (accord du 20 août 1971) pour la délimitation du plateau continental ;
pour les raisons qui ont été signalées, la négociation devrait être reprise en vue de la recherche d’une
solution équitable, adoptée dans un esprit de coopération.
67. Sur la ligne unique, voy. L. LUCCHINI, « Plaidoyer pour une ligne unique de délimitation », in
R. CASADO RAIGÓN / G. CATALDI (dir.), L’évolution et l’état actuel du droit international de la mer. Mélanges
offerts à Daniel Vignes, op. cit., pp. 561 et s. ; I. PAPANICOLOPULU, « A Note… », op. cit., p. 387 ; id., Il confine
marino. Unità o pluralità ?, Milano, Giuffré, 2005 ; ODA, « Delimitation of a Single Maritime Boundary.
The Contribution of Equidistance to Geographical Equity in the Interrelated Domains of the Continental
Shelf and the Exclusive Economic Zone », in Il diritto internazionale al tempo della sua codificazione. Studi
in onore di Roberto Ago, Milano, Giuffré, 1987, pp. 349 et s.
68. Le texte de l’accord provisoire est reproduit dans le Bulletin du droit de la mer, 2003, pp. 41 ss.
Pour un commentaire, voy. L. SALVADOGO, « Le paragraphe 3 des articles 74 et 83 de la CMB : une contri-
bution à l’Accord sur les arrangements provisoires relatifs à la délimitation des frontières maritimes entre
la République tunisienne et la République algérienne démocratique et populaire », Annuaire du droit de
la mer, 2002, pp. 239 et s.
Grèce du 27 avril 2009, qui fut toutefois ultérieurement annulé par la Cour
constitutionnelle albanaise.
En application du principe de la solution équitable, il faut souligner que si l’Etat
intéressé n’a pas donné à une zone l’extension maximale qu’il eût pu lui donner,
l’autre Etat ne peut s’en prévaloir pour étendre sa propre zone au-delà de la ligne
médiane. Une attitude de self-restraint s’impose donc. La limite externe de la zone
de pêche algérienne s’arrête ainsi en deçà de la ligne médiane avec l’Espagne, et cela
n’autorise certainement pas celle-ci à en profiter en quelque sorte, ce qui d’ailleurs
n’est pas arrivé. Il faut plutôt relever que les États ont parfois conclu un accord sur la
limite de leurs zones respectives avant même de les avoir proclamées. Il en fut ainsi,
par exemple, lors de la conclusion de l’accord entre l’Égypte et Chypre sur la ZEE. La
conduite peut paraître étrange ; on voit mal toutefois qu’elle puisse être contestée,
dès lors que les États intéressés se sont concertés sur ce point dès le début.
La question de la délimitation dans la mer Adriatique, mer semi-fermée dans
une autre mer semi-fermée 69, est d’évidence d’une complexité particulière. Elle
constitue un problème à part, même à la lumière des revendications de la Slovénie.
État géographiquement défavorisé aux termes de l’article 70 de la convention de
1982, celle-ci a proclamé une zone de juridiction exclusive, coïncidant en partie
avec la zone croate, comportant soit des « zones de protection de la pêche » et
soit une « zone de protection écologique » 70. Il y a là des revendications, sans nul
doute excessives à certains égards, qui doivent être examinées à la lumière du
différend entre la Croatie et la Slovénie concernant la souveraineté sur la baie
de Piran et le droit revendiqué par la Slovénie à un « couloir », à l’intérieur des
eaux soumises à la juridiction croate, pour atteindre la haute mer 71. La Slovénie
revendique en effet la souveraineté sur la baie de Piran, qualifiée de baie histo-
rique, en application du principe de l’uti possidetis iuris, en faisant état de sa
gestion continue de la baie, assujettie au contrôle des autorités administratives
slovènes à l’époque de la République fédérale de Yougoslavie 72. Cette revendication
est contestée par la Croatie, qui soutient qu’on ne peut s’appuyer sur le principe
uti possidetis iuris pour les délimitations maritimes, à défaut de précédents en
la matière, et qu’il est légitime dès lors de prolonger en mer la limite terrestre,
ce qui conduit à réserver à chacun des deux États la moitié des eaux de la baie 73.
Les revendications slovènes sur la baie ne sont pas dépourvues de tout fondement,
même si leur « historicité » est à démontrer. Il reste néanmoins qu’il est plus diffi-
cile d’établir le bien-fondé du droit allégué à un « couloir » vers la haute mer, dès
lors que le droit – incontesté – de passage inoffensif dans les eaux territoriales
slovènes et italiennes suffit aux navires slovènes pour atteindre la haute mer
sans problème, indépendamment de la solution qui sera trouvée pour le différend
ayant pour objet la baie de Piran 74.
69. Voy. M. SERSIC, « The Adriatic Sea : Semi-enclosed Sea in a Semi-enclosed Sea », in G. CATALDI
(dir.), La Méditerranée, op. cit., pp. 329 et s.
70. Voy. supra, note 22.
71. Voy. infra, carte n° 3, p. 37.
72. Voy. en particulier les notes verbales du 30 août 2004 et du 15 avril 2005 adressées par la Slovénie
au Secrétaire général des Nations Unies, Bulletin du droit de la mer n° 56, p. 139, et n° 58, p. 20. Sur ce
point, voy. M.G. COHEN, « L’uti possidetis juris et les espaces maritimes », in Le procès international, Liber
amicorum Jean-Pierre Cot, Bruxelles, Bruylant 2009, pp. 155 et s.
73. Voy. en particulier la note verbale du 11 janvier 2005 adressée par la Croatie au Secrétaire général
des Nations Unies, Bulletin du droit de la mer, n° 57, p. 125.
74. Les deux États ont signé le 4 novembre 2009 à Stockholm un accord pour que le différend soit
tranché par un arbitrage. Sur cette question, voy. D. COMBA, Sentinelle du 15 novembre 2009. Le 6 juin
2010, un referendum en Slovénie a confirmé ce choix ; ce différend frontalier n’a dès lors plus de consé-
quences sur le processus d’adhésion de la Slovénie à l’Union européenne.
75. Des études scientifiques récentes dénoncent la détérioration et le déséquilibre biologique des eaux
de la Méditerranée, ainsi que l’absence d’une connaissance adéquate de la biodiversité de cette mer : voy.
F. BOERO, « Recent innovations in marine biology », Marine Ecology, 2009, pp. 1-12 ; J. ROBERTS, Marine
Environment Protection and Biodiversity Conservation – The application and future Development of the
IMO’s Particularly Sensitive Sea Area Concept, Berlin, Springer, 2007.
76. En fait, l’un des problèmes qui est apparu au cours de ces dernières années est la difficulté de créer
un dialogue entre les différents experts qui s’occupent de la Méditerranée, qu’ils soient biologistes marins,
économistes ou juristes. En outre, au sein même de la communauté scientifique, de vifs débats existent
sur l’adéquation des mesures techniques adoptées par les organisations internationales compétentes en
vue de réduire la pollution et la surexploitation des eaux. C’est pourquoi il faut mettre en évidence l’acti-
vité de l’UICN, qui a récemment donné impulsion à un groupe de travail composé d’experts de toutes les
disciplines et provenant de toutes les régions de la Méditerranée. Sur les observations du promoteur de ce
groupe de travail, voy. F. SIMARD, « Le scientifique, le juriste et la gestion : coopération et droit de la mer
en Méditerranée », Annuaire du Droit de la Mer, 2009, pp. 499 et s.
77. L’obligation générale de protéger et de préserver l’environnement marin, prévue à l’article 192
de la convention de 1982, est souvent interprétée comme une simple recommandation plutôt que comme
une véritable obligation juridique, en raison de la réglementation globale contenue dans la partie XII de la
convention, qui est entièrement consacrée à la préservation de l’environnement, et du caractère générique
du contenu de l’obligation elle-même. En effet, les dispositions de la convention de 1982 n’entendent pas
préciser de manière détaillée les obligations des États en la matière, mais bien au contraire elles renvoient
souvent expressément aux « règles et normes internationales généralement acceptées ». Les dispositions
de la convention ne constituent dès lors qu’un cadre général de référence à l’intérieur duquel doivent être
interprétées les obligations spécifiques découlant des conventions environnementales adoptées par les États
riverains de la Méditerranée. Sur ce point, voy. T. TREVES, « Codification du droit international et pratique
des États dans le droit de la mer », RCADI, 1990, pp. 171 et s. Sur les obligations générales de protection
du milieu marin, voy. H. DIPLA, « Préservation du milieu marin versus liberté de la navigation : la lutte
contre la pollution par les navires et les pouvoirs de l’État du port », Annuaire du Droit de la Mer, 2003,
pp. 302 et s. ; D. M. DZIDZORNU, « Coastal State Obligations and Powers Respecting EEZ Environmental
Protection Under Part XII of the UNCLOS : a Descriptive Analysis », Colorado Journal of International
Environmental Law and Policy, 1997, pp. 283 et s.
78. Le principal cadre régional de protection de l’environnement est le « système de Barcelone » (voy.
infra note 84). Sur l’importance et le rôle précurseur joué par ce système, voy. S. BOURAOUI, « Du droit médi-
terranéen de l’environnement comme dialogue possible entre l’Europe et le monde arabe ? », in M. PRIEUR
/ C. LAMBRECHTS, (eds,) Les hommes et l’environnement : quel droit pour le vingt-et-unième siècle ? Etudes
en hommages à Alexandre Kiss, Paris, Editions Frison-Roche, 1998, pp. 228 et s.
Il faut constater, en s’en réjouissant, qu’à l’heure actuelle, la plupart des États
riverains ont adopté des dispositions nationales pour protéger l’environnement
marin 79 et qu’ils ont, dans le même temps, lancé diverses formes de coopération
intergouvernementale 80. Récemment, la France a, en particulier, adopté une poli-
tique concrète d’enforcement dans sa zone écologique, ce qui est à l’origine de
poursuites judiciaires à l’égard de navires étrangers accusés de déversement de
substances nocives dans les eaux sous juridiction française 81. Cette action coercitive
a eu un effet dissuasif très bénéfique pour le milieu marin français, même si elle a
indirectement fragilisé la condition des eaux relevant de la juridiction de ses États
voisins lorsqu’ils n’ont pas (encore) pris de mesures de contrôle et de protection de
leur milieu marin 82.
En outre, et comme nous l’avons précédemment souligné, l’espace de la haute
mer s’est considérablement réduit et paraît appelé à disparaître. La coopération
internationale devrait dès lors avoir prochainement pour objectif d’harmoniser les
législations nationales et de mettre en place une plate-forme normative commune,
applicable aux aires marines nationales situées en-deçà ou au-delà de la mer terri-
toriale, dans une optique de protection intégrée et écosystémique de la mer.
79. Pour une étude des mesures prises par les États en matière de protection de l’environnement,
voy. V. L. GUTIERREZ CASTILLO, « La protection de l’environnement marin en Méditerranée : une attention
toute particulière aux mesures étatiques », in G. ANDREONE / A. CALIGIURI / G. CATALDI (dir), Emergences
environnementales en mer, en cours de publication.
80. Voy. S. IRHAI, « La préservation du milieu marin en Méditerranée extrême occidentale », Annuaire
du Droit de la Mer, 2009, pp. 269 et s.
81. En France, les poursuites judiciaires à l’égard des navires étrangers ont soulevé une série de
questions juridiques concernant les garanties processuelles pour les individus, prévues par la convention
de 1982 à sa partie XII. En particulier, dans deux jugements (affaires Trans Arctic et Fast Independence)
de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 5 mai 2009, l’article 228, § 1er, de la convention de
Montego Bay a été interprété comme énonçant une obligation, directement applicable, imposant à tous
les organes étatiques compétents de mettre fin à l’action publique engagée contre un navire étranger
responsable de pollution marine par rejet d’hydrocarbures dans la zone économique exclusive (ZEE),
lorsque cette violation a déjà fait l’objet d’un jugement définitif de l’État du pavillon. La Cour suprême
interprète l’article 228, § 1er, comme accordant une primauté absolue au pouvoir juridictionnel de l’État
du pavillon et le considère comme constituant une cause spéciale automatique d’extinction de l’action
publique. La Cour estime qu’il y a là une règle procédurale ayant pour effet d’empêcher le juge interne de
l’État côtier d’examiner au fond une décision définitive de l’État du pavillon et d’évaluer la capacité de cet
État à surveiller de manière adéquate la protection de l’environnement. Bien que des doutes puissent être
soulevés sur la légitimité de cette interprétation, force est de constater que ces deux arrêts sont appelés
à limiter considérablement le pouvoir coercitif de mise en application de la protection écologique dans la
ZEE. Pour une analyse de ces cas, voy. J.-P., COT, A propos de l’article 228 de la convention de Montego Bay.
Competence de l’Etat du pavillon et competence de l’Etat cotier en matière de repression des infractions pour
pollution illicite, in R. CASADO RAIGÓN / G. CATALDI (ed.), L’évolution, op. cit. pp.185 et s. et G. ANDREONE,
« Chronique », op. cit., pp. 558 et s.
82. L’enforcement écologique mis en place par la France a pour premier effet que les navires en circu-
lation dans la mer Tyrrhénienne décident de déverser les substances nocives juste avant d’entrer dans la
zone écologique française, soit dans des eaux qui sont plus proches des côtes italiennes. En tous les cas,
une protection partielle de la mer ne peut jamais qu’être très peu efficace.
83. Le plan d’action de la Méditerranée, faisant partie du programme pour les mers régionales du
PNUE, a été adopté le 4 février 1975 par une conférence intergouvernementale organisée par le PNUE,
et il prévoyait quatre objectifs principaux. Le troisième était intitulé Framework convention and related
protocols with their technical annexes for the protection of the Mediterranean environment. Le PAM a été
remplacé en 1995 par le PAM Phase II et renommé plan d’action pour la protection de l’environnement
marin et le développement durable des zones côtières de la Méditerranée. Voy. J. JUSTE RUIZ, « Le plan
d’action pour la Méditerranée vingt ans après: la révision des instruments de Barcelone », Espaces et
Ressources Maritimes, 1995, pp. 249 et s.
84. La convention de Barcelone pour la protection de la mer méditerranéenne contre la pollution a été
ouverte à la signature des États le 16 février 1976, et est entrée en vigueur le 12 février 1978. Elle a été
conçue comme une convention-cadre ou umbrella treaty qui a été ensuite complétée par divers protocoles
sectoriels. Voy. E. RAFTOPOULOS, The Barcelona Convention and Protocols, London, 1993. Après ledit
processus de révision, la nouvelle convention pour la protection de l’environnement marin et des zones
côtières de la Méditerranée a été adoptée le 10 juin 1995 à Barcelone et est entrée en vigueur le 9 juillet
2004. Pour l’analyse du processus de mise à jour du système de Barcelone, voy. T. SCOVAZZI, « The Devel-
opments Within the Barcelona System for the Protection of the Mediterranean Sea Against Pollution »,
Annuaire de Droit Maritime et Océanique, 2008, pp. 201 et s.
85. Grâce à ce processus de révision et à l’introduction de nouveaux protocoles spécifiques, sept
protocoles sont à ce jour en vigueur, à savoir : 1) le protocole relatif à la prévention de la pollution de la
mer Méditerranée par les opérations d’immersions effectuées par les navires et aéronefs, entré en vigueur
le 12 février 1978 ; 2) le protocole relatif à la coopération en matière de lutte contre la pollution de la mer
Méditerranée par les hydrocarbures et autres substances nuisibles en cas de situation critique, entré en
vigueur le 12 février 1978 ; 3) le protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution
d’origine tellurique, entré en vigueur le 17 juin 1983 et amendé en 1996 ; 4) le protocole relatif aux aires
spécialement protégées de la Méditerranée, entré en vigueur le 23 mars 1986, lequel a été remplacé par
le protocole relatif aux aires protégées et à la diversité biologique en Méditerranée, adopté le 24 novembre
1996 et entré en vigueur le 8 décembre 1999 (protocole ASPIM) ; 5) le protocole relatif à la protection de la
mer Méditerranée contre la pollution résultant de l’exploration et de l’exploitation du plateau continental,
du fond de la mer et de son sous-sol, entré en vigueur le 24 mars 2011 (protocole Offshore) ; 6) le protocole
relatif à la prévention de la pollution en mer Méditerranée par les mouvements transfrontières de déchets
dangereux et leur élimination, entré en vigueur le 18 janvier 2008 (protocole déchets dangereux) ; 7) le
protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée, adopté le 21 janvier 2008 et
entré en vigueur le 24 mars 2011 (protocole GIZCM)
86. Voy. la note précédente. Le protocole GIZCM est, à ce jour, ratifié seulement par l’Albanie, la
France, la Slovénie, l’Espagne, la Syrie et l’Union européenne. Pour une illustration approfondie, voy.
M. GAVOUNELI, « Mediterranean » op. cit., pp. 481 et s., et T. SCOVAZZI, « The 2008 Mediterranean Protocol
on Integrated Coastal Zone Management and the European Community » in A. DEL VECCHIO (a cura di),
La politica marittima comunitaria, 2009, Roma, Aracne, pp. 159 et s.
87. M. GAVOUNELI, « Mediterranean », op. cit., pp. 483 et s.
88. Ce nouveau protocole GIZCM, et les autres initiatives régionales plus récentes, ont été considérés
comme « new tools for environmental protection, challenging and perhaps redesigning in the process of
the traditional jurisdictional tenets of the law of the sea », voy. M. GAVOUNELI, « Mediterranean », op. cit.,
pp. 479 et s.
89. Voy. supra note 85. Le protocole ASPIM a été ratifié par 18 États. Voy. H. SLIM, Les aires spécia-
lement protégées en Méditerranée, Revue de l’Indemer, Les zones maritimes, op. cit., p. 121. Le texte du
protocole de Barcelone de 1995 a été reproduit dans l’Annuaire du Droit de la mer, 1997, p. 293.
94. À ce propos voy. A. VALLEGA, « Geographical coverage and effectiveness of the UNEP Convention
on Mediterranean », Ocean and Coastal Management, 1996, p. 209 et s.
95. Par exemple, le nombre des ratifications des protocoles offshore, déchets dangereux et GIZCM
est encore trop limité pour pouvoir garantir une protection réelle.
96. Il s’agit de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires de
1973, complétée par le protocole de 1978, lesquels ont été adoptés au sein de l’OMI. On rappelle que la
mer Méditerranée est désignée « zone spéciale » selon la définition des annexes à la convention MARPOL.
Pour une étude de cette désignation, voy. L. KHODJET EL KHIL, « Le statut de « zone spéciale » de la mer
Méditerranée selon l’annexe V de la Convention MARPOL prend effet », Annuaire du Droit de la Mer,
2009, pp. 426 et s.
97. La nouvelle stratégie maritime européenne sur la politique maritime intégrée fut pour la première
fois présentée dans le Livre Vert de 2006 Vers une politique maritime de l’Union : une vision européenne
des océans et des mers (COM/2006/0275) et ensuite dans la résolution du Parlement sur la politique
maritime intégrée pour l’Union européenne de 2009 (2009/C 279/E/06), avant d’être finalement adoptée
par la communication de la Commission COM (2007) 575, final Une politique maritime intégrée pour
l’Union européenne, le 10 octobre 2007. À ce jour, elle a suscité une directive-cadre sur la Stratégie pour
le milieu marin et quatre communications plus spécifiques. Celle qui concerne la Méditerranée est datée
du 11 septembre 2009 (COM (2009) 466 final, Vers une meilleure gouvernance de la Méditerranée. Pour un
commentaire sur la politique maritime européenne, voy. L. JUDA, « The European Union and the Marine
Strategy Framework Directive: Continuing the Development of the European Ocean Use Management »,
Ocean Development and International Law, 2010, pp. 34 et s.
98. Les deux premières phases de la législation communautaire en la matière, appelées Paquets Erika
I et II, ont introduit un nouveau système de prévention basé sur des mesures d’interdiction de circulation
pour les navires non conformes à la nouvelle législation, et sur le renforcement des contrôles portuaires et
des contrôles concernant la classification des navires, ainsi qu’un système communautaire de contrôle du
trafic maritime. Le Paquet Erika III est un ensemble de règles approuvé en mars 2009 qui ont introduit des
mesures plus sévères et plus sophistiquées dans le double but d’améliorer la prévention, d’une part et la
gestion de la phase postérieure à l’éventuel accident, de l’autre, soit la phase de la réduction des dommages
et de sanction des responsables. L’évolution que manifeste ce paquet tient surtout à l’augmentation des
contrôles sur l’état et la structure des navires, au renforcement des pouvoirs des États du pavillon et des
États du port et à la modification du système de suivi du trafic, comportant une réglementation plus efficace
en ce qui concerne le choix du lieu de refuge des navires en difficulté.
99. Dans le même moment, la décision-cadre 2005/667/JAI du Conseil a prévu de renforcer le système
pénal pour la répression de la pollution par les navires, en introduisant des normes plus détaillées en la
matière. Cette décision-cadre fut toutefois annulée par la Cour de Justice CE dans son arrêt du 23 octobre
2007 (affaire C-440/05) au motif que le législateur communautaire s’il peut imposer aux États membres
l’obligation d’introduire des sanctions pénales au cas où celles-ci constituent « une mesure indispensable
de lutte contre de graves dommages environnementaux », ne peut pas adopter des dispositions ayant pour
objet « le type et le niveau des sanctions pénales applicables », car cette détermination n’entre pas dans les
compétences de la Communauté européenne. La question controversée de la compétence communautaire
en matière pénale, exercée jusqu’ici seulement dans les secteurs de la protection de l’environnement et
de l’immigration illégale, semble dépassée par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui reconnaît à
l’Union européenne, en tant qu’institution et organisme de coopération intergouvernementale, un pouvoir
d’adopter des règles pénales (art.67.3 TFUE) lorsque cela est nécessaire pour la répression de crimes
transfrontaliers particulièrement graves (art.83.1 TFUE) et dans l’application concrète d’une politique de
l’Union (art.83.2 TFUE). Sur l’action de l’Union en la matière, voy. A. DEL VECCHIO, Protection et sécurité
dans les transports maritimes : les mesures de l’Union européenne, in J. M. SOBRINO HEREDIA (dir.), Sûreté
maritime et violence en mer, op. cit., pp. 357 et s. et Ph. GAUTIER, Applicabilité directe et droit de la mer,
in R. CASADO RAIGÓN / G. CATALDI (ed.), L’évolution, op. cit., pp. 372 et s.
100. Une partie de la doctrine internationaliste a souligné les risques graves que fait courir la position
unilatérale de l’Union européenne et de ses États membres consistant à préférer des mesures protection-
nistes de l’environnement marin même si elles affectent la liberté de navigation. Voy., en particulier, les
observations de B. OXMAN, « The Territorial Temptation : A Siren Song at Sea », AJIL, 2006, pp. 6 et s.
101. CJCE, 3 juin 2008, C-308/06, Intertanko.
102. Sur la possibilité, dans un pareil cas, d’invoquer le principe de précaution, en tant que principe
général de droit communautaire, pour faire prévaloir la législation européenne sur les traités internatio-
naux obligeant l’UE ou les États membres, voy. S. VEZZANI, « Pacta sunt servanda ? La sentenza della Corte
di giustizia nell’affare Intertanko e l’adattamento dell’ordinamento comunitario al diritto internazionale
pattizio », Studi sull’integrazione europea, 2009, pp. 197 et s.
MARPOL et par les autres instruments en vigueur, et qu’elle ne peut donc pas être
plus restrictive que celle-ci pour ce qui concerne les activités maritimes 103.
103. Selon la nouvelle directive 2009/123/EC, adoptée le 21 octobre 2009, qui modifie la directive
35/2009, l’obligation pour les États membres de recourir à la sanction pénale en cas de rejets illicites
subsiste néanmoins.
104. La Commission générale de la pêche en Méditerranée est composée de 24 membres, en ce
compris l’UE. On ne saurait nier que la CGPM représente le lieu préférentiel pour le débat scientifique
intergouvernemental en matière de pêche, ainsi que le plus grand centre de collecte d’informations et
d’étude sur les ressources et les politiques de pêche. Son apport à la formation de mesures contraignantes
de conservation demeure toutefois limité à certains secteurs et parfois consiste seulement à confirmer
des mesures déjà adoptées dans d’autres fora internationaux. En outre, la CGPM est entièrement sans
pouvoirs pour contraindre les États pour les pousser à respecter ses décisions obligatoires. Voy. N. FERRI,
« General Fisheries Commission for the Mediterranean », International Journal of Marine and Coastal
Law, 2009, pp.163 et s.
105. Il s’agit de l’accord aux fins de l’application de la convention des Nations Unies sur le droit de
la mer relative à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et des stocks des poissons grands
migrateurs, ouvert à la signature et à la ratification en décembre 1995 et entré en vigueur en décembre
2001 (dit aussi « accord de New York »). Les États riverains de la Méditerranée qui l’ont ratifié sont les
suivants : Chypre, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, Malte, Monaco, la Slovénie. L’UE est également
partie à cet accord.
106. On déjà mentionné supra au paragraphe III C) l’accord sur la conservation des cétacés de la mer
Noire et de la mer Méditerranée ainsi que de la zone atlantique adjacente (ACCOBAMS), adopté dans le
cadre de la convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage. Cet
accord ne va pas au-delà de la création d’une table de discussion et ne met en place aucune structure qui
puisse se substituer aux États dans l’adoption de certaines mesures de conservation.
107. La CICTA déploie son activité non seulement dans l’Atlantique mais aussi dans les mers adja-
centes, y compris la Méditerranée, et a pour objectif la conservation et la gestion de thonidés par une colla-
boration entre les parties contractantes permettant de maintenir les populations de thonidés à des niveaux
compatibles avec le total admissible de captures. En vue de réaliser les objectifs indiqués, la convention a
créé la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, autorisée à formuler
des recommandations qui deviennent contraignantes pour les parties six mois après leur notification, sous
réserve des objections présentées entre-temps. La Commission a institué à partir de 1995 un système de
quotas pour réglementer la pêche au thon rouge dans l’Atlantique et dans la Méditerranée ; depuis 1997, il
s’applique également aux États membres de l’Union européenne. Sur les conflits surgis au sein de celle-ci
en conséquence de l’application des quotas CICTA aux États membres, voy. G. ANDREONE, Les conflits de
pêche en Méditerranée, in G. CATALDI (ed), La Méditerranée, op. cit., pp.216 et s.
108. Ce n’est qu’à partir de 1979 que les pouvoirs exclusifs en matière de pêche ont été exercés plei-
nement par la Communauté européenne, ce qui a eu pour effet d’interdire aux États membres d’exercer
une compétence législative autonome dans ce secteur et d’assumer des obligations internationales à l’égard
des États tiers. Toutefois, la mise en application le contrôle des mesures demeurent de la compétence
principale de chaque État exerçant la juridiction sur ses propres navires. Sur les fondements juridiques et
sur l’évolution de la politique commune de la pêche, voy. F. LEITA / T SCOVAZZI, Il regime della pesca nella
Comunità economica europea, Milano, Giuffré, 1979 ; R.R. CHURCHILL, EEC Fisheries Law, Dordrecht,
1987, pp. 69 et s. ; A. DEL VECCHIO, « La politique commune de la pêche: axes de développement », in
Revue du Marché Unique Européen, 1995, pp. 27 et s. ; L. LUCCHINI / M. VOELCKEL, Droit, op. cit, pp. 590
et s. ; G. CATALDI, « Les principes généraux de la politique commune de la pêche à l’aube du troisième
millénaire », in G. CATALDI (ed), La Méditerranée, op. cit, pp. 413 et s.
109. Il s’agit des États suivants : Espagne, France, Italie, Slovénie, Grèce, Malte, Chypre.
110. Pour une évaluation de l’influence exercée par l’UE et ses États membres sur les États non
membres, qui pourrait restreindre l’exercice des pouvoirs reconnus à tous les États par la convention de
1982, voy. D. VIDAS, « The UN Convention on the Law of the Sea, the European Union and the Rule of
Law : What is going on in the Adriatic Sea ? », International Journal of Marine and Coastal Law, 2009, pp.
1 et s. La critique adressée à l’UE concerne sa réaction, attribuable surtout aux intérêts de l’Italie et de la
Slovénie, à la proclamation d’une zone mixte écologique et de pêche par la Croatie en 2004. Suite à cette
réaction politique assez forte qui aurait pu remettre en discussion sa future adhésion à l’UE, la Croatie a
dû suspendre deux fois – en 2004 et en 2008 – l’application de sa décision aux navires communautaires,
limitant donc l’application de la réserve de pêche aux navires non communautaires. Pour la suspension
adoptée par le Parlement croate en 2008, voy Annuaire du Droit de la Mer, 2007, p. 603.
111. Ces États sont tout d’abord poussés à modifier leur législation en matière de pêche, suivant le
modèle européen. La Croatie a par exemple incorporé dans son ordre juridique les dispositions de la PCP,
et la Turquie se prépare à incorporer l’acquis communautaire en matière de pêche.
112. C’est le cas du Maroc, le seul État méditerranéen à avoir conclu un accord de coopération en
matière de pêche avec l’UE en 1995 et qui l’a renégocié en 2007 dans le cadre de la nouvelle politique
de coopération de l’UE en la matière. Celle-ci est fondée sur le paiement d’une contrepartie financière
pour garantir aux pêcheurs communautaires la possibilité d’avoir accès aux ressources excédentaires
de pêche situées dans les eaux soumises à la souveraineté ou à la juridiction du Maroc cependant que
Rabat doit adopter une politique de pêche responsable, conforme à la législation européenne et aux actes
internationaux en matière de gestion rationnelle et de conservation des ressources. Pour un examen plus
approfondi de la nouvelle politique extérieure de pêche de l’UE et en particulier de l’accord UE/Maroc,
voy. S. IHRAI, « L’Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et
le Royaume du Maroc », Annuaire du Droit de la Mer, 2006 et G. ANDREONE, « La nouvelle génération des
accords de pêche conclus par la Communauté européenne avec les Pays tiers », Annuaire du Droit de la
Mer, 2007, pp. 326 et s.
113. Le règlement 1967/2006, du 21 décembre 2006, est entré en vigueur avec un rectificatif en mars
2007 (JOUE L 36/7, 8 février 2007). Il abroge le règlement précédent 1626/94 et modifie le règlement
2847/93 en matière de contrôle. Ce dernier règlement a été ensuite abrogé et remplacé par le règlement
1224/2009 du 20 novembre 2009. Pour une analyse critique des nouveautés introduites par le règlement
1967/2006, voy. R. CASADO RAIGON « La politique commune de la pêche en Méditerranée », Annuaire du
Droit de la Mer, 2007, pp. 349-373.
114. Les règlements instituant la politique commune de la pêche remontent à 1983 et ont été remplacés
par le règlement 3760/92 du 20 décembre 1992, modifié par le règlement 2371/2002 du 20 décembre 2002
introduisant l’actuelle politique commune de la pêche.
115. La lutte contre la pêche INN au sein de l’UE est organisée par les règlements 2005/ 2008 du
28 septembre 2008, 1006/2008 du 29 septembre 2008 et 1010/2009 du 22 octobre 2009. Pour un commen-
taire, voy. M. TSAMENYI / M. A. PALMA, « The European Council Regulation on Illegal, Unreported and
Unregulated Fishing : An International Fisheries Law Perspective », International Journal of Marine and
Coastal Law, 2010, pp. 5 et s.
116. Voy. A. REY ANEIROS / E.M. VAZQUEZ GOMEZ, L’Union européenne face à l’approche écosystémique
comme instrument de gestion en matière de pêche, in R. CASADO /G. CATALDI (a cura di), L’évolution, op. cit.,
pp. 735 et s.
117. La réforme de la PCP a été lancée par le Livre Vert du 22 avril 2009 et son entrée en vigueur
est prévue pour 2013. Il reste à savoir si la future PCP sera totalement applicable à la Méditerranée ou
si des dispositions spécifiques pour cette mer seront encore nécessaires.
118. La réglementation de base de la politique de contrôle européenne a été établie, tout d’abord, par
le règlement 2847 de 1993, enrichi ensuite par les dispositions et principes introduits par les nombreux
règlements adoptés au fil du temps, avant d’être récemment remplacé entièrement par le règlement
1224/2009 du 20 novembre 2009, entré en vigueur le 1er janvier 2010.
119. Il s’agit des recours présentés par la Commission au titre de l’article 226 CE (aujourd’hui article
258 TFUE) devant la Cour de Justice de la Communauté européenne (aujourd’hui Cour de Justice de
l’Union européenne).
par la France 120 et l’Italie 121, de la mise en œuvre des règles communautaires rela-
tives à la pêche en Méditerranée ; elles sont révélatrices des pratiques auxquelles
ont recours la plupart des États riverains 122.
Les condamnations infligées par la Cour et les justifications invoquées par les
États témoignent de la difficulté qu’éprouvent ceux-ci, même dans des contextes qui
ne sont pas identiques, à assurer le respect de certaines mesures de conservation.
Cela met en lumière la faiblesse d’un système bicéphale où les règles sont édictées
par les institutions communautaires, alors que leur mise en application, en ce
compris la phase d’application judiciaire, demeure entre les mains des États. Enfin,
il est évident que la législation européenne sur la pêche en Méditerranée, toute
nécessaire qu’elle soit pour préserver les ressources, excède sans doute la capacité
réelle des États de la mettre effectivement en œuvre, sachant qu’elle pénalise
en outre les pêcheurs européens par rapport à leurs concurrents qui ne sont pas
soumis à des restrictions comparables. Cela dit, c’est à la pratique d’application
du nouveau régime de contrôle qu’il appartiendra demain de vérifier si un système
plus efficace peut ou non être mis en œuvre ; dans l’immédiat, on ne peut que
constater, en s’en réjouissant, que l’UE a la ferme intention de faire usage, même
en Méditerranée, de tous les instruments législatifs ou judiciaires qui devraient
permettre de contraindre ses États membres à adopter des politiques nationales
plus strictes et plus respectueuses de la PCP, en ce compris le recours à de fortes
amendes 123.
120. Dans son arrêt du 5 mars 2009 Commission c. France (affaire relative au manquement d’État
pour l’utilisation des filets de pêche dénommés « thonnailles ») la Cour de Justice de l’Union européenne a
reconnu que la France a manqué à ses obligations communautaires pour ne pas avoir contrôlé, inspecté
et surveillé de façon satisfaisante le respect de l’interdiction d’utiliser certains filets maillants dérivants
dénommés « thonnailles » pour la capture du thon rouge en Méditerranée. La procédure précontentieuse,
commencée en 2003, se fondait sur la divergence d’interprétation entre la Commission et la France en ce qui
concerne la classification de la thonnaille comme filet maillant dérivant, interdit par les règlements 345/92
et 1239/98. La Cour a jugé que la thonnaille constituait un filet dérivant. La dérogation aux dispositions
communautaires accordée par les autorités françaises et leur tolérance envers les violations de l’interdiction
des thonnailles ont été jugées par la Cour contraires aux obligations communautaires de la France, même
si elles résultent d’une fausse interprétation de la définition de filet maillant dérivant.
121. Dans son arrêt du 29 octobre 2009, Commission c. Italie (affaire relative au manquement d’État en
matière de contrôle sur l’interdiction des filets maillants dérivants) statuant sur le manquement de l’Italie
à ses obligations communautaires relatives à l’interdiction de l’usage des filets maillants dérivants en
Méditerranée, la CJUE a essayé de régler une vieille question, qui était devenue en 1996 un différend
international (voir l’arrêt de la US Court of International Trade, dans l’affaire The Human Society of the
United States and others vs. Ron Brown, Secretary of Commerce, and Warren Christopher, Secretary of
State – Federal Supplement, vol 920, p. 178 ; cf. G. ANDREONE, Les conflits, op. cit., pp. 217 et s.). Lors de la
procédure en manquement, l’Italie n’a pu nier l’évidence des carences structurelles du système de contrôle
de l’activité de pêche en Italie, exercé presque exclusivement par les capitaineries des ports. La Cour a
conclu que, dans la période visée, le contrôle des activités de pêche par les autorités italiennes n’avait
pas été suffisamment garanti, et que l’Italie avait donc manqué à son obligation de mettre en place des
procédures administratives ou pénales efficaces pour sanctionner les responsables des infractions et pour
les priver des bénéfices économiques découlant de leurs activités illicites.
122. Sur cette jurisprudence, voy. G. ANDREONE, « Chronique », op. cit. pp. 562 et s.
123. On rappellera que la procédure, très peu utilisée, qui est prévue par l’article 228 CE (aujourd’hui
article 260 TFUE), en cas de non-respect d’un précédent arrêt en manquement de la Cour de Luxembourg,
qui prévoit la condamnation au paiement d’une amende, fut pour la première fois activée par la Commission
en matière de pêche en 2005, avec la condamnation de la France au paiement d’une somme très élevée
(environ 70 millions d’Euro). La France a été condamnée au paiement d’une amende pour ne pas avoir
respecté un précédent arrêt de la Cour constatant la violation des mesures techniques communautaires
pour la conservation des ressources de pêche prévues par les règlements 171/83 et 3094/86 dans l’Atlan-
tique nord oriental.
124. Il faut cependant préciser que, selon les données de l’agence européenne Frontex, seule une très
petite partie des personnes qui se trouvent irrégulièrement sur le territoire européen arrivent par mer,
la plupart d’entre elles arrivant par voie terrestre ou aérienne, souvent avec un visa de tourisme (voy. le
document Annual Risk Analysis 2011, du 15 mai 2011, disponible sur <www.frontex.europa.eu>).
125. Un exemple significatif est offert par la pratique de refoulement en mer, mise en œuvre par le
gouvernement italien de mai à octobre 2009, qui a fait l’objet de fortes contestations de la part des orga-
nisations internationales, gouvernementales et non, lesquelles ont mis en évidence plusieurs violations
des règles internationales. Sur cette question on renvoie, parmi les nombreuses contributions, à A. DEL
GUERCIO, « Respingimenti di migranti verso la Libia e obblighi dell’Italia in materia di rispetto dei diritti
umani », Gli Stranieri, n. 2/2010, pp. 73 et s. ; F. DE VITTOR, « Soccorso in mare e rimpatri in Libia: tra diritto
del mare e tutela internazionale dei diritti dell’uomo », Rivista di Diritto internazionale, 2009, pp. 800 et s. ;
A. LIGUORI, « I respingimenti in mare e il diritto internazionale », disponible sur le site <www.europeanri-
ghts.eu> ; F. SALERNO, « L’obbligo internazionale di non-refoulement dei richiedenti asilo », Diritti Umani
e Diritto Internazionale, 2010, pp. 487 et s. ; A. TERRASI, « I respingimenti in mare di migranti alla luce
della Convenzione europea dei diritti umani », ibidem, 2009, pp. 591 et s. ; S. TREVISANUT, « Immigrazione
clandestina via mare e cooperazione tra Italia e Libia dal punto di vista del diritto del mare », ibidem,
2009, pp. 609 s. Des pratiques de refoulement systématique des migrants et des demandeurs d’asile à la
frontière sont également mises en œuvre par l’Espagne et par la Grèce.
126. Voy. à cet égard S. TREVISANUT, op. cit., pp. 611 ss.
127. A cet égard, il faut prendre aussi en considération le protocole sur la prévention, la suppression
et la punition du trafic d’êtres humains, notamment des femmes et des enfants, adopté le 15 novembre
2000 et entré en vigueur le 29 septembre 2003, annexé à la convention de Palerme (2000), qui invite les
parties contractantes à introduire dans leurs ordres juridiques des lois visant à offrir un accueil tempo-
raire aux victimes du trafficking, en faisant montre d’une « appropriate consideration to humanitarian
and compassionate factors » (art. 7). Pour un examen du protocole, voy. G. MICHELINI, « I Protocolli delle
Nazioni Unite contro la tratta di persone e il traffico di migranti: breve guida ragionata », Diritto Immigra-
zione e Cittadinanza, 2002, pp. 37-47 ; V. MUNTARBHORN, Combating migrant smuggling and trafficking
in persons, especially women: the normative framework re-appraised, in T.A. ALEINIKOFF (ed.), Migration
Des pouvoirs plus importants sont attribués à l’État côtier pour la prévention
et la répression d’activités contraires à la réglementation en matière d’immigra-
tion dans les limites de la zone contiguë. Une proclamation ad hoc est toutefois
nécessaire pour qu’une telle zone existe ; force est de constater qu’à ce jour une
partie seulement des États riverains de la Méditerranée ont agi en ce sens, à savoir
l’Algérie, Chypre, l’Égypte, l’Espagne, la France, Malte, le Maroc, la Syrie et la
Tunisie. En Italie, on discute pour savoir s’il est possible de déduire l’existence d’une
zone contiguë de l’article 12, alinéa 9 bis, de la loi unique sur l’immigration 128.
Dans le cadre des activités de secours aux migrants et de lutte contre l’immi-
gration clandestine, c’est d’évidence la protection de la vie humaine en mer qui doit
primer. L’obligation coutumière de porter secours est codifiée à l’article 98 de la
convention de Montego Bay 129, et elle est aussi prévue par la convention internatio-
nale pour la sécurité en mer (SOLAS) de 1974 (article 33.1) et par la convention
SAR (Search and Rescue) de 1979. Dans le cadre de celle-ci, les États riverains de
la Méditerranée ont procédé à la détermination de leurs propres zones SAR, selon
les règles approuvées par l’OMI au cours de la conférence de Valence, en 1997 130.
Malte ne se conforme toutefois pas à ces règles ; en effet, elle a unilatéralement
établi une très vaste zone SAR, qui se superpose, au nord et à l’ouest, à celle qui
a été a établie par l’Italie, et en arrive même à couvrir les eaux territoriales des
îles italiennes de Lampedusa et Lampione, tout en touchant, à l’ouest, les eaux
territoriales de la Tunisie 131.
and International Legal Norms, La Haye, TMC Asser Press, 2003, pp. 151-166. Plus généralement, voy.
R. CASADO RAIGÓN, Trafic illicite des personnes et criminalité transnationale organisée, in J. M. SOBRINO
HEREDIA (dir.), Sûreté maritime et violence en mer, op. cit., pp. 3 et s.
128. Cette disposition prévoit que « [l]e navire italien chargé d’un service de police, qui rencontre
dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë un navire, à propos duquel il y a un motif sérieux de
croire qu’il se livre au transport illicite de migrants, peut l’arrêter, le soumettre à une inspection et, si l’on
trouve des éléments qui confirment l’implication du navire dans un tel trafic, le saisir en l’amenant dans un
port de l’État » (italiques ajoutés). La Cour de Cassation semble encline à admettre l’existence de la zone
contiguë italienne : dans son arrêt du 5 mai 2010 (Sect. I pénale, Kircaoglu Mehemet et Sinaga Mehemet,)
sur la base d’une argumentation a contrario, dès lors qu’elle déclare, par une affirmation surprenante, que
la zone contiguë n’est pas opposable à la Turquie, État qui n’a pas ratifié la convention de 1982, tout en
oubliant la nature coutumière de cet espace maritime. Sur ce point, voy. le commentaire de G. ANDREONE,
« Immigrazione clandestina, zona contigua e Cassazione italiana: il mistero si infittisce », Diritti umani e
diritto internazionale, 2010, pp. 183-188.
129. voy. aussi, à ce propos, la circulaire du comité pour la sécurité maritime de l’OMI, Interim
Measures for Combating Unsafe Practices Associated with the Trafficking or Transport of Migrants by
Sea, MCS.1/Circ.896/Rev.1, du 19 juin 2001, disponible sur <www.imo.org>. En doctrine, voy. la note de
F. LENZERINI, dans l’Italian Yearbook of International Law, vol. XIX, 2009, pp. 424 ss., qui commente la
décision du Tribunal d’Agrigento (Sect. I pénale), du 15 février 2010, Schmidt, Dachkevitch et Bierdel ;
F. VASSALLO PALEOLOGO, « Il caso Cap Anamur. Assolto l’intervento umanitario », Diritto, Immigrazione
e Cittadinanza, n. 2/2010, pp. 87 et ss. ; T. TREVES, « Codification », op. cit., pp. 9 et s., notamment p. 58 ;
S. TREVISANUT, op. cit., p. 615.
130. L’Italie a institué sa propre zone SAR par le D.P.R. 630/1994 et a ensuite conclu, au cours de la
conférence d’Ancône du 19 mai 2000, des Memorandums of Understanding (MOU) spécifiques de la coopé-
ration lors des opérations de recherche et secours avec la Slovénie, la Croatie, l’Albanie et la Grèce. Voy., à
cet égard, F. CAFFIO, Glossario di diritto del mare, III éd., mai 2007, disponible sur <www.difesa.it>.
131. Voy. infra, carte n° 6, p. 39. La situation qui en résulte donne lieu à des problèmes de coordination
entre les forces navales de ces pays dans le déroulement des opérations de sauvetage ; même Malte, qui
revendique cette vaste zone, admet qu’elle n’est pas en mesure d’intervenir dans toutes les situations
relevant de son ressort spatial. Une situation emblématique est celle du navire marchand Pinar, qui a
sauvé, le 16 avril 2009, dans le canal de Sicile, 154 migrants qui risquaient de se noyer. Quand il a secouru
les deux embarcations, le navire se trouvait dans les eaux soumises à la juridiction de Malte, mais les
autorités de La Valette, qui coordonnaient les opérations, ont ordonné au commandant de faire route vers
le port plus proche, à savoir Lampedusa (Italie), et non vers Malte. Le navire est donc resté à la limite
des eaux territoriales italiennes dans l’attente d’une autorisation. La question s’est résolue après un long
conflit de compétence entre l’Italie et Malte, qui s’attribuaient réciproquement la responsabilité de devoir
porter secours. D’après le gouvernement italien, qui invoquait les amendements apportés en 2004 aux
conventions SAR et SOLAS (voy. les résolutions MSC.153 (78) et MSC.155 (78) du 20 mai 2004 entrées en
vigueur en 2006), la responsabilité aurait dû être celle de l’État dans la zone SAR duquel avait été effectuée
l’interception, en l’espèce Malte ; celle-ci soulignait, par contre, qu’elle n’était pas liée par les amendements
susmentionnés, ayant exercé son droit d’opting-out (admis par les conventions SAR et SOLAS, voy. l’article.
8(b)(vii)(2) de la convention SOLAS et l’article III, par. 2 lettre h de la convention SAR) et que partant
la responsabilité était celle de l’État du port plus proche, en l’espèce l’Italie (sur l’affaire Pinar et sur les
incertitudes liées au lieu de débarquement après le secours, voy. F. De VITTOR, op. cit., pp. 801-804). La
question est indicative de la faiblesse du régime juridique en vigueur (même l’organisation Human Rights
Watch s’est exprimée dans ce sens dans son rapport de septembre 2009, Scacciati e schiacciati. L’Italia e il
respingimento di migranti e richiedenti asilo. La Libia e il maltrattamento di migranti e richiedenti asilo,
p. 46) qui ne suffit pas, à lui seul, à régler, en raison aussi de la marge de discrétion reconnue aux États,
les épineuses questions que soulèvent les flux de migrants par mer.
132. Certains cas sont exemplaires, qui ont notamment intéressé l’Italie, par suite de sa position
géographique. Par exemple, l’affaire où ont été impliqués le commandant et le second du navire de l’associa-
tion Cap Anamur, arrêtés en flagrant délit sous l’accusation de « complicitée aggravée dans l’immigration
clandestine » pour avoir sauvé et amené à Lampedusa, en juin 2004, trente-sept migrants de différentes
nationalités qui se trouvaient à bord d’un canot pneumatique à la dérive dans les eaux internationales,
entre la Libye et Lampedusa. Le procès à l’encontre des accusés s’est conclu le 7 octobre 2009 par un acquit-
tement « parce que le fait ne justifie pas une sanction pénale », du capitaine et du président de l’association,
et parce qu’il « [n’a] pas commis le fait », pour le second (Tribunal d’Agrigente, v. supra, note 129). Une
affaire analogue a concerné sept pêcheurs tunisiens qui, en août 2007, avaient sauvé en eaux interna-
tionales et amené à Lampedusa quarante-quatre migrants. Acquittés de l’accusation de complicité dans
une immigration clandestine, les commandants des deux navires impliqués ont toutefois été condamnés
par le Tribunal pour résistance à un officier public. Il ne manque pas d’épisodes analogues dans des zones
autres que la Méditerranée ; voy. à cet égard M. FORNARI, « Soccorso di profughi in mare e diritto di asilo:
questioni di diritto internazionale sollevate dalla vicenda della nave Tampa », La Comunità internazionale,
2002, pp. 61 et s., M. CROCK / B. SAUL / A. DASTYARI, Future seekers II: refugees and irregular migration
in Australia, Sidney, Federation Press, 2006, en ce qui concerne l’Océanie, et I. CASTROGIOVANNI, « Sul
refoulement dei profughi haitiani intercettati in acque internazionali », Rivista di diritto internazionale,
1994, pp. 1198 et s., s’agissant du continent américain.
133. Dans ces lignes directrices, on qualifie de place of safety le lieu où les opérations de sauvetage
peuvent être considérées comme conclues et où l’on peut garantir aux personnes sauvées non seulement
une première assistance (soins médicaux d’urgence, nourriture, hydratation), mais aussi la protection
contre le refoulement (voy. la résolution MSC. 167(78), Guidelines on the Treatment of the Persons Rescued
at Sea, adoptée le 20 mai 2004 par le Comité pour la sécurité en mer et les amendements aux conventions
SAR et SOLAS entrés en vigueur en 2006).
134. Face aux difficultés que même les amendements adoptés par l’OMI en 2004 n’ont pas réussi à
résoudre, l’Italie et l’Espagne ont proposé d’imposer, par une modification des lignes directrices, à l’État
dans la zone SAR duquel aurait été porté le secours, l’obligation d’accueillir les personnes sauvées. Voy.
le document Compulsory guidelines for the treatment of persons rescued at sea, Submitted by Spain and
Italy, FSI 17/15 janvier, du 13 février 2009.
Il est important de souligner qu’en matière d’immigration par mer les obliga-
tions qui s’imposent ne sont pas seulement celles qui découlent du droit interna-
tional de la mer, mais aussi toutes celles qui peuvent être déduites d’autres sources,
régulièrement applicables, telle la convention européenne des droits de l’homme
(CEDH). Bien que la Cour de Strasbourg ne se soit jusqu’à présent pas prononcée
sur la question des refoulements en mer 135, on estime en effet que cette convention
doit être reconnue applicable dans ce contexte, du moins si le bateau s’est trouvé
sous le contrôle effectif d’une partie à la convention 136.
S’agissant spécifiquement des opérations menées en haute mer, il faut rappeler
la décision Xhavara c. Italie et Albanie 137, rendue par la Cour européenne des droits
de l’homme. Celle-ci y précise que l’État est responsable des actes accomplis par
ses organes (notamment un navire de la marine militaire) dans le contexte spatial
précité et qu’elle ne subit aucune atténuation du seul fait d’accords comparables
à ceux qui ont été conclus entre les autorités italiennes et les autorités albanaises
à propos du contrôle de l’Adriatique. Les circonstances de l’espèce concernaient le
naufrage, le 28 mars 1997, du navire albanais Kates I Rades, qui avait été éperonné
par un navire de guerre italien, le Sibilla, ce qui avait causé la noyade de cent huit
personnes dans le canal d’Otrante 138.
Cette gestion des migrations, même par mer, est suivie avec attention par
l’Union européenne, laquelle, depuis 1999, est en principe compétente dans le
secteur « Visas, asile, immigrations et autres matières reliées avec la libre circu-
lation des personnes ». La construction d’un espace de liberté, sécurité et justice,
où serait garantie la libre circulation des personnes, rend nécessaire la mise en
œuvre de politiques particulières et la mise au point d’instruments de contrôle des
frontières pour lutter contre l’immigration irrégulière. Au nombre de ceux-ci figure
Frontex, agence européenne pour la gestion de la coopération active aux frontières
externes, qui a été instituée par le règlement 2007/2004/CE et est entrée en fonction
135. Il faut toutefois signaler qu’à l’heure où nous écrivons, est attendue la décision sur le recours
n° 27765/09 Hirsi et autres c. Italie, présenté par les migrants impliqués dans le premier refoulement
effectué par le pays défendeur vers la Libye après l’entrée en vigueur du traité d’amitié, de coopération et
de partenariat signé le 30 août 2008 entre la Libye et l’Italie.
136. En ce sens, F. DE VITTOR, op. cit. ; A. DEL GUERCIO, op. cit. ; A. FISCHER-LESCANO /T LÖHR. /
T. TOHIDIPUR, « Border Controls at Sea: Requirements under International Human Rights and Refugee
Law », International Journal of Refugee Law, 2009, pp. 256 et s. ; G. S. GOODWIN-GILL/ J. MC ADAM, The
Refugee in International Law, Oxford, Oxford University Press, 2007 ; A. LIGUORI, I respingimenti in mare,
op. cit. ; M. TONDINI, Fishers of Men? The Interception of Migrants in the Mediterranean Sea and Their
Forced Return to Libya, INEX Paper, octobre 2010, disponible sur <www.inexproject.eu> ; S. TREVISANUT,
« The Principle of Non-Refoulement at Sea and the Effectiveness of Asylum Protection », Max Planck
Yearbook of United Nations Law, vol. 12/2008, pp. 205-246. En effet, bien que la compétence ratione loci
de l’État soit essentiellement territoriale, la Cour de Strasbourg a admis que cette compétence peut être
étendue, « in exceptional cases », aux actes étatiques « performed, or producing effects, outside their terri-
tories », et en particulier aux « activities of its diplomatic or consular agents abroad and on board craft
and vessels registered in, or flying the flag of, that state » (CEDH [GC], Bankovic c. Belgique et autres,
requête n° 52207/99, décision du 12 décembre 2001, §§ 59, 67 et 73). Sur l’interprétation de la notion de
juridiction de la part des organes de Strasbourg, voy. P. DE SENA, La nozione di giurisdizione statale nei
trattati sui diritti dell’uomo, Turin, Giappichelli, 2002. En matière de contrôle sur un navire étranger, il
faut signaler que la Cour a récemment affirmé, dans l’arrêt Medvedyev et autres c. France (CEDH [GC],
requête n° 3394/03, arrêt du 29 mars 2010, § 67) que « compte tenu de l’existence d’un contrôle absolu et
exclusif exercé par la France, au moins de facto, sur le Winner et son équipage dès l’interception du navire,
de manière continue et ininterrompue, les requérants relevaient bien de la juridiction de la France au
sens de l’article 1 de la Convention ».
137. CEDH, Xhavara et autres c. Italia e Albania, requête n° 39473/98, décision du 20 septembre
1997. Voy. aussi Rigopoulos c. Espagne, requête n° 37388/97, décision du 12 janvier 1999.
138. Voy. E. LAGRANGE, « L’application de la Convention de Rome à des actes accomplis par les États
parties en dehors du territoire national », RGDIP, 2008, pp. 544-545 ; T. SCOVAZZI, Le norme di diritto inter-
nazionale sull’immigrazione illegale via mare con particolare riferimento ai rapporti tra Italia e Albania,
in A. DE GUTTRY / F. PAGANI (a cura di) La crisi albanese del 1997, Milan, Franco Angeli, 1999, p. 255.
en octobre 2005 139. Les opérations coordonnées par l’agence ont néanmoins suscité
dès le début de nombreuses perplexités, tant sous l’aspect du respect des droits
des personnes impliquées qu’en ce qui concerne des questions étroitement liées au
droit de la mer 140.
Les règles en vigueur pour l’agence Frontex prévoient que priorité pour le débar-
quement revient à l’État d’où est parti le navire ou à celui dont le navire a traversé
les eaux territoriales ou la région de recherche et secours. Si cela n’est pas possible,
il faudrait privilégier le débarquement dans l’État membre accueillant l’opération
Frontex, pourvu que soit ainsi garantie la sécurité des personnes sauvées. Beau-
coup de réserves ont été formulées à ce propos. Le fait d’avoir accordé priorité au
débarquement dans l’État dont le navire a traversé les eaux territoriales ou la zone
de recherche et secours a suscité de nombreuses difficultés, l’Italie et Malte devant
assumer la responsabilité principale à l’égard des migrants qui arrivent par mer
sans qu’aient été prévues des formes obligatoires de burden-sharing pour l’accueil
temporaire des migrants et pour l’examen des demandes de protection éventuelle-
ment présentées. La décision 2010/252/UE n’apporte pas de réponse claire à l’une
des questions les plus épineuses que soulèvent les débarquements par mer : quel
est l’État qui doit être tenu pour responsable des demandes d’asile présentées à la
suite de l’interception et du débarquement ? Le texte ne fournit aucune indication
à cet égard. La solution logique, au sens du règlement 343/2003 (dit Dublin II) 141,
paraît bien être néanmoins que cet État est celui auquel est rattaché le navire qui
a dirigé l’opération et qui a porté secours aux migrants, sauf à faire application des
dispositions contenues au chapitre III (« Hiérarchie des critères »), et notamment
ses articles 5-8, qui accordent priorité au critère du droit à l’unité de la famille 142.
La décision 2010/252/UE n’a pas été, par conséquent, bien accueillie par l’Italie
et par Malte ; l’une et l’autre ont souligné le fait que les orientations en matière
139. On renvoie aux informations disponibles sur le site web de l’agence <www.frontex.europa.eu>.
Sur l’agence Frontex et sur les perspectives de réforme, voy. G. ARIAS FERNANDEZ, Frontex and Illegal
Immigration in the European Union, in J. M. SOBRINO HEREDIA (dir.), Sûreté maritime et violence en mer,
op. cit., pp. 29 et s. ; E. DE CAPITANI / L. BARGIOTTI, « A Chronicle of a European Freedom Security and
Justice Space », octobre 2010, p. 21 et ss., disponible sur <www.europeanrights.eu> ; voy. aussi A. BALDAC-
CINI, « Extraterritorial Borders Control in the EU: the Role of Frontex in Operations at Sea », in B. RYAN /
V. MITSILEGAS (eds.), Extraterritorial Immigration Control, Leiden-Boston, Nijhoff, 2010, pp. 229 et ss.
140. A cet égard il est intéressant de lire la communication de la Commission au Conseil de l’Union
européenne du 30 novembre 2006: « Renforcer la gestion des frontières maritimes méridionales. Proposition
de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (CE) n. 2007/2004 du
Conseil instituant une Agence européenne pour la gestion de la coopération active aux frontières externes
des États membres de l’Union européenne (Frontex) » (COM (2010) 61 def.). En vue de fournir une solution
aux questions soulevées, une proposition de règlement – qui intégrerait le règlement 2007/2004/CE – a été
présentée, dont l’objectif principal est d’améliorer les capacités d’action de Frontex, de clarifier son cadre
juridique et de résoudre quelques problèmes spécifiques. Même le code des frontières Schengen, qui attribue
à l’agence Frontex la tâche de coordonner les activités de surveillance aux frontières externes, a subi des
modifications lors de l’adoption, le 26 avril 2010, de la décision du Conseil 2010/252/UE, qui impose, dans
la partie I de son annexe, des règles – contraignantes – pour les opérations aux frontières maritimes coor-
données par l’agence (Frontex, n.d.A.) et, dans la Partie II, des orientations – non contraignantes – pour
les situations de recherche et de secours et pour le débarquement dans le cadre d’opérations aux frontières
maritimes coordonnées par l’agence. Le 25 juin 2010, le Parlement européen a appelé la Cour de Justice
de l’UE à se prononcer sur la validité de cette décision, en lui demandant toutefois de « preserve the effects
of the measure until a new legislative act has been adopted ». Voy. Parlement européen c. Conseil de l’Union
européenne, C-355/10, JOUE, 11 septembre 2010. Sur la décision, voy. A. DEL GUERCIO, « Controllo delle
frontiere marittime nel rispetto dei diritti umani. Prime osservazioni sulla decisione che integra il Codice
delle frontiere Schengen », Diritti umani e diritto internazionale, 2011, pp. 193 et s.
141. Ce règlement établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État compétent pour
l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par le ressortissant d’un Etat
tiers. Voy. à cet égard S. PEERS / N. ROGERS, EU Immigration and Asylum Law, Leiden – Boston, Nijhoff,
2006, pp. 221-258.
142. À ce sujet, le troisième considérant du préambule de la décision 2010/252/UE, qui nous semble
important, rappelle que les États membres sont liés par les dispositions de l’acquis en matière d’asile.
VII. – CONCLUSIONS
143. En effet, la décision rappelle dans la partie I les obligations relatives aux droits de l’homme et
à la protection des réfugiés qu’il faut respecter au cours des opérations de surveillance, obligations qui
pèsent déjà sur les États membres de l’UE en vertu d’autres sources internationales, mais qui ont été
réaffirmées au début des règles contraignantes en tant que principes fondamentaux.
144. L’Espagne, dont l’initiative fut appuyée (peut-être inconsciemment) par la Commission de
l’Union, décida de créer une ZSC selon la directive 92/43/CEE (directive habitats-faune-flore) du 21 mai
1992, qui coïncidait largement avec les eaux territoriales de Gibraltar. Par une décision du 12 septembre
2008, la Commission adopta une liste nouvelle des ZSC pour la zone méditerranéenne, sur la base des
indications fournies par les États. Dans cette liste il y avait aussi l’Estrecho Oriental, zone maritime
espagnole destinée à la protection de la nature (JOUE, 13 février 2009). Le Royaume-Uni protesta, et
introduisit un recours devant la Cour de Luxembourg. Entre-temps, le commissaire à l’environnement a
tenté une médiation en proposant un plan commun de gestion entre les deux pays, qui fut repoussé par
le Royaume-Uni en décembre 2009. La controverse s’inscrit donc dans le différend plus large relatif à
la souveraineté sur Gibraltar, exercée par le Royaume-Uni en vertu du traité d’Utrecht de 1713, qui est
contestée par l’Espagne.
145. Voy. en particulier la note d’information de la Turquie du 2 mars 2004, dans le Bulletin du droit
de la mer, n° 54, p. 130, et la réponse du gouvernement de la République de Chypre, en date du 28 décembre
2004, ibidem, n° 57, pp. 126 s.
des négociations sur les délimitations et surtout les complications découlant d’un
manque de clarté dans les proclamations nationales. Il faut en outre rappeler que
les exigences de sécurité, qui sont communes à toute zone maritime, se font sentir
d’une manière bien plus marquée dans une mer semi-fermée, de grande importance
stratégique, comme l’est la Méditerranée. La réponse interne et internationale à
de telles exigences entraîne souvent des restrictions graves et inhabituelles à la
liberté de navigation 146.
Enfin, il ressort clairement de l’analyse de la pratique que la fragmentation et
l’incertitude de la politique nationale et internationale des États du bassin ont un
impact significatif sur la gestion de la Méditerranée ; elle explique des réponses
insuffisantes aux défis de la protection environnementale, aux exigences de la
conservation des ressources marines, et aux urgences humanitaires liées à l’immi-
gration par mer. La coopération dans la gestion et dans la protection de cette mer
semi-fermée constitue donc, une fois encore, la « grande absente ». Il faut dès lors
souhaiter que soit « normalisée » et coordonnée, dans le futur, l’adoption de zones
maritimes nationales, et que soient effectivement mis en œuvre les engagements
internationaux ratifiés.
146. Voy. E. PAPASTAVRIDIS, « The right of visit on the high seas in a theoretical perspective : Mare
Liberum versus Mare Clausum revisited », Leiden Journal of International Law, 2011, pp. 45-69 ; J. BEER-
GABEL, Preservation de l’environnement marin et passage des navires, in Le Passage, Indemer, Monaco,
Pedone, Paris, 2009, pp. 61 et s. et J.M. VAN DYKE, « The disappearing right to navigational freedom in
the exclusive economic zone », Marine Policy, 2005, pp.107-121.
Carte n° 4 : List and geographical situation of marine protected areas in the Mediter-
ranean (source : <http.www.rac-spa.org>)