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IPRASE Trento

Aujourd’hui
Le Cadre européen commun de référence
pour les langues

Sa contribution à l’enseignement des langues

et au Piano Trentino Trilingue

Un manuel

Ce document a été élaboré (à la demande de l’Istituto Provinciale per la Ricerca e la


Sperimentazione Educativa (IPRASE ; http://www.iprase.tn.it/) de la Provincia autonoma di
Trento (Italie). Il est consultable en version italienne sur le site.

Il est destiné à être utilisé dans le cadre de la formation (continue) des enseignants de
langue impliqué dans le Plan « Trentino trilingue ». Il présente, de manière délibérément
très succincte, les utilisations du CECR dans l’organisation des enseignements de langues.

2017
Jean Claude Beacco

Sommaire
Présentation générale

Présentation de la section I : Retour aux principes fondamentaux du CECR

1 Qu’est que le Conseil de l’Europe ?

2 Est-il obligatoire d’ « appliquer » le CECR ?

3 Le CECR est-il un programme européen pour les langues ?

4 Le CECR a-t-il été inventé pour créer des tests et des examens ?

5 Que sont les niveaux du CECR ?

6 Le CECR est-il novateur ?

7 Le QERC est un instrument technique pour l’enseignement des langues


étrangères

8 Le CECR est un instrument politique pour promouvoir l’éducation plurilingue


et interculturelle

9 L’après Cadre (1) : le Guides et la Plate-forme

10 L’après Cadre (2) : les Descriptions de niveaux de référence du CECR par


langue (DNR)

11 Définitions des principaux concepts et notions


Présentation de la section II : Les utilisations du CECR pour les programmes
de langue et les curriculums

12 Le processus de création des programmes en langues et le CECR (1) : des


finalités aux objectifs

13 Le processus de création des programmes en langues et le CECR (2) : des


objectifs aux contenus linguistiques

14 Le processus de création des programmes en langues et le CECR (3) : des


genres de textes aux formes à enseigner

15 Le CECR et la diversification des enseignements des langues (1)

16 Le CECR et la diversification des enseignements des langues (2) :


Diversification des objectifs et des parcours

17 Le CECR et la convergence entre les enseignements des langues

Présentation de la section III : Les utilisations du CECR pour les méthodologies


et les activités d’enseignement

18 Y a-t-il une méthodologie d’enseignement préconisée par le CECR ?

19 Le CECR et les séquences d’enseignement : organisation par stratégies


communicatives et par scénarios sociaux

20 Exemples de guidage/apprentissage de stratégies communicatives dans des


séquences méthodologiques

21 Les compétences culturelles et interculturelles

22 Il CECR et CLIL/EMILE

Conclusion
Présentation générale

Le Cadre européen commun de référence pour les langues (désormais CECR) a


vingt ans d’âge, si l‘on prend en considération sa version provisoire mise en
circulation en 1996, car celle-ci n’a pas été profondément modifiée dans la
version « définitive » de 2001. Ce document n’a pas pourtant rien perdu de son
de son actualité, au point qu’une version « étendue », sous forme d’un volume
« compagnon » est en cours d’élaboration (2016-2018, voir l’appel à
consultation à la fin de cette présentation).

Il demeure un document de grande notoriété, même s’il est controversé. Mais


certaines de ses utilisations se sont révélées relativement déviantes par rapport
à l’esprit et à la lettre du document. Celles-ci ont été très tôt identifiées et le
Conseil de l’Europe mis en garde contre ces interprétations réductrices, en
particulier dans le Forum intergouvernemental sur les politiques linguistiques
Strasbourg (6-8 février 2007) intitulé : « Le Cadre européen commun de
référence pour les langues (CECR) et l’élaboration de politiques linguistiques :
défis et responsabilités ». Mais ces utilisations approximatives ne semblent pas
avoir régressé de manière notable depuis.

C’est à une relecture fidèle et sereine qu’invite le présent texte. Il est avant
tout destiné à guider des utilisations légitimes du CECR, c’est-à-dire, entre
autres, à délimiter les domaines dans lesquels son emploi est particulièrement
approprié.

Ce retour aux sources, en quelque sorte, est rendu plus indispensable encore
aujourd’hui par la réalisation en cours du Plan Trentino Trilingue. Les autorités
politiques de la Province autonome de Trente ont décidé de considérer que les
politiques linguistiques éducatives constituaient une dimension importante des
politiques publiques et ils ont concrétisé ces chois stratégiques dans le Plan
Trentino Trilingue. https://www.vivoscuola.it/trentino-trilingue

Ce Plan est fondé sur certains principes européens relatifs aux politiques
linguistiques. Mais l’élargissement qu’il organise de l’enseignement des
matières en langue étrangère (EMILE/CLL) tout au long du curriculum rencontre
des difficultés de réalisation, en particulier en ce qui concerne ses modalités de
réalisation méthodologique en classe. On y cite le CECR, mais il ne semble pas
que celui-ci soit sollicité autant qu’il pourrait l’être. Un des objectifs de ce
manuel est ainsi d’examiner en quoi l’utilisation du CECR serait en mesure de
rendre plus claire la mise œuvre du Piano Trentino Trilingue, non seulement
pour les enseignements EMILE/CLIL mais pour ceux de langue, d’italien et des
disciplines, c’est-à-dire finalement de toutes les matières, puisque qu’elles sont
toutes linguistiques.

Ce manuel est organisé en trois séries fiches, de longueur inégale, qui


présentent le CECR (section 1) et qui montrent comment l’utiliser pour
concevoir des programmes (section 2) et des activités d’enseignement (section
3). Cette lecture guidée mettra en évidence le fait que pour concevoir des
programmes et mettre en œuvre des activités d’enseignement, le CECR est
d’une grande utilité, mais il n’est pas le seul instrument de travail à utiliser, car
il a surtout été conçu comme un instrument stratégique européen et il se situe
donc plutôt au niveau des programmes d’enseignement.
Presentation de la section 1

Retour aux principes fondamentaux du CECR

Pour une bonne lecture du CECR et pour éviter des malentendus fréquents, il
importe de commencer par donner des informations élémentaires et
factuelles. Il faut aussi clarifier certaines idées reçues à son propos. Ces mises
au point sont présentées dans les fiches suivantes auxquelles on a donné
l’allure de réponses à des questions fréquentes, comme : Qu’est que le Conseil
de l’Europe ? Est-il obligatoire d’ « appliquer » le CECR ? Le CECR est-il un
programme européen pour les langues ? Le CECR a-t-il été inventé pour créer
des tests et des examens ?

On trouvera aussi de premières descriptions et explications des fonctions du


CECR, telles qu’elles ont été conçues à l’origine : elles concernent les niveaux
du CECR (5), qui en est la notion la plus populaire, ou le rôle qui lui a été
assigné pour l’enseignement des langues (7 et 8).

On met aussi en évidence qu’il a constitué le point de départ d’une réflexion


qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui ; celle-ci s’est concrétisée dans d’autres
instruments du Conseil de l’Europe qui demeurent beaucoup moins connus que
lui (9 et 10).

On propose aussi des définitions des principaux concepts et notions utilisés


dans la CECR et dans ce Manuel (11)

Les versions de référence du CECR sont rédigées en anglais et en français, qui


sont les deux langues officielles du Conseil de l’Europe. Il en existe une
traduction italienne (2002, Nuova Italia/Oxford) et une quarantaine de
traductions dans d’autres langues, dont des langues de pays non européens.
Quelques conseils :

Ne vous contentez pas de ce que vous avez entendu dire du CECR. Allez vérifier
vous-mêmes, car on fait dire beaucoup (trop) de choses à ce document.

Lisez-le ou, mieux, apprenez à le connaître et familiarisez-vous avec lui, car c’est
un instrument de travail.

Il est fortement déconseillé de lire le CECR de bout en bout et d’un seul


trait ! 

Le CECR est avant tout fait pour être utilisé et consulté.


Fiche 1

Le CECR a été réalisé au sein du Conseil de l’Europe :

qu’est-ce que le Conseil de l’Europe ?

Le Conseil de l’Europe est une organisation intergouvernementale créée en


1949 qui rassemble aujourd’hui 47 états membres. Son rôle est d’organiser la
coopération entre les états dans les domaines des droits de l’homme, de la
démocratie et de l’état de droit. Son principal instrument juridique est la
Convention européenne des droits de l’homme. La Cour européenne des droits
de l’homme veille à son application. Son siège est à Strasbourg.

Les questions reliées aux langues constituent une très petite partie de ses
activités. Mais celles-ci y sont abordées depuis plus de 60 ans dans le cadre de
son Unité des politiques linguistiques. Pour un résumé de ses activités, voir :
Les langues pour la démocratie et la cohésion sociale. Diversité, qualité, équité.
Soixante ans de coopération européenne. 1

Celle-ci agit en organisant la coopération des états membres au moyen de


conférences intergouvernementales, de Recommandations aux états ou de la
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, entrée en vigueur
en Allemagne et au Royaume-Uni, seulement signée (mais non ratifiée) par la
France et l’Italie2.

L’Unité des politiques linguistiques (devenue désormais Programme des


politiques linguistiques) agit aussi au moyen d’instruments communs qu’elle
propose aux représentants officiels des états et aux personnes concernées par
l’enseignement des langues. Le plus connu, pour les langues, est le CECR.

Le Conseil de l’Europe n’est pas à confondre avec l’Union européenne. Leurs


formes d’action et leurs points de vue sur les langues à enseigner ne sont pas
toujours convergents.
1
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Source2014/LPU-60ans_FR.pdf
2
http://www.coe.int/t/dg4/education/minlang/default_fr.asp
FICHE 2

Est-on obligé d’utiliser ou d’appliquer le CECR ?

Le Conseil de l’Europe n’agit pas, comme l’Union européenne, par des


règlements établis collectivement qui doivent ensuite être appliqués dans
chaque état. D’ailleurs, même l’Union européenne ne peut pas intervenir par
voie réglementaire dans un domaine comme l’éducation (c’est le principe dit
de subsidiarité), car celui-ci relève de la seule souveraineté des états membres.

Le Conseil agit essentiellement par recherche du consensus, au moyen de


textes comme les Recommandations adressées aux responsables politiques et
aux décideurs. L’une des dernières en date pour les langues est la
Recommandation CM/Rec (2014)5 aux états membres sur l’importance de
compétences en langue(s) de scolarisation pour l’équité et la qualité en
éducation et pour la réussite scolaire (disponible en italien)3. Si le CECR est
utilisé dans un contexte donné, c’est une décision locale et non le résultat de
l’intervention, que certains peuvent considérer comme abusive, d’une
organisation « extérieure ».

Il serait d’ailleurs naïf de croire que de telles décisions ne relèvent que du


pouvoir central et du gouvernement : celui-ci est constitué de multiples
instances de décision, qui peuvent avoir des positions différentes, y compris à
l’intérieur d’un même ministère. D’autres acteurs des politiques linguistiques
que les élus ou les fonctionnaires de haut niveau sont susceptibles d’intervenir,
comme les associations professionnelles ou les syndicats. Par exemple, en
Colombie, le CECR a été surtout introduit dans le système éducatif par… le
British Council et cela a débouché sur un projet de rénovation de
l’enseignement de l’anglais pris en charge par Ministère de l’éducation.

« L’entrée » du CECR dans l’enseignement des langues peut se réaliser suivant


différentes modalités et avoir des conséquences très diverses sur les
enseignements à proprement parler. Dans certains pays, son utilisation a été

3
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Source2014/RecCM-(2014)5_LangScol_It.pdf
insuffisamment préparée ou expliquée et le QCER est ressenti par les
enseignants comme un instrument technocratique qui leur est étranger ou
qu’ils peuvent même considérer comme dommageable pour
l’enseignement/apprentissage des langues. De plus, on a laissé croire ou l’on a
cru que ce document proposait des réponses à toutes les questions que pose
l’organisation des enseignements des langues. C’est loin d’être le cas, en
particulier pour ce qui concerne les activités d’enseignement elles-mêmes et
leur organisation en séquences (voir section III).

Le CECR n’a aucune fonction prescriptive.

Cela est répété à chaque page :

Les utilisateurs du CECR envisageront et expliciteront selon le cas4 dans quelle


gamme d’activités (de production orale) l’apprenant devra être outillé (4.4.1.1)

Cette formulation récurrente met en évidence sans aucune ambiguïté le rôle


décisif des utilisateurs.

4
C’est nous qui soulignons.
FICHE 3

Le CECR est-il un programme européen

pour l’enseignement des langues ?

Le CECR est un instrument de référence, plus précisément c’est un référentiel


pour construire des programmes. Il ne peut en aucune façon être considéré
comme un programme commun de langues pour les 47 états membres du
Conseil de l’Europe.

Pour comprendre son rôle, il ne faut pas perdre de vue qu’il présente beaucoup
de points communs avec les référentiels de compétences utilisés dans le monde
économique. Ces documents ont pour fonction de décrire, de manière aussi
précise que possible, les compétences qui définissent et qui caractérisent un
emploi ou une fonction donnée. Ils se présentent comme un ensemble de
compétences hiérarchisées et classifiées en catégories. Chacune de ces
compétences doit être repérable à un indicateur, qui est le plus souvent
constitué par les résultats tangibles et observables que produit cette
compétence. Ils sont destinés à permettre le pilotage et l’adaptation au
changement des ressources humaines.

De manière comparable, le CECR a pour fonction principale de recenser de


manière articulée et analytique les paramètres intervenant dans
l’apprentissage des langues et dans leur enseignement. D’où l’importance des
définitions proposées et de la terminologie adoptée, qui aspirent à être
communes. Cette perspective est spécifiée par la définition d’une dizaine de
concepts clés (domaine, processus, texte…) qui ouvrent l’ouvrage (2.1).

Ce document a pour fonction de faciliter les échanges entre les professionnels


en leur donnant une base commune : ce socle partagé doit permette à chacun
de décrire clairement les buts et les finalités de l’enseignement, les objectifs
des programmes, la nature des compétences visées… qu’il considère comme
pertinents.
Cet instrument de travail est destiné aussi bien aux directeurs généraux des
ministères qu’aux enseignants, aux formateurs de formateurs qu’aux auteurs
de manuels. Il offre une vision globale et cohérente de l’enseignement–
apprentissage des langues, dont il définit les aspects sous des formes
consensuelles, concises et stabilisées.
FICHE 4

Le CECR a-t-il été inventé pour créer des tests et des examens ?

Le CECR est victime de son succès, car les thématiques qui ont assuré sa
diffusion ont aussi contribué à en donner une fausse image.

Le CECR a été réalisé pour des groupes d’utilisateurs différents, allant presque
des ministres ayant en charge l’éducation aux étudiants de niveau avancé. Et,
pour ces utilisateurs, des Guides spécifiques ont été élaborés : le QERC n’offre
pas les mêmes ressources aux différents utilisateurs, évaluateurs et testeurs
compris, parce qu’ils n’ont pas les mêmes besoins. On peut immédiatement
remarquer que le sous-titre du CECR est : apprendre, enseigner, évaluer.
L’évaluation vient en dernier et n’est traitée qu’en une douzaine de pages dans
le chapitre 9 et dernier du document.

Mais ses premiers utilisateurs ont été les instances privées ou les organismes
publics ou semi-publics responsables des certifications en langues étrangères.
Cela s’explique par le fait que des enseignements de langues étrangères et des
certifications en langues sont proposés, dans de nombreux pays, en dehors du
système éducatif. La demande sociale de certifications est grandissante,
puisque les langues sont désormais considérées comme faisant partie du
capital professionnel de chacun. Or les examens scolaires (baccalauréat
français, maturità italienne, par exemple) ne caractérisent pas les compétences
en langues étrangères sur la base de critères clairs, transparents et
standardisés.

Les organismes certificateurs, qui proposent aussi des cours de langue, comme
les examens de Cambridge pour l’anglais langue étrangère ou l’Istituto
Cervantes (pour l’espagnol langue étrangère) ont certaine indépendance qui les
rend généralement plus réactifs à la demande sociale. Et les professionnels du
domaine sont très organisés au niveau national et international, par exemple, à
travers l’Association des testeurs en langues européens (ALTE
http://www.alte.org ).
Dans ce contexte, il est assez naturel que l’on ait utilisé le CECR pour réaliser
des tests, lui qui redonne de la visibilité à la notion de compétence, après 30
ans d’approche dite communicative de l’enseignement des langues. L’approche
de l’enseignement par compétences, définies et identifiées par des
performances, permet de caractériser les formes de la maîtrise d’une langue
étrangère. On peut ainsi définir des points de référence ou des standards de
performance explicites et identiques d’une langue à l’autre. Cela permet
d’augmenter la qualité et la fiabilité des certifications en langues, en particulier,
à partir des niveaux de référence et des descripteurs correspondants du
chapitre 4 du CECR. Les seuils fonctionnels d’apprentissage mis au point par
ALTE à partir des descripteurs du CECR figurent dans l’annexe D du document
(Les spécifications de ALTE).

C’est bien l’augmentation de la demande sociale de certifications fiables des


connaissances en langue et les options théoriques du CECR (modèle
d’apprentissage des langues constitué d’un ensemble hiérarchisé de
compétences) qui ont très rapidement imposé l’idée que le CECR était
essentiellement un instrument pour créer des tests de langue. Ce qui n’est
absolument pas le cas : le CECR a été conçu avant tout comme un instrument
pour les politiques linguistiques éducatives.
FICHE 5

Que sont les niveaux du CECR ?

La notion de niveau ne figure pas dans les concepts principaux du CECR (2.1),
mais elle en est devenue la catégorie la plus connue et la plus diffusée, sous le
formes compactes (A1, A2, B1, B2, C1, C2) qui sont désormais omniprésentes.
En fait, c’est une notion ancienne utilisée depuis longtemps dans
l’enseignement des langues avec ses catégories : débutant, faux débutant,
moyen, avancé… Mais il n’était pas possible de décrire de manière très précise
les « compétences » correspondantes (concept non utilisé alors) autrement
qu’en termes grammaticaux, spécifiques donc à chaque langue et avec de
fortes variations d’une définition à l’autre.

Le CECR adopte une approche analytique des compétences (dite horizontale),


mais il la croise avec une dimension verticale avec les niveaux communs de
référence, même si l’on souligne que ce modèle à deux dimensions est très
simplificateur.

Ainsi, par exemple, la compétence de compréhension de l’oral est analysée en


sous-compétences comme : comprendre des interactions entre interlocuteurs
natifs, comprendre des annonces … (4.4.2.1) ou comprendre des émissions de
télévision ; 4.4.2.3). Mais elle est aussi définie aussi selon différents « niveau » :
la définition (ou descripteur) suivante correspond à ce repérage horizontal et
vertical :

[Comprendre des émissions de télévision et des films, Niveau A 2]

Peut identifier l’élément principal des nouvelles télévisées sur un événement,


un accident etc., si le commentaire est accompagné d’un support visuel.

Cet étagement en niveaux est justifié parce qu’il « rend plus concret ce qu’il est
approprié d’attendre » à chaque étape. Et il autorise « l’organisation en unités
d’enseignement qui tiennent compte de la progression » (2.2). Les 6 niveaux
principaux peuvent être dédoublés et cela permet de dessiner des progressions
plus souples (3.5) ou même multiples (progression spécifique par compétence).

Ces remarques invitent à considérer que :

 la notion de niveau de référence n’est pas à confondre avec celle


d’objectif à atteindre. Les niveaux sont en fait des points de repères
placés le long de l’itinéraire d’apprentissage théorique construit par les
descripteurs du CECR. Ces points de repère identifient des moments
particuliers et significatifs dans le développement individuel des
compétences langagières. On peut comparer ces niveaux à des bornes
kilométriques le long des axes routiers (aucun automobiliste n’est obligé
de s’arrêter seulement juste à la hauteur d’une borne) ou encore à des
bouées, qui sont accrochées au fond marin mais qui flottent dans une
certaine aire à la surface des flots ;
 les niveaux de référence ne sont pas « équidistants » ; ils seraient plutôt
à repérer sur une échelle de développement exponentiel. S’il est
possible qu’au bout de 50 heures de cours un italophone puisse se
trouver au stade A1, il lui faudra bien des années de résidence en France
pour qu’il soit capable de distinguer l’accent de Marseille de celui de
Bordeaux (C1).

On a vu se répandre des emplois assez peu contrôlés de ces points de repère :


on parle facilement de niveau A1-A2 ou de niveau B1 + en « oubliant » qu’un
niveau de référence est défini par un ensemble des descripteurs ou plutôt par
l’ensemble des descripteurs du CECR qui le concerne. Si un apprenant répond
aux définitions du niveau C1 en production de textes écrits ou en écoute audio-
visuelle mais qu’il n’est pas en mesure de distinguer certains accents régionaux
(ce qui est un autre descripteur de C1, voir supra), il ne devrait pas être
considéré comme se situant à ce niveau. Les termes « A1 », « A2 », « B1 »…
tendent à se vider de substance et ils sont trop souvent employés comme des
équivalents, modernes et « scientifiques », des traditionnels niveaux :
débutant, moyen, avancé.

On peut dire qu’un apprenant se trouve à telle ou telle étape de son parcours
d’apprentissage si les textes (oraux et écrits) qu’il produit sont conformes à
tous les critères (c’est-à-dire à tous les descripteurs) qui spécifient celui-ci et
non à quelques-uns (par exemple, ceux du chapitre 4 du CECR).
FICHE 6

Le CECR est-il novateur ?

D’autres instruments de référence ont précédé le CECR, mais ils ont surtout
proposé des inventaires de contenus à enseigner. Très tôt, en effet, en
didactique des langues, des travaux ont porté sur les critères ou les enquêtes à
mener pour sélectionner les éléments des langues à enseigner et pour les
répartir graduellement dans le temps de l’apprentissage (par ex. Mackey 1965
ou Stern 1984).Cela a abouti à des inventaires lexicaux et grammaticaux
comme le Basic English (M. Ogden & M. Richards) ou comme Le Français
fondamental, élaboré entre 1951 et 1954 (Gougenheim et al. 1967) qui a servi
de base à l’élaboration des méthodes audio-visuelles pour le français langue
étrangère de cette période.

Les Niveaux seuils

Vers le milieu des années 1970, on assiste au développement d’une nouvelle


génération d’instruments de référence : les Niveaux seuils (Threshold Level,
Livello Soglia, Un niveau seuil...), promus la Division des langues vivantes du
Conseil de l’Europe5. Ils proposent un modèle de ce que certains groupes
d’apprenants (touristes, hommes d’affaires, migrants...) doivent être capables
de « faire »/dire pour parvenir à un certain « seuil » de communication, c’est-à-
dire en fait pour communiquer de manière indépendante dans un pays
étranger. Ces instruments ne sont pas fondés sur des enquêtes statistiques,
mais sur le sentiment linguistique d’experts. Ils présentent de grandes
différences de l’un à l’autre mais iIs sont cependant structurés sur le même
modèle avec, en particulier, des inventaires de fonctions communicatives, qui
vont en constituer la section la plus populaire.

La première spécification de ce « niveau seuil » a été élaborée pour l'anglais en


1975 (Threshold Level, Cambridge University Press) puis pour le français en
1976 (Un Niveau Seuil, Editions Didier). Ces deux instruments ont servi de facto
de modèle aux suivants réalisés pour d’autres langues. Des niveaux seuils ont
5
Nom de la Division des politiques linguistiques jusqu’en 1998.
été créés pour un très grand nombre de langues dont, par exemple, l’italien (N.
Galli de’ Paratesi (1994), Strasbourg, Conseil de l’Europe). Certains ont encore
été publiés jusque dans les années 2005. Ces instruments de référence ont joué
un grand rôle dans l'enseignement des langues, où ils ont rendu crédible
l’approche communicative de l’enseignement. Mais ils n’ont pas produit
beaucoup d’effets en tant que référentiels, sinon que la catégorie fonction
communicative est entrée dans les programmes d’enseignement. Cela tient, en
particulier, au fait que la compétence correspondant au niveau seuil
d’indépendance langagière n’est définie que par des listes des mots d’une
langue et non par des descripteurs, comme dans le CECR.

On peut aujourd’hui encore utiliser ces relevés inventaires que sont les
Niveaux seuils du Conseil de l’Europe, soit par exemple :
 pour l’anglais :
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Waystage_CUP.pdf
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Threshold-Level_CUP.pdf
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Vantage_CUP.pdf
 pour le français : Coste D. et al. Un niveau-seuil (1976).Paris. Didier.
 pour l’allemand : Baldegger M., Müller, M. & Schneider, G.
(1981). Kontaktschwelle Deutsch als Fremdsprache. Langenscheidt.

Ceux-ci ont souvent servi de base à l’élaboration des Descriptions des niveaux
de référence du CECR par langue (DNR, voir fiche 10)

Le CECR, référentiel de troisième génération

Le CECR s’inscrit dans cette dynamique. Mais sa caractéristique, nouvelle par


rapport aux référentiels précédents, est qu’il propose un modèle de
compétences mais aucune liste de mots, puisqu’il ne concerne aucune langue
en particulier. Le CECR est aussi commun, parce qu’il se fonde largement sur
des savoirs considérés comme acquis et partagés, en Europe et ailleurs, par les
spécialistes de l’enseignement des langues étrangères.

Il ne pouvait pas non plus être très novateur sur le fond, puisqu’il est supposé
convenir à 47 états membres dont les traditions éducatives sont multiples. Il
met certes l’accent sur certains aspects de la réflexion didactique, comme le
montre sa bibliographie générale. Mais il est demeure, malgré tout, un plus
petit commun dénominateur qui ne se singularise pas par des options
théoriques en nette rupture avec l’existant. Ce qui est vraiment novateur est en
fait la synthèse qu’il parvient à construire en articulant entre eux des éléments
connus (comme compétence, niveau, texte ...). D’une certaine manière, il
constitue comme le modèle sous-jacent qui a manqué aux différents Niveaux
seuils réalisés langue par langue.

Le CECR s’inscrit dans la continuité des précédents instruments de référence


pour les langues. Il n’est pas en rupture avec la didactique des langues des
années 1990. Mais il construit, à partir d’éléments de réflexion présents dans
les discours didactiques européens (et au-delà) et considérés comme admis par
consensus, un modèle cohérent et opérationnel de ce qu’est
l’apprentissage/enseignement des langues vivantes, répondant ainsi aux
besoins des décideurs et des professionnels.

Références

Gougenheim G., Michéa R., Rivenc R. & Sauvageot A. (1954) : L’élaboration du


français fondamental (1er degré). Etablissement d’un vocabulaire et d’une
grammaire de base, Paris, Didier.

Mackey W.F. (1965): Language teaching analysis, London, Longman.

Ogden C. K. & Richards I. A. (1923): The meaning of meaning: A study of the


influence of thought and of the science of symbolism
Stern H.H. (1983): Fundamental concepts of language teaching, Oxford, Oxford
University Press.
FICHE 7

Le QERC est un instrument technique

pour organiser l’enseignement des langues étrangères

Le CECR est un instrument de travail qui se présente sous la forme d’un


inventaire articulé et analytique de ce qu’est connaître et apprendre une
langue étrangère. Il a pour objet d’identifier et de décrire les éléments
constitutifs de la connaissance d’une langue et les paramètres intervenant dans
son enseignement-apprentissage.

La perspective globale retenue est dite actionnelle  : pour construire ce modèle


théorique d’apprenant (et d’apprentissage), celui-ci est considéré comme un
acteur social ayant des tâches à accomplir : ses actes de parole sont inscrits
dans des activités langagières qui s’inscrivent elles-mêmes dans un contexte
social.

Le CECR commence la description de son modèle en donnant une première


idée de sa structure et de ses principaux concepts (2) : compétences générales
(comme savoir apprendre) compétences à communiquer par le langage :
linguistique, sociolinguistique, pragmatique), activités langagières comme
réception) Il catégorise aussi les domaines où se déroulent les activités
langagières (2.1.4) ainsi que les stratégies et les tâches qui les constituent qui
aboutissent à des textes (écrits ou oraux) (2.1.5). Puis vient la section consacrée
aux niveaux (2.2), la description de cette notion étant développée dans le
chapitre 3 (voir fiche 5).

Les inventaires de compétences, qui se sont révélés être les plus les plus
utilisés, figurent au chapitre 4, qui est consacré aux formes d’utilisation de
langue dites activités langagières. Celles-ci sont orales ou écrites, interactives
ou non interactives, de réception, de production ou de médiation, soit 8 séries,
subdivisées elles-mêmes en sous éléments et étagées en niveaux de référence.
Moins connues mais tout aussi fondamentales sont les descriptions des
stratégies qui rendent possibles ces activités, stratégies d’apprenants/de
locuteurs qui pourraient aussi servir de base à des stratégies d’enseignement.
La fin du chapitre (4.6) est consacrée à la notion de texte, à travers des
catégories comme de types et de genres de textes. Mais celle-ci semble
s’appuyer encore assez peu sur les acquis de l’analyse du discours et la notion
de genre n’est pas utilisée ensuite dans la spécification de la compétence
discursive (5.2.3.1) (voir fiches 13 et 14).

Ce sont surtout les compétences langagières (compétence lexicale, politesse…),


qui se manifestent par les activités, qui font l’objet d’un certain nombre de
descriptions au chapitre 6. Celui-ci reprend de manière systématique des
catégories connues (étendue du vocabulaire, orthographe…). Mais comme le
CECR ne concerne aucune langue en particulier, pour ce qui est des
compétences linguistiques (la maîtrise des mots, sons et graphies d’une
langue), il ne peut demeurer qu’assez vague.

Dans ses chapitres 6 et 7, le CECR propose un inventaire des options


méthodologiques disponibles pour l’enseignement-apprentissage (6.4), mais il
souligne qu’il n’en privilégie aucune (voir fiche 18). Et il développe une
description des activités concrètes (dites tâches) qui constituent
l’enseignement et doivent conduire à l’apprentissage.

Le chapitre 8 est consacré à la diversification des enseignements. Il présente les


différentes stratégies de construction des curriculums (sous forme de «
scénarios curriculaires ») rendant possible une diversification de l’offre en
langues de systèmes éducatifs. Ceci est possible si l’on accepte de considérer
que la maîtrise d’une langue peut-être diversifiée quant aux compétences qui
la constituent et à leur niveau de maîtrise (voir fiche 15).

Le chapitre 9 monte en quoi le CECR est une ressource pour l’évaluation et il


présente une typologie des formes possibles d’évaluation. Ce sont les questions
d’évaluation qui vont majoritairement contribuer au succès du CECR, faisant un
peu oublier tout le reste, ce que craignaient visiblement certains de ses
promoteurs : le chapitre 8 devait être final, mais il a finalement été remplacé,
comme sorte de conclusion (qui n’existe d’ailleurs pas dans le CECR), par ce
chapitre Evaluation, qui lui devait figurer dans des annexes.

Le CECR est constitué de listes de référence (checklists) destinées à guider ceux


qui ont la responsabilité de construire des programmes, des manuels, des
examens et des activités pour les cours. Il ne privilégie aucune des options qu’il
décrit : il les rassemble de manière systématique et organisée.
Annexe 

Les échelles du CECR

Le CECR est surtout connu pour ses échelles à 6 niveaux qui servent à décrire ce
qu’est apprendre et connaître une langue. Il en compte 54 dont nous
reproduisons ici le titre (version anglaise).

Communicative Activities
1. Overall Listening Comprehension
2. Understanding Interaction between Native Speakers.
3. Listening as a Member of a Live Audience
4. Listening to Announcements & Instructions
5. Listening to Radio & Audio Recordings
6. Audio/Visual Watching TV & Film

7. Overall Reading Comprehension


8. Reading Correspondence
9. Reading for Orientation
10. Reading for Information and Argument
11. Reading Instructions

12. Overall Spoken Interaction


13. Understanding a Native Speaker Interlocutor
14. Conversation
15. Informal Discussion
16. Formal Discussion (Meetings)
17. Goal-oriented Co-operation
18. Obtaining Goods and Services
19. Information Exchange
20. Interviewing & Being Interviewed

21. Overall Written Interaction


22. Correspondence
23. Notes, Messages & Forms

24. Overall Spoken Production


25. Sustained Monologue: Describing Experience
26. Sustained Monologue: Putting a Case (e.g. Debate)
27. Public Announcements
28. Addressing Audiences

29. Overall Written Production


30. Creative Writing
31. Writing Reports and Essays

Communication Strategies

32. Identifying Cues and Inferring


33. Taking the Floor (Turntaking)
34. Co-operating
35. Asking for Clarification
36. Planning
37. Compensating
38. Monitoring and Repair

Working with Text

39. Notetaking in Seminars and Lectures


40. Processing Text

Communicative Language Competence

41. General Linguistic Range


42. Vocabulary Range
43. Grammatical Accuracy
44. Vocabulary Control
45. Phonological Control
46. Orthographic Control
47. Sociolinguistic
48. Sociolinguistic
49. Flexibility
50. Taking the Floor (Turntaking) – repeated
51. Thematic Development
52. Coherence
53. Propositional Precision
54. Spoken Fluency
FICHE 8

Le CECR est un instrument pour promouvoir l’éducation plurilingue et


interculturelle

Le CECR a autre finalité relativement aux enseignements-apprentissages des


langues. C’est celle-ci qui donne sens à ses propositions techniques. Cet aspect
n’est pas très développé dans le CECR, mais c’est lui qui donne une première
formulation de ce qui sera désigné ensuite comme l’éducation plurilingue et
pluriculturelle6 et c’est ce document qui va en assurer la diffusion. Et cette
finalité deviendra centrale dans les travaux ultérieurs du Conseil de l’Europe et
dans l’ensemble de la didactique des langues (voir fiche 9).

Dans une étude publiée en 1997 (alors que le CECR n’existe encore qu’en
version provisoire), D. Coste (un des auteurs du CECR), D Moore et G. Zarate
publient un texte intitulé : Compétence plurilingue et interculturelle. On y pose
l’existence d’une compétence sociale de communication verbale plurielle et, en
particulier, non limitée à des échanges dans une seule langue :
On désignera par compétence plurilingue et pluriculturelle, la compétence à
communiquer langagièrement et à interagir culturellement possédée par un
locuteur qui maîtrise, à des degrés divers, plusieurs langues et a, à des degrés
divers, l’expérience de plusieurs cultures, tout en étant à même de gérer
l’ensemble de ce capital langagier et culturel. L’option majeure est de
considérer qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences
toujours distinctes, mais bien existence d’une compétence plurielle, complexe,
voire composite et hétérogène, qui inclut des compétences singulières, voire
partielles, mais qui est une en tant que répertoire disponible pour l’acteur
social concerné (Coste, Moore et Zarate, 1997 : 12)7.
Cette description du locuteur (de type sociolinguistique) figure au début du CECR
(1.3) : distinguée du multilinguisme (défini comme la présence de plusieurs
langues dans un même espace), l’éducation plurilingue est présentée comme
une modification profonde des finalités des enseignements dans une section
6
Le concept « pluriculturel » sera remplacé dans les textes important produits ensuite par le Conseil de
l’Europe par « interculturel ».
7
Coste, D., Moore, D., & Zarate, G. (1997). Compétence plurilingue et pluriculturelle. Vers un Cadre Européen
Commun de référence pour l’enseignement et l’apprentissage des langues vivantes, Strasbourg, Éditions du
Conseil de l’Europe. Disponible en ligne: http://www. coe. int/t/dg4/linguistic/Publications_FR. asp.
intitulée « qu’entend –on par plurilinguisme ? (1.3) qui le définit ainsi : « le but
est de développer un répertoire langagier dans lequel toutes les capacités
linguistiques trouvent leur place. » (1.3). La notion de  plurilinguisme apparaît de
nouveau à l’ouverture du chapitre 6 : Qu’est-ce que les apprenants doivent
apprendre ou acquérir ? (6.3.1), où l’on retrouve les formulations de l’étude de
1997 et en 8.1, au début du chapitre traitant de la diversification des curriculums
(rédigé par D. Coste).

Cette place réduite faite à cette notion dans le texte du CECR n’empêche pas de
considérer que le plurilinguisme est l’objectif englobant (overarching) de
l’apprentissage des langues. De cette manière, le CECR entend sortir de la
perspective qui fait de la compétence « native » le but atteindre pour tous et la
seule véritable compétence en langue. Et il fait aussi comprendre que le
« bilinguisme » est qu’une forme particulière prise par la compétence langagière
individuelle. La compétence plurilingue et pluriculturelle est à considérer
comme un capital langagier, disponible pour chaque locuteur sous la forme
d’un répertoire de compétences en différentes langues ou variétés de langues,
une réserve de ressources formelles et sociolinguistiques pour les
apprentissages ultérieurs et il est modelé par l’ensemble des expériences
constitutives de la vie personnelle.

L’éduction plurilingue et interculturelle a ainsi la responsabilité de développer


le répertoire de langues de chacun en servant de base à des enseignements
destinés :

- à légitimer les langues des répertoires individuels qui sont minorées d’un
point de vue sociolinguistiques (par ex. parlers familiers, certaines
langues apportées par les migrants…) ;
- -à développer la maîtrise des langues déjà connues (en particulier la
langue de scolarisation utilisées dans les matières scolaires, qui peut être
la langue de la famille de la plupart des apprenants) et en donnant des
compétences, à quelque niveau de maîtrise que ce soit, dans des langues
non encore connues ;
- en diversifiant les répertoires individuels pour qu’ils permettent de
prendre conscience de la variété des systèmes linguistiques (et des
moyens qu’ils ont construit pour exprimer le sens et le monde) et de
répondre aux besoins et aux désirs de chacun.

Bien évidemment, le CECR ne spécifie pas le « contenu » des répertoires. Mais


si l’on se situe du point de vue la cohésion sociale et de celui de la bonne
entente entre les nations, on pourrait considérer qu’un répertoire individuel
aurait avantage à comporter :

- une/des langue(s) proche(s) dans l’espace social immédiat (langue


régionale, langue de communautés linguistiques nouvellement
installées…) ;
- une langue proche du point de vue géographique/régional : langue des
voisins les plus proches, et ce non exclusivement dans les espaces de
frontières linguistiques/politiques ;
- une langue de communication interrégionale/internationale (comme
l’allemand, l’anglais, l’arabe, l’espagnol, le français, le portugais, le russe,
le swahili, le turc…).
FICHE 9

L’après CECR (1) : les Guides et la Plate–forme

Certains éléments du CECR vont être développés ultérieurement par d’autres


instruments réalisés au sein de l’Unité des Politiques linguistiques. Ceux-ci
n’ont cependant pas reçu la même audience que le CECR et ils sont moins
sollicités ou invoqués que celui-ci.

Lancé en 1999, le Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques


éducatives en Europe a reçu la forme d’une version révisée (en avril 2003) puis
d’une version définitive en 2007. Il suit donc d’assez près la diffusion du CECR
et il s’inscrit dans sa continuité en élargissant la problématique 8. Comme
l’indique son titre principal : De la diversité linguistique à l’éducation
plurilingue, il établit un lien avec le chapitre 8 du CECR (Diversité linguistique et
curriculum). Il définit un concept global pour l’organisation des politiques
éducatives relatives à tous les enseignements de langues, les langues
étrangères mais aussi les langues de scolarisation, les langues régionales, les
langues des migrants… Il sort du champ l’enseignement-apprentissage des
langues étrangères et se situe à un niveau d’organisation stratégique des
enseignements. Il analyse les formes des politiques linguistiques éducatives
menées en Europe et identifie les données nécessaires à l'élaboration de ces
politiques. On y explicite la notion de plurilinguisme et on y recense, à la
manière des inventaires du CECR, les moyens de le mettre concrètement en
œuvre, au niveau organisationnel et à celui des méthodologies
d’enseignement, dans ses chapitres 5 (Créer une culture du plurilinguisme) et 6
(Organiser l’éducation plurilingue).
Cette approche de l’enseignement inclut toutes les langues enseignées ou
présentes à l’école, dont les langues «maternelles »/premières ou les langues
de scolarisation. Cet élargissement aboutit à un projet éducatif, désigné par le
terme d’éducation plurilingue et interculturelle, qui sera décrite et explorée
dans un ensemble de ressources rassemblées dans une Plateforme pour
l’éducation plurilingue et interculturelle, intitulée Langues dans l’éducation,

8
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/guide_niveau2_EN.asp?
langues pour l’éducation disponible sous forme d’un site dédié9 créé en 2009,
proposant des ressources et de instruments de référence. Voici le plan de ce
site :

Dans chacune des « boîtes » situées autour des langues de scolarisation, on


trouve des instruments de travail, des exemples, des études de cas…. ainsi mis
en réseau. Les instruments les plus significatifs sont le Guide pour le
développement et la mise en œuvre de curriculums pour une éducation
plurilingue et interculturelle (2010, révisé en 2016)10, qui propose des modalités
de structuration en « profondeur  des programmes visant à organiser les
convergences entre les enseignements de langue.

L’importance de la maîtrise par les apprenants de la langue de scolarisation


pour acquérir les connaissances des matières scolaires (comme l’histoire, les
mathématiques, la littérature, les sciences, etc.) va ensuite guider les actions du
Conseil de l’Europe. A travers des séminaires et des conférences
intergouvernementales sont créées des lignes de réflexion et rassemblés, à
nouveau, des données, des expériences, des exemples provenant des états
membres. Une synthèse en sera assurée par un troisième guide 11 publié en

9
www.coe.int/lang-platform/fr
10
http://www.coe.int/t/dg4/Linguistic/Source/Plurilingual/.pdf
11
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Subjects.pdf
2016 : le Guide pour l'élaboration des curriculums et pour la formation des
enseignants -Les  dimensions linguistiques de toutes les matières scolaires.
FICHE 10

L’après CECR (2) : les Descriptions de niveaux de référence du


CECR pour les langues nationales et régionales (DNR)

Comme cela est attendu à ce niveau de généralité, les descriptions du CECR


concernent potentiellement toutes les langues enseignées en Europe ; celui-ci
n’est donc relatif à aucune en particulier : e CECR est conçu pour être utilisé
pour construire des programmes ou des tests et des programmes de quelque
langue que ce soit. Mais pour les auteurs de manuels ou les enseignants ces
spécifications ont pu paraître encore trop larges. On a donc créé, assez
spontanément, des référentiels « issus du CECR » qui sont constitués non par
des descripteurs généraux mais par des mots de cette langue. Ces référentiels,
de quatrième génération, spécifient des « contenus » par langue qui sont calés
sur le CECR. Ils ont le même rôle que les anciens Niveaux seuil. Mais ils
regroupent les mots d’une langue qui sont estimés nécessaires pour produire
des textes (oraux et écrits) étagés sur six niveaux de complexité et non plus un
seul ; ils ont pour origine un « modèle » commun, pour les six niveaux d’une
même langue mais aussi pour l’ensemble des langues.
La fonction des DNR
Ces référentiels par langue, dits Descriptions de niveaux de référence du CECR
pour les langues nationales et régionales (DNR) sont des inventaires qui, langue
par langue et niveau par niveau du CECR, identifient les formes linguistiques
correspondant à une certaine compétence de communication. Un descripteur
du CECR comme savoir expliquer comment faire quelque chose en donnant des
instructions détaillées (en B1) ne précise pas quel vocabulaire ou quelles
ressources syntaxiques sont nécessaires à cette fin. Ces DNR sont des
référentiels de langue, partagés par les utilisateurs, qui ont pour fonction de
décrire, sous forme d'inventaires de mots d’une langue particulière, des
contenus possibles d’enseignement : ils peuvent servir de base à l'élaboration
de programmes d'enseignement, en langue première, seconde ou étrangère et
en langue d'enseignement, qui soient comparables, même s'ils sont différents.
Ces descriptions langue par langue des niveaux de référence du CECR ont
uniquement pour fonction de fournir une plate-forme commune aux
concepteurs d’instruments didactiques. Elles sont, en particulier, utilisées pour
élaborer les épreuves constituant les certifications en langues. Les DNR ont
rendu le CECR opérationnel à un niveau familier aux enseignants : celui des
formes (vocabulaire, grammaire) à enseigner.

Cette nouvelle série de référentiels va par ensembles de 6 (de A1 àC2). Les


premiers ont d’abord été développés pour la langue allemande puis pour
d’autres langues12. Ils sont décrits à la page suivante du site :
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/dnr_EN.asp?

Les DNR réalisées

Des DNR (english : Reference level descriptions, RLD) ont été réalisées pour
un grand nombre de langues. Voici quelques indications sur les principaux.

For English

The English Profile programme is a collaborative research programme using


corpus data and other tools to produce detailed RLDs for English. Vocabulary
RLDs for levels A1 to B2:  The English Profile Wordlists, available in 2011, will
provide a complete searchable listing of the words and phrases in English that
are considered to be within these levels.  They will offer reliable information at
word and sense level, based on extensive analysis of word frequency and
learner use, using the Cambridge International Corpus, the British National
Corpus, the Cambridge Learner Corpus, together with other sources, including
the Cambridge ESOL vocabulary lists and classroom materials. Other
researchers are focusing on the development of RLDs in the areas of grammar
and language functions, using empirical data from corpora and curricula to
describe learning goals. English Profile is also developing the Cambridge English
Profile Corpus, which will include essays, coursework and spoken data,
collected from participating teachers' real or virtual classrooms.

Présentation de English Profile par Cambridge University Press


12
On trouvera la liste des référentiels ainsi qu’un Guide de réalisation et une Rétrospective sur le site
www.coe.int/lang-fr - section Descriptions de niveaux…
English Profile
The English Profile Programme involves major research projects that are all working towards a
reliable, detailed description of the actual learner English that is typical of each CEFR level.
Initially, the focus has been on vocabulary and grammar, and the English Vocabulary Profile is
now complete for all six levels, A1- C2. A separate research team is developing a similar
resource, the English Grammar Profile, which describes the gradual mastery of grammar across
the six CEFR levels.
Cambridge University Press has given teachers around the world access to their research into
vocabulary learning across the CEFR. Go to the English Profile website – www.englishprofile.org
and click on Free Registration English Vocabulary Profile. This will allow to find out which
words and phrases – and individual meanings of each word – is typically mastered by learners at
each CEFR level. This is a really valuable tool to make decisions about what to teach students as
they progress. Cambridge University Press authors and editors make extensive use of this research
in developing their course materials.

http://www.englishprofile.org/

Pour le français

A French and international team was mandated to establish reference


descriptions for French. Le Niveau B2 was published in 2004 and Le Niveau
A1 in 2006 (éditions Didier ). A reference description for the first acquisitions in
French (below A1) was published in 2005 by éditions Didier ((Niveau A1.1 pour
le français - Référentiel et certification (DILF) pour les premiers acquis en
français). Each of these works comprises an audio CD presenting the oral
implementations of the functions. Planned: a specification of levels A2 and B1
as well as a website in order to place the first four levels on line (A1 to B2). This
project is being conducted in co-operation with the Centre international d’études
pédagogiques (CIEP– International Educational Research Centre) and
the Organisation internationale de la francophonie (OIF –“Intergovernmental
agency of the French-speaking world”).

Per l’allemand

The new strategy for the development of RLD was developed first of all for the
German language. On the initiative of the Goethe Institute, Profile
deutsch  (Langenscheidt 2005) was drawn up by a tri-national author team. It
identifies the German linguistic elements corresponding to the competence
descriptors of the 6 CEFR  levels (A1, A2, B1, B2 and C1, C2). This instrument is
available on CD-ROM and comprises a reference manual, a resource bank and a
data bank, providing an overview of the subject dealt with at each level and the
relevant facts needed for examinations. Profile deutsch was the first reference
level description to cover all 6 levels of the CEFR. For more information: ÖSD :
Austrian Language Diploma Goethe Institute Langenscheidt

Profile deutsch (éditions Langenscheidt 2005)

http://www.goethe.de/dll/prj/prd/upd/deindex.htm Goethe Institute.

Pour l’espagnol

A été réalisé un :


Plan curricular del Instituto Cervantes. Niveles de referencia para el español
(editorial@bibliotecanueva.com)

Pour l’italien
L’Università per Stanieri di Perugia ; Centro Valutazione Certificazioni
Linguistiche a réalisé une DNR pour l’enseignement de l’italien comme langue
étrangère disponible sous forme d’ouvrage et de CD

Spinelli B. & Parizzi F. (2010) : Profilo della lingua italiana. Livelli di riferimento
del CECR A1, A2, B1, B2. Milano : La Nuova Italia.

Les contenus des DNR


Les DNR présentent des différences entre elles, mais elles comportent
généralement, pour chaque niveau du CECR, au moins des inventaires comme :
- les genres de discours que l’on peut aborder ;
- les fonctions communicatives/actes de parole et leur réalisations
verbales ;
- des contenus d’une grammaire du sens (expression de la quantité, de la
localisation…) ;
- des contenus d’une grammaire des formes (morphologie et syntaxe) ;
- des propositions pour le lexique à enseigner ;
- une description des stratégies d’apprentissage et d’enseignement.
On trouve aussi, dans les DNR de certaines langues, des indications pour
l’acquisition des formes graphiques, de la phonétique et des compétences
culturelles-interculturelles.

Voici un exemple tiré du : Profilo della lingua italiana :


(Inventaire des fonctions communicatives)

Esprimere il fatto di non amare


A1 : Non mi piace
A2 : E cattivo
B1 : Odio + nom
Che schiffo( contexte informel)
B2 : Non sopporto
E disgustoso
Mi da fastidio

Fonctions cognitives-linguistiques
Pour EMILE/CLIL, on peut imaginer de créer des inventaires comparables pour
les fonctions cognitives-linguistiques Celles-ci sont les représentations verbales
d’opérations cognitives (comme décrire, énumérer, comparer, déduire…), telles
que réalisées, de manière conventionnelle, dans les textes scientifiques A partir
de recensement des réalisations d’une fonction dans ces textes, il est possible
de recenser des formes linguistiques.
Par exemple, en français, une définition peut être formulée au moyen :
 d’un verbe : on appelle X... ; X se définit comme…  ;
 d’une simple juxtaposition (entre parenthèses ou non) ;
 de c’est-à-dire… ;
 d’une proposition avec qui que… Par ex. : La rétine est constituée de deux
sortes de cellules sensibles à la lumière. Les bâtonnets sont… Les cônes
permettent…  ;
 de l’emploi de termes généraux (caste = catégorie sociale dans laquelle on
naît) ;
 d’un exemple ou d’une série d’exemples ;
 d’une ou plusieurs comparaisons ;
 d’une opposition ;
 d’une paraphrase ;
 de l’étymologie ;
 par une description des caractéristiques ;
 […]
Une caractéristique importante de ces inventaires de fonctions cognitives-
linguistiques pourrait être que leurs réalisations verbales sont enaprtie
communes dans au moins une partie des matières enseignées (y compris la
langue de scolarisation comme matière) ; cela assurerait des transversalités qui
sont indispensables à tous les enseignements langagiers (voir fiche 17).
FICHE 11

Définitions des principaux concepts et notions

On a regroupé ici des définitions de certains concepts ou notions présents dans


le CECR ou utilisés dans ce texte.

Besoins langagiers  : ressources verbales à acquérir dans des langues inconnues


ou peu connues, nécessaires pour gérer des situations de communication dans
lesquelles le locuteur sait à coup sûr ou prévoit qu’il va être impliqué à court ou
à moyen terme.

Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) : instrument de


travail commun proposé à tous ceux qui s’occupent d’enseignement des
langues. Créé à l’initiative du Conseil de l’Europe, il propose une terminologie
commune et une modèle de ce qu’est apprendre et enseigner une langue. Il
constitue une base partagée pour la création de programmes d’enseignement
diversifiés mais convergents (voir son chapitre 8). C’est avant tout un outil au
service de l’éducation plurilingue Ses usages ont été très abusivement réduits
aux « niveaux » et aux certifications correspondantes.
- http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Cadre1_FR.asp

Compétence : capacité préétablie de mobiliser des ressources diverses pour


réaliser des actions spécifiques et observables. Une compétence n’est visible
qu’à ses effets ou à ses produits ; ceux –ci doivent se manifester de manière
régulière et stable.

Compétence langagière (dans une langue donnée) : elle mobilise des


ressources comme des connaissances et des stratégies ; elle est généralement
conçue comme constituée de différents éléments :
- les compétences de communication : capacité à interagir, comprendre et
produire à l’oral comme à l’écrit (soit 6 compétences) ;
- les compétences dites formelles : capacité relatives à la prononciation, à
l’orthographe, à la morphologie  à la syntaxe, au lexique … ;
- la compétence discursive (ou encore textuelle) comme capacité à
produire des textes oraux et écrits à la fois grammaticaux et appropriés.
Grammatical signifie conforme aux régularités constitutives de langue
(correct, sans faute…). Approprié signifie conforme aux règles et
habitudes de communication d’une communauté de communication
donnée (par exemple, comment saluer, comment s’excuser, comment
écrire une lettre de protestation …)

Faculté de langage : patrimoine génétique, de nature neurobiologique, qui


permet à l’homo sapiens d’apprendre des langues, sans enseignement, depuis
la naissance et tout au long de sa vie.

Fonction communicative (ou acte de langage) : en linguistique (dite


pragmatique), on distingue le sens de ce que l’on dit littéralement (sens :
littéral : il fait froid) et ce que cet ensemble de mots veut dire « réellement »
(intention de communication : on pourrait fermer la fenêtre). Ces fonctions
sont désignées par des mots courants, le plus souvent : demander une
information, reprocher quelque chose à quelqu’un, inviter, faire un
compliment. Elles peuvent être exprimées de différentes manières, mais
certaines, celles qu’il convient d’enseigner, sont conventionnelles et
comprises/interprétées correctement par tout le monde, quelle que soit la
situation de communication.

Fonction cognitive-linguistique : terme utilisé ici (mais d’autres termes ont été
proposés comme opérations discursives, opérations cognitives ....) pour
désigner des opérations intellectuelles et leurs réalisation verbales comme
conclure, déduire, expliquer, donner un exemple, citer… Ces réalisations
verbales ne sont pas le reflet de ces opérations intellectuelles mais les formes
sous lesquelles celle-ci sont exprimées par le langage, d’autant qu’elles n’ont
pas d’existence avant leur verbalisation, sauf dans les sciences qui utilisent des
systèmes sémiotiques spécifiques comme la chimie, la physique ou les
mathématiques. Comme les fonctions communicatives, elles sont désignées
par des mots du vocabulaire courant, qui peuvent être flous ou redondants
(expliquer, donner des raisons, des causes). Ces mots sont, de plus, sont
variables d’une langue à l’autre. Ce qui rend complexe leur identification. Leurs
réalisations dépendent des genres de discours. C’est par elles que l’on peut
caractériser l’academic discourse ou rhétorique de la connaissance. Le CECR les
nomme macro fonctions ; elles servent à « l’utilisation fonctionnelle » du
discours (5.2.3.2), notion qui n’est guère explicitée.

Genre de texte (de discours)  : catégorie ordinaire (= non définie


scientifiquement) de textes, présentant des ressemblances entre eux et
caractérisant les formes de la communication dans une communauté de
communication donnée : sermon, conversation à bâtons rompus, dispute,
compliment, horoscope…
Méthodologie d’enseignement : ensemble de concepts fondamentaux (qu’est-
ce que la langue, qu’est-ce qu’apprendre, qu’est-ce que lire …) et de ressources
(description de la syntaxe, du lexique, des discours...) qui sert de cadre pour
définir des objectifs d’enseignement, les disposer de manière progressive dans
les programmes, définir la nature des documents servant de support à
l’enseignement, créer les activités d’enseignement correspondantes et
spécifier la/les forme(s) de leur articulation en séquences d’enseignement
cohérentes.

Multilingue (multilinguisme) : espace ou territoire (ville, région, pays…) dans


lequel différentes langues sont employées

Niveau de référence du CECR : moment dans les itinéraires d’apprentissage des


langues qui peut être caractérisé. Ce n’est donc pas nécessairement un objectif
et nul n’est tenu d’aller jusqu’à la compétence maximale. Toute compétence en
langue a une valeur et peut être décrite et certifiée. Les niveaux décrits par le
CECR sont au nombre de six : A1 et A2, B1 et B2, C1 et C2. La durée
d’apprentissage qui les sépare est de nature exponentielle : ils ne sont pas
équidistants.
Ces points de repère sont définis de manière analytique par un ensemble de
spécifications, dites descripteurs par exemple : est capable d’écrire une carte
postale ou un tweet. Un apprenant est considéré comme se trouvant à une
étape donnée, si ses productions verbales sont conformes à tous les
descripteurs qui caractérisent celui-ci.

Niveau A2 et niveau B1 du CECR


Voici les descripteurs les plus globaux de ces deux niveaux de référence :

Niveau A2
Peut comprendre des phrases isolées et des expressions fréquemment utilisées en relation
avec des domaines immédiats de priorité (par exemple, informations personnelles et
familiales simples, achats, environnement proche, travail). Peut communiquer lors de tâches
simples et habituelles ne demandant qu'un échange d'informations simple et direct sur des
sujets familiers et habituels. Peut décrire avec des moyens simples sa formation, son
environnement immédiat et évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats.

Niveau B1
Peut comprendre les points essentiels quand un langage clair et standard est utilisé et s'il
s'agit de choses familières dans le travail, à l'école, dans les loisirs, etc. Peut se débrouiller
dans la plupart des situations rencontrées en voyage dans une région où la langue cible est
parlée. Peut produire un discours simple et cohérent sur des sujets familiers et dans ses
domaines d'intérêt. Peut raconter un événement, une expérience ou un rêve, décrire un
espoir ou un but et exposer brièvement des raisons ou explications pour un projet ou une
idée.

Dans le CECR, ces points de repère sont définis par d’autres descripteurs plus
spécifiques par compétence de communication, par stratégies, par compétence
formelle…

Plurilingue (plurilinguisme) : tout acteur social ayant la maîtrise, à des degrés


divers, de différentes langues qui constituent son répertoire linguistique. Grâce
à la faculté de langage, tout locuteur est potentiellement plurilingue.

Profil de compétences individuel : un locuteur a rarement le même niveau de


maîtrise d’une langue dans toutes les compétences. Le plus souvent les
compétences de réception sont supérieures à celles en production, celles à
l’écrit supérieures à celles à l’oral etc. A titre d’exemple, un locuteur peut
présenter le profil suivant :

B2
B1
A2
A1
Compre- Compre- Inter- Produc- Produc-
hension hension action tion tion
écrite orale orale écrite orale
Il importe de connaître le profil de compétences de chaque locuteur, de
manière à identifier ses besoins et à ajuster l’enseignement en définissant les
objectifs en termes de profil de compétences et non de niveau homogène.

Répertoire (individuel) de langues : il est constitué par les langues que chaque
locuteur a à sa disposition. Celles-ci ne sont pas nécessairement maîtrisées au
même niveau, utilisées pour les mêmes compétences ou pour les mêmes
fonctions (dans la famille, sur le lieu de travail, dans vie sociale ordinaire…).
Certaines ont une fonction identitaire/de marqueur d’identité. Elles varient
dans le temps. Le rôle de l’école est de légitimer et de valoriser les langues des
répertoires des enfants, de développer celui-ci et de le diversifier.

Situation de communication : espace de l’échange verbal qui comprend les


éléments du contexte qui peuvent influencer celui-ci (qu’il soit face à face, écrit
et différé...) comme : le lieu, le moment, les connaissances partagées entre les
interlocuteurs, leurs relations …

Scénario (ou script) social : activité sociale récurrente et identifiable (comme


acheter des vêtements, aller au restaurant, se rendre chez des amis pour dîner)
qui se réalise au moyen d’un ensemble plus ou moins fixe d’activités, dont
certaines sont verbales.
Présentation de la section 2

Les utilisations du CECR pour les programmes de langues et les curriculums

Le rôle du CECR pour l’organisation de tests et de certifications des


connaissances en langue et, plus généralement pour l’évaluation, est bien
connu. Ce sont surtout ces utilisations du CECR qui en ont assuré le succès et,
en même temps, créé de graves malentendus autour de cet instrument.
Dans fiches qui suivent nous allons monter en quoi le CECR peut avoir d’autres
fonctions, d’abord pour construire des programmes d’enseignement. Nous
mettrons en évidence ses utilisations possibles dans les différentes phases
d’élaboration des programmes (voir fiches 12, 13 et 14) dont voici le processus
théorique :

Tableau résumé : Processus théorique de création des programmes en langues

- Choix des finalités éducatives pour les enseignements de langues ;


- Caractérisation des cultures éducatives des apprenants  : attentes,
représentations, habitudes d’apprentissage...  ;
- Caractérisation des publics d’apprenants concernés  ;
- Analyse des besoins langagiers ;
- Identifications des contenus d’apprentissage  : les contraintes du volume
horaire ;
- Spécifications des objectifs par compétences : niveaux et profils  ;
- Spécification des domaines, des thèmes et des situations de
communication ;
- Spécification des situations de communication par les textes  : les genres
de textes ;
- Des genres de textes aux formes à enseigner : analyse du discours et
DNR  ;
- Décisions sur la/les méthodologies d’enseignement, sur la forme des
séquences d’enseignement, sur la répartition linéaire/progressive des
objectifs d’apprentissage ;
Nous montrerons ensuite comment le CECR et d’autres instruments du Conseil
de l’Europe sont en mesure de contribuer au projet d’éducation plurilingue et
interculturelle, en termes :

- de diversification de l’offre en langue des systèmes éducatifs et des


curriculums de langues (schede 15 e 16) ;
- de mise en convergence des enseignements de langues  (fiche 17)

Nous nous interrogerons dans la section III sur les apports du CECR du point de
vue des méthodologies d’enseignement, puisqu’on lui attribue volontiers une
approche actionnelle/par tâches, dont il serait le promoteur, apport qu’il
convient de relativiser.
FICHE 12

Le processus de création des programmes en langues et le CECR (1):

des finalités aux objectifs

La transparence (qui permet d’en évaluer la qualité) sont indispensables aux


processus complexes d’élaboration des programmes et d’organisation des
formations en langue à l’école ou dans d’autres contextes institutionnel
(entreprise, cours de langue privés, milieu associatif…)

Ces processus ne sont pas nécessairement menés par les mêmes acteurs et les
décisions ne sont pas prises au même niveau:

 il peut exister des cadres internationaux, comme les key competences de


la Commission européenne ou le CECR du Conseil de l’Europe, dont les
états décident de tenir compte, d’autant plus librement pour les pays de
l’Union européenne que les accords passés ne concernent pas
l’éducation qui demeure de la pleine souveraineté des états membres ;
 au plan national, les décisions se prennent au niveau des ministres
concernés et des directeurs généraux des administrations qui définissent
des lignes générales (finalités des enseignements de langues) et des
choix stratégiques (langues obligatoires, nombre d’heures
d’enseignement…) ;
 au niveau central ou régional, ces principes directeurs sont interprétés
en termes opérationnels sous formes de lignes directrices ou de
programmes plus ou moins contraignants. Ceux-ci sont parfois élaborés
par des spécialistes (instituts du curriculum, didacticiens, inspecteurs). Ils
sont aussi traduits en documents et activités par les manuels produits
par les éditeurs, qui servent souvent de guide principal à
l’enseignement ;
 au niveau de l’établissement scolaire ou d’une classe donnée, des
adaptations au contexte (linguistique, social…) ou des adjonctions
peuvent être possibles. Elles sont plus ou moins conformes à l’esprit ou à
la lettre des indications générales, ceci du fait des « croyances » et des
convictions des enseignants (par exemple, ce qu’ils pensent être utile aux
apprentissages) qui se sont formées à partir de leur expérience ou de
qu’ils ont construites dans leur formation initiale.

Ce processus est donc complexe et non linéaire et il ne réalise pas sans


contradictions entre les différents décideurs et les acteurs.

Nous allons maintenant décrire ce processus, tel qu’il pourrait se dérouler de


manière théorique ou idéale, en signalant à mesure le rôle que peut y jouer le
CECR. Il doit demeurer clair que le CECR ne peut, à lui seul, servir de base à ce
processus et qu’il est nécessaire d’avoir recours à d’autres instrument,
démarches et analyses.

Le processus général « classique » de l’ingénierie des formations et la


conception de formations et de curriculums en langues sera schématisé en
différentes étapes comme suit.

Choix des finalités éducatives pour les enseignements de langues

Les enseignements, quels qu’ils soient, répondent à des finalités générales de


développement de l’individu, d’acquisition de connaissances, de compétences,
de stratégies, la création d’attitudes … Pour ce qui concerne les langues deux
ensembles de finalités sont traditionnellement distinguées : des finalités
fonctionnelles (des compétences en langues pour communiquer, voyager,
travailler…) et des compétences non directement « instrumentales » :
apprendre à apprendre les langues par soi-même, s’ouvrir à la diversité
linguistique et culturelle du monde, développer de la curiosité et de la
bienveillance pour toutes les formes de l’altérité, avoir accès aux grandes
productions de l’esprit humain (littérature, arts…) …

Les choix mis en avant par le CECR ne penchent pas pour l’une ou l’autre de ces
options : ils ont une allure très fonctionnelle dans les descriptions de son
chapitre 4. Mais elles concernent aussi globalement l’éducation plurilingue et
interculturelle (1.3 et 8.1) (voir fiche 8) :

- comme réponse à la diversité linguistique de l’Europe et au


multilinguisme croissant, fait des langues héritées et des langues
apportées présentes dans chaque état ;
- comme projet de développement pour chaque apprenant lui permettant
de tirer profit de sa faculté de langage, de développer son répertoire de
langues (par ex. accès à des formes écrites dans la langue de
scolarisation), de le diversifier à l’école et tout au long de la vie, de
reconnaître et de contribuer légitimer à celles qui sont minorées ou
délégitimées (langues « d’origine » des personnes migrantes, langues
minoritaires…, dialectes …)

Le CECR est un instrument efficace pour dessiner des programmes de langues


explicites et maîtrisés car il permet de définir des objectifs d’apprentissage
explicites et de construire des cursus en langue diversifiés.

Caractérisation des cultures éducatives des apprenants  : attentes,


représentation, habitudes d’apprentissage...

Tout nouveau programme doit tenir de compte de l’existant, ne serait-ce que


pour identifier les résistances au changement qui pourraient se manifester. Les
apprenants (comme les enseignants) ont des attentes et des représentations
de ce que doivent être des enseignements de langues étrangères. Ils ont acquis
des habitudes au cours de leur scolarité. Par exemple, ils sont familiers de
l’évaluation par interrogazione à l’oral, moins à l’écrit ; ils sont habitués à
certaines formes d’analyse des textes littéraires, mais ils n’en voient pas
nécessairement l’utilité pour comprendre le fonctionnement des textes non
littéraires en langue étrangère.

Caractérisation des publics d’apprenants concernés

Les programmes de langues doivent faire une place à la diversité des


apprenants, de quelque nature qu’elle soit. En particulier, ils doivent tenir
compte des besoins éducatifs spécifiques de certains apprenants. Ils ont ainsi à
prévoir des dispositifs pour les apprenants nouvellement arrivés ou issus de la
migration, pour les enfants roms/tziganes... Plus largement, ils ont à tenir
compte des langues déjà connues des apprenants pour mettre ces ressources
des répertoires individuels au service de l’acquisition de nouvelles langues.

Analyse des besoins langagiers

Les programmes doivent aussi peut-être déterminés en fonction de l’utilisation


effective des langues par les apprenants. Pour les élèves jeunes et débutants
dans une langue, les besoins langagiers ne peuvent être déterminés que de
manière très vague. On s’en tient souvent alors à des situations de
communication orale ordinaire, de type voyageur-touriste, même si elles sont
très hypothétiques (apprentissage du français à Lima (Pérou) ou de l’anglais à
Naha (Japon) ou à Blagovetchensk (Russie). Les ressources des réseaux sociaux
et les possibilités de mobilité de brève ou de longue durée pourraient modifier
cette perspective.

Pour des étudiants du second cycle général du secondaire ou des


enseignements professionnels, techniques et technologiques, des prévisions
sur les situations de communication dans lesquelles les apprenants vont très
probablement se trouver deviennent possibles. Ces situations peuvent être
identifiées en particulier par prise en compte de la nature des échanges
économiques internationaux (par ex. les principaux partenaires économiques
de la Provincia autonoma di Trento sont l’Allemagne et la France), par des
enquêtes dans les entreprises, au moyen des référentiels professionnels ou
encore en fonction des tâches linguistiques propres aux études universitaires.

La CECR permet de caractériser ces situations, au moins en termes de


compétences langagières, en particulier grâces aux ensembles de descripteurs
de la compétence à communiquer langagièrement de son chapitre 4 :
l’utilisation de la langue et l’apprenant-utilisateur.

Il demeure cependant important de ne pas enfermer les apprenants dans des


enseignements fonctionnels mais de faire sa place à des apprentissages plus
ouverts, comme l’utilisation ludique, esthétique ou poétique de la langue (4.3.4
et 4.4.5).

Identifications des contenus d’apprentissage  : les contraintes du volume


horaire

L’étape théorique suivante est de déterminer plus concrètement ce qui sera à


enseigner et les objectifs à atteindre, en fonction des finalités, des
caractéristiques des apprenants, des besoins et des attentes. Or ces choix sont
contraints par le volume horaire attribué à l’enseignement de chaque langue,
car celui-ci fait l’objet de décisions a priori, prises surtout en fonction de la
place accordée aux langues dans l’enseignement et à l’équilibre général des
matières constituant le programme d’apprentissage.
Il est très rarement défini en fonction des besoins ou des attentes des
apprenants ou même des objectifs à atteindre… En effet, si le système éducatif
fixe a priori un niveau du CECR comme objectif à atteindre (par ex. A2 en fin de
scolarité obligatoire), le nombre d’heures réputées nécessaires en moyenne
pour y parvenir n’est pas nécessairement pris en considération. Il est vrai que
celui-ci est difficile à estimer, car il dépend de nombreux facteurs, entre autres
des langues déjà connues des apprenants.

Voici les volumes horaires considérés comme nécessaires pour l’anglais,


d’après les cours de Cambridge :

A1 90-100

A2  180-200

B1  350 -400

B2  500-600

C1  700-800

C2 1000-1200

A titre de comparaison, voici le volume horaire des cours considérés comme


nécessaires pour l’apprentissage du français par des apprenants arabophones

Nombre d’heures de français proposées à l’Institut Français de Beyrouth

(préparation aux examens DELF/ DALF)

total
A1 60-80 h
A2 100-160 h 160 -240 h
B1 150-180 h 310 - 420 h
B2 180-250 h 490 -670 h
C1 250-300h 740-970 h
En général, le volume horaire attribué aux langues en Europe (pour la première
langue enseignée) est de l’ordre de 3 heures hebdomadaires soit 90-100
heures par an ; celles-ci sont proposées en enseignement extensif, ce qui en
diminue certainement l’efficience.
Comme on peut s’y attendre, le CECR se garde bien de donner quelque
indication que ce soit dans ce domaine.

Spécifications des objectifs par compétences  : niveaux et profils

Les objectifs d’apprentissage des langues peuvent être définis de différentes


manières, par exemple : en termes de vocabulaire à connaître, de grammaire à
maîtriser, de fonctions communicatives à reconnaître et à utiliser. Le CECR
choisit de spécifier des objectifs possibles en termes de compétences de
communication et de niveaux de maîtrise de celles-ci. Le CECR s’inscrit ainsi
directement dans la continuité de l’approche communicative de
l’enseignement des langues (années 1970-1980).

L’apport important du CECR est que des objectifs d’enseignement peuvent être
spécifiés de manière très fine, au moyen de sa typologie de compétences et de
ses échelles de compétences (ou de sous-compétences) (voir fiche 5), c’est-à-
dire de l’ensemble de ses descripteurs.

Les compétences retenues par la CECR sont

 l’interaction orale, en face à face et en temps réel ;


 l’interaction écrite (en temps réel en particulier par mail, sms,
whatsapp… ;
 la production orale (suivie et monologale devant un public, pour un
auditoire…) et la production de textes écrits, qui suppose du temps
d’élaboration et des réactions non immédiates ;
 la réception des textes écrits oraux et audiovisuels (dite aussi : lecture et
écoute ou encore compréhension écrite/de l’écrit et orale/de l’oral) ;
 la médiation orale et écrite qui recouvre toutes les formes de
transformation des textes, dont la traduction, le résumé…

A partir de ces compétences et des sous-compétences, définies en termes de


genres de textes (annonces publiques 4.4.1.1 ; essais et rapports 4.4.1.2 ;
émissions de radio 4.4.2.1 ; instructions 4.4.2.2…), il est possible de commencer
à dessiner des objectifs correspondant aux éléments identifiés plus haut
(finalités, besoins, attentes…). Ces choix ne sont pas mécaniques ou simples,
car ils demandent de prendre en compte de nombreux paramètres ceux, par
exemple, qui peuvent avoir une influence sur la motivation des apprenants.

Le CECR ne définit pas des objectifs d’enseignement mais il propose des


moyens de le faire avec toute la précision possible.

Les systèmes éducatifs européens ont généralement retenus comme objectifs


des niveaux homogènes du CECR, c’est-à-dire des formes de maîtrise
identiques des différentes compétences : soit, par exemple, A2. Or, l’on sait
que dans les répertoires individuels cette maîtrise est asymétrique car, le plus
souvent (et ce en fonction des cultures éducatives), par exemple, les
compétences de réception sont plus rapides à acquérir globalement que celles
en production. Et les besoins linguistiques génériques, tels qu’on peut les
prévoir dans les premiers cycles de l’éducation, sont eux aussi peu homogènes.
D’où la recommandation du Conseil de l’Europe de concevoir les objectifs en
termes de profil de compétences plutôt qu’en termes de niveau de
compétences. Ainsi le profil de sortie pour la langue première en fin de
scolarité secondaire pourrait-il recevoir, par exemple, la forme suivante

B2
B1
A2
A1
Compre- Compre- Inter- Produc- Produc-
hension hension action tion tion
écrite orale orale écrite orale

Une telle approche conduit à une élaborer une forme de pondération entre les
compétences à enseigner ; celle-ci permet à son tour d’estimer le volume
horaire à consacrer à chacune d’entre elle et elle autorise une certaine
planification/organisation dans le temps des activités en classe.

Cette flexibilité (on utilise le terme souplesse dans le CECR 3.5) permise par le
CECR est de nature à rendre possible des enseignements de langues plus
diversifiés. Par exemple, pour une langue 2, qui est enseignée moins
longtemps, on pourrait mettre fortement l’accent sur les compétences
réception et d’interaction orale (A2) qui constituent des objectifs plus réalistes.
Passé ce stade d’élaboration des programmes, on en vient à une détermination
plus fine des contenus d’apprentissage pour laquelle le recours au CECR est
moins immédiatement pertinent, puisque celui-ci a été élaboré en dehors de
toute langue particulière.
FICHE 13

Le processus de création des programmes en langues et le CECR (2):


des objectifs aux contenus linguistiques

Le profilage des objectifs des programmes de langue par compétences à partir


du CECR est une phase charnière puisque, à partir de ce stade de l’élaboration
des programmes, on « redescend » vers les formes de la langue cible à
apprendre à maîtriser.
Spécification des domaines, des thèmes et des situations de communication
A partir du profil de compétences communicatives visé, on peut définir plus
finement les situations de communication auxquelles on souhaite préparer les
apprenants et leur donner les ressources nécessaires.
Cela peut se faire directement ou en utilisant des notions intermédiaires
comme celle de domaine (2.1.4et 4.1.1) ou de thème (4.2). Le CECR souligne
que toute parole s’inscrit dans un contexte social donné. Ces domaines (ou
sphère d’activité ou d’intérêt) sont innombrables, mais pour ce qui concerne
l’enseignement/apprentissage des langues, il en retient 4 principaux :
 le domaine personnel : vie privée, famille, amis, loisirs… ;
 le domaine public, celui du citoyen engagé dans la vie collective : dans
une association, un club, un mouvement, une formation politique… ;
 le domaine professionnel ;
 le domaine éducationnel, celui où le locuteur est impliqué comme
apprenant dans une institution ou un dispositif de formation ou
d’enseignement.
Dans chacun de ces domaines ; les échanges peuvent porter sur différents
thèmes de communication (c’est-à-dire des sujets abordés dans les textes
oraux ou écrits) Par exemple, à côté du thème voyages, relations avec les
autres, qui relèvent du domaine personnel, on peut inclure le thème loisir qui
se décline à son tour en : sports, télévision, médias, sorties…
Le CECR insiste, à juste, titre sur le rôle pour la motivation des apprenants du
choix des domaines et des thèmes choisis. Spécifier un programme (ou
concevoir une séquence d’enseignement) en partant des thèmes pour
identifier ensuite les situations de communications dans lesquelles ces thèmes
sont abordés présente malgré tout un risque : celui de donner une importance
trop grande à l’enseignement du lexique aux dépens de la gestion de la
communication en situation.
Il est sans doute préférable, contrairement à ce que laisse entendre le CECR, de
sélectionner d’abord ensemble de situations de communication (écouter les
informations, regarder un documentaire, parler des amis, regarder une affiche
publicitaire, utiliser un dictionnaire) et définir ensuite les sujets sur lesquels
porte l’échange/la compréhension des textes. En procédant ainsi, on préserve
la possibilité d’organiser les activités d’enseignement autour des stratégies
d’apprentissage qui dépendent des compétences de communication, surtout
en fonction de la réception, de la production et de l’interaction. Le CECR définit
stratégie comme : agencement organisé, finalisé et réglé d’opérations qui sont
sélectionnées en vue de la réalisation d’une tâche (2.1).
Spécification des situations de communication par les textes : les genres de
textes
Toute situation de communication comporte ou implique des textes (en
réception ou production). La notion de texte est interprétée par le CECR (2.1)
comme une séquence discursive orale ou écrite. Ceux-ci sont plus ou moins
étroitement liés à la situation de communication et ils sont listés de manière
indicative en particulier dans le tableau 5 : Contexte externe d’usage. Pour le
domaine personnel, le CECR cite des textes comme : les garanties (des
produits), les recettes, les romans, les magazines, les journaux, le courrier
personnel…
Il va plus loin en soulignant que les textes entrent dans des schémas communs,
particulièrement les schémas d’interaction orale qui présente des dynamiques
comparables (5.2.3.2 -3) ou les plans des textes comme les anecdotes, les
débats, les lettres officielles… (5.2.3.1) qui semble considérés comme partagées
par ces textes dans chaque catégorie. Pour ce faire le CECR utilise
conjointement les termes de type (de textes) et de genre (de textes), qu’il ne
distingue pas par une définition.
On a réuni ci-après les caractérisations du répertoire des textes d’un apprenant
de niveau B2 (utilisateur/apprenant indépendant), tel qu’il apparaît à travers
les différentes échelles de descripteurs du CECR :
Niveau B2 : indications du CECR
en termes de types de textes/genres discursifs13
Comprendre discours assez longs y compris argumentatifs
émissions de télévision sur l'actualité et les informations
la plupart des films en langue standard
Comprendre une interaction conversation animée
entre locuteurs natifs
Comprendre en tant conférence, discours, rapport, exposés
qu'auditeur éducationnels/professionnels

Comprendre des annonces et annonces et messages courants


instructions orales
Comprendre des émissions de enregistrements que l'on peut rencontrer dans la vie sociale
radio et des enregistrements
Réception audiovisuelle la plupart des journaux et magazines télévisés
Lire Articles et rapports sur des questions contemporaines (avec
expression d'attitude et point de vue)
Texte littéraire contemporain en prose
Comprendre Correspondance courante dans son domaine
la correspondance Texte long
Lire pour s'orienter
Lire des instructions Instructions longues et complexes
Prendre part à une Interaction normale, conversation dans des situations
conversation familières
Obtenir des biens et des Négociation (comme contravention imméritée,
services responsabilité de dégâts).
Interviewer et être interviewé Conduire un entretien.
S'exprimer oralement en Textes clairs, essais ou rapports, lettres qui mettent en valeur
continu le sens qu'il attribue à événements/expériences
Développer une présentation, une description
Production orale générale Argumentation
Monologue suivi Exposé
S'adresser à un auditoire
Interaction écrite
Correspondance Lettres exprimant des émotions, commentaires…
Notes, messages et Laisser des notes transmettant des informations
formulaires
Production écrite
Ecriture créative Descriptions, en respectant les règles du genre en question
Essais et rapports Essai, rapports
Prise de notes
Résumés Résumés de nouvelles, entretiens, films

13
Beacco J.-C., Bouquet S. & Porquier R. (2004) : Niveau B2 pour le français, Didier, Paris.
Les textes retenus dans le CECR sont plutôt identifiées au moyen de catégories
très larges (correspondance, films), parfois proches des types de textes
(description, argumentation…) et elles concernent rarement les genres
discursifs précis (interview, rapport, journal télévisé…). Le CECR propose ailleurs
(en 4.6.2) un inventaire ouvert de « types et genres » de textes écrits et oraux,
qui correspondent effectivement à des genres (entretien d’embauche) ou qui
sont très larges (magazines, journaux).

Dans la perspective du CECR mais en précisant celle-ci, il nous semble utile


d’avoir davantage recours à la catégorie genre discursif ou genre de discours
peu centrale dans le CECR, même si elle y est présente. Nous utiliserons ici le
terme genre de textes dans la mesure où le terme (français) discours n’est pas
défini de manière univoque et stable dans le CECR. La spécification de
compétence à communiquer langagièrement en compétence relative aux
genres de textes nous semble plus à portée des utilisateurs pour organiser les
programmes de langues et structurer les séquences d’enseignement.
Comme ce que suggère le CECR, on part de l’hypothèse que les textes concrets,
oraux et écrits, ne sont pas le produit exclusif de celui qui écrit ou qui parle. Ils
répondent aussi à des « règles » ou à des conventions et des habitudes, qui ne
sont pas seulement celles de la grammaire ou du bien parler. Par exemple, à
l’oral il est d’usage (en français et en italien) de répondre à une salutation par
une salutation (généralement identique : Bonjour  ! – Bonjour  !) ou de refuser
une proposition en la justifiant même de manière conventionnelle (- Tu viens
au cinéma  ?- Non, j’ai du travail).
Tout texte est unique mais certains partagent des caractéristiques avec
d’autres, parce qu’ils répondent aux mêmes conventions. Ces textes ont des
points communs, ce qui fait qu’on les considère comme appartenant à un
même genre : conférence, conte, résumé, traité, fait-divers, anecdote, dispute,
catalogue d’exposition, prière, fable, mode d’emploi, éditorial… Un genre de
textes est la forme prise par la communication telle qu’elle s’effectue dans une
situation de communication donnée au sein une communauté de
communication donnée. Les textes tendent à se conformer aux régulations
caractérisant ces situations (ou plutôt, ces événements de communication, au
sens de D. Hymes) ainsi bien dans leurs contenus que dans leur structure et
leurs réalisations verbales, plus ou moins ritualisées et contraintes. On
considère donc les textes comme des formes discursives partagées et non
comme des productions uniquement individuelles : ils manifestent des
régularités indépendantes des locuteurs. Ces régularités, construites au sein
des communautés de communication, sont partagées, à des degrés divers, par
les membres de ces communautés.
Pour l’élaboration des programmes d’enseignement, on a choisi de mettre en
évidence, davantage que dans le CECR, le concept de genre de textes, pour
plusieurs raisons :
 les noms des genres relèvent du lexique ordinaire et non d’un
vocabulaire technique de la linguistique ; les locuteurs et les
apprenants peuvent s’en faire une représentation vague mais non
dépourvue d’intérêt pour les activités d’enseignement 14: ils sont
capables de les identifier mais aussi d’en produire certains dans les
langues connues de leur répertoire, même sans enseignement ;
 la notion de genre de discours est moins abstraite que celle de type
de texte (type narratif, descriptif, injonctif, expositif, argumentatif…).
Cette dernière n’a jamais véritablement été en mesure de décrire des
classes de textes, puisqu’on a vite reconnu qu’un texte concret
répond simultanément, le plus souvent, à plusieurs types15.
On peut décrire les genres discursifs au moyen de catégories
linguistiques, puisqu'un genre de texte discursif est un objet verbal,
mais il demande d’autres formes d’analyse que celles de la phrase… ;
 le concept de genre de texte semble indispensable en ce qui concerne
l’enseignement/apprentissage des langues. En effet, les genres ne
sont pas des formes universelles : ils sont, le plus souvent, propres à
des communautés discursives, c'est-à-dire finalement à des langues.
Certains genres n’ont pas d’équivalent d’une langue à l’autre (par
exemple, il n’existe pas de réelles palabres en français  de France) ou
ils ne coïncident que partiellement ou superficiellement (les
présentations en français et en anglais). Les enseignements de langue
mettent en contact au moins deux « cultures discursives », celle de la
communauté des apprenants et celle de la langue cible.

14
Beacco J.-C. & Petit G. (2004) : « Lexique ordinaire des noms du dire et les genres discursifs », dans Beacco J.-
C. (dir) : Représentations métalinguistiques ordinaires et discours, Langages 154, p. 87-100.
15
Adam J.-M. (1999) : Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes, Nathan Université, Paris.
FICHE 14

Le processus de création des programmes en langues et le CECR (3):


des genres de textes aux formes à enseigner

A ce point de son élaboration, le cœur d’un programme de langues est


constitué d’un ensemble de texte écrits et oraux, interactifs ou non, à
comprendre ou à produire.
Les choix effectués à ce niveau déterminent, largement mais non
exclusivement, les objectifs en termes de vocabulaire à enseigner, de fonctions
communicatives... mais aussi en termes d’apprentissage des stratégies de
lecture, de production écrite… Nous aborderons cette question dans les fiches
consacrées à la méthodologie d’enseignement (voir section III). Avec les genres
de textes, nous nous en tiendrons aux formes et à leur combinatoire
(morphologie et syntaxe).

Pour descendre au plus près de la forme des textes à faire lire ou produire (et
donc au plus près des activités concrètes à organiser avec les apprenants), il est
indispensable de pouvoir analyser les textes. Cette démarche s’appelle, dans le
domaine francophone, l’analyse du discours. Les faits de langue que l’on choisit
de traiter avec les apprenants dans un texte ne le sont pas un peu au hasard de
ce qui se trouve dans un texte, mais en fonction des caractéristiques, stables et
récurrentes, du genre dont il relève et que met en évidence l’analyse du
discours. Il est important que les enseignants aient une certaine familiarité
avec cette démarche et de ses résultats.
La « forme » de chaque genre est constituée par les points communs des textes
qui en relèvent : elle est à « reconstituer » à partir de ceux-ci et elle en est, en
quelque sorte, le modèle abstrait. Le rôle de l’analyse du discours est de
caractériser la forme linguistique des genres. Autour des années 1975, en
didactique des langues, les genres ont fait l’objet, pour des textes en français,
en anglais, en allemand…, d’analyses linguistiques de cette nature, précisément
parce que l’on a pensé que la connaissance des caractéristiques des genres
pouvait permettre de mieux fonder des démarches d’enseignement.
La variation des genres de textes
Il faut noter au préalable que les genres de textes sont variables suivant les
langues et les cultures, ceci même dans les domaines scientifiques.
D’autre part, certains genres sont très contraints et les textes correspondants
ne présentent que des écarts limités. C’est le cas des bulletins météorologiques
de la presse quotidienne, les formules de souhait figurant sur les cartes
d’anniversaire ou les « nouvelles brèves » sportives…
D’autres genres présentent des régularités moins nombreuses ou moins
marquées. Les formes alternatives « équivalentes », en un point donné des
textes correspondants, sont diversifiées : le développement d’une phrase ou
d’un paragraphe devient moins prévisible, mais on peut toujours avancer des
hypothèses sur la forme qu’il pourrait recevoir. Ces hypothèses de forme et de
sens ne sont pas trop « ouvertes » : elles sont encore utilisables pour guider la
compréhension et constituer un cadre pour la production.
Les textes appartenant à un même genre ont des points communs que
l’analyse peut mettre en évidence, même si chaque texte est toujours unique.
Ces ressemblances sont d’un texte à l’autre sont utilisables d’un point de vue
pédagogique.

Les ressemblances de structure entre les textes d’un même genre


Des régularités présentes dans des textes appartenant à même genre
concernent leur structure, c’est-à-dire leur organisation linéaire (ou leur plan).
On peut repérer ces régularités par rapport à des points fixes, comme le début
ou la fin des textes, ou à la présence des schémas/canevas textuels qui sont
une succession plus ou moins fixe d’éléments.
Par exemple, pour les articles des revues scientifiques spécialisées, est
attendue la structure suivante, explicitement demandée par les comités de
rédaction des revues internationales : exposé de la problématique, revue
littérature existant sur le sujet et bilan critique de celle-ci, formulation
d’hypothèses, description du dispositif expérimental, présentation des
résultats, analyse critique des résultats, caractérisation des connaissances
apportées par l’expérimentation. Les horoscopes des magazines adoptent
souvent une disposition générale en éléments distincts, identifiés par des titres
comme : sentiments/cœur, vie sociale/professionnelle, santé, conseils... mais la
succession de ces éléments peut être variable d’un magazine à l’autre.
Au sein de ces éléments, le texte est constitué d’une intrication d’éléments
comme : donner une information, citer, donner un exemple, réfuter,
commenter, interpréter, déduire, comparer...qui sont la réalisation verbale (ou
actualisation) d’actes de parole ou d’opérations cognitives (voir infra). Ces
éléments sémantiques minimaux de structuration peuvent se trouver intégrés
dans des ensembles plus larges : par exemple, un genre donné, peut prendre
une allure narrative, qui inclut systématiquement des exemples, des citations,
des comparaisons... Ces allures générales des discours sont souvent ramenées
à une typologie comme : descriptif/expositif/, narratif, argumentatif/déductif,
procédural/factitif... fort utile pour des caractérisations globales du sens des
textes, mais de moindre rentabilité pour une description linguistique précise en
mesure de guider la compréhension ou la production des textes par les
apprenants.
Les ressemblances de forme entre les textes d’un même genre
Les textes qui relèvent d’un même genre présentent de points communs
linguistiques (ou de forme) qui leur donne une même « coloration ». Celle-ci
leur est d’abord donné par un noyau lexical partagé, puisque les textes portent
sur les mêmes objets : le genre faits-divers aura certainement recours à :
accident, catastrophe, incident, incendie, inondation, assassinat, meurtre,
disparition, enlèvement...
Au-delà de ce lexique partagé, les textes appartenant à un même genre
peuvent avoir recours à certains moyens linguistiques privilégiés, en particulier
parce qu’ils en excluent certains autres, tout à fait possibles dans d’autres
formes de communication. Ainsi pour évaluer un élément (fait, indice, preuve
matérielle...) fondant la construction du savoir historique, les textes des revues
spécialisées utilisent des adjectifs comme : significatif, frappant, mince
intéressant, révélateur et semblent exclure des réalisations comme
extraordinaire, mystérieux ou fantastique. Dans les horoscopes, les prévisions
sont souvent réalisées par des phrases nominales  (ennuis en vue, aucun
problème désormais...) : cette structure syntaxique n’a pas vocation à réaliser
une telle signification, mais elle est particulièrement sollicitée dans ce rôle par
les horoscopes, en particulier parce que cette formulation des prévisions
permet de faire l’économie de précisions temporelles (demain, la semaine
prochaine) et de rester dans le flou.
Les analyses du discours montrent que les choix possibles, ceux offerts par le
système de langue, sont filtrés par les genres qui privilégient certaines
formulations. Cela conduit à donner « un air de famille » linguistique aux textes
qui relèvent d’un genre particulier. Les préférences stabilisées de leur
expression, qui leur donnent leur spécificité, peuvent porter sur :
 les formes de présence du producteur du texte (l’énonciateur) : je, nous,
on… ; dans certains textes, il est totalement absent. Dans l’écriture
académique, on utilise surtout pour cela des formulations indirectes : les
formes impersonnelle (Il semble que...), la forme pronominale (Ce
théorème se démontre facilement), emploi du passif sans agent …ou une
combinaison de ces possibilités (Il a été démontré plus haut que...) ...;
 les formes de la quantité (objective ou appréciative) ; les chiffres d’un
tableau (comme : 43% de réponses positives) sont souvent commentés
par des expressions indéfinies ou appréciatives  (un peu moins de la
moitié des réponses…, une proportion très significative de réponses…) ;
 les temps verbaux, en particulier dans le cadre du récit ;
 l’expression du possible, du probable, de l’éventuel... au moyen de
verbes (pouvoir, sembler), du conditionnel (Cela prouverait que…),
d’adverbes (La ville de Rome comptait sans doute un million
d’habitants à l’époque impériale) mais aussi de formulations
quantitatives : le plus souvent, général, dans la plupart des cas… Ces
moyens sont souvent utilisés pour relativiser des
affirmations/assertions : On considère généralement que…
 l’expression d’appréciation ou de jugements de valeur (Ce point est
important),
 l’expression de l’obligation, de la norme (Il faut, on devrait...) ;
 les formes de chaînes de reprises d’un mot par des pronoms, des
noms : par ex. Le général… Il… ; Le départ de ... Cet événement... Il sera
interprété comme...). Ces phénomènes sont bien connus et ils sont à la
base d’un matériel pédagogique comme Tutto chiaro ?16
 les mots de connexion : énumération (premièrement, ensuite…),
succession dans le temps (d’abord, alors…), argumentation (donc,
toutefois, ainsi …) … ;
 le ton : sérieux, humour, touches personnelles... ;
 [...]
Le degré de « conformité » des textes à un modèle abstrait (les points commun
à un genre) est éminemment variable d’un texte à l’autre, mais on voit bien
quel parti peut tirer de cela pour construire des programmes s’ils descendent
ce degré de précision.

16
Gruppo di lavoro : « Non sola DSA » (GISCEL) (2016) : Tutto chiaro ? Materiale e percorsi perla
comprensione di testi. Percorso 1 per le ultime classi delle scuola primaria e leprime classi della scuola
secondaria di 1°grado.
Décisions ultérieures à prendre pour la construction des programmes
Si les programmes vont jusqu’à indiquer les formes à enseigner, le CECR ne
peut être d’une grande aide, puisqu’il ne concerne aucune langue en
particulier. L’identification des formes devra s’effectuer en combinant la
description des textes retenus (quand elles existent dans les travaux de
linguistique et de didactique des langues) et les référentiels par langues (DNR,
(voir FICHE 10) qui dérivent du CECR. D’ailleurs certaines DNR (pour l’italien, le
français) font une large place aux genres pour établir les inventaires de
ressources linguistiques réputées nécessaires pour communiquer à un niveau
de maîtrise donné de langue-cible
Le processus d’élaboration des programmes ne s’arrête pas là puisque, en
général, ceux-ci comportent aussi des indications sur les manières d’organiser
l’enseignement (les méthodologies) et sur la forme à donner aux séquences
d’enseignement/unità didattica) ainsi que sur la progression (étalement dans le
temps des activités destinées à conduire aux objectifs fixés).

On a déjà vu et on verra encore davantage dans des fiches ultérieures


comment le CECR :

- ne donne pas d’indications méthodologiques ;


- en privilégie indirectement certaines, en particulier par le choix qui y fait
de décrire les compétences de communication et les stratégies
d’apprentissage ;
- est opérationnel pour la progression des activités communicatives, avec
ses échelles ;
- doit être complété pour la progression grammaticale dans une langue
donnée par les DNR.

Il faut noter que la préconisation d’une méthodologie d’enseignement est


largement indépendante du matériel verbal que l’on décide de proposer à
l’enseignement. Des décisions sur les méthodologies ne se prennent pas non
plus après la détermination des ressources verbales à enseigner, mais dans un
processus complexe non linéaire qui s’appuie souvent sur l’existant.
FICHE 15

Le CECR et la diversification des enseignements des langues (1)

Selon la perspective qui sous-tend le CECR, l’école a la responsabilité du


développement des potentialités physiques intellectuelles, créatives,
esthétiques… de chaque enfant. Elle a aussi celui de développer la capacité de
langage dont chacun est doté génétiquement. A ce titre l’école a pour rôle :

 de légitimer les langues des répertoires individuels qui sont l’objet de


discriminations sociolinguistiques : parler familiers, langues régionales,
langues de minorité, langue peu considérées, langues apportées par la
migration … dont certaines peuvent être la langue première/de la famille
des enfants ;
 d’accroître le répertoire linguistique individuel en développant la
maîtrise de langues déjà connues et en créant les conditions de s’en
approprier de nouvelles ;
 de diversifier les répertoires en faisant découvrir la diversité des langues,
en créant de la motivation pour s’en approprier de nouvelles, à quelque
degré de maîtrise que ce soit.

On peut considérer que le CECR apporte une contribution décisive à la


réalisation de cette finalité de l’éducation plurilingue et interculturelle, parce
qu’il permet de construire des programmes et des parcours d’enseignement
diversifiés.

Comme on l’a déjà noté, dans une première version, le CECR se terminait sur le
chapitre 8 intitulé : Diversification linguistique et curriculum. L’objectif premier
de ce document est bien de rendre possible l’éducation plurilingue et
interculturelle en termes de diversification de l’offre en langues de systèmes
éducatifs, de manière à ce que ceux-ci se conforment au moins aux attentes
formulées par la Commission européenne : « langue maternelle + 2 ».
L’augmentation du nombre de langues proposées dans certains états n’est pas
une caractéristique générale et la connaissance de l’anglais continue à être une
priorité très répandue.
L’utilisation du CECR pour dessiner des parcours d’apprentissage des langues
sur toute la durée de l’enseignement rend possible cette diversification.

Valoriser les apprentissages autonomes et développer les stratégies


d’apprentissage

En effet on y souligne l’importance d’apprendre à apprendre les langues par


soi-même, en dehors de tout enseignement ou en s’appuyant partiellement sur
des cours de langues : tout enseignement devrait avoir pour tâche de donner
aux apprenants les ressources pour des apprentissages autonomes, ceci en
mettant l’accent sur les stratégies d’apprentissage qui devraient guider les
stratégies d’enseignement.

Cela est rendu possible par la prise de conscience de ses propres stratégies
telle que la permet le Portfolio européen des langues qui est issu du CECR. Ce
dernier, dans ses sections 4.5.1 et 4.5.2, identifie des éléments de ces
compétences stratégiques pour la réception et l’interaction ; celles –ci sont
développées dans les sections 4.4.1.3 : Stratégies de production, 4.4.2.4 :
Stratégies de réception et 4.4.3.3 Stratégies d’interaction et 5.1.4 : Savoir
apprendre. On s’y reportera.

Ces stratégies d’apprentissage ont été commentées et développées dans


certaines DNR. On donne ici quelques exemples, extraits du « Niveau B1 pour le
français » :

La conscience de la langue peut se construire à partir de certaines d’activités


(dites d’assimilation) comme :

• effectuer des inférences sur le sens ;

• expliciter par verbalisation certaines régularités ou contraintes (= règle) de


la langue et de la formes des textes, ceci non nécessairement dans les
termes attendus des descriptions « officielles »  des grammaires de langue ;

• « confronter » les mots : identifier et vérifier des différences


(sémantiques, grammaticales, pragmatiques, de « registre »), etc. :

• confronter des productions externes (natives ou non) à ses propres


productions ;
• solliciter de façon autonome des informations et jugements de la part des
autres apprenants, d’enseignants ou d’autres informateurs, y compris hors
contexte institutionnel (en milieu non guidé et en champ libre) ;

L’apprentissage autonome peut répondre à des stratégies globales comme :

• rechercher systématiquement des occasions d’échange avec des locuteurs


de langue cible ;

• s’exposer de manière développée à la langue cible à travers des médias


(télévision, Internet) ;

• chercher à organiser des séjours là où la langue-cible est utilisée ;

• avoir recours à des dictionnaires, grammaires, vidéo ;

• tenir un journal d’apprentissage, répertoriant les étapes et les acquis (y


compris par exemple l’enregistrement du vocabulaire nouvellement
rencontré : « auto-dictionnaire ») en utilisant par exemple le Portfolio
européen des langues.

Les stratégies d’apprentissage de l’anglais ont été inventoriés dans un


document d’auto réflexion : le Strategy Inventory for Language Learning( SILL,
Oxford 1990) https://richarddpetty.files.wordpress.com/2010/03/sill-
english.pdf
FICHE 16

Le CECR et la diversification des enseignements des langues (2) :

Diversification des objectifs et des parcours

L’autre apport du CECR à la diversification des curriculums est que la


compétence en langue étrangère est abordée de manière analytique. La
connaissance d’une langue n’est pas affaire de tout ou rien, d’une compétence
identique à celle d’un natif ou de compétences imparfaites et limitées.

La maîtrise d’une langue est conçue comme un ensemble des compétences


distinctes, elles-mêmes maîtrisées à des niveaux différents (de A1 à B2), qu’on
déjà énumérées :
 l'interaction orale (au sens participer à une conversation, à un débat…) ;
 l'interaction écrite (échanges en temps réel : forums sur Internet, échange
de méls…) ;
 la production orale (parler, au sens de faire un exposé devant un auditoire,
par exemple) ;
 la production écrite (écrire un texte) ;
 la compréhension orale et audiovisuelle (regarder la TV, écouter une
chanson, une conférence, une émission radio…) ;
 la compréhension écrite (au sens traditionnel de lire).

A côté de la description étagée en niveaux de maîtrise de la langue cible, la


compétence à communiquer est aussi décomposée en éléments distincts : ce
que montre la notion de profil de compétences est que la connaissance d’une
langue n’est pas nécessairement « complète » (les 4 compétences) ni
homogène d’une compétence à l’autre. Cette souplesse permet de définir des
objectifs différenciés en termes de nature des compétences à acquérir (toutes
ou certaines) et de niveaux de maîtrise différenciée de ces compétences.
A partir du CECR ; il est donc possible de construire des programmes visant
l’acquisition d’une seule, de plusieurs ou de toutes ces compétences, à des
niveaux de maîtrise eux-mêmes différenciés ou homogènes, en fonction
d’objectifs fixés selon des besoins, des attentes des motivations des apprenants
et du volume horaire d’enseignement disponible

L’existence des « niveaux de référence » du CECR signifie par ailleurs que toute
compétence, si minime soit-elle, peut être décrite et évaluée et donc qu’elle
est légitime et digne de respect. Tous les apprenants n’ont pas à rechercher
C2 ; cela dépend de leurs projets et des utilisations envisagées de la langue
cible. Nul n’est tenu à la « perfection ».

Ces possibilité de diversifier les parcours d’apprentissage en langue tout au


long de la scolarité, en différenciant les objectifs, est illustrée par le CECR dans
son chapitre 8. Au moyen de deux scénarios curriculaires, il donne l’exemple de
deux organisations possibles de l’enseignement de deux langues étrangères,
depuis le premier cycle jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire. Le Guide
pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe (Beacco &
Byram 2007) a développé cette perspective en particulier dans son chapitre 6 :
Organiser l’éducation plurilingue.

La diversification des contenus des programmes de langues et celle des formes


données aux parcours d’enseignement durant toute la scolarité (le curriculum)
ne sont pas des fins en soi.

Elles ont pour fonction de permettre aux apprenants de faire l’expérience de


différentes langue et de commencer l’apprentissage de plusieurs d’entre elles,
étant entendu que celui-ci pourra se poursuivre après la fin de l’école et tout
au long de la vie.

On invite à jouer sur la variabilité des formats d’enseignement au lieu de s’en


tenir à des volumes horaires et à des répartitions fixes tout au long de la
scolarité. Il est envisageable de faire varier :

 la durée totale de l’enseignement par variété linguistique (en heures de


cours ou d’apprentissage), ce volume horaire étant réparti par chaque
institution éducative suivant ses propres critères et contraintes (y
compris sur des séquences pluriannuelles, par cycle d’enseignement) ;
 sur la durée des enseignements et les rythmes considérés selon des
cycles brefs : durée de la séquence de base, nombre de séquences par
semaine. Ces rythmes devraient conduire à concevoir des séquences
didactiques qui s’inscrivent dans ces unités de temps d'enseignement, et
qui ne se diluent pas dans un enseignement trop extensif ;
 sur les rythmes et la durée à moduler suivant l’âge des apprenants ou le
niveau de maîtrise atteint ;
 sur les rythmes longs (mois, semestre, année) qui ne doivent pas être
obligatoirement envisagés de manière homogène : on peut alterner
périodes intensives (heures massées par jour, heures massées sur une
brève période) et extensives, en faisant correspondre à ces alternances
de rythme des alternances des formes d’enseignement (par exemple,
intensif pour les séjours en milieu allophone et extensif en auto
apprentissage).

Ces périodicités ne sont pas à concevoir nécessairement sous formes


régulières : certains moments peuvent être privilégiés comme les fins de
matinée ou les soirées, les fins de semaine, les périodes de vacances…

Une gestion variée de ce type (du cours « en libre-service »/à la demande au


cours annuel) n’est pas toujours compatible avec les exigences des systèmes
éducatifs, tout particulièrement à cause des contraintes de la gestion des
autres enseignements. Elle peut cependant être mise en place en jouant sur la
diversité de formes de présence des enseignements de langues dans le cadre
de projets linguistiques d’établissement.

Dans les parcours d’enseignement des langues organisés par l‘école, on peut
aussi créer de variété les formes de présence des enseignements de langues
dans les parcours d’enseignement. Ceux-ci peuvent être :
 proposés à titre expérimental ou pilote dans l'enseignement secondaire ou
obligatoire ou limités à certains établissements (par région, en fonction de la
demande sociale…). Il peut, en particulier, s’agir d’une forme d’introduction
de l’enseignement d’une nouvelle langue, qui sera ensuite généralisée mais
aussi d’un dispositif permanent ;
 proposés comme option « pure » : l’enseignement n’est pas validé (ou
partiellement) et, il est à choisir entre différentes disciplines ou entre
différentes langues ;
 proposés comme enseignement obligatoire mais à option, à choisir entre
différentes disciplines ou uniquement entre différentes variétés
linguistiques. C’est une solution classique, commode mais qui introduit de la
tension entre les variétés linguistiques, puisqu'on doit renoncer à certaines
d'entre elles. Elle peut conduire à dévaloriser les enseignements de langues,
quand ils sont proposés en même temps que des disciplines réputées plus
séduisantes ou plus faciles (en fonction de notes que l’on compte obtenir)
ou à s’acquitter à bon compte de demandes de diversification des
enseignements de langues. Mais rien n’empêche de fixer à l’étude de la
langue proposée en un second temps des objectifs supérieurs à ceux prévus
pour celle qui a été proposée au début des enseignements ou de doter son
enseignement d’un volume horaire plus important ;
 disponibles comme enseignement d'appui ou complémentaire, facultatif ou
obligatoire, pour certains apprenants, pour certaines variétés linguistiques
(les langues premières des migrants) ou pour certaines catégories d’élèves
(ceux qui sont en difficulté ou qui recherchent une spécialisation) ;
 obligatoires, sans choix possible, c’est-à-dire intégrée au cursus comme bien
d’autres contenus disciplinaires. La présence de l’enseignement d’une (ou
de plusieurs) variété(s) linguistique(s) peut être prévue tout au long de la
scolarité primaire, secondaire obligatoire et secondaire (et parfois même
universitaire) ou pour certains cycles seulement (avec possibilité de
poursuivre ou de commencer l’apprentissage d’une nouvelle variété en fin
de cycle). Ce caractère obligatoire ne doit pas prêter à confusion de la part
des apprenants concernés. Il ne s’agit pas nécessairement d’un refus
antidémocratique de prendre en charge la demande sociale, puisque
l’opinion publique n’est pas toujours consultée sur l’intérêt collectif qu’il y
aurait à introduire ou à supprimer de l’enseignement telle ou telle matière
scolaire. Des choix de ce type doivent être l’aboutissement de négociations
entre toutes les parties sociales et aboutir à des organisations globales
tenant compte des exigences des groupes, des besoins nationaux/régionaux
et des finalités éducatives.
Ces formes de présence différenciées sont propres aux systèmes éducatifs et
elles ne préjugent pas des apprentissages ultérieurs, qui risquent de se
présenter sous des formes moins exclusives les unes des autres. Elles peuvent
être retenues successivement pour la même variété linguistique (qui
d’obligatoire deviendrait optionnelle, par exemple), de manière à étendre
l’offre plurilingue des systèmes éducatifs.
Des scénarios curriculaires

Le CECR propose deux exemples d’organisation longitudinale pour


l’enseignement de deux langues dans le parcours scolaire qu’il nomme
scénarios curriculaires (8.3.2). On peut en imaginer d’autres que l’on illustrera
pour l’anglais.

Ainsi, on pourrait estimer que la maîtrise de l’anglais pour des formes de


communication internationale dans des situations ordinaires ne doit pas être
nécessairement très élevée et peut être limitée à certaines compétences
(interaction orale, réception orale et audiovisuelle) ou que, si l’on vise des
objectifs de type B2, ceux-ci ne concernent qu’une partie des apprenants.

Le CECR permet aussi de penser cet enseignement de l’anglais comme


décroissant en volume horaire tout au long de la scolarité, pour réduire les
risques de démotivation et la perte d’efficience, elle-même croissante, de
chaque heure de cours. On peut aussi organiser l’apprentissage de l’anglais
dans une forme de projet, à réaliser dans le volume horaire prévu pour son
enseignement, ceci dans certaines années du curriculum et donc en dehors du
dispositif enseignant-groupe classe.

On peut, de plus, considérer que l’on peut atteindre les objectifs fixés pour
l’anglais au moyen de périodes intensives y compris en ne l’enseignant pas
comme langue introduite la première dans les programmes, dans la mesure où
son acquisition par des adolescents/jeunes adultes peut bénéficier de la
conscience qu’ont ceux–ci de l’utilité recherchée/présumée de cette langue et
qu’ils peuvent s’appuyer sur une expérience de la communication sociale
effective.

D’autres considérations de même nature pourraient être avancées par


exemple, pour les objectifs à fixer pour la langue introduite dans un second
temps dans le parcours scolaire, qui pourraient être organisés, par exemple,
par des dispositifs d’enseignement « bilangues » c’est-à-dire avec même classe
de commencement de l’enseignement, même volume horaire annuel et global
et même objectifs pour les deux langues ainsi enseignées et apprises en
parallèle.
FICHE 17

Le CECR et la convergence entre les enseignements des langues

L’autre dimension de l’éducation plurilingue et interculturelle est de créer des


transversalités entre les enseignements de langues : celles-ci sont à envisager
dans le cadre des matières scolaires, qui sont relativement isolées les unes des
autres et qui doivent être décloisonnées. En particulier, elles répondent à des
programmes différents et non coordonnés entre eux, à des méthodologies non
articulées entre elles ou dont la complémentarité n’a pas été explorée et par
des enseignants « mono-matière », à partir du cycle de second degré dans la
plupart des pays (à l’exception de l’Allemagne, par exemple).

Cela conduit à des formes de cloisonnement coûteux, car on est amené refaire
dans une matière ce que l’on a déjà fait dans une autre. Et la charge de créer
des relations revient finalement aux seuls apprenants. Tout ceci alors que la
compétence de communication par le langage est considérée comme une du
point de vue neurobiologique.

Les transversalités entre enseignements

Celles-ci peuvent être créées :

- entre les enseignements de langues étrangères, ce qui semble


relativement possible, parce que ces matières sont structurées par des
didactiques en grande partie communes, qui confluent dans une
didactique des langues. Cependant il existe des traditions
d’enseignement et des histoires de celui-ci qui sont propres à
l’enseignement d’une langue étrangère donnée ou qui dépendent de
traditions éducatives nationales : celles-ci invitent à tenir compte d’une
certaine spécificité de chacune ;
- entre les enseignements de langues étrangères et la langue de
scolarisation principale (l’italien en Italie, l’allemand en Allemagne ou en
Autriche…). Celle-ci est un produit historique à forte identité disciplinaire
parce qu’elle a pour rôle de construire l’accès à la lecture-écriture, à la
réflexion métalinguistique, à l’accès à la littérature nationale et, par-là, à
la construction des appartenances socio-affectives à l’état-nation. Elle est
en général peu « sensible » aux autres matières, alors qu’elle revendique
et assume de facto un rôle central dans les apprentissages. On accepte
cependant assez volontiers de considérer que le détour par une langue
étrangère permet de mieux faire percevoir les fonctionnements de la
langue première dans sa morphologie, sa combinatoire et ses formes
discursives ; cet apport a longtemps été reconnu à l’apprentissage du
latin ; les langues vivantes étrangères pourraient tout autant apporter
cette dimension réflexive ;
- entre les langues des matières (mathématiques, sciences de la vie, droit
du travail, musique…) et la langue de scolarisation principale comme
matière. Des enquêtes internationales (de type PISA) ont montré que les
acquis dans les matières sont largement corrélés aux compétences des
apprenants dans la langue de scolarisation principale. Il apparait de plus
en plus important de repenser les apports de celle-ci à l’acquisition des
connaissances disciplinaires et de s’interroger sur la prise en compte de
des dimensions langagières dans toutes les matières scolaires (voir
IPRASE Trento, Working paper 4, J.-C. Beacco (2017) : La langue dans
toutes les matières scolaires) ;
- entre les langues des matières et les langues étrangères : il s’agit là d’un
espace de convergence plus connu qui se concrétise dans des formes
d’enseignement répandues : les enseignements bilingues ou les
dispositifs EMILE/CLIL/EMILE. Les relations entre la langue de
scolarisation dans les matières et une langue étrangère utilisée comme
vecteur d’enseignement d’une matière ont donné lieu à des nombreuses
interprétations et de nombreux débats. Le CECR n’a pas été conçu pour
les enseignements spécifiques de connaissances en langue étrangère et il
ne comporte pas d’indications à ce sujet. Cela n’empêche pas que le
CECR puisse jouer un rôle dans l’élaboration des programmes des
programmes pour ce qui concerne leurs dimensions langagières (voir
FICHE 22).

Nous nous en tiendrons dans ce qui suit à l’apport du CECR aux transversalités
entre enseignements des langues vivantes étrangères.
Les formes possibles de la convergence entre les enseignements de langues

Pour décloisonner les enseignements des langues étrangères, on peut prendre


appui sur le CECR et sur d’autres instruments élaborés par l’Unité des
politiques linguistiques du Conseil de l’Europe. Cela devrait permettre de
remettre en cause la perception erronée des langues qui fait que l’acquisition
de chacune d’elle est présentée comme concurrente de l’acquisition des
autres. L’éducation plurilingue et interculturelle repose sur un principe
pédagogique d’économie, à savoir que l’acquisition d’une nouvelle langue se
fonde sur les compétences et les connaissances développées lors de
l’acquisition antérieure d’autres langues. Ces compétences (comme savoir lire
un texte) et ces connaissances (comme reconnaître les mots d’origine latine ou
française en anglais) sont à transférer d’une variété à l’autre, au moyen d’une
pédagogie qui les prend en charge, plutôt que d’en ignorer l’existence. Cette
perspective n’implique pas de faire disparaître les matières scolaires « langues
vivantes » actuelles, mais elle préconise la mise en place de concordances
effectives entre ces enseignements.

A un niveau concernant directement les activités de classe, une première série


de point de convergence pourrait être constituée :

 de l’intégration à tous les enseignements de langues d’éléments d’éveil aux


langues, de manière à faire percevoir l’unicité du fonctionnement du langage
à travers la pluralité des langues naturelles. Ces activités pourrait être
surtout proposées de manière indépendante, dans les enseignements pré
primaires ou primaires ;
 de la construction des programmes des langues à partir de paramètres
communs, ceux des compétences et des échelles de compétences ;
 de l’organisation de l’enseignement en privilégiant des stratégies définies
par compétences : stratégies pour la compréhension de textes en langue de
scolarisation, langue étrangère, langue d’origine (pour les apprenants
nouvellement arrivés)… , stratégies de compréhension orale et audio-
visuelles, par exemple, d’émissions de télévision en langue nationale,
étrangère, régionale... Ces rapprochements des méthodologies
d’enseignement pourraient constituer les formes de rapprochement les plus
utiles des enseignements de langues ;
 de l’utilisation de stratégies d’acquisition en utilisant le détour par d’autres
langues, par exemple, mises en regard des systèmes linguistiques :
rapprochement contrastif des descriptions des langues au niveau du lexique,
de la morphosyntaxe, des régularités des genres de textes…
 du rapprochement des formes d’évaluation des connaissances acquises.

A un niveau plus stratégique des programmes de langues, on pourrait créer des


transversalités en privilégiant :

- l’emploi de la catégorie genre discursif, qui est présente dans toutes les
matières, pour spécifier les programmes. On a vu le profil communicatif
visé par l’enseignement peut être défini par l’inventaire des genres de
textes qu’un apprenant doit être en mesure d’utiliser, en réception et/ou
en production ;
- la typologie des compétences du CECR (compétences générales et
compétences à communiquer langagièrement), croisée avec celle des
activités de communication ;
- les principes pour l’approche des dimensions culturelles et
interculturelles des enseignements des langues, à savoir l’apprentissage
d’une gestion sereine et critique des relations à l’altérité (voir FICHE 21) ;
- la réflexivité dans l’apprentissage des langues : celle-ci vise le
développement de la capacité des apprenants à réfléchir sur toutes les
dimensions de la langue et de la communication (pour chaque langue en
particulier ou dans la perspective de leur comparaison) ; elle a trait aux
stratégies métacognitives permettant à l’apprenant de contrôler la
gestion de son activité langagière (par exemple la gestion consciente de
son propre processus de lecture ou de ses stratégies d’apprentissage) ;
- la variabilité des formes de la langue de l’école et des genres selon les
disciplines, celle des langues (étrangères, de la migration, etc.) implique
de créer chez les apprenants une prise de conscience des formes de
cette variabilité les différentes langues et du rôle de ces variations.
- […]

La convergence peut être réalisée par des activités intégrées comme :


– l’utilisation de supports plurilingues ;
– l’organisation de séquences plurilingues centrées sur une compétence de
communication, par exemple, l’intercompréhension, soit la lecture conjointe de
deux ou plusieurs langues proches ou apparentées ;
– des projets multilingues, par exemple, la préparation et réalisation commune
d’un séjour à l’étranger, d’une soirée poétique multilingue ;
– un enseignement organisé par activités et tâches, se caractérisant par « la
mise en œuvre stratégique de compétences données, afin de mener à bien un
ensemble d’actions finalisées dans un certain domaine avec un but défini et un
produit particulier (CECR 7.1.), en particulier centré sur la maîtrise de scénarios
sociaux (utiliser les transport en commun en ville, organiser un week-end dans
une ville étrangère, choisir une émission de télévision ou organiser une soirée
DVD)
Présentation de la section 3

Les utilisations du CECR pour les méthodologies et les activités


d’enseignement

On a illustré les utilisations possibles du QCER pour organiser les


enseignements, en particulier pour la conception des programmes et la
détermination des parcours d’enseignement en langue tout au long de la
scolarité (curriculum). Ces recours au CECR sont clairement signalés dans le
document lui-même et ils constituent très probablement son apport principal à
l’organisation des formations en langue à l’école.
Reste à examiner si et comment le CECR comporte des éléments utiles à
l’organisation des activités, au quotidien, dans la classe et non au niveau des
programmes. En d’autres termes quels sont les apports du CECR aux
méthodologies d’enseignement au niveau des éléments constitutifs de
l’enseignement que sont le séquences d’enseignement.
Malgré une opinion courante et erronée, le CECR ne propose pas une
méthodologie d‘enseignement particulière ou nouvelle. Son « approche
actionnelle » est un cadre pour concevoir un modèle théorique
d’enseignement-apprentissage ; ce n’est pas une manière d’enseigner (FICHE
18).Cependant, par l’accent qu’il met sur les méthodes actives (centration sur
l’apprenant) et sur les stratégies ainsi par sa manière de concevoir les activités
communicatives (chapitre 4), il suggère une organisation de l’enseignement par
compétences spécifique, option qui est déjà présente dans l’approche
communicative (discreete competence approach) (schede 19 e 20).
Le CECR est relativement peu élaboré pour les compétences interculturelles
FICHE 21) et, à un moindre degré pour les enseignements EMILE/CLIL, surtout si
ces derniers sont interprétés surtout comme des extensions des cours de
langue (FICHE 22).
FICHE 18

Y a-t-il une méthodologie d’enseignement préconisée par le CECR ?

Le CECR présente bien des caractéristiques des méthodologies d’enseignement


si on considère que celles-ci permettent de définir des objectifs
d’enseignement, de les disposer de manière progressive dans les programmes,
de définir la nature des documents servant de support à l’enseignement, de
créer les activités d’enseignement correspondantes et de spécifier leur
articulation en séquences d’enseignement cohérentes, à partir de concepts
fondamentaux (qu’est-ce que la langue, qu’est-ce qu’apprendre, qu’est-ce que
lire …) et des ressources descriptives disponibles (lexique, grammaire, genres
de discours...). En effet le CECR :

- précise des finalités pour ceux-ci : l’éducation plurilingue et


interculturelle ;
- définit des catégories qui permettent de construire des programmes
(diversifiés) : les compétences et les échelles de compétences ;
- propose une progression générale en termes de maîtrise de la
communication (niveaux de référence), qui a été spécifiée dans
différentes langues pour le vocabulaire et la grammaire par les DNR.

Mais on ne trouve pas d’indications sur l’organisation des activités en


séquences d’enseignement, sinon un principe souvent invoqué à son propos
celui de l’approche actionnelle, cette « perspective » ouvrant effectivement son
chapitre 2 (2.1).

Le CECR ne préconise aucune méthodologie d’enseignement

Avant d’aller plus loin, il est essentiel de rappeler que le CECR est un document
consensuel et non prescriptif, ce qui en a fait précisément un instrument
commun. Cette position est explicitement répétée en ce qui concerne les
options méthodologiques pour l’enseignement (2.3.2 et 6.4). On reproduit ci-
après littéralement les textes correspondants, qui sont sans ambiguïté aucune :
« En accord avec les principes fondamentaux d’une démocratie plurielle, le
CECR se veut aussi exhaustif que possible, ouvert, dynamique et non
dogmatique. C’est pour cela qu’il ne peut prendre position d’un côté ou de
l’autre dans les débats théoriques actuels sur la nature de l’acquisition des
langues et sa relation à l’apprentissage ; pas plus qu’il ne saurait préconiser une
approche particulière de l’enseignement »17(2.3.2).

Cette affirmation est reproduite sans détour dans la section 6.4 intitulée :
Quelques options méthodologiques pour l’enseignement et l’apprentissage des
langues : « A l’heure actuelle, les façons d’apprendre et d’enseigner les langues
vivantes sont nombreuses. Pendant de longues années, le Conseil de l’‘Europe
a encouragé une méthodologie fondée sur les besoins communicatifs des
apprenants et l’adoption de méthodes et de matériels appropriés à leurs
caractéristiques et permettant de répondre à ces besoins. Cependant […] le
CECR n’a pas pour vocation de promouvoir une méthode d’enseignement
particulière mais bien de présenter des choix ».

Cet extrait laisse dans le vague « la » méthodologie que le Conseil de l’Europe
aurait privilégiée et qu’il s’interdit de promouvoir dans un instrument comme
le CECR. Mais il est assez clair qu’il s’agit de l’ensemble des approches dites
communicatives qui se sont constituées dans les années 1975-1980 (le terme
communicatif figure dans la citation supra) et, plus généralement des
approches actives des apprentissages Quoi qu’il en soit il n’y a pas de
méthodologie d’enseignement selon le CECR.

Qu’est-ce que la méthodologie dite approche actionnelle attribuée au CECR ?

La perspective actionnelle du CECR ne concerne pas les méthodologies


d’enseignement : ce n’est pas une approche actionnelle de l’enseignement.
C’est une conception de l’apprenant qui est considéré comme un sujet utilisant
le langage/les langues dans l’espace social pour y exercer des activités
significatives nécessaires à sa vie et à la vie collective. Le langage (et les
langues) est un instrument de la vie en société et l’apprentissage des langues
doit être appréhendé sous cet angle. D’où le terme acteur social qui est au
centre de cette perspective et qui est bien plus significatif que perspective
actionnelle dans le CECR. « La perspective actionnelle prend […] en compte les

17
C’est nous qui soulignons.
ressources cognitives, affectives, volitives et l’ensemble des capacités que
possède et met en œuvre un acteur social «  (CECR 2.1).

On a souvent écrit, en ignorant la lettre et l’esprit du CECR que celui-ci a promu


une nouvelle stratégie d’enseignement : l’approche actionnelle ou approche
par tâches. Celle-ci viendrait redynamiser la réflexion sur les méthodologies
bien peu active depuis l’arrivée de l’approche communicative. Or,
l’organisation de l’apprentissage des langues par tâches est loin de constituer
une nouveauté, au moins depuis les années 80, car elle constitue une variante
de l’approche communicative. Tirant parti des acquis de la didactique des
langues, par sa perspective actionnelle le CECR s’inscrit dans ces perspectives
antérieures :
 celle tracée par Austin et Searle qui considèrent le langage en tant
qu’action, théorie qui a été le fondement de la réalisation des Niveaux
seuils par le Conseil de l’Europe ;
 celle de toutes les approches actives de l’enseignement, depuis Ferrière
ou Freinet, dans lesquelles les apprenants sont impliqués et, dans le cas
présent, utilisent la langue cible (ce qui est l’un des «messages » de
l’approche communicative) ;
 celle qui considère que les activités de classe, ont avantage à être
réalistes ou vraisemblables.
Clairement, le CECR est ancré dans la tradition de l’approche par tâches de
l’enseignement (dite Task Based Langague Teaching) par la notion même de
besoins langagiers : l’approche de l’enseignement par tâches fait surtout sens
pour les publics dont les besoins langagiers sont prévisibles. Mais elle peut
consister plus largement en un ensemble d’activités réalistes qui donnent lieu à
une production langagière non scolaire (« real world activities » et « real world
processes of language use » écrit Rod Ellis).

Des activités langagières réalistes et authentiques


C’est ce que souligne le CECR en utilisant le terme tâche qui est un terme
générique qu’il faut spécifier : cette catégorie très large sert à décrire des
actions requises ou attendues, non verbales mais aussi accompagnées de
langage ou rendues possibles par celui-ci. Décrire la place des adjectifs (en
français), apprendre la conjugaison d’un verbe, lire un mode d’emploi ou parler
de soi devant le groupe-classe sont des tâches. Il n’existe pas une forme
d’enseignement qui ne se fonde pas sur des activités que doivent réaliser les
apprenants, c’est-à-dire sur des tâches. La véritable question méthodologique
est de définir la nature des tâches d’enseignement qui concourent aux
apprentissages (van der Branden 2006 : 1218).
Le CECR est amené à distinguer différents types de tâches : par exemple, dans
le domaine éducationnel, « on peut utilement distinguer les tâches que
l’apprenant est amené à réaliser ou pour lesquelles il est linguistiquement
outillé en tant qu’utilisateur de la langue et celles dans lesquelles il est impliqué
comme apprenant parce qu’elles font partie du processus d’apprentissage. En
ce qui concerne les tâches ou activités en tant que moyen pour planifier et
mener à bien l’enseignement et l’apprentissage, on peut donner [des
informations] sur les types de tâches (simulations, jeux de rôles, interactions en
classe), les finalités... » (CECR p. 46-47).
Tâche est ainsi une catégorie pertinente pour décrire les usages sociaux des
langues mais imprécise, de sorte que les conséquences pour les méthodologies
d’enseignement de cette « perspective actionnelle » sont faibles, étant donné
le caractère indistinct de tâche. La mise en valeur de la conception de tâche
comme « un faire semblant accepté volontairement » (CECR 7.1) revient à se
demander ce que peuvent être des « tâches » « réalistes » ou
« vraisemblables » : on entend par là des activités sociales réelles effectuées au
moyen de formes adaptées de la communication verbales. En d’autres termes,
ce à quoi invite très indirectement le CECR est de privilégier les activités
tournées vers des usages authentiques, de la langue cible, ce qui n’est pas
fondamentalement nouveau et bien caractéristique de l’approche
communicative, dont le CECR est l’héritier direct.
On peut porter au crédit du CECR le fait qu’il ait donné l’occasion de renouveler
l’intérêt pour les méthodes actives centrées sur les apprenant (qui ne sont pas
vraiment une nouveauté) et sur l’importance de l’usage des langues pour la vie
sociale (mais pas seulement dans la vie matérielle), préoccupation déjà
particulièrement évidente avec l’enseignement des langues sur objectifs
spécifiques des années 1975, déterminés à partir des besoins langagiers des
apprenants.

18
Van den Branden, K. (Ed.). (2006). Task-based language education: From theory to practice. Ernst Klett
Sprachen.
FICHE 19

Le CECR et les séquences d’enseignement :


organisation par stratégies communicatives et par scénarios sociaux

On a vu que le CECR ne privilégie aucune méthodologie d’enseignement


particulière et que, bien qu’il puisse contribuer à la création de programmes
d’enseignement diversifiés, il ne donne pas d’indication méthodologiques
opérationnelles sur un point essentiel : la forme des séquences
d’enseignement.

Les formes possibles des séquences méthodologiques


Par séquence d’enseignement (ou séquence méthodologique), on entend un
ensemble cohérent d'activités fortement reliées entre elles qui a comme
objectif de donner aux apprenants des moyens qui lui permettent de gérer des
textes oraux ou écrit en situation de communication. Si l’activité est l’unité
minimale de travail avec les apprenants (faire un exercice, résumer un texte,
rechercher du vocabulaire, prononcer un mot), on sait bien que l’enseignement
n’est pas une suite quelconque d’activités : celles doivent être ordonnées selon
une certaine « logique » et réalisées dans un certain ordre pour être mises au
service des objectifs majeurs du programme. Une séquence méthodologique
ne correspond pas nécessairement aux activités prévues et réalisées durant
une classe (un cours). Elle n’est pas non plus équivalente aux unités, dossiers,
leçons, modules des manuels de langue (ou encore aux « unités didactiques »
que doivent souvent réaliser les enseignants en formation) et qui peuvent
regrouper plusieurs séquences ou proposer des activités qui n’ont pas de liens
forts entre elles.

Les liens entre des activités constitutives d’une séquence peuvent être très
divers :

- celles-ci peuvent être organisées autour d’un thème, ce qui conduit en


fait à construire des « dossiers » à portée à la fois linguistique et
culturelle (par ex. les loisirs, la famille, les jeunes) ; les activités sont
traditionnellement centrées sur le vocabulaire et sur quelques
compétences communicatives (interaction orale ou lecture). En règle
générale les liens méthodologiques entre ces activités sont faibles ou
inexistants. C’est d’ailleurs cette « souplesse » et cette diversité qui sont
recherchées comme garantissant de la motivation ;
- traditionnellement, les séquences peuvent être centrées sur un fait de
langue : vocabulaire (les couleurs, les noms des membres de la famille…)
ou grammaire (la conjugaison d’un verbe, le passif, l’emploi des pronoms
relatifs…). Dans ce cas, la cohérence est majeure mais les activités
communicatives sont, au mieux, secondaires ;
- avec l’approche communicative, en particulier depuis les Niveaux seuils,
elles peuvent être organisées autour d’une notion (exprimer la distance,
la date, une quantité excessive), avec alors un fort versant lexical et
grammatical ou, plus fréquemment, autour d’une fonction
communicative/acte de langage (proposer à quelqu’un de faire quelque
chose ensemble, donner un conseil). Dans ce dernier cas, on est surtout
amené à organiser des activités centrées sur l’interaction orale, surtout si
l’on ne traite pas d’une fonction isolée mais aussi des réactions que celle-
ci peut entraîner dans l’échange (proposer, refuser ou accepter…). Une
difficulté méthodologique est alors d’y intégrer de manière appropriée
des éléments de réflexion et de systématisation sur les formes.

Ces formes de séquence présentent un degré de cohérence méthodologique


plus ou moins fort entre les activités : celles-ci sont plutôt juxtaposées, car elles
ne sont souvent reliées entre elles que parce qu’elles abordent des contenus
voisins.

L’organisation des séquences par compétences de communication et


stratégies

Le CECR met assez discrètement en relief une autre possibilité d’organiser les
séquences, celle de les structurer autour des compétences de communication
par le langage et des stratégies correspondantes.

Le chapitre le plus connu du CECR propose un inventaire analytique des


activités de communication langagière et stratégies (4.4). On y détaille les
activités de production orale et écrite, de réception orale et écrite… Celles- ci
ne sont pas nommées compétences, car le terme est très utilisés dans le CECR
et celui-ci considère que ces « activités » relèvent d’autres compétences, celles
listées au chapitre 5 : les compétences linguistiques (lexicale, grammaticale,
sémantique, phonologique…), sociolinguistiques et pragmatiques. Il nous
semble cependant assez clair que l’on peut attribuer ces activités à des
compétences de communication, comme c’est la tradition en didactique des
langues (le modèle des quatre compétences).

Cela n’a pas échappé aux concepteurs de tests et d’épreuves de certification en


langue qui sont toutes organisées par compétences, au moins dans le cadre de
l’Association européenne des testeurs en langues (ALTE). Cette structuration
des séquences d’enseignement par compétences est une conséquence directe
de la conception communicative de l’enseignement.

Le QCER décrit les stratégies correspondantes : stratégies de production


(4.4.1.3), de réception (4.4.2.4), d’interaction (4.4.3.3) et de médiation
(4.4.4.3), même si l’on est en droit de considérer que ces stratégies ne sont pas
véritablement identiques en production et en réception.

Tout ceci amène à considérer qu’une organisation par compétences permet


d’adapter « la » méthodologie suivie à chacune d’entre elles : en fait, on
postule qu’il n’y a pas une seule démarche d’enseignement mais différentes
manières d’organiser les activités qui permettent, par exemple, d’apprendre à
produire un texte ou de gérer une conversation ; chaque séquence met en
œuvre une démarche méthodologique adaptée à la nature de la compétence
visée.

De plus, cela permet de mettre clairement en pratique les objectifs généraux


d’un programme lui-même élaboré à partir du CECR, en particulier en rendant
possible de concrétiser la place relative qu’il attribue à chaque compétence en
la « traduisant » en nombre de séquences qui lui sont consacrées.

Grouper des séquences : scénarios sociaux et projets


Les séquences centrées sur l’apprentissage d’une compétence de
communication et des ressources langagières qui sont lui nécessaires peuvent
être organisées selon une progression qui leur est propre et réparties dans la
durée des apprentissages, dont elles constituent alors l’unité de base (mais de
rang supérieur aux activités considérées de manière isolée).
Mais il est aussi possible de regrouper des séquences en ensemble plus larges
pour les faire correspondre à l’ensemble des compétences verbales nécessaires
à des activités sociales. On rejoint ainsi les préoccupations de réalisme
présentes dans le CECR et issues, comme on l’a déjà souligné plus haut, de
l’approche « fonctionnelle »/par objectifs spécifiques de élaborée dans le cadre
de l’approche communicative.
On peut désigner cette organisation de l’enseignement par ensembles de
séquences consacrées (chacune) à une compétence de communication donnée
par le terme approche par scénarios sociaux19, terme qui n’est pas utilisé parle
CECR. Le terme scénario sert à décrire les activités quotidiennes en rapport
avec le monde réel, comme utiliser les transports en commun, aller au cinéma,
renouveler un passeport, etc. Chaque scénario comprend une série d’actions
verbales et non verbales supposant à la fois des connaissances générales (par
ex. où acheter un ticket de bus ?) et d’autres compétences (par ex. remplir un
formulaire) censées permettre de mener à bien les activités en question.
En matière d’apprentissage des langues, les scénarios fournissent aux
apprenants un contexte précis pour une utilisation de la langue cible simulée
mais réaliste. Ces scénarios sont fort utiles car, comme précisé dans le Core
Inventory for General English (British Council/Eaquals 2010), ils fournissent un
schéma mental régissant la manière typique de traiter une situation
particulière ou un ensemble de situations dans une langue cible et un contexte
social donnés. « […] un scénario suggère un cadre global qui encourage
l’intégration des différents aspects de la compétence dans l’utilisation réaliste
de la langue ». (p. 13). Les scénarios constituent un enchaînement de situations
de communication, qui peuvent être spécifiées avec les descripteurs du CECR.
Ils offrent aux enseignants et aux apprenants la possibilité d’avoir non
seulement la vision macro  d’une communication réelle efficace mais également
la vision micro  sur des points de pratique particuliers. Ils permettent de définir,
d’enseigner et d’évaluer les compétences requises pour exécuter des tâches du
« monde réel ». Les scénarios sont très utilisés pour organiser l’enseignement
des langues aux personnes migrantes adultes (http://www.fide-info.ch/fr/fide).
Ainsi conçus, les scénarios constituent bien une tâche globale que l’on peut
structurer en séquences méthodologiques distinctes réalisées suivent l’ordre
social qui les caractérise.

Une autre manière de « donner du sens » à des activités et des tâches, dans les
contextes de type scolaire, est de les faire contribuer à la réalisation d’un
projet. Celui-ci doit idéalement naître du groupe-classe et avoir pour finalité la
réalisation collective et effective d’un produit, langagier ou langagier en partie
19
On reproduit ici une partie de la page scenario du site Intégration linguistique des migrants adultes (ILMA).
seulement. Cette dynamique, bien connue dans les méthodes actives de
l’enseignement, vise à réduire les découpages disciplinaires et à renoncer à
l’enseignement organisé à l’avance par le seul enseignant. Adopter une
approche de type projet conduit à focaliser l’effort sur l’accomplissement des
activités nécessaires à sa réalisation, sur l’apprentissage systématique des
stratégies qui permettent d’y parvenir, sur la démarche des apprenants et leur
parcours personnel durant ce processus. Cette mise en pratique d’un
enseignement largement autogéré, est commandée par la réalisation concrète
d’un produit, par ex. du côté de la langue : produire un dépliant touristique
quadrilingue sur sa ville, une vidéo documentaire réalisée à partir de la visite de
la classe à l’étranger, organiser une Fête des langues...
Les projets se réalisent en dehors d’un programme général fixé à l’avance, dont
les contenus ne correspondent pas nécessairement aux besoins d’un projet
particulier : les contenus à utiliser sont découverts à mesure des activités à
assurer. L’enseignant est alors personne ressource et « chef de chantier », mais
il continue à accompagner les stratégies des apprenants activité par activé,
c’est-à-dire situation de communication après situation de communication et
compétence après compétence. Et là encore, à l’évidence, le projet est une
tâche multiple.
De la sorte, on évite les suites d’activités portant sur des compétences
différentes réalisées à partir d’un même support par ex. lire un texte puis
discuter, écouter un enregistrement puis écrire un texte. Dans ce cas, si la
première séquence prend appui sur un support (le texte à lire ou à écouter) les
secondes (discuter, produire un texte) sont des activités supplémentaires qui
prolongent les précédentes. Or, elles requièrent d’être traitées dans une
séquence en bonne et due forme, sinon elles ne prennent appui sur rien et sont
au mieux des occasions d’utiliser les connaissances déjà acquises par les
apprenants mais probablement pas des moments d’acquisition. Dans ce cas, les
relations entre les activités ne sont pas suffisamment assurées : on peut
discuter à partir d’un texte si l’on donne aux apprenants des supports
permettant de gérer une discussion (exprimer une opinion, exprimer le
désaccord), ce qui revient à articuler des séquences entre elles, une séquence
de réception de l’écrit avec une séquence d’interaction orale, chacune
organisée suivant la méthodologie qui lui est propre.
FICHE 20

Exemples de guidage/apprentissage de stratégies communicatives


dans des séquences méthodologiques

Le CECR suggère très indirectement une méthodologie possible pour les


enseignements de langue, à supposer qu’elle soit pertinente dans le contexte
dans lequel elle est utilisée. Celle-ci est fondée sur une organisation des
séquences d’enseignement par compétences communicative distincte et axées
sur les stratégies correspondantes, telles que décrites dans le CECR. Ces
séquences peuvent :
- former l’armature de l’enseignement et de sa progression car elles en
constituent les éléments de base ;
- être articulées entre elles dans des éléments d’organisation de niveau
supérieur comme les scénarios sociaux ;
- utilisées dans le cadre de projets de toute nature, à réaliser
collectivement (du type learning by doing), avec distribution des tâches
dans le groupe, ordre/plan pour le réaliser, calendrier de réalisation des
différentes phases, formes de coordination… où l’enseignent doit guider
les stratégies spontanées des apprenants pour réaliser des tâches
verbales.
Le CECR ne va pas plus loin dans la spécification de ces séquences, puisque sa
position est de ne privilégier aucune méthodologie d’enseignement. Mais ses
échelles contiennent des éléments qui, combinés avec la connaissance des
textes que permet de constituer l’analyse de discours et celle des processus
d’apprentissage issus des recherches en psycholinguistique, fournissent des
éléments pour organiser ces séquences
On en évoquera quelques-unes ci-après à titre d’exemple. Elles ne figurent pas
dans le CECR.

L’interaction orale : les conversations


Les conversations visées à des niveaux comme A2 par exemple sont des
échanges assez prévisibles de la vie quotidienne ou en relation de la vie de la
classe. L’apprentissage vise à alors apprendre à gérer des échanges
vraisemblables (même brefs) et non des actes de langage isolés, mais ils
passent bien par l’appropriation des différentes réalisations des actes de
langage et des réactions qu’ils suscitent, telles que décrites de manière étagée
dans les DNR ou inventoriées dans les Niveaux -seuils

Les séquences méthodologiques d’interaction orale commencent par une prise


de conscience de la manière dont se déroulent des échanges comparables dans
la communauté de communication et la langue des apprenants. Puis on passe
l’écoute des échantillons/exemple du genre de conversation à produire, qui
peut prendre appui sur le texte/la transcription des conversations (puisque l’on
n’entraîne pas à la compréhension orale pour elle-même : ici, on « écoute »
pour « parler »).

Les activités suivantes dessinent des stratégies pour guider la compréhension


des échantillons de conversation : elles visent d’abord la compréhension
globale puis, par la formulation d’hypothèses et de déductions, on passe au
sens d’énoncés ou de mots importants. On met surtout l’accent sur les
différentes réalisations des fonctions qui constituent l’objectif de la séquence.

Pourront suivre des exercices d’entraînement à l’interaction orale portant sur


la reformulation à l’identique d’une fonction ou, par exemple, avec des
variations d’intensité (marquer son désaccord de manière plus ou moins nette).
Puis on passera à des productions plus ouvertes, suivant plus ou moins un
canevas conversationnel prévisible, conformes à ces modèles ou avec des
variations. On laissera un peu de temps au niveau A2 aux apprenants pour
préparer des conversations mais il ne faut pas oublier qu’à terme (B2), l’objectif
est de les faire improviser des répliques adaptées.

La réception de l’oral (ou écoute) l


Les séquences d’écoute prennent appui sur des textes qui relèvent de genres
de discours authentiques produits pour être écoutés. On entraîne uniquement
à la compréhension à partir de la suite des sons entendus, sans aide visuelle
particulière, comme ce peut être le cas pour des films ou des émissions de
télévision. La stratégie de compréhension orale à laquelle ces séquences ont
pour objectif d’entraîner comporte différentes activités réparties en phases de :
 compréhension globale (fondée sur des indices comme l’ambiance
sonore, le nombre de voix, l’intonation…) ou le genre de texte oral s’il est
indentifiable (annonces publiques dans un aéroport, bulletin
météorologique, résultats sportifs à la radio…);
 compréhension à un niveau semi-global par paragraphe écrit ou
séquence orale (intonation) (portant sur des éléments du texte entendu
et fondée sur des indices comme les mots répétés, reconnus, les noms
propres…) ;
 compréhension mot à mot (mais partiellement) uniquement pour les
éléments lexicaux les plus stratégiques qui permettent de construire le
sens, ceci éventuellement à partir de déduction du type : si X veut dire A
et Y veut dire B, que veut dire Z d’après vous ? Ces activités sont
présentées sous forme d’instructions ou de questions qui sont en fait des
aides à la compréhension et non des vérifications de celles-ci ; l’essentiel
alors n’est pas dans les réponses, mais dans les justifications données à
celles-ci.

La compréhension de l’écrit (ou lecture)


L’objectif de ces séquences méthodologiques est d’entraîner à des stratégies
de lecture, celles décrites dans le CECR pour la compréhension de l’écrit. Les
stratégies de guidage de la compréhension à utiliser sont identiques à celles
utilisées pour la réception orale (3 stades d’approche : globale, semi-globale, «
locale »). Par contre, comme les supports sont stables (écrit) et disponibles
dans leur totalité (surface), les hypothèses et les déductions sont sans doute
plus faciles à produire, d’autant qu’on peut aussi les fonder sur la forme
visuelle du texte (mise en page, typographie, ponctuation, illustrations…).

Résumé : cycles d’activités de guidage de la compréhension orale et écrite


Espace du Ressources, Indices fondant les
texte connaissances hypothèses de sens
concerné principalement

sollicitées
Compréhension Contexte Connaissance Iconographie, mise en
globale du monde et page, typographie...
Cotexte
de la
Mots reconnus
Texte communication
Compréhension Paragraphe(s) Connaissance Articulateurs de toute
ou autre des genres de nature, entre phrases et à
médiane
unité discours et des l’intérieur des phrases
élémentaire textes
Mots reconnus
de la
structuration
du texte
Compréhension Phrase(s) Connaissance Morphosyntaxe des
locale de la langue groupes (nominal, verbal)
cible et de la phrase

Mots reconnus

Les hypothèses de sens s’appuient sur des indices qui deviennent


majoritairement linguistiques à mesure que se déroule le processus de
réception, répondant au principe stratégique selon lequel sont sollicitées en
priorité les connaissances non linguistiques des apprenants, de manière à ce
qu’ils abordent le niveau plus strictement linguistique de la lecture linéaire mot
à mot déjà pourvus d’hypothèses de sens.

En général, les activités de réception sont une fin en soi et leur finalité est
d’améliorer les stratégies de réception (mais on peut aussi lire un texte pour en
écrire soi-même un autre ou écouter pour prendre des notes ou apprendre par
cœur). Elles constituent surtout une forme d’exposition à la langue cible
rentable par elle-même, sans besoin de systématisation formelle lourde, de
manière à ne pas les dénaturer par rapport aux pratiques sociales réelles.
La production écrite
Ce type de séquence est centré sur des activités spécifiques conçues pour
entraîner à la production de textes écrits. Des textes utilisés comme modèles
ou points de référence correspondent à des genres de textes présents dans la
vie sociale et identifiés, pour la plupart, dans les échelles du CECR. Ils sont
donnés à lire (lire pour écrire), « analysés » (repérage de leurs éléments
constitutifs) dans leur structure et dans leurs formes, au moins en partie, pour
que l’on puisse repérer et s’approprier certains moyens verbaux nécessaires à
leur réalisation. Les activités d’« analyse » et de compréhension des textes
modèles sont réalisées par des questions à choix multiple, des activités de
déduction du sens, de complétion de tableaux récapitulatifs, etc.
Les apprenants doivent ici produire des textes comparables à celui/ceux qui ont
été donnés à lire pour servir de cadre à la production. La production
proprement dite portera d’abord sur des éléments particuliers du texte à
produire, que l’on entraînera à rédiger séparément, puis sur la totalité du
texte. On veillera à reconstituer, dans la mesure du possible, les conditions
sociales habituelles de la production des textes : recours à des ouvrages de
référence, texte élaboré à plusieurs, versions successives et relectures. L’on
évitera absolument de transformer cette séquence d’activité en évaluation. Ces
activités d’élaboration ont tout avantage à être réalisées de manière
collaborative par des tandems d’élèves.

Résumé : cycles d’activités de guidage de la production écrite

Activation de la compétence de communication des apprenants dans les


langues qu’ils connaissent : repérage des genres textuels identiques ou
proches de celui à produire, caractéristiques de forme et de contenu de ceux-
ci.
Lecture du/des textes choisis comme modèle pour la production ultérieure
Guidage de la compréhension, surtout :

 au niveau moyen : réalisations verbales d’opérations comme : donner


un exemple, citer, définir, énumérer, décrire, démontrer... et
connecteurs de toute nature (conjonctions de coordination,
subordination, adverbes, pronoms et noms à emploi pronominal
possible, comme problèmes, faits ...) ;
 niveau local (sens de certains mots) au moyen d’hypothèses et de
déductions.
Cette activité n’est pas une fin en soi ; elle est destinée à faire s’approprier des
instruments permettant de produire de nouveaux textes.

Apport d’informations sur les caractéristiques de ces textes.

Exercices de production limités à certains éléments du texte comme :


nommer, comparer, juger/évaluer, définir, classifier, énumérer... ou à certains
formes, avec lesquelles les apprenants se familiariseront dans le cadre du
paragraphe.

Eventuellement, systématisation formelle de certains des éléments


nécessaires : explications lexicales, grammaticales (morphologie et syntaxe)...

Production de textes, y compris par paires, avec mise au point collective.


Cette dernière activité est la plus importante et il convient de lui accorder du
temps

La grande valeur généralement accordée à la compétence de production écrite


comme performance individuelle ne devrait pas empêcher de considérer les
textes comme le produit d’élaborations successives et de création
collaborative.
FICHE 21

Les compétences culturelles et interculturelles

La dimension interculturelle de l’éducation plurilingue et interculturelle est


relativement peu développée dans le CECR par rapport à ses dimensions
linguistiques. Il en va de même dans la plupart des autres instruments du
Conseil de l’Europe.

Le CECR aborde le « culturel » à propos du savoir être (5.1.3.), de manière


plutôt limitée par rapport à d’autres domaines. Y figure la notion de
développement d’une personnalité interculturelle où est posée la question de
la relation entre « le relativisme culturel et l’intégrité morale et éthique ».
Cette dimension est aussi présente dans savoir apprendre, (5.1.4) sous la forme
: s’accommoder d’une expérience nouvelle (des gens nouveaux…), ce qui peut
solliciter d’autres compétences, comme l’observation et l’interprétation de ce
qui est observé.

Des compétences de nature culturelle sont décrites par le CECR dans la


catégorie des compétences générales, comme le savoir socioculturel (5.1.1.2.),
des aptitudes et savoir-faire interculturels (5.1.2.2.). La section savoir
socioculturel liste des connaissances de la société et de la culture utiles aux
apprenants (vie quotidienne, conditions de vie, savoir vivre …). La section Prise
de conscience interculturelle (5.1.1.3) met en relief l’expérience, à côté des
connaissances et utilise la notion de compétence interculturelle, comme reliée
à celle de (prise de) conscience) interculturelle : « quelle expérience et quelle
connaissance nouvelles de la vie en société dans sa communauté ainsi que
dans la communauté cible l’apprenant devra [-t-il] acquérir afin de répondre
aux exigences de la communication en L2 ? De quelle conscience de la relation
entre sa culture d’origine et la culture cible l’apprenant aura [–t-il] besoin pour
développer une compétence interculturelle appropriée ? ». Cette compétence
interculturelle ne reçoit une véritable définition qu’en 5.1.2.2 au moyen de
quasi-descripteurs analysant des aptitudes et des savoir–faire interculturels
comme :
« - la capacité d’établir une relation entre la culture d’origine et la culture
étrangère
- la sensibilisation à la notion de culture et la capacité de reconnaître et
d’utiliser des stratégies variées pour établir le contact avec des gens
d’une autre culture ;
- -la capacité de jouer le rôle d’intermédiaire culturel […] ;
- - la capacité à aller au-delà des relations superficielles stéréotypées »
Ces spécifications constituent à coup sûr un point de départ très utile pour les
méthodologies d’enseignement, au moins au niveau des principes éducatifs.
Mais elles demeurent probablement comme encore trop génériques, dans la
mesure où elles sont encore loin de pouvoir être traduites en termes
opérationnels de tâches et d’activités de classe.
Si l’on passe aux compétences communicatives langagières, on retrouve des
préoccupations d’ordre culturel dans la compétence sociolinguistique (5.2.2.).
Celle-ci est définie comme : connaissances et habiletés exigées pour faire
fonctionner la langue dans sa dimension sociale. Elle est la seule à être
caractérisée par des descripteurs, qui la définissent comme la maîtrise :
 des marqueurs des relations sociales (salutations, prise de congé, mode
d’adresse, l’usage et le choix des exclamations) ;
 des règles de politesse ;
 des expressions de la sagesse populaire, dans lesquelles sont rangés les
proverbes et les expressions idiomatiques ;
 des différences de registre, qui renvoient essentiellement au degré de
formalisme (d’officiel à intime) ;
 des différences de dialecte et d’accent relatives à des appartenances à
des groupes comme la classe sociale, la région, le pays d’origine (on
utilise le mot origine nationale) et le groupe professionnel.
Cette spécification se conclut sur la constatation que l’étalonnage des niveaux
de compétences sociolinguistiques est problématique.
Nous considérons, pour notre part, cette compétence socioculturelle du CECR
comme étant assez hybride : elle comprend des traits relatifs à la propriété des
énoncés, très centrés cependant sur la politesse verbale, mais on ne met pas
clairement en évidence le caractère ethnolinguistique de cette compétence qui
caractérise les comportements verbaux d’une communauté de communication
et qui relève de l’ethnographie de la communication, au sens que lui a donné
D. Hymes. Dans ce même ensemble, figurent à la fois des éléments lexicaux
caractérisés par le figement, les proverbes, les slogans publicitaires et les
affichettes sur les lieux de travail. Cette sélection de formes discursives est
plutôt problématique et ces derniers descripteurs nous semblent relever du
domaine culturel/interculturel de manière fort inégale.
En tout état de cause, le CECR propose une approche de la formation de la
personne par les langues (ou d’une « personnalité interculturelle ») au moyen
du développement d’une « compétence », assez indifférenciée, s’appuyant sur
des connaissances et des expériences. Retenir des termes comme personnalité
interculturelle ou attitude interculturelle renvoie à des perspectives plutôt
statiques de description d’une identité culturelle et sociale assumée, où sont
gérées de manière réflexive et consciente les « alternances codiques
culturelles » et les rencontres/expériences de l’altérité.
De cette analyse, il ressort que le CECR a clairement contribué à diffuser, sur un
mode très discret, une certaine conception de la responsabilité des
enseignements de langues qui consiste à gérer de manière réflexive la relation
à l’altérité que les langues étrangères représentent physiquement dans la
classe et des rencontres virtuelles qu’elles autorisent.
En ce lieu de contacts, on peut se fixer comme finalité éducative de mettre en
œuvre des activités tendant à aller de la compréhension
linguistique/sémantique à la compréhension humaine : « La communication
n’apporte pas ipso facto la compréhension humaine. La connaissance objective
non plus. Car la compréhension [...] nécessite toujours une disposition
subjective » (Morin 2004 : 122)20. Mais le CECR ne fournit pas de descripteurs
de cette nature. Mais cette problématique n’est pas du tout présentée dans
ces termes dans le CECR et elle relève donc d’un autre ouvrage que ce Manuel.

20
Morin E. (2004). Éthique.-La méthode. Paris: Seuil.
FICHE 22

Le CECR et l’enseignement d’une matière intégré à celui d’une


langue étrangère (EMILE/CLIL)

Le CECR concerne l’enseignement des langues étrangères. Il n’aborde pas les


problématiques spécifiques relatives à l’enseignement des matières scolaires
dans une autre langue que la langue de scolarisation principale. Celle-ci peut
être une langue régionale ou minoritaire ou une langue étrangère, utilisée dans
des dispositifs comme les filières bilingues ou les enseignements EMILE/CLIL. A
priori, il ne constituerait pas un instrument de référence. Mais comme les
enseignements EMILE/CLIL peuvent aussi être conçus comme des
enseignements de langue stricto sensu, on peut en tirer profit pour certains
aspects de l’organisation de ces enseignements.

Des ressources pour EMILE/CLIL sont proposées par d’autres documents du de


l’Unité des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe comme :

- A Handbook for Curriculum Development and Teacher Training. The


Language Dimension in All Subjects. 2016. Jean-Claude Beacco, Mike
Fleming, Francis Goullier, Eike Thürmann, Helmut Vollmer. ISBN 978-92-
871-8231-9

https://rm.coe.int/a-handbook-for-curriculum-development-and-teacher-
training-the-languag/16806af387 , disponible aussi en français

- Language and school subjects. Linguistic dimensions of knowledge


building in school curricula. 2010.° Jean-Claude Beacco, Daniel Coste,
Piet-Hein van de Ven and Helmut Vollmer

Ce texte est disponible aussi en français et publié sous forme d'un volume
papier comportant des études comme :
- Items for a description of linguistic competence in the language of
schooling necessary for teaching/learning history (end of obligatory
education); An approach with reference points. Jean-Claude Beacco
- Items for a description of linguistic competence in the language of
schooling necessary for teaching/learning sciences (end of compulsory
education). An approach with reference points. Helmut Vollmer
- Items for a description of linguistic competence in the language of
schooling necessary for teaching/learning literature (end of compulsory
education). An approach with reference points. Irene Pieper

Tous ces documents et d’autres sont accessibles sur le site :

http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/langeduc/BoxD2-OtherSub_en.asp

Une première conception de EMILE/CLIL comme enseignement des langues


sur des contenus de nature scientifique

Pour comprendre les utilisations possibles du CECR dans ce domaine, il importe


de clarifier ce que l’on entend par EMILE/CLIL. Les enseignements EMILE/CLIL
font en effet l’objet de diverses interprétations que nous évoquerons très
brièvement ici.

EMILE/CLIL peut être conçu comme une extension de l’apprentissage des


langues étrangères qui s’effectue sur des contenus qui présentent des relations
avec ceux traités dans les matières scolaires : sujets scientifiques, d’histoire, de
biologie… Il arrive d’ailleurs, que dans les enseignements de langue, on utilise
des supports de cette nature, issu des textes de vulgarisation ou de la presse
scientifique, au sens large, destinée à des publics jeunes et en particulier à des
lecteurs scolarisés. Dans le cas de EMILE/CLIL, ce sont les seuls supports utilisés
et l’enseignement est surtout centré sur l’écrit en réception et en production, à
l’exception des discussions et échanges dans la classe qui s’effectuent en
langue étrangère cible. On cherche à y éviter le plus possible le recours à la
langue de scolarisation principale, comme dans les enseignements de langue
étrangère, qui est la langue première de la plupart des apprenants.

Le recours à ce genre de supports est motivé par le fait qu’il donne du sens à
l’apprentissage scolaire des langues, souvent trop formel/grammatical, et qu’il
implique davantage les apprenants qui y voient un alors un certain intérêt. Il
est surtout centré sur l’acquisition de la terminologie de la matière dans une
autre langue, sur le retour/la révision de faits de langues de la langue cible et il
met en jeu, en principe, des méthodes d’enseignement plus actives (par travail
de groupe, activités pratiques, projet…) qui seraient trop peu utilisées dans les
enseignements des langues vivantes étrangères. Si cela était le cas, ce faible
recours à des méthodologies actives tiendrait à des formes d’inertie des
cultures éducatives et non à la didactique des langues étrangères qui en
recommande l’emploi depuis des décennies.

Une partie (ou la totalité) des cours d’une matière sont gérés en langue
étrangère par des enseignants spécialistes de la matière, qui ont des
compétences, variables, dans la langue étrangère concernée mais qui ne
connaissent pas de l’enseignement des langues. Ils peuvent être organisés en
coprésence, avec l’intervention d’un enseignant de langue. Ces cours alternent
avec des cours de la matière en langue première, gérés par les mêmes
enseignants.

Dans une telle perspective, la priorité est de recruter des enseignants de


discipline pourvus d’une bonne compétence en langue (au moins B2) ou de leur
donner les moyens de développer celle-ci. On peut aussi avoir recours à des
personnes connaissant les disciplines et étant locuteurs natifs mais qui n’ont
pas nécessairement une grande expérience de l’enseignement.

Ces enseignants de mathématiques, de musique ou de physique qui


connaissent aussi une langue étrangère doivent alors être formés la didactique
des langues. lls auront en effet à choisir des supports, à organiser des activités
de lecture, de production écrite, de réflexion grammaticale… et à structurer
celles-ci en séquences méthodologiques. Dans ces conditions, il est tout à fait
envisageable de les habituer à utiliser les démarches et les catégories du CECR
qui sont aussi, en principe, sollicitées dans les enseignements de langue
étrangère.

Mais il n’est pas avéré que les méthodologies communicatives soient le plus
proches de leurs représentations de ce qu’est ou devrait être l’enseignement
des langues. On peut constater que, par prudence ou par habitude acquise
(quand ils étaient eux-mêmes apprenants de langue) qu’ils sont portés à s’en
tenir à des approches grammaticales-lexicales traditionnelles, qui leur sont sans
doute plus familières. Ils créent alors de la motivation par des activités de
groupes élaborées et considérées ludiques, d’ailleurs très présentes dans la
didactique anglo-saxonne de l’anglais, langues qui est principalement
concernée par les enseignements EMILE/CLIL en Europe. Le risque est que,
pour « habiller »les activités, la créativité des enseignants s’exerce surtout à
imaginer des formes de jeux ou autres activités de groupe plaisantes mais qui
portent sur des contenus linguistiques et sur des apprentissages traditionnels.
Ces activités très élaborées dans leurs modalités pratiques n’ont probablement
plus beaucoup en commun avec les stratégies d’apprentissage des langues, car
ces stratégies des activités ludiques, passablement artificielles ou gratuites, ne
correspondent pas nécessairement aux modalités effectives de gestion de la
communication verbale.

Une seconde conception de EMILE/CLIL comme acquisition de compétences


scientifiques en deux langues

Une conception alternative de EMILE/CLIL consiste à considérer ces


enseignements comme visant l’acquisition des connaissances scientifiques
(sciences exactes, sciences humaines, technologies et techniques…) dans deux
langues L’exposition à ces connaissances et leur manipulation, pour une
appropriation dans des activités bilingues (qui ne sont évidemment pas de
simple traduction) est considérée comme donnant aux apprenants davantage
de prises sur des concepts et des procédures nouvelles ainsi découvertes dans
ces enseignements Le détour par une autre langue assure une forme de
« pluriperspectivité » conceptuelle qui doit conduire les apprenants à
davantage de souplesse et de réflexivité.

Dans cette optique, la trame méthodologique de l’enseignement est celle de la


matière, de la didactique des mathématiques ou de la géographie, et non celle
de la didactique des langues. Et il n’y a donc pas deux séries de cours distincts
mais des cours de disciplines en deux langues à la fois, pour l’enseignant et
pour les apprenants.
L’enseignant d’une matière donnée doit certes disposer d’une certaine
connaissance de langue étrangère impliquée dans cet enseignement, avec les
mêmes problèmes de recrutement que ceux évoqués plus haut. Mais il doit
surtout devenir « sensible au langage », pour les toutes formes discursives,
celles utilisées en langue première aussi bien qu’en langue étrangère. Car
toutes servent à « dire » les connaissances. Et il ne s’agit pas seulement de
respecter les normes générales du bien écrire et du bien parler.Car les
disciplines ont leurs modalités propres de s’expimer : l’expression scientifique
ne se fait pas dans la langue de tous les jours. L’exposition, la discussion et la
transmission des connaissances se réalisent au moyen de formes linguistiques
spécifiques, dans des genres (de textes) qui sont propres aux matières et aux
disciplines dont celles-ci procèdent. L’analyse du discours permet d’identifier
les formes verbales utilsées pour l’expressiondes fonctions cognitives-
linguistiques (voir fiche 10), comme comparer, déduire, expliquer, énumérer...
L’école a la responsabilité de faire acquérir ces ressources langagières en
réception et en production,dans l’une et l’autre langue, à tous les apprenants.
Ce sont ces formes discursives, à la fois en langue de scolarisation et en langue
étrangère, qu’il importe de connaître et de décrire pour définir des objectifs
d’enseignement qui, sinon, demeurent bien vagues pour EMILE/CLIL. Dans ces
conditions, ce dont ces enseignants ont besoin n’est pas tant d’un instrument
général comme le CECR, mais de la capacité, même embryonnaire de décrire
les textes ou d’utiliser les descriptions disponibles telles que permet de les
réaliser l’analyse du discours (voir fiche 14).
Si l’on considère que les cours EMILE/CLIL ont pour objet la construction de
connaissance en deux langues, celles-ci doivent donc être employées
ensemble, comme nous l’avons indiqué plus haut. Cependant ce double emploi
doit être contrôlée et non spontanée. A côté de formes d’alternance localisées
et rapides, il faut structurer l’enseignement en organisant le passage d’une
langue à l’autre destinée à construire l’apprentissage des matières. Il est
certainement possible de construire une forme stabilisée de distribution des
deux langues en fonction :
- de l’enseignant, principalement, car c’est lui qui organise l’exposition aux
langues ;
- des formes de communication utilisées dans la classe qui correspondent
à des moments différents de la séquence méthodologique de chaque matière ;
- des apprenants et de leur degré de maîtrise de langue étrangère ;
- des matières scolaires.
Il n’existe pas de forme d’alternance de référence et indépendante. Celle-ci
doit être élaborée collectivement en fonction du contexte, même si chacune
est propre à une classe et une matière donnée
Elle pourra prendre la forme d’un tableau de distribution préférentielle de
l’emploi des langues comme le suivant
Langue de Langue
scolarisation Etrangère
Exposé suivi ~ +
(prof.)
Exposé suivi ~ +
(élèves)
… … …
Prise de notes + ~
(élèves)
Travaux écrits ~ +
(élèves)
Manuel + +
(élèves)
… … …

Il conviendra de chercher à évaluer les bénéfices escomptés de l’emploi d’une


langue, de l’autre ou de deux simultanément dans chaque forme de
communication
Comme on l’aura noté, le recours au CECR dans cette seconde forme
d’EMILE/CLIL ne permet pas de répondre à toutes les questions d’organisation
qu’elle pose. Mais l’utilisation de sa typologie de compétences, des échelles
correspondantes, des DNR où certaines fonctions cognitives-linguistiques
(comme définir, décrire, interpréter…) constitutives des textes scientifiques
peuvent être décrites (voir fiche 10), des notions de genres et types de textes
et de l’analyse du discours qui sert à les décrire font du CECR un instrument
utile à l’élaboration de programmes et de séquences méthodologiques créées
dans cette perspective éducative.
Conclusion

Le CECR, hier et demain


Cette relecture du CECR à laquelle on a convié le lecteur a conduit à souligner
ce que ses utilisations ont de minimaliste, surtout celles qui n’en retiennent
que les six niveaux (A1, A2, B1, B2, C1, C2), qui privilégient des niveaux de
compétences homogènes et non des profils différenciés de compétences ou qui
réduisent le CECR à un instrument pour créer des tests et des certifications.

Elle nous semble aussi avoir fait justice des conceptions selon lesquelles on
trouverait dans le CECR toutes les réponses aux questions et aux choix qu’il
convient d’opérer pour organiser les enseignements de langues : leurs finalités,
leurs contenus, leurs progressions, leur organisation en séquences
méthodologiques.

Les apports du CECR se situent dans cet entre-deux et sa vitalité,


redimensionnée au fil des années, ne s’est pas épuisée pour peu qu’on
apprenne à l’interroger pour ce qu’il est un, instrument de travail, issu d’une
longue tradition européenne de réflexion sur les langues dont il représente la
somme.

Il a servi de point de départ irremplaçable à d’autres réflexions proposées par


le Conseil de l’Europe dans des instruments moins connus, qu’il éclipse du fait
de sa notoriété. Il est légitime de considérer ses apports au projet d’éducation
plurilingue et interculturelle comme inégaux. Mais il n’en reste pas moins qu’il
lui revient d’avoir donné corps à cette perspective, dont les potentialités pour
l’enseignement/apprentissage des langues sont loin d’avoir été épuisées. Quoi
qu’on en dise, en didactique des langues il a y désormais un avant et un après
le CECR.

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