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Introduction ................................................................................ 7
PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
L’EXPÉRIENCE DE LA PRATIQUE
Sommaire / 5
Table des encadrés ..................................................................... 301
Table des matières ...................................................................... 307
Index ........................................................................................... 315
Introduction / 7
• MAIS LE CHANGEMENT TOURNE SOUVENT MAL
1. Beer et Eisenstat : « The Silent Killers of Strategy Implementation and Learning », Sloan
Management Review, été 2000.
2. Nous reviendrons sur ce concept en conclusion.
• PLAN DU LIVRE
3. C’est ce qu’enseigne la systémique, science des systèmes, sur laquelle nous reviendrons en
conclusion.
4. Mais n’importe qui ne peut pas transformer une organisation, c’est une question de person-
nalité et de technique.
Introduction / 9
approche utilise l’énergie de l’organisation au profit des idées de son
dirigeant. Et, pour ce faire, elle déclenche un « effet domino ».
Mais, réaliser ce bénéfice a une contre-partie : la nécessité de
renoncer à notre intuition cartésienne. Ce texte est donc en premier lieu
un exercice de « dés-apprentissage ».
Nous avons essayé de le rendre aussi facile que possible, en faisant
appel au maximum à l’expérience du lecteur afin d’ancrer les nouvelles
pratiques dans son savoir-faire et ses réflexes anciens.
Cette partie explique alors les techniques d’animation, qui sont au
centre du phénomène de « catalyse » qu’est l’effet de levier. Elle
indique comment attaquer le besoin perçu de l’organisation tout en trai-
tant son problème réel, et introduit la notion fondamentale de méthodo-
logies « ambulatoires ».
Cette partie montre finalement comment les techniques à effet de
levier s’intègrent au fonctionnement de l’entreprise et comment elles
permettent à la fois de mettre en œuvre les stratégies de direction géné-
rale et d’attaquer, quasiment sans moyens, l’amas de petits et grands
dysfonctionnements qui les maintiennent dans une médiocrité que leurs
dirigeants n’arrivent pas à secouer et que leurs équipes regardent avec
résignation, comme une calamité inévitable.
À noter, et c’est remarquable, que cette « intégration » est sans
drame : les techniques à effet de levier se distinguent des autres
« écoles » de conduite du changement par leur acceptation de l’organi-
sation telle qu’elle est.
Conclusion
Introduction / 11
évoluer en douceur. C’est la raison d’être des techniques à effet de
levier.
Il est alors démontré que l’optimum économique est un optimum
humain.
« Les gens sont hostiles au changement, ils savent que dans un changement, il y a
des gagnants et des perdants et ça, ça bloque beaucoup. D’ailleurs qu’est-ce qui peut
les motiver ? l’intérêt de la société ? ils ont vu des gens travailler comme des fous et se
faire débarquer ; les dirigeants sont des mercenaires, qui passent d’une société à l’autre,
les gens ne vont pas travailler pour ces personnes, qui, elles, ne travaillent que pour leur
intérêt propre ! »
1. Ryan, Hugh W. : « Projet de taille, projet sans faille », Outlook, volume XXI.1.
Exemples de blocages
L’organisation teste le dirigeant
Un centre d’appels connaît un passage à vide. Le taux de prise d’appels est tombé à
30 %. Une enquête montre que le centre d’appels technique (dépannage), cause du
désordre (les clients mécontents, à la recherche d’un interlocuteur efficace, appellent
l’ensemble des centres de la société, ce qui fait s’effondrer les performances des unités
non concernées), a été bâti sur le principe selon lequel ceux qui l’appelaient, étant en
panne, pouvaient attendre.
Le dirigeant du département technique, qui l’avait conçu, s’en était désintéressé, mais
n’était pas prêt à perdre cette possession.
La prise de conscience que, sur un marché stable, il est crucial de conserver ses clients,
conduit à faire évoluer la mission des télé-opérateurs et leur motivation. Cette prise de
conscience combinée avec la correction de quelques dysfonctionnements majeurs (évolu-
tion du matériel, envoi de lettres d’explication de factures aux clients, fusion entre centres
d’appels technique et commercial…), amène le taux de prise d’appels à 95 %, sans
embauche.
Le dirigeant du département technique, confronté à l’analyse des dysfonctionnements,
en arrive de lui-même à renoncer à la direction du centre d’appels technique.
On notera, ici, l’importance des hypothèses implicites (« le client qui appelle est en
panne, il peut attendre »).
Blocage symbolique
3. Dossier du Canard Enchaîné : « Les flambeurs du Crédit Lyonnais », juillet 1997. Selon ses
auteurs, le patron de la société a voulu « après deux ans de purgatoire (…) montrer au monde
entier ce dont il est capable ».
Les conclusions d’un chargé de mission se trouvent en contradiction avec les décisions
du dirigeant de la société, alors que ce dernier manifeste une grande estime pour son
collaborateur.
Le dirigeant veut se débarrasser d’une de ses unités et racheter un concurrent
étranger, le chargé de mission a montré qu’il était plus efficace de faire évoluer la division,
d’autant plus qu’elle proposait une offre d’entrée de gamme populaire et sans équivalent
et, qu’en dépit d’avoir commis la faute évidente de s’être endormie sur ses lauriers – faute
imputable à un management peu visionnaire –, elle était mieux placée que ses concur-
rents pour saisir le besoin réel du marché – une chance inattendue.
Personne ne contredit ce raisonnement, d’autant plus que des dirigeants de « grands
clients » viennent lui donner leur appui.
L’explication de cette divergence pourrait être que, tirant trop rapidement les consé-
quences du début de l’audit (le retard de la division, sentiment renforcé par la mauvaise
opinion générale concernant son management), informations probablement transmises
par un proche collaborateur qui voulait peut-être se mettre en avant ou marquer des
points dans une lutte interne, le dirigeant a fait des déclarations qu’il ne veut pas renier.
Quelques temps plus tard, le « moteur du changement » de l’unité, qui avait été
détecté lors de l’audit et avait suivi ses conclusions, est muté dans un autre service ;
corrélativement le plan d’action s’effondre (trois collaborations internationales de grande
visibilité avaient été décidées à sa suite). Quelques années plus tard, tirant les conclu-
sions de cet échec, qu’il attribue à l’incompétence de ses équipes, le dirigeant fait l’acqui-
sition prévue.
On notera la double cohérence du dirigeant : d’une part avec ses déclarations et
d’autre part en ce qui concerne la haute opinion en laquelle il tient le chargé de mission,
dont il ne met jamais les conclusions en doute.
Un manque de moyens
T13
Exemple d’un blocage dû à un manque de moyens
Une entreprise de service à l’industrie a connu une croissance remarquée (CA multiplié
par 5 en 10 ans) sur un marché stable. Cependant, ce développement marque le pas et il
devient critique d’augmenter son portefeuille de « grands comptes ». Pourtant, tous les
appels d’offres récents ont été perdus. La direction générale de la société en arrive à la
conclusion que les managers opérationnels, qui ont pourtant assuré son succès, ont fait
leur temps.
Mais une analyse « post mortem » du dernier échec, menée lors d’un « focus group »
de deux heures rassemblant les dirigeants de centres de profits, montre que l’entreprise
serait en mesure de remporter ces appels d’offres si ses agences disposaient des spécia-
listes pour satisfaire ces clients : en effet, 1º : ce type d’appel d’offres correspond à des
rentabilités faibles ; 2º : les agences sont jugées sur leur rentabilité (prix de l’heure) ; 3º :
cette logique appliquée des équipes internes, qui travaillent lentement, conduit à des prix
non compétitifs. En revanche, les spécialistes de la direction technique seraient capables
de mener ces missions avec une rentabilité satisfaisante.
La direction générale crée alors une cellule de compétences centrale et fixe de
nouvelles règles (notamment de rentabilité) en ce qui concerne les « grands comptes ».
Le problème est clos.
Une entreprise déploie un progiciel de gestion. Les résultats attendus n’arrivent pas, pire,
certains de ses processus se détériorent. Les récalcitrants sont menacés de sanctions.
En réalité le problème ne vient pas d’un mouvement de refus du progrès mais du boule-
versement apporté par l’application de ces progiciels aux procédures internes.
Un exemple : les commerciaux ne savent plus que répondre aux clients qui leur
demandent une proposition de prix. Jusqu’ici, ils l’auraient donnée, mais le processus
est maintenant centralisé et le mécanisme n’est pas clairement défini. Car centraliser la
fixation des prix entraîne une multitude de conséquences annexes, qui dépendent de
plusieurs services (souvent pour des détails). Beaucoup apparaissent séparément aux
unités concernées et ne leur semblent pas d’une haute priorité par rapport aux autres
impacts du progiciel sur leur organisation propre.
D’ailleurs, le problème n’est pas vu comme il est décrit ici : les commerciaux se sentent
en faute, ils grognent plutôt qu’ils ne protestent, leurs dirigeants ne savent pas comment
les aider et attribuent leurs difficultés à d’autres services. Chacun développe des solu-
tions de bric et de broc (beaucoup maintiennent l’ancienne procédure en essayant de faire
croire qu’elle obéit au nouveau modèle).
T16
Exemple de blocage masqué par une rivalité : la fin d’un chantier
Fin d’un grand chantier de construction d’un quartier. Quelques chefs de travaux pilo-
tent 40 entreprises sous-traitantes. Les délais sont courts, les risques de retard impor-
tants, la menace de pénalités plane. L’animosité entre maître d’œuvre et sous-traitants
est au plus haut.
Or, les groupes électrogènes disjonctent sans arrêt du fait du surcroît de demande
suscité par l’arrivée d’effectifs toujours plus nombreux, ce qui freine considérablement
les travaux. Mais pourquoi une partie du chantier n’est-elle pas électrifiée ? Les chefs de
travaux et les électriciens se rejettent cette faute (et bien d’autres) depuis plusieurs
semaines.
Un stagiaire, intrigué, finit par convaincre le responsable des électriciens de rendre
visite aux services d’EdF.
Lorsqu’il revient, il explique qu’une même demande d’électrification portant sur les deux
tranches de la construction a été faite, alors que les règles d’EdF veulent qu’il ne puisse
pas y avoir plus d’une électrification par demande : donc seule une tranche a été mise en
service.
Une seconde demande a été effectuée et le problème a disparu.
Enfin, lorsque le mal est trop grand, l’ultime recours est l’interven-
tion divine, celle du consultant (T17).
Il est surprenant qu’il nous vienne si rarement à l’esprit que nous
pourrions être une partie du problème dont nous nous plaignons et que
nous pourrions contribuer à le résoudre.
Un cabinet d’études de marché, qui pense avoir fait son travail conformément au cahier
des charges de la direction marketing d’une compagnie d’assurances, doit affronter le
mécontentement de son client.
Le chef de projet enquête. Après une discussion un peu confuse, il finit par comprendre
que ce client attendait de lui (quasiment inconsciemment) non une caractérisation de son
marché, mais une stratégie.
Bien que ce ne soit pas son métier et qu’il ne connaisse que peu de choses des affaires
de celui-ci, il essaie de l’aider. En considérant les données collectées par plusieurs
études, il en vient à la conclusion qu’il ne sert à rien de développer de nouvelles offres,
c’est la force de vente qui est incapable d’attaquer le marché. Il faut l’aider à réussir sa
mission.
Mais la direction du marketing, considérant que le réseau de distribution est un redou-
table « état dans l’état », va arrêter ses réflexions à ce point.
C’est un blocage : la société ne peut amener sa force de vente à être efficace. Sans
vendeur, la direction du marketing est inutile, la seule option qui lui est ouverte est de
prendre en main l’équipe commerciale et de lui faire franchir le pas. Mais peut-être juge-
t-elle que la tâche est indigne d’elle ? Ou qu’elle n’en a pas la compétence ? Peut-être
a-t-elle peur de l’échec ?
Toujours est-il qu’elle place tous ses espoirs dans un miracle (une révélation amenée
par l’étude de marché) qui ferait repartir le chiffre d’affaires de la société sans que les
forces commerciales aient à évoluer.
4. Les exemples qui illustrent ce texte sont d’ailleurs issus d’entreprises considérées par la
communauté financière comme parmi les plus performantes.
Une restructuration fait disparaître une fonction mineure mais essentielle dans la
chaîne de maintenance d’un éditeur de logiciel.
Cet incident (qui n’est pas isolé, d’ailleurs) passe inaperçu de la direction générale :
l’ancien responsable a maintenant une nouvelle mission, les autres membres de la chaîne
de maintenance ne se sentent pas concernés et le mécontentement des clients n’est pas
pris en compte car les mécanismes internes ne permettent pas de le transmettre aux diri-
geants. En outre, le « signal » lié à ce problème est brouillé par d’autres causes d’insatis-
faction en partie attribuées au réseau de distribution de la société.
Il n’existe (comme dans beaucoup d’entreprises) aucune personne responsable des
aspects organisationnels. Le dirigeant général est donc seul à pouvoir intervenir mais ce
problème, qui n’est pas trivial, ne peut être une priorité pour lui, il a d’autres
préoccupations.
Dans cette configuration, le pilotage interne de la société est réduit à de la gestion de
crise : soit l’incident est plus ou moins absorbé par l’organisation et le dirigeant a bien fait
de ne pas intervenir, soit le problème dégénère en une crise, et alors il atteint le sommet
de sa liste de priorités.
À noter que cette entreprise est un leader admiré de son secteur.
L’audit du centre d’appels d’un opérateur montre qu’une des sources principales
d’appels (et surtout d’appels répétés) est l’incapacité de ses télé-opérateurs à renseigner
des « prospects » sur le fait qu’ils sont ou non « raccordables ». Ce problème suscite un
fort mécontentement et un manque à gagner probablement significatif.
Les fichiers de raccordabilité sont enregistrés dans une base de données par une
assistante, dans un autre service. Mais, du fait de standards divergents, elle ne peut
traiter assez rapidement les données obtenues et, surtout, elle reçoit des informations
inexactes qu’elle a beaucoup de mal à corriger (erreurs de saisie, noms de rues ne corres-
pondant pas à ceux des bases de données de la société…). Elle réclame des ressources
supplémentaires mais sans résultat. Un conflit larvé s’est développé entre les deux
services.
Ces fichiers sont transmis par les entreprises qui construisent les réseaux aux direc-
teurs de la construction de la société (une troisième unité). Mais, ils ne constituent qu’une
priorité faible pour eux, qui ne pensent pas toujours à les réclamer ou à les faire vérifier,
encore moins à imposer un format commun.
Le directeur général, bien qu’au courant du problème (par le menu), ne peut rien
décider, car personne ne lui propose de solution, et cette question ne fait que s’ajouter à
une longue liste de dysfonctionnements sans issue évidente. Au même moment, il doit
gérer un changement d’actionnaire, ce qui constitue sa priorité et l’essentiel de sa charge
de travail.
Dans une usine de production de bouteilles, le rôle des employés se résume essentiel-
lement à du contrôle qualité ou, plus exactement, au contrôle du fonctionnement de
procédures robotisées qui détectent les défauts. Les cadences de production sont extrê-
mement élevées, les défauts extrêmement rares. Cependant, un éclat de verre qui ne
serait pas détecté peut entraîner une mort.
Cette problématique se retrouve dans beaucoup d’organisations industrielles, dont
certaines à haut risque (par exemple les raffineries).
La productivité d’un centre d’appels est fortement liée à la capacité de ses membres
à « répondre juste du premier coup » (sans quoi un appel peut en générer beaucoup
d’autres), ce qui demande à la fois la capacité d’exécuter rapidement et efficacement des
tâches simples et de faire preuve (certes rarement mais de manière décisive pour la
productivité du centre et la qualité de service perçue) d’initiative. Ce qui requiert une fois
encore pas mal d’expérience, mais aussi de motivation pour son travail. Cette perfor-
mance est assez bien corrélée au « turn over » du centre (plus celui-ci est faible, plus
les coûts de fonctionnement sont bas). Ce qui est en contradiction avec la perception de
« chair à canon » parfois attachée à la fonction de télé-opérateur.
5. L’impact démesuré de l’action d’un homme est la règle plutôt que l’exception. Ce phéno-
mène est d’ailleurs exploité par les publicitaires qui ciblent des « leaders d’opinion ». Une série
d’expériences organisée par Serge Moscovici et ses collègues a montré qu’une minorité
constante dans ses choix pouvait influencer une majorité. Dans l’une de ces expériences, deux
« compères » déclarant voir verts des disques bleus décalent vers le vert le référentiel de
perception des couleurs des autres participants (Psychologie Sociale, PUF, 7e éd., 1998).
Institutionnaliser le changement
Mais pourquoi la « nature humaine », dont nous savons qu’elle est
rebelle au changement, ne fait-elle plus obstacle à ce processus ? C’est
que la démarche en deux phases décrites ci-dessus n’est que routine :
dans un premier temps des managers construisent un plan, dans un
second l’organisation le met en œuvre en veillant à l’optimiser. On ne
parle plus de changement, il n’y a donc rien de terrifiant.
La montagne aurait-elle accouché d’une souris ?
Alors que depuis 30 ans les organisations tuent les stratégies les plus
brillantes, suffit-il, pour résoudre ce problème de décréter 1) qu’il faut
une mise en œuvre de ces stratégies et 2) qu’elle doit se faire en deux
étapes ?
Mais où sont les blocages et « l’effet de levier » ?
1. Voir pour cette partie et la suite de ce chapitre, Foulin et Mouchon : Psychologie de l’éduca-
tion, Nathan Université, 1999 et Malim and Birch : Introductory Psychology, MacMillan, 1998.
2. Il semblerait donc que l’on ne puisse pas « apprendre de ses échecs » : l’échec est une source
d’inspiration, mais la règle qu’il a suggérée n’est validée que si elle permet le succès. Ce que
l’échec apprend, c’est que l’ensemble des hypothèses qui guident l’homme ne fonctionne pas
parfaitement.
3. En fait, la direction ne percevra probablement pas le contenu des parenthèses de ce texte, elle
apprendra simplement à utiliser le vocabulaire qui convient à son dirigeant général et la formu-
lation qui satisfait ses financiers.
Notre problème est plus ardu que celui traité ordinairement par le
« mode projet », car nouvelle stratégie signifie généralement nouvelle
organisation. Or, l’organisation est complexe, c’est un gigantesque
« plat de nouilles » où chacun est lié on ne sait trop comment à ses
collègues, et l’on ne sait pas par quel bout la prendre. La technique de
cet ouvrage consiste à simplifier ce problème en recherchant les
personnels que nous appellerons les « hommes clés » (des hommes
ou des femmes, bien entendu, le raccourci n’est utilisé ici que par
commodité. L’expression étant utilisée dans sa forme masculine dans
le seul but de simplifier le propos), ceux qui ont l’air de savoir contrôler
une portion d’assiette étendue et même de pouvoir agrandir leur
emprise (synergies). C’est autour de ces personnalités que va se
construire la nouvelle organisation.
Mais eux-mêmes sont prisonniers de l’assiette : un changement de
position ne leur convient pas forcément (contraintes personnelles,
Préparation
Les membres de la task force sont donc des cadres de même niveau
auxquels est confiée, par la direction générale, la mission de proposer
une solution au problème qu’elle présente comme ayant un enjeu fort
pour l’avenir de la société.
Conformément au principe qui veut que la « phase 1 » soit menée
par la structure existante, la task force est composée de ceux qui doivent
avoir la responsabilité de la mise en œuvre de la stratégie du fait de leur
position hiérarchique dans l’organisation (quel que soit le mal que l’on
peut penser de leur performance actuelle).
Séances de travail
1. Nous reviendrons en détails sur ces méthodes dans la seconde partie du livre.
Rapport d’avancement
Institutionnaliser le changement
Le rôle de l’animateur
Le profil de l’animateur
Approche programmatique
Approche programmatique
Les attentats du 11 septembre 2001 aux USA, ont été facilités par le
fait que certaines compagnies aériennes avaient réduit le contrôle des
passagers (elles étaient d’ailleurs en contravention avec la loi). Les
années 2001 et 2002 ont été le théâtre de scandales financiers colos-
saux (ayant malheureusement eu des précédents, le phénomène est
cyclique) impliquant de très grandes entreprises qui ont trafiqué leurs
comptes avec une créativité exceptionnelle… et la complicité de
cabinets d’audit parmi les plus prestigieux.
Dans ces situations, la « main invisible », l’idée d’Adam Smith selon
laquelle la concurrence conduit naturellement à l’optimum écono-
mique, est prise en défaut.
Dans un contexte de concurrence parfaite où seul le prix compte,
survivre impose de supprimer tout ce qui est inutile à court terme :
Le premier essai
Le premier essai de l’usage des techniques à effet de levier donne le
vertige : n’est-ce pas de la folie ? Les membres de la task force ne
vont-ils pas réclamer de moyens disproportionnés ? En profiter pour
régler leurs comptes avec la direction ? Lui faire payer quelques initia-
tives malheureuses dont ils ont été victimes ? Et si ils échouaient ?…
L’impression de résistance perçue aujourd’hui par les dirigeants
vient de ce qu’ils sont du mauvais côté du « lien social ». Or, les tech-
niques à effet de levier font travailler ce lien social pour eux.
Par ailleurs, les critiques faites par l’organisation à la nouvelle stra-
tégie ne sont là que pour masquer le « blocage psychologique » dans
lequel se trouve l’organisation, blocage qui disparaît dès qu’une solu-
tion crédible est apportée.
En outre l’échec de la task force est quasi impossible (sauf blocage) :
la stratégie est appropriée et l’organisation a de formidables atouts, elle
connaît parfaitement son « environnement concurrentiel » et ses forces
propres, et, surtout, « elle sait faire » et elle l’a prouvé par ses succès
qui sont ceux de l’entreprise. Quel consultant peut se mesurer à elle ?
Mais les mots sont inutiles, il faut se jeter à l’eau !
5. Voir, à titre d’illustration, le cas « The Optical Networking Industry (A) », Carpenter, Lazo-
nick, Insead, 2001.
6. Mi 2002 la dette de l’industrie des télécoms était estimée à 1 000 milliards de $ (« The great
telecom crash », The Economist, 12 juillet 2002).
• EXEMPLES DÉTAILLÉS
Par ailleurs, la taille de l’unité, son métier…, n’ont pas d’impact sur
la méthode employée. En fait, la technique est opportuniste, elle
Mission
Premier impact Impacts suivants
initiale
Caisse de 1 personne Ensemble des cadres Toute l’entreprise
retraite intermédiaires
Unité d’un 3 personnes Ensemble des cadres Ensemble de l’entreprise
opérateur dirigeants (200 personnes), puis unités
télécom limitrophes »
(1 000 personnes)
Direction du 6 personnes Le lendemain de la première Tout le service
marketing d’un formation tous les services
opérateur de l’entreprise en avaient
entendu parler.
• IDENTIFIER UN BLOCAGE
1. Sur cette tendance à économiser son intellect, voir par exemple les travaux du chercheur en
psychologie R. Cialdini : Influence, Science and Practice, Allyn and Bacon, 2000.
Hypothèses implicites
+
Aspirations
Justification (logique apparente)
Faits
Le rôle de la justification est de mettre en conformité l’interprétation
des faits avec les hypothèses implicites et les aspirations (= maintenir le statu quo)
= Vérité initiale
3. Voir par exemple l’attitude du Roi de France avant la bataille de Bouvines in Duby,
Georges : Le Dimanche de Bouvines, Le Seuil – Points Histoire, 1985.
4. Quy Nguyen Huy dans « In praise of middle managers » (Harvard Business Review,
septembre 2001) attribue aux dirigeants intermédiaires les qualités suivantes : des idées utiles à
l’entreprise, qu’ils savent mettre en œuvre ; la capacité d’utiliser les réseaux informels de
l’entreprise nécessaires au maintien à long terme d’évolutions importantes ; une sensibilité à
l’humeur ambiante qui leur permet de faire que l’allure de mise en œuvre du changement ne
faiblisse pas ; l’aptitude à gérer la tension entre changement et continuité qui évite à l’organi-
sation un déséquilibre.
« Effet domino »
En pratique, il faut repérer un groupe aussi petit que possible, situé
en périphérie et qui souffre du mal général de l’entreprise (sans savoir
d’où il vient). Attention : une unité qui n’est pas consciente de diffi-
cultés, même si elles sont réelles, ne fera preuve d’aucune motivation,
elle demeurera immobile.
Par ailleurs, la résolution de son problème devra susciter un effet
d’entraînement maximum.
Une suggestion de point de départ : un service mal en point, sujet
au dysfonctionnement, et dont les problèmes sont connus de tous.
Pourquoi ? Parce que l’impact en cas de réussite sera énorme, et qu’il
sera nul en cas d’échec (il sera attribué aux défauts bien connus de
l’unité).
Ensuite, il faut constituer la « boule de neige » en soudant la
première task force et commencer à la faire rouler en éliminant les
blocages qui la retenaient (blocage psychologique et manque de
moyens), en particulier, on lui propose une méthode de résolution de
son problème perçu qu’elle reconnaît comme efficace 5 mais qui, de
plus, va explorer en profondeur les sources de blocages : c’est ce que
nous appelons une « méthodologie ambulatoire », la prochaine partie
est consacrée à ce sujet.
Puis on doit l’aider à prendre de la vitesse en la protégeant (« envi-
ronnement séparé ») et en l’encourageant (stimulation). Quand elle
aura fait tomber l’obstacle qu’elle avait en point de mire, l’effet
d’entraînement sera devenu très fort et il est probable que de nouvelles
« boules de neige » se formeront spontanément : les autres équipes,
dubitatives jusque-là, verront apparaître une solution à leurs maux et se
porteront alors volontaires pour imiter les pionniers.
5. Ce qui demande de comprendre sa « logique », ce que l’on peut faire, par exemple, en utili-
sant la méthode « d’analyse stratégique » présentée au chapitre 6.
Apprentissage
En fait, il ne suffit pas de réussir à déclencher une avalanche, il faut
aussi correctement l’orienter : elle doit intégrer les « é volutions de
logique » nécessaires pour que l’organisation devienne efficace. C’est
ce qui permet de définir l’exercice d’apprentissage.
Par exemple : si l’on veut qu’une organisation se pénètre des enjeux
de l’entreprise, on s’arrangera pour faire collaborer des représentants de
la direction générale et des autres métiers de l’entreprise au sein d’un
projet à gros enjeu.
Bref, il ne faut pas attaquer le problème tel qu’il est mais tel qu’il est
perçu par l’organisation, et il faut lui apporter un outil qu’elle estime
efficace. Il faut « entrer dans la logique de l’organisation ».
Montrer comment répondre à son attente tout en étant efficace est le
but du prochain paragraphe.
L’analyse externe
Les concepts
Critiques de la méthode
Cette méthode est critiquée comme n’étant pas moderne, pas adaptée
aux « nouvelles technologies », à « l’innovation radicale », etc. C’est
difficilement compréhensible car, avant de modifier un marché, il faut
commencer par comprendre comment il fonctionne et comment il est
susceptible d’évoluer.
Ainsi, la voiture a fini par remplacer le fiacre, mais elle a été long-
temps en concurrence avec celui-ci (ou, plutôt, complémentaire) ; le
Bœ ing 747 a été une évolution radicale, mais il a dû se substituer à
d’autres types d’appareils dans les flottes aériennes ; Swatch a intro-
duit un nouveau concept de montre, mais la dépense qu’elle représente,
son usage… , entrent en concurrence avec d’autres usages, d’autres
dépenses…
Croire qu’ils sont seuls au monde, qu’ils vont bouleverser les lois de
la nature est le défaut de bien des entrepreneurs (et des technologues).
Le meilleur service que l’on peut leur rendre est de leur expliquer qu’il
leur faudra longtemps pour s’imposer, et qu’il est prudent de tenir
compte des forces en présence. La difficulté qu’ils vont alors rencon-
trer est d’identifier correctement leur futur environnement concurren-
tiel. Une fois qu’ils le connaîtront, la méthode de Porter sera parfaite
pour l’analyser.
L’analyse interne
Les concepts
La chaîne de la valeur
2. Ibid.
On constate que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, une petite boutique peut
résister à une grande entreprise. Quelles sont les méthodes utilisées ?
Soit un marchand de journaux affrontant une grande surface.
C’est la relation client qui est déterminante : la stratégie de la plupart des marchands de
journaux cherche principalement à fidéliser les clients qui entrent chez eux (les stratégies
visant à attirer le client dans la boutique sont peu développées, elles se limitent essentiel-
lement à présenter des devantures attrayantes, à mettre en valeur les grands titres des
journaux). Comment font-ils ? Ils jouent beaucoup sur les « petites attentions » : ils obser-
vent les habitudes de leurs clients, mettent de côté un titre, si le client semble ne pas avoir
pu venir ; ils vont aussi assez loin pour lui rendre service, par exemple cherchant pour eux
des titres difficiles à trouver (journal de la naissance d’un enfant).
Les caractéristiques du propriétaire (sympathique) et le positionnement de la boutique
(beaucoup de personnes passent à proximité, à des heures favorables, possibilité de
s’arrêter, etc.) sont aussi très importants.
Le reste doit être « correct », sans chercher à rivaliser avec les services d’une grande
surface.
À noter que le moteur de la réussite est la détermination : le travail de diffuseur de
presse est pénible, seules les personnes qui ont l’énergie et l’enthousiasme nécessaires
peuvent réussir. Un exemple d’une compétence clé qu’il est difficile de développer.
L’imprévisibilité de l’avenir
gêne l’analyse stratégique moderne
Pour la plupart des universitaires spécialistes de la stratégie, le travail
de l’entreprise peut-être réduit à une application servile des idées du
dirigeant (cf. la notion de « facteurs critiques de succès »). Certes, la
vision classique d’un monde prévisible, d’un avenir planifiable, a été
remplacée par celle d’un univers sur lequel on doit imposer sa marque,
mais les chercheurs nient souvent le fait qu’il est fondamentalement
imprévisible et qu’appliquer à la perfection une stratégie fausse est une
recette du désastre.
Mais comment faire autrement ? C’est ce que nous allons voir dans le
prochain chapitre. Voici maintenant en guise de conclusion, deux prin-
cipes essentiels.
3. Bien entendu, la remise en cause ne doit pas être continûment manifeste sous peine de
bloquer l’organisation, l’incertitude paralyse.
4. Carroll, Paul : Big Blues, The Unmaking of IBM, Crown, 1993.
5. Wallace, James et Bill Erickson : Hard Drive : Bill Gates and the Making of the Microsoft
Empire, National Bestsellers, 1993.
Mais l’usage des techniques à effet de levier n’est pas réservé aux
seules grandes manœ uvres de direction générale. Leur force est de
donner à chacun le pouvoir de faire changer son environnement et de
combattre les dysfonctionnements qui empoisonnent sa vie, les frotte-
ments qui épuisent l’entreprise et face auxquels le dirigeant est
impuissant 6.
La seconde étape de la réforme consiste à diffuser le savoir-faire
acquis lors de la première, de manière à ce qu’il puisse être utile à une
optimisation du fonctionnement des constituants de l’entreprise. Cette
responsabilisation ne s’apparente pas à l’anarchie : elle est prudente et
encadrée. Les spécialistes de la « cellule d’animation » vont progressi-
vement aider les membres de la société à prendre conscience de ce qui
gâche leur vie, puis à comprendre qu’il est possible de faire évoluer les
choses pour le mieux, sans pour autant déplacer ciel et terre et faire
intervenir la direction générale. L’animation peut être réalisée par la
« cellule d’animation » ou par un « animateur local », sous la supervi-
sion des experts internes.
L’EXPÉRIENCE DE LA PRATIQUE
Chapitre 8
Effet de levier et stratégie
Faire partager une stratégie à une organisation
Si la stratégie d’une société est peu connue, elle est encore moins
comprise. Les quelques « bons élèves » qui sont capables d’épeler la
vision de leur direction générale, sont souvent bien en peine lorsqu’on
leur demande ce qu’elle signifie concrètement (T30).
T30
Exemple d’une stratégie mal interprétée La nouvelle stratégie
ne se traduit pas
La direction générale d’une entreprise nouvellement
acquise se rend auprès du siège de sa maison mère afin dans les actes
de recueillir son expérience de la mise en œuvre de sa
stratégie « d’orientation client ». Quant à la traduction en
Une longue discussion avec le directeur marketing
actes des discours des diri-
débouche sur une recommandation unique : « faites des
geants, l’échec est complet.
groupes de clients ». Un autre dirigeant s’excuse et
Dans une écrasante majo-
explique que la stratégie de la société a été définie par un
rité de cas, les compor-
cabinet de conseil en communication et que ce dernier est
mieux placé que lui pour parler de stratégie. tements des membres
Plus tard, la société rencontre un cabinet de conseil qui
de l’entreprise ne sont
vient de mener, pour un fournisseur de la maison mère,
pas influencés « naturelle-
une étude portant sur les attentes de ses clients. Elles
ment » par une nouvelle
sont présentées sur un tableau à deux axes qui montre
stratégie. En fait, les sala-
la maison mère détachée de ses concurrents : alors que
pour eux seul le prix compte, pour elle la considération
riés s’adaptent (en résis-
que lui témoigne son fournisseur paraît plus importante
tant) à l’évolution de leur
que tout autre critère, ce qui donne d’elle l’image d’un
benêt bon à tondre.
environnement immédiat
que la stratégie a mis en
À ce point, la filiale commence à se demander si, sur un
branle. Cette adaptation n’a
marché où les marges sont faibles, le message d’huma-
souvent pas grand chose
nisme de la direction du groupe n’a pas été mal interprété
par ses cadres. à voir avec l’orientation
initiale.
Par exemple, un dirigeant décide de limiter l’intervention de consul-
tants externes, de façon à forcer ses dirigeants opérationnels à
comprendre leur marché par une expérience directe. Conséquence ?
Une génération spontanée de structures internes de consulting, des
unités locales relativement modestes pouvant aller jusqu’à créer – pour
leur usage exclusif – des centres d’appels d’une taille comparable à
celle des entreprises privées du secteur.
La justification donnée par les opérationnels est d’ailleurs apparem-
ment conforme aux idées de leur dirigeant : le marketing devenant une
orientation dominante de la société, cela doit se traduire dans les faits.
Le nouveau président d’une grande entreprise rend visite à ses équipes, mais ne trouve
personne : pause café. Le lendemain, il a fait supprimer toutes les machines à café. Le jour
suivant, une génération spontanée de cafetières individuelles a fait son apparition.
Le temps de travail n’a probablement pas profité de ce changement, par contre la
communication interne peut en avoir pâti. Plusieurs études montrent que les machines à
café collectives, par les échanges informels qu’elles permettent, sont un bien pour
l’entreprise.
Un autre dirigeant décide une offensive en direction d’une « vieille garde » (qui est encore
relativement jeune : l’entreprise n’a pas 10 ans) qu’il juge rétrograde. Il publie une stratégie
qui lui semble ne pouvoir que mettre en défaut ces dirigeants. Renseignements pris, ceux-ci
ont extrait de ses déclarations ce qui justifiait la ligne qu’ils suivaient depuis des années.
La direction d’une banque estime que son service courrier, qui gère sa correspon-
dance, n’a plus de raison d’être et doit être « éclaté » au sein des différents départements
de l’entreprise.
Le responsable du service, trouvant cette décision ridicule, décide de résister. Il profite
des formations internes pour faire de la publicité à son unité auprès des responsables
de l’établissement. Parallèlement, il spécialise ses équipes de manière à améliorer la
qualité de leur production, sa flexibilité (ce qui lui permet d’entrer sur le « marché » des
documents en langues étrangères nécessaires aux filiales de la société) et tirer partie des
nouvelles possibilités de la PAO qui commence à arriver.
Le service devient rapidement irremplaçable et, non seulement le projet de le dissoudre
est abandonné, mais on finit par lui adjoindre d’autres unités. Après quelques années, sa
taille a doublé.
Dans ce cas, il est possible que la résistance au changement ait été bénéfique, elle a
démontré qu’il y avait un effet d’échelle dans le traitement du courrier. C’est aussi un
exemple de ce que la conduite du changement n’est pas toujours menée par les dirigeants.
1. Ces phénomènes ont fait l’objet d’études systématiques par les psychologues (voir Robert
Cialdini : Influence : Science and Practice, Allyn and Bacon, 2000 ; Psychologie sociale, sous
la direction de S. Moscovici, PUF, 1998).
2. Une image prise à R. Cialdini, op. cit.
3. Pour une analyse des mécanismes humains de prise de décision, voir March, J. G. : A Primer
on Decision Making, Free Press, 1994.
Les indicateurs doivent être adaptés aux personnes qui vont les utiliser
5. « The Balanced Scorecard : Measures that Drive Performance », Harvard Business Review,
janvier-février 1992 ; « Putting the Balanced Scorecard to Work », Harvard Business Review,
septembre-octobre 1993 ; « Using the Balanced Scorecard as a Strategic Management
System », Harvard Business Review, janvier-février 1996.
6. Voir premier chapitre de cette partie.
7. Une tendance naturelle est de prendre des objectifs internes : améliorer la qualité de la
production, augmenter les rendements… alors que ça peut n’avoir aucun intérêt pour les
affaires de la société.
Un dirigeant général veut mettre en place des indicateurs, notamment parce que les
contrats de ses collaborateurs prévoient une rémunération à l’objectif alors que, faute
d’idée très claire sur la procédure d’évaluation à adopter, depuis deux ans les salaires
versés correspondent aux objectifs maximaux.
Un travail sur ses préoccupations donne deux sujets d’inquiétude : l’atteinte d’un
EBITDA 8 négocié avec ses actionnaires en fin d’année, objectif que le peu de considé-
ration manifestée par ses équipes pour les budgets prévisionnels de la société menace
(pourtant l’avenir immédiat de la société et de son management en dépend) ; la mauvaise
ambiance de travail lors des nombreuses réunions de comité de direction.
Il est suggéré de choisir comme indicateurs pilotant les rémunérations : l’EBITDA
général, le respect des différentes lignes de budget concernant une direction (dépenses
d’investissement, d’exploitation, revenus) en plus de notes de « bonne compagnie », attri-
buées à un dirigeant par ses pairs.
Le modèle est paramétré par négociation avec les intéressés.
À la grande satisfaction du directeur général, ces mesures produisent une améliora-
tion immédiate. En outre, les dirigeants mettent au point avec leurs collaborateurs les plus
proches un système d’objectifs répondant à la même philosophie.
On peut tirer deux enseignements de cet exemple : définir une stratégie demande
avant tout du bon sens. Ainsi, une société qui a le dos au mur doit s’extraire de cette
mauvaise passe et n’a pas de temps à perdre en subtilités ; déduire des objectifs opéra-
tionnels ne demande pas obligatoirement une mécanique pesante.
Dans le cas de cet exemple, faire appel à un processus à haute visibilité tel que les
« Balanced scorecards » aurait paru un gaspillage de temps inadmissible aux opéra-
tionnels, et même un luxe inutile, preuve de l’insensibilité de leurs dirigeants, d’une incom-
préhension des urgences de la société.
Début 2000, une société de la nouvelle économie très endettée se penche sur son
avenir. Deux scénarios se dégagent : la croissance des bourses mondiales est spécula-
tive ou non.
Il existe des explications rassurantes de leur vigueur (gains de productivité excep-
tionnels dus à la Nouvelle Économie qui expliqueraient une augmentation de la valeur
des entreprises), ainsi que des éléments laissant entrevoir un atterrissage en douceur.
Mais l’analyse du mécanisme montre qu’aucune des méthodes classiques d’évaluation
des sociétés ne fonctionne plus, qu’il y a des effets d’entraînement mécaniques, qu’il
existe des travaux scientifiques solides qui indiquent que l’investisseur est non rationnel et
que le phénomène vécu ressemble à s’y méprendre aux précédentes bulles spéculatives.
En cas de crash, la société court un risque important, car elle est loin de l’équilibre
financier. Elle peut donc soit être mise en faillite, soit être rachetée par un concurrent, qui
va certainement diminuer vigoureusement ses effectifs.
Que faire ? Quelques idées émergent : réduire de manière drastique le besoin de liqui-
dités (ce qui peut être réalisé en abandonnant un développement en cours, prometteur,
mais très consommateur de ressources) ; assurer des sources de financement annexes ;
développer l’image de marque de la société.
Cette dernière idée a plusieurs justifications : 1) une bonne image de marque est rassu-
rante pour les investisseurs, 2) c’est aussi une garantie pour l’équipe de direction (on ne
change pas une équipe qui gagne), 3) c’est un contrepoids à une mauvaise nouvelle.
Cet exemple illustre aussi les forces et les faiblesses de l’approche :
Les mesures du scénario « bulle » sont applicables au scénario « non bulle ». Certes,
elles réduisent peut-être le potentiel à long terme de la société, mais elles n’entraînent pas
de très importantes baisses de retour sur investissement. En revanche, elles diminuent
ses risques de manière déterminante.
Ces remarques n’ont pas été immédiatement suivies d’effet mais, quand la crise s’est
présentée, la société s’est restructurée beaucoup plus rapidement que ses concurrents,
ce qui lui a valu une fusion honorable.
Pour aller plus loin il aurait fallu attaquer les schémas implicites de pensée des diri-
geants (voir plus bas) qui n’ont pas été suffisamment ébranlés pour qu’ils mettent immé-
diatement en œuvre les décisions adéquates.
9. Voir par exemple Hamel et Prahalad : Competing for the Future, Harvard Business School
Press, 1996.
Courtney, Kirkland, Viguerie 10 expliquent qu’une stratégie en milieu incertain se définit en analy-
sant le niveau d’incertitude dans lequel on se trouve, en choisissant une stratégie et une position
stratégique :
Typologie des niveaux d’incertitudes
Avenir clair Un scénario possible
Plusieurs alternatives Plusieurs scénarios possibles
« Segment » de possibilités Une gamme continue de scénarios
Ambiguïté totale Aucune base pour prévoir
Typologie des positions stratégiques
Pari Gros investissements, risques importants, retour sur investissement
considérable
Option Maximiser les chances de gagner beaucoup dans un scénario favorable,
tout en limitant les éventuelles pertes
« no regret moves » Solution qui n’a que des aspects positifs
Typologie des stratégies
1. Façonner l’avenir Modifier les données du jeu
2. S’adapter Être suffisamment flexible pour pouvoir sadapter aux
évolutions
3. Se réserver le droit de jouer Il s’agit d’investir suffisamment pour pouvoir jouer un rôle clé
La méthode en fonction des cas
Une gamme continue
Un scénario possible Plusieurs scénarios Ambiguïté totale
de scénarios
Méthodes analytiques Identifier les différents Se limiter à ce qui est le Réduire l’incertitude au maximum.
traditionnelles scénarios et leurs déve- plus probable, déve- Déterminer les paramètres clés.
loppements potentiels lopper quatre ou cinq Rechercher des analogies avec des
Identifier les facteurs scénarios situations connues.
annonciateurs, faire « remarquables »
une veille Identifier les facteurs
annonciateurs, faire
une veille
1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3
Volonté de Stratégie Le but Stratégies Faire Stra- Avoir une Investir Stratégie
transformer habi- est de simples car bouger le tégie vision et une dans des risquée :
le secteur. tuelle. faire les événe- marché clas- crédibilité capacités (une
Demande « No arriver un ments dans une sique permettant organisa- multipli-
de faire des regret scénario déclen- direction d’aligner les tionnelles cation
« gros moves » favorable cheurs sont favorable autres acteurs d’options
paris » facilement derrière son est
visibles point de vue coûteuse)
Sadapter demande d’investir dans des capacités organisation-
nelles flexibles et un accès rapide aux meilleures informations
Dans ces situations, « façonner » a pour but de faire diminuer l’incertitude
11. Schoemaker : « Scenario Planning : a Tool for Strategic Thinking », Sloan Management
Review, hiver 1995.
12. C’est le fameux battement d’aile du papillon qui peut créer un cyclone. Par contre, une
cause macroscopique aura un impact du même ordre de grandeur qu’elle. Tout ceci appartient
à la théorie du chaos, voir Ekeland : Le chaos, Flammarion, coll. « Dominos », 1995.
Enfin, cette approche n’est pas réservée aux employés, elle offre une
solution « politiquement correcte » pour mettre au jour et résoudre des
différends entre dirigeants que l’on n’ose pas évoquer (T36).
• UN BILAN INQUIÉTANT
1. Ryan, Hugh W. : « Projet de taille, projet sans faille », Outlook, volume XXI.1.
2. « A Lemon Law for Sotware ? », The Economist, 16 mars 2002. Le coût de la mauvaise fiabi-
lité des logiciels y est estimé à 100 milliards de dollars pour les USA, en 2001.
3. Alan Fustec cité dans « À bas les murs, vive les briques », Le Monde Informatique, 24 mars
2000.
4. Lewis, Palmade, Regout et Webb : « What’s Right With the US Economy », The McKinsey
Quarterly, numéro 1, 2002.
Michel Volle, qui préside le Club Maîtrise d’ouvrage, constatait lors d’une conférence,
début 2002, que les coûts des systèmes d’information étaient difficiles à connaître
(« aucune entreprise ne gère bien ses coûts »).
Il estime que sur les 4 à 5 000i par personne et par an que représente un système
d’information, un tiers simplement est connu et c’est lui qui fait l’objet de tous les soucis,
« du coup on oublie les tâches liées aux coûts », ainsi les aspects humains et organisa-
tionnels sont oubliés : coûts de maîtrise d’ouvrage (estimés par lui à 25 % du coût total),
formation, interface utilisateur…
De même, on ne se soucie ni de la qualité de l’infrastructure, ni des stocks informa-
tiques, ni du bon usage des outils disponibles, par exemple une meilleure connaissance
des fonctionnalités offertes par les tableurs éviterait des achats de logiciels très coûteux.
Le fait que « les décideurs n’y connaissent rien », « manquent d’intuition, manquent de
sensibilité » n’arrange rien car ils n’influent pas sur des décisions, même non techniques,
qui pourtant engagent irrémédiablement l’avenir de leur système d’information et de leur
entreprise.
Cette démission se paie chèrement : une entreprise qui a grandi par croissance
externe sans être concernée par ses systèmes d’information va se trouver dans l’impossi-
bilité de mettre en place un projet novateur qui concerne l’ensemble du groupe, faute de
compatibilité entre les systèmes de ses unités ; comment faire pour « mettre le client au
centre de l’entreprise », quand celui-ci n’est connu que par son numéro de téléphone ?…
Il semble d’ailleurs impossible d’aborder de manière non passionnée ce sujet : les ques-
tions de technologies informatiques se superposent aux luttes internes, un système fédé-
rateur pouvant être vu comme une menace par des « potentats locaux ». Il suscite le
« corporatisme » : lors des discussions budgétaires, chaque dirigeant défend avec âpreté
ses projets, c’est une « défense de leurs plates-bandes ». Tout ceci est encore compliqué
par l’« autisme » des informaticiens et l’idée reçue selon laquelle seuls les experts ont droit
à la parole. « La logique n’est pas suffisante… il faut mettre de l’ordre dans les têtes ».
Michel Volle propose de mettre « une structure d’expertise » à côté du dirigeant, pour
veiller aux évolutions informatiques et l’assister dans sa prise de décisions.
Enfin, il constate qu’il semble y avoir un optimum de dépense informatique et qu’aller
au-delà n’est pas sage.
Une société doit remplacer un matériel qui se trouve chez certains clients. Le nouveau
matériel n’a qu’une durée de fonctionnement d’une semaine. Au-delà, des droits défi-
nitifs doivent lui être accordés. Les agences locales responsables du pilotage de l’opéra-
tion doivent donc communiquer ces changements à leur siège et celui-ci doit procéder au
traitement des informations, le tout en moins d’une semaine.
Le directeur technique de l’entreprise montre alors que la procédure actuelle de trans-
fert de dossier agence/siège est trop lente. Il préconise l’établissement d’un lien « temps
réel » entre les 50 agences et le siège (qui communiquent aujourd’hui par courrier), ce qui
signifie informatisation, installation de liaisons louées avec son centre parisien, formation
de ses personnels…
Cette proposition, qui est quasiment acceptée, pose cependant deux problèmes :
l’investissement est lourd, or la société, en situation critique, doit contrôler ses dépenses ;
le processus (équipement informatique, travail d’intégration, formation…) risque de ne
pas être mis en route dans le temps imparti (un mois).
Deux heures d’analyse du processus montrent qu’un délai de cinq jours entre
commande et traitement est acceptable, et qu’une légère évolution des procédures
actuelles (essentiellement passage d’une « enveloppe T » à un affranchissement normal)
résout le problème à peu de frais.
Développer un logiciel
5. Maguire, Steven : Du code et des hommes, stratégies de suivi de projet, Microsoft Press,
1995.
Comprendre la logique
de l’informaticien T43
La « Loi de Brooks »
pour le faire évoluer
Nous avons tous ren- Frederick Brooks 6, l’architecte des premiers grands
systèmes d’exploitation d’IBM, insiste, dans un ouvrage
contré le « role model » de qui a plus de 30 ans, sur l’importance des phases de
l’informaticien : les uni- spécification (qui conditionnent 70 % des coûts, esti-
versités, les entreprises… , ment-on généralement) et de test par rapport au dévelop-
comptent des program- pement (qui ne représente que 1/6e du temps total suivant
meurs admirés, les livres Brooks) à proprement parler.
nous présentent les aven- Brooks a aussi formulé une « loi » : « ajouter des
hommes à un projet ne fait qu’empirer les choses ». Un
tures des fondateurs de développement ne peut être subdivisé à l’infini, certaines
Microsoft, de Sun Micro- tâches sont séquentielles, les coûts de communication
systems, etc. (formation, échanges) augmentent comme le carré du
Qu’ont-ils en commun ? nombre d’intervenants.
Ces créateurs sont des Or, quel est le chef de projet, en retard, qui ne
demande pas toujours plus de ressources ? D’ailleurs,
marginaux qui, parfois ne l’article cité plus haut identifie même une dérive trou-
terminent pas leurs études blante : « … sur nos plus grands projets avec nos clients
mais finissent par triom- en effet, les effectifs ont grimpé de 50 % en 10 ans à
pher grâce à leur capacité peine ».
exceptionnelle de travail
et à leur génie (tout en
7. C’était la méthode de travail de Bill Gates, à ses débuts (voir Wallace, James et Bill
Erickson : Hard Drive : Bill Gates and the Making of the Microsoft Empire, National Best-
sellers, 1993.)
8. Voir par exemple Myers, Glenford J. : The Art of Software Testing, Wiley, 1979.
T44
Règles de conduite d’un projet informatique
9. Voir, par exemple, Tabrizi et Walleigh : « Defining next generation products : an inside
look », Harvard Business Review, novembre-décembre 1997.
Quelles sont les causes de cet accident et, pour commencer, qu’est-ce
que le CRM ?
Bien que « Customer Relationship Management » veuille dire
« gestion de la relation client », on désigne désormais le plus souvent
par ce terme un progiciel qui faisait de magnifiques promesses :
✔ d’une part, il gérait l’interface avec le client, soit en direct (via un
« portail » Internet), soit par l’intermédiaire des réseaux de distri-
bution, des centre d’appels… , de l’entreprise, permettant ainsi de
10. « Avoid the four perils of CRM », Harvard Business Review, février 2002.
11. À la mi 2002, les ventes de CRM étaient en chute libre.
12. Voir la biographie de Taylor par Robert Kanigel : The One Best Way, Penguin, 2000.
13. Voir Hagel et Singer : Net Value, Harvard Business School Press, 1999.
14. La mécanique quantique et la relativité ont été inventées de son vivant.
15. Voir l’analyse de Michel Crozier : Le mal américain, Seuil, 1981.
16. Thomas Davenport, le Directeur de l’Institute for Strategic Change d’Accenture, un grand
cabinet de conseil, est extrêmement clair sur ce point dans son livre Mission Critical, Harvard
Business School Press, 2000. D’ailleurs il appelle les ERP des « processware ».
17. Business Case : Siebel Systems (A), Harvard Business School, 18 novembre 1998.
Cette technique a été utilisée avec succès par quelques pionniers dans
le cadre du déploiement d’Intranet dans des collectivités territoriales,
dans la promotion d’Internet auprès des écoles… , On y reconnaît le
principe de « l’effet domino » qui est la base de « l’effet de levier » :
proposer une solution « frappante » à un besoin fortement perçu et
susciter l’intérêt et la généralisation, déclencher ainsi un phénomène
d’entraînement qui va faire passer le « leader » du projet du rôle de
moteur à celui de « coach ».
En fait, les implications de cet exemple dépassent de beaucoup le
cadre informatique, elles éclairent l’attitude de l’homme face au chan-
gement et les raisons de sa résistance :
Une chaîne de fabrication de bouteilles : il faut un à deux ans pour qu’un nouveau
four et à la chaîne qui est placée derrière lui (et qui sert essentiellement au contrôle
qualité) atteignent leur niveau nominal de fonctionnement ; l’ensemble a une durée de vie
de cinq ans. Les cadences sont telles qu’il faut beaucoup moins de temps pour fabriquer
une petite série que pour procéder à un changement de production.
Le four est en fonctionnement permanent, sa marche est affectée par les changements
de production.
Or, cette industrie doit faire face à des modes, à des petites et grandes séries et surtout
à des pics de demande extrêmement difficiles à prévoir. Les marges sont très faibles
(quelques pour cent), les coûts multiples et difficilement compressibles (rien que le coût
de transport s’établit à près de 10 % des coûts totaux, l’emplacement des usines par
rapport aux routes et aux sens des flux de transport de marchandises pouvant donner un
avantage concurrentiel déterminant).
Comment ces usines arrivent-elles à être flexibles ?
La recette du succès n’est pas dans la machine, dont les capacités d’adaptation sont
très réduites (le critère dimensionnant est la vitesse), mais dans l’organisation humaine :
les circuits de décision entre le client et l’usine sont très courts ce qui permet une négo-
ciation permanente entre ce que peut produire l’usine ou ce qu’elle a en stock et ce que
veut le client (dont le choix n’est jamais totalement arrêté et peut être influencé par la
perspective d’une promotion, d’un délai réduit, d’un design original…).
En outre, ce lien étroit permet une créativité dans les moyens à mettre en œuvre. Les
temps de changement de fabrication, par exemple, peuvent être réduits si la forme du
produit demandé est « proche » de la forme actuellement fabriquée.
Enfin, toutes les rigidités doivent disparaître ce qui impose que l’ensemble de l’organi-
sation partage les mêmes objectifs : par exemple des divergences patronat/syndicats ne
sont pas possibles avec de telles contraintes.
• L’ANALYSE DE LA VALEUR
Un monde hostile
T55
Deux exemples de l’utilité de demander « pourquoi ? »
Un chef d’équipe appelé pour reprendre en main un projet qui a pris un important retard
(il dure depuis trois ans alors qu’il devait être fini deux ans plus tôt), met en questions ses
hypothèses fondatrices. Ce qui l’amène à découvrir qu’il est basé sur une technique qui
n’est pas mûre, d’après ce que l’on peut tirer de l’analyse de toutes les études publiées
sur le sujet.
Le manager initiateur du projet se justifie en expliquant qu’il espérait ainsi réaliser une
première.
Le changement des hypothèses de départ permet de mettre au point les algorithmes
nécessaires en une semaine.
Ces deux exemples montrent l’intérêt de s’interroger sur les raisons réelles qui pous-
sent une personne ou une organisation à mener une tâche d’une certaine façon : ainsi, on
peut éliminer avant qu’il ne soit trop tard des divergences d’objectifs qui auraient pu avoir
des conséquences désastreuses.
• LE CONTRÔLE QUALITÉ
Le Reengineering
T58
Les principes fondateurs du Reengineering
L’idée de Michael Hammer 9 est que les entreprises se sont solidifiées autour de prin-
cipes issus des aléas de leur histoire et qu’il faut remettre l’ensemble à plat de manière
radicale.
En particulier, l’organisation doit être revue à la lumière des technologies de l’informa-
tion, un outil puissant qui n’existait pas à la naissance de beaucoup d’organisations.
Leur utilisation permet la restructuration des processus de l’entreprise dans 6 directions :
1. Faire réaliser l’ensemble des tâches d’un processus à une seule personne (ne plus
faire de travail parcellaire).
2. Faire exécuter un processus par ceux qui en utilisent le résultat, ce qui en simplifie
la gestion.
3. Inclure le travail de traitement de l’information dans le processus de génération de
cette information.
4. Coordonner et créer des liens entre fonctions parallèles et séparées.
5. Les personnes qui réalisent le travail doivent être autonomes, avoir la responsabilité
des décisions et de leur propre contrôle.
6. Ne pas saisir plusieurs fois la même information.
L’auteur est conscient de « l’énorme effort » que demande ce travail et de ses risques :
« Le Reengineering ne peut pas être méticuleusement planifié et réalisé en petites étapes
prudentes, c’est du tout ou rien avec un résultat incertain. »
Ces mises en œuvre sont maladroites mais elles sont fidèles à l’esprit
de la méthode de Michael Hammer. En particulier, ce qui précède
correspond à son principe de suppression des tâches parcellaires.
Le reengineering, en fait, n’est pas le fils de Hammer mais celui de
Taylor et, sous cet angle, son échec est riche d’enseignements. Taylor
estimait implicitement que toutes les tâches de ses procédures étaient de
même nature, le reengineering (et le CRM) ont montré que cette hypo-
thèse était fausse : une tâche administrative demande des talents diffé-
rents de ceux exigés par une tâche commerciale.
D’ailleurs, la méconnaissance des besoins du client soulignée dans le
premier exemple a probablement la même cause : le Taylorisme oublie
les contingences humaines, et il le paie par l’échec des modes de mana-
gement qu’il suscite, qui ne sont que des déguisements différents d’une
même idée.
14. Lewis, Palmade, Regout et Webb : « What’s Right With the US Economy », The McKinsey
Quarterly, numéro 1, 2002.
15. Béranger : Les nouvelles règles de la production, Dunod, 1987.
• LE MODE PROJET
16. Le chapitre 8 explique comment apporter cette motivation à l’organisation, à moindre coût,
par « effet domino ».
17. Voir le livre déjà cité de Thomas Davenport : Mission Critical, Harvard Business School
Press.
Historique du CVM
Le Customer Value Management (CVM) ou « gestion de la valeur
client » a été populaire à la fin des années 90, dans la vague des tech-
niques « d’orientation client » (cf. le CRM). Voici un bref rappel de ses
origines.
Comme on l’a vu, la fin de la période de reconstruction d’après
guerre a mis les principes du taylorisme dans l’embarras : les entre-
prises occidentales n’avaient pas la souplesse qu’exigeait désormais le
marché. Peut-être n’était-il pas suffisant de proposer une production de
qualité 1 ? Fallait-il aussi qu’elles satisfassent le client ? Les directions
de la Qualité ont donc lancé des « études de satisfaction » (sondages),
souvent liées, en Europe, à l’obtention de l’accréditation Iso 9000.
Mais il n’y a pas de lien évident entre satisfaction du client et part
de marché : un client satisfait peut penser que tous les fournisseurs se
valent et un mécontent que tous sont aussi mauvais.
On a essayé de faire entrer la fidélité en ligne de compte, mais ce
n’était pas encore assez.
L’idée de la « mesure de la valeur client » a surgi alors : pour bien
vendre au client il faut comprendre comment il achète 2.
Pour l’étudier, on a fait appel à des études de marché. Les résultats
obtenus montraient maintenant à l’entreprise où aller, comment « gérer
la valeur client » (« customer value management »).
Un synoptique du positionnement relatif de ces techniques suit 3 :
1. Ce qui était l’objectif des mouvements de gestion de la qualité et des normes Iso.
2. L’étape qui aurait consisté à essayer de comprendre ses besoins n’a, cependant, pas été fran-
chie.
3. Gale, Bradley T. : Managing Customer Value, Free Press, 1994.
Exemple d’un calcul de valeur client appliquée à une comparaison entre cartes de crédit
Matrice d’alignement
Le CVM est-il dans une impasse ? Le lecteur a-t-il perdu son temps ?
Que dire alors des nombreuses entreprises qui ont confié leur stra-
tégie à des variantes de cette méthode, convaincues par des consul-
tants qui avaient bâti des modélisations « boîte noire » à partir d’elle,
qu’il suffisait de les paramétrer pour comprendre les volontés de leur
marché ?
C’est un exploit qui est à porter à l’actif de leur art de vente dont on
pourrait dire, comme des sondages, « il est comme la mini-jupe, il
donne des espoirs, mais il cache l’essentiel ».
Mais quel est l’essentiel ici ?
C’est une question fondamentale : « Comment un homme prend-il
une décision ? »
T63
Quelques résultats de théorie de la décision
Le CVM est basé sur une hypothèse taylorienne : l’homme est rationnel. Que veut dire
rationnel ?
Pour l’économiste classique, l’homme maximise son profit à court terme. Ce qui guide
l’homme, c’est l’argent. Bien que ce modèle peine à expliquer pourquoi on peut mourir
pour une idée, il n’a jamais été remis en cause. Il a simplement évolué : l’appât du gain
n’est pas tout, l’homme optimise une « fonction d’utilité » individuelle, pour le CVM c’est le
rapport qualité / prix.
L’objet de la théorie des jeux est de calculer cette fonction. Mais ses prévisions ont
été systématiquement contredites par l’expérience 4. En fait, l’hypothèse d’une fonction
d’utilité est incorrecte.
La théorie de la décision a aussi postulé qu’un choix rationnel suit un algorithme :
construction de la liste des actions possibles, définition d’une méthode de mesure et
évaluation de leurs conséquences, la décision est prise à partir des valeurs calculées.
Mais la rationalité parfaite n’existe pas 5 : comment évaluer toutes les actions
possibles, comment connaître leurs conséquences jusqu’à la fin des temps, savoir ce
qu’est la meilleure solution… ? L’avenir est imprévisible, les connaissances de l’homme
sont limitées, il ne fait pas attention à tout… L’algorithme a été dégradé, c’est devenu la
théorie de la rationalité limitée.
Mais ce n’était pas encore suffisant, il a fallu renoncer à supposer que les critères de choix
de l’homme sont uniquement individuels. Car les obstacles à la rationalité sont multiples :
Pour commencer, le jugement de l’homme est fondamentalement biaisé. Exemples de
biais humains :
La probabilité de survenue d’un événement est évaluée en fonction du souvenir
d’événements similaires.
Les événements marquants sont sur-représentés.
Les événements peu certains sont ignorés.
Le hasard est ignoré, l’homme tend à sur-évaluer l’impact de ses décisions.
L’homme tend à filtrer seulement les informations qui justifient son opinion.
Il préfère les histoires aux explications abstraites.
Il préfère les informations marquantes.
Face à des informations contradictoires, il se limite à une seule possibilité.
Il tend à sélectionner les informations qu’il pense acceptables par la communauté, et à
éliminer les autres (ce qui est vu par les chercheurs comme une technique nécessaire au
maintien de l’édifice social).
4. Voir par exemple Kreps, D.M. : Notes on the Theory of Choice, Westview, 1988.
5. Voir les travaux de March, J.G., op. cit.
6. Sigmund, Fehr, Nowak : « The Economics of Fair Play », Scientific American, janvier 2002.
7. Sur ces sujets, voir les travaux des psychologues de l’influence et notamment Cialdini,
op. cit.
Étape Commentaire
Étape initiale Choisir un segment de marché
Choisir entre 2 et 12 clients, commencer avec des clients
faciles d’accès
Générer une liste exhaustive Considérer l’ensemble du cycle de vie de l’offre
d’éléments d’évaluation
Récolter les données Valeur de chaque élément
Où chercher les données permettant de paramétrer le
modèle ?
Attention au cas particulier des éléments non monétaires
Validation du modèle, Étude complémentaire auprès de clients et prospects
estimation de la variance Repérer les caractéristiques des clients qui affectent la valeur
(permet de repérer les clients pour lesquels l’offre a le plus de
valeur)
Création d’outils de vente Études de cas typiques : description des économies et de la
orientés valeur valeur ajoutée apportées à un client par une offre.
Base d’une approche de vente de type conseil
9. C’est le cas de fournisseurs qui sont partie intégrante des procédures de leur client (sous-trai-
tants des donneurs d’ordre de l’automobile ou de l’aéronautique…).
T65
Grilles d’analyse d’une cellule d’achat
Une analyse d’une cellule d’achat se fait, traditionnellement, en se posant les questions
suivantes (premier niveau de questionnement) :
Processus de choix
Cellule d’achat Type d’achat
d’un fournisseur
Qui constitue la cellule d’achat ? Cette analyse doit s’intéresser Nouvel achat
qui sont les décideurs, influen- aux différentes phases du (favorable à un
ceurs, conseillers… processus d’achat : nouveau
Quel est son mécanisme, les 1. identification du besoin, fournisseur),
« leviers » des membres de la 2. détermination du besoin, réachat modifié
cellule d’achat : quels sont leurs 3. spécification de l’appel (plutôt favorable
objectifs (orientés-entreprise aussi d’offres, à un nouveau
bien que personnels), leurs 4. recherche des fournisseurs fournisseur),
attentes, leurs critères de possibles, réachat (favo-
sélection… 5. examen des offres, sélection rable au fournis-
En particulier, quels sont les freins du fournisseur, seur en place).
au changement de fournisseur et 6. commande,
surtout quels sont les risques 7. évaluation du fournisseur « en
perçus dans cette évolution, fonctionnement ».
quelles assurances doit apporter
un nouveau fournisseur (par
exemple références,
garanties…) ?
10. Voir par exemple Reeder, Brierty, Reeder : Industrial Marketing, Prentice Hall, 1991.
Conception d’argumentaire
Comprendre les courants souterrains qui parcourent la cellule
d’achat n’est pas tout, encore faut-il savoir lui parler. Or, la forme
compte beaucoup plus que le fond dans un rendez-vous commercial.
L’analyse stratégique
Si l’entreprise veut « gagner plus pour le même effort », elle doit
chercher à comprendre ce qui va amener un « prospect » à prendre une
décision en sa faveur. Or les critères de décision d’un homme, d’une
entreprise, sont guidés par quelques règles. C’est le message principal
de ce chapitre.
Mais comment identifier ces règles ?
Par une remarque très simple : chercher à amener une entreprise (ou
un individu) à acheter nos produits n’est rien d’autre qu’une « mise en
œuvre de stratégie ». Bref tout ce que nous avons dit depuis le début de
se livre s’applique !
Par exemple : qu’est-ce qu’une étude de marché ? N’est-ce pas
comprendre la « logique » du marché (notamment la modélisation de sa
décision), son besoin perçu afin de savoir comment organiser les talents
et les produits de son entreprise pour contribuer à le satisfaire ?
Qu’est-ce qui fait qu’un « prospect » n’achète pas un produit ou
qu’un client ne passe pas plus de commandes à son fournisseur, sinon
un « blocage » ?
Le nouveau chef de produit d’un éditeur de logiciel doit concevoir, dans l’urgence, un
plan de développement. Il ne connaît pas le problème à traiter, le marché à analyser est
à 95 % étranger, et il n’a aucun budget d’étude.
Heureusement, il découvre que ses clients ont envoyé plus de 400 « demandes
d’évolution » : des documents, souvent écrits dans un anglais approximatif, qui essaient
de présenter les directions dans lesquelles ils désirent que la société se dirige.
Il découvre aussi que son entreprise détache certains de ses employés chez ses
clients et que ceux-ci peuvent l’aider à déchiffrer ces demandes d’évolution. Il comprend
grâce à eux que toutes se résument à la même chose : le logiciel est sur le chemin critique
de conception de nouveaux produits, or, il n’a pas les performances que demandent les
conditions de concurrence dans lesquelles se trouvent ses clients. Le plan de dévelop-
pement doit donc se concentrer sur ce problème clé, qui est susceptible d’une solution
satisfaisante, pour peu que l’entreprise décide d’y consacrer des moyens suffisants.
La société vient d’embaucher un commercial qui travaillait chez un éditeur concurrent.
Le chef de produit l’interroge : cette nouvelle analyse complète la première.
Il profite alors d’une séance de formation des experts utilisateurs de quelques-uns des
plus importants clients de l’entreprise (d’ailleurs très mécontents de la nouvelle version
du logiciel) pour les consulter sur leur analyse de leur métier et sur les évolutions qu’ils
désirent voir subir au logiciel. Il en profite pour leur présenter son plan d’action : il a fait
mouche.
11. Voir par exemple Regester et Larkin : Risk Issues and Crisis Management, Kogan Page,
2002, dont est tiré l’exemple de Shell.
La stimulation du gain
Les promoteurs initiaux de ces techniques semblent s’être inspirés des travaux du
psychologue Skinner qui estimait que l’on pouvait programmer l’homme en récompensant
les actes que l’on voulait encourager 13. D’ailleurs le commercial n’est-il pas vénal ?
Un thème mobilisateur
Ce qui caractérise un « challenge », c’est un thème, par exemple, la « descente infer-
nale ». Il est lié aux cadeaux que vont recevoir les gagnants (ici ils tourneront autour des
sports d’hiver). Il est choisi en fonction de ce qui motive les commerciaux (dans ce cas, ils
sont jeunes et sportifs), de manière à « ce qu’on en parle ».
Car, le fait « d’en parler » joue un rôle capital dans la stimulation de l’équipe (on
retrouve ici les principes de communication de crise évoqués plus haut : utiliser les
canaux d’information favoris de l’organisation – le bouche à oreille, dans ce cas).
« Build excitement »
La campagne de communication est progressive, son objet est de faire croître l’intérêt
(« build excitement ») : elle est annoncée par des « fuites » de plus en plus précises,
son lancement est fait en grandes pompes, le « challenge » lui-même se joue souvent
par étapes, avec des « sprints » parfois imprévus, des rappels insistants (par exemple le
commercial reçoit chez lui des cartes postales rappelant le thème du « challenge »), une
réunion qui se veut marquante clos la période, son but : donner à l’équipe envie de
recommencer.
Pas de perdants
Les spécialistes expliquent, de manière inattendue, qu’il ne faut pas qu’il y ait de
perdants dans ces « challenges ». Pourquoi ?
Parce que perdre ne stimule pas et, surtout, parce qu’une grosse partie de la stimula-
tion vient de la dynamique du groupe, de la motivation de la concurrence. Une arrivée au
sprint d’un peloton groupé est dans l’intérêt de l’entreprise. Les responsables commer-
ciaux suivent donc de près leurs équipes, afin d’éviter que certains se détachent trop tôt
et que d’autres abandonnent. Ils savent généralement encourager tous les efforts qui vont
dans le bon sens.
Ils cherchent à déclencher un cercle vertueux : la première vente donne confiance au
commercial, le succès l’encourage et il devient de plus en plus performant. Très rapide-
ment, il a oublié toutes ses préventions. Alors, l’aiguillon de la concurrence entre en jeu et,
si il n’y a pas trop de disproportion entre les succès des uns et des autres, la proximité des
participants stimule le groupe.
Institutionnaliser le changement
Cette technique fait que la nouvelle stratégie devient la règle. En outre, en créant des
« périodes de changement » on le rend prévisible, donc non menaçant. Changer devient
une partie intégrante du travail du commercial.
« Effet de levier »
« L’effet de levier » est visible : pour un investissement faible, non seulement la force
de vente apprend à maîtriser une nouvelle offre, un nouveau marché, mais le chiffre
d’affaires de la société augmente (pas de perte d’efficacité) et ce plusieurs fois par an.
Tout le travail fait jusqu’ici n’est rien si l’on n’est pas capable d’en
conserver les gains. Or, de même que l’organisation résiste au change-
ment, elle présente des mécanismes qui réduisent à zéro tout gain
imprévu.
En effet, qui mesure les taux de retour sur investissement des
décisions du dirigeant ? Qui a le souci de vérifier qu’un progiciel de
gestion a bien apporté ce pourquoi il avait été acheté ? Qui s’intéresse
à la rentabilité des acquisitions en dehors des universitaires du
management ?…
Les regards sont fixés sur quelques ratios, tels que le taux de marge.
Si bien qu’en période faste, il n’y a aucun frein à la dépense, même
inconsidérée. D’ailleurs, les budgets des divisions sont souvent calculés
en proportion du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Comment donc protéger les bénéfices apportés par l’amélioration de
l’efficacité de l’entreprise ?
Il suffit d’associer un business plan à tout nouvel investissement et
de le respecter.
Affronter la logique de récupération qui est à l’œuvre dans toutes les
entreprises est inévitable : cela passe par l’application des techniques
de « communication de crise » afin de faire comprendre pourquoi ces
gains ne doivent pas être redistribués à la communauté 14 ou par l’usage
de quelques changements à effet de levier pour faire pénétrer ce
message de bonne gestion dans les pratiques de l’entreprise.
14. Notamment parce qu’ils sont une assurance contre les vaches maigres (Froot, Scharfstein,
Stein : « A Framework for Risk Management », Harvard Business Review, novembre-
décembre 1994), et parce qu’il est logique que l’on ne gagne qu’en fonction de ses mérites.
• DESTRUCTION DE VALEUR
Erreurs d’évaluation
Il semble qu’une acquisition soit systématiquement surévaluée : les
économistes conjecturent que dans une liste d’offres d’achat, la
moyenne est le juste prix, par conséquent le mieux disant paie trop cher.
C’est « la malédiction du vainqueur ».
Ce problème est amplifié par les biais de jugement dont on a vu de
nombreux exemples.
Rappelons notamment que la rareté fait perdre sa logique à l’homme
(l’exemple des enchères pour les licences de téléphonie dites de
3e génération est révélateur) : ce n’est plus faire une bonne affaire mais
la victoire qui compte. D’ailleurs, après coup, le vainqueur peut recon-
naître qu’il a payé trop cher.
« L’irrationalité » humaine, qui explique les bulles spéculatives 2, a
amené de plus en plus d’économistes à remettre en cause une théorie
encore bien établie au début des années 90 selon laquelle la valeur
1. Voir, par exemple Eccles, Lane, Wilson : « Are You Paying Too Much for That Acquisi-
tion ? », Harvard Business Review, juillet-août 1999.
2. Voir par exemple, en ce qui concerne les bulles spéculatives et la bulle Internet en particulier,
Schiller : Irrational Exuberance, Free Press, 2001.
4. Shefrin, H. : Beyond Greed and Fear, Harvard Business School Press, 1999.
Une entreprise achète son concurrent historique. L’intérêt est évident : ce concurrent
a une base installée prestigieuse et surtout complémentaire de celle de son acquéreur,
mais une base vieillissante.
Le contrat signé, rien ne fonctionne : aucun plan d’intégration n’a été prévu, les équipes
se considèrent concurrentes, celles de la société acquise pensent qu’elles sont
menacées, les meilleurs éléments partent immédiatement. Le dirigeant n’a plus de temps
à consacrer au projet.
En outre, le maintien de la base installée est plus difficile que prévu : contrairement à
ce qui était cru la technologie de l’acquéreur ne se substitue pas à celle de la société
acquise, leurs philosophies sont différentes et correspondent à des types de probléma-
tiques et à des marchés différents. Les produits du concurrent le plus redoutable de la
société sont en fait en phase avec ce besoin.
L’acquisition est une opportunité mais pas celle que l’on croyait : elle permet à la
société d’avoir accès à une technologie qu’elle ne maîtrise pas. Il semble donc que le
problème ne soit pas : « comment remplacer un produit par un autre » mais « comment
faire évoluer le produit en retard pour qu’il redevienne compétitif et, éventuellement,
comment faciliter la compatibilité avec son homologue ».
Mais l’entreprise n’est pas prête à un tel projet. Finalement, le discours initial de
convergence entre produits sera maintenu pour calmer les clients mécontents du manque
d’évolution du produit dépassé. La société acquise devenant un simple « pied à terre »
étranger de l’acquéreur.
5. Zollo, Singh, Leshchinskii : « Can Firms Learn to Acquire ? Do markets notice », document
de recherche, 2001. L’acquisition de société a fait l’objet d’un certain nombre de recherches qui
débouchent notamment sur la nécessité de créer un nouveau type de manager spécialisé dans les
acquisitions. En particulier, GE Capital qui a identifié l’acquisition comme une de ses compé-
tences clés dispose de tels personnels. (Cf. Aschkenas et Francis : « Integration Managers »,
Harvard Busines Review, novembre-décembre 2000 et Aschkenas, Demonaco et Francis :
« Making the Deal Real », Harvard Busines Review, janvier-février 1998.)
6. Voir notamment l’article déjà cité : « Corporate Amnesia », The Economist, 20 avril 1996.
7. Une nouvelle preuve de l’inexactitude des thèses de « rationalité » taylorienne évoquées plus
haut dans ce chapitre, ou d’une hiérarchie figée de besoins telle qu’exprimée par la « pyramide
de Maslow ».
8. C’est un principe d’influence, qui tend à faire que l’homme a tendance à rendre ce qu’on lui
donne (voir notamment travaux de R. Cialdini, op. cit.).
Le schéma
« lutte des Conséquences Jouer avec la logique de l’organisation
classes »
On ne peut Les actes sont interprétés, Il est préférable de donner des lignes straté-
faire confiance la rumeur s’impose, l’entre- giques claires et d’expliquer de manière
à personne : prise ne travaille plus. honnête mais non compromettante l’avance-
secret absolu. ment de sa réflexion.
Si ces informations font l’objet d’interpréta-
tions malveillantes, l’auteur de celles-ci se
sera mis en défaut.
De plus, lors d’une recherche d’acquisition,
se priver de l’aide de ses collaborateurs est
une faute : cela diminue la justesse des
évaluations et conduit à une mauvaise prépa-
ration de l’acquisition, qui réduit (vraisembla-
blement considérablement) les chances de
succès de l’achat.
Cette approche a le deuxième intérêt de
contraindre ces collaborateurs à la discrétion.
S’ils sont cause d’une fuite, ils sont en faute.
Le dirigeant a donc des recours beaucoup
plus efficaces dans cette approche que dans
celle où il ne fait pas confiance.
Le dirigeant se Conflit avec la perception Négliger le sentiment de propriété que
voit comme des employés qui peuvent ressentent les employés à l’endroit de leur
seul représen- voir le dirigeant comme un entreprise prive le dirigeant d’un outil extrê-
tant des mercenaire, alors qu’ils ont mement puissant : ses employés sont prêts à
intérêts de la construit la société. faire beaucoup pour leur société.
société.
Perception de ce qui motive les employés :
✔ « Lutte des Cet a priori conduit à consi- Les employés ne veulent pas détruire leur
classes ». dérer les employés comme entreprise, au contraire.
des ennemis de l’entre- Il est plus judicieux de jouer sur leur attache-
prise, une déclaration de ment à la société.
guerre implicite ou explicite
qui les amène effective-
ment à se conformer au
modèle supposé.
✔ Ils veulent Cet a priori conduit à finir Les employés désirent généralement, plutôt,
plus par tout régler en termes un sens à leur vie (cf. notion de « projet »
d’argent. d’argent, ce qui coûte inuti- évoquée plus haut dans ce chapitre).
lement cher à l’entreprise et
ne satisfait personne.
☞
Quelques observations faites dans une entreprise nationale de taille moyenne consi-
dérée comme plutôt bien gérée :
La direction du marketing organise des campagnes de communication qui ne sont ni
très originales, ni bien adaptées aux caractéristiques de la société (elle entretient une
coûteuse vague d’appels « de courtoisie » aux nouveaux clients alors qu’ensuite le
service rendu est de faible qualité). En outre, une politique de promotion agressive semble
attirer essentiellement des mauvais payeurs.
De leur côté, les centres d’appels découvrent les nouvelles offres et promotions par le
biais des questions de clients. Par ailleurs, leurs performances sont médiocres. L’un
d’entre eux est quasiment laissé à l’abandon, un nouvel autocommutateur n’a pas été
installé…
La direction informatique est embarquée dans le développement d’un nouveau
système de facturation et de relation client dont le coût a été multiplié par plus de deux
sans que l’issue semble en vue, alors que la société ne peut rien faire sans lui. Les
services utilisateurs n’ont pas l’impression que leurs besoins ont été pris en compte.
D’ailleurs ce projet n’est-il pas seulement un amusement pour le directeur technique ?
Il n’y a pas de gestion du parc informatique, on constate une accumulation de matériels
incompatibles, en nombre excessif (le seuil d’un ordinateur par personne a été dépassé).
Mais les équipes de support sont en sous-effectif.
L’activité de service au client (installation, maintenance, etc.) confiée à des partenaires,
ne fait pas l’objet d’un contrôle formel. Ni son coût (sur-facturations ?), ni sa qualité ne
sont connus de la Direction Générale.
Le suivi des paiements est approximatif, le système de recouvrement d’impayés est
coûteux, il n’y a pas de mécanisme d’analyse des causes de résiliation.
Des personnels sont inoccupés ou mal employés (dirigeants, spécialistes techniques,
etc.).
Bref, il y a des « jeux » dans le mécanisme.
Les éliminer n’amènerait pas forcément des améliorations spectaculaires : le chiffre
d’affaires peut augmenter de quelques pour cent, les dépenses peuvent être réduites
modérément (de 5 ou 10 %). Mais ces effets combinés peuvent transformer la situation de
la société.
La publicité et Internet
À la fin des années 90 la publicité était perçue comme la source de revenus par excel-
lence des start up Internet « B to C », ce qui justifiait un modèle de gratuité des services
proposés. L’industrie de la communication traditionnelle était menacée.
Dès le début 2000, les opinions évoluent : d’après Mercer Management, les recettes
des sites Internet américains atteignent 2,8 Mds$ en 99, leurs dépenses 3,5 mds$. Et la
tendance est à une très forte hausse. En bref, en ce qui concerne la publicité, ce sont les
médias classiques qui profitent le plus des nouvelles technologies.
En outre, 65 % du budget publicitaire dépensé sur Internet aux USA vont vers les
10 principaux sites du pays.
Mais l’expérience donne un second résultat : Internet ne permet pas la construction
d’une image de marque (les médias classiques sont mieux adaptés) ; c’est un moyen de
vente directe : la personne qui lit un article sur un produit qui l’intéresse va vouloir immé-
diatement l’acheter, un bandeau d’annonce d’une loterie gratuite attire le joueur…
L’erreur des prévisionnistes portait sur une hypothèse de fond : la nature réelle de
« l’avantage concurrentiel » d’Internet en termes de communication. Il est étonnant qu’ils
n’aient pas cherché à tester une hypothèse aussi importante.
Les « hauts débits »
Le décollage d’Internet et de la nouvelle économie a souvent été corrélé à celui des
« hauts débits ».
Bane et Bradley 1 rappellent quelques principes qui donnent un début de modélisation
de la question : le grand public paiera pour des services « à haut débit », le jour où il
considérera qu’ils apportent « quelque chose de plus ». Trois critères sont donnés :
1. « The light at the end of the pipe », Scientific American, octobre 1999.
Enfin, la prévision d’une rupture est impossible (ce qui est typique-
ment le cas du lancement d’un produit « innovant ») : trop de phéno-
mènes viennent se conjuguer pour brouiller la prédiction.
Par exemple, un des pionniers des applications ASP de CAO consta-
tait que le principal blocage rencontré était que les services des entre-
prises ne voulaient pas se dessaisir de leurs systèmes d’information
propres, vus comme constitutifs de leur pouvoir. Peu de modèles
avaient prévu cela.
Face à ce type d’avenir incertain, seule l’approche par scénarios
(Chapitre 7) peut donner quelque chose, or elle n’est jamais utilisée.
Bref, les chiffres ne valent rien, seules comptent les modélisations
qui les sous-tendent. Et pour être crédibles, elles doivent avoir été
prouvées « au minimum » : l’expérience du terrain doit laisser entendre
que les chances d’avoir sous-estimé un blocage sont faibles (on n’est
plus alors dans un problème de rupture).
Une fois que les entrepreneurs ont levé des fonds ou qu’un projet
interne a été accepté, le business plan, qu’ils perçoivent comme un outil
de marketing dont l’objet est de dire aux investisseurs ce qu’ils ont
envie d’entendre, est abandonné.
Lorsque les résultats ne sont pas conformes aux prévisions, l’équipe
dirigeante recourt à des mesures désespérées qui ne tiennent aucun
compte de la stratégie initiale et qui, en réduisant bien souvent les
investissements à long terme, compromettent définitivement l’avenir
3. C’est une autre application de la stratégie « d’effet domino » déjà présentée notamment dans
le chapitre 9.
4. Sahlman : « How to write a great business plan », Harvard Business Review, juillet-août
1997.
5. D’après Stevenson, Roberts, Grousbeck : New Business Venture and the Entrepreneur,
Irwin, 1989.
6. En effet, comme on l’a vu dans le chapitre précédent, dépendre de financiers est un des plus
grands risques que puisse courir une entreprise. En fait, si elle peut envisager des projets qui
nécessitent des financements extérieurs, elle doit les déconnecter de l’activité principale qui
doit être rentable. D’ailleurs, cette activité principale peut être utilisée pour prouver la faisabi-
lité de nouvelles idées.
Cas particulier :
Distribution Communication Produit Prix
force de vente
Analyse des Objectifs de la Définition de la Analyser la ligne Stratégie
attentes du client force de vente cible visée de produits Tactique
Objectifs du Stratégie de la Définition des (segmentation et Contraintes
réseau et force de vente objectifs positionnement) Prix du marché :
contraintes Structure de la Définition du Faire évoluer la – bénéfices tirés
Évaluer chaque force de vente message ligne de produits par le client
opportunité Taille de la force Choix des Moderniser la – concurrence
Sélectionner les de vente médias ligne de produits – cycle de vie
membres du Recrutement de Budget de Mettre en avant – conjoncture
réseau la force de vente communication des produits Coûts
Les motiver Formation Allocation du Investir
Évaluer leurs initiale puis mise budget
résultats à jour Mise en œuvre
Faire évoluer le Supervision et Contrôle
réseau motivation
Évaluation des
résultats
Diagnostic
Diagnostic spontané Constatation
final
Direction commerciale : Les clients cherchent une qualité de bon Un travail sur
comment entrer chez des niveau, ils sélectionnent quelques fournisseurs l’argumentation
clients qui ne jurent que par qui peuvent la fournir. C’est eux qui se livrent de vente est à
le prix ? une guerre sur les prix. faire.
Direction générale : changer La société a une absence d’image de marque, Il faut un plan de
l’équipe commerciale qui l’empêche d’être référencée dans les communication.
appels d’offres.
Sa force de vente est tout à fait adaptée.
Diagnostic
Diagnostic spontané Constatation
final
Comment définir une poli- Le coût est une contrainte mais non un déter- Problème clas-
tique de prix corrects sans minant du prix. sique de
connaître les structures de L’offre est excellente, mais elle n’est pas communication.
coûts de l’entreprise ? connue.
Comment adopter une Le concurrent ne présente aucun risque et Le plan marke-
démarche défensive face à peut être « tué » si la société joue sur ses ting doit être
un dangereux concurrent synergies. réorienté.
sur un marché stable ? Par contre, le marché est à un tournant et la
société a une opportunité exceptionnelle à
saisir, ses concurrents n’ayant pas d’offre
adaptée.
Le mauvais usage qui est fait aujourd’hui des business plans prouve
que le « paradigme » taylorien nous colle à la peau : même les plus bril-
lants esprits de la « nouvelle économie » ne peuvent concevoir la
complexité humaine, celle de l’organisation ou l’imprévisibilité de
l’univers !
Comme ce livre a essayé de le montrer, l’irresponsabilité est le mal
de notre temps : nous avons vu dans ce chapitre les « jeux » qui existent
dans l’entreprise. Mais l’employé n’est pas le seul irresponsable, car que
dire du dirigeant, qui a pris l’habitude, lorsque ses affaires vont mal, de
truquer ses comptes plutôt que d’affronter les causes de ses difficultés ?
Cette attitude ne donne-t-elle pas, d’ailleurs, raison aux gouvernements
qui essaient de le guider par la carotte (cf. les « prix de qualité ») et le
bâton (des lois de plus en plus contraignantes) ?
Quelle est l’explication de cette tendance à l’irresponsabilité ?
Serait-ce une nouvelle manifestation du « blocage psychologique » que
nous avons vu à l’œuvre à maintes reprises : l’homme confronté à un
problème qu’il pense ne pas savoir résoudre est lâche, il s’engage dans
une fuite en avant d’expédients ? Et si ce problème était la complexité
non taylorienne du monde.
Le business plan coupe toute retraite : tant qu’il n’est pas équilibré, il
faut affronter cette complexité, si effrayante vue de loin. On découvre
alors qu’elle n’est pas inamicale et qu’elle peut même nous livrer des
richesses inattendues.
Quel est le « dessous des cartes » ? Qu’est-ce qui explique les phéno-
mènes observés ? Pour répondre à ces questions, voici une modélisation
de l’effet de levier
L’homéostasie
La systémique
Conclusion / 279
pionniers se nomment 1 Von Bertalanffy (biologie), Bateson (un ethno-
logue, rénovateur de la psychanalyse et fondateur de l’école dite de
« Palo Alto »), Von Neumann (Théorie des Jeux), Shannon (Théorie de
la communication), Wiener (Cybernétique)… Automatique et recherche
opérationnelle apparaissent aussi à cette occasion (« l’école de Santa Fe »
est le prolongement moderne de ce courant, voir T82).
Ce qui a donné une
T82 formidable impulsion à la
Bref historique de l’école de Santa Fe systémique a été la prise de
conscience que la domina-
L’école de Santa Fe 2 naît à la fin des années 1980.
Fondée par des chercheurs prestigieux : Arrow, un des
tion des sciences de la
créateurs de l’économie moderne, Gell-Mann, le père des désorganisation sur notre
quarks, et quelques autres prix Nobel ou équivalents, elle pensée avait un impact
réunit des scientifiques de tous horizons. néfaste : beaucoup de
Son catalyseur a été essentiellement la combinaison des scientifiques de l’après-
évolutions de la génétique et l’émergence de l’informatique guerre ont vu dans la
qui montre des phénomènes d’organisation spontanés
(« phénomènes émergents ») non liés à la chimie orga- succession de crises que
nique, donc à la vision traditionnelle de la vie. connaissait le monde, les
résultats d’une application
aveugle des lois de la
physique à un domaine qui ne les concerne pas :
« nous connaissons et contrôlons les forces physiques trop bien, les
forces biologiques plus moyennement et les forces sociales pas du tout. Si
nous possédions une science de la société humaine assez développée et
la technologie correspondante, ce serait la fin du chaos, de la destruction
imminente de notre monde actuel 3 ».
La systémique est la science des systèmes. Un système est un ensemble
de composants qui ne sont pas indépendants les uns des autres. Le
système est ignoré par la physique classique qui fait l’hypothèse
cartésienne que tout problème peut-être décomposé en problèmes
plus simples, indépendants. Il s’agit d’une approximation (les interdépen-
dances sont négligées) dont les conséquences sont considérables, en
particulier lorsqu’elles concernent l’homme et l’entreprise.
Conclusion / 281
Tout en nous vise à lutter contre le changement. C’est pourquoi il est
difficile. D’ailleurs, il est depuis longtemps connu qu’il s’accompagne
d’une période d’incertitude ou « phase de deuil ».
Mais la systémique montre que l’homéostasie ne condamne pas le
changement, elle impose une « règle du jeu » que les techniques clas-
siques, « programmatiques », de conduite du changement ne respectent
pas. Pourquoi ?
Conclusion / 283
• ÉTAPES VERS UN CHANGEMENT À EFFET DE LEVIER
10. Voir notamment Kotter : « What Leaders Really Do », Harvard Business Review, mai-juin
1990.
11. Hirschhorn et Gilmore : « The New Boundaries of the Boundaryless Company », Harvard
Business Review, mai-juin 1992.
L’organisation apprenante
La notion de système et celle d’approximation ne sont pas inacces-
sibles à l’expérience quotidienne.
Pour un baigneur emporté par le courant, il est rationnel de nager en
ligne droite vers la côte. Il est pourtant alors quasiment certain de se
noyer. Le courant étant plus rapide que lui, s’y opposer conduit à
s’épuiser. Ne pas résister est préférable : le courant revient souvent à la
côte et une personne qui dérive est susceptible d’attirer l’attention des
secours.
Il est aussi rationnel pour une entreprise de réduire ses coûts, si son
chiffre d’affaires baisse. Une décision malheureuse : le déclin est géné-
ralement dû à un manque de compétitivité, diminuer ses investisse-
ments ne fait que l’accentuer. Beaucoup de faillites s’expliquent par des
causes aussi simples. Elles abusent les dirigeants parce que le chiffre
d’affaires a une tendance à l’inertie, la rigueur budgétaire s’accom-
pagne d’une amélioration des résultats à court terme. Ce « succès »
valide la justesse de la décision.
Cette spirale du « succès » qui conduit à l’abîme est aussi celle de
l’alcoolique : face à un problème qu’il ne sait pas affronter, par exemple
les exigences contradictoires d’une vie familiale équilibrée et d’une vie
professionnelle réussie, l’alcool lui procure un soulagement passager,
mais l’affaiblit et ne fait qu’empirer le mal ; l’homme augmente donc la
dose d’oubli et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il se trouve sans famille et
sans travail, avec l’alcool comme seul ami.
Le piège est toujours le même : une décision prise en fonction d’une
vision simplifiée de l’environnement, un succès initial qui la valide
apparemment et la complexité naturelle qui finit par se manifester et
provoquer un désastre.
12. Voir l’interview de Warren Bennis in Coureil, Kurtzman : Quelle entreprise demain ?,
Maxima, op. cit.
Conclusion / 285
Et pourtant, il existe des solutions qui ne coûtent presque rien 13 pour
sortir de ces cercles vicieux : se laisser dériver, essayer de comprendre
pourquoi son entreprise perd en efficacité, chercher à concilier famille
et emploi… D’ailleurs, ces cercles vicieux peuvent être décrits, ce qui
en facilite l’identification.
Mais confronté à un désagrément, nous accusons « les autres »,
l’état, l’étranger, la concurrence, la direction financière, les vendeurs
qui ne font pas leur travail ou le marketing qui ne sort pas les bons
produits. Alors qu’en fait, c’est le système auquel nous appartenons qui
ne fonctionne pas et que nous devrions plutôt chercher ce qui
« bloque », que de nous plaindre sans rien faire (mais ne s’agit-il pas
d’un cercle vicieux identique à celui dans lequel s’enferme l’alcoo-
lique ? Trouver un coupable procure un soulagement…).
Ces cercles vicieux ne concernent pas uniquement le baigneur,
l’alcoolique ou l’entreprise malchanceuse…, ils sont partout. À leur
origine, des hypothèses inconscientes inadaptées qui produisent des
actes qui les renforcent.
Ce sont ces hypothèses qui expliquent ce que nous avons appelé la
« logique » de l’homme ou de l’organisation, « logique » qui corres-
pond à un mécanisme de dynamique de régulation (T83).
13. C’est « l’effet de levier », voir Peter Senge : « The Leader’s New Work : Building Learning
Organizations », Sloan Management Review, Automne 1990.
14. Voir Senge : The 5th Discipline, Random House, 1994. On y trouvera aussi beaucoup
d’exemples de « cercles vicieux », tels que l’alcoolisme. Remarque : Peter Senge est un héritier
direct de la Cybernétique d’après guerre.
La culture est l’ensemble des règles implicites qui guident les pensées
et les actions d’une entreprise. La culture s’étend sur trois niveaux :
15. Ce qui suit est tiré de Corporate Culture Survival Guide, Jossey-Bass, 1999.
Conclusion / 287
nous accomplissons entre dans la routine. On peut donc penser que les
années d’après guerre ont été des années de bonheur professionnel.
Mais si ce n’est pas le
T84 cas, l’anxiété monte. Et
Des exemples d’impacts quotidiens alors l’homme est prêt à
de la culture humaine
tout pour faire cesser
En des termes non techniques, la notion de « culture »
cette inquiétude : avant
implique que nous sommes les marionnettes de quelques d’essayer de faire évoluer
idées dont nous avons hérité sans le savoir. sa culture, il a tendance à
On peut même imaginer que certaines pourraient nous la pousser au bout de sa
faire horreur si elles étaient conscientes, c’est ce logique, jusqu’à l’absur-
qu’exprime la différence entre « explication acceptée » dité. C’est ainsi que se
(que l’on pourrait presque traduire par « politiquement
correct ») et « hypothèses de base », qui sont les réels déclarent les guerres ou
motifs de nos actes. que disparaissent les
Ainsi, des principes du XVIII siècle expliquent les
e entreprises.
courants stratégiques majeurs connus par l’industrie occi- En fait il existe deux
dentale dans le dernier siècle et peut-être au-delà. types d’anxiétés : l’anxiété
Et ces idées jouent avec la survie de notre espèce :
c’est parce qu’elles rendent l’industrie inadaptée aux
de survie nous pousse à
conditions de concurrence actuelle qu’elles l’amènent à nous remettre en cause,
essayer de les changer à son avantage (la suppression l’anxiété d’apprentissage
de la concurrence ou la relance d’une phase d’expan- nous montre la difficulté de
sion) : mesures protectionnistes (années 80), encourage- l’effort. Lorsque l’anxiété
ment des bulles spéculatives, etc. On peut noter que les de survie est nulle,
phases de destruction et de reconstruction lui sont
favorables. l’homme est heureux.
Lorsque celle-ci est impor-
tante, il est susceptible de
se remettre en cause, mais, si l’anxiété d’apprentissage lui est supé-
rieure, il est à la fois malheureux et « bloqué » (l’encadré T85 illustre
l’utilisation de cette modélisation).
L’anxiété d’apprentissage est ce que nous avons appelé le « blocage
psychologique ». Ce mécanisme explique que la résistance au change-
ment n’est pas malveillante : lorsque l’entreprise est inefficace, c’est-
à-dire lorsque sa culture est inopérante, l’ensemble de ses employés en
est affecté. Ce qui se manifeste alors est le « blocage psychologique » :
l’anxiété d’apprendre.
En conséquence, rendre l’organisation performante a un impact
direct sur le bien-être de l’homme ; le changement est bénéfique à
l’ensemble de l’organisation.
C’est une constatation capitale : le sentiment de « lutte des classes »
que peut avoir un dirigeant lorsqu’il essaie d’améliorer la performance
d’une entreprise est inexact. En fait, son organisation partage son désir
Conclusion / 289
besoin l’organisation et en tirer les futurs managers 16 qui vont diriger
l’organisation renouvelée.
Les « hypothèses de base » sont révélées par les divergences entre
artefacts et leur explication acceptée 17.
Pour conduire le changement, une task force d’agents du changement
est constituée. Elle est placée en retrait de la culture de l’entreprise pour
lui permettre de repérer ce qu’elle n’aurait pas vu sinon.
Afin de faire évoluer sa propre culture, on constitue pour elle un
« système parallèle d’apprentissage » (T86) qui réduit son anxiété
d’apprentissage parce qu’il est « psychologiquement sûr ».
Planifier cette recherche
T86 en fait un acte comme un
Une méthode pour créer un « système autre et estompe l’inquié-
parallèle d’apprentissage »
tude liée au changement.
Pour créer un « système parallèle d’apprentissage »,
C’est ce que nous avons
huit mesures doivent être prises : appelé « institutionnaliser
– fournir une vision positive motivante ; le changement ».
– apporter une formation adaptée ;
– impliquer « l’élève » dans sa formation ;
– favoriser un apprentissage de groupe informel ; L’apport
– mettre à disposition un terrain d’entraînement, avec
entraîneur et moyen d’évaluation de la performance ; de la sociologie
– proposer des exemples d’attitudes désirées (« role des organisations
model ») ;
– organiser des groupes de support qui permettent
d’exprimer ses angoisses ;
La sociologie des orga-
– mettre en cohérence le mécanisme de l’organisation, nisations 18 apporte une
de manière à ce que ses manifestations ne viennent pas vision complémentaire à
contredire ce que l’on cherche à atteindre. ces travaux. En effet, elle
donne vie au concept
Cette modélisation semble similaire à ce que nous avons appelé la « logique » des membres de
l’organisation. Cependant, M. Crozier paraît concevoir l’équilibre comme une sorte de « lutte
de pouvoir » pour des ressources limitées, d’ailleurs, il parle de « stratégie », ce qui sous-entend
conscience, alors que les exemples qui jalonnent ce texte montrent plutôt que les membres de
l’entreprise agissent suivant une « logique » plus complexe, par exemple la perception qu’ils
ont de leur rôle, pour des raisons qui sont généralement inconscientes (cf. ce qui a été dit sur la
« culture »). Enfin, les acteurs peuvent avoir des « logiques » qui ne s’affrontent pas directe-
ment. Nos observations semblent, d’ailleurs, être cohérentes avec les évolutions de la théorie de
la décision (voir J.G. March, op. cit.). En outre, il est clair que l’homme intègre dans ses critères
de décision des facteurs sociaux et pas seulement individuels (cf. la discussion de la rationalité
faite dans le chapitre 10).
19. Bateson, G. : Conscious Purpose versus Nature. Steps to an Ecology of Mind, Chicago,
2000. Ce livre retrace le parcours de Bateson, qui l’a amené de l’ethnologie à l’écologie.
Conclusion / 291
types de relations : symétriques – les individus entrent dans une suren-
chère (cf. guerre des prix) – et complémentaires – pendant que l’un
augmente, l’autre diminue (plus l’organisation est considérée comme
passive plus elle se comporte ainsi).
Puis, il a remarqué que nous ne communiquions pas que par la parole
mais aussi par notre attitude et que, dans certains cas, les deux signaux
pouvaient être en contradiction. C’est le « double lien ». Bateson a
proposé que ce double lien pouvait être à l’origine de certaines formes
de schizophrénie : le malade, soumis (involontairement) à un « double
lien » de la part de son environnement familial, doit renoncer à
certaines de ses capacités de discernement pour supporter cette
situation 20.
L’école de Palo Alto est née de cet apport. Bateson a ensuite pour-
suivi son chemin vers l’écologie.
Les résultats de ces travaux ont été appliqués à l’entreprise 21, princi-
palement aux questions de relations entre collaborateurs (cf. le
« coaching »). Ce qui était conforme à l’orientation « familiale » de ces
techniques.
Par rapport à ce qui précède, ils introduisent la notion de « lien »
entre individus : l’interaction n’est pas uniquement pilotée par des
règles internes, par une saine « lutte d’intérêts », mais aussi par les
échanges de messages entre personnes. Et ce mécanisme peut souffrir
de « maladies » que l’on rencontre lorsque l’on pilote une négociation
visant à construire une nouvelle organisation.
Modélisation résultante
Si l’on compare la vision du monde de Taylor, et celle qui ressort de
ce qui précède, voici, de manière résumée, ce que l’on obtient :
20. Si l’on généralise ce raisonnement à l’entreprise, on peut s’interroger sur l’impact que peut
avoir un management dont les actes ne sont pas conformes aux paroles : quel est l’équivalent de
la schizophrénie pour les entreprises ?
21. Par exemple Malarewicz, J.A. : Systémique et entreprise, Village Mondial, 2002.
Approxi-
Quelques notions complémentaires apparues
mation
dans ce livre
taylorienne
Monde Prévisible Chaotique
Groupe Ensemble Lien social Frein / accélérateur du changement
d’individus
indépendants Susceptible à des maladies 22
Culture Sujette à des changements transforma-
tionnels gouvernés par deux types
d’anxiétés
Faite de règles et hypothèses
Anxiolytique
Apprentis- Validation par le succès
sage
Individu Décision Rationnelle Suit une « logique » (stratégie d’acteurs)
Sujette à influences
Apprentis- Par Gouverné par deux types d’anxiétés
sage procédure
Fonctionne par essais / erreurs
Le meilleur apprentissage est par la pratique
Le résultat de l’apprentissage peut être supérieur à ce qui
est enseigné (capacité de généralisation)
Connaître le succès est le meilleur encouragement de
l’apprentissage
Le succès valide l’apprentissage
Système Le tout est la Le tout est inférieur à l’ensemble de ses Boucle de
somme de parties. Introduction de la notion de rétroaction
ses parties régulation :
Auto
régulation
Le premier modèle montre le monde tel qu’il est perçu par le taylo-
risme, le second tient compte d’une partie des résultats scientifiques qui
sont venus se superposer à ce que connaissait Taylor. La différence
entre eux explique pourquoi l’approximation taylorienne est inefficace.
Conclusion / 293
Dernière étape : répondre au besoin perçu
Quand une entreprise est paralysée face à un plan marketing que lui a
demandé sa direction, il faut, évidemment, l’aider à construire son plan.
C’est seulement alors que l’on pourra l’amener à vaincre son inhibi-
tion et à acquérir l’autonomie qui est la réelle attente de sa direction
générale.
Il est donc logique de combiner les techniques de résolution de
problème avec les méthodes de conduite du changement évoquées
ci-dessus. Mais pour que le mélange ne soit pas incompatible, on doit
les mettre à la portée de tous et retirer aux « techniques de résolution
de problèmes » leur côté dogmatique, quantitatif et programmatique
(autrement dit les transformer en méthodologies « ambulatoires »).
L’expérience montre alors que l’on réalise bien la prévision de
« l’effet de levier » : ces techniques vainquent l’homéostasie à un coût
très faible.
On sait ainsi créer une organisation hiérarchique lorsque la tâche à
effectuer par elle est facilement planifiable et « systémique » en phase
de changement. On peut surtout observer une transformation inat-
tendue : non seulement l’organisation est « bien dans sa peau », mais
une activité nouvelle apparaît. Par exemple, des personnes jusque-là
repliées sur elles-mêmes font soudainement et spontanément preuve
d’initiatives judicieuses et d’une créativité imprévue.
L’optimum économique serait-il un optimum humain ?
Méthode « effet
Phase Interprétation
de levier »
Premier Prépa- Calibrage pour Le problème est perçu donc l’anxiété de survie est
change- ration réussite et « effet haute (et fournit l’énergie pour avancer)
ment médiatique » : Il y a un problème, ce qui signifie que la culture est
« périphérie » + inopérante, mais aussi que l’anxiété d’apprentis-
« problème sage est supérieure à l’anxiété de survie (il y a
perçu » blocage)
Amor- Proposer une Fait baisser l’anxiété d’apprentissage (qui devient
çage méthodologie qui supérieure à l’anxiété de survie, d’où déblocage)
réponde au besoin
perçu
Déroule- Lien social pris à Accélérateur du changement
ment rebours
Environnement L’anxiété d’apprentissage est basse, elle permet
d’apprentissage l’évolution.
psychologique-
ment sûr
Stimulation Anxiété de survie maintenue (de manière à main-
progressive tenir l’envie d’avancer)
(concurrence)
Pro- Le succès valide l’apprentissage.
blème La culture devient opérante (la compétence
résolu manquante a été acquise). L’anxiété baisse.
Il y a une possibilité d’un apprentissage généra-
lisé : une règle est ajoutée : « si anxiété, alors
utiliser les techniques à effet de levier »
Effet Méthode répétée / « Le bonheur est communicatif » : la baisse
d’entraînement généralisation d’anxiété est visible d’autant plus que l’on a utilisé
« effet un cas « médiatique ».
médiatique » Le reste de l’entreprise apprend très vite la
nouvelle du succès, d’autant plus que les autres
« anxieux » / inopérants sont réceptifs à tout ce
qui peut diminuer leur mal.
D’où une spirale :
La résistance au changement baisse (l’anxiété
d’apprentissage diminue)
La règle, « si anxiété, alors effet de levier » entre
dans la culture
Le succès renforce la règle.
Conclusion / 295
Pourquoi Edgar Schein n’envisage-t-il que des durées de change-
ment s’étendant sur 10-15 ans, alors que l’on peut faire dire à sa modéli-
sation le contraire ?
Peut-être parce qu’il cherche à sauver des « dinosaures », des entre-
prises totalement coupées de la réalité depuis trop longtemps, une tâche
surhumaine ? Ou simplement parce que l’effet de levier n’est pas
uniquement le fait d’un changement de culture d’entreprise ?
Bizarrement, l’effet de levier poursuit un objectif plus ambitieux que
celui-ci : il veut, en plus, reconfigurer l’entreprise ! D’ailleurs, il ne
s’attaque pas uniquement aux « hypothèses de base », mais aussi aux
interactions entre hommes, pénétrant ainsi sur le territoire de la socio-
logie des organisations et de l’école de Palo Alto.
Et si l’énergie, et le véritable secret, de l’effet de levier étaient dans la
méthodologie « ambulatoire » ? C’est elle qui montre la direction dans
laquelle aller, qui indique le « bout du tunnel », et, ainsi, qui donne la
force à l’organisation de se coltiner avec ses contradictions.
C’est seulement alors que les méthodes conçues par les sociologues,
ethnologues, psychologues et autres spécialistes de la « conduite du
changement » peuvent être utiles.
Ce livre critique le conseil en management taylorien et ne peut s’en
passer !
Mais, peut-être faut-il laisser le dernier mot à l’animateur, « lieute-
nant Colombo » dont la volonté indestructible de mener à bien sa tâche
lui fait trouver, à force d’opiniâtreté, le levier dérobé de l’organisation ?
Les critiques :
Si l’on considère le tableau du paragraphe Modélisation résultante, on peut comprendre
que les implications du taylorisme inquiètent : l’homme, être sophistiqué qui peut prendre en
compte dans ses critères de décision des éléments aussi complexes que l’intérêt du groupe
et le très long terme, est ravalé par le taylorisme à l’état de machine qui optimise son intérêt
immédiat.
On peut aussi comprendre les inquiétudes des mouvements écologistes : cette approxi-
mation du monde, en lui faisant ignorer sa richesse, l’amène à tout raser sur son passage,
à voir dans une toile de Van Gogh du bois de chauffage et dans Einstein, un faible, inutile.
En fait, la critique ne porte pas sur Taylor, mais sur le fondement de la culture occiden-
tale, qui repose sur l’individualisme et qui veut que l’homme soit séparé de l’univers, alors
que la culture orientale est systémique. La rationalité et le conscient sont également mis
en cause : nos critères de choix inconscients sont d’une grande complexité, alors que nos
actes répondent à une approximation simplifiée. La physique, issue de la rationalité, est, elle
aussi, épinglée puisque inspiratrice de toutes les sciences et l’origine du succès occidental,
mais aussi du désastre écologique imminent 23.
En outre, comme le montre l’école de l’adhocratie, le modèle taylorien est inopérant. D’où
les crises que connaît l’Occident depuis les années 70, que l’euphorie de la « bulle
Internet » a fait oublier 24 : en 1980 Michel Crozier écrivait le « Mal Américain » et montrait
que les hypothèses fondatrices de la civilisation américaine étaient inadaptées ; en 1993,
l’Amérique était encore la risée des universitaires du management ; l’Europe, quant à elle, a
connu une crise quasi continue depuis le milieu des années 70 : le chômage français est
passé d’un peu plus de 1 % de la population dans les années 60, à un peu moins de 3 %
en 1974, à près de 10 % en 1984 et à plus de 12 % en 1994.
Or, contrairement aux hypothèses des promoteurs de la « loi des 35 heures », la quan-
tité de travail n’est pas finie. Nous sommes seuls (au moins) dans une portion de l’univers
et donc extrêmement riches. Et l’échec du taylorisme est bien là : non seulement il ne se
soucie pas de l’homme ou de la nature, mais surtout, il est économiquement inefficace.
Ce n’est pas pour autant que les critiques faites à l’individualisme occidental, à sa ratio-
nalité, à sa science, à son entreprise…, sont utiles car il est impossible de démolir
23. En fait, il semble qu’il ait un gigantesque amalgame : en effet, notre individualisme et notre
vision « taylorienne » du monde sont inconscients. Il est possible que l’individualisme occi-
dental (qui remonte à la nuit des temps) ait amené à la notion d’approximation – c’en est une –
qui ait conduit à la physique (qui est l’art de l’approximation), à la science et au succès écono-
mique occidental. Mais il n’y a rien de réellement « rationnel » là-dedans, c’est simplement la
manifestation d’une tendance naturelle de l’homme. De même, assimiler la raison avec les
conséquences actuelles de ce mouvement serait déplacé, car elles proviennent d’une modéli-
sation dépassée qui, en outre, confond réalité et approximation, ce que n’a jamais fait la
physique.
24. En fait, le bilan est moins noir qu’on ne pourrait le penser : une étude déjà citée (Lewis,
Palmade, Regout), montre qu’il y a eu un réel développement économique aux USA pendant
cette période, qui n’était pas lié à la spéculation mais à des innovations « classiques ».
Conclusion / 297
« l’hypothèse de base » (pour reprendre la terminologie d’Edgar Schein) sur laquelle est
construite la culture d’une partie de l’humanité, sa « logique » (suivant la terminologie de ce
livre).
D’ailleurs, ces critiques ne peuvent venir que d’individualistes, qui accusent le reste du
monde de leurs maux au lieu d’essayer de les résoudre. Ne peut-on pas aussi y voir les
symptômes de la paralysie de l’homme face à l’incertain ?
Application de la modélisation d’Edgar Schein
Premier enseignement : la culture de l’entreprise occidentale ne lui permettant plus de
réagir correctement à l’évolution de son environnement, il y a crise, anxiété, avec des
phases d’euphorie passagère qui se révèlent des délires spéculatifs pendant lesquels elle a
pris ses désirs pour des réalités.
D’où la réelle question à résoudre : comment faire évoluer la culture des entreprises pour
faire disparaître le schisme anxiogène paradigme taylorien / réalité ?
Deuxième enseignement : pour y parvenir, il faut analyser les « hypothèses de base » de
la culture afin d’identifier celles qui sont favorables à une cure et celles qui s’y opposent.
Le taylorisme est une approximation qui simplifie le monde pour le rendre programmable.
Ce faisant, il évacue une partie de la réalité qui, pour être complexe, n’en existe pas moins
et qui « se venge » en suscitant des effets pervers.
Constatant que les décisions humaines rationnelles tendaient à ignorer l’aspect systé-
mique du monde, des chercheurs tels que Bateson ont prôné l’abandon du conscient (assi-
milé au rationnel) pour l’inconscient 25, le refus de toute activité rationnelle. Mais ils n’ont
pas réalisé que le retour à un état de nature préhistorique ne serait pas favorable à nos
intérêts. Car, c’est notre science de l’approximation qui nous a rendu l’univers compréhen-
sible et nous a permis de prendre des décisions qui ont aidé le monde occidental à s’extraire
de sa dépendance à la nature. Et l’effet de serre 26 qui pourrait sembler condamner ce
succès n’est là que pour nous rappeler que cette nature est sans pitié pour les faibles et que
nous n’avons pas achevé le sauvetage de l’humanité. D’ailleurs, le monde oriental « systé-
mique » ne semble pas beaucoup plus heureux que le nôtre.
Mais, comment gommer les effets néfastes d’une approximation prise au pied de la
lettre ? Simplement en réinjectant de la complexité dans nos équations, a posteriori.
L’approximation nous permet de discerner une stratégie, il faut maintenant l’insérer dans la
réalité en tenant compte de sa complexité.
C’est ça « la mise en œuvre de la stratégie ».
Comment faire ? En utilisant les membres de la culture qui ont les compétences
adéquates : les animateurs. Ils savent jongler avec la complexité des organisations
humaines, réunir ses « éléments clés » et leur faire trouver par essais / erreurs, par négo-
ciation, la configuration qui permet de vaincre l’homéostasie en respectant l’esprit de la stra-
tégie initiale.
Cette prescription est conforme aux préceptes de Schein et Crozier. Elle s’inscrit dans la
stratégie des acteurs et utilise à son profit les hypothèses de la culture d’entreprise qui lui
sont favorables sans vouloir la réformer.
25. Il est assez remarquable que Bateson ait démontré rationnellement qu’il fallait être irra-
tionnel ! (Bateson, op. cit.).
26. Pour une étude sur l’impact du climat mondial sur l’humanité voir Fagan : The Little Ice
Age, Basic Books, 2000. On remarquera qu’il y a encore 150 ans, un phénomène naturel comme
la maladie de la pomme de terre pouvait réduire la population d’un pays européen de 30 %.
Conclusion / 299
Attention : il faut un peu de pratique pour maîtriser l’approche. Tirez
les conséquences de vos échecs et recommencez jusqu’à ce que vous
ayez réussi.
Faire trépasser les dysfonctionnements qui usent notre vie et
retrouver la joie du travail bien fait valent bien un effort, non ?
Chapitre 1
Des dirigeants généraux expliquent pourquoi les organisations résistent
au changement .................................................................................................. 17
Exemple de refus d’une stratégie par les « moteurs » de l’entreprise .............. 18
Les déboires de la « nouvelle économie » ont rappelé que la mise au point
de processus « ordinaires » était longue et délicate .......................................... 20
Les organisations testent la volonté de changement de leurs dirigeants :
une illustration .................................................................................................. 21
Exemple de blocage psychologique : une force de vente qui doute ................. 22
Exemple de blocage naissant d’une incompréhension ...................................... 22
Exemples de l’effet paralysant qu’a l’incertitude sur le dirigeant .................... 23
Exemple de blocage naissant de désaccords entre les intérêts d’un cadre
supérieur et ceux de l’entreprise ....................................................................... 24
Exemple de blocage naissant d’un désaccord entre stratégie et aspirations
de l’organisation ................................................................................................ 24
Exemples de blocages culturels : les échecs de mise en réseau ........................ 25
Exemple de blocage symbolique : une organisation s’agite sans résultat ........ 26
Un dirigeant peut être aux prises avec des hypothèses conflictuelles :
une illustration des conséquences d’une telle situation .................................... 27
Exemple de blocage dû à un manque de moyens ............................................. 28
La complexité des entreprises modernes pose des problèmes de mise
en œuvre de stratégies que leurs dirigeants perçoivent rarement ..................... 29
La mise au point d’une organisation est un processus beaucoup plus long
que ce qu’anticipent les plans d’action usuels .................................................. 30
Exemple de blocage masqué par une rivalité : la fin d’un chantier .................. 31
Plutôt que de crever l’abcès, l’organisation a recours au palliatif .................... 32
L’organisation hiérarchique n’est pas armée pour lutter contre
les dysfonctionnements : illustrations ............................................................... 33
La recherche de productivité amène une complexification des tâches élémentaires . 34
Chapitre 2
Un exemple de groupe apprenant sans que ses membres semblent en profiter . 43
Chapitre 3
Exemples de méthodologies de type « navette » associées à l’effet de levier .. 50
Les critères permettant de choisir entre les approches « navette »
et « formation » ................................................................................................. 54
Récapitulatif des 5 étapes de la « phase 1 » des méthodes « navette »
et « formation » ................................................................................................. 54
Chapitre 4
Avec les techniques à effet de levier, le dirigeant n’a pas besoin
de promouvoir activement sa stratégie « sur le terrain » .................................. 79
Les aspirations d’un dirigeant peuvent être source de blocage :
comment l’aider à en sortir ? Un exemple ........................................................ 81
Une comparaison entre méthodes classiques (programmatiques) et techniques
à effet de levier .................................................................................................. 83
Chapitre 5
Les problèmes des organisations ont souvent deux solutions :
l’exemple du dirigeant qui travaille beaucoup, mais mal ................................. 93
Comment faire évoluer un dirigeant sans toucher à sa logique ?
L’exemple du dirigeant « de droit divin » ........................................................ 98
Chapitre 6
Application du schéma d’analyse de la chaîne de la valeur au métier
de marchand de journaux .................................................................................. 112
L’exemple de la stratégie du marchand de journaux face à une grande surface . 114
Certaines stratégies sont inadaptées à la nature de l’entreprise :
l’exemple d’un cabinet de conseil ..................................................................... 115
Le vocabulaire de la stratégie ........................................................................... 116
Chapitre 7
Les étapes d’un changement transformationnel ................................................ 119
L’inquiétude comme stimulant permanent de la remise en cause
de l’organisation : trois exemples ..................................................................... 120
Chapitre 8
Exemple d’une stratégie mal interprétée ........................................................... 126
Exemples d’organisations récupérant une stratégie pour justifier le statu quo . 127
L’interprétation d’une stratégie comme forme de résistance au changement :
réaction d’une organisation face à la concurrence ............................................ 128
Les étapes de la méthode des Balanced scorecards .......................................... 135
Pour construire des indicateurs, il faut au préalable comprendre la logique
de son environnement : l’exemple d’un centre de profit .................................. 138
Dans certains cas, définir des indicateurs est évident ....................................... 140
Un exemple de construction de scénarios : une entreprise face
à la « bulle Internet » ........................................................................................ 142
Une méthodologie de définition de stratégie en environnement incertain ....... 144
Chapitre 9
Résultats d’une étude portant sur la conduite de grands projets informatiques . 152
Un expert juge les grands projets informatiques ............................................... 153
Comparaison des deux solutions d’implantation d’un système d’information
offertes à l’entreprise ........................................................................................ 155
L’analyse des gains de productivité américains montre que l’informatique
n’y a pas participé ............................................................................................. 156
Les processus budgétaires classiques ne sont pas adaptés à la gestion
de l’informatique ............................................................................................... 157
Le simple bon sens peut éviter des investissements informatiques coûteux :
l’exemple d’une « mise en réseau » d’agences inutile ...................................... 158
Les informaticiens interprètent souvent mal les causes de leurs problèmes :
l’exemple des dérapages de délais .................................................................... 160
La « Loi de Brooks » ........................................................................................ 161
Règles de conduite d’un projet informatique .................................................... 164
L’informatique est un processus de production ordinaire. Un exemple :
faire gagner en productivité un service de maintenance ................................... 165
Une analyse des causes d’échec des projets de CRM ....................................... 166
L’évolution des principes de déploiement du logiciel Siebel ........................... 171
L’industrie du verre pallie la rigidité de ses chaînes de fabrication
par l’organisation humaine ............................................................................... 175
Un exemple simple d’application des principes d’urbanisme : le métier
de marchand de journaux .................................................................................. 177
Chapitre 10
On peut « faire de la qualité » sans le savoir : l’exemple d’une direction
du marketing ..................................................................................................... 188
Les dysfonctionnements de l’entreprise sont immédiatement perceptibles ...... 191
Principes des techniques d’analyse de la valeur ............................................... 192
Conclusion d’une analyse des faiblesses du marketing relationnel .................. 193
Techniques d’influence utilisées par les universitaires : « offres spéciales »
de la Harvard Business School Press ................................................................ 194
Deux exemples de l’utilité de demander « pourquoi ? » .................................. 195
Une conception optimisée demande d’aller au cœur du besoin client,
de comprendre sa « logique » ........................................................................... 196
Application des techniques d’analyse de procédures aux activités de service :
l’exemple d’un cabinet d’expertise ................................................................... 199
Les principes fondateurs du Reengineering ...................................................... 200
Griefs contre les modes de management : l’exemple du Reengineering .......... 202
Contrairement à ce qu’affirmaient les principes du Reengineering,
l’informatique n’est qu’une modeste source de gains de productivité ............. 204
Chapitre 12
Une méthodologie pour acquérir une société en conservant ses talents ........... 241
Un exemple de mauvaise évaluation d’actifs amenant une entreprise
à sous-estimer le potentiel d’une acquisition .................................................... 242
Deux exemples montrant qu’il est difficile d’identifier les employés
qui font la valeur d’une entreprise .................................................................... 242
Une illustration d’une mauvaise gestion d’acquisitions : croissance externe
d’une SSII ......................................................................................................... 243
Seul, un dirigeant ne peut faire réussir une acquisition : l’exemple de l’achat
d’une société de « haute technologie » ............................................................. 243
Exemple de tentative de prise de pouvoir sur une acquisition
par des cadres supérieurs .................................................................................. 244
L’employé a besoin d’un sens pour sa vie : deux témoignages ........................ 247
Un exemple de schéma de pensée du dirigeant défavorable aux intérêts
de l’entreprise : le schéma « lutte des classes » ................................................ 256
Chapitre 13
Exemples de « jeux » au sein d’une entreprise et de leurs conséquences
en termes de performance économique ............................................................. 261
Pour faire de la prospective, il faut comprendre les « ressorts » du marché.
Exemples tirés de la « nouvelle économie » ..................................................... 264
Conclusion
Bref historique de l’école de Santa Fe .............................................................. 280
L’entreprise fournit des exemples de logiques produisant des cercles vicieux . 286
Des exemples d’impacts quotidiens de la culture humaine .............................. 288
Application du modèle d’Edgar Schein au problème de la réussite scolaire .... 289
Une méthode pour créer un « système parallèle d’apprentissage » .................. 290
Les limites de l’approximation taylorienne ...................................................... 293
Modélisation de l’effet de levier ....................................................................... 295
La modélisation issue de ce chapitre donne des amorces de réponses
aux critiques faites au modèle occidental ......................................................... 297
Sommaire ............................................................................................ 5
Introduction ........................................................................................ 7
Changer est une partie constitutive de notre vie professionnelle ........ 7
Mais le changement tourne souvent mal ............................................. 8
Savoir faire appliquer une décision est un métier ................................ 8
Plan du livre ......................................................................................... 9
Comment lire ce livre ? ........................................................................ 12
PREMIÈRE PARTIE
L’EXPÉRIENCE DE LA PRATIQUE
A
Achat
cellule d’, 225, 226
processus d’, 222, 226
voir aussi logique.
Acquisition
biais de jugement, 239
conserver ses talents, 241
dysfonctionnements, 249, 250
fusionner les équipes acquises, 250
gestion d’expérience, 244
hommes clés, 241, 243
malédiction du vainqueur, 239
marque, 242
prise de pouvoir par cadres supérieurs, 242
règles de réussite, 245
stretch goal, 251
voir aussi dirigeant, logique.
Adhocratie, 283, 284, 296, 297.
Analyse stratégique
analyse externe, 111
analyse interne, 110
architecture stratégique, 115
chaîne de la valeur, 111, 112
compétences clés, 11, 112, 114-116, 177, 233, 244
définition, 108
facteurs critiques de succès , 114
mission, 115
portefeuille (analyse de portefeuille), 113
vision, 115
voir aussi logique.
Anderson, James C., 222-225, 231.
Animation, animateur, 63
animateur / leader, 284
cellule d’animation, 120
exemple d’erreur, 77
profil de l’animateur, 64-67
règles de sélection de l’animateur, 76, 77
rôle de l’animateur, 63
voir aussi stimulation.
Index / 315
Anxiété d’apprentissage, voir culture d’entreprise.
Anxiété de survie, voir culture d’entreprise.
Application Service Provider (ASP), voir Nouvelle économie.
Apprentissage
anxiété (d’), voir culture d’entreprise
effet domino, 172
généralisation des cas particuliers, 57
groupe (apprentissage de groupe), 41, 43, 44
homme (mécanisme d’apprentissage de l’homme), 42
voir aussi effet de levier, mode projet, technologie de l’information.
Architecture stratégique, voir analyse stratégique.
Argumentaire
conception, 227
mise au point par méthode de groupe, 227
réseau de distribution (méthode de conception d’argumentaire pour « déblo-
quer » un réseau de distribution), 227, 228.
Artefact, voir culture d’entreprise.
ASP (Application Service Provider), voir Nouvelle économie.
Audit de distribution, voir périphérie.
Auto-régulation, voir systémique.
Autoroutes de l’information, voir Nouvelle économie.
Avenir, voir logique.
B
Balanced scorecards
étapes de la méthode, 135
exemple d’application (boucle locale radio), opérateur de, 136
facteurs critiques, 134
méthodologie « ambulatoire », 139
précautions d’emploi, 137
stretch goal, 135.
Baldridge (prix), voir Qualité.
Bateson, Gregory, 280, 291-293.
Beer, Michael, 8.
Benchmarking, voir conseil en management, effet de levier, Taylorisme.
Bennis, Warren, 284, 285.
Béranger, Pierre, 204.
Bertalanffy, Ludvig von, 280, 290.
Blocage
complexité, 27
durée du changement et temps de cycle, 30
interdépendances, 29
manque de moyens, 27, 28
Index / 317
mise au point (exemple de), 271
motivation, 275
prévisions (erronées), 263
hypothèse de rationalité, 265
risque (analyse de), 270
rubriques, 268
taux d’actualisation, 268
voir aussi Bulle Internet.
C
Caterpillar, 125.
Cellule d’achat, voir achat.
Cercle vicieux, 28, 73, 75, 84, 119, 153, 198, 255, 257, 259, 267, 274, 282, 286
centre d’appels, 198
chômage, 257
contrôle de gestion, 260
différenciation (non) des entreprises, 73, 257, 259
dirigeant, 255
homéostasie, 282
production (d’une caisse de retraite: exemple), 197
méthode programmatique (et), 282
système d’information, 153
Taylorisme, 286
transformationnel (changement), 119
voir aussi business plan, faillite, logique.
Chaîne de la valeur, voir analyse stratégique, urbanisme.
Challenge, voir stimulation.
Changement, voir aussi blocage, culture, lien social, management intermédiaire.
Changement (institutionnaliser le), 40, 56, 236, 290.
Changement (résistance au)
complexité (complexité origine de la résistance au changement), 36
dirigeant (dirigeants jugent les raisons de résistance au changement), 17
masquer le blocage (et tendance à), 94
mécanisme de protection (résistance au changement comme mécanisme de
protection), 172
mécanisme dynamique, 129
lien social (et), 281
homéostasie, 8, 279, 282, 294, 298
palliatif (recherche de palliatif : exemple du consultant), 32
statu quo (tendance à conserver le), 8, 11, 30, 94, 96, 119, 126-128, 147, 150,
212, 279, 282.
Changement incrémental, 121.
Changement transformationnel
décongélation, 119
Index / 319
stretch goal (et), 232
voir aussi stimulation.
CRM (Customer Relationship Management), voir logique, progiciel de gestion
intégré.
Crozier, Michel, 75, 169, 290, 291, 297, 298.
Culture d’entreprise, 11, 17, 23, 67, 181, 208, 240, 250, 258, 281, 286, 287 (défini-
tion), 288-291, 293, 295, 296, 298
anxiété, 287-289, 293, 298, 299,
anxiété d’apprentissage, 288-290, 295
anxiété de survie, 288,289, 295
artefact, 287, 290
changement (conduite du), 289
explication acceptée, 287, 290
hypothèse de base, 287-290, 296, 298
lien social, 290
système parallèle d’apprentissage, 290.
Customer Relationship Management, voir CRM.
CVM (Customer Value Management)
B to B, 222 et sq.
conseil en management (et), 221
décision (et modélisation de la), 219
marché grand public, 213, 215-218
Qualité (et mouvement de la), 208
Taylorisme (et), 213
voir aussi méthodologie « ambulatoire », Taylorisme.
Cybernétique, 280, 286, 291.
D
Dassault, Marcel, 158.
Décision
(Théorie de la), 220
test, 173
voir aussi CVM, lien social.
Décongélation, voir changement transformationnel.
Déploiement, voir progiciel de gestion intégré.
Dérive stratégique, voir changement transformationnel.
Design for manufacture, 208.
Diagnostic industriel
définition, 189
dysfonctionnements (et), 189-191.
Différenciation (problématique de différenciation de l’entreprise), 73, 74, 84, 90, 91,
110, 118, 170, 211, 212, 259.
E
Économie classique, voir rationalité.
Effet accélérateur, 11, 78, 102, 173.
Effet de levier
apprentissage (effet de levier comme technique d’apprentissage de groupe), 67,
102, 104, 130, 171, 180, 182, 295
chômage (et), 257
dirigeant (rôle du dirigeant dans l’effet de levier), 61, 62, 78, 79, 121
énergie cinétique, 102, 104, 236
étude de marché (et), 228
formation (méthode), 52
formation et navette (méthodes), 54
incrémental (changement), 121
juste à temps et Reengineering, 207
lien social, 44
mécanisme, 102 et conclusion
mode projet et effet de levier, 40
navette (méthode), 48
task force, 55
philosophie chinoise, 103
points clés, 104
préparation, 100
restructuration, 252
stretch goal (et), 253
systémique (et), 36
temps de cycle, 80
transformationnel (changement), 120
voir aussi animateur, changement, crise (communication de), environnement
séparé, hommes clés, logique, méthodologie « ambulatoire », mode projet, négo-
ciation, périphérie, stimulation.
Effet domino
acquisition (et), 250
Index / 321
exemples, 90
lien social (et), 236
périphérie, 101
voir aussi apprentissage, crise (communication de), périphérie, stimulation.
Energie cinétique, voir effet de levier.
Entreprise, voir cercle vicieux, effet de levier, mode projet.
Enterprise Resource Planner, voir ERP.
Environnement séparé, 46, 50, 58, 59, 78, 83, 101, 104, 236, 275.
ERP (Enterprise Resource Planner), voir progiciel de gestion intégré.
Expert, voir logique.
Explication acceptée, voir culture d’entreprise.
F
Facteurs critiques (de succès), voir Balanced scorecards, analyse stratégique.
Faillite, chapitre 11
cercle vicieux, 75.
Fair process, 62.
Forces de vente, voir réseau de distribution.
Formation (méthode), voir effet de levier.
G
Gains de productivité, voir Nouvelle économie.
Gale, Bradley T., 213, 216, 220.
Gaspillage, 204
voir aussi juste à temps, valeur (analyse de la).
GE / General Electric, 125, 244.
GEC, 75.
Groupe, voir logique.
H
Hamel, Gary, 73, 143.
Hammer, Michael, 194, 200, 201, 203.
Hauts débits, voir Nouvelle économie.
Homéostasie, voir cercle vicieux, changement.
Hommes clés, 45, 46, 55, 63, 64, 66, 99, 104, 180, 182, 240, 245, 249-254, 275, 290
voir aussi acquisition, management intermédiaire, restructuration.
Hypothèse de base, voir culture d’entreprise.
J
Japon, voir mode projet, Qualité.
Jeux (théorie des), 220, 280.
Juran, Joseph M., 185, 189.
Juste à temps
forces, 206
gaspillage (et chasse au), 204
voir aussi effet de levier.
K
Kaplan, Robert S., 134.
Killer application, voir Nouvelle économie.
Kirkland, Jane, 144, 149.
Knowledge management, voir Taylorisme.
Index / 323
Komatsu, 125.
Kotter, Philip, 284.
L
Leader, 91, 98, 115, 118, 172, 173, 284.
Législation française, voir logique.
Lien social
changement (conduite du), 173
décision (modélisation), 221
voir aussi blocage, changement, culture d’entreprise, effet de levier, stimulation.
Logiciel, voir système d’information, valeur (analyse de la).
Logique
achat (cellule d’), 227
avenir (scénarios), 147
cercle vicieux, 286
chômage, 257
coordonner les logiques lors d’une acquisition, 250
dirigeant, 62, 98
employé, 246, 249, 253
expert, 156
groupe (logique de groupe et mode projet), 43, 62, 130
informaticien, 161
investissement industriel , 167
législation française et restructurations, 251
« lutte des classes » (logique de type lutte des classes), 22, 255, 256, 286, 288
marché (du), 228, 230, 231
mécanisme dynamique de régulation, 286
« monarque de droit divin » (logique de type monarque de droit divin), 98
Occident, 297
organisation (logique de l’organisation et effet de levier), 62, 97
progiciel de gestion intégré (et), 170
restructuration (et), 253
taylorisme, 286
voir aussi blocage, effet de levier.
Loi des 35 heures, 70-72, 106, 191, 297.
Lutte des classes, voir logique.
M
Maguire, Steven, 160.
Main invisible, 74, 259.
Malaise stratégique, voir business plan.
Management intermédiaire
N
Narus, James A., 222-225, 232.
Navette (méthode), voir effet de levier.
Index / 325
Négociation, 30, 41, 46, 58-63, 65, 72, 92, 99, 104, 298.
Neumann, Johannes von, 280.
Norton David P., 134.
Nouvelle économie
ASP, 263, 265, 267
autoroutes de l’information, 24, 25
gains de productivité américains, 204
hauts débits, 25, 264
killer application, 264
publicité, 264
vidéo à la demande, 264
voir aussi Bulle Internet.
O
Occident
critiques (modèle occidental), 297
voir aussi adhocratie, logique, mode projet, Qualité, rationalité.
One best way (the), voir Taylor.
Optimum économique et humain, 299.
Organisation
Apprenante, 285, 286, 291
système (organisation comme système), 281
voir aussi blocage, logique, Reengineering.
Orientation client, voir Qualité.
P
Palo Alto (école de), 280, 291-293, 296.
Pensée industrielle, voir Taylorisme.
Périphérie, 78, 100, 101, 104-106, 197, 207, 252, 275, 295, 299
audit de distribution (et), 105
effet domino (et), 105
voir aussi Contrôle Qualité.
Phénomènes émergents, 280.
Philosophie chinoise, voir effet de levier.
Portefeuille (analyse de), voir analyse stratégique.
Porter (analyse de)
critiques, 110
modélisation, 109.
Porter, Michael, 95, 109-111, 115, 176, 233.
Prahalad, C.K., 139, 143.
Q
Qualité (mouvement)
Iso 9000, 185
Japon, 187, 205
Occident, 188, 205
orientation client, 187
Prix Baldridge, 215
synoptique, 214
voir aussi CVM, Contrôle Qualité, Diagnostic industriel, Juste à temps, Mode
projet, Reengineering, valeur (Analyse de la).
R
Rapport d’avancement, voir effet de levier.
Rationalité
économie classique, 220
Occident, 297
Taylor, 221
voir aussi business plan.
Récupération des excédents, voir logique.
Reengineering
complexité, 200-203
voir aussi effet de levier, mode projet, Taylorisme.
Régulation, voir systémique.
Réseau de distribution
Index / 327
convaincre, 231
voir aussi argumentaire, blocage, stimulation.
Résistance au changement, voir changement.
Restructuration
conflit, 251
hommes clés, 252, 254
voir aussi effet de levier, logique.
Rétro-action (boucle de), voir systémique.
Robot / robotisation (recherche de gains de productivité), 170, 192, 208, 210.
Rôle du dirigeant, voir effet de levier.
S
Saint Gobain, 120.
Santa Fe (école de), 280.
Sauvy, Alfred, 72.
Scénarios (méthode des), 50, 87, 130, 141-150, 207, 265
définition, 144
construction, 145
historique, 141
incertitude, 149, 150
voir aussi Bulle Internet, logique.
Schein, Edgar, 130, 281, 286, 287, 289, 290, 294, 296, 298.
Schoemaker, Paul J.H., 145.
Shannon, Claude Elwood, 280, 286, 290.
Shell, 141, 147, 148, 232.
Skinner, Burrhus Frédéric, 234.
Smith, Adam, 74, 91, 221, 282.
Sociologie des organisations, 290, 296.
Solow, Robert (paradoxe de), 162.
Statu quo, voir changement.
Stimulation, 45, 56, 57, 63, 83, 101, 104, 234-236, 295
animateur (et), 63
benchmarking (et), 57
construire un mécanisme de stimulation, 56
effet de levier (et), 295
effet domino (et), 101
inquiétude, 120
lien social (et), 56
réseau de distribution, 234-236
stretch goal, 57, 106
voir aussi effet de levier.
Stretch goal
définition, 57
T
Task force, voir effet de levier.
Taylor, Frederick, 167-170, 185, 203, 210, 221, 282, 293, 297, 299
the one best way, 210
voir aussi rationalité.
Taylorisme, 169
approximation taylorienne (et ses limites), 282, 293
après guerre (et), 208, 283
benchmarking, 168
client fournisseur (relation), 192
conseil en management (et), 168, 170
conséquences, 169
CVM, 218
échec, 283, 298
efficacité économique, 210, 298
irresponsabilité (et), 277
Index / 329
knowledge management, 168
management intermédiaire, 168
meilleures pratiques, 168
méthodologies "ambulatoires" (et), 294
paradigme taylorien, 283
pensée industrielle, 169
procédure, 168
processus, 168, 197
progiciel de gestion intégré, 169
reengineering, 168, 203
technologies de l’information, 183
voir Bulle Internet, CVM, logique.
Technologies de l’information
apprentissage, 171, 172
conception et utilisation, 192
gains de productivité (et), 203, 204
restructuration (et), 200
voir aussi Bulle Internet, Nouvelle économie, Reengineering, Taylorisme.
Télécommunication, 82, 133, 195, 241.
Téléphonie, voir télécommunication.
Teligent, 195.
Temps de cycle, voir conseil en management, CVM, mode projet.
Test, voir blocage, décision.
Transformationnel (changement), voir changement, effet de levier.
U
UMTS, voir télécommunications.
Urbanisme (des systèmes d’information)
budget informatique, 181
chaîne de la valeur, 176
définition, 174
invariants, 176
modularisation, 176, 180
système d’information, 179.
V
Valeur (analyse de)
gaspillage (et chasse au), 204
logiciel, 196
pourquoi (demander pourquoi et analyse de la valeur), 191
principes, 192.
Vidéo à la demande, voir Nouvelle économie.
W
Wiener, Norbert, 280.
Index / 331