On a vu ô combien pendant cette période de pandémie c’était important la digitalisation, soit
pour le télétravail, ou en matière d’innovation et de recherche pour la santé. Un rapport de la CNUCED a souligné que les révolutions technologiques s’accompagnent généralement d’une augmentation des inégalités. Alors, c’est le constat que vous faites à la CNUCED concernant la fracture numérique entre pays riches et pays pauvres ? Isabelle Durant, secrétaire générale de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) Oui, donc dans les révolutions industrielles précédentes, souvent les inégalités étaient des inégalités nationales entre classes sociales. Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE Déjà augmentent ? Isabelle Durant, secrétaire générale de la CNUCED Oui voilà, les inégalités entre classes sociales au sein d’un même pays. Aujourd’hui la révolution numérique… le numérique, ce n’est pas un secteur. Le numérique, c’est un vecteur. Un vecteur de toute l’économie. Et donc en effet, on a des inégalités très très grandes entre pays parce que certains ont accès non seulement à la connectivité, ce qui est le minimum de base je dirais, mais au-delà de ça, certains ont développé de l’innovation, des compétences, et on parlait de la Chine : ben oui, la Chine a énormément investi dans la formation et dans la technologie, l’innovation comme un moteur du développement, alors que pour beaucoup de pays PMA, c’est une question qui est encore considérée comme un secteur ICT à part où on va… Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE Les PMA, c’est les pays les moins avancés, hein. Isabelle Durant, secrétaire générale de la CNUCED Les pays les moins avancés, et donc il est essentiel qu’ils entrent, qu’ils sautent dans cette révolution numérique. Ce dernier rapport dont vous parlez ne se contente pas de regarder la connectivité, mais regarde par exemple qu’est-ce qui va se passer si les pays les moins avancés sont absents de l’intelligence artificielle, de la robotique, de l’internet des objets, de tout ce qui… Julien Bouissou, journaliste au journal Le Monde Oui, mais avant de parler d’intelligence artificielle, pour utiliser une nouvelle technologie, faut savoir lire et écrire, ce qui n’est pas le cas de tout le monde dans les pays les moins avancés… Isabelle Durant, secrétaire générale de la CNUCED Faut avoir l’électricité. Julien Bouissou, journaliste au quotidien Le Monde Faut avoir l’électricité, alors qu’est-ce qu’on fait avec ça ? Isabelle Durant, secrétaire générale de la CNUCED Ah bah voilà ! Julien Bouissou, journaliste au quotidien Le Monde Est-ce que c’est pas un problème d’abord d’infrastructures ? Isabelle Durant, secrétaire générale de la CNUCED C’est aussi un… Julien Bouissou, journaliste au quotidien Le Monde Est-ce qu’il faudrait pas déjà raccorder tous les foyers à l’électricité ? Isabelle Durant, secrétaire générale de la CNUCED Absolument ! Donc sans élec… enfin… donc y a encore des, beaucoup de coupures d’électricité dans beaucoup de pays africains, enfin de pays moins avancés, qui posent problème non seulement pour les individus en tant que tels, mais aussi pour l’économie en général et donc oui, donc l’infrastructure est clé pour le développement, mais je voudrais pas qu’on se dise : on va d’abord faire l’infrastructure et attendre que tout le monde soit équipé en électricité pour commencer à se pencher sur l’éducation. L’éducation à la technologie, c’est maintenant que ça doit commencer. Alors c’est vrai, il y a l’éducation tout simplement à lire et écrire qui est aussi prioritaire, mais pourquoi ne pas simultanément ajouter l’éducation technologique à l’éducation tout court ?