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Ecole

d’été sur le postcolonialisme



27-31 Août 2018
Maison la Bessonne, Lignerolle


Organisatrices
Rahel Kunz, IEPHI, Université de Lausanne
Muriel Bruttin, ISS, Université de Lausanne


INTERVENANT·E·S

Prof. Dr. Nicolas Bancel – Professeur à l’ISSUL, UNIL
Dr. Joseph Daher – Assistant diplômé à l’IEPHI, UNIL
Dr. Rahel Kunz – MER à l’IEPHI, UNIL
Dr. Damiano Matasci – MA à l’IEPHI, UNIL
Dr. Noémi Michel – MA, Département de science politique et relations internationales, Université de
Genève
Dr. Isis Giraldo – MA, Section d’anglais, UNIL
Dr. Adhemar Mercado - Aberystwyth University, International Politics
Dr. Karima Ramdani – Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris
Dr. Bérénice K. Schramm – Post-Doc, Université du Québec à Montréal, Centre d'études sur le droit
international et la mondialisation (CÉDIM), and Post-Doc, SOAS University of London, Centre for
Gender Studies


DESCRIPTIF

Les études postcoloniales, qui émergent à la fin des années 1970, tentent de repenser les liens entre
colonisateurs et colonisés, et de dépasser le point de vue impérialiste et eurocentré des colonisateurs.
Ces études procèdent à une critique du colonialisme, « une critique de l’influence sociale, culturelle,
politique et économique, exercée par des groupes sociaux sur des territoires physiques, sur les corps,
sur l’imaginaire et les pratiques sociales » (della Faille 2012, 15). Parmi les auteurs qui ont formés les
bases de ce champ d’étude, on peut mentionner Edward Saïd, dont l’ouvrage « Orientalisme » (1978)
déconstruit l’« Orient » fantasmé par un « Occident » qui cherche à légitimer son impérialisme, Gayatri
Chakravorty Spivak, qui dénonce la violence épistémique de l’Occident (1988), et Homi Bhabha (1994),
qui à travers les concepts tels que l'hybridité, le mimétisme, la différence et l'ambivalence, analyse
comment les populations colonisées ont résisté au pouvoir du colonisateur. Ce champ d’étude, qui
n’est « pas une école, ni un paradigme, ni même une discipline » mais plutôt un « ensemble hétérogène
de travaux de recherche, d’écrits théoriques et d’œuvres littéraires et artistiques » (della Faille 2012),
s’inspire du courant post-moderne et des écrits anti-coloniaux d’auteurs tel que Fanon (1952, 1961),
Albert Memmi (1975), et Césaire (1955). Le sociologue jamaïcain Stuart Hall et l’anthropologue indien
Arjun Appadurai, ainsi que le Groupe des études subalternes (Subaltern Studies Group), dont font
partie, entre autres, les historiens bengalis Ranajit Guha et Dipesh Charkrabarty, sont aussi associés
aux études postcoloniales.

Depuis le début des années 2000, les approches postcoloniales commencent à apparaître dans les
études critiques en sciences sociales et humaines en langue française. Le courant postcoloniale, très
présent dans le monde anglophone, est moins développé dans le monde francophone (della Faille
2012). Jusqu’à très récemment, ces approches sont peu accessibles car peu traduites en Français. A
part Orientalisme (1978) d’Edward Saïd, traduit en 1980, il faudra attendre le milieu des années 2000
pour voir la traduction des œuvres phare de ce champ d’étude. L’essai « Can the Subaltern Speak? » de
Spivak (1988) est traduit en 2006, le livre Location of Culture de Homi Bhabha (1994) est traduit en
2007, et le l’ouvrage Politics of the Governed de Partha Chatterjee (2004) ainsi que Provincializing

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Europe de Dipesh Chakrabarty (2000) sont traduit en 2009. L’utilité du courant postcolonial fait débat
en France, et les interrogations qu’il suscite permettent un renouvellement des problématiques dans
l’ensemble des sciences sociales (Amselle 2008, Bayart 2010, Bancel et al. 2010, Lacoste 2010,
Zecchini et Lorre 2010)

En science politique et en relations internationales, l’approche postcoloniale constitue un angle
d’analyse permettant de décrire et d’analyser les effets et enjeux des rapports de pouvoir hérités des
relations coloniales, mais aussi d’appréhender les questions de diversité. Actuellement, un nombre
croissant de travaux formulent un questionnement en ces termes et mobilisent cette littérature, par
exemple dans les analyses des politiques de l’Union Européenne (Bohdana and Kramsch 2017 ; Kunz
and Maisenbacher 2015) ; des interventions inter-étatiques (Grovogui 2014 ; Sabaratnam 2017 ;
Rutazibwa 2010 ; Mahdavi 2015) ; dans l’histoire de la mondialisation (Appadurai 1996 ; Chakrabarty
2009 ; Grovogui 2016 ; Anievas et Nisancioglu 2015) ; ou encore en féminisme postcolonial
(Chaudhuri and Trobel 1992 ; Spivak 1993 ; Mohanty 1988 ; Grewal and Kaplan 1994 ; Shiva 1997 ;
Mendoza 2015). En Suisse, plusieurs travaux ont intégré ces questionnements (Michel 2008, 2013,
2015 ; Lüthi, Falk et Purtschert 2016 ; Purtschert et Fischer-Tiné 2015 ; Purtschert 2016 ; Bancel et al.
2004 ; Kunz and Maisenbacher 2013, 2015), dont quelques thèses (Lucas 2016, Michel 2014). De plus,
la création du centre de recherche PostCit - Penser la différence raciale et postcoloniale à l’Université de
Genève, ainsi que l’ouvrage collectif Colonial Switzerland (2015), attestent de l’intérêt croissant pour
cette thématique.

En raison de l’intérêt croissant pour les études postcoloniales, la présente école d’été, intitulée
« Postcolonialism et politique », entend offrir aux participant.e.s une familiarisation avec les
perspectives postcoloniales et avec les débats qui l’entourent (épistémologiques, théoriques et
méthodologiques) et leur donner les moyens d’eux-mêmes intégrer une telle perspective dans leurs
recherches et de discuter les défis d’un telle démarche, mais aussi de développer une réflexion critique
sur l’usage et les enjeux de cette littérature.


DÉROULEMENT DE L’ACTIVITÉ

Cet événement alternera des séminaires (séances de discussion collective à partir de textes), des
conférences données par les invité.e.s, une table-ronde sur l’interdisciplinarité des études
postcoloniales, un café méthodologique, des « heures de bureau » par les intervenant.e.s, ainsi que des
présentations et discussions des recherches des participant.e.s. L’objectif est de créer des espaces de
discussion et de réflexion pour les participant.e.s autour de l’analyse de l’héritage culturel et politique
du colonialisme et de l'impérialisme, des conséquences épistémologique, sociales et matérielles de
l'exploitation et de la violence coloniale, ainsi que l’opérationnalisation des concepts liées aux études
postcoloniales dans la recherche en science politique, relations internationales, études genre et, plus
généralement en sciences sociales.

Pour les séances de séminaire – chaque intervenant.e.s offrira un bloc de trois séminaires sur un sujet
d’expertise. Les lectures seront distribuées et lues à l’avance, les intervenant.e.s mèneront leurs
séminaires de la manière la plus appropriée pour le sujet traité, tout en encourageant l’interactivité et
la participation active à la discussion. Les thèmes des séminaires sont listés dans la partie
« Programme des séminaires ».

Les sessions « heures de bureau » proposées par les intervenant.e.s offriront la possibilité aux
participant.e.s de discuter directement avec les intervenant.e.s, par exemple, de problèmes apparu
dans le cadre de leurs recherches de terrains, des questions portant sur l’orientation de leur travail de
recherche ou sur tout autre sujet d’expertise dans un champ spécifique. Ces discussions, calibrées aux
besoins académiques des participant.e.s, permettront des retours personnalisées pour faire avancer
les recherches des participant.e.s.

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Les sessions de présentations de travaux en cours des participant.e.s permettront aux participant.e.s
de recevoir des retours constructifs de la part d’experts ainsi que de leurs collègues. Ces sessions
offrent l’opportunité aux participant.e.s de présenter un chapitre, extrait, ou projet de thèse en cours.

Le café méthodologique a pour but de discuter de questions méthodologiques spécifiquement en lien
avec les études postcoloniales. Des questions d’ordre éthique, en particulier sur l’éthique de la
recherche, ressortiront très probablement de ces discussions. Ce café méthodologique à pour but de
soutenir les participant.e.s dans la conceptualisation du dispositif méthodologique de leur thèse.

Les tables ronde, une sur « Féminisme et Postcolonialisme », et l’autre sur « L’utilité des études
postcoloniales dans vos recherches », permettront aux intervenant.e.s de discuter des synergies et
tensions productives entre le féminisme et le postcolonialisme, et permetteront aux intervenant.e.s de
différentes disciplines de discuter des apports des approches postcoloniales dans leur domaine
d’étude.

Les discussions informelles (moins formalisées que les sessions « heure de bureau »), qui prendront
place durant les repas et durant le temps libre imparti pour cette raison, sont l’occasion pour les
participant.e.s de parler aux intervenant.e.s dans une atmosphère moins hiérarchique que la salle de
cours et permettront d’évoquer des questions concernant la carrière académique, etc.

Travail préparatoire
Chaque séminaire comporte plusieurs lectures obligatoires, ainsi que des lectures complémentaires.
Les présentations des participant.e.s reposeront sur un papier préalablement mis à disposition.

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PROGRAMME DES SÉMINAIRES


Séminaire 1
Féminismes post/décoloniaux

Dr. Rahel Kunz, MER à l’IEPHI, UNIL

Cet atelier est organisé autour des approches féministes post/décoloniales. La première séance sera
dédiée à une introduction à la pensée féministe post/décoloniale. Dans la deuxième séance, nous
mettrons l’accent sur deux éléments clés de ces approches : les frontières et la création des
subjectivités. Nous aborderons plus particulièrement les théories autour du ‘border thinking’ et
‘border subjects’ qui permettent de ‘savoir autrement’. Les enjeux et débats concernant ces concepts
seront illustrés avec des exemples concrets venant de ma recherche en cours qui porte sur la
construction du savoir autour du genre au Népal. La dernière séance a pour objectif d’explorer les
enjeux des approches féministes post/décoloniales pour la méthodologie et la pédagogie. Les
questions suivantes guideront nos discussions à travers ces trois séances : Comment décoloniser la
production du savoir et quels sont les enjeux ? Quelles formes de savoir sont construites par les
féminismes post/décoloniales et que veut dire ‘savoir autrement’ ? Comment voyagent ces formes de
savoir? Comment concrètement s’inspirer des féminismes post/décoloniales dans nos recherches,
notre enseignement et notre activisme ?



Séminaire 2
Genre, « race » et temporalités postcoloniales.
Les femmes musulmanes et la question des résistances « passives ».

Dr. Karima Ramdani, CRESPPA (équipe GTM)/ CNRS.

Dans ce séminaire, il s’agira d’interroger cette injonction à la passivité qui a historiquement été
associée aux femmes musulmanes aussi bien durant la colonisation française en Algérie qu’aujourd’hui
dans la France postcoloniale. Une généalogie retracée permettrait de mettre en avant les modalités
historiques et politiques, notamment en analysant le rôle des savoirs dans la fabrication de l’Autre, qui
ont rendu possible l’« absence » et le « silence » lorsqu’il s’agit de penser les subjectivations politiques
des femmes. Autrement dit, de rendre visible, de manière précise et argumentée, les processus par
lesquels la présence et l'action politique des femmes, et particulièrement des femmes musulmanes,
sont devenues impensables. En m’appuyant sur des approches théoriques, notamment celle de
Johannes Fabian sur le temps comme instrument de construction de l'altérité, je souhaiterais
interpeller les étudiants sur les procédés de mise à distance de l’Autre, qui vise à projeter un groupe,
un genre, dans un temps perçu comme archaïque.

L’idée du séminaire serait d'ouvrir la recherche à de nouvelles directions inattendues par la
littérature, la tradition orale, l’iconographie, les rituels culturels, et les perceptions politiques du temps
pour réfléchir notamment à la notion de résistance et en particulier les résistances « passives ». Il
s’agira de penser les différentes manifestations des processus de subjectivation, en particulier
politique, et de résistance des femmes ainsi que leur action pour l’égalité des sexes, et les tentatives
d’alliance entre les femmes racisées et les féminismes dominants blancs. Il est intéressant d’analyser
les résistances ordinaires et militantes des femmes et les rituels sociaux collectifs faisaient partie
d'une action politique pour interroger la notion de sujet politique. Pour cela nous tenterons de créer
un dialogue entre les traditions classiques sur les questions de modernité, de sujets politiques, et les
concepts de la théorie politique avec des tendances et des cadres conceptuels plus récents comme : les
théories féministes, les études subalternes, la poésie, la religion et aussi les études des cultures
populaires contemporaines.

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Séminaire 3
Politique et orientalisme : critique de l’Orientalisme et de l’Orientalisme inversé

Dr. Joseph Daher, Assistant diplômé à l’IEPHI, UNIL

Le séminaire a pour but d’analyser les courants de l’orientalisme et de l’orientalisme inversé pour
tenter de déconstruire l’image et / les interprétations essentialisantes de la région du Moyen Orient et
d’Afrique du Nord et de la religion islamique.

Nous observerons tout d’abord l’origine et le développement des théories courants orientalistes, y
compris leurs expansions avec le période coloniale. Nous analyserons les dynamiques des orientalistes
et essentialisantes sur la région jusqu’à aujourd’hui. Dans cette session nous regarderons également
les premiers auteurs critiques de l’orientalisme, particulièrement Edward Said.

Dans la seconde session, nous regarderons les limites du livre « Orientalisme » d’Edward Said et de
son analyse. Un certain nombre d’auteurs issus de pays du sud seront notamment cités. Nous
analyserons ensuite de l’approche de l’orientalisme inversé ou à rebours. qui s’est développé après
l’établissement de la République Islamique d’Iran dans la région du Moyen Orient pour s’étendre par la
suite dans certains cercles d’analyses et d’études en Europe et aux Etats Unis. Nous traiterons du
problème de voir et d’analyser le langage islamique et les mouvements fondamentalistes islamiques
comme les seuls acteurs véritablement représentant « la culture » des populations indigènes,
dénigrant toute analyse matérialiste pour comprendre ces mouvements.

Nous aborderons finalement le cas des analyses orientalistes et essentialisantes jusqu’à aujourd’hui
sur la région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord. On prendra comme exemple pour illustrer les
contradictions de ces courant en examinant le cas du confessionnalisme religieux comme exemple de
construction historique moderne qui prends sa source dans des évolutions politiques et soci-
économiques du 19ème siècle en opposition à certaines explications essentialistes qui y voit un
phénomène intrinsèque aux populations de la région.



Séminaire 4
Enjeux éducatifs en contexte colonial et postcolonial : une perspective historique

Dr. Damiano Matasci - Maître-assistant à l’IEPHI, UNIL

Structurée sous forme d’atelier, cette séquence d’enseignement propose d’interroger dans une
perspective historique les multiples enjeux posés par la question éducative dans le monde colonial et
postcolonial. Pierre angulaire de la « mission civilisatrice » des puissances impériales, vecteur de la
« mise en valeur » des espaces extra-métropolitains dès les années 1920, l’éducation devint avec la
Guerre froide et la décolonisation un élément central du nation building et du développement
économique et social des territoires qui acquirent leur indépendance dans les années 1950 et 1960.
Elle fut d’un côté un outil de domination politique, sociale et culturelle, mais également un instrument
d’émancipation, les tentatives de rompre avec l’héritage colonial ayant été multiples et parfois
radicales.

À travers la lecture d’articles scientifiques et l’analyse de documents d’archive, nous examinerons tout
d’abord les acteurs, le contenu et les ambiguïtés des politiques éducatives en contexte colonial et
postcolonial, notamment en Afrique. L’accent sera ensuite mis sur les multiples héritages du
colonialisme, à l’instar de la persistance des liens de dépendance vis-à-vis des métropoles, le
creusement des inégalités Nord-Sud et les problèmes posés par l’« africanisation » des systèmes
éducatifs à partir des années 1960, tant au niveau du personnel que des contenus. Nous aborderons
enfin les polémiques soulevées par l’enseignement du « fait colonial » de nos jours ainsi que ses
implications pour la recherche historique.

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Séminaire 5
Généalogies de la race, violence coloniale.

Prof. Dr. Nicolas Bancel – Professeur à l’ISSUL, UNIL

Cet atelier est organisé autour d’une approche généalogique de la construction, pour les deux
premières séances, de la « race » et de la violence coloniale et ce à partir de deux thèmes. Durant la
première séance, nous proposons de revenir sur l’émergence du concept de « race » dans la culture
académique, européenne (puis américaine et japonaise), en essayant d’identifier le tournant
épistémologique qui conduit à un changement décisif des perspectives relatives à la conception et à la
représentation des groupes humains. Cette séance sera ouverte par une introduction (45mn), suivi par
un débat avec les étudiants. Dans la seconde séance, nous nous proposons d’aborder, à travers le
phénomène des « zoos humains », l’imposition d’une architecture mentale structurée sur la
monstration des « sauvages ». Cette séance sera ouverte par un documentaire sur le thème, suivi d’un
débat. Enfin, dans la troisième séance, nous revenons à l’actualité, en cherchant à analyser les enjeux
académico-politiques des débats contemporains en France sur les études postcoloniales et
décoloniales. À partir de quelques documents écrits, les étudiants seront invités à répondre à un
certain nombre de questions, permettant d’explorer, à nouveaux frais, quelques enjeux posés par les
études postcoloniales et décoloniales.



Séminaire 6
Repenser les approches postcoloniales / décoloniales en tant que tradition du savoir vivant

Dr. Adhemar Mercado - Aberystwyth University, International Politics

Au cours des derniè res dé cennies, les approches postcoloniales et dé coloniales ont contribué à
dé construire et à remettre en question la pré tention de l'Occident à ê tre le moteur du « progrè s »
humain et civilisationnel. Ce faisant, ces approches ont tenté de dé centraliser / provincialiser le rô le de
l'Occident dans l'histoire, ainsi que des cadres thé oriques et philosophiques dominants. Les approches
postcoloniales et dé coloniales soulignent la né cessité de dé velopper et de valoriser des maniè res de
penser et de savoir qui ne trouvent pas leur centre té lé ologique dans l'historiographie et les traditions
de pensé e occidentales.

L'atelier explore donc comment, dans la pensé e postcoloniale et dé coloniale, les auteurs ont tenté non
seulement de critiquer la modernité coloniale, mais ont aussi fait partie d'une longue tradition de
savoir vivant qui visait à constituer ce que l'on pourrait appeler un « autre-ment » de la modernité
coloniale. En ce sens, cet atelier explore la né cessité de s'é loigner d'une pensé e postcoloniale-
dé coloniale comme une voie de dé construction du soi occidental. En d'autres termes, les sé ances de cet
atelier cherchent à explorer et cartographier les potentialité s de penser et connaitre le monde de
l'inté rieur ou depuis une maniè re « autre ».

Pour ce faire, l'atelier revisitera des auteurs comme Aimé Cé saire, Marisol de la Cadena, Catherine
Walsh, Leanne Simpson, Robbie Shilliam, Rosalba Icaza and Rolando Vazquez, Bikrum Gill, Narendran
Kumarakulasingam et Mvuselelo Ngcoya. L'atelier s'inté resse donc moins à la maniè re dont ces
auteurs pré sentent une critique de la modernité coloniale, mais cherche plutô t à cartographier les
mondes et les processus de “faire des mondes” rendus possibles par les luttes contre le colonialisme
avec lequel ils sont engagé s. L'atelier en ce sens demande ce que cela signifie quand nous nous
é loignons de la pensé e postcoloniale et dé coloniale en tant que mé thode de critique acadé mique et que
nous l'engageons plutô t comme une tradition de savoir vivant qui cherche à nourir et à cultiver un
“autre-ment” à la modernité coloniale.

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Séminaire 7
Regards critiques sur la question coloniale : perspectives décoloniales et postcoloniales dans le
contexte global contemporain

Dr. Isis Giraldo – MA, Section d’anglais, UNIL

L’essor des approches décoloniales dans le circuit de production dominant anglo-américain est en
pleine montée récemment et nous assistons à l’heure actuelle à ce qu’on peut dénoter comme le virage
décolonial. Ceci a des implications éthiques (au sujet de la pratique épistémologique) et théoriques qui
seront explorées dans cet atelier, lequel a comme but d’introduire les étudiant.e.s, d’une part, aux
questionnements contemporains sur le fait colonial et, d’autre part, aux théories développées dans la
tradition critique de l’Amérique Latine.

Étant moi-même une chercheuse originaire de l’Amérique Latine (Colombie), éduquée (en partie) en
Europe, formée dans les études féministes et postcoloniales anglo-américains et m’intéressant aux
rapports de pouvoir qui structurent la production et la circulation de la connaissance et à la théorie
comparée, j’ai organisée l’atelier autour de trois thématiques qui dérivent de ma propre pratique et
positionnement épistémologiques et de ma propre approche théorique :

• Partant de mon expérience comme chercheuse des théories féministes et postcoloniales-
décoloniales, la première concerne la pratique épistémologique (exercice méta-
épistémologique) et la question décoloniale.
• La deuxième essaie d’élucider les points de jonction, les différences et les tensions entre les
approches postcoloniales et décoloniales.
• La troisième introduit des critiques constructives aux concepts de « colonialité du pouvoir »
d’Aníbal Quijano (2000) et de «colonialité du genre » de María Lugones (2008). Dans un
premier temps on introduira le travail de Santiago Castro-Gómez (2010) qui, à partir de
l’histoire coloniale colombienne, complexifie la notion de la colonialité du pouvoir : à la place
de la comprendre comme un « patron mondial » de pouvoir qui surdétermine les relations de
travail sur le plan international en fonction d’une organisation hiérarchique des races (comme
Quijano le fait), il la comprend comme un ensemble de techniques singulières à partir
desquelles les sujets se perçoivent à soi-mêmes en tant que blancs et se comportent dans
l’espace publique en tant que chefs et clients. Dans un second temps, on introduira le travail de
Rita Segato (2003), anthropologue Argentine peu connue dans le circuit de production
académique dominant car elle refuse d’écrire dans des langues différentes à l’espagnol et au
portugais, dont l’approche diffère de celui de Lugones et sur lequel moi- même (Giraldo 2016)
m’appuie pour retravailler le concept de la colonialité du genre introduit par cette dernière. À
partir de son travail de terrain avec les communautés Yoruba du Brésil du XXème siècle, Segato
montre que, contrairement à ce que Lugones propose, l’idée du genre et un système de
domination patriarcal existaient bien dans l’Amérique pré- coloniale. Ce qui est renforcé avec
l’arrivée des européens est la rigidité du binarisme sexuelle qui se base et renforce l’idée de la
complémentarité des sexes et sur laquelle s’appuie l’hétérosexualité obligatoire (Rich 1980).




Séminaire 8
Le droit international et l’Autre / Un autre droit international

Dr. Bérénice K. Schramm – Post-Doc, Université du Québec à Montréal, Centre d'études sur le droit
international et la mondialisation (CÉDIM), and Post-Doc, SOAS University of London, Centre for Gender
Studies

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Le droit international comme ordre juridique régulant les relations au sein de la société
(communauté ?) globale se dit le plus souvent à l’aune de ses mythes fondateurs que sont la paix et
la justice internationales. La réalité historique et contemporaine est pourtant toute autre et sa
violente vérité doit être exposée en vue d’explorer, le cas échéant, son potentiel justicier. Penser le
droit international au-delà de lui-même exige, dans une approche féministe post-coloniale et
décoloniale, de dire tout ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire de dessiner le contrepoint fondateur de ce
qu’il est : les relations juridiques entre états souverains ne sont rendues possibles et légitimes que,
d’une part, pour des fins impérialistes plus ou moins notoires et de l’autre, de manière
consubstantielle, par la négation de tout ce qui ne ressort pas au paradigme étatique patriarcal et
occidental. Malgré des avancées certaines quoique limitées en matière notamment de protection des
droits humains, de « gender mainstreaming » ou encore de développement, le droit international,
dans sa version classique et technocratique, est donc outil de censure par le laissez-faire des
puissants plutôt que vecteur d’émancipation pour les Autres. Le présent séminaire aura ainsi pour
double objectif de mettre au jour cet engendrement négatif et de proposer des pistes de réflexion
pour une possible réforme de la discipline. S’appuyant sur la littérature féministe postcoloniale et
décoloniale en la matière (et en provenance des études éponymes), encore confidentielle et plutôt
anglophone, et mettant à l’honneur une approche épistémologique, le séminaire abordera trois
thèmes structurants pour la discipline et partant, pour sa critique : le sujet, la justice et le territoire.
En mettant en jeu leurs imaginaires passés, présents et futurs, le séminaire se veut ainsi laboratoire
d’expérimentation utopique d’un humanisme-en-droit (international) radical.

Déroulement

Pour être un véritable laboratoire, le séminaire se veut un espace où le savoir est co-produit de
manière critique et horizontale. Il s’agit de se familiariser avec les grands piliers de la discipline du
droit international en vue de mieux les contourner voire même de les détruire (pour, à terme, les
reconstruire). L’interdisciplinarité et/ou la transdisciplinarité sont bienvenues, si ce n’est de fait
nécessaires.

En prévision des séances, il est demandé aux personnes qui suivent le séminaire de lire au minimum
les lectures préparatoires (de longueur limitée); les lectures complémentaires sont indiquées à titre
facultatif et de référence (doctrinale notamment). Lors des lectures préparatoires, on gardera à
l’esprit (et tentera d’identifier les manifestations relevant) des deux objectifs du séminaire : 1) tout
ce qu’est/n’est pas le droit international ; 2) tout ce que pourrait être un droit international plus
juste et inclusif.

1) Sujets et Subalternes du droit international


Le sujet premier du droit international a toujours été l’état souverain : à la fois sujet- producteur et
objet contraint du droit qu’il coproduit avec ses pairs, l’état est à la fois source primaire et point de
fuite de la discipline. Il ne peut paradoxalement exister que parce qu’il efface et vit à travers les
Autres, les Subalternes du droit international, touxes celleux qui ne sont pas lui (individu·e·s,
organisations etc.). Il s’agira ici de révéler la toute-puissance du paradigme étatiste en droit
international et l’artificialité de la vulnérabilité des Subalternes qu’il engendre. Surtout, on
identifiera l’(es) autre(s) voie(s)/x déjà existante(s) ou à imaginer pour un droit international plus
inclusif.

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2) L’in/justice du droit international

Dans un ordre juridique aussi inéquitable que le droit international, la question de sa justice et de
celle qu’il peut restaurer est ainsi fondamentale. L’inflation juridictionnelle de la seconde moitié
du XXe siècle est-elle synonyme de plus de justice pour les Sujets et surtout pour les Subalternes
du droit international ? Questionner l’efficace du juge comme Autre impartial et, pour une fois,
institutionnalisé exige dès lors que l’on s’interroge sur son identité et sur ses méthodes. Dans cet
espace interstice où le droit international est (re-)dit, il est peut-être des transgressions déjà
possibles ou à (re-)jouer.

3) Les Ailleurs du droit international


Discipline du voyage agonistique, le droit international a toujours mis au centre de ses


préoccupations la question du territoire. Objet désiré de la colonisation justifiée par les règles
coutumières de l’époque, le territoire (et son pendant maritime) est cet espace physique et
discursif à travers lequel repenser tout à la fois l’impérialisme et la (possible) rédemption
post/décoloniale de la discipline. De la terra nullius à la res communis, il s’agira d’arpenter ces
espaces historiques et futuristes qui nous obligent à reconsidérer notre rapport,
irrémédiablement médié par la technologie – qu’elle soit juridique ou scientifique – au monde, ou
plutôt aux mondes, en vue de peut-être enfin mieux les habiter ensemble.




Séminaire 9
Problématiser le politique avec les pensées critiques noires

Dr. Noémi Michel - Maître-assistante en théorie politique, Département de science politique et relations
internationales, UNIGE

La notion de « pensées critiques noires », recouvre une variété d’interventions qui prennent la forme
de mouvements intellectuels, mais aussi de mouvements sociaux, politiques et esthétiques. Ces
différents mouvements déploient des registres différents, mais tous émergent de et questionnent la
« condition noire ». Tous sont nourris par les pratiques culturelles, les écrits, les discours, les luttes
micro- et macropolitiques de celles et ceux qui se réclament du continent ou de la diaspora africaine.
Ces mouvements se sont actualisés et continuent de s’actualiser à partir des expériences et des
résistances à l’esclavage, au colonialisme, au racisme et participent à ce que le philosophe Achille
Mbembe appelle la seconde écriture de la race, celle qui cherche à déjouer et à déplacer les effets
injurieux de la « raison nègre » cette « somme de voix d’énoncés et de discours de savoirs, de
commentaires et de sottises dont l’objet est la chose ou les gens d’ « origine africaine » et ce que l’on
affirme être leur nom et leur vérité » (Mbembe 2013, p. 50).
Puisant principalement, mais pas uniquement, dans des textes d’orientation théorique et féministe, cet
atelier a pour but de faire émerger la série de problèmes, de figures et de visions que les pensées
critiques noires nous offrent pour théoriser le politique. Comment ces pensées critiques noires
permettent-elles de problématiser des notions clés de la théorie politique tels que le sujet, le pouvoir,
l’agency, ou encore la voix ? Que se passe-t-il avec notre pensée du politique si nous la re-dépoloyons à
partir de notions centrales aux pensées critiques noires telles que l’injure, la chair, la mort,
l’enchevêtrement des espace-temps ou encore la préservation ontologique ? Telles seront les
questions-moteurs de cet atelier.

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