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Processus M2
Processus M2
M2 Mathématiques
Jean-Christophe Breton
Université de Rennes 1
Octobre–Décembre 2020
I Processus stochastiques 1
1 Processus stochastiques 3
1.1 Loi d’un processus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Régularité des trajectoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.3 Convergence faible des lois de processus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.3.1 Rappels sur la convergence faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.3.2 Équitension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2 Processus gaussiens 17
2.1 Lois des processus gaussiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.2 Régularité gaussienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.3 Espace gaussien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.4 Exemples de processus gaussiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
3 Mouvement brownien 29
3.1 Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
3.2 Définition, premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.2.1 Propriétés immédiates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.3 Propriétés en loi du mouvement brownien . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.4 Propriétés trajectorielles du mouvement brownien . . . . . . . . . . . . . . 35
3.4.1 Loi du 0/1 de Blumenthal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.4.2 Conséquences trajectorielles de la loi du 0/1 de Blumenthal . . . . . 39
3.4.3 Régularité trajectorielle brownienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
3.5 Variation quadratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.6 Propriété de Markov forte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
3.6.1 Temps d’arrêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
3.6.2 Propriété de Markov . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.6.3 Principe de réflexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.7 Équation de la chaleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
3.7.1 Origine physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
3.7.2 Origine mathématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
i
ii Table des matières
II Martingales 55
4 Martingales en temps continu 57
4.1 Filtration et processus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
4.2 Filtrations et temps d’arrêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
4.3 Martingales en temps continu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
4.3.1 Définition, exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
4.3.2 Inégalités pour martingales en temps continu . . . . . . . . . . . . . 65
4.3.3 Régularisation de trajectoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
4.3.4 Théorèmes de convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
4.3.5 Théorème d’arrêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
4.4 Processus de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
5 Semimartingales continues 77
5.1 Processus à variation bornée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
5.1.1 Fonctions à variation finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
5.1.2 Intégrale de Stieltjes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
5.1.3 Extension de l’intégration de Stieltjes à R+ . . . . . . . . . . . . . . 81
5.1.4 Processus à variation finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
5.2 Martingales locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
5.3 Variation quadratique d’une martingale locale . . . . . . . . . . . . . . . . 87
5.4 Semimartingales continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Ces notes de cours ont pour but de présenter le mouvement brownien et l’intégration sto-
chastique. Elles sont principalement destinées aux étudiants du Master 2 00 Mathématiques
et applications00 de l’Université de Rennes 1. Ces notes ont plusieurs sources d’inspiration,
dont principalement [LG1] mais aussi les notes de cours [Gué], [EGK], [Mal]. Par ailleurs,
des références standards conseillées sur le sujet sont les livres [KS], [RY] (en anglais) et
[Gal], [CM] (en français).
Le contenu de ces notes est le suivant : On commence par quelques rappels gaussiens en
introduction. La notion générale de processus stochastique est présentée au Chapitre 1. Le
Chapitre 2 introduit la classe des processus gaussiens. Ces chapitres s’inspirent de [Dav] et
des références classiques sont [Bil2], [Kal].
Au Chapitre 3, on présente le mouvement brownien, processus stochastique central, dont
on discute de nombreuses propriétés.
Au Chapitre 4, on introduit la notion de martingale en temps continu. On revisite les prin-
cipales propriétés connues dans le cas des martingales discrètes.
La notion de semimartingale, essentielle dans la théorie de l’intégration stochastique, est
présentée au Chapitre 5.
Le Chapitre 6 est consacré à la construction des intégrales stochastiques et à ses principales
propriétés.
On achève ces notes avec la formule d’Itô dans le Chapitre 7. Ce résultat est essentiel et
constitue le point de départ du calcul stochastique qui est la suite natuelle de cours et pour
laquelle on renvoie à [JCB-stoch].
Les prérequis de ce cours sont des probabilités de base (des fondements des probabilités
aux conséquences de la LGN et du TCL – niveau L3) pour lesquelles on pourra consulter
[JCB-proba], les martingales en temps discret (niveau M1), voir [JCB-martingale].
iii
iv ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Rappels gaussiens
Dans ce chapitre, on rappelle les principaux résultats sur les variables aléatoires gaus-
siennes et sur les vecteurs aléatoires gaussiens. Ces rappels seront utiles pour généraliser le
cadre gaussien aux processus au Chapitre 2 et présenter la notion de processus gaussien.
Variables gaussiennes
Définition 0.1 Une variable aléatoire X suit la loi normale standard N (0, 1) si elle admet
pour densité
1
t ∈ R 7→ √ exp − t2 /2 .
2π
De façon générale, une variable aléatoire X suit la loi normale N (m, σ 2 ) (m ∈ R, σ 2 > 0)
si elle admet pour densité
(t − m)2
1
t ∈ R 7→ √ exp − .
2πσ 2 2σ 2
Si σ 2 = 0, la loi est dégénérée, la variable aléatoire X est constante égale à m. Sa loi est
une mesure de Dirac en m : PX = δm .
Proposition 0.1 Une variable aléatoire X ∼ N (m, σ 2 ) peut se voir comme la translatée et
la dilatée de X0 ∼ N (0, 1) par X = m + σX0 .
(2n)!
E X 2n = n σ 2n E X 2n+1 = 0.
et (1)
2 n!
v
vi ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Démonstration :[Esquisse] Centrer, réduire pour se ramener à X ∼ N (0, 1). Calculs simples
pour E[X], Var(X). Pour la fonction caractéristique, identifier les fonctions holomorphes
2
E[ezX ] et ez /2 pour z ∈ R et considérer z = ix. Pour les moments de tous ordres faire des
intégrations par parties successives.
ϕN1 +N2 (t) = ϕN1 (t)ϕN2 (t) = exp im1 t − σ12 t2 /2 exp im2 t − σ22 t2 /2
= exp i(m1 + m2 )t − (σ12 + σ22 )t2 /2 = ϕN (m1 +m2 ,σ12 +σ22 ) (t)
Proposition 0.5 Soit (Xn )n≥1 une suite de variables normales de loi N mn , σn2 .
1. La suite (Xn )n≥1 converge en loi ssi mn → m ∈ R et σn2 → σ 2 ∈ R+ . La loi limite
est alors N (m, σ 2 ).
2. Si la suite (Xn )n≥1 converge en probabilité vers X, la convergence a lieu dans tous
les espaces Lp , p < +∞.
vii
Comme ϕX est continue et ϕX (0) = 1, il existe t 6= 0 tel que |ϕX (t)| 6= 0. Pour ce t, en
2
prenant le module dans (3), on a exp(− σ2n t2 ) → |ϕX (t)|. On déduit alors que limn→+∞ σn2 =
− t22 ln |ϕX (t)| := σ 2 existe. Par suite, on a aussi
Supposons que (mn )n≥1 est non bornée. On construit alors une sous-suite mnk → +∞,
k → +∞ (ou −∞ ce qui mène à un raisonnement analogue). Alors pour tout η > 0,
1
P(X ≥ η) ≥ lim sup P(Xnk ≥ η) ≥
k→+∞ 2
puisque, pour k assez grand, P(Xnk ≥ η) ≥ P(Xnk ≥ mk ) = 1/2 (la moyenne mk étant
aussi la médiane). En faisant η → +∞, on a P(X = +∞) ≥ 1/2, ce qui est absurde car
P(X ∈ R) = limn→+∞ P(Xn ∈ R) = 1.
On a donc (mn )n≥1 bornée. Dès lors, si m et m0 sont deux valeurs d’adhérence de (mn )n≥1 ,
0
en passant à la limite sur les bonnes sous-suites, on doit avoir eimt = eim t pour tout t ∈ R,
ce qui exige m = m0 . Il y a donc unicité de la valeur d’adhérence, c’est à dire existence de
la limite m de mn .
Finalement, mn → m et σn → σ (n → +∞) et en passant à la limite dans (3), on a :
σ2
ϕX (t) = exp imt − t2
2
ce qui assure X ∼ N (m, σ 2 ).
2) On écrit Xn = σn Nn + mn avec Nn ∼ N (0, 1). Comme Xn converge en loi, les suites
(mn )n≥1 et (σn )n≥1 sont bornées d’après la partie 1). Par convexité pour q ≥ 1
Soit p ≥ 1, la suite |Xn − X|p converge vers 0 en probabilité et est uniformément intégrable
car bornée dans L2 (d’après ce qui précède avec q = 2p). Elle converge donc dans L1 vers
0, ce qui prouve 2) dans la Prop. 0.5.
Le caractère universel de la loi normale est illustré par le résultat suivant. Il montre que la
loi normale standard contrôle les fluctuations par rapport à leur moyenne des effets cumulés
d’un phénomène aléatoire répété avec des répétitions indépendantes.
Dans la suite, iid signifiera indépendant(e)s et identiquement distribué(e)s, c’est à dire
de même loi. Souvent, on notera aussi vaiid pour variables aléatoires indépendantes et
identiquement distribuées.
Théorème 0.1 (TCL) Soit (Xn )n≥1 une suite de variables aléatoires iid, d’espérance m et
de variance finie σ 2 > 0. Soit Sn = X1 + · · · + Xn la somme partielle. Alors
Sn − nm
√ =⇒ N (0, 1), n → +∞.
σ2n
Remarque 0.1 — Le TCL complète la loi des grands nombres : en effet, la LGN donne
Sn /n → m, c’est à dire
√ Sn − nm ≈ 0. Le TCL donne la vitesse de cette convergence
(en loi) : elle est en n. Noter que la convergence est presque sûre dans la LGN et
en loi (donc beaucoup plus faible) dans le TCL.
— La loi N (0, 1) apparaı̂t à la limite dans le TCL alors que les variables aléatoires Xi
sont de lois arbitraires (de carré intégrable) : ce résultat justifie le rôle universel de
la loi normale. Elle modélise les petites variations de n’importe quelle loi (avec un
moment d’ordre 2) par rapport à sa moyenne.
Sn0
t 0 t
ϕZn (t) = E exp it √ = E exp i √ Sn = ϕSn0 √
n n n
n
t t t
= ϕY1 √ . . . ϕYn √ = ϕ Y1 √
n n n
en utilisant ϕY1 +···+Yn = ϕY1 . . . ϕYn = ϕnY1 par indépendance et identique distribution des
variables aléatoires Yi .
Comme Y1 a un moment d’ordre 2, ϕY1 est dérivable 2 fois avec ϕY1 (0) = 1, ϕ0Y1 (0) =
iE[Y1 ] = 0 et ϕ00Y1 (0) = i2 E[Y12 ] = −1. La formule de Taylor à l’ordre 2 en 0 donne alors
x2 00 x2
ϕY1 (x) = ϕY1 (0) + xϕ0Y1 (0) 2
+ ϕY1 (0) + x (x) = 1 − + x2 (x)
2 2
ix
n !n n
t2 √ t2 √
t t 1
ϕZn (t) = ϕY1 √ = 1 − √ 2 + √ 2 (t/ n) = 1− + (1/ n)
n 2 n n 2n n
t2 √ t2 √
1 1
= exp n ln 1 − + (1/ n) = exp n − + (1/ n)
2n n 2n n
√
2
t
= exp − + (1/ n) .
2
(Noter que la fonction reste (·) dans ϕY1 est à valeurs complexes si bien qu’il est un peu
rapide de prendre directement le logarithme comme précédemment. Cependant l’argument
peut être précisé sans passer par la forme exponentielle avec les logarithmes ; on renvoie à
un (bon) cours de L3 ou de M1.) On a donc pour chaque t ∈ R,
Le théorème de Paul Lévy donne alors la convergence en loi de Zn vers N (0, 1), ce qui
prouve le TCL.
Remarque 0.2 En général, lorsque n est grand, on approxime la loi d’une somme de va-
riables aléatoires iid de L2 (Ω) par une loi normale grâce au TCL de la façon suivante : Soit
Sn = X1 + · · · + Xn la somme de variables aléatoires iid Xi avec σ 2 < +∞, on a d’après le
TCL
X1 + · · · + Xn − nE[X1 ]
√ =⇒ N (0, 1).
σ n
−nE[X1 ]
Quand n est grand, on approxime alors la loi de X1 +···+X√n
σ n
par celle de N ∼ N (0, 1).
Si bien que la loi de la somme Sn = X1 + · · · + Xn est approximée par celle de
√
nE[X1 ] + σ nN ∼ N nE[X1 ], σ 2 n .
Vecteurs gaussiens
On considère des vecteurs aléatoires dans Rn . Muni de son produit scalaire canonique,
Rn est un espace n
Pn euclidien. Pour deux vecteurs a = (a1 , . . . , an ), b = (b1 , . . . , bn ) ∈ R , on
note ha, bi = i=1 ai bi leur produit scalaire. On peut généraliser cette section à un espace
E euclidien (si dim(E) = n alors E ∼ Rn ).
En particulier, chaque marginale Xi suit une loi normale et a donc un moment d’ordre 2
fini. Les moments joints E[Xi Xj ], 1 ≤ i, j ≤ n, sont donc bien définis (par l’inégalité de
Cauchy-Schwarz) et on peut définir licitement la matrice de covariance :
La variable aléatoire ha, Xi suit donc la loi N ha, E[X]i, at Cov(X)a , sa fonction caracté-
ristique est donnée par
1 t 2
ϕha,Xi (x) = exp ixha, E[X]i − a Cov(X)a x .
2
xi
D’après la définition des fonctions caractéristiques d’une variable aléatoire et d’un vecteur
aléatoire
ϕX (x) = E eihx,Xi = ϕhx,Xi (1).
On en déduit :
Remarque 0.3 — La loi d’un vecteur gaussien est connue dès qu’on a le vecteur moyenne
E[X] et la matrice de covariance Cov(X).
— On parle du vecteur gaussien standard en dimension n lorsque E[X] = 0 et Cov(X) =
In . Sa fonction caractéristique se simplifie en
On retrouve que X1 ∼ N E[X 1 ], Var(X1 ) . Plus généralement, pour tout 1 ≤ i ≤ n,
on a Xi ∼ N E[Xi ], Var(Xi ) .
Comme pour les variables aléatoires gaussiennes, on peut se ramener à un vecteur gaussien
standard en centrant et en réduisant un vecteur gaussien quelconque non dégénéré. On a
en effet :
Proposition 0.7 Soit X ∼ N (m, K) un vecteur gaussien non dégénéré (ie. det K =
6 0)
avec m ∈ Rn et K sa matrice de covariance. Alors
√ −1
K (X − m) ∼ N (0, In ). (5)
xii ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Si X ∼ N (m, K) est dégénéré, c’est que le vecteur X vit dans un sous-espace vectoriel
strict de Rn . Il faut l’étudier dans ce sous-espace vectoriel.
Démonstration : Comme le vecteur X est non dégénéré, sa matrice√ de covariance K est
définie (c’est à dire inversible). Il existe donc une matrice A = K inversible telle que
K = AAt . (Par la méthode de Cholesky, A peut être choisie triangulaire inférieure.) Il est
√ −1
donc légitime d’utiliser K dans (5).
√
On montre maintenant que X e = K −1 (X − m) est gaussien, standard :
h i
ϕXe (x) = E exp(ihx, Xi) e
h √ −1 i
= E exp(ihx, K (X − m)i)
h √ −1 i
= E exp(ih( K )t x, X − mi)
h √ −1 t i √ −1 t
= E exp(ih( K ) x, Xi) × exp −ih( K ) x, mi
√ −1 √ −1
= ϕX ( K )t x × exp −ih( K )t x, mi
√ −1 t 1 √ −1 t √ −1 t √ −1
= exp ihm, ( K ) xi − h( K ) x, K( K ) xi × exp −ih( K )t x, mi
2
1 √ −1 t √ −1 t
= exp − h( K ) x, K( K ) xi
2
1 √ −1 √ −1 t 1 √ −1 √ √ t √ −1 t
= exp − hx, K K( K ) xi = exp − hx, K K( K) ( K ) xi
2 2
1 1 2
= exp − hx, xi = exp − kxk .
2 2
e ∼ N (0, In ).
On a donc bien X
Remarque 0.4 Comme pour les variables aléatoires normales, un vecteur aléatoire X ∼
N (m, K) avec K inversible peut se voir comme la translatée et dilatée du vecteur gaussien
standard N ∼ N (0, In ) : √
X ∼ KN + m.
Démonstration : Le sens direct est vrai quelque soit la loi de X et de Y et suit de E[XY ] =
E[X]E[Y ] lorsque X ⊥⊥ Y . Pour la réciproque, on sait que, lorsque (X, Y ) est un coupluie
xiii
Il est aisé de généraliser de la même façon le résultat pour des vecteurs. Attention, il faut
bien veiller à ce que, considérés ensemble, les vecteurs forment encore un vecteur gaussien,
sinon l’exemple ci-dessous montre que le résultat est faux (cf. aussi un autre exemple ci-
dessous).
Exemple 0.1 On considére une variable aléatoire X ∼ N (0, 1) et une seconde variable
aléatoire ε indépendante de X et telle que P(ε = 1) = P(ε = −1) = 1/2. Alors X1 =
X, X2 = εX sont deux variables aléatoire N (0, 1). De plus, Cov(X1 , X2 ) = E[X1 X2 ] =
E[ε]E[X 2 ] = 0. Cependant X1 et X2 ne sont évidemment pas indépendantes (par exemple
parce que |X1 | = |X2 |). Dans cet exemple, le couple (X1 , X2 ) n’est pas un vecteur gaussien
dans R2 bien que ses coordonnées soient des variables gaussiennes.
Proposition 0.9 Soit (X1 , . . . , Xn , Y1 , . . . , Yp ) un vecteur gaussien de dimension n + p. Les
deux vecteurs aléatoires X = (X1 , . . . , Xn ) et Y = (Y1 , . . . , Yp ) sont indépendants si et
seulement si toutes les covariances Cov(Xi , Yj ), 1 ≤ i ≤ n, 1 ≤ j ≤ p sont nulles.
Pour passer au cas général d’un vecteur gaussien X ∼ N (m, K) non dégénéré (ie. K =
Cov(X) inversible), on√ utilise la représentation donnée en (5) avec le vecteur gaussien réduit
N ∼ N (0, In ) : X ∼ KX0 + m. Cela permet d’utiliser la densité déjà justifiée dans la
proposition précédente : Soit A ∈ B(Rn )
√
P(X ∈ A) = P KX0 + m ∈ A
√ −1
= P X0 ∈ K (A − m)
exp(−kxk2 /2)
Z
= √ −1 dx
K (A−m) (2π)n/2
√ −1
exp(−k K (y − m)k2 /2)
Z
dy
= n/2
√
A (2π) det K
√
(avec le changement de variable y = Kx + m)
exp − h(x − m), K −1 (x − m)i/2
Z
= dx.
A ((2π)n det K)1/2
On a obtenu la forme générale de la densité d’un vecteur gaussien non dégénéré :
Proposition 0.11 La densité d’un vecteur gaussien X ∼ N (m, K) non dégénéré est
car la loi de X est symétrique : L(X) = L(−X). Puis, la variable X + Y est donnée par
X + X = 2X si |X| ≤ a
X +Y =
X −X =0 si |X| > a
= 2X1{|X|≤a} .
La fonction u(a) = E[X 2 1{|X|>a} ] tend vers 0 en +∞ par convergence dominée, est continue
et vaut E[X 2 ] = 1 en 0. Par le théorème des varleurs intermédiaires, il existe donc a ∈ R+
tel que u(a) = 1/2 et Cov(X, Y ) = 0. Pourtant, X et Y sont non indépendantes sinon la loi
du couple (X, Y ) serait
0 1 0
P(X,Y ) = PX ⊗ PY = N (0, 1) ⊗ N (0, 1) = N ,
0 0 1
qui est gaussienne, ce qui est faux. On a donc des variables aléatoires gaussiennes X et Y
non corrélées mais non indépendantes.
xvi ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Première partie
Processus stochastiques
1
Chapitre 1
Processus stochastiques
3
4 Chapitre 1. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Qt (A × R) = Qs (A).
Alors il existe une mesure de probabilité P sur RT , σ(Cyl) qui admet Q = {Qt1 ,...,tp :
t1 , . . . , tp ∈ T, p ∈ N∗ } pour famille de lois fini-dimensionnelles.
Comme les lois fini-dimensionnelles d’un processus X = (Xt )t∈T satisfont immédiatement
les relations de compatibilité, le théorème d’extension de Kolmogorov (Th. 1.1) permet
effectivement de considérer la loi PX d’un processus X sur RT , σ(Cyl) . De plus :
Proposition 1.1 La loi PX d’un processus stochastique X = (Xt )t∈T est entièrement carac-
térisée par ses lois fini-dimensionnelles L(Xt1 , . . . , Xtp ) : t1 , . . . , tp ∈ T, p ∈ N∗ .
Démonstration : Considérons deux processus X (1) et X (2) partageant les mêmes lois fini-
dimensionnelles.
Nous montrons que leur loi P1 := PX (1) et P2 := PX (2) sont égales sur
RT , σ(Cyl) .
Remarquons que l’ensemble Cyl des cylindres est un π-système (stable par intersection
finie : l’intersection de deux cylindres est encore un cylindre). Notons M = {A ∈ σ(Cyl) :
P1 (A) = P2 (A)}. Il s’agit d’une classe monotone (RT ∈ M ; M est stable par différence
1.1. Loi d’un processus 5
ensembliste, M est stable par réunion croissante) et M contient Cyl (puisque X (1) et X (2)
ont mêmes lois fini-dimensionnelles) : pour un cylindre C,
(1) (1) (2) (2)
P1 (C) = P Xt1 ∈ A1 , . . . , Xtp ∈ Ap = P Xt1 ∈ A1 , . . . , Xtp ∈ Ap = P2 (C).
Le théorème de classe monotone assure alors que σ(Cyl) ⊂ M, ce qui prouve la Prop. 1.1.
Il est facile de voir que pour deux processus stochastiques X et Y , les notions d’égalité des
lois de processus s’ordonnent logiquement de la façon suivante :
Les implications sont strictes, comme indiqué dans les exemples ci-dessous :
Pour t fixé, on a X(t, ω) = 0 et Y (t, ω) = 1{t} (ω). On a donc X(t, ω) = Y (t, ω) pour
tout ω 6= t, c’est à dire presque sûrement : les processus
X, Y sont versions l’un de
l’autre. Pourtant, P {ω : X(t, ω) = Y (t, ω), ∀t ∈ [0, 1]} = 0 : les processus X et Y
ne sont pas indistinguables.
6 Chapitre 1. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Dans l’exemple 2) ci-dessus, on observe que les trajectoires de X sont continues tandis que
celles de Y ne le sont pas. En fait, c’est ce qu’il manque pour avoir une réciproque :
Proposition 1.3 Soient T séparable (ie. T contient une partie dense dénombrable) et X, Y
modifications avec des trajectoires continues presque sûrement alors ils sont indistinguables.
Remarque 1.1 Si T ⊂ R alors on peut supposer seulement la continuité à droite ou à
gauche des trajectoires.
Démonstration : On choisit D une partie dénombrable dense dans T . Pour tout t ∈ D, on
a P(Xt = Yt ) = 1 et par dénombrabilité de D, l’ensemble A = {Xt = Yt : t ∈ D} ∈ F
est de probabilité 1. L’ensemble B = {X et Y sont à trajectoires continues} est aussi de
probabilité 1. Soit ω ∈ A∩B tel que t 7→ Xt (ω), t 7→ Yt (ω) sont continues. On a P(A∩B) = 1
et pour ω ∈ A ∩ B :
— si t ∈ D, on a Xt = Yt ;
— si t 6∈ D, il existe tn ∈ D avec tn → t, n → +∞. On a Xtn = Ytn (tn ∈ D, ω ∈ A)
et Xtn → Xt , Ytn → Yt (continuité des deux trajectoires pour ω ∈ B). On a donc
Xt = Yt sur A ∩ B.
Finalement pour ω ∈ A ∩ B : Xt = Yt pour tout t ∈ T ; ce qui signifie que X, Y sont des
processus indistinguables.
Exemple 1.2 (T P = N) Soit (Xn )n≥1 une suite de variables aléatoires indépendantes. On
considère Sn = ni=1 Xi le processus discret des sommes partielles. On parle de marche
aléatoire. Alors (Sn )n≥1 est un processus à accroissements indépendants. Si en plus les
variables aléatoires Xn , n ≥ 1, sont de même loi (les variables aléatoires sont iid), le
processus est à accroissements indépendants et stationnaires.
1.2. Régularité des trajectoires 7
Théorème 1.2 (Kolmogorov-Čentsov) Soit (Xt )t∈T un processus indexé par un intervalle
T de R et à valeurs dans (E, d) espace métrique complet. On suppose qu’il existe a, b, C > 0
vérifiant pour tout s, t ∈ T :
E d(Xt , Xs )a ≤ C|t − s|1+b .
(1.3)
ce qui est une condition légère sur la loi, caractérisée par toutes les loi fini-dimension-
nelles. En pratique, pour vérifier (1.3), il faut donc calculer des moments pour des
vecteurs de dimension 2.
— Quand (E, d) = (R, | · |), a priori, dans le théorème, a et b sont non liés. En réalité,
on peut toujours prendre a ≥ 1 + b. En effet, si a < 1 + b, alors (1.3) se réécrit
d(Xt , Xs ) a
E ≤ c|t − s|1+b−a
t−s
avec 1 + b − a > 0. En faisant s → t, la dérivée dans le sens La de (Xt )t∈T est
nulle et (Xt )t∈T est donc constant. Ce n’est donc pas très intéressant d’utiliser le
Théorème 1.2 dans un tel cas : puisque le processus initial est en fait constant, il
est évident qu’il est aussi continu.
— La condition b > 0 est essentielle : le processus de Poisson compensé (Πt − t)t≥0
fournit un contre-exemple quand b = 0. Soit Xt = Πt − t où (Πt )t≥0 est un pro-
cessus de Poisson (processus à accroissements indépendants, stationnaires avec des
marginales de loi de Poisson, cf. Section 4.4). On a
Πt ∼ P(t), E[Πt ] = t, Var(Πt ) = t,
soit pour X :
E |Xt − Xs |2 = Var Πt − Πs = Var Πt−s = t − s.
8 Chapitre 1. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Lemme 1.1 Pour tout γ ∈]0, b/a[, ps il existe une constante Cγ (ω) < +∞ telle que pour
tout s, t ∈ D :
d Xs , Xt ≤ Cγ (ω)|t − s|γ .
Preuve du lemme. Avec l’inégalité de Markov, l’hypothèse (1.3) du Théorème 1.2 entraı̂ne
que, pour a > 0 et s, t ∈ T , u > 0
Comme b − aγ > 0, on a
2n n
+∞ [
X
P d(X(i−1)2−n , Xi2−n ) ≥ 2−nγ < +∞
n=1 i=1
1.2. Régularité des trajectoires 9
et le lemme de Borel-Cantelli assure que presque sûrement il existe n0 (ω) ∈ N tel que dès
que n ≥ n0 (ω) pour tout i ∈ {1, . . . , 2n }, on a
A fortiori, ps
d(X(i−1)2−n , Xi2−n )
Kγ (ω) := sup sup < +∞
n≥1 1≤i≤2n 2−nγ
(pour n ≥ n0 (ω), le terme entre parenthèses est majoré par 1 par (1.4), et il y a un nombre
fini de terme n ≤ n0 (ω) : le supn≥1 ci-dessus est bien fini !).
On obtient alors le résultat du Lemme 1.1 avec
En effet, considérons s, t ∈ D avec s < t. Soit p ≥ 1 tel que 2−p−1 < t − s ≤ 2−p . Il existe
m ≥ 1 tel qu’on puisse écrire s, t ∈ D sous la forme :
+ 1 − 2−γ −pγ
2 1−γ
≤ Kγ (ω) 2
1 − 2−γ
≤ Cγ (ω)(t − s)γ
10 Chapitre 1. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
X
et (ω) = lim Xs (ω)
s→t
s∈D
sur l’ensemble presque sûr {ω ∈ Ω : Kγ (ω) < +∞} où s 7→ Xs (ω) est γ-höldérienne sur
D et on pose X et (ω) = x0 sur l’ensemble {ω ∈ Ω : K(ω) = +∞} négligeable où x0 est
un point fixé quelconque de E. Par construction, le processus X
e a alors des trajectoires
höldériennes d’exposant γ sur [0, 1].
Il reste à voir que X
e est bien une version de X. Or l’hypothèse (1.3) assure avec l’inégalité
de Markov :
E d(Xs , Xt )a |t − s|1+b
P d(Xs , Xt ) ≥ ε ≤ ≤ . (1.5)
εa εa
Ainsi, pour tout t ∈ T fixé,
P
Xs −→ Xt , s → t.
Comme par construction Xs → X et ps quand s → t, s ∈ D, on conclut que Xt = X et ps par
unicité ps de la limite en probabilité.
qui définit la topologie de la convergence uniforme. Il s’agit alors d’un espace de Banach.
Quand T = R+ (ou T borné), C(R+ , R) admet pour distance
+∞
X
2−n min kx − yk∞,n , 1 ,
d(x, y) = (1.7)
n=1
où on note kx − yk∞,n = sup |x(t) − y(t)|, x, y ∈ C(R+ , R),
t∈[0,n]
1.3. Convergence faible des lois de processus 11
Finalement d’après la Prop. 1.4, le processus X vu comme en (1.8) définit bien une variable
alátoire sur C(T, R) et PX est alors une loi sur C(T, R).
Nous utiliserons les formulations équivalentes suivantes de la convergence faible. Pour plus
de détails on renvoie à [Bil2].
Théorème 1.3 (Porte-manteau) Les assertions suivantes sont équivalentes quand n →
+∞ pour des variables aléatoires Xn à valeurs dans un espace métrique S.
1. Xn ⇒ X, ie. pour toute fonction f : S → R continue et bornée
lim E f (Xn ) = E f (X) .
n→+∞
Finalement,
on déduit
Finalement lim supn→+∞ P(Xn ∈ A) = P(X ∈ A) = lim inf n→+∞ P(Xn ∈ A) ce qui montre
limn→+∞ P(Xn ∈ A) = P(X ∈ A).
5)⇒ 3). Soit F fermé et Fε = {x ∈ S : d(x, F ) ≤ ε}. Comme les ensembles ∂Fε = {x ∈
S : d(X, F ) = ε} sont disjoints, on a X ∈
6 ∂Fε pour presque tout ε > 0. Pour un tel ε > 0,
d’après 5) on a
P(Xn ∈ F ) ≤ P(Xn ∈ Fε )
lim sup P(Xn ∈ F ) ≤ lim P(Xn ∈ Fε ) = P(X ∈ Fε )
n→+∞ n→+∞
T
ce qui prouve 3) car F = ε>0 Fε et P(X ∈ Fε ) → P(X ∈ F ), ε → 0 (convergence
monotone).
4)⇒ 1). Soit f ≥ 0 une fonction continue. Avec le lemme de Fatou, on a
Z +∞ Z +∞
E[f (X)] = P(f (X) > t)dt ≤ lim inf P(f (Xn ) > t)dt
0 0 n→+∞
Z +∞
≤ lim inf P(f (Xn ) > t)dt = lim inf E[f (Xn )]. (1.9)
n→+∞ 0 n→+∞
Le continuous mapping theorem montre que la convergence en loi se conserve par les
applications continues : de la même façon que si xn → x alors f (xn ) → f (x) quand f est
continue, le résultat reste vrai pour des variables (ou processus aléatoires) qui convergent
faiblement.
Démonstration : 1) Le premier point se justifie comme pour les variables aléatoires.
2) Le deuxième point est une conséquence facile du théorème porte-manteau (Th. 1.3) :
Soit F un ensemble fermé de S. Observons que f −1 (F ) ⊂ f −1 (F ) ∪ Df où Df désigne
l’ensemble des points de discontinuité de f . En effet, soit x ∈ f −1 (F ) limite d’une suite
(xn )n≥1 de f −1 (F ). Alors si f est continue en x, on a f (x) = limn→+∞ f (xn ) ∈ F car F
14 Chapitre 1. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
est fermé et f (xn ) ∈ F , sinon c’est que x ∈ Df . Par le théorème porte-manteau (Th. 1.3)
pour Xn ⇒ X, on a :
≤ P X ∈ f (F ) ≤ P X ∈ f −1 (F ) + P(X ∈ Df )
−1
= P X ∈ f −1 (F )
c’est à dire, encore par le théorème porte-manteau (Th. 1.3) : f (Xn ) =⇒ f (X).
3) Le troisième point est une conséquence du deuxième point avec l’application continue
Πt1 ...,tp : C(T, R) → Rp définie par Πt1 ...,tp (x) = (x(t1 ), . . . , x(tp )).
— Pour tout 0 < t1 < · · · < tp , avec Πt1 ,...,tp (y) = (y(t1 ), . . . , y(tp )) on a Πt1 ,...,tp (x) =
(0, . . . , 0) et pour n > 1/t1 aussi Πt1 ,...,tp (xn ) = (0, . . . 0), c’est à dire la convergence
des lois fini-dimensionnelles
Pn Π−1 −1
t1 ,...,tp ⇒ P Πt1 ,...,tp , n → +∞.
Pour éviter une telle pathologie, il faut une condition supplémentaire, c’est l’objet de la
section suivante.
1.3. Convergence faible des lois de processus 15
1.3.2 Équitension
L’équitension est la condition qui empêche la perte de masse probabiliste. C’est la condi-
tion qui avec la convergence des lois fini-dimensionnelles donnera la convergence faible, cf.
Théorème 1.6. On renvoie à [Bil2] pour plus de détails sur cette notion.
Définition 1.6 (Équitension) Soit (Pn )n≥1 une suite de mesures de probabilité sur un espace
métrique. La suite est dite équitendue si pour tout ε > 0, il existe un compact Kε tel que
pour tout n ≥ 1 on a Pn (Kε ) > 1 − ε.
En fait, l’équitension s’exprime aussi par une propriété de relative compacité (dans les bons
espaces métriques : ceux qui sont séparables et complets, ie. polonais).
Définition 1.7 (Relative compacité) Une suite de mesures (Pn )n≥1 est dite relativement
compacte si pour toute sous suite (n0 ) ⊂ N, il existe (n00 ) ⊂ (n0 ) telle que Pn00 converge
faiblement vers une mesure de probabilité.
Théorème 1.4 (Prohorov) Soit (Pn )n≥1 une suite de mesures dans un espace métrique sé-
parable complet. Alors (Pn )n≥1 est équitendue si et seulement si (Pn )n≥1 est relativement
compacte.
Théorème 1.5 Soit (Pn )n≥1 la suite des lois de processus Xn à trajectoires continues. On
suppose qu’il existe a, b, C > 0 tels que pour tout s, t ∈ [0, 1],
Théorème 1.6 Soit P (n) n≥1
une suite équitendue dans C(T, R) telle que les lois fini-
(n) (n)
dimensionnelles Pt1 ,...,tm convergent faiblement pour tout t1 , . . . , tp ∈ T : Pt1 ,...,tp =⇒ Pt1 ,...,tp .
Alors il existe P de lois fini-dimensionnelles Pt1 ,...,tp : t1 , . . . , tp ∈ T, p ∈ N∗ telle que
P (n) ⇒ P .
16 Chapitre 1. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
En fait, la vraie condition supplémentaire nécessaire dans le Th. 1.6 est la relative compacité
de la suite (Pn )n≥1 mais d’après le théorème de Prohorov (Th. 1.4), c’est équivalent à
l’équitension de la suite pour laquelle on dispose de critères explicites.
Démonstration : Pour montrer que P (n) ⇒ P , il suffit de voir que pour toute (n0 ) ⊂ N, il
00
existe (n00 ) ⊂ (n0 ) tel que P (n ) ⇒ P . R R
(n)
En effet, on montre qu’alors pour f continue bornée, R on (n)
a f dP
R → f dP . Si ce n’était
pas le cas, il existerait f continue bornée telle que f dP 6→ f dP , ie. il existerait ε > 0
et (n0 ) ⊂ (n) tels que Z Z
(n0)
f dP
− f dP > ε.
(1.10)
Or par l’équitension (en fait par relative compacité mais d’après le le théorème de Prohorov
00
(Th. 1.4), c’est équivalent), il existe (nR00 ) ⊂ (n0 ) tel que P (n ) ⇒ P . EnR particulier, d’après
00 R 00
le théorème porte-manteau(Th. 1.3) f dP (n ) → f dP . Comme f dP (n ) )n00 est une
R 0
suite extraite de f dP (n ) n0 , il y a une contradiction avec (1.10). La contradiction justifie
finalement la convergence cherchée.
Soit donc (n0 ) ⊂ (n) une sous-suite. Par équitension (relative compacité), il existe (n00 ) ⊂
00
(n0 ) et Q tels que P (n ) ⇒ Q. En particulier, la convergence des lois fini-dimensionnelles
(n00 ) (n)
exige que Pt1 ,...,tp ⇒ Qt1 ,...,tp . Mais par hypothèse Pt1 ,...,tp ⇒ Pt1 ,...,tp et donc en particu-
(n00 )
lier Pt1 ,...,tp ⇒ Pt1 ,...,tp . On doit donc avoir Qt1 ,...,tp = Pt1 ,...,tp , pour tout t1 , . . . , tp ∈ T . La
00
Prop. 1.1 assure alors P = Q. Finalement, P (n ) ⇒ P = Q ce qui conclut car la première
partie de la preuve.
Chapitre 2
Processus gaussiens
Dans ce chapitre, on commence par présenter la classe des processus gaussiens dont
on introduit d’abord la loi en Section 2.1. La régularité des trajectoires est considérée en
Section 2.2. La notion d’espace gaussien est décrite en Section 2.3. Enfin, on donne plusieurs
exemples de processus gaussiens en Section 2.4.
Il est connu que la loi d’un vecteur gaussien (Xt1 , . . . , Xtp ) est déterminée (par exemple via
sa fonction caractéristique) par le vecteur
moyenne mX = E[Xt1 ], . . . , E[Xtp ] et la matrice
de covariance ΣX = Cov(Xti , Xtj 1≤i,j≤p ). On comprend dès lors que toutes les lois fini-
dimensionnelles d’un processus gaussien (donc la loi du processus, cf. Prop. 1.1) est connue
dès qu’on se donne la fonction moyenne m(t) = E[Xt ] et l’opérateur de covariance K(s, t) =
Cov(Xs , Xt ). En effet, la loi fini-dimensionnelle de (Xt1 , . . . , Xtp ) est alors la loi gaussienne
N (mp , Kp ) de dimension p avec mp = (m(t1 ), . . . , m(tp )) et Kp = (K(ti , tj ))1≤i,j≤p . Les
fonctions m et K définissent donc toutes les lois fini-dimensionnelles de X et donc aussi sa
loi en tant que processus, cf. Prop. 1.1. Observons en plus que
— K est symétrique : K(s, t) = K(t, s) ;
17
18 Chapitre 2. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
— K est de type positif, ie. si c : T → R est une fonction à support fini alors :
!2
X X
c(s)c(t)K(s, t) = Var c(s)Xs ≥ 0. (2.1)
s,t∈T s∈T
On vérifie aisément que K est un opérateur réel symétrique K(t, s) = K(s, t) (car ν est
symétrique) et de type positif :
X Z X 2
c(s)c(t)K(s, t) = c(s)eius ν(du) ≥ 0.
s,t∈T s∈T
K(|t − s|). On en déduit aussitôt que le processus (centré) X associé à K par le théorème
précédent est stationnaire (au sens strict), c’est à dire pour tout choix de p ∈ N∗ et
t1 , . . . , tp ≥ 0, h ∈ R, on a
L
Xt1 +h , . . . , Xtp +h = Xt1 , . . . , Xtp .
Réciproquement, il est vrai aussi que si (Xt )t≥0 est un processus gaussien stationnaire,
continu dans L2 (ie. lims→t E[(Xt − Xs )2 ] = 0) la fonction de covariance de X est de la
forme (2.2) (théorème de Bochner). La mesure ν s’appelle la mesure spectrale du processus.
Elle véhicule beaucoup d’informations décrivant le processus. Par exemple, on a K(0) =
Var(Xt ) = ν(R).
ce qui justifie l’équivalence 1) ⇔ 2). Comme 3) ⇒ 1) est clair, on conclut avec 2) ⇒ 3) qui
vient de
K(t + h) = E Xt+h X0 = E (Xt+h − Xt )X0 + K(t)
avec par l’inégalité de Cauchy-Schwarz
q
E (Xt+h − Xt )X0 ≤ E (Xt+h − Xt )2 E[X02 ] = K(0)1/2 kXt+h − Xt k2 .
Au passage, on a utilisé que la stricte stationnarité d’un processus gaussien est équivalente
à la stationnarité faible :
Proposition 2.2 Un processus gaussien X est stationnaire ssi t 7→ E[Xt ] est constante et
K(s, t) = K(s − t) (on parle de stationnarité faible).
20 Chapitre 2. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Démonstration : Il est clair que ces conditions sont nécessaires, que le processus soit gaus-
sien ou pas : comme par stationnarité, on a L(Xt ) = L(Xs ) pour tout t, s, on a E[Xt ] =
E[Xs ] et donc la fonction moyenne est constante ; de même L(Xt , Xs ) = L(Xt+h , Xs+h ) pour
tout t, s, h, alors on a Cov(Xt , Xs ) = Cov(Xt+h , Xs+h ) et donc la covariance ne dépend que
de la différence t − s.
Elles sont suffisantes seulement dans le cas gaussien puisque dans ce cas, la loi est caracté-
risée par t 7→ E[Xt ] et par K(s, t). Il est facile alors de voir dans ce cas qu’une translation
dans les paramètres de temps ne modifie pas ces fonctions sous les hypothèses de la pro-
position donc pas non plus la loi.
(2m)!
E |Xt − Xs |2m ≤ C m m |t − s|mα .
2 m!
Comme cela est valable pour tout m ≥ 1, on choisit l’entier m tel que mα > 1. D’après le
Théorème 1.2 (Kolmogorov-Čentsov) avec
b mα − 1
b = mα − 1, a = 2m, et = ,
a 2m
il existe une version mα−1
2m
-höldérienne de X, pour tout m > 1/α. Comme limm→+∞ mα−1
2m
=
α
2
, il existe une version γ-höldérienne de X pour tout γ < α/2.
Finalement, les versions höldériennes pour des exposants γ 6= γ 0 coı̈ncident nécessairement
par indistinguabilité (Prop. 1.3).
2.3. Espace gaussien 21
Définition 2.2 (Espace gaussien) Un espace gaussien (centré) est un sous-espace fermé de
L2 (Ω, F, P) formé de variables gaussiennes centrées.
Par exemple, si X = (X1 , . . . , Xp ) est un vecteur gaussien centré dans Rp , alors Vect(X1 , . . . , Xp )
est un espace gaussien. (Vect(X1 , . . . , Xp ) est constitué des combinaisons linéaires d’un vec-
teur gaussien, elles sont donc gaussiennes).
Proposition 2.3 Si X = (Xt )t∈T est un processus gaussien, le sous-espace vectoriel fermé
de L2 (Ω, F, P) engendré par les variables aléatoires Xt , t ∈ T , est un espace gaussien,
appelé espace gaussien engendré par le processus X.
L2 (Ω,F ,P)
Démonstration : Le sous-espace vectoriel fermé Vect (Xt : t ∈ T ) est formé des
2
limites dans L (Ω, F, P) des combinaisons linéaires finies de marginales Xti de (Xt )t∈T .
Ces limites sont gaussiennes car
— comme (Xt )t∈T est gaussien, les combinaisons linéaires ni=1 ai Xti le sont aussi ;
P
— les limites L2 de variables gaussiennes sont gaussiennes, cf. Prop. 0.5.
Si H est un sous-ensemble de L2 (Ω, F, P), on note σ(H) la tribu engendrée par les variables
aléatoires Y ∈ H.
Théorème 2.3 Soit H un espace gaussien et soit {Hi , i ∈ I} une famille de sous-espaces
vectoriels de H. Alors les sous-espaces Hi , i ∈ I, sont orthogonaux dans L2 (Ω, F, P) si et
seulement si les tribus σ(Hi ), i ∈ I, sont indépendantes.
Ce résultat est une généralisation des Prop. 0.8 et 0.9 pour les variables et vecteurs gaus-
siens. Comme dans ces cas, il est crucial que les espaces Hi soient contenus tous dans un
même espace gaussien.
Démonstration : Si on suppose les tribus σ(Hi ), i ∈ I, indépendantes, alors pour i 6= j et
X ∈ Hi , Y ∈ Hj , on a
E[XY ] = E[X]E[Y ] = 0,
ce qui signifie que les espaces Hi sont deux à deux orthogonaux (le produit scalaire étant
donné dans ce contexte par la covariance : hX, Y i = E[XY ]).
Réciproquement, supposons les espaces Hi , i ∈ I, deux à deux orthogonaux. Par dé-
finition de l’indépendance d’une famille infinie de tribus, il suffit de montrer que pour
tous indices distincts i1 , . . . , ip ∈ I, les tribus σ(Hi1 ), . . . , σ(Hip ) sont indépendantes. Pour
cela, il suffit de montrer que, si Y11 , . . . , Yn11 ∈ Hi1 , . . . , Y1p , . . . , Ynpp ∈ Hip les vecteurs
(Y11 , . . . , Yn11 ), . . . , (Y1p , . . . , Ynpp ) sont indépendants. En effet, pour chaque j, les ensembles
22 Chapitre 2. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
de la forme {Y1j ∈ A1 , . . . , Ynjj ∈ Anj } forment une classe stable par intersection finie qui en-
gendre la tribu σ(Hj ), et on peut ensuite utiliser un argument classique de classe monotone.
Pour chaque j ∈ {1, . . . , p}, on considère Z1j , . . . , Zm j
j
une base orthonormée de Vect(Y1j , . . . , Ynjj ).
La matrice de covariance du vecteur
Z11 , . . . , Zm
1
, Z12 , . . . , Zm
2
, . . . , Z1p , . . . , Zm
p
1 2 p
est alors la matrice identité (car pour i 6= j E[Zli Zkj ] = 0 à cause de l’orthogonalité de Hi et
Hj , et pour i = j, c’est dû au choix de Zli , 1 ≤ l ≤ mi , base orthonormée de Hi ). Ce vecteur
est gaussien car ses composantes sont dans H, espace gaussien. D’après la Proposition 0.9,
les composantes sont indépendantes. On conclut alors que les vecteurs
Z11 , . . . , Zm
1
, . . . , Z1p , . . . , Zm
p
1 p
sont indépendants. Comme pour chaque j ∈ {1, . . . , p} le vecteur (Y1j , . . . , Ynj1 ) est une
combinaison linéaire des coordonnées de (Z1j , . . . , Zm j
1
), de manière équivalente les vecteurs
1
Z (y − p (X)2 )
K
Q(ω, B) = √ exp − dy
σ 2π B 2σ 2
Remarque 2.2 1. D’une manière générale, la loi conditionnelle d’une variable aléatoire
réelle X sachant une sous-tribu G est un noyau Q(ω, ·) G-mesurable, ie. une applica-
tion Q : Ω × B(R) → [0, 1] telle que
— pour tout ω, B 7→ Q(ω, B) est une mesure de probabilité sur (R, B(R)),
— pour tout B ∈ B(R), ω 7→ Q(ω, B) est G-mesurable,
2.4. Exemples de processus gaussiens 23
avec la propriété
P(X ∈ B|G) = Q(ω, B), ∀B ∈ B(R),
R
et plus généralement E[f (X)|G] = f (y) Q(ω, dy). La partie 2) du corollaire explique
alors que dans le cas gaussien, la loi conditionnelle
de X sachant la tribu σ(K) est
2
explicite, il s’agit de la loi N pK (X), σ .
2. En général, pour une variable aléatoire X dans L2 (Ω, F, P), l’espérance conditionnelle
est donné par une projection orthogonale, ie. E[X|σ(K)] = pL2 (Ω,σ(K),P) (X). Dans le
cadre gaussien, l’assertion 1) du corollaire montre que la projection orthogonale est
à faire directement sur l’espace K, bien plus petit que L2 (Ω, σ(K), P) où il faut en
général projeter.
3. L’assertion 1) porte aussi le principe de la régression linéaire. Par exemple, si (X1 , X2 , X3 )
est un vecteur gaussien, la meilleure approximation de X3 connaissant X1 et X2 s’écrit
λ1 X1 + λ2 X2 où λ1 et λ2 sont déterminés en disant que X3 − (λ1 X1 + λ2 X2 ) est or-
thogonal à Vect(X1 , X2 ).
où PY est la loi de Y qui est une loi N (0, σ 2 ) puisque Y est une variable gaussienne (cen-
trée) de variance σ 2 . (On a utilisé le fait général suivant : si Z est
R une variable aléatoire
G-mesurable et si Y est indépendante de G alors E[g(Y, Z)|G] = g(y, Z)PY (dy).) Le ré-
sultat annoncé en 2) découle aussitôt de la formule précédente.
Mouvement brownien
Soit T = R+ , le mouvement brownien (standard) (Bt )t≥0 est le processus gaussien
défini par E[Bt ] = 0 et K(s, t) = min(s, t) (et à trajectoires presque sûrement continues).
On l’appelle aussi processus de Wiener. Noter que RK(t, s) = min(t, s) est bien de type
positif au sens de (2.1) puisqu’en écrivant K(t, s) = R 1[0,t] (x)1[0,s] (x) dx, on a
X Z X Z X 2
c(s)c(t)K(s, t) = c(s)1[0,s] (x)c(t)1[0,t] (x) dx = c(t)1[0,t] (x) dx ≥ 0.
s,t∈T R s,t∈T R t∈T
24 Chapitre 2. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Propriétés immédiates
Pont Brownien
Soit T = [0, 1], le pont brownien (Bt◦ )t∈[0,1] est le processus gaussien centré défini par la
fonction de covariance K(s, t) = min(s, t) − st.
[Graphe typique des trajectoires.]
2.4. Exemples de processus gaussiens 25
Proposition 2.4 On peut définir directement un pont brownien B ◦ à partir d’un mouvement
brownien B par
Bt◦ = Bt − tB1 , t ≥ 0.
Démonstration : En effet, d’abord (Bt −tB1 )t∈[0,1] est gaussien, centré puis pour s, t ∈ [0, 1],
on a
Comme le processus (Bt − tB1 )t∈[0,1] est gaussien, centré avec la bonne covariance, il s’agit
d’un pont brownien.
Bt = Bt◦ + tN.
Exercice 2.1 Vérifier par un calcul de covariance qu’on définit ainsi un mouvement brow-
nien.
Propriétés immédiates
1. Bet◦ = B1−t◦
, t ≥ 0, définit encore un pont brownien. Le pont brownien est donc
symétrique en 0 et en 1 par retournement du temps.
2. (Bt◦ )t≥0 a des trajectoires ps holdériennes d’ordre γ pour tout γ ∈]0, 1/2[ mais ps non
dérivables.
L’argument est le même que pour le mouvement brownien avec E[(Bt◦ )2 ] = t − t2 .
3. Un pont brownien B ◦ est un mouvement brownien B conditionné à valoir 0 à la date
t = 1 (conditionnement singulier).
Processus d’Ornstein-Uhlenbeck
Soit T = R, le processus d’Ornstein-Uhlenbeck est le processus gaussien centré défini par
Ut = e−t/2 B(et )
où B est un mouvement brownien. On montre facilement que Ut ∼ N (0, 1) car Var(Ut ) = 1,
ce processus est donc stationnaire. Sa fonction de covariance est donnée par
K(s, t) = exp − |t − s|/2 .
26 Chapitre 2. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Elle ne dépend que de la différence (t − s), il s’agit bien d’un processus stationnaire de
fonction de covariance plus simplement donnée par K(t) = e−|t|/2 (exercice). Elle est donnée
du
sous forme intégrale (2.2) avec la mesure spectrale ν(du) = .
π(1 + u2 )
Brownien géométrique
Ce n’est pas un processus gaussien mais l’exponentiel d’un processus gaussien. Il s’agit de
Un tel processus modélise le cours d’un actif St soumis à un taux d’intérêt µ ≥ 0 et à une
volatilité σ > 0 et qui vaut x au temps 0.
On le trouve en supposant comme Samuelson qui l’a introduit que les rendements entre
deux périodes sont mesurés par les logarithmes des cours St .
Le bruit blanc est un processus gaussien (XA )A∈A indexé par l’ensemble des mesurables A
défini par E[XA ] = 0 et Cov(XA , XB ) = µ(A ∩ B).
Il faut appréhender le buit blanc comme une mesure aléatoire A 7→ XA (ω). Elle est
aléatoire car XA dépend de ω. On connaı̂t quand même la loi de X(A) ∼ N (0, µ(A)).
Attention cependant, un bruit blanc n’est pas une vraie mesure car A 7→ XA n’est pas
σ-additif.
2.4. Exemples de processus gaussiens 27
Propriétés immédiates
1. Pour H = 1/2, le mBf devient le mouvement brownien standard.
2. On a E |B H (t) − B H (s)|2 = |t − s|2H .
3. Autosimilarité : B H (t) = c−H B H (ct), t ≥ 0, définit encore un mBf d’indice H.
4. Les accroissements du mBf ne sont indépendants que lorsque H = 1/2 (c’est à dire
dans le cas du mouvement brownien).
Cas H = 1. On a E B H (t)B H (s) = st. On montre alors qu’il s’agit d’un processus
dégénéré de la forme B H (t) = tB H (1). Il s’agit en fait d’une droite aléatoire. (Dans ce cas,
la dépendance est très forte dans la trajectoire !)
Cas H = 0. On a
1 1/2 si s 6= t
E B H (t)B H (s) = |s|0 + |t|0 − |s − t|0 =
2 1 si s = t.
Dans le cas H = 0, on peut construire le mBf de la façon suivante : soit (Yt )t≥0 une suite de
variables aléatoires indépdendantes et Z une variable aléatoire indépendante de (Yt )t≥0 . On
√
les prend de loi Yt ∼ Z ∼ N (0, 1). Considérons alors Xt = (Yt +Z)/ 2. On montre facilement
que Xt a bien la covariance cherchée. On constate alors que les trajectoires de (Xt )t≥0 sont
complètement discontinues.
[Graphe typique des trajectoires.]
De façon générale, pour 0 < H < 1, les trajectoires du mBf (B H (t))t≥0 sont β-höldériennes
pour tout ordre β ∈]0, H[. Cela est dû au Théorème 2.2 de régularité des processus gaussiens
(Kolmogorov-Čentsov).
28 Chapitre 2. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Chapitre 3
Mouvement brownien
3.1 Historique
En 1827, la première description (heuristique) du mouvement brownien est due au bota-
niste écossais Robert Brown (qui lui a donc donné son nom). Il observe de fines particules
organiques en suspension dans un gaz ou un fluide et en décrit les mouvements particu-
lièrement erratiques, au point que plusieurs physiciens estiment ensuite pendant le 19ème
siècle que ce mouvement ne semble pas admettre de tangente. On ne pourrait donc pas
parler de vitesse, ni lui appliquer les lois classiques de la mécanique !
En 1900, la première approche mathématique du mouvement brownien est due au français
Louis Bachelier (dans sa Théorie de la spéculation). Il l’introduit pour modéliser la dyna-
mique des prix des actions à la bourse. Sa démarche sera cependant oubliée jusque vers les
années 1960.
29
30 Chapitre 3. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Dans le cadre déterministe, de nombreux phénomènes sont régis par des équations
différentielles (ou équations aux dérivées partielles). Pour les phénomènes modélisés par
un mouvement brownien, on s’attend à avoir des équations différentielles faisant interve-
nir le mouvement brownien. Malheureusement, ce processus a des trajectoires nulle part
dérivables (cf. Prop. 3.6 et Th. 3.1) et il n’est pas possible de considérer des équations diffé-
rentielles le faisant vraiment intervenir. Plutôt que de le dériver, on cherchera dans la suite,
à intégrer contre ce processus, ce qui permettra de contourner le problème en considérant
des équations intégrales (il est d’usage de se ramener à l’écriture symbolique de dérivées
et on parlera alors d’équation différentielle stochastique). Dans les prochains chapitres (cf.
Chapitre 6), on définit l’intégrale stochastique pour une large classe de processus (les semi-
martingales, cf. Chapitre 5). Si on se contente du cadre brownien (intégrale et équation
différentielle stochastique pour le mouvement brownien), on parle de calcul d’Itô. Dans ce
cadre simplifié, la contruction est plus directe. On pourra consulter les notes cours [Tud]
ou le livre [Gal] pour cette approche réservée au mouvement brownien.
3.2. Définition, premières propriétés 31
Dans ce chapitre, nous en donnons les principales propriétés (en loi en Section 3.3, tra-
jectorielles en Section 3.4, variation quadratique en Section 3.5) notamment les propriétés
de Markov faible et forte (Section 3.6). À la fin du chapitre en Section 3.7, nous explorons
les liens entre le mouvement brownien et l’équation de la chaleur, ce qui correspond à la
démarche d’Einstein pour appréhender le mouvement brownien.
K(s, t) = min(s, t) := s ∧ t.
Par le Théorème 2.1, il existe alors un processus gaussien centré de covariance K. Par
contre, il n’est pas immédiat que ce processus admette une version à trajectoires conti-
nues ps. Mais cela sera justifié en début de Section ?? avec le théorème de régularité de
Kolmogorov-Čentsov pour les processus gaussiens (Th. 2.2).
3) (Bt )t≥0 est un processus à accroissements indépendants. En effet soit 0 ≤ t1 < t2 < t3 <
t4 , on a
Cov Bt2 − Bt1 , Bt4 − Bt3 = E (Bt2 − Bt1 )(Bt4 − Bt3 )
= E Bt2 Bt4 − E Bt2 Bt3 − E Bt1 Bt4 + E Bt1 Bt3
= t2 − t2 − t1 + t1 = 0.
Les variables Bt2 − Bt1 et Bt4 − Bt3 sont donc non corrélées. Comme le vecteur (Bt2 −
Bt1 , Bt4 − Bt3 ) est gaussien, Bt2 − Bt1 et Bt4 − Bt3 sont indépendantes. On justifie de même
l’indépendance mutuelle de n accroissements, n ≥ 1.
4) Si s ≤ t, on a Bt − Bs ∼ Bt−s . En effet E[Bt − Bs ] = E[Bt ] − E[Bs ] = 0 et
Var(Bt − Bs ) = Cov(Bt − Bs , Bt − Bs )
= Cov(Bt , Bt ) − 2 Cov(Bt , Bs ) + Cov(Bs , Bs )
= t − 2s + s = t − s.
Définition 3.2 (Définition équivalente du mouvement brownien) Soit B = (Bt )t≥0 une
famille de variables aléatoires indéxées par le temps. On dit que B est un mouvement
brownien si c’est un processus à trajectoires continues tel que
i) pour tout t ≥ 0 : Bt ∼ N (0, t).
ii) pour tout 0 ≤ t1 ≤ t2 ≤ · · · ≤ tn , les variables aléatoires Bt1 , Bt2 − Bt1 , . . . Btn − Btn−1
sont indépendantes.
Preuve de l’équivalence. On sait déjà qu’un mB .’efini par la Déf. 3.1 vérifie i) et ii)
donc la déf. 3.2. Il reste à prouver la réciproque. En écrivant Bt = Bs + Bt − Bs pour
s ≤ t, par indépendance des accroissements, en utilisant la fonction caractéristique, on a :
ϕBt = ϕBs ϕBt −Bs . D’où
ϕBt −Bs (x) = ϕBt (x)ϕBs (x)−1 = exp(−tx2 /2) exp(sx2 /2) = exp(−(t − s)x2 /2) = ϕBt−s (x).
Les accroissements sont donc stationnaires, en particulier ils sont gaussiens. Comme les
accroissements sont indépendants, un vecteur d’accroissements (Bt1 , Bt2 − Bt1 , . . . Btn −
Btn−1 ) a pour loi la loi produit de ses lois marginales qui sont gaussiennes. Un vecteur
d’accroissements est donc gaussien. Mais comme (Bt1 , Bt2 , . . . , Btn ) est une transformation
linéaire de (Bt1 , Bt2 − Bt1 , . . . , Btn − Btn−1 ) cela reste gaussien. Les lois fini-dimensionnelles
étant gaussiennes, le processus est gaussien. Puis pour s ≤ t, on a
ce qui confirme que le processus défini par la définition alternative Déf. 3.2 est bien le
mouvement brownien (Déf. 3.1)
1
exp − x2 /2t dx.
P Bt ∈ [x, x + dx] = √
2πt
Définition 3.3 (Mouvement brownien avec dérive) On appelle encore mouvement brow-
nien issu de x, de dérive (ou drift) b et de coefficient de diffusion σ, le processus Xt =
x + σBt + µt (où B est un mouvement brownien standard).
Sauf mention contraire, par défaut, quand on parlera du mouvement brownien, il s’agira
du mouvement brownien standard B.
(c)
En effet : Bt est un processus gaussien car ses lois fini-dimensionnelles en sont de B ; le
processus est centré, à trajectoires continues (car B l’est) et de fonction de covariance
(c) h 1 1 i 1
E Bt Bs(c) = E √ Bct √ Bcs = min(ct, cs) = min(t, s).
c c c
Conséquence : Cette propriété montre que c fois Bt se comporte comme un mouvement
brownien lu en c2 t : le changement de temps se lit en espace (et réciproquement).
3) Inversion du temps. Le processus B e défini par Bet = tB1/t si t 6= 0 et B
e0 = 0 est un
mouvement brownien standard.
En effet, Be est gaussien car à nouveau ses lois fini-dimensionnelles sont des transformations
linéaires de celles de B ; le processus est centré et de covariance,
Cov B et , B
es = ts Cov B1/t , B1/s = ts min(1/t, 1/s) = min(t, s).
De plus, ses trajectoires sont continues sur ]0, +∞[ car celles de B le sont sur R+ . Il reste
s’assurer de la continuité des trajectoires de B
e en 0 et cela vient de
\[ \
P lim Bet = 0 = P |B
et | ≤ 1/n
t→0
n≥1 p≥1 t∈]0,1/p]∩Q
et )t>0 f=
dd
\[ \
= P |Bt | ≤ 1/n car (B (Bt )t>0
n≥1 p≥1 t∈]0,1/p]∩Q
= P lim Bt = 0 = 1.
t→0
La deuxième partie est due à l’indépendance des accroissements de B : Soit 0 ≤ s1 < · · · <
(t0 )
sn ≤ t0 , par indépendance des accroissements de B, B t = Bt+t0 − Bt0 est indépendant de
(Bs1 , Bs2 − Bs1 , . . . , Bsn − Bsn−1 ), donc par transformation linéaire de (Bs1 , . . . , Bsn ). Cela
(t0 ) (t0 )
est encore vrai pour tout vecteur de marginales de B . On a donc B indépendant de
{Bs1 ∈ A1 , . . . , Bsn ∈ An }, 0 ≤ s1 < · · · < sn ≤ t0 et A1 , . . . , An ∈ B(R). Comme il s’agit
(t0 )
d’un mesurable typique de FtB0 , on a B t ⊥ ⊥ FtB0 = σ(Bt : t ≤ t0 ).
De la même façon, on montre que pour t1 < t2 , Bt1 +t0 −Bt0 , Bt2 +t0 −Bt1 +t0 est indépendant
de FtB0 . Mais comme
(t0 ) (t0 )
B t1 , B t2 = Bt1 +t0 − Bt0 , Bt2 +t0 − Bt0
(t0 ) (t0 )
en est une image linéaire, cela reste donc vrai pour B t1 , B t2 et plus généralement pour
(t0 ) (t0 )
toutes les lois fini-dimensionnelles de B : B t t≥0 ⊥ ⊥ FtB0 .
Conséquence : le processus (Bt )t≥0 a donc le même comportement localement en 0 et en
t0 , donc en tout point.
Cette propriété se réécrit dans le cadre classique de la théorie de Markov : indépendance
du futur et du passé conditionnellement au présent : en notant Wx la loi du mouvement
brownien issu de x ∈ R, ie. de x+B où B est un mouvement brownien habituel, on réécrit :
Proposition 3.2 (Propriété de Markov faible) Soit t ≥ 0 fixé. Posons Bs0 = Bt+s , x ∈ R.
Alors conditionnellement à Bt = x, le processus B 0 est indépendant de σ(Bu : u ≤ t) = FtB
et a pour loi Wx .
(t) (t)
Démonstration : Pour cela, il suffit de remarquer que Bs0 = B s + Bt où B s = Bt+s − Bt
est un mouvement brownien indépendant de FtB et Bt est une variable FtB -mesurable.
Définition 3.4 (Filtration) Une filtration sur un espace de probabilité (Ω, F, P) est une
famille (Ft )t≥0 de sous-tribus telle que pour s ≤ t, on a Fs ⊂ Ft .
36 Chapitre 3. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
(On rappelle que A ∨ B = σ(A ∪ B).) La filtration (Ft )t≥0 est dite continue à droite (resp.
continue à gauche) si pour tout t, on a Ft = Ft+ (resp. Ft = Ft− ).
Dans la suite, on dira qu’une filtration satisfait les conditions habituelles si elle est complète
et continue à droite.
Corollaire 3.1 (Loi du 0/1 de Blumenthal) La tribu F0B+ est triviale, ie. pour tout A ∈
F0B+ , on a P(A) = 0 ou 1.
Remarque
W 3.2B — En fait, la filtration brownienne est aussi continue à gauche : FtB =
s<t Fs .
C’est le cas de toute filtration (FtX )t≥0 engendrée par un processus à trajectoires
continues à gauche. En effet, FtX est engendrée par les ensembles A = {(Xt1 , . . . , Xtp ) ∈
Γ} avec 0 = t1 < · · · < tp ≤ t et Γ ∈ B(Rp ). Lorsque tp < t alors A ∈ FtXp ⊂ FtX− .
Lorsque tp = t, comme Xt = limm→+∞ Xsm pour toute suite sm ∈ [0, t) avec sm % t,
on a A ∈ FtX− . Finalement, FtX− = FtX .
— Une filtration (Ft+ )t≥0 est toujours continue à droite.
— Attention : si X est à trajectoires continues, (FtX )t≥0 peut ne pas être continue à
droite, ni (FtX+ )t≥0 à gauche, cf. contre-exemples p. 89 et 122 dans [KS].
La suite (Xn )n≥1 est une suite de processus indépendants (par l’indépendance des accrois-
sements du mouvement brownien). On remarque que l’on peut retrouver la trajectoire
brownienne à partir des Xk , k ≥ n, par
+∞
X
B2−n +t = Xn (t) + Xn+k (2−n−k ), 0 ≤ t ≤ 2n
k=1
3.4. Propriétés trajectorielles du mouvement brownien 37
car B2−n → 0, n → +∞. Soit pour t > 0 et 2−p ≤ t < 2−p+1 , en écrivant t = 2−p + s,
s ∈ [0, 2−p ] (ie. p = [−t/ ln 2] + 1) :
X
Bt = B2−p +s = Xp (t − 2−p ) + Xk (2−k )
k>p
et comme F0B+ = n≥0 F2B−n , F0B+ est la tribu asymptotique engendrée par les processus
T
indépendants Xn . D’après la loi du 0/1 (classique) de Kolmogorov, F0B+ est alors triviale.
i’) Autre preuve de la loi de Blumenthal. Soient 0 < t1 < t2 < · · · < tk , g : Rk → R une
fonction continue bornée et aussi A ∈ F0B+ . Par continuité et convergence dominée, on a
E 1A g(Bt1 , . . . , Btk ) = lim E 1A g(Bt1 − Bε , . . . , Btk − Bε ) .
ε→0
Mais dès que ε < t1 , les variables aléatoires Bt1 − Bε , . . . , Btk − Bε sont T
indépendantes de
Fε (par la propriété de Markov simple) et donc aussi de la tribu F0+ (= ε>0 FεB ). Il vient
B B
E 1A g(Bt1 , . . . , Btk ) = lim P(A) E g(Bt1 − Bε , . . . , Btk − Bε )
ε→0
= P(A) E[g(Bt1 , . . . , Btk )].
On a donc F0B+ ⊥ ⊥ σ(Bt1 , . . . , Btk ). Comme c’est vrai pour tout 0 < t1 < · · · < tk , on a
aussi F0B+ ⊥
⊥ σ(Bt , t > 0). Puis B0 étant la limite simple de Bt (continuité de t 7→ Bt en
0), on a σ(Bt , t ≥ 0) = σ(Bt , t > 0) et F0B+ ⊂ σ(Bt , t ≥ 0), si bien que F0B+ ⊥
⊥ F0B+ , ce qui
assure que F0B+ est triviale.
ii) Continuité à droite de la filtration brownienne (Prop. 3.3).
(B) (B) (B)
Pour t ≥ 0 fixé, on montre Ft+ = Ft en prouvant que toute variable aléatoire Ft+ -
(B)
mesurable est Ft -mesurable. Pour cela, nous utilisons le théorème de classe monotone
(version fonctionnelle)
Lemme 3.1 (Théorème de classe monotone fonctionnel) Soit E un espace vectoriel fonc-
tionnel monotone (ie. f ∈ E est bornée, les constantes sont dans E, si fn ∈ E et fn % f
bornée alors f ∈ E). On suppose que C ⊂ E où C est un ensemble de fonctions stable par
multiplication. Alors E contient toutes les fonctions σ(C)-mesurables.
Bt2 +s − Bt2 = Bt1 +(t2 +s−t1 ) − Bt1 − (Bt1 +(t2 −t1 ) − Bt1 )
⊥ FtB+ .
Gt ⊥ (3.2)
On vérifie aisément que M est une classe multiplicative. De plus M ⊂ E car avec (3.2),
on a :
En particulier, cela exige Y = E[Y |FtB ] ps. Comme la tribu est complète, Y coı̈ncide avec
une variable FtB -mesurable.
Finalement, on peut faire de même pour Y de signe quelconque en écrivant Y = Y + − Y − .
Ainsi toute les fonctions bornées FtB+ sont FtB -mesurables et cela prouve FtB+ = FtB .
3.4. Propriétés trajectorielles du mouvement brownien 39
Démonstration : 1) Soit (εp )p≥1 une suite de réels strictement positifs décroissants vers 0
et soit ( )
\
A= sup Bs > 0 .
0≤s≤εp
p≥1
Comme sup0≤s≤εp Bs est FεBp -mesurable, on a A ∈ p≥1 FεBp = F0B+ . Puis, comme l’intersec-
T
tion définissant A est décroissante, on a
P(A) = lim P sup Bs > 0
p→+∞ 0≤s≤εp
mais comme 1
P sup Bs > 0 ≥ P(Bεp > 0) = ,
0≤s≤εp 2
on a P(A) ≥ 1/2 et la loi de Blumenthal exige alors P(A) = 1. Comme A ⊂ {sup0≤t≤ε Bt >
0}, on a le résultat pour le sup. L’assertion concernant inf 0≤s≤ε Bs est obtenue par symétrie
en loi en remplaçant B par −B.
40 Chapitre 3. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Avec le changement s = tδ 2 , puis comme par autosimilarité Bδ2 t /δ définit encore un mou-
vement brownien,
P sup Bs > δ = P sup (Bδ2 t /δ) > 1 = P sup Bs > 1 .
0≤s≤1 0≤t≤1/δ 2 0≤s≤1/δ 2
Avec le changement B → −B, on a aussi P inf s≥0 Bs < −η = 1.
3) Comme {Ta > t} = {sups≤t Bs < a}, avec tp % +∞, on a
! !
\
P(Ta = +∞) = P {Ta > tp } = lim P(Ta > tp ) = lim P sup Bs < a
p→+∞ p→+∞ s≤tp
p≥1
!
\
= P sup Bs < a = P sup Bs < a = 0
s≤tp s≥0
p≥1
En particulier, on montre qu’un processus gaussien centré de covariance t∧s admet donc une
modification à trajectoires continues, c’est à dire une version est un mouvement brownien.
Démonstration : En effet, on a
K(t, t) + K(s, s) − 2K(s, t) = t + s − 2 min(t, s) = |t − s|.
Donc le Théorème 2.2 (Kolmogorov-Čentsov dans le cas gaussien) s’applique avec α = C =
1 pour B sur [0, 1]. Il donne l’existence de version avec la continuité höldérienne pour tout
γ < α/2 = 1/2. Comme le mouvement brownien et ces versions sont continues, elles sont
toutes indistinguables. C’est bien le mouvement brownien qui a ces propriétés de régula-
rité. Le résultat reste vrai pour B sur tout intervalle [0, T ] borné et on a donc la locale
Hölder-régularité sur R+ .
lim sup B
es = +∞, es = −∞
lim inf B
s→+∞ s→+∞
En fait, on a bien mieux : le résultat suivant montre que : ps, les trajectoires browniennes
sont nulle part dérivables.
Théorème 3.1 (Dvoretsky, 1963) Il existe une constante C > 0 telle que
|Bs − Bt |
P ∃t > 0 : lim sup √ < C = 0. (3.4)
s→t+ s−t
Avant la preuve, on mentionne la conséquence concrète pour les trajevtoires browniennes :
Corollaire 3.2 (Dvoretsky) Presque sûrement, t 7→ Bt est dérivable nulle part.
Démonstration : D’après le Th. 3.1, ps ∀t ∈ [0, 1], lim sups→t+ |B√ss−t −Bt |
≥ C > 0. Soit t
arbitrairement fixé. Si B était dérivable en t de dérivée `, on aurait quand s & t
|Bs − Bt | |Bs − Bt | √ √
√ = × s − t ∼ ` s − t → 0,
s−t s−t
ce qui contredit (3.4) donc B n’est pas dérivable en tout t ∈ R.
42 Chapitre 3. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
où ρ({tk }) = max1≤k≤p |tk − tk−1 | est le pas de la subdivision de [0, 1] et le sup est pris sur
l’ensemble de ces subdivisions.
Pour α = 1, on parle de la variation. On dit que f est à variations bornées si V ar(f, 1) <
+∞. Pour α = 2, on parle de la variation quadratique.
Remarque 3.5 Pour une fonction f de classe C 1 , la variation quadratique tend vers 0 sur
tout intervalle [0, t], en effet, avec une partition 0 = t0 < t1 < · · · < tp = t, on a avec le
théorème des accroissements finis :
p p
X X
Vf (t0 , t1 , . . . , tp ) := 2
(f (ti ) − f (ti−1 )) = (f 0 (t∗i )(ti − ti−1 ))2
j=1 j=1
p
X
≤ δkf 0 k2∞ |ti − ti−1 | = δkf 0 k2∞ t
j=1
où t∗i ∈]ti , ti+1 [ est donné par le théorème des accroissements finis appliqué à la fonction
dérivable f .
Proposition 3.7 (Variation quadratique brownienne) Soit P t > 0 et {0 = t0 < t1 < · · · <
tp = t} une subdivision de [0, t], notons VB (t0 , t1 , . . . , tp ) = pj=1 (Btj − Btj−1 )2 . Alors
(1) VB (t0 , t1 , . . . , tp ) converge dans L2 vers t lorsque le pas de la subdivision δ := max1≤j≤p (tj −
tj−1 ) tend vers 0.
(2) De plus, si la subdivision est uniforme, la convergence est presque sûre.
car les variables (Btj − Btj−1 )2 − (tj − tj−1 ) sont centrées et indépendantes. On a donc
n
X
E (VB (t0 , t1 , . . . , tn ) − t)2 = 2 (tj − tj−1 )2 ≤ 2tδ → 0,
δ → 0.
j=1
3.5. Variation quadratique 43
Pn−1
(k+1)t
2) Notons Vn = VB 0, nt , . . . , nt
2
n
. On a Vn = k=0 ∆k (B) avec ∆k (B) = B n
−
kt
Pn t
B n . On a Vn − t = k=0 Yn,k avec Yn,k = ∆k (B)2 − n .
Notons Z = B12 − 1. On a E[Z] = 0 et
2
2 t t t L t 2 t t
Yn,0 = ∆0 (B) − = B − = B1 − = Z.
n n n n n n
On a
— Pour k = 0, . . . , n, les variables aléatoires Yn,k sont iid (indépendance et stationnarité
des
accroissements
de B) ;
— EYn,k = EYn,0 = EtZ/n = 0 ;
2 2
— E Yn,k = E Yn,0 = E t2 Z 2 /n2 = (t2 /n2 ) E Z 2 ;
4 4
— E Yn,k = E Yn,0 = E Z 4 /n4 = (t4 /n4 ) E Z 4 .
On utilise maintenant le Lemme ?? :
!4
n−1
X
E Yn,k ≤ Cn2 E[Yn,0
4
].
k=0
Proposition 3.8 Presque sûrement, les trajectoires du mouvement brownien sont à trajec-
toires à variations non bornées.
Ce résultat justifie que, si les trajectoires browniennes sont continues, elles oscillent quand
même beaucoup. . . tellement que les trajectoires sont ps à variations non bornées. Ce
phénomène explique les difficultés qu’il y aura à construire une intégrale (de type Stieltjes)
par rapport au mouvement brownien.
Démonstration : Il suffit de justifier la remarque générale suivante : si f est continue sur
[0, 1] et
n−1 2
X k+1 k
lim f − f = a ∈]0, +∞[
n→+∞
k=0
n n
44 Chapitre 3. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
alors V ar(f, 1) = +∞. Pour cela, supposons que V ar(f, 1) < +∞ et notons ρf (u) =
sup|x−y|<u |f (x) − f (y)| le module de continuité de f . Alors
n 2 X n
X k + 1 k 1 k+1 k
f − f ≤ ρ f
f − f
k=0
n n n k=0 n n
1
≤ ρf V ar(f, 1) → 0
n
Proposition 3.9 Soient T et S deux (Ft )-temps d’arrêt alors T ∧ S et T ∨ S sont des
(Ft )-temps d’arrêt.
{T ∧ S ≤ t} = {T ≤ t} ∪ {S ≤ t} ∈ Ft
et
{T ∨ S ≤ t} = {T ≤ t} ∩ {S ≤ t} ∈ Ft
puisque S, T sont de (Ft )-temps d’arrêt et la tribu Ft est stable par intersection et réunion.
Proposition 3.10 Si (Ft )t≥0 est une filtration continue à droite alors T est un (Ft )-temps
d’arrêt ssi pour tout t ≥ 0, {T < t} ∈ Ft .
3.6. Propriété de Markov forte 45
puisque {T ≤ t − ε} ∈ Ft−ε ⊂ Ft .
Cette proposition s’applique par exemple pour la filtration brownienne F B = (FtB )t≥0
(Prop. 3.3, généralisation de la loi de Blumenthal).
Proposition 3.11 1. Si (Tn )n∈N est une suite croissante de (Ft )-temps d’arrêt alors T =
limn→+∞ Tn est un (Ft )-temps d’arrêt.
2. Si (Tn )n∈N est une suite décroissante de (Ft )-temps d’arrêt alors T = limn→+∞ Tn
est un (Ft+ )-temps d’arrêt.
Mais [
{Tn < t} = {Tn ≤ t − 1/p} ∈ Ft
p≥1
puisque {Tn ≤ t − 1/p} ∈ Ft−1/p ⊂ Ft . On a donc {T < t} ∈ Ft ⊂ Ft+ ce qui suffit d’après
la Prop. 3.10 puisque Ft+ est continue à droite.
car B est à trajectoires continues et donc la distance aussi. Par ailleurs, un inf
dénombrable de fonctions mesurables reste mesurable. Par conséquent, {TF ≤ t} ∈
Ft et TF est bien un (Ft )-temps d’arrêt.
Définition 3.7 (Temps d’arrêt simple) Soit T un (Ft )-temps d’arrêt. On dit que T est un
(Ft )-temps d’arrêt simple si l’ensemble des valeurs prises par TP est au plus dénombrable,
ie. il existe une suite (tn )n∈N de temps positifs dans R telle que n≥0 P(T = tn ) = 1.
Proposition 3.12 (Approximation de temps d’arrêt) Soit T un (Ft )-temps d’arrêt. Alors
il existe une suite décroissante (Tn )n∈N de (Ft )-temps d’arrêt simples tels que ps limn→+∞ Tn =
T.
Démonstration : On pose Tn = ([T 2n ] + 1)2−n sur {T < +∞}, ie. Tn = (j + 1)2−n sur
l’évènement {T ∈ [j2−n , (j + 1)2−n [} et Tn = +∞ sur {T = +∞}. On vérifie que Tn est
un (Ft )-temps d’arrêt :
p−1
[
Tn = (j + 1)2−n avec p2−n ≤ t < (p + 1)2−n
Tn ≤ t =
j=0
p−1
[
T ∈ [j2−n , (j + 1)2−n [
=
j=0
où on a utilisé T < p2−n = ε>0 T ≤ p2−n − ε ∈ Fp2−n . Puis, par construction, on a
S
Définition 3.8 Soit T un temps d’arrêt. La tribu des évènements antérieurs à T est
n o
FT = A ∈ F∞ : ∀t ≥ 0, A ∩ {T ≤ t} ∈ Ft .
Proposition 3.13 Soit T un temps d’arrêt fini ps. Les variables aléatoires T et BT sont
FT -mesurables.
{T ≤ s} ∩ {T ≤ t} = {T ≤ t ∧ s} ∈ Ft∧s ⊂ Ft
en utilisant le fait que T est un temps d’arrêt. Pour BT , il suffit de remarquer que par
continuité presque sûre des trajectoires
+∞
X
BT = lim 1{i2−n <T ≤(i+1)2−n } Bi2−n
n→+∞
i=0
puis que Bs 1{s<T } est FT -mesurable. En effet pour tout u ∈ R, on montre que {Bs 1{s<T } ≤
u} ∈ FT . Pour cela, on établit que, pour tout t ≥ 0, {Bs 1{s<T } ≤ u} ∩ {T ≤ t} ∈ Ft .
— si t < s alors {Bs 1{s<T } ≤ u} ∩ {T ≤ t} = {0 ≤ u} ∩ {T ≤ t} = (∅ ou Ω) ∩ Ft ∈ Ft ;
— si t ≥ s alors {Bs 1{s<T } ≤ u} ∩ {T ≤ t} = ({Bs ≤ u} ∩ {s < T ≤ t}) ∪ ({0 ≤
u} ∩ {T ≤ s}) mais {Bs ≤ u} ∈ Fs et {s < T ≤ t} = {T ≤ s}c ∩ {T ≤ t} ∈ Ft et
{T ≤ s} ∈ Fs .
Cette notion est développée en Section 4.2, en particulier les relations entres les diverses
filtrations FT .
Théorème 3.2 (Propriété de Markov forte) Soit T un temps d’arrêt. Alors conditionnel-
lement à {T < +∞}, le processus B (T ) défini par
(T )
Bt = BT +t − BT
Théorème 3.3 (Principe de réflexion) Pour tout t > 0, notons St = sups≤t Bs . Alors si
a ≥ 0 et b ≤ a on a
P St ≥ a, Bt ≤ b = P Bt ≥ 2a − b . (3.6)
En particulier, pour chaque t ≥ 0,
St ∼ |Bt |. (3.7)
(T )
puisque Bt−Ta a = Bt−Ta +Ta − BTa = Bt − a. Pour simplifier, notons B 0 = B (Ta ) . Le Théo-
rème 3.2 (propriété de Markov forte) assure que B 0 est un mouvement brownien indépen-
dant de FTa , donc de Ta . Comme B 0 a même loi que −B 0 , on a
Z t Z t
(T ) 0 0
P Ta ≤ t, Bt−Ta a ≤b−a = P(Bt−u ≤ b − a) PTa (du) = P(−Bt−u ≤ b − a) PTa (du)
Z0 t 0
0 (T )
= ≥ a − b) PTa (du) = P Ta ≤
P(Bt−u t, Bt−Ta a ≥a−b
0
= P Ta ≤ t, Bt − a ≥ a − b
= P(Bt ≥ 2a − b)
Soit Z une variable aléatoire réelle. Un processus (Xt , t ≥ 0) est appelé mouvement brow-
nien réel issu de Z si on peut écrire Xt = Z + Bt où B est un mouvement brownien issu
de 0 indépendant de Z.
Cette puissance assimilée à cet élément de volume Sdx est supposée élever sa température
T . On pose une relation linéaire simple
∂T
P = cm
∂t
où c est la chaleur spécifique de la matière considérée. Comme m = ρSdx (où ρ est la masse
volumique du milieu), on a alors
∂T ∂J
ρc =−
∂t ∂x
qui est l’équation de continuité d’un flux thermique d’énergie. En la combinant avec la loi
de Fourier, on obtient l’équation de la chaleur
∂T k ∂ 2T
= .
∂t ρc ∂x2
Cette EDP se généralise facilement en dimension supérieure.
qui traduit que x + Bt+h est la somme des variables gaussiennes indépendantes x + Bt et
Bt+h − Bh . Un calcul direct montre que le noyau gaussien est solution de l’équation de la
chaleur, c’est à dire de l’EDP
0 00
gt (t, x, y) = 12 gyy (t, x, y)
0 1 00 (3.10)
gt (t, x, y) = 2 gxx (t, x, y).
La densité gaussienne standard satisfait donc l’équation de la chaleur par rapport aux
variables x et y. Cette propriété est étendue à une vaste classe de fonctions construites à
partir du mouvement brownien.
Théorème 3.4 1. Considérons la fonction
Z
u(t, x, f ) = E[f (x + Bt )] = g(t, x, y)f (y) dy
R
où f est une fonction borélienne bornée. La fonction u est C ∞ en espace et en temps
pour t > 0 et vérifie l’équation de la chaleur
1
u0t (t, x, f ) = u00xx (t, x, f ), u(0, x) = f (x). (3.11)
2
2. Lorsque le point de départ du mouvement X0 est aléatoire avec une loi de densité
π(x), indépendante
R du mouvement brownien, la densité de la loi de X0 + Bt est égale
à q(t, y) = R g(t, y − x)π(x)dx et vérifie l’équation de la chaleur
1 00
qt0 (t, y) = qyy (t, y),q(0, y) = π(y).
2
R
Démonstration : 1) La fonction u(t, x, f ) = E[f (x + Bt )] = R g(t, x, y)f (y) dy est très
régulière pour t > 0, car la densité gaussienne (le noyau de la chaleur) est C ∞ , à dérivées
bornées pour t > a. Par dérivation sous le signe intégral, on a aisément :
Z Z
0 0 00 00
ut (t, x, f ) = gt (t, x, y)f (y) dy, uxx (t, x) = gxx (t, x, y)f (y) dy.
R R
L’équation de la chaleur (3.11) pour u(t, ·, f ) suit alors facilement de celle pour g(t, x, y).
2) Supposons que la condition initiale soit aléatoire et indépendante du mouvement brow-
nien et donc de Bt . La loi de X0 + Bt admet une densité qui est la convolée de π(x) et de
g(t, x).
La formule précédente peut être étendue sous certaines conditions à d’autres fonctions
que les fonctions bornées, par exemple pour les fonctions f (x) = eλx , λ > 0. La fonc-
tion u(t, x, eλ· ) est la transformée de Laplace de x + Bt . Des calculs gaussiens (classiques)
montrent que
1 2
u t, x, eλ· = E eλ(x+Bt ) = eλx+ 2 λ t .
Lorsque la fonction considérée est régulière, une autre formulation peut être donnée à cette
relation qui jouera un rôle important dans la suite :
3.7. Équation de la chaleur 53
Proposition 3.14 Si f est une fonction Cb1 en temps et Cb2 en espace (c’est à dire à dériveés
bornées en temps et en espace), on a
1 00
u0t (t, x, f ) = u t, x, ft0 + fxx
2
soit, en intégrant, sous une forme probabiliste :
Z t
1 00
(s, x + Bs ) + ft0 (s, x + Bt ) ds.
E[f (t, x + Bt )] = f (0, x) + E fxx (3.12)
0 2
Démonstration : On représente la fonction u(t, x, f ) de la façon suivante
Z Z
u(t, x, f ) = E[f (t, x + Bt )] = g(t, y)f (t, x + y) dy = g(t, x, z)f (t, z) dz
R R
Le mouvement brownien décentré Xtx = x + bt + σBt joue un rôle important dans les appli-
cations. Les équations aux dérivées partielles (EDP) précédentes s’étendent sans difficulté
à partir de l’EDP satisfaite par la densité de Xtx
(y − x − bt)2
1
gb,σ2 (t, x, y) = √ exp − 2
= g(σ 2 t, x + bt, y) = g(σ 2 t, x, y − bt).
2
2πσ t 2σ t
Nous introduisons le générateur associé à ce processus, c’est à dire l’opérateur du 2nd
ordre défini par
1
Lb,σ2 φ(x) = σ 2 φ00xx (x) + bφ0x (x).
2
Puisque g(t, x, y) satisfait l’équation de la chaleur, la fonction x 7→ gb,σ2 (t, x, y) vérifie
1 2 00 2
∂t gb,σ2 (t, x, y) = σ gxx (σ t, x + bt, y) + bgx0 (σ 2 t, x + bt, y)
2
54 Chapitre 3. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Proposition
R 3.15 1. Soit f : R → R. Les fonctions u(t, x, f ) = E[f (x + bt + σBt )] =
g 2 (t, x, y)f (y) dy satisfont l’EDP
R b,σ
0
ut (t, x, f ) = Lb,σ2 u(t, x, f ) = 21 σ 2 u00xx (t, x, f ) + bu0x (t, x, f )
(3.14)
u(0, x, f ) = f (x).
Démonstration : L’équation (3.14) s’obtient en intégrant par rapport à f (y)dy l’EDP sa-
tisfaite par la densité gb,σ2 (t, x, y) considérée comme fonction de x. Puis (3.15) suit avec
des intégrations par parties comme précédemment.
qui mesure la différence trajectorielle entre les deux termes de l’équation (3.12) sans prendre
l’espérance E comme une intégrale stochastique. Ce faisant, il introduit un calcul différentiel
stochastique, le calcul d’Itô, vrai sur les trajectoires et non plus seulement en moyenne.
C’est l’objet des chapitres suivants (Chapitre ??).
Deuxième partie
Martingales
55
Chapitre 4
Dans ce chapitre, on présente les rudiments sur la théorie des martingales en temps
continu. Il s’agit de la généralisation au temps continu des martingales en temps discrètes
étudiées par exemple dans [JCB-martingale]. Ce sont des processus définis sur des espaces
(Ω, F, (Ft )t≥0 , P) filtrés, c’est à dire muni d’une filtration (Ft )t≥0 . On rappelle qu’une fil-
tration sur un espace de probabilité (Ω, F) est une famille (Ft )t≥0 de sous-tribus telles que
pour s ≤ t, on a Fs ⊂ Ft .
On rappelle qu’on associe à chaque Ft les tribus Ft+ et Ft− et la filtration est dite conti-
nue à droite (resp. à gauche) si pour tout t ≥ 0, on a Ft = Ft+ (resp., pour tout t > 0,
Ft = Ft− ). Elle est dite satisfaire les conditions habituelles si elle est continue à droite et
complète (ie. contient tous les négligeables de F).
Dans tout ce chapitre, on considère (Ω, F, (Ft )t≥0 , P) un espace filtré. On commence par
des généralités sur les filtrations en Section 4.1 et sur les temps d’arrêts en Section 4.2
puis on présente la notion de martingale en temps continu en Section 4.3. On généralise
les principaux résultats rencontrés dans le cadre discret (inégalités de Doob, théorèmes de
convergence, théorème d’arrêt, martingales arrêtées) et on régularise les trajectoires des
martingales. On termine avec un mot sur le processus de Poisson en Section 4.4.
57
58 Chapitre 4. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Remarque 4.1 L’intérêt d’une tribu complète vient du fait suivant : soit X = Y ps où Y
est une variable aléatoire G-mesurable, avec G complète. Alors X est G-mesurable.
Preuve : En effet notons N = {X 6= Y }, négligeable, donc dans G. Soit A ∈ B(R), on a :
X −1 (A) = {Y ∈ A} ∩ N c ∪ {X ∈ A} ∩ N .
On a {X ∈ A} ∩ N ∈ G car {X ∈ A} ∩ N ⊂ N et G est une tribu complète. Puis
{Y ∈ A} ∩ N c ∈ G car {Y ∈ A} ∈ G et N c ∈ G.
T W
À une filtration, on associe Ft+ = ε>0 Ft+ε et Ft− = ε>0 Ft−ε .
La filtration (Ft )t≥0 est dite continue à droite si pour tout t ≥ 0, on a Ft = Ft+ , continue
à gauche si pour tout t > 0, on a Ft = Ft− .
Dans la suite, on dira qu’une filtration satisfait les conditions habituelles si elle est complète
et continue à droite. C’est le cas de la filtration brownienne (FtB )t≥0 donnée par FtB =
σ(Bs : s ≤ t), cf. Prop. 3.3. Étant donnée une filtration quelconque (Ft )t≥0 , on peut
toujours en considérer une satisfaisant les conditions habituelles en ajoutant à Ft+ la classe
des P-négligeables de F. Il s’agit de l’augmentation habituelle de (Ft )t≥0 .
Définition 4.2 Un processus (Xt )t≥0 est dit mesurable si l’application définie sur (R+ ×
Ω, B(R+ ) ⊗ F) par (t, ω) 7→ Xt (ω) est mesurable.
Cette propriété est plus forte que de demander à Xt d’être Ft -mesurable pour tout t ≥ 0.
Cependant, si les trajectoires de X sont presque sûrement continues, les deux propriétés
deviennent équivalentes.
Définition 4.3 (Adapté) Un processus (Xt )t≥0 est dit adapté si pour tout t ≥ 0, Xt est
Ft -mesurable.
(Progressif ) Un processus (Xt )t≥0 est dit progressif (ou progressivement mesurable) si pour
tout t ≥ 0, (s, ω) 7→ Xs (ω) est mesurable sur [0, t] × Ω muni de B([0, t]) ⊗ Ft .
(Tribu progressive) La famille des A ∈ B(R+ ) ⊗ F telle que le processus Xt (ω) = 1A (t, ω)
est progressif est appelée la tribu progressive. On la note Prog.
n
[
(s, ω) ∈ [0, t] × Ω : Xs (ω) ∈ B = [ti , ti+1 [∩[0, t] × ω ∈ Ω : hi (ω) ∈ B
i=0
∈ B([0, t]) ⊗ Ft .
(n)
Démonstration : On considère X (n) donné par Xt = X(k+1)2−n pour t ∈ [k2−n , (k+1)2−n [.
D’après l’exemple ci-dessus, le processus X (n) est progressif avec la filtration (Ft+2−n )t≥0
(n)
et comme X est continu à droite, pour tout t ≥ 0, Xt → Xt .
(n) (n)
Fixons t ≥ 0 et considérons X es = Xs 1{s<t−2−n } + Xt 1{s=t} . Ce processus est mesurable
(n)
par rapport à B([0, t]) ⊗ Ft . En effet, Xs 1s<t−2−n est B([0, t]) ⊗ Ft -mesurable d’après ce
qui précède. Puis, si on note Ys = Xt 1{s=t} , alors
Par ailleurs, quand n → +∞, X es(n) −→ Xs pour s ≤ t. La restriction de X à [0, t] est donc
mesurable par rapport à B([0, t]) ⊗ Ft , ie. le processus X est progressif.
Un processus est progressif s’il est mesurable par rapport à la tribu progressive Prog.
L’intérêt d’un processus progressif vient de ce que, estimé en un temps d’arrêt, il est
mesurable pour la tribu associé au temps d’arrêt, cf. Proposition 4.4. Avant de voir cela,
on revient sur les principales propriétés des temps d’arrêt.
60 Chapitre 4. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Définition 4.4 (Temps d’arrêt) Une variable aléatoire T à valeurs dans [0, +∞] est un
temps d’arrêt si pour tout t ≥ 0 on a {T ≤ t} ∈ Ft .
Démonstration :
1) Soit A ∩ {T > t} ∈ FT − avec A ∈ Ft . Alors A ∩ {T > t} ∈ F∞ et pour s ≥ 0
{T ≤ s} ∩ {T ≤ t} = {T ≤ t ∧ s} ∈ Ft∧s ⊂ Ft .
6) Si S ≤ T et A ∈ FS alors
A ∩ {T ≤ t} = (A ∩ {S ≤ t}) ∩ {T ≤ t} ∈ Ft .
62 Chapitre 4. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
{S ∧ T ≤ t} = {S ≤ t} ∪ {T ≤ t} ∈ Ft
{S ∨ T ≤ t} = {S ≤ t} ∩ {T ≤ t} ∈ Ft .
A ∩ {S ∧ T ≤ t} = (A ∩ {S ≤ t} ∪ (A ∩ {T ≤ t}) ∈ Ft ,
{S ≤ T } ∩ {T ≤ t} = ({S ≤ t} ∩ {T ≤ t}) ∩ {S ∧ t ≤ T ∧ t} ∈ Ft
{S ≤ T } ∩ {S ≤ t} = {S ∧ t ≤ T ∧ t} ∩ {S ≤ t} ∈ Ft
A ∩ {Sn < t} = A ∩ ({Sn < t} ∩ {S < t}) = (A ∩ ({S < t}) ∩ {Sn < t} ∈ Ft .
T
Réciproquement si A ∈ n≥1 FSn+ alors
[
A ∩ {S < t} = (A ∩ {Sn < t}) ∈ Ft ,
n
T
d’où A ∈ FS + et FS + = n FSn+ .
S T
on a en plus {S ≤ t} = n≥1 {Sn ≤ t} ∈ Ft et pour A ∈ n≥1 FSn ,
9) Dans ce cas, S
A ∩ {S ≤ t} = n≥1 (A ∩ {Sn ≤ t}) ∈ Ft . D’où A ∈ FS . Puis si A ∈ FS alors comme
S tout n ≥ N et on a A ∈ ∩n≥N FSn . mais comme FSn ⊂ FSp pour n ≥ p, on a
T = Sn pour T
n≥N FSn = n≥0 FSn .
Proposition 4.3 Soient T un temps d’arrêt et S une variable aléatoire FT -mesurable telle
que S ≥ T . Alors S est aussi un temps d’arrêt.
4.2. Filtrations et temps d’arrêt 63
On a
[2n u]
{Tn ≤ u} ∩ {T ≤ t} = T ≤t∧ n ∈ Ft∧[2n u]/2n ⊂ Ft .
2
Remarque 4.3 Il est nécessaire de considérer XT 1{T <+∞} plutôt que XT tant que X∞ n’est
pas défini. Par contre si X∞ est défini et est F∞ -mesurable alors XT est FT -mesurable.
En effet, comme XT = XT 1{T <+∞} + XT 1{T =+∞} avec XT 1{T <+∞} FT -mesurable par la
Prop. 4.4, il reste à voir que XT 1{T =+∞} est aussi FT -mesurable, ie. pour tout A ∈ B(R) :
{XT 1{T =+∞} ∈ A} = {X∞ ∈ A} ∩ {T = +∞} ∪ {0 ∈ A} ∩ {T < +∞} ∈ FT .
Une martingale est, en moyenne, constante, tandis qu’une sur-martingale est, en moyenne,
décroissante et une sous-martingale, en moyenne, croissante. Ainsi, on peut considérer
qu’une sur-martingale est une généralisation aléatoire d’une fonction décroissante tandis
qu’une sous-martingale est une généralisation d’une fonction croissante. Dans la suite, on
considère souvent des martingales à trajectoires continues à droite, d’après la Prop. 4.1
elles seront progressivement mesurables.
Proposition 4.5 Soit (Xt )t≥0 une martingale (resp. une sous-martingale) et soit ϕ : R → R
une fonction convexe (resp. convexe croissante). On suppose que ϕ(Xt ) ∈ L1 pour tout
t ≥ 0. Alors (ϕ(Xt ))t≥0 est une sous-martingale.
E[Xs ] ≥ E[X0 ]. En combinant ces deux inégalités et en utilisant |x| = 2x+ − x, on trouve
la borne
sup E[|Xs |] ≤ 2E[Xt+ ] − E[X0 ].
s∈[0,t]
Proposition 4.6 Si (Xt )t≥0 est une sous-martingale (ou en fait sur-martingale,
ou martin-
gale en changeant X en −X), on a pour tout t ≥ 0 : sups∈[0,t] E |Xs | < +∞.
Si on suppose en plus que les trajectoires de X sont continues à droite alors en prenant D
dense contenant t, on a sups∈[0,t]∩D |Xs | = sups∈[0,t] |Xs | ce qui montre qu’on peut prendre
sups∈[0,t] dans (4.2) et on a alors montré :
66 Chapitre 4. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Proposition 4.7 (Inégalité maximale de Doob) Soit (Xt )t≥0 une sur-martingale dont les
trajectoires sont continues à droite. Alors
E[|X |] + 2E[|X |] 3 sup E[|X |]
0 t s≤t s
P sup |Xs | ≥ x ≤ ≤ . (4.3)
s∈[0,t] x x
L’inégalité de Doob affirme que si (Yn )n∈N est une martingale en temps discret telle que
Yn ∈ Lp pour p > 1 alors pour tout n ≥ 0 on a, pour q conjugué de p (ie. p1 + 1q = 1) :
sup |Yk |
≤ qkYn kp .
k≤n p
Si f est une fonction définie sur une partie T de R+ et si a < b, le nombre de montées de
f
f le long de [a, b], noté Ma,b (T ), est le supremum des entiers k tels que l’on puisse trouver
une suite croissante de T , s1 < t1 < s2 < t2 · · · < sk < tk , avec f (si ) < a, f (ti ) > b.
[Dessin typique des montées]
Pour une sur-martingale discrète (Yn )n≥0 , on a :
1
E (Yn − a)− .
Y
E Ma,b ([0, n]) ≤ (4.6)
b−a
On en déduit comme précédemment le résultat suivant dans le cadre continu :
Proposition 4.9 (Nombre de montées) Soit (Xt )t≥0 une sur-martingale. Si D est un sous-
ensemble dénombrable de R+ , on a :
1
E (Xt − a)− .
X
E Ma,b ([0, t] ∩ D) ≤ (4.7)
b−a
Démonstration : Considérer d’abord D fini puis passer à la limite par convergence mono-
tone. Attention pour ce résultat, on ne peut pas prolonger la borne par continuité puisque
X
Ma,b ([0, t]) est à valeurs entières et donc non continue.
4.3. Martingales en temps continu 67
Ensuite, l’inégalité sur le nombre de montées montre que pour tous a < b rationnels, on a
X X
ps Ma,b ([0, T ]∩D) < +∞. On a donc aussi ps pour tous a < b rationnels, Ma,b ([0, T ]∩D) <
+∞. Finalement, s 7→ Xs (ω) est bornée sur [0, T ] ∩ D et pour tous a < b rationnels, ne
fait qu’un nombre fini de montées le long de [a, b]. La partie 1) s’en déduit puisque si, par
exemple une fonction f : [0, T ] ∩ D → R n’a pas de limite à gauche finie en t ∈]0, T ], on
peut choisir a < b rationnels de sorte que
2) Pour que Xt+ (ω) soit défini pour tout ω et pas seulement sur l’ensemble de probabilité
1 où la limite existe, on prend Xt+ (ω) = 0 sur l’ensemble Ft+ -mesurable et de probabilité
68 Chapitre 4. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
nulle où la limite en t le long de D n’existe pas. De cette façon, Xt+ (ω) est bien défini pour
tout ω et reste (Ft+ )t≥0 -mesurable (car la filtration est complète).
On fixe t ≥ 0 et on choisit une suite tn ∈ D qui décroit vers t. Par construction, on a
Xt+ = limn→+∞ Xtn ps. En posant Yk = Xt−k pour k ≤ 0, comme la suite (tn )n≥0 décroit,
on a
E[Yk+1 |Gk ] = E[Xt−k+1 |Ft−k ] ≤ Xt−k = Yk .
La suite (Yk )k∈−N est donc une sur-martingale indéxée par −N par rapport à la filtration
Gk = Ft−k , k ≤ 0. Comme on a
le résultat discret (cf. 2) de la Prop. 4.10) assure que la suite Xtn converge dans L1 néces-
sairement vers Xt+ . En particulier, Xt+ ∈ L1 .
Grâce à la convergence L1 , on peut passer à la limite dans l’inégalité Xt ≥ E[Xtn |Ft ] pour
obtenir Xt ≥ E[Xt+ |Ft ].
Toujours grâce à la convergence dans L1 , on a E[Xt+ ] = limn→+∞ E[Xtn ] et donc si la fonc-
tion s 7→ E[Xs ] est continue à droite, on doit avoir E[Xt+ ] = E[Xt ]. L’inégalité précédente
n’est alors possible que si Xt = E[Xt+ |Ft ].
3) Ensuite, on remarque d’abord que Xt+ est Ft+ -mesurable : en effet, Xt+ = lims&t Xs et
Xs est Fu -mesurable pour tout uT≥ s mais alors on en déduit la Fu -mesurabilité de Xt+
pour tout u > t et donc aussi sa u>t Fu = Ft+ -mesurabilité.
Soit maintenant s < t et (sn )n≥0 une suite de D qui décroit vers s. On peut supposer
sn ≤ tn . Alors Xsn converge vers Xs+ dans L1 , et donc, si A ∈ Fs+ ,
E[Xs+ 1A ] = lim E[Xsn 1A ] ≥ lim E[Xtn 1A ] = E[Xt+ 1A ] = E E[Xt+ |Fs+ ]1A
n→+∞ n→+∞
ce qui entraı̂ne Xs+ ≥ E Xt+ |Fs+ . Enfin, si X est une martingale, on peut remplacer dans
le calcul précédent l’inégalité ≥ par une égalité =.
Théorème 4.2 (Régularisation) On suppose que la filtration (Ft )t≥0 satisfait les conditions
habituelles. Si X = (Xt )t≥0 est une sur-martingale et si la fonction t 7→ E[Xt ] est continue
à droite alors X admet une modification qui est aussi une (Ft )-sur-martingale et dont les
trajectoires sont continues à droite avec des limites à gauche en tout point (càdlàg).
et
Yt− = lim Yt−h = lim X(t−h)+ = lim lim Xt−h+δ = lim Xt−u existe
h&0 h&0 h&0 δ&0 u&0
car la limite itérée limh&0 limδ&0 revient à prendre limu&0 avec u = h − δ & 0 car δ → 0
avant h. Ou alors
De la même façon, on montre que les trajectoires de Y ont des limites à gauche.
Enfin, comme Ft+ = Ft (conditions habituelles vérifiées par la filtration (Ft )t≥0 ), on a
d’après le 2) du théorème précédent
Xt = E Xt+ |Ft = E Xt+ |Ft+ = Xt+ = Yt ps
puisque Xt+ est Ft+ -mesurable. On voit ainsi que Y est une modification de X. Puisque la
filtration (Ft )t≥0 est complète, il est clair que Yt est Ft -mesurable et il est immédiat aussi
que Y est une (Ft )-sur-martingale (cf. 3) dans le Th. 4.1).
Théorème 4.3 (Convergence ps) Soit X = (Xt )t≥0 une sur-martingale continue à droite
et bornée dans L1 . Alors il existe une variable aléatoire X∞− ∈ L1 telle que
— Une sur-martingale (Xt )t≥0 est bornée dans L1 si et seulement si supt≥0 E[Xt− ] <
+∞. En effet, comme E[Xt ] ≤ E[X0 ], on a E[Xt+ ] ≤ E[Xt− ] + E[X0 ]. Il vient
et donc
sup E[|Xt |] ≤ E[X0 ] + 2 sup E[Xt− ].
t≥0 t≥0
Définition 4.6 (Martingale fermée) Une sur-martingale (Xt )t≥0 est dite fermée par une
variable aléatoire X∞ ∈ L1 si pour tout t ≥ 0, on a Xt ≥ E[X∞ |Ft ].
Une martingale (Xt )t≥0 est dite fermée (comme martingale) par une variable aléatoire
X∞ ∈ L1 si pour tout t ≥ 0, on a Xt = E[X∞ |Ft ].
Attention : une martingale peut être fermée en tant que sur-martingale mais pas en tant que
martingale : considérer par exemple une martingale positive (non nulle), elle est fermée par
0 en tant que sur-martingale pourtant elle n’est pas fermée en tant que martingale puisque
non nulle.
Dans le cadre discret une martingale (Yn )n≥0 est fermée (ie. il existe Y∞ tel que Yn =
E[Y∞ |Fn ]) si et seulement si elle est uniformément intégrable ou si et seulement si Yn
converge ps et dans L1 . On a l’analogue dans le cadre continu :
4.3. Martingales en temps continu 71
Proposition 4.11 Soit X = (Xt )t≥0 une martingale continue à droite. Alors il y a équiva-
lence entre les assertions suivantes :
(1) X est fermée (par X∞ ) ;
(2) la famille (Xt )t≥0 est uniformément intégrable ;
(3) Xt converge ps et dans L1 vers X∞− .
W S
De plus X∞− = X∞ si F = t≥0 Ft := σ t≥0 Ft .
1
Démonstration : L’implication
(1) ⇒ (2) est facile
puisque si Z ∈ L alors la famille de
variables aléatoires E[Z|G] : G sous-tribu de F est uniformément intégrable.
Si (2) est vrai, le Théorème 4.3 (convergence ps) entraı̂ne que Xt converge ps vers X∞− ∈ L1
donc aussi dans L1 par uniforme intégrabilité (Théorème de Vitali), ce qui donne (3).
Enfin, si (3) est vérifié, on peut passer à la limite t → +∞ dans L1 dans l’égalité Xs =
E[Xt |Fs ] et on trouve Xs = E[X∞− |Fs ], ie. X est fermée, c’est à dire (1).
Pour la dernière partie, en notant Z = X∞ − X∞− , on déduit de Xt = E[X∞ |Ft ] =
E[X∞− |Ft ] que
[
E[Z1A ] = 0 pour tout A ∈ Ft .
t≥0
S
Notons M = A ∈ F : E[Z1A ] = 0 . Il s’agit d’une classe monotone et t≥0 Ft
est stable
S par intersection
finie (π-système). D’après le théorème des classes monotones,
F = σ t≥0 Ft est inclus dans M. On a donc E[Z1A ] = 0 pour tout A ∈ F. Mais, comme
Z est F-mesurable, on a donc Z = 0 presque sûrement, ie. X∞ = X∞− .
Proposition 4.12 Une sur-martingale continue à droite X = (Xt )t≥0 est fermée (par X∞ )
si et seulement si Xt converge ps vers X∞− .
Démonstration : Soit (Xt )t≥0 une sur-martingale continue à droite et fermée par X∞ .
Par un argument de convexité (inégalité de Jensen appliquée à la sous-martingale −X
et à x+ ) donne E[(Xt )− ] ≤ E[(X∞ )− ]. Le Théorème 4.3 assure alors que Xt converge
presqueWsûrement vers une limite X∞− (la réciproque va garantir que X∞− = X∞ quand
F∞ = t≥0 Ft ).
Réciproquement, si Xt converge presque sûrement vers X∞− , pour s ≤ t on a
Xs − E[X∞− |Fs ] ≥ E[Xt |Fs ] − E E[X∞− |Ft ]Fs
= E Xt − E[X∞− |Ft ]|Fs .
72 Chapitre 4. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Mais lim inf t→+∞ Xt = limt→+∞ Xt = X∞− ps et comme E[X∞− |Ft ] t≥0 est une martin-
gale fermée donc convergente ps, on a aussi, la Prop 4.11, lim supt→+∞ E[X∞− |Ft ] =
Sd’après
X∞− (ici il est immédiat que F∞− = σ t≥0 Ft ). Finalement, la minoration dans (4.8)
est nulle et elle donne Xs ≥ E[X∞− |Fs ] : la sur-martingale (Xt )t≥0 est fermée.
D’après la Prop. 4.3, les Tn forment une suite de temps d’arrêt qui décroı̂t vers T .
Considérons pour n fixé les deux variables aléatoires Tn et Tn+1 . Ce sont deux temps d’arrêt
pour la filtration discrète (Ft )t∈Dn+1 car
−n−1 c
< T ≤ (k + 1)2−n−1 = T ≤ k2−n−1 ∩ T ≤ (k + 1)2−n−1 ∈ Fk2−n−1 .
k2
Puisque Tn+1 ≤ Tn , le théorème d’arrêt (discret) appliqué à la sur-martingale discrète
(Xt )t∈Dn+1 (qui est fermée par X∞ ) pour la filtration discrète (Ft )t∈Dn+1 entraı̂ne que
XTn+1 ≥ E[XTn |FTn+1 ].
Notons, pour k ≤ 0, Yk = XT−k . On a alors
Yk−1 = XT−k+1 ≥ E[XT−k |FT−k+1 ] = E Yk |FT−k .
La suite (Yk )k∈−N est donc une sur-martingale indexée par −N pour la filtration (FT−k )k∈−N .
De plus, on a aussi supk≤0 E[Yk ] = supn≥0 E[XTn ] ≤ E[X0 ] (on utilise ici encore le théorème
d’arrêt discret).
D’après le résultat discret de convergence de sur-martingale (Prop. 4.10), on conclut que
XTn converge ps et dans L1 . Comme Tn & T , par continuité à droite, la limite presque sûre
est nécessairement XT , ce qui donne en particulier XT ∈ L1 car il y a aussi convergence
dans L1 .
Au temps d’arrêt S, on associe de même la suite Sn & S vérifiant aussi (quitte à réindéxer
Sn ) Sn ≤ Tn , et XSn converge vers XS ps et dans L1 . Puisque Sn ≤ Tn le théorème d’arrêt
discret donne XSn ≥ E[XTn |FSn ] ainsi, pour A ∈ FS ⊂ FSn ,
E XSn 1A ≥ E XTn 1A .
En passant à la limite L1 quand n → +∞, il vient
E X S 1A ≥ E X T 1A
pour tout A ∈ FS . Comme d’après la Prop. 4.4 et la Remarque 4.3, XS est FS -mesurable,
cette inégalité assure alors que XS ≥ E[XT |FS ], ce qui conclut le 1).
2) Il suffit d’appliquer la partie 1) à X et à −X.
Corollaire 4.1 Soit X une sur-martingale (resp. une martingale) continue à droite et soient
S ≤ T deux temps d’arrêt (déterministiquement) bornés. Alors
XS ≥ E[XT |FS ] (resp. XS = E[XT |FS ]).
Remarque 4.5 Le théorème d’arrêt (Th. 4.4) ne s’applique que pour des (sur)martingales
uniformément intégrables (fermées) ou pour des temps d’arrêt (déterministiquement) bor-
nés. Par exemple si B est un mouvement brownien, c’est bien une martingale (mais non
uniformément intégrable sinon le Théorème 4.3 (de convergence ps) exigerait la conver-
gence ps Bt → B∞ ce qui est faux). Si pour a > 0, on pose Ta = inf t ≥ 0 : Bt = a alors
on a bien un temps d’arrêt mais il est non (déterministiquement) borné, cf. (3.8) dans la
Remarque 3.7. Le théorème d’arrêt (Th. 4.4) ne s’applique effectivement pas dans ce cas
puisque E[B0 ] = 0 6= E[BTa ] = a malgré 0 ≤ Ta .
Définition 4.7 (Martingale arrêtée) Étant donné un temps d’arrêt T , on définit le proces-
sus arrêté X T = (XtT )t≥0 par XtT = Xt∧T , c’est le processus qui vaut Xt tant que t ≤ T
puis qu’on arrête à sa valeur en T , XT , pour les dates ultérieures à T .
Corollaire 4.2 Soit X une martingale continue à droite uniformément intégrable et soit
T un temps d’arrêt. Alors le processus (XtT )t≥0 est aussi une martingale uniformément
intégrable, et
XtT = E[XT |Ft ] (4.9)
avec la convention XT = X∞− sur {T = +∞}.
Démonstration : Il suffit d’établir (4.9) : on aura alors une martingale fermée donc unifor-
mément intégrable. Rappelons que XT ∈ L1 d’après le Théorème 4.4 (Arrêt). D’après ce
théorème avec S = t ∧ T ≤ T , on a aussi
E[XT 1{T ≤t} |Ft∧T ] = XT 1{T ≤t} = E[XT 1{T ≤t} |Ft ]. (4.10)
Or si A ∈ Ft , on a
— A ∩ {T > t} ∈ Ft car A, {T > t} = {T ≤ t}c ∈ Ft ;
— puis A ∩ {T > t} ∈ FT car A ∩ {T > t} ∩ {T ≤ s} = ∅ ∈ Fs si s ≤ t et
A ∩ {T > t} ∩ {T ≤ s} ∈ Fs si t ≤ s car A, {T > t} = {T ≤ t}c ∈ Ft ⊂ Fs et
{T ≤ s} ∈ Fs .
Finalement, A ∩ {T > t} ∈ FT ∩ Ft = Ft∧T et donc pour tout A ∈ Ft :
E[1A 1{T >t} XT ] = E E[1A 1{T >t} XT |Ft∧T ] = E 1A 1{T >t} E[XT |Ft∧T ]
= E 1A E[XT 1{T >t} |Ft∧T ]
4.4. Processus de Poisson 75
On a donc
E 1A E[1{T >t} XT |Ft ] = E 1A E[XT 1{T >t} |Ft∧T ] (4.12)
avec E[XT 1{T >t} |Ft∧T ] qui est Ft -mesurable.
Mais rappelons que Y = E[Z |G] si et seulement si Y est G-mesurable et E[1A Z] = E[1A Y ]
pour tout A ∈ G. Finalement (4.12) assure
E XT 1{T >t} |Ft∧T = E XT 1{T >t} |Ft ,
ie. (4.11) est obtenue, ce qui compte tenu de (4.10), termine la preuve du Corollaire 4.2.
Remarque 4.6 Si on suppose seulement que X est une martingale continue à droite, alors
on peut appliquer le corollaire ci-dessus à la martingale uniformément intégrable X (a) =
(Xt∧a )t≥0 . On trouve que pour tout temps d’arrêt T , X a = (Xt∧T ∧a )t≥0 est une martingale.
Comme on peut prendre a aussi grand qu’on le désire, cela signifie que (Xt∧T )t≥0 est une
martingale : avec a ≥ t ≥ s, la propriété de martingale pour (Xt∧T ∧a )t≥0 , E[Xt∧T ∧a |Fs ] =
Xs∧T ∧a , s’écrit E[Xt∧T |Fs ] = Xs∧T ie. (Xt∧T )t≥0 est bien une martingale.
On a donc
Corollaire 4.3 (Martingale arrêtée) Si X est une martingale et T un temps d’arrêt, X T
définie bien une martingale appelée martingale arrêtée. Elle est uniformément intégrable
si X l’est ou si T est (déterministiquement) borné.
Définition 4.8 (Processus de Poisson) Soit λ > 0 et (Sn )n≥1 une suite de variables aléa-
toires indépendantes de même loi exponentielle E(λ). On pose Tn = S1 + · · · + Sn . On
définit alors le processus de comptage N = (Nt )t≥0 à valeurs dans N ∪ {+∞} par
X
Nt = 1{Tn ≤t} .
n≥1
Définition 4.9 On définit (FtN )t≥0 la filtration naturelle complétée du processus de Poisson.
Remarque 4.7 Le processus se réécrit aussi sous la forme Nt = sup n ≥ 0 : Tn ≤ t .
Réciproquement, on remarque que Tn = inf t ≥ 0 : Nt = n est un (FtN )-temps d’arrêt.
P
Comme pour t > s, on a Nt − Ns = n≥1 1{s<Tn ≤t} , N est un processus à accroisssements
indépendants et stationnaires (PAIS) et à trajectoires càdlàg. On montre qu’il vérifie alors
la propriété de Markov forte : soit T un (FtN )-temps d’arrêt fini presque sûrement ; on
note N 0 le processus défini pour s ≥ 0 par Ns0 = NT +s − NT . Alors le processus N 0 est
indépendant de FTN et a même loi que N .
Théorème 4.5 Soit N un processus de Poisson d’intensité λ. Alors les processus suivants
sont des martingales :
e = (Nt − λt, t ≥ 0) ;
1. le processus de Poisson compensé : N
2. (Nt − λt)2 − λt t≥0 .
Remarque 4.8 — On peut voir le processus de Poisson comme une mesure aléatoire
sur (R, B(R)) : la mesure de l’intervalle ]s, t] est N (]s, t]) = Nt − Ns .
— Le mouvement brownien et le processus de Poisson sont deux représentant d’une
classe plus vaste de processus dit de Lévy (processus càdlàg à accroissements indé-
pendants et stationnaires).
Chapitre 5
Semimartingales continues
Définition 5.1 (Mesure signée) Une mesure finie est dite signée si elle est différence de
deux mesures positives finies.
L’écriture d’une mesure µ signée sous la forme d’une différence de deux mesures positives
finies n’est pas unique, cependant il existe une seule décomposition canonique :
77
78 Chapitre 5. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Proposition 5.1 (Décomposition canonique d’une mesure signée) Il existe une seule dé-
composition µ = µ+ − µ− minimale dans le sens où µ+ et µ− sont deux mesures positives
finies portées par des boréliens disjoints. Il s’agit de la décomposition canonique de µ.
ce qui donne la décomposition µ = µ+ −µ− avec µ+ (dt) = h(t)+ ν(dt), µ− (dt) = h(t)− ν(dt).
Notons que les mesures µ+ et µ− sont bien à supports disjoints puisqu’elles sont portées
respectivement par D+ = {t ∈ [0, T ] : h(t) > 0} et D− = {t ∈ [0, T ] : h(t) < 0}. L’unicité
de la décomposition µ = µ+ − µ− vient du fait que l’on a nécessairement
dµ
= 1D+ − 1D−
d|µ|
Définition 5.2 Soit T > 0. Une fonction continue F : [0, T ] → R telle que F (0) = 0 est
dite à variation finie s’il existe une mesure signée (ie. différence de deux mesures positives
finies) µ telle que F (t) = µ([0, t]) pour tout t ∈ [0, T ].
La mesure µ est alors déterminée de façon unique : l’expression µ(]s, t]) = F (t) − F (s) la
détermine uniquement sur la famille des intervalles ]s, t] puis, par un argument de classe
monotone, sur B([0, T ]). De plus, F étant continue, µ est sans atome.
5.1. Processus à variation bornée 79
Proposition 5.2 Une fonction F est à variation finie si et seulement si F est différence de
deux fonctions croissantes continues nulles en 0.
Démonstration : Si F est à variation finie, F (t) = µ([0, t]) et avec la décomposition cano-
nique de µ de la Proposition 5.1, F est différence de deux fonctions croissantes continues
et nulles en 0 : F (t) = µ+ ([0, t]) − µ− ([0, t]) (si µ+ et µ− ont des atomes, ils doivent néces-
sairement coı̈ncider pour s’annuler (µ n’en ayant pas). Mais comme µ+ et µ− sont censés
avoir des supports disjoints, c’est que de tels atomes n’existent pas : µ+ et µ− sont bien
sans atome. Réciproquement, si F = F1 − F2 avec F1 , F2 fonctions croissantes continues et
nulles en 0 alors on associe µ1 et µ2 des mesures positives finies à F1 , F2 et F s’écrit alors
F (t) = µ([0, t]) pour la mesure signée µ = µ1 − µ2 .
où le supremum porte sur toutes les subdivisions 0 = t0 < t1 < · · · < tp = t de [0, t].
Démonstration : Il suffit clairement de traiter le cas t = T . L’inégalité ≥ s’obtient facile-
ment puisque
|F (ti ) − F (ti−1 )| = |µ(]ti−1 , ti ])| ≤ |µ|(]ti−1 , ti ])
et donc i=1 |F (ti )−F (ti−1 )| ≤ pi=1 |µ|(]ti−1 , ti ]) = |µ|(]0, T ]) = |µ|([0, T ]) par additivité.
Pp P
Pour l’autre inégalité, on montre le résultat plus fort suivant : pour toute suite 0 = tn0 <
tn1 < · · · < tnpn de subdivisions emboı̂tées de [0, T ] de pas tendant vers 0, on a
pn
X
lim |F (tni ) − F (tni−1 )| = |µ|([0, T ]).
n→+∞
i=1
Xn = E[X|Bn ].
80 Chapitre 5. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Il s’agit d’une (Bn )n≥0 -martingale. Comme Xn est Bn -mesurable, Xn est constante sur
chaque intervalle ](i − 1)2−n T, i2−n T ]. D’après les propriétés de l’espérance conditionnelle,
sa valeur αi sur ](i − 1)2−n T, i2−n T ] vérifie
On a donc
µ(](i − 1)2−n T, i2−n T ]) F (i2−n T ) − F ((i − 1)2−n T )
αi = = .
|µ|(](i − 1)2−n T, i2−n T ]) |µ|(](i − 1)2−n T, i2−n T ])
On a aussi une écriture en terme d’intégrales par rapport à des mesures positives
Z t Z t Z t
f (s) dF (s) = +
f (s) dF (s) − f (s) dF − (s).
0 0 0
Proposition 5.4 Si f : [0, T ] → R est une fonction continue et si 0 = tn0 < tn1 < · · · < tnpn =
T est une suite de subdivisions (emboı̂tées) de [0, T ] de pas tendant vers 0 on a
Z T pn
X
f (s)dF (s) = lim f (tni−1 )(F (tni ) − F (tni−1 )).
0 n→+∞
i=1
Démonstration : Soit fn la fonction constante par morceaux définie par fn (s) = f (tni−1 ) si
s ∈]tni−1 , tni ]. Alors,
pn Z
X
f (tni−1 )(F (tni ) − F (tni−1 )) = fn (s)µ(ds)
i=1 [0,T ]
et le résultat suit par convergence dominée (f continue sur [0, T ] est bornée).
— Un processus à variation finie A = (At )≥0 est un processus adapté dont toutes les
trajectoires sont à variation finie au sens de la Définition 5.2.
— Le processus A est appelé processus croissant si de plus les trajectoires de A sont
croissantes.
Proposition 5.5 Soit A un processus à variation finie et H un processus progressif tel que
Z t
∀t ≥ 0, ∀ω ∈ Ω, |Hs (ω)| |dAs (ω)| < +∞.
0
Remarque 5.2 Quand on intègre contre un processus à variation finie, on définit une inté-
grale trajectorielle : l’intégrale se définit ω par ω (ie. trajectoire par trajectoire).
Enfin, on passe au cas général en écrivant h fonction B([0, t]) ⊗ Ft -mesurable, dAs (ω)-
intégrable, comme limite simple d’une suite de fonctions étagées hn telles que pour tout n
on ait |hn | ≤ |h|. Par convergence dominée (pour l’intégrale de Stieltjes), on a
Z t Z t
hn (s, ω) dAs (ω) → h(s, ω) dAs (ω).
0 0
Rt
Comme 0 hn (s, ω) dAs (ω) est Ft -mesurable et que la Ft -mesurabilité se conserve en passant
à la limite, on obtient la Proposition 5.5.
Remarque 5.3 — Souvent, on sera dans la situation où l’hypothèse plus faible est
satisfaite Z t
ps ∀t ≥ 0, |Hs ||dAs | < +∞.
0
Dans ce cas, on peutR encore définir H · A en convenant que, sur l’ensemble de
t
probabilité nulle où 0 |Hs ||dAs | devient infini, on prend (H · A)t (ω) = 0 pour
tout t. Le processus (H ·A) ainsi défini reste adapté lorsque la filtration est supposée
complète (conditions habituelles).
— Sous des hypothèses convenables d’intégrabilité de H et de K, on a la propriété
d’associativité :
K · (H · A) = (KH) · A.
Un cas particulier important est celui où At = t : si H = (Ht )t≥0 est un processus progressif
tel que Z t
ps ∀t ≥ 0 |Hs | ds < +∞,
0
Rt
le processus 0
Hs ds est un processus à variation finie.
Remarque 5.4 On n’impose pas dans la définition d’une martingale locale que les va-
riables Mt soient dans L1 (c’est une différence essentielle avec les martingales). En par-
ticulier, d’après la définition précédente, M0 peut être n’importe quelle variable aléatoire
F0 -mesurable.
Dans les propriétés qui suivent, la plupart des justifications viennent des propriétés des
martingales arrêtées énoncées dans le Corollaire 4.2.
Exemple : Une martingale à trajectoires continues est une martingale locale (et la suite
Tn = n réduit M ).
En effet, cela suit par exemple du Corollaire 4.2 et de ses conséquences avec les temps
d’arrêt Tn = n % +∞, plus simplement, il est immédiat que pour s < t :
Ms∧n = E Mt∧n |Fs
et (Mt∧n )t≥0 est fermée par Mn donc uniformément intégrable.
Proposition 5.6 Dans la définition d’une martingale locale (issue de 0) on peut remplacer
00
martingale uniformément intégrable00 par 00 martingale00 (en effet, on peut ensuite remplacer
Tn par Tn ∧ n pour récupérer l’uniforme intégrabilité).
Proposition 5.7 Si M est une martingale locale, pour tout temps d’arrêt T , M T est une
martingale locale.
Démonstration : Si Tn réduit M alors M Tn est une martingale et (M T )Tn = M T ∧Tn =
(M Tn )T l’est aussi d’après le Corollaire 4.2.
Proposition 5.8 Si (Tn )n≥0 réduit M et si (Sn )n≥0 est une suite de temps d’arrêt telle que
Sn → +∞, alors la suite (Tn ∧ Sn )n≥0 réduit encore M .
Démonstration : On a (Tn ∧ Sn ) % +∞ et M Tn ∧Sn = (M Tn )Sn est une martingale unifor-
mément intégrable en tant que martingale uniformément intégrable M Tn arrêtée (Corol-
laire 4.2).
Proposition 5.10 Une martingale locale positive M telle que M0 ∈ L1 est une sur-martingale.
D’après le Théorème 4.3 (convergence ps des sur-martingales) et la remarque qui le suit,
une martingale locale positive converge donc ps.
Démonstration : Écrivons Mt = M0 + Nt et soit (Tn )n≥0 une suite de temps d’arrêt qui
réduit N . Alors, si s ≤ t, on a pour tout n,
Ns∧Tn = E Nt∧Tn |Fs .
En ajoutant des deux côtés la variable M0 (qui est F0 -mesurable et dans L1 ), on trouve
Ms∧Tn = E Mt∧Tn |Fs . (5.1)
Puisque M est positive, on peut appliquer le lemme de Fatou pour les espérances condi-
tionnelles en faisant n → +∞. Comme Tn % +∞, on a alors
Ms = lim Ms∧Tn = lim inf Ms∧Tn = lim inf E Mt∧Tn |Fs
n→+∞ n→+∞ n→+∞
≥ E lim inf Mt∧Tn |Fs = E Mt |Fs .
n→+∞
Proposition 5.11 Soit M une martingale locale. S’il existe une variable Z ∈ L1 telle que,
pour tout t ≥ 0, |Mt | ≤ Z, alors M est une martingale. En particulier, une martingale
locale bornée est une martingale.
Démonstration : Si M est dominée par une variable aléatoire Z intégrable, on obtient
comme pour la Proposition 5.10 pour s ≤ t :
Ms∧Tn = E Mt∧Tn |Fs .
Puis, par convergence dominée la suite Mt∧Tn converge dans L1 vers Mt . On peut donc
passer à la limite n → +∞ pour trouver
Ms = lim Ms∧Tn = lim E Mt∧Tn |Fs = E lim Mt∧Tn |Fs = E Mt |Fs .
n→+∞ n→+∞ n→+∞
Remarque 5.5 Attention, il n’est donc pas facile d’affaiblir les conditions de le Prop. 5.11 :
si M est une martingale locale uniformément intégrable, en général M n’est pas une mar-
tingale (cf. le contre-exemple 2.13 p. 182 dans [RY], cf. aussi le contre-exemple page ??
pour le processul de Bessel Rt en dimension 3 : la martingale locale 1/Rt est uniformé-
ment intégrable car bornée dans L2 mais n’est pas une martingale). Par contre si on a une
condition d’uniforme intégrabilité pour tous les temps d’arrêt, on a un résultat positif :
86 Chapitre 5. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Démonstration : Comme M Tn est une martingale locale bornée, c’est aussi une martingale
uniformément intégrable par la Prop. 5.11. De plus M est à trajectoires continues, on a bien
Tn % +∞. En effet, soit A > 0, comme M est à trajectoires continues, {Mt : t ∈ [0, A]}
est compact donc borné par R(A) < +∞. On a alors pour tout n ≥ R(A), Tn ≥ A, ie.
Tn % +∞.
E (Mt −Ms )2 |Fs = E (Mt2 −2Mt Ms +Ms2 ) |Fs = E Mt2 |Fs −2E Mt Ms |Fs +E Ms2 |Fs .
ce qui conclut.
Le résultat suivant montre qu’une martingale locale continue qui n’est pas triviale est à
variations non bornées. L’ensemble des martingales locales est donc un ensemble vraiment
différent de celui des processus à variation finie.
Théorème 5.1 Soit M une martingale locale (continue) issue de 0. Alors si M est un
processus à variation finie, M est indistinguable de 0.
Démonstration : Supposons que M est un processus à variation finie et posons pour tout
n∈N: Z t
τn = inf t ≥ 0 : |dMs | ≥ n .
0
Les temps τn sontR t des temps d’arrêt d’après l’Exemple 3.1 (pour cela, il faut remarquer
que le processus 0 |dMs | est continu et adapté, ce qui se voit par l’approximation donnée
par la Prop. 5.4). Fixons n ≥ 1 et posons N = M τn . Alors N est une martingale locale
5.3. Variation quadratique d’une martingale locale 87
R +∞ R t∧τ R t∧τ
telle que 0 |dNs | ≤ n, en particulier |Nt | = 0 n dMs ≤ 0 n |dMs | ≤ n. D’après la
Proposition 5.11, N est alors une vraie martingale bornée.
Ensuite, soit t > 0 et soit 0 = t0 < t1 < · · · < tp = t une subdivision de [0, t]. Alors, avec
le Lemme 5.1, on a :
p p
X X
E[Nt2 ]
2 2
E (Nti − Nti−1 )2
= E Nti − Nti−1 =
i=1 i=1
" p #
X
≤ E sup Nti − Nti−1
|Nti − Nti−1 | ≤ nE sup Nti − Nti−1
1≤i≤p 1≤i≤p
i=1
en utilisant la Proposition 5.3. On applique l’inégalité précédente à une suite 0 = tk0 < tk1 <
· · · < tkpk = t de subdivisions de [0, t] de pas tendant vers 0. En utilisant la continuité des
trajectoires, et le fait que N est bornée par n (fixé dans cette partie de l’argument), on a
par convergence dominée :
lim E sup Ntki − Ntki−1 = 0.
k→+∞ 1≤i≤pk
2
On conclut alors que E[Nt2 ] = 0 c’est à dire E[Mt∧τ n
] = 0. En faisant ensuite tendre
n → +∞, comme τn → +∞, on obtient par le lemme de Fatou :
2 2 2
2
E Mt = E lim Mt∧τn = E lim inf Mt∧τn ≤ lim inf E Mt∧τ n
= 0.
n→+∞ n→+∞ n→+∞
Théorème 5.2 (Crochet d’une martingale locale) Soit M = (Mt )t≥0 une martingale locale
à trajectoires continues.
1. Il existe un processus croissant, noté hM, M i = (hM, M it )t≥0 unique à indistingua-
bilité près, tel que
Mt2 − hM, M it (5.2)
est une martingale locale continue.
88 Chapitre 5. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
2. De plus, pour tout t > 0, si 0 = tn0 < tn1 < · · · < tnpn = t est une suite de subdivisions
emboı̂tées de [0, t] de pas tendant vers 0, on a, au sens de la convergence en probabilité,
pn
X 2
hM, M it = P- lim Mtni − Mtni−1 . (5.3)
n→+∞
i=1
Remarque 5.6
— Pour les martingales, on a mieux : si M est une martingale de carré intégrable alors
Mt2 − hM, M it est une martingale aussi, cf. plus bas Théorème 5.3.
— Si M = B est un mouvement brownien, on a vu que hB, Bit = t, cf. Prop. 3.7.
— Pour la dernière assertion, il n’est pas nécessaire de supposer que les subdivisions
sont emboı̂tées.
E Xr(n) |Fs
pn
X
= E Mtni−1 (Mtni ∧r − Mtni−1 ∧r ) |Fs
i=1
X
= E Mtni−1 (Mtni ∧r − Mtni−1 ∧r ) |Fs
i:tn
i−1 ≤r
X X
= E Mtni−1 (Mtni ∧r − Mtni−1 ∧r ) |Fs + E Mtni−1 (Mtni ∧r − Mtni−1 ∧r ) |Fs
i:s≤tn
i−1 ≤r i:tn
i−1 ≤s≤r
5.3. Variation quadratique d’une martingale locale 89
X X
= E Mtni−1 E (Mtni ∧r − Mtni−1 ∧r ) |Fti−1 ]|Fs + Mtni−1 E (Mtni ∧r − Mtni−1 ∧r ) |Fs
i:s≤tn
i−1 ≤r i:tn
i−1 ≤s≤r
X X
= E Mtni−1 (Mti−1 − Mti−1 ) |Fs + Mtni−1 (Mtni ∧s − Mtni−1 ∧s )
i:s≤tn n
≤r
| {z } i:t ≤s≤r
i−1 =0 i−1
X
= Mtni−1 (Mtni ∧s − Mtni−1 ∧s ) = Xs(n) .
i:tn
i−1 ≤s
On a ensuite :
(n)
Lemme 5.3 Les variables aléatoires Xt , n ≥ 1, vérifient une propriété de Cauchy dans
L2 :
(n) (m)
lim E (Xt − Xt )2 = 0.
n,m→+∞
Démonstration : Notons que, les subdivisions étant emboı̂tées, on peut écrire lorsque n ≤ m
pn pn
X X X
Mtni−1 (Mtni − Mtni−1 ) = Mtni−1 (Mtm
j
− Mtm
j−1
),
i=1 i=1 tm n m
j ∈]ti−1 ,ti ]
pm pn
X X X
Mtm
j−1
(Mtm
j
− Mtm
j−1
) = Mtnj−1 (Mtm
j
− Mtm
j−1
).
j=1 i=1 tm n m
j ∈]ti−1 ,ti ]
Avec des calculs (fastidieux. . . ) qui utilisent la propriété de martingale sous la forme du
Lemme 5.1, pour n ≤ m on a :
(n) (m)
E (Xt − Xt )2
!2
pn pm
X X
= E Mtni−1 (Mtni − Mtni−1 ) − Mtm
j−1
(Mtm
j
− Mtm
j−1
)
i=1 j=1
2
pn pn
X X X X
= E Mtni−1 (Mtm
j
− Mtm
j−1
)− Mtnj−1 (Mtm
j
− Mtm
j−1
)
i=1 tm n m
j ∈]ti−1 ,ti ]
i=1 tm n m
j ∈]ti−1 ,ti ]
car la propriété de martingale annule les termes croisés du carré de la somme : en effet
pour i1 < i2
X X
E (Mtni −1 − Mtm
j −1
)(Mtm − Mtm
j j −1
) (Mtni −1 − Mtmj −1
)(Mtm
j
− Mtm
j −1
)
1 1 1 1 2 2 2 2
tm n n
j ∈]ti −1 ,ti ] tm n n
j ∈]ti −1 ,ti ]
1 1 1 2 2 2
X
= E E (Mtni −1 − Mtm
j −1
)(Mtm
j
− Mtm
j −1
)
1 1 1 1
tm n n
j ∈]ti −1 ,ti ]
1 1 1
X
(Mtni −1 − Mtm )(Mtm − Mtm ) Ftni
2 j −1 j 2 2 j2 −1 1
tm n n
j ∈]ti −1 ,ti ]
2 2 2
X
= E (Mtni −1 − Mtm
j −1
)(Mtm
j
− Mtm
j −1
)
1 1 1 1
tm n n
j ∈]ti −1 ,ti ]
1 1 1
X
(Mtni −1 − Mtm )(Mtm − Mtm ) Ftni
E j −1 j j2 −1
2 2 2 1
tm n n
j2 ∈]ti2 −1 ,ti2 ]
X
= E (Mtni −1 − Mtm
j −1
)(Mtm
j
− Mtm
j −1
)
1 1 1 1
tm n n
j1 ∈]ti1 −1 ,ti1 ]
X h i
E (Mtni −1 − Mtm )(Mtm − Mtm ) F Fti1
m n
E j −1 j j2 −1
tj2 −1
2 2 2
tm n n
j2 ∈]ti2 −1 ,ti2 ]
X
= E (Mtni −1 − Mtm
j −1
)(Mtm
j
− Mtm
j −1
)
1 1 1 1
tm n n
j ∈]ti −1 ,ti ]
1 1 1
X h i
(Mtni −1 − Mtm ) E (Mtm − Mtm ) Ftm Fti1 .
n
E j2 −1 j2 j2 −1 j2 −1
2
tm n n
j ∈]ti −1 ,ti ]
| {z }
2 2 2
=0
On a donc
2
pn
(n) (m)
X X
E (Xt − Xt )2 =
E (Mtni−1 − Mtm
j−1
)(Mtm
j
− Mtm
j−1
)
i=1 tm n n
j ∈]ti−1 ,ti ]
pn h i
X X
2 2
= E (Mtni−1 − Mtm
j−1
) (M m
tj − M m
tj−1 ) (5.4)
i=1 tm n n
j ∈]ti−1 ,ti ]
car à nouveau la propriété de martingale annule les termes croisés du carré de la somme :
5.3. Variation quadratique d’une martingale locale 91
pour j1 < j2
h i
E (Mtni−1 − Mtm
j1 −1
)(M m
tj − M m
tj −1 )(M n
ti−1 − M m
tj −1 )(M m
tj − M m
tj −1 )
1 1 2 2 2
h h ii
= E E (Mtni−1 − Mtm )(M m − Mtm )(M − M )(M m − Mtm ) F
n m
m
j1 −1 t j1 j1 −1 ti−1 tj2 −1 t j2 j2 −1
tj2 −1
h i
= E (Mtni−1 − Mtm )(Mtm − Mtm )(Mtni−1 − Mtm ) E (Mtm − Mtm ) Ftm
j1 −1 j1 j1 −1 j2 −1 j2 j2 −1 j2 −1
| {z }
=0
= 0.
Pour conclure, il suffit de montrer qu’il existe une constante C telle que
!2
pm
X
E (Mtm j
− Mtmj−1
)2 ≤ C. (5.7)
j=1
Pour voir (5.7) (avec C = 8K 4 ), on développe les carrés en utilisant le Lemme 5.1 :
!2
pm
X
E (Mtmj
− Mtmj−1
)2
j=1
"p #
m
X X
= E (Mtm
j
− Mtm
j−1
)4 + 2 (Mtm
j
− Mtm
j −1
)2 (Mtm
j
− Mtm
j −1
)2
1 1 2 2
j=1 1≤j1 <j2 ≤pm
"p #
m h h ii
X X
≤ (2K)2 E (Mtm
j
− Mtm
j−1
)2 + 2 E E (Mtm
j
− M m
tj −1 )2
(M m
tj − M m
tj −1 )2
|F m
tj
1 1 2 2 1
j=1 1≤j1 <j2 ≤pm
pm h i h h ii
X X
2 2 2 2
≤ (2K) E (Mtj − Mtj−1 ) + 2
m m E (Mtj − Mtj −1 ) E (Mtj − Mtj −1 ) |Ftj
m m m m m
1 1 2 2 1
j=1 1≤j1 <j2 ≤pm
On estime les deux termes en utilisant le Lemme 5.1 : pour le premier terme, on a
pm h i Xpm h i
X
2 2 2
2 2
E (Mtm
j
− M m
tj−1 ) = E M m
tj − Mtj−1 = E Mt ] ≤ K .
m
j=1 j=1
Puis h i h i
2 2 2
E (Mtm
j
− M m
tj −1 ) |F m
tj = E M m
tj − M m
tj −1 |F m
tj
2 2 1 2 2 1
si bien que
X h h ii
2 2
E (Mtm
j
− Mtm
j −1
) E (Mtm
j
− Mtm
j −1
) |Ftm
j
1 1 2 2 1
1≤j1 <j2 ≤pm
pm pm
" #
X X h i
= E (Mtm
j
− Mtm
j −1
)2 E Mt2m
j
− Mt2m
j
|Ftm
j
1 1 2 1 1
j1 =1 j2 =j1 +1
pm h h ii
X
2 2 2
= E (Mtm
j
− M m
tj −1 ) E Mt − M m
tj −1 |F m
tj
1 1 1 1
j1 =1
pm h i pm h i
X X
2 2 2 2 2
≤ E (Mtm
j
− M m
tj −1 ) (2K ) = (2K ) E Mtm
j
− Mtm
j −1
1 1 1 1
j1 =1 j1 =1
5.3. Variation quadratique d’une martingale locale 93
= (2K 2 )E Mt2 ≤ 2K 4 .
Finalement,
pm
!2
X
E (Mtm
j
− Mtm
j−1
)2 ≤ 8K 4 .
j=1
À partir du Lemme 5.2, l’inégalité de Doob (Proposition 4.8 avec p = q = 2) donne alors
h 2 i
lim E sup Xs(n) − Xs(m) = 0. (5.8)
n,m→+∞ s≤t
On en déduit que ps
+∞
X
sup Xs(nk ) − Xs(nk+1 ) < +∞.
s≤t
k=1
(n )
Presque sûrement, la suite Xs k s∈[0,t] converge donc uniformément sur [0, t] vers une
limite qu’on note (Ys )s∈[0,t] . Sur l’ensemble négligeable où il n’y a pas la convergence, on
impose Ys ≡ 0. Le processus limite (Ys )s∈[0,t] a alors des trajectoires continues.
(n)
Comme d’après (5.8) (Xs )s∈[0,t] est une suite de Cauchy dans L2 , on a aussi la convergence
(n)
Xs → Ys dans L2 quand n → +∞. En passant à la limite L2 dans l’égalité de martingale
pour X (n) aux dates s et r,
Finalement, X (nk ) converge ps uniformément sur [0, t] vers un Y = (Ys )0≤s≤t qui est à
trajectoires continues. Le processus Y est donc une martingale continue.
94 Chapitre 5. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
j
X
Mt2nj − 2Xtnnj = (Mtni − Mtni−1 )2 . (5.9)
i=1
(n) Pj
Mtni−1 Mtni − Mtni−1 = ji=1 Mtni−1 Mtni − Mt2ni−1 et donc
P
En effet Xtnj = i=1
j j
(n)
X X
Mt2nj − 2Xtnj = Mt2nj +2 Mt2ni−1 −2 Mtni−1 Mtni
i=1 i=1
j j j
X X X
= Mt2ni + Mt2ni−1 −2 Mtni−1 Mtni
i=1 i=1 i=1
j
X
Mt2ni + Mt2ni−1 − 2Mtni−1 Mtni
=
i=1
j
X 2
= Mtni − Mtni−1 .
i=1
que pour tout t > 0, pour n’importe quelle suite de subdivisions emboı̂tées de [0, t] de pas
tendant vers 0, on a
pn
X
2
L - lim (Mtnj − Mtnj−1 )2 = hM, M it
n→+∞
j=1
(même avec convergence dans L2 plutôt qu’en probabilité). On conclut en observant que,
pour tout t > 0, on a P(t ≤ Tn ) → 1, quand n → +∞, ce qui affaiblit la convergence L2
en une convergence en probabilité : soit ε > 0, posons
( pn
)
X
An (ε) = hM, M it − (Mtni − Mtni−1 )2 ≥ ε
i=1
alors P An (ε) = P An (ε), t ≤ Tn + P An (ε), Tn < t avec P An (ε), Tn < t ≤ P(Tn <
t) → 0 et
( pn
)
X
An (ε) ∩ {t ≤ Tn } = hM, M it∧Tn − (MtTnin − MtTni−1
n
)2 ≥ ε ∩ {t ≤ Tn }.
i=1
96 Chapitre 5. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Il vient
pn
!
X
(MtTnin − MtTni−1 )2 ≥ ε = 0
lim P An (ε) ≤ lim P(Tn < t)+ lim P hM, M it∧Tn − n
n→+∞ n→+∞ n→+∞
i=1
Ppn 2
ie. P- limn→+∞ i=1 Mtni − Mtni−1 = hM, M it .
hM T , M T it = hM, M iTt .
est une martingale locale comme martingale locale arrêtée. Par conséquent le crochet ar-
rêté hM, M iT vérifie la propriété/définition de hM T , M T i du Théorème 5.2. Par unicité du
crochet, on doit avoir hM T , M T i = hM, M iT à indistinguabilité près.
Le théorème suivant montre comment les propriétés d’une martingale locale M sont liées à
celles de sa variation quadratique hM, M i. Ainsi, les intervalles sur lesquels M est constante
sont exactement ceux sur lesquels hM, M i est constant. Si A est un processus croissant, on
note A∞ la limite croissante de At quand t → +∞.
Remarque 5.7 Dans la partie 1) de l’énoncé, il est essentiel de supposer que M est une
martingale, et pas seulement une martingale locale car on utilise l’inégalité de Doob et elle
n’est pas valable pour une martingale locale.
5.3. Variation quadratique d’une martingale locale 97
En particulier, M est une martingale uniformément intégrable qui converge (ps et, par
convergence dominée, dans L2 ) vers une limite M∞ ∈ L2 quand t → +∞. Pour tout entier
n ≥ 1, on pose
Sn = inf t ≥ 0 : hM, M it ≥ n .
Alors Sn est un temps d’arrêt et hM, M it∧Sn ≤ n. On en déduit que la martingale locale
2
Mt∧S n
− hM, M it∧Sn est dominée par la variable intégrable n + supt≥0 Mt2 . D’après la Pro-
position 5.11, cette martingale locale est donc une vraie martingale. Comme elle est nulle
en 0, la propriété de martingalen assure
2 2
E Mt∧S n
− hM, M it∧Sn = E M0∧S n
− hM, M i0∧Sn = 0,
soit 2
E hM, M it∧Sn = E Mt∧Sn
.
En faisant tendre t → +∞ (avec le théorème de convergence monotone pour le terme de
gauche, le théorème de convergence dominée pour celui de droite), on trouve
Puis comme Sn % +∞, en faisant tendre n → +∞, on trouve de la même façon (conver-
gences monotone et dominée)
2
E hM, M i∞ = E M∞ < +∞.
De plus comme la martingale locale Mt2 − hM, M it est dominée par la variable intégrable
supt≥0 Mt2 +hM, M i∞ , c’est donc une (vraie) martingale uniformément intégrable (toujours
par la Prop. 5.11)).
2) On suppose maintenant E hM, M i∞ < +∞. Avec Tn = inf t ≥ 0 : |Mt | ≥ n ,
M Tn est bornée donc c’est une vraie martingale bornée. De plus, la martingale locale
2
Mt∧T n
− hM, M iTt n est aussi une vraie martingale uniformément intégrable, car elle est
dominée par la variable aléatoire intégrable n2 + hM, M i∞ (cf. encore Prop. 5.11)).
Soit S un temps d’arrêt fini ps. D’après le Théorème 4.4 (théorème d’arrêt), appliqué à la
martingale uniformément intégrable Mt∧T 2
n
− hM, M iTt n avec S ≥ 0, on a
2
E MS∧T n
= E hM, M iS∧Tn .
La famille {MS : S temps d’arrêt fini} est donc bornée dans L2 et par conséquent unifor-
mément intégrable. En particulier avec la suite
des temps d’arrêt bornés Tn , en passant à
1 Tn
la limite L quand n → +∞ dans l’égalité E Mt∧Tn |Fs = Ms (pour s ≤ t) on en déduit
que M est une vraie martingale. De plus, M est bornée dans L2 car {Ms , s ≥ 0} est une
sous-famille de {MS : S temps d’arrêt fini} qui est bornée dans L2 .
3) Soit a > 0. D’après 1) et 2), on a E hM, M ia < +∞ si et seulement si Mta est une vraie
martingale de carré intégrable. L’équivalence de (a) et (b) suit alors facilement. Enfin, si
2
ces conditions sont remplies, 1) montre que Mt∧a − hM, M it∧a est une vraie martingale, ce
qui prouve le 3) car a est quelconque et peut être choisi arbitrairement grand.
Corollaire 5.1 Soit M une martingale locale continue telle que M0 = 0. Alors on a hM, M it =
0 ps pour tout t ≥ 0 si et seulement si M est indistinguable de 0.
1
hM, N it = hM + N, M + N it − hM, M it − hN, N it .
2
Proposition 5.14
1. hM, N i est l’unique (à indistinguabilité près) processus à variation finie tel que Mt Nt −
hM, N it soit une martingale locale.
2. Si 0 = tn0 < tn1 < · · · < tnpn = t est une suite de subdivisions emboı̂tées de [0, t] de pas
tendant vers 0, on a, au sens de la convergence en probabilité,
pn
X
P- lim (Mtni − Mtni−1 )(Ntni − Ntni−1 ) = hM, N it .
n→+∞
i=1
où (tni )i=1,...,n est une partition de [t, s]. À la limite n → +∞, on obtient bien (5.12).
Dans la suite on fixe un ω ∈ Ω pour lequel (5.12)
R t est vraie pour tout s < t et on raisonne
pour ce ω presque sûr. L’interprétation de s |dhM, N iu | comme variation finie par la
Proposition 5.3 donne aussi
Z t q q
|dhM, N iu | ≤ hM, M is,t hN, N is,t . (5.13)
s
Soit maintenant H, K des processus progressifs simples. Quitte à raffiner les partitions
définissant H et K, on peut trouver 0 = t0 < t1 < · · · < tn < +∞ et h0 , . . . , hn , k0 , . . . , kn
telles que hi , ki ∈ L∞ (Fti ), et pour lesquels
n−1
X n−1
X
H = h0 1{0} + hi 1]ti ,ti+1 ] , K = k0 1{0} + ki 1]ti ,ti+1 ] .
i=0 i=0
On a alors
Z t n−1 Z ti+1 n−1 Z ti+1
X X
Hs Ks dhM, N is =
hi k i dhM, N is
≤ |hi | |ki | dhM, N i s
0
i=0 ti
i=0 ti
n−1
X Z ti+1 1/2 Z ti+1 1/2
≤ |hi | |ki | dhM, M is dhN, N is
i=0 ti ti
n−1 Z ti+1
X 1/2 Z ti+1 1/2
= h2i dhM, M is ki2 dhN, N is
i=0 ti ti
n−1 Z
!1/2 n−1 Z
!1/2
X ti+1 X ti+1
≤ h2i dhM, M is ki2 dhN, N is
i=0 ti i=0 ti
Z t 1/2 Z t 1/2
= Hs dhM, M is Ks dhN, N is .
0 0
Quand H et K sont des processus progressifs bornés, on peut les approximer par deux
suites de processus simples (Hn )n≥1 et (Kn )n≥1 qui convergent vers H et K en restant
bornées. On conclut alors par le théorème de convergence dominée.
5.4. Semimartingales continues 101
Proposition 5.17 Soit X, Y deux semimartingales et 0 = tn0 < tn1 < · · · < tnpn = t une suite
de subdivisions emboı̂tées de [0, t] de pas tendant vers 0. Alors, au sens de la convergence
en probabilité :
pn
X
P- lim Xtni − Xtni−1 Ytni − Ytni−1 = hX, Y it .
n→+∞
i=1
Puis comme A est à variation finie (et M est continue), la Remarque 5.8 s’applique pour
donner
pn
X
lim Mtni − Mtni−1 )(Atni − Atni−1 = hM, Ait = 0,
n→+∞
i=1
pn
X 2
lim Atni − Atni−1 = hA, Ait = 0.
n→+∞
i=1
Les principaux résultats d’intégration contre un crochet de martingales locales restent vrais
contre un crochet de semimartingales, en particulier :
Intégration stochastique
103
Chapitre 6
Intégration stochastique
On considère à nouveau dans ce chapitre un espace de probabilité filtré (Ω, F, (Ft )t≥0 , P)
muni d’une filtration (Ft )t≥0 satisfaisant les conditions habituelles. Le but est de construire
une théorie de l’intégration contre les processus stochastiques. La bonne classe de processus
à considérer est celle des semimartingales (à trajectoires continues) introduites dans le
Chapitre 5.
On commence par intégrer par rapport à des martingales (à trajectoires continues) bornées
dans L2 en Section 6.1, cette construction est fondée sur une théorie L2 . On étend cette
construction par propriété d’arrêt en Section 6.2 à des martingales locales à trajectoires
continues. On achève la construction en Section 6.3 avec l’intégration contre des semimar-
tingales. On conclut le chapitre par quelques commentaires sur le cas des semimartingales
non continues en Section 6.4.
On définit alors un produit scalaire sur Hc2 par (M, N )Hc2 := E[hM, N i∞ ] et on note k · kHc2
la norme sur Hc2 associée à ce produit scalaire :
1/2 1/2
kM kHc2 = (M, M )Hc2 = E hM, M i∞ .
D’après le Corollaire 5.1, en identifiant les processus indistinguables, on a bien une norme
car (M, M )Hc2 = 0 si et seulement si M = 0 (ie. le produit scalaire considéré est bien défini
positif).
105
106 Chapitre 6. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Proposition 6.1 L’espace Hc2 muni du produit scalaire (M, N )Hc2 est un espace de Hilbert.
Démonstration : Il s’agit de vérifier que Hc2 est complet pour la norme k · kHc2 . Pour cela,
on considère une suite de Cauchy (M n )n≥0 pour cette norme : d’après le Théorème 5.3,
(M n −M m )2 −hM n −M m , M n −M m i est une martingale uniformément intégrable. L’égalité
de martingale assure
E (M n − M m )2t − hM n − M m , M n − M m it
= E (M n − M m )20 − hM n − M m , M n − M m i0 = 0
c’est à dire
E (M n − M m )2t = E hM n − M m , M n − M m it
≤ E hM n − M m , M n − M m i∞ .
On peut alors extraire une sous-suite (nk )k≥0 telle que pour tout k ≥ 0
1/2
nk nk+1 2 1
E sup(Mt − Mt ) ≤ k.
t≥0 2
On en déduit que ps
+∞
n
X
sup Mtnk − Mt k+1 < +∞.
t≥0
k=0
Presque sûrement, la suite (Mtnk )t≥0 est de Cauchy dans C 0 (R+ , R) muni de k · k∞ et donc
elle converge uniformément sur R+ vers une limite qu’on note (Mt )t≥0 . Sur l’ensemble né-
gligeable où il n’y a pas convergence, on impose Mt ≡ 0. Le processus limite (Mt )t≥0 a alors
des trajectoires continues. Comme, pour chaque t ≥ 0, la suite (Mtnk )k≥0 est évidemment
de Cauchy dans L2 (Ω), (Mtnk )k≥0 converge aussi dans L2 (Ω) vers Mt pour tout t ≥ 0. On
peut donc passer à la limite (dans L1 (Ω)) dans la propriété de martingale de (Mtnk )t≥0 et
6.1. Par rapport à une martingale bornée dans L2 107
on obtient celle de (Mt )t≥0 qui est donc aussi une martingale. La suite M n étant de Cauchy
dans Hc2 , elle est bornée dans Hc2 pour k · kHc2 , on a alors pour tout n ≥ 1, t ≥ 0
soit supn supt≥0 E (Mtn )2 < +∞. Les variables aléatoires Mtn , n ≥ 1, t ≥ 0, sont donc
uniformément bornées dans L2 (Ω). Par conséquent, la martingale M est aussi bornée dans
L2 (Ω), ce qui assure M ∈ Hc2 . Enfin, comme (M − M nk )2 − hM − M nk , M − M nk i est une
martingale convergente (lorsque k → +∞), on a
ce qui montre que la sous-suite (M nk )k≥0 converge vers M dans Hc2 . Finalement, comme la
suite de Cauchy (M n )n≥0 a une sous-suite convergeant vers M , elle converge entièrement
vers M dans Hc2 .
Rappelons que Prog désigne la tribu progressive sur R+ × Ω (Déf. 4.3) et que les processus,
vus comme fonctions sur (R+ × Ω, Prog) sont appelés progressifs.
L2 (M ) = L2 R+ × Ω, Prog, dP ⊗ dhM, M i
où 0 < t0 < t1 < t2 < · · · < tp et pour chaque 0 ≤ i ≤ p, H(i) est une variable aléatoire
Fti -mesurable et bornée.
Proposition 6.2 (Densité) Pour tout M ∈ Hc2 , l’espace S est dense dans L2 (M ).
108 Chapitre 6. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
En posant Z t
Xt = Ku dhM, M iu , t ≥ 0,
0
l’égalité (6.2) se réécrit E F (Xt − Xs ) = 0 pour tous s < t et toute variable aléatoire
Fs -mesurable F bornée, ie. X = (Xt )t≥0 est en fait une martingale car en plus Xt ∈ L1 (Ω)
pour tout t ≥ 0, l’intégrale définissant Xt étant ps absolument convergente lorsque M ∈ Hc2
et K ∈ L2 (M ) (appliquer par exemple l’inégalité de Cauchy-Schwarz).
D’autre part, par la Proposition 5.5, X étant une intégrale contre un processus croissant
est aussi un processus à variation finie avec X0 = 0. Le Théorème 5.1 exige alors d’avoir
X = 0, ie. Z t
Ku dhM, M iu = 0 ∀t ≥ 0 ps.
0
Rt R
Comme 0 = 0 Ku dhM, M iu = R Ku 1[0,t] (u) dhM, M iu , Ku dhM, M iu coı̈ncide avec la
mesure nulle sur la famille des intervalles [0, t], donc par un argument de classe monotone
sur tout B(R+ ), c’est à dire K est ps orthogonal à L2 (M ) ou encore K = 0 dans L2 (M ).
Cela établit la densité de S dans L2 (M ).
— L’intégrale H · hM, N i qui figure dans le terme de droite de (6.3) est une intégrale
de Stieltjes par rapport à un processus à variation finie hM, N i, comme défini dans
la Section 5.1.4.
6.1. Par rapport à une martingale bornée dans L2 109
(i) (i)
Démonstration : Pour H ∈ S de la forme (6.1), on écrit H · M = p−1
P
i=0 Mt où Mt :=
(i)
H(i) (Mti+1 ∧t − Mti ∧t ). On commence par observer que (Mt )t≥0 est une martingale pour
chaque 0 ≤ i ≤ p − 1. En effet : pour s ≤ t,
— si s ≥ ti :
(i)
E Mt |Fs ] = E H(i) (Mti+1 ∧t − Mti ∧t )|Fs = H(i) E (Mti+1 ∧t − Mti ∧t )|Fs
= H(i) (Mti+1 ∧s − Mti ∧s ) = Ms(i) ;
— puis si s < ti :
(i)
E Mt |Fs ] = E H(i) (Mti+1 ∧t − Mti ∧t )Fs = E E[H(i) (Mti+1 ∧t − Mti ∧t )|Fti ]|Fs
= E H(i) E (Mti ∧t − Mti ∧t )|Fti Fs
= 0 = Ms(i) .
(i) (i) Pp−1 (i)
On a donc E[Mt |Fs ] = Ms pour tout t ≥ s et H ·M = i=0 M est bien une martingale.
De plus, comme H est bornée et M ∈ Hc2 , on a aussi H · M ∈ Hc2 .
Pour la deuxième partie, d’abord, si H = H(i) 1]ti ,ti+1 ] , comme M N − hM, N i est une
martingale (car martingale locale bornée dans L2 d’après la Prop. 5.14), alors
est aussi une martingale. Comme cette martingale est nulle en t ≤ ti et comme H(i) ∈ Fti
R·
est encore une martingale puis en sommant sur 0 ≤ i ≤ p − 1, (H · M )N − 0 Hs dhM, N is
reste aussi une martingale. D’après la Prop. 5.14, on identifie le crochet de (H · M ) et de
N :
h(H · M ), N i = H · hM, N i.
Noter en particulier que hH · M, H · M i = H 2 · hM, M i.
(1[0,T ] H) · M = (H · M )T = H · M T . (6.5)
110 Chapitre 6. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Avec des notations intégrales, cette dernière propriété s’écrit de façon naturelle :
Z t Z t∧T Z t
1[0,T ] H dM = H dM = H dM T .
0 0 0
kH · M k2Hc2 = E[hH · M, H · M i∞ ]
= E[H 2 · hM, M i∞ ] (par (6.3))
Z +∞
2
= E Hs dhM, M is
0
2
= kHkL2 (M ) .
Soit alors H ∈ L2 (M ) et (H n )n≥0 suite de S qui converge vers H dans L2 (M ) (densité cf.
Prop. 6.2). Par l’isométrie, on a alors H n · M → H · M dans Hc2 . Puis par la continuité de
X ∈ Hc2 7→ hX, N i∞ ∈ L1 (Ω) :
où les convergences ont lieu dans L1 (Ω) avec pour la dernière égalité l’utilisation, encore,
de l’inégalité de Kunita-Watanabe :
Z +∞
E (Hs − Hs ) dhM, N is ≤ E[hN, N i∞ ]1/2 kH n − HkL2 (M ) .
n
0
(On justifie de la même façon que (H ·hM, N i)∞ est bien défini.) On a donc établi (6.4) pour
t = +∞. Pour conclure, il faut l’obtenir pour tout t ≥ 0. Pour cela, il suffit de remplacer N
par N t , la martingale arrêtée en t ≥ 0, dans l’égalité hH · M, N i∞ = (H · hM, N i)∞ et on
6.1. Par rapport à une martingale bornée dans L2 111
En particulier, on a
Z · Z · Z t
Hs dMs , Hs dMs = Hs2 dhM, M is .
0 0 t 0
Attention : ces relations (6.8), (6.9) ne seront plus forcément vraies pour les extensions de
l’intégrale stochastique qu’on décrit ci-dessous pour les martingales locales.
Remarque 6.3 Le mouvement brownien est bien une martingale continue mais n’est pas
borné dans L2 (par exemple avec le Théorème 5.3 parce que son crochet hB, Bit = t →
+∞). Cette section ne permet donc toujours pas de construire une intégrale contre le
mouvement brownien. Les derniers obstacles sont levés dans la section suivante.
Définition 6.5 (Espaces L2loc (M )) On note L2loc (M ) l’espace des processus progressifs H tels
que pour tout t ≥ 0, Z t
Hs2 dhM, M is < +∞ ps.
0
6.2. Par rapport à une martingale locale 113
Pour une martingale locale M , on continue à noter L2 (M ) l’espace des processus progressifs
H tels que Z +∞
E Hs2 dhM, M is < +∞.
0
Théorème 6.2 (Existence de l’intégrale stochastique générale) Soit M une martingale lo-
cale issue de 0. Pour tout H ∈ L2loc (M ), il existe une unique martingale locale issue de 0,
notée H · M . De plus
1. la martigale locale H · M est caractérisée par :
hH · M, N i = H · hM, N i, (6.10)
(1[0,T ] H) · M = (H · M )T = H · M T . (6.11)
Rt
Remarque 6.4 — On note habituellement (H · M )t = 0 Hs dMs .
— Cette définition étend celle du Théorème 6.1 : si M ∈ Hc2 et H ∈ L2 (M ), alors les
définitions de ce théorème et du Théorème 6.1 coı̈ncident.
En effet, si M ∈ Hc2 et H ∈ L2 (M ), l’égalité hH · M, H · M i = H 2 · hM, M i entraı̂ne
d’abord que H · M ∈ Hc2 , et ensuite les propriétés caractéristiques (6.4) et (6.10)
montrent que les définitions des Théorèmes 6.1 et 6.2 coı̈ncident.
— La propriété d’associativité de la Proposition 6.4 reste vraie aussi sous des hypo-
thèses convenables d’intégrabilité.
— Le mouvement brownien B est une Rmartingale locale pour laquelle le Théorème 6.2
t
définit donc l’intégrale (H · B)t = 0 Hs dBs pour H ∈ L2loc (B). Les intégrales sto-
chastiques par rapport au mouvement brownien B s’appellent les intégrales d’Itô.
Le calcul stochastique lié à ces intégrales est le calcul d’Itô.
Démonstration : On définit
Z t
2
Tn = inf t ≥ 0 : (1 + Hs ) dhM, M is ≥ n .
0
Comme pour la Prop. 5.12, il s’agit d’une suite de temps d’arrêt, croissante vers +∞.
Comme on a Z Tn
Tn Tn
hM , M it = hM, M it∧Tn ≤ dhM, M is ≤ n,
0
le Théorème 5.3 s’applique et assure que la martingale arrêtée M Tn est dans Hc2 . De plus,
H ∈ L2 (M Tn ), car par définition de Tn , on a aussi
Z +∞ Z Tn
2 Tn Tn
Hs dhM , M is = Hs2 dhM, M is ≤ n.
0 0
114 Chapitre 6. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
H · M Tn = (H · M Tm )Tn
en effet
Z t∧Tn
Tm Tn Tm
h(H · M ) , N it = h(H · M ), N it∧Tn = Hs dhM Tm , N is
0
Z t∧Tn Z t∧Tn ∧Tm
= Hs dhM, N iTs m = Hs dhM, N is
0 0
Z t∧Tn
= Hs dhM, N is = h(H · M, N iTt n
0
= h(H · M )Tn , N it .
Il existe donc un (unique) processus noté H · M qui étend tous les H · M Tn , ie. pour
tout n ≥ 1,
(H · M )Tn = H · M Tn .
Explicitement, on pose
(H · M )t = H · M Tn
t
(6.12)
pour tout n tel que Tn ≥ t. La discussion précédente justifie que la définition a bien un sens
(elle ne dépend pas de n !). D’après le Théorème 6.1, les processus (H · M )Tn = H · M Tn
sont des martingales de Hc2 , si bien que H · M est en fait une martingale locale.
1) On montre maintenant la propriété caractéristique (6.10). Pour cela, soit N une mar-
tingale locale issue de 0 et soient Tn0 = inf(t ≥ 0 : |Nt | ≥ n) qui réduit N . On pose alors
Sn = Tn ∧ Tn0 . Comme M Sn , N Sn ∈ H2c , on a
Remarque 6.5 Discutons maintenant de l’extension des formules de moments (6.8), (6.9)
énoncées en Remarque 6.2. Soient M une martingale locale, H ∈ L2loc (M ) et t ∈ [0, +∞].
Alors, sous la condition
Z t
2
E hH · M, H · M it = E Hs dhM, M is < +∞,
0
En effet soit le majorant est +∞ et l’inégalité est vraie, soit il est fini et l’estimation de la
variance est valable et donne l’égalité.
L’énoncé suivant établit une approximation par des sommes de Riemann des intégrales
stochastiques (contre une martingale locale) et complète le Lemme 5.4 dans le cas variation
finie.
Puis comme
Z t∧Tp Z t∧Tp
(n) 2
(Hs − Hs ) dhM, M is ≤
4p2 dhM, M is ≤ 4p2 hM, M it∧Tp
0 0
≤ 4p2 hM, M iTp ≤ 4p3
le théorème de convergence dominée (pour E) entraı̂ne
h 2 i
lim E (H (n) · M Tp )t − (H · M Tp )t = 0.
n→+∞
Pour conclure, on remarque que P(Tp > t) % 1 quand p → +∞, ce qui affaiblit la conver-
gence L2 obtenue en une convergence en probabilité.
Le résultat suivant est une version du théorème de convergence dominée pour les intégrales
stochastiques :
6.3. Par rapport à une semimartingale 117
Théorème 6.3 Soit X une semimartingale continue. Si H n est une suite de processus loca-
lement bornés telle que limn→+∞ Htn = 0 pour tout t ≥ 0 et telle qu’il existe un processus K
P
borné satisfaisant |H n | ≤ K pour tout n ≥ 1, alors (H n ·X)t → 0, n → +∞, uniformément
sur tout compact.
ce qui est clair d’après les propriétés de l’intégrale de Stieltjes si X est un processus à
variations finies. Il suffit donc de considérer le cas où X est une martingale locale.
On suppose alors X réduite par la suite de temps d’arrêt (Tp )p≥1 donnée en (6.16) alors
p
(H n )Tp converge vers 0 dans L2 (X T ). D’après l’isométrie du Théorème 6.1, (H n · X)Tp
converge vers 0 dans Hc2 . Comme limp→+∞ P(Tp ≥ t) = 1, on obtient la convergence en
probabilité cherchée.
En particulier, tout processus continu adapté est localement borné (cf. Prop. 4.1). De plus,
si H est localement borné, pour tout processus V à variation finie on a :
Z t
ps ∀t ≥ 0, |Hs | |dVs | < +∞.
0
H ·X =H ·M +H ·A
118 Chapitre 6. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
où H · M est définie dans la Section 6.2 et H · A est définie en Section 5.1.4 (intégrale de
Stieltjes). On note traditionnellement
Z t
(H · X)t = Hs dXs .
0
Des propriétés déjà vues pour l’intégrale contre une martingale locale et contre un processus
à variation finie, on déduit facilement :
Remarque 6.6
— Remarquer que dans la propriété 5), on ne suppose pas que les variables aléatoires
H(i) sont bornées.
— Le résultat d’approximation dans 6) généralise dans le cas de l’intégration stochas-
tique l’approximation des intégrales de Riemann. Ce résultat sera utile dans la suite,
notamment pour prouver la formule d’Itô.
— Dans ce résultat, il est essentiel de considérer Htni dans l’approximation de Riemann.
Un autre choix conduit à un autre type d’intégrale stochastique : par exemple Htni+1
mène à une intégrale dite anticipante, et H(tni+1 +tni )/2 mène à l’intégrale de Stra-
tonovich alors que pour le choix Htni , fait dans ce chapitre, on obtient l’intégrale
d’Itô.
6.4. Cas non continu 119
Démonstration : Toutes les propriétés viennent de celles vues en Section 5.1 pour la partie
variation finie et en Section 6.2 pour la partie martingale locale. Par exemple, 6) vient du
Lemme 5.4 et de la Proposition 6.5.
Le résultat suivant est une version du théorème de convergence dominée pour les intégrales
stochastiques :
Théorème 6.4 Soit X une semimartingale à trajectoires continues. Si H (n) est une suite de
(n)
processus localement bornés telle que limn→+∞ Ht = 0 pour tout t ≥ 0 et telle qu’il existe
P
un processus K borné satisfaisant |H (n) | ≤ K pour tout n ≥ 1, alors H (n) · X t −→ 0,
n → +∞, uniformément sur tout compact.
Démonstration : Il s’agit de voir
P
sup (H (n) · X)s −→ 0, n → +∞,
s≤t
ce qui est clair d’après les propriétés de l’intégrale de Stieltjes si X est un processus à
variations finies. Il suffit donc de considérer le cas où X est une martingale locale. On
suppose X réduite par la suite de temps d’arrêt (Tp )p≥1 donnée en (6.16) alors (H (n) )Tp
converge vers 0 dans L2 (X Tp ). D’après l’isométrie du Théorème 6.1, (H (n) · X)Tp converge
vers 0 dans Hc2 . Comme limp→+∞ P(Tp ≥ t) = 1, on obtient la convergence en probabilité
cherchée.
Dans ce contexte, il faut alors porter une attention particulière aux sauts ∆Xt = Xt − Xt−
du processus. On consultera [Pro] pour une introduction au calcul stochastique avec saut
ou, pour le cas spécifique des processus de Lévy, [CT] ou [App].
Chapitre 7
Dans ce chapitre, on prouve la formule d’Itô, véritable clef de voûte du calcul stochas-
tique. Celle-ci montre que lorsqu’on applique une application C 2 à une semimartingale, on
conserve une semimartingale ; elle en donne en plus la décomposition (martingale locale +
processus à variation finie). La formule d’Itô est prouvée en Section 7.1. Des conséquences
importantes en sont présentées dans les sections suivantes : théorème de Lévy (caractérisa-
tion du mouvement brownien par son crochet, Section 7.2 ), théorème de Dubins-Schwarz
(Section 7.3), inégalités de Burkholder-Davis-Gundy (BDG, Section 7.4), théorème de re-
présentation des martingales (Section 7.5), formule de Tanaka (Section 7.6).
La même formule reste vraie pour un processus X à variation finie en faisant un calcul
trajectoriel (pour chaque ω fixé, la trajectoire t 7→ Xt (ω) est à variation finie et le cas
précédent s’applique) : pour F une fonction de classe C 1 , on a alors
Z t
F (Xt ) = F (X0 ) + F 0 (Xs ) dXs .
0
121
122 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
La formule d’Itô généralise cette propriété pour des semimartingales lorsque F est C 2 ; la
formule fait alors apparaı̂tre un terme supplémentaire dû au fait que ces processus ne sont
pas à variation finie, cf. (7.1) ci-dessous.
Démonstration : On traite d’abord le cas (7.1) c’est à dire p = 1. Considérons une suite
{0 = tn0 < · · · < tnpn = t}n≥1 de subdivisions emboı̂tées de [0, t] de pas tendant vers 0. Alors
en télescopant la somme, on a
pn −1
X
F (Xt ) = F (X0 ) + F (Xtni+1 ) − F (Xtni ) .
i=0
La formule de Taylor (Lagrange) à l’ordre 2 sur l’intervalle (non ordonné) (Xtni , Xtni+1 )
donne pour chaque ω ∈ Ω :
fn,i (ω)
F (Xtni+1 ) − F (Xtni ) = F 0 (Xtni )(Xtni+1 − Xtni ) + (Xtni+1 − Xtni )2
2
où " #
inf F 00 Xtni + θ(Xtni+1 − Xtni ) , sup F 00 Xtni + θ(Xtni+1 − Xtni ) .
fn,i ∈
θ∈[0,1] θ∈[0,1]
car alors, par unicité presque sûre de la limite en probabilité, on aura pour tout t ≥ 0 :
Z t
1 t 00
Z
0
F (Xt ) = F (X0 ) + F (Xs ) dXs + F (Xs ) dhX, Xis ps.
0 2 0
Les deux termes de l’égalité ci-dessus étant continus en t, les deux processus seront en fait
indistinguables, ce qui donnera (7.1).
Il reste donc à établir (7.3) ; pour cela, on note pour n < m :
pm −1
X
Tm = fm,i (ω)(Xtm
j+1
− Xtm
j
)2
j=0
pn −1
X X
Tn,m = fn,j (ω) (Xtm
j+1
− Xtm
j
)2 .
i=0 {j:tn m n
i ≤tj <ti+1 }
Ppm −1 Ppn −1 P
Comme = {j:tn m n (subdivisions emboı̂tées), on a
j=0 i=0 i ≤tj <ti+1 }
pn −1
X X
Tm = fm,i (ω)(Xtm
j+1
− Xtm
j
)2
i=0 {j:tn m n
i ≤tj <ti+1 }
et on peut écrire
|Tm − Tn,m |
pn −1 pn −1
X X
2
X X
2
= fm,j (ω)(Xtmj+1
− X tm) −
j
f n,i (ω)(X tm
j+1
− X tm)
j
i=0 {i:tni ≤tm n
j <ti+1 }
i=0 {j:tn m n
i ≤tj <ti+1 }
n −1
pX X
2
= fm,j (ω) − fn,i (ω) (Xtm j+1
− X tm)
j
i=0 {j:tni ≤tm n
j <ti+1 }
pn −1 pm −1
X X
2
X
≤ Zn,m (Xtm
j+1
− X tm)
j
= Z n,m (Xtm j+1
− Xtm j
)2
i=0 {j:tni ≤tm n
j <ti+1 }
j=0
avec !
Zn,m = sup sup |fm,j − fn,i | .
0≤i≤pn −1 {j:tn m n
i ≤tj <ti+1 }
ps
La continuité de F 00 assure que Zn,m −→ 0 quand n, m → +∞. D’après l’interprétation
00
Ppm −1 P
variation quadratique00 du crochet (Proposition 5.17), on a 2
j=0 (Xtj+1 − Xtj ) −→
m m
hX, Xit . Et donc pour ε > 0 donné, il existe n1 ≥ 1 tel que pour tout m > n ≥ n1 ,
pm −1
!
X
)2 ≥ ε/3 ≤ ε/3.
P |Tm − Tn,m | ≥ ε/3 ≤ P Zn,m (Xtm
j+1
− Xtm
j
(7.4)
j=0
124 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
P m −1
(Comme Zn,m −→ 0 et pj=0
P P
(Xtm
j+1
− Xtm
j
)2 −→ hX, Xit , le lemme de Slutsky assure
P m −1
Zn,m pj=0
P
(Xtm j+1
− Xtmj
)2 −→ 0.) Ensuite, comme les (tm
j )j:tn m n
i ≤tj <ti+1
forment une subdi-
n n
vision de [ti , ti+1 ], la Proposition 5.17 montre aussi qu’en probabilité :
pn −1
X X
P- lim Tn,m = P- lim fn,i (Xtm
j+1
− Xtm
j
)2
m→+∞ m→+∞
i=0 {j:tn m n
i ≤tj <tn+1 }
pn −1
X
= fn,i hX, Xitni+1 − hX, Xitni
i=0
Z t
= hn (s) dhX, Xis ,
0
Ppn −1
où hn = i=0 fn,i 1[tni ,tni+1 [ . Ainsi il existe n2 ≥ 1 tel que pour m ≥ n2
Z t
P Tn,m −
hn (s) dhX, Xis ≥ ε/3 ≤ ε/3.
(7.5)
0
Puis comme F est C 2 , on a limn→+∞ hn (s) = F 00 (Xs ) ps. De plus, on a pour tout s ∈
[tni , tni+1 [
hn (s) − F 00 (Xs ) = fn,i − lim fm,n = lim fn,i − fm,j ≤ lim Zn,m ,
m→+∞ m→+∞ m→+∞
et donc
sup |hn (s) − F 00 (Xs )| −→ 0,
P
n → +∞.
s∈[0,t]
Comme
(p −1 Z t )
Xm
fm,j (Xtm − Xtm )2 − F 00 (Xs ) dhX, Xis ≥ ε
j+1 j
j=0 0
⊂ {|Tm − Tn,m | ≥ ε/3}
Z t
∪ Tn,m −
hn (s) dhX, Xis ≥ ε/3
0
Z t Z t
00
∪ hn (s) dhX, Xis − F (Xs ) dhX, Xis ≥ ε/3
0 0
ce qui prouve (7.3) puisque ε > 0 est arbitraire. Finalement, la formule d’Itô (7.1) est
prouvée pour p = 1.
Dans le cas où p est quelconque, la formule de Taylor (toujours à l’ordre 2) donne
(1) (p) (1) (p)
F (Xtni+1 , . . . , Xtni+1 ) − F (Xti , . . . , Xtni )
i
p p k,l
X ∂F (1) (p) (k) (k)
X fn,i (k) (k) (l) (l)
= (Xtni , . . . , Xtni )(Xtni+1 − Xtni ) + (Xtni+1 − Xtni )(Xtni+1 − Xtni )
k=1
∂xk k,l=1
2
avec
" #
k,l ∂ 2F (1) (1) (1) ∂ 2
F (1) (1) (1)
fn,i ∈ inf (Xtni + θ(Xtni+1 − Xtni ), . . . ), sup (Xtni + θ(Xti − Xtni ), . . . ) .
θ∈[0,1] ∂xk ∂xl θ∈[0,1] ∂x k ∂x l i+1
Le 6) dans la Proposition 6.6 donne à nouveau la limite cherchée pour les termes faisant
intervenir les dérivées premières :
pi −1 p Z t
X ∂F (1) (p) (k) (k) P
X ∂F
(Xtni , . . . , Xtni )(Xtni+1 − Xtni ) −→ (Xs(1) , . . . , Xs(p) ) dXs(k) .
i=1
∂xk k=1 0
∂xk
Un cas particulier important de la formule d’Itô est la formule d’intégration par parties.
Le terme hX, Y i est nul si X ou Y est à variation finie. Il est présent quand on considère
de (vraies) semimartingales et ce terme supplémentaire témoigne de la différence entre le
calcul stochastique et le calcul différentiel déterministe.
Démonstration : Appliquer la formule d’Itô à F (x, y) = xy qui est bien de classe C 2 en
x, y et noter que
∂ 2F ∂ 2F ∂ 2F
(x, y) = 1, (x, y) = (x, y) = 0.
∂x∂y ∂x2 ∂y 2
126 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
En particulier, si Y = X on obtient
Z t
Xt2 = X02 +2 Xs dXs + hX, Xit .
0
Remarque 7.1 — Lorsque X = M est une martingale locale, on sait que M 2 − hM, M i
est une martingale locale (définition du crochet du Théorème 5.2). La formule pré-
cédente montre que cette martingale locale est en fait
Z t
2
M0 + 2 Ms dMs ,
0
F (t, Xt ) = F (0, X0 )
Z t Z t
1 t ∂ 2F
Z
∂F ∂F
+ (s, Xs )dXs + (s, Xs )ds + (s, Xs ) dhX, Xis . (7.8)
0 ∂x 0 ∂t 2 0 ∂x2
| {z } | {z }
martingale locale variation finie
En prenant Xt1 = t et Xt2 = Bt , (7.8) devient : pour toute fonction F de classe C 2 sur
R+ × R, on a :
Z t Z t
1 ∂ 2F
∂F ∂F
F (t, Bt ) = F (0, B0 ) + (s, Bs ) dBs + + (s, Bs ) ds.
0 ∂x 0 ∂t 2 ∂x2
7.1. Formule d’Itô 127
(1) (p)
Si Bt = (Bt , . . . , Bt ) est un (Ft )-mouvement brownien en dimension d alors les B (i) sont
des mouvements browniens indépendants. On a vu au chapitre précédent que dans ce cas
hB (i) , B (j) i = 0 lorsque i 6= j et dhB (i) , B (i) is = ds. La formule d’Itô montre alors que,
pour toute fonction F de classe C 2 sur Rp ,
p Z t
1 p (1) (p)
X ∂F (1)
F (Bt , . . . , Bt ) = F (B0 , . . . , B0 ) + (Bs , . . . , Bs(p) )dBs(i)
i=1 0 ∂x i
Z t
1
+ ∆F (Bs(1) , . . . , Bs(p) )ds
2 0
2 (1) (p)
où ∆F = di=1 ∂∂xF2 est le laplacien de F . On a aussi une formule analogue pour F (t, Bt , . . . , Bt ).
P
i
(1) (p)
En particulier si F est harmonique (ie. ∆F = 0) alors F (Bt , . . . , Bt ) est une martingale
locale.
Exponentielles stochastiques
On définit maintenant l’exponentielle stochastique E(M ) d’une martingale locale M
quelconque. La formule d’Itô justifie qu’il s’agit d’une martingale locale et explique la
terminologie, cf. la Remarque 7.2 ci-dessous. Pour commencer, on dit qu’un processus à
valeurs dans C est une martingale locale si ses parties réelle et imaginaire en sont.
Démonstration : Si F (x, r) est une fonction de classe C 2 sur R×R+ , la formule d’Itô assure
Z t
∂F
F Mt , hM, M it = F (M0 , 0) + Ms , hM, M is dMs
0 ∂x
Z t
1 ∂ 2F
∂F
+ + M s , hM, M is dhM, M is .
0 ∂r 2 ∂x2
Le processus F Mt , hM, M it est une martingale locale dès que sa partie à variation finie
s’annule, ie. lorsque F vérifie la condition :
∂F 1 ∂ 2F
+ = 0.
∂r 2 ∂x2
La preuve s’achève en observant que cette condition est satisfaite par la fonction F (x, r) =
2
exp λx − λ2 r (plus précisément par les parties réelle et imaginaire de cette fonction).
128 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
∂F
Remarque 7.2 Avec F (x, r) = exp x − r/2 (prendre λ = 1 précédemment), ∂x
(x, r) =
F (x, r), si bien que l’identité
Z t
∂F
F Mt , hM, M it = F (M0 , 0) + Ms , hM, M is dMs
0 ∂x
s’écrit Z t
E(M )t = E(M )0 + E(M )s dMs (7.9)
0
ou en écriture symbolique d’EDS (cf. Chapitre ??) : dE(M ) = E(M )dM , ce qui généralise
l’équation dy = y dx de solution y(x) = ex avec la condition y(0) = 1 ou l’équation
dyt = yt dgt de solution yt = exp(gt ) si g est à variation finie nulle en 0 et avec la condition
initiale y0 = 1. Cette propriété justifie l’appelation exponentielle stochastique de M pour
E(M ).
Rt
Proposition 7.2R· 1. Soit f ∈ L2loc (B) avec 0 f (s)2 ds ≤ C ps pour une constante C finie
alors E( 0 fs dBs ) estRune vraie martingale de carré intégrable. En particulier pour
·
tout t ≥ 0, on a E[E( 0 fs dBs )t ] = 1.
2. Si f ∈ L2loc (B) est à valeurs complexes, on a
" Z 2 #
Z t
·
Z ·
2
|f (s)| ds ≤ C =⇒ E E( fs dBs ) < +∞ et E E( fs dBs ) = 1.
0 0 0
R·
Démonstration : 1) Notons Zt = E( 0 f (s)dBs )t . On commence par supposer que |f (s)| ≤ k
pour tout s ∈ [0, t]. Pour l’exponentielle stochastique, la formule d’Itô s’écrit
Z t
Zt = 1 + Zs f (s) dBs .
0
Apriori comme E[Zs2 ] n’est pas finie, on considère les temps d’arrêt Tn = inf t ≥ 0 : Zt ≥
n , n ≥ 1, qui réduisent la martingale locale Z. En faisant comme précédemment, on peut
remplacer (7.10) par
Z u
2 2 2
2
E Zu 1{u≤Tn } ≤ E Zu∧Tn ≤ 2 1 + k E Zs 1s≤Tn ds . (7.11)
0
On peut alors appliquer le résultat classique suivant à E Zu2 1{u≤Tn } :
Lemme 7.1 (Gronwall) Soit g une fonction positive localement intégrable définie sur R+
telle que pour a, b ≥ 0 Z t
g(t) ≤ a + b g(s) ds. (7.12)
0
Le lemme de Gronwall (Lemme 7.1) assure alors E[Zs2 1{u≤Tn } ] ≤ 2 exp(2k 2 s) et par conver-
gence monotone on obtient E[Zs2 ] ≤ 2 exp(2k 2 s) lorsque n → +∞. On a donc Zs de carré
intégrable et borné dans L2 pour s ∈ [0, t]. Cela garantit f Z ∈ L2[0,t] (B) et E[Zt ] = 1.
Dans le cas général, onRpose fn = (f ∧Rn) ∨ (−n) et on applique le cas précédent à fn . Par
t t
convergence monotone 0 fn (u)2 du % 0 f (u)2 du, n → +∞, et par isométrie et convergence
Rt L2 R t
dominée 0 fn (u)dBu −→ 0 f (u)dBu car
"Z 2 #
t Z t Z t
2
E fn (u) dBu − f (u) dBu =E (fn (u) − f (u)) du .
0 0 0
130 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
On a donc
Z t Z t Z t Z t
1 2 P 1
fn (s) dBs − fn (s) ds −→ fn (s) dBs − f (s)2 ds
0 2 0 0 2 0
L2
justifie que (Zn (t))n≥1 est uniformément intégrable dans L2 . On en déduit alors que Zn (t) −→
Z(t) et donc Z(t) ∈ L2 .
7.2. Théorème de Lévy 131
Remarque 7.3 Il est crucial que le processus soit à trajectoires continues. Par exemple le
processus de Poisson (standard) vérifie la même propriété de crochet mais il est à trajec-
toires càdlàg.
X d
d X d
X
(j) (k)
uj uk hX , X it = u2j t = kuk2 t.
j=1 k=1 j=1
En particulier, pour A ∈ Fs , on a :
h i
E 1A exp iu · (Xt − Xs )
132 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
h i
= E E 1A exp (iu · (Xt − Xs )) Fs
1 2 1 2
= E 1A exp −iu · Xs − kuk t E exp iu · Xt + kuk t Fs
2 2
1 2 1 2
= E 1A exp −iu · Xs − kuk t exp iu · Xs + kuk s
2 2
1
= P(A) exp − kuk2 (t − s) . (7.13)
2
soit
E 1A f (Xt − Xs ) = P(A)E f (Xt − Xs ) .
Comme c’est vrai pour tout A ∈ Fs , on a Xt − Xs ⊥ ⊥ Fs (argument de classes monotones).
(i) (i)
Finalement, pour tout 0 = t0 < t1 < · · · < tp , le vecteur Xtj − Xtj−1 1≤i≤d est un vecteur
1≤j≤p
gaussien (car obtenu en regroupant p vecteurs gaussiens indépendants). Par transformation
linéaire, (Xti )1≤i≤p est encore un vecteur gaussien pour tout (ti )1≤i≤p et donc X est un pro-
(i) (i)
cessus gaussien. Comme le vecteur Xtj − Xtj−1 1≤i≤d a ses composantes indépendantes,
1≤j≤p
le processus X est finalement gaussien, à accroissements indépendants et stationnaires et
(par hypothèse) à trajectoires continues, achevant de prouver que X (1) , . . . , X (d) sont d
mouvements browniens indépendants.
7.3 Dubins-Schwarz
Le résultat suivant montre que pour les martingales locales continues, le crochet est
une horloge interne qui permet de retrouver le processus quand on évalue un mouvement
brownien avec cette horloge. C’est une preuve supplémentaire du rôle central du mouvement
brownien dans la classe des martingales locales continues.
Théorème 7.3 (Dubins-Schwarz) Soit M une martingale locale continue issue de 0 et telle
que hM, M i∞ = +∞ ps. Alors, il existe un mouvement brownien β tel que
ps ∀t ≥ 0, Mt = βhM,M it .
7.3. Dubins-Schwarz 133
L’hypothèse sur hM, M i assure que τr < +∞ ps. De plus, la fonction r 7→ τr est
— croissante car si r ≤ s alors
Lemme 7.2 Les intervalles de constance de M et de hM, M i sont ps les mêmes. En d’autres
termes, on a ps pour tous a < b,
où l’avant dernière égalité vient du Lemme 7.2 et du fait que pour t ∈ [τr− , τr ], on a
hM, M it = r. Par ailleurs, par composition de telles fonctions, les trajectoires de β sont
clairement continues à droite ; on conclut que le processus β est à trajectoires continues.
Nous montrons ensuite que βs et βs2 − s sont des martingales relativement à la filtration
(Gs )s≥0 . Pour tout n ≥ 1, les martingales locales arrêtées M τn et (M τn )2 − hM, M iτn
sont des vraies martingales uniformément intégrables (d’après le Théorème 5.3 puisque
hM τn , M τn i∞ = hM, M iτn = n). Le théorème d’arrêt s’applique pour ces martingales uni-
formément intégrables et donne alors pour r ≤ s ≤ n :
E[βs |Gr ] = E[Mττsn |Fτr ] = Mττrn = βr
et
E[βs2 − s|Gr ] = E (Mττsn )2 − hM τn , M τn iτs |Fτr
= (Mττrn )2 − hM τn , M τn iτr
= βr2 − r.
On a donc hβ, βis = s. Le Théorème 7.2 (Théorème de Lévy avec d = 1) assure alors que
β est un (Gr )r≥0 -mouvement brownien. Finalement, par définition de β, on a ps pour tout
t ≥ 0,
βhM,M it = MτhM,M it .
On a
τhM,M it = inf s ≥ 0 : hM, M is > hM, M it ≥ t,
si l’inégalité est stricte alors hM, M i est constante sur [t, τhM,M it ], et d’après le Lemme 7.2
M aussi, ce qui assure MτhM,M it = Mt et conclut que ps pour tout t ≥ 0 on a Mt = βhM,M it .
Par continuité des trajectoires, les deux processus sont indistinguables.
où Mt∗ = max0≤s≤t |Ms | sont de même ordre de grandeur sur [0, +∞[ pour tout m > 0.
Remarque 7.6 En localisant correctement, on montre que (7.15) et (7.17) restent valables
pour M
martingale
locale continue. Pour que (7.16) reste valable, il faut supposer en plus
m
que E hM, M iT < +∞.
Yt = δ + εhM, M it + Mt2
Z t
= δ + (1 + ε)hM, M it + 2 Ms dMs , t ≥ 0,
0
où δ > 0 et ε > 0 sont des constantes qui seront choisies plus tard et la deuxième expression
vient de la formule d’Itô. En appliquant la formule d’Itô pour f (x) = xm , on a pour t ≥ 0 :
Z t Z t
m m m−1
Yt = δ + m(1 + ε) Ys dhM, M is + 2m(m − 1) Ysm−2 Ms2 dhM, M is
0 0
Z t
+2m Ysm−1 Ms dMs .
0
Cas 1 : borne sup pour 0 < m ≤ 1. Comme le dernier terme à droite de (7.18) est négatif
pour m ≤ 1, en faisant δ → 0, on a
Z T
2 m 2 m−1
E (εhM, M iT + MT ) ≤ m(1 + ε)E (εhM, M is + Ms ) dhM, M is
0
Z T
m−1 m−1
≤ m(1 + ε)ε E hM, M is dhM, M is
0
= (1 + ε)εm−1 E hM, M im
T (7.19)
et (7.19) donne
εm E hM, M im 2m
≤ (1 + ε)(ε/2)m−1 E hM, M im
T + E |MT | T . (7.21)
On déduit alors
Cas 2 : borne inf pour m > 1. Dans ce cas, le dernier terme à droite de (7.18) est positif,
x 7→ xm−1 est croissante et x 7→ xm est convexe. Les inégalités dans (7.19), (7.21), (7.22)
se renversent pour mener à
1
Cas 3 : borne inf pour 2
< m ≤ 1. En faisant ε = 0 et δ → 0 dans (7.18), on a
Z T
2m
1 2(m−1)
E |MT | = 2m m − E |Ms | dhM, M is . (7.23)
2 0
Cas 4 : borne sup pour m > 1. Dans ce cas, l’inégalité (7.24) s’inverse et on a
−1
(1 + ε)21−m
E |MT |2m ≤ εm E hM, M im
−1 T
2m − 1
ce qui est (7.17) avec T remplacé par T ∧ t. On conclut alors à l’aide du théorème de
convergence monotone en faisant t → +∞.
La preuve des inégalités BDG du Th. 7.4 utilise également l’inégalité de Lenglart :
Proposition 7.4 (Inégalité de Lenglart) Soit (Xt )t≥0 un processus continu positif partant
de 0 et (At )t≥0 un processus continu croissant tels que
Remarque 7.7 1. Noter que la condition (7.25) est remplie si X = M 2 où M est une
martingale continue bornée dans L2 car par définition du crochet de M , on a Xt −
At = Mt2 − hM, M it martingale locale et c’est une vraie martingale carM ∈ L2 .Le
théorème
2 d’arrêt
(avec T borné et 0 ≤ T ) donne en prenant l’espérance E MT2 −AT =
E M0 − A0 , ie. E[XT ] = E[AT ].
138 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
2. La condition (7.25) est encore remplie si M est une martingale locale réduite par Tn :
on peut supposer que M Tn est une martingale L2 pour laquelle d’après 1) (7.25) est
vraie, ie.
E[XT ∧Tn ] = E[AT ∧Tn ] ≤ E[AT ].
Mais comme Tn % +∞ et T est borné, par le lemme de Fatou, il vient :
E[XT ] = E lim inf XT ∧Tn ≤ lim inf E[XT ∧Tn ] ≤ lim inf E[AT ∧Tn ] ≤ E[AT ].
n→+∞ n→+∞ n→+∞
Le deuxième terme tend vers 0 directement par l’hypothèse. Comme hM (n) , M (n) iT ∧ δ ≤
δ est borné,
le premier terme tend aussi vers 0 par convergence dominée. Finalement,
(n)
limn→+∞ P sups≤T |Ms |2 > ε = 0, ce qui assure, en probabilité
(n)
P- lim sup |Ms | = 0.
n→+∞ s≤T
R +∞
Pour la dernière partie, on utilise E[Z] = 0 P(Z ≥ x)dx valable pour toute variable
aléatoire Z positive. En utilisant ci-dessous (7.26) avec ε = δ = x−1/p , on a
Z +∞
∗ p
P (XT∗ )p > x dx
E (XT ) ≤
Z0 +∞
P XT∗ > x1/p dx
≤
Z0 +∞ Z +∞
−1/p 1/p
P AT > x1/p dx
≤ x E AT ∧ x +
0 0
"Z p # "Z # Z
AT +∞ +∞
AT x−1/p dx + P ApT > x dx
≤ E dx + E
0 ApT 0
p
≤ E[ApT ] + E AT × Ap−1 + E ApT
T
1−p
2−p p
≤ E AT .
1−p
Avec les inégalités de martingales (Prop. 7.3) et l’inégalité de Lenglart (Prop. 7.4), tout
est en place pour prouver les inégalités BDG (Th. 7.4) :
Démonstration des inégalités BDG (Théorème 7.4). D’après les inégalités de martingales
précédentes (Proposition 7.3) et la remarque qui les suit, (7.14) est valable pour p = 2m >
1. Il reste à voir le cas 0 < p = 2m ≤ 1. Quitte à localiser les processus, on suppose que M
et hM, M i sont bornées et on utilise l’inégalité de Lenglart (7.27).
D’après l’inégalité droite dans (7.17) (avec m = 1), on peut appliquer l’inégalité de Lenglart
(7.27) avec
X = (M ∗ )2 , A = C10 hM, M i
et on a pour m ≤ 1/2 :
2−m
E (MT∗ )2m ≤ (C10 )m E hM, M im
T
1−m
pour tout 0 < m < 1. De la même façon, l’inégalité à gauche de (7.17) (avec m = 1) permet
d’appliquer l’inégalité de Lenglart avec
X = B1 hM, M i, A = (M ∗ )2
140 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Par conséquent, pour toute martingale M continue et bornée dans L2 (respectivement pour
toute martingale locale M continue), il existe un (unique) processus h ∈ L2 (B) (resp.
h ∈ L2loc (B)) et une constante C réelle tels que
Z t
Mt = C + h(s, ω) dBs .
0
m ∈ R, σ 2 > 0. La condition (7.29) assure que pour tous σ12 , . . . , σn2 > 0 et m1 , . . . , mn ∈ R,
on a
Z Y n
" n
#
X
0 = gmk ,σk2 (λj )E Z exp i λj (Btk − Btk−1 ) dλ1 . . . dλn
Rn k=1 j=1
" n #
σj2 (Btk − Btk−1 )2
Y
= E Z exp imk (Btk − Btk−1 ) −
k=1
2
On a donc, d’abord par approximation, pour tout ouvert borné U de Rn puis, par un
argument de classe monotone, pour tout borélien U de Rn :
E Z 1U (Bt1 , Bt2 − Bt1 , . . . , Btn − Btn−1 ) = 0.
Démonstration :[Théorème 7.5] On montre d’abord la première assertion. Pour cela, on note
H l’espace vectoriel des variables aléatoires Z ∈ L2 (Ω, F∞ ) qui ont la propriété annoncée.
Remarquons que l’unicité de h est facile à établir puisque si h et e
h correspondent à la même
variable aléatoire Z, on a par isométrie d’Itô :
Z +∞ "Z 2 #
2
+∞ Z +∞
E h(s, ω) − e
h(s, ω) ds = E h(s, ω) dBs − h(s, ω)) dBs
e = 0,
0 0 0
142 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Il en découle facilement que si (Zn )n≥0 est une suite dans H qui converge dans L2 (Ω, F∞ )
vers Z, les processus hn associés à Zn forment une suite de Cauchy dans L2 (B) donc
convergent vers h ∈ L2 (B). D’après Rla propriété d’isométrie de l’intégrale stochastique
+∞
(Théorème ??) on a alors Z = E[Z] + 0 h(s, ω) dBs et donc H est un espace fermé.
Ensuite, pour 0 = t0 < t1 < · · · < tn et λ1 , . . . , λn ∈ R, notons f (s) = nj=1 λj 1]tj−1 ,tj ] (s)
P
R·
et Etf la martingale exponentielle E i 0 f (s) dBs (cf. Proposition 7.1). La formule d’Itô
soit
Xn
exp i λj (Btj − Btj−1 )
j=1
n Z +∞ n
1X 2
1X 2
= exp − λj (tj − tj−1 ) + i exp − λj (tj − tj−1 ) Esf f (s) dBs .
2 j=1 0 2 j=1
On a donc
( n
! )
X
exp i λj (Btj − Btj−1 ) : λj ∈ R, 0 = t0 < t1 · · · < tn , n ∈ N ⊂H
j=1
Par unicité dans la deuxième partie, si m < n, on a hn (s, ω) = hm (s, ω), ds-pp sur [0, Tm ]
ps. Il est alors facile de construire h ∈ L2loc (B) tel que, pour tout m, h(s, ω) = hm (s, ω)
ds-pp sur [0, T
Rm ] ps. La formule annoncée découle ensuite de la construction de l’intégrale
t
stochastique 0 h(s, ω) dBs et l’unicité de h s’obtient aussi facilement par un argument de
localisation.
Remarque 7.8 Sous les hypothèses du Théorème 7.5, notons N la classe des P-négligeables
de σ(Bt : t ≥ 0) et pour tout t ≥ 0, Gt = σ(Bs : 0 ≤ s ≤ t) ∨ N . A priori, on a Ft = Gt+ . En
fait, le Théorème 7.5 entraı̂ne que Gt = Gt+ = Ft (le cas t = 0 est la loi de Blumenthal !).
En effet, si Z est une variable aléatoire Ft -mesurable bornée, on a
Z t Z t−ε
2
Z= h(s, ω) dBs = (L )- lim h(s, ω) dBs .
0 ε↓0 0
et quitte à prendre une sous-suite, on voit que Z est limite ps de variables (Gt )t -mesurables
(car si ε > 0 : Ft−ε ⊂ Gt ).
où sgn(x) = −1, 1 selon que x ≤ 0, x > 0. De plus, la mesure (de Stieltjes) dLat associée à
Lat est portée par {t ∈ R : Xt = a}.
144 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
uniformément sur les compacts. Par conséquent, An converge vers un processus Aϕ croissant
car limite de processus croissants. En passant à la limite dans (7.30), il vient
Z t
1
ϕ(Xt ) = ϕ(X0 ) + ϕ0− (Xs )dXs + Aϕt (7.31)
0 2
puis le processus Aϕ peut être choisi continu (car il s’exprime comme différence de processus
continus).
On applique (7.31) à ϕ(x) = (x − a)+ fonction convexe de dérivée à gauche ϕ0− = 1]a,+∞[ :
il existe un processus croissant A+ tel que
Z t
+ + 1
(Xt − a) = (X0 − a) + 1{Xs >a} dXs + A+ . (7.32)
0 2 t
De la même façon avec ϕ(x) = (x − a)− fonction convexe de dérivée à gauche ϕ0− =
−1]−∞,a] : il existe un processus croissant A− tel que
Z t
− − 1
(Xt − a) = (X0 − a) − 1{Xs ≤a} dXs + A− . (7.33)
0 2 t
Il vient A+ = A− et on pose alors Lat := A+t . En sommant (7.32) et (7.33), comme |x| =
+ −
x + x , on a Z t
|Xt − a| = |X0 − a| + sgn (Xs − a)dXs + Lat .
0
Exemple 7.1 Pour le mouvement brownien B, la formule de Tanaka (Th. 7.6) s’écrit :
Z t
|Bt | = sgn (Bs )dBs + LB
t
0
= βt + LB
t , (7.35)
où LB = (LB t )t≥0 est le temps
R local du mouvement brownien en 0. Par le théorème de Lévy
t
(Th. 7.2), on observe βt = 0 sgn (Bs )dBs , t ≥ 0, est un (autre) mouvement brownien.
L’identité (7.35) ci-dessus correspond aussi la décomposition de Doob-Meyer de la semi-
martingale (|Bt |)t≥0 .
Remarque 7.9 (Formule d’Itô-Tanaka) Lorsque ϕ : R → R est une fonction convexe, on
peut préciser (7.31) : on montre que
Z +∞
ϕ
At = 2 Lat ϕ00 (da)
−∞
00 00
où ϕ (da) est la mesure associée à ϕ à comprendre dans le sens des distributions. On a
alors la formule d’Itô-Tanaka pour ϕ convexe :
Z t Z +∞
0
ϕ(Xt ) = ϕ(X0 ) + ϕ− (Xs )dXs + Lat ϕ00 (da). (7.36)
0 −∞
La formule (7.36)
Pp se généralise immédiatement à une combinaison linéaire de fonctions
00
convexes ϕ = i=1 αi ϕi . Dans ce cas, ϕ devient une mesure signée.
146 Chapitre 7. ©JCB – M2 Math. – Université de Rennes 1
Bibliographie
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[JCB-mesure] Jean-Christophe Breton. Intégrale de Lebesgue. Notes de cours, L3 Mathé-
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